Am5620 PDF
Am5620 PDF
Am5620 PDF
et article est axé sur les usages structuraux des composites à base de fibres
C de carbone.
Nous omettons les usages liés à la décoration ainsi que les fibres courtes, bien
que le béton renforcé de 1 à 4 % de fibres de carbone courtes soit connu depuis
1970. Les applications industrielles de ce béton semblent limitées à l’utilisation
de fibres à bas prix et de caractéristiques mécaniques moindres. La charge de
fibres de carbone permet de fabriquer des panneaux, posés à l’extérieur des
bâtiments, en béton allégé relativement résistant aux intempéries. La première
application de ces panneaux est le recouvrement du dôme d’Al Shaheed, à Bag-
dad, en Irak, en 1982. Depuis cette date, les applications sont restreintes à
l’utilisation de fibres de brai (pitch) et à d’autres fibres textiles comme le poly-
éthylène ou le polypropylène.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites AM 5 620 - 1
COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL ____________________________________________________________________________________
1. Les matériaux composites Par rapport aux autres fibres telles que :
— les fibres de verre, qui ont un faible module et manquent de
résistance aux solutions salines et/ou basiques (cf. article [A 2 110]
référence [45] de ce traité) ;
Toute matière première comportant des charges peut être — les fibres aramides qui présentent une résistance à la fatigue
appelée au sens général composite. Toutefois, dans ce traité, on limitée en milieu aqueux et une tenue thermique limitée (cf. article
réserve actuellement cette appellation à des matériaux compor- [A 3 985] référence [46] de ce traité) ;
tant un renfort sous forme filamentaire [1]. — les fibres de polyéthylène à faible module et à tenue thermique
très limitée;
les fibres de carbone possèdent un ensemble de propriétés physi-
Nota : le béton constitué de granulats et de pâte de ciment et le béton armé sont consi- ques ou mécaniques qui en font un matériau de renforcement de
dérés comme des matériaux composites en génie civil. toute première qualité dans certaines applications liées au bâtiment
Dans le premier cas, il s’agit d’un matériau composite constitué et aux ouvrages de génie civil.
de deux éléments complémentaires non miscibles. Dans le second Le tableau 1 donne les propriétés mécaniques comparées des
cas, il s’agit d’un composite constitué d’un liant, appelé matrice, le fibres de carbone, des composites unidirectionnels et de l’acier.
béton, et d’un renfort de fibres longues, les barres d’acier. La partie
fibre — les barres d’acier — donne les propriétés mécaniques en
traction, le liant, dans ce cas le béton, est un élément nécessaire
pour la mise en forme et la transmission des propriétés mécaniques
en compression. La matrice intervient en outre comme protecteur 3. Semi-produits
des fibres. Par exemple, le pH du béton protège les barres d’acier
vis-à-vis de l’oxydation et/ou de la corrosion. de renforcement :
obtention et utilisations
2. Les fibres de carbone Les fibres de carbone s’utilisent essentiellement sous forme de
matériaux composites. Il reste évident que des résines adéquates
comparées aux autres doivent être utilisées pour optimiser l’emploi des fibres de carbone.
fibres et aux aciers Plusieurs procédés de renforcements sont apparus au cours de ces
dix dernières années. Les principaux utilisent directement les fibres
de carbone sous forme de fil continu et d’autres font appel à un
Les propriétés des fibres de carbone sont étudiées en détail dans semi-produit plus ou moins sophistiqué, tel que : les tissus secs, les
l’article [A 2 210] référence [44] de ce traité. tissus préimprégnés ou des produits pultrudés.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
AM 5 620 - 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites
____________________________________________________________________________________ COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL
3.1 Fibres sèches ter la polymérisation de la résine. Les tissus doivent être ramenés à
la température ambiante pour être utilisables.
La fibre de carbone est produite sous forme de fibres continues de À température ambiante, la souplesse du tissu préimprégné per-
très grande longueur. Elle est déposée et enroulée régulièrement met la pose de renforcements sur pratiquement n’importe quel type
autour d’un mandrin. Le poids des bobines dépend du type de fibre. de surface. Ces renforcements sont posés et leur matrice immédia-
En général, pour une fibre de carbone de haute résistance de tement polymérisée sur les surfaces à renforcer. Le principal pro-
12 000 filaments, le poids des bobines varie de 500 g à 4 kg, ce qui blème d’un tel renfort réside dans la phase de remontée à la
correspond à des longueurs de fibres continues de 600 m à 5 km température ambiante et dans les difficultés matérielles pour assu-
(soit 0,8 g au mètre linéaire). rer de bonnes conditions de polymérisation sur chantier.
Pour renforcer directement une structure à partir d’une bobine de Les premières résines utilisées nécessitaient un matériel impor-
fibre de carbone, il est nécessaire de pouvoir tourner autour. Ce pro- tant, car la polymérisation était obtenue sous vide ou sous pression
cédé de renforcement est donc naturellement limité aux colonnes à des températures supérieures à 100 oC.
ou aux pylônes. Les bobines sont placées sur un dévidoir qui peut se Par contre, le principal avantage de cette méthode était la quasi-
mettre en mouvement dans deux directions (rotation autour de la absence de bulles dans le renfort en composite après polymérisa-
structure à différentes hauteurs). Lorsque l’ensemble se met en tion.
mouvement, les mèches de carbone sont extraites des bobines et
elles sont déposées automatiquement par enroulement autour du Cette technique de renforcement a surtout été développée au
support à renforcer, préalablement enduit d’une résine. Après le Japon, dès la fin des années 1980.
dépôt des fibres de carbone, une couche de fermeture de résine Depuis, les fabricants de tissus préimprégnés et les formulateurs
assure la cohésion de l’ensemble. Ce procédé, facilement automa- de résines ont accompli des progrès considérables. La température
tisé, est principalement utilisé dans le cas des renforcements par de polymérisation des résines est voisine de la température
frettage de piles ou de colonnes (retrofitting ) de ponts ou de bâti- ambiante, ce qui a permis un gain d’exploitation très important.
ments. Son principal avantage est l’automatisation complète du sys- Cependant, l’utilisation d’un préimprégné nécessite toujours une
tème de pose. Il est surtout utilisé dans le cas des renforcements de phase de conservation à très basse température et une phase de
grandes surfaces ou de surfaces répétitives (multicolonnes d’un très remontée en température avant la pose, qui sont difficiles à gérer
grand pont, par exemple). Son principal inconvénient est le fait sur des chantiers de travaux publics.
qu’une pose manuelle est nécessaire pour renforcer les extrémités
hautes et basses des piles et des colonnes et que cette méthode
demande en outre du temps et des manipulations importantes pour
installer le matériel à dévider les bobines autour des piles ou des 3.4 Produits pultrudés
colonnes.
Cette méthode a surtout été développée au Japon, et elle est Ces produits sont obtenus à partir de mèches de fibres continues
aujourd’hui utilisée au Japon et en Amérique du Nord. qui sont enduites par passage en continu dans un bain de résine.
Ces résines peuvent être de type époxyde, polyester ou vinylester.
L’ensemble des mèches préimprégnées passe ensuite dans une
filière où l’excès de résine est éliminé, puis dans un four de polymé-
3.2 Tissus secs risation.
Les fibres de carbone permettent, comme beaucoup de fibres lon- Les produits finis se présentent sous forme de bandes ou de
gues, de fabriquer des tissus de toutes formes et de toutes tailles, de joncs, plus ou moins rigides suivant les épaisseurs et les diamètres.
même que des mats. La section des bandes les plus courantes est 100 ´ 1 mm, leur lon-
Les tissus sont fabriqués par des sociétés spécialisées. À titre gueur, suivant la demande, varie de quelques centimètres à plu-
d’information, beaucoup de tisseurs se trouvent dans la région lyon- sieurs centaines de mètres.
naise où se trouvait, autrefois, concentré le tissage de la soie. D’autres types de profilés, y compris des tubes, peuvent être aussi
Le renforcement de structures à partir d’un tissu sec tissé uni ou fabriqués par le même procédé. Ces produits sont utilisés depuis
multidirectionnel se fait directement par la pose de ce dernier sur très longtemps dans les articles de sport ; flèches d’arcs, bâtons de
une couche de résine qui recouvre l’élément à renforcer et qui sert ski, etc. Les joncs et les tubes, les plus fabriqués par pultrusion, ont
de liant. Après marouflage, une couche de résine de fermeture per- généralement des diamètres compris entre 0,5 et 15 mm.
met de parfaire l’imprégnation. Les pressions nécessaires appli- Ce procédé a l’avantage d’être continu, automatisé, rapide et donc
quées pour cette méthode de renforcement sont faibles. Par rapport de réduire le coût du composite. Il permet aussi de maîtriser les taux
à d’autres méthodes de renforcement, son principal avantage est de fibres et de résine, et d’obtenir des formes profilées recherchées
une manipulation très facile sur chantier avec une absence totale de pratiquement de toutes les longueurs désirées.
matériel lourd à déplacer.
À partir de ces bandes pultrudées, la technique de renforcement
Comparativement aux produits de renforcements rigides, les est similaire à celle du plat collé métallique, selon le procédé L’Her-
avantages de la technique de renforcement à base de tissus secs mite, mis au point en France vers 1965. Elle a démarré conjointe-
sont nombreux : ment au Japon et en Europe, plus exactement en Suisse,
— suivi parfait de la forme du support ; au Laboratoire fédéral d’essais des matériaux et de recherches
— maîtrise de l’épaisseur du film de résine. (EMPA : Eidgenössische Materialprüfungs- und Forschungsanstalt)
de Dübendorf à la fin des années 1980 sous la direction du Profes-
seur U. Meier.
3.3 Tissus préimprégnés L’avantage de cette méthode est la facile extrapolation des résul-
tats obtenus par le collage de tôles d’acier à ceux obtenus avec des
Les tissus préimprégnés sont obtenus en usine, à partir de tissus produits pultrudés également collés, la technique du renforcement
secs (cas des tissus multidirectionnels) ou à partir de fils de carbone restant la même.
joints sous forme de nappe (cas des tissus unidirectionnels), sur les- Comparée pour la technique utilisant l’acier, cette technique de
quels est déposé un excès de résine. L’excès de résine est éliminé renforcement permet de travailler avec des produits légers (1/5 de la
par passage entre des rouleaux chauffés ou non. Le produit avant densité de l’acier) ; elle a aussi l’avantage de nécessiter une pression
utilisation doit être conservé à froid, généralement – 18 oC, pour évi- de collage limitée et élimine les phénomènes d’oxydation.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites AM 5 620 - 3
COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL ____________________________________________________________________________________
Cependant, l’utilisation de cette technique, comme celle du plat sollicités par le développement des transports de fret. Par exemple,
collé métallique, permet difficilement de maîtriser les épaisseurs de en Europe, à partir de 1999, tous les ouvrages d’art devront être
colle, en raison de la rigidité des aciers et des composites. L’applica- capables de supporter des camions de 40 tonnes ;
tion de ces renforcements sur des surfaces ayant des défauts de pla- — des raisons climatiques : dans tous les pays du monde, les rou-
néité ou sur des surfaces courbes ou non développables reste très tes et les ouvrages d’art doivent être disponibles toute l’année. Pour
limitée. beaucoup de pays, cela sous-entend le dégivrage en période hiver-
La pultrusion permet de fabriquer des joncs. L’assemblage de nale, par le répandage d’énormes quantités de sels qui engendrent
joncs permet de fabriquer des câbles toronnés ou non et des treillis. la corrosion des aciers et la pollution des nappes phréatiques ;
— des raisons architecturales : dans le domaine de la construc-
Dès les années 1980, des recherches ont démarré au Japon pour tion, les architectes sont toujours à la recherche de matériaux méca-
étudier le remplacement des structures en acier, formées de câbles niquement plus performants pour limiter les surfaces porteuses et
toronnés et de treillis, par des structures résistant à l’oxydation. Les donner libre cours à leur imagination dans la forme des bâtiments ;
composites, à base de fibres de verre, d’aramide ou de carbone, se ils cherchent également à augmenter les surfaces vitrées afin de
sont avérés d’excellentes solutions [2] pour ce remplacement. libérer nos habitations du confinement de l’espace.
Les premières réalisations industrielles japonaises sont apparues,
au début des années 1990, sous forme de câbles composites de pré-
contrainte dans des ponts piétonniers.
4.2 Intérêt des fibres de carbone
dans le bâtiment et les travaux publics
4. Les composites L’intérêt des utilisations de la fibre de carbone dans le génie civil
se trouve essentiellement dans :
dans la construction — sa faible densité ;
— ses propriétés mécaniques longitudinales ;
— l’absence de corrosion ;
— sa très bonne tenue à la fatigue ;
4.1 Principales raisons — sa facilité de manipulation.
de leur implantation Les principaux inconvénients sont en contrepartie :
Les matériaux composites sont utilisés par l’homme depuis des — une anisotropie très marquée ;
millénaires dans le domaine de la construction (cf. encadré). — un comportement à la rupture de type fragile des composites ;
— un prix de matière élevé comparé à celui de l’acier.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
AM 5 620 - 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites
____________________________________________________________________________________ COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites AM 5 620 - 5
COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL ____________________________________________________________________________________
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
AM 5 620 - 6 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites
____________________________________________________________________________________ COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL
Des essais de renforcements à l’aide de tissus préimprégnés, en fibres de carbone. Ce pont a été entièrement instrumenté pour
basés sur les méthodes japonaises, ont été développés dans de très être suivi dans le temps [25].
nombreuses universités dont l’université de Californie à San Diego.
À partir de 1994, des tests sismiques en laboratoire, sur des maquet- ■ Bâtiments :
tes de plus en plus grandes, ont démontré l’intérêt de l’utilisation — en 1995, à Sherbrooke, renforcement par frettage à l’aide de
des fibres de carbone. Depuis, des renforcements ont été effectués tissus préimprégnés de plusieurs colonnes de bâtiment dans
sur des sites sensibles, comme en Californie, par exemple. Les l’enceinte de l’université [23] ;
ouvrages sont généralement renforcés par addition de structures — en 1996, développement d’un programme spécifique de réha-
externes en composites à base de fibres de carbone. Ces composi- bilitation des bâtiments par les gouvernements fédéral, provincial et
tes sont obtenus par polymérisation vers 100 °C in situ de la matrice municipal de Sherbrooke [23]. À ce titre, le premier bâtiment ren-
des fibres préimprégnées. forcé fut un garage en sous-sol (Webster parking garage), en utili-
sant des produits pultrudés ;
Exemple : nous pouvons citer : — en 1997, dans le centre de Winnipeg (Manitoba), une structure
— en 1996 : Highway Bridge à Butler, Ohio [15] ; de toiture a été renforcée par le même procédé [24].
— en 1997 : Great Western Bank Building à Sherman Oaks, Califor-
nie [16] ;
Dans la plupart de ces chantiers expérimentaux, nous pouvons
— en 1997 : Foulk Road Bridge à Delaware, Californie [17].
noter une grande collaboration entre les universités et les groupes
Aux États-Unis, contrairement au Japon et à l’Europe, les renfor- industriels. Compte tenu du caractère très innovant de ces réhabili-
cements de colonnes et des piles de ponts se font aussi bien avec tations, les chantiers ont tous été instrumentés, généralement par
des fibres de carbone qu’à l’aide de fibres de verre ou d’aramide. fibres optiques, et le suivi en fatigue se fait au niveau national par
Cependant, pour des raisons de durabilité et de résistance à la fati- l’intermédiaire de l’ISIS Canada (Centres of Excellence on Intelligent
gue, les fibres de carbone commencent à dominer ce marché nais- Sensing for Innovative Structures ). Comme aux États-Unis, une
sant. norme de l’Association canadienne de normalisation (ACNOR/CSA)
et portant sur l’utilisation des composites dans des applications
Enfin, un document qui devrait paraître bientôt sera édité par le structurales est en cours de rédaction. Cette norme inclura un chapi-
comité 440 de l’Institut américain du béton (American Concrete tre sur l’amélioration du comportement des structures renforcées
Institute ) à l’intention des spécialistes du génie civil. Il sera possible sous charges sismiques.
d’y trouver des normes de calcul concernant différentes utilisations
de renforcements à base de matériaux composites [18]. Ce docu- L’utilisation de fibres de carbone en génie civil représentait aux
ment permettra sans doute d’accélérer l’introduction des matériaux États-Unis et au Canada environ 30 tonnes en 1996 et un peu moins
composites dans les structures des bâtiments et des ouvrages d’art. de 50 tonnes en 1997. La croissance de ce marché devrait être supé-
rieure à 30 %/an pendant les cinq prochaines années.
6.2.2 Au Canada
6.3 En Europe
Au Canada, des études ont été menées pour renforcer extérieure-
ment des ponts anciens corrodés ou ne pouvant supporter l’aug-
En Europe, de nombreuses universités de la Communauté euro-
mentation des surcharges de calcul. Le procédé L’Hermite devient
péenne ont travaillé sur les renforcements à base de matériaux com-
peu applicable dans ce pays, du fait de la très forte corrosion saline
posites.
liée aux énormes quantités de sels répandues sur l’ensemble du
réseau routier pendant la longue période hivernale [19]. Depuis plusieurs années, un projet « Brite » a réuni plusieurs pays
sur ce sujet. Fin 1997, aucune application industrielle n’a été réalisée
À partir du début des années 1990, de nombreuses universités
à la suite des résultats des études de ce projet.
(Alberta, Laval, Manitoba, Royal Military College, Sherbrooke,
Queen’s, Waterloo, etc.) commencèrent à travailler sur les renforce- Cependant, en Europe, les applications industrielles sont appa-
ments et les frettages des piles de ponts et des colonnes de bâti- rues plus rapidement qu’aux États-Unis et qu’au Canada, grâce à
ments. Les matériaux de base principalement utilisés étaient les des groupes de travail plus restreints et, en particulier, grâce au Pro-
fibres de verre, d’aramide et de carbone. Les très nombreuses publi- fesseur Meier de l’EMPA de Dübendorf (Suisse).
cations [20] laissent présager un futur prometteur aux matériaux
■ Câbles
composites, mais aujourd’hui les applications en grandeur réelle
restent limitées. Le premier test en vraie grandeur fut la construction d’un pont, au
début des années 1990, avec des câbles de précontrainte à base de
Nous pouvons cependant en citer quelques-unes qui appartien-
composite en fibres de carbone, où passent toujours des dizaines de
nent plus au domaine des « chantiers expérimentaux ».
camions de livraison par jour dans l’usine de BASF à Ludwigshaf-
■ Ponts : fen.
— en 1993, renforcement du pont de Calgary (Alberta) par des Parallèlement à ce travail, U. Meier a travaillé sur la conception
câbles de 6 m de long. L’objet de ce travail était essentiellement de des haubans sous forme de câbles en fibres de carbone et sur les
contrôler la durabilité d’un tel renforcement [21] ; ancrages. Il avait déjà publié, dans les années 1989-1990, des arti-
— en 1996, réhabilitation du pont Clearwater Creek (Alberta) à cles qui faisaient état de la possibilité de relier l’Europe à l’Afrique
partir de bandes de tissus de fibres de carbone préimprégnées [22] ; sous la forme d’un pont à haubans, passant au-dessus du détroit de
— en 1996, autoroute A 10 à Saint-Étienne-de-Bolton (Québec), Gibraltar, d’une portée de plus de 8 km en utilisant des câbles à base
renforcement par l’équipe de recherche de l’université de Sher- de composites de carbone [26] [27].
brooke de 12 colonnes (sur un total de 18) de pont par des tissus à Après les calculs théoriques, de nombreux tests furent effectués à
base de fibres de verre, d’aramide et de carbone, et instrumentation l’EMPA et le résultat le plus spectaculaire de ces travaux a été le
de l’ensemble pour suivi dans le temps [23] ; remplacement de deux haubans en acier par deux câbles de fibres
— en 1996, renforcement des bases des ponts Jacques Cartier et de carbone sur le pont de Winterthur en 1996 [28]. Chaque câble est
Champlain qui enjambent le Saint-Laurent à Montréal [23] ; constitué de 241 joncs de 5 mm de diamètre. La charge de rupture
— en 1997, renforcement d’un pont âgé de 27 ans à Winnipeg de chaque câble installé est supérieure à 1 300 t. Pour des raisons
(Manitoba) par pose de tissus de fibres de carbone [24] ; techniques, le choix de ce laboratoire s’est porté sur l’utilisation de
— en 1997, renforcement d’un pont autoroutier, traversant l’Assi- composites à base de fibres de carbone Torayca T 700SC [29]. Ce
niboine River à Headingley (Manitoba) à l’aide de tissus et de câbles choix est lié à la très grande résistance à la rupture de cette fibre
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites AM 5 620 - 7
COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL ____________________________________________________________________________________
(4 900 MPa) et à son très bon allongement à la rupture (> 2 %). Bien Comparativement à l’utilisation des produits pultrudés, ce pro-
que la résistance transversale des composites à base de fibres de cédé a l’avantage de simplifier les opérations de pose et offre la pos-
carbone soit limitée, l’EMPA sut adapter un nouveau concept sibilité de permettre le renforcement de surfaces non planes [36]
d’ancrage [30]. (figure 7).
En 1997, une étude similaire était en cours en Hollande pour rem-
placer, sur un pont de Rotterdam, une partie des haubans en acier
par des câbles à base de composite en fibres de carbone.
En janvier 1998, les sociétés actives dans le monde des composi-
tes étudient un projet de construction au Danemark, à titre expéri-
mental, d’une passerelle (longueur 80 m, largeur 3,5 m) munie de
haubans et de torons de précontrainte, le tout en composite
époxyde-fibres de carbone.
■ Réhabilitations à partir de plats pultrudés et de tissus
En Europe, les principales applications industrielles de réhabilita-
tions sont apparues en Suisse fin 1991, puis en France à partir de
1996.
En Suisse, toujours sous l’impulsion du Professeur U. Meier, de
très nombreuses études de renforcement à base de fibres de verre,
d’aramide et de carbone ont été faites, en y incluant des tests de fati-
gue et de durabilité [31] [32]. La technique développée est basée sur
l’utilisation de produits pultrudés comme renforcement externe des
ponts en remplacement des plaques d’acier du procédé L’Hermite.
Les fibres de carbone HR de type Torayca T 700SC ont été choisies
pour leurs propriétés mécaniques et leur allongement supérieur à
2 % [33]. Figure 5 – Tissu de fibres de carbone TFC ®
Par rapport au renforcement en acier, les principaux avantages
des pultrudés au carbone sont :
— la facilité de pose ;
— la durabilité, liée à l’absence de corrosion du composite.
Après quelques chantiers d’essais contrôlés directement par
l’EMPA en 1992, cette technique fut employée par la société Sika en
Suisse dès 1993, puis étendue en Allemagne dès 1995 et en Angle-
terre en 1996 [34] (figure 4).
Fin 1997, plus d’une centaine de ponts ont été renforcés en utili-
sant ce principe, dont le premier pont anglais, à Dales town of Skip-
ton, au nord du Yorkshire, en octobre 1997 [35].
En France, sous l’impulsion de la société Soficar, (J.V. Toray/Elf
Atochem) et du LCPC (Laboratoire central des Ponts et chaussées),
une étude démarra fin 1994, soutenue par le « Plan génie civil 1995 »
du METT (ministère de l’Équipement, du Tourisme et du Transport)
et la DRAST (Direction de la recherche et des affaires scientifiques et
techniques), d’un système de renforcement à base de tissus secs
imprégnés in situ. Freyssinet International, qui connaissait parfaite-
ment le procédé L’Hermite et ses limites, fut très vite partie prenante
et devint le chef de file de ce groupe de travail. Ce travail fut effectué
avec la collaboration d’Atofindley, de l’École normale supérieure de Figure 6 – Renforcement d’une dalle de plancher par TFC
Cachan, de Porcher Industries et de SGN. dans un immeuble à Saint-Maurice
Les résultats de cette collaboration ont donné naissance à un pro-
duit appelé TFC ® (tissus de fibres de carbone), marque déposée par
Freyssinet International (figures 5 et 6).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
AM 5 620 - 8 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites
____________________________________________________________________________________ COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites AM 5 620 - 9
COMPOSITES À FIBRES DE CARBONE DANS LE GÉNIE CIVIL ____________________________________________________________________________________
Références bibliographiques
[1] REYNES (M.). – Les composites. Presses Uni- [20] NEALE (K.W.) et LABOSSIÈRE (P.). – « State- [32] DESKOVIC (N.), TRIANTAFILLOU (T.) et MEIER
versitaires de France, Que sais-je ? of-the-art report on retrofitting and strengthe- (U.). – Innovative design of FRP combined
[2] FRP International (Hiver 1997) vol. V, issue 1, ning by continuous fibre in Canada » : Non with concrete : long term behavior. Journal of
p. 4-5. metallic (FRP) reinforcement for concrete Structural engineering (juil. 1995), p. 1079-
structures. Processing of the third internatio- 1089.
[3] BESSIÈRE (J.F.). – La potentialité des maté-
nal symposium, vol. 1 (oct. 1997), p. 25-39. [33] MEIER (U.), DEURING (M.), MEIER (H.) et
riaux composites de synthèse dans l’architec-
ture. École d’architecture de Paris Belleville, [21] ALEXANDER (J.G.S.) et CHENG (J.J.R.). – SCHWEGLE (G.). – Strengthening of structu-
mémoire de fin d’études (1996). « Field applications and studies of using CFRP res with CFRP laminates : research and appli-
sheets to strengthen concrete bridge cations in Switzerland. Advanced composite
[4] L’HERMITE (R.). – L’application des colles et
girders ». Advanced Composites Materials in materials in bridges and structures, 1st Inter-
résines dans la construction. Ann. ITBTP, série
Bridges and Structures. M.M. El-Brady, éd., national Conference. Sherbrooke, Québec,
Béton et béton armé (nov. 1967), no 239.
CSCE (1996), p. 465-472. Canada (1992), p. 243-251.
[5] L’HERMITE (R.) et BRESSON (J.). – Béton
armé d’armatures collées. Colloque RILEM, [34] FRP International. – Été 1997, vol. V, issue 2,
[22] LABOSSIÈRE (P.), NEALE (K.W.) et MARTEL
p. 2-6.
Paris (4-6 sept. 1967), p. 175-203. (S.). – « Strengthening of existing structures
[6] THEILLOUT (J.N.). – Le renforcement des with composite materials ». Practical applica- [35] Construction News no 25 (16 oct. 1997).
structures par la technique des tôles collées : tions in Quebec. Recent advances in bridge [36] CHABERT (A.) et LUYCKX (J.). – L’utilisation
étude de fonctionnement. Bull. liaison Labo. engineering. Advanced rehabilitations, dura- des fibres de carbone dans les BTP. Composi-
P. et C., no 169 (sept.-oct. 1990), p. 91-107. ble materials, non destructive evaluation and tes, no 15 (mai-juin 1996), p. 23-28.
management. U. Meier et R. Betti, éds, EMPA [37] COLLIN (B.) et CHABERT (A.). – Performance
[7] FREYSSINET INTERNATIONAL (STUP). – Pro-
(1997), p. 89-96. of carbon fiber tissue-epoxy resin composites
cédé de renforcement d’ouvrage par tôles col-
lées perforées. Brevet français no 77 24639 [23] HUTCHINSON (R.), ABDELRAHMAN (A.) et for flexural strengthening of reinforced con-
(10 août 1977). RIZKALLA (S.). – Shear strengthening using crete beams. FRPRCS-3, Third international
[8] THEILLOUT (J.N.). – Vérification de l’aptitude CFRP sheets for a prestressed concrete symposium on non-metallic (FRP) reinforce-
au collage des surfaces en béton. Bull. liaison highway bridge in Manitoba, Canada. Recent ment for concrete structures, Sapporo, Japon
Labo. P et C., no 167 (mai-juin 1990), p. 5-12. advances in bridge engineering. Advanced (14-16 oct. 1997), V 1, p. 395-402.
rehabilitations, durable materials, non des- [38] FREYSSINET INTERNATIONAL. – Ouvrages
[9] Document ACC (Advanced Composite Cable)
Japon. Adresse : Furukawa Building (A.M.
tructive evaluation and management. d’art, no 28 (nov. 1997), p. 9-13.
U. Meier et R. Betti, éds, EMPA (1997), p. 97- [39] FUZIER (J.P.), LACROIX (R.) et LUYCKX (J.). –
Engineering K.K.), 2-3-14 Muromachi, Nihon-
104. Bridge Strengthening by carbon fibres.
bashi, Chuo-Ku, Tokyo 103, Japon. Tél. :
81.3.3231.0690, fax : 81.3.3242.7584. [24] SHEHATA (E.), ABDELRAHMAN (A.), TRA- Recent advances in bridge engineering ;
[10] FRP International. – Security guard using DROS (G.) et RIZKALLA (S.). – CFRP for large Advanced rehabilitations, durable materials,
CFRP, new products (Printemps 1996), vol. IV, span highway bridge in Canada. Recent non destructive evaluation and management.
issue 2, p. 6. advances in bridge engineering. Advanced U. Meier et R. Betti éds, EMPA (1997), p. 142-
rehabilitations, durable materials, non des- 146.
[11] ACM Monthly. – World’s first CF/PH truss
tructive evaluation and management. [40] MEIER (U.) et KAISER (H.). – Strengthening of
application for building construction. (mars
U. Meier et R. Betti, éds, EMPA (1997), p. 251- structures with CFRP laminates, advanced
1998), issue 316, p. 6-7.
258. composite materials in civil engineering
[12] KUJI NISHI et al. – (En langue japonaise)
[25] SHEHATA (E.), RIZKALLA (S.), ADAMS (A.) et structures. ASCE, Las Vegas (1991), p. 224-
Doboku-Sekou Magazine, Anti-seismic rein-
STEWART (D.). – Strengthening of concrete 232.
forcement of carbon fibre sheet for highway
hollow columns. (Avr. 1998), no 39, vol. 4. roof using CFRP strips. Proc. 1997 CSCE [41] NANNI (A.). – Concrete repair with externally
Annual conf., Sherbrooke, Québec (27-30 mai bonded FRP reinforcement. Concrete Interna-
[13] ACM Monthly. – Tow sheet « MBraces ».
1997), vol. 6, p. 1-10. tional J., 97 (1995), p. 22-26.
(Mars 1998), issue 316, p. 4-5.
[26] MEIER (U.). – Proposal for a carbon fibre rein- [42] CLÉMENT (J.–L.), DUMAS (C.) et BELHOUL
[14] HARIK (I.). – Dynamic testing and seisme
forced composite bridge across the Strait of (M.). – Numerical simulations of RC beams
evaluation of long span truss bridges. Recent
Gibraltar at its narrowest site. Proc. Instn. strengthened by carbon fiber cloth. EURO-C
advances in bridge engineering. Advanced
Mech. Engrs. vol. 201, no 201, p. 184-189. Symposium, Bagastein, Autriche (30 mars-
rehabilitations, durable materials, non des-
3 avr. 1998).
tructive evaluation and management. [27] MEIER (U.). – Carbon fibre reinforced poly-
U. Meier et R. Betti, eds, EMPA (1997), p. 285- [43] ODRU (P.) et SPARKS (C.C.). – Les matériaux
mers. Modern materials in bridge enginee-
292. composites haute performance pour la mer
ring, structural engineering international,
profonde. Conférence Internationale DOT, Rio
[15] FRP International. – Carbon plates for Ohio vol. 1 (1992), p. 1-12.
de Janeiro, Brésil (1995).
bridge. (Été 1996), vol. IV, issue 3, p. 3.
[28] SHURTER (U.) et MEIER (B.). – Storchenbrüke
[16] FRP International. – Seismic retrofitting. (Été Winterthur, Schweizer Ingenieur und Archi-
1997), vol. V, issue 3, p. 2. tekt (oct. 1996), no 44, p. 4-13.
[17] CHAJES (M.). – Infrastructure rehabilitation Dans les Techniques de l’Ingénieur
[29] MEIER (U.) et MEIER (H.). – CFRP use in cable
using composites. (http://www.ce.udel.edu/
support foot bridge. Modern Plastics (avr. [44] LUYCKX (J.). – Fibres de carbone. – A 2 210.
faculty/chajes/load.foulk.html.)
1996), p. 87-89.
[18] Composite New InfraStructure, no 83, (5 janv. Traité Plastiques et Composites, vol. AM5
1998), p 3. [30] MEIER (U.). – EMPA, Swiss patent – CH 01 270/ (1994).
94-3. [45] GUILLON (D.). – Fibres de verre de renforce-
[19] GREEN (M.F.) et SOUKI (A.). – FRP strengthe-
ned concrete structure. Recent advances in [31] DESKOVIC (N.), TRIANTAFILLOU (T.) et MEIER ment. – A 2 110. Traité Plastiques et Composi-
bridge engineering. Advanced rehabilitations, (U.). – Innovative design of FRP combined tes, vol. AM5 (1995).
durable materials, non destructive evaluation with concrete : short term behavior. Journal [46] PINZELLI (R.). – Fibres aramides pour maté-
and management. U. Meier et R. Betti, éds, of Structural engineering (juil. 1995), p. 1069- riaux composites. – A 3 985. Traité Plastiques
EMPA (1997), p. 219-226. 1078. et Composites, vol. A M5 (1995).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
AM 5 620 - 10 © Techniques de l’Ingénieur, traité Plastiques et Composites