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Répertoire de droit international

 Table des matières


 Bibliographie
 Généralités (1 - 2)
 Chapitre 1 - Droit de la mer : ses traits fondamentaux (3 - 93)
o Section 1 - Observations générales (3 - 54)
 Art. 1 - La mer, milieu naturel, régi par le droit (3 - 9)
 § 1 - Définition de la mer (3 - 4)
 § 2 - Diversité (5 - 8)
 § 3 - Milieu soumis au droit (9)
 Art. 2 - La mer, lieu d'activités diversifiées (10 - 20)
 § 1 - Pendant longtemps, des usages limités (10 - 13)
 § 2 - Actuellement, un champ d'activités élargi (14 - 20)
 A - Activités anciennes développées (15 - 16)
 B - Diversification des activités (17 - 20)
 Art. 3 - La mer sous emprise croissante des États (21 - 54)
 § 1 - Mare liberum/Mare clausum (22 - 26)
 § 2 - Mouvement d'emprise d'une ampleur sans précédent (27 - 50)
 A - Ses débuts (27 - 31)
 B - Sa consécration par la Convention du 10 décembre 1982 (32 -
34)
 C - Principales manifestations de cette emprise (35 - 46)
 D - Conséquences de ce phénomène d'emprise (47 - 50)
 § 3 - Phénomène d'emprise : sa persistance depuis 1982 (51 - 54)
o Section 2 - Mer : le droit applicable (55 - 93)
 Art. 1 - Présentation générale (55 - 62)
 § 1 - D'un petit noyau de règles… (55 - 57)
 § 2 - … à un « ordre juridique des mers et des océans » (58 - 62)
 Art. 2 - Différentes composantes dans la formation du droit de la mer (63 - 76)
 § 1 - Composantes internationales (63 - 73)
 A - Source coutumière (64 - 67)
 B - Traités (68 - 69)
 C - Jurisprudence et doctrine (70 - 71)
 D - Règles, normes, pratiques, procédures « généralement
acceptées » (72 - 73)
 § 2 - Composantes nationales (74 - 76)
 Art. 3 - Codification du droit de la mer (77 - 93)
 § 1 - Des tentatives inabouties (77 - 79)
 § 2 - Œuvre codificatrice de la Conférence de Genève de 1958 (80 - 81)
 § 3 - 3e Conférence et Convention de 1982 : droit stabilisé ou étape
provisoire ? (82 - 93)
 A - Phase préparatoire (82 - 84)
 B - Déroulement de la 3e Conférence (85 - 90)
 C - Convention de 1982. Son évolution ultérieure (91 - 93)
 Chapitre 2 - Mer compartimentée : les différentes zones maritimes et leur statut (94 - 193)
o Section 1 - Zones sous souveraineté de l'État riverain (97 - 134)
 Art. 1 - Eaux intérieures (98 - 106)
 § 1 - Notion (98 - 101)
 A - Indifférence des Conventions de codification (98)
 B - Définition juridique classique (99)
 C - Champ d'application géographique élargi (100 - 101)
 § 2 - Régime juridique (102 - 106)
 A - Principe de la souveraineté de l'État côtier (102)
 B - Accès aux eaux intérieures (103 - 105)
 C - Séjour dans les eaux intérieures (106)
 Art. 2 - Mer territoriale (107 - 128)
 § 1 - Champ d'extension géographique (109 - 116)
 A - Lignes de base (110 - 114)
 B - Étendue de la mer territoriale et ses limites extérieures (115 -
116)
 § 2 - Passage dans la mer territoriale (117 - 122)
 A - Passage inoffensif (117 - 119)
 B - Réglementation de la navigation (120 - 122)
 § 3 - Juridiction exercée par l'État côtier dans sa mer territoriale (123 -
124)
 A - Exercice de la juridiction civile (123)
 B - Exercice de la juridiction pénale (124)
 § 4 - Délimitation de la mer territoriale (125)
 § 5 - Baies (126 - 128)
 Art. 3 - Eaux archipélagiques (129 - 134)
 § 1 - État archipel selon la Convention de 1982 (129 - 131)
 § 2 - Droit de passage archipélagique (132 - 134)
o Section 2 - Zones sous juridiction (135 - 148)
 Art. 1 - Zone contiguë (136 - 146)
 § 1 - Origine et consécration de l'institution (136 - 137)
 § 2 - Zone contiguë dans la Convention de 1982 (138 - 146)
 A - Nature juridique et limites de la zone (138 - 141)
 B - Compétences de l'État côtier (142 - 146)
 Art. 2 - Zone économique exclusive (147)
 Art. 3 - Plateau continental (148)
o Section 3 - Détroits servant à la navigation internationale (149 - 157)
 Art. 1 - Notion (150)
 Art. 2 - Régimes juridiques (151 - 157)
 § 1 - Détroits à la 3e Conférence sur le droit de la mer (151 - 152)
 § 2 - Différents types de régimes (153 - 157)
 A - Détroits « conventionnés » (153)
 B - Passage en transit (154 - 155)
 C - Passage inoffensif (156)
 D - Liberté de navigation et de survol (157)
o Section 4 - Haute mer (158 - 175)
 Art. 1 - Liberté de la haute mer (158 - 163)
 § 1 - Définition de la haute mer (158)
 § 2 - Affirmation du principe de liberté (159 - 163)
 A - Principales caractéristiques de ce principe (159 - 161)
 B - Énonciation des diverses libertés (162 - 163)
 Art. 2 - Liberté de plus en plus étroitement encadrée (164 - 175)
 § 1 - Réglementation classique (164 - 173)
 A - Loi du pavillon (164 - 166)
 B - Exercice de pouvoirs de police (167 - 173)
 § 2 - Une volonté plus récente de conservation et de gestion rationnelles
des ressources biologiques de la haute mer (174 - 175)
o Section 5 - Zone internationale des fonds marins (176 - 193)
 Art. 1 - Zone et patrimoine commun de l'humanité : genèse (177 - 181)
 § 1 - Déclaration Pardo (177)
 § 2 - Déclaration des principes régissant le fond des mers et des océans
(17 déc. 1970) (178)
 § 3 - 3e Conférence (179)
 § 4 - Évolution postérieure et Accord du 28 juillet 1994 (180 - 181)
 Art. 2 - Principes de base régissant l'exploration et l'exploitation de la Zone (182
- 184)
 § 1 - Principes généraux (182)
 § 2 - Principes de portée technique (183 - 184)
 A - Investisseur pionnier (183)
 B - Système parallèle (184)
 Art. 3 - Institutions (185 - 193)
 § 1 - Autorité internationale des fonds marins (186 - 190)
 A - Assemblée (187)
 B - Conseil (188)
 C - Secrétariat et Entreprise (189 - 190)
 § 2 - Tribunal international du droit de la mer (191 - 193)
 Index alphabétique
 Actualisation

Mer 

Laurent LUCCHINI
Professeur à l'Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne

décembre 1998

Table des matières

Généralités 1 - 2
Chap. 1 - Droit de la mer : ses traits fondamentaux 3 - 93

Sect. 1 - Observations générales 3 - 54


Art. 1 - La mer, milieu naturel, régi par le droit 3 - 9
§ 1 - Définition de la mer 3 - 4
§ 2 - Diversité 5 - 8
§ 3 - Milieu soumis au droit 9
Art. 2 - La mer, lieu d'activités diversifiées 10 - 20
§ 1 - Pendant longtemps, des usages limités 10 - 13
§ 2 - Actuellement, un champ d'activités élargi 14 - 20
Art. 3 - La mer sous emprise croissante des États 21 - 54
§ 1 - Mare liberum/Mare clausum 22 - 26
§ 2 - Mouvement d'emprise d'une ampleur sans précédent 27 - 50
§ 3 - Phénomène d'emprise : sa persistance depuis 1982 51 - 54
Sect. 2 - Mer : le droit applicable 55 - 93
Art. 1 - Présentation générale 55 - 62
§ 1 - D'un petit noyau de règles… 55 - 57
§ 2 - … à un « ordre juridique des mers et des océans » 58 - 62
Art. 2 - Différentes composantes dans la formation du droit de la mer 63 -
76
§ 1 - Composantes internationales 63 - 73
§ 2 - Composantes nationales 74 - 76
Art. 3 - Codification du droit de la mer 77 - 93
§ 1 - Des tentatives inabouties 77 - 79
§ 2 - Œuvre codificatrice de la Conférence de Genève de 1958 80 - 81
e
§ 3 - 3  Conférence et Convention de 1982 : droit stabilisé ou étape
provisoire ? 82 - 93

Chap. 2 - Mer compartimentée : les différentes zones maritimes et leur


statut 94 - 193

Sect. 1 - Zones sous souveraineté de l'État riverain 97 - 134


Art. 1 - Eaux intérieures 98 - 106
§ 1 - Notion 98 - 101
§ 2 - Régime juridique 102 - 106
Art. 2 - Mer territoriale 107 - 128
§ 1 - Champ d'extension géographique 109 - 116
§ 2 - Passage dans la mer territoriale 117 - 122
§ 3 - Juridiction exercée par l'État côtier dans sa mer territoriale 123 -
124
§ 4 - Délimitation de la mer territoriale 125
§ 5 - Baies 126 - 128
Art. 3 - Eaux archipélagiques 129 - 134
§ 1 - État archipel selon la Convention de 1982 129 - 131
§ 2 - Droit de passage archipélagique 132 - 134
Sect. 2 - Zones sous juridiction 135 - 148
Art. 1 - Zone contiguë 136 - 146
§ 1 - Origine et consécration de l'institution 136 - 137
§ 2 - Zone contiguë dans la Convention de 1982 138 - 146
Art. 2 - Zone économique exclusive 147
Art. 3 - Plateau continental 148
Sect. 3 - Détroits servant à la navigation internationale 149 - 157
Art. 1 - Notion 150
Art. 2 - Régimes juridiques 151 - 157
e
§ 1 - Détroits à la 3  Conférence sur le droit de la mer 151 - 152
§ 2 - Différents types de régimes 153 - 157
Sect. 4 - Haute mer 158 - 175
Art. 1 - Liberté de la haute mer 158 - 163
§ 1 - Définition de la haute mer 158
§ 2 - Affirmation du principe de liberté 159 - 163
Art. 2 - Liberté de plus en plus étroitement encadrée 164 - 175
§ 1 - Réglementation classique 164 - 173
§ 2 - Une volonté plus récente de conservation et de gestion rationnelles
des ressources biologiques de la haute mer 174 - 175
Sect. 5 - Zone internationale des fonds marins 176 - 193
Art. 1 - Zone et patrimoine commun de l'humanité : genèse 177 - 181
§ 1 - Déclaration Pardo 177
§ 2 - Déclaration des principes régissant le fond des mers et des océans
(17 déc. 1970) 178
e
§ 3 - 3  Conférence 179
§ 4 - Évolution postérieure et Accord du 28 juillet 1994 180 - 181
Art. 2 - Principes de base régissant l'exploration et l'exploitation de la Zone
182 - 184
§ 1 - Principes généraux 182
§ 2 - Principes de portée technique 183 - 184
Art. 3 - Institutions 185 - 193
§ 1 - Autorité internationale des fonds marins 186 - 190
§ 2 - Tribunal international du droit de la mer 191 - 193

Bibliographie

G. APOLLIS, L'emprise maritime de l'État côtier, 1981, Pedone. – D. BARDONNET


et M. VIRALLY (sous la direction de), Le nouveau droit international de la mer,
1983, Pedone. – D. W. BOWETT, The Legal Regime of Islands in International
Law, New York, 1979, Oceana Publications. – E. D. BROWN, The International
Law of the Sea, vol. I, Introductory Manuel, 1994 ; vol. II, Documents, Cases and
Tables 1994, Darmouth. – J. I. CHARNEY et L. M. ALEXANDER (sous la direction
de), International Maritime Boundaries, 2 vol., 1992, Martinus Nijhoff. –
R. R. CHURCHILL et A. V. LOWE, The Law of the Sea, 1991, Manchester
University Press. – H. DIPLA, Le régime juridique des îles dans le droit
international de la mer, Publications de l'Institut universitaire des hautes études
internationales, 1984, PUF. – R. J. DUPUY et D. VIGNES (sous la direction de),
Traité du nouveau droit de la mer, 1985, Economica, Bruylant. – A. FATTAL, Les
Conférences des Nations unies et de la Convention de Genève sur la mer
territoriale et la zone contiguë, 1968, Librairie du Liban-Beyrouth. – O. DE
FERRON, Le Droit international de la mer, t. I, 1958, t. II 1960, Droz. – G. GIDEL,
Le Droit international public de la mer, 3 vol., 1932-1934, Sirey. –
H. W. JAYEWARDENE, The Regime of the Islands in International Law, 1990,
Martinus Nijhoff. – E. LANGAVANT, Droit de la mer, 4 vol., 1980-1986, Cujas. –
L. LUCCHINI et M. VŒLCKEL, Les États et la mer. Le nationalisme maritime,
1977, Documentation française ; Droit de la mer, t. I, La mer et son droit. Les
espaces maritimes, 1990 ; t. II, vol. 1 et 2, Délimitation. Navigation et pêche,
1996, Pedone. – A. DE MARFFY, La genèse du nouveau droit de la mer. Le Comité
des fonds marins, 1981, Pedone. – M. MUNAVVAR, Ocean States. Archipelagic
Regimes in the Law of the Sea, 1995, Publications of Ocean Development,
Martinus Nijhoff. – M. H. NORDQUIST (sous la direction de), United Nations
Convention on the Law of the Sea 1982. A Commentary, 6 vol., 1985-1997,
Nijhoff. – D. P. O'CONNELL, The International Law of the Sea, 2 vol., 1982-1984,
Oxford, Clarendon Press. – E. DU PONTAVICE et P. CORDIER, La mer et le droit,
t. I, 1984, PUF. – W. M. REISMAN et G. S. WESTERMAN, Straight Baselines in
International Maritime Boundary Delimitation, 1992, Honk-Kong, Mac Millan. –
T. SCOVAZZI, Elementi di Diritto Internazionale del Mare, 1994, Milan, Giuffrè. –
M. R. SIMMONET, La Convention sur la haute mer, 1966, LGDJ. – P. WEIL,
Perspectives du droit de la délimitation maritime, 1988, Pedone. – V. égal. Droit
de la mer, Études dédiées au doyen C. A. Colliard, Publications de l'Indemer,
1992, Pedone. – The Law of the Sea. Baselines : National Legislation with
illustrative maps, 1989, New York.
R. A. GOLDWIN, Le Droit de la mer : sens commun contre « patrimoine
commun », RGDI publ. 1985. 719. – J. P. LEVY, La mise sur pied des institutions
o
de la Convention, Espaces et ressources maritimes, n  9, 1995, p. 3. –
B. H. OXMAN, Le régime des navires de guerre dans le cadre de la Convention
des Nations unies sur le droit de la mer, Ann. fr. dr. int. 1982. 811. – Y. VAN DER
MENSBRUGGHE, Le pouvoir de police des États en haute mer, Rev. belge dr. int.
o
11, 1975, p. 56. – Où en sont les 200 milles ?, Rev. de l'Indemer, n  4, 1996,
Pedone.
On pourra consulter avec profit – même si elle n'est plus tout à fait à jour – la
« Bibliographie du droit de la mer 1966-1988 » établie par les Nations unies et
publiée à New York en 1991.
ACTUALISATION
Bibliographie. - BONASSIES, Brèves observations sur le développement de
l'arbitrage en droit français, DMF 2004. 211. – CACHARD, Les mesures
conservatoires dans l'arbitrage maritime, DMF 2004. 220. – LÉVY La première
décennie de l'autorité internationale des fonds marins, RGDIP 2005. 101 ; De
quelques « modifications » et « interprétations » de la convention sur le droit
de la mer, RGDIP 2007. 407. – MAHINGA, La compétence de l'État du port en
droit international public JDI 2005. 1093. – SAVADOGO, La convention sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique (2 nov. 2001),
RGDIP. 2003. 31. – La Mer et son droit. Mélanges offerts à L. Lucchini et J.-
P. Queneudec, 2003, Pedone.

Généralités
1. La mer est le centre de relations multiples ; les règles qui la gouvernent
relèvent pour certaines du droit privé (droit maritime), pour d'autres du droit
public (droit public de la mer). Ce sont ces dernières, seules, dont il sera ici fait
état.

ACTUALISATION
1 s. Adoption du code maritime international des marchandises
o
dangereuses. - Le décret n  2011-165 du 9 février 2011 portant publication
de la résolution MSC.122 (75) relative à l'adoption du code maritime
international des marchandises dangereuses (code IMDG) (ensemble une
annexe), adoptée à Londres le 24 mai 2002, a été publié. Cette résolution,
qui a fait l'objet d'une publication spéciale le même jour, contient des
recommandations détaillées pour chaque substance, matière et objet, ainsi
o
que des recommandations de bonnes pratiques (Décr. n  2011-165 du 9 févr.
2011, JO 12 févr. – V. aussi Navigation maritime [Internat.], Mise à jour,
os
n  1 s.).

2. Le système normatif qui forme le droit de la mer est fait d'une mosaïque
complexe et composite, fruit d'apports nombreux et de sources différentes. Une
place prééminente est cependant occupée par la Convention des Nations unies
sur le droit de la mer signée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 avril 1982 (JO
7 sept. 1996), entrée en vigueur le 16 novembre 1994, qui a pour ambition
affichée d'assurer sur ses dispositions une participation universelle. Issue des
e
longs et laborieux travaux de la 3  Conférence de codification du droit de la mer,
elle se veut être pour le temps de paix, et selon la formule employée par le
président de la Conférence, une véritable « Constitution pour les océans », même
si son Préambule précise que les questions qui ne sont pas réglementées par elle
« continueront d'être régies par les règles et principes du droit international
général ».

er
Chapitre 1 - Droit de la mer : ses traits fondamentaux

re
Section 1 - Observations générales

er
Art. 1 - La mer, milieu naturel, régi par le droit
er
§ 1 - Définition de la mer

3. C'est la caractéristique de salure des eaux qui est généralement retenue par
les géographes pour définir la mer. Aux yeux des juristes, cette qualité du milieu
apparaît inappropriée. Comme le notait G. GIDEL Le droit international public de
la mer, t. I, Sirey, p. 40), « la mer Morte, la mer Caspienne, le Grand Lac Salé ne
peuvent, malgré la nature de leurs eaux, être considérés comme des espaces
régis » par le droit international de la mer. Aussi, le critère essentiel tient-il au
fait que les espaces marins communiquent librement et naturellement entre eux.

4. Si la mer est un terme générique commode susceptible de s'appliquer à tout


espace étendu d'eaux marines, de notables différences séparent toutefois mers et
océans : différences de taille, de structure physique (le plateau continental
occupe fréquemment dans les mers la totalité des fonds, ce qui souligne, du
même coup, l'étroite solidarité entre la masse continentale et la masse sous-
marine), etc.

§ 2 - Diversité

5. Malgré l'ensemble unitaire que forment les eaux des mers et des océans, la
diversité est néanmoins l'un des traits fondamentaux les plus immédiatement
observables du milieu marin.

6. La diversité tient d'abord, à l'évidence, aux dimensions respectives. Quelques


exemples suffisent à en donner l'idée. La superficie de la Baltique, comme celle
2
de la mer Rouge est de l'ordre de 430 000 km , celle de la mer Jaune ou de la
2
mer de Chine orientale d'environ 1 250 000 km  ; celle de la Méditerranée
2 2
avoisine les 3 000 000 km , alors que l'océan Atlantique couvre 105 000 000 km
2
et que le géant Pacifique atteint 175 000 000 km (alors que la superficie des
2
terres émergées n'est que de 148 000 000 km ).

7. La diversité réside aussi dans le degré d'ouverture des mers. Certaines d'entre
elles, plus ou moins ceinturées par les terres, fréquemment parsemées d'îles qui
structurent leur espace, ne sont reliées aux masses océaniques que par des
détroits resserrés (Gibraltar, Belts, etc.). Elles sont quelquefois désignées sous le
nom de « Méditerranées ». Le droit, quant à lui, a promu le concept de mer
fermée ou semi-fermée, consacré par la partie IX de la Convention de 1982. Les
deux dispositions qui composent celle-ci n'ont d'ailleurs qu'un faible contenu
normatif. Il n'est pas établi de distinction entre mer fermée et mer semi-fermée
(art. 122), contrairement aux positions doctrinales généralement soutenues en la
matière. Les États riverains sont simplement incités à développer leur coopération
dans certains domaines (gestion, conservation, exploration et exploitation des
ressources biologiques, protection et préservation du milieu marin, recherche
scientifique : art. 123).

8. La géographie politique constitue un autre facteur de diversité. La relation des


États à la mer fait, en effet, de ceux-ci des États côtiers ou des États enclavés, ou
encore dénommés « sans littoral », selon l'expression utilisée par la Convention
de 1982. Celle-ci consacre à leur profit le droit d'accès à la mer et « la liberté de
transit à travers le territoire des États de transit par tous les moyens de
er
transport » (art. 125, § 1 ).

§ 3 - Milieu soumis au droit

9. Tôt, le droit s'est intéressé à ce milieu naturel pour en réglementer les usages
os
(V. infra, n  55 et s.). Au fil du temps, mais spécialement au cours des dernières
décennies, le corpus juridique est devenu plus élaboré et complexe. Si quelques
principes juridiques à caractère général régissent cette construction (principe de
liberté des mers, loi du pavillon, principe d'utilisation pacifique, etc.), place est
également faite à des règles plus pointues. Le droit de la mer est, en partie, un
droit catégoriel, souple, apte à s'adapter aux situations particulières. Parmi les
spécificités plus spécialement prises en compte, celles de nature géographique
prévalent. De nombreuses illustrations de cette affirmation sont susceptibles
d'être invoquées. On peut notamment citer les dispositions du paragraphe 7 de
l'article 47 de la Convention de 1982 concernant les lignes archipélagiques
(modalités de calcul du rapport entre la superficie des eaux et celle des terres) ;
elles ont été inscrites dans la Convention afin de prendre en considération des
caractéristiques propres aux Bahamas. De même, l'article 234 (« zones
recouvertes par les glaces ») n'est dû qu'à l'action menée par le Canada auprès
e
de la 3  Conférence.

Art. 2 - La mer, lieu d'activités diversifiées

er
§ 1 - Pendant longtemps, des usages limités

10. Jusqu'à une époque récente et hormis les activités de caractère militaire qui
pouvaient s'y dérouler, la mer a essentiellement été le support de deux activités :
la navigation et la pêche.
11. Il est parfois soutenu que, de longs siècles durant, la navigation a été l'usage
quasi exclusif qui a été fait des espaces maritimes. S'il est vrai que la pêche s'est
traduite, pendant longtemps, par des opérations de « cueillette », elle correspond
à une utilisation aussi ancienne que la précédente. Toutes deux ont toujours été
au cœur des activités humaines en mer. Il convient, à cet égard, de rappeler que
le « Mare liberum » de GROTIUS, qui exprime avec éclat le principe de liberté des
os
mers (V. infra, n  22 et s.), était avant tout destiné à défendre les intérêts de
pêche hollandais en mer du Nord contre les prétentions britanniques tendant à
réserver ces eaux aux seuls pêcheurs anglais (« en 1609… parut une ordonnance
du roi d'Angleterre Jacques I, interdisant aux pêcheurs hollandais la pêche dans
les eaux côtières anglaises », G. GIDEL, op. cit., t. I, p. 151).

12. Si navigation et pêche étaient, par conséquent, à relative parité d'intérêt, il


est toutefois exact que la première a, sans doute, eu plus de poids que la seconde
du point de vue de la production normative. Elle a provoqué la naissance de
règles coutumières générales, la pêche s'accommodant bien, quant à elle,
d'accords à portée plus limitée, qui concernaient d'ailleurs plus les pêcheurs
(prévention des incidents sur les lieux de pêche) que les produits de la pêche.

13. Quoi qu'il en soit, si la liberté des mers fut consacrée, ce fut, avant tout, pour
satisfaire les intérêts de la navigation et, à titre secondaire, ceux de la pêche.
Cette prééminence du droit de la navigation sur celui de la pêche explique
d'ailleurs l'importance réservée aux règles régissant les navires (V.  Navire
[Internat.] ). De nos jours encore, si la liberté de navigation n'a pas été
compromise par la montée nationaliste des États côtiers, celle de la pêche connaît
de sévères restrictions à telle enseigne que l'on peut s'interroger sur son contenu
actuel, voire sur sa survie.

§ 2 - Actuellement, un champ d'activités élargi

14. On rend généralement compte de ce phénomène d'explosion des activités en


mer par la récente prise de conscience des richesses qui s'y trouvent, de leur
caractère épuisable – et donc de la nécessité de les préserver –, de l'idée qu'elles
peuvent représenter un fort utile instrument de développement pour tous les
pays, notamment pour ceux dont l'économie pâtit d'un retard plus ou moins
marqué. Toutefois, l'intérêt économique qui s'attache aux océans n'est pas
entièrement neuf. Il s'est amplifié et diversifié.

A - Activités anciennes développées

15. Les principes et règles appelés à régir la navigation et la pêche n'ont jamais


été, à l'évidence, dénués de considérations économiques.
16. Au cours des dernières décennies, ces préoccupations ont pris de l'ampleur,
spécialement en ce qui concerne l'exploitation des ressources biologiques. Elles
s'appuient sur tout un arsenal juridique dont le droit de la mer s'est doté à date
récente : souveraineté permanente sur les richesses maritimes situées à
l'intérieur des limites de juridiction nationale (Résolutions 3016 [XXVII], déc.
1972, et 3171 [XXVIII], déc. 1973), notions de conservation, de gestion
raisonnable, de précaution, de développement durable, etc.

B - Diversification des activités

17. Ce même souci de mise en valeur a gagné d'autres secteurs et favorisé le


développement d'activités liées à l'exploration et l'exploitation des ressources
minérales. Parallèlement aussi, les océans ont été utilisés comme champ de
manœuvre militaire et d'expérimentation nucléaire.

18. Aussi divergents que puissent être ces usages, ils ont cependant en commun
d'imposer la conduite d'opérations de recherche en mer, mais également celle
d'entreprises de protection du milieu contre les pollutions. Si recherche
scientifique et protection du milieu marin ne donnaient lieu qu'à brèves
prescriptions des Conventions de Genève du 29 avril 1958 (pour la recherche,
Convention sur le plateau continental, art. 5, § 8, JO 4 déc. 1965 ; pour la lutte
contre la pollution, Convention sur la haute mer, art. 24 et 25), elles sont, en
revanche, respectivement l'objet des dispositions spécifiques et étoffées des
parties XIII et XII de la Convention de 1982.

19. La multiplication et l'intensification des activités menées en mer expliquent


pour une part la mise en place d'un dispositif de règlement pacifique des
différends : Protocole facultatif en 1958, partie XV de la Convention de 1982,
reposant sauf exception (art. 297 et 298) sur des « procédures obligatoires
aboutissant à des décisions obligatoires » (section 2) entre lesquelles les États
font leur choix (Tribunal international du droit de la mer, Cour internationale de
er
justice, tribunal arbitral ou tribunal arbitral spécial : art. 287, § 1 ).

20. Il n'en sera pas dit davantage ici sur les activités se déroulant en mer,
puisque le présent répertoire comporte des rubriques plus spécifiques sous
lesquelles d'appréciables développements sont consacrés à ce problème (V. 
Pêche [Internat.], Plateau continental [Internat.], Zone économique exclusive
[Internat.] ).

Art. 3 - La mer sous emprise croissante des États


21. Au cours de l'histoire humaine, la mer a presque toujours été l'objet des
convoitises des États. Plus précisément, deux thèses opposées – reflétant, le plus
souvent d'ailleurs, des intérêts eux-mêmes opposés – se sont affrontées : celle
de la domination, celle de la liberté. Si la seconde a incontestablement prévalu à
e
partir du XVIII  siècle, la première connaît dans les dernières décennies un
puissant renouveau que la Convention sur le droit de la mer de 1982 n'a pas été
à même d'endiguer complètement.

er
§ 1 - Mare liberum/Mare clausum

22. Le débat théorique autour de conceptions antagonistes n'est apparu qu'assez


tardivement. L'étude historique montre, en effet, que n'a existé pendant
longtemps aucune règle stable, mais seulement des pratiques divergentes
résultant des intérêts des États, variables selon les régions.

23. Si Venise entendait exercer son autorité exclusive sur l'Adriatique, elle
revendiquait parallèlement la liberté de navigation en mer Noire. L'Angleterre, de
son côté, s'élevait contre le partage des mers que l'Espagne et le Portugal
prétendaient abusivement tirer de la Bulle Inter Coetera (4 mai 1493) du Pape
Alexandre VI, alors qu'elle professait la conception des « British Seas » et exigeait
que salut lui fut rendu par les navires étrangers dans le « English Channel », à
l'appellation évocatrice.
e
24. Le moment capital de cette évolution historique est marqué au XVII  siècle
par l'illustre controverse entre le Hollandais GROTIUS (Mare liberum de 1609
dans le « De jure belli ac pacis ») et l'Anglais SELDEN (Mare clausum, 1635).
Reprenant la distinction plus ancienne entre choses communes et choses
appropriables, GROTIUS range la mer – « infinie et indivisible » – parmi les
premières, au contraire de SELDEN, qui la classe dans les secondes en vertu du
droit naturel et du droit des gens.

25. De ce désaccord doctrinal, non dépourvu d'arrière-pensées économiques,


GROTIUS sortira vainqueur. Sa thèse en faveur de l'affirmation de la liberté des
mers, reprise plus tard par VATTEL, va être progressivement confortée par la
pratique internationale et l'opinio juris. Elle sera le pilier même de l'ordre
juridique qui gouvernera les océans pendant près de deux siècles et qui peut se
résumer ainsi : au-delà d'étroites ceintures maritimes sous souveraineté des
États riverains (mer territoriale de 3 milles marins) se trouve la haute mer
ouverte aux usages de tous et sur laquelle évoluent librement les navires
exclusivement soumis à la juridiction de l'État dont ils battent le pavillon (loi du
pavillon).
26. Ce principe de liberté des mers est d'ailleurs si fortement ancré dans
l'ensemble normatif que forme le droit de la mer, qu'il reste toujours affirmé,
malgré les profondes transformations qui se sont produites au cours des
os
dernières décennies (art. 87 ; V. infra, n  158 et s.).

§ 2 - Mouvement d'emprise d'une ampleur sans précédent

A - Ses débuts

27. À une période caractérisée par un droit de la mer de stabilité va en succéder


une autre plus troublée, au cours de laquelle s'exercent des pressions plus ou
moins fortes sur les règles existantes. L'ordre juridique des mers antérieur est
ébranlé et commence à se transformer. Sans procéder à une revue exhaustive
des premiers frémissements qui se font sentir, il convient d'en évoquer quelques-
uns parmi les plus importants.

28. La Conférence de La Haye de 1930 et les travaux qui l'ont précédée


témoignent du changement d'esprit qui est en train de s'accomplir. La règle
séculaire, fixant à 3 milles marins l'étendue de la mer territoriale (Base de
o
discussion n  3 établie par le Comité préparatoire), ne bénéficie plus de
l'acceptation unanime des États. La ferme opinio juris, qui existait sur ce point
auparavant, se désagrège et l'Acte final de la Conférence prend acte des
divergences qui se sont fait jour. Toutefois, c'est après la Seconde Guerre
mondiale que le mouvement de contestation contre le droit de la mer
« classique » commence à prendre de l'ampleur.

29. La Proclamation TRUMAN « sur la politique des États-Unis concernant les


ressources naturelles du sol et du sous-sol du plateau continental » (28 sept.
1945) constitue sans doute le premier acte par lequel certaines bases d'un droit
nouveau sont jetées. En termes généraux, le président américain y considère que
« l'exercice de la juridiction sur les ressources naturelles du sous-sol et du sol du
plateau continental par la nation adjacente est raisonnable et juste… ». Cet acte
unilatéral ne soulève aucune objection. Bien au contraire, il connaît un vif
retentissement. Dans son sillage, de nombreux textes nationaux (spécialement
des pays d'Amérique latine et du Moyen-Orient) sont adoptés avec une teneur
sensiblement équivalente. Ainsi, le concept juridique de plateau continental est
né, en même temps qu'est sommairement fixé le régime juridique du sol et du
sous-sol.

30. Excipant de la présence du riche courant de Humboldt, le Chili et le Pérou,


rejoints par l'Équateur, procèdent à l'extension à 200 milles marins de leur mer
territoriale : législations nationales proprement « révolutionnaires » qui ne
manquent pas de susciter de véhémentes protestations. Et pourtant, la pratique,
initialement unilatérale, devient régionale et s'épanouit au travers de déclarations
communes latino-américaines, d'une assiette géographique de plus en plus large,
qui explicitent les raisons d'être d'une telle emprise : Déclaration de Santiago
(18 août 1952), Déclaration de Montevideo (8 mai 1970) et de Lima (8 août
1970).

31. Si, après les travaux de la Commission du droit international, la


re
1  Conférence des Nations unies sur le droit de la mer de 1958, comme la
deuxième de 1960 ne parviennent pas à déterminer une limite uniforme à
l'étendue de la mer territoriale, les Conventions de Genève du 29 avril 1958
codifient et font entrer dans le droit positif, au fur et à mesure de leur entrée en
vigueur, ce qui n'était, malgré tout, jusqu'alors que pratiques unilatérales de
certains États. Elles consacrent même – illustration du développement progressif
du droit international – « l'intérêt spécial » de l'État côtier en matière de pêche et
de conservation dans toute partie de la haute mer adjacente à sa mer territoriale
(Convention de Genève du 29 avril 1958 sur la pêche et la conservation des
ressources biologiques de la haute mer, JO 24 déc. 1970, art. 6 et 7).

B - Sa consécration par la Convention du 10 décembre 1982

32. Au lendemain de 1958, il apparut rapidement que l'entreprise de codification


re
de la 1  Conférence n'avait pas pleinement réussi, moins d'ailleurs du fait des
lacunes et insuffisances des textes adoptés (largeur de la mer territoriale, non-
fixation du régime juridique de la pêche, etc.) qu'en raison de l'irruption massive
sur la scène internationale, dès le début des années 1960, de nouveaux États,
pour la plupart issus de la décolonisation. Ils vont grossir les rangs d'un tiers-
monde, qui, dans sa quasi-totalité, exprime avec vigueur ses revendications en
faveur de l'attribution aux États côtiers de zones maritimes élargies.
er
33. Le discours prononcé à l'Assemblée générale le 1  novembre 1967 (XXII
e
 session) par M. A. PARDO, représentant permanent de Malte aux Nations unies,
demandant « l'utilisation exclusive à des fins pacifiques des fonds marins et
océaniques au-delà des limites de juridiction nationale actuelles et […]
l'exploitation de leurs ressources dans l'intérêt de l'humanité » (Doc. off. ONU A /
6695) ouvre la voie à la mise en place du Comité des utilisations pacifiques du
fond des mers et des océans au-delà des limites de juridiction nationale
(Résolution 2467, 21 déc. 1968), plus connu sous l'appellation de Comité des
e
fonds marins, puis, à partir de 1973, aux travaux de la 3  Conférence des Nations
unies sur le droit de la mer. C'est dans ces deux cadres successivement institués
que les thèses favorables à l'expansion maritime et aux revendications plus
concrètes seront exposées et examinées.
34. Le développement spatial des États côtiers va constituer une des réalisations
e
essentielles de cette 3  Conférence. Les zones maritimes anciennes sont
largement étendues (mer territoriale, zone contiguë), des zones nouvelles créées.
La limite des 200 milles marins, considérée quelques années plus tôt comme
relevant du domaine des prétentions exorbitantes, est généralisée par la
reconnaissance faite de la zone économique exclusive. Celle-ci pénètre
rapidement dans le droit positif, devenant règle coutumière avant même sa
consécration par la Convention de 1982 et l'entrée en vigueur de celle-ci en 1994.
Mais, le mouvement de nationalisme expansionniste va au-delà, en admettant,
dans certains cas, que l'État côtier puisse prolonger jusqu'à 350 milles les limites
extérieures de son plateau continental (V.  Plateau continental [Internat.] ).

C - Principales manifestations de cette emprise

1° - Découpage en zones

35. Ce phénomène d'emprise aux dimensions spectaculaires se caractérise avant


tout par une multiplication des zones maritimes. Chacune obéit à un régime
juridique qui lui est propre, est dotée d'un champ spatial plus ou moins vaste.
L'État côtier s'y voit, en outre, investi de compétences plus ou moins étendues.
De l'application de ce dernier critère dérive, au demeurant, la distinction
essentielle entre zones de souveraineté de l'État côtier et zones de juridiction.

36. Les zones sur lesquelles l'État côtier a souveraineté sont les eaux intérieures
(Convention de 1982, art. 8), la mer territoriale et les eaux archipélagiques. La
gamme de compétences que l'État est en droit d'y exercer ne diffère pas de celle
qu'il possède sur son territoire terrestre, cette affirmation devant néanmoins être
tempérée en raison de l'obligation qui pèse sur lui de respecter le passage
inoffensif des navires étrangers dans ses eaux territoriales. Après une longue
période d'agitation caractérisée par l'absence de règle commune, un consensus
e
s'est finalement dégagé au cours de la 3  Conférence sur la fixation d'une largeur
uniforme de la mer territoriale, substantiellement étendue par rapport à
l'ancienne règle des 3 milles puisqu'elle a été portée à 12 milles.

37. Les zones placées sous la juridiction de l'État sont parfois dénommées zones
fonctionnelles, dans la mesure où l'État n'y détient que des compétences limitées,
qui lui sont attribuées en vue de la réalisation de fins bien déterminées.
o
38. Une double constatation doit être faite à propos de ces espaces : 1  qu'il
s'agisse de zones anciennes ou de zones nouvelles, leur emprise spatiale est de
vaste ampleur (12 milles pour la zone contiguë, mesurés à partir de la limite
extérieure de la mer territoriale, 200 milles pour la zone économique exclusive, à
compter des lignes de base, éventuellement plus pour le plateau continental) ;
o
2  les compétences que l'État côtier est autorisé à exercer dépassent parfois les
finalités générales fixées. Ainsi, certains pouvoirs reconnus à l'État dans les
limites de sa zone économique exclusive ne répondent pas exactement aux
objectifs strictement économiques qui avaient été fixés au départ à l'institution de
cette zone (sur ces questions, V.  Zone économique exclusive [Internat.] ).

39. Il importe d'ajouter que toute île, si petite soit-elle – à l'exception toutefois
des rochers « qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine ou à une vie
économique propre » (Convention de 1982, art. 121, § 3) – possède un titre
juridique aux mêmes espaces maritimes et aux mêmes zones qu'un territoire
continental, sans que soit pris en compte le statut politique de l'île en question,
État insulaire ou île relevant de la souveraineté d'un État.

2° - Manifestations plus discrètes d'emprise

40. Aux expressions évidentes d'emprise viennent s'en ajouter d'autres qui n'ont
pas toujours le même caractère de clarté que les précédentes. L'emprise se
réalise alors par le parti tiré du tracé des lignes de base qui servent à mesurer la
largeur de la mer territoriale.

41. À côté de la technique de la ligne de base dite normale (Convention de


Genève du 29 avril 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë, art. 3, et
Convention de 1982, art. 5) est admis le système des lignes de base droites.
Reconnu par la Cour internationale de justice comme non « contraire au droit
international » (aff. des pêcheries, CIJ, 18 déc. 1951, Royaume-Uni c/ Norvège,
Rec. CIJ, p. 116 et s., spéc. p. 143), ce système a fait l'objet d'une codification
par la Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë (art. 4)
consolidée par la Convention de 1982 (art. 7), à quelques différences secondaires
os
près (V. not. art. 7, § 2 ; V. infra, n  110 et s.).

42. Cette méthode consiste, dans le cas où « la côte est profondément échancrée
et découpée, ou s'il existe un chapelet d'îles le long de la côte, à proximité
immédiate de celle-ci » (Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone
er er
contiguë, art. 4, § 1 , et Convention de 1982, art. 7, § 1 ) à tracer des lignes
droites reliant des points appropriés de celle-ci.

43. Le recours à une telle méthode ne peut se faire qu'en observant des
conditions qu'énonce l'article 7 de la Convention de 1982. Mais, leur formulation
très vague explique en partie le développement d'une pratique étoffée, dont on
os
peut contester souvent la parfaite conformité au droit existant (V. infra, n  113
et 114).

44. Les eaux situées en deçà des lignes de base droites relèvent du régime des
eaux intérieures. À ce titre, elles augmentent la superficie de celles-ci, même si
l'article 8 de la Convention de 1982, dans son paragraphe 2, prend soin de
préciser que, si cette méthode fait passer dans les eaux intérieures des eaux qui
n'y étaient pas auparavant, le droit de passage inoffensif doit être maintenu.

45. Conçue dans un premier temps comme devant s'appliquer aux seuls archipels
côtiers, la technique est étendue désormais par la Convention de 1982 à l'État
archipel. Celui-ci est admis à tracer des lignes de base archipélagiques droites
joignant « les points extrêmes des îles les plus éloignées et des récifs
découvrants de l'archipel », pourvu que ce tracé « englobe les îles principales et
définisse une zone où le rapport de la superficie des eaux à celle des terres, atolls
er
inclus, soit compris entre 1 à 1 et 9 à 1 » (Convention de 1982, art. 47, § 1  ;
o
pour une information plus complète, V. infra, n  131).

46. Les eaux archipélagiques situées à l'intérieur du polygone ainsi construit sont


er
soumises à la souveraineté de l'État archipel (Convention de 1982, art. 49, § 1 ).
Elles n'obéissent cependant ni au statut des eaux intérieures (art. 50), ni à celui
de la mer territoriale. Elles forment donc une catégorie juridique nouvelle
gouvernée par le régime sui generis établi par la Convention de 1982. Là encore,
le champ spatial maritime de l'État connaît, de ce fait, une considérable
extension.

D - Conséquences de ce phénomène d'emprise

47. Seules les conséquences immédiates les plus facilement identifiables seront


indiquées ici. Elles sont au nombre de trois.

48. Les emprises réalisées ont pour première conséquence d'amputer le domaine


de la haute mer. Par l'effet des extensions récemment intervenues, plus du tiers
des espaces maritimes relève, avec des intensités variables, de l'autorité des
États côtiers. Ce sont ces États qui ont tiré le plus grand profit des
e
bouleversements opérés par la 3  Conférence, plus spécialement d'ailleurs ceux
d'entre eux, sans voisin proche, dont les côtes bordent des océans largement
ouverts et qui, de ce fait, ont capacité à bénéficier pleinement des projections en
mer qu'offre la Convention de 1982.

49. La possibilité de fixer, dans certains cas, les limites extérieures du plateau
continental au-delà des 200 milles (Convention de 1982, art. 76, § 5 et 6)
entraîne, du même coup, la réduction de l'aire de la Zone internationale des fonds
marins, qui forme avec les richesses qu'elle contient le « patrimoine commun de
os
l'humanité » (Convention de 1982, art. 136) (V. infra, n  176 et s.).
Nationalisme de l'État côtier et internationalisme incarné par la Zone
internationale sont en compétition territoriale sur les fonds marins.
50. L'ampleur des conquêtes spatiales réalisées en mer renouvelle la notion
traditionnelle de voisinage et amène désormais des États, aux côtes pourtant
éloignées les unes des autres, à procéder à la détermination de leurs frontières
maritimes. Les situations de délimitation – susceptibles par nature d'engendrer
des tensions – sont maintenant nombreuses. Plus de 150 accords de délimitation
ont été conclus et les tribunaux internationaux (Cour internationale de justice,
mais aussi tribunaux arbitraux) ont eu à trancher plusieurs litiges en la matière,
précisant à cette occasion le régime juridique de la délimitation.

§ 3 - Phénomène d'emprise : sa persistance depuis 1982

51. La Convention de Montego Bay n'a pas marqué le coup d'arrêt que l'on était
en droit d'attendre au mouvement d'emprise ou d'accroissement des
compétences reconnues par l'instrument juridique de 1982. Un phénomène de
« juridiction rampante » (« creeping jurisdiction »), empruntant cette double voie
(extension spatiale et intensification des compétences) s'est développé. Quelques
exemples peuvent être ici donnés qui attestent la réalité de ce phénomène.

52. Par les déclarations susceptibles d'être faites en application de l'article 310 de


la Convention de 1982 (à la condition qu'elles « ne visent pas à exclure ou à
modifier l'effet juridique des dispositions de la Convention à leur égard »), des
États, en nombre non négligeable, ont adopté des positions juridiques dont la
conformité à ladite Convention se révèle plus ou moins douteuse, qu'il s'agisse
des conditions restrictives posées au passage inoffensif des navires de guerre
dans la mer territoriale (notification ou autorisation préalable ou encore limitation
du nombre de ces navires), qu'il s'agisse de l'interdiction des manœuvres
militaires dans la zone économique exclusive, sauf consentement exprès de l'État
côtier ou qu'il s'agisse d'assimiler les eaux archipélagiques aux eaux intérieures,
etc.

53. Certains textes législatifs prolongent au-delà des 200 milles de la zone


économique exclusive les compétences de l'État côtier : loi argentine du 17 août
1991 (au titre des espèces migratoires ou des « espèces faisant partie de la
chaîne alimentaire des espèces de la zone économique exclusive de l'Argentine »,
art. 5, al. 3) ; loi chilienne de 1991 introduisant la notion ambiguë de « mer
présencielle » et fournissant une définition géographique fort étendue du
« territoire océanique » chilien ; loi canadienne du 10 mai 1994 reconnaissant en
matière de stocks chevauchants aux autorités canadiennes, dans les eaux
canadiennes mais aussi dans la zone de réglementation de l'Organisation des
pêcheries de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO), la possibilité d'exercer un
contrôle, voire même d'utiliser la force à rencontre de bateaux de pêche de
certains pavillons (CIJ, Espagne c/ Canada).
54. Ce sont parfois même certains accords de pêche qui admettent l'autorité de
l'État côtier en haute mer au titre notamment des stocks chevauchants et des
grands migrateurs (par ex. Traité de Port Moresby conclu entre les États-Unis et
certains États du Pacifique Sud, 1987). À ce même titre, l'Accord « aux fins de
l'application des dispositions de la Convention des Nations unies sur le droit de la
mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks
de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de la
zone économique exclusive (stocks chevauchants) et des stocks de poissons
grands migrateurs » (4 déc. 1995) tend à effacer la séparation adamantine
existant entre zone économique exclusive et haute mer.

Section 2 - Mer : le droit applicable

er
Art. 1 - Présentation générale

er
§ 1 - D'un petit noyau de règles…

55. Le droit public de la mer a été, des siècles durant, un droit fruste, fait de
quelques règles limitées aux besoins et aux activités du temps, contrairement à
un droit maritime – de professionnels – beaucoup plus élaboré. Il convenait pour
l'essentiel de façonner un droit de la mer orienté vers la satisfaction des intérêts
os
de la navigation (V. supra, n  11 à 13).

ACTUALISATION
o
55 s. Droit applicable. Pouvoirs de police de mer. - La loi n  2005-371
du 22 avril 2005 (JO 23 avr.) modifie certaines dispositions législatives du
code de la défense relatives aux modalités de l'exercice par l'État de ses
pouvoirs de police de mer telles que lutte contre le trafic illicite de stupéfiants
et substances psychotropes (art. 5), mesures de contrôle et de coercition
(art. 2), préservation du navire, exercice des pouvoirs de lutte contre
l'immigration clandestine (art. 12), saisies, et définition des compétences des
o
juridictions françaises (art. 12). – Le décret n  2008-522 du 2 juin 2008
refond la partie réglementaire du code de l'organisation judiciaire (JO
4 juin). Il prévoit également que le code de la procédure pénale intègre un
nouveau titre XXVI relatif à la procédure applicable en cas de pollution des
eaux maritimes par rejets des navires.
Lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État
o
en mer. La loi n  2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la
piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer a été publiée
(JO 6 janv.). Elle élargit les compétences juridictionnelles et prévoit des
garanties pour les personnes suspectées d'acte de piraterie (V. aussi
o
Compétence pénale [Internat.], Mise à jour, n  54).
o
Habilitation spéciale de recherche. Le décret n  2011-1213 du
o
29 septembre 2011, pris pour l'application de l'article 4 de la loi n  94-589 du
15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de
l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer, prévoit qu'une
habilitation spéciale est nécessaire aux commandants de bâtiments de l'État,
aux officiers de la marine nationale embarqués à bord de ces bâtiments et
aux commandants des aéronefs de l'État chargés de la surveillance en mer,
pour rechercher et constater les infractions commises en matière de piraterie
en mer. Elle est délivrée par le préfet maritime ou, pour l'outre-mer, par le
délégué du gouvernement pour l'action de l'État en mer dans le ressort
duquel est situé la résidence administrative de la personne concernée (Décr.
o er
n  2011-1213 du 29 sept. 2011, JO 1  oct. – V. Compétence pénale
o
[Internat.], Mise à jour, n  54).

56. Or, ce sont précisément les intérêts de la circulation maritime qui sont à


l'origine des règles visant à lutter contre l'insécurité. Il s'agissait moins de
produire un droit apte à réprimer la piraterie (l'institution du cérémonial maritime
dans la Manche était, au départ, liée au contrôle exercé sur les navires en vue de
combattre la piraterie), dont les frontières avec la guerre de course ont été
longtemps imprécises, qu'à édicter des règles destinées à tirer les conséquences,
pour l'expédition maritime, des risques naturels du milieu marin (en ce sens, les
règles et les commentaires du Lex Rhodia de jactu, des Rôles d'Oléron, du
Consulat de la mer, du Guidon de la mer, etc.).

57. La simplicité du dispositif composant l'armature du droit de la mer s'illustrait


à travers la division claire entre les espaces d'étendue réduite relevant de l'État
côtier et les espaces immenses sur lesquels s'exerçait une liberté seulement
soucieuse d'éviter, par le biais de la loi du pavillon, toute interférence d'un
os
pavillon sur l'autre (pour plus d'explications, V. infra, n  162 et s.). Plus tard,
l'institution de la zone contiguë n'est pas venue troubler la simplicité de cette
division. Non moins nette était la distinction entre droit s'appliquant en temps de
paix et celui – particulier – en honneur en temps de guerre. La guerre navale
obéissait souvent à des objectifs déterminés : en effet, la suprématie sur mer
d'un État favorisait, plus que la guerre sur terre, l'étouffement économique de
l'adversaire.
§ 2 - … à un « ordre juridique des mers et des océans »

e
58. Au fil du XX  siècle, le droit de la mer va progressivement devenir plus
dense, plus complexe. Surtout il va être l'objet d'une transformation et d'un
e
renouvellement, sans équivalent dans l'histoire, par la 3  Conférence des Nations
unies sur le droit de la mer, la Convention de 1982, ainsi que par l'évolution
ultérieure à celle-ci. Ce mouvement ne doit pas surprendre exagérément. Il est
conforme à celui qu'ont connu d'autres secteurs du droit international public dans
une période fertile en mutations, avec cependant la particularité, dont il faut
souligner la netteté, d'un droit de la mer faisant office de champ d'essai et de
vitrine du droit international, tant du point de vue du puissant élan créé que de
l'émergence de concepts nouveaux. Certains de ses caractères se doivent d'être
notés.

59. En raison de l'utilisation de moyens nouveaux en matière de navigation


(navires nucléaires, pétroliers géants, etc.), d'exploitation des ressources
biologiques ou minérales (surexploitation, emploi de certaines techniques de
pêche, notamment grands filets maillants dérivants, forage et moyens
d'extraction dans les fonds marins, etc.) ou du recours à certaines méthodes
(lignes de base droites, lignes archipélagiques, fixation des tracés de délimitation,
etc.), le droit de la mer subit en partie l'influence de la technique. On trouve
d'éloquents témoignages de ce nouveau caractère dans certaines dispositions de
la Convention de 1982 (par ex. détermination des limites extérieures du plateau
continental, art. 76 ; définition de l'État archipel, art. 46 ; fixation des lignes de
base archipélagiques, art. 47, etc.), au travers également des travaux de certains
organismes spécialisés (Organisation maritime internationale, Organisation
hydrographique internationale, Commission océanographique
intergouvernementale, etc.). De plus, des technologies nouvelles ont ébranlé
règles et concepts anciens. C'est ainsi que la fonction de protection que
remplissait traditionnellement la mer territoriale a perdu une grande partie de sa
signification avec l'apparition d'armements nouveaux (missiles).

ACTUALISATION
59. Publication du protocole visant à modifier la convention relative à
l'Organisation hydrographique internationale. - Le décret du 25 janvier
2017 porte publication du protocole visant à modifier la convention du 3 mai
1967 relative à l'Organisation hydrographique internationale, adopté à
o
Monaco le 14 avril 2005 (Décr. n  2017-72 du 25 janv. 2017, JO 27 janv.).

60. Suivant en cela le mouvement amorcé par le droit international économique,


mais en en accusant la portée, le droit de la mer tend fréquemment à l'édiction
de règles catégorielles. À la norme générale, impersonnelle, s'appliquant
également à tous les sujets de droit, on préfère désormais des normes
différenciées à la plus juste mesure des situations concrètes. Ce souci de s'écarter
du tout généralisant pour mieux s'adapter à la réalité apparaît à travers la prise
en compte de différents types de spécificités : spécificités économiques (par ex.
les pays en développement doivent être les principaux bénéficiaires de
l'exploitation qui pourrait être faite de la zone internationale des fonds marins ;
pareillement, l'article 82 de la Convention de 1982 prévoit que ces pays doivent
être – et spécialement ceux d'entre eux les moins avancés ou sans littoral –
destinataires privilégiés des contributions perçues sur l'exploitation faite par
certains États des ressources minérales du plateau continental au-delà des 200
milles marins) mais surtout spécificités géographiques (îles, État archipel, mers
fermées ou semi-fermées, zones recouvertes par les glaces, etc.) ; doit être
relevé le fait que la théorie des circonstances pertinentes, élaborée par le juge à
l'occasion de litiges interétatiques relatifs à la délimitation des espaces maritimes,
est une illustration typique de la prise en considération des différents facteurs
(principalement géographiques) propres à chaque espèce et qui l'individualisent.

61. Autre caractéristique actuelle du droit de la mer : le groupe des acteurs


participant à la formation de ce droit s'est notablement développé. Longtemps,
seules les puissances maritimes traditionnelles (c'est-à-dire quelques États
européens dotés de flottes commerciales propres à transporter l'ensemble, ou
presque, des échanges se faisant par voie maritime, responsables des grandes
découvertes et des premières recherches scientifiques, auxquels sont venus
s'ajouter, à une époque plus récente, quelques autres pays : États-Unis, Japon,
ex-Union soviétique, etc.) contribuaient à cette confection. De nos jours, la
situation a bien changé : outre l'action menée par certaines organisations
internationales, tous les États, qu'ils soient de grandes puissances ou de petits
États insulaires, États côtiers, comme États dépourvus de littoral, jouent un rôle
dans la production normative, ainsi que l'a significativement montré la
e
participation aux travaux de la 3  Conférence sur le droit de la mer (164 États,
plus des observateurs de territoires n'ayant pas à l'époque accédé à
l'indépendance ou de mouvements de libération nationale reconnus par
l'Organisation de l'unité africaine [OUA] et par la Ligue arabe). Malgré cette
démocratisation dans le mode de formation de la règle de droit, il importe de
rappeler que la Cour internationale de justice, dans son arrêt du 20 février 1969,
a porté, en ces termes, l'attention sur le rôle primordial joué par les États
particulièrement intéressés : « En ce qui concerne les autres éléments
généralement tenus pour nécessaires afin qu'une règle conventionnelle soit
considérée comme étant devenue une règle générale de droit international, il se
peut que […] une participation très large et représentative à la Convention
suffise, à condition toutefois qu'elle comprenne les États particulièrement
intéressés » (aff. du plateau continental de la mer du Nord, CIJ, 20 févr. 1969,
Rec. CIJ, p. 42, § 73).
62. Dans cet exposé général des caractéristiques que présente le droit de la mer,
une dernière question mérite d'être posée. La puissance transformatrice
e
développée par la 3  Conférence, le corpus juridique contenu dans la Convention
de 1982 autorise-t-il à parler d'un nouveau droit de la mer, qui aurait gommé le
droit classique ? Les termes utilisés pour marquer le changement capital
intervenu (« refonte », « bouleversement », « mutation », « révolution »)
sembleraient l'indiquer. Il serait vain et ridicule de nier l'évidence de l'innovation.
Néanmoins, l'instrument juridique de 1982 n'est pas seulement porteur de règles
nouvelles, il est aussi codificateur de règles existantes, consolidant souvent
re
l'œuvre de codification déjà réalisée par la 1  Conférence des Nations unies de
1958. Il ne prétend pas non plus – malgré son ambition – embrasser la totalité du
droit de la mer ; il affirme, bien au contraire, dans son préambule, que les
domaines qu'il ne réglemente pas demeurent sous l'empire des règles et principes
o
du droit international général (V. supra, n  2 in fine).

Art. 2 - Différentes composantes dans la formation du droit de la mer

er
§ 1 - Composantes internationales

63. Ces composantes sont, pour les principales d'entre elles, les mêmes que
celles qui concourent à la formation des normes internationales en général.
Toutefois, leur poids respectif dans la formation du droit de la mer peut traduire
une certaine spécificité.

A - Source coutumière

64. À l'instar du processus que l'on peut observer dans d'autres compartiments
du droit international, c'est pendant longtemps par la voie coutumière que les
règles du droit de la mer se sont essentiellement forgées et que, dès le Moyen
Âge déjà, elles ont été parfois codifiées (Rôles d'Oléron, Consulat de la mer, etc.).

65. L'émergence de la règle coutumière est le fruit d'une mosaïque d'éléments


composants tirés du droit ou de la pratique concordants des États (législations
nationales concernant l'établissement de la zone économique exclusive par
exemple) ou du comportement adopté par un État ayant eu un effet
d'entraînement (par ex. Proclamation TRUMAN sur le plateau continental de 1945,
suivie par les actes unilatéraux d'autres États sur la même matière ; avis du
Conseil d'État français en 1806 dans l'affaire des navires américains Newton et
Sally, à l'origine de la règle devenue coutumière distinguant entre faits intérieurs
et faits extérieurs au navire en ce qui a trait à la compétence des tribunaux d'un
État pour les délits commis dans un de ses ports à bord d'un bateau étranger), ou
des jurisprudences nationales (rôle des décisions des tribunaux nationaux de
prises dans la production des règles de la guerre sur mer), etc.

66. De nombreux éléments internationaux concourent, de leur côté, à la


fondation de la règle coutumière : traités (par ex. des nombreux accords
bilatéraux prescrivant l'interdiction de la guerre de course dans les rapports entre
les deux partenaires qui ont donné naissance à la norme coutumière
d'interdiction, telle qu'elle a été codifiée dans la Déclaration de Paris de 1856 ; de
même, la fréquence et la quasi-identité de clauses conventionnelles ont favorisé
l'éclosion des règles coutumières en matière de navigation) ; jurisprudence
internationale (par ex. : le Tribunal arbitral, dans sa sentence rendue le 14 sept.
1872 en l'affaire de l'Alabama, a précisé les règles coutumières applicables aux
neutres dans la guerre sur mer ; par plusieurs arrêts rendus par la Cour
internationale de justice et par des sentences arbitrales, le régime juridique
coutumier de la délimitation maritime s'est progressivement dégagé au cours des
années récentes) ; résolutions des organisations internationales (Résolutions
3016 [XXVII], déc. 1972, et 3171 [XXVIII], déc. 1973, affirmant la souveraineté
permanente de l'État sur les ressources des espaces maritimes situés à l'intérieur
des limites de juridiction nationale ; Résolution 2749 [XXV] : Déclaration des
principes régissant le fond des mers et des océans du 17 déc. 1970 qui fait de la
Zone et de ses ressources le « Patrimoine commun de l'humanité » ; V. infra,
os
n  176 et s.), etc.

67. Dans un passé récent, la source coutumière a connu de sérieuses


turbulences. De façon incontestable, son processus de formation n'est plus,
comme auparavant, sous l'empire de la longue durée, ainsi que la Cour
internationale de justice l'a observé dans son arrêt du 20 février 1969 (aff. du
plateau continental de la mer du Nord, CIJ, 20 févr. 1969, Rec. CIJ, p. 43, § 74).
On soutient parfois également que l'élément tiré de la pratique répétée n'a plus
maintenant de raison d'être et que l'opinio juris est suffisante pour accréditer la
norme coutumière. Sans entrer dans de longues explications, il paraît sans doute
plus exact de dire que l'enchaînement des deux éléments traditionnels constitutifs
de la coutume a subi une certaine altération. La pratique ne précède plus
nécessairement l'opinio juris, mais l'une et l'autre s'accompagnent
simultanément. L'exemple de la création de la règle coutumière relative à la zone
économique exclusive est, à cet égard, illustratif : la conscience d'une obligation à
respecter s'est forgée dans le même temps où, par des actes de contenu
convergent, les États alimentaient la pratique en la matière.

B - Traités
68. Même si sa procédure est quelque peu pataude, réclamant plus de temps
pour sa conclusion et son entrée en vigueur qu'on serait, à première vue, tenté
de le croire, le traité est une source privilégiée. Déjà largement empruntée
auparavant (en matière de navigation, de pêche, de répression de la piraterie,
etc.), la voie conventionnelle est, en effet, fort prisée depuis quelques dizaines
d'années. Il faut dire qu'aux charmes du volontarisme fort prisés par les États,
s'ajoutent les avantages que confèrent la clarté juridique (en principe, précision
des engagements souscrits) et l'adaptation technique du procédé à certains
objectifs (création d'une instance mondiale ou régionale, attribution par accord de
quotas de pêche, etc.). De plus, il est évidemment le moyen le plus adéquat de
mener à bien une entreprise de codification. Aussi les traités se sont-ils
multipliés, pénétrant dans tous les domaines du droit de la mer : traités relatifs
au passage dans les détroits, traités visant à la protection et à la préservation de
l'environnement marin, traité sur les mouvements des navires de guerre, bloc
massif des accords de pêche et de ceux de délimitation, etc.

69. La place respective occupée par la source conventionnelle et la source


coutumière dans le corps des règles régissant les mers est difficile à déterminer
avec précision. Une « politique juridique », développée notamment par certains
États, a, pendant quelques années, fait préférer la voie du traité à celle de la
coutume. La première présente, en outre, sur la seconde l'avantage de pouvoir
répondre plus facilement à l'appareil technique qu'exige le traitement de certaines
matières. Cependant, la coutume – en raison de son essence même – résiste à
toute tentative d'élimination : la plasticité de son processus de formation, le fait
qu'elle puise partout sa substance lui confèrent une exceptionnelle facilité de
jaillissement. Enfin, traités et coutumes entretiennent un dialogue interactif et
s'alimentent mutuellement.

C - Jurisprudence et doctrine

70. L'article 38 du Statut de la Cour internationale de justice (26 juin 1945 ([JO


13 janv. 1946]), énonçant les différentes sources du droit applicable par le juge,
fixe à la doctrine et à la jurisprudence le rôle de « moyen auxiliaire de
détermination des règles de droit ». Cette qualité est sans doute appropriée pour
mesurer l'apport actuel de la doctrine au droit international. La fonction
essentielle que celle-ci exerçait jadis auprès des créateurs de droit est en
concurrence défavorable avec des forces plus puissantes (poids de facteurs
politiques notamment). Le temps des grands auteurs (GROTIUS, SELDEN,
VATTEL, plus récemment GIDEL) n'est sans doute pas révolu. L'est, en revanche,
celui de leur influence décisive sur la formation même du droit de la mer. En
revanche, la doctrine a conservé une double fonction : d'une part, dans l'analyse
qu'elle fait de situations nouvelles ou jusqu'alors mal perçues (par ex. : débat
théorique sur les droits de l'État côtier en matière de stocks chevauchants et de
grands migrateurs, ou intérêt porté dans le milieu des années 1960 au sort
juridique des grands fonds marins) ; d'autre part, dans la critique qu'elle exerce à
l'égard des normes existantes et qu'elle contribue, de ce fait, à faire évoluer.

71. Il en va autrement de la jurisprudence. D'abord, le juge entretient avec le


droit de la mer une relation forte, en raison du nombre élevé de litiges relatifs à
ces questions qu'il a à connaître : selon une étude préparée par le secrétariat des
Nations unies en vue de la Conférence de Genève de 1958, 54 décisions avaient
été rendues par des tribunaux internationaux (Répertoire des décisions des
tribunaux internationaux relatives au droit de la mer : A/CONF 13/22) ; s'y ajoute
le bloc contentieux compact (spécialement en matière de délimitation, mais pas
seulement) que la Cour internationale de justice et des tribunaux arbitraux ont
connu dans les dernières années. De surcroît, les fonctions du juge se
développent normalement dans le champ de la constatation, de l'application du
droit existant et de la précision apportée à celui-ci, mais peut-être également
– même si cela est contesté – dans celui de la création de la règle (ou du moins
d'une part importante apportée à cette création) : en ce qui concerne les lignes
de base droites (aff. des pêcheries, CIJ, 18 déc. 1951, Royaume-Uni c/ Norvège,
Rec. CIJ, p. 116), le passage inoffensif (aff. du détroit de Corfou, CIJ, 9 avr.
1949, Rec. CIJ, p. 4) mais surtout dans la détermination du régime juridique de la
délimitation (« Ainsi pour la délimitation du plateau continental… même s'il
convenait d'appliquer non l'article 6 de la Convention de 1958, mais le droit
coutumier du plateau continental tel qu'il s'est développé dans la
jurisprudence » : aff. de la délimitation maritime dans la région située entre le
Groenland et Jan Mayen, CIJ, 14 juin 1993, Danemark c/ Norvège, Rec. CIJ,
p. 61, § 51), la contribution de la source jurisprudentielle a été fondamentale.

D - Règles, normes, pratiques, procédures « généralement acceptées »

72. Il serait inexact d'y voir une source à part et unitaire du droit de la mer. Il
convient, en revanche, d'en faire état dans la mesure où la Convention de Genève
sur la haute mer évoque dans son article 10, § 2, les « normes internationales
généralement acceptées » et où, surtout, la Convention de 1982 y fait de
nombreuses références en utilisant des formules diverses (mais, le plus souvent,
« normes, pratiques, procédures recommandées » ou « généralement
acceptées » ou « internationalement convenues »).

73. À l'évidence, par cette appellation différenciée, la Convention de 1982 vise un


ensemble, hétérogène par son origine (traités, annexes, résolutions, etc.),
extérieur à son texte, dont les éléments sont adoptés, soit dans le cadre d'une
organisation internationale, soit dans celui d'une Conférence diplomatique. Plus
précisément, il s'agit de règles techniques intervenant dans deux domaines
principaux : la navigation, la protection et la préservation du milieu marin (ainsi,
les prescriptions techniques contenues dans la Convention MARPOL 1973/1978
sont considérées comme faisant partie de ces « normes »). Leur portée juridique
manque de sûreté : contenues dans des résolutions, ces « normes » etc. sont
dépourvues de valeur obligatoire, exprimées dans des traités, elles n'ont d'effet
juridique qu'entre les parties par application de la règle « res inter alios acte ».
On peut penser, cependant, que leur caractère technique, leur besoin ressenti,
leur large acceptation (« généralement acceptées ») leur confèrent une sorte de
« statut » ad hoc, qui, par certains aspects, pourrait les apparenter à des
coutumes sans en réunir nécessairement tous les éléments.

§ 2 - Composantes nationales

74. Le droit international – fruit de volontés concordantes – s'accommode mal


des actes unilatéraux. En bonne logique, ceux-ci sont sans effet à l'égard des
tiers, sauf s'ils ont fait l'objet d'une acceptation de ces derniers. Le panorama
juridique de ces actes est, bien sûr, plus complexe que le rappel, nécessairement
quelque peu caricatural, de ces principes de base. Mérite toutefois d'être
soulignée ici la place de choix occupée en droit de la mer par l'unilatéralisme et
appréciée la contribution de ces actes à la formation du droit de la mer. Quelques
explications sommaires doivent être données à ce sujet et une distinction établie.

75. Il est, d'abord, des actes unilatéraux qui expriment des prétentions.
os
L'exemple ci-dessus cité (V. supra, n  29 et 65) de la Proclamation TRUMAN sur
le plateau continental de 1945 appartient à cette catégorie. Les actes unilatéraux
adoptés par bon nombre d'États au cours des années suivantes, dans la mesure
où ils reprenaient de façon répétée – à quelques différences près – les termes de
la Proclamation, ont donné une substance à une pratique internationale. Il est
probable qu'au moment de la consécration de l'institution du plateau continental
o
par la Convention de Genève de 1958 sur le plateau (préc. supra, n  18), l'opinio
juris était déjà plus ou moins dégagée et qu'une règle de caractère coutumier
existait. Une autre règle coutumière provient également du lent processus en
faveur de la reconnaissance internationale de la limite des 200 milles marins, qui
part des actes unilatéraux du Chili, du Pérou et de l'Équateur édictés à partir de
o
1947, des déclarations régionales des États d'Amérique du Sud (V. supra, n  30),
e
des débats sur la zone économique exclusive à la 3  Conférence pour arriver aux
législations nationales donnant naissance à cette zone nouvelle entre 1976 et
1982, avant même l'adoption de la Convention sur le droit de la mer. Là encore,
la multiplicité des actes unilatéraux, leur convergence ont nourri une pratique
immédiatement adossée sur l'opinio juris qui s'est formée. Dans cette dernière
hypothèse d'ailleurs, l'unilatéralisme avait en partie un caractère militant dans la
mesure où il visait, par le nombre des proclamations faites, à favoriser la
reconnaissance de la règle nouvelle.

76. Il existe, en outre, une deuxième catégorie d'actes unilatéraux de fondement


juridique différent. Il ne s'agit plus alors de prétentions émises par certains États
et reprises avec plus ou moins d'intensité par d'autres, mais d'actes adoptés en
vertu d'une disposition permissive préexistante d'une convention internationale.
Les actes édictés par les États parties à ladite convention et postérieurs à l'entrée
en vigueur de celle-ci sont des mesures de mise en œuvre de l'habilitation que la
convention leur reconnaît. Dans ce cas, la disposition conventionnelle (ou plus
généralement la règle de droit international) fonde la validité juridique de l'acte
national (en ce sens, V. aff. des pêcheries, CIJ, 18 déc. 1951, Royaume-Uni
c/ Norvège, Rec. CIJ, p. 132). Là encore pourtant, la répétition, la concordance
de ces différents actes constituent les bases nécessaires à l'émergence d'une
règle de nature coutumière. On retrouve ainsi ce phénomène d'interaction entre
o
traité et coutume signalé plus haut (V. supra, n  69).

Art. 3 - Codification du droit de la mer

er
§ 1 - Des tentatives inabouties

77. L'entreprise de codification du droit de la mer a été amorcée dès le début du


XIX e siècle par une doctrine soucieuse de rassembler, systématiser le droit
existant, parfois même d'introduire des règles nouvelles. Vont dans ce sens les
travaux de PARDESSUS (Collection des lois maritimes antérieures au XVIII
e
 siècle), BUSTAMANTE (La mer territoriale, 1930, Paris), STRUPP (Theorie and
Praxis des Völkerrechts, 1925, Berlin, 1930, Paris), etc. Les recherches
individuelles sont relayées par des travaux collectifs, comme ceux de l'Institut de
droit international (session de Lausanne 1888 ; Paris 1894 ; Stockholm 1928) ou,
sur le continent américain, ceux de l'Institut américain de droit international
(session de La Havane 1925) ou des juristes de Harvard (1929), etc.

78. Le recours à la technique de la convention de codification, par essence plus


opératoire, ne correspond pas à une démarche empruntée seulement de façon
récente, comme en témoignent, sur le thème de la guerre maritime, la
Déclaration de Paris (1856) ou les Conventions de La Haye (1907).

79. Néanmoins, la Conférence de La Haye de 1930 représente sur « les questions


concernant les eaux territoriales » (en ce sens, avant-projet de convention
préparé par SCHUCKING, rapporteur du Comité d'experts « pour la codification
progressive du droit international » ; Cf. G. GIDEL, op. cit., t. III, p. 785) une
entreprise de codification de grande ampleur, dont l'initiative revient à la Société
des Nations (Résolution de l'Assemblée, 22 sept. 1924, demandant la constitution
d'un Comité d'experts). La Conférence proprement dite (du 13 mars au 12 avr.
1930), dont les discussions furent articulées autour des « bases de discussion »
proposées, en 1929, par le Comité préparatoire, ne put cependant réduire les
divisions qui se manifestaient en son sein et parvenir, de ce fait, à la conclusion
d'une convention. Cet échec, dont l'Acte final prend acte, ne doit toutefois pas
masquer les points d'accord (la mer territoriale, partie du territoire, est soumise à
la souveraineté de l'État) et la qualité du travail accompli.

§ 2 - Œuvre codificatrice de la Conférence de Genève de 1958

80. L'ardeur codificatrice ne fut pas tempérée par l'expérience malheureuse de


1930. L'Organisation des Nations unies se donna, au contraire, les moyens en vue
d'une plus grande réussite. Sur la base de l'article 13 de sa Charte invitant
l'Assemblée générale à « encourager le développement progressif du droit
international et sa codification » fut créée par résolution de cette dernière
(Résolution 174 [II], 21 nov. 1947) la Commission du droit international.
Considéré comme suffisamment mûr pour donner lieu à codification, le thème
global du droit de la mer fut inscrit à l'ordre du jour de celle-ci dès 1949. Les
travaux, qui ne nécessitèrent pas moins de 13 rapports établis par le professeur
FRANÇOIS – rapporteur spécial – se clôturèrent, en 1956, par le dépôt du rapport
final. Le projet de convention en 73 articles fut soumis à la Conférence
re
diplomatique (1  Conférence des Nations unies sur le droit de la mer) réunie à
Genève du 24 février au 29 avril 1958 (en application de la Résolution 1105 [XI]
de l'Assemblée générale, 21 févr. 1957) et à laquelle participèrent des
représentants de 86 États et des observateurs provenant de 16 organisations
internationales.

81. Parvenue à son terme, la Conférence adopta, sur la base du texte unique de


la Commission, quatre Conventions (Convention sur la mer territoriale et la zone
contiguë, Convention sur la haute mer, Convention sur la pêche et la
conservation des ressources biologiques de la haute mer, Convention sur le
plateau continental) et un Protocole de signature facultative concernant le
règlement des différends. Malgré l'échec qu'elle enregistra sur l'irritante question
de l'étendue de la mer territoriale, que ne parvint pas non plus à résoudre la
Conférence tenue également à Genève du 17 mars au 26 avril 1960
e
(2  Conférence des Nations unies sur le droit de la mer), le résultat qu'elle a
obtenu est ample, portant sur un large registre du droit de la mer et mariant
transcription de coutumes existantes et création de règles nouvelles dans des
proportions certes beaucoup plus favorables à la première tendance (Cf. aff. du
plateau continental de la mer du Nord CIJ, 20 févr. 1969, Rec. CIJ, § 63) qu'à la
seconde, mais néanmoins harmonieuses. Malgré tout, les oppositions de points de
vue sur des questions importantes (largeur de la mer territoriale, zones
éventuelles de pêche réservées aux nations), le nombre relativement limité
d'instruments de ratification déposés sont le reflet des lacunes de l'œuvre
accomplie et d'un malaise qui va aller croissant.
e
§ 3 - 3  Conférence et Convention de 1982 : droit stabilisé ou étape
provisoire ?

A - Phase préparatoire

82. Alors même que les Conventions de Genève viennent d'entrer en vigueur


(entre 1962 pour celle sur la haute mer et 1966 pour celle sur la pêche et la
conservation des ressources biologiques de la haute mer), la proposition PARDO
portant sur une question particulière, va être le point de départ du processus qui
aboutit au bouleversement affectant l'ensemble du droit de la mer.

83. Par note verbale du 17 août 1967, l'Ambassadeur de Malte, M. A. PARDO,


e
demande l'inscription à l'ordre du jour de la 22  session de l'Assemblée générale
de la question suivante : « Déclaration et traité relatifs à l'utilisation exclusive à
des fins pacifiques des fonds marins et océaniques au-delà des limites de
juridiction nationale actuelles et à l'exploitation de leurs ressources dans l'intérêt
o
de l'humanité » (Doc. off. ONU A/6695, V. supra, n  33). Il s'agissait, en d'autres
termes, de définir le régime juridique ainsi que le mécanisme d'exploitation des
fonds marins hors juridiction des États, c'est-à-dire d'un espace soumis à
l'incertitude juridique, mais cependant menacé par le principe d'exploitabilité
retenu par la Convention de 1958 sur le plateau continental comme critère de
définition dudit plateau.

84. Le Comité des utilisations pacifiques du fond des mers et des océans au-delà
des limites de juridiction nationale (connu sous l'appellation de Comité des fonds
marins), instance politique créée par l'Assemblée générale (Résolution 2467
[XXIII], 21 déc. 1968) afin d'examiner ce problème, fut rapidement investi de
fonctions plus larges consistant à préparer la refonte d'ensemble du droit de la
e
mer en vue de la réunion prévue pour 1973 de la 3  Conférence des Nations unies
(Résolution 2750 C [XXV], 17 déc. 1970). Les travaux qui y furent accomplis ne
doivent pas être sous-estimés. Ils ont servi de banc d'essai à de nouveaux
concepts (zone économique exclusive, patrimoine commun de l'humanité) ou
favorisé la montée en puissance de l'État côtier. Malgré tout, les fluctuations des
positions nationales dans une période de mutation et d'incertitude juridique, les
hésitations sur les grandes orientations à prendre, la brièveté de la phase
préparatoire, le caractère politique de l'organe préparatoire (empêchant que ce
dernier puisse remplir au mieux l'office précieux et « professionnel » qu'on aurait
pu attendre de la Commission du droit international, si elle n'avait pas été écartée
de ce vaste ouvrage) altérèrent la qualité du travail entrepris. Aussi n'est-il pas
autrement surprenant qu'aucun document préparatoire d'ensemble n'ait pu être
e
établi et transmis à la 3  Conférence.
e
B - Déroulement de la 3  Conférence

85. La caractéristique la plus frappante de cette Conférence tient, sinon à sa


démesure, du moins à sa nature exceptionnelle. Exceptionnelle, cette Conférence
dite « du siècle » l'a été par sa durée (9 ans : de 1973 à 1982 et 11 sessions),
par le nombre des États qui y ont participé (164 délégations nationales,
auxquelles se sont ajoutés des observateurs de territoires n'ayant pas encore
accédé à l'indépendance, des organisations intergouvernementales – notamment
la CEE –, des organisations non gouvernementales, des mouvements de libération
nationale, etc.), par l'originalité de certaines de ses méthodes de travail (V. infra,
o
n  87), par la dimension et l'envergure du produit auquel elle a abouti (V. infra,
o
n  91). Il ne peut être question de procéder dans les développements suivants à
une analyse complète de cette Conférence qui – après tout – si extraordinaire fût-
elle, ne présente plus guère qu'un intérêt historique, mais de faire mention
rapidement de deux questions : celle de ses organes de travail, celle de ses
méthodes, qui, toutes deux, offrent des caractères inhabituels au regard de ceux
des conférences diplomatiques.

86. Les travaux de la Conférence ont été répartis entre trois commissions


officielles (la première Commission ayant pour mission d'examiner les questions
relatives aux fonds marins et à leur sous-sol au-delà des limites de juridiction
nationale ; la deuxième Commission en charge des questions générales du droit
de la mer ; la troisième Commission possédant un double champ d'étude :
protection et préservation du milieu marin, recherche scientifique et transfert des
techniques). En outre, la Conférence plénière (qui tint au total 192 séances)
disposait à la fois d'une compétence générale et suprême, mais aussi d'une
compétence spécialisée dans des domaines échappant aux trois Commissions
(règlement pacifique des différends, clauses générales et finales). L'existence de
groupes de négociation officieux a cependant dérogé au schéma classique
précédent. Dépourvus le plus souvent de mandat à eux confié par la Conférence
(pourtant, cette dernière en créa un certain nombre : par ex. 7 groupes furent
mis sur pied en 1978, groupe VALLARTA sur la préservation du milieu marin,
groupe METTERNICH concernant la recherche scientifique, etc.), ces groupes ad
hoc sont intervenus avec succès sur des points délicats faisant apparaître des
positions difficilement conciliables (par ex. groupe EVENSEN sur certains
problèmes relatifs à la zone économique exclusive et à la pêche, groupe
CASTANEDA sur la nature juridique de la zone économique et les droits résiduels
susceptibles d'y être exercés, etc.).

87. Les particularités de certaines méthodes de travail mises en œuvre méritent


également mention, en raison de leur originalité plus ou moins prononcée. La
première de ces méthodes, sans précédent dans les conférences diplomatiques
antérieures, a trait aux textes de négociation qui ont été élaborés par les
présidents des trois Commissions officielles, donnant ainsi corps aux débats qui
avaient eu lieu, mais sans, en principe, que ces textes ne lient les diverses
délégations. Aucune disposition n'avait été prise à cet effet au début de la
Conférence. C'est sur simple suggestion du président que cette technique fut
instaurée et développée. L'absence de tout texte préparatoire de référence
o
(V. supra, n  84) explique qu'on y ait eu recours, malgré les critiques qu'elle a
e
suscitées (3  Conférence, Doc. off., vol. IV, p. 19 et 25). Lors de l'établissement
de ces textes, des consultations ont, en outre, été conduites avec les groupes
officieux qui s'étaient formés afin de prendre en compte les résultats auxquels ces
derniers étaient parvenus.

88. Non moins originale est la deuxième méthode, dite du « paquet » (« package


deal »), dont il a également fait usage. Prévue par un gentleman agreement du
27 juin 1974, elle tend à considérer les négociations menées et l'instrumentum
auquel on doit aboutir comme formant un tout indissociable. L'esprit qui l'anime
est, en fait, celle d'une vaste opération de compensation dans laquelle les
concessions faites sur un point doivent être contrebalancées par la satisfaction
obtenue sur un autre point au cours du processus de négociation. Procédé difficile
à mettre en œuvre, il a contribué à une sorte de glaciation du texte : toute
modification – si secondaire fût-elle – impliquait une remise en cause des
positions antérieurement arrêtées.

89. Beaucoup moins originale, la troisième méthode qui marqua de son


empreinte la Conférence fut celle du consensus. En vertu de l'article 37 du
règlement de la Conférence, il convenait, en effet, avant de procéder à tout vote
formel, d'épuiser toutes les possibilités de négociation en vue de dégager un
consensus. Cette procédure, exigeant pour sa mise en œuvre beaucoup de
temps, explique en partie la longueur de la Conférence. L'utilisation qui en était
faite n'excluait pas, cependant, que l'on dût recourir, au terme du processus, au
vote.

90. Ce vote intervint sur l'ensemble du texte le 30 avril 1982 (130 voix pour, 4
contre : États-Unis, Israël, Turquie, Venezuela, 18 abstentions et 18 suffrages
non exprimés). La signature eut lieu de façon différée. La cérémonie officielle en
fut organisée à Montego Bay (Jamaïque) le 10 décembre 1982, la Convention
restant ouverte à la signature jusqu'au 9 décembre 1984 (à New York ou à la
Jamaïque, au ministère des Affaires étrangères : Convention de 1982, art. 305,
§ 2).

C - Convention de 1982. Son évolution ultérieure

e
91. Toutes les caractéristiques de la 3  Conférence décrites précédemment
reflètent fidèlement l'ambition singulière qui était fixée à la Convention issue de
ses travaux. Jamais, auparavant, un texte de codification n'avait été conçu
comme devant être un monument juridique d'une telle ampleur, réglementant
dans son maillage serré (320 articles, 9 annexes, 4 résolutions, sans compter
l'Acte final) tous les aspects du droit de la mer. Y sont résolues des questions sur
lesquelles la Conférence de Genève de 1958 avait achoppé (étendue de la mer
territoriale portée à 12 milles marins, régime de la pêche). Y sont créées des
zones nouvelles (zone économique exclusive, eaux archipélagiques, Zone
internationale des fonds marins) ou transformées d'anciennes (zone contiguë,
plateau continental). Y font l'objet d'un corps de règles des aspects à peine
abordés auparavant (recherche scientifique, protection et préservation du milieu
marin, mers fermées ou semi-fermées, règlement pacifique des différends, etc.)
ou tout à fait nouveaux (zone internationale des fonds marins et ses ressources,
patrimoine commun de l'humanité et gestion par l'Autorité internationale,
recherche archéologique, etc.).

92. En outre, la Convention de 1982 « l'emporte, entre les États parties, sur les
er
Conventions de Genève de 1958 sur le droit de la mer » (art. 311, § 1 ) : il ne
faut d'ailleurs voir dans cette disposition que l'application de l'adage classique lex
posterior derogat priori. Néanmoins, on aurait pu penser que le bouleversement
opéré par le texte de Montego Bay entraînerait la désuétude de ceux de 1958. Ce
fut, au demeurant, l'un des arguments exposés par la France dans l'affaire du
différend relatif à la délimitation du plateau continental qui l'opposait au
Royaume-Uni. Il fut réfuté par le Tribunal dans sa sentence du 30 juin 1977 (« le
Tribunal arbitral ne saurait considérer la Convention de 1958 comme désuète et
inapplicable entre les Parties… », § 47 de la sentence, RSA, vol. XVIII, p. 175).
Plus récemment, la Cour internationale de justice dans l'affaire de la délimitation
maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen (CIJ, 14 juin
1993, Danemark c/ Norvège, Rec. CIJ, p. 38) a fait application de la Convention
de 1958 sur le plateau continental à laquelle les deux États en litige sont parties.

93. Avec la Convention de 1982, la codification du droit de la mer est-elle


achevée ou, du moins, la construction à laquelle elle a donné naissance est-elle
appelée à connaître une paisible et longue existence ? Il est sans aucun doute
difficile de se prononcer de façon péremptoire et absolue sur ce point. On peut
simplement observer que l'existence de la Convention n'a pas figé l'évolution. En
dehors même de positions exprimées par certains États dans les déclarations
qu'ils ont faites au moment de la signature ou de la ratification de l'instrument
juridique de 1982 (art. 310), lesquelles font apparaître des interprétations parfois
peu conformes à la lettre du texte, ou de certains comportements adoptés (« Le
os
phénomène d'emprise : sa persistance depuis 1982 », V. supra, n  51 à 54), la
partie XI de la Convention (« La Zone ») qui cristallisait les oppositions les plus
fortes a été très profondément remaniée par l'Accord du 28 juillet 1994 (V. infra,
os
n  176 et s.), dont l'adoption a déterminé nombre d'États industrialisés à ratifier
la Convention. De surcroît, à la suite de la Conférence des Nations unies « sur les
stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà
de la ZEE (stocks chevauchants) et les stocks de poissons grands migrateurs » a
été signé, le 4 décembre 1995, un Accord (Accord relatif à la conservation et à la
gestion des stocks chevauchants et des grands migrateurs, texte in Rev. de
o
l'Indemer n  4, 1996, p. 169), dont on espère qu'il favorisera la bonne application
des dispositions pertinentes de la Convention de 1982 (en particulier, les art. 63,
§ 2, et 64). On peut, cependant, s'interroger sur le point de savoir si ledit Accord
se borne à expliciter les dispositions du texte de Montego Bay en palliant
quelques insuffisances secondaires ou s'il instaure un régime de pêche nouveau
et spécifique (V.  Pêche [Internat.] et Zone économique exclusive [Internat.] ).

Chapitre 2 - Mer compartimentée : les différentes zones


maritimes et leur statut

94. À la division classique des espaces maritimes caractérisée par sa simplicité


(répartition entre mer territoriale et haute mer) s'est substitué un découpage
rendu plus complexe par la multiplication des zones, chacune d'elles possédant
son statut propre. Il convient, à la vérité, de faire état d'un découpage double :
vertical, bien sûr (eaux intérieures, mer territoriale, zone économique), mais
horizontal également, qui stratifié la mer en distinguant les fonds marins d'un
côté, la colonne d'eau qui les surplombe, de l'autre.

95. Cette distribution en zones, à laquelle la Convention de 1982 attache un


poids particulier, que traduit d'ailleurs la dimension même que lui attribue son
texte, n'est pas satisfaisante à tous égards. C'est ainsi qu'elle soumet à deux
régimes juridiques différents une même réalité géographique (le plateau
continental connaît deux statuts différents selon qu'il se situe à l'intérieur de la
mer territoriale ou au-delà). De même, elle trouble le fonctionnement de
certaines activités : le transport par mer, par exemple, qui oblige un navire à
circuler d'un port à un autre, s'accommode malaisément d'une segmentation
aussi poussée.

96. L'étude de ces différentes zones sera conduite selon les cinq chapitres
os
suivants : les zones sous souveraineté de l'État riverain (V. infra, n  97 et s.) ;
os
les zones sous juridiction de l'État riverain (V. infra, n  135 et s.) ; les détroits
os os
(V. infra, n  149 et s.) ; la haute mer (V. infra, n  158 et s.) ; la Zone
os
internationale des fonds marins (V. infra, n  176 et s.).

re
Section 1 - Zones sous souveraineté de l'État riverain
97. Les zones sous souveraineté ainsi que celles qui sont placées sous juridiction
e
ont été parfois unifiées dans certains projets soumis à la 3  Conférence
e
(3  Conférence, A/CONF. 62 / C. 2 / L. 22, Doc. off., vol. III, p. 232) sous
l'appellation à haute valeur symbolique de « zones maritimes nationales » ainsi
dénommées, parce que l'État y exerce des compétences reconnues. Mais, celles-
ci sont différentes dans les deux cas : gamme complète de compétences
exclusives dans le premier, compétences particulières et finalisées dans le
second. Toutefois, le fondement desdites compétences est le même et trouve son
origine dans la souveraineté que l'État exerce sur son territoire terrestre. Comme
l'a déclaré la Cour internationale de justice, « la terre est la source juridique des
pouvoirs qu'un État peut exercer dans les prolongements maritimes » (Aff. du
plateau continental de la mer du Nord, CIJ, 20 févr. 1969, Rec. CIJ, p. 51, § 96),
ou, selon une formule heureuse fréquemment reprise : « La terre domine la
mer » (ibid. ; V. égal, aff. du plateau continental de la mer Egée, CIJ, 19 déc.
1978, Grèce c/ Turquie, Rec. CIJ, p. 36, § 86 ; aff. du canal de Beagle, Sent.
arb., 22 avr. 1977, Argentine c/ Chili, § 107, ILM 1978. 632 : « Il existe un
principe général de droit en vertu duquel, en l'absence de disposition expresse en
sens contraire, une attribution de territoire doit ipso facto entraîner l'attribution
des eaux dépendantes du territoire attribué »).

er
Art. 1 - Eaux intérieures

er
§ 1 - Notion

A - Indifférence des Conventions de codification

98. La Convention de Genève de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë,


comme celle de 1982 ne laissent percer qu'un faible intérêt pour cette institution
pourtant capitale qu'elles ne définissent pas. La première n'y fait qu'une rapide
er er
référence au paragraphe 1 de l'article 1  : « La souveraineté de l'État s'étend,
au-delà de son territoire et de ses eaux intérieures, à une zone de mer adjacente
à ses côtes, désignée sous le nom de mer territoriale » et en son article 5
o
(V. infra, n  111). Presque aussi discrète est la seconde qui reprend mutatis
er
mutandis la formule précédemment rappelée au paragraphe 1 de son article 2 et
envisage le cas dans lequel le domaine des eaux intérieures connaît un
os
élargissement (V. infra, n  100 et s.). Cette approche qui individualise les eaux
intérieures en négatif (par rapport aux eaux territoriales) s'explique par le fait
que celles-ci relèvent essentiellement du droit interne de l'État (« Les eaux
intérieures sont assimilées du point de vue juridique au domaine terrestre de
l'État riverain, pour ainsi dire sous tous les rapports », CASTBERG, Ann. IDI 1954,
vol. 45, p. 121) et échappent donc pour l'essentiel au droit international.

B - Définition juridique classique

99. À la différence du géographe qui désigne par l'expression « eaux intérieures »


les eaux enfermées de toutes parts dans les terres (lacs, mers fermées, etc.), le
juriste définit ces eaux comme étant celles situées en deçà des lignes de base
os
servant à mesurer la mer territoriale (sur les lignes de base, V. infra, n  110
et s.). Elles englobent notamment les ports (« endroit où les navires ont
l'habitude de venir à l'effet de charger ou de décharger, d'embarquer ou de
débarquer », aff. du navire Möwe, 9 nov. 1914, juridiction britannique des
prises), rades, havres, etc., ainsi que le sol, sous-sol et espace aérien.

C - Champ d'application géographique élargi

1° - Eaux historiques

100. On désigne communément comme eaux historiques des eaux que l'on traite
comme des eaux intérieures, alors qu'en l'absence d'un titre historique elles
n'auraient pas ce caractère » (aff. des pêcheries anglo-norvégiennes, CIJ, 18 déc.
1951, Royaume-Uni c/ Norvège, Rec. CIJ, p. 130). C'est souvent par le biais de la
notion d'eaux historiques que le champ d'application géographique de base
o
(V. supra, n  99) a fait l'objet de substantielles extensions. De nombreux États
ont, en effet, fondé leurs revendications sur l'existence alléguée de titres
historiques ancrées sur une situation établie de longue date, de façon continue,
paisible et sans rencontrer d'opposition des tiers. La théorie ancienne des eaux
historiques a donnée lieu à une pratique qui s'est amplifiée au cours des dernières
décennies. Ce sont, le plus souvent, des baies sur lesquelles les États ont émis de
telles prétentions (golfe de Gabès, baie de Granville, baie des Anges, baie
d'Hudson, golfe de Tarente, golfe de Syrte, etc.). Mais un arrêt de la Cour
internationale de justice a également ouvert la voie à d'autres développements.

2° - Arrêt de la Cour internationale de justice du 18 décembre 1951

101. Dans l'affaire des pêcheries, la Cour a estimé que le décret royal norvégien
de 1935 établissant au nord du pays des lignes de base droites entre des points
d'une côte particulièrement découpée et parsemée de chapelets d'îles n'était pas
en contrariété avec le droit international (CIJ, 18 déc. 1951, Royaume-Uni
os
c/ Norvège, Rec. CIJ, p. 143 ; V. supra, n  41 et s.). Cette méthode des lignes
de base droites codifiée par l'article 4 de la Convention de 1958 sur la mer
territoriale et la zone contiguë et par l'article 7 de la Convention de 1982 a pour
conséquence d'augmenter le champ des eaux situées en deçà des lignes et qui
sont rangées dans les eaux intérieures.

§ 2 - Régime juridique

A - Principe de la souveraineté de l'État côtier

102. Le principe général qui domine le régime des eaux intérieures est celui de la
er er
souveraineté de l'État côtier, qu'énoncent l'article 1 , § 1 , de la Convention de
er
1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë et l'article 2, § 1 , de celle de
o
1982 (V. supra, n  98). Les deux textes utilisent d'ailleurs une formule unificatrice
qui semble soumettre mer territoriale et eaux intérieures à la même condition
juridique. Cette parfaite identité n'est qu'apparente puisque – différence
marquante – la règle traditionnelle du passage inoffensif qui s'applique dans la
mer territoriale n'est pas de mise dans les eaux intérieures. Toutefois, l'admission
faite de la méthode des lignes de base droites a conduit à reconnaître que, dans
des eaux nouvellement désignées comme intérieures par application de cette
technique, le droit de passage inoffensif continuerait à s'exercer (Convention de
1958, art. 5, § 2 ; Convention de 1982, art. 8, § 2). Surtout, la souveraineté de
l'État sur ses eaux intérieures doit se concilier avec les besoins impérieux de la
circulation internationale qui repose sur la continuité du trajet. Aussi faut-il
envisager dans quelles conditions se réalisent l'accès des navires dans ces eaux
et leur séjour.

B - Accès aux eaux intérieures

103. L'État côtier fixe souverainement les « conditions auxquelles est


subordonnée l'admission (des navires) » (Convention de 1958, art. 16, § 2 ;
Convention de 1982, art. 25, § 2). C'est assez dire que l'accès (aux ports
notamment) ne relève pas d'un droit général reconnu, mais est réglementé par
o
l'État côtier ou par certaines autorités de celui-ci (en France, le décret n  77-884,
22 juill. 1977, JO 5 août, portant règlement général de police des ports maritimes
de commerce et de pêche dispose, dans son article 3, que « la capitainerie du
port peut interdire l'accès du port aux bâtiments dont l'entrée serait susceptible
de compromettre la sécurité, la conservation ou la bonne exploitation des
ouvrages portuaires ») ; il peut aussi faire l'objet d'accords ou donner lieu à des
pratiques. Néanmoins, la distinction entre navires marchands et navires de guerre
doit, à l'évidence, être faite.
104. S'il a été longtemps admis qu'un État – sauf disposition conventionnelle
contraire – était en droit de fermer ses ports aux navires de commerce étrangers
(dans sa note sous la sentence du 30 nov. 1843 relative à l'affaire du blocus du
port de Portendick entre la France et le Royaume-Uni, FAUCHILLE écrivait qu'il
« était admis sans difficulté qu'un État pouvait arbitrairement fermer ses ports
aux navires étrangers », Rec. des arbitrages internationaux, t. I, p. 582), la
e
tendance s'est inversée depuis le début du XX  siècle. Semble exister une
présomption d'ouverture des ports, sans pour autant qu'il paraisse possible
d'affirmer la reconnaissance d'un droit (en sens contraire, COLOMBOS, The
e
international law of the sea, 5  éd., 1962, Londres, Longmans, p. 160). En effet,
la Convention de Genève du 9 décembre 1923 sur « le régime international des
ports maritimes », par laquelle les États parties (au demeurant, peu nombreux :
moins d'une quarantaine) déclarent accepter le statut annexé qui fixe ce régime,
peut difficilement s'analyser comme exprimant un droit de portée générale. Elle
se borne à poser, sous condition de réciprocité, le principe d'égalité de traitement
« en ce qui concerne la liberté d'accès au port ». Certaines conventions sont
porteuses d'une réglementation plus particulière (V. par ex. : Convention
er
internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer du 1  nov. 1974,
art. 17, JO 23 mai 1980 ; Convention MARPOL du 2 nov. 1973 [mod. par
Protocole de 1978] pour la prévention de la pollution par les navires, art. 5, § 3,
etc., JO 2 oct. 1983).

ACTUALISATION
104. Accès aux eaux intérieures. Législation. - Plusieurs décrets ont été
publiés : quatre décrets portant publication des amendements à l'annexe de
la Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine
o o o
en mer, citée au Répertoire (Décr. n  98-1130, n  98-1131 et n  98-1133 du
o
9 déc. 1998, JO 16 déc. ; et Décr. n  2001-998 du 26 oct. 2001, JO 3 nov.).
o
Le décret n  98-1132 du 9 décembre 1998 portant publication du code
international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la
o
prévention de la pollution (JO 16 déc.) ; le décret n  98-1134 du 9 décembre
1998 portant publication du code international pour l'application des
méthodes d'essais au feu prévu par la Convention internationale de 1974
pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (JO 16 déc.) ; les décrets
o o
n  98-1135 du 9 décembre 1998 (JO 16 déc.), n  2001-186 du 20 février
o
2001 (JO 27 févr.) et n  2001-608 du 4 juillet 2001 (JO 11 juill.) portant
publication des amendements à l'annexe du protocole de 1978 relatif à la
Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution par les
navires.

Publication des résolutions MSC portant amendement à la Convention


internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine. Plusieurs
os
décrets du 18 septembre 2006 publient les résolutions MSC (n  91, 92, 99,
100, 117, 123, 124) portant amendement à la Convention internationale de
1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, ainsi qu'à son protocole
os
(Décr. n  2006-1158, 2006-1159, 2006-1160, 2006-1161, 2006-1162,
2006-1163 et 2006-1164 du 18 sept. 2006, JO 20 sept.).

Convention internationale de 1974. Plusieurs décrets portent publication


d'une résolution relative à l'adoption d'amendements à la convention
internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, telle
o
que modifiée. Il s'agit du décret n  2012-1141 du 10 octobre 2012 (JO
12 oct.) pour la résolution MSC.290(87) adoptée à Londres le 21 mai 2010,
o
du décret n  2012-1172 du 22 octobre 2012 (JO 24 oct.) pour la résolution
o
MSC.269(85) adoptée à Londres le 4 décembre 2008, du décret n  2012-
1174 du 22 octobre 2012 (JO 24 oct.) pour la résolution MSC.282(86)
o
adoptée à Londres le 5 juin 2009, du décret n  2012-1179 du 22 octobre
2012 (JO 25 oct.) pour la résolution MSC.291(87) adoptée à Londres le
o
21 mai 2010 et du décret n  2012-1339 du 3 décembre 2012 (JO 5 déc.)
pour la résolution MSC.308(88) adoptée à Londres le 3 décembre 2010
o
(V. Assistance maritime, Mise à jour, n  9. – V. aussi Navire, Mise à jour,
os
n  41 s.).

Protocole de 1988. Deux décrets portent publication d'une résolution


relative à l'adoption d'amendements au Protocole de 1988 relatif à la
convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en
o
mer, telle que modifiée. Il s'agit du décret n  2012-1173 du 22 octobre 2012
(JO 24 oct.) pour la résolution MSC.283(86) adoptée à Londres le 5 juin 2009
o er
et du décret n  2012-1330 du 29 novembre 2012 (JO 1  déc.) pour la
résolution MSC.309(88) adoptée à Londres le 3 décembre 2010
o
(V. Assistance maritime, Mise à jour, n  9. – V. aussi Navire, Mise à jour,
os
n  41 s.).

Pollution par les navires. Deux décrets du 6 décembre 2012 portent


publication d'une résolution relative aux amendements à l'annexe au
protocole de 1997 modifiant la convention internationale de 1973 pour la
prévention de la pollution par les navires, telle que modifiée par le protocole
os
de 1978 y relatif (Décr. n  2012-1364 et 2012-1365, JO 8 déc.). Le premier
concerne la résolution MEPC.190(60) portant sur la zone de contrôle des
émissions de l'Amérique du Nord adoptée le 26 mars 2010 et le second
concerne la résolution MEPC.194(61) relative au modèle révisé de
er
supplément au certificat IAPP adoptée le 1  octobre 2010
o
(V. Environnement, Mise à jour, n  144. – V. aussi Navire, Mise à jour,
os
n  41 s.).
105. En ce qui concerne les navires de guerre, la situation est différente. La
souveraineté de l'État côtier et la menace que fait peser ce type de bâtiment
prévalent sur les préoccupations de facilité d'accès (sauf la relâche forcée pour le
navire en détresse). Aussi l'État peut-il discrétionnairement interdire l'entrée de
ses ports ou poser des conditions restrictives. Néanmoins, là encore, la réalité se
révèle plus nuancée. Des accords parfois bilatéraux ou, le plus souvent, des
textes nationaux permettent – en fonction des conditions qu'ils édictent – d'avoir
une correcte évaluation de la qualité des rapports entre les États ou du degré de
tolérance de certains d'entre eux (sur le cérémonial dans les forces maritimes,
o
V. Décr. n  75-548, 30 juin 1975, JO 2 juill., rect. 5 août).

C - Séjour dans les eaux intérieures

106. Comme en matière d'accès, la soumission du navire marchand à la


souveraineté de l'État d'accueil est le principe (réglementation relative à la
navigation, prescriptions sanitaires, etc.). Elle ne peut que trouver un appui dans
le renforcement des pouvoirs de l'État du port, que réalisent la Convention de
1982 et certains textes postérieurs (en matière de stocks chevauchants et de
o
grands migrateurs, V. Accord 4 déc. 1995, préc. supra, n  93). De plus, des
conventions intervenant notamment en matière de sécurité édictent des règles
spéciales (par ex. le Mémorandum d'entente sur le contrôle des navires par l'État
du port, conclu à Paris le 26 janvier 1982, stipule que les États parties s'engagent
à procéder à des inspections sur 25 % des navires étrangers se trouvant dans
o
leurs ports ; dans le même sens, V. Direct. n  95/21 du Conseil de l'Union
o
européenne, 19 juin 1995, JOCE, n  L 157, 7 juill., sur le contrôle par l'État du
er
port, entrée en application le 1  juill. 1996 et les mémorandums conclus entre les
autorités maritimes de vingt pays des Caraïbes du 9 févr. 1966, etc. ; la
Convention MARPOL 1973/1978, préc., sur la prévention de la pollution par les
navires, autorise l'inspection faite par les autorités de l'État du port).

Art. 2 - Mer territoriale

107. La mer territoriale est, dans son origine, ancienne et, dans les règles qui la
gouvernent, une institution longtemps régie, à titre presque exclusif, par la
coutume. Elle a fait, ensuite, l'objet des opérations de codification successives de
1958 (Convention de Genève sur la mer territoriale et la zone contiguë) et de
1982 (Partie II, art. 2 à 32). Si son importance a diminué du fait de l'apparition
de zones nouvelles d'exploitation économique, elle reste pourtant une zone
essentielle et ultime, tournée vers le large, dans laquelle s'exerce la souveraineté
de l'État.
108. Zone de souveraineté, la mer territoriale l'est indiscutablement, même si à
e e
la fin du XIX  siècle et au début du XX , certains auteurs (V. DE LA PRADELLE,
Le droit de l'État sur la mer territoriale, RGDI publ. 1898. 264 et 309 ;
P. FAUCHILLE, Traité de droit international public, Paris, 1921-1926, t. I, p. 147)
défendaient la conception selon laquelle les pouvoirs de l'État devaient être
considérés comme formant un ensemble de compétences simplement
particulières à lui conférées par le droit international. Bien qu'elle n'ait pas abouti
à des textes de droit positif, la Conférence de codification de La Haye a permis de
dégager une parfaite communauté de vues à cet égard ; l'annexe de l'Acte final,
er
dans son article 1 , précise, en effet, que « la souveraineté sur cette zone (mer
territoriale) s'exerce dans les conditions fixées par la présente convention et les
o
autres règles du droit international » (la base de discussion n  1 contenait même
une formule de tournure plus péremptoire : « L'État a la souveraineté sur une
zone de mer baignant ses côtes ; cette zone constitue ses eaux territoriales »). La
er
Convention de 1958 (art. 1 ), celle de 1982 (art. 2) se contentent de consolider
cette règle de la souveraineté sans l'altérer (V. aussi, en ce qui concerne la
o
France : L. n  71-1060, 24 déc. 1971, D. 1972. 18).

er
§ 1 - Champ d'extension géographique

109. La mer territoriale est enfermée entre des lignes qui l'encadrent. Les unes,
en direction du territoire terrestre, forment coupure avec les eaux intérieures. Les
autres, tournées vers le large, déterminent ses limites extérieures.

A - Lignes de base

110. Travail de caractère technique, présentant une grande utilité pour les


usagers de la mer toujours soucieux de savoir (selon les zones où ils se trouvent)
quelles règles leur sont applicables, le tracé des lignes de base se révèle être
avant tout une opération à objectif politique. Ces lignes, en effet, vont permettre
la mesure vers le large de l'étendue de la mer territoriale ainsi que des autres
zones sous juridiction de l'État. D'elles va dépendre également (mais de manière
plus discrète) l'emprise plus ou moins grande des eaux intérieures situées en
o
deçà (V. supra, n  101). Avec la Convention de 1958 sur la mer territoriale et la
zone contiguë, la possibilité de recourir à deux méthodes différentes a été
officiellement reconnue.

1° - Méthode de la ligne de base normale


111. Organisée par l'article 5 de la Convention de 1982 (V. dans le même sens,
o
Convention de 1958, art. 3), la méthode normale (V. infra, n  141) est celle de la
laisse de basse mer longeant la côte, c'est-à-dire la ligne à laquelle se retirent les
eaux lors des marées les plus basses. L'article 6 précise qu'en cas « de parties
insulaires de formation atollienne ou d'îles bordées de récifs frangeants », la ligne
de base est la laisse de basse mer sur le récif, côté large. D'emploi théoriquement
simple, elle n'est pas exempte cependant de certaines difficultés d'application,
dues au fait que le « niveau zéro », qui devrait correspondre au niveau des plus
basses mers, n'est pas le même selon les pays. C'est là un facteur qui suscite des
difficultés dans la négociation de certains accords de délimitation.

2° - Méthode des lignes de base droites

os o
112. Déjà évoquée (V. supra, n  41 et s. et n  101), cette méthode est conçue
comme devant être exceptionnelle, réservée à des configurations géographiques
particulières. On peut y recourir si la côte est « profondément échancrée et
découpée, ou s'il existe un chapelet d'îles le long de la côte, à proximité
immédiate de celle-ci » (cas d'archipels côtiers) (Convention de 1958, art. 4 ;
Convention de 1982, art. 7). On peut également en faire emploi dans le cas de
fleuve se jetant dans la mer sans estuaire (Convention de 1982, art. 9).

113. Les conditions de tracé de ces lignes, déjà indiquées par la Cour


internationale de justice dans son arrêt du 18 décembre 1951, précité (V. supra,
o
n  101), sont reprises et développées par l'article 4 de la Convention de 1958 et
l'article 7, § 3, de celle de 1982 : le tracé « ne doit pas s'écarter sensiblement de
la direction générale de la côte et les étendues de mer situées en deçà doivent
être suffisamment liées au domaine terrestre pour être soumises au régime des
eaux intérieures » ; ce tracé peut être effectué pour certaines de ces lignes en
tenant compte « des intérêts économiques propres à la région considérée dont la
réalité et l'importance sont manifestement attestées par un long usage » (art. 7,
§ 5 ; V. égal. CIJ, 18 déc. 1951, préc., Rec. CIJ, spéc. p. 133) ; sauf exceptions
précisées, les lignes « ne doivent pas être tirées vers ou depuis des hauts-fonds
découvrants, à moins que des phares ou des installations similaires émergées en
permanence n'y aient été construits ou que le tracé […] n'ait fait l'objet d'une
reconnaissance internationale générale » (art. 7, § 4) ; enfin, la méthode ne peut
être utilisée de telle sorte que « la mer territoriale d'un autre État se trouve
coupée de la haute mer ou d'une zone économique exclusive » (art. 7, § 6).

114. On ne peut manquer de relever le caractère flou des conditions d'emploi


précédemment énoncées : détermination délicate de la direction générale de la
côte, qualité du lien devant exister entre les étendues de mer et le domaine
terrestre, etc. Bien plus, le silence est complet sur la longueur maximale d'une
ligne de base tracée entre deux points ou sur la distance de cette ligne par
rapport à la côte. Aussi est-ce sans surprise que l'on constate une pratique
fournie, et parfois éloignée des critères vagues retenus, qui est faite de cette
méthode par les États. D'exceptionnel, le procédé est d'ailleurs devenu plus usité
que celui – « normal » – de la laisse de basse mer. Il facilite ainsi une
appropriation d'espaces maritimes moins voyante que d'autres, mais en tout état
de cause, bien réelle.

B - Étendue de la mer territoriale et ses limites extérieures

115. L'étendue de la mer territoriale a longtemps été un sujet de divergence


o
aiguë entre les États. La Conférence de La Haye (V. supra, n  28) avait fait
apparaître l'absence de consensus sur l'ancienne limite unitaire des 3 milles
re
marins. À la Conférence de Genève de 1958 (1  Conférence sur le droit de la
e
mer), comme à celle de 1960 (2  Conférence), aucune solution n'avait pu être
trouvée. C'est tout juste si dans la Convention de 1958 sur la mer territoriale et la
zone contiguë on était parvenu à s'entendre sur les dispositions ambiguës de
l'article 24, § 2, qui trahissaient, en fait, le désaccord : « La zone contiguë ne
peut s'étendre au-delà de 12 milles à partir de la ligne de base qui sert de point
de départ pour mesurer la largeur de la mer territoriale ».

116. En revanche, cette question, pourtant particulièrement sensible, a été


e
calmement et simplement réglée dès les débuts de la 3  Conférence. La
Convention de 1982 a retrouvé les chemins de l'uniformité. Son article 3 stipule,
en effet, que « (la) largeur ne dépasse pas 12 milles marins mesurés à partir des
lignes de base établies conformément à la Convention ». Il faut dire qu'avant
e
même la réunion de la 3  Conférence, certains États avaient adopté une
législation nationale fixant à 12 milles la limite de leurs eaux. Ce fut notamment
le cas de la France qui, bien qu'appartenant longtemps au groupe des États
fidèles aux 3 milles, s'est alignée par la loi du 24 décembre 1971 (préc., V. supra,
o
n  108) sur un mouvement déjà bien amorcé. Dès lors, la pratique s'est
généralisée, malgré quelques États qui ont conservé une mer territoriale de 200
milles et quelques cas particuliers (Grèce et Turquie en mer Egée, Syrie :
35 milles). Au 31 août 1996, 122 États possédaient une mer territoriale de 12
milles marins et seulement 15 au-dessus de 12 milles. Aussi peut-on
légitimement penser que pratique massive et opinio juris se trouvent réunies pour
qu'à côté de la règle conventionnelle des 12 milles existe une règle coutumière.

§ 2 - Passage dans la mer territoriale

A - Passage inoffensif
117. Le passage inoffensif (ou passage innocent selon une terminologie préférée
par les Anglo-Saxons) est un droit – et non un simple privilège – de nature
coutumière, fort anciennement consacré afin de favoriser la continuité de la
navigation. Il a fait l'objet de consolidation par de nombreux traités, notamment
par ceux de 1958 et de 1982. Résultat d'un compromis entre les intérêts de l'État
côtier et ceux de l'État du pavillon, il représente un aménagement de la
souveraineté de l'État sur sa mer territoriale au bénéfice de la circulation
maritime. Les aéronefs, en revanche, ne peuvent s'en prévaloir qu'en cas
d'accords exprès. À ce titre, il apparaît comme une institution qui n'a cours que
dans la mer territoriale mais dont on ne trouve pas l'équivalent dans les eaux
o
intérieures (V. supra, n  102).

118. Le droit de passage inoffensif, qui existe donc, même en l'absence d'une
disposition conventionnelle spécifique, s'applique aux navires « de tous les États
côtiers ou sans littoral » (Convention de 1982, art. 17 ; V. aussi Convention de
er
1958, art. 14, § 1 ), sans que les textes ne fassent de distinction entre navires
de commerce et navires de guerre. Le passage, qui doit être continu et rapide
(mais qui peut comprendre l'arrêt et le mouillage si ceux-ci sont imposés par une
situation de force majeure ou de détresse), s'analyse comme le fait de naviguer
dans la mer territoriale pour : « a) la traverser sans entrer dans les eaux
intérieures ni faire escale dans une rade ou une installation portuaire située en
dehors des eaux intérieures ; ou b) se rendre dans les eaux intérieures ou les
quitter, ou faire escale dans une telle rade ou installation portuaire ou la quitter  »
er
(Convention de 1982, art. 18, § 1  ; V. aussi Convention de 1958, art. 14).

119. La nature, les caractéristiques, le contenu de ce droit sont fermement


établis depuis longtemps. Cependant, la Convention de 1982 a tenu à innover et
à mettre l'accent sur ce qui devait être entendu par inoffensif. C'est pourquoi, son
er
article 19, après avoir repris dans son paragraphe 1 la formule traditionnelle et
générale, déjà inscrite à l'article 14, § 4, de la Convention de 1958, selon laquelle
« le passage est inoffensif aussi longtemps qu'il ne porte pas atteinte à la paix, au
bon ordre ou à la sécurité de l'État côtier », dresse, dans son paragraphe 2, une
liste d'activités qui sont en contrariété avec le caractère inoffensif du passage :
par exemple la menace ou l'emploi de la force contre la souveraineté, l'intégrité
ou l'indépendance politique de l'État côtier, l'exercice ou la manœuvre avec armes
de tout type, lancement, appontage ou embarquement d'aéronefs, pollution
délibérée et grave, etc. L'énumération ainsi faite se clôt d'ailleurs par une formule
résiduelle visant « toute autre activité sans rapport direct avec le passage ».

B - Réglementation de la navigation

120. L'existence du droit de passage inoffensif ne porte pas atteinte à la


possibilité de réglementation de la navigation dans la mer territoriale par l'État
côtier. Cette réglementation est parfois directement édictée par la Convention de
1982 : c'est ainsi qu'il est précisé que « les sous-marins et autres véhicules
submersibles sont tenus de naviguer en surface et d'arborer leur pavillon »
(art. 20 ; V. Convention de 1958, art. 14, § 6). Il appartient, en revanche, à l'État
côtier d'adopter des lois et règlements appelés à porter sur des questions, dont le
catalogue est donné par la Convention (par ex. : sécurité de la navigation et
régulation du trafic maritime, protection des câbles et pipelines, conservation des
ressources biologiques, recherche scientifique marine et levés hydrographiques :
art. 21). Il lui est également loisible, lorsque la sécurité de la navigation l'impose,
de désigner (en tenant compte des recommandations de l'OMI) des dispositifs de
séparation de trafic clairement indiqués sur les cartes marines (art. 22) ou
d'exiger de certains types de navires (navires à propulsion nucléaire, navires
transportant des substances radioactives ou intrinsèquement dangereuses ou
nocives) « d'être munis des documents et de prendre les mesures spéciales de
précaution prévues par des accords internationaux pour ces navires » (art. 23).

121. L'exercice du droit de passage ne peut faire l'objet d'autres limitations que


celles qui ont été prévues par la Convention. De plus, en mettant en œuvre le
droit de réglementation qui lui est reconnu, l'État côtier ne peut établir de
discrimination de droit ou de fait à l'encontre de navires d'un État donné (art. 24,
§ 1, b). En revanche, et toujours en respectant le principe de non-discrimination,
il est admis à « suspendre temporairement dans des zones déterminées de sa
mer territoriale l'exercice du droit de passage inoffensif des navires étrangers, si
cette mesure est indispensable pour assurer sa sécurité » (notamment pour
procéder à des exercices d'armes : art. 25, § 3). Dans cette hypothèse, la mesure
ne prend effet qu'après publication.

122. La question de savoir si les navires de guerre jouissent, à l'instar des


navires de commerce, du droit de passage inoffensif n'a pas été sans susciter de
controverses. La menace potentielle qu'ils représentent, les immunités dont ils
bénéficient alimentent celles-ci. La lettre des Conventions de 1958 et de 1982 ne
semble pas les exclure du bénéfice de ce droit. La subdivision qui leur est
réservée dans les deux instruments se contente de préciser qu'au cas où un tel
navire « ne respecte pas les lois et règlements de l'État côtier relatifs au passage
dans la mer territoriale et passe outre à la demande qui lui est faite de s'y
conformer, l'État côtier peut exiger que ce navire quitte immédiatement la mer
territoriale » (Convention de 1982, art. 30 ; V. Convention de 1958, art. 23). Il
e
faut observer toutefois qu'à la fin de la 3  Conférence, une proposition concernant
l'article 21 du projet de Convention relatif aux domaines sur lesquels pouvaient
porter lois et règlements de l'État côtier, fut présentée. Elle visait à ajouter aux
domaines déjà admis celui de : « navigation des navires de guerre, y compris le
droit d'exiger l'autorisation et la notification préalables pour le passage dans la
mer territoriale » (Doc. A/CONF. 62/ L. 97). Elle n'a pas été retenue. Certains
o
États, cependant, ont, au titre de l'article 310 (V. supra, n  52) fait des
déclarations par lesquelles ils se réservaient le droit de réglementer le passage
des navires de guerre dans leurs eaux territoriales (Cap Vert, Croatie, Malte,
Oman, São Tome et Principe, Yémen, etc.). Un décret français du 6 février 1985
o
(Décr. n  85-185, 6 févr. 1985, D. 1985. 181) portant « réglementation du
passage des navires étrangers dans les eaux territoriales françaises » n'établit
pas de discrimination, quant au droit de passage inoffensif, entre les navires de
commerce et les navires de guerre, confirmant ainsi les déclarations faites par la
e
France à la fin de la 3  Conférence : « la Convention confirme sans ambiguïté la
règle coutumière selon laquelle tous les navires, y compris les navires de guerre,
peuvent exercer le passage inoffensif dans la mer territoriale d'un État étranger »
e
(3  Conférence, Doc. off., vol. XVII, p. 254).

§ 3 - Juridiction exercée par l'État côtier dans sa mer territoriale

A - Exercice de la juridiction civile

123. L'exercice de la juridiction civile à l'égard des navires commerciaux


étrangers fait l'objet de règles identiques dans la Convention de 1958 sur la mer
territoriale et la zone contiguë (art. 20) et dans la Convention de 1982 (art. 28).
L'État côtier « ne devrait » ni stopper, ni dérouter un navire de pavillon tiers
passant dans sa mer territoriale pour y exercer « sa juridiction civile à l'égard
er
d'une personne se trouvant à bord » (art. 28, § 1 ) ; tel est le principe. Le
paragraphe 2 de l'article 28, cependant, prévoit que l'État peut prendre des
mesures d'exécution ou des mesures conservatoires à l'encontre du navire si elles
sont fondées sur des obligations contractées ou des responsabilités encourues par
ce dernier « au cours ou en vue de son passage dans les eaux de l'État côtier ».
La Convention internationale pour l'unification de certaines règles sur la saisie
conservatoire des navires de mer du 10 mai 1952 (signée à Bruxelles, JO 14 janv.
1958) organise des exceptions plus nombreuses.

B - Exercice de la juridiction pénale

124. L'exercice de la juridiction pénale soulève des questions plus délicates, dans


la mesure où des intérêts d'ordre public de l'État côtier sont susceptibles d'être en
jeu. Les dispositions de la Convention de 1958 (art. 19) ont été maintenues par la
Convention de 1982 (art. 27). Les deux textes traitent des interventions pouvant
avoir des incidences directes sur la navigation (arrestation ou actes d'instruction)
ou des infractions commises à bord du navire. Il est à noter que les règles
relatives à la compétence pénale en matière d'abordage et autres événements de
navigation font l'objet de la Convention spécifique (convention d'unification) de
o
Bruxelles qui, comme celle précédemment citée (V. supra, n  123), est du 10 mai
1952 (Convention internationale pour l'unification de certaines règles relatives à
la compétence pénale en matière d'abordage et autres événements de
navigation, signée à Bruxelles le 10 mai 1952, JO 27 juill. 1955). Comme en
matière de juridiction civile, le principe général est que la compétence de l'État
côtier « ne devrait pas s'exercer », sauf exceptions expressément prévues
er
(Convention de 1982, art. 27, § 1 ). Il est un point, toutefois, sur lequel la
Convention de 1982 innove : elle prévoit, en effet, que l'État côtier peut prendre,
en application de la partie V (Zone économique exclusive) ou de la partie XII
(Protection et préservation du milieu marin) de son texte, des mesures
d'arrestation ou procéder à des actes d'instruction lors du passage dans la mer
territoriale à raison d'une infraction pénale commise avant l'entrée dans les eaux
(art. 27, § 5).

§ 4 - Délimitation de la mer territoriale

125. La délimitation de la mer territoriale entre deux États dont les côtes sont
adjacentes ou se font face n'a guère soulevé – contrairement à celles touchant à
la délimitation de la zone économique exclusive ou du plateau continental – de
e
difficultés au cours des travaux de la 3  Conférence. Les règles adoptées à la
Conférence de Genève de 1958 (art. 12) ont été reprises sans changement autre
que de forme (Convention de 1982, art. 15). Il est stipulé que, sauf accord
différent entre eux, aucun des deux États ne peut étendre sa mer territoriale au-
delà de la ligne médiane (dont tous les points sont équidistants des points les
plus proches des lignes de base). Néanmoins, l'application de cette disposition est
à écarter dans l'hypothèse où des titres historiques ou d'autres circonstances
spéciales appellent la fixation d'un tracé autrement établi. La pratique dominante
des accords de délimitation montre que la ligne médiane, généralement ajustée,
est fréquemment usitée (en ce sens, à titre d'exemple, l'Accord franco-italien du
28 nov. 1986, concernant la délimitation des eaux territoriales dans les bouches
de Bonifacio : Corse/Sardaigne).

§ 5 - Baies

126. La Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë (art. 7),


ainsi que celle de 1982 (art. 10) traitent des baies dans des dispositions au
contenu similaire, tout en écartant de la réglementation qu'elles édictent celles
er
dont plusieurs États sont riverains (§ 1 des deux dispositions), celles dites
o
« historiques » (§ 6 des deux dispositions) (V. supra, n  100). Leur champ
d'application est donc limité, puisque c'est seulement le cas de figure le plus
simple qui a été retenu. Il convient d'ajouter que pour des baies bordées par
plusieurs États, ce sont des traités particuliers conclus entre États intéressés qui
fixent le régime juridique de la baie (par ex. le Traité de paix égypto-israélien du
26 mars 1979 reconnaît au golfe d'Akaba le caractère de voie d'eau internationale
ouverte à toutes les nations). La question des baies commanderait de substantiels
et spécifiques développements, alors que, seuls, quelques rapides indications
seront ici données.

127. Les deux Conventions procèdent dans les mêmes termes à une définition
juridique de cette notion : « une échancrure bien marquée dont la pénétration
dans les terres par rapport à sa largeur à l'ouverture est telle que les eaux qu'elle
renferme sont cernées par la côte et qu'elle constitue plus qu'une simple inflexion
er
de la côte ». Le paragraphe 1 de ces deux textes portant cette définition
poursuit : « Toutefois une échancrure n'est considérée comme une baie que si sa
superficie est au moins égale à celle d'un demi-cercle ayant pour diamètre la
droite tracée en travers de l'entrée de l'échancrure ». Mérite d'être observé que
rien n'est précisé sur les éventuelles différences séparant baies et golfes.

128. Les eaux situées à l'intérieur d'une baie dont un seul État est riverain
relèvent des eaux intérieures de celui-ci. Si la distance entre les laisses de basse
mer aux points d'entrée naturelle de la baie ne dépasse pas 24 milles marins, une
ligne droite de base peut être tracée entre les deux laisses ; dans le cas d'une
ouverture supérieure à 24 milles marins, la ligne de base droite de 24 milles
marins au maximum pourra être tracée à l'intérieur de la baie (§ 4 et 5 des art. 7
et 10 des deux Conventions).

Art. 3 - Eaux archipélagiques

er
§ 1 - État archipel selon la Convention de 1982

129. La notion d'eaux archipélagiques est étroitement liée à celle d'État archipel.
Cette dernière n'est parvenue à l'existence juridique qu'au travers de la
Convention de 1982 (partie IV) : quel que soit l'intérêt qui s'y était porté
auparavant, spécialement au cours des deux premières Conférences sur le droit
de la mer et après l'autoproclamation en tant que tels des Philippines (1955 et
1961) et de l'Indonésie (1957) (V. les propositions faites par les États intéressés
au Comité des fonds marins : A/AC. 138/SC II/SR 13, p. 1). Ainsi, l'État archipel
o
a été consacré plus tardivement que l'archipel côtier (V. supra, n  45). Au 31 août
1996, 17 États avaient revendiqué le statut d'État archipel : Antigua et Barbades,
Bahamas, Cap Vert, Comores, Fidji, Indonésie, Jamaïque, Kiribati, Maurice,
Papouasie-Nouvelle Guinée, Philippines, Saint Vincent et Grenadines, São Tome
et Principe, îles Salomon, Trinité et Tobago, Tuvalu, Vanuatu.
130. Sur quel fondement la situation de l'État archipel a-t-elle trouvé appui pour
être prise en considération ? La réponse est partiellement fournie par la définition
de l'archipel que donne l'article 46, b, de la Convention de 1982 : « ensemble
d'îles, y compris des parties d'îles, les eaux attenantes et les autres éléments
naturels qui ont les uns avec les autres des rapports si étroits qu'ils forment
intrinsèquement un tout géographique, économique et politique ou qu'ils sont
historiquement considérés comme tels ».

131. L'État archipel « constitué entièrement par un ou plusieurs archipels et


éventuellement d'autres îles » (art. 46, a), se voit reconnaître le droit de « tracer
des lignes de base archipélagiques droites reliant les points extrêmes des îles les
er
plus éloignées et des récifs découvrants de l'archipel… » (art. 47, § 1 ). La
détermination de ces lignes répond à plusieurs conditions, qui, pour les plus
o
importantes, sont les suivantes : 1  un ratio de la superficie des eaux à celle de la
er o
terre (« atolls inclus ») compris entre 1 à 1 et 9 à 1 (art. 47, § 1 ) ; 2  une
longueur des lignes de base qui ne doit pas excéder 100 milles marins (toutefois,
3 % au maximum du nombre total des lignes de base entourant un archipel
donné peuvent avoir une longueur supérieure, mais n'excédant pas 125 milles
o
marins : art. 47, § 2) ; 3  des règles inspirées de celles applicables aux archipels
côtiers (tracé qui ne doit pas s'écarter sensiblement du contour de l'archipel, qui
ne doit pas couper de la haute mer ou d'une zone économique exclusive la mer
territoriale d'un autre État, etc.).

§ 2 - Droit de passage archipélagique

132. Ce sont les eaux ceinturées par ces lignes de base archipélagiques qui
forment les eaux archipélagiques. Placées sous la souveraineté de l'État archipel
(« La souveraineté de l'État archipel s'étend aux eaux situées en deçà des lignes
de base archipélagiques… quels que soient leur profondeur ou leur éloignement
er
de la côte », art. 49, § 1 ), elles obéissent néanmoins à un régime sui generis,
dont le particularisme se marque spécialement en matière de navigation avec la
reconnaissance faite du droit de passage archipélagique.

133. Les navires, quelle que soit leur nationalité, y bénéficient du droit de


os
passage inoffensif (V. supra, n  117 et s.), qui ne peut être temporairement
suspendu dans des zones déterminées qu'en fonction d'impérieuses exigences de
sécurité (art. 52). L'originalité du régime réside cependant dans le fait que l'État
archipel « peut désigner » « des voies de circulation » dans ses eaux
archipélagiques, dans la mer territoriale adjacente, et « des routes aériennes »
dans l'espace aérien surjacent « qui permettent le passage continu et rapide des
er
navires et aéronefs étrangers » (art. 53, § 1 ) « entre un point de la haute mer
ou d'une zone économique exclusive et un autre point de la haute mer ou d'une
zone économique exclusive » (art. 53, § 3). Les voies et couloirs aériens ainsi
visés doivent normalement comprendre « toutes les routes servant normalement
à la navigation internationale dans les eaux archipélagiques et l'espace aérien
surjacent » (art. 53, § 4) et ce sont celles qui pourront être empruntées au cas
er
où l'État archipel n'aura pas procédé à la désignation prévue au paragraphe 1 de
l'article 53 (Cf. art. 53, § 12). L'État archipel est en droit de prescrire dans ces
voies – en se conformant à la réglementation de l'Organisation maritime
internationale (OMI) – des dispositifs de séparation de trafic (art. 53, § 6 à 9). Il
est tenu d'assurer, par des cartes appropriées, la publicité à ces voies (lignes
axiales) et dispositifs (art. 53, § 10). Les États ayant revendiqué le statut d'État
archipel n'ont pas tous, à ce jour, désigné ces voies.

134. Les eaux archipélagiques constituent, par conséquent, une catégorie


nouvelle d'espaces maritimes. Elles sont distinctes des eaux intérieures, mais
peuvent en englober (art. 50 : « À l'intérieur de ses eaux archipélagiques, l'État
archipel peut tracer des lignes de fermeture pour délimiter ses eaux
intérieures »). Elles sont également distinctes des autres zones, mer territoriale,
zone économique exclusive, plateau continental, qui s'étendent au-delà des lignes
archipélagiques (art. 48) déterminées en fonction des conditions fixées par
o
l'article 47 (V. supra, n  131).

Section 2 - Zones sous juridiction

135. Les zones sous juridiction sont celles dans lesquelles l'État côtier dispose de
certains droits. La formule, transposée de l'anglais (jurisdiction), est commode
par son caractère neutre. Elle permet ainsi de viser tant la reconnaissance d'un
certain pouvoir de contrôle que celle de droits souverains, c'est-à-dire des droits,
certes exclusifs, mais limités, finalisés à certaines matières : zone contiguë, zone
économique exclusive, plateau continental. La première, seule, fera ici l'objet de
développements ; pour les deux autres, il doit être renvoyé aux rubriques :
Plateau continental, Zone économique exclusive.

er
Art. 1 - Zone contiguë

er
§ 1 - Origine et consécration de l'institution

136. La zone contiguë trouve sa source ancienne dans les Hovering Acts
e e
britanniques du XVIII et du XIX  siècle, qui avaient pour but d'éviter l'entrée
ou la sortie de marchandises en contrebande (V. D. P. O'CONNELL, The
International Law of the Sea, vol. II, 1984, Oxford, Clarendon Press, p. 1034
et s. ; V. égal. A. M. FROMMER, The British Hovering Acts : A Contribution to the
Study of the Contiguous Zone, Rev. belge dr. int. 1981-1982 [2], p. 434).

137. L'institution en formation fut adoptée dans certaines lois nationales. Au


e
début du XX  siècle, elle intéressa la doctrine. Des études furent ainsi menées
par l'Institut de droit international (session de Stockholm de 1928 : V. art. 12 de
la Résolution sur la mer territoriale en temps de paix, Ann. IDI 1958. 758) ou par
le Research Committee de Harvard (art. 20 de son projet). Parmi les bases de
discussion rédigées en vue de la Conférence de La Haye de 1930, celle portant le
numéro 5 reconnaît l'existence d'une zone contiguë dans laquelle l'État pourra
prendre certaines mesures de contrôle. L'adoubement conventionnel n'eut lieu,
cependant, qu'en 1958. La Convention sur la mer territoriale et la zone contiguë y
consacre l'article 24, qui forme à lui tout seul la deuxième partie de l'instrument
juridique. Cet unique article se prononce à la fois sur la nature juridique de la
zone, sur son extension maximale à partir des lignes de base et sur les règles de
délimitation entre deux zones.

§ 2 - Zone contiguë dans la Convention de 1982

A - Nature juridique et limites de la zone

138. Naguère, bastion avancé de l'État en mer, la zone contiguë pouvait se voir


justifiée dans son existence par la nécessité dans laquelle était l'État d'exercer
certains types de contrôles dans un espace immédiatement adjacent à sa mer
e
territoriale. Néanmoins, la claire volonté de la 3  Conférence, dès ses débuts, de
créer une zone économique exclusive de 200 milles marins, dans laquelle l'État
côtier disposerait d'importants pouvoirs, semblait postuler sa disparition. C'est
d'ailleurs ce que préconisèrent certains États (par ex. Mexique, Cameroun,
e
Kenya ; 3  Conférence, Doc. off., vol. II, p. 134 et 135). Pourtant, la zone
contiguë fut maintenue ; on fit valoir que les attributions, précisément définies,
de l'État côtier n'y étaient pas celles qu'il était appelé à exercer dans sa zone
économique exclusive. L'article 33 de la Convention de 1982 y est consacré. Au
31 août 1996, 57 États avaient créé une zone contiguë ; pour 50 d'entre eux, elle
n'excédait pas la largeur des 24 milles marins à partir des lignes de base.
er
139. L'article 24, § 1 , de la Convention de 1958 indiquait clairement, malgré
une formule ramassée, la nature juridique de la zone contiguë : « Sur une zone
o
de haute mer contiguë à sa mer territoriale… » (V. égal. Base de discussion n  5
proposée à la Conférence de La Haye de 1930 : « Sur la haute mer contiguë aux
eaux territoriales… »). La zone contiguë relevait donc de la haute mer. Il n'en va
pas de même dans le système juridique de 1982 : la zone contiguë est un espace
désormais englobé dans une zone plus vaste, la zone économique exclusive, qui,
elle, n'appartient pas à la haute mer, mais bénéficie d'un régime sui generis.
er
Aussi est-ce à juste titre que l'article 33, § 1 , ne fait plus référence à la haute
mer, mais stipule simplement : « Dans une zone contiguë à sa mer
territoriale… ». Si ce changement de nature juridique de la zone est dans la
logique du bouleversement d'ensemble qu'ont connu les zones maritimes, il est,
en revanche, plus surprenant de constater que la Convention de 1982 traite de
cette zone dans une section 4 de la Partie II consacrée à la mer territoriale. Est-
ce la relation étroite qu'entretient la zone contiguë avec la mer territoriale du
point de vue des compétences de l'État qui rend compte de cette anomalie de
os
place ? (V. infra, n  142 et s.).

140. Dans une expression rendue embarrassée par l'impossibilité dans laquelle


avait été la Conférence de Genève de 1958 de déterminer l'étendue de la mer
o
territoriale (V. supra, n  115), le paragraphe 2 de l'article 24 de la Convention sur
la mer territoriale et la zone contiguë indiquait : « La zone contiguë ne peut
s'étendre au-delà de 12 milles à partir de la ligne de base qui sert de point de
départ pour mesurer la largeur de la mer territoriale ». Désormais, cette zone
peut s'étendre jusqu'à 24 milles marins (art. 33, § 2), la largeur de la mer
territoriale étant, quant à elle, fixée à 12 milles marins par la Convention de
1982.

141. Il est à observer qu'aucune disposition de la Convention de 1982 ne


détermine les règles applicables à l'éventuelle opération de délimitation entre
deux zones contiguës. Situation étrange, alors que l'article 23, § 3, de la
Convention de 1958 portait de telles règles (règle de l'accord ou, à défaut,
application de la ligne médiane) et qu'une proposition avait été présentée à ce
e
sujet au début de la 3  Conférence (Doc. A/CONF. 62/C. 2/L. 27 du 29 juill.
1974).

B - Compétences de l'État côtier

1° - Compétences traditionnelles

142. Ce sont des compétences réduites qui sont reconnues à l'État côtier. Les
re
efforts entrepris au début de la 1  Conférence, destinés à lui conférer des
pouvoirs en matière de pêche (Doc. A/ CONF. 13/C. 1/L. 82 et Corr. 1), n'ont pas
er
abouti. La Convention de 1982, dans le paragraphe 1 de son article 33, contient
er
des dispositions comparables à celles de la Convention de 1958 (art. 24, § 1 ). Il
est, en effet, stipulé que l'État côtier « peut exercer le contrôle nécessaire en vue
de : a) prévenir les infractions à ses lois et règlements douaniers, fiscaux,
sanitaires ou d'immigration sur son territoire ou dans sa mer territoriale ;
b) réprimer les infractions à ces mêmes lois et règlements commises sur son
territoire ou dans sa mer territoriale ».

143. Il est clair que les compétences ainsi visées sont de police et ne relèvent en
aucune façon d'une conception d'exploitation économique. Elles ont, de plus, pour
objet de prévenir ou de réprimer des infractions qui ont été commises sur le
territoire terrestre ou dans la mer territoriale, mais non dans la zone contiguë
elle-même. On peut remarquer également que la poursuite d'un navire étranger
peut être engagée lorsque celui-ci (ou l'une de ses embarcations) se trouve dans
os
la zone contiguë (V. haute mer, infra, n  158 et s.).
o
144. En France, une loi du 31 décembre 1987 (L. n  87-1157, 31 déc. 1987, D.
1988. 77) relative à la lutte contre le trafic des stupéfiants, crée une zone
contiguë de 24 milles marins dans laquelle seules des compétences en matière
douanière peuvent être exercées. Un article 44 bis est inséré à ce titre dans le
code des douanes.

2° - Compétence nouvelle

145. À la différence de la Convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone


contiguë, l'instrument de 1982 donne naissance à une compétence originale. La
zone contiguë n'est plus seulement une zone dans laquelle s'exercent des
pouvoirs de police pour prévenir ou réprimer des infractions dont le lieu de
commission se situe hors de la zone. En effet, l'article 303 (« Objets
archéologiques et historiques découverts en mer »), après avoir fait obligation à
l'ensemble des États de protéger les objets archéologiques ou historiques
er
découverts en mer (§ 1 ), confère à l'État côtier le droit de considérer que
l'enlèvement de ces objets « du fond de la mer dans la zone contiguë […], sans
son approbation, serait cause d'une infraction, sur son territoire ou dans sa mer
territoriale » à ses lois et règlements tels qu'ils sont visés à l'article 33.

146. Il convient, cependant, de ne pas oublier que l'État côtier dispose aussi,
dans sa zone contiguë (entre 12 et 24 milles marins), de la gamme beaucoup
plus étendue de compétences qui lui sont dévolues au titre de la zone
économique exclusive (V.  Zone économique exclusive [Internat.] ).

Art. 2 - Zone économique exclusive

147. L'étude de la zone économique exclusive ne sera pas menée ici, dans la


mesure où une rubrique du présent Répertoire y est consacrée (V.  Zone
économique exclusive [Internat.] ).
Art. 3 - Plateau continental

148. Pour les mêmes raisons, il est proposé de se reporter à la rubrique


consacrée au plateau continental (V.  Plateau continental [Internat.] ).

Section 3 - Détroits servant à la navigation internationale

149. Des développements succincts sont consacrés ici aux détroits. Ceux-ci – en
raison des questions nombreuses et délicates qu'ils soulèvent – dicteraient une
analyse beaucoup plus complète sous une rubrique spécifique. Aussi est-ce
l'examen sommaire des dispositions de la partie III de la Convention de 1982 qui
sera effectué (Détroits servant à la navigation internationale), la Convention sur
la mer territoriale et la zone contiguë de 1958 se contentant d'indiquer au détour
d'une disposition sur la mer territoriale que « le passage inoffensif des navires
étrangers ne peut être suspendu dans les détroits qui, mettant en communication
une partie de la haute mer avec une autre partie de la haute mer ou avec la mer
territoriale d'un État étranger, servent à la navigation internationale » (art. 16,
§ 4).

er
Art. 1 - Notion

150. Défini par le géographe comme un passage, en général resserré, faisant


communiquer deux mers ou deux océans, le détroit ne soulève l'intérêt juridique
qu'autant qu'il est utile à la navigation internationale. C'est la position adoptée
par la Cour internationale de justice dans l'affaire du détroit de Corfou : l'arrêt du
9 avril 1949 retient comme décisif le fait que le détroit constitue « une route utile
au trafic international » (CIJ, 9 avr. 1949, Royaume-Uni c/ Albanie, Rec. CIJ,
p. 28 et 29). C'est en faveur de ce même critère qu'opte la Convention de 1982 :
le détroit servant à la navigation internationale est celui qui relie « une partie de
la haute mer ou une zone économique exclusive et une autre partie de la haute
mer ou une zone économique exclusive » (art. 37) ou « la mer territoriale d'un
État à une partie de la haute mer ou à la zone économique exclusive d'un autre
er
État » (art. 45, § 1 , b).

Art. 2 - Régimes juridiques

er e
§ 1 - Détroits à la 3  Conférence sur le droit de la mer
e
151. La volonté qui se manifestait dès les débuts de la 3  Conférence d'étendre,
de manière généralisée, les mers territoriales à 12 milles marins avait pour
conséquence de supprimer toute portion de haute mer dans un certain nombre de
détroits, ce qui signifiait disparition du droit de survol, obligation pour les sous-
marins et autres véhicules submersibles de naviguer en surface et d'arborer leur
pavillon (Convention de 1982, art. 20), substitution à la libre navigation du
régime moins libéral du droit de passage inoffensif.

152. Pareille situation ne pouvait qu'inquiéter les grandes puissances maritimes


e
et navales, mais également d'autres pays (Cf. 3  Conférence, Doc. off., vol. II,
p. 137 et 151). Aussi un terrain d'entente fut-il rapidement trouvé entre celles-ci
– désireuses d'obtenir la garantie d'une large liberté d'évolution dans les détroits
(V, en ce sens, le projet marquant présenté par le Royaume-Uni intitulé « Projet
e
d'articles sur la mer territoriale et les détroits », 3  Conférence, Doc. off., vol. III,
p. 213 à 217) – et les pays du tiers-monde soucieux de voir pleinement admise
l'institution de la zone économique exclusive pour laquelle ils militaient
fermement. C'est de ce compromis capital que dérivent les règles inscrites dans
la Convention de 1982. Ce n'est pas un régime unitaire, mais une pluralité de
régimes qu'organise la partie III.

§ 2 - Différents types de régimes

A - Détroits « conventionnés »

153. L'article 35, c, écarte de son champ d'application les « détroits où le


passage est réglementé, en tout ou partie, par des conventions internationales
existant de longue date et toujours en vigueur qui les visent spécifiquement ».
Pour certains détroits, en effet, un régime conventionnel spécial a été établi :
détroit de Gibraltar (Déclaration franco-britannique du 8 avr. 1904 et Convention
franco-espagnole du 27 déc. 1912) ; détroit de Magellan (Traité de Buenos Aires
du 23 juill. 1881 entre l'Argentine et le Chili) ; détroits baltes (Traité de
Copenhague du 14 mars 1857) ; détroits turcs (Convention de Montreux du
20 juill. 1936 : Australie, Bulgarie, Chypre, France, Grèce, Italie, Japon,
Roumanie, Royaume-Uni, Turquie, URSS, Yougoslavie) ; détroits de Malacca et de
Singapour (Déclarations du 16 nov. 1971 et du 24 févr. 1977 : Indonésie,
Malaisie, Singapour). Il est à observer que la disposition inscrite à l'article 35, c,
qui fait référence à des conventions « existant de longue date », semble exclure
de son champ des traités plus récents. Il semblerait que ce soit le cas du Traité
du 26 mars 1979 conclu entre l'Égypte et Israël qui considère le détroit de Tiran
et le golfe d'Akaba comme des voies d'eau ouvertes à tous et de libre circulation
(art. 5, § 2).
B - Passage en transit

e
154. Il s'agit là du nouveau régime mis au point par la 3  Conférence et qui fait
l'objet des dispositions détaillées de la section 2 de la partie III (art. 37 à 44). Il
organise des règles de passage particulièrement libérales applicables aux détroits
qui – selon l'article 37 « servent à la navigation internationale entre une partie de
la haute mer ou une zone économique exclusive et une autre partie de la haute
mer ou une zone économique exclusive ». Navires, mais aussi aéronefs y
er
jouissent d'un droit dit de « transit sans entrave » (art. 38, § 1 ) qui ne peut
faire l'objet d'une suspension (art. 44 in fine). Ce passage en transit est défini
(selon des épithètes inspirées de celles qui caractérisent le passage inoffensif)
comme devant être continu et rapide ; il n'exclut pas pour autant la possibilité
pour le navire ou l'aéronef d'accéder au territoire de l'État riverain ou le quitter
« sous réserve des conditions d'admission sur le territoire de cet État » (art. 38,
§ 2).

155. Navires et aéronefs ne peuvent transgresser les limites du droit qui leur est
reconnu ; à l'occasion du passage qui doit être pacifique, ils doivent notamment
se conformer aux lois et règlements que l'État riverain peut édicter, sans établir
de discrimination, dans un certain nombre de domaines énoncés à l'article 42. Ils
sont également tenus de respecter les voies de circulation et dispositifs de
séparation de trafic que les exigences de sécurité auront imposés (art. 41). À
l'État côtier incombe, en revanche, le soin de signaler par une publicité
appropriée tout danger pour la navigation dans le détroit ou pour son survol
(art. 44).

C - Passage inoffensif

156. La Convention de 1982 met en place un autre régime, moins marqué par le
souci de prendre en compte les préoccupations de la navigation : celui du
os
passage inoffensif, tel qu'il s'exerce dans la mer territoriale (V. supra, n  117 et
s). Il s'applique aux détroits reliant « la mer territoriale d'un État à une partie de
la haute mer ou à une zone économique exclusive d'un autre État » (art. 45,
er
§ 1 , b) (par ex. détroits de Corfou, de Pemba ou de Zanzibar). Il vaut aussi pour
les détroits qui, relevant de la catégorie précédente, sont formés par un territoire
continental et une île, tous deux placés sous la souveraineté d'un même État.
Dans ce cas de figure, « lorsqu'il existe au large de l'île une route de haute mer,
ou une route passant par une zone économique exclusive de commodité
comparable du point de vue de la navigation et des caractéristiques
er
hydrographiques » (art. 38, § 1 in fine), les navires et aéronefs ne jouissent pas
du droit de passage en transit dans ledit détroit, mais bénéficient, en revanche,
du droit de passage inoffensif (par ex. détroit de Messine). Toute possibilité de
o
suspension de ce passage inoffensif est, là encore, exclue (V. supra, n  154).

D - Liberté de navigation et de survol

157. Il faut, enfin, faire état de la disposition particulière de l'article 36. Pour des
détroits d'une largeur supérieure au double de la mer territoriale (plus de 24
milles marins) et que l'on peut donc franchir « par une route de haute mer ou une
route passant par une zone économique exclusive de commodité comparable du
point de vue de la navigation et des caractéristiques hydrographiques », le
régime applicable est, à l'évidence, celui de la liberté de navigation et de survol
(par ex. canal de Mozambique). Cette disposition de l'article 36, dont la nécessité
ne paraissait pas s'imposer au regard des règles de navigation et de survol
gouvernant la haute mer et la zone économique exclusive, répond au souci
e
exprimé par l'ex-Yougoslavie à la 3  Conférence de se voir assurer la navigation
et le survol du détroit d'Otrante.

Section 4 - Haute mer

er
Art. 1 - Liberté de la haute mer

er
§ 1 - Définition de la haute mer

158. Traiter du principe de liberté en haute mer, c'est d'abord définir t'aire dans
laquelle se déploie ce principe. Or, qu'il s'agisse de la Convention de 1958 sur la
haute mer ou de celle de 1982, toutes deux adoptent une approche négative pour
déterminer le champ d'application de la haute mer. Celle-ci englobe « toutes les
parties de la mer qui ne sont comprises ni dans la zone économique exclusive, la
mer territoriale ou les eaux intérieures d'un État, ni dans les eaux archipélagiques
d'un État archipel » (Convention de 1982, art. 86 ; V. égal. Convention de 1958,
er
art. 1 ). Une telle démarche symbolise l'intérêt moins attentif que l'on a réservé
à ces espaces, sans aucun doute immenses encore, largement amputés,
cependant, depuis quelques décennies par les appropriations nationales réalisées.
e
La 3  Conférence n'a d'ailleurs accordé à la codification des règles relatives à la
haute mer que des travaux rapides (V. Convention de 1982, art. 86 à 120). C'est
seulement dans les dernières années que l'intérêt s'est ravivé par le biais des
questions posées par les stocks chevauchants et les grands migrateurs (V. infra,
o
n  173).

§ 2 - Affirmation du principe de liberté

A - Principales caractéristiques de ce principe

159. Contre l'idée de propriété privée des mers, ce principe s'est établi à la


os
faveur du triomphe de la thèse de Grotius sur celle de SELDEN (V. supra, n  22
et s.) pour ensuite acquérir la place de principe cardinal et coutumier du droit de
la mer, sur lequel l'opinio juris était parfaitement réalisée. Il a fait l'objet de
successives et solennelles réaffirmations (Message en 14 points du président
WILSON, Traités de paix suivant la Première Guerre mondiale, Charte de
l'Atlantique du 14 août 1941, point 7, etc.). Après la Convention sur la haute mer
de 1958 (art. 2), celle de 1982 – qui opère pourtant une transformation profonde
du droit de la mer – confirme l'existence de ce principe (art. 87 : « Liberté de la
haute mer »).

160. L'article 89 de la Convention de 1982 met fin aux longs débats doctrinaux


sur la nature juridique de la haute mer (res nullius, res communis, res nullius
communis usus, etc.) en proclamant : « Aucun État ne peut légitimement
prétendre soumettre une partie quelconque de la haute mer à sa souveraineté ».
En outre, dans un esprit qui irradie l'ensemble du texte de la Convention,
l'article 88 stipule que « la haute mer est affectée à des fins pacifiques ». On doit
comprendre par là, non pas que les activités militaires y sont interdites, mais que
les États doivent s'y abstenir « de recourir à la menace ou à l'emploi de la force »
(art. 301) en contrariété avec les principes du droit international tels qu'ils sont
énoncés dans la Charte des Nations unies du 26 juin 1945 (JO 13 janv. 1946).

161. Expression particulière du principe de liberté, tous les États doivent en jouir


également, quelle que soit leur situation géographique de côtier ou d'enclavé. La
règle – pour évidente qu'elle puisse paraître aujourd'hui – n'a pas toujours été
e
admise : ainsi, au XIX  siècle, le ministre français de la Marine faisait savoir que
son gouvernement ne reconnaissait pas à la Suisse capacité pour avoir « un
pavillon maritime que sa situation géographique ne lui permettait ni de surveiller,
ni de protéger » (Cf. G. GIDEL, op. cit., t. I, p. 123 et s.). Après quelques textes
ambigus, la Déclaration de Barcelone (20 avr. 1921) consacre « le droit au
pavillon des États sans littoral », droit qui postule la jouissance du principe de
liberté. Celui-ci est affirmé par l'article 4 de la Convention de 1958 sur la haute
mer et repris, en ces termes, par l'article 90 de la Convention de 1982 : « Tout
État, qu'il soit côtier ou sans littoral, a le droit de faire naviguer en haute mer des
navires battant son pavillon ».
B - Énonciation des diverses libertés

162. La liberté de la haute mer, principe général, a paru devoir donner lieu à
l'énonciation des libertés particulières qu'elle englobe. La démarche est
relativement nouvelle. Elle a été adoptée par l'institut de droit international à sa
session de Lausanne (1927) (Ann. IDI 1927, t. III). La Commission du droit
international, dans son travail préparatoire de codification du droit de la mer, l'a
re
faite sienne, suivie par la 1  Conférence des Nations unies (1958) à travers les
dispositions de l'article 2 de la Convention sur la haute mer. Cette méthodologie
de liste est, de nouveau, empruntée par l'article 87 de la Convention de 1982 qui
er
stipule dans son paragraphe 1 que la liberté de la haute mer « comporte
notamment : a) la liberté de navigation ; b) la liberté de survol ; c) la liberté de
poser des câbles et des pipelines sous-marins […] ; d) la liberté de construire des
îles artificielles et autres installations autorisées par le droit international […] ;
e) la liberté de la pêche […] ; f) la liberté de la recherche scientifique […] ».

163. L'évocation de la disposition précédente appelle à formuler quelques


o
observations. 1  La Convention de 1982 n'entend pas être la base juridique
exclusive fixant les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la haute mer ;
er
l'article 87, § 1 , fait également référence aux « autres règles du droit
o
international ». 2  La liste ainsi déterminée n'a pas de prétention à l'exhaustivité,
comme en témoigne la présence de l'adverbe « notamment ». Toutefois,
l'article 87 n'a pas repris la formule inscrite à l'article 2 de la Convention sur la
haute mer, qui visait dans son alinéa 2 « les autres libertés reconnues par les
o
principes généraux du droit international ». 3  La liste des libertés que comporte
l'article 82 est plus longue que celle contenue dans la Convention de 1958
(navigation, pêche, pose de câbles et pipelines, survol). L'ordre d'énonciation
n'est pas non plus le même : c'est ainsi que la liberté de la pêche qui figurait en
deuxième position en 1958 est « rétrogradée » désormais en cinquième position
et grevée dans son exercice de lourdes réserves. La situation qui lui est ainsi faite
n'est formelle qu'en apparence ; en réalité, elle traduit assez fidèlement l'érosion
progressive subie par cette liberté (V.  Pêche [Internat.] ), alors que la liberté de
o
navigation a été pleinement préservée. 4  Dans les instruments conventionnels
de 1958 et de 1982 figure une disposition qui, bien que rédigée en termes
différents, doit beaucoup à MONTESQUIEU. Elle rappelle, en effet, que les libertés
reconnues doivent être exercées « en tenant dûment compte de l'intérêt que
présente l'exercice de la liberté de la haute mer pour les autres États »
(Convention de 1982, art. 87, § 2 ; « with due regard » dans le texte anglais ;
« en tentant raisonnablement compte » selon la rédaction de l'al. 2 de l'art. 2 de
la Convention sur la haute mer).
Art. 2 - Liberté de plus en plus étroitement encadrée

er
§ 1 - Réglementation classique

A - Loi du pavillon

164. Le principe de liberté de la haute mer s'est toujours accompagné, depuis


son émergence, de la soumission de cet espace au droit. La brillante thèse de la
juridicité de la haute mer exposée par GIDEL (op. cit., t. I, p. 225 et s.) rend
parfaitement compte de cette situation. La loi du pavillon est l'expression de cette
combinaison. Elle implique que tout navire est assujetti en haute mer au seul État
er
dont il bat le pavillon. L'article 92, § 1 , de la Convention de 1982 précise, en
effet, que « les navires naviguent sous le pavillon d'un seul État et sont soumis
[…] à sa juridiction exclusive en haute mer ». Le navire arborant le pavillon de
plusieurs États « peut être assimilé à un navire sans nationalité » (art. 92, § 2).

165. La nationalité est, dans ces conditions, un élément essentiel d'identification


er
du navire. En vertu de l'article 91, § 1 , il appartient à l'État de fixer les
conditions d'attribution de cette nationalité (V. dans le même sens, l'art. 5 de la
Convention de 1958 sur la haute mer). Appelée à lutter contre la prolifération de
pavillons de complaisance (encore dénommés « de libre immatriculation »), la
même disposition ajoute que doit « exister un lien substantiel entre l'État et le
navire ». Formule aux accents péremptoires, mais sur le contenu de laquelle la
Convention de 1982 n'apporte pas plus d'indications (V. égal. Convention de
er
1958, art. 5, § 1 ). Il importe de noter que la Convention des Nations unies sur
les conditions d'immatriculation des navires (signée à Genève, le 7 févr. 1986),
non encore entrée en vigueur, tend à reconnaître que l'existence d'un lien fait
d'intérêts économiques et nationaux entre l'État et le navire est moins important
que l'exercice de la responsabilité administrative et juridique créée par
l'immatriculation.

166. La Convention de 1982 définit de façon plus complète et systématique que


ne le faisait celle de 1958 (art. 10) les obligations auxquelles est tenu l'État du
pavillon. Ayant fixé les domaines dans lesquels s'exerce « sa juridiction et son
contrôle » (domaines administratif, technique et social), l'article 94 exige la tenue
d'un registre maritime, l'exercice de la juridiction sur tous navires, leur
commandement et leur équipage ; dans un but de sécurité, il lui impose
également de prendre les mesures nécessaires concernant la construction,
l'équipement et la navigabilité du navire, la composition et la formation des
équipages, l'emploi de signaux et la prévention des abordages, etc.
B - Exercice de pouvoirs de police

1° - Au titre d'intérêts nationaux

a. - La poursuite (hot pursuit)

o
167. Donnant lieu à la base de discussion n  26 élaborée en vue de la Conférence
de La Haye de 1930, la poursuite a fait l'objet de prescriptions de la Convention
sur la haute mer (art. 23), reprises et adaptées à la nouvelle répartition des
espaces maritimes par la Convention de 1982. Elle s'analyse en un droit reconnu
à l'État côtier de poursuivre en haute mer des navires ou aéronefs militaires ou
affectés à un service public, un navire étranger dont on a de sérieuses raisons de
penser « qu'il a contrevenu aux lois et règlements » applicables aux zones sous
souveraineté ou sous juridiction de cet État.

168. Sans entrer dans le détail d'une réglementation longuement (et parfois


confusément) exposée par l'article 111 de la Convention de 1982, on se doit,
cependant, d'indiquer que la poursuite doit être entamée quand « le navire
étranger ou l'une de ses embarcations se trouve dans les eaux intérieures, dans
les eaux archipélagiques, dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë de
l'État poursuivant ». Elle ne peut se prolonger au-delà que si elle n'a pas été
er
interrompue (§ 1 ). Enfin, elle doit cesser « dès que le navire poursuivi entre
dans la mer territoriale de l'État dont il relève ou d'un autre État » (§ 3).

b. - Droit d'intervention en haute mer visant à lutter contre la pollution

169. À la suite de l'échouement du pétrolier Torrey Canyon, le 18 mars 1967, sur


les côtes britanniques, la Convention internationale sur l'intervention en haute
mer en cas d'accidents entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les
hydrocarbures fut signée à Bruxelles le 29 novembre 1969 (JO 3 juill. 1975). Son
texte consacrait le droit d'intervention de l'État côtier en haute mer à la suite
d'une marée noire afin d'y prendre « les mesures nécessaires pour prévenir,
atténuer ou éliminer les dangers graves et imminents » pour ses côtes d'une
er
pollution (ou d'une menace) par les hydrocarbures (art. 1 ). La Convention était
à l'époque de son adoption d'autant plus novatrice qu'elle laissait à l'État le soin
de prendre les mesures qui lui paraissaient dictées par les circonstances, dans le
respect – bien sûr – d'une règle de proportionnalité entre celles-ci et les
dommages subis ou à craindre.

170. Depuis lors, deux autres textes ont élargi le champ d'application de ce droit.
D'une part, en effet, le Protocole du 2 novembre 1973 l'étend aux substances
polluantes autres que les hydrocarbures. D'autre part, la Convention de 1982
procède à sa réaffirmation, en lui attribuant valeur de règle conventionnelle, mais
aussi coutumière (« droit qu'ont les États en vertu du droit international tant
er
coutumier que conventionnel » : art. 221, § 1 ), cette dernière qualité
– douteuse – étant, malgré tout, ainsi affichée afin de rendre la règle applicable
erga omnes.

2° - Des missions de service commun

171. Des règles traduisant une coopération, voire même un certain degré de


solidarité, entre les États, en vue de prévenir et de réprimer certains agissements
en mer sont – pour certaines d'entre elles – depuis longtemps mises en œuvre.
Ainsi en est-il de la piraterie (une étude de l'OMI a recensé, pour 1995, 132 actes
de piraterie : 68 en mer de Chine, 20 au large de l'Amérique du Sud, 15 dans
l'océan Indien, 12 dans le détroit de Malacca, 11 aux abords des côtes de
l'Afrique de l'Est, 4 en Afrique de l'Ouest et 2 en Méditerranée, Cf. IMO document,
MSC 66/16, Add. 1) pour laquelle une réglementation minutieuse existe de
longue date (Convention de 1958, art. 14 à 21), reprise par la Convention de
1982 (art. 100 à 107). De même en est-il pour le transport d'esclaves (Acte de
Bruxelles de 1890 ; Convention de 1958, art. 13 ; Convention de 1982, art. 99)
ou, plus récemment, le trafic d'êtres humains par l'introduction clandestine
d'étrangers (Cf. A. DE RAULIN, Passagers clandestins et pavillons de
o
complaisance, Espaces et ressources maritimes 1993, n  7, p. 217).

172. Il convient de faire également référence à la lutte actuellement développée


contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes, pour
er
laquelle l'article 108, § 1 , de la Convention de 1982 fait, à tous les États,
obligation de coopérer, mais reconnaît, en matière répressive, la compétence de
principe de l'État du pavillon. La Convention des Nations unies contre le trafic
illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (signée à Vienne le 20 déc.
1988, JO 14 mars 1991 ; Cf. F. ROUCHEREAU, Annuaire fr. dr. int. 1988. 601) va
plus loin en ouvrant la possibilité d'intervention à un État autre que celui du
pavillon s'il « a des motifs raisonnables de soupçonner qu'un navire exerçant la
liberté de navigation conformément au droit international et battant le pavillon ou
portant une immatriculation d'une autre Partie se livre au trafic illicite » (art. 17,
§ 3). Se met en place un programme d'entraînement et d'assistance technique
visant à permettre une saine application de cette disposition.

173. Les navires de guerre, aéronefs militaires et navires autorisés à cet effet


sont en droit de procéder, en temps de paix, à la reconnaissance des navires
étrangers en haute mer. Cette reconnaissance (ou droit d'approche) consiste à
s'assurer de l'identité et de la nationalité du navire en l'invitant à hisser son
pavillon. La loi française du 15 juillet 1994 sur l'exercice par l'État de ses pouvoirs
o
de contrôle en mer (L. n  94-589, 15 juill. 1994, D. 1994. 375  ) dispose en son
article 3 que « le commandant ou le commandant de bord peut procéder à la
reconnaissance du navire, en invitant son capitaine à en faire connaître l'identité
et la nationalité ».
§ 2 - Une volonté plus récente de conservation et de gestion rationnelles
des ressources biologiques de la haute mer

174. Seul un développement concis sera consacré à cette question, laquelle


traduit, au demeurant, des préoccupations très actuelles. Il est renvoyé pour une
étude appropriée au mot pêche (V.  Pêche [Internat.] ). Pendant de longs siècles,
la croyance dans le caractère inépuisable des ressources biologiques de la mer
rendait tout souci de conservation et de gestion superflu. Les réalités
contemporaines ont incité à entamer une réflexion. La Convention de 1958 sur la
pêche et la conservation des ressources biologiques de la haute mer constitue
une étape de celle-ci. Celle de 1982, dans sa partie VII (« Haute mer ») contient
une section 2 intitulée : « Conservation et gestion des ressources biologiques de
la haute mer ». En vertu des dispositions de celle-ci, les États sont tenus
d'adopter les mesures internes applicables à leurs nationaux et de coopérer avec
d'autres États à ces fins (art. 117 à 120).

175. En outre, il importe de souligner l'existence d'un mouvement puissant


animé par la volonté de définir, de façon restrictive, la liberté de la pêche en
haute mer. L'article 116 de la Convention de 1982 (« Droit dépêche en haute
mer ») en témoigne éloquemment : « Tous les États ont droit à ce que leurs
ressortissants pèchent en haute mer, sous réserve : a) de leurs obligations
conventionnelles ; b) des droits et obligations ainsi que des intérêts des États
côtiers tels qu'ils sont prévus entre autres, à l'article 63, paragraphe 2, et aux
articles 64 à 67 ; et c) de la présente section ». Précisément, le traitement fait
par la Convention aux stocks chevauchants (c'est-à-dire à cheval sur la zone
économique exclusive d'un État et sur une partie de la haute mer adjacente)
(art. 63, § 2) et aux grands migrateurs (art. 64) a paru insuffisant, si bien qu'un
Accord des Nations unies du 4 décembre 1995, supposé être conclu « aux fins de
l'application » des dispositions pertinentes de la Convention de 1982, met en
place un dispositif sévère, malaisément conciliable avec le principe de liberté. De
son côté, la Conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et
e
l'agriculture (FAO) a adopté, à sa 28  session (31 oct. 1995), un « Code de
conduite pour une pêche responsable » qui vient s'ajouter à un Accord approuvé
par la Conférence de la FAO, le 24 novembre 1993, « visant à favoriser le respect
par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de
conservation et de gestion ».

Section 5 - Zone internationale des fonds marins

176. La Zone internationale des fonds marins (désignée par l'appellation : la


Zone), qui constitue avec les richesses qu'elle contient le patrimoine commun de
l'humanité (Convention de 1982, art. 136 : « La Zone et ses ressources sont le
patrimoine commun de l'humanité ») est, avec la zone économique exclusive, une
e
création, à certains égards révolutionnaire, de la 3  Conférence et de la
Convention de 1982, et c'est sans doute dans ce domaine qu'il a été fait preuve
du plus authentique esprit d'invention. À la différence de la zone économique
exclusive, cependant, elle a connu une histoire tourmentée. Là encore, les
développements seront brefs sur un sujet qui commanderait une étude qui lui soit
spécifiquement consacrée.

er
Art. 1 - Zone et patrimoine commun de l'humanité : genèse

er
§ 1 - Déclaration Pardo

177. Par note verbale du 17 août 1967, A. PARDO, représentant de Malte à


e
l'ONU, demandait l'inscription à l'ordre du jour de la 22  session de l'Assemblée
générale du point suivant : « Déclaration et traité relatifs à l'utilisation exclusive à
des fins pacifiques des fonds marins et océaniques au-delà des limites de
juridiction nationale actuelles et à l'exploitation de leurs ressources dans l'intérêt
o
de l'humanité » (Doc. off. ONU A/6695) (V. supra, n  33). On sait que c'est le
er
discours qu'il prononça le 1  novembre 1967 qui marqua le départ du
mouvement de transformation d'ensemble du droit de la mer. Pourtant, la
préoccupation initiale qui animait A. PARDO tenait à une question bien précise : la
nécessité de déterminer un régime des fonds marins et de créer un mécanisme
favorisant l'exploration et l'exploitation de richesses en nodules qui s'y trouvaient.
Un vide juridique existait sur ce point qu'il importait de combler face au
grignotage des fonds marins, que le critère d'exploitabilité retenu par la
Convention de 1958 sur le plateau continental pour définir celui-ci (V.  Plateau
continental [Internat.] ) risquait de faciliter.

§ 2 - Déclaration des principes régissant le fond des mers et des océans
(17 déc. 1970)

178. Cette Déclaration adoptée par l'Assemblée générale le 17 décembre 1970


(Résolution 2749 [XXV]) par 108 voix (14 abstentions, mais pas de vote négatif),
même si elle n'a pas valeur juridique obligatoire, représente une étape
importante dans la mesure où l'on entendait fixer solennellement dans son texte
les principes devant gouverner les fonds marins : affectation à des fins
exclusivement pacifiques (principe répété à différentes reprises), nécessité d'un
régime autre que celui de la haute mer (« le régime juridique existant pour la
haute mer ne prévoit pas de règles fondamentales permettant de réglementer
l'exploration de la Zone […] et l'exploitation de ses ressources »), surtout,
affirmation du caractère non appropriable de la Zone, puisque « le fond des mers
et des océans, ainsi que leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction
nationale […] et les ressources de la Zone » (point 1 du dispositif).

e
§ 3 - 3  Conférence

re
179. Confiées à la 1  Commission, les questions afférentes à la Zone ont été,
e
pendant les travaux de la 3  Conférence, au cœur de l'affrontement le plus
intense entre le tiers-monde et les pays industrialisés, respectivement partisans
de la mise en place de mécanismes inspirés de philosophies et chargés de tâches
fort différentes. Le compromis finalement, et non sans peine, trouvé (Cf.
R. JEANNEL, Les grands compromis de la Conférence, dans Perspectives du droit
e
de la mer à l'issue de la 3  Conférence des Nations unies, 1984, Pedone, p. 69),
ne reçut pas l'agrément de l'administration Reagan, si bien que les États-Unis ne
signèrent pas la Convention de 1982. Dans le texte conventionnel, la Zone fait
l'objet de la longue et complexe partie XI (art. 133 à 191 ; V. égal, ann. III et IV
ainsi que les Résolutions I et II). Parallèlement, en application de la Résolution I,
était créée une « Commission préparatoire de l'Autorité internationale des fonds
marins et du Tribunal international du droit de la mer », dont la dénomination
résume bien les missions qui lui étaient confiées.

§ 4 - Évolution postérieure et Accord du 28 juillet 1994

180. La Commission préparatoire a tenu 12 sessions entre 1983 et 1994 (Cf.


J. P. LEVY, La douzième et ultime session de la Commission préparatoire de
l'Autorité internationale des fonds marins et du Tribunal international du droit de
o
la mer, ERM, n  8, 1994, p. 6). Elle a accompli un important et précieux travail.
Pendant longtemps, néanmoins, les tensions entre pays en développement et
pays industrialisés n'ont pas faibli. Au contraire, l'édiction de législations
nationales sur les fonds marins par certains États (en ce sens le « Deep Seabed
Hard Mineral Resources Act » des États-Unis du 28 juin 1980, Public Law 96-283,
Stat. 553 ; V. B. H. OXMAN, La législation américaine sur les ressources
minérales solides des fonds océaniques, Annuaire fr. dr. int. 1980. 700 ; en ce qui
o
concerne la France, V. L. n  81-1135, 23 déc. 1981, D. 1982. 11 ; Cf.
G. DE LACHARRIERE, La loi française sur l'exploration et l'exploitation des
ressources minérales des grands fonds marins. Annuaire fr. dr. int. 1981. 665) a
exacerbé la méfiance du tiers-monde. Malgré tout, le principe d'un
réaménagement de la partie XI fut admis afin de favoriser « une participation
universelle à la Convention » (en ce sens, Résolution 47/65, 11 déc. 1992) et de
tenir compte d'une évolution économique depuis 1982 qui commandait une
approche plus orientée vers l'économie de marché. Était posé le principe que les
négociations engagées devaient aboutir avant l'entrée en vigueur de la
Convention le 16 novembre 1994.

181. Un Accord relatif à l'application de la partie XI fut finalement adopté


(28 juill. 1994) par l'Assemblée générale et incorporé dans une résolution
(Résolution 48/263). Emprunt ayant été fait de voies originales, il s'appliquait à
titre provisoire à compter du 16 novembre 1994 (art. 7) jusqu'à son entrée en
vigueur (selon les conditions fixées par l'art. 6). Celle-ci est intervenue le
26 juillet 1996. Au 31 août 1996 (Cf. rapp. secrétaire général sur le droit de la
mer A/51/645, § 19), 67 États avaient consenti à être liés par l'Accord. Les
dispositions de celui-ci et celles de la partie XI « doivent être interprétées et
appliquées ensemble comme un seul et même instrument » (Accord, art. 2) (pour
plus de précisions sur cet Accord, V. A. DE MARFFY, L'Accord relatif à l'application
o
de la Convention, ERM, n  8, 1994, p. 37 ; J.-P. QUÉNEUDEC, Le « nouveau »
droit de la mer est arrivé !, RGDI publ. 1994. 865).

Art. 2 - Principes de base régissant l'exploration et l'exploitation de la


Zone

er
§ 1 - Principes généraux

182. L'exploration et l'exploitation de la Zone des fonds marins sont gouvernées


par quelques principes généraux ou de caractère plus technique, qui confèrent à
l'expérience entreprise des traits particulièrement novateurs en droit
international. Au nombre des plus généraux, il convient de rappeler, au premier
chef, celui de l'affectation au patrimoine commun de l'humanité de la Zone et de
o
ses richesses (V. supra, n  175). On ne peut mieux souligner l'importance
exceptionnelle qui s'attache à ce principe qu'en faisant référence à l'article 311,
§ 6 (figurant dans la partie XVII de la Convention de 1982 : « Dispositions
finales »). Les Parties y conviennent qu'aucune modification ne peut être
apportée au principe « fondamental concernant le patrimoine commun de
l'humanité » et qu'elles ne « seront parties à aucun accord dérogeant à ce
principe ». Si les activités déployées dans la Zone sont menées dans l'intérêt de
l'humanité tout entière, compte doit être, toutefois, dûment tenu des « intérêts et
er
besoins des États en développement » (art. 140, § 1  ; V. égal. art. 148).
§ 2 - Principes de portée technique

A - Investisseur pionnier

183. La Résolution II « sur les investissements préparatoires dans des activités


préliminaires relatives aux nodules polymétalliques » ménage au sein du système
une place de choix aux investisseurs pionniers. Ceux-ci sont désignés par la
o
Résolution : 1  certains États (France, Inde, Japon, URSS), entreprises d'États ou
toute personne physique ou morale possédant la nationalité de ces États ou
contrôlées par eux, ayant investi au moins 30 millions de dollars dans des
« activités préliminaires » à l'exploration et l'exploitation proprement dite de la
o
Zone (recherches, études, travaux d'ingénierie, etc.) ; 2  certaines entités
(consortiums) ayant la nationalité des États suivants ou contrôlées par eux :
Belgique, Canada, États-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni ;
o
3  certains États en développement. Ces investisseurs pionniers, dont la demande
d'enregistrement a été approuvée par la Commission préparatoire, bénéficient
d'un droit exclusif de conduire certaines activités dans le secteur qui leur a été
attribué.

B - Système parallèle

184. Ce système a pour but d'ouvrir la Zone aux activités en parallèle des États
ou des entreprises soumises à leur droit et à l'Autorité internationale intervenant
par le biais de l'Entreprise (Convention de 1982, art. 170 ; V. égal. Appendice à
l'Accord du 28 juill. 1994, section 2). Aussi la demande présentée par État,
entreprise ou consortium visant à obtenir un contrat d'exploration ou
d'exploitation doit-elle viser un secteur des fonds marins d'une dimension et
d'une valeur commerciale telles qu'il permette la conduite de deux opérations
différentes : celle de l'État, du consortium ou de l'entreprise, celle relevant du
mécanisme international. Si la lettre des textes confie à l'Autorité le soin de faire
son choix entre les deux sous-secteurs, la pratique révèle que c'est le demandeur
qui, en réalité, effectue ce choix. Il convient de remarquer que l'Autorité doit
cependant veiller, lors de l'approbation des plans de travail, à ce qu'un État (ou
les entités qu'il patronne) ne parvienne, en éliminant ses partenaires, à établir
une situation de monopole dans la Zone internationale (clause antimonopole ;
Convention de 1982, ann. III, art. 6, § 4).

Art. 3 - Institutions
185. L'une des principales préoccupations qui ont inspiré l'Accord de 1994 a été
d'alléger la lourde machinerie initialement prévue par la partie XI de la
Convention de 1982. Il faut, en outre, noter les liens étroits existant entre
l'Autorité internationale – structure spécifique à la Zone – et le Tribunal
international du droit de la mer (la Résolution I accompagnant la Convention de
1982 vise – rappelons-le – à créer la Commission préparatoire de l'Autorité
internationale des fonds marins et du Tribunal international du droit de la mer),
mais aussi entre l'Autorité et la Commission des limites du plateau continental
chargée de veiller à l'établissement des limites du plateau, lorsque celui-ci s'étend
au-delà des 200 milles marins et restreint, de ce fait, l'assiette « territoriale » de
la Zone (sur cette Commission, V.  Plateau continental [Internat.] ).

er
§ 1 - Autorité internationale des fonds marins

186. L'Autorité fait l'objet des articles 156 à 186 de la partie XI. Elle a son siège
à Kingston, à la Jamaïque (art. 156, § 4). Elle a pour fonction d'organiser et de
conduire les activités d'exploration et d'exploitation des ressources minérales de
er
la Zone (art. 157, § 1 ). Ses membres sont les États parties à la Convention de
1982 ainsi que ceux qui ont accepté l'Accord de 1994. Son budget, imputé pour la
première année, qui suit l'entrée en vigueur de l'Accord de 1994, sur le budget
des Nations unies, est ensuite financé par les contributions versées par les États
membres. L'Autorité comprend les organes principaux suivants : Assemblée,
Conseil, secrétariat ainsi que l'Entreprise (art. 158).

ACTUALISATION
o
186 s. Adhésion au protocole. - La loi n  2011-1709 du 2 décembre 2011
autorise l'adhésion au protocole sur les privilèges et immunités de l'Autorité
internationale des fonds marins, adopté le 27 mars 1998 à Kingston
o
(L. n  2011-1709 du 2 déc. 2011, JO 3 déc.).

o
Publication. Le décret n  2012-996 du 24 août 2012 porte publication du
protocole sur les privilèges et immunités de l'Autorité internationale des fonds
marins (ensemble une réserve française), adopté à Kingston le 27 mars 1998
o
et entré en vigueur à l'égard de la France le 22 février 2012 (Décr. n  2012-
996 du 24 août 2012, JO 26 août).

A - Assemblée
187. Regroupant tous les membres de l'Autorité (Convention de 1982, art. 159,
er
§ 1 ), elle a tenu officiellement sa première session en trois parties : du 16 au
18 novembre 1994, du 27 février au 17 mars 1995 et du 7 au 18 août 1995 ; elle
o
a élu son secrétaire général (V. infra, n  189). Organe suprême de l'Autorité, elle
en détermine la politique générale. De façon plus précise, elle voit ses fonctions
énoncées en quatorze points différents par le paragraphe 2 de l'article 160.
Comme les autres organes de l'Autorité, elle doit s'efforcer de prendre ses
décisions par consensus (Appendice à l'Accord de 1994, section 3). À défaut,
lesdites décisions sont arrêtées sur des questions de procédure à la majorité des
membres présents et votants, sur celles de fond à la majorité des deux tiers des
membres présents et votants.

B - Conseil

188. Minutieusement organisé dans son existence et son fonctionnement par les


articles 161 à 165 de la Convention de 1982, le Conseil a été installé à la suite de
l'élection de ses 36 membres par l'Assemblée (au cours de la deuxième session
tenue par celle-ci). Il répond à une structure complexe, qui tient compte à la fois
d'une division en quatre groupes d'intérêts différents (18 sièges) et du principe
plus classique de répartition géographique équitable selon cinq groupes régionaux
o
(18 sièges). Les quatre groupes d'intérêts sont les suivants : 1  le groupe des
consommateurs-importateurs de minéraux susceptibles d'être extraits de la Zone
o
(4 sièges) ; 2  le groupe des producteurs-exportateurs de mêmes minéraux
o
extraits sur terre (4 sièges) ; 3  les investisseurs dans le domaine des fonds
o
marins (4 sièges) ; 4  les pays en développement représentant des intérêts
spéciaux (6 sièges). Le Conseil, organe exécutif de l'Autorité (V. sur ses
fonctions : Convention de 1982, art. 162), s'efforce – lui aussi – de parvenir à
une décision par voie de consensus. La section 3 de l'Appendice de l'Accord de
1994 consacre à cette question, qui a été fort controversée, son point 5 : « Si
tous les efforts pour aboutir à une décision par consensus ont été épuisés, les
décisions mises aux voix du Conseil sur les questions de procédure sont prises à
la majorité des membres présents et votants, et celles sur les questions de fond,
sauf lorsque la Convention dispose que le Conseil doit décider par consensus, à la
majorité des deux tiers des membres présents et votants, à condition que ces
décisions ne suscitent pas l'opposition de la majorité au sein de l'une quelconque
des chambres mentionnées au paragraphe 9… » (chambre signifie chacun des
groupes mentionnés ci-dessus).

C - Secrétariat et Entreprise
189. Le secrétaire général (Convention de 1982, art. 166 à 169) élu par
o
l'Assemblée (V. supra, n  187) est M. S. N. NANDAN (Fidji). Dès sa prise de
fonctions, il s'est entouré d'un groupe restreint de personnes appelées à travailler
avec lui. Aux termes de l'Accord de 1994, le secrétariat « s'acquitte des fonctions
de l'Entreprise jusqu'à ce que celle-ci commence à fonctionner indépendamment
du Secrétariat » (section 2, point 1). En effet, l'Entreprise – bras séculier de
l'Autorité pour les activités à mener dans la Zone (Convention de 1982,
art. 170) – n'a pas paru devoir être créée tant que des activités d'exploration et
d'exploitation de la Zone n'auraient pas lieu. En revanche, le secrétaire général
est appelé à nommer au sein de son personnel un directeur général chargé de
superviser l'exercice de fonctions d'évaluation (évaluation des résultats de la
recherche scientifique dans la Zone, évaluation des données disponibles relatives
aux activités de prospection, des innovations technologiques, etc.). En outre,
lorsque l'Entreprise mènera ses premières opérations d'exploitation, elle devra le
faire dans le cadre d'entreprises conjointes.

190. La mise en place de l'Autorité internationale s'effectue donc par paliers et en


tenant compte de la nécessité de mettre en place une structure plus souple et
légère que celle qui était prévue dans la Convention de 1982, les activités
d'exploitation des ressources de la Zone étant aléatoires et ne devant se dérouler,
en tout état de cause, que dans un futur qui pourrait guère – au mieux – se situer
avant 2010.

§ 2 - Tribunal international du droit de la mer

191. Le Tribunal international du droit de la mer est une pièce maîtresse du


système de règlement pacifique des différends qu'organisent avec beaucoup de
soin la partie XV de la Convention de 1982 et son annexe VI (« Statut du Tribunal
international du droit de la mer »). Par conséquent, il n'est pas une institution
judiciaire propre à ne régler que les différends en rapport avec la Zone
internationale. Néanmoins, l'existence d'une chambre spécialement conçue en
vue du règlement des différends relatifs aux fonds marins (Convention de 1982,
art. 186 à 191 et ann. III, art. 35 à 40) justifie qu'il en soit fait ici mention.

ACTUALISATION
191 s. Adhésion à l'accord sur les privilèges et immunités du Tribunal
o
international du droit de la mer. - La loi n  2011-300 du 22 mars 2011
autorisant l'adhésion à l'accord sur les privilèges et immunités du Tribunal
international du droit de la mer, adopté à New York le 23 mai 1997, a été
publiée (JO 23 mars). Les membres du Tribunal bénéficient dans l'ensemble
de leurs fonctions, de privilèges et d'immunités diplomatiques qui sont
reconnus dans la convention des Nations unies sur le droit de la mer (dite
« Convention de Montego Bay »), mais qui sont précisées dans cet accord qui
s'inspire des autres accords de ce type applicables à d'autres organisations
os
internationales (V. aussi Environnement [Internat.], Mise à jour, n  56 s., et
os
Justice internationale, Mise à jour, n  18 s.).

o
Publication. Le décret n  2012-950 du 2 août 2012 porte publication de
l'Accord sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de
la mer (ensemble une déclaration française), adopté à New York le 23 mai
1997 et entré en vigueur à l'égard de la France le 11 juin 2011 (Décr.
o
n  2012-950 du 2 août 2012, JO 5 août. – V. Environnement, Mise à jour,
os os
n  56 s. – V. aussi Justice internationale, Mise à jour, n  18 s.).

192. Tout État partie à la Convention peut choisir « par voie de déclaration écrite,
un ou plusieurs des moyens suivants pour le règlement des différends relatifs à
l'interprétation ou à l'application de la Convention : a) le Tribunal international du
droit de la mer constitué conformément à l'annexe VI ; b) la Cour internationale
de Justice ; c) un tribunal arbitral constitué conformément à l'annexe VII ; d) un
tribunal arbitral spécial, constitué conformément à l'annexe VIII… » (art. 287,
er
§ 1 ). Le Tribunal international est donc un organe judiciaire spécialement créé
par les stipulations de la Convention de 1982. Il a son siège à Hambourg. Ses 21
er e
juges ont été élus, le 1  août 1996, au cours de la 5  réunion des États parties.

193. La chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins
– quant à elle – composée « de onze membres choisis par le Tribunal parmi ses
membres élus à la majorité de ceux-ci » (ann. VI, art. 35) pour une durée de
trois ans, voit sa compétence définie par la section 5 de la partie XI. Elle est
amenée à connaître de différends entre États parties, entre États et Autorité,
entre parties publiques ou privées à un contrat, entre Autorité et demandeur
(art. 187). Elle n'est donc pas uniquement appelée à trancher des litiges entre
États, contrairement à la règle qui s'impose à la Cour internationale de justice.
Toutefois, les différends relatifs à l'interprétation ou à l'application d'un contrat
peuvent être soumis à la demande de toute partie à un arbitrage commercial
obligatoire. Cependant, l'organe arbitral saisi ne peut interpréter la Convention de
1982. En pareille hypothèse, en effet, il doit renvoyer le point à la chambre pour
décision (art. 188, § 2). En outre, la chambre est incompétente pour se
prononcer sur l'exercice fait par l'Autorité de ses pouvoirs discrétionnaires
(art. 189). À l'instar, cette fois-ci, de la Cour internationale de justice, elle a
capacité pour donner des avis consultatifs sur des questions juridiques, si la
demande lui en est faite par l'Assemblée ou le Conseil de l'Autorité.

Index alphabétique

■Accès (droit d') 8



eaux intérieures 103 s.

port 103 s.

■Accord de délimitation 50, 125

■Accord de pêche 54

■Accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et des


grands migrateurs (4 déc. 1995) 54, 93, 106, 175

■Acte unilatéral 74 s.

■Activités militaires 17, 160

■Archipel 45
V. Archipel côtier, Eaux archipélagiques. État archipel

■Archipel côtier 45, 129

■Autorité internationale des fonds marins 180 s., 186 s.



Assemblée 187

Conseil 188

Entreprise 184, 189 s.

Secrétariat 189

■Baie 100, 126 s.



définition 127

historique 126

■Câble sous-marin 162, 120

■Charte des Nations unies (26 juin 1945) 160

■CIJ
V. Cour internationale de justice (CIJ)

■Circonstances pertinentes (théorie) 60

■Code de conduite pour une pêche responsable 175


■Codification 77 s.

■Comité des fonds marins 33, 84

■Comité des utilisations pacifiques du fond des mers et des océans au-delà des
limites de juridiction nationale
V. Comité des fonds marins

■Commission océanographique intergouvernementale 59

■Commission préparatoire de l'Autorité internationale des fonds marins et du


Tribunal international du droit de la mer 180

■Conservation des ressources 7, 16, 174 s.

■Convention de Bruxelles sur l'intervention en haute mer en cas d'accidents


entraînant ou pouvant entraîner une pollution par les hydrocarbures (29 nov.
1969) 169

■Convention de Bruxelles pour l'unification de certaines règles relatives à la


compétence pénale en matière d'abordage et d'autres événements de
navigation (10 mai 1952) 124

■Convention de Bruxelles pour l'unification de certaines règles sur la saisie


conservatoire des navires de mer (10 mai 1952) 123

■Convention de Genève sur la haute mer (29 avr. 1958) 18

■Convention de Genève sur la mer territoriale et la zone contiguë (29 avr.


1958) 41

■Convention de Genève sur la pêche et la conservation des ressources


biologiques de la haute mer (29 avr. 1958) 31

■Convention de Genève sur le plateau continental (29 avr. 1958) 18

■Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer


er
(SOLAS) (1  nov. 1974) 104

■Convention de Montego Bay sur le droit de la mer (10 déc. 1982) 2

■Convention des Nations unies sur les conditions d'immatriculation des navires
(7 févr. 1986) 165

■Convention pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) (2 nov.


1973) 104

■Convention de Vienne contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances


psychotropes (20 déc. 1988) 172
■Coopération internationale

conservation 7

exploitation 7

exploration 7

gestion 7

passager clandestin 171

piraterie 171

préservation du milieu marin 7

protection du milieu marin 7

recherche scientifique 7

trafic de stupéfiants et de substances psychotropes 172

transport d'esclaves 171

■Cour internationale de justice (CIJ) 19

■Coutume 64 s.

■Déclaration de Lima (8 août 1970) 30

■Déclaration de Montevideo (8 mai 1970) 30

■Déclaration Pardo (17 déc. 1970) 33, 83, 177 s.

■Déclaration de Santiago (18 août 1952) 30

■Définition 3 s.

■Délimitation 71
V. Accord de délimitation, Frontière maritime

■Détroit 149 s.

conventionné 153

définition 150

navigation, liberté 157

passage inoffensif des navires 156

passage en transit 154 s.

survol, liberté 157

■Deuxième conférence des Nations unies sur le droit de la mer (17 mars-26 avr.


1960) 31, 80 s., 115

■Développement durable 16

■Doctrine 70

■Droit d'approche 169 s.

■Droit d'intervention 169 s.

■Droit de passage des navires


V. Passage inoffensif des navires

■Eaux archipélagiques 36, 45 s., 91, 129 s.



droit de passage archipélagique 132 s.

route aérienne 133

séparation du trafic 133

voie de circulation 133

■Eaux historiques 100

■Eaux intérieures 36, 44, 98 s.



accès 103 s.

baie 128

État côtier, souveraineté 102

notion 98 s.

passage inoffensif des navires 36, 44, 102

séjour 106

■Esclave

transport d' 171

■Espèce migratoire 53 s.


V. Accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et
des grands migrateurs (4 déc. 1995)

■État archipel 45, 60, 129 s.

■État côtier 8, 161

■État en développement 60, 182

■État enclavé
V. État sans littoral

■État sans littoral 8, 161

■État de transit 8

■Expérimentation nucléaire 17

■Exploitation 7

Zone internationale des fonds marins
V. ce mot

■Exploration 7

Zone internationale des fonds marins
V. ce mot

■Fonds marins 49

utilisation pacifique 83 s.
V. Zone internationale des fonds marins

■Frontière maritime

délimitation 50

■Gestion 7

■Gestion rationnelle 16, 174 s.

■Glace
V. Zone recouverte par les glaces

■Haute mer 48 s., 158 s.



activités militaires 160

câble sous-marin 162

définition 158

droit d'intervention 169 s.

liberté 159 s.

loi du pavillon
V. ce mot

navire étranger, reconnaissance ou droit d'approche 173

passager clandestin 171

pêche 162, 175

piraterie 171

pollution 169 s.

poursuite 167 s.

pouvoirs de police 167 s.

ressources biologiques, conservation et gestion rationnelle 174 s.

survol 162

trafic de stupéfiants et de substances psychotropes 172

transport d'esclaves 171

■Historique 10 s., 21 s., 55 s., 136 s.

■Hydrocarbures 169 s.

■Ile 39, 60

artificielle, haute mer 162

■Infraction
V. Police

■Intérêt de l'humanité 83, 177

■Jurisprudence 70 s.

■Liberté des mers (principe) 11 s., 22 s., 159 s.

■Ligne archipélagique 9, 45

■Ligne de base 40 s., 71, 110 s.



archipel 45

droite 41 s., 101, 112 s.

normale 41

■Loi du pavillon 164 s.

■Mémorandum d'entente sur le contrôle des navires par l'État du port (26 janv.
1982) 106

■Mer fermée ou semi-fermée 7, 60

■Mer présencielle 53

■Mer territoriale 107 s.



arrestation 124

délimitation 125

eaux archipélagiques 129 s.

État côtier

juridiction civile 123

juridiction pénale 124

réglementation 120 s.

étendue 91, 115 s.

extension 30, 34, 37 s.

instruction, acte d' 124

ligne de base 110 s.

mesure conservatoire 123

mesure d'exécution 123

navigation 120 s.

passage inoffensif des navires 117 s.

■Migrateur
V. Espèce migratoire

■Nationalité

navire 164 s.

■Navigation 10 s.

câbles 120

haute mer 162

levé hydrographique 120

mer territoriale 120 s.

pipelines 120

recherche scientifique 120

réglementation de l'État côtier 120 s.

non-discrimination 121

ressources biologiques, conservation 120

sécurité 120 s., 133

séparation du trafic 120, 133

trafic, régulation 120

véhicule submersible 120 s.

■Navire

droit d'approche 173

eaux archipélagiques 132 s.

eaux intérieures, accès 103 s.

État du pavillon, obligations 166
V. Loi du pavillon

de guerre 105

nationalité 164 s.

à propulsion nucléaire 120

reconnaissance 173

registre maritime 166

saisie 123

transport dangereux 120
V. Navigation, Passage inoffensif des navires

■Normes généralement acceptées 72 s.

■Nucléaire

expérimentation 17

navire à propulsion nucléaire 120

■Océan 4 s., 53

■OMI
V. Organisation maritime internationale (OMI)

■OPANO
V. Organisation des pêcheries de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO)

■Ordre public 124

■Organisation hydrographique internationale 59

■Organisation maritime internationale (OMI) 59, 171

■Organisation des pêcheries de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO) 53

■Passage inoffensif des navires 36, 44



détroit 156

eaux archipélagiques 132 s.

eaux intérieures 36, 44, 102

mer territoriale 117 s.

navire de guerre étranger 52, 122

restrictions 52, 133

■Passage en transit 154 s.

■Passager clandestin 171

■Patrimoine commun de l'humanité 49, 66, 91

■Pavillon 164

de complaisance 165

État du, obligations 166

navire, nationalité 164 s.
V. Loi du pavillon

■Pêche 10 s.

haute mer 162, 175

régime de la 91

■Pipeline sous-marin

haute mer 120, 162

■Piraterie 171

■Plateau continental 29, 34, 148 (renvoi)



exploitation 60, 83 s.

■Police 124, 142 s., 167 s.

■Pollution

droit d'intervention 169 s.

protection contre 18

■Port 99

accès 103 s.

■Pratiques généralement acceptées 72 s.

■Précaution 16

■Première conférence des Nations unies sur le droit de la mer (24 févr.-29 avr.


1958) 31, 80 s., 115, 162

■Préservation du milieu marin 7

■Procédures généralement acceptées 72 s.

■Proclamation Truman

Politique des États-Unis concernant les ressources naturelles du sol et du sous-sol du
plateau continental (28 sept. 1948) 29, 75

■Protection du milieu marin 7, 18

■Recherche archéologique 91

■Recherche scientifique 7, 18

haute mer 162

mer territoriale 120

■Reconnaissance

navire étranger 173

■Registre maritime 166

■Règles généralement acceptées 72 s.

■Règlement des différends 19, 191 s.

■Route aérienne 133

■Saisie 123

■Sécurité 106
■Séjour (droit de)

eaux intérieures 106

■Séparation du trafic 133

■Sol 29

■Sous-marin 120

■Sous-sol 29

■Souveraineté
V. Zone de souveraineté

■Souveraineté permanente sur les richesses maritimes 16, 66

■Statut de la Cour internationale de justice (CIJ) 70

■Stock chevauchant 53 s.


V. Accord relatif à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants et
des grands migrateurs (4 déc. 1995)

■Stupéfiants

trafic 172

■Substance dangereuse 120

■Substance psychotrope

trafic 172

■Substance radioactive 120

■Survol

haute mer 162

■Territoire océanique 45, 53

■Traité 68 s.

■Transit (liberté de) 8

■Transport dangereux 120


■Transport d'esclaves 171

■Tribunal international du droit de la mer 19, 180, 185, 191 s.



chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins 191, 193

■Troisième conférence des Nations unies sur le droit de la mer (1973-1982) 33,
58, 82 s.

commissions 86

consensus 89

détroit 151

groupes de négociation 86

haute mer 158

mer territoriale 116, 122

méthode du paquet 88

zone contiguë 138

zone internationale des fonds marins 179

■Véhicule submersible 120

■Voie de circulation 133

■Zones 97 s.

■Zone contiguë 34, 38, 136 s.



délimitation 141

État côtier, compétences 142 s.

■Zone économique exclusive 34, 38, 91 (renvoi)



coutume 67

création 91

extension 53

■Zone fonctionnelle 37
V. Zone de juridiction

■Zone internationale des fonds marins 91, 176 s.



Autorité internationale des fonds marins 180 s., 186 s.
V. ce mot

exploration et exploitation 83 s., 182 s.

intérêt de l'humanité 83, 177

investisseur pionnier 183

système parallèle 184

Tribunal international du droit de la mer 185

■Zone de juridiction 35, 37 s., 135 s.

■Zone recouverte par les glaces 9, 60

■Zone de souveraineté 35 s., 97 s.


Actualisation

Bibliographie. - BONASSIES, Brèves observations sur le développement de


l'arbitrage en droit français, DMF 2004. 211. – CACHARD, Les mesures
conservatoires dans l'arbitrage maritime, DMF 2004. 220. – LÉVY La première
décennie de l'autorité internationale des fonds marins, RGDIP 2005. 101 ; De
quelques « modifications » et « interprétations » de la convention sur le droit de
la mer, RGDIP 2007. 407. – MAHINGA, La compétence de l'État du port en droit
international public JDI 2005. 1093. – SAVADOGO, La convention sur la
protection du patrimoine culturel subaquatique (2 nov. 2001), RGDIP. 2003. 31. –
La Mer et son droit. Mélanges offerts à L. Lucchini et J.-P. Queneudec, 2003,
Pedone.
1 s. Adoption du code maritime international des marchandises
o
dangereuses. - Le décret n  2011-165 du 9 février 2011 portant publication de
la résolution MSC.122 (75) relative à l'adoption du code maritime international
des marchandises dangereuses (code IMDG) (ensemble une annexe), adoptée à
Londres le 24 mai 2002, a été publié. Cette résolution, qui a fait l'objet d'une
publication spéciale le même jour, contient des recommandations détaillées pour
chaque substance, matière et objet, ainsi que des recommandations de bonnes
o
pratiques (Décr. n  2011-165 du 9 févr. 2011, JO 12 févr. – V. aussi Navigation
os
maritime [Internat.], Mise à jour, n  1 s.).
o
55 s. Droit applicable. Pouvoirs de police de mer. - La loi n  2005-371 du
22 avril 2005 (JO 23 avr.) modifie certaines dispositions législatives du code de la
défense relatives aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police
de mer telles que lutte contre le trafic illicite de stupéfiants et substances
psychotropes (art. 5), mesures de contrôle et de coercition (art. 2), préservation
du navire, exercice des pouvoirs de lutte contre l'immigration clandestine
(art. 12), saisies, et définition des compétences des juridictions françaises
o
(art. 12). – Le décret n  2008-522 du 2 juin 2008 refond la partie réglementaire
du code de l'organisation judiciaire (JO 4 juin). Il prévoit également que le code
de la procédure pénale intègre un nouveau titre XXVI relatif à la procédure
applicable en cas de pollution des eaux maritimes par rejets des navires.

Lutte contre la piraterie et à l'exercice des pouvoirs de police de l'État en


o
mer. La loi n  2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à
l'exercice des pouvoirs de police de l'État en mer a été publiée (JO 6 janv.). Elle
élargit les compétences juridictionnelles et prévoit des garanties pour les
personnes suspectées d'acte de piraterie (V. aussi Compétence pénale
o
[Internat.], Mise à jour, n  54).
o
Habilitation spéciale de recherche. Le décret n  2011-1213 du 29 septembre
o
2011, pris pour l'application de l'article 4 de la loi n  94-589 du 15 juillet 1994
relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l'exercice par l'État de
ses pouvoirs de police en mer, prévoit qu'une habilitation spéciale est nécessaire
aux commandants de bâtiments de l'État, aux officiers de la marine nationale
embarqués à bord de ces bâtiments et aux commandants des aéronefs de l'État
chargés de la surveillance en mer, pour rechercher et constater les infractions
commises en matière de piraterie en mer. Elle est délivrée par le préfet maritime
ou, pour l'outre-mer, par le délégué du gouvernement pour l'action de l'État en
mer dans le ressort duquel est situé la résidence administrative de la personne
o er
concernée (Décr. n  2011-1213 du 29 sept. 2011, JO 1  oct. – V. Compétence
o
pénale [Internat.], Mise à jour, n  54).

59. Publication du protocole visant à modifier la convention relative à


l'Organisation hydrographique internationale. - Le décret du 25 janvier
2017 porte publication du protocole visant à modifier la convention du 3 mai 1967
relative à l'Organisation hydrographique internationale, adopté à Monaco le
o
14 avril 2005 (Décr. n  2017-72 du 25 janv. 2017, JO 27 janv.).

104. Accès aux eaux intérieures. Législation. - Plusieurs décrets ont été


publiés : quatre décrets portant publication des amendements à l'annexe de la
Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer,
o o o
citée au Répertoire (Décr. n  98-1130, n  98-1131 et n  98-1133 du 9 déc. 1998,
o o
JO 16 déc. ; et Décr. n  2001-998 du 26 oct. 2001, JO 3 nov.). Le décret n  98-
1132 du 9 décembre 1998 portant publication du code international de gestion
pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution (JO
o
16 déc.) ; le décret n  98-1134 du 9 décembre 1998 portant publication du code
international pour l'application des méthodes d'essais au feu prévu par la
Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer
o o
(JO 16 déc.) ; les décrets n  98-1135 du 9 décembre 1998 (JO 16 déc.), n  2001-
o
186 du 20 février 2001 (JO 27 févr.) et n  2001-608 du 4 juillet 2001 (JO
11 juill.) portant publication des amendements à l'annexe du protocole de 1978
relatif à la Convention internationale de 1973 pour la prévention de la pollution
par les navires.

Publication des résolutions MSC portant amendement à la Convention


internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine. Plusieurs
os
décrets du 18 septembre 2006 publient les résolutions MSC (n  91, 92, 99, 100,
117, 123, 124) portant amendement à la Convention internationale de 1974 pour
os
la sauvegarde de la vie humaine en mer, ainsi qu'à son protocole (Décr. n  2006-
1158, 2006-1159, 2006-1160, 2006-1161, 2006-1162, 2006-1163 et 2006-1164
du 18 sept. 2006, JO 20 sept.).

Convention internationale de 1974. Plusieurs décrets portent publication


d'une résolution relative à l'adoption d'amendements à la convention
internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, telle que
o
modifiée. Il s'agit du décret n  2012-1141 du 10 octobre 2012 (JO 12 oct.) pour
o
la résolution MSC.290(87) adoptée à Londres le 21 mai 2010, du décret n  2012-
1172 du 22 octobre 2012 (JO 24 oct.) pour la résolution MSC.269(85) adoptée à
o
Londres le 4 décembre 2008, du décret n  2012-1174 du 22 octobre 2012 (JO
24 oct.) pour la résolution MSC.282(86) adoptée à Londres le 5 juin 2009, du
o
décret n  2012-1179 du 22 octobre 2012 (JO 25 oct.) pour la résolution
o
MSC.291(87) adoptée à Londres le 21 mai 2010 et du décret n  2012-1339 du
3 décembre 2012 (JO 5 déc.) pour la résolution MSC.308(88) adoptée à Londres
o
le 3 décembre 2010 (V. Assistance maritime, Mise à jour, n  9. – V. aussi Navire,
os
Mise à jour, n  41 s.).
Protocole de 1988. Deux décrets portent publication d'une résolution relative à
l'adoption d'amendements au Protocole de 1988 relatif à la convention
internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, telle que
o
modifiée. Il s'agit du décret n  2012-1173 du 22 octobre 2012 (JO 24 oct.) pour
o
la résolution MSC.283(86) adoptée à Londres le 5 juin 2009 et du décret n  2012-
er
1330 du 29 novembre 2012 (JO 1  déc.) pour la résolution MSC.309(88) adoptée
o
à Londres le 3 décembre 2010 (V. Assistance maritime, Mise à jour, n  9. –
os
V. aussi Navire, Mise à jour, n  41 s.).

Pollution par les navires. Deux décrets du 6 décembre 2012 portent


publication d'une résolution relative aux amendements à l'annexe au protocole de
1997 modifiant la convention internationale de 1973 pour la prévention de la
pollution par les navires, telle que modifiée par le protocole de 1978 y relatif
os
(Décr. n  2012-1364 et 2012-1365, JO 8 déc.). Le premier concerne la résolution
MEPC.190(60) portant sur la zone de contrôle des émissions de l'Amérique du
Nord adoptée le 26 mars 2010 et le second concerne la résolution MEPC.194(61)
er
relative au modèle révisé de supplément au certificat IAPP adoptée le 1  octobre
o
2010 (V. Environnement, Mise à jour, n  144. – V. aussi Navire, Mise à jour,
os
n  41 s.).
o
186 s. Adhésion au protocole. - La loi n  2011-1709 du 2 décembre 2011
autorise l'adhésion au protocole sur les privilèges et immunités de l'Autorité
o
internationale des fonds marins, adopté le 27 mars 1998 à Kingston (L. n  2011-
1709 du 2 déc. 2011, JO 3 déc.).
o
Publication. Le décret n  2012-996 du 24 août 2012 porte publication du
protocole sur les privilèges et immunités de l'Autorité internationale des fonds
marins (ensemble une réserve française), adopté à Kingston le 27 mars 1998 et
o
entré en vigueur à l'égard de la France le 22 février 2012 (Décr. n  2012-996 du
24 août 2012, JO 26 août).

191 s. Adhésion à l'accord sur les privilèges et immunités du Tribunal


o
international du droit de la mer. - La loi n  2011-300 du 22 mars 2011
autorisant l'adhésion à l'accord sur les privilèges et immunités du Tribunal
international du droit de la mer, adopté à New York le 23 mai 1997, a été publiée
(JO 23 mars). Les membres du Tribunal bénéficient dans l'ensemble de leurs
fonctions, de privilèges et d'immunités diplomatiques qui sont reconnus dans la
convention des Nations unies sur le droit de la mer (dite « Convention de
Montego Bay »), mais qui sont précisées dans cet accord qui s'inspire des autres
accords de ce type applicables à d'autres organisations internationales (V. aussi
os
Environnement [Internat.], Mise à jour, n  56 s., et Justice internationale, Mise à
os
jour, n  18 s.).
o
Publication. Le décret n  2012-950 du 2 août 2012 porte publication de l'Accord
sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer
(ensemble une déclaration française), adopté à New York le 23 mai 1997 et entré
o
en vigueur à l'égard de la France le 11 juin 2011 (Décr. n  2012-950 du 2 août
os
2012, JO 5 août. – V. Environnement, Mise à jour, n  56 s. – V. aussi Justice
os
internationale, Mise à jour, n  18 s.).

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