Mopti Dechets 10 - 10 - 02
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Mopti Dechets 10 - 10 - 02
VOLUME II
Elisabeth Dorier-Apprill
Cécilia Meynet
Modibo Kiré
Cécile Van den Avenne
Programme PSEAU-PDM – AR D08 "Gestion des déchets urbains et aide à la décision municipale. Mopti. Port Novo".UMR Laboratoire Population 1
Environnement Développement. IRD - Université de Provence.
Centre Saint Charles – Case 10. Marseille 13331 cedex 3
Tél 00 33 (0) 4 91 10 85 18 Fax 00 33 (0) 4 91 08 30 36
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LA QUESTION DES DECHETS URBAINS A MOPTI1
1- PRÉSENTATION DE LA VILLE....................................................................................................................4
1-1 Site, situation...........................................................................................................................................4
1-2 Démographie.........................................................................................................................................12
1-3 Profil socio-économique de la population.............................................................................................18
2. LA QUESTION DES DÉCHETS, STRUCTURANTE DE L’URBANITÉ MOPTICIENNE...................................18
2-1 les ordures domestiques au centre de la production du sol et de certains rapports sociaux..................18
2-2 La technique traditionnelle de remblaiement associe déchets et argile.................................................21
3- ÉQUIPEMENTS ET PROBLÈMES D’ASSAINISSEMENT..............................................................................22
3-1 Evaluer la quantité d’ordures produites.................................................................................................22
3-2 Evacuation des eaux pluviales...............................................................................................................24
3-3 Evacuation des eaux usées.....................................................................................................................29
3-4 Excrétas.................................................................................................................................................31
4-MOPTI , ARCHÉTYPE DE LA VILLE SALE ? L’AMBIVALENCE DES MOTS ET DISCOURS....................36
4-1 Entre gêne et habitude : la ville et la saleté au quotidien......................................................................41
4-2 Les causes perçues de la saleté : Pauvreté et incurie politique..............................................................42
CONCLUSION........................................................................................................................................ 123
BIBILOGRAPHIE...................................................................................................................................128
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CHAPITRE 1. MOPTI ET SON ASSAINISSEMENT
1- PRÉSENTATION DE LA VILLE
Mopti, 4ème ville du Mali, capitale de la cinquième région, est située à 650 km au nord-est de Bamako.
Cette commune doit son développement à une remarquable situation à la confluence Niger-Bani à
proximité de l'axe routier qui relie la capitale au nord-est du pays et au plateau de Bandiagara. C'est une
ville portuaire et marchande active, animée par de riches commerçants ; c'est aussi un pôle de migrations
saisonnières de populations rurales et de nomades. Porte du delta intérieur, c'est une ville-refuge, où se
sont fixées des populations démunies du Nord aride, affectées par les épisodes de sécheresses de ces
dernières décennies.
Mopti présente une concentration du bâti inhabituelle en Afrique sahélienne et des densités humaines
exceptionnelles (localement supérieures à 800 hab/ha) car elle se développe sur un site étroit et artificiel.
Il s'agit d'un polder arrimé sur des buttes alluviales du delta, encerclé par des digues de protection, et
bloqué à l'est par l'extrémité de la plaine inondable aménagée en vastes casiers rizicoles.
Le périmètre urbain est physiquement limité par l'eau : la construction du sol urbanisé s'est réalisée par un
travail de remblaiement considérable le long de digues fixées sur cinq petites buttes échelonnées sur une
levée alluviale naturelle du Bani. Les quartiers ont été remblayés et construits les uns après les autres, à
partir de 1910, en s'appuyant sur les tertres où se trouvaient des campements de pêcheurs. Lorsque
l'administration coloniale, puis des commerçants français s'y implantent, les indigènes sont déplacés,
d'abord vers l'actuel quartier commercial. Ensuite ils sont réquisitionnés pour construire les digues qui
enserrent les zones à remblayer, où des lots leur sont attribués. La carte 2 présentent les étapes de
l’urbanisation de Mopti.
Aujourd’hui l’espace bâti couvre un peu plus de 3 km². L'extension urbaine par dépôts d’ordures se
réalise encore de manière active sur les marges humides de la ville : berges du Bani et surtout celles des
bas-fonds inondables qui bordent la ville.
Les contraintes du site bloqué freinent l’extension spatiale de la ville. La morphologie urbaine est
représentative de cette situation, l’habitat est très dense, souvent à étages, caractéristiques que l’on ne
retrouve nulle part ailleurs si ce n’est à Djenné qui est implantée dans un site inondable identique.
Les rues sont également étroites, il n’existe qu’un axe principal, “ le goudron ”, relativement large
(environ 20 mètres) sur lequel se concentre la majorité des trafics routier et piéton, et qui est rejoint par de
nombreuses petites rues perpendiculaires, dont la largeur n’atteint pas 5 mètres parfois et est rarement
régulière d’un bout à l’autre de la rue. De plus, on assiste à une vaste occupation de l’espace public, pour
diverses activités de petits commerces par exemple, mais aussi occupation de la rue comme un
prolongement de l’espace d’habitation réduit : lessive, vaisselle, petits parcs à bétail, lieu de convivialité
(discussion autour des trois thés). A Mopti ville les cours intérieures sont réduites, or c’est dans cet espace
qu’a lieu la plupart des activités “ familiales ” quotidiennes. Par ailleurs, de nombreux locataires sont
logés à l’étage, ce qui explique l’importante occupation et utilisation de l’espace public à titre privé.
Ville jumelle de Mopti, conçue pour désengorger cette dernière, Sévaré, située en zone sèche, présente un
visage très différent (nous pouvons voir la situation d’ensemble de la commune sur la carte 1). Avec une
morphologie urbaine plus “ classique ”, représentative des autres centres urbains du pays et de la sous
région, elle se caractérise par la présence de vastes terrains disponibles, des quartiers lotis dans lesquels
les îlots sont séparés par de larges rues régulières. Aujourd’hui, l’espace bâti de Sévaré couvre un peu
plus de 5 km². L’occupation de l’espace public est moins importante car les cours y sont beaucoup plus
vastes et même si les rues sont des lieux d’installation de petites activités diverses, celles-ci ne gênent pas
la circulation au vue de la largeur de rues (10, 20 ou 40 mètres). Cependant il existe à Sévaré de gros
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problèmes d’évacuation des eaux de pluie, dus en partie à une situation de cuvette à laquelle s’ajoute un
important déficit en infrastructure d’évacuation des eaux.
Les cartes 3 et 4 présentent Mopti et Sévaré dans leur environnement.
Les cartes 5 et 6 illustrent la question d’accessibilité du réseau dans les deux villes. Ces deux cartes
représentent les obstacles (surtout à Mopti) à l’accessibilité des rues. Ces informations et leur
représentation spatiale est intéressante car elle permet de repérer des chemins d’accès pour différents
types de véhicules, charrettes, camions… en fonction de le densité d’occupation et de la largeur des rues.
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CARTE 1 : LA COMMUNE DE MOPTI
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CARTE 2 : LES ÉTAPES DE L’URBANISATION DE MOPTI
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CARTE 3 PRÉSENTATION DE MOPTI
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CARTE 4 : PRÉSENTATION DE SÉVARÉ
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CARTE 5 : L’OCCUPATION DES RUES À MOPTI
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CARTE 6 : L’OCCUPATION DES RUES À SÉVARÉ
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1-2 Démographie
Au dernier recensement de 19982, la commune Mopti/Sévaré compte 80 472 habitants, dont 28 852 à
Sévaré et près de 6000 à Médina Coura. Ces chiffres sont très en deçà des projections qui avaient été
faites dans le Troisième Projet Urbain du Mali datant de 1996 : la population de Mopti Sévaré y était en
effet estimée à “près de 100 000 habitants en 1995 ” (mais sans préciser la méthode de projection). Dans
le Plan Stratégique d’Assainissement de Mopti-Sévaré (de 1996 également), la projection avait été faite à
partir du taux de croissance entre les deux recensements précédents (1976 et 1987), et les prévisions
obtenues étaient de 83 591 habitants en 1994 ; 91 215 en 2000 et 98 095 en 2005.
Ces deux exemples montrent les difficultés d’évaluation de la population et posent la question de la
fiabilité des données des recensements. Nous sommes tentés de penser que les résultats du recensement
sous-estiment la réalité car, d’une part, il est difficile d’obtenir le nombre réel d’enfants et de “ logés ”
dans un ménage, et d’autre part, les “ populations flottantes ” sont nombreuses à Mopti.
Parmi ces populations se trouvent un grand nombre de migrants saisonniers qui se déplacent en fonction
de leurs activités, très étroitement liées au rythme de l’eau. En effet, la ville est constamment soumise aux
variations du niveau du fleuve ce qui entraîne des changements au niveau du paysage, mais aussi au
niveau de la composition urbaine. Les saisonniers sont plus nombreux pendant la saison sèche, période de
sous-activité agricole, les migrants se rendent en ville pour y effectuer des petits travaux de manœuvre
tels le transport de matériaux, la vidange des fosses ou encore le ramassage des ordures.
b) Répartition de la population :
Les données du dernier recensement permettent d’analyser la répartition de la population à deux échelles
différentes : par quartiers et par secteurs d’énumération3.
Les quartiers les plus peuplés à Mopti sont Bougoufié avec un peu plus de 10 000 habitants et Mossinkoré
avec près de 8 700 habitants. Les moins peuplés sont Komoguel 2 et Taikiri. Le faible peuplement de
Komoguel 2 trouve une explication dans la fonction même du quartier, avant tout commerciale et
administrative. A Taïkiri, la question de l’espace disponible est déterminante du peuplement ; en effet,
Taikiri est composé de deux parties : le village4 densément peuplé et le nouveau lotissement (aux
alentours du nouveau stade) qui était encore peu construit et occupé lors du recensement de 1998.
A Sévaré, le secteur 1 regroupe le plus grand nombre d’habitants avec 14 500 individus, le secteur 2 est le
moins peuplé avec seulement un peu plus de 5500 habitants.
L’analyse des densités nous renseigne davantage sur la distribution de la population dans la commune, car
nous pouvons voir sur les cartes 7 à 10 que les quartiers, comme les secteurs d’énumération ont des tailles
extrêmement variées. Les densités sont globalement très élevées à Mopti alors qu’elles sont relativement
faibles à Sévaré.
A l’échelle des quartiers (cartes 7 et 8), Komoguel 1 et Toguel arrivent en tête à Mopti avec des densités
supérieures à 400 hab/ha, ils sont suivis de près par Gangal, Mossinkoré et Bougoufié qui ont des densités
proches de 350 hab/ha.
Les espaces les moins densément occupés sont donc les trois quartiers de Sévaré (entre 35 et 70 hab/ha) et
Komoguel 2 à Mopti (quartier non résidentiel). Ces variations de densité confirment la distinction et le
déséquilibre existant entre Mopti et Sévaré, deux espaces “ opposés ” en terme de morphologie et de
peuplement.
2
Ministère de l’économie et des finances, Direction nationale de la statistique et de l’informatique, “ Répertoire des localités ”, Recensement
Général de la Population et de l’Habitat d’avril 1998, résultats définitifs, janvier 2001.
3
Les SE résultent d’un découpage des quartiers pour les enquêtes du recensement, ils comptent à priori le même nombre d’habitant (1000),
mais tel n’est pas le cas dans la réalité.
4
Un des îlots exondés à l’origine de la création de la ville
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CARTE 7 : DENSITÉS PAR QUARTIERS À MOPTIERROR: REFERENCE SOURCE NOT
FOUND
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CARTE 8 : DENSITÉS PAR QUARTIERS À SÉVARÉ
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L’analyse à l’échelle des secteurs d’énumération (cartes 9 et 10) précise davantage les distorsions de
peuplement et permet de distinguer des espaces plus réduits. A cette échelle, les maxima sont plus élevés :
la densité est proche de 800 hab/ha dans le secteur 009 à Komoguel 1, elle dépasse 500 hab/ha dans une
dizaine de secteurs. Ces densités très élevées s’expliquent par le site bloqué de la ville, la dynamique
démo-spatiale se fait essentiellement par densification du bâti existant (construction de niveaux
supplémentaires, division des chambres). Les hautes densités se répartissent également sur l’ensemble de
l’espace résidentiel.
Les densités sont également plus élevées si l’on observe Sévaré par secteur d’énumération, mais dans une
moindre mesure : la densité ne dépasse 200 hab/ha que dans un secteur et quatre secteurs ont des densités
supérieures à 100 hab/ha. Les espaces les moins denses restent les mêmes à Mopti et à Sévaré : il s’agit
des secteurs les plus récemment lotis, situés de part et d’autre de la route nationale menant à Bamako, tels
le quartier “ Million kin ”.
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CARTE 9 : DENSITÉS PAR SECTEURS D’ÉNUMÉRATION À MOPTI
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CARTE 10 : DENSITÉS PAR SECTEURS D’ÉNUMÉRATION À SÉVARÉ
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1-3 Profil socio-économique de la population
La commune de Mopti présente dans un premier temps une diversité très visible entre Mopti-ville et
Sévaré, par contre les quartiers de Mopti-ville n’offrent pas de différence remarquable ni dans la
morphologie, ni dans leur profil socio-économique. S’il on considère les secteurs d’activité des chefs de
ménages, sur l’ensemble de la commune, la grande majorité se déclare du secteur tertiaire - 49,87 % 5-,
vient ensuite le secteur primaire avec 16,25 %, le secondaire est le moins représenté avec seulement
9,53 % ; il est important de considérer les chefs de ménages qui n’ont pas répondu à la question
concernant leur activité économique car ils représentent près du quart de l’échantillon (24,36 %).
Dans tous les quartiers, cette proportion est la même, ceci peut s’expliquer d’abord par le caractère
dominant du commerce dans l’économie de la ville, à Mopti comme à Sévaré. Cependant, quelques
différences peuvent être soulignées à l’échelle des quartiers : deux quartiers de Mopti-ville ont une
proportion de chef de ménages dans le secteur tertiaire inférieur aux autres quartiers, avec la part du
secteur primaire plus importante : Komoguel 2 et Taikiri. Ces deux quartiers ont également des densités
plus faibles, ces indicateurs permettent de confirmer le caractère encore rural de ces deux quartiers, en
effet Komoguel 2, outre les quartiers administratif et commercial, abrite les villages insulaires de la
commune (Djeneka Daga, Kakolo Daga, Baricon Daga, et Burkina situé dans le Bas fond) et Taikiri qui
est composé du village et du nouveau lotissement aux alentours du stade, mais au moment du
recensement le lotissement était encore peu occupé.
L’accès à l’électricité peut également être considéré comme un bon indicateur du niveau de vie. Sur
l’ensemble de la commune, environ 30 % des ménages s’éclairent avec l’électricité, le reste de la
population utilise majoritairement des lampes à pétrole. Ces chiffres cachent des disparités importantes,
encore une fois les deux quartiers à caractère rural cités précédemment sont ceux dont les taux d’accès à
l’électricité sont les plus faibles avec un peu moins de 10 % pour Komoguel 2 et seulement 1.5 % pour
Taikiri. Sévaré est bien moins desservi par le réseau que Mopti, les trois quartiers ont des taux situés entre
17 et 21 % alors qu’à Mopti dans les cinq quartiers résidentiels, les ménages sont raccordés à l’électricité
entre 40 et 50 %. Ces variations peuvent s’expliquer par un réseau incomplet qui ne concerne pas tous les
espaces habités.
Globalement, il est difficile de percevoir de véritables disparités dans la ville, mis à part les deux quartiers
qui se démarquent par leur dominante rurale. En effet, à Mopti les différentes couches sociales se côtoient
à l’intérieur d’un même quartier, les riches et les pauvres sont des voisins, ceci est particulièrement
remarquable dans le quartier de Bougoufié dont la partie sud est une zone en transformation, des
nouvelles constructions en dur de grands commerçants voient le jour régulièrement à côté des huttes de
migrants saisonniers et permanents. Le même type de situation se retrouve dans le premier quartier, lieu
d’implantation des autochtones et notables locaux, leurs maisons côtoient des espaces occupés par des
populations pauvres (petite construction précaire en banco et en paille).
2-1 les ordures domestiques au centre de la production du sol et de certains rapports sociaux
La question des déchets à Mopti est structurante de l’urbanité. Au sens matériel et historique, tout
5
Tous les chiffres sont extraits du dernier recensement, 1998.
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d’abord, puisque, comme nous l’avons décrit, le développement de la ville s’est fait par poldérisation des
zones inondables, à partir d’un remblaiement constitué principalement d’ordures ménagères. Entamé au
début du siècle dernier, à l'initiative de l'administration coloniale et au moyen du travail forcé, le
remblaiement se poursuit aujourd'hui spontanément selon les mêmes techniques de compactage d'ordures
ménagères (il s’agit surtout de déchets organiques : paille de riz, litières des animaux domestiques-
nombreux en ville- débris alimentaires) et d'argile qui servent de socle au bâti.
Sur le plan d’une certaine “ gestion traditionnelle ” des déchets, Mopti fonctionne donc sur le mode du
recyclage des déchets dans la production de sol à urbaniser.
Jusqu’à aujourd’hui, la quasi totalité des déchets collectés à Mopti, que ce soit par des ’bonnes’, des
tâcherons ou des GIE, aboutit en bordure de la ville, au contact du lit majeur du Bani et des bas-fonds
environnants. Cette ceinture de déchets joue un rôle essentiel dans la dynamique urbaine, puisque c'est
par elle que s'étend l'espace bâti. En général, on ne peut pas vraiment parler de “ dépôts sauvages ”
(même si l’on déplore leur présence à proximité immédiate des maisons) : toutes ces ordures collectées en
ville aboutissent en des points précis où elles servent au remblaiement des berges, selon des stratégies
individuelles ou familiales d’occupation de l’espace. Cette ceinture de déchets est un espace stratégique
du point de vue foncier : les commanditaires du remblaiement sont soit des résidents riverains désireux
d’agrandir leur parcelle, soit des propriétaires de parcelles inondables situées dans les bas-fonds ou du
Bani, et qui désirent les valoriser. Beaucoup de ces parcelles des bas-fonds ayant été vendues selon des
procédures illicites.
Un véritable “ commerce ”, au double sens économique et social du terme, s’organise autour des
ordures. Il structure les rapports entre riches et pauvres, autochtones et allochtones.
Les travaux de ramassage des ordures, de remblaiement (par accumulation de déchets collectés dans la
ville) et de surveillance sont assurés au moins depuis un demi siècle (le phénomène est déjà décrit dans la
monographie de Mopti par Gallais en 1959) par une main d'œuvre dépendante composée de manœuvres
(ou banagariw), en général des Bellas6, migrants saisonniers ou anciens réfugiés de la sécheresse fixés sur
place et prolétarisés7. Leurs huttes sont disposées dans les bas-fonds et sur les rives, sur les dépôts
d'ordures, avant que ceux-ci ne soient consolidés et bâtis, dans les espaces libres entre deux maisons 8.
Nous pouvons voir leur répartition autour de l’espace bâti sur la carte 11.
Les Bellas9 pratiquent diverses activités de survie liées à la production de l'espace urbain : remblaiement
des bas-fonds, extraction du banco et fabrication de briques. Ils entretiennent des liens de dépendance
avec certains notables, basés sur des contrats oraux de l'ordre du patronage : en échange de l’autorisation
d’occuper les remblais situés à l'arrière de la maison de leur "patron", ils assurent des prestations en
travail gratuit une fois par semaine (charriage et compactage d’ordures ménagères en les recouvrant de
couches d'argile fraîche) auxquelles s’ajoutent souvent des redevances fixes, en numéraire.
Une fois le remblai terminé et la construction devenue possible, le campement doit se déplacer. Ce contrat
oral joue sur la condition dépendante traditionnelle des Bellas, ici marginalisés socialement et
spatialement, mais en même temps parfaitement intégrés au fonctionnement du système urbain, puisque
sans eux, la ville ne s'étendrait pas : ils restent étroitement liés à la maison de leur "patron" urbain, à
laquelle ils adossent leurs huttes chaque année à la même saison. "Chaque Bella a sa place" nous dit S.
Fofana, commerçant-grossiste qui patronne plusieurs familles bellas pour remblayer ses parcelles10.
6
Bélas ou Iklans : anciens dépendants cultivateurs des Touaregs.
7
Amselle, 1981 - Harts Broeckuis EJA., De Jong A., 1993- Lohnert B. 1995
8
Aux plus basses eaux (mai-juin), plus d'un millier de huttes peuvent être dénombrées sur les berges de Mopti, dont 600 permanentes. Leur
emplacement peut varier d'une année à l'autre suivant le niveau des eaux ou les accords de remblaiement passés avec les riverains. Enquête
C. Meynet, 1998, complétée par Apprill, 1999-2000.
9
Le terme de bella tend à devenir une catégorie d'assignation urbaine ; du seul fait de pratiquer ces activités jugées dégradantes, ou de vivre
sur les berges, les migrants d'autres origines se font taxer de "bella".
10
Extrait de Dorier Apprill E. (2002), " Gestion de l’environnement urbain et municipalisation en Afrique de l’Ouest : le cas de Mopti
(Mali)", 1 in Du local au mondial, gérer la ville, AUTREPART, n°21, mars 2002, IRD-Ed de l'Aube, pp 119-134.
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CARTE 11 : LES HABITATIONS DES BERGES À MOPTI
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La question des déchets est également structurante de l’urbanité dans un sens identitaire, dans la mesure
où, encore aujourd’hui, la conquête de terres à bâtir sur les espaces inondables, par le remblayage, est
valorisée par les vieilles familles comme le prolongement légitime de l'histoire épique de la création des
premiers quartiers. Elle constitue un élément clé d'une culture urbaine pionnière, revendiquée comme
"mopticienne", facteur de fierté pour des citadins appartenant aux plus vieilles familles de la ville. Ainsi,
ce qui était au départ une relégation (décidée par les autorités coloniales) a été investi de manière
symbolique. Les difficultés évoquées ont consolidé le lien à la concession remblayée, de même qu'elles
font partie de l'histoire commune en partage : les histoires de remblaiement servent de ciment social.11
D’un point de vue architectural, Mopti est caractérisée par la permanence de la construction en banco,
selon des techniques anciennes, qui ont été importées de Djenné. Le style djenneké se lit par ailleurs sur
certaines façades. Le site, exigu et artificiel (où le sol donc est fragile, se tasse facilement), et la cherté des
terrains, exige ce type de construction en hauteur et en terre, également moins onéreuse puisque le
matériau se trouve sur place, même s’il faut plus de main d’œuvre pour construire en banco qu’en ciment
à cause du poids de l’argile.
Mopti a capté une partie du savoir-faire djennekè, non seulement en matière d’architecture et de
maçonnerie, désormais perçu comme un patrimoine mopticien, mais aussi en matière de remblaiement.
Djenné, située sur une levée naturelle en bordure du Bani, s’élève progressivement sur les décombres de
ses anciennes maisons de banco reconstruites régulièrement. Mopti, ville-polder, doit son existence même
au remblaiement. La technique de production du sol à urbaniser, systématisée ici par l’administration
coloniale, fait également partie du patrimoine technique des maçons et entrepreneurs. Elle est vitale : les
maisons construites sur les remblais mal conçus, non gérés, risquent de se fendiller et de s’effondrer.
Selon les maçons, propriétaires de maisons ou manœuvres que nous avons interrogés, l’utilisation bien
dosée d’argile fraîche lourde (extraite du lit du Bani) en alternance avec des couches de déchets est un
gage essentiel de réussite du remblai, à condition de savoir attendre le temps nécessaire avant de
s’engager dans la construction (au moins une saison des pluies pour bien tasser le remblai, puis une saison
sèche pour le sécher).
Les plus fortunés utilisent aussi, comme les autres, les déchets domestiques pour asseoir la base de leurs
maisons, y compris dans le lotissement de “ million kin ”, à Taikiri. Mais ils gagnent du temps en faisant
conditionner les déchets dans des sacs de mil qui seront englobés dans un remblai de terre, et en utilisant
aussi, pour compacter et fixer les déchets, de la latérite (amenée par camion du plateau de Sévaré).
Diverses catégories de déchets urbains ont été mobilisées pour rehausser le niveau du sol dans ce
lotissement tout récent dit “ million kin ” où se dressent aujourd’hui, autour du nouveau stade, de grandes
et riches maisons de notables et commerçants : non seulement les ordures ménagères, mais aussi les boues
de curage des caniveaux, déversés entre 1998 et 2000 par les GIE chargés de l’opération.
11
"En 1955 il y a eu une distribution des lots ici, à Toguel. Malheureusement Toguel est une espèce d'ilôt. La plus grande île se trouve au
centre du quartier, dans la distribution des lots je suis tombé dans l'eau, ça c'est ma chance. Donc il fallait remblayer, il y avait une
profondeur d'à peu près cinq mètres." (B. Sembé, 70 ans. Propos recueillis par C.Meynet, 1999)
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Entretien avec un entrepreneur, propriétaire de 8 maisons
Pouvez-vous nous expliquer la technique pour que le remblai soit suffisamment solide ?
"la pénétration de l'eau de pluie renforce les ordures puisqu'il y a le banco, d'autant plus qu'il y a la latérite sur le
banco. le banco pèse plus lourd que les ordures ménagères, celles-ci se transforment. Rien ne se perd, tout se
transforme- donc, en quoi? en terre !
Au bout de deux ans tu as la terre. Tu augmentes la quantité de latérite, vingt voyages, quand il pleut ça descend, Le
banco se colle aux ordures ménagères. La latérite ne se colle pas, mais le poids de la latérite fait descendre les
ordures ménagères. Il faut toujours respecter le rapport ½ (deux fois plus de banco que de latérite)
La question des déchets n’est donc pas prioritairement perçue, de l’intérieur, comme un problème
environnemental et sanitaire à Mopti. Liée à la question foncière, elle se heurte à une conception de
l’assainissement qui viserait à évacuer les ordures loin de la ville.
Il n’en demeure pas moins que Mopti est perçue au Mali comme l’archétype de la ville sale, moins sans
doute à cause de sa morphologie particulière (l’histoire du site et du remblaiement n’est connu bien
souvent que des Mopticiens et de ceux qui ont travaillé à et sur Mopti) qu’en raison des problèmes
particuliers qu’engendrent le remblaiement : les ordures qui composent les berges et ceinturent la ville
sont en grande part responsables de la difficulté d’écoulement des eaux. Mopti est une ville où l’on se
retrouve plus que dans aucune ville du Mali « les pieds dans la boue ».
Les informations concernant les quantités d’ordures produites dans la commune sont peu fiables, malgré
l’existence d’une bibliographie importante sur le sujet. Les acteurs de l’assainissement n’ont à leur
disposition qu’une synthèse chiffrée à partir d’une enquête d’un bureau d’étude suédois,
“ Ingenjorfirmann Baath ”, effectuée en 1984 ; l’original de cette étude n’est pas en leur possession, la
méthodologie employée n’est pas décrite, cependant ces données sont citées de manière redondante d’un
document à l’autre.
12
propos collectés par E.Dorier Apprill.
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La quantification des ordures dans quelques projets d’assainissement à Mopti
Balfour & Sons, A.C.W.A, 1973, “ Le nettoyage de Mopti Sévaré ”, OMS, PNUD, Bamako. Dans ce
document, les auteurs évaluent la quantité d’ordures produite à partir d’ “ observations faites à Bamako,
confirmées par d’autres villes africaines ” (p.19), mais ces données n’ont pas été vérifiées sur le terrain.
Les auteurs du rapport donnent le chiffre de 1,4 litre par personne et par jour.
FINAH, 1990, Etude sur l’amélioration de l’assainissement à Mopti, 53 pages, annexes. Cette étude
reprend les données du bureau d’études suédois concernant la quantité de déchets (p. 22), qui prévoyait
une quantité de 127,7 m3 par jour, dans la commune, en 1995.
F. Cherel, 1993, “ La gestion de la salubrité à Mopti ”, AFVP, l’auteur présente en annexe un tableau
donnant des chiffres sur la production d’ordures par quartier et par jour (on peut le supposer, mais ce n’est
pas précisé), mais elle ne précise pas les sources de ces informations, au total la commune de Mopti aurait
une production de 138,5 m3. Les quantités présentées sont un peu plus élevées que celles extraites de
l’étude du bureau suédois.
UNIGEO, Progetti, 1996, Plan Stratégique d’assainissement de Mopti Sévaré, Agétipe, République du
Mali. Dans ce rapport, les auteurs ont évalué la quantité d’ordures produites en extrapolant les données
recueillies par le bureau d’études suédois, ainsi que celles du GIE Laabal, auxquelles ils ont ajouté leur
propre “ expérience acquise lors de la visite des lieux ” (pp. 5-5, 5-6) ; la production de déchets est
estimée à environ 0,3 kg par personne et par jour, soit un volume de 0,0008 m3 (avec une densité de
340 kg/m3)
IGIP, CIRA, 1998, Etudes techniques d’aménagement de voirie et d’assainissement dans la commune de
Mopti Sévaré – Avant-projet sommaire, Annexe H : étude environnementale, PDUD, Agétipe,
République du Mali, Bamako. Les données utilisées dans ce document sur les quantités d’ordures
produites, proviennent d’une extrapolation faite à partir des informations du bureau d’études suédois,
ainsi que des prévisions élaborées par Laabal (premier GIE d’assainissement en activité à Mopti), “ des
données officielles n’étant pas disponibles ” (p. 10). Les informations présentées ici sont les mêmes que
dans le plan stratégique de 1996.
a) Enquête de quantification
- méthodologie
Une enquête de quantification des ordures a été réalisée à Mopti et Sévaré au mois de décembre 2001 à la
demande et en liaison étroite avec la Direction des Services Techniques municipaux et la Coordination
des GIE d’assainissement de la ville. Concrètement, la connaissance de la production journalière
d’ordures à Mopti doit servir de référence pour l’évaluation du nombre de bennes nécessaires aux services
techniques municipaux pour l’évacuation de ces ordures issues de la précollecte domiciliaire, pour le
choix du site de décharge.
Le premier objectif de ce travail était d’actualiser les données existantes qui dataient de 1984 13, cette
étude évaluait la quantité d’ordures en 1984 à Mossinkoré à 12.8 m3 par jour, et sur l’ensemble de la
commune à 96.1 m3. Cette même étude prévoyait pour 1995, 15.4 m3 à Mossinkoré et 127.7 m3 à Mopti
Sévaré. Le rapport original de cette étude n’est pas disponible à Mopti ; nous n’en connaissons donc pas
la méthodologie ; et les résultats semblaient discutables selon les responsables locaux de la collecte des
déchets.
Notre travail a donc été mis en place en collaboration avec Mady Bagayoko (Directeur des Services
Techniques municipaux, et participant du programme) ainsi que Amadou Camara (chef de la division
assainissement à la Direction Régionale de l’Assainissement, du Contrôle des Pollutions et des
Nuisances). La méthodologie a été conçue en collaboration avec nos partenaires et a essayé de prendre en
compte au maximum les pratiques des habitants. Pour cela nous avons choisi de quantifier les ordures à
trois niveaux dans la ville :
- les caissons installés par la municipalité
- les GIE qui font le ramassage de porte en porte
- les ménages qui n’utilisent pas les caissons et ne sont pas abonnés à un GIE.14
13
Bureau d’études suédois Ingenjorsfirman BAATH, in FINAH, 1990, Etude sur l’amélioration de l’assainissement à Mopti .
14
Cf. C. Meynet, M. Bagayoko, 2001, “ Méthodologie pour une quantification des ordures à Mopti Sévaré ” 4p
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Les enquêtes ont été menées pendant 6 jours consécutifs par 17 enquêteurs, qui ont travaillé sur six
quartiers de la commune : Mossinkoré, Gangal, Taikiri, Komoguel 1, Sévaré 1 et 2. Ils ont quantifié les
ordures évacuées à partir d’un outil de comptage unique, un seau de 20 litres, ils devaient également
obtenir certaines informations concernant les ménages comme leur lieu d’habitation (numéros de porte et
de rue) et surtout le nombre de personnes composant le ménage.
résultats
Un document sur le traitement de ces données et les résultats obtenus est joint en annexe du premier
rapport méthodologique. Les résultats varient entre 0.002 et 0.01 m3 /pers/j. La moyenne générale de
production d’ordures au niveau des familles est de 0.004 m3 /pers/j ; la moyenne générale relative à la
production des ménages abonnés aux GIE est de 0.0054 m3 /pers/j, ces ménages produiraient donc plus
de déchets que les autres, mais on peut également imaginer que d’autres ménages déposent une partie de
leurs ordures dans la poubelle de leur voisin abonné.
Si on rapporte ces premiers résultats aux données de population, il est possible d’obtenir des chiffres que
l’on peut comparer avec ceux obtenus par le bureau d’études suédois. Les données de population sont
extraites des prévisions faites à partir du Recensement Général de la Population de 1998 15. En prenant
l’exemple du quartier de Mossinkoré, les prévisions pour 2000 donnent une population de 10 323
habitants. Si on se base sur la production moyenne de ce même quartier (0.002 m3 /pers/j), on obtient une
production de 20.6 m3/j sur l’ensemble du quartier ; le bureau d’études suédois prévoyait pour 1995, à
Mossinkoré, 15.4 m3/j.
Sur l’ensemble de la commune les résultats sont également largement supérieurs, si on se sert de la
moyenne de la production sur les six quartiers enquêtés (0.004 m3 /pers/j) on obtient une production
journalière de 327.7 m3 (données antérieures : 127.7 m3) avec 81 929 habitants ; si on prend la moyenne
des familles et des abonnés aux GIE (0.0047 m3 /pers/j), il en résulte une production journalière de 385
m3 sur l’ensemble de la commune.
Les résultats de cette enquête donnent donc une production d’ordures beaucoup plus élevée que celle
estimée par le bureau d’étude suédois ; les partenaires de cette enquête pensent que ces données
correspondent à la réalité.
Dans le cas de Bamako16 la production moyenne par habitants serait de 0.0017 m3 / jour, alors qu’à Mopti
les enquêtes donnent 0,002 m3/pers/j au minimum. La quantité d’ordures produites à Mopti serait donc
plus élevée, mais il est délicat de tirer des conclusions car on ne sait pas comment ont été obtenues les
informations au niveau de Bamako.
L'acuité spécifique du problème de drainage à Mopti est liée aux contraintes particulières du sol urbain,
entièrement artificiel, imperméable et plat. La nappe phréatique est proche de la surface. Les eaux ne
peuvent s'écouler qu'en direction de deux vastes dépressions partiellement artificielles, bas-fonds
surcreusés au moment de l'édification des digues et des remblais.
Tout d’abord, il existe une mauvaise répartition spatiale entre les quartiers à Mopti, que nous voyons
clairement sur la carte 12. Un embryon de réseau de caniveaux se concentre surtout dans les parties
anciennes de la ville, quartiers de Komoguel et de Gangal. Les limites de Komoguel étaient celles de la
ville coloniale où a été aménagé par l'administration de l'époque un réseau complet. A partir de 1960, ce
réseau a été restauré puis étendu à Gangal par le premier Maire natif de Mopti (Bocoum B.). Les
caniveaux de la génération 60 n'avaient pas de moellons et étaient cimentés seulement sur un côté. Ils
manquaient d'entretien, la terre tombait de la paroi non cimentée et remplissait progressivement le fossé 17,
ce qui a entraîné une dégradation rapide de ces ouvrages.
15
Cf. Schéma sommaire d’aménagement de la Commune de Mopti et environs, 2001.
16
Atlas des décharges in http://www.ulg.ac.be/cwbi/projets/atlas/
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Le drainage des quartiers repose sur un double collecteur cimenté et dallé hérité de la période coloniale,
qui longe la voie principale, d'un "grand collecteur" de 870 mètres récemment aménagé sur un
financement du FED18 en plein centre d'un quartier, de quelques kilomètres de caniveaux secondaires
revêtus, mais trop étroits et à la pente trop faible pour être efficaces, et de nombreux petits fossés,
confectionnés par les riverains, certains saisonniers, et qui ne sont répertoriés sur aucun plan. Tous
débouchent aussi sur les pagués. Partout, le manque de déclivité, la trop forte charge sableuse des eaux de
ruissellement liée à l'absence de revêtement des ruelles favorisent une sédimentation des matières solides
qui finit par bloquer tout écoulement. Au total, le réseau ne joue donc guère qu'une fonction de stockage
d'eaux stagnantes et de résidus divers.
A Sévaré, les caniveaux sont quasiment absents du paysage urbain, la grande majorité est creusée ;
cependant, des caniveaux étaient en construction en 2001, dans le cadre du PDUD, nous pouvons repérer
ces infrastructures sur la carte 13. Nous avons pu calculer la longueur totale des caniveaux, elle s’élève
approximativement à 30 km, même chiffre que pour Mopti mais pour un espace presque 2 fois plus vaste.
Le sous-équipement de Mopti en caniveaux est donc indéniable. La longueur totale des caniveaux est
estimée à 30 km19. Les quartiers de Toguel, Bougoufié, Mossinkoré ne bénéficient d’aucun réseau
d’égout. Certaines familles de ces quartiers ont pris l’initiative d’aménager et d’entretenir des caniveaux
privés.
Le désengagement de l’Etat et de la municipalité se perçoit à travers les investissements dans la ville, les
nouveaux caniveaux ont été construits par des intervenants extérieurs tel l’Agétipe, sur financement de la
Banque Mondiale à travers le PDUD (Programme de Développement Urbain et Décentralisation), ou
encore par des membres de la société civile (cf. enquête historique des caniveaux privés). Ces
infrastructures d’assainissement sont complètement absentes de certaines zones nouvellement urbanisées,
telles le lotissement de Taikiri Nord, Bougoufié Sud (où les seuls caniveaux repérés sont l’œuvre de
personnes privées).
17
L'historique est reconstitué à partir de Gallais J. (1967), de Progetti et Unigeo (1996)
18
La section de ce collecteur, revêtu de moellons (1,80m X 1,50m) est en principe suffisante.
19
Progetti et Unigeo, 1996, Groupe huit, 1996 . La dimension du réseau de canivaux a été vérifiée sur le terrain et confirmée par Meynet C.
en juillet 2000
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CARTE 12 : LES INFRASTRUCTURES COLLECTIVES DE DRAINAGE À MOPTI.
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CARTE 13 : LES INFRASTRUCTURES COLLECTIVES DE DRAINAGE À SÉVARÉ.
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3-2-2 Des documents de référence insuffisants et non réalistes
Les plans stratégiques d’assainissement qui se sont succédés de 1974 (Balfour & Sons) à nos jours (Igip,
2001) évoquent tous les problèmes posés par le réseau de drainage insuffisant et mal entretenu ; mais là
encore aucune précision n’est apportée, on ne sait pas quels caniveaux doivent faire l’objet de travaux en
priorité.
L’étude de la documentation sur l’assainissement nous a d’abord permis de constater l’écart existant entre
les informations fournies et les réalités de terrain. L’exemple des caniveaux illustre bien cette situation.
En effet, il existe des plans du réseau de drainage (élaborés par le Groupe Huit pour le Troisième Projet
Urbain en 1996). Ces plans sont disponibles à la DST. Mais si les cartes présentent le réseau (formel)
existant, elles ne présentent aucune indication sur l’état de ce réseau, ni sur la présence de réseaux de
caniveaux privés, informels (rigoles et émissaires cimentés construits par des particuliers, parfois depuis
fort longtemps). Aucune différence n’est faite entre ce qui est fonctionnel et ce qui ne l’est pas, or
l’intérêt se situe t-il dans l’existence du caniveau ou dans la fonction que peut remplir une telle
infrastructure ? Ces documents visent donc à servir de point de départ pour la mise en place de projets,
alors qu’ils ne font pas état des réalités du terrain ; c’est le problème de la fiabilité des données qui se
pose.
Les plans extraits de ce document sont en réalité erronés et incomplets. Nous pouvons prendre comme
exemple le caniveau qui longe le goudron principal à Bougoufié, au niveau de Pont Carré ; en partant vers
Gangal le caniveau est entièrement bouché sur une cinquantaine de mètres, or les plans officiels ne font
pas état de cette réalité. Nous avons pu constater, par des observations de terrain, l’existence d’un réseau
parallèle de caniveaux informels qui n’apparaît pas sur les plans officiels. Ces caniveaux sont l’œuvre de
personnes privées, des notables, souvent de riches commerçants, et se situent généralement dans les zones
peu desservies par ces infrastructures ; or ce réseau “ informel ” est matériellement relié au réseau formel,
il est donc indispensable de le prendre en compte dans le cadre d’opérations de réhabilitation.
Par ailleurs, en regardant la documentation et les multiples projets qui traitent de l’assainissement à
Mopti, on s’aperçoit que la question des caniveaux est abordée de façon très générale, aucune étude
détaillée véritablement utilisables par les services concernés n’a été réalisée à ce sujet ; et lesdits services
(voirie, hygiène) n’ont semble-t-il pas été associés à la collecte des données.
Dans un document produit par l’association Laabal en 1993, intitulé “ projet d’amélioration de la salubrité
à Mopti ” (présenté in F. Cherel, 1993, “ La gestion de la salubrité à Mopti ”, AFVP) il est précisé le
caractère insuffisant des caniveaux et leur mauvais état, mais aucune différence n’est faite entre les
caniveaux, qui ne sont pas tous dans le même état.
De nouvelles enquêtes ont donc été réalisées dans le cadre de la présente action de recherche, et en
collaboration avec la DST et la voirie pour palier à cette carence en informations (le déroulement de ces
enquêtes sera détaillé plus loin).
3-2-2-1 Nécessité d’une enquête et d’un suivi sur l’état des caniveaux
L’absence de sources complètes et fiables sur ce réseau de drainage et les problèmes de stagnation des
eaux qui se posent dans la plupart des rues de Mopti ont amené les responsables municipaux à penser à
l’importance d’un suivi de ces infrastructures. Pour cela nous avons élaboré, avec les partenaires locaux
(agent voyer, président de la coordination) une grille d’enquête qui pourra être réutilisée à tout moment
afin de suivre en temps réel l’évolution et l’état des caniveaux.
Le processus d’enquête est détaillé dans la partie ‘bilan opérationnel’, car c’est une action qui s’est mise
en place à partir des demandes et avec certains membres des services techniques municipaux.
Grâce aux enquêtes menées sur les rues et les caniveaux, il est possible de faire un état des lieux du réseau
actuel. Il est intéressant de pouvoir différencier les caniveaux qui ont des problèmes de fonctionnement,
ceux qui ont une structure dégradée, et ceux qui sont en bon état. Cette séparation permet de classer et
hiérarchiser les actions à mettre en œuvre, par exemple un caniveau à la structure dégradée devra être
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entièrement réhabilité, alors qu’il ne faudra qu’un simple curage pour rendre fonctionnel un caniveau
obstrué.
3-2-2-2 Pratiques
Dans la commune de Mopti, la question de dispositifs d'assainissement (en particulier celle des
caniveaux) constitue une problématique à double facette. L'on arrive à se demander si l'existence de
caniveau n'est pas, autant que la non existence, source de problèmes. Dans les quartiers comme Toguel,
Bougoufé, Mossinkoré, les eaux usées sont en grande partie déversées dans les rues. Les caniveaux de
Komoguel, de Gangal, le collecteur central (à travers Mossinkoré, Toguel) regorgent, en toutes saisons,
d'eaux stagnantes et d'ordures ménagères. L'insalubrité et la pollution de l'espace urbain résultent du
mauvais drainage des eaux usées et vannes, ici en raison du non-fonctionnement des ouvrages, là du fait
du manque total d'ouvrage. Dans l'un ou l'autre contexte, le problème d'hygiène est rendu plus critique
par les comportements des citadins. Face au manque de caniveaux, les ménages des quartiers démunis
déversent les eaux usées dans les rues.
Ailleurs les caniveaux sont transformés par les riverains en poubelles publiques.
On assiste donc à une mauvaise utilisation de ces infrastructures par les citadins, prévues au départ pour
l’évacuation des eaux pluviales, les caniveaux sont utilisés pour déverser les eaux usées, mais aussi les
ordures ménagères. Les ménages riverains des caniveaux s’y sont “ branchés ” en construisant des petites
rigoles qui évacuent les eaux usées de la concession vers le caniveau.
Les conséquences de ces pratiques sont frappantes, la grande majorité des caniveaux est encombrée voire
complètement colmatée. En outre, durant la saison des pluies, les maisons construites la plupart du temps
en banco (mélange de terre, de paille et d’eau) voient leurs murs se détacher, les matériaux se déposent
dans les caniveaux et empêchent les eaux de s’écouler correctement.
D’autres pratiques usuelles participent au dysfonctionnement de ces infrastructures, notamment par le
biais des processus de remblais qui servent à créer des espaces à bâtir. Mais les remblais se font aussi
dans les rues, ce qui entraîne des modifications des pentes du sol, et perturbent l'évacuation déjà aléatoire
des eaux pluviales, usées et vannes par les caniveaux. A certains endroits, les abords de la ville ont une
côte plus élevée que l’intérieur des rues, il en résulte un inversement du sens d’écoulement et une
stagnation des eaux dans les quartiers.
Il existe une sorte de circuit des eaux usées à Mopti-ville : elles partent toutes des concessions et
aboutissent toutes dans le sol que ce soit à l’intérieur (par l’intermédiaire des rues) ou aux abords de la
ville (dans les pagués) ; de plus, il n’existe aucun lieu de traitement des eaux. Par contre, entre la
concession et le sous-sol, les eaux usées suivent différents trajets selon l’équipement et la situation
géographique des concessions (puisard ou non, proximité d’un caniveau ou d’un pagué) :
- de la concession au puisard, du puisard à la barrique du vidangeur individuel, de la barrique au
pagué
- de la concession au puisard, du puisard à la barrique, de la barrique au caniveau, du caniveau au
pagué
Le circuit est parfois écourté lorsque les eaux ne transitent ni par le puisard, ni par le vidangeur
individuel, elles sont rejetées directement dans les rues (rejet manuel) ou dans les caniveaux (par des
petites rigoles reliant la concession au caniveau).
Les pratiques diffèrent donc essentiellement en fonction de l’équipement des ménages et des
infrastructures publiques mises en place, mais aussi selon la situation géographique. A Sévaré, la majorité
des ménages rejettent leurs eaux usées dans les rues directement, compte tenu de l’espace vacant les
problèmes posés par ce type de pratique sont moins importants qu’à Mopti, où les habitants ont davantage
recours au service des vidangeurs individuels.
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3-3-1 Dispositifs
Il n’existe, à Mopti, aucun système collectif d’évacuation des eaux usées. Elles sont généralement
recueillies dans des puisards, système individuel de collecte. Mopti et Djenné apparaissent comme des
villes jumelles de ce point de vue architectural et urbanistique. Partout dans les rues, juste au pied des
murs, le visiteur remarque des ouvrages de maçonneries plus ou moins élaborés, destinés à collecter les
eaux de toilette et les eaux ménagères. Ce sont des puisards. Ils sont conçus dans des matériaux divers,
présentent des formes variées. A Mopti, ils constituent des éléments originaux de l'urbanisme qui
semblent avoir évolué dans le temps et avec la ville. Gallais (1959) n'évoque-t-il pas, en guise de
puisards, des calebasses enterrées pour recueillir les eaux usagées. Ce modèle a aujourd'hui disparu.
Actuellement, la gamme de puisards va du canari enterré dans le quartier de Taïkiri à l’ouvrage bétonné
(quelque fois avec dalle de fermeture en ciment) au quartier commercial, en passant par de simples trous
creusés dans le sol. En principe, ces réceptacles sont vidés régulièrement, lorsqu’ils sont pleins.
3-3-2-Evacuation
a) par vidange
L’évacuation se fait soit par l’intervention de vidangeurs individuels, soit par les domestiques, ou encore
par les enfants de la famille. Mais parfois l’évacuation se fait simplement dans la rue, par gravité, le trop-
plein du puisard se déverse dans la rue, formant ainsi une flaque stagnante dans un creux naturel de la
voie.
Le problème majeur qui se pose est la question du lieu d’évacuation ; les eaux usées sont souvent
déversées dans le grand collecteur (pour les vidangeurs opérant dans la zone), dans le pagué au niveau de
Pont carré, à Bougoufié, ou dans d’autres caniveaux, cela dépend du lieu de vidange ; ce sont des endroits
qui ont été désignés par la mairie, mais les riverains se plaignent.
b) Par gravité
Les caniveaux jouent également un rôle important dans l’évacuation des eaux usées, car bien qu’ils aient
été construits pour l’évacuation des eaux pluviales, ils sont largement utilisés pour éloigner les eaux usées
des concessions. On retrouve un peu partout dans la ville des petites rigoles qui partent des concessions et
rejoignent le caniveau qui passe devant la concession, qui permettent d’évacuer les eaux usées
(essentiellement les eaux de vaisselle et de lessive). Le drain peut être plus ou moins aménagé et stabilisé
par le ciment, mais toujours à ciel ouvert. Bien des fois, c’est une simple rainure dans le sol qui traverse le
vestibule en passant sous les murs. Il aboutit à un caniveau, sinon à un espace anonyme ; l’essentiel étant
d’évacuer les eaux indésirables le plus loin possible de la maison.
Parfois même, les rigoles ne sont pas nécessaires pour évacuer les eaux usées, les enfants ou domestiques
se déplacent jusqu’au caniveau le plus proche pour vider leur sceau, le caniveau est également le lieu
d’évacuation officiel pour les vidangeurs individuels.
On ne peut évoquer la question des eaux usées sans rappeler le contexte d’accès à l’eau potable à Mopti.
Ces deux aspects sont étroitement liés car le développement et la multiplication des branchements vont
entraîner une augmentation des rejets d’eaux usées. D’ailleurs cet aspect de la question est déjà souligné
dans le premier plan stratégique d’assainissement de 1964, époque à laquelle il n’existait pas encore de
réseau d’adduction d’eau à Mopti. Il y est mentionné la nécessité de la création d’un réseau d’égout pour
l’évacuation des eaux usées dont la quantité ne va cesser d’augmenter. Depuis un réseau d’adduction
d’eau potable a été réalisé, le volume d’eau utilisé a augmenté, mais le réseau d’égouts projeté n’a pas vu
le jour.
Le taux de raccordement de la population au réseau d’adduction d’eau n’a pas évolué rapidement, il est
passé de 10 % en 1978 à 17 % en 1995, mais le nombre d’abonnés est passé de 527 en 1978 à 1297 en
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199520. A la fin de l’année 2001, 2910 familles ont un branchement individuel 21. En 1983, la ville de
Mopti disposait de 30 bornes fontaines mais 2 seulement étaient fonctionnelles. A cet égard, une
amélioration importante est intervenue en 1999 avec la réalisation de 49 bornes fontaines dans la
commune de Mopti dans le cadre du PDUD réparties comme suit : 10 BF à Mopti, 8 à Médina-coura ,15 à
Sévaré Nord 16 à Sévaré Sud. Actuellement, on compte 148 BF dans l’ensemble de la commune, dont
105 sont en fonctionnement (62 à Mopti et 43 à Sévaré).
Par ailleurs, ces chiffres cachent certaines réalités qu’il est nécessaire de prendre en compte. En l’absence
de bornes-fontaines et de branchement individuel, une grande partie des ménages ont recours au partage
ou à la revente de voisinage ; d’après A. Morel, A. L’Huissier et V. Verdeil, en 1995, 83 % des habitants
n’ayant pas l’eau à domicile avaient recours à leurs voisins (selon des modalités diverses), et seulement
7 % s’approvisionnaient aux bornes-fontaines. Ces pratiques ont évolué depuis la création et la mise en
service de nombreuses bornes-fontaines dans l’ensemble de la commune, la revente au voisinage est en
baisse.
Par ailleurs, l’EDM a revu ces tarifs en fonction de la consommation, au-delà de 20 m3 par mois le prix
unitaire augmente car ils ont estimé qu’une quantité supérieure signifie que l’abonné pratique la revente.
Actuellement, les mopticiens utilisent majoritairement l’eau du robinet pour leur consommation en eau de
boisson, l’eau des puits est surtout utilisée pour la lessive, la vaisselle et l’abreuvage des animaux. Le
dernier recensement nous donne des informations sur le mode d’approvisionnement à l’eau de boisson,
sur l’ensemble de la commune, 38 % des ménages ont un accès au robinet, un peu plus de 15 % ont
recours à une fontaine publique et près de 36 % utilisent le puits pour s’approvisionner. Ces chiffres
cachent des disparités car près d’une vingtaine de secteurs d’énumération ont des taux d’accès au robinet
supérieur à 60 %, certains dépassant même 80 % à Mopti et Sévaré, par contre le réseau d’adduction
d’eau est quasi absent à Médina Coura où les habitants se servaient exclusivement des puits. Cependant
ces chiffres ont évolué depuis la multiplication des bornes-fontaines dans la commune. L’enquête
ménages de M. Kiré donne des proportions similaires, 81,3 % de l’échantillon a recours à l’eau courante
(robinet et borne-fontaine).
L’évidente et prévisible augmentation de la consommation d’eau par habitant n’a pas été suivie par la
création d’un réseau collectif d’évacuation, la population et la densité ont également augmenté.
Actuellement l’évacuation des eaux usées se fait toujours suivant le système traditionnel, et de nombreux
problèmes de stagnation des eaux se posent.
3-4 Excrétas
La situation générale de l'assainissement, rapportée aux excrétas, laisse à désirer, si l'on dresse un état des
lieux à partir des sources bibliographiques22 et des informations collectées lors des observations de
terrain. Comme pour les eaux usées, l’évacuation des excréta hors de la ville de Mopti se caractérise par
l’absence et/ou la défaillance d’un service municipal organisé à cet effet, la mairie ne disposant plus de
camion-vidangeur (spiros) comme au début des années 90.
Le mode d'évacuation des excrétas repose sur le travail des vidangeurs, associé à une disposition
traditionnelle originale des lieux d'aisance.
La proximité de la nappe phréatique interdit tout système de fosse enterrée dans la majeure partie de la
ville. Le système le plus répandu est celui des latrines en étage, sous lesquelles se situe un réservoir de 2 à
3 m2, au niveau de la rue, doté de murs étanches et épais.
Cette structure des sanitaires constitue une particularité de Mopti, inspirée de l’architecture de Djenné,
mais distincte des autres villes maliennes. Le spectacle des gens accédant aux toilettes situées en hauteur
ont inspiré une appréciation aux auteurs du rapport "Plan stratégique d'assainissement de Mopti-Sévaré
1996". Alors qu'ils font remarquer, peut-être à juste raison, l’insuffisance des latrines publiques pour les
20
A. Morel A L’Huissier, V. Verdeil, 1996, Gestion des Bornes-Fontaines : étude comparative et évaluation des projets réalisées ou en cours
de réalisation. Villes de Kayes, Ségou et Mopti, Cergrene.
21
Entretien avec M. Sissoko, chef de la division distribution eau EDM Mopti, décembre 2001, C. Meynet.
22
Les bibliographies consultées sont les rapports de Unigeo-Progetti (1996), de Ganne B. et Tall R. (1990), de Enda Tiers-Monde (1984)
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marchés et les commerces, ils reconnaissent à la population le mérite d'avoir mis au point un système plus
ou moins sophistiqué de collecte et de récolte des excréta.
Il est possible de distinguer deux types de fosses :
-Les latrines au "rez-de-chaussée" : elles sont faites de fosses "cylindriques" réalisées dans le sol, fermées
chacune par une dalle dans laquelle est aménagée une ouverture (toujours au niveau du sol). Elles sont
encore appelées latrines à fosse ou latrines enterrées. Elles sont généralement localisées dans un coin de la
concession.
-Les latrines à l'étage : Elles sont accessibles à partir d'un toit où est placée l'ouverture du réservoir
emmagasinant les déchets fécaux au ras du sol. La structure des latrines à l'étage rappelle celle d'un
bâtiment à un étage où le rez-de-chaussée tient lieu de réservoir. Celui-ci est une maisonnette close, une
sorte de "chambre noire" percée généralement d’un minuscule trou sur le côté. La fenêtre assure
l’échappement des pressions et des gaz émanant des matières fécales. Ce type de latrine est encore appelé
"latrines-réservoir surélevé23 ".
L’enquête ménages nous indique que 93,2 % des ménages interrogés sont équipés de latrines et 6,3 %
sont sans latrines. Il existe différents types de latrines en fonction de leur situation à l’étage, au sol, ou
système mixte.
Une à deux fois par an il est nécessaire de vider ce réservoir, en perçant le mur de banco qui le sépare de
la rue. Entre 1998 et 2002 le travail était réalisé exclusivement par des vidangeurs artisanaux, le service
de vidange par camion de la Voirie ne fonctionnant plus depuis 1995. 24. La technique consiste à déverser
le contenu de la cuve sur la ruelle ou dans le caniveau éventuellement situé en contrebas de l’orifice , puis
le pelleter dans une barrique-charrette et le transporter aux marges de la ville, sur les berges, ou, parfois,
discrètement, dans les caniveaux du quartier. Cette année, la remise en état du camion, des projets de
nouvelles acquisitions devraient changer la donne pour les secteurs de la ville accessibles aux véhicules
évitant le déversement des matières fécales dans la rue et permettant le choix de lieu de dépotage plus
éloigné des lieux d’habitation.
Si les dispositifs domestiques de stockage sont intrinsèquement bien adaptés au milieu, la densification
urbaine et la généralisation de l'accès à l'eau potable accroissent les volumes d'eaux usées au-delà de leur
capacité. D'autre part, le problème de l'évacuation et du traitement des déchets est préoccupant, car ce
sont toujours les berges et les bas-fonds urbains les plus proches des habitations qui servent de zone de
rejets pour la quasi-totalité des résidus solides et liquides de la ville.
3-4-3 Pratiques liées aux excrétas et risque fécal sur les berges, les îles et les bas fonds de Mopti
25
Enquête menée par C. Meynet, 1998, complétée par Apprill, 1999.
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CARTE 14 : L’OCCUPATION DES BERGES DU PAGUÉ EN BASSES EAUX
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Par ailleurs, les habitants de ces huttes ou les maraîchers et manœuvres du port, ne disposant pas de
latrines, utilisent eux-mêmes le rebord des pagués comme aires de défécation (cf. carte 14). Ces pratiques
génèrent un risque sanitaire évident dans toutes ces zones qui jouxtent des quartiers très densément
peuplés et l'espace commerçant du port fréquenté par toute la population.
Le risque fécal est encore plus élevé dans les quartiers-villages suburbains des berges du fleuve et des îles
où il n'existe aucun accès à l'eau potable. L'eau du Bani et du Niger est le seul contact entre Mopti et ses
dépendances insulaires à l'allure de villages ou "dagas" (campements temporaires bozos). Or ces
quartiers-villages, densément peuplés, ne sont dotés d'aucun équipement de base. Sans adduction d'eau
potable, ils consomment pour la boisson les eaux du fleuve, utilisées aussi, dans ces villages, pour tous les
autres usages quotidiens, notamment la défécation. Pourtant Djenédaga, Kakolodaga, Baricodaga font
bien partie de la commune de Mopti, et leurs habitants, pêcheurs, bateliers, commerçants, vivent de
l'économie urbaine, et aux rythmes de migrations pendulaires vers le marché ou le port26.
26
Enquête menée par S. Bouineau, 1999, Djennédaga et Kakolodaga, deux quartiers non lotis de la ville de Mopti, mémoire de maîtrise,
Paris IV-Sorbonne, 102p.
27
Comité régional de crise pour la lutte contre le choléra, 1995.
28
Enquête Dorier-Apprill, Kiré. Cela ne signifie évidemment pas à coup sûr que les malades aient été contaminés en ville. Notre source est
le carnet de bord aimablement communiqué par le médecin chef de cercle, le Dr Diakité, et où étaient consignés tous les nouveaux cas, avec
l'âge, le sexe et le lieu de résidence habituelle du malade.
29
Si l'on s'appuie sur le recensement de 1987, Toguel -2 cas seulement- est l'un des quartiers les mieux desservis en eau potable et où l'on
rencontre la plus forte proportion de cadres et de fonctionnaires.
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CARTE 15 : EPIDÉMIE DE CHOLÉRA. RÉPARTITION PAR QUARTIER À MOPTI
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Ainsi, le quartier de Djenédaga, pourtant l'un des moins peuplés de la commune (environ 800 personnes
en 1996, selon le recensement communal) rassemble-t-il à lui seul autant de cas que le grand quartier de
Mossinkoré. Djenédaga est un "pseudo-village" spontané, informel, bâti après l'extension du port (1972)
sur un des ultimes remblais de Mopti.
C'est une île en hautes eaux, mais pour accéder à Djenédaga en saison sèche, on peut traverser à pied le
pagué ouest et ses rizières qui se transforment alors en une vaste zone de défécation fréquentée par les
riverains, les voyageurs, les manœuvres du marché. Le quartier ne dispose d'aucun équipement, ni
électricité ni eau, alors que moins de cent mètres le sépare des cloaques du port. Depuis sa création
jusqu'à la dernière épidémie de choléra, les habitants consommaient l'eau du fleuve pour la boisson et la
cuisine. Depuis l'épidémie, ils disent acheter l'eau de boisson auprès des commerçants du port … mais pas
tous, et pas toujours.
On voit d'après toutes les données aujourd'hui disponibles au centre de santé du cercle de Mopti que les
zones de risque et les populations cibles, alors bien identifiées par les services sanitaires locaux, ne sont
pas les zones centrales les plus denses et les plus visiblement "sales" de la ville.
On peut se demander pourquoi sept ans plus tard ce risque n'est pris en compte ni par les politiques
urbaines nationales ou municipales, ni par les études d'experts portant sur l'assainissement de la ville.
Nous avons pu voir précédemment ce que représentent historiquement les ordures pour la ville de Mopti,
il semble donc qu'il y ait deux discours complètement contradictoires à ce sujet, ou plutôt un discours qui
n'obtient aucun écho dans les représentations historiques et les pratiques quotidiennes des habitants.
Emergeant des eaux, Mopti est appelée “ Venise malienne ”. Ce qualificatif, utilisé principalement sur les
affiches touristiques mais également revendiqué par les jeunes sur les murs de leur ville, construit une
image de Mopti comme ville patrimoine, Mopti –plaque tournante du tourisme malien, grâce à sa
situation entre Djenné, pays dogon et delta central- se construit une image de “ belle ville ”.
Cependant, la référence à Venise fonctionne également négativement : prise dans les eaux croupies,
Mopti est au Mali l’archétype de la ville sale, particulièrement dans les discours que tiennent sur elle les
Maliens étrangers à la ville ou étrangers au Mali (touristes ou experts en développement), mais aussi dans
les discours véhiculés par les campagnes de sensibilisation à l’hygiène et la propreté (par exemple celles
menées par l’ONG Action Mopti selon la méthode VRAC).
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Ce discours produit par des instances extérieures à la ville, qui constitue donc un hétérostéréotype, est
souvent repris par les acteurs mopticiens.
La ville de Mopti connaît depuis des années une situation d’insalubrité critique
(manuel de formation des animateurs, Programme de sensibilisation à l’hygiène de l’eau et à
l’assainissement dans la ville de Mopti, Action Mopti)
L’assainissement a de tout temps constitué une priorité à Mopti en raison même de la spécificité de
son site (Amadou Camara, rapport Plan de Développement communal)
C'est vrai que dans la ville de Mopti, c'est sale. Mopti est très sale. On le dit partout que Mopti est
sale. Mais Mopti n'est pas toute seule, il y a beaucoup d'autres villes maliennes qui sont sales
également. Mais pour que les gens comprennent la saleté de Mopti, il faut qu'ils comprennent la
manière dont la ville s'est construite. Mopti est construite sur l'eau. Mopti a été construite avec des
ordures : prendre les ordures, remblayer avec et s'installer, voilà ce qui est le point de départ, la
première lieu qu'on eut les gens pour s'installer.
(Fouseini SY, président du GIE LAABAL, émission Saniya, Radio Jamana)
Mopti est sale, il n’y a pas de ville plus sale que Mopti. C’est surtout sale à cause de la merde (bò), de
l’eau qui vient des toilettes (nyègèneji), de l’eau sale (jinògò) (Fatoumata SANOGO, petite bonne, non
originaire de Mopti, Bougoufié).
Il est repris d’une part dans le discours populaire, parce qu’il permet de se soutraire au jugement de
l’autre. Pratiquant l’auto-critique, les Mopticiens peuvent ainsi ne plus donner prise à la critique
extérieure. La chanson rap “Mopti nogolen don ” (Mopti est sale), composée par un groupe de lycéens et
étudiants de Mopti, permet de donner une illustration de cette reprise du discours commun, elle résume
également les différents éléments du stéréotype (mettant en avant par exemple la question principale de
l’écoulement de l’eau). Reprise du discours commun, cette chanson contribue aussi à le fixer dans la
mesure où elle est instrumentalisée sur les ondes radiophoniques de Mopti en étant très souvent utilisées
dans des émissions de radio traitant des questions d’assainissement :
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Monsieur le maire ne fait rien
Monsieur le gouverneur ne dit rien
Ils montrent même pas un état de vivacité
Dans la cité
La population est presque inerte / C’est le moment de l’alerte
Ils ont construit des caniveaux / Qui ne sont pas au niveau
Les eaux ne coulent pas comme il faut
Avec des millions et des millions financés
Encore pendant l’hivernage / Pour être à la page / Il te faut un petit bateau
Pour traverser la cité
Ou être comme un maître maçon
Dans le banco
Cette reprise du discours d’autre part permet de rejetter la faute sur un agent extérieur, ou de trouver les
causes ailleurs que dans ses propres pratiques. Le Mopticien reconnaît que sa ville est sale mais ne veut
pas en porter la responsabilité. Les causes invoquées sont la pauvreté d’une part, l’incurie des services
publics d’autre part.
Mopti n'est pas sale, c'est la pauvreté. Si tu nous donnes de l'argent, ça va être propre. Mopti n'est pas
sale mais c'est le haut commissaire et le maire qui font rien, ils bouffent l'argent seulement. Mopti
n'est pas sale, c'est ceux qui doivent rendre propre qui ne font rien - ça me fait mal qu'on dise que
Mopti est sale - Mopti n'est pas sale, je n'accepte pas ça. Avec un milliard, on peut rendre Mopti
propre. (Soumaïla GUISSE, brodeur, Toguel)
Le discours sur la ville sale enfin est repris par les notables et les opérateurs parce qu’il a une
fonctionnalité : il permet le montage de projet et la demande de financement autour des questions
d’assainissement. Au Mali, Mopti focalise des projets d’assainissement d’origine extérieure, mais ces
projets peuvent ne pas aboutir, ou dévient de leurs objectifs initiaux (cf. infra, à propos du grand
collecteur de Toguel, ou de la pose de caisssons de dépôt des ordures) mais en ayant parfois un réel
impact économique et social.
Si le discours sur « la ville sale » est un lieu commun, il n’en demeure pas moins qu’il est informé par les
réalités du terrain. C’est la spécificité du site de Mopti, et celle de son architecture, qui engendre un
discours sur la saleté particulier, qui se cristallise autour de la question de l’écoulement de l’eau, de la
boue, et des débordements de puisards. Si l’on observe le lexique utilisé pour décrire la saleté à Mopti, il
est riche en termes décrivant les différents états plus ou moins liquides et plus ou moins putrides de la
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boue. Le terme le plus fréquent et le plus représentatif de la saleté mopticienne étant le terme de jitoli en
bambara ou ndiyam nyoldam en peul, pouvant être traduit par “ eau pourrie ”. Il est à mettre en rapport
avec cette spécificité architecturale qu’est le puisard ou wulu wulu en bambara, et djurwol en peul.
A propos des ordures, il est noter qu’alors qu’il existe plusieurs mots en bambara pour les dépotoirs selon
en fait qu’il s’agit de dépotoirs sauvages ou structurés :
sununkun (dépotoir – terme traditionnel utilisé dans la campagne)
nyamabòyòrò (dépotoir : lieu destiné à recevoir des ordures)
nyamatò (tas d’ordure)
nògòdingè (trou à ordure)
La diversité de ce lexique n’est pas utilisée à Mopti parce que finalement il n’existe qu’une façon
traditionnelle de se débarrasser des ordures : remblayer, et l’usage des ordures pour remblayer bas fonds
ou creux des ruelles est considéré comme une pratique normale et adaptée. Le problème et la gêne ne
portent que sur les dépôts perçus comme sauvages (nyamato), notamment ceux qui se développent à
proximité des caissons implantés par les services municipaux, lorsque ceux-ci débordent et ne sont pas
ramassés.
2. En peul :
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solide liquide matière fécale
mbuudi ndiyam bondam (litt. “ eau mbuttiri (humain) / sobe (animal)
sale ” : eaux usées ; désigne birgi (fumier)
aussi l’alcool) ndogu reedu (litt. “ ventre qui
ndiyam tundudam court ” diarrhée)
ndiyam nyoldam (litt.“ eau
pourrie ”)
Les nuisances
luuba (mauvaise odeur)
bonngu, pl. bowdi (moustique), mbuubu, pl. buubi (mouche)
Lieux
mobtirde mbuudi (litt. “ là où on rassemble les ordures ” dépotoir )
djurwol (trou destiné aux eaux usées, puisard)
fonse (emprunt au français “ fossé ” : caniveau)
datol ndiyam (rigole)
S’opère alors un décrochage dans les représentations entre d’une part, la propreté jèya, de l’ordre du
privé, et référant à l’espace privé (ou considérée comme tel, et/ou considérée comme action concrète
inscrite dans un lieu particulier), et d’autre part, l’assainissement saniya, référant à l’espace public, et mis
en œuvre collectivement, (et/ou considéré comme programme davantage que comme action). Ce clivage
entre deux types de pratiques (privées/publiques) est la clé qui permet de comprendre comment se
construisent les discours autour de cette question, et aussi pour comprendre comment l’assainissement
comme programme devient objet privilégié de discours.
Il semblerait donc, à ce niveau de l’analyse, que les conceptions de l’assainissement soient liées aux
conceptions de l’espace public et aux pratiques de cet espace public.
Ceci rejoint ce que nous avons mentionné précédemment sur les causes invoquées de la saleté : la
pauvreté explique la saleté ou niveau individuel, l’incurie politique explique la saleté des espaces publics.
Par ailleurs, dans les discours, l’assainissement est lié aux infrastructures (égout et caniveaux) mais
également à tout ce qui concerne l’état de la voirie : état des chaussées, encombrement des voies…
L’assainissement est donc moins conçu comme de l’ordre de l’hygiène ou comme étant une question de
santé publique que concernant la “ mise en ordre ” de l’espace urbain.
Les extraits qui suivent rendent compte de ce lien fait entre assainissement et infrastructures :
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Il s'agit du problème de caniveaux au niveau du centre commercial. La mairie et la police sont venues
une fois pour demander aux gens de creuser des caniveaux devant leur magasins, et ont dit qu'ensuite
eux viendront ramasser la terre et les ordures qui en sortiront.
Ainsi il y a eu des volontaires qui se sont exécutés mais malheureusement, on n'a plus revu personne et
la pluie a fini par déverser les ordures enlevées dans les caniveaux. Est-ce normal ? Peut-on parler de
l'assainissement dans ces conditions ?
(auditeur de “ C’est pas normal ”, Radio Jamana)
Le port fluvial de l'Opération Pêche, communément appelé "digue" est le point de convergence de
toute l'activité commerciale à Mopti, mais nous assistons à un calvaire total en ce qui concerne les
infrastructures et l'assainissement. Cette partie de Mopti se trouve en très mauvais état : de la boue,
des trous, sont visibles un peu partout, des ordures entassées devant les magasins.
(auditeur de “ C’est pas normal ”, radio Jamana)
Avant hier nous avons aperçu un homme dans un bulldozer qui en voulant gratter le sol a abîmé tout
le quartier, de sorte que le lendemain, après une grosse pluie, l'eau a stagné et le quartier est devenu
complètement impraticable. Comment pouvez vous comprendre qu'on parle dans ces conditions de
l'assainissement ?
(habitant de Toguel, auditeur de “ C’est pas normal ”, radio Jamana)
Dans notre carré à Sabela, il y a des trous dans tout le carré. En cette période d'hivernage, on ne peut
pas parler d'assainissement tant qu'il y a des trous à travers tous nos carrés. Après chaque pluie, l'eau
stagne dans ces trous, formant de la boue qui rend difficile le passage. La mairie doit apporter du
gravier pour remblayer ces trous.
(auditeur de “ C’est pas normal ”, Radio Jamana)
A sept mois de la CAN rien n'est fait par rapport à l'assainissement et aux infrastructures dans la
ville de Mopti. Jusqu'à présent aucune mesure n'a été prise pour la réhabilitation de l'unique route
principale qui traverse la ville.
(auditeur de “ C’est pas normal ”, Radio Jamana)
Ces discours complexes sur saleté/assainissement dans la ville de Mopti ne se connectent pas toujours à
des pratiques qui témoigneraient d’une gêne ou d’une prise en compte spécifique de la saleté dans la
ville : il est clair qu’au quotidien et dans leurs pratiques, les Mopticiens “ font avec ”, avec la boue, avec
les mouches, avec les fossés stagnants et les puisards qui débordent. Il n’est qu’à voir les gens assis au
bord du grand collecteur de Toguel au “ petit soir ” (ainsi que l’on nomme le moment où le soleil décline,
et où la chaleur baisse) pour comprendre l’habitude de vivre dans cet environnement.
Les discours signalent des nuisances : l’encombrement des voies lorsque les bennes à ordure débordent ou
que l’eau stagne, les odeurs qui empêchent de se tenir assis dehors, et surtout les moustiques, attirés par
les ordures en décomposition. Ces nuisances directes sont citées bien avant les questions de salubrité et de
santé. Par ailleurs, pour avoir commencé nos enquêtes en saison sèche et les avoir finies en saison des
pluies, il est clair que le problème de saleté ne se pose pas de la même manière et ne prend pas de
l’importance au quotidien tout au long de l’année.
Les discours cependant bien souvent sont contredits par les pratiques : si la gêne est évoquée (et est
réelle), l’habitude fait qu’elle n’empêche pas de s’asseoir non loin des tas d’ordures ou des trous d’eau
stagnante.
Cette habitude est d’ailleurs bien souvent évoquée :
Mais même si y a des odeurs ça nous dérange pas, on est habitué
(Soumaïla GUISSE, brodeur, Toguel).
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Et certaines anecdotes rendent compte d’un accommodement avec la saleté… :
L’an dernier pendant l’orage y a quelqu’un qui a laissé tomber son argent là dedans (i.e. : dans le
grand collecteur de Toguel) – et les enfants ils ont plongé d’ici jusqu’au déversoir et ils cherchent –
celui qui gagne un billet il le prend
Ils étaient pas dégoûtés ?!
Ah non y avait l’argent…
(M. FOFANA, commerçant, Toguel)
Le problème d’assainissement devient en fait crucial à Mopti pendant la saison des pluies, l’hivernage.
Les eaux montent, et l’eau de pluie se mêle aux eaux usées, transformant les ruelles non damées et non
drainées en marécage putride.
Pendant l'hivernage, l'eau de pluie vient ici et les gens versent leurs eaux usées. Quand l'hivernage est
fini, c'est fini. Mais là l'eau ne part pas, ça nous fatigue. […] Pendant la saison sèche, on s'assoit de
l'autre côté pour causer (là où l'eau stagne présentement). […] Ici c'est pas sale, c'est juste pendant
l'hivernage. L'eau ça sort du sol, et l'eau de pluie aussi, ça s'ajoute, y a pas d'écoulement pour l'eau.
Mopti même est construit au milieu de l'eau. (A. C., fille du chef de quartier de Mossinkoré)
Si c'est pas pendant l'hivernage, il n'y a aucune saleté ici. […] Pendant l'hivernage, les vidangeurs ne
circulent pas dans les carrés, donc les gens eux-mêmes vident les wuluwulu devant leur porte, parce
que c'est fatiguant (Mama TRAORE, vieille femme vendeuse de savon, Bougoufè).
La saleté à Mopti, la toute première cause, c'est l'absence d'écoulement d'eau. Parce qu'il n'y a pas de
passage d'écoulement d'eau. C'est la toute première cause de saleté parce que l'eau coule et s'il elle
n'a pas de passage, elle stagne et salie l'endroit où elle stagne. Deuxièmement, c'est la faute aux
hommes. Les gens ne font pas ce qu' il leur revient de faire. D'abord, il faut que tout le monde balaie
devant sa porte tous les jours, ou tous les vendredis. De sorte que si toi tu balaies, et que les autres
balaient, partout ça sera propre. Bon, y a une habitude aussi qu'il faut laisser. Certains écopent l'eau
des toilettes et la jettent devant leur porte, on ne peut pas l'éviter. Bon, pour assainir, il faut que l'eau
s'écoule parce que si les eaux usées stagnent ça salit, il faut trouver un moyen pour que ça s'écoule
jusqu'au pagué, pour que ça ne dérange pas les gens. La troisième chose est qu'il y a beaucoup de
plastiques maintenant dans notre pays. Si tu t'arrêtes devant le collecteur, tu le vois plein de
plastiques qui débordent partout. Donc les plastiques sont une des causes de saleté, partout. Il faut
trouver une solution, soit les brûler, soit une autre solution. Mais ce qui complique tout en ce qui
concerne la saleté à Mopti, c'est que les gens n'en font pas leur problème.
(Bamoye TRAORE, entrepreneur, entretien dans l’émission Saniya, Radio Jamana)
Le décrochage entre discours et pratiques n’est pas constant. La CAN 2002 (Coupe d’Afrique des
Nations) dont la préparation a constitué l’essentiel du cadre temporel de nos recherches de terrain s’est
trouvé être le révélateur d’un renforcement des discours sur la saleté connecté à une mobilisation réelle
(campagne de balayages dans les différents quartiers,…).
Ce qui apparaît ici est l’importance d’un événement de prestige où la ville de Mopti risque son renom.
Dans les entretiens, comme dans les émissions de radio revient souvent le problème de la saleté, dans le
contexte de la CAN, qui, comme on le dit en français du Mali, “ gâte le nom ” de Mopti.
partout on dit que Mopti est sale, comme y a des gens qui viennent, on serait heureux si ces gens là
trouvaient la ville propre (chef de village de Taïkiri)
L’événement de prestige suspend, pour un moment, le gommage de l’habitude et du quotidien, par la
possibilité, prise en compte, d’un regard extérieur sur soi. Cependant, nombre de Mopticiens sont lucides
sur l’après CAN et le fait que les initiatives conjoncturelles risquent bien d’être sans lendemain.
Je remarque que le souci de notre ville est de rendre Mopti ville propre d'ici l'organisation de la CAN
2002 car tous les projets pour cette cause prendront fin à la veille de la CAN. On ne parle jamais
d'après CAN. Pour quelle raison ? C'est pas normal. Il faut aussi penser au futur.
(émission “ C’est pas normal ”, Radio Jamana)
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4-2 Les causes perçues de la saleté : Pauvreté et incurie politique
Pour les Mopticiens, la principale cause de la saleté de l’espace public urbain est l’incurie politique. Cela
se connecte à un discours autour de l’assainissement-saniya. Par ailleurs, pour les espaces entre le public
et le privé (les pas de porte, la rue devant la concession), les discours oscillent entre renvoi de la faute sur
les autorités municipales, et auto-justification par la pauvreté.
On peut noter globalement qu’à Mopti chacun se renvoie la responsabilité sur les questions de propreté, et
que cela crée également de nombreux conflits de voisinage. Il n’est pas rare dans l’émission en direct
“ C’est pas normal ” de Radio Jamana qu’un auditeur dénonce l’un de ses voisins.
Auditeur : beaucoup de gens pour se débarrasser de leurs eaux usées ont utilisé des tuyaux qui les
conduisent directement sur le goudron et dans les rues.
Animateur : en connaissez vous des gens qui font cela ? et dans quel quartier ?
Auditeur : quand on longe le goudron au niveau de Gangal avant d'arriver au terrain scolaire, juste à
quelques pas de la famille des wahabites vers la gauche du goudron, il y a une famille contiguë à une
boutique dont les eaux usées sont toujours déversées sur le goudron et le plus souvent on est
complètement trempé par le passage des véhicules. C'est pas normal.
(émission “ C’est pas normal ”, Radio Jamana)
S’appliquant par ailleurs à beaucoup d’autres situations, on retrouve chez différents locuteurs un discours
de la fatalité invoquant principalement la pauvreté. Ce discours est un discours convenu. Mais il est
principalement tenu à moi, interlocutrice occidentale, il est un discours de justification.
La situation qui suit illustre ce type de discours. Elle a été enregistrée lors d’un sillonnage du quartier de
Toguel.
Un homme se tient sur le pas de la porte de sa concession. Ce pas de porte fait directement face à une
grande nappe d'eau stagnante pleine d'ordures. A l’approche de l’enquêteur qui regarde, l’homme dit
"c'est la pauvreté". Il explique que c’est l'eau de leur propre wuluwulu qui stagne là devant la porte : ils
écopent directement le wuluwulu dans la rue, "parce qu'il y a la fatigance". De même qu'ils y jettent leurs
propres ordures, laissant un petit espace pour que l'eau passe. Il dit qu'ils n'ont "pas de moyen pour aller
verser ailleurs - ça me plaît pas mais y a pas de moyen (ie : de moyen financier)" (Ibrahim GUITTEYE,
blanchisseur, Toguel)
De même, cette apostrophe d’un jeune homme jouant aux cartes au bord du grand collecteur de Toguel :
“ Mopti nogolen tè -sègèn bè - n'i wari d'an ma - a bè jè ” (Mopti n'est pas sale, c'est la pauvreté. Si tu
nous donne de l'argent, ça va être propre) (Soumaïla GUISSE, brodeur).
Si la saleté est conséquence de la pauvreté, il s’agit moins d’une pauvreté individuelle que d’un manque
de moyens au niveau collectif, non que l’argent manque pour traiter ces questions mais parce que l’argent
destiné à l’assainissement se perd en route, “ est bouffé ”, dit-on au Mali.
Cette thématique est omniprésente, aussi bien dans les discours que nous avons recueillis, que dans ceux
qui reviennent de façon hebdomadaire dans l’émission “ C’est pas normal ”. Ils témoignent d’un manque
de confiance absolue envers les hommes politiques chargés de ces questions.
Si les Blancs envoient de l'argent, nous on ne voit rien, les chefs seuls voient. La mairie doit faire des
choses mais elle ne fait rien. (Malamine WAGUE, commerçant en gros, Toguel)
Mopti n'est pas sale mais c'est le haut commissaire et le maire qui font rien, ils bouffent l'argent
seulement. Mopti n'est pas sale, c'est ceux qui doivent rendre propre qui ne font rien - ça me fait mal
qu'on dise que Mopti est sale - Mopti n'est pas sale, je n'accepte pas ça. Avec un milliard, on peut
rendre Mopti propre. (Soumaïla GUISSE, brodeur, Toguel)
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“ Mopti ne peut pas être propre parce que le gouvernement ne sait même pas si Mopti fait partie du
Mali. Le travail que la population fait, si la mairie faisait la même chose, on trouverait que Mopti est
la région la plus propre. Tout le travail que la mairie doit faire, c’est la population qui le fait. C’est le
seul problème à Mopti. La mairie veut manger seulement, elle ne veut pas travailler. Chaque fois le
chef de quartier nous appelle, il nous dit qu’on doit avoir tel financement, mais on ne voit rien ” (M.
Samassekou, Komoguel).
“ Toute cette saleté vient du gouvernement car il n'y a pas de caniveau pour l'évacuation des eaux
usées, donc on verse les eaux usées dans les rues ”. (A. Sogoba, ménagère, Mossinkoré).
Dans l’extrait qui suit, un jeune homme assis sur son pas de porte avec d’autres jeunes de son grin,
commente la chance qu’il a de loger dans une rue propre.
Nous on a la chance parce qu'il y a un fossé cimenté. C'est les chefs de famille qui font face, chacun a
fait pour soi. Ce sont des Traoré, des gros marchands de poissons. Tout le monde ne peut pas faire ça,
certains peuvent, d'autres pas.
Si on donne de l'argent pour ça, la mairie va tout manger et on voit rien. Il ne faut pas donner l'argent
à la mairie mais aux habitants même. (Adama TRAORE, jardinier, Bougoufè).
Les locuteurs signalent le décrochage entre pratiques traditionnelles en matière de gestion des déchets et
pratiques nouvelles, imposées par le haut sans concertation de la population. C’est ce décrochage qui
semble être la clé qui permet de comprendre la faillite des projets d’assainissement à Mopti.
Nous dans le temps on n'avait pas de « problème d'ordure », on prenait les ordures pour mettre des
deux côtés de la ville, pour endiguer la ville. Maintenant, on dit, avec la modernisation, de ne pas
utiliser les ordures pour l'endiguement, donc les ordures sont devenues un problème et maintenant
avec les matières plastiques, on ne sait pas où jeter. Y a des endroits qu'on avait réservés comme
petite mare pour les animaux pour qu'ils aillent boire pendant la saison sèche, ça aussi on nous a dit
de ne plus le faire.
Maintenant, ils mettent ça à 500m de la ville, sur les champs, et ils détruisent ces champs là et
empoisonnent l'eau. En fait, la transformation des déchets, personne n'a eu le courage de s'en
occuper. Y a les matières plastiques, les piles, il faut faire un choix, faire un tri et transformer en
compost. Vraiment, les déchets là nous on en a des problèmes.
[…]
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Avant ils arrosaient les champs des gens, les gens payaient, jusqu'à 5000CFA le voyage du camion, si
ils peuvent faire ça gratuit, les gens préfèrent, mais ils ne veulent pas. J'ai vu un homme, son champ
était le meilleur de tous, pas besoin d'engrais, c'est comme ceux qui paient les Peuls pour qu'ils
viennent avec leurs bêtes dans les champs.
(Badara Sammasekou, conseiller municipal et propriétaire de cinéma, Komoguel)
“ Je suis consciente que Mopti est une ville sale, et ces saletés ne viennent que de nos familles, car
quand il y a des enfants ils ramènent n’importe quoi, tel que des vieux sachets plastiques.
Chaque fois on fait de notre mieux, on nettoie chaque jour, mais les enfants ramènent les ordures chez
nous. ” (F. Naciré, ménagère, Komoguel).
La question de l’assainissement à Mopti est liée à des contraintes spécifiques de site géographique et de
morphologie spatiale, qui font du problème de l’écoulement de l’eau en général (eaux de pluie, eaux
usées) la principale nuisance rendant la vie quotidienne dans l’espace urbain difficile. L’assainissement
dans les représentations est donc avant tout liée à la praticabilité de l’espace urbain : les Mopticiens ne se
plaignent pas de la vue des dépôts d’ordures, mais, avant tout d’avoir le “ boubou dans la boue ”, pour
reprendre l’expression du groupe de rap Black Beat.
En ce qui concerne la question spécifique de l’évacuation et du stockage des ordures, les Mopticiens
dénoncent plutôt l’incohérence des directives et initiatives publiques (voir les nombreux conflits et
récriminations au sujet du dépôt de caissons dans les quartiers), et plaident en fait pour la gestion
“ traditionnelle ” des ordures qui consiste en un recyclage radical puisque que les ordures se transforment
en sol sur lequel la ville peut s’étendre.
Les initiatives publiques sont souvent perçues comme venant perturber une gestion “ privée ”
communautaire endogène et fonctionnelle. La conséquence en est parfois un certain laisser aller : la
société civile se décharge sur les services publics de ce qu’elle prenait autrefois en charge, les services
publics étant défaillants, le résultat final est que plus personne ne s’occupe de rien.
Les pratiques quotidiennes à Mopti concernant la gestion des ordures et de l’eau, les représentations sur la
saleté et l’assainissement, ainsi que la manière dont ces pratiques structurent les rapports sociaux dans la
ville révèlent en fait l’inadaptation d’une politique “ par le haut ” en matière d’assainissement, et de la
difficile adaptation locale de décisions prises à un niveau global.
Cependant, même si localement, des solutions adaptées semblent pouvoir être envisagées, Mopti, comme
les autres villes maliennes est interpellée par des modèles globaux de gestion urbaine.
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CHAPITRE 2. LE CONTEXTE INSTITUTIONNEL DE LA GESTION URBAINE
Le Mali peut être considéré comme un "bon élève" de la région ouest-africaine du point de vue du processus de
démocratisation (mené depuis 1991), de décentralisation et de municipalisation (création d'une mission de
décentralisation en 1993, lois de décentralisation en 1996, élections en 1998)30.
Le principe de la libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus est affirmé dans la
constitution de la IIIème République du 12 janvier 1992 (art. 97 et 98). La décentralisation, stipulée par la loi n°
93-008 du 11 février 1993, (Conditions de la libre administration des collectivités territoriales) et le Code des
collectivités territoriales du 27 janvier 1995 au Mali, a entraîné de nombreux changements dans le domaine
législatif et institutionnel : un arsenal juridique adopté le 10 octobre 1996 est venu compléter cette loi, en
prévision des élections locales. Il s’agit notamment de la loi 96-050 sur la constitution et la gestion du domaine
des collectivités; la loi 96-051 déterminant les ressources fiscales des communes ; la loi 96-059 portant création
des communes.
Une structure parapublique appelée Mission de décentralisation (MDD) qui deviendra plus tard, en 1998,
Mission de décentralisation et des réformes institutionnelles (MDRI) est créée dès 1993 afin d’appuyer le
processus en cours avec comme mission principale d’aider à la compréhension et à l’appropriation par toutes
les composantes de la population de cette nouvelle forme d’administration.. Elle a pu obtenir l’appui d’un grand
nombre de partenaires techniques extérieurs (PNUD, FED, Coopération Française, CFD, GTZ, USAID). Sa
mission consistait à permettre la tenue des élections municipales en 1996. Celles-ci n’auront lieu que le 21 juin
1998 pour les 19 communes urbaines. A la fin de son mandat, en 2001, la MDRI a été transformée en Ministère
de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD).
Cependant le transfert effectif des pouvoirs vers le niveau local, celui des municipalités s’est réalisé après une
période de transition ou “ délégation spéciale ” qui a précédé l'organisation des élections municipales, plusieurs
fois retardées, finalement organisées en juin 1998. Pendant cette période transitoire (du 1-8-97 au 24-7-98), les
premiers adjoints du commandant de cercle, fonctionnaires nommés par l'Etat, ont dirigé temporairement les
communes urbaines du Mali.
Depuis juillet 1998 les conseils municipaux élus sont entrés en fonction dans la totalité des communes urbaines
et rurales (les maires sont élus au suffrage indirect).
La décentralisation a pour objectif la gestion rapprochée des affaires de la cité. Des domaines relevant de la
compétence des Collectivités territoriales ont été clairement définis, parmi lesquels l’assainissement,
l’éducation, l’habitat pour ne citer que ceux-là. Comme dans les autres pays de la sous-région, une réforme des
modes de gestion locale des villes se met en place, simultanément à ce processus de changement politique, sous
l’influence directe de la Banque mondiale et des agences qui lui sont liées (ici, l’Agétipe, dont l’unique agence
hors Bamako est celle de Mopti-Sévaré). Elle suscite l’émergence de nouveaux acteurs ou la modification des
responsabilités des acteurs existants.
L’année 2002 présente des enjeux importants pour le pays, qui ont leur part d’impact sur la question de la
gestion de l’assainissement urbain. En janvier et février 2002, le Mali a accueilli la Coupe d’Afrique des
Nations de football (CAN). Conçue non seulement comme une manifestation sportive internationale et comme
l’occasion de valoriser l’image du Mali aux yeux de l’étranger, la CAN 2002 est une manifestation très
populaire, conçue par l’Etat comme le moyen d’accélérer les changements, et de promouvoir des opérations
d’aménagement local. L’effervescence est perceptible dans tout le pays : construction de stades mais aussi de
routes, projets d’assainissement, etc.. Cet événement populaire sera-t-il l’occasion, enfin, d’accélérer la
résolution des problèmes d’assainissement de Mopti ?
Enfin, quelques semaines après le tournoi ont eu lieu les élections présidentielles, programmées le 28 avril et 12
30
Etat de la décentralisation au Mali, PDM, mai 2000, 8p.
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Présidence 31 la République Secrétariat Général de la Présidence, Banque Mondiale, bureau du Mali, Rapport final sur les “ recommandations
mai 2002de , qui ont vu l’élection de ATT, suivies par les législatives qui ont eu lieu les 14 et 28 juillet 2002. Ce
visant a renforcer le programme anti-corruption ”, Bamako, le 4 avril 2002.
double événement politique place le Mali dans un contexte particulier de dénonciation des dysfonctionnements
passés (par exemple la corruption et les dérives dans la passation des marchés publics) 32 et d’aspiration au
renouveau, les campagnes des candidats à la présidence sont comme partout dans le monde, faites de promesses
de changements et d’évolution.
Les prochaines élections municipales sont programmées pour la mi 2003.
A Mopti, ces différents éléments de la conjoncture se croisent et créent une nouvelle dynamique dans la mise en
place de projets et la réalisation d’infrastructures que l’on détaillera plus loin. Le contexte global place ainsi
l’assainissement urbain, longtemps délaissé, au cœur d’enjeux nouveaux.
Trois projets urbains ont été élaborés au Mali depuis la fin des années 70. Le premier projet est lancé en 1979
par le gouvernement malien avec le concours de la Banque Mondiale, il a une durée de vie de 7 ans (1979 –
1986). Ce premier projet avait pour objectif de permettre au gouvernement malien d’offrir à la population la
plus démunie des services urbains à un prix abordable. Le second projet a été mis en place en 1986, pour une
durée de 8 ans (1986 – 1994), il était composé de deux volets principaux qui portaient sur les infrastructures et
équipements de terrains et sur un renforcement institutionnel. Les années 1996-97 sont la période d’études et de
démarrage du 3ème projet urbain du Mali, financé par la Banque mondiale et intitulé significativement PDUD
(voir infra), qui met l’accent sur les capitales régionales, dont fait partie la commune de Mopti.
2-1-2 Le troisième projet urbain du Mali ou Projet de Développement Urbain Décentralisé (17 juin 1997-
31 décembre 2003)
Il est en principe basé sur une politique de décentralisation progressive, visant notamment à réaliser des
investissements dans le secteur urbain des huit capitales régionales.
Les cinq composantes du troisième projet urbain sont les suivantes : le développement des capacités de gestion
des municipalités et de suivi du gouvernement (adressage, fiscalité locale) ; les infrastructures de base dont un
volet est spécifiquement consacré à des études et des actions pilotes d’assainissement à Mopti Sévaré ; la
sauvegarde et valorisation des cités et monuments historiques ; l’alimentation en eau potable à Bamako et
Mopti ; la viabilisation de terrains pour l’habitat à Bamako.
Ce projet est sous tutelle du Ministère de l'Équipement, de l'Aménagement du Territoire, de l'Environnement et
de l'Urbanisme (MEATEU). Le coût total du projet s’élève à 154 millions $ EU (soit 92,4 milliards de F cfa), le
principal bailleur est la Banque mondiale (IDA, 80 millions $ EU soit 48 milliards de F cfa), des coopérations
bilatérales sont impliquées (FAC, AFD, KFW (Allemagne), ICROM) ainsi que des partenaires locaux :
cofinancements du Gouvernement du Mali, des Municipalités, EDM (Energie du Mali), ACI (Agence de
31
L'enjeu de l'élection est la succession du président Alpha Oumar Konaré, qui achève son deuxième et dernier mandat de cinq ans. Parmi les
candidats les plus connus figurent l'ancien chef d'Etat Amadou Toumani Touré, deux anciens Premiers ministres, Ibrahim Boubacar Kéita et Mandé
Sidibé, ainsi que l'ancien ministre Soumaïla Cissé, candidat officiel de l'Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA, au pouvoir). On dénombre
24 candidats. (source AFP)
32
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cession immobilière) et l’ACDI (Agence Canadienne de Développement International). Ce projet a une durée
limitée, il a débuté en juin 1997 et devrait prendre fin en 2003. C’est dans le cadre de ce projet que de
nombreuses actions d’assainissement ont été réalisées, ou programmées à Mopti-Sévaré (réhabilitation de
caniveaux, projets pilotes de tout à l’égout à Mopti).
Créée en 1992, dans le contexte de la décentralisation pour “ stimuler l’emploi, faciliter les procédures de
passation et d’administrations des marchés et dynamiser le secteur privé dans la conception, l’exécution et la
supervision de travaux publics ”, l’AGETIPE (Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public pour
l’Emploi) est un nouvel acteur qui occupe une place centrale dans l’élaboration et la mise en place de la plupart
des projets, et notamment du PDUD ; elle est basée à Bamako avec une seule antenne régionale à Sévaré.
Cet acteur nouveau est étroitement lié à la Banque Mondiale, par lequel transite l’ensemble des crédits alloués.
Comme dans les pays voisins où des structures équivalentes existent, c’est une agence, essentiellement financée
par l’IDA (International Development Association de la Banque mondiale), elle a “le statut d’association
reconnue d’utilité publique et intervient en tant que maître d’ouvrage délégué pour le compte de l’Etat comme
des collectivités territoriales ”33. Cette agence occupe à la fois un rôle de conception et de supervision des
projets mis en place par la Banque Mondiale. Elle a pour mission d’appuyer techniquement les communes pour
la conception, l’exécution et le contrôle de leurs travaux. Son quasi monopole de la gestion des projets entraîne
leur uniformité, les mêmes types de projets sont mis en place dans toutes les villes avec quelques rares
adaptations au terrain.
Dans le domaine de l’assainissement, elle joue un rôle d’intermédiaire entre les communes et les GIE dans la
délégation des marchés publics auprès des opérateurs privés, telles des activités de nettoyage. Dès 1992, elle
passe ses premiers contrats avec des GIE pour des travaux d’assainissement à Bamako. Depuis 1997, l’Agétipe
agit et perçoit ses fonds dans le cadre du PDUD et non plus en relation directe avec l’IDA.
La structure a vu ses activités se modifier et se diversifier à travers le processus de décentralisation qui élève les
collectivités territoriales au rang de maître d’ouvrage délégué par la signature de conventions. Elle est
aujourd’hui chargée de nombreux travaux, pas seulement ceux à “ haute intensité de main d’œuvre ”. Deux
antennes de l’Agétipe existent au Mali, celle de Bamako qui gère les travaux des régions du Sud, Ségou,
Sikasso, Kayes et Bamako et l’agence de Mopti, qui a été créée en 1995, pour s’occuper des régions du Nord,
Tombouctou, Gao, Kidal et Mopti.
Le monopole dévolu à l’Agetipe traduit une méfiance évidente des acteurs internationaux à l’égard des
municipalités et du système administratif malien, dans un contexte marqué par la généralisation de la corruption
à tous les niveaux de la gestion urbaine. “ Le Gouvernement a utilisé le mécanisme AGETIPE pour la gestion
de certains prêts auprès de la Banque Mondiale au profit des communes en estimant que les capacités de
celles-ci ne leur permettaient pas de gérer efficacement les fonds empruntés ” (Diossely Koné, 1999, Synopsis
de dix meilleures pratiques dans le cadre de la réforme du service public malien, Mission de décentralisation et
des réformes institutionnelles, Bamako) 34.
C’est un programme d’accompagnement initié par l’État, mais dont la mise en œuvre n’est encore que très
partielle, quatre ans après les élections municipales (seul le volet formation a vraiment commencé). Il vise à
optimiser les conditions d’une mise en œuvre réussie de la décentralisation. L’objectif principal recherché est le
développement des capacités des collectivités territoriales en matière de maîtrise d’ouvrage et de mobilisation
de ressources financières, à travers des actions de formations des élus et du personnel communal, l’assistance et
le contrôle exercé par l’État à travers ses représentants sur les collectivités locales.
2-2-1 La formation :
Après la mise en place des Communes en 1999, le premier défi à relever était la formation des élus et des
33
Groupe Huit, 1996, Troisième Projet Urbain du Mali, (p. 145)
34
Politique Africaine n°83, 2001, La corruption au quotidien.
35
L’information de la décision municipale. Contextes urbains maliens et béninois. Rapport à mi-parcours élaboré par Claude de Miras et Amadou
Ballo, en collaboration avec Balla Diarra, Moïse Ballo et Yaranga Coulibaly, IRD-CODESRIA, janvier 2002.
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agents communaux à la gestion décentralisée des affaires. La MDRI a donc lancé des programmes régionaux
de formation en décentralisation (PREFOD), confiés à des ONG locales, avec un bilan plutôt mitigé. La
dernière grande action de formation (elle a couvert l’ensemble du pays) a eu lieu en septembre 2001. Elle a été
confiée, à la suite d’un appel d’offres avec termes de référence précis, à une ONG de la place : le Centre de
promotion de la citoyenneté pour le développement durable à la base (CEPROCIDE).
Assuré jusqu’aujourd’hui par diverses agences ou cellules, l’appui technique doit être réorganisé de manière
plus systématique autour d’un réseau de centres de conseils communaux (CCC). Les CCC seront situés à
l’échelle des cercles. L’adhésion d’une commune au CCC est libre et volontaire. Elle nécessite une demande,
l’existence d’un plan de développement triennal et le paiement d’une cotisation annuelle de 50 000 FCFA.
Alors, le CCC assistera la commune dans ces programmes de développement à travers les services techniques
de l’État à hauteur de 80% des coûts. Prévu pour une durée de trois ans (mais pas encore lancé), ce dispositif
vise aussi une meilleure coordination des actions des collectivités territoriales, sous la forme de syndicats
intercommunaux. Mopti s’est dotée cette année (février 2002) d’un plan de développement communal, et la
mise en place d’un syndicat intercommunal regroupant aussi des communes rurales du cercle, est à l’étude.
Actuellement, plusieurs opérations d’appui technique aux capitales régionales, comme par exemple les
opérations d’indexation et d’adressage des rues, ont été assurées par la cellule technique d’appui aux
Communes du district de Bamako. C’est le cas de l’opération d’adressage des rues de Mopti-Sévaré36.
Il se met en place un cadre institutionnel nouveau : l’Agence Nationale d’Investissement des Collectivités
Territoriales (ANICT) qui a pour mission de :
- recevoir et allouer aux collectivités territoriales des subventions destinées à la réalisation des
investissements sous maîtrise d’ouvrage en tenant compte de leur degré de développement ;
- aider les collectivités territoriales à développer les services de proximité rendus à leurs administrés pour la
réalisation d’équipement ;
- garantir les prêts contractés par les collectivités territoriales pour le financement de leurs investissements ;
- assurer la péréquation entre les différents budgets des communes.
L’agence est un établissement public à caractère administratif géré par un conseil composé en majorité de
représentants des collectivités territoriales, et présent sur tout le territoire national sous forme d’antennes
régionales. L’accès au financement de l’ANICT est subordonné à la mobilisation d’une contrepartie financière
par les collectivités. Cette contrepartie est fixée à 20% de la subvention demandée.
Enfin, les différents domaines de la gestion urbaine, devenue communale, étaient réglementés et le sont encore
aujourd’hui, par des documents produits par les services techniques compétents relevant de l’Etat. C’est
pourquoi des directions techniques nationales se sont également délocalisées au niveau régional, comme les
Directions Régionales de l’Assainissement, du Contrôle des Pollutions et des Nuisances (DRACPN),
créées dans toutes les régions du Mali, par le décret 371 du 28 novembre 1998. A Mopti, la DRACPN est mise
en place en 1999. Ces directions techniques dépendent directement du Ministère de l’Environnement, elles sont
chargées de coordonner l’ensemble des programmes d’assainissement de contrôle des pollutions et des
nuisances dans les régions ; elles visent à la diffusion et à l’application dans toutes la région des lois et
règlements en vigueur dans le domaine.
2-2-4 Mise en place de la Direction Régionale de l’Assainissement, du Contrôle des Pollutions et des
Nuisances (DRACPN) à Mopti
Les directions régionales ont été créées à la fin de l’année 1998. Leur mise en place effective sur le terrain s’est
faite un peu plus tard, à Mopti le premier directeur est arrivé le 14 avril 1999. Ces directions dépendent d’abord
de la direction nationale qui est elle-même sous la tutelle du ministère de l’environnement. Leur rôle est dans
un premier temps de faire respecter au niveau régional les lois et règlements nationaux en matière
36
Qui, malheureusement pour nos recherches, n’a été achevée qu’en décembre 2001. Le retard pris par cette opération (2 à 3 ans par rapport à
Bamako, Ségou, Sikasso) nous a obligé a utiliser pour nos enquêtes et cartes des numéros de rues provisoires ; la réalisation de l’index des rues nous
obligera à corriger notre base de données.
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d’assainissement ; “ On est chargé de traduire sous forme de programme les politiques et les stratégies en
matière d'assainissement, du contrôle des pollutions et des nuisances ”37 Il existe des relais au niveau des
cercles, il est dit dans le décret 371 qu'au niveau de chaque cercle et de chaque commune doit être crée un
service ou une antenne d'assainissement.
La direction nationale de l’assainissement du contrôle des pollutions et des nuisances marque la volonté
d’organiser le secteur car auparavant plusieurs structures s’intéressaient à l’environnement et à l’assainissement
(ministère de la santé, de l’hydraulique) sans être en la matière entièrement responsabilisées ; suivant le
principe de décentralisation, les directions régionales ont vu le jour. Les municipalités dans lesquelles elles
s’installent ont déjà leur propre répartition des tâches, la gestion de l’assainissement se partage entre plusieurs
services municipaux, la voirie, le service d’hygiène ; la DRACPN éprouve des difficultés à trouver sa place au
sein de cette organisation, il est nécessaire de procéder à un nouveau partage des responsabilités. Mais des
difficultés de distribution et de coordination des rôles se posent, “ entre la mairie et nous il n'y a pas de cadre
de concertation bien établi ”38 ; ces difficultés sont détaillées ultérieurement.
37
Entretien avec O. Camara, premier directeur DRACPN, juillet 2000, C. Meynet.
38
Entretien avec A. Camara, chef du secteur assainissement DRACPN, décembre 2001, C. Meynet.
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données à l’Office du Niger, on a mis en place une base de données pour gérer l’ensemble des
données au niveau de l’Office.
C’est quand j’étais sur ce schéma directeur, en fin 1999 qu’il y a eu des recrutements au niveau de la
fonction publique. J’ai fait parvenir mon dossier, j’ai même demandé au niveau de la direction quand
même de me laisser un peu de temps pour le schéma pour que je puisse quand même un peu finalisé la
base, ça c’était jusqu’en mars 2000. Ça correspondait avec la fin de la deuxième phase du projet. C’est
en avril que je suis arrivé à Mopti, en même temps je suis quand même reparti à Ségou pour intervenir
sur la base de données, on avait besoin de mettre certaines données à jour et faire des cartes thématiques
aussi. En tout cas jusqu’à présent le bureau d’études continue à me faire appel, mais pour la mise en
place du schéma on a eu à faire des formations pour des cadres de l’Office du Niger, y’a un ingénieur en
génie civil, mais jusqu’à présent il ne semble pas trop maîtriser à fond le logiciel Mapinfo, il se
débrouille un peu, mais il ne peut pas travailler à fond sur la base."39
- La commune de Mopti a été créée en 1953. Elle devient commune de plein exercice en 1955 par application
de la loi du “ 18 novembre 1955 relative à la réorganisation municipale en Afrique et Madagascar ” et modifié
par celle du “ 10 novembre 1956 ”.
- Le coup d’état de 1968 met fin à l’évolution de la commune de Mopti. Le conseil municipal fut remplacé par
une délégation spéciale de 1969 à 1978.
- De 1978 à 1991, la commune de Mopti fut dirigée par un conseil municipal UDPM- parti unique au pouvoir.
- De 1991 à 1992, sous le gouvernement de la transition, le conseil fut remplacé une fois de plus par une
délégation spéciale.
- Depuis fin 1992, avec l’avènement du multipartisme intégral, la commune de Mopti est dirigée par un conseil
à majorité ADEMA parti au pouvoir.
- 1992 : première élection de Me A. K. Cissé
- 1996 – 1998 : délégation spéciale
- 1998 : réélection de Me A. K. Cissé - mi- 2003 : prochaines élections municipales
- le maire
Le maire de la commune est un avocat de la place. Il est Peuhl originaire de Ouromodi, un village situé à
environ 10 km de la ville de Mopti. Il appartient au parti ADEMA, parti majoritaire au pouvoir de 1992 à 2002.
Il est l’un des rares maires à briguer 2 mandats depuis l’avènement de la démocratie au Mali. Il a été élu pour la
première fois en 1992, sa seconde élection a eu lieu en 1998, entre 1996 et 1998 la commune de Mopti a été
gérée par une délégation spéciale, en attendant de nouvelles élections. Il est le président de l’Association des
Maires de la région de Mopti. Il est également membre de l’AIMF- association internationale des maires
francophones.
- le bureau municipal
Le bureau municipal gère les activités quotidiennes de la commune. Il est composé du maire et de ses quatre
adjoints tous de la majorité. Il se réunit tous les vendredis.
Le maire dispose de 9 commissions de travail, à qui il soumet les différents problèmes pour réflexion et
proposition de solution.
- le conseil municipal
Le conseil, organe suprême dans la prise de décision, se réunit ordinairement quatre fois par an. Il compte 29
membres (13 natifs de Mopti, 5 originaires de la région et 11 fonctionnaires et commerçants en service à
Mopti).
On y dénombre par catégorie de cadre :
39
entretien avec A. Camara, le 03/12/01, C. Meynet.
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Catégorie B et C 18 pers. Soit 62%,
Autres (commerçants et notables) 6 pers. Soit 21%.
Contrairement aux autres communes urbaines du Mali, le parti présidentiel (ADEMA) n'a pas la majorité
absolue à la mairie de Mopti avec seulement 11 conseillers sur 31. Certes, le maire et le premier adjoint y sont
affiliés, mais seule une alliance avec les 9 conseillers de plusieurs partis minoritaires (PARENA–RDT-
RAMAT) permet de ramener l'opposition au conseil municipal à 11 membres (opposition issue du groupement
RND- PDP), parmi lesquels des notables influents : un ancien maire, un ancien premier adjoint (natifs de
Mopti), et plusieurs membres des grandes familles les plus impliquées dans la vie économique et les
appropriations foncières.
En conséquence toute la vie politique municipale depuis 1998 est faite de compromis parfois délicats.
Dans ce contexte, les "cadets sociaux" (et particulièrement à Mopti, les jeunes diplômés sans emploi
n'appartenant pas aux familles autochtones) sont amenés à chercher d'autres logiques de légitimité pour
intervenir dans la vie locale. C'est le cas de nombreuses associations loi 1901, dont l’AJDM (association des
jeunes de Mopti). Aucun de ses membres n'appartient aux lignages “ autochtones ” au sens symbolique, mais
tous sont natifs de la ville, et plusieurs sont issus de puissantes familles de commerçants locaux. Tenant des
discours très virulents contre les suudu baaba, ils ont conscience d'incarner cette "société civile" moderne et
émergente dont on parle dans les médias, et qui doit dépasser les clivages anciens, notamment les clivages entre
quartiers… Ils agissent en organisant des manifestations de rue et se sont imposés comme groupe de pression
auprès des notables et le Conseil municipal à propos de toutes les affaires locales : "tous nantis et tous nés à
Mopti nous avons voulu participer au développement et appuyer les structures qui existaient déjà .Il y a des
faits défaillants dans notre ville, il fallait absolument un brassage des jeunes, il fallait que les jeunes de
quartiers différents se donnent la main." (A.K Guitteye)49
46
Même s’ils sont nés dans un rayon de moins de 10 km de la ville
47
Partagées entre une nombreuse parentèle, leurs possessions foncières sont davantage une base d'influence locale qu'une source de revenus.
48
Dans A.M et al. 1992, Langues et métiers modernes ou modernisés au Mali (santé et travail du fer), ACCT- Didier Erudition, coll langues et
développement, 213p.
49
partie publiée dans Dorier-Apprill E. , Van den Avenne C.(2001) . “ La connivence citadine et ses exclus. Le cas de Mopti , ville moyenne du
Mali ”. Annales de la recherche urbaine. Septembre 2001, N° spécial “ les seuils du proche ”, 7p, 2001.
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CHAPITRE 3. ANALYSE DES STRATÉGIES ET DES PROJETS
D’ASSAINISSEMENT A MOPTI
Dans les différents projets et programmes urbains établis à l’échelle nationale, concernant l’ensemble des villes
(cf chapitre 2), il est intéressant de signaler que dans le cas de Mopti-Sévaré le volet assainissement a toujours
été prioritaire. Il n’a cependant pas donné lieu jusqu’en 2001 à des réalisations pérennes. De nombreuses
solutions ont été préconisées au fil des années et des projets, mais aucune n’a jamais vraiment abouti. L’état de
la ville et les problèmes d’assainissement décrits dans les années 60 et 70 restent donc les mêmes aujourd’hui,
aggravés par une densité de peuplement beaucoup plus importante 50. La plupart de ces projets prône des
aménagements lourds des vieux quartiers pour faciliter le ruissellement et l'aménagement de réseaux de collecte
enterrés pour les eaux vannes.
Cependant l’analyse des rapports produits dans le domaine de l’assainissement depuis une trentaine d’années
permet de voir l’évolution des approches. Une distinction doit être faite entre deux types d’études et projets, qui
amènent également à deux perspectives différentes :
- des études menées dans le cadre des projets institutionnels nationaux avec des financements lourds du type
Banque Mondiale, Agétipe.
- des documents produits localement à la demande directe de la municipalité ou par l’intermédiaire de la
coopération décentralisée et qui, quelquefois, viennent en contradiction avec les précédents.
Jusqu’à présent toutes ces études n’ont débouché que sur des réalisations très ponctuelles et dont le
fonctionnement est discutable (grand collecteur, caniveaux du marché du port, toilettes publiques, digue).
Certains événements imprévus viennent parfois infléchir brutalement ou radicaliser les stratégies : comme
l’organisation de la CAN 2002 qui a mis en compétition les villes du Mali entre elles et, plaçant
l’assainissement au cœur des préoccupations, comme un enjeu majeur pour l’image de la ville, a entraîné la
réalisation précipitée de quelques travaux d’aménagement.
En 1967, ce Rapport propose déjà la construction d’un réseau d’égout et recommande la construction de
groupes de WC et de lavoirs à usage collectif. Aucune de ses recommandations n’a été appliquée dans les deux
décennies suivantes. Il faut attendre les années 80 et 90 pour voir la réalisation du grand collecteur de Toguel
(FED) et des latrines publiques dans le grand marché (pas dans les zones d’habitations).
Il a été élaboré en 1974 par Balfour & Sons52, dans le cadre du projet “ Eau et assainissement au Mali ”,
entrepris par le gouvernement du Mali en 1972 et 1973 en collaboration avec l’OMS et le PNUD. Quatre
rapports ont été élaborés dans le cadre de ce programme :
-Nettoyage de Mopti : dans ce rapport a été dressé un inventaire des caniveaux, de leur état et des aires de
drainage de la ville. A la suite du constat de défaillance du système, un programme de nettoyage et de
réparation du réseau a été préparé. Une étude sur les méthodes de ramassage et d’évacuation des ordures a
également été réalisée, à la suite de laquelle des recommandations ont été faites pour améliorer le système. A
chaque fois les coûts de réalisation, les besoins humains et matériels ont été déterminés. Ce document marque
50
SCET, 1962 - Société d'équipement du Mali (SEMA)/FED (1967) - SEMA-Balfour/OMS-PNUD, (1974), UNIGEO-PROGETTI/Agetipe (1996).
51
C’est un avant-projet financé par le FED et réalisé en 1967 par l’association entre la De Weger de Rome et la Société d’équipement du Mali
(SEMA)
52
Balfour & Sons, A.C.W.A, 1974, Plan directeur d’assainissement de la ville de Mopti, OMS, PNUD.
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la première étape de l’assainissement de la ville, qui consiste au nettoyage et à la réparation du réseau de
caniveaux.
-Critères d’assainissement, à partir de différentes enquêtes et analyses : il établit les critères de ruissellement
en fonction des systèmes d’assainissement choisis. Ce rapport était à l’origine prévu pour Bamako,
l’assainissement de Mopti a été ajouté au Projet, le rapport présente donc des recommandations pour les deux
villes. Ce rapport recommande un système séparé pour l’évacuation des eaux de pluie et des eaux usées.
-Rapport organisationnel, une étude de la structure des autorités concernées par les différents domaines de
l’assainissement a été réalisée à partir de laquelle des recommandations sont faites pour renforcer ces
organismes, “ tout en suggérant de nouveaux tarifs et impôts pour couvrir les frais engendrés par les
propositions de cette étude ”. Nous ne sommes pas en possession de ce rapport, en l’occurrence nous ne
pouvons pas donner de plus amples informations à ce sujet.
-Plan directeur, dernier rapport de la série, il reprend l’ensemble des recommandations faites dans les
précédents documents afin d’établir un plan d’action sur vingt ans, divisé en période de cinq ans. C’est dans ce
rapport que sont envisagées des actions à plus long terme telles l’extension du réseau de caniveaux à toute la
ville, la construction de blocs sanitaires, la construction d’un réseau de canalisation d’égouts à Mopti.
C’est un document très détaillé, qui fournit un très bon état des lieux de la situation d’assainissement de la ville
(inventaire de l’existant, analyse des pratiques), à une date donnée.
Ce document se trouve dans les bureaux de la voirie municipale de Mopti. Il est toujours considéré comme une
référence.
Les constatations faites dans ce rapport sur l’état d’assainissement de la ville permettent de réaliser que la
majorité des problèmes qui se pose actuellement à Mopti n’est pas nouvelle et avait déjà été signalée : le
manque d’infrastructures d’assainissement, leur mauvaise répartition et leur état de fonctionnement médiocre ;
le système d’évacuation des ordures quasi inexistant, l’utilisation des ordures pour les remblais.
Une priorité est donnée au quartier de Toguel pour la construction de caniveaux car des inondations
importantes s’y produisaient chaque année entraînant la stagnation des eaux dans les rues avec l’accumulation
de déchets ; les photos présentées dans ce document rendent compte d’un paysage identique à celui que l’on
peut observer encore aujourd’hui. La situation particulière de ce quartier provient en grande partie du non-
respect de certaines obligations de construction par les populations.
En effet, il s’agit d’un quartier bas, son niveau est bien inférieur à celui des digues ; or, le niveau d’inondation
était indiqué par des bornes et il était conseillé aux habitants de construire leur maison au dessus de ce niveau,
mais ce conseil n’a pas été suivi, la plupart des maisons sont donc trop basses. Leur rez-de-chaussée est situé
entre 1m et 2,5 m en dessous du niveau de la crue du fleuve. Ces aménagements préalables étaient pourtant bien
stipulés dans le contrat de vente de terrain, “ le constructeur devait bâtir les maisons de façon à permettre à la
Municipalité de rehausser ultérieurement le niveau des rues ”.53
Pour l’évacuation et le traitement des eaux usées, il est recommandé l’aménagement d’un réseau d’égouts
qui desservirait la totalité de la ville, avec une station de pompage unique qui déchargerait par un seul
réservoir en aval de la confluence Bani Niger.
Pour les ordures, il y est proposé d’étendre le système de pré-collecte municipal existant, qui était limité dans
l’espace, par l’installation de dépôts de transit d’où les ordures doivent être évacuées tous les jours, par camion.
C’est ce principe qui est appliqué actuellement à Mopti et ce depuis deux ans environ, mais les 25 sites de dépôt
prévus à l’époque ne sont pas atteints aujourd’hui. La méthode globale d’élimination des ordures préconisée est
la mise en décharge contrôlée dans le bas-fond “ afin d’aider au remblaiement de cette zone pour le
développement de Mopti ”. Ce projet de décharge contrôlée dans le bas-fond à Mopti, dans le cas du choix de
faire deux décharges, une à Mopti, une à Sévaré, a été repris dans les deux “ Plan Stratégiques
d’Assainissement ” élaborés en 1996 et 200154.
Le coût d’établissement total de ce plan directeur sur 20 ans s’élève à un peu plus de 5 milliards 700 millions de
53
Balfour, 1974, Plan directeur, p.2/16.
54
UNIGEO, Progetti, 1996, Plan Stratégique d’assainissement de Mopti Sévaré, Agétipe, République du Mali ; IGIP, CIRA, 2001, Plan stratégique
d’assainissement (projet pilote) de la ville de Mopti, vol 1 et 2, PDUD, Agétipe, République du Mali, Bamako
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L’Institutmaliens
francs Africain de
etGestion
le coûtUrbaine (IAGU) est un bureau
de fonctionnement d’étude
à un peuetplus
de formation
de 50 sénégalais
millionsspécialisé
(le francdans les questions
malien d’environnement
a à l’époque et de
la même
déchets, notamment les déchets biomédicaux et dangereux. l’IAGU a signé un contrat de partenariat avec le PGU dans le cadre de la mise en œuvre
valeur que le de
de son programme franc CFA
gestion actuel, 1 franc
de l’environnement urbainmalien
en Afrique= de0,01 FF).
l’Ouest Pour
et plus l’entretiensurdes
particulièrement ouvrages
la Gestion il estBiomédicaux.
des Déchets préconisé
l’augmentation
L’IAGU des taxes
propose également existantes
des cycles (taxe
de formation immobilière,
continue surtaxe
à la maintenance sur lesdestarifs
et à la gestion de l’eau
infrastructures pour lescommunaux
et équipements habitations
du
Programme de Développement Municipal (PDM), et notamment sur la question des déchets solides. http://www.iagu.org
branchées au réseau d’égout), création de nouvelles taxes. Pour les frais de construction il est envisagé des prêts
de type IDA ou Banque Mondiale.
application Les différents projets envisagés dans ce premier document devaient être mis en
place sur une période de vingt ans, mais aucune réalisation n’a été faite mis à part le grand
collecteur et quelques caniveaux à Toguel.
Réalisation :
- caniveaux à Toguel et grand collecteur : le collecteur et les amenées ont été
construits en 1995 par l’Agetipe.
- blocs sanitaires au port, …
- caniveaux à Sévaré : Aucun réseau d’égout n’a été réalisé, quelques caniveaux
étaient en construction en 2001, le long des voies principales.
2-1 la définition d’une stratégie régionale sur la question des déchets solides en Afrique de l’ouest : la
déclaration d’Abidjan et le “ réseau africain des professionnels de la gestion des déchets solides ” (ou
waste net)55
Le séminaire d’Abidjan, organisé en février 1996 par le PDM avec l’IAGU 56 et le GREA-AO57 et le PDM
réunit 120 professionnels des déchets ou de la gestion urbaine venus de toute l’Afrique de l’Ouest et notamment
du Mali et du Bénin58. Le séminaire se conclut par la publication d’un “ Plan d’action pour une gestion durable
55
ces informations concernent autant Mopti que Porto-Novo.
56
57
Groupe régional eau et assainissement
58
GREA-AO-PDM-IAGU, Déchets solides en milieu urbain d'Afrique de l'Ouest et Centrale : vers une gestion durable, Dossier de présentation,
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déchets solides en milieu urbain en Afrique de l’ouest et centrale ”, ou “ déclaration d’Abidjan ” et par la
création d ‘un “ réseau africain des professionnels de la gestion des déchets solides ” ou African Waste Net59.
Le but déclaré d’African waste net est de “favoriser la réflexion et l’action des acteurs africains pour concevoir
et mettre en pratique une politique réaliste de gestion durable des déchets dans les villes africaines, selon les
principes de la déclaration d’Abidjan. ” “ African Waste Net concerne de fait l’ensemble des acteurs africains
impliqués dans la gestion des déchets dans les villes d’Afrique, à savoir : les acteurs municipaux, les acteurs
privés, communautaires et associatifs ; les experts et les chercheurs. ”.
L’esprit du projet est de promouvoir de manière pragmatique une “ gestion partagée ” sur la base du double
principe de rationalité gestionnaire et de gouvernance, et ce à travers, d’une part, l’établissement de plans
d’actions municipaux et d’autre part d’une délégation par les municipalités des interventions de terrain au
secteur privé et communautaire.
Le principe 4 de la déclaration affirme que “ La concurrence dans un cadre légal et institutionnel transparent
est source de réduction des coûts, d’innovation, d’émergence et de multiplication de savoir faire. Il doit en
conséquence y être fait recours dans la gestion des déchets solides ”.
La promotion des principes de la déclaration d’Abidjan à travers la sous-région se réalise à travers
l’organisation de tables rondes et séminaires régionaux qui seront l’occasion de sensibiliser acteurs locaux et
bailleurs, et, notamment, de favoriser l’émergence d’acteurs privés, communautaires ou associatifs travaillant
en partenariat avec les municipalités.
Ainsi la table ronde “ Enjeux et perspectives des GIE d’assainissement en milieu urbain au Mali ” organisée à
Bamako en décembre 1996 par la coordination nationale des GIE et animée par le PDM, grâce à l’appui
financier de la Mission locale de la coopération française, est l’occasion de réunir des professionnels africains
venus d’horizons institutionnels et géographiques variés, de leur faire découvrir l’expérience malienne des GIE
(à cette époque, 80 GIE spécialisés dans les déchets solides sont recensés au Mali), et d’élaborer des
propositions et recommandations portant sur la “ gestion concertée ”, le cadre d’intervention des différents
partenaires de la filière, les mécanisme de financement de la filière60.
Le PDM compte alors beaucoup sur la synergie entre expériences africaines et l’assistance mutuelle que
peuvent s’apporter les professionnels.
C’est ainsi qu’à la suite de cette table ronde, un échange est organisé au Burkina Faso entre des professionnels
de Ouagadougou, des acteurs de l’assainissement à Mopti (un responsable du GIE Laabal (voir infra ), de
l’ONG Action Mopti, et le premier adjoint au maire de Mopti chargé de l’environnement) et une consultante du
PDM… Divers autres échanges régionaux et ateliers thématiques sont organisés (notamment à Cotonou, en
décembre 97, avec la création du Waste Net Bénin, dont la liste regroupe actuellement une cinquantaine de
membres à Cotonou61).
Ce rappel permet de mieux comprendre la convergence entre les orientations stratégiques du Mali et du Bénin.
Les trois projets urbains du Mali présentés précédemment évoquaient l’aspect environnemental au sens large,
la question de l’assainissement urbain a pris une importance plus marquée dans le troisième et dernier projet. Il
est important de souligner que les deux premiers projets concernaient essentiellement Bamako, avec une action
à Mopti centrée sur l’enlèvement des déchets et la vidange des eaux-vannes, ce qui confirme à quel point la
question de l’assainissement est cruciale depuis déjà un certain temps à Mopti Sévaré.
A Mopti, le budget –du 3ème PUM - est d’environ 5,6 milliards de F cfa62 et en plus des actions recommandées
dans toutes les autres capitales régionales, il est prévu un volet protection contre les inondations, une partie du
budget sera également consacrée à l’environnement et à l’alimentation en eau potable63.
Une méthode IPIE (Inventaire pour la Programmation des Infrastructures et Equipements) qui se voulait à la
Sur le plan de l’assainissement de Mopti-Sévaré, le 3 ème projet urbain dénonce les projets “ classiques ” trop
onéreux et propose des solutions mieux adaptées à la situation. Pour les ordures ménagères, les auteurs
proposent de se baser sur le système existant (combinaison service public/privé). Selon eux, une dizaine de GIE
(ayant chacun un millier de concessions abonnées) seraient nécessaires pour optimiser la collecte des déchets,
ils envisagent donc une “ adhésion totale ” des populations en la rendant obligatoire. Ce qui paraît très délicat
à mettre en place, connaissant d’une part les pratiques des habitants en matière d’utilisation des ordures
(remblais depuis la création de la ville), et d’autre part le peu de considération et de respect que les habitants
ont envers la municipalité et les règlements.
Simultanément à la mise en place de ce troisième projet urbain, a été élaboré un nouveau “ Plan stratégique
d’Assainissement de Mopti Sévaré ”. Des missions d’identification sur le terrain ont été effectuées par des
experts de la Banque Mondiale pour l’élaboration du troisième projet urbain, les rapports permettent de
comprendre leur positionnement et la démarche entreprise pour le mise en place de ce projet. Dans le dernier
rapport en date de juillet 199665, une mise en parallèle est faite avec le plan stratégique d’assainissement, la
qualité du document est salué, mais les différences d’approche et de solutions préconisées sont également
précisées.
Cette étude a été réalisée par le bureau d’études italien Unigéo Progetti, elle a coûté 94 millions de FCFA.
L'AGETIPE, maître d'ouvrage de l'étude, était assisté par le GREA (groupe régional eau-assainissement
d'Afrique de l'ouest, co-financé par la Banque mondiale et le PNUD).
Il présente la situation de la ville de façon générale mais n’apporte pas d’informations factuelles
supplémentaires par rapport aux études antérieures ; les données ne sont pas détaillées. De manière générale, ce
document prône la complémentarité des secteurs privé et public, le premier serait chargé de “ l’ensemble de la
chaîne de ramassage et d’évacuation des déchets ” par contrat avec la municipalité, alors que le second
“ dispose de l’autorité pour définir et déployer une police sanitaire conséquente (…) il y aura donc
convergence de capacités ” (p.2).
“ L’évacuation des ordures ménagères est un des problèmes sanitaires majeurs de la ville de Mopti Sévaré ”
(p5-3), les pratiques des habitants (remblais, rejets dans les caniveaux) sont considérées de la même façon, mais
aucune tentative d’explication n’est donnée, surtout concernant le remblai des espaces inondés. Le Plan
64
PUM 3, 1996, vol. 1, p.253.
65
TA Thu Thuy, 1996, Contribution environnementale n°1 à la mission d’évaluation, République du Mali, Banque Mondiale, Troisième Projet
Urbain
66
UNIGEO-AIC PROGETTI/Agetipe. [1996], Plan stratégique d'assainissement de la ville de Mopti, 75p + annexes.
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Stratégique prend en compte les pratiques actuelles et préconise un système mixte, public et privé, cependant
les recommandations faites ne sont pas adaptées aux réalités.
Trois solutions sont proposées pour le ramassage des ordures, chacune est présentée avec ses avantages et ses
inconvénients. Les auteurs du plan partent du constat de la quasi absence de gestion collective des ordures
ménagères, mais tiennent compte de l’existence du GIE Laabal qui pratique depuis 1994 la précollecte
domiciliaire.
La priorité est le ramassage et la “ mise en sûreté ” des déchets dans une décharge et hors des habituels
remblais, ce n’est qu’après que pourra être envisagée une éventuelle valorisation.
Le PUM envisage de financer une partie du plan stratégique, à hauteur de 1200 millions de F cfa, les
investissements seront faits à partir des études réalisées dans le cadre du plan stratégique mais après correction
et réorientation des objectifs.
67
Unigeo, Progetti, 1996, Plan Stratégique d’Assainissement de la ville de Mopti, Projet de démonstration, p.3
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Sévaré
Drainage Sévaré 190 millions 250 millions 350 millions
Assainissement Taikiri 150 millions 0
Total 5 490 millions 1 250 millions 1500 millions
Source * **
Le rapport de la Banque Mondiale, lors de la mission d’évaluation, souligne l’insuffisance du plan stratégique
d’assainissement sur la question des ordures, “ le 3ème PU aura comme objectif prioritaire de faire réussir la
gestion durable des ordures ménagères à Mopti-Sévaré, qui conditionne la réussite des autres actions ”. Le
PUM ne souhaite pas s’aventurer dans des investissements trop lourds pour les eaux usées.
Les priorités énoncées sont parfois différentes dans plusieurs domaines d’intervention : par rapport aux ordures
(leur gestion est primordiale pour le PUM) ; concernant les eaux usées (le problème est minimisé par le PUM
car un changement de comportement est prioritaire), le rôle de Sévaré (mis en avant par le PUM), les deux
projets sont d’accord sur l’importance à donner aux campagnes de sensibilisation et de formation.
La première phase du troisième projet urbain ne s’engage pas dans des financements lourds pour
l’assainissement, car il est nécessaire de connaître les retombées du programme de sensibilisation sur le
comportement des citadins préalablement à des investissements plus importants.
Les recommandations de ce projet posent encore la question de l’adaptation aux réalités de terrain, en effet, ils
prônent la création de GIE par une impulsion externe alors qu’un dynamisme local existe déjà, il n’y a aucune
prise en compte des pratiques locales liées aux ordures (techniques de remblais), mais plutôt une volonté de
transposer des modèles de compostage, récupération / transformation…
En 1998, dans le prolongement du plan stratégique, deux bureaux d’études, IGIP et CIRA, réalisent des
“ Etudes techniques d’aménagement de voirie et d’assainissement dans la commune de Mopti / Sévaré ”,
dans le cadre du PDUD.
Les différentes composantes et options présentées dans ce projet sont celles définies par le Plan stratégique
réalisé deux ans auparavant. Il évoque la vidange des fosses et latrines par le camion municipal qui pourtant ne
fonctionne plus depuis quelques années déjà. (cf. p. 9).
Décharge : selon ces études techniques, l’emplacement initialement prévu dans le plan stratégique pour la
décharge contrôlée n’est pas bon, car proche des forages AEP pour l’ensemble de la commune. La meilleure
solution, selon les auteurs, serait une décharge située entre Sévaré et Bandiagara, cependant ils préconisent une
étude spécifique pour déterminer le lieu d’implantation de la décharge.
Pour la gestion des eaux usées, le “ Plan Stratégique ” envisage un système de tout à l’égout, avec le
branchement de toutes les concessions à des caniveaux couverts qui draineraient les eaux vers un unique point
de récolte pour un traitement final (ce projet a évolué suivant différentes versions qui seront plus largement
commentées dans la partie suivante traitant des eaux et des excrétas).
Dans le cadre de ce plan stratégique, un projet de démonstration a été élaboré la même année pour la mise en
œuvre des solutions techniques prévues par le document général. Ce projet concerne les quartiers de
Mossinkoré et Bougoufié, des actions doivent être mises en place dans le domaine des ordures et des eaux
usées. Les priorités sont encore données aux mêmes quartiers anciens, “ réguliers ”, qui ont déjà fait l’objet de
multiples projets, alors que d’autres espaces sont oubliés.
Les travaux PDUD de voirie en cours amélioreront sensiblement le drainage des eaux pluviales. Il s’agit des
caniveaux le long des 5,292km de routes à Mopti, 7,3 km de route et de deux bassins d’orage de 15 000 m3 à
Sévaré.
Un certain nombre de petits projets ont été réalisés dans la commune sans réel changement dans la politique
d’assainissement. Récemment, un plan de développement communal a été élaboré, cette initiative marque une
nouvelle orientation, une volonté de changement d’échelle pour une vision plus globale des problèmes de
gestion urbaine.
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Développement. IRD - Université de Provence.
1- la réhabilitation des toilettes du Port de Pêche de Mopti :
Ce projet est entièrement financé par la mairie de Mopti sur prêt de l'Office Malienne de l'Habitat. il est exécuté
à 100%. son coût est d'environ 16 000 000 FCFA
4- le projet puisards
L’UNICEF est toujours un partenaire potentiel véritablement intéressé par les projets visant à l’amélioration de
l’hygiène dans la commune de Mopti. Cet organisme a déjà financé des projets de puisards dans certaines
communes et est intéressé à en faire autant à Mopti. Un projet de création de 170 puisards à Sévaré a été
élaboré par la Mairie, la DRACPN et la Direction Régionale de la Santé et soumis à l’UNICEF en 2001. La
municipalité et les populations contribueraient à hauteur de 40% environ.
L’UNICEF a été sollicité pour le financement de 75 puisards et le SIAC Maurepas pour 100 ouvrages. Les
quartiers concernés par ce projet sont Sevaré, Medina Coura, Komoguel I et Komoguel II.
Le coût prévisionnel est de 120 000 f cfa pour les puisards de 30 usagers et 100 000 f cfa pour ceux de 15
usagers.
L’ apport de la mairie est de 37 710 f cfa pour les puisards de 30 usagers et 23 535 f cfa pour les puisards de
15 usagers. La contribution de la population ( bénéficiaire directe ) s’élève à 31 425 fcfa pour les puisards de
30 usagers et 19 625 fcfa pour les puisards de 15 usagers.
Le SIAC a donné son avis favorable pour le financement, quant à l’UNICEF, aucune suite n’a été donnée
jusqu’ à présent.
Dans le contexte de la décentralisation, les municipalités sont dotées d’un pouvoir de planification et de
décision qu’elles n’avaient pas auparavant. C’est dans ce cadre là que la commune de Mopti en collaboration
avec certains de ses partenaires (l’ONG Action Mopti, la Coopération Française, le LPE et le PDSU) a décidé
de mettre en place un Plan Décennal de Développement Communal.
Pour cela, l’ensemble des acteurs du développement (élus locaux, opérateurs économiques, services techniques
déconcentrés de l’Etat, partenaires internes et externes et société civile) a été associé à la rédaction d’un projet
et à la tenue d’un forum (février 2002), ce qui révèle “ la volonté politique désormais affichée par les autorités
municipales de faire du développement de la commune une affaire de tous ”69.
Le plan prend en compte la totalité des activités urbaines, présentées de façon sectorielle, cinq secteurs ont été
retenus eux-mêmes divisés en différents domaines. L’élaboration de ce document s’est faite suivant une
démarche participative. Les membres de la municipalité et Action Mopti ont fait appel à des consultants
extérieurs pour la rédaction du document, parmi eux des membres de l'ONG Agat (le DST fait également partie
de cette ONG). Les compétences techniques des acteurs institutionnels ont pu être valorisées à cette occasion,
certains même à titre personnel, tel le chef de la section assainissement à la DRACPN, A. Camara.
Un diagnostic par secteur a pu être fait à partir de l’analyse des documents existants, puis des ateliers
thématiques ont été organisés ; ils ont permis d’approfondir les réflexions et de faire ressortir les priorités de
développement pour chaque secteur à partir desquelles a été élaboré un document provisoire ; ce document a
ensuite été validé par l’ensemble des acteurs puis adopté par le Conseil Municipal.
La question de l’assainissement y est abordée dans le secteur « Aménagement Urbain ». Le problème majeur du
68
Couche état des lieux des caniveaux (degré de détérioration), de leurs dimensions et des matériaux de construction utilisé.
69
PDC, production 2001, p.1
Programme PSEAU-PDM – AR D08 "Gestion des déchets urbains et aide à la décision municipale. Mopti. Port Novo".UMR Laboratoire Population Environnement 63
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domaine “ hygiène et assainissement ” est “ l’insalubrité généralisée ”, l’objectif global des actions prévues
dans le plan est donc l’amélioration de la salubrité dans la commune. Les différentes contraintes rencontrées
dans ce domaine ont été hiérarchisées, les contraintes institutionnelle et organisationnelle ont été placées en tête
avec en première ligne la faible volonté politique.
Cette vision va à l’encontre des recommandations du Plan stratégique de 1996 qui part du principe que la
municipalité possède l’autorité nécessaire pour encadrer le secteur. L’avantage du PDC réside avant tout dans
son aspect participatif et une liberté de ton et de discours qui permet d’avoir une vision proche des réalités.
A partir du diagnostic et de la définition des problèmes, un certain nombre d’activités ont été planifiées pour la
décennie à venir (à partir de janvier 2003). Les actions prévues concernent à la fois l’aspect institutionnel et
organisationnel (cadre de concertation, implication des acteurs, sensibilisation, formation, etc.) ainsi que
l’aspect opérationnel (réhabilitation et réalisation d’ouvrages d’assainissement, dotation en matériel, etc.).
Le coût prévisionnel global de ces activités s’élève à un peu plus d’un milliard de F cfa (1 128 200 000 F cfa).
L’approche du problème est complète mais elle est peu approfondie, il manque en effet un grand nombre
d’informations (toutes ces remarques ont été soulignées lors du forum de présentation en février 2002) : pas de
fiche de projet, pas de détail de mise en place des actions, la répartition des tâches entre les acteurs et les
différents niveaux de pouvoir (Etat, cercle, région commune) n’est pas spécifiée. Par ailleurs, un certain nombre
d’informations existantes n’ont pas été prises en compte (telles les programmes de recherches réalisées ou en
cours). Par ailleurs, les intitulés des actions manquent de précision, le tableau ci-dessus reprend mot pour mot
les termes du document, or il peut se cacher un grand nombre de réalités derrière un vocabulaire
"développementaliste" (cadre de concertation, afficher une volonté politique, viabilisation). Enfin, aucune
précision n'est donnée sur les modes de financement envisagés et envisageables.
L'équipe d’Action Mopti est en train d’intégrer les recommandations du forum. Après cela, une “ table ronde
70
PDC, 2001
Programme PSEAU-PDM – AR D08 "Gestion des déchets urbains et aide à la décision municipale. Mopti. Port Novo".UMR Laboratoire Population Environnement 64
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des bailleurs ” pourra être organisée71. La période de démarrage du PDC a été modifiée compte tenu de la date
prévisible des prochaines élections municipales( 2003- 2012).
La coopération décentralisée a joué un rôle important dans l’élaboration du PDC et dans le financement des
ateliers de préparation et du forum de restitution.
D’autres acteurs incontournables sont à prendre en considération dans ce processus, il s’agit des coopérations
décentralisées.
Ce “ nouveau champ de la solidarité internationale ”72 est relativement récent, les municipalités du nord
s’engagent dans des projets en collaboration avec les villes du sud. Il s’agit de projets locaux établis en relation
directe avec les acteurs du terrain.
- L’AIMF73 : Mopti est membre de l’AIMF depuis l’année 2000. Aucun projet local n’a encore été soutenu
jusqu’à présent par cette association, mais des membres de l’AIMF ont effectué une visite de terrain en mars
2002, pour le financement éventuels de projets du Plan de développement communal. Ils ont manifesté leur
intérêt pour plusieurs projets (huit en tout), dans différents domaines du développement, tels la réalisation d’un
ouvrage d’assainissement (caniveau à Sévaré), la rénovation ou création de douze salles de classe, la
construction d’un Centre de santé communautaire, etc. …
- De nombreux partenariats existent entre Mopti (la municipalité 74, le cercle75 et la région76) et des collectivités
territoriales françaises. Certaines apportent un appui à la commune en matière de gestion urbaine
Il existe un partenariat direct entre la ville française de Maurepas (Yvelines) et Mopti, qui se manifeste
notamment, depuis plusieurs années, à travers l’action de l’ONG Action Mopti (dont le siège est à Maurepas,
mais implantée en permanence à Mopti avec un encadrement et un personnel local) ; elle comporte a un volet
“ Environnement ” et un autre “ Coopération décentralisée et appui à la municipalité ”, et est adossée
généralement sur des principes et recommandations promus par la Coopération française ou le PDM,
(notamment, en matière de déchets, la déclaration d’Abidjan).
Depuis deux ans, Action Mopti travaille en étroite collaboration avec la Direction des Services Techniques de
la ville. C’est dans le cadre de cette collaboration qu’a été élaborée le tout nouveau “ Plan de Développement
Communal ” de Mopti-Sévaré.
L’analyse des documents élaborés par l’intermédiaire de la coopération décentralisée ou des ONG de
développement montre une approche bien différente des grands projets nationaux. Il s’agit de projets de moins
grande envergure, moins coûteux. Certains ont la volonté d’appuyer les initiatives locales, tel est le cas du
rapport de F. Cherel, 1993, “ La gestion de la salubrité à Mopti ”, AFVP. Il s’agit d’un simple rapport de stage
qui présente dans un premier temps les acteurs de l’assainissement puis une enquête sur les pratiques et
représentation des habitants a été menée. La dernière partie est consacrée à la présentation du projet du GIE
Laabal, nouvellement créé qui propose des actions d’assainissement au niveau des ménages (collecte des
ordures, évacuation des eaux usées) et qui marque le début de l’émergence de nouveaux acteurs.
Il s’agit parfois de projets-pilote qui envisagent de mettre en place une action sur une portion d’espace afin d’en
évaluer l’impact et le fonctionnement avant de la généraliser sur toute la ville, détaillés ci-dessous.
71
La date de tenue de cette table ronde n’a pas encore été fixée.
72
M. Raffoul, 2000, “ La coopération décentralisée, nouveau champ de la solidarité internationale ”, Le Monde Diplomatique, juillet 2000, pp. 22-
23.
73
L’AIMF (Association Internationale des Maires et responsables des capitales et métropoles partiellement ou entièrement Francophones) a été
créée le 1er mai 1979, à Québec, à l'initiative de M. Jacques Chirac, alors Maire de Paris. Elle rassemble maires et responsables des capitales et
métropoles où le français est la langue officielle, la langue de communication ou une langue largement utilisée. L’association compte aujourd’hui 99
membres, représentant 45 pays - http://www.aimf.asso.fr/pres/index.html
74
Avec la commune de Maurepas
75
avec le Syndicat d’agglomération de la ville nouvelle de Sst Quentin en Yvelines
76
avec le département de l’Ile et Vilaine.
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b) Exemple des projets de sensibilisation à l’hygiène et l’assainissement
La sensibilisation de la population aux problèmes d’assainissement apparaît essentielle pour accompagner les
différents projets mis en place et assurer leur réussite. Le volet Sensibilisation et Education Environnementales
relève du Service d’Hygiène communal qui s’occupe parallèlement de l’hygiène des denrées alimentaires et de
la police sanitaire à travers toute la ville.
Cependant c’est avec l’appui de l’ONG Action Mopti que des véritables programmes de sensibilisation et
d’éducation environnementales ont repris. En 1997, il existe au sein de l’ONG un “ Programme de
sensibilisation à l’hygiène et à l’assainissement dans la commune de Mopti ”, il s’agit d’un manuel de
formation aux techniques d’animation et de sensibilisation pour les animateurs internes ou extérieurs à la
structure. Il s’appuie sur la méthode VRAC (Voir, Réfléchir, Agir, Communiquer), qu’ils expliquent à l’aide de
dessins représentant des scènes de la vie quotidienne. Cette méthode a été plusieurs fois utilisée pour les
activités de sensibilisation dans les écoles.
Suivant ce même objectif de sensibilisation, l’ONG a organisé en 1999 un concours “ ville propre ” entre tous
les quartiers. Le but était de mobiliser les quartiers contre l’insalubrité, de les équiper en petits matériels et
surtout d’inculquer aux populations un réflexe et un engouement pour l’assainissement. Le montant investi
s’élèvait à environ 15 millions de francs CFA (matériels, prix et autres), le financement a été pris en charge par
le SCAC (Ambassade de France) sur FSD (Fonds Solidarité Développement).
Mais l’engouement a cessé après les prix. Les petits matériels donnés aux quartiers n’ont pas été entretenus ni
renouvelés, aujourd’hui peu de quartiers sont dotés de matériel suffisant pour les petites actions
d’assainissement.
Le problème est que ces campagnes de sensibilisation sont rarement accompagnées de changements au niveau
des infrastructures urbaines d’assainissement. Les moyens dont disposent les habitants sont toujours les mêmes,
même s’ils sont conscients de la nuisance causée par leurs pratiques, ils n’ont pas les moyens concrets d’en
changer. Par exemple le rejet des eaux usées dans les rues ou dans les caniveaux est justifié par l’inexistence de
lieux de rejets spécifiques pour ces déchets. Par ailleurs, les populations sont encore aujourd’hui persuadées que
les caniveaux ont été construits comme un réseau d’égout, pour l’évacuation les eaux usées. Il en résulte un
discours stéréotypé des habitants calqué sur les séances d’IEC (Informations, Education, Communication), qui
désigne les ordures et les eaux usées comme des causes de maladies, mais leurs pratiques ne correspondent pas
à leur propos.
Actuellement, un nouveau projet de “ Sensibilisation de la population en hygiène et assainissement ” est en
train de se mettre en place, il s’agit de former un certain nombre de personnes qui serviront de relais pour faire
passer les informations au niveau des quartiers. Le choix des personnes bénéficiaires de la formation montre la
volonté de toucher l’ensemble de la population (les femmes par le biais des femmes relais, les jeunes par
l’intermédiaire des pairs-éducateurs, etc.). Il est prévu de former 100 “ relais ” en technique de communication
et en en hygiène et assainissement. Par ailleurs, trois autres méthodes de sensibilisation doivent être mises en
place : l’organisation de conférence-débats dans les quartiers et radio de proximité ; l’organisation de journées
de salubrité ; une plus large diffusion des lois et arrêtés en matière d'hygiène et assainissement dans la
commune de Mopti.
Le lancement officiel des activités a eu lieu en novembre 2001, mais les activités n’ont effectivement démarré
que quelques mois plus tard. Trois modules de formation ont été élaborés. il s'agit des modules relatifs aux
thèmes suivants: "Hygiène du Milieu", "Hygiène Alimentaire" et " Hygiène de l'environnement". 100 relais de
communications composés de personnes de divers horizons (comités de développement de quartier, la jeunesse,
les association des femmes, les pairs éducateurs, les relais femmes, les agents municipaux ) ont été formés.
Wane O., Radoux M. (1984) - Technologies adaptées à l'assainissement de la ville de Mopti, ENDA, 27p +
annexes.
En 1984, ce rapport ENDA prend acte de la non réalisation des projets antérieurs en matière de gestion des
excrétas, de leur coût élevé et de leurs contraintes techniques et propose une série d'alternatives légères de
compostage associé à des lagunages légers. Les auteurs analysent les forces et les faiblesses des propositions
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successives en matière d’assainissement à Mopti. Dans l’ensemble les différents projets ont établi un diagnostic
correct de la situation. Mais les propositions technologiques sont trop coûteuses, au départ dans leur mise en
place, ensuite dans leur fonctionnement et leur maintenance pour les particuliers mais aussi pour la commune
(2,5 milliards de francs maliens d’investissement en 1974 pour un budget municipal de 269 millions en 1983
dont 63 % servant à payer des salaires) et pas adaptées aux réalités du terrain.
Cette étude a été réalisée à la suite du séminaire sur les “ outils et méthodes pour la planification des villes
moyennes en Afrique ” qui avait suscité à Mopti “ une forte demande pour un projet d’assainissement adapté
et surtout efficace ”.
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b) Les projets de rues pavées drainantes (PDUD - ville de Maurepas, Action Mopti)
Face au manque d'échos institutionnel rencontré par ces propositions, et dans un projet de 1999 conçu à la
demande de la municipalité de Maurepas et de l’ONG Action Mopti et qui date de 1999, J-P Mettétal 77 propose
un certain nombre de recommandations concernant la gestion des eaux usées et des eaux pluviales. Ce récent
projet vise à promouvoir une solution associant une collecte domiciliaire améliorée et le traitement des déchets
par lagunage par microphytes. Les aspects techniques sont détaillés dans la partie traitant des eaux usées et des
excrétas. Nous verrons également que ce projet s’est heurté à des considérations socio-culturelles fortement
ancrées dans les mentalités mopticiennes, ainsi qu’à un blocage foncier.
___
Dans ce contexte relativement complexe, quelles solutions sont envisageables ? Certains (y compris des
habitants) pensent que la meilleure réponse à cette question est une opération de grande ampleur, démolir les
réseaux aériens existant, paver les rues et reprendre l’ensemble de la ville, avec un vaste réseau de tout à
l’égout, une vision très radicale de la situation qui peut s’avérer efficace, mais reste cependant très coûteuse.
La seconde solution est de continuer à mettre en place des opérations au coup par coup, comme cela a été fait
jusqu’à présent. Cette conception paraît plus raisonnable, mais elle nécessite la prise en compte de l’ensemble
des pratiques formelles et informelles, la réalisation concrète des projets élaborés et aussi la sensibilisation des
habitants.
c) Projets excrétas
La question de l'évacuation des excrétas n'a jamais été prise en compte dans l'ensemble des projets
d'assainissement. Quant à leur traitement, il n'est abordé qu'à travers un projet à long terme de tout-à-l'égout
avec station d'épuration qui supposerait la refonte intégrale de la voirie et de l'architecture urbaine (surélève
ment des maisons). Cependant, plusieurs projets ont été élaborés dans ce domaine.
- Le dernier projet en date (projet stratégique d'assainissement réalisé pour le 3ème projet urbain du Mali en
1996) consiste en l'aménagement de rues pavées drainantes équipées de réseaux d’égouts avec refoulement par
chasse d'eau. La question du traitement des effluents reste problématique : ils seraient rejetés au pied des berges
par un collecteur aboutissant au bord des casiers rizicoles et traités dans un site unique de lagunage.
Un appel d'offre a été lancé en 2000 par l'entremise de l' AGETIPE pour une réalisation pilote de tout à l’égout
dans deux ruelles de Mossinkoré et Bougoufié, dont le financement sera assuré par la Banque Mondiale.
Dans le document des études techniques d’aménagement…de 1998, qui fait suite au 3PUM, une estimation des
coûts en équipement au niveau des concessions pour le branchement au système d’égouts à la charge des
populations, somme démesurée par rapport aux moyens des habitants, plus de 70 000 Fcfa par concession.
S'il vise à améliorer l'évacuation des excrétas en supprimant le système actuel de stockage et de vidange, le
projet paraît techniquement irréaliste, à cause de l'instabilité du sol urbain (qui entraîne un risque d'obstruction
ou de rupture des canalisations en PVC), et surtout des difficultés d’écoulement, rendant nécessaire, aux frais
des riverains78, l'exhaussement des maisons dont le niveau est inférieur à celui de la rue à cause du tassement
des remblais. Enfin ce projet ne concerne, une fois de plus, que la partie centrale dense de l’agglomération, se
désintéressant des "villages périurbains", des quartiers informels et des espaces de pluri-activité des berges où
précisément le risque fécal est le plus aigu.
- Plusieurs études menées à la demande d'une ONG de développement local visaient pourtant à faire avancer la
réflexion. En 1984, le rapport de ENDA présenté précédemment, fait une série de propositions après avoir pris
en compte les échecs des recommandations passées.
Pour les déchets humains et les eaux usées, plusieurs propositions ont été faites, elles ont pour objectif la
récupération des excrétas pour l’agriculture et la résolution du problème des eaux usées. Il s’agissait de modèles
de fosses utilisés ailleurs dans le monde (Suède, Nord du Vietnam), ou d’un système de lagunage qui présente
un certain nombre d’avantages : des garanties sanitaires et une grande souplesse d’utilisation qui permettrait
d’adapter le système aux réalités mopticiennes.
Les différentes fosses proposées ici n’ont jamais étaient construites à Mopti. Quant au système de lagunage, il a
été repris dans plusieurs projets alternatifs soutenus par la ville de Maurepas dans le cadre de la coopération
décentralisée, malgré le manque d’enthousiasme manifesté par la municipalité de Mopti.
77
Ingénieur à la DIREN Franche Comté, intervenant bénévolement pour le compte de la ville de Maurepas.
78
Ce point explicitement mentionné dans le projet n’a fait l’objet d’aucune information publique.
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- En 1999, le projet Mettétal présentait également des solutions alternatives aux problèmes de gestion des eaux
usées. L’auteur de ce rapport préconise la séparation des eaux usées et des eaux pluviales, la suppression des
caniveaux au profit des rues pavées drainantes. Les effluents seraient pré-traités par chaque concession avant de
rejoindre un réseau d’égout. L’épuration des eaux usées se ferait par “ la mise en place de lagunes et de lits à
macrophytes, à faible distance de la zone bâtie et qui, alimentés gravitairement, pourraient être multipliés, on
pourrait ainsi créer un ou deux dispositifs par quartier (environ huit sites) ” desservant chacun une dizaine de
rues et dispersés dans l'espace disponible des bas-fonds, aux abords des quartiers mais à plus de 50 m des zones
habitées79. Certains sites seraient implantés dans le pagué Danawal, domaine public inconstructible de l'Etat,
précisément mis en réserve comme zone de lagunage et pisciculture. Mais ce projet techniquement réaliste et
relativement peu coûteux a longtemps suscité une réaction plus que réservée de la municipalité80..
Ce manque d'enthousiasme pose question, s'agissant de la résolution à moindre coût d'un problème aussi aigu
de santé publique. Il ne s'agit pas seulement d'indifférence, ou de la préférence compréhensible accordée aux
projets institutionnels financés par la Banque Mondiale, mais de véritables réticences liées aux enjeux fonciers
conflictuels qui portent sur les espaces de bas-fonds (voir 3.).
Face à l’obstination de ses promoteurs de la coopération décentralisée, et à une meilleure entente entre celle-ci
et la DST, le projet Mettétal vient d’être partiellement retenu sous forme de projet-pilote qui ne concerne
qu’une rue (la “ rue 14 ”) à Mossinkoré81, non loin des locaux de l’ONG Action Mopti et devrait être réalisé
dans le cadre du Plan de Développement Communal adopté en février 2002, dans le Plan d’Opération Triennal,
il est envisagé de réaliser le test de la rue pavée drainante dès la première année, pour un coût de 150 millions
de francs CFA. Il est intéressant de souligner ici que le projet ne sera pas entièrement pris en compte, puisqu’il
préconise la suppression des caniveaux, alors que dans le PDC il est prévu l’extension du réseau de caniveaux.
Mais ce projet n’a pas encore obtenu de promesses de financement, alors que le même principe de rue pavée
drainante retenu par la Banque Mondiale va être réalisé sous forme de projet-pilote.
La zone du projet pilote concernée par l'installation du réseau d'égouts, avec l'aménagement de rues revêtues,
est située dans les quartiers de Mossinkoré et Bougoufié. Elle a fait l'objet d'une enquête exhaustive en 2002
pour identifier les réalités socio-économiques en relation avec les problèmes de l'assainissement. Le réseau
d'égout va desservir 61 concessions abritant 128 ménages à Mossinkoré, 54 concessions et 115 ménages à
Bougoufié.
79
Projet conçu par Jean Pierre Mettetal (DIREN Franche Comté).
80
Entretiens avec plusieurs conseillers municipaux.
81
Il s’agit d’une ruelle connaissant de très graves problèmes de drainage
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numéro 1. La question des eaux usées est suivie de celle des latrines et des ordures ménagères.
En nous référant aux dépenses d'assainissement que les ménages ont l'habitude de faire et aux coûts actuels des
fournitures pour les travaux à faire, nous avons posé une série de questions pour tester l'acceptation de projet et
la capacité de payer des ménages. D'une manière générale, la totalité des ménages accepte le branchement sur le
réseau d'égouts. Pour les dépenses engagées la disponibilité des intéressés varient selon les cas:
-- 54,3% sont prêts à supporter les dépenses estimées pour les eaux pluviales contre 45,7% les acceptent pour
un montant inférieur,
-- 64,9% des ménages sont prêts à supporter les dépenses estimées pour le branchement des latrines contre
35,1% qui le sent pour un montant inférieur.
-- 89,4% des ménages sont prêts à supporter les dépenses estimées pour les eaux usées contre 10,6% qui
l'acceptent pour un montant inférieur.
Les résidents de la zone de projet pilote ont l'habitude de faire face à ces différentes dépenses au cas par cas ou
simultanément sans en avoir la possibilité de se soustraire aux contraintes et nuisances qui s'imposent à eux. La
disponibilité des ménages reflète bien le degré d'importance des nuisances et la priorité qui est accordée aux
solutions.
Le coût de redevance proposé par le nouveau système est de 220 FCFA/jour ou 185 FCFA / jour selon le type
de réseau. Le regroupement par catégorie de ménage et nature de prestation montrent que 93% des ménages
acceptent de payer 220 FCFA ou 185 FCFA/jour contre 4,5% qui souhaitent payer à un coût inférieur; 1,5%
acceptent de payer à un montant plus élevé. Ce prix de redevance couvrent à la fois le service rendu par le
réseau et les prestations d'entretien.
Le creusement du grand collecteur, dont le rôle premier est de drainer les eaux pluviales, dans le quartier de
Toguel a changé la vie quotidienne des riverains, en permettant de drainer et assécher toutes les ruelles
adjacentes. De ce fait, les abords du grand collecteur sont maintenus propres, voire aménagés, comme c’est le
cas non loin de la mosquée, où un espace a été cimenté par le propriétaire d’une concession, le long de son mur,
espace qui forme désormais une terrasse, où sont placés des nattes, et où les vieux du quartier, avant ou après la
prière se retrouvent pour discuter. Les bords du grand collecteur sont devenus un lieu de sociabilité important
dans ce quartier .
Les vieux, les griots, quittent la maison et viennent causer ici. C'est moi-même qui ai construit ça, si j'avais
les moyens j'aurais fait encore mieux. […] Avant qu'ils ne fassent le fossé ici y avait de l'eau et des saletés
en permanence, c'était pas possible de s'asseoir. C'est moi-même qui enlevais les ordures pour les brûler.
Maintenant, avec le fossé, c'est propre. (Boubou DIALLO, griot, Toguel)
Nous on s'est toujours assis ici, même avant qu'il y ait le grand fossé. Avant, y avait des jours où on pouvait
pas s'asseoir à cause de l'eau mais maintenant c'est mieux. Souvent, la voirie vient nettoyer. Mais même si y
a des odeurs ça nous dérange pas, on est habitué. En fait, y a plus d'utilité que de dérangement parce que
déjà l'eau passe, s'il n'y avait pas le fossé, tu n'aurais pas pu venir ici avec la pluie. (Soumaïla GUISSE,
brodeur, Toguel)
Ça a été avantageux – avant la construction du fossé quand y avait pluie on était inondé jusqu’à l’intérieur
de la chambre (M. FOFANA, commerçant, Toguel)
Cependant, la présence du grand collecteur ne va pas sans poser problème, notamment à cause de l’utilisation
abusive qu’en font les riverains :
Bon, en ce qui concerne le grand fossé de Toguel, ça aussi c'est sale ; certains défèquent là-dedans, on y
jettent des cadavres de bétail, on y jette toutes sortes de choses. (Fabou Coulibaly, courtier, “ Saniya ”, radio
Jamana)
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Le fossé (ie : le grand collecteur de Toguel) est plus infect que le tas d’ordure (celui sur le chemin de
l’imam) – y en a qui vidangent leur WC là dedans et même quand on met des désinfectants – ils n’attendent
pas que cela fasse son effet pour déverser – la nuit il faut que le vent souffle sinon personne ne peut
s’asseoir ici à cause des odeurs – avec la chaleur aussi – si il commence à faire très chaud dès le matin – on
ne peut pas rester à cause de l’odeur (Nana DICKO, ménagère et vendeuse de beignet, Toguel)
Certains équipements destinés à gérer les déchets ont même un effet secondaires en provoquant des points de
fixation d’ordures sur la voirie.
Depuis environ un an, le PAM (Programme Alimentaire Mondial) a donné une quinzaine de bennes à la
municipalité qui les a installées à l’intérieur des quartiers pour récupérer les ordures ménagères des habitants (3
à Sévaré et 12 à Mopti). Les services municipaux doivent ensuite évacuer ces ordures vers une décharge finale.
Cette initiative pose plusieurs problèmes. D’une part, ces caissons ne sont pas assez nombreux pour couvrir
l’ensemble de l’espace urbain mais surtout, les services de ramassage de la mairie ne parviennent pas à les
évacuer régulièrement, les bennes servent alors de point de fixation des ordures au cœur même de l’espace
habité. “ Les planifications des mouvements de camions pour le ramassage des ordures sont bien souvent
remises en cause par des instructions supérieures au directeur technique ”82.
Par ailleurs, l’installation de ces caissons pour l’évacuation des ordures a desservi les GIE de précollecte
domiciliaire qui font le ramassage de porte en porte, certains clients ont résilié leur abonnement pour y jeter
leurs ordures directement.
La gestion de ces caissons illustre bien la concurrence/complémentarité existant entre les différents acteurs, en
effet le PAM a subventionné les bennes dont les ordures sont évacuées par un GIE sous contrat avec la
municipalité, qui utilise les véhicules des services techniques de la mairie.
La seule solution globale envisagée est la mise en décharge contrôlée, solution préconisée successivement par
tous les plans d’assainissement, y compris le dernier en vigueur. Cette méthode d’élimination, en cours de
disparition dans les pays développés, continue curieusement à être préconisée comme une amélioration dans les
pays du sud.
Tout ça [la mise en place de bennes à ordures] c’est pour assainir le quartier et c’est dans l’esprit de la
CAN mais on aboutit au résultat contraire : au lieu de rendre le quartier sain, on salit davantage et on
complique le problème de déchet, et que là où on en est on a décidé de casser ça, quelles qu’en soient les
conséquences et de faire transporter ça sur la périphérie.
Avant on transportait les ordures où ?
on était abonné avec des charretiers qui chaque soir venaient enlever les ordures – on les payait à mille
francs – on préfère ce système là – ils [ie : la mairie] doivent collaborer avec le chef de village pour
assainir mais ils collaborent pour salir encore
Quelle solution ?
Raser ça totalement et que chacun dépose ses ordures dans le pagué – la quantité des déchets c’est lié à
l’élevage domestique aussi – y a des animaux dans le quartier dans les maisons donc les litières on
transporte ça – ça ça pollue en grande quantité – souvent des gens viennent avec des charrettes pour
prendre pour leur jardin – ceux qui ont leur maison au bord du pagué – qui sont en train de remblayer –
y en a qui viennent enlever pour utiliser
Souvent quand il y a multiplication des plaintes, la mairie répond qu’elle n’a pas de carburant pour les
camions, et on constate que pendant qu’on reste nous dans les déchets les camions de la mairie
transporte du sable, du graviers pour leurs constructions
82
PDC, aménagement urbain, p11
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S’il y avait des réalisations à faire, que voudriez vous ?
qu’ils mettent en place un bon parc de charrettes qui se promènent de carré en carré pour évacuer les
déchets – nous-mêmes on était abonné au GIE Laabal – maintenant puisque les gens trouvent à jeter ici
ils paient plus
(M. FOFANA, commerçant, Toguel)
Au moment des enquêtes dans ce quartier, la grogne avait essentiellement pour cible un caisson à ordures
déposé par la mairie dans une rue derrière la mosquée, qui une fois plein n’avait jamais été vidé et débordait
jusque devant les portes des concessions alentour. Le problème avait pris une importance particulière et avait
été plusieurs fois évoqué sur Radio Jamana lors de l’émission “ C’est pas normal ”, et cela surtout parce que le
caisson se trouvait être sur le trajet habituel de l’imam pour se rendre à la mosquée. Les pressions et les plaintes
répétées ont obtenu gain de cause : le caisson a été déplacé à deux carrés de là, où il peut déborder sans
incommoder les notables…
L’évocation du problème du caisson permet de rendre compte de l’ensemble de la gêne causé par la présence
des ordures, comme dans l’extrait qui suit :
On avait demandé à la mairie d'enlever, car l'odeur nous emmerde et ça attire les moustiques, ça a fait
plus de trois mois, on vient pas ramasser. Si c'est rempli, les femmes ramassent et elles renvoient
jusqu'au pagué. On a demandé de venir casser ça. C'est la mairie qui est venu casser. C'est à côté de la
mosquée, ça empêche les gens de venir prier. Y a eu beaucoup d'émissions là dessus. Les enfants jouaient
dessus... Et c'est sur la route de l'imam. Maintenant c'est les femmes qui soulèvent sur leur tête pour
emmener. Ils ont cassé ça y a deux mois. (Mamadou WAGUE, réparateur, Toguel)
L’évocation de ce problème particulier et ponctuel permet également d’évoquer et mettre en lumière des
pratiques différentes : pratiques imposées par le haut, la mairie un beau jour a déposé des caissons dans les
différents quartiers, sans concertation préalable avec les habitants sur les emplacements possibles, sans
explication quant à l’utilisation :
Personne n’est venu nous demander pour la benne –il y a un manque de concertation – le matin où ils
ont commencé à construire – la même nuit – des enfants sont venus tout démonter ils ont cassé – ils ont
demandé partout mais qui a cassé ça – et après ils ont construit encore
Le même type de problème s’est posé pour la benne installée à Bougoufié dans la rue du petit marché ( Bella
Sugunin) ; les habitantes se sont plaintes à plusieurs reprises auprès des autorités jusqu’à ce que le caisson soit
déplacé. Peu de temps après il réapparaissait au même endroit avec sa ceinture d’ordures.
Certains événements sont fédérateurs, fortement mobilisateurs pour l’opinion publique et peuvent ainsi
permettre de débloquer des décisions, et des moyens pour la mise en œuvre de certaines actions prévues depuis
un certain temps. Il est important de souligner le rôle de l’Etat dans l’initiative.
L’année 2002 a été marquée, au Mali, par un événement exceptionnel, à l’échelle du continent, l’organisation
de la CAN 2002 (Coupe d’Afrique des Nations de football) qui s’est déroulée du 19 janvier au 10 février. Dans
un contexte préélectoral, l’Etat a instrumentalisé la CAN pour susciter de grands travaux de rénovation et de
construction, partout dans le pays, et plus particulièrement dans les villes accueillant des matchs.
De plus, l’organisation de la CAN a donné lieu à une véritable compétition entre les villes car il y a d’abord eu
une phase de présélection puis, aux environs du mois d’octobre 2001, le choix des villes allant accueillir une
poule a été définitivement arrêté.
La participation de Mopti à la CAN pouvait être remise en question à cause du manque d’infrastructure (routes
et réseaux de canalisations), ce qui a rendu la question de l’assainissement conjoncturellement cruciale.
Nous avons pu assister à Mopti à une intense mobilisation politique et populaire autour de l’assainissement
durant la période de préparation de la CAN, afin de ne pas manquer le rendez-vous avec l’événement, car les
villes ne répondant pas aux normes de sécurités fixées par la CAF (Confédération Africaine de Football)
seraient exclues de la liste des villes-hôtes. Or les normes de sécurité reposent entre autres sur des seuils
d’hygiène, d'assainissement, de santé. C'est pourquoi, il fallait convaincre, dès leur première visite, les
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inspecteurs de la CAF en leur proposant une image saine de la ville. Selon Mr Camara O 83, “Une certaine union
sacrée s’est formée autour de cette CAN ”. En suivant cette idée, on peut remarquer que l’assainissement
présenté comme un enjeu majeur pour le tourisme, pour l’image même de la ville, permet une sensibilisation et
une mobilisation plus grande des populations. Des “ journées de salubrité ” ont été organisées pour la venue de
certaines personnalités du COCAN (Comité d’Organisation de la CAN), lors des visites de sites pour le choix
des villes allant abriter une poule de la coupe.
Cette question de l’assainissement de Mopti devient, dans ce contexte, l’un des thèmes privilégiés de l’émission
“ C’est pas normal ”, émission-forum, hebdomadaire (chaque samedi matin), en direct et durant deux heures,
suivie par une grande majorité de Mopticiens :
Tous les caniveaux sont délabrés, or Mopti ne fait-elle pas partie des villes candidates à la CAN ?Rien
jusque là n'a été fait. Si la ville de Mopti n'est pas à même de l'organiser, pourquoi ne céderait-elle pas sa
place à une autre ville du Mali ?
Animateur : Ne soyez pas trop pressé, un peu de patience.
Auditeur : Par exemple, quand on prend la cas de Sikasso, tout le monde reconnaît, et avec beaucoup de
joie que Sikasso en a complètement fini avec la construction de ses goudrons et tous ses caniveaux.
Chaque jour on parle de l'assainissement et, jusqu'à aujourd'hui, rien de concret n'est fait. On nous fait
payer chaque jour des tickets pour la CAN, mais nos places restent toujours non balayées. Comment voulez
vous que la ville soit propre dans de telles conditions ? La mairie existe-t-elle ou pas, ou bien est-elle en
grève.
(émission “ C’est pas normal ”, radio Jamana)
Avant hier nous avons aperçu un homme dans un bulldozer qui en voulant gratter le sol a abîmé tout le
quartier, de sorte que le lendemain, après une grosse pluie, l'eau a stagné et le quartier est devenu
complètement impraticable. Comment pouvez vous comprendre qu'on parle dans ces conditions de
l'assainissement ? Est-ce ainsi que nous pourrons prétendre recevoir une poule de la CAN que le pays doit
abriter. Et d'ailleurs, qui a donné l'ordre au conducteur du bulldozer de gratter un endroit qui était déjà
parfait ? Nos femmes ne peuvent même plus passer pour aller au marché, à moins de raser les murs, est-ce
normal ? (Auditeur, habitant le quartier de Toguel, émission “ C’est pas normal ”, Radio Jamana).
A sept mois de la CAN rien n'est fait par rapport à l'assainissement et aux infrastructures dans la ville de
Mopti. Jusqu'à présent aucune mesure n'a été prise pour la réhabilitation de l'unique route principale qui
traverse la ville. Si les autorités ne sont pas en mesure de faire bitumer cette route, je leur propose une
bonne piste sans gravier ni goudron qui coûte moins cher et sera faite dans un délai court.
Dans quelques jours, le président de la CAF, Issa Ayattou, accompagné d'une importante délégation , sera à
Mopti pour voir l'état d'avancement des travaux. Je demande à nos autorités communales de tout faire pour
que les visites se limitent au stade de Taïkiri en empruntant la digue de Toguel qui se trouve en chantier, et
le village CAN 2002 à Sévaré qui peut-être pourra les impressionner. Sinon, si Issa Ayatou se rend compte
qu'il n'y a pas de route à l'intérieur de Mopti, je suis sûr et certain que Mopti sera disqualifié pour abriter la
CAN 2002.
(émission “ C’est pas normal ”, Radio Jamana)
Il s'agit d'un problème relatif aux toilettes publiques. Vraiment, nous n'arrivons pas bien à respirer à cause
de l'odeur dégagée par les WC de la Digue : sous nos pieds c'est l'eau usée de ce WC qui coule 24h/24. Je
suis la seule personne à évoquer ce problème peut-être parce que la Digue ne fait pas partie du plan de
développement de la CAN 2002 car personne ne se préoccupe de l'assainissement de la zone. Sinon j'ai
contacté les responsables de l'assainissement de la ville pour leur signaler, ils se sont même déplacés
jusqu'au lieu mais rien n'a changé à présent, c'est pas normal.
(émission “ C’est pas normal ”, Radio Jamana)
- En premier lieu, des efforts inédits sont déployés par la commune pour étendre le ramassage des ordures à
l’ensemble de la ville et donner une image salubre à la ville toute entière: “ La perspective de l’organisation de
83
Mr Camara O. est ingénieur sanitaire à la Direction Régionale de l’Assainissement et du Contrôle des Nuisances
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la CAN 2002 dans la ville de Mopti place actuellement l’assainissement au rang de grande priorité ”.84. Mopti
est présélectionnée parmi les villes hôtes.
- Par ailleurs, de nombreuses associations ayant pour objectif l’assainissement se sont créées durant cette
période, pensant obtenir des subventions pour leurs activités.
- L’engagement des populations s’est fait aussi par le paiement de taxes, la popularité du football a été utilisée
pour la mise en place de taxes sur les routes à l’entrée et à la sortie de chaque ville, destinées au financement de
travaux d’infrastructures pour la CAN (stade, village sportif, voirie). Les difficultés que connaissent les
communes pour percevoir les taxes municipales (notamment la TDRL) sont reconnues, or durant la période
précédent cet événement, le prélèvement des taxes routières pour la CAN n’a pas posé de problème.
Parmi les grands travaux entrepris, on peut noter la reprise complète de la digue de ceinture qui va relier la
route de Sévaré au stade Baréma Bocoum à Taikiri, avec la construction d’un caniveau tout le long ; la
réhabilitation du goudron principal ainsi que des caniveaux qui le longent ; l’adressage complet de la commune
(Mopti, Sévaré et Médina Coura) a également été réalisé ; de larges voies ont été reprises aussi à Sévaré ; une
vaste opération d’éclairage a eu lieu sur les voies principales de Mopti et Sévaré. Certains changements ont
également eu lieu à l’entrée de la ville, avec le déplacement et l’aménagement de la gare routière de Sévaré (à
côté de la BCEAO), et l’élévation d’un monument là où se trouvait l’ancienne gare. Certains travaux étaient en
attente depuis plusieurs années et ont vu le jour cette année, comme la réhabilitation de certains caniveaux
(projet PDUD, datant de 1998). Ces travaux se poursuivent encore aujourd’hui, après la CAN.
On peut dire aujourd’hui que la ville de Mopti s’est transformée plus visiblement en l’espace d’un an que
pendant les dix années précédentes où de nombreux projets sont restés sans suite, et que les équipements
urbains réhabilités cette année étaient déjà fortement dégradés (cas du goudron principal et de l’ensemble des
caniveaux).
- L’assainissement et l’embellissement urbain ont été, comme c’est souvent le cas en pareille circonstance,
l’occasion de “ déguerpir ”, comme on dit au Mali, les populations habitant sur les berges de la ville. Tel a été
le cas de la zone longeant la digue de ceinture allant jusqu’au stade de Taikiri, qui étaient le lieu d’installation
de nombreuses populations, occupant illégalement les abords de la ville, seuls espaces disponibles, et habitant
généralement des huttes en paille et vivant de petits travaux journaliers.
Au moment des travaux sur la digue de ceinture, les autorités municipales ont demandé à ces populations de
quitter les lieux, en leur proposant d’aller s’installer ailleurs, vers le village CAN (situé entre Mopti et Sévaré)
ou à Médina Coura (quartier situé à cinq ou six kilomètres de Mopti, non desservi en équipements de base). Les
habitants des berges ont refusé et sont restés sur place jusqu’au mois de janvier 2002, date à laquelle les
autorités les ont expulsées de force.
Finalement, le COCAN n’a pas sélectionné Mopti pour accueillir une pool de la compétition. Au total, les
aménagements réalisés présentent une certaine limitation spatiale et temporelle ; les réalisations n’ont concerné
que les espaces les plus visibles (digue de ceinture reliant la route de Sévaré directement au stade, goudron
principal, entrée de Mopti) ce qui confère un caractère artificiel à ces actions. Par ailleurs, aucun projet durable
d’entretien des infrastructures créées n’a été mis en place, le GIE chargé de l’évacuation des dépôts de transit
n’a eu au départ qu’un contrat d’un mois, qui a ensuite été reconduit, mais la mairie ne s’est pas pour autant
engagé à plus long terme. N’avons-nous pas davantage assisté à une opération de communication internationale
plus qu’à une politique locale d’aménagement et d’assainissement ?
Un certain nombre de projets prône la valorisation des déchets par récupération et compostage. Cette dernière
pratique a déjà été essayée mais n’a pas donné les résultats escomptés, cependant elle reste d’actualité dans les
documents les plus récents.
Les auteurs du Plan de Développement Communal soulignent les potentialités agricoles de la commune et la
composition des ordures “ très adaptées au compostage ”85, ils envisagent donc le développement des filières
de récupération et de recyclage en décharge finale. C’est une solution qui peut paraître intéressante ; elle
84
PDC, production 2001,p.9
85
PDC, p15
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présente un double avantage, à la fois pour la protection de l’environnement, et pour la création d’emplois.
Cependant, des tentatives de promotion des activités de compostage ont déjà eu lieu à Mopti et elles ne se sont
pas avérées concluantes (cf infra, 2-3-2). Les ordures triées et regroupées en tas ne se sont pas décomposées
comme cela était attendu à cause du manque d’entretien. N’oublions pas que le climat de Mopti comporte une
longue saison sèche de 8 mois au cours de laquelle souffle l’harmattan qui contribue à dessécher les ordures, et
que le long processus qui consiste à arroser les ordures et à les retourner régulièrement pour produire le
compost y est plus lourd que dans d’autres conditions. Or les populations sont d’autant moins prêtes à s’investir
dans cette activité que, dans une région où l’élevage urbain et transhumant est important (avec contrats de
fumure entre agriculteurs et éleveurs peuls), les maraîchers peuvent facilement s’approvisionner en sacs de
fumier bon marché, le prix de vente du compost ainsi produit est bien trop cher pour intéresser les maraîchers
qui utilisent surtout du fumier qui ne coûte que 100 F cfa (sac de mil de 100 kg)86
86
M. Chauvin, 1999, Le maraîchage péri-urbain à Mopti ”, AFVP Bamako.
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CHAPITRE 4 ACTEURS ET OPERATEURS DE LA GESTION DE
L’ASSAINISSEMENT A MOPTI
Au cours des dernières années, parallèlement à la mise en œuvre de la décentralisation, d’importants
changements des fondements institutionnels de la gestion de l’assainissement ont eu lieu dans les communes du
Mali, suivant les principes de la gestion partagée des services urbains, qui articule
La gestion des déchets liquides et solides relève, en principe, de la responsabilité de la municipalité. Mais
actuellement la voirie municipale n’effectue plus le ramassage des ordures et une politique de délégation des
services urbains à des GIE (Groupement d’Intérêt Economique) se met en place depuis 1998, elle concerne
l’entretien de certains espaces publics (marchés, port, voies principales).
Parallèlement, la précollecte domiciliaire des ordures par des GIE est encouragée par les bailleurs extérieurs,
tels la Banque Mondiale, ainsi que la coopération décentralisée. Mais l’on oublie souvent, dans le panorama de
la « gestion partagée » le rôle essentiel des acteurs informels et du travail domestique. A Mopti plus qu’ailleurs
peut-être (voir chapitre 1), il est largement majoritaire.
Les pratiques des habitants dans le domaine de l’assainissement sont multiples, comme nous avons pu le voir
dans le premier chapitre, certaines de ces pratiques confèrent aux citadins un rôle de véritable opérateur.
A Mopti, le travail des ménages revêt une importance généralement sous-estimée. La contribution des ménages
repose principalement sur l'intervention physique de ses membres et secondairement sur la main d'œuvre
rémunérée. Les habitants participent, à leur niveau, à l’ensemble des pratiques liées à l’assainissement :
l’évacuation des eaux usées à partir des puisards, le curage des caniveaux longeant les concessions,
l’évacuation des ordures vers les dépôts de transit (pagué et caissons), le balayage des devantures de
concessions.
Les enfants et les domestiques ont un rôle prédominant dans les pratiques d’évacuation, ce sont eux qui sont
chargés des tâches énumérées précédemment, lorsque les chefs de ménage n’embauchent pas de manœuvres
pour ces travaux. Les résultats de l'enquête ménages de M. Kiré indiquent que pour 84,6 % des ménages,
l'enlèvement des ordures revient à la famille. Parmi cet échantillon, 80,3 % font travailler les membres
apparentés et 4,3 % les membres non-apparentés (domestiques de maison, aides-ménagères). Les membres
apparentés, ce sont d'abord les femmes dans 36,7 % des cas, ensuite les enfants pour 26,6 %. 17 % des ménages
recourent au travail complémentaire de ces deux catégories. Le travail des femmes et des enfants revêt un
caractère très important dans tous les quartiers même si parfois il intègre celui des ‘bonnes’ (aide-ménagères).
Mais c'est dans les quartiers de Djennédaga-Kakolodaga, Médina Coura, Taïkiri, Barigodaga-Namaradaga que
les femmes et les enfants constituent l'unique force de travail dans l'assainissement de la concession et du
quartier (entre 92 et 100%).
Certaines activités sont menées pour réduire les effets pervers des actions municipales, par exemple en 1999, la
municipalité a entrepris de restaurer certains caniveaux le long du goudron et de les couvrir de dalles.
L'aménagement réalisé n'était certainement pas la bonne opération en ce sens qu'il a empiré l'état de pollution
de la voie publique. Avant la fermeture des caniveaux, les membres des ménages voisins s'investissaient, de
temps à autre, dans le curage. La pose des dalles a marqué la fin des pratiques d'investissements familiaux. En
plus elle a contribué à engorger davantage les caniveaux. Les eaux sales débordaient et envahissaient la
chaussée, engendrant un environnement fort malsain. Devant cette situation, des familles, sans en référer aux
autorités municipales, ont pris l'initiative de découvrir les caniveaux en retirant les dalles. Ainsi à partir des
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sections désormais dégagées, les membres des ménages pouvaient à nouveau recommencer à écoper les eaux
putrides et à les rejeter le long de la route. Nous verrons ultérieurement que certains habitants s’investissent
encore d’avantage dans l’aménagement urbain.
Il est important de rappeler l’impact des variations saisonnières sur les pratiques des populations.
Le problème d’assainissement devient crucial à Mopti pendant la saison des pluies, l’hivernage. Les eaux
montent et l’eau de pluie se mêle aux eaux usées, transformant les ruelles non damées et non drainées en
marécage putride.
Pendant l'hivernage, l'eau de pluie vient ici et les gens versent leurs eaux usées. Quand l'hivernage est fini,
c'est fini. Mais là l'eau ne part pas, ça nous fatigue. […] Pendant la saison sèche, on s'assoit de l'autre côté
pour causer (là où l'eau stagne présentement). […] Ici c'est pas sale, c'est juste pendant l'hivernage. L'eau
ça sort du sol, et l'eau de pluie aussi, ça s'ajoute, y a pas d'écoulement pour l'eau. Mopti même est construit
au milieu de l'eau. (A. C., fille du chef de quartier de Mossinkoré)
Si c'est pas pendant l'hivernage, il n'y a aucune saleté ici. La rigole est bouchée, et nous les vieilles on
balaie.
Il y a des gens qui versent l'eau du wuluwulu, et le matin, quand personne ne voient, les mères jettent la
merde des pots des enfants.
Pendant l'hivernage, les vidangeurs ne circulent pas dans les carrés, donc les gens eux-mêmes vident les
wuluwulu devant leur porte, parce que c'est fatigant (Mama TRAORE, vieille femme vendeuse de savon,
Bougoufè).
L'eau stagne dans le trou et ne s'écoule pas. Le vent envoie des saletés, des plastiques, si ça rentre dans
l'eau après ça sort pas. C'est les moustiques surtout qui nous dérangent. (Amadou BA, éleveur, Toguel)
Cela fait que la question cruciale à Mopti est celle de l’évacuation des eaux : eaux pluviales, eaux usées. Les
réclamations des habitants portent sur le creusement et l’entretien des caniveaux.
Tout d’abord, il convient de décrire les activités quotidiennes traditionnelles, dévolues aux femmes (femmes de
la concession ou domestiques, lorsque les moyens des ménages le permettent). Chaque matin, les femmes
balaient entièrement la cour de la concession (la cour est par ailleurs balayée après chaque repas) et balaie une
partie de la rue correspondant à un périmètre englobant leur pas de porte. Dans les rues où cette pratique est
régulière et partagée (et elle est d’autant plus régulière qu’elle est partagée), les rues sont ainsi balayées une fois
par jour, de façon privée.
En saison des pluies, dans les rues non pourvues de caniveaux, les jeunes hommes sont mis à contribution pour
creuser des rigoles de drainage qui permettent aux eaux pluviales d’être évacuées. Là aussi, la propreté et la
praticabilité des rues sont prises en charge, collectivement, par la société civile et les riverains, à titre privé.
Ces pratiques quotidiennes traditionnelles peuvent être décrites, en utilisant un terme bambara les traduisant,
comme des pratiques se rapportant à la jèya, la propreté (jèya est un substantif dérivé d’un adjectif jè dont le
sens premier est “ blanc ” et le sens figuré “ propre ”). Il existe par ailleurs un autre terme en bambara, celui de
saniya, qui renvoie à un ensemble de pratiques différentes. Synonyme de jèya, saniya est le terme utilisé,
notamment à la radio, dans les campagnes de sensibilisation. Il est le terme qui a été choisi pour traduire le
terme français “ assainissement ”
La “ saniya ” se différencie des pratiques individuelles quotidiennes de propreté comme étant la mise en œuvre
collective d’actions ayant une visibilité publique, que ce soit les campagnes de balayage d’associations de
femmes lors de “ journées d’assainissement ”, ou les mesures prises par les autorités pour déblayer certaines
rues, mettre en place des caissons de ramassage d’ordures, etc. S’opère alors un décrochage dans les
représentations entre d’une part la propreté “ jèya ” (de l’ordre du privé, et référant à l’espace privé, ou
considéré comme tel) et d’autre part l’assainissement “ saniya ” (référant à l’espace public, et mis en œuvre
collectivement).
Il semblerait donc, à ce niveau de l’analyse, que les conceptions de l’assainissement soient liées aux
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conceptions de l’espace public et aux pratiques de cet espace public.
La propreté et l’assainissement sont essentiellement le rôle des femmes. Parce que traditionnellement ce sont
elles qui balaient et maintiennent propres la concession et ses alentours, ce sont également elles qui
s’investissent dans la propreté des espaces publics, à travers la mise en place d’associations féminines ayant
parmi leur objectif, l’assainissement de leur quartier, de leur ville. Cependant, lorsque l’on passe à un autre
niveau de gestion, lorsque l’activité liée à l’assainissement devient ou peut devenir réellement économique
(création de GIE, entreprises), ou avoir une dimension politique, être connecté à une directive globale, … le
rôle des hommes est généralement prédominant.
Les opérateurs indépendants et informels interviennent essentiellement dans le secteur des eaux usées et des
excrétas ; ils ont le rôle le plus visible dans les activités de vidange. Ce sont en général des saisonniers
(l’activité se pratique en saison sèche, à la morte saison agricole), mais il y a aussi des migrants venus chercher
du travail qui se sont installés définitivement. Ils travaillent avec des petites citernes ou barriques montées sur
une sorte de pousse-pousse qu’ils tirent manuellement.
Les vidangeurs individuels ont un certain nombre de clients qui payent au mois et travaillent également
ponctuellement, généralement ce sont les populations qui viennent les voir pour vidanger leur puisard ou leurs
latrines.
Par exemple, A. D est un vidangeur qui travaille à Toguel, il s’occupe de 18 familles en permanence, il
va ramasser les eaux usées tous les jours. Les gens le payent par mois, le prix maximum est de 7000 F
cfa, le minimum est de 3000 F, ce sont les mêmes clients depuis qu’il a commencé à travailler.
Son gain mensuel varie donc de 54 000 F cfa à 126 000 F cfa. Il y a également des clients qui viennent le
voir ponctuellement, il va vidanger leur fosse et est payé à la tâche. Actuellement, il ne possède pas de
matériel, il emprunte le matériel à des particuliers, il paye petit à petit, comme une location vente. Le
matériel complet peut revenir à 55 000 ou 60 000 F cfa d’investissement.
Selon S. K., un autre vidangeur interrogé, le prix de vidange pour les eaux usées peut varier de 750 Fcfa à
10 000 F cfa pour une seule vidange, en fonction de la taille du puisard.
Il existe deux types de vidanges, celle des eaux usées et celle des excrétas. La vidange des eaux usées peut se
faire tous les jours, dans ce cadre là les ménages peuvent s’abonner, alors que la vidange des excrétas ne se fait
que quand la fosse est pleine, c’est-à-dire tous les ans ou plus en fonction de la taille de la fosse et du nombre
de personnes dans le ménage.
Certains de ces vidangeurs travaillent ensemble, mais il n’existe aucune organisation officielle de ces
travailleurs. La tâche est pénible et dévalorisante, mais considérée comme assez rémunératrice : de l'ordre de
3000 à 5000 FCFA par jour. Les vidangeurs sont presque tous des migrants saisonniers attachés à leur
indépendance économique : les récents projets de création de GIE spécialisés (et qui auraient été subventionnés
dans le cadre de projets de coopération) leur sont apparus comme une menace directe et une concurrence
déloyale87 on leur proposait de faire le travail contre un salaire de 15 000 F cfa par mois, alors qu’ils peuvent
gagner jusqu’à 40 000 F cfa88, voire davantage. Actuellement, ils doivent être munis d'une simple "autorisation
de vidange de latrine" délivrée par le service d'hygiène contre la redevance de 1000 FCFA. Un produit
désinfectant est sensé leur est fourni pour traiter la chaussée après le travail.
Cependant, les quelques vidangeurs interrogés déclarent être intéressés par la création d’une association, qui
permettrait dans un premier temps d’éviter les concurrences déloyales des nouveaux vidangeurs qui proposent
des prix très bas, ce regroupement pourrait également permettre l’acquisition du matériel à un moindre coût
(actuellement le matériel complet peut coûter jusqu’à 60 000 F cfa), et organiser les aires de vidanges. Mais il
est indispensable de prendre en compte les revenus actuels de ces vidangeurs.
87
Entretien avec S. Keita, vidangeur individuel, octobre 2001, C. Meynet.
88
Entretiens collectifs réalisés par E.Dorier-Apprill, 2000.
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Il est important de souligner le caractère saisonnier de cette activité, en effet une partie des vidangeurs ne sont
présents à Mopti que pendant la saison sèche (à partir de janvier jusqu’en juin). A. D. déclare qu’il arrête le
travail de vidange pendant l’hivernage, à cause des “ saignées ” pratiquées à cette période par les riverains dans
la chaussée pour que l’eau de leurs puisards s’y évacue directement (se confondant avec les eaux de pluies) : ce
sont en quelque sorte ses congés. La variation des activités est également étroitement liée à la saisonnalité des
pratiques des habitants, pendant l’hivernage des saignées sont creusées dans les rues sans caniveau pour
évacuer les eaux de pluie, et utilisées par les ménages pour déverser leurs eaux usées. Pendant la saison des
pluies, seuls les excrétas continuent d’être évacués, les clients eaux usées arrêtent leur abonnement pendant
trois mois environ.
Le problème majeur qui se pose pour les vidangeurs est la question du lieu d’évacuation.
Où enterrer, où déposer les effluents ? La mairie a bien indiqué un lieu, sur la route menant à Sévaré. Mais
compte tenu de l'usage de charrettes à bras, et de la rémunération au trajet, il est impossible aux vidangeurs de
faire de longs parcours, et de s'embarrasser de considérations d'hygiène ou d'écologie... Le dépotage se pratique
donc en période de basses eaux sur les marges inondables de la ville, aux abords immédiats de l'espace bâti,
jusqu'au fond des pagués, sur les remblais des berges, au bord de la digue avancée vers le Bani, et même dans
les caniveaux, le lieu d’évacuation dépend de l’emplacement de la concession. En effet, A. D. déclare à ce
propos : “ je verse les eaux usées dans le grand collecteur. Les gens du comité d’hygiène et même la mairie
sont d’accord. Avant je mettais les eaux usées dans le pagué, mais maintenant avec la construction de la
nouvelle route, on nous a interdit et on nous a dit de déverser les eaux usées dans le collecteur ”. Cette
pratique a créé des problèmes aux populations riveraines, mais un arrangement s’est fait avec le service
d’hygiène, cependant les nuisances persistent.
Le rôle traditionnel des Bella a été détaillé dans la première partie, nous reviendrons dans cette partie sur les
caractéristiques de ces populations. L’installation des populations migrantes à Mopti trouve une explication
dans les épisodes de sécheresse qu’a connu le pays depuis la fin des années 60, ces périodes ont été marquées
par des mouvements de population du nord vers le sud, certaines ont vu dans les villes comme Mopti un
refuge ; une grande partie de ces migrants se sont installés aux abords de la ville dans des habitations précaires.
Lors d’enquêtes menées en 1998 à Mopti, nous avons pu constater que les Bella étaient les plus nombreux sur
les berges, sur les 600 huttes permanentes recensées sur les berges de Mopti, 78 % sont occupées par des Bella,
alors que cette ethnie n’est présente qu’à hauteur de 5.8 % dans la population totale de la ville89.
Les populations nouvellement arrivées en ville sont parmi les plus pauvres, le site de la ville les obligent à
s’installer en périphérie de l’espace bâti, ce qui entraîne une marginalisation spatiale notable. Certains sont
installés depuis 30 ans sur les remblais d'un bas-fonds (300 huttes dans la zone de Ouré Nema notamment) sur
le mode d’un regroupement communautaire par agrégation-relégation ethnique, le seul de ce type à Mopti, et
qui témoigne du non-accès de ces descendants d'esclaves à la citadinité. Ils aspirent pourtant à une
reconnaissance urbaine et le manifestent en payant leurs taxes locales. Mais la menace de déguerpissement pèse
toujours sur leur campement. Cette insécurité foncière caractérise la majorité des Bella installés sur les berges
ce qui a des conséquences directes sur leur mode de vie et les activités qu’ils mènent. En effet, outre les travaux
de remblais avec les ordures qui constituent leur lot quotidien, le plus souvent non rémunéré, les Bella sont
connus pour effectuer des petits travaux peu stables, peu rémunérateurs et dans des conditions difficiles tels
divers transports à dos d’âne (sable, banco, briques). Les Bella installés temporairement à Mopti pratiquent le
même type d’activité, y compris les travaux de remblais qui leur permettent de s’installer sur le terrain qu’ils
comblent.
Les conditions sociales de ces habitants sont également marginales, les Bella interrogés ne se considèrent pas
différents des mopticiens par contre ces derniers perçoivent les Bella comme inférieurs à eux, à cause des
activités peu valorisantes qu’ils pratiquent, leur rapport particulier aux ordures et leur situation géographique en
dehors de l’espace bâti « officiel ». Les zones occupées par les Bella, que ce soit sur les berges ou dans les
interstices urbains sont des espaces artificiels, qui n’existent pas officiellement, leurs occupants ne sont, par
conséquent, pas reconnus en tant que tels. Cependant leur rôle dans le processus de création de sol urbain est
89
M. Ledret, C. Reynes, 1993, Bilan d’activité pour Action Mopti, « développement urbain de la ville de Mopti ».
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primordial, ils font ce que les mopticiens refusent de faire, ils occupent également une place cruciale dans la
cycle de gestion des ordures. Leurs connaissances en matière de remblais et d’entretien d’animaux de trait (les
ânes essentiellement) peuvent être utiles pour l’assainissement de la ville dans le cadre d’une politique de
légitimation des pratiques anciennes de « recyclage » par remblais des ordures.
L’absence de revêtement des rues est généralisée, il n’existe qu’un seul véritable goudron à Mopti ville qui
traverse toute la ville. Pendant l’hivernage les inondations des rues sont fréquentes et de nombreux problèmes
de circulation se posent pendant cette saison. Certains habitants aisés ont décidé de palier à ces insuffisances
par leur propre moyen, c’est ainsi que des riches particuliers ont procédé au remblaiement avec de la latérite de
leur rue, ou d’autres rues du quartier qui étaient particulièrement dégradées.
Ce type d’action peut être interprété de différentes manières, dans un premier temps on peut penser qu’il s’agit
d’une simple aspiration à un confort personnel. Cette aspiration peut être renforcée par la volonté de réaliser un
acte de prestige ou une pratique d’ostentation, voire de clientélisme. A partir du service rendu aux populations
riveraines de la voie “ réhabilitée ”, celles-ci sont en quelque sorte redevables envers leur bienfaiteur et lui
doivent un certain respect.
Cette pratique peut également permettre au promoteur de se faire connaître auprès des autorités municipales.
C’est suivant ce principe que certains GIE commencent leur activité en rendant des services gratuitement pour
ensuite obtenir des marchés. Un exemple en particulier peut illustrer ce phénomène. Toguel, dernier quartier
remblayé est le quartier qui présente le plus gros problème d’inondation ; certaines zones y sont
particulièrement insalubres durant l’hivernage, comme la véritable mare qui entoure l’école. C’est cet espace
qu’un résident du quartier a choisi de remblayer avec de la latérite. Les résultats sont indéniables, l’école est à
nouveau accessible, les eaux stagnantes ont disparu. Grâce à cette action d’utilité publique, la personne a été
reconnue par les services techniques municipaux. A la suite de cela, cet entrepreneur privé a pu signer, par le
biais de son GIE, le GIE Halleyedé, un contrat avec la mairie pour l’évacuation des caissons à ordures vers le
dépôt final. La mairie a sollicité ce GIE car elle savait, grâce à l’opération de remblayage, qu’il était en
possession de plusieurs camion-bennes. “ Ce sont eux qui sont venus nous voir. Parce qu’ils ont vu ce qu’on a
fait à l’école et moi même j’ai demandé s’ils peuvent me donner le marché ”90
Le manque d’infrastructures publiques a poussé certains habitants aisés à faire construire eux-mêmes des
caniveaux reliant leur concession au réseau officiel. Nous avons choisi de retracer l’histoire de ces caniveaux
privés à travers des entretiens, de les localiser précisément sur les cartes du réseau de drainage dont ils étaient
absent. Ce travail a été effectué avec l’aide précieuse de Aly Dia, sa connaissance de la ville et des acteurs de
l’assainissement a permis un accès relativement aisé aux informations.
Plus d’une vingtaine de caniveaux de ce type a été repérés, ils se localisent essentiellement dans les quartiers
sous-équipés tels Bougoufié (surtout la partie sud en construction), Mossinkoré et Toguel. Aucun n’a été repéré
à Komoguel 1 qui est le quartier le mieux équipé car c’est le premier quartier à avoir été bâti du temps de
l’occupation coloniale. Seize entretiens ont été réalisés. L’hypothèse de départ était que des personnes
relativement riches construisent des caniveaux afin d’asseoir leur rôle dans la ville, développer prestige et
capital social auprès des riverains ; nous pensions donc que les caniveaux étaient construits au-delà même de
leur propre concession.
Au vu des entretiens effectués et des repérages sur le terrain, cette hypothèse ne se confirme pas entièrement, en
effet les caniveaux sont le plus souvent construits juste devant la porte des intéressés. Il s’agit la plupart du
temps de grands commerçants aisés, dont le premier objectif est le confort personnel, parfois ils en font profiter
le voisinage mais seulement lorsqu’il est nécessaire pour eux de faire passer le caniveau devant d’autres
concessions pour rejoindre le pagué ou un autre caniveau déjà construit. Ainsi, très souvent plusieurs personnes
ont participé au financement du caniveau. Malgré cela, un certain nombre de voisins profitent du caniveau,
directement (quand le caniveau passe devant leur concession) ou indirectement (les enfants se déplacent pour
90
Entretien avec B. Bah, GIE Halleyedé, janvier 2002, C. Meynet.
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venir déverser les eaux usées dedans).
Le second objectif de cette enquête était de cerner le rôle potentiel et le statut de ces promoteurs dans la ville, il
s’agissait de savoir s’ils participaient à d’autres opérations de ce type, s’ils faisaient partie d’associations, de
syndicats ou autres groupes de décisions. Nous avons été amenés à identifier des grands commerçants qui
jouent un rôle relativement important dans la ville de par leurs activités, leurs possessions (magasins,
propriétés,…) ou encore leurs relations avec les autorités (participation aux conseils de quartier).
Ce sont souvent les mêmes noms qui reviennent, ce qui confirme la présence de grandes familles influentes à
Mopti, qui n’appartiennent pas au groupe des plus anciennes familles de la ville. Leur logique de
fonctionnement semble s’écarter de celle de l’autochtonie qui a été (un peu rapidement) décrite par certains
auteurs comme la principale logique de fonctionnement politique à Mopti.
En effet, ces familles économiquement puissantes, par ailleurs bien représentées au conseil municipal, semblent
se désintéresser du type de capital symbolique qu'est l'autochtonie. Grands commerçants enrichis, principaux
propriétaires d’immeubles et de terrains, et seules familles qui investissent dans l’espace public urbain, ce ne
sont justement pas des autochtones : ni reconnus comme tels, ni surtout revendiqués91.
Les sphères publique et privée agissent dans le même domaine, sur les mêmes espaces, l’objectif étant la
complémentarité des deux types d’acteurs, avec des responsabilités bien définies. Afin de créer une véritable
chaîne de services continue. Mais sa mise en place dans les villes et à Mopti pose des problèmes, malgré la
pléthore d’acteurs présent dans le domaine de l’assainissement.
Les services techniques municipaux ont actuellement plus un rôle de suivi, d’organisation des activités et de
sensibilisation de la population, qu’un rôle véritablement opérationnel. Les activités qu’ils mènent ne sont donc
pas visibles dans l’espace. Cependant, en 2000 – 2001 les marchés habituellement concédés à des opérateurs
privés pour le nettoyage d’une partir d’une domaine public n’ont pas donné de suite ; ainsi la mairie s’est
directement chargée du recrutement de manœuvres pour le curage de certains caniveaux.
La perception des actions d’assainissement peut se faire à des niveaux différents : à travers les opérations de
nettoyage, curage et à travers l’aménagement, la création d’infrastructures.
91
Cf. Dorier-Apprill (E), Van den Avenne (C.), Traditions orales et citadinité, Les enjeux de l’histoire urbaine à Mopti (Mali), Communication aux
“ Journées de la Commission de géographie tropicale et du développement ”, La Rochelle, septembre 2001 (sous presse).
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Les activités de nettoyage les plus visibles sont celles réalisées par les acteurs privés, les GIE sous contrat en
particulier, mais aussi les associations. Les opérations d’aménagement reviennent en premiers lieux aux acteurs
“ extérieur ” type Agetipe, Banque Mondiale, Coopération décentralisée, des acteurs nationaux interviennent en
second lieu pour des actions de moindre ampleur ; quelques individus privés participent à la création
d’infrastructures à un niveau très local.
Il est intéressant de souligner l’importance de la visibilité des actions mises en œuvre et des activités effectuées
car elle permet d’acquérir une certaine légitimité, une reconnaissance auprès des citadins.
Il existe deux types d’opérateurs privés formels qui ont des activités dans le domaine de l’assainissement, les
GIE et les associations ; leurs activités, leur fonctionnement et leurs objectifs sont officiellement différents.
Les associations sont créées selon la loi 1901, à but (officiellement) non lucratif, elles doivent se présenter à la
mairie, puis elles obtiennent le récépissé auprès du Cercle.
Les GIE comme leur nom l’indique ont une vocation économique, ils ont l’avantage de pouvoir être créer sans
apport financier particulier au départ, ils sont régis par la loi n°92 – 002 du 27 août 1992, ils sont enregistrés au
niveau du registre du commerce de la commune. “ Quant au GIE il est purement commercial, donc il est
délivré par des actes notariaux enregistrés au niveau du tribunal de commerce, bien entendu sous caution des
frais versés. Les frais du GIE coûte 75 000 F cfa. Nous avons des statuts, conformément à la loi, c’est à nous
de créer notre règlement intérieur de fonctionnement. Mais les statuts sont faits de concert avec nous par le
notaire. ”92
Cependant, les structures présentes dans le domaine de l’assainissement ne se différencient pas toujours en
92
Entretien avec N. Sangaré, président GIE Tabital, août 2000, C. Meynet.
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fonction de leurs statuts, l’analyse de leurs activités apportent d’avantage d’informations sur leur
fonctionnement, leur profil et permet d’établir une typologie (présentée ci-dessous).
L’émergence des acteurs privés dans le secteur de l’assainissement a débuté en 1990 au Mali, à Bamako, à
Mopti leur émergence est plus lente et chaotique …En décembre 1996, lors de la tenue de la table ronde
“ Enjeux et perspectives des GIE d’assainissement en milieu urbain au Mali ”, on dénombrait seulement 5 GIE
à Mopti (dont 3 fonctionnels), alors qu’il y en avait déjà 13 à Ségou (1 par quartier) et 10 à Sikasso, deux autres
capitales régionales de taille comparable.93
La DSUVA (Direction des Services Urbains de Voirie et d’Assainissement) de Bamako a jusqu’à cette date
en charge la gestion des ordures ménagères. En 1990, elle va passer un contrat avec la COFESFA
(coopérative féminine pour la santé familiale et l’assainissement) qui va se charger de la collecte des
déchets et de la sensibilisation des populations.94
C’est dans ce contexte que de jeunes diplômés sans emploi vont se regrouper en GIE (Groupement d’Intérêt
Economique) et se lancer dans des activités d’assainissement. Leurs activités vont prospérer d’abord très
rapidement dans la capitale malienne, le GIE Beseya à Hamdallaye démarre ses activités de ramassage des
ordures de porte en porte en février 1992 avec 600 concessions, cinq mois plus tard il compte 1500
abonnés ; le GIE Sema Saniya à Faladié a été créé en 1991, à cette époque il y avait 91 abonnés, deux ans
plus tard, le nombre de concessions s’élève à 1000 et 1050 en 2001 95. Le nombre de GIE dans la capitale va
se multiplier considérablement en moins d’un an, il existe 15 GIE en juin 1992, en février 1993 on en
compte 65.
Plus tard, la mise en place du PDUD a été suivi d’une multiplication des GIE et leur développement, dans
toutes les villes du Mali. Ils sont définis au titre de l’article 722 du Code de Commerce du Mali comme une
structure de “coopération interentreprise (ayant pour objet une activité de production, de distribution ou de
prestation de services) ayant un but économique”. Ils sont constitués avec ou sans capital et leurs activités
doivent servir d’appoint aux activités principales des entreprises membres. Tout GIE doit être immatriculé
au registre du commerce conformément à l’article724 du Code de Commerce.
La création des GIE va être saluée très positivement par les acteurs extérieurs qui vont voir dans ces
initiatives privées une nouvelle dynamique qui peut être capable de répondre aux insuffisances des pouvoirs
publics. De nombreux projets et programmes de développement vont prôner l’appui aux GIE pour la gestion
des déchets en milieu urbain, tels le dernier plan stratégique d’assainissement et le troisième projet urbain de
la Banque Mondiale.
Dans le cadre de la présente action de recherche, une enquête d’identification des acteurs privés de Mopti a été
réalisée en 2000-2001, avec Aly Dia, président de la récente Coordination des ONG et GIE d’assainissement
(qui est l’un de nos partenaires dans le cadre de cette AR).
Nous avons pu recenser au total 14 GIE et 20 Associations à Mopti, et 7 GIE et 14 Associations à Sévaré96.
Même si seule une minorité d’entre eux parvient à accéder à des contrats publics, la multiplication de ces GIE
après 1998 est étroitement liée à la mise en œuvre effective de la décentralisation après les élections
municipales, qui permet la délégation des services urbains par les municipalités à des opérateurs privés,
particulièrement dans le domaine de l’assainissement.
93
Collectif des groupements intervenant dans l’assainissement au mali (COGIAM), Rapport de la table ronde “ rôle enjeux et perspectives des GIE
dans l’assainissement en milieu urbain au Mali ”, Bamako février 1997, p 19 et sqq..
94
TA Thu Thuy, 1998, Pour une gestion efficiente des déchets dans les villes africaines. Les mutations à conduire ”, Les cahiers du PDM n°1, 60p.
(p.15). Les informations suivantes proviennent de la même source.
95
TA Thu Thuy, 1998, Cahier PDM n°1
96
Ces chiffres ne peuvent être considérés comme définitifs car des structures de ce genre sont créées régulièrement, phénomène qui s’est amplifié
avec l’organisation de la CAN 2002 au Mali
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a) Chronologie de l’évolution à Mopti
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Création des GIE et associations à Mopti-Sévaré
35
30
Nb GIE / Associations
25 nb GIE
eff cumulés GIE
20 nb associations
eff cumulés associations
15
10
0
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
1994
années
Le tableau 3 (ci-dessous) présente ces structures de manière chronologique, sans faire de différenciation en
fonction du statut : nous avons choisi de retenir ici tous les groupements dont les statuts déclarent
l’assainissement comme activité, et/ou déclarant jouer un rôle, même minime, sur la scène de l’assainissement,
afin de mesurer l’ampleur du phénomène.97
Analyse chronologique
- Le phénomène associatif est plus ancien et plus important que celui des GIE, parmi les associations
rencontrées la plus ancienne a été créée en 1988, le premier GIE a vu le jour quatre ans après.
- La création de GIE commence en 1992 avec le GIE Asfer à Sévaré, le processus s’accélère d’abord en 1996,
année qui voit la naissance de 3 GIE ; en 1995 et 1996, 9 associations sont créées. Puis une nouvelle
amplification du phénomène a lieu en 1999, 9 associations et 6 GIE voient le jour. Ce développement des
groupements en 1999 peut trouver une explication dans la perspective d’organisation de la CAN 2002, pour
laquelle l’assainissement a été hissé au rang de priorité, les citadins ont ainsi pensé pouvoir obtenir des aides,
des subventions voire des contrats pour la réalisation de certains travaux d’assainissement.
Cette chronologie peut également être analysée à la lumière des processus extérieurs de mise en place de projets
d’assainissement. A partir du début des années 1990, les bailleurs de fond internationaux vont encourager les
initiatives privées dans le domaine de l’assainissement par l’appui aux GIE. Plusieurs rencontres entre
l’ensemble des acteurs (bailleurs, des membres du gouvernements, autorités locales, opérateurs privés, société
civile) ont eu lieu autour du thème de l’assainissement et plus particulièrement la gestion des déchets urbains.
En 1993, le programme “ Jeunes, Ville, Emploi ” a été lancé par la coopération française, ce programme va
permettre l’appui aux initiatives des jeunes, y compris par la création de GIE.
La mise en place du réseau African waste net (présenté précédemment) a lieu à la suite du séminaire organisé à
Abidjan par le PDM en février 1996 a donné une impulsion favorable aux réflexions autour de la gestion
97
Cependant, les activités d’assainissement sont souvent très secondaires comme nous le verrons plus loin.
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partagée de l’assainissement en milieu urbain. Les opérateurs privés vont prendre une place de plus en plus
importante dans ce partage.
Un certains nombre de rencontres vont avoir lieu à la suite de cette initiative régionale. En décembre 1996, une
table ronde a été organisée à Bamako par le Collectif des Groupements Intervenant dans l’Assainissement au
Mali (CO.G.I.A.M), ayant pour thème “ Rôle, enjeux et perspectives des GIE dans l’assainissement en milieu
urbain au Mali (Bamako) ”. Cette table ronde a permis de réunir les acteurs publics, les municipalités (maires,
services techniques), les autorités nationales (direction nationale de l’Hydraulique, mission de
décentralisation) ; les opérateurs privés, les GIE, les coordinations de GIE du Mali, ainsi que des invités de la
sous-région et des acteurs extérieurs (coopération décentralisée), afin de discuter, d’échanger autour du thème
de l’assainissement en milieu urbain et particulièrement de la place du secteur privé (les GIE) dans ce domaine.
autres rencontres avec les dates, les participants, à mettre en parallèle avec la multiplication des GIE à Mopti
Ces réunions ont été l’occasion de souligner l’émergence des acteurs privés dans ce domaine et de saluer leur
dynamisme. Les GIE se voient ainsi projeter sur le devant de la scène et on leur donne un rôle important : on
leur demande d’assurer la gestion des ordures, il s’agit en quelque sorte de remplacer le public qui n’a pas su
remplir ce rôle. Le rôle qu’on leur confère peut dans certains cas les dépasser de par l’ampleur de la tâche à
accomplir et de par le manque de suivi et d’appui institutionnel des autorités publiques. D’autre part, malgré
cette volonté commune des différentes autorités à appuyer la sphère privée, à déléguer les services publics, dans
la réalité le processus a parfois du mal à se réaliser pleinement.
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-TABLEAU 3 : ENSEMBLE GIE ET ASSOCIATIONS PAR DATE DE CRÉATION
Association
GIE
Autre
Groupements par date Date de création Activité d'assainissement Autres activités Zone(s) Type
d'intervention
Asso. Sabonyuman 1988 (recherche de nettoyage rues, places publiques, écoles, aucune Médina Coura 3b
récépissé)
Asso. Benkady 1990 nettoyage quartier et actions ponctuelles maraîchage, petit crédit Barigon Daga 3b
et quartier
administratif
Asso. Djandé Fulfuldé 1991 (mais récépissé nettoyage du quartier, école et terrain ; alphabétisation, embouche, Taikiri 3b
en 96) nettoyage du marché maraîchage
Asso. Super Danaya décembre 1991 nettoyage des rues, compostage dans le teinture, alphabétisation, Toguel 3b
bas-fond, plus activités ponctuelles transformation alimentaire,
couture
Asso. Soutoura 1992 nettoyage du quartier, des rues, les voies alphabétisation, teinture indigo Sévaré I 3b
principales, nettoyage des saignées,
destruction des dépôts anarchiques
d’ordures (elles remblaient des trous avec),
une fois par semaine.
Asso. Elégance 1992 nettoyage des rues animation SR (Santé de la Toguel 3b
Reproduction), (IEC),
transformation produits
alimentaires, embouche
Asso. Brillantine 1996 nettoyage des rues, évacuation des petits commerces Toguel 3b
ordures dans le quartier, nettoyage des
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saignées
Asso. Benkady (Taikiri) 1996 nettoyage des rues, évacuation des dépôts maraîchage, champ de riz, Taikiri village 3b
d'ordures coopérative (tissage, teinture et lotissement
indigo), transformation agro-
alimentaire, savonnerie
GIE Lav’net Septembre 1996 Vidange latrines et puisards, nettoyage de Désinfection, aménagement Sévaré, tous 2a
bureaux d’espaces verts les secteurs
Mopti,
services,
gouvernorat
GIE CME Octobre 1996 Ramassage de porte en porte jusqu’en 99. immobilier (transactions, conseils) Précollecte à 2b puis
Activités ponctuelles (journée de salubrité) Sévaré, 3c
secteur II et III.
Ensemble de
la commune.
GIE Wallam Myobé Novembre 1996 projet de ramassage des plastiques Promotion de l’élevage Mopti, quartier 3c
Taikiri
Asso. ADAF novembre 1996 ramassage des ordures dans les rues et alphabétisation fonctionnelle, Sévaré secteur 3b
dans les dépotoirs. projet : embouche I
Asso. Soutoura Toguel 1997 nettoyage des rues et des fossés aucune Toguel 3b
Groupe Beesse Mai 1997 Ramassage ordures porte à porte aucune Mopti, 2b
quartiers
Gangal,
Mossinkoré,
Bougoufié
GIE Adawula Juin 1997 curage des caniveaux, projet spiros embouche bovine, Mopti, 1ab
commercialisation de moutons, ensemble des
dépôt de boissons à côté de la quartiers
grande mosquée à Mopti
Asso. Kin Kanou novembre 1997 nettoyage du quartier, remblais avec sensibilisation Bougoufié sud 3b
Développement latérite pendant las saison des pluies
Asso. Césiriso décembre 1997 nettoyage des rues, deux côtés du teinture, tissage, maraîchage, Sévaré I, 3b
goudron, évacuation des ordures du dépôt appui aux enfants des rues alentour camp
militaire
GIE Emeg Février 1998 Ramassage ordures porte à porte, gardiennage Mopti pour 1a et 2a
nettoyage voies principales, curage assainissemen
caniveaux. t
Gardiennage à
Mopti, Djenné,
Douentza,
Bandiagara
GIE Gpes Juin 1998 Ramassage ordures porte à porte Aucune Sévaré, 2b
secteurs I, II et
III
GIE Muso Yiriwaton Juin 1998 Nettoyage rues, contrat mairie pour gestion Gestion Sévaré, 1b
marché secteur II
Asso. Siguibana Juillet 1998 Nettoyage rues transformation produits Sévaré I 3b
alimentaires, épargne crédit,
alphabétisation, imprégnation de
moustiquaires, projet d’éducation,
embouche, maraîchage
Asso. Djè Douman septembre 1998 nettoyage des rues transformation des plastiques, Mossinkoré 3b
sensibilisation
AJDM (Association des Jeunes octobre 1998 nettoyage des rues, curage des caniveaux, aucune Mossinkoré 3b
pour le Développement de surveillance
Mossinkoré)
Asso. Fourmis Octobre 1998 Nettoyage rues alphabétisation ; agro- Sévaré I, 3b
alimentaire ; épargne-crédit ; alentours de
santé (sensibilisation MST, farine l’ODEM, route
infantile, imprégnation de Gao
moustiquaire) ; embouche bovine
(dossier seulement)
Coopérative Toguel Djeya janvier 1999 collecte domiciliaire des ordures et eaux aucune Mopti, quartier 2b
usées Toguel
GIE Commune Saniya Février 1999 Nettoyage quartier Aucune Mopti, quartier 3b
Bougoufié
GIE Tabital Mars 1999 Nettoyage voies principales, curage Etude de faisabilité Ensemble 1b
caniveau commune
Asso. Djiguiya Avril 1999 nettoyage du camp, des rues teinture, petits commerces, Sévaré I, 3b
alphabétisation, maraîchage, alentour camp
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embouche, savonnerie militaire
Asso. Kwana avril 1999 curage petits fossés, nettoyage rues aucune Komoguel 3b
Asso. Dental Mai 1999 nettoyage des rues, places dans le savonnerie, teinture, maraîchage Sevaré III 3b
quartier, écoles, dépôt d’ordures
Asso. Antenne II mai 1999 nettoyage des rues et places publiques embouche Gangal 3b
secteur V
Asso. Kelenya juillet 1999 nettoyage rues et caniveaux aviculture Bougoufié 3b
Asso. Payidé Mô-Kho septembre 1999 nettoyage du quartier aucune Komoguel 2 3b
Asso. Macina Décembre 1999 nettoyage du camp, dispensaire, marché, aucune Sévaré I 3b
évacuation des ordures
GIE Sugu Djeya 1999 gestion et nettoyage du marché Gestion Mopti, 1a
Sakarowel, projet assainissement ensemble
commune
Asso. Saramaya Janvier 2000 entretien des rues, désherbage, transformation agro-alimentaire, Sévaré I 3a
évacuation ordures teinture bogolan, indigo,
maraîchage, projets : reboisement
et alphabétisation pour les jeunes
membres
GIE EQV Septembre 2000 Nettoyage rue, curage caniveau gardiennage, produits laitiers Mopti, 3b
Mossinkoré
GIE Dental Mai 2001 Vidange fosses avec spiros Aucune Ensemble 2a
commune
GIE Halleydé Janvier 2001 Evacuation des ordures des caissons vers Transport et vente de matériaux Ensemble 1a
décharge finale commune
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b) Typologie
A partir de ce tableau récapitulatif, il est possible d’établir une typologie de structures en fonction de
l’orientation de l’activité d’assainissement et des logiques de fonctionnement. Ces logiques peuvent être
déterminées au vu du fonctionnement financier de ces structures, de leur projet ou de leur attente et se
perçoivent avant tout à travers les activités effectives.
Le phénomène associatif revêt une ampleur remarquable, cependant toutes les structures n’emploient pas les
mêmes méthodes d’action et les résultats sur le terrain de l’assainissement ne sont pas les mêmes et ce malgré
la volonté affichée d’améliorer les conditions d’hygiène.
Par ailleurs, tous les groupements n’ont pas un impact égal sur l’assainissement de la ville, parfois l’impact est
davantage social qu’opérationnel, c’est ce que nous montre la typologie présentée ci-dessous, et son analyse.
Type 1- Les GIE orientés vers la gestion d’espaces publics sous contrat avec la municipalité(ou en attente de
contrat )
- 1a : logique entreprenariale ;
- 1b : dépendance envers les bailleurs.
Type 2- Les GIE orientés vers les services rendus aux particuliers : collecte domiciliaire des ordures, eaux
usées ou nettoyages divers.
- 2a : logique entreprenariale ;
- 2b : dépendance
Type 3- Les associations et GIE qui agissent sur le domaine public, sans contrat ni revenu mais ont d’autres
activités importantes (maraîchage, transformation alimentaire), les activités d’assainissement sont symboliques
et ponctuelles, dans tous les cas ces structures ont une logique sociale.
- 3a : logique entreprenariale ;
- 3b : dépendance
- 3c : les associations et GIE sans activités d’assainissement régulières
c) Critères de regroupement
Les différents types ont été définis à partir de critères marquant l’orientation, plus ou moins choisie, des
groupements dans leurs activités, car ce choix renvoie à une certaine logique des membres du groupement, ou
du moins de son président.
Type 1- il s’agit des groupements qui bénéficient ou ont bénéficié de la délégation des services publics auprès
d’opérateurs privés. Ce sont des GIE qui ont eu un contrat avec l’Agetipe, ou la mairie une année ou
davantage ; ils participent donc entièrement au processus de décentralisation engagé depuis quelques années.
Type 2 : il s’agit des structures qui tirent leur revenu par le prélèvement de redevances liées à une activité de
collecte des déchets qu’elles effectuent auprès des particuliers (ménages ou services) ;
Type 3 : il s’agit des groupements qui ne retirent aucun revenu des activités d’assainissement qu’ils mènent, il
s’agit généralement d’activités peu importantes. Dans ce type, la logique entreprenariale concerne généralement
les activités non liées à l’assainissement, telles les transformations alimentaires et la vente des produits. A
l’intérieur de ce groupe, les sous-types ont leur importance car ils permettent de différencier des structures qui
n’ont pas les mêmes objectifs de départ, mais qui se retrouvent dans la même situation à un moment donné.
Il existe également un lien entre les différents types de groupements en fonction de leur rapport à l’espace. Il y
a une complémentarité entre les GIE sous contrat Agetipe qui agissent sur la partie la plus visible de l’espace
public (voies principales bitumées, places publiques, marchés) et les associations généralement féminines qui
participent “ dans l’ombre ” à l’assainissement de la ville, à l’intérieur des quartiers.
Les GIE sous contrat agissent selon une logique d’ostentation, la priorité est donné au visible, or ce sont en
partie des financements publics qui permettent la mise en place de ces activités. Les zones concernées par les
contrats représentent les espaces en vue, qui ont une certaine valeur symbolique, tels les voies principales, les
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marchés.
Un choix a été fait dans la géographie du curage, tous les caniveaux ne sont pas pris en compte par les contrats
Agetipe, seuls les caniveaux les plus visibles et les plus grands sont concernés : les caniveaux longeant les voies
principales de Mopti et Sévaré, les caniveaux du port de pêche à Mopti et le grand collecteur de Toguel qui
marque une priorité. Le nettoyage des rues est également soumis à des choix, ce sont les voies principales qui
font l’objet des contrats. Le choix des lieux des infrastructures et de leur entretien (routes, nettoyage, caniveaux,
curage) nous renseigne sur la stratégie de la mairie qui investit d’avantage dans le visible : les caissons,
poubelles du goudron (financées par l’OMATHO)
La gestion urbaine passe obligatoirement par un partage de l’espace entre les différents intervenants. Les projets
aussi privilégient certains espaces, cas du quartier de Mossinkoré très sollicité (car présence d’Action Mopti).
Les espaces les moins stratégiques sont gérés par les populations, aucun projet ne les concerne, ainsi certaines
zones restent systématiquement en dehors du champ d’intervention des opérateurs et des projets, ce sont les
espaces intérieurs, sans “ valeur marchande ”, voire des espaces marginaux (cas des berges et des îles et villages
alentours).
Dans le cadre du Projet de Développement Urbain et Décentralisation de la Banque Mondiale, des contrats
sont passés entre les Communes et l’Agétipe pour la délégation de certains services auprès d’opérateurs
privés. C’est ainsi que chaque année, l’Agétipe lance des appels d’offres auxquels les GIE répondent pour
effectuer des travaux d’entretien de certains ouvrages (caniveau, voies bitumées, marchés).
L’Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt Public Pour l’Emploi (AGETIPE) a un rôle d’intermédiaire entre
le projet, les Communes et les opérateurs. Elle est chargée de lancer les appels d’offre et de procéder aux
passations de marchés, en collaboration avec les municipalités. Le budget pour ces activités de nettoyage se
partage entre la Commune, à 31 % et l’Etat, à 69 %, la budget annuel moyen s’élève à 32 millions de F cfa, en
2000 la contribution de la municipalité a été de 18 millions 98. Il est prévu dans le cadre du PDUD une évolution
de ces proportions qui tendraient à s’inverser, les municipalités prendront en charge la plus grande part de
financement, pour aboutir à une entière autonomie.
“ La municipalité a une enveloppe à partir de laquelle elle va dégager les priorités, c’est elle qui choisit les
marchés, les lieux à assainir. L’Agetipe est ensuite chargée de constituer des dossiers d’appel d’offre en
fonction des décisions de la mairie. L’objectif à moyen terme est que la mairie puisse traiter directement avec
les GIE sans passer par l’Agetipe ” (DST, mars 2002).
A Mopti, les premiers appels d’offre lancés par l’Agetipe dans le cadre du PDUD ont eu lieu en 1997, les
premiers travaux ont débuté début 1998. Ils s’adressent uniquement à des GIE locaux, c’est une règle explicite
car l’objectif de ce projet est de renforcer les capacités des acteurs de terrain, en valorisant leurs compétences et
en leur donnant les moyens de mettre en place leurs activités. Trois ou quatre GIE ont été chargés, chaque
année depuis 1998, du balayage des voies bitumées et des marchés et du curage des caniveaux. D’autres GIE
effectuent du ramassage d’ordures de porte en porte pour les ménages (voir infra). Il existe en tout plus d’une
cinquantaine d’opérateurs privés (associations et GIE) plus ou moins efficaces sur l’ensemble de la commune.
8 GIE appartiennent à ce premier type de structure, ils ont actuellement ou ont eu, depuis 1999, des contrats
publics d’assainissement avec la municipalité via l’Agetipe ou directement (cas des contrats de gestion, par
exemple).
98
PDC, 2001
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TABLEAU 4 : LES OPÉRATEURS SOUS CONTRAT
Dénomination GIE Date de création Profession du président Zone et domaine d’intervention Montant contrat Agetipe (en
F cfa)
GIE Laabal 1993 Ingénieur d’élevage Mopti et Sévaré 1999 : 9 740 140
Précollecte à Mopti, quartiers de Komoguel, Gangal, Mossinkoré, Bougoufié et Toguel
Contrat 99 à Sévaré : Nettoyage des artères principales bitumées, des rues (Rue 40, rue Motel-Eglise, rue Laya Dolo-
Ancien Abattoir) et les places publiques (Aly Maïga, Ambodedjo, derrière l’ODEM et place des taxis) et curage des
collecteurs
GIE Adawula 1997 Enseignant à la retraite Mopti 1999 : 7 750 000
Contrat 99 : Curage des caniveaux de la Digue de pêche, du Collecteur de Toguel et de l’ensemble des caniveaux
adjacents et des caniveaux du long de la grande voie bitumée
Contrat 2000 : Mopti (Curage caniveaux Digue de pêche et Collecteur de Toguel)
GIE EMEG 1998 Entrepreneur Mopti 1999 : 10 695 726
Contrat 99 : entretiens des voies bitumées (quartier administratif), des marchés du centre commercial, de la digue, de
Bougoufié, du Bas-Fond, de Medina-coura et de la place de Taïkiri
Contrat 2000 : Curage caniveau
GIE Muso Yiriwaton 1998 Commerçante Sévaré
2000 et 2001 : contrat avec la mairie pour la gestion du marché
GIE Tabital 1999 Comptable Sévaré
Contrat 2000 : nettoyage artères principales de la ville et curage caniveau longeant la route Sévaré- Mopti
GIE Sugu Djeya 1999 Ménagère Mopti
Contrat 2000 : gestion du marché Sakorowel, nettoyage digue du port de pêche
GIE Sory Bathily Mopti,
Contrat 2000 (et 2001) : délégataire de gestion des 35 nouvelles boutiques du Port de Pêche de Mopti. Chargé du
recouvrement des redevances des boutiques et de l’entretien régulier des infrastructures.
GIE Halleydé 2001 Transporteur Mopti et Sévaré
contrat avec la mairie en 2002 pour l’évacuation des caissons à ordures vers les décharges finales. Contrat passé au
départ pour la période de la CAN, puis renouvelé tous les mois.
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TABLEAU 5 : LES OPÉRATEURS DE COLLECTE DOMICILIAIRE DANS LA COMMUNE (voir § 4-2-3)
Dénomination Date de Profession / Type d’activité Zone(s) d’activités Nombre d’abonnés / Autres activités Nb salariés et fonction Subventions, aides, formations
création formation d’assainissement clients (assainissement)
président(e)
GIE Laabal 1993 Ingénieur Pré collecte ordures Mopti, quartiers Komoguel, 210 en 199999 ; 186 Contrats Agetipe 2 manœuvres, 1 1994 : Action Mopti (prêt de 3
d’élevage ménagères Gangal, Mossinkoré, en 2000 et 120 en recouvreur, 1 gardienmillions)
Bougoufié 2001100 1995 : Jeune Ville Emploi (formation
compostage)Error: Reference
source not found
CFD : subvention de 6 millions +
prêt de 10 millionsError: Reference
source not found
GIE Lav’net 1996 Technicien Vidange latrines et Sévaré, tous les secteurs variable Désinfection, 4 membres du GIE, 5 aucune
diéséliste puisards, nettoyage de Mopti, services, gouvernorat aménagement d’espaces manœuvres à Sévaré, 2 à
bureaux verts Mopti (des femmes).
Groupe Beese 1997 Agent service Pré collecte ordures
Mopti, quartiers Gangal, 64 en 1999Error: aucune 1 manœuvre 1998 : projet “ un espoir dans le
d’hygiène ménagères Mossinkoré, Bougoufié Reference source not found
désert ”, don de matériel
74 en 2000
GIE Emeg 1998 entrepreneur Pré collecte ordures Mopti, quartiers administratif 36 en 2000 ; 29 en Gardiennage et contrats 2001 : 1 charretier pour 1998 : AGFOR : formation en
ménagères et commercial 2001Error: Agetipe les OM, 1 contrôleur, le gestion d’entreprise
Reference source président
not found
GIE Gpes 1998 Fonctionnaire en Pré collecte ordures Sévaré, secteurs I, II et III 167 en 2001 aucune 3 charretiers, un projet “ un espoir dans le désert ”
retraite ménagères recouvreurs
Coopérative Toguel 1999 Ménagère Pré collecte ordures Mopti, quartier de Toguel 27 en 2000 aucune 2 manœuvres 1998 : 1 hollandaise du nom de
Djeya ménagères et eaux usées Franca : don d’argent pour du
matériel
-2001 : DED : formation en
assainissement, plus appui financier
GIE Dental 2001 mécanicien Pré collecte eaux usées et Ensemble de la commune variable aucune 1 chauffeur, 1 manœuvre, aucune
excrétas 1 apprenti
99
L. Crapelet, 1999, La collecte domiciliaire des ordures ménagères à Mopti. Etude quantitative et qualitative, rapport stage Action Mopti
100
Enquêtes de terrain, C. Meynet, oct. 2000 et oct. 2001.
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2-3 Les opérateurs de collecte domiciliaire (tableau 5)
Cinq GIE (Emeg et Laabal à Mopti, Gpes et Lav’net à Sévaré et Dental sur l’ensemble de la commune), une
coopérative (Toguel Djeya) et une association (groupe Beese) pratiquent la collecte domiciliaire d’ordures
ménagères, d’eaux usées et d’excrétas. Mais il existe des différences entre ces structures de par l’ampleur de
leur activité et de par leur mode de fonctionnement et de financement, qui définissent ici aussi des logiques
différentes. Par exemple le GIE Lav’net à Sévaré fonctionne véritablement comme une petite entreprise, il
n’attend pas d’aides pour réaliser ses activités, par ailleurs il entreprend des démarches auprès des services pour
obtenir des contrats de nettoyage des bureaux. Il se différencie donc des autres structures en offrant des activités
diversifiées à ses clients potentiels ; ces clients sont également divers, il peut s’agir de ménages à titre
individuel (pour l’évacuation des excrétas) ou d’administration, à titre collectif.
Le nombre d’abonnés varie d’une trentaine de clients à deux cents (Laabal), répartis sur l’ensemble des
quartiers sauf Taikiri.. Le GIE Laabal pratique la précollecte dans plusieurs quartiers de Mopti ville, Toguel,
Gangal, Komoguel, Mossinkoré et Bougoufié, au total le GIE regroupait le plus grand nombre d’abonnés, 190
en 2000101. Le Groupe Beese ramasse les ordures dans les quartiers de Gangal, Mossinkoré et Bougoufié, il
compte 74 clients en 2000. Le GIE Emeg, par contre, pratique cette activité dans les quartiers administratif et
commercial ; il ne regroupe que 28 clients mais certains payent plus de 750 F cfa par mois car ce sont des
administrations, des restaurants ou hôtels. La coopérative Toguel Djeya n’opère que dans le quartier de Toguel,
elle compte 28 abonnés, pour les ordures ménagères et les eaux usées. Enfin, le GIE Gpes à Sévaré compte 170
clients sur les trois secteurs. Sur l’ensemble de la commune, il y a donc environ 500 ménages abonnés (320 à
Mopti et 170 à Sévaré) ; 13 739 ménages ont été recensés en 1998, le taux d’abonnement est donc très faible
avec environ 3, 6 % des ménages abonnés. Ce chiffre peut être revu à la hausse si l’on considère que certains
ménages se regroupent pour s’abonner au sein d’une concession, cependant le taux reste peu élevé. L'enquête
ménages réalisée par Modibo Kiré (échantillon de 395 ménages) donnent des résultats aux proportions
similaires : sur 95,7 % de réponse, le travail familial représente 84,6 %, contre seulement 11,1 % pour le travail
rémunéré.
La multiplication de la création de GIE n’a pas entraîné l’augmentation du nombre d’abonnés mais plutôt une
hausse de la concurrence.
Seuls quelques GIE ont des membres qui parviennent à percevoir un salaire ou une rémunération pour les
activités d’assainissement effectuées, tels est le cas du GIE Halleyedé dans lequel trois personnes reçoivent un
salaire ainsi que le président lui-même.
Ces GIE de précollecte domiciliaire sont en concurrence sur les mêmes espaces, on peut retrouver deux GIE sur
une même zone, comme on peut le voir sur la carte 11, alors que d’autres quartiers ne sont pas du tout
concernés par un tel service (cas de Taikiri). Tel n’est pas le cas à Sévaré puisqu’un seul GIE travaille pour les
trois secteurs (cf. carte 12). A Sévaré, un seul GIE ramasse les ordures auprès des ménages, le manque de
moyen ne lui permet pas de satisfaire toutes les demandes. Nous avons pu constater sur le terrain une absence
d’information, plusieurs personnes interrogées ne connaissent pas l’existence de ce service, qui pourrait les
intéresser.
Les activités de ramassage ne sont pas régulières, la majorité s’arrête pendant la saison des pluies, plusieurs
raisons peuvent expliquer cette situation : un certain nombre de charretiers sont des travailleurs saisonniers qui
repartent dans leur village au moment de l’hivernage ; d’autre part, il n’est pas facile de circuler dans les rues
de Mopti en cette saison à cause des flaques ; les populations utilisent à ce moment-là leurs ordures pour
remblayer les inondations ; et enfin les habitants profitent des pluies pour évacuer leurs eaux usées dans les
rues.
Certains problèmes se posent pour les charretiers, le premier est directement lié à la structure de la ville avec
ses rues étroites qui ne permettent pas aux charrettes de circuler partout, le second est celui des récipients qui
servent de poubelle, ils sont en très mauvais état, le charretier est souvent obligé de faire plusieurs allers-retours
et de ramasser les ordures par terre.
101
Tous les chiffres présentés ici sont extraits d’enquêtes de terrain effectuées en 2000 et 2001 par C. Meynet.
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Les entretiens menés sur le terrain ont permis de constater le manque de professionnalisme des membres des
GIE, les présidents ou responsables ne connaissent pas leurs abonnés, ni leur nombre, ni leur nom. Les seules
personnes qui sont au courant sont les recouvreurs, qui ne sont pas toujours en bon terme avec la direction du
GIE, tel est le cas du GIE Gpes à Sévaré qui a connu un changement de direction lors du décès de l’épouse de
l’actuel président. Cette dernière s’occupait de faire passer les informations, elle avait confiance dans ses
employés, ce qui n’est plus le cas actuellement. Par ailleurs les salaires des employés sont très faibles : 15 000
F cfa pour les charretiers et 25 000 f cfa pour le recouvreur qui doit parcourir les trois secteurs de Sévaré en
bicyclette.
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CARTE 16 : LES ABONNES A LA PRECOLLECTE D’OM À MOPTI
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CARTE 17 : LES ABONNÉS À LA PRÉCOLLECTE D’OM À SÉVARÉ.
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Les problèmes rencontrés par les GIE de collecte domiciliaire d’ordures ménagères :
Les problèmes ne sont pas les mêmes pour toutes les structures qui constituent ce deuxième type, les GIE qui
effectuent la précollecte des ordures sont ceux qui ont le plus de difficultés et connaissent l’instabilité la plus
importante : variation saisonnière des activités, impraticabilité des rues en saison des pluies, départ des
manœuvres pendant l’hivernage, pratiques des habitants qui se servent des ordures d’avantage en hivernage
pour combler les trous dans les rues, éviter les inondations. Ensemble de conditions qui cohabitent et entraînent
le ralentissement voire même l’arrêt des activités de ramassage des ordures.
Problème de recouvrement, non-rentabilité des activités, peu de motivation…(cf. Sema Sanya Bko)
Par ailleurs, les deux autres GIE qui ont un profil différent (Dental et Lav’net), ne sont pas dans une logique de
dépendance, ils n’attendent pas de subvention particulière, ils espèrent obtenir des contrats ou souhaitent
seulement se faire connaître d’avantage de la population pour étendre leur champ d’action.
Par ailleurs, les activités de collecte qu’ils effectuent (fosses septiques, latrines) ne peuvent faire l’objet d’un
retard de paiement car celui-ci se fait directement, une fois le travail accompli.
Une enquête complémentaire sur les responsables créateurs de GIE a été menée, une dizaine de présidents de
GIE a été rencontrée ; les questions portaient sur leurs parcours scolaire et professionnel, leur expérience au
Mali et à l’étranger (grille d’entretien : voir annexe méthodologique) ; l’objectif étant de cerner quelle genre de
personnes fondent des GIE, et de voir s’il existe des points communs entre elles.
Les membres des GIE sont des cadres, parfois anciens fonctionnaires, mais très peu sont spécialistes de
l’assainissement.
Ce sont majoritairement des hommes, seuls trois groupes sont gérés par des femmes. Le GIE Sugu Djeya qui
est sous contrat avec la mairie et l'Agetipe depuis 2000 pour la gestion et le nettoyage du marché de Sakarowel,
a été créé par une femme en 1999. Le groupe Beese est en réalité une association féminine mais comme son
activité principale est rémunératrice, nous avons décidé de la classer parmi les GIE. Enfin, le GIE EQV
(Environnement et qualité de vie) est également dirigé par une femme. Au début, les fondateurs de GIE étaient
le plus souvent de jeunes diplômés sans emploi ou des “ partants volontaires à la retraite ”. Aux expériences
professionnelles assez diverses : certains ayant occupé plusieurs emplois et voyagé, d’autres sont d’anciens
fonctionnaires dont la carrière s’est déroulée sur le territoire national. Ce sont généralement des personnes
entreprenantes, qui ont beaucoup de projets.
Les créations récentes sont aussi le fait de citadins économiquement bien intégrés, quelquefois titulaires
d’emplois proches de la municipalité (un agent du Service d’hygiène, un conseiller municipal), et par là-même
informés des procédures, des besoins, des contrats possibles. Il y a souvent des liens de parenté entre membres
des GIE. Dans les 3 cas où des femmes apparaissent à l‘initiative de la création, leurs époux ont joué un rôle de
conseil et de médiation essentiel.
La volonté de ces entrepreneurs est en premier lieu la création d’emplois pour une amélioration de leur cadre de
vie, cependant ils déclarent aussi être intéressés et motivés par l’assainissement et l’amélioration de la salubrité
de leur espace de vie.
- les GIE ont été créés par des “ déflatés ” de la fonction publique, à la suite de leur départ à la retraite anticipé.
M. Sankaré est d’ailleurs membre de deux GIE, Tabital et Adawula :
“ Je suis membre du GIE Adawula puisqu'il est constitué des “ partants volontaires ”. Quand nous nous
sommes érigés en association des travailleurs volontaires à la retraite, les “ déflatés ” de la fonction publique.
Alors avec les démarches auprès du gouvernement, le gouvernement nous a dit qu'il ne pourra pas financer
individuellement les membres, mais qu'il vaut mieux s'ériger en groupement. C'est ainsi qu'est né le GIE Meseri
à Bamako qui regroupe tous les partants volontaires qui ont voulu être membre. Là, le gouvernement nous a
donné comme prime de réinsertion 500 millions. Il y avait eu des financements auparavant mais très faibles,
quand vous demandez un projet de 23 millions et qu'on vous donne 3 millions, c'est comme dire allez-y vous
régaler de cet argent. Compte tenu de toutes ces difficultés le gouvernement a voulu changer de politique avec
les partants volontaires. C'est ainsi qu'avec toutes nos démarches ils ont trouvé nécessaire de mettre à notre
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disposition 500 millions de F cfa, pour 5023 partants volontaires. Si on considère le revenu par personne,
chaque partant n'a pas 100 000 F, on a peut-être 80 000, ça ne peut rien financer.
Nous avons trouvé nécessaire de faire quelque chose de plus potable avec ce fond. Nous avons trouvé qu'avec
les caisses associatives c'était encore mieux, nous présentons des mini projets que les caisses vont financer.
(…). Le grand cerveau à Bamako a dilapidé les fonds, il y a eu des poursuites judiciaires qui n'ont pas donné
grand effet ; maintenant on se retrouve sur des béquilles.
C'est à l'image de ce GIE qu'on a crée ici Adawula, sur le conseil du directeur de la DAF, qui avait de la
sympathie pour moi. Au niveau de Adawula, je suis le commissaire au compte, je m'occupe de la partie
financière. Je suis dans les réunions, je suis sur le terrain ”.
-les GIE familiaux cas de Tabital et Halleyedé (car méfiance des personnes extérieures, il se sent plus en
confiance avec les membres de sa famille). C’est aussi une manière d’embaucher ses proches (enfants, frères,
femmes).
“ Moi j’ai mes enfants, j’ai déjà trois ou quatre garçons qui travaillent, plus mes frères et mes cousins. J’ai créé
un GIE, nous sommes au nombre de douze personnes, c’est un GIE familial (…) Dans le GIE, il y a trois
personnes qui ne sont pas de la famille, ce sont des amis.”102.
-Parmi les responsables rencontrés, un seul a connu plusieurs expériences dans le domaine de l’assainissement
avant de créer son GIE, il s’agit de Moussa Dembélé, président du GIE EMEG (Entente Malienne pour
l’Entretien et le Gardiennage) :
“ Pour travailler je connais un peu les rouages de l'assainissement, comme depuis 1978 je fais le manœuvre,
sinon en réalité je n'ai pas appris ça sur le papier. Quand je suis au bac seulement, il y avait une nécessité de
la famille, comme je suis l'aîné, je devais faire quelque chose pour subvenir aux besoins fondamentaux de la
famille, je ne pouvais plus continuer les études.
C'est dans l'assainissement qu'il y avait de l'argent, parce que les gens n'aiment pas tellement la saleté. Moi, je
veux juste avoir un fond de commerce donc là où il y a de l'argent je travaille. C'est-à-dire c'est entre
l'assainissement et le commerce que j'ai toujours opéré. Je ne suis pas toujours issu d'une famille aisée, je suis
obligé de me donner corps et âme.
A Dakar je faisais le nettoyage de la molle du Mali, c'est-à-dire dans chaque port il y a pour les pays, je faisais
le nettoyage dans le compartiment du Mali. Au Burkina je faisais la décontenance des fosses septiques. Pour
Abidjan c'était un marché qu'on entretenait. En Algérie à Oran, c'était un peu de tout qu'on faisait, en Lybie
aussi c'était un peu de tout. ” 103.
Deux exemples de GIE qui ont tous les deux des activités de collecte de déchets mais qui sont cependant très
différents, à plusieurs points de vue. Tout d’abord au niveau des activités, le premier s’occupe de la précollecte
de déchets solides et le second des déchets liquides. Par ailleurs, leur fonctionnement est marqué par des
logiques différentes, le GIE Dental, crée en 2001, est d’avantage entreprenant, peut-être est-il représentatif de la
seconde génération de GIE ?
Ces deux portraits de GIE vont revenir sur l’historique de leur création, sur les activités menées et leur
évolution ; le GIE Laabal, plus ancien, a fait l’objet de commentaires dans différents rapports « extérieurs ».
a) le GIE Laabal
L’analyse de l’expérience mouvementée du GIE Laabal est intéressante et permet de tirer certaines leçons,
d’autant plus que le projet, pionnier à Mopti, a été largement subventionné par des fonds de coopération (CFD,
fondation Danielle Mitterrand, coopération décentralisée) et cité comme un exemple d’initiative nouvelle et
prometteuse dans différentes références (ENDA104, F. Cherel 105).
102
Entretien B. Bah, président GIE Halleydé, janvier 2002, C. Meynet
103
entretien réalisé par C. Meynet, août 2000
104
Programme d’économie environnementale urbaine et populaire de Enda Tiers Monde,
http://www.globenet.org/preceup/pages/ang/chapitre/capitali/geo/geo_af.htm
105
F. Cherel, 1993, “ La gestion de la salubrité à Mopti ”, AFVP, Action Mopti
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L’initiative a notamment été citée en exemple lors de la table ronde organisée à Bamako en décembre 1996
portant sur les “ Rôle, enjeux et perspectives des GIE dans l’assainissement en milieu urbain au Mali ”, pour
souligner le cadre de concertation mis en place entre la municipalité, le GIE et l’ONG qui “ pourrait être une
illustration en la matière ”106. Les aléas de cette entreprise montrent en effet les limites d’un projet pionnier à
Mopti, soutenu de l’extérieur, mais qui ne prenait pas suffisamment en compte les pratiques des habitants.
A Mopti le GIE Laabal a été le premier à être créé (en 1993) pour mener des activités d’assainissement. L’idée
de départ est venue de quelques amis, jeunes diplômés sans emploi qui ont monté un projet d’assainissement
conforme aux modèles alors prônés par les bailleurs extérieurs. L’ONG Action Mopti a appuyé cette initiative
dans le cadre de son programme d’assainissement. Le projet détaillé concernait le ramassage des ordures
ménagères et l’évacuation des eaux usées avec, dans un premier temps, un projet de valorisation des déchets par
compostage et de traitement des eaux usées par lagunage devait être mis en place dans un second temps.
La procédure de création, en tout point exemplaire semblait un gage de réussite : des enquêtes ont été réalisées
pour évaluer la capacité des ménages à payer, ainsi que des campagnes de sensibilisation de porte en porte. Les
quatre membres fondateurs ont également réalisé une opération de comptage des concessions et des puisards
dans six quartiers (Komoguel 1, Gangal, Toguel, Mossinkoré, Bougoufié et Taikiri) 107, puis un système de
numérotation des concessions par secteur a été mis en place dans le quartier de Mossinkoré.
Les activités ont démarré le 4 août 1994, au 1 er décembre de la même année, on dénombrait 635 concessions
abonnées au ramassage des ordures et 85 concessions abonnées à la vidange des puisards Tout le monde a
accueilli positivement l’initiative de ce GIE, préfinancée par l’ONG Action Mopti par un prêt de 3 millions de
F cfa en attendant la subvention de la Caisse Française de Développement qui s’est élevée à 6,3 millions à
laquelle s’ajoute un prêt de 10 millions. Action Mopti a par ailleurs contribué à la signature d’un contrat de 5
ans entre le GIE Laabal et la municipalité : “ On avait Action Mopti comme une sorte d'arbitre, parce qu'en
matière de politique on se connaît ici, on sait qu'au niveau de la mairie ça ne va pas. Pour ne pas être dans
l'embarras on a préféré avoir un arbitre entre nous ”108.
Dans le cadre de ce projet des formations étaient prévues, seules certaines ont eu lieu telle une formation à la
technique de compostage (qui s’est déroulée au Bénin au CTOM de Tohoué). D’autres formations devaient être
dispensées, financées par le programme Jeune Ville Emploi, elles n’ont pas eu lieu. Ce non-respect des
prévisions a marqué le début d’une rupture dans la coopération entre les différents acteurs. “ Je dirais même
que c'est une des causes de notre mésentente avec Action Mopti. Jusqu'à présent le fond est là-bas mais la
formation n'a pas été dispensée ”
- tensions croissantes entre Action Mopti et le GIE : Des problèmes de délai dans les décisions d’Action Mopti
se sont fait sentir car la structure locale devait soumettre systématiquement les projets au siège de Maurepas.
Les membres du GIE se sont avérés être de mauvais gestionnaires, mais ils s’en défendent en arguant de la
formation en gestion qui n’a pas été faite. La mésentente entre les deux partenaires s’est accentuée lors des
différentes réunions, puis en novembre 1998 Action Mopti a décidé de rompre le contrat les unissant au GIE
Laabal.
Au final, la présentation du projet, ce qui a été écrit et envisagé lors du démarrage du programme ne s’est pas
avéré réaliste. Dans le document fiche-projet du Preceup-ENDA Tiers Monde, l’expérience Laabal “ qui
propose un véritable service d’assainissement ” est présentée de façon très enthousiaste, concernant le nombre
d’abonnés par exemple (635 en 1994), les auteurs de la fiche affirment que la demande est très forte, or le
nombre d’abonnés n’a jamais dépassé les 700 et n’a cessé de décroître, à la fois à cause de l’irrégularité des
prestations offertes par le GIE (liées à l’instabilité de leur main d’œuvre), et de la montée de la concurrence.
Actuellement, les activités de précollecte domiciliaire continuent mais avec une moindre importance, deux
charretiers travaillaient en 2001 pour ramasser les ordures d’environ 150 abonnés. Cela n’est pas rentable, le
GIE essaye donc de se tourner vers les contrats Agetipe pour l’entretien d’espaces publics. Il y a actuellement
un seul cadre au sein du GIE, le président lui même qui est ingénieur d’élevage.
106
COGIAM (Collectif des Groupements Intervenant dans l’Assainissement au Mali), 1996, Rapport de la table ronde “ rôle, enjeux et
perspectives des GIE dans l’assainissement en milieu urbain au Mali ”.
107
Entretien avec Idrissa Cissé, membre fondateur, août 2000, C. Meynet
108
idem
Programme PSEAU-PDM – AR D08 "Gestion des déchets urbains et aide à la décision municipale. Mopti. Port Novo".UMR 100
Laboratoire Population Environnement Développement. IRD - Université de Provence.
- La principale remarque est qu’elle ne s’est pas suffisamment appuyée sur des compétences techniques et les
pratiques existant localement. Il s’agit en quelque sorte d’une “ fausse innovation ”, car calquée sur un modèle
organisationnel diffusé dans toute les villes de la sous région.
- Ainsi, des problèmes se sont posés avec les ânes qui sont tombés malades ou qui sont morts faute de soins.
Dans le texte introductif au rapport de la table ronde “ rôle enjeux et perspectives des GIE dans
l’assainissement en milieu urbain au Mali ”, le COGIAM se félicite de “ l’introduction de la charrette à
traction asine comme matériel de collecte des ordures ” dans les villes du mali. Mais à Mopti, l’utilisation des
ânes pour le transport de la terre et des déchets est une pratique ancienne et banale, qui a d’ailleurs servi à la
poldérisation, socle de la ville. La gestion des ânes est depuis des décennies une spécialité des Bellas,
populations de réfugiés et de migrants saisonniers de la sécheresse qui effectuent, avec les ânes, de nombreuses
tâches liées aux déchets (transport de banco, de briques, remblais d’ordures) : le travail de charretier aurait donc
pu être confié à ces “ spécialistes ” plutôt qu’à des jeunes sans emploi … Mais cette suggestion renvoie au
statut même de ces populations, stigmatisées en tant qu’anciens esclaves de Touaregs et marginalisés
socialement et spatialement dans la ville109.
- Parmi les problèmes qui se sont posés au cours de leur période d’activités, le déséquilibre dans la répartition
du personnel entre manœuvres et cadres, le non paiement régulier des manœuvres, tout comme le mauvais
recouvrement des abonnements de la part des ménages peuvent amener à poser la question du bien-fondé du
salariat lorsque l’on sait qu’à Mopti un grand nombre de manœuvres travaillent journellement à la collecte de
déchets et sont payés à la tâche par leurs clients. Ce système, pour informel qu’il soit, fonctionne bien et est
plus avantageux pour les ouvriers.
- Enfin, les projets de compost et de lagunage qui constituaient un aspect crucial du projet dans sa dimension de
développement durable, n’ont jamais vu le jour, et se sont révélés totalement inadaptés aux réalités
mopticiennes. Le prix de revient et de vente du compost était trop cher pour intéresser les maraîchers qui
utilisent surtout du fumier, facilement disponible, et qui ne coûte que 100 F cfa (sac de mil de 100 kg) 110 alors
que le GIE Laabal proposait de vendre son compost entre 1100 F cfa et 3670 F cfa le m3 (selon type de
compost), or la majorité des maraîchers ne peuvent investir une telle somme dans une activité temporaire ou
secondaire (le maraîchage de décrue est important sur les berges).
- L’évacuation des eaux usées a également posé des problèmes car les techniques employées n’étaient pas
rentables, les pompes se bouchaient avec les ordures, ce qui ne permettait pas de vidanger un nombre suffisant
de fosses.
Cette expérience a permis de voir les limites d’une situation de monopole dans la gestion des déchets.
L’ouverture du marché à la concurrence peut être une solution alternative. En effet, le GIE Laabal a ouvert la
voie et fortement marqué les esprits des Mopticiens (qui emploient maintenant le terme de Laabal111 pour
désigner tout GIE faisant du ramassage de porte à porte).
b) Le GIE DENTAL
Un autre exemple de GIE est intéressant car il montre les différences pouvant exister dans la mise en place et le
fonctionnement de tels groupements. Il s’agit du GIE Dental qui a été créé récemment, en mai 2001.
La création du GIE est directement liée au projet de rachat du camion spiros de la mairie qui était en panne
depuis 1995. Le secrétaire général du GIE, conseiller municipal, a été informé de la vente de certains matériel
et véhicules de la mairie; le président du GIE, mécanicien, a fait toutes les réparations. Le coût total du spiros
(achat, réparation et les frais de dossier) s’élève à 4, 686 millions de cfa, cette opération et les activités qu’ils
mènent ont été entièrement autofinancées. Chacun des cinq membres du bureau a investi 250 000 F cfa. Aucun
dossier de subvention n’a été déposé au niveau des ONG et structures d’Etat.
Les fondateurs de Dental se démarquent radicalement de la démarche passée de Laabal en s’affirmant comme
109
Lohnert B. [1995], Uberleben am rande ders Stadt. Freiburger Studien zur Geographischen Entwicklungsforschung, n°8, Verlag für
Entwicklungspolitik, Saarbrücken, 259p. - C. Meynet, 1998, l’occupation des berges à Mopti, mémoire de maîtrise, Université de Provence.
110
M. Chauvin, 1999, Le maraîchage péri-urbain à Mopti ”, AFVP, mémoire de DEA
111
Laabal est un terme Peul qui signifie assainissement.
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des entrepreneurs qui ne veulent pas demander et attendre des aides et autres subventions. C’est pourquoi tous
les membres du GIE ont cotisé, “ car si tu as ton argent là-dedans, tu vas tout faire pour que ça marche ”112.
Ils préfèrent montrer ce qu’ils sont capables de faire avant de demander quoi que ce soit, ils s’opposent aux
pratiques des autres GIE qui sont en attente de marchés. Ils n’ont d’ailleurs pas adhéré à la coordination, car ils
estiment qu’ “ il y a un problème d’organisation dans la coordination. Les GIE ne sont pas sérieux ”, ils
envisagent quand même d’en faire partie. Les activités de vidange ont débuté au mois de décembre, pour se
faire connaître, le GIE a diffusé un message à la radio, pour une somme de 17 000 F cfa.
Ils ont également en projet de mettre en circulation une citerne, car “ il y a un besoin au niveau de la mairie
aussi ”, ainsi le véhicule pourra avoir un double emploi, il sera mis en location pour d’éventuels travaux de
bitumage.
Cet exemple est intéressant à plusieurs niveaux, dans un premier temps parce que l’on a à faire à de véritables
entrepreneurs, avec des compétences techniques, qui sont conscients des habitudes néfastes des GIE qui
fonctionnent comme des ONG, en attente de nouvelles subventions, alors qu’un GIE doit être en principe plus
proche du fonctionnement d’une petite entreprise. Dans un second temps, cet exemple illustre bien le problème
de confusion des rôles quand une même personne est à la fois conseiller municipal et membre fondateur d’un
GIE (est-ce un fonctionnaire d’Etat ou un entrepreneur privé ?). Cela nous amène également à poser la question
de la préférence accordée par la mairie à ce GIE pour la vente de gré à gré du camion spiros, alors qu’un autre
GIE spécialisé dans le curage des caniveaux avait depuis longtemps manifesté son intention de racheter l’engin.
Cette préférence a d’ailleurs généré un conflit avec ce GIE.
112
Entretien avec Bareima Samassekou, secrétaire général GIE Dental, décembre 2001, C. Meynet.
113
Ouattara C., Maiga A., 2001, Projet d’assainissement de la commune de Mopti, GIE Sugu Djeya, Mopti, 18p.
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projet insiste donc sur cette “ situation inconcevable ” pour un chef lieu de région (contexte touristique et
organisation de la CAN 2002).
Cette première présentation du projet est complétée par une étude de marché, pour laquelle des enquêtes auprès
“ d’un échantillon représentatif de 20 % des ménages ” ont été faites sur leur capacité / volonté à payer pour
les trois services d’assainissement : ramassage des ordures dans les concessions et les marchés, le vidange des
latrines et le curage des caniveaux passant devant les concessions. Les résultats de ces enquêtes montrent une
quasi-totale adhésion des ménages pour le paiement de redevances (95% pour les ordures ménagères, 90% pour
la vidange des latrines et 65 % pour le curage des caniveaux), ces chiffres paraissent “ gonflés ” (enquête
effectuée auprès de 20% mais les commentaires sont basés sur la totalité des ménages). Les redevances
envisagées sont de 750 F / concession / mois pour la pré collecte des ordures tous les jours ; 3600 F /
concession / trimestre pour la vidange des latrines ; 6600 F / concession / semestre pour le curage des
caniveaux, ce qui semble relativement élevé pour la plupart des ménages..
Une étude technique et une évaluation du coût du projet ont également été faites. Le matériel d’exploitation
nécessaire est relativement important : 3 bennes et 2 spiros, 11 charrettes plus du petit matériel (brouettes,
pelles, pics, etc.), pour une somme de 107 698 500 F cfa. Le GIE envisage d’employer 70 personnes, dont 5
manœuvres et 11 charretiers pour la réalisation et le fonctionnement du projet. Le coût global du projet s’élève
à 144 703 500, environ 7,7 % doit être pris en charge par le GIE (ce qui représente les frais d’établissement, le
matériel et mobilier de bureau et une petite partie des fonds de roulement), la somme restante qui représente
plus de 92% entre dans la rubrique financement, il s’agit en réalité d’un prêt sur 5 ans, avec un différé d’un an,
à un taux d’intérêt de 15% l’an. Un compte d’exploitation prévisionnel très détaillé est présenté ensuite qui rend
compte des recettes et des dépenses sur les cinq premières années.
Ce type d’attitude marque une évolution des GIE, une prise de conscience de ce qu’attendent les bailleurs de
fond dans le domaine. Ils dépassent la simple attente de subventions.
Le dernier type regroupe les structures ayant des activités d’assainissement qui ne rapportent aucun revenu et
restent parfois ponctuelles et symboliques, ce sont également des acteurs qui agissent dans l’ombre, leurs
activités sont beaucoup moins visibles que celles effectuées sous contrat.
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TABLEAU 6 : LES ACTEURS SYMBOLIQUES DE L’ASSAINISSEMENT
Dénomination Date de Profession du/de la président(e) Activités d'assainissement Autres activités Zone(s) d'intervention Subventions / aides
création
Asso Sabonyuman 1988 ? nettoyage rues, places publiques, écoles, aucune Médina Coura aucune
Asso Benkady 1990 ménagère nettoyage quartier et actions ponctuelles maraîchage, petit crédit Barigon Daga et -1992 : commandant de Cercle : don d’une pompe pour le
quartier administratif jardin
-1996 : ? : don argent (achat de grains puis revente pdt la
période de soudure
-1998 : Père Vesperin : don de 2 moulins
-2001 : PAM : nourritures
Asso Djandé Fulfuldé 1991 ménagère nettoyage du quartier, école et terrain ; alphabétisation, embouche, Taikiri 2001 : Fondation pou l’enfance : don d’un moulin
nettoyage du marché maraîchage
Asso Super Danaya 1991 commerçante nettoyage des rues, compostage dans le teinture, alphabétisation, Toguel 1999 : SIATA (organisme du Burkina), don de matériel
bas-fond, plus activités ponctuelles transformation alimentaire, couture 2000 : Asso Bokar Sarasy, formation alphabétisation,
teinture
Asso Soutoura 1992 Ménagère nettoyage du quartier, des rues, les voies alphabétisation, teinture indigo Sévaré I 1996 ou 97 : mairie, don de 10 balais
principales, nettoyage des saignées, -formation avec un don de matériel par le biais de la mairie
destruction des dépôts anarchiques
d’ordures (elles remblaient des trous
avec), une fois par semaine.
Asso Elégance 1992 technicien des arts, direction nettoyage des rues animation SR (Santé de la Toguel 2000 : action sociale : alphabétisation bambara
régionale de la jeunesse Reproduction), (IEC), transformation 2000, Fafpa, par le biais de la coordination : formation en
produits alimentaires, embouche gestion
2000 : CAFO, formation en assainissement
2001, Promotion féminine : formation femme et politique
2001, action sociale et promotion féminine : montage micro
projets
2001, AMPPF : formation SR
GIE Asfer 1992 Ménagère Nettoyage du quartier Maraîchage, savonnerie, embouche Sévaré, secteur II 1996 “ un espoir dans le désert ” (don matériel, formations)
bovine
1997 : PAM (don nourriture)
AJDP Toguel 1993 Secrétaire général à la chambre balayage rues, ramassage des ordures, maraîchage, éducation, Toguel 1997don de matériel par Action Mopti en
(Association des du commerce et de l’industrie à creusement de saignées pendant alphabétisation
jeunes pour le Mopti l'hivernage
Développement et le
Progrès)
GIE Kounari 1994 comptable Activités ponctuelles (journées de gestion, embouche bovine, Ensemble de Mopti-ville 1998 : AGFOR mairie : formation en assainissement
salubrité) menuiserie, commerce, transaction
immobilière, convoyage de bœufs
Asso Kenkelefo 1995 commerçante balayage des rues, nettoyage des petits commerces, savonnerie, teinture Bougoufié 2001 : Action Mopti : formation santé de la reproduction
saignées 2000 et 2001 : Action Sociale : formation alphabétisation et
santé
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Asso Dewral et Gollé 1995 Secrétaire nettoyage des rues, sensibilisation pour les maraîchage, embouche, Sévaré I 1997 : autoformation
eaux usées alphabétisation 1998 : Action Mopti , formation en Peul
1999 : PAM, don de nourriture
Asso Djiguitunkou 1995 Enseignante nettoyage des alentours de l’école, places transformation de matières plastiques, Sévaré III, Banguétaba 1998 : DED : argent
publiques, ramassage des plastiques lutte contre le SIDA, élevage, -1998 : self help (US) : argent
reboisement, transformation -2000 : association musola Mali : argent plus matériel
alimentaire, maraîchage, -2001 : Action Mopti : argent
alphabétisation (actuellement en -2001 : plate forme multifonctionnelle
formation), lutte contre la malnutrition -2001 : fondation pour l’enfance : don d’un moulin
des enfants. -amis de France : aide en continue
Asso Jiguisseme 1995 ménagère nettoyage des alentours des caissons à appui aux aides ménagères Sévaré II partenariat permanent avec Save the children (matériel de
ordures installés par la mairie ; deux fois (sensibilisation) ; gestion d’une borne sensibilisation, formation à l’assainissement)
par mois nettoyage des rues fontaine (secteur II, Sévaré) ; 1999 – 2000 : PNLS (don d’argent pour la location de
imprégnation des moustiquaires, matériel vidéo pour la sensibilsation)
teinture ; transformation de produits Care Mali (alphabétisation, formation à la gestion
alimentaires. d’entreprise rémunérée à 75 000 F CFA, avec cette
somme achat de matériel pour la teinture)
2001 : Contrat avec la mairie pour le nettoyage des abords
des caissons
Asso Loloni 1996 Ménagère entretien du quartier, nettoyage des rues, Maraîchage, riziculture Sévaré I et II 1998 : DED (Alld) : don de matériel pour le jardin, plus des
nettoyage du centre de santé (salles, …) frais pour la clôture
-1999 : Corps de la paix : matériel
Contrats ponctuels avec le PAM (don de nourriture contre
travaux)
Asso Kawral 1996 ménagère nettoyage quartier plus activités maraîchage, embouche, aviculture Taikiri aucune
(Association féminine ponctuelles
multifonctionnelle
artisanale de Taikiri)
Asso Brillantine 1996 ménagère nettoyage des rues, évacuation des petits commerces Toguel 31/07/01 : journée Panafricaine de la femme, PAM don
ordures dans le quartier, nettoyage des de nourriture
saignées
Asso Benkady (Taikiri) 1996 ménagère nettoyage des rues, évacuation des dépôts maraîchage, champ de riz, coopérative Taikiri village et 1998 : PAM don de mil
d'ordures (tissage, teinture indigo), lotissement
transformation agro-alimentaire,
savonnerie
Asso ADAF 1996 animatrice en alphabétisation ramassage des ordures dans les rues et alphabétisation fonctionnelle, projet : Sévaré secteur I 1998 : PAM : don de matériel plus farine de maïs
dans les dépotoirs. embouche
GIE CME 1996 Secrétaire général conseil de Ramassage de porte en porte jusqu’en 99. immobilier (transactions, conseils Ensemble de la 1995 : le GIE était alors une association ; GTZ : aides
Cercle Activités ponctuelles (journée de salubrité commune financières
1996 GTZ : formation en assainissement
GIE Wallam Myobé 1996 infirmier projet de ramassage des plastiques Promotion de l’élevage Mopti, quartier Taikiri aucune
Asso Soutoura Toguel 1997 petit commerce nettoyage des rues et des fossés aucune Toguel Denefla, 1998 et 1999 : alphabétisation
-affaires sociales, 1999 : formation sur le paludisme
-Action Mopti, tous les ans : IEC
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Asso Kin Kanou 1997 dépanneur radio télévision nettoyage du quartier, remblais avec sensibilisation Bougoufié sud 1999 : Action Mopti, formation en assainissement
Développement latérite pendant las saison des pluies
Asso Césiriso 1997 commerçante nettoyage des rues, deux côtés du teinture, tissage, maraîchage, appui Sévaré I, alentour camp 1999 – 2000 : Action Mopti : formation en assainissement,
goudron, évacuation des ordures du dépôt aux enfants des rues militaire planning familial, alphabétisation
-2001 : Save the children : formation
Asso Siguibana 1998 ménagère Nettoyage rues transformation produits alimentaires, Sévaré I juillet 2001 : promotion féminine, don de matériel
épargne crédit, alphabétisation, -2000 : CAFO, don d’une pelle, un rateau, une paire de
imprégnation de moustiquaires, projet gants
de éducation, embouche, maraîchage
Asso Djè Douman 1998 ménagère nettoyage des rues transformation des plastiques, Mossinkoré 2001 : PAM : don de matériel
sensibilisation
AJDM (Association des 1998 commerçant de poisson nettoyage des rues, curage des caniveaux, aucune Mossinkoré aucune
Jeunes pour le surveillance
Développement de
Mossinkoré)
Asso Fourmis 1998 commerçante Nettoyage rues alphabétisation ; agro-alimentaire ; Sévaré I, alentours de Projet DEFSam : formation sur l’agro-alimentaire
épargne-crédit ; santé (sensibilisation l’ODEM, route de Gao
MST, farine infantile, imprégnation
moustiquaire) ; embouche bovine
(dossier seulement)
Asso Djiguiya 1999 Enseignante nettoyage du camp, des rues teinture, petits commerces, Sévaré I, alentour camp deux formations pour la teinture avec Fafpa et la boutique
alphabétisation, maraîchage, militaire de gestion
embouche, savonnerie
GIE Commune Sanya 1999 Enseignante Nettoyage quartier, ramassage et aucune Mopti, quartier aucune
évacuation des ordures jusqu’à Pont Bougoufié
Carré, vidange des puisards ; 3 ou 4 fois
par semaine
Asso Kwana 1999 petit commerce curage petits fossés, nettoyage rues aucune Komoguel PAM, 2001 : don d’une charrette (elles cherchent un âne
actuellement)
Asso Dental 1999 Animatrice rurale nettoyage des rues, places dans le savonnerie, teinture, maraîchage Sevaré III aucune
quartier, écoles, dépôt d’ordures
Asso Antenne II 1999 ménagère nettoyage des rues et places publiques embouche Gangal secteur V aucune
Asso Kelenya 1999 ménagère nettoyage rues et caniveaux aviculture Bougoufié 1999 : CECI (Canadien) : formation en alphabétisation
Asso Payidé Mô-Kho 1999 horloger nettoyage du quartier aucune Komoguel 2 aucune
Asso Kokodjé 1999 agriculteur pêcheur au départ remblai avec les ordures pour reboisement, remblai de la digue allant Barigon Daga, quartier 2000 : Opération riz : formation en alphabétisation
faire une digue de ceinture. Depuis la à Barigon Daga administratif fonctionnelle, plus décentralisation
CAN : chaque samedi ils nettoient à
Komoguel 2, et le dimanche à Barigon
daga.
Asso Jam Woodi 1999 enseignante Balayage des rues et du camp militaire teinture, savonnerie, hygiène et Sévaré I aucune
environnement
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Asso Macina 1999 Enseignante contractuelle nettoyage du camp, dispensaire, marché, aucune Sévaré I 1999-2000 : corps des volontaires : formation
évacuation des ordures alphabétisation, teinture, savonnerie, nutrition, aviculture,
gestion
GIE Annya 1999 Ménagère aucune aucune Sévaré aucune
GIE Djiguiya 1999 Technicien agricole, Office Riz Nettoyage des rues aucune Médina Coura aucune
GIE Dewral 1999 secrétaire Nettoyage rue, montage de projets (EU et aucune Sévaré, secteur I aucune
OM).
Asso Saramaya 2000 Ménagère entretien des rues, désherbage, transformation agro-alimentaire, Sévaré I 2001 : Atlas formation : formation, don de deux rateaux et
évacuation ordures teinture bogolan, indigo, maraîchage, une pelle
projets : reboisement et -CAFO : formation en assainissement
alphabétisation pour les jeunes
membres
GIE EQV 2000 Ingénieur agro économique Nettoyage rue, curage caniveau gardiennage, produits laitiers Mopti, Mossinkoré aucune
(Directeur Général de l’Opération
Pêche
Asso Kokadjé 2002 ? Balayage du goudron, nettoyage de Mopti, tous les quartiers aucune
certains services
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La première constatation est qu’il s’agit du type qui rassemble le plus grand nombre de groupements, 43 au
total. Le type 3 regroupe des structures de statut différents, on retrouve des associations et des GIE, les
associations sont, cependant les plus nombreuses.
Il existe à Mopti un très grand nombre d'associations, celles qui participent à l'assainissement de la ville sont en
grande majorité des associations féminines, mais il y a également quelques associations de jeunes, dans les
deux cas les regroupements se font généralement au sein d'un quartier.
Au total nous avons pu recenser 19 associations à Mopti et 14 à Sévaré qui comptent l'assainissement parmi
leurs multiples activités. Les associations sont le plus souvent créées dans le but d'une reconnaissance officielle,
ce qui peut permettre par la suite d'obtenir des aides, des subventions, des formations, car le regroupement
existe déjà avant même l’obtention des papiers reconnaissant leur existence.
Il est important de préciser que les informations contenues dans le tableau proviennent des entretiens menés
auprès de ces associations, les activités en particulier sont celles déclarées par la personne interrogée. Les dates
de création ne correspondent pas toujours aux dates d'officialisation des associations (obtention du récépissé), il
peut y avoir plusieurs années de décalage, ou inversement les dates d’obtention des papiers ne correspondent
pas non plus toujours à la réalité d’existence de l’association, qui peut avoir été créée plusieurs années
auparavant. Les dates présentées ici sont celles déclarées par les personnes interrogées, à l'appui des documents
officiels, il peut s'agir des dates de début des activités ou la date réelle de création de l'association. Exemple de
l'association Sabobyuman de Médina Coura qui existe depuis 1998 mais qui n'a toujours pas de récépissé.
L’officialisation de ces groupements a souvent pour objectif des possibilités d’aide et l’extension de leurs
activités, un certain nombre d’associations existait bien avant l’obtention du récépissé et du statut d’association
sous forme de tontine.
“ Notre association a commencé par la mutuelle des femmes, dans laquelle on faisait une cotisation
chaque lundi qui s'élève à 100 F, pour donner ça à une femme. C'est lors d'une formation de planning
familial donné par Action Mopti que nous avons appris qu'il existe une caisse des femmes pour leur
développement, mais je ne connais pas le nom de cette caisse. Mais paraît-il que cette caisse n'aide les
femmes que si elles s'associent. dès lors j'ai regroupé mes femmes pour leur parler de la nouvelle ”114.
114
Entretien avec T. Kané, présidente association Super Danaya, août 2000, C. Meynet.
115
M. O’Deyé, 1985, Les associations en villes africaines, Dakar Brazzaville, L’Harmatta, 125p.
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omniprésentes, elles participent activement à la gestion de leur espace. Elles sont très présentes au sein de la
coordination d’assainissement. Elles sont moins sur le devant de la scène, moins présente dans la politique,
dans les administrations
-N’ayant que très peu de moyens financiers, elles savent s’organiser, mettre en place des activités avec peu de
moyen (ancienneté des systèmes de micro-crédit, tontine, en milieu traditionnel).
Conclusion
Il est possible de passer d’un type à l’autre, car ce sont au départ des choix, des orientations, mais parfois ce
sont les circonstances, les opportunités, les relations, l’accès à l’information, qui vont faire la différence et
orienter l’évolution de ces groupements. Certains groupements cependant, n’aspirent pas forcement à un
“ agrandissement ”, car leur logique est différente, elle est plus sociale que politique et économique.
L’omniprésence des associations et GIE montre également la capacité d’adaptation des citadins face à une
situation de crise.
Des coordinations de GIE se mettent en place dans différentes villes maliennes (et ouest-africaines en général)
depuis quelques années suivant des recommandations convergentes, issues d’analyses d’expériences
extérieures, et concluant toutes à la nécessité que “ ces entreprises locales commencent à s’associer au sein de
coordinations ” afin de renforcer leur pouvoir et leur crédibilité dans le nouveau contexte de gouvernance
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locale.116.
a) Genèse de la Coordination
116
Ta Thu Thuy, 1998, p. 44
117
J-F Cordier, 1999, Rapport d’activités, Programme “ Environnement – Coopération Municipale ”, Action Mopti.
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Plusieurs objectifs ont incité ici les GIE à se regrouper, c’est ce que nous explique Aly Dia, le président de cette
coordination :
“ Bon on s'est dit que nous sommes tous là, associations et GIE, nous faisons tous de l'assainissement mais
dans le désordre. Après réflexion on s'est dit pourquoi ne pas nous organiser, former une coordination, pour
qu'on parle le même langage. Surtout qu'actuellement tous les contrats-ville sont en train d'être délégués à des
associations et GIE, dans le cadre des travaux de la ville ”. (…)
“ A partir de là, nous avons touché Action Mopti, qui nous avait dit que le fait de nous organiser, de former
une coordination, ça les intéresse beaucoup ; ils sont prêts à nous aider pour mettre cette structure en place.
C'est comme ça qu'ils nous ont aidé à faire des communiqués à la radio, des affiches, à faire aussi des
invitations, pour inviter toutes les associations et GIE à se regrouper en Assemblée Générale. Après
finalisation des statuts et règlements, après le programme de travail que nous avons adopté en assemblée. A
partir de là nous avons créé la coordination. ”
“ On s'est dit aussi que en créant la coordination nous allons avoir plus de force auprès des autorités
municipales, donc ça c'est surtout l'objet aussi. Aussi nous sommes là, en désordre, il y a des associations
parmi nous qui n'ont même pas un matériel de travail. En formant une coordination peut-être qu'on peut aller
vers des bailleurs de fonds, des partenaires qui vont pouvoir nous aider en nous donnant du matériel par
exemple, que nous allons voir comment gérer. A partir de là nous avons estimé qu'il faut même créer une
commission de gestion au sein de la coordination, chose d'ailleurs qui a été beaucoup apprécié par le directeur
de l'assainissement. Parce qu'au niveau de l'assainissement ils sont en train de faire en sorte qu'il y ait un
programme qui va nous aider pour avoir du matériel de travail. C'est ce qui nous manque beaucoup, c'est des
associations et GIE qui ont été formés mais qui n'ont pas de gros moyens, donc chacun se débrouille. Nous
avons estimé qu'en nous donnant du matériel, ça pourra nous aider dans la tâche et nous allons aussi, avec un
comité de gestion, voir comment pérenniser ce matériel en le renouvelant chaque fois qu'il y a usure. Voilà en
gros ce qui nous a conduit à faire cette coordination. ”118
b) difficultés
Malgré les besoins, force est de constater les difficultés de la coordination de GIE à trouver sa place.
La Coordination rencontre un certain nombre de difficultés car il s’agit avant tout de coordonner des GIE et
associations très hétérogènes à la fois dans leur logique, dans leurs activités et surtout dans leurs attentes, dans
leur façon de voir les problèmes d’assainissement dans la commune.
Certains GIE et associations ont décidé de ne pas adhérer à la coordination : Lavnet, Emeg Dental, leurs
arguments portent essentiellement sur le manque de structuration de la coordination et l’absence d’intérêt pour
eux. Il s’agit des GIE les plus stabilisés, ayant des activités rentables et n’attendant pas d’aide ni de subvention,
ce type de groupement aurait moins besoin de le coordination. Parfois ils s’opposent catégoriquement à la
coordination à cause des tensions existant entre les GIE pour l’obtention des marchés Agetipe, tel est le cas du
GIE Emeg :
“ Parce que normalement les GIE ça doit être apolitique, selon mon constat c'est politisé, c'est pourquoi je
n’en fais pas partie. Selon ma compréhension, ma vision de cette coordination, en réalité nous avons été trahis,
en un mot nous avons été le meilleur GIE l'an passé. Pour avoir des marchés ils ont tenu des relations avec les
hommes politiques en place ; je n'ai pas approché, ce que je connais, je n'ai pas besoin de favoritisme. En un
mot celui qui n'approche pas les hommes politiques pour une faveur, on va le mettre de côté. On m'a mis de
côté. On a été l'an passé le meilleur, le seul GIE évalué positivement. J'ai vu dans ça la trahison des autres
GIE, c'est pourquoi je ne fais pas partie de la coordination ”119.
D’autres ne voient pas l’intérêt d’une telle coordination et ne veulent pas s’y impliquer directement, ils relèvent
également le manque de sérieux de certains GIE :
“ Nous allons adhérer à la coordination, mais pour le moment nous voulons d’abord former les gens et ensuite
brancher ces agents avec la coordination.
Il y a un problème d’organisation dans la coordination. Les GIE ne sont pas sérieux ” 120
118
Entretien avec Aly Dia, juillet 2000, C. Meynet.
119
Entretien avec M. Dembélé, président GIE Emeg, août 1998, C. Meynet.
120
Entretien avec B. Samassekou, secrétaire général GIE Dental, décembre 2001, C. Meynet.
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Certains dénoncent le manque d’action de la coordination et justifient ainsi le manque d’intérêt qu’ils y
portent :
“ Les GIE vraiment nous sommes en bon terme. Nous nous réunissons beaucoup, mais je me suis rendu compte
qu’ on parle plus qu’on ne s’exécute. Moi je préfère l’acte à la parole. On se réunit, on cotise, créer des
comités de coordination. Ça ne bouge pas, ça parle trop. Même Aly Dia nous dit mais vous on ne vous voit
plus, mais nous on préfère rester sur le terrain avoir quelque chose. Aller et rester assis toute la journée, alors
qu’on peut avoir un 2500 F par jour ici. ”121
Cependant, nous avons pu noter la présence de GIE et associations dans la coordination qui n’ont pas encore
d’activités en matière d’assainissement. Leurs attentes par rapport à la coordination sont donc différentes, ils
peuvent espérer profiter de propositions d’activités, de contrat, de financement. Par ailleurs, toutes les
demandes d’appui formulées auprès d’Action Mopti doivent passer par la coordination. Mais pour l’instant
aucun contrat ou autre financement n’a été obtenu par l’intermédiaire de la coordination.
On peut alors se demander quels sont véritablement le rôle, la mission de la coordination, en dehors des attentes
de ses membres ?
A t-elle pour mission l’organisation du travail dans l’assainissement dans l’espace de la ville : (organiser les
aires de précollecte, rationalisation des contrats) ?
Est-elle chargée de la régulation des conflits entre les opérateurs et/ou entre les opérateurs et la mairie ? De la
gestion de la concurrence ? Mais une collaboration est-elle réellement envisageable entre des groupements qui
sont mis en concurrence lors des appels d’offre Agetipe ?
Peut-elle jouer le rôle d’arbitre entre les différents niveaux opérationnels ?
Enfin, nous avons pu observer à maintes reprises des tensions entre la Coordination et la municipalité, et
constater, par exemple, que la Coordination des associations et GIE n’a pas été mentionnée dans le Plan de
développement Communal, alors qu’elle est censée être incontournable (il est stipulé dans le contrat liant la
coordination à Action Mopti que tout GIE voulant faire une demande de prêt, de formation au niveau de l’ONG
doit impérativement être membre de la coordination). Il existe également un manque de communication entre
les deux instances communales, la mairie prend des décisions sans en informer la coordination.
Nous sommes en droit de penser que les autorités municipales craignent le développement de ce type d’acteur
qui pourrait peser dans les décisions si on leur en donnait les moyens.
La commune est officiellement et administrativement le premier gestionnaire de l’espace urbain et des services
liés à l’assainissement. Certains projets, certaines réalisations résultent de la volonté de la municipalité.
Cependant la municipalité n’est pas au centre effectif de l’opérationnel, elle a davantage un rôle de suivi, de
supervision, nous verrons par la suite, les processus de délégation de services.
Les populations ont la plupart du temps une image assez négative du rôle et de l’action de la municipalité, ils
expriment leur insatisfaction et désignent les élus comme responsables de la situation critique que connaît la
commune en matière d’hygiène et assainissement.
Par ailleurs, les lois et règlements en matière d’hygiène et assainissement dans la commune sont largement
méconnus de la population, on assiste donc à un non-respect de ces lois, auxquelles s’ajoute une absence de
sanction grâce aux (ou à cause des) multiples réseaux de relations qui font la société mopticienne.
121
Entretien avec M. Fofana, président GIE Lav’net, octobre 2001, C. Meynet.
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- évolution des moyens affectés à l’assainissement
De 1989 à 1997 les dépenses ordinaires réalisées dans la commune pour l’assainissement ont oscillé entre 4 et
11 %, elles se composaient uniquement des rubriques Frais de personnel, achat de matériels, et Entretien &
Fonctionnement des véhicules et engins. La rubrique Réfection des caniveaux programmée depuis 1991 n’est
apparue dans les réalisations qu’en 1994 et à hauteur de 35,55% des prévisions.
L’analyse des chiffres ci-dessus interroge la volonté politique relative au volet assainissement dans la
commune. L’effondrement des dépenses ordinaires affectées à l’assainissement est sans doute lié à
l’effondrement des recettes du secteur depuis 1995.
En effet, les ressources propres de la commune en matière d’assainissement proviennent des droits de vidange
avec le camion spiros et du prélèvement de la taxe d’enlèvement des ordures, mais ces deux revenus sont
instables et peu importants. En 1992, les vidanges ont rapporté 2 683 800 FCFA de recettes contre
600 000 FCFA de prévisions, mais depuis 1995 le camion en panne n’a pas été réparé, malgré l’intérêt financier
qu’il pouvait représenter.
Les recettes liées à la taxe d’enlèvement des ordures connaissent quant à elles des variations importantes
d’année en année, le tableau ci-dessous fait également apparaître une baisse très nette après 1991. En 1998, les
recettes s’élevaient à près de 4 millions de F cfa (4 000 000).
L’instauration de la TDRL avait pour but d’augmenter les ressources de la commune en intéressant les habitants
à des projets de développements locaux. Le recouvrement de la TDRL (d’un montant de 3750 fca. par habitant)
est assuré par les chefs de quartiers. Mais le taux de recouvrement demeure très faible.
D’après le “ document de projet sur la restructuration des comités de quartier de la ville de Mopti ” A. De
Lalande, O. Haidara, décembre 2000, le montant de la TDRL s’élève à 1400 F cfa par personne. Le montant de
cette taxe est fixé par la commune en fonction de ses moyens économiques (PNB local). En 1999, le taux de
recouvrement de cette taxe était de 7,67 % (environ 2 millions récupérés contre 31 millions prévus), il a très
légèrement augmenté en 2000 avec 9,46 %.
60 % de la somme récoltée est consacré aux projets de développement des quartiers. Ces projets sont soumis à
l’avis de la municipalité qui après consultation des services techniques prend sa décision. Cependant “ jusqu’à
présent ”122aucun projet soumis par les CDQ (Comités de Développement de Quartier) n’a bénéficié de ce
financement. Il existe en quelque sorte un cercle vicieux car d’un côté les populations ne payent que très peu la
taxe car elles n’en voient pas les retombées dans leur quartier, de l’autre côté la mairie n’utilise pas tous les
moyens pour faire appliquer le paiement de la taxe.
122
A. De Lalande, O. Haidara, 2000, p. 30.
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Autres ressources de la commune :
- taxe sur le bétail : varie selon l’animal
- taxe sur les armes : varie selon le type d’arme
- taxe de voirie : 2000 F cfa par famille, “ elle est réglée selon l’article 8 prg. 12 de la loi 96 – 051. Elle a été
introduite à Mopti en 2000 et sert à la maintenance des rues dans la commune. ”123
- taxe municipale : 300 F cfa par personne, “ la façon dont elle est présente à Mopti est unique au Mali. La
mairie collecte cette taxe pour financer des programmes d’assainissement de la commune. ”124
A partir de 1997, grâce à l’appui de l’Etat à travers le PDUD, les ressources mobilisées pour l’assainissement
ont à nouveau augmenté pour atteindre la somme d’environ 32 millions francs CFA par an (dont 10 millions en
1997 ; 12 millions en 1998 ; 14 millions en 1999 et 18 millions en 2000 comme apport de la commune en
faveur du compte d’entretien).125 Une partie de ces sommes a été affectée pour le paiement des GIE sous contrat
avec l’Agetipe pour les différentes opérations de nettoyage.
3-2 Améliorer le recouvrement fiscal par une participation de la société civile ? Le lent démarrage des
comités de quartier
La tentative de mise en place des comités de quartier illustre bien l’articulation public/privé, qui résulte d’une
volonté de “ gestion partagée ” des services urbains.
En 2001, la commune de Mopti était encore la seule du Mali à avoir mis en place des Comités de
Développement de Quartier (CDQ). Leur unique base légale est en fait une décision municipale No. 36/CM du
3 septembre 1999 : en effet leur existence n'est pas signalée dans les lois et décrets de la décentralisation.
Ces comités ont été d’abord créés pour développer la participation communautaire, mais aussi contribuer à
améliorer la situation financière de la commune. Quand la nouvelle équipe municipale prend ses fonctions en
juillet 1998 elle constate le très faible taux de recouvrement de la TDRL (Taxe de Développement Local et
Régional), elle envisage donc de déléguer la gestion de cette tâche à la population autour du chef de quartier, à
travers le projet "Initiatives de quartier" à partir duquel vont être créés les CDQ.
Les comités sont donc chargés du recouvrement de la TDRL, mais ils ont également un rôle d'appui pour la
sensibilisation de la population à l'utilité de cette taxe, et un rôle décisionnel par l'élaboration de projets de
quartier. Le financement de ces structures peut provenir de différentes sources ; le financement officiel et
régulier est celui venant de la TDRL, 60 % de la somme récoltée doit être versé aux comités ; par ailleurs des
revenus peuvent être générés par certaines activités au sein du quartier (gestion de borne fontaine ou de toilettes
publiques, location de matériel) ; des aides ponctuelles peuvent être obtenues auprès des bailleurs extérieurs.
Chaque comité possède un bureau de 13 membres élus pour 5 ans, des réunions et assemblées générales doivent
être organisées régulièrement.
Dans le principe, ce type de structure est intéressant et paraît adapté au contexte de décentralisation et de
gestion partagée ; en effet, les CDQ sont censés être un lien entre le public et le privé, entre le pouvoir et la
société civile car ils ont été initiés par la municipalité puis "appropriés" par les quartiers et leurs habitants par
l'élection des membres du bureau, la participation aux assemblées, l'élaboration de projets pour le quartier.
Cependant la réalité est différente et le problème de financement de ces comités pour des projets de quartier se
pose, en effet, la part de la TDRL qui leur revient ne leur a jamais été versée. Actuellement, ces comités ne
fonctionnent pas effectivement, les activités prévues, les réunions ne sont pas tenues.
La commune demeure le premier acteur de la gestion urbaine. La gestion et la mise en place des services
urbains de base (tels l'accès à l'eau potable, à l'électricité, à la santé, à l'éducation et à l'assainissement) sont
sous sa responsabilité. Mais les communes tendent à déléguer de plus en plus les opérations concrètes relatives
123
A. De Lalande, O. Haidara, 2000, p. 28.
124
Idem.
125
PDC, 2001.
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à l’enlèvement des ordures ménagères ou à la vidange des latrines à des opérateurs privés, tels les GIE. Les
municipalités ont donc plus un rôle de suivi et de contrôle qu’un rôle opérationnel dans la gestion urbaine.
Suivant cette logique de réorganisation des services de gestion urbaine, et à l’image des autres communes
urbaines du pays, une DST (Direction des Services Techniques) a été mise en place en 1998 (par arrêté
n°18/CM du 26/10/98). Son rôle consiste à faire le lien entre la municipalité et les services techniques (voirie,
hygiène), assurer le suivi et la coordination des activités et des relations avec les prestataires privés. Avec la
création du poste de directeur technique, une légère confusion est apparue à certains agents concernant leurs
attributions. Le fonctionnement du service reste donc pour le moment approximatif. Le service n’a pas encore
toute l’autonomie requise dans l’exécution de ses missions.
La direction des services techniques municipaux est composée de la voirie Municipale, le service d’hygiène
communal et la section domaniale. La DST est gérée par un directeur qui est chargé de :
Coordonner les activités de l’ensemble des services ;
Programmer, planifier et suivre l’exécution des travaux de voirie et assainissement ;
Produire les rapports d’activité de la direction ;
De maintenir les relations avec l’ensemble des services techniques extérieurs
( Travaux Publics, Domaines, Urbanisme, etc.)
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La faiblesse de l’équipement est accentuée par le mauvais état du matériel, cas des véhicules, qui entrave le bon
déroulement des activités municipales. Il se pose également le problème de la disponibilité de ce matériel,
parfois utilisé à des fins personnels par les agents, pour le transport de latérite ou autres matériaux sur des
chantiers personnels. Enfin, l’ensemble des moyens matériels et humains sont concentrés à Mopti au détriment
du reste de la commune (Sévaré, Médina Coura).
Parallèlement à la délégation (contractualisation) des services urbains, on a pu assister depuis une dizaine
d’année à un allègement progressif du personnel de ces services municipaux. Ainsi, en 1990, vingt cinq agents
travaillaient au service d’hygiène de Mopti-Sévaré, les personnes décédées et parties en retraite n’ont pas été
remplacées, aujourd’hui le service ne compte plus que huit agents et un chef de service, pour l’ensemble de la
commune.
Depuis 2000, il est prévu le recrutement de sept agents supplémentaires ; en 2001 des appels d’offre ont même
été lancés à la radio, des dossiers de candidature ont été déposés, mais aucun recrutement n’a eu lieu par
manque de moyens financiers dans le contexte d’organisation de la CAN.
Le phénomène se répète de la même manière pour la voirie municipale, les réductions de personnels ont eu lieu
par le non-renouvellement des effectifs. Au total, la voirie dispose de 13 manœuvres et 6 ouvriers qualifiés
permanents (4 chauffeurs, 1 maçon, 1 forgeron) à Mopti, et 2 manœuvres permanents à Sévaré, dix sept
contractuels, un agent voyer, un chef de garage et un directeur des services techniques.
Le personnel municipal dans son ensemble est donc relativement réduit en quantité mais aussi en termes de
compétence, 4 cadres (1 de catégorie A, 1 de catégorie B et 2 de catégorie C) seulement sont présents au sein
des services techniques ; les ouvriers qualifiés sont également peu nombreux, moins d’une vingtaine répartis sur
les quatre sections. Cette insuffisance explique en partie la “ sur-sollicitation ” des cadres et en particulier du
directeur des services techniques, seul cadre de rang A, qui est au centre du dispositif et peut à tout moment être
appelé pour une réunion, pour une visite de chantier ou pour diverses questions et requêtes. Le sous-
encadrement des services urbains se retrouve dans de nombreuses villes des pays en développement.126
126
S. Jaglin, 1993, Gestion urbaine partagée à Ouagadougou, p. 174.
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profil du Directeur ST
Né à Mopti en 1962, Mady Bagayoko est le Directeur des Services Techniques depuis la création de cette
direction en 1998, il est ingénieur en génie civil. Après un baccalauréat technique en génie civil obtenu au
lycée technique de Bamako en 1984, il part poursuivre ses études en Russie jusqu’en 1990, il va obtenir un
diplôme d’ingénieur et un master en génie civil. De retour au Mali il enchaîne sans discontinuer différentes
expériences en tant que chef de chantiers à Bamako et Mopti au sein d’entreprises privées (entreprise de BTP
Oumar Bathily à Bamako nov 1990- Nov 1991, entreprise de BTP Djiguiya à Sévaré Juillet 1994- Octobre
1998) et auprès d’ONG (Chef de Chantiers des travaux d'aménagement hydro agricole deWorld relief à
Sévaré entre Décembre 1991 et Juin 1994). Lors de ces différentes expériences il est amené à faire des études
techniques, élaborer des projets, suivre les travaux sur le terrain et produire des rapports sur l’avancement
des travaux. Ainsi lors du dernier poste occupé dans une entreprise de BTP de Mopti-Sévaré entre 1994 et
1998, il a supervisé la reconstruction du collecteur principal de Toguel/Mopti, de la Direction Régionale de
la santé de Mopti, de la station TV FM de Douentza dans la région de Mopti, du centre de santé et maternité
de Kadial/Sossobé dans la région de Mopti, du bâtiment administratif de l'IPEG de Mopti, etc.
Ce poste de DST représente pour lui une étape supplémentaire dans une carrière déjà bien remplie et une
possibilité de tremplin et de diversification. Parallèlement à toutes ses fonctions techniques, M.B a en effet
commencé à exercer aussi des activités de consultant indépendant, notamment entre 1994 et 1998 pour Save
the Children-UK_PAIB, et plus récemment dans le cadre d’un bureau d’étude local à statut d’ONG (AGAT).
Jeune cadre dynamique, compétent, polyglotte, il est constamment sollicité et interrompu dans son travail de
DST pour de multiples tâches municipales qui outrepassent largement ses attributions normales. Il représente
la mairie lors de nombreuses réunions, visites de terrain pour différents projets ou actions de la municipalité,
pour les évènements particuliers (coupe d’Afrique des nations…). La multiplicité des tâches qui lui sont
confiées, la surcharge de travail évidente (dont nous avons pu évaluer l’ampleur durant plusieurs mois de
présence sur place) pose la question du manque de cadres de rang A au sein de la DST, et des services
municipaux en général (on retrouve ce problème à Porto Novo). Ce d’autant plus que la faiblesse de leurs
traitements statutaires amène ces cadres à chercher à diversifier leurs activités, notamment à travers
l’expertise, qui les détourne encore d’avantage de leurs fonctions principales. (cf infra, 2-4-4)
Plusieurs questions peuvent se poser concernant le rôle de la municipalité dans la gestion de la concurrence, est-
ce une instance d’arbitrage, de régulation et d’organisation du service ? Les enquêtes de terrain ne permettent
pas de répondre positivement, en effet les pouvoirs publics ont essentiellement un rôle de suivi des activités
menées (dans le cadre des contrats Agetipe) mais ne semblent pas s’impliquer dans une éventuelle gestion des
services de précollecte domiciliaire.
Plusieurs exemples peuvent illustrer ces ambiguïtés, et posent aussi des problèmes relatifs à la corruption dans
le cadre des marchés publics, qui évoquent ceux signalés dans le tout récent rapport du bureau malien de la
Banque mondiale127.
127
En octobre 1999 avait été créée par la Banque Mondiale, une commission anti-corruption ad-hoc qui a été transformée en une commission
permanente, la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA). Dans un rapport de la mission anti-corruption il est
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- Le GIE Adawula avait depuis longtemps un projet de rachat du spiros de la mairie et sa remise en état afin de
mettre en place un système de vidange de fosses sur toute la commune, le projet était soutenu par Action Mopti
(accord pour un prêt) en accord avec la municipalité ; un jour, un membre du GIE s’est rendu à la mairie pour
se renseigner sur l’avancée du projet de cessation, et là on lui dit que le spiros avait disparu dans la nuit… Plus
tard, nous avons appris qu’il avait été vendu à un autre GIE qui offrait une somme plus importante (et dont le
secrétaire général est un conseiller municipal), le problème est que la mairie n’avait en aucune manière averti
le GIE Adawula de l’existence d’un autre acheteur potentiel, l’empêchant ainsi de surenchérir…
- Le PDC nous offre une autre piste de réflexion : dans la partie correspondant à la dotation de la mairie en
matériel (secteur aménagement urbain), il est projeté d’acheter un camion spiros. On peut alors se demander si
la mairie ne va pas rentrer en concurrence avec le GIE Dental. Il est intéressant de signaler aussi, qu’après la
revente du spiros, le GIE Adawula a continué à chercher un véhicule pour la vidange des fosses, allant même
jusqu’à Bamako et ce avec le soutien d’Action Mopti.
- Un dernier exemple peut illustrer le manque d’appui de la mairie envers la coordination des associations et
GIE. Le PAM (Programme Alimentaire Mondial) a mis en place un projet d’assainissement dans les quartiers
qui consistait à donner du petit matériel et de la nourriture à des associations en échange de l’entretien des
abords des caissons installés pour l’évacuation des ordures. Mais ces dons ne sont pas revenus aux associations
déjà implantées dans le quartier, mais à des personnes privées.
b) Des conflits entre opérateurs institutionnels pour non respect des procédures
Un certain nombre de marchés publics a été cédé sans appel d’offre préalable ce qui, dans le nouveau contexte
de “ lutte contre la corruption ” ne peut être acceptable.
- C’est ainsi que les travaux de réhabilitation des caniveaux de Bougoufié, prévus pour un montant de
42 millions de francs CFA, d’une longueur de 1700 ml et une durée prévue de 3 mois ont été stoppés. Ces
travaux avaient démarré dans l’urgence en octobre 2000 (à l’occasion de la visite à Mopti d’une délégation de
la COCAN 2002) mais ont vite été arrêtés pour la non conformité à la procédure normale de passation de
marché public. Le contentieux entre l’AGETIPE (Maître d’Ouvrage Délégué) et les entreprises retenues est
encore aujourd’hui (mai 2002) au niveau de la justice malienne.
Ces travaux devaient être financés en partie par la Banque mondiale, l’Etat et la commune de Mopti. La
participation de la commune dans ce fond se fait de façon progressive et cette participation s’élève à 40% pour
l’année 2001, l’année de la réalisation prévue des caniveaux de Bougoufié.
- Autre exemple, concernant les contrats passés entre la mairie et les GIE, via l’Agetipe, en 2001. Les appels
d’offre pour l’année 2001 ont été lancés tardivement, les GIE y ont répondus, certains ont été éliminés dès le
départ pour cause de budget trop élevé, d’autres ont été retenus. L’Agétipe Bamako leur a même demandé de
commencer les travaux, au mois de juillet 2001, mais les GIE n’ayant pas reçu de document écrit ont refusé de
s’engager dans les travaux. Finalement, aucun GIE n’a eu de contrat et les travaux d’entretien ont été exécutés
par des manœuvres embauchés directement par la mairie. Après discussion avec les différents protagonistes de
l’histoire (GIE, Agétipe et services municipaux), il est apparu évident que les choix reviennent entièrement à la
mairie, qui n’a pas jugé nécessaire d’informer les GIE de ses choix.
En effet, avec l’organisation de la CAN 2002, la mairie avait des besoins urgents en travaux plus importants,
l’Agétipe a donc suggéré à la municipalité de prendre en charge elle-même le curage des caniveaux et le
balayage des voies bitumées et de garder la somme allouée par l’Agetipe pour ces entretiens pour des travaux
plus lourds. Parallèlement, un GIE venu de Ségou a eu un contrat avec la mairie pour le curage des caniveaux,
il a employé les mêmes manœuvres que le GIE Adawula ainsi que son matériel. Or, il est stipulé dans les
contrats passés entre l’Agétipe et les communes que les appels d’offre doivent être accordés à des GIE locaux,
afin d’appuyer les initiatives locales. Lorsque le président de la coordination a appris cela, il a écrit une lettre à
l’Agétipe Bamako pour faire arrêter les travaux ; le maire a affirmé qu’il n’y avait aucun accord entre eux et le
signalé la généralisation des abus de passation de marchés publics de gré à gré ; “ en 1997, les marchés de gré à gré représentaient 42 % des
marchés portant sur 80 millions de dollars ; il en était probablement de même en 1998 ” (p. xii). Ces pratiques se sont développées malgré
l’existence d’un code général de passation des marchés promulgué en 1995.
Banque Mondiale, février 2002, Recommandations visant à renforcer le programme anti-corruption.
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GIE, alors qu’une avance avait été faite.
Il existe aussi une concurrence entre les opérateurs de la collecte domiciliaire sur un même espace sans
complémentarité car tous les quartiers ne sont pas couverts par leur service, tels Médina Coura, Taikiri village
et lotissement, alors que les quartiers de Gangal, Mossinkoré et Komoguel sont desservis par deux groupements
(GIE Laabal et groupe Beese). Certains abonnés changent d’opérateurs en fonction des saisons, le GIE Laabal
récupère des clients du groupe Beese lorsque celui-ci arrête ses activités pendant la saison des pluies.
Les vidangeurs individuels risquent d’être concurrencés par le GIE Dental qui a récemment mis en service un
camion spiros pour la vidange des fosses septiques. Cependant les vidangeurs gardent un certain monopole à
Mopti – ville grâce à l’inaccessibilité par camion d’un grand nombre de rues, trop étroites et encombrées.
La multiplicité des acteurs intervenant dans le domaine, leurs multiples appartenances institutionnelles
entraînent une confusion des rôles, des statuts entraînant parfois des conflits de compétence, ou une absence
d’activités.
Le cas de la DRACPN illustre bien les conflits pouvant exister entre les différents niveaux de pouvoir. Toutes
les tensions entre la direction régionale et la mairie ont ralentit la mise en place des activités et l’élaboration de
programmes clairs au sein de la direction régionale.
“ Moi je résume le problème de la direction par le fait qu’il y ait non compréhension totale dès la prise
de fonction entre le directeur et la mairie, ça a amené une paralysie je ne sais pas pour une question
d’orgueil ou autre, personne ne veut se remettre en cause, reconnaître ses torts. C’est toujours les mêmes
choses, la mairie n’a pas le droit de faire ceci, la direction cela…, c’est ça qui fait qu’il y a un grand
blocage de nos activités dans la commune, parce que les communes sont nos partenaires
incontournables, nous n’avons pas de budget à notre niveau, nous avons les personnes ressources, la
maîtrise technique normalement que nous sommes censés avoir pour les appuyer. Malheureusement dès
le départ il y a eu des conflits de personnes, carrément ça paralysie le service ”128
Par ailleurs, le manque de moyens matériels et humains se fait sentir très rapidement, ce qui empêche la
réalisation d’activités concrètes, les bureaux sont vides et les employés sont peu voire pas occupés. Le
personnel peut par contre être sollicité par ailleurs pour des activités ponctuelles, ce qui peut poser des
problèmes, l’exemple du travail de A. Camara, chef du secteur assainissement à la DRACPN, est significatif
des conflits de personne qui freinent les actions.
“ La mairie avec l’ONG Action Mopti m’avait sollicité pour travailler sur le plan de développement
communal, et là ça a fait tout un tas de problèmes, il a fallu même que le Haut Commissaire même
intervienne à ce niveau pour que je sois admis au niveau de ce plan. Là j’ai travaillé sur le secteur
d’aménagement urbain. Le directeur, lui il a des problèmes avec la mairie, il ne voulait pas qu’un de ces
agents soit dedans ; bon moi je lui ai fait savoir que notre service c’est l’Etat, ce n’est pas des personnes,
les hommes passent le service reste. Nous sommes là pour faire des missions qui nous sont assignées par
l’Etat, il n’y a de considération des sentiments.
Ce qui fait que mon travail actuellement au niveau de la Commune de Mopti, ça se fait je peux dire de
manière plus ou moins informelle, et surtout avec la mairie et Action Mopti, moi je fais le travail un peu
sur l’assainissement, mais au niveau de la direction y’a pas un cadre de travail bien défini, pour élaborer
des programmes des choses comme ça. ”129
Un certain nombre d’acteurs peut être classé dans différentes catégories de par leur pluriactivité et le cumul de
leurs fonctions, à la fois dans les secteurs public et privé. Cette situation est directement liée à l’instabilité des
contrats, aux faibles rémunérations (parfois même absence de rémunération). Malgré cette logique financière
128
Entretien avec A. Camara, chef du secteur assainissement DRACPN, décembre 2001, C. Meynet.
129
Entretien avec A. Camara, chef du secteur assainissement DRACPN, décembre 2001, C. Meynet
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compréhensible, ces situations de “ double emploi ” peut poser des problèmes, avant tout de repère et de
discours, une même personne pourra émettre des avis différents, voire agir de façon contradictoire, sur un
même sujet en fonction de la position adoptée.
Ainsi, Aly Dia est à la fois organisateur du GIE Adawula, président de la coordination des associations et GIE
d’assainissement, président du comité local de la Croix Rouge et secrétaire au développement et à la promotion
de la femme au sein de la Croix Rouge régionale, il a également créé sa propre ONG.
Ainsi le directeur des services techniques municipaux est également membre de l’ONG Agat (ce point n’est pas
précisé dans son CV) fondée en 1999, qui a son siège à Sévaré. L’ONG compte quatre membres, tous cadres,
dont Yacouba Traoré, sociologue spécialiste en évaluation des impacts, employé par le projet FED VRES
(Valorisation des Ressources en Eau de Surface). Cette ONG, créée comme un “ cercle de réflexion sur les
problèmes d’aménagement des terroirs ”, fonctionne comme un bureau d’études. Chacun de ses membres a déjà
une certaine expérience en indépendant. L’ONG a réalisé des études pour l’Institut du Sahel, pour le PAIB
(choix de villages pour la réalisation de micro-projets). Tous les membres d’AGAT ont un emploi en dehors de
l’ONG mais utilisent cette structure pour répondre à des appels d’offre pour des études préalables à la mise en
œuvre de projets. Par exemple l’UNICEF, dans un programme d’appui à la décentralisation, prévoyait un appui
aux associations, l’ONG Agat a élaboré un diagnostic des associations concernées.
Or, dans le cadre du Plan de Développement Communal, les membres de l’ONG AGAT ont été sélectionnés
comme consultants, ils ont fait des études pour la rédaction des différents documents. Lors d’une discussion
informelle avec A. Maïga, coordinatrice AM, il ressort que les membres de l’ONG Agat auraient
voulu “ s’approprier ” l’ensemble du travail de suivi / évaluation et des études prévues par le plan. Mais A.
Maïga s’est interposée et a affirmé qu’Action Mopti garde le contrôle, pour l’instant … (car des changements
dans l’équipe terrain d’AM vont avoir lieu : changements de coordination, des responsables des différents
secteurs).
Par ailleurs, le même directeur des services techniques municipaux a également été employé à mi-temps en tant
que responsable du secteur environnement d’Action Mopti. Ce recrutement soulève un certain nombre de
questions, à savoir quelle peut-être le rôle de la municipalité et surtout son degré d’autonomie. Par ailleurs, on
peut se demander quelle est la « politique » menée par Action Mopti dans le cadre de leur « appui à la
municipalité », car l’embauche du DST à mi-temps, revient à diminuer de moitié son temps de travail pour la
mairie, sachant qu’il est extrêmement sollicité et que ces compétences sont indispensables aux services
techniques municipaux.
Le manque de concertation entre DST- DRACPN et coopération décentralisée est critiqué dans le texte même
du plan de développement communal :
“ Pour le moment, il n’existe pas un réel cadre de concertation entre la DRACPN et la mairie. Une situation
préjudiciable à une bonne coordination des actions sur le terrain. Des conflits sont même déjà survenus. La
collaboration existe mais il reste à l’organiser au mieux. Dans le cas spécifique de la commune de Mopti, la
DRACPN agit directement sur le terrain, souvent indépendamment de la mairie et s’arrogeant bien des
prérogatives qui sont loin d’être les siennes. Une situation fort regrettable et préjudiciable à une synergie
d’actions institutionnelles. ”
Ces “ micro-entreprises ” se révèlent très vulnérables : les principaux GIE se sont constitués pour répondre aux
contrats de ville gérés par l’AGETIPE depuis plusieurs années. Or au second semestre 2001, les appels d’offre
n’ont abouti, aucun GIE n’a eu de marché ; face à l’urgence de la CAN 2002, la mairie a embauché directement
des manœuvres (ceux-là même qui d’habitude travaillaient pour les GIE) pour faire les travaux d’entretiens des
voies principales, des marchés et le curage des caniveaux.
Comme dans de nombreuses autres villes africaines, où la question a été soulevée , la capacité de décision de ces
nouveaux acteurs semble inexistante, “ absence totale de capacités de négociation des organisations
communautaires de base dans la définition des options institutionnelles et les stratégies de mise en œuvre de
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système de collecte et d’évacuation des déchets solides ”130 Il est important que les GIE puissent se faire
entendre auprès de leurs partenaires, les municipalités, les ONG ; c’était bien l’objectif de la création d’une
coordination des GIE et associations d’assainissement
Les problèmes rencontrés par les GIE entraînent des variations de stratégie, il existe des fluctuations entre les
différentes logiques qui les animent. Ces changements se justifient avant tout par la volonté de survie de ces
structures et par une obligation d’adaptation au « marché ».
Entre logique entrepreunariale et dépendance
Nous entendons par logique entrepreunariale une certaine volonté d’autonomie, qui peut se percevoir à travers
un investissement propre des membres du groupement, une indépendance vis à vis des bailleurs de fond en
général (c’est-à-dire les structures pouvant apporter différentes aides et subventions, des prêts, voire des
contrats de travail). Mais ce type de structure savent aussi “ profiter ” de ces aides, elles connaissent les
logiques des bailleurs de fonds. D’autres groupements fonctionnent exclusivement par apports extérieurs, ils
sont d’avantage dans une situation d’attente et de dépendance.
Nous avons pu constater que ces logiques ne sont pas si différentes, il est possible d’agir suivant deux logiques,
à priori différentes, simultanément.
Il existe un lien entre logique entrepreunariale et “ dépendance ” par le biais des montages de projets, ces
structures connaissent le fonctionnement de l’aide internationale, la logique des bailleurs de fond et proposent
des projets qui vont dans le même sens. Leur volonté d’entreprise dépend donc en partie des financements
extérieurs qui peuvent permettre la réalisation de leurs projets et créent ainsi une certaine autonomie des
activités.
Des logiques opportunistes animent un certain nombre de groupements, des GIE et associations ont été créés
pour bénéficier de certaines offres potentielles (CAN 2002) ou réelles (marchés Agetipe). Certaines structures
font de l’assainissement ou déclarent en faire car ils savent que c’est un secteur porteur. Cependant,
l’opportunisme n’est pas forcément négatif, le parcours du GIE Sugu Djeya est un exemple représentatif. Ce
groupement a été créé à la suite d’un appel d’offre pour la gestion et le nettoyage du marché destiné à des GIE
féminins. Le GIE a obtenu le marché dès la première année, ce marché à été reconduit jusqu’à nos jours. Ce
contrat lui a permis de se développer et en 2001, les membres du GIE ont monté un projet d’assainissement
pour l’ensemble de la commune (présenté précédemment).
Par ailleurs, la mise en place de la coordination a dynamisé le secteur, car de nombreuses associations
féminines en font partie alors que l’assainissement ne représente pas leur principale activité.
Le statut n’informe pas toujours sur le type de logique qui anime ces groupements : il existe des GIE qui
fonctionnent comme des associations (logique de dépendance et d’attente de subventions) alors que des
associations agissent selon des logiques d’entreprise (vente de produit transformé, recherche de marché).
Il est possible de faire en fait plusieurs typologies en fonction de ce que l’on veut montrer. L’objectif d’une
étude sur les groupements privés qui ont investi la scène de l’assainissement est dans un premier temps de
cerner précisément leur fonctionnement, afin de déterminer et de mesurer, dans un second temps, leur
pertinence et leur efficacité, à travers les résultats sur le terrain.
…un jour on a eu l'initiative de créer un groupement pour qu'on s'aide dans le ménage (O. Touré, présidente
association Brillantine, Mopti)
130
UWEP, ENDA- ECOPOP, 1997, La participation de la communauté à la gestion des déchets solides en Afrique de l’Ouest, in
http://www.globenet.org/preceup/pages/fr/chapitre/etatlieu/approchr/c/a.htm
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Concernant les activités c'est pour aider les femmes à s'en sortir et ensuite pour améliorer les conditions de
vie dans la famille. Tout le monde sait que les femmes sont fatiguées, il n'y a pas de travail que les femmes
vont faire pour pouvoir s'en sortir. Si on transforme en association, on peut avoir des financements qui vont
nous favoriser (Mme Pama Konipo, présidente association Elégance, Mopti)
Un certain nombre de problèmes s’est posé et se pose encore pour la mise en place d’une certaine gouvernance,
les acteurs ont du mal à trouver leur place respective et à asseoir leur légitimité sur la scène urbaine. Il est
possible de visualiser les conséquences directes et indirectes, les résultats de ce partage, dans l’espace. Les
cartes 18 à 21 mettent en relief les différents aspects de la gestion partagée des ordures et des eaux usées, elles
permettent de visualiser à la fois les infrastructures existantes (collectives / individuelle, mais aussi publique /
privée), une partie des acteurs intervenant directement ou indirectement dans le domaine (publics et privés) et
les espaces sensibles (rejets eaux usées, dépôts ordures ménagères) situés aux abords de l’espace bâti.
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CARTE 18 : LA GESTION PARTAGÉE DES ORDURES À MOPTI
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CARTE 19 : LA GESTION PARTAGÉE DES ORDURES À SÉVARÉ.
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CARTE 20 : LA GESTION PARTAGÉE DES EAUX USÉES À MOPTI.
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CARTE 21 : LA GESTION PARTAGÉE DES EAUX USÉES À SÉVARÉ
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CONCLUSION
Par conséquent, à Mopti ville, la question de l’assainissement (déchets solides et liquides) est inséparable de la
question foncière, ce qui s’explique principalement par la situation géographique, le manque d’espace devient
alors une composante essentielle de la ville. Cette question foncière se présente sous un double aspect.
On assiste à des occupations illicites des berges par les réfugiés de la sécheresse et des saisonniers car les
berges sont les seuls rares espaces disponibles dans la ville. Or, ces berges sont également les lieux de
déversement des ordures et des eaux usées pour les habitants, mais aussi pour les GIE qui font le ramassage de
porte en porte.
Par ailleurs, la question des ordures est fortement liée à celle de la conquête de terres à bâtir. Les espaces
“ libres ”, sont toujours des zones de bas-fond, en partie inondées ou inondables ; il est nécessaire de procéder à
un long travail de remblaiement avant de construire, or depuis la naissance même de la ville, les remblais se
font en partie avec les ordures. Il existe donc une contradiction flagrante entre la volonté des “ décideurs ”,
bailleurs… qui veulent éliminer les ordures de la ville, et les pratiques des habitants qui ont besoin des ordures.
Les berges et bas fonds de la ville font toujours l'objet de remblaiements informels destinés à les transformer en
sol urbanisable. Face à la saturation de l'espace, c’est souvent le seul moyen d'accéder à un terrain à bâtir dans
les anciens quartiers, ce à quoi aspirent tous les vieux citadins. Un conseiller municipal natif de Mopti,
interrogé sur la question, nous propose de visiter son propre remblai, sur les rives du Bani : " Moi même j'ai un
terrain que je remblaie par ordures, moi-même ! Y’a des gens qui passent tout leur temps, ils n'ont pas de lieu,
ils peuvent pas avoir de terrain. Donc quand tu ne peux pas loger tes enfants tu es obligé de toi-même te
débrouiller comme ça, tu remblaies les choses, et tu occupes, c'est comme ça. (…) J'ai hérité ça de mon père, il
faisait le remblai et je continue …"
- En analysant la documentation portant sur l’assainissement, les projets et rapport de missions à Mopti on se
rend compte que la priorité est donnée au problème des déchets solides par rapport aux déchets liquides, alors
que la question des déchets liquide comporte des enjeux sanitaires plus aigus, et qu’elle est placée en tête des
priorités par les habitants.
Cette constatation peut se faire également en observant les actions menées par les acteurs privés, GIE et
Associations, la majorité s’occupe du ramassage des ordures (de porte en porte), ou du nettoyage des rues
(balayage une ou deux fois par semaine). Cette priorité donnée à la gestion des déchets solides, s’oppose au
manque d’intérêt institutionnel (au moins jusqu’en 2002) pour la question des excrétas pourtant prioritaire en
termes de santé publique (réalité tangible et récurrence des épidémies de choléra, qui ne touchent que très peu
les quartiers denses de la vieille ville-destinataires de la totalité des programmes d’assainissement- mais ses
périphéries fluviales et spontanées).
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A contrario, on note la pesanteur des présupposés sur les liens entre ordures ménagères et santé à Mopti,
supposés légitimer la priorité donnée à la question des déchets solides et qui, eux, ne sont étayés par aucune
étude ! Par exemple le lien entre ordures-moustiques et paludisme, alors que les enquêtes épidémiologiques
réalisées par Dicko131 montrent bien (de manière très attendue et classique) que la prévalence du paludisme est
plus faible à Mopti que dans les zones rurales voisines (rappelons que les anophèles détestent les eaux
croupies).
- Priorité donnée aux quartiers anciens et denses où la présence des déchets est “ spectaculaire ” et facilement
visible lors d’une expertise courte … alors que ce n’est pas là que le risque sanitaire est le plus grave. Evaluer et
tâcher d’améliorer la situation des quartiers informels, “ pseudo-villages ” des rives et des îles où aucune forme
d’assainissement n’est fonctionnelle (sinon le rejet dans le fleuve qui sert aussi de source d’approvisionnement
en eau)
Dans le PDC, l’insalubrité générale de la commune est reconnue, cependant “ un accent particulier ” est mis
“ sur les quartiers de Komoguel, Toguel, Taïkiry et Bougoufié ”, alors que les quartiers “ irréguliers ” des
abords du fleuve, tels Djene Ka Daga, ne sont absolument pas évoqués. La problème est que ces quartiers ne
sont pas légaux, les autorités ont autorisé l’implantation des populations dans ces zones, mais elles refusent de
les légaliser, car cela entraînerait l’obligation d’une viabilisation ou du moins la desserte par les services
urbains de base (eau, électricité).
- Priorité également aux voies principales, en matière d’assainissement l’intérieur des quartiers n’a
véritablement jamais été une priorité de la municipalité et il n’est toujours pas concerné par les contrats entre la
mairie, l’Agetipe et les GIE.
-les dépôts de transit pour les ordures ne concernent pas tous les quartiers, Médina Coura et Taikiri n’en sont
pas dotés, les quartiers du fleuve non plus, et Sévaré n’est doté que de 4 caissons, cependant ils ne sont pas
mentionnés dans le PDC comme étant des zones sous-équipées
-Les études et projets concernant l'évacuation et le traitement des excrétas concernent toujours la population
résidente permanente des quartiers denses "intra-digues", se désintéressant de Djenédaga (pour des raisons
administratives, en raison de son caractère “ informel ” : le quartier court toujours le risque d’un
déguerpissement – il est pourtant très officiellement doté d’un chef de quartier), des "villages périurbains" (qui
appartiennent pourtant administrativement à la commune et paient leur TDRL), ainsi que des espaces de contact
et de pluri-activité autour du port.
Pourtant, en 1995, ces quartiers furent les plus durement touchés par l'épidémie de choléra. Depuis, rien n'a
changé, aucun d'entre eux n'a fait l'objet de projet pour l'adduction d'eau. Il est vrai que leurs habitants, s'ils
relèvent de la commune de Mopti, ne sont pas représentés au conseil municipal et ne sont pas considérés par les
élus comme des "autochtones" de la ville. Le choléra continue à sévir à Mopti à un faible niveau endémique en
période de basses eaux. Une résurgence épidémique est toujours à craindre.
Le site particulier de Mopti pose des problèmes plus accrus qu'ailleurs, certains espaces sont davantage soumis
aux risques sanitaires.
Le pagué et les berges sont les principales zones de rejets des ordures et des eaux usées par les populations mais
aussi par les opérateurs privés, GIE et vidangeur individuel. Ce sont également vers ces espaces périphériques
que se déversent les caniveaux. On observe ainsi de vastes zones insalubres où se mêlent eaux usées stagnantes
et ordures ménagères à quelques mètres de l’espace bâti. Par ailleurs, ces espaces sont également les lieux
d’implantation des migrants temporaires et permanents.
La zone de rejet du collecteur principal, à Toguel, est particulièrement insalubre avec une vaste mare composée
d'eaux usées stagnantes auxquelles s'ajoutent des ordures de toute sorte. Le même type de paysage se retrouve
131
DICKO A. Epidémiologie du paludisme dans la région de Mopti en vue de l'élaboration d'un programme régional de lutte, 1995, 84 pages.
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au début de la digue de Pont carré, à Bougoufié, qui est le lieu d'évacuation des matières fécales extraites des
latrines par les vidangeurs individuels, espace qui côtoie des dépôts sauvages d'ordures, d'animaux morts.
Les quartiers insulaires qui appartiennent administrativement à la commune mais ne sont pas desservis par les
infrastructures d’assainissement et ne sont jamais pris en compte dans les divers projets, comme cela a été
souligné précédemment et qui pourtant présentent des risques importants d'un point de vue hygiène et santé.
1- Empilement de programmes jamais réalisés, de projets et de financements non coordonnés, entre grands
projets nationaux et coopération décentralisée qui entraîne également une forte déperdition documentaire.
2- Hiatus entre études et partie opérationnelle des programmes. Faible niveau de réalisation des grands projets :
évaluer un peu plus précisément par ex par des couches de SIG : couche sur le plan Balfour et couche sur la
réalisation de Balfour
Projets ultérieurs après Balfour se sont tous inspirés de ce cadre général. Reprise des mêmes recommandations
de plan en plan
- Projets lourds partiellement réalisés, mais seulement la dimension équipement , sans prendre en
compte les charges de fonctionnement
- Observons l’absence d’analyse sur les échecs de la réalisation, non dit qui tient lieu de stratégie
3- Priorité donnée à la gestion des déchets solides, opposée au manque d’intérêt institutionnel pour la question
des excrétas pourtant prioritaire en termes de santé publique (réalité tangible et récurrence des épidémies de
choléra, qui ne touchent que très peu les quartiers denses de la vieille ville - destinataires de la totalité des
programmes d’assainissement - mais ses périphéries fluviales et spontanées).
Gestion des eaux usées et excrétas comme priorité sanitaire bien plus que la mise en décharge des déchets
solides ! Urgence de définir des secteurs sécurisés pour le dépotage. Mettre en place une articulation entre le
travail des vidangeurs manuels (indispensable dans de nombreux quartiers compte tenu de la faible largeur des
rues) et les structures dotées de camions.
4- A contrario, pesanteur des présupposés sur les liens entre ordures ménagères et santé à Mopti, et qui, eux, ne
sont étayés par aucune étude ! Par exemple le lien entre ordures-moustiques et paludisme, alors que les
enquêtes épidémiologiques réalisées par Dicko montrent bien (de manière très attendue et classique) que la
prévalence du paludisme est plus faible à Mopti que dans les zones rurales voisines (rappelons que les
anophèles détestent les eaux croupies) …
5- Priorité donnée aux quartiers anciens et denses où la présence des déchets est “ spectaculaire ” et facilement
visible lors d’une expertise courte … alors que ce n’est pas là que le risque sanitaire est le plus grave. Evaluer et
tâcher d’améliorer la situation des quartiers informels, “ pseudo-villages ” des rives et des îles où aucune forme
d’assainissement n’est fonctionnelle (sinon le rejet dans le fleuve qui sert aussi de source d’approvisionnement
en eau).
Face au réel risque pour la santé publique, intervenir en priorité (gestion des excrétas, adduction d’eau
potable) dans les quartiers des rives et ceux du fleuve, même “ spontanés ” et pas uniquement dans les zones
“ formelles ” du vieux centre.
6- Décalage entre les pratiques (remblai-construction) et les solutions préconisées (compost par exemple)
inspirées des solutions toutes faites importées des guides de “ bonnes pratiques ” mais qui ne correspondent pas
aux besoins locaux ; par exemple le compost, dans une région où l’élevage transhumant est fréquent avec
contrats de fumure entre agriculteurs et éleveurs, où les maraîchers peuvent s’approvisionner en sacs de fumier
bon marché …
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Ne vaudrait-il pas mieux améliorer les techniques de remblaiement pour les rendre plus “ durables ” (ce qui
concrètement, à Mopti, signifie: éviter l’effondrement des maisons construites à la hâte sur des remblais trop
frais et mal stabilisés, éviter les écoulements et infiltrations dans la nappe ?)
Il y a à Mopti un vrai savoir-faire dans le remblai où alternent des quantités dosées de déchets ménagers, argile
et latérite, dans un contexte bioclimatique particulier qui laisse aux remblais le temps de sécher, se durcir, fixer.
Ne serait-il pas pertinent de l’analyser ? On connaît les vertus “ collantes ”, mais aussi absorbantes de l’argile.
Etudier son rôle possible dans la neutralisation des effets polluants des remblais ?
Un savoir faire aussi dans l’élaboration des toilettes surélevées avec stockage des excrétas en rez-de-chaussée,
sans contact avec la nappe. Or ce savoir-faire là s’oublie... non pas dans les maisonnées populaires mais dans
les constructions les plus récentes et les plus “ modernes ” des lotissements récents (quartier de “ million-kin ”)
où l’on préfère les sanitaires en rez-de-chaussée avec fosse enterrée, ce qui suppose de nouvelles techniques de
pompage-vidange.. et où certains maçons proposent des fosses à fond perdu pour réduire les vidanges (les
liquides s’infiltrant directement)
Prise en compte des pratiques, les améliorer plutôt que les dénier : tester les techniques de remblais, analyse
physico-chimique des déchets entrant dans le remblaiement, des effluents de remblais, tester le rôle de l’argile
dans les remblais.
7- La variation socioculturelle des pratiques d’assainissement des ménages en matière d’évacuation des ordures
est importante. Il semble y avoir un lien entre le niveau socioculturel et le recours aux GIE, mais en matière
d’excrétas, notamment, il semble paradoxalement que plus le niveau socioculturel s’élève, plus les dispositifs
domestiques, (qui tendent à se rapprocher de normes occidentales), présentent des risques pour
l’environnement, dans la mesure où ils ne sont pas toujours étanches : latrine au rez-de-chaussée de la maison et
fosse enterrée à fond perdu (au lieu de la cuve située au niveau de la rue qui est typiquement mopticienne et
mieux adaptée à la proximité de la nappe phréatique).
8- Décalage entre les solutions préconisées et les représentations ; application déraisonnée de techniques
normatives et infantilisante de “ sensibilisation ” à la propreté par les habitants, qui ne tiennent pas compte des
représentations locales, de la répartition des tâches au sein de la maisonnée (“ sensibiliser ” les membres des
comités de quartier, notables ou grands adolescents masculins à la perception du propre et du sale et à l’hygiène
ménagère–ne pas laisser déféquer les enfants dans la rue, ne pas y jeter ses ordures- alors que cette sorte de
travail incombe aux femmes en général, mais surtout aux bonnes et aux tâcherons) du différentiel de pratique
entre espaces domestiques et publics. L’erreur dans le public-cible confine à la dénégation d’une réalité sociale,
celle du travail des domestiques, des “ parents pauvres ” et des Bellas : on peut dire que cette catégorie
d’acteurs est inexistante dans les rapports que nous avons pu consulter, alors qu’ils réalisent l’essentiel des
travaux (en saison sèche). L’ignorance manifestée lors de notre enquête de 2000 par les mères de jeunes enfants
concernant les relations gestion des déchets/risque sanitaire (notamment en ce qui concerne le choléra) remet
passablement en question l’efficacité des campagnes de sensibilisation à l’hygiène.
8- Meilleure efficacité, semble-t-il, des émissions de radio locales animées par des locaux et qui laissent
davantage de part au “ débat ” contradictoire qu’à la prescription.
9- Importance du travail domestique (enfants et “ petites bonnes ” en saison sèche) plus que du recours à des
prestataires extérieurs pour la gestion des déchets liquides et solides des ménages.
Mieux tenir compte des équilibres régionaux (relations ville-campagnes), et des compétences particulières
de catégories déclassées de la population dans la gestion pratique des déchets, et ce, depuis des générations
(conduite et entretien des ânes, remblais). Ne pas chercher à imposer des solutions préconçues qui s’avèrent
quelquefois décevantes (cf histoire du projet Laabal)
10- L’enquête ménage fait ressortir la variation saisonnière des pratiques d’assainissement des ménages, selon
le niveau des eaux de crues et la disponibilité en main d’œuvre. En saison des pluies, et jusqu’à novembre-
décembre, le recours au travail rémunéré disparaît, en effet manœuvres (vidangeurs et ramasseurs d’ordures) et
bonnes, pour la plupart migrants saisonniers retournent au village. D’autre part à cette époque où de
nombreuses rues de la ville sont plus ou moins inondées, la pratique usuelle est de mêler les eaux usées
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domestiques aux eaux pluviales des rues et des caniveaux. La vidange des excrétas se fait en saison sèche. Les
missions d’expertises se font entre la fin de la saison des pluies et février-mars, époque où le climat est plus
clément…
11- Problème de concurrences entre travailleurs indépendants, migrants saisonniers et mise en place du salariat
dans le cadre des GIE. Trop grande faiblesse des salaires payés par les GIE à leur manœuvres (très inférieurs au
gain journalier d’un tâcheron indépendant) liée au nombre excessif de cadres par rapport aux manœuvres dans
beaucoup de GIE, mais aussi au fait que les contrats publics sont systématiquement accordés au moins-disant
(sans tenir véritablement compte des impératifs de la charge de travail).
Si l’on opte pour la formalisation de la filière déchets, opérer un renforcement des capacités professionnelles
des GIE, de leur capacité de gestion et d’accès à une information transparente ; alléger les procédures de
passation des marchés, raccourcir les délais de paiement, clarifier la relation entre DST et GIE pour la
réalisation de travaux d’assainissement et l’emploi de manœuvres.
12- Problème de communication entre les acteurs et coordination des actions : GIE freinés par la précarité des
contrats, lourdeur bureaucratique des procédures de paiement, l’absence de transparence dans la concurrence ;
leur excessive dépendance par rapport à des contrats publics de trop courte durée, la lenteur bureaucratique des
délais de passation des marchés et de paiement (nécessité de préfinancements d’origine extérieure pour ces
jeunes entreprises, nécessité d’un déplacement à Bamako pour le paiement)
13- Problèmes de gestion des concurrences tarifaires entre GIE et indépendants, et mệme entre GIE et services
techniques municipaux (en 2001-2002, après lancement des habituels appels d’offre, et sans doute pour des
raisons politiques, à cause de la proximité de l’échéance électorale, la mairie a pris directement en charge de
nombreux travaux (par exemple le curage des caniveaux) qui étaient normalement, depuis 1998, délégués aux
GIE, en débauchant leurs manœuvres avec des contrats précaires ! (et pour un coût, semble-t-il, supérieur aux
devis proposés par les GIE). Problème de financement de ces GIE, quelle est la rentabilité d’un paiement direct
par les ménages pauvres ?
réorganisation, rationalisation des aires d’activités des GIE, par le biais de la coordination, instaurer un GIE
par quartier ou zone,
parallèlement à l’appui au projet de construction de puisard, il pourrait être intéressant d’y associer les
vidangeurs individuels afin de pérenniser leurs activités par un regroupement en association ou GIE, avec là
aussi une organisation de leur aire d’activité, en prenant en compte leur revenu actuel. Pour cela une enquête
approfondie auprès des acteurs serait nécessaire.
14- Problème de confusion des rôles de certains acteurs entre mairie, GIE, ONG…) la même personne peut
avoir des rôles différents de bailleur, contractant, arbitre, évaluateur sur le même projet …cas de corruption.
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