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Composites à fibres de carbone

dans le génie civil

par Jean LUYCKX


Ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers (chimie industrielle)
Détaché par Elf-Atochem à la direction technique de la société Soficar en charge
des qualifications aéronautiques et de développement

1. Les matériaux composites ..................................................................... AM 5 620 - 2


2. Les fibres de carbone comparées aux autres fibres
et aux aciers ............................................................................................... — 2
3. Semi-produits de renforcement : obtention et utilisations.......... — 2
3.1 Fibres sèches ................................................................................................ — 3
3.2 Tissus secs .................................................................................................... — 3
3.3 Tissus préimprégnés .................................................................................... — 3
3.4 Produits pultrudés ........................................................................................ — 3
4. Les composites dans la construction ................................................. — 4
4.1 Principales raisons de leur implantation .................................................... — 4
4.2 Intérêt des fibres de carbone dans le bâtiment et les travaux publics .... — 4
5. Utilisation des fibres de carbone dans la réhabilitation ............... — 4
5.1 Remplacement des tôles métalliques par des fibres de carbone............. — 4
5.2 Pose des renforcements : mode opératoire .............................................. — 5
6. Utilisations industrielles des composites à base de fibres
de carbone .................................................................................................. — 5
6.1 Au Japon ....................................................................................................... — 5
6.2 En Amérique du Nord .................................................................................. — 6
6.3 En Europe...................................................................................................... — 7
7. Conclusion .................................................................................................. — 9
Références bibliographiques .......................................................................... — 10

et article est axé sur les usages structuraux des composites à base de fibres
C de carbone.
Nous omettons les usages liés à la décoration ainsi que les fibres courtes, bien
que le béton renforcé de 1 à 4 % de fibres de carbone courtes soit connu depuis
1970. Les applications industrielles de ce béton semblent limitées à l’utilisation
de fibres à bas prix et de caractéristiques mécaniques moindres. La charge de
fibres de carbone permet de fabriquer des panneaux, posés à l’extérieur des
bâtiments, en béton allégé relativement résistant aux intempéries. La première
application de ces panneaux est le recouvrement du dôme d’Al Shaheed, à Bag-
dad, en Irak, en 1982. Depuis cette date, les applications sont restreintes à
l’utilisation de fibres de brai (pitch) et à d’autres fibres textiles comme le poly-
éthylène ou le polypropylène.

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COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL ____________________________________________________________________________________

1. Les matériaux composites Par rapport aux autres fibres telles que :
— les fibres de verre, qui ont un faible module et manquent de
résistance aux solutions salines et/ou basiques (cf. article [A 2 110]
référence [45] de ce traité) ;
Toute matière première comportant des charges peut être — les fibres aramides qui présentent une résistance à la fatigue
appelée au sens général composite. Toutefois, dans ce traité, on limitée en milieu aqueux et une tenue thermique limitée (cf. article
réserve actuellement cette appellation à des matériaux compor- [A 3 985] référence [46] de ce traité) ;
tant un renfort sous forme filamentaire [1]. — les fibres de polyéthylène à faible module et à tenue thermique
très limitée;
les fibres de carbone possèdent un ensemble de propriétés physi-
Nota : le béton constitué de granulats et de pâte de ciment et le béton armé sont consi- ques ou mécaniques qui en font un matériau de renforcement de
dérés comme des matériaux composites en génie civil. toute première qualité dans certaines applications liées au bâtiment
Dans le premier cas, il s’agit d’un matériau composite constitué et aux ouvrages de génie civil.
de deux éléments complémentaires non miscibles. Dans le second Le tableau 1 donne les propriétés mécaniques comparées des
cas, il s’agit d’un composite constitué d’un liant, appelé matrice, le fibres de carbone, des composites unidirectionnels et de l’acier.
béton, et d’un renfort de fibres longues, les barres d’acier. La partie
fibre — les barres d’acier — donne les propriétés mécaniques en
traction, le liant, dans ce cas le béton, est un élément nécessaire
pour la mise en forme et la transmission des propriétés mécaniques
en compression. La matrice intervient en outre comme protecteur 3. Semi-produits
des fibres. Par exemple, le pH du béton protège les barres d’acier
vis-à-vis de l’oxydation et/ou de la corrosion. de renforcement :
obtention et utilisations
2. Les fibres de carbone Les fibres de carbone s’utilisent essentiellement sous forme de
matériaux composites. Il reste évident que des résines adéquates
comparées aux autres doivent être utilisées pour optimiser l’emploi des fibres de carbone.
fibres et aux aciers Plusieurs procédés de renforcements sont apparus au cours de ces
dix dernières années. Les principaux utilisent directement les fibres
de carbone sous forme de fil continu et d’autres font appel à un
Les propriétés des fibres de carbone sont étudiées en détail dans semi-produit plus ou moins sophistiqué, tel que : les tissus secs, les
l’article [A 2 210] référence [44] de ce traité. tissus préimprégnés ou des produits pultrudés.

Tableau 1 – Exemples de caractéristiques mécaniques des fibres de carbone


et des composites unidirectionnels comparées à celles de l’acier
Fibres de carbone Aciers
Propriétés Unité
Torayca H.R. T 300/ Composites (1)
Type E 235 Haute résistance
T 300J/T 700SC carbone
Densité – 1,75 à 1,80 1,53 7,85 7,85
Propriétés mécaniques (sens longitudinal)
Traction
Contrainte à la rupture MPa 3 530 à 4 900 1 760 à > 2 500 315 1 860
Module GPa 230 125 à 165 210 210
Limite d’élasticité MPa 3 530 à 4 900 1 760 à > 2 500 235 1 600
Allongement à la rupture % 1,5 à 2,1 1,1 à 1,9 23 3à7
Compression
Contrainte à la rupture MPa – 1 370 à 1 570 315 1 860
Module GPa – 125 à 165 210 210
Propriétés mécaniques (sens transversal)
Traction
Contrainte à la rupture MPa – 80 315 –
Module GPa – 7,8 à 8,8 210 –
Limite d’élasticité MPa – 65 à 80 235 –
Allongement à la rupture % – 0,9 à 1,1 23 –
(1) Pour une fraction volumique en fibres de carbone (de 3 000 à 24 000 monofilaments) égale à (Vf(C) = 60 %), matrice résine époxyde.

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3.1 Fibres sèches ter la polymérisation de la résine. Les tissus doivent être ramenés à
la température ambiante pour être utilisables.
La fibre de carbone est produite sous forme de fibres continues de À température ambiante, la souplesse du tissu préimprégné per-
très grande longueur. Elle est déposée et enroulée régulièrement met la pose de renforcements sur pratiquement n’importe quel type
autour d’un mandrin. Le poids des bobines dépend du type de fibre. de surface. Ces renforcements sont posés et leur matrice immédia-
En général, pour une fibre de carbone de haute résistance de tement polymérisée sur les surfaces à renforcer. Le principal pro-
12 000 filaments, le poids des bobines varie de 500 g à 4 kg, ce qui blème d’un tel renfort réside dans la phase de remontée à la
correspond à des longueurs de fibres continues de 600 m à 5 km température ambiante et dans les difficultés matérielles pour assu-
(soit 0,8 g au mètre linéaire). rer de bonnes conditions de polymérisation sur chantier.
Pour renforcer directement une structure à partir d’une bobine de Les premières résines utilisées nécessitaient un matériel impor-
fibre de carbone, il est nécessaire de pouvoir tourner autour. Ce pro- tant, car la polymérisation était obtenue sous vide ou sous pression
cédé de renforcement est donc naturellement limité aux colonnes à des températures supérieures à 100 oC.
ou aux pylônes. Les bobines sont placées sur un dévidoir qui peut se Par contre, le principal avantage de cette méthode était la quasi-
mettre en mouvement dans deux directions (rotation autour de la absence de bulles dans le renfort en composite après polymérisa-
structure à différentes hauteurs). Lorsque l’ensemble se met en tion.
mouvement, les mèches de carbone sont extraites des bobines et
elles sont déposées automatiquement par enroulement autour du Cette technique de renforcement a surtout été développée au
support à renforcer, préalablement enduit d’une résine. Après le Japon, dès la fin des années 1980.
dépôt des fibres de carbone, une couche de fermeture de résine Depuis, les fabricants de tissus préimprégnés et les formulateurs
assure la cohésion de l’ensemble. Ce procédé, facilement automa- de résines ont accompli des progrès considérables. La température
tisé, est principalement utilisé dans le cas des renforcements par de polymérisation des résines est voisine de la température
frettage de piles ou de colonnes (retrofitting ) de ponts ou de bâti- ambiante, ce qui a permis un gain d’exploitation très important.
ments. Son principal avantage est l’automatisation complète du sys- Cependant, l’utilisation d’un préimprégné nécessite toujours une
tème de pose. Il est surtout utilisé dans le cas des renforcements de phase de conservation à très basse température et une phase de
grandes surfaces ou de surfaces répétitives (multicolonnes d’un très remontée en température avant la pose, qui sont difficiles à gérer
grand pont, par exemple). Son principal inconvénient est le fait sur des chantiers de travaux publics.
qu’une pose manuelle est nécessaire pour renforcer les extrémités
hautes et basses des piles et des colonnes et que cette méthode
demande en outre du temps et des manipulations importantes pour
installer le matériel à dévider les bobines autour des piles ou des 3.4 Produits pultrudés
colonnes.
Cette méthode a surtout été développée au Japon, et elle est Ces produits sont obtenus à partir de mèches de fibres continues
aujourd’hui utilisée au Japon et en Amérique du Nord. qui sont enduites par passage en continu dans un bain de résine.
Ces résines peuvent être de type époxyde, polyester ou vinylester.
L’ensemble des mèches préimprégnées passe ensuite dans une
filière où l’excès de résine est éliminé, puis dans un four de polymé-
3.2 Tissus secs risation.
Les fibres de carbone permettent, comme beaucoup de fibres lon- Les produits finis se présentent sous forme de bandes ou de
gues, de fabriquer des tissus de toutes formes et de toutes tailles, de joncs, plus ou moins rigides suivant les épaisseurs et les diamètres.
même que des mats. La section des bandes les plus courantes est 100 ´ 1 mm, leur lon-
Les tissus sont fabriqués par des sociétés spécialisées. À titre gueur, suivant la demande, varie de quelques centimètres à plu-
d’information, beaucoup de tisseurs se trouvent dans la région lyon- sieurs centaines de mètres.
naise où se trouvait, autrefois, concentré le tissage de la soie. D’autres types de profilés, y compris des tubes, peuvent être aussi
Le renforcement de structures à partir d’un tissu sec tissé uni ou fabriqués par le même procédé. Ces produits sont utilisés depuis
multidirectionnel se fait directement par la pose de ce dernier sur très longtemps dans les articles de sport ; flèches d’arcs, bâtons de
une couche de résine qui recouvre l’élément à renforcer et qui sert ski, etc. Les joncs et les tubes, les plus fabriqués par pultrusion, ont
de liant. Après marouflage, une couche de résine de fermeture per- généralement des diamètres compris entre 0,5 et 15 mm.
met de parfaire l’imprégnation. Les pressions nécessaires appli- Ce procédé a l’avantage d’être continu, automatisé, rapide et donc
quées pour cette méthode de renforcement sont faibles. Par rapport de réduire le coût du composite. Il permet aussi de maîtriser les taux
à d’autres méthodes de renforcement, son principal avantage est de fibres et de résine, et d’obtenir des formes profilées recherchées
une manipulation très facile sur chantier avec une absence totale de pratiquement de toutes les longueurs désirées.
matériel lourd à déplacer.
À partir de ces bandes pultrudées, la technique de renforcement
Comparativement aux produits de renforcements rigides, les est similaire à celle du plat collé métallique, selon le procédé L’Her-
avantages de la technique de renforcement à base de tissus secs mite, mis au point en France vers 1965. Elle a démarré conjointe-
sont nombreux : ment au Japon et en Europe, plus exactement en Suisse,
— suivi parfait de la forme du support ; au Laboratoire fédéral d’essais des matériaux et de recherches
— maîtrise de l’épaisseur du film de résine. (EMPA : Eidgenössische Materialprüfungs- und Forschungsanstalt)
de Dübendorf à la fin des années 1980 sous la direction du Profes-
seur U. Meier.
3.3 Tissus préimprégnés L’avantage de cette méthode est la facile extrapolation des résul-
tats obtenus par le collage de tôles d’acier à ceux obtenus avec des
Les tissus préimprégnés sont obtenus en usine, à partir de tissus produits pultrudés également collés, la technique du renforcement
secs (cas des tissus multidirectionnels) ou à partir de fils de carbone restant la même.
joints sous forme de nappe (cas des tissus unidirectionnels), sur les- Comparée pour la technique utilisant l’acier, cette technique de
quels est déposé un excès de résine. L’excès de résine est éliminé renforcement permet de travailler avec des produits légers (1/5 de la
par passage entre des rouleaux chauffés ou non. Le produit avant densité de l’acier) ; elle a aussi l’avantage de nécessiter une pression
utilisation doit être conservé à froid, généralement – 18 oC, pour évi- de collage limitée et élimine les phénomènes d’oxydation.

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Cependant, l’utilisation de cette technique, comme celle du plat sollicités par le développement des transports de fret. Par exemple,
collé métallique, permet difficilement de maîtriser les épaisseurs de en Europe, à partir de 1999, tous les ouvrages d’art devront être
colle, en raison de la rigidité des aciers et des composites. L’applica- capables de supporter des camions de 40 tonnes ;
tion de ces renforcements sur des surfaces ayant des défauts de pla- — des raisons climatiques : dans tous les pays du monde, les rou-
néité ou sur des surfaces courbes ou non développables reste très tes et les ouvrages d’art doivent être disponibles toute l’année. Pour
limitée. beaucoup de pays, cela sous-entend le dégivrage en période hiver-
La pultrusion permet de fabriquer des joncs. L’assemblage de nale, par le répandage d’énormes quantités de sels qui engendrent
joncs permet de fabriquer des câbles toronnés ou non et des treillis. la corrosion des aciers et la pollution des nappes phréatiques ;
— des raisons architecturales : dans le domaine de la construc-
Dès les années 1980, des recherches ont démarré au Japon pour tion, les architectes sont toujours à la recherche de matériaux méca-
étudier le remplacement des structures en acier, formées de câbles niquement plus performants pour limiter les surfaces porteuses et
toronnés et de treillis, par des structures résistant à l’oxydation. Les donner libre cours à leur imagination dans la forme des bâtiments ;
composites, à base de fibres de verre, d’aramide ou de carbone, se ils cherchent également à augmenter les surfaces vitrées afin de
sont avérés d’excellentes solutions [2] pour ce remplacement. libérer nos habitations du confinement de l’espace.
Les premières réalisations industrielles japonaises sont apparues,
au début des années 1990, sous forme de câbles composites de pré-
contrainte dans des ponts piétonniers.
4.2 Intérêt des fibres de carbone
dans le bâtiment et les travaux publics

4. Les composites L’intérêt des utilisations de la fibre de carbone dans le génie civil
se trouve essentiellement dans :
dans la construction — sa faible densité ;
— ses propriétés mécaniques longitudinales ;
— l’absence de corrosion ;
— sa très bonne tenue à la fatigue ;
4.1 Principales raisons — sa facilité de manipulation.
de leur implantation Les principaux inconvénients sont en contrepartie :
Les matériaux composites sont utilisés par l’homme depuis des — une anisotropie très marquée ;
millénaires dans le domaine de la construction (cf. encadré). — un comportement à la rupture de type fragile des composites ;
— un prix de matière élevé comparé à celui de l’acier.

Le pisé de paille et d’argile est un des plus anciens matériaux


dont l’idée première est exactement celle des composites :
exploiter la résistance à la rupture des fibres, en laissant à une
matrice de « qualité mécanique » inférieure le soin de maintenir 5. Utilisation des fibres
ces fibres dans la forme voulue [3].
Depuis des millénaires, l’homme a cherché à se protéger dans de carbone
un bâtiment. Pendant des siècles, sa sécurité dépendait de pro-
tections dures, massives donc lourdes (le château fort).
dans la réhabilitation
La notion de constructions légères et souples ne date que de
quelques décennies.
5.1 Remplacement des tôles métalliques
Si depuis longtemps de nombreux matériaux dits « nouveaux » par des fibres de carbone
tels que les composites ont été inventés et testés, leurs utilisations
sont restées longtemps limitées aux applications militaires, à la Dans le domaine du génie civil, une phase de consolidation a suc-
conquête spatiale ou à l’industrie aéronautique. cédé à la période 1950-1980. La construction en masse d’ouvrages
Plusieurs raisons ont permis à ces matériaux nouveaux de d’art, de grands immeubles et d’installations industrielles, a laissé
s’implanter dans l’industrie, y compris dans le domaine des travaux place à des opérations de maintenance qui, souvent, se traduisent
publics : par la nécessité de renforcement des structures. Qu’il s’agisse de
réparations à la suite de désordres ou de simple mise en conformité
— des raisons politiques : la chute du mur de Berlin et l’effondre-
avec des codes de plus en plus exigeants, nombreux sont les exem-
ment du bloc de l’Est ont brutalement changé les mentalités. Les
ples de telles opérations.
producteurs des matériaux nouveaux étant souvent limités à des
utilisations dites stratégiques, le manque brutal de commandes Jusqu’à présent, parmi les types de renforcements utilisés, le
militaires les a obligés à rechercher d’autres marchés ; collage extérieur de plaques métalliques, selon le procédé L’Hermite
— des raisons économiques : dès 1992, l’industrie aéronautique a [4] [5] est l’un des plus répandus dans le monde en raison des avan-
traversé une crise très importante. Les commandes d’avions ont tages qu’il présente [6] :
brutalement chuté ; — il n’exige que des interventions mineures sur la structure ;
— des raisons géographiques : le Japon est le pays le plus avancé — il est d’un emploi souple ;
dans les constructions parasismiques renforcées par des composi- — les renforts sont peu encombrants.
tes. Depuis le séisme de Kobe (1995), de nouvelles normes drasti-
ques sont appliquées. Toutefois, le collage de tôles métalliques présente aussi quelques
Cependant d’autres zones peuvent être touchées par les tremble- difficultés :
ments de terre, par exemple la Californie (1989) et, plus récemment, — sensibilité de l’acier à l’oxydation (il demande donc une protec-
l’Italie (1997). Aujourd’hui, dans la plupart des pays industrialisés, tion et un entretien soigné) ;
de nouvelles normes sont en cours d’élaboration ; — impossibilité de mobilisation de toute la résistance en traction
— des raisons techniques : dans le domaine du génie civil, les des tôles, même sous faible épaisseur (sollicitation le long d’une
ouvrages d’art construits depuis des décennies sont de plus en plus face) ;

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— nécessité d’une préparation spécifique de la surface à traiter (la


raideur des tôles nécessite une surface parfaitement plane pour 6. Utilisations industrielles
assurer l’uniformité de l’épaisseur de l’adhésif) ;
— nécessité d’un collage sous pression (vérins), pour assurer une
des composites à base
adhésion suffisante et éviter les bulles d’air dans la couche de résine
de collage ;
de fibres de carbone
— impossibilité de généraliser cette technique à des surfaces
importantes (masses manipulées trop importantes), ce qui limite
d’autant les possibilités de réparation. 6.1 Au Japon
Pour améliorer la technique du collage et éviter une partie des
problèmes évoqués plus haut, en France, Freyssinet International a Les Japonais vivent dans une région particulièrement touchée par
amélioré le procédé, en 1977, en perforant les tôles collées [7] les tremblements de terre et possèdent la grande majorité des
(figure 1). lignes de fabrication des fibres de carbone. Il était donc normal que,
dans un souci de développement, ils s’intéressent un jour au renfor-
Ces difficultés, ajoutées aux besoins de renforcements de bâti- cement des bâtiments. Dans ce but, ils formèrent une association
ments dans certaines régions à risque sismique ont favorisé la (ACC Club) qui regroupe aujourd’hui les principaux producteurs de
recherche et le développement de l’utilisation de fibres de carbone, fibres et les utilisateurs potentiels [9].
pour renforcer les structures du génie civil.
■ Câbles de précontrainte
À ce jour, seuls les Japonais ont construit des ouvrages d’art ou
des bâtiments neufs en remplaçant les armatures en acier par des Après les premiers tests dans les laboratoires des universités spé-
composites à base de fibres de carbone. cialisées dans le génie civil, à partir de 1988, des ponts contenant
des câbles à base de composites en fibres de carbone furent
Dans le reste du monde, comme au Japon, l’utilisation principale
construits. Si les premiers ponts étaient relativement étroits et à
des composites de carbone se retrouve dans la réhabilitation des
usage piétonnier, petit à petit, avec l’expérience acquise, dès 1990,
ouvrages d’art et des bâtiments.
les Japonais furent capables de construire des ponts de plusieurs
kilomètres de long, sous forme d’assemblage d’éléments contenant
de plus en plus de câbles de précontrainte en fibres de carbone.
5.2 Pose des renforcements : En 1977, pour la construction du pont suspendu de Kurushima
mode opératoire (longueur totale 1 307 m), 4 haubans de plus de 500 m de longueur
en fibres de carbone ont été utilisés pour stabiliser la passerelle de
Les ouvrages à renforcer peuvent être constitués de différents montage des câbles de suspension en acier.
matériaux tels que le béton, armé ou non, l’acier ou le bois, par Pour les Japonais, ce fut une première étape pour arriver à la
exemple. construction d’un pont suspendu ou d’un pont à haubans où tous
Dans toute réparation, la qualité du support est primordiale. les câbles en acier seraient remplacés par des câbles à base de
fibres de carbone.
Dans le cas du béton, il convient d’effectuer un sablage à sec en
vue d’obtenir un état de surface rugueux et uniforme en tous points ■ Réhabilitation
avec des reliefs d’impact compris entre 0,5 et 1 mm [8] ; les dépôts
Au Japon, pays qui regroupe plus de 1 000 îles dont quatre princi-
de poussières et les particules non adhérentes sont éliminés par un
pales, les phénomènes de corrosion saline sont souvent observés.
brossage énergique.
Dans les trois dernières années, de nombreux ponts en béton pré-
Dans le cas de l’acier, de la même façon, il convient d’éliminer les contraint ont dû être renforcés extérieurement en raison de la corro-
parties oxydées non adhérentes et de dégraisser la surface. sion des aciers. Ces renforcements ont été appliqués sur les piles ou
Dans le cas du bois, il est nécessaire de mettre à nu le matériau sur les faces inférieures des tabliers en utilisant des préimprégnés à
sain en éliminant, par exemple, les couches de peinture ou les par- base de fibres de carbone comme renfort, et suivant le même prin-
ties contaminées après un incendie. cipe que le procédé L’Hermite.
Le support étant ainsi préparé, le renfort peut être posé suivant les La mise en place se fait d’après le mode opératoire suivant :
procédés décrits dans le paragraphe 4. — mise à nu du béton des colonnes (sablage) ;
— pose d’un primaire (résine époxyde de basse viscosité) ;
— pose de la première couche époxyde de collage (répéter n fois
pour n couches de renforcement) ;
— pose de la couche de carbone (fibres ou tissus) (répéter n fois
pour n couches de renforcement) ;
— application d’une couche de colle de fermeture (résine
époxyde) ;
— après séchage, application d’un mortier de protection (contre
les chocs, le vandalisme ou l’incendie).
Aux phénomènes de corrosion des aciers il faut ajouter que, dès
1996, une des conséquences du dernier séisme meurtrier de Kobe
de 1995 déjà évoqué fut l’instauration de normes drastiques impo-
sées dans tous les lieux publics, les zones industrielles et les immeu-
bles d’habitation.
La pose de renforcements a démarré en utilisant des tissus impré-
gnés ou des fibres sèches, principalement par frettage des colonnes
portantes. Les tissus sont posés manuellement, alors que les fibres
sont déposées par enroulement (retrofitting ). Les quantités de
fibres de carbone déposées peuvent aller de 100 à plus de 800 g/m2.
Les principales résines utilisées sont des résines époxyde et ou viny-
Figure 1 – Renforcement du viaduc de Terrenoire par tôles collées lester. La mise en place du renfort se fait en utilisant le même pro-
perforées (Brevet Freyssinet) cédé que celui des piles de ponts (cf. précédemment).

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Exemple : nous pouvons citer les applications suivantes :


— en 1993 : Fujimi Bridge (Tokyo) ;
— en 1994 : Johetsu Shikansen Bridge (Nugata) ;
Yonava Bridge et Sanahara Bridge (Yamanashi),
Yogaï Bridge (Saitama),
Nagashina Hotspring Bridge, (Mie), etc.
À partir de 1995, le nombre des réalisations a fortement aug-
menté. Les applications se trouvent dans tous les domaines indus-
triels, renforcement extérieur de cheminées, de tunnels routiers,
ferroviaires ou de métro, de sites de stockages naturels de pétrole
ou de gaz, murs de bâtiments, etc.
À noter, dans le domaine de l’innovation dans la construction au
Japon, des murs de bâtiments de banques où les treillis en fibres de
carbone sont utilisés non seulement pour leurs propriétés mécani-
ques mais aussi en tant que conducteur électrique et sont reliés aux
systèmes d’alarme [10]. En mars 1998, il faut noter l’arrivée du pre-
mier bâtiment dont la structure métallique a été remplacée par une
structure à base d’un composite de carbone [11].
La résistance globale de ces structures renforcées permettrait,
d’après les résultats des études faites dans les universités japonai-
ses spécialisées, de supporter un séisme de 6 à 7 sur l’échelle de
Richter. Nous pouvons citer, à titre d’exemple, le renforcement des
piles (de plus de 7 m de diamètre) d’un pont autoroutier (Sakawa
River Bridge – Tomei Highway), dont certaines dépassaient 60 m de
hauteur. Ce chantier se termina en mars 1998, après un an de travail.
Plus de 2 tonnes de fibres de carbone furent posées [12] [13]
(figures 2 et 3).

Figure 3 – Sakawa River Bridge : au pied des piles, enceinte


d’isolation pour polymérisation de la matrice

Ce programme national de mise en conformité parasismique des


bâtiments et des ouvrages d’art fait aujourd’hui du Japon le premier
consommateur de fibres de carbone dans les secteurs du bâtiment
et des ouvrages d’art. La consommation de fibres de carbone au
Japon pour l’ensemble des BTP était supérieure à 300 t en 1996 et à
500 t en 1997.

6.2 En Amérique du Nord

6.2.1 Aux États-Unis

Les études américaines ont commencé, en vue de renforce-


ments antisismiques, suite aux conséquences du séisme de Loma
Prieta (Californie) d’octobre 1989, qui avait détruit les appuis de
trois tabliers de ponts. De nombreuses photos avaient été
publiées à l’époque montrant les tabliers écroulés posés les uns
sur les autres tel un immense « sandwich ». Depuis, de nombreu-
Figure 2 – Sakawa River Bridge au Japon (8 piles de 42 à 65 m ses études parasismiques ont été entreprises pour comprendre
de hauteur et de 7 m de diamètre) : passerelle de mise en œuvre les phénomènes de mise en résonance des ponts et leur mode
de la fibre de carbone de destruction [14].

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Des essais de renforcements à l’aide de tissus préimprégnés, en fibres de carbone. Ce pont a été entièrement instrumenté pour
basés sur les méthodes japonaises, ont été développés dans de très être suivi dans le temps [25].
nombreuses universités dont l’université de Californie à San Diego.
À partir de 1994, des tests sismiques en laboratoire, sur des maquet- ■ Bâtiments :
tes de plus en plus grandes, ont démontré l’intérêt de l’utilisation — en 1995, à Sherbrooke, renforcement par frettage à l’aide de
des fibres de carbone. Depuis, des renforcements ont été effectués tissus préimprégnés de plusieurs colonnes de bâtiment dans
sur des sites sensibles, comme en Californie, par exemple. Les l’enceinte de l’université [23] ;
ouvrages sont généralement renforcés par addition de structures — en 1996, développement d’un programme spécifique de réha-
externes en composites à base de fibres de carbone. Ces composi- bilitation des bâtiments par les gouvernements fédéral, provincial et
tes sont obtenus par polymérisation vers 100 °C in situ de la matrice municipal de Sherbrooke [23]. À ce titre, le premier bâtiment ren-
des fibres préimprégnées. forcé fut un garage en sous-sol (Webster parking garage), en utili-
sant des produits pultrudés ;
Exemple : nous pouvons citer : — en 1997, dans le centre de Winnipeg (Manitoba), une structure
— en 1996 : Highway Bridge à Butler, Ohio [15] ; de toiture a été renforcée par le même procédé [24].
— en 1997 : Great Western Bank Building à Sherman Oaks, Califor-
nie [16] ;
Dans la plupart de ces chantiers expérimentaux, nous pouvons
— en 1997 : Foulk Road Bridge à Delaware, Californie [17].
noter une grande collaboration entre les universités et les groupes
Aux États-Unis, contrairement au Japon et à l’Europe, les renfor- industriels. Compte tenu du caractère très innovant de ces réhabili-
cements de colonnes et des piles de ponts se font aussi bien avec tations, les chantiers ont tous été instrumentés, généralement par
des fibres de carbone qu’à l’aide de fibres de verre ou d’aramide. fibres optiques, et le suivi en fatigue se fait au niveau national par
Cependant, pour des raisons de durabilité et de résistance à la fati- l’intermédiaire de l’ISIS Canada (Centres of Excellence on Intelligent
gue, les fibres de carbone commencent à dominer ce marché nais- Sensing for Innovative Structures ). Comme aux États-Unis, une
sant. norme de l’Association canadienne de normalisation (ACNOR/CSA)
et portant sur l’utilisation des composites dans des applications
Enfin, un document qui devrait paraître bientôt sera édité par le structurales est en cours de rédaction. Cette norme inclura un chapi-
comité 440 de l’Institut américain du béton (American Concrete tre sur l’amélioration du comportement des structures renforcées
Institute ) à l’intention des spécialistes du génie civil. Il sera possible sous charges sismiques.
d’y trouver des normes de calcul concernant différentes utilisations
de renforcements à base de matériaux composites [18]. Ce docu- L’utilisation de fibres de carbone en génie civil représentait aux
ment permettra sans doute d’accélérer l’introduction des matériaux États-Unis et au Canada environ 30 tonnes en 1996 et un peu moins
composites dans les structures des bâtiments et des ouvrages d’art. de 50 tonnes en 1997. La croissance de ce marché devrait être supé-
rieure à 30 %/an pendant les cinq prochaines années.

6.2.2 Au Canada
6.3 En Europe
Au Canada, des études ont été menées pour renforcer extérieure-
ment des ponts anciens corrodés ou ne pouvant supporter l’aug-
En Europe, de nombreuses universités de la Communauté euro-
mentation des surcharges de calcul. Le procédé L’Hermite devient
péenne ont travaillé sur les renforcements à base de matériaux com-
peu applicable dans ce pays, du fait de la très forte corrosion saline
posites.
liée aux énormes quantités de sels répandues sur l’ensemble du
réseau routier pendant la longue période hivernale [19]. Depuis plusieurs années, un projet « Brite » a réuni plusieurs pays
sur ce sujet. Fin 1997, aucune application industrielle n’a été réalisée
À partir du début des années 1990, de nombreuses universités
à la suite des résultats des études de ce projet.
(Alberta, Laval, Manitoba, Royal Military College, Sherbrooke,
Queen’s, Waterloo, etc.) commencèrent à travailler sur les renforce- Cependant, en Europe, les applications industrielles sont appa-
ments et les frettages des piles de ponts et des colonnes de bâti- rues plus rapidement qu’aux États-Unis et qu’au Canada, grâce à
ments. Les matériaux de base principalement utilisés étaient les des groupes de travail plus restreints et, en particulier, grâce au Pro-
fibres de verre, d’aramide et de carbone. Les très nombreuses publi- fesseur Meier de l’EMPA de Dübendorf (Suisse).
cations [20] laissent présager un futur prometteur aux matériaux
■ Câbles
composites, mais aujourd’hui les applications en grandeur réelle
restent limitées. Le premier test en vraie grandeur fut la construction d’un pont, au
début des années 1990, avec des câbles de précontrainte à base de
Nous pouvons cependant en citer quelques-unes qui appartien-
composite en fibres de carbone, où passent toujours des dizaines de
nent plus au domaine des « chantiers expérimentaux ».
camions de livraison par jour dans l’usine de BASF à Ludwigshaf-
■ Ponts : fen.
— en 1993, renforcement du pont de Calgary (Alberta) par des Parallèlement à ce travail, U. Meier a travaillé sur la conception
câbles de 6 m de long. L’objet de ce travail était essentiellement de des haubans sous forme de câbles en fibres de carbone et sur les
contrôler la durabilité d’un tel renforcement [21] ; ancrages. Il avait déjà publié, dans les années 1989-1990, des arti-
— en 1996, réhabilitation du pont Clearwater Creek (Alberta) à cles qui faisaient état de la possibilité de relier l’Europe à l’Afrique
partir de bandes de tissus de fibres de carbone préimprégnées [22] ; sous la forme d’un pont à haubans, passant au-dessus du détroit de
— en 1996, autoroute A 10 à Saint-Étienne-de-Bolton (Québec), Gibraltar, d’une portée de plus de 8 km en utilisant des câbles à base
renforcement par l’équipe de recherche de l’université de Sher- de composites de carbone [26] [27].
brooke de 12 colonnes (sur un total de 18) de pont par des tissus à Après les calculs théoriques, de nombreux tests furent effectués à
base de fibres de verre, d’aramide et de carbone, et instrumentation l’EMPA et le résultat le plus spectaculaire de ces travaux a été le
de l’ensemble pour suivi dans le temps [23] ; remplacement de deux haubans en acier par deux câbles de fibres
— en 1996, renforcement des bases des ponts Jacques Cartier et de carbone sur le pont de Winterthur en 1996 [28]. Chaque câble est
Champlain qui enjambent le Saint-Laurent à Montréal [23] ; constitué de 241 joncs de 5 mm de diamètre. La charge de rupture
— en 1997, renforcement d’un pont âgé de 27 ans à Winnipeg de chaque câble installé est supérieure à 1 300 t. Pour des raisons
(Manitoba) par pose de tissus de fibres de carbone [24] ; techniques, le choix de ce laboratoire s’est porté sur l’utilisation de
— en 1997, renforcement d’un pont autoroutier, traversant l’Assi- composites à base de fibres de carbone Torayca T 700SC [29]. Ce
niboine River à Headingley (Manitoba) à l’aide de tissus et de câbles choix est lié à la très grande résistance à la rupture de cette fibre

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(4 900 MPa) et à son très bon allongement à la rupture (> 2 %). Bien Comparativement à l’utilisation des produits pultrudés, ce pro-
que la résistance transversale des composites à base de fibres de cédé a l’avantage de simplifier les opérations de pose et offre la pos-
carbone soit limitée, l’EMPA sut adapter un nouveau concept sibilité de permettre le renforcement de surfaces non planes [36]
d’ancrage [30]. (figure 7).
En 1997, une étude similaire était en cours en Hollande pour rem-
placer, sur un pont de Rotterdam, une partie des haubans en acier
par des câbles à base de composite en fibres de carbone.
En janvier 1998, les sociétés actives dans le monde des composi-
tes étudient un projet de construction au Danemark, à titre expéri-
mental, d’une passerelle (longueur 80 m, largeur 3,5 m) munie de
haubans et de torons de précontrainte, le tout en composite
époxyde-fibres de carbone.
■ Réhabilitations à partir de plats pultrudés et de tissus
En Europe, les principales applications industrielles de réhabilita-
tions sont apparues en Suisse fin 1991, puis en France à partir de
1996.
En Suisse, toujours sous l’impulsion du Professeur U. Meier, de
très nombreuses études de renforcement à base de fibres de verre,
d’aramide et de carbone ont été faites, en y incluant des tests de fati-
gue et de durabilité [31] [32]. La technique développée est basée sur
l’utilisation de produits pultrudés comme renforcement externe des
ponts en remplacement des plaques d’acier du procédé L’Hermite.
Les fibres de carbone HR de type Torayca T 700SC ont été choisies
pour leurs propriétés mécaniques et leur allongement supérieur à
2 % [33]. Figure 5 – Tissu de fibres de carbone TFC ®
Par rapport au renforcement en acier, les principaux avantages
des pultrudés au carbone sont :
— la facilité de pose ;
— la durabilité, liée à l’absence de corrosion du composite.
Après quelques chantiers d’essais contrôlés directement par
l’EMPA en 1992, cette technique fut employée par la société Sika en
Suisse dès 1993, puis étendue en Allemagne dès 1995 et en Angle-
terre en 1996 [34] (figure 4).
Fin 1997, plus d’une centaine de ponts ont été renforcés en utili-
sant ce principe, dont le premier pont anglais, à Dales town of Skip-
ton, au nord du Yorkshire, en octobre 1997 [35].
En France, sous l’impulsion de la société Soficar, (J.V. Toray/Elf
Atochem) et du LCPC (Laboratoire central des Ponts et chaussées),
une étude démarra fin 1994, soutenue par le « Plan génie civil 1995 »
du METT (ministère de l’Équipement, du Tourisme et du Transport)
et la DRAST (Direction de la recherche et des affaires scientifiques et
techniques), d’un système de renforcement à base de tissus secs
imprégnés in situ. Freyssinet International, qui connaissait parfaite-
ment le procédé L’Hermite et ses limites, fut très vite partie prenante
et devint le chef de file de ce groupe de travail. Ce travail fut effectué
avec la collaboration d’Atofindley, de l’École normale supérieure de Figure 6 – Renforcement d’une dalle de plancher par TFC
Cachan, de Porcher Industries et de SGN. dans un immeuble à Saint-Maurice
Les résultats de cette collaboration ont donné naissance à un pro-
duit appelé TFC ® (tissus de fibres de carbone), marque déposée par
Freyssinet International (figures 5 et 6).

Figure 4 – Renforcement de poutres à l’aide de bandes pultrudées


collées (photo SIKA) Figure 7 – Renforcement par TFC de surfaces non planes

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D’après une étude technico-économique de Freyssinet Internatio-


nal, le coût global de la pose de tissus secs de fibres de carbone est 7. Conclusion
très largement inférieur à celui d’un renforcement à base de plats
collés métalliques [37]. Dans le monde, aujourd’hui, les principaux phénomènes qui ont
conduit les fibres de carbone à s’implanter petit à petit dans le ren-
En 1996, Freyssinet renforçait le premier pont autoroutier français forcement des bâtiments et des ouvrages d’art sont :
en remplaçant les plats collés métalliques classiques par des tissus
secs et imprégnés sur place par un adhésif spécifique à base de — la réhabilitation ou la mise en conformité des ouvrages exis-
résine époxyde, mis au point par Atofindley, compatible avec le tants, soit pour des raisons de pertes des propriétés initiales, soit
béton et capable d’imprégner les fibres de carbone [38]. Ce premier pour des raisons de remises à niveau liées à de nouvelles normes ;
travail de renforcement en France a permis au groupement d’être — la construction de nouveaux bâtiments et d’ouvrages d’art
primé et de recevoir le Label IVOR (Innovation validée sur ouvrage plus légers et plus performants.
de référence), de la part du Plan génie civil du METT/DRAST en octo- Dans le cas de la réhabilitation, le processus de l’introduction des
bre 1997 et le premier trophée d’innovation dans la catégorie matériaux composites à base de fibres de carbone a été accéléré par
« Construction et Infrastructures » lors des Journées européennes la mise au point de méthodes techniquement fiables et compétitives
des composites en avril 1998 (figures 8 et 9). comparativement aux anciens procédés de renforcements à base
d’acier [40] [41] [42].
Après ce premier succès et dès le printemps 1997, l’application
devenait industrielle. Depuis, Freyssinet a renforcé en France et à Le pays qui utilise aujourd’hui le plus ce procédé est le Japon.
l’étranger des dizaines de ponts et de bâtiments avec le procédé Si le but principal recherché est la protection des bâtiments et des
TFC ® [39]. ouvrages d’art du risque de destruction lors d’un tremblement de
terre, ce type de renforcement a aussi l’avantage d’être pratique-
Fin 1996, le marché des BTP représentait en Europe un peu plus ment insensible à la corrosion dans les conditions climatiques parti-
de 25 t de fibres de carbone et 50 t en 1997. La croissance de ce mar- culières de ce pays, essentiellement formé d’îles.
ché devrait être largement supérieure à 30 % par an pendant les pro- Les premières techniques ont été mises au point au Japon.
chaines années. Depuis, elles ont été améliorées et les utilisations se sont étendues
tout d’abord en Europe puis en Amérique du Nord.
Dans le domaine des constructions neuves, les applications sont
aujourd’hui beaucoup plus limitées.
Elles devraient cependant se développer tout d’abord à titre expé-
rimental pour augmenter les bases de données, afin de permettre
un jour la construction de très grands ouvrages où les matériaux
métalliques, malgré leurs propriétés mécaniques remarquables, ne
pourront être utilisés, à cause de leurs propriétés spécifiques (rap-
port propriétés mécaniques/densité).
De même, au Japon, à titre d’exemple dans la construction de
bâtiments, un projet de construction d’un immeuble de forme pyra-
midale de 2 à 4 km de haut (!) est à l’étude depuis de nombreuses
années.
En dehors de ces très grands projets, l’ensemble des applications
de renforcements représente, dans le monde d’aujourd’hui, un mar-
ché potentiel annuel très important, de plusieurs milliers de tonnes.
En Europe, les récents séismes de la région d’Assise vont sans
Figure 8 – Passage supérieur sur l’A10 entre Allainville et Allaine doute accélérer les procédures de mise en conformité des bâtiments
d’habitation et des bâtiments industriels.
Très prochainement, des normes et des codes seront édités en
Europe et en Amérique du Nord.
La recherche des applications des fibres de carbone ne fait que
commencer. En effet, à l’ensemble des applications citées dans cet
article, et à titre d’exemple, nous pouvons ajouter des débuts
d’applications dans le domaine de l’off-shore. L’exploitation pétro-
lière en mer très profonde (> 1 300 m) exigera des solutions techni-
ques impliquant légèreté et résistance élevée.
Dans ces conditions, nous pouvons supposer que les composites
à base de fibres de carbone, présentant les caractéristiques deman-
dées pour ce type d’applications, tendront à remplacer l’acier [43].
Les compagnies pétrolières américaines commencent déjà des
expérimentations et les Européens ont démarré des études depuis
plusieurs années.
Les résultats obtenus et les expérimentations en grandeur réelle
de ces très grandes structures auront sûrement des synergies avec
Figure 9 – Mise en place à la main de TFC les applications dans le domaine des travaux publics.

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