La Cité
La Cité
La Cité
Pourquoi se rassembler ?
Ce ne sont pas les pierres, ni le bois de charpente, ni l'art des
chapentiers qui font la cité ; mais partout où se trouve des hommes La paix de la cité, c'est la concorde bien ordonnée des citoyens dans
qui savent comment assurer leur salut, là se trouvent les remparts, là le commandement et l'obéissance.
se trouve la cité.
Alcée de Mytilène (fin VII°s av JC) Saint-Augustin (354-430 ap. JC), La Cité de Dieu, XIX, 13 (1)
Platon fait dialoguer Socrate et son élève Adamante L'auteur explique que Dieu a donné « aux hommes l'humanité pour
Socrate : Ce qui donne naissance à une cité c'est, je crois, aimer, pour secourir et pour défendre les autres hommes : c'est le lien de
l'impuissance où se trouve chaque individu de se suffire à lui-même, toute société, que nul ne peut rompre sans se rendre coupable d'un
et le besoin qu'il éprouve d'une foule de choses ; ou bien penses-tu parricide.»
qu'il y ait quelque autre cause à l'origine d'une cité ?
Il poursuit en expliquant que nous sommes tous frères car issus du
Adamante : Aucune 1er homme et oeuvre de Dieu et que Dieu « a ordonné que nous vivions en
Socrate : Ainsi donc, un homme prend avec lui un autre homme pour société et que nous considérions en chaque personne la nature qui nous est
tel emploi, un autre encore pour tel autre emploi, et la multiplicité commune. Nous ne méritons pas d'être assistés si nous refusons d'assister
des besoins assemble en une même résidence un grand nombre les autres.»
d'associés et d'auxiliaires ; à cet établissement commun nous avons
donné le nom de cité. Il expose ensuite d'autres conceptions au sujet de la création d'une cité
(conceptions qu'il rejette)
Platon (V°-IV°s av JC) La République, II, 369b
1ère conception : Certains hommes menaient une vie errante, ne connaissant
ni langage ni loi, ni organisation. Ils étaient la proie des bêtes sauvages et
L'agrégation qui constitue la cité n'est pas une agrégation
ont cherché secours auprès d'autres hommes (leurs tentatives d'échanges
quelconque; mais, je le répète, c'est une agrégation d'hommes
donne alors naissance au langage). Mais la 2ème catégorie d'hommes,
pouvant satisfaire à tous les besoins de leur existence.
quand elle s'aperçut du nombre incroyable d'hommes à protéger, commença
Aristote (IV°s av JC), Politique, VII, 1328b à élever des remparts pour éviter les invasions.
2ème conception : Lactance poursuit : « D'autres auteurs jugent cette
La chose publique est la chose du peuple ; un peuple n'est pas explication fantaisiste et assurent que la cause du rapprochement des
toute agrégation d'hommes formée de quelque manière que ce soit : hommes, ce ne furent pas les morsures des animaux féroces, mais que ce
mais seulement une réunion cimentée par un pacte de justice et une fut leur qualité même d'êtres humains, et qu'ils s'unirent en groupes parce
communauté d'intérêts. La première cause pour se réunir, c'est moins qu'il était de leur nature de fuir la solitude et d'êtres avides de vie commune
la faiblesse de l'homme, que l'esprit d'association qui lui est naturel. et de société.»
Car l'espèce humaine n'est pas faite pour l'isolement et la vie errante.
Lactance, (III°-IV°s ap JC) Institutions divines , VI,10
Cicéron (1er s av. JC), De Republica, I, XXV (39)
Objet d'étude : La cité entre réalités et utopies : «Imaginer la cité idéale : utopies antiques, dystopies modernes, (de l'Atlantide aux récits d'anticipation)»
Le mythe de l'age d'or.
Doc 3. (...) Une autre tradition circule parmi les hommes, disant assurément qu’elle (1) était
Doc 1. D’or fut la première race d’hommes périssable que créèrent les autrefois présente sur la terre ; elle allait à la rencontre des humains, ne dédaignait pas la
Immortels, habitants de l’Olympe. C’était au temps de Cronos, quand il compagnie des hommes et des femmes des vieux âges, s’asseyait au milieu d’eux , bien
régnait encore au ciel. Ils vivaient comme des dieux, le coeur libre de soucis, à qu’immortelle : on l’appelait Justice. [...] On ignorait encore les malheurs qu’engendre la
l’écart et à l’abri des peines et des misères.. [...] Tous les biens étaient à eux : discorde, les chicanes haineuses et le tumulte des combats : on vivait simplement. La mer et
le sol fécond produisait de lui-même une abondante et généreuse récolte, et ses épreuves restait loin de la pensée. Il n’y avait pas encore de navires pour amener des
eux, dans la joie et la paix, vivaient de leurs champs, au milieu de biens sans vivres des pays lointains : le boeuf, la charrue et Justice elle même, régente des peuples,
nombre. dispensatrice des biens légitimes, fournissaient tout avec surabondance.
Cela dura tant que la terre nourrit la race d’or.
Hésiode (poète grec, VIII°s av JC), Les travaux et les jours.
Aratos de Soles (poète grec, III°s av JC), Phénomènes, 1.
Doc 2. Couchés sur des lits de feuillages, (...) ils se régaleront eux et leurs
enfants, buvant du vin, la tête couronnée de fleurs, et chantant les louanges (1) : la Vierge assimilée à la Justice
des dieux ; ils passeront ainsi agréablement leur vie ensemble.
Platon (IV°S av. JC), La République,
Doc 5. Ce roman d'anticipation se déroule à Londres, dans un monde divisé en trois états constamment en guerre : l’Océania,
dont Londres est la capitale, l'Eurasia et l'Estasia.
À l’intérieur de l’appartement de Winston, une voix sucrée faisait entendre une série de nombres qui avaient trait à
la production de la fonte. La voix provenait d’une plaque de métal oblongue, miroir terne encastré dans le mur de droite.
Winston tourna un bouton et la voix diminua de volume, mais les mots étaient encore distincts. Le son de l’appareil (du
télécran, comme on disait) pouvait être assourdi, mais il n’y avait aucun moyen de l’éteindre complètement. Winston se
dirigea vers la fenêtre. Il était de stature frêle, plutôt petite, et sa maigreur était soulignée par la combinaison bleue,
uniforme du Parti. Il avait les cheveux très blonds, le visage naturellement sanguin, la peau durcie par le savon grossier, les
lames de rasoir émoussées et le froid de l’hiver qui venait de prendre fin.
Au-dehors, même à travers le carreau de la fenêtre fermée, le monde paraissait froid. Dans la rue, de petits remous
de vent faisaient tourner en spirale la poussière et le papier déchiré. Bien que le soleil brillât et que le ciel fût d’un bleu dur,
tout semblait décoloré, hormis les affiches collées partout. De tous les carrefours importants, le visage à la moustache noire
vous fixait du regard. Il y en avait un sur le mur d’en face. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende, tandis
que le regard des yeux noirs pénétrait les yeux de Winston. Au niveau de la rue, une autre affiche, dont un angle était
déchiré, battait par à-coups dans le vent, couvrant et découvrant alternativement un seul mot : ANGSOC1. Au loin, un
hélicoptère glissa entre les toits, plana un moment, telle une mouche bleue, puis repartit comme une flèche, dans un vol
courbe. C’était une patrouille qui venait mettre le nez aux fenêtres des gens. Mais les patrouilles n’avaient pas Doc 6. L'usine transformée en monstre dans le film
d’importance. Seule comptait la Police de la Pensée. Métropolis, Fritz Lang. (1927)
George Orwell, 1984, (1948)
1- ANGSOC = socialisme anglais