Festival Entrevues - Catalogue 2012
Festival Entrevues - Catalogue 2012
Festival Entrevues - Catalogue 2012
Universal
100 ans - 100 films
à La Cinémathèque française
5 DÉCEMBRE 2012 – 4 MARS 2013
Retrouvez les plus grands films de
l’histoire du cinéma américain.
SAMEDI 8 DÉCEMBRE - 14H30
UNIVERSAL, 100 ANS DE CINÉMA
Table ronde animée par Jean-François Rauger,
avec Joël Augros et Pierre Berthomieu
Précédée de la projection d’Une balle signée X de Jack Arnold.
« Lorsque dans les années 2000, les films de Kōji Wakamatsu se remirent à
circuler, nous découvrîmes des images d’une pureté bouleversante : une
femme nue crucifiée devant le mont Fuji et un homme en pleurs à ses pieds,
une vierge éclatant de rire sous le soleil, des amants révolutionnaires dont
l’orgasme embrasait Tokyo ; et des jaillissements écarlates de jouissance
et de violence et des monochromes bleus, fragiles souvenirs du paradis
perdu. Kōji Wakamatsu donnait une voix aux étudiants japonais, mais
plus encore à tous les proscrits et les discriminés : les sans-abri de Tokyo,
les combattants palestiniens, les adolescents assassins, rendus fous par
une société aliénante, et les femmes qu’il désignait, de façon définitive,
comme les prolétaires d’une classe masculine féodale et cruelle. Même
dans les copies sans sous-titres des Anges violés et Shojo Geba Geba, nous
comprenions tout : l’amour fou et la révolution, la haine du pouvoir et
l’apologie du plaisir et surtout le romantisme d’une jeunesse prête à
tout sacrifier pour son idéal. Cette jeunesse qui peuplait encore la salle
de sa dernière apparition au Festival de Busan, demeure le légataire
éternel du cinéma de Wakamatsu. Il y aura toujours dans le monde un
jeune homme ou une jeune fille qui, découvrant L’Extase des anges ou Va
vierge pour la seconde fois, s’écriera : « Ce film m’était destiné ! Qui est ce
cinéaste qui a si bien compris mes désirs et mes révoltes ? »
Stéphane du Mesnildot
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Remerciements
L'équipe du festival la Ville d’Audincourt, l’IUT Belfort-Montbéliard, l’UTBM, SRC
Président du Festival : Étienne Butzbach UHA, Seven art, le Nouveau Latina, Onfaikoi, Novotel Atria Belfort,
Déléguée générale, directrice artistique : Catherine Bizern la Maison du tourisme du Territoire de Belfort, Idée, Cezam, CIE 3
Secrétaire générale : Michèle Demange chênes, CE Peugeot.
Adjoint à la direction artistique, catalogue, site internet : Christian
Borghino Les Cahiers du cinéma, Les Inrockuptibles, l’Humanité, Médiapart,
Sélection de la compétition officielle : Catherine Bizern, Amélie France Bleu Belfort-Montbéliard, L’Est républicain, Le Pays, France 3
Dubois, Jérôme Momcilovic, Pierre Menahem Bourgogne Franche-Comté, ilétaitunefoisleciné.com, Novo, Flux 4 ;
Coordination de la compétition et de films en cours : Cécile
Cadoux Atria Novotel, Boréal, Les Capucins, Kyriad, Saint-Christophe, Au
Coordination des journées professionnelles : Laure Vernay relais d’Alsace, All Seasons, Formule 1 Belfort, Balladins, Premiere
Recherche des copies : Caroline Maleville Classe, Tonneau d’or, Le Bistroquet, Courtepaille, La Pampa, Les
Relations presse : Audrey Grimaud Abeilles, Voyages Carlsonwagonlit.
Administration : Nathalie Javelet, Aïcha Bellil
Communication et relations publiques : Marie Holweck Les ayants-droits, distributeurs et cinémathèques
Chargées des publics scolaires : Martine Fendeleur, Megi Krajlevic Aramis films, Arkeion, Belva, Carlotta, Cinedoc, Deutsches
Accueil invités : Maeva Schamberger Anne-Carole Thalgott, Nathalie Filminstitut, Diaphana, Disney, Doc & Film International,
Pascal, Claire Liborio, Frédéric Machin, Lucien Pion Documentaire sur Grand Ecran, Dogma Films, Films des Acacias,
Accueil public : Marie Jelsch, Cendrine Aldaberon, Antoine Weber¸ et Films d’ici, Films du Losange, Films du Paradoxe, Films sans
les bénévoles du festival frontières, Forum des Images, Gaumont, Haut et Court Distribution,
Publications : Martine Fendeleur, Megi Krajlevic Independencia, Jba Productions, Jour 2 Fête, Les Films de l’Atalante,
Traductions catalogue : Christian Borghino Les Grands Films Classiques, Light Cone, Mact Distribution,
Régie générale : Delphine Puddu, Metropolitan Film Export, MK2, Photoplay, Pierre Grise, Rendez vous
Régie des copies : Duc Tran Pictures, Rezo Films, Splendor Films, Starz, Tadrart Films, Tamasa,
Projectionnistes : Thierry Monthiel, Aurélie Amiel, Joachim Huber, Theâtre du Temple, Wild Side, Wildbunch.
Christophe Wybrecht
Projectionnistes vidéo : Joannes Poète, Vincent Jeannerot, Laurent Le Festival remercie particulièrement
Juan, Vincent Florin , Michel De Heus, Alex Picardeau Jean-Pierre Chevènement,
Prise de son / images : Amélia Sarmento, Didier Philibert, Jean Pierre Mocky,
Boutique du Festival : Lucy Escoriguel, Nathalie Martin Catherine Millet et Dominique Païni
Colloque « Cinéma et histoire » : Laurent Heyberger Nine Antico, Jérôme Baptizet, Gilles Barthélémy, Claire Beaudoin,
Conception et réalisation de la bande annonce : Clément Cogitore Bernard Benoliel, Tiina Bieber, Vincent-Paul Boncour, Jean-Claude
Graphiste: Stéphanie Renaud Brisseau, Yann Brolli, Martial Bourquin, Nathalie Bourgeois, Loic
Graphiste catalogue: Christophe Patrix Bugnon, Émilie Cauquy, Amélie Chatellier, Sophie Cheviron, Jean-
Conception de l’affiche: Nine Antico Michel Cretin, Clement Cogitore, Jean-Damien Collin, Frédéric
Photographe : Vincent Courtois Corvez, Sophie Denize, Sarah Derny, Élisabeth Ducos, Stéphane Du
Journal et blog du festival : Roxane Ajerage, Aurélie Amblard, Mesnildot, Sandrine Dupuis, Gilles Duval, Laurence Garret, Wafa
Josiane Bataillard, François Chagué, Nicole Cordier, Sylvie Courroy, Ghermani, Philippe Germain, Élise Girard, Frédéric Goldbronn,
Marie Holweck, Nicole Labonne, Laura Pertuy, Lionel Royer, Frank Olivier Guillaume, Elodie Imbeau, Yves Hänggi, Fabienne Hanclot,
Schmitt, Marie-Antoinette Vacelet, Fabien Velasquez, Laura Zormitta Georges Heck, Jacques Henric, Dominique Hoff, Henri Hoyon,
(Direction de la rédaction : Christian Borghino) Guillaume Jehannin, François Jouffroy, Fernanda Jumah, Joana
Le Festival EntreVues est organisé par la Ville de Belfort et Leighton, Aurélie Lequeulx, Sophie Letourneur, Chloé Lorenzi,
l’association Cinémas d'aujourd'hui. Anne-Catherine Louvet, Christine Lyet, Vincent Malausa, Sacha
Marjanovic, Christine Martin, Patricia Mazuy, Rania Meziani, Philippe
Maire adjoint, délégué à la culture : Robert Belot Monnier, Isabelle Morax, Valérie Mouroux, Nicolas Naegelen, Jean
Directrice de l’Action culturelle : Fabienne Desroches Narboni, Matthieu Orléan, Damien Palomba, Philippe Perrot, Bernard
Président de Cinémas d'aujourd'hui : Gilles Lévy Poly, Christophe Postic, Olivier Prévôt, Christian Proust, Alessandro
Raja, David Ranoux, Jean-François Rauger, Sébastien Ronceray,
Remerciements
Gilles Rousseau, François Sanchez, Philippe Schweyer, Claire Simon,
Boris Spire, Nicolas Surlapierre, Charles Tesson, Amandine Thévenin,
Olivier Thévenin, Isabelle Truchot, Marie-Antoinette Vacelet, Gerard
Le festival remercie ses partenaires : Vaugeois, Laurent Vinauger, Martin Wheeler, Carsten Wilhelm, Joël
La Région Franche-Comté, le Conseil général du Territoire de Belfort, Willy et l’équipe du cinéma Pathé, Michel Wolfer, Dork Zabunyan,
le ministère de la Culture et de la communication, la Direction Les services de la Ville de Belfort et de la Communauté
régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, le Centre national d’agglomération belfortaine,
du cinéma et de l’image animée, la Cinémathèque française, la Les étudiants de Carrières sociales et de Mosel, de l’IUT Belfort-
Sempat, la Fondation Groupama-Gan pour le cinéma, le cinéma Pathé Montbéliard, et les étudiants en gestion de projet multimédia de
Belfort, la Sacem, l’Acsé, Cosmodigital, Mikros image, PolySon, l’université de Haute-Alsace,
Gomedia, Festival Scope, Optymo, la Fnac, le Consulat Général des
États-Unis à Strasbourg, l’Institut Camões, Deya, Dune, Delta live, le et bien sûr à tous les bénévoles, plus particulièrement Audrey Delattre,
Groupement national des cinémas de recherche, L’Agence du court Jonas Moenne, Joël M’Bajoumbe, Hélène Monin, Blaise Pétrequin et
métrage, l’ACID, Documentaire sur grand écran, le Centre Image du Damien Vandewalle.
Pays de Montbéliard, l’Irimm, la CMCAS, La Poudrière, l’Espace
Gantner, le Centre chorégraphique national de Franche-Comté à
Belfort, le musée de Belfort, La Chambre de commerce et d’industrie,
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S2
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ommaire
Organisation et remerciements
Éditos
Présentation de la compétition
5
éditos
E
ntreVues, c’est le cinéma tel que nous l’aimons : à la fois varié, exigeant et
populaire, ouvert à tous les genres et à tous les publics. C’est aussi un moment
de partage entre toutes les générations, des séances maternelles aux séances
intergénérationnelles où les étudiants accueilleront les ainés.
En effet, cette 27e édition d’EntreVues fait se côtoyer la comédie classique américaine
de Lubitsch, qui a ravi tant de cinéphiles à travers le temps, et l’œuvre turbulente
d’un des cinéastes français les plus populaires des années soixante-dix et quatre-vingt,
Jean-Pierre Mocky, tandis que tous les soirs à 22h30 nous aurons rendez-vous avec
l’un des auteurs de films d’horreur le plus prisé à la fois des adolescents d’aujourd’hui
et de la critique, Rob Zombie. Gageons que toutes ces générations sauront dialoguer
ensemble et se mêler pour, entrainés les uns par les autres, découvrir des films et des
auteurs qu’ils ne connaissent pas !
Nous sommes également très heureux de voir combien EntreVues est devenu en
quelques années un lieu de rencontre privilégié pour les professionnels de l’image
et du cinéma des cinq régions du Grand Est. Ils sont réunis dans le cadre du stage
des médiathécaires proposé en collaboration avec l’association nationale Image en
Bibliothèque, pour les Rencontres régionales de l’éducation à l’image organisé par le Pôle
Image de Franche Comté. C’est le cas également lors de la journée des exploitants mise
en place, voilà deux ans, par le festival et de l’atelier de réflexion Grand-Est qui réunit
l’ensemble des responsables institutionnels d’Alsace, de Bourgogne, de Champagne-
Ardennes, de Franche-Comté et de Lorraine pour l’élaboration de projets communs.
Mais plus que tout, l’évènement d’EntreVues, sa raison d’être et ce qui fait que le
festival est reconnu par les professionnels du monde entier, c’est sa compétition
internationale. Cette année y participent trente jeunes cinéastes qui présentent quinze
courts-métrages et quinze longs-métrages venant de seize pays différents. La plupart
d’entre eux n’ont jamais été montrés en France, et certains sont présentés pour la toute
première fois à un public. C’est une belle opportunité pour ces jeunes gens que de
montrer leur film à Belfort. Certains y rencontreront même leurs partenaires pour
leurs prochains films ou un distributeur pour une prochaine sortie en salle en France.
Mais c’est aussi une belle opportunité pour le public belfortain de découvrir ainsi
certains des jeunes réalisateurs qui feront le cinéma de demain, certains des films qui
feront l’actualité du cinéma de l’année à venir !
Etienne Butzbach
Maire de Belfort, Président d'EntreVues
7
éditos
C
ette année encore, EntreVues, le Festival international du film
de Belfort, fait le pari de l’audace et de l’innovation en misant
sur la jeune création. Pour mieux mettre en lumière les cinéastes
de demain, le festival décloisonne le 7e art et ouvre grand les
portes de la compétition internationale aux œuvres de fiction et aux
documentaires. à l’image de ce pont jeté entre réel et fiction, le festival
invite le spectateur à explorer le cinéma dans tous ses états et cultiver
ainsi une cinéphilie curieuse au gré des rétrospectives et des parcours
thématiques qui rythment les festivités belfortaines.
Cette 27e édition, mélange des genres détonnant et jubilatoire, rend
hommage aux farces mordantes de Jean-Pierre Mocky, à l’univers de Rob
Zombie où l’horreur fait son cinéma et aux comédies de Ernst Lubitsch,
variations sur le désir dont l’écho résonne dans les œuvres de Jean Renoir,
Alfred Hitchcock ou François Truffaut, comme pour mieux donner à voir la
virtuosité d’un art éminemment populaire.
Parce que « le cinéma d’auteur est aussi un cinéma populaire », selon la
formule que le festival a toujours eu à cœur d’incarner, Belfort devient, le
temps du festival, un lieu privilégié de rencontres et d’échanges, la halte
incontournable d’un public toujours plus large et varié, dont je salue
chaleureusement la fidélité.
Entre documentaire et fiction, passé et présent, le festival offre un regard
unique sur notre actualité avec un cycle consacré cette année au capitalisme
et à ses crises. Dans le contexte économique européen actuel difficile, je
souhaite réaffirmer l’importance de la création artistique, soutenir la jeune
création, favoriser l’émergence de jeunes talents et œuvrer à la diffusion de
nos œuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Je tiens donc à remercier les organisateurs du festival, ainsi que tous les
artisans de son succès, et souhaite la plus belle des réussites à cette nouvelle
édition.
à tous, un excellent festival !
Aurélie Filipetti
Ministre de la Culture et de la Communication
9
revue de cinéma
VERTIGO
revue de c i n é m a
Eric Garandeau
Président du CNC
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Belfort 2012_GNCR_definitif.qxd:Belfort 2007 3.qxd 31/10/12 11:42 Page 1
groupement national
des cinémas
de recherche
Le GNCR participe aux journées profes-
sionnelles organisées par le Festival
EntreVues, continuant de s’inscrire dans
une réflexion collective avec l’ensemble
des acteurs du cinéma indépendant.
Marie-Guite Dufay
Présidente de la Région Franche-Comté
13
éditos
C
’est, comme tous les ans, avec grand plaisir, que le Conseil général du
Territoire de Belfort accompagne et soutient le festival international du film
EntreVues, à l’instar de tous les autres partenaires du « plus petit des grands
festivals ».
Convivial, à taille humaine et privilégiant les échanges et les rencontres entre
professionnels et public, EntreVues est un festival qui offre chaque année aux habitants
du Territoire de Belfort une programmation cinématographique internationale de
grande qualité. Mieux, il donne leur chance à des premières œuvres et participe à la
promotion de talents présents ou futurs. Il ne délaisse pas pour autant sa vocation
pédagogique et historique en proposant, avec l’aide précieuse de la Cinémathèque
française, des rétrospectives de réalisateurs plus anciens. Par là, il brasse tous les styles
et tous les cinémas, mettant en lumière le caractère universaliste du 7e art.
Enfin, je veux attirer l’attention des spectateurs sur la traditionnelle soirée du Conseil
général du mardi 27 novembre autour de la projection du film No, qui évoque la
campagne référendaire organisée au Chili en 1988 pour décider de prolonger, ou non,
le mandat du général Pinochet.
Chacun sait que l’année 2012 a été riche de campagnes électorales, tant en France qu’à
l’étranger. Nous plonger, grâce à ce film, dans la complexité du débat politique, de
l’affrontement entre logiques de court ou de long terme et du rôle que peut jouer la
communication et la publicité en politique, nous permettra d’ouvrir un débat que
j’imagine déjà passionnant.
Pour toutes ces raisons, je sais que le festival EntreVues égayera encore une fois,
pendant une grosse semaine à l’orée de l’hiver, la ville de Belfort et le département et
réchauffera le cœur de ses habitants.
Yves Ackermann,
Président du Conseil général du Territoire de Belfort
15
éditos
«
Q
ui paie décide » disait Orson Welles au sujet du cinéma…
cette affirmation résume hélas en grande partie la réalité
actuelle de la condition humaine. Et en période de crise, cette
évidence saute au yeux : l’argent est le triste primat de notre époque. Il sera
donc au centre d’une double programmation, un programme transversal
autour de ce constat, « l’argent guide le monde mais n’a aucune valeur »,
et les rencontres Cinéma et Histoire consacrées aux temps de crises du
capitalisme. EntreVues, comme un écho à l’air du temps, se veut, à chaque
édition, l’occasion de porter un regard tout à la fois décalé et réflexif sur
nos préoccupations présentes.
En temps de crise, le rôle de l’artiste est d’être un grand turbulent*. Qu’est-
ce que la turbulence sinon un processus par lequel l’énergie d’un seul peut,
par effet cinétique, être transférée au tout ? Effervescence, accélération,
désordre ordonné pour créer un champ dynamique et fécond, voilà ce
qu’ont en commun les œuvres des trois artistes que nous avons choisi de
mettre à l’honneur cette année, Ernst Lubitsch, Jean-Pierre Mocky et Rob
Zombie. L’exigence du plaisir, l’urgence du désir et l’injonction de la liberté
prévalent dans l’œuvre de Lubitsch, tandis que le cinéma de Jean-Pierre
Mocky mêle l’ironie et la satire en réaction à la stupidité du monde avec
une crudité burlesque et une irrécupérable désespérance. « Aimer Mocky
c’et aimer le diable » dit Mocky de lui-même avec une certaine fierté.
Diabolique est justement l’adjectif qui convient pour qualifier les héros de
Rob Zombie, cinéaste de la pulsion, de ses excès, de ses ravages. Lieu de
bouillonnement intellectuel voire d’agitation, la revue art press, à l’occasion
de son quarantième anniversaire, a toute sa place dans cette 27e édition du
festival. La revue, dès son premier numéro, a porté un regard sur le cinéma,
le liant d’emblée aux mouvements artistiques et à leur évolution. « Art press,
40 ans de regard » est une belle occasion de regarder cette année le cinéma
d’auteur et notre compétition dans un même enchaînement avec l’histoire
de l’Art contemporain.
Car, si nous concevons les rétrospectives comme des chemins de traverse
pour parcourir les vastes étendues de la cinéphilie, elles relient aussi les
jeunes cinéastes et leurs premières œuvres avec l’histoire du cinéma et ses
auteurs. Ensemble, compétition et programmations diverses questionnent
le devenir de l’art cinématographique, convoquent l’engagement des
cinéastes et interpellent le spectateur, en interrogent les goûts, et remettent
en question son regard. C’est ainsi qu’EntreVues peut aussi se déclarer
zone de turbulences et aspirer au chahut.
La manière dont – d‘une façon peut-être plus consciente qu’à notre
habitude cette année – nous avons envisagé la sélection des 30 films – 15
longs métrages et 15 courts métrages – qui constituent la compétition
internationale, reflètent aussi ce désir de turbulence et de chahut. Le
choix de l’ambition au risque de la maladresse, de l’invention au risque de
l’incongruité et de la frontalité au risque de l’inconfort… le choix d’œuvres
affirmées et déroutantes qui abordent le cinéma à partir de la matière
plutôt que du scénario, des situations plutôt que du récit, et qui tentent
de renouveler le champ (et le chant) de la narration. Des films ancrés dans
le futur !
Catherine Bizern
* Jean de Loisy in Mouvement n°63
17
Le jury
de la compétition
internationale
Jacky Evrard
Très jeune, Jacky Evrard fréquente avec une rare obstination, du côté de Charenton-le-
pont, des salles obscures portant le nom de Pacific, Eden, Triomphe ou bien encore Capitol
ou Celtic... Ce penchant le mène tout naturellement en 1984 au Palace à Brunoy puis en
1987 au Ciné 104 de Pantin. C’est dans cette salle qu’il recevra en 1989 Jean-Luc Godard
à l’occasion d’une rétrospective intégrale de ses films. En 1992, il crée le festival Côté
court, un festival de cinéma différent, résolument indépendant où il présente notamment
les rétrospectives Yervant Gianikian et Angela Ricci-Lucchi, Artavazd Pelechian, Jonas
Mekas, Stephen Dwoskin et bien sûr André S. Labarthe. Il est l’auteur avec Jacques
Kermabon d’une encyclopédie du court-métrage français parue aux éditions Yellow Now.
Sophie Fillières
Après Des filles et des chiens, son court métrage de fin d’études de la Femis qui obtient le
prix Jean Vigo, Sophie Fillières réalise Grande Petite avec Judith Godrèche, Aïe avec sa
sœur Hélène Fillières et André Dussollier, Gentille avec Emmanuelle Devos et Lambert
Wilson, et Un chat un chat avec sa fille Agathe Bonitzer et Chiara Mastroianni. Elle prépare
actuellement son cinquième long-métrage Arrête ou je continue avec Emmanuelle Devos et
Mathieu Amalric.
Andrea Picard
Andrea Picard est programmatrice et écrivain. Elle a fait partie pendant douze ans de
l’équipe de programmation de la TIFF Cinematheque (Cinémathèque de l’Ontario). Elle
est depuis 2006 la programmatrice de « Wavelengths », la célèbre section d’avant-garde
du Festival International du Film de Toronto. Elle publie également des ouvrages sur l’art,
l’architecture et le cinéma et est l’auteur d’une rubrique trimestrielle art et cinéma pour le
magazine Cinema Scope.
Ben Russell
Ben Russell est artiste multimedia et commissaire d’expositions. Ses films (dont certains
ont été sélectionnés en compétition à EntreVues), ses installations et ses performances
entretiennent une relation étroite avec l’histoire de l’image animée et avec ses significations.
Son travail a été présenté au Museum of Contemporary Art de Chicago, au Festival du
Film de Rotterdam, au Wexner Center for the Arts et au Museum of Modern Art de New
York. Il a reçu le Prix Guggenheim en 2008 et le Prix Fipresci en 2010. Il joue dans le trio
de double-drum Beast. Il vit actuellement à Paris.
Jean-Baptiste Thoret
Critique et historien de cinéma, Jean-Baptiste Thoret est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages
sur le cinéma parmi lesquels Dario Argento, magicien de la peur (2002), Sergio Leone (2008),
26 secondes l’Amérique éclaboussée (2003) et Le Cinéma américain des années 70, paru en 2006
aux Cahiers du Cinéma. Parus en 2011 : Road-Movie, USA (co-écrit avec Bernard Bénoliel)
et Cinéma contemporain : mode d’emploi chez Flammarion. Il termine actuellement un livre
sur les rapport entre Jean Baudrillard et le cinéma américain et un autre, sur (et avec)
Michael Cimino.
Créée en 1992, l’association Documentaire sur grand écran œuvre depuis près de 20 ans pour la
promotion et la diffusion du cinema documentaire en France et dans les pays francophones.
Le jury Documentaire sur grand écran choisira parmi tous les films documentaires de la compétition
une oeuvre qui bénéficiera d’un soutien à sa diffusion.
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Les prix décernés
Prix décernés par le jury de la competition internationale
• Le Grand Prix du long métrage (Prix doté par la ville de Belfort et soutenu par le GNCR / Groupement
National des Cinémas de Recherche) – 8000 euros
• Le Prix du film français – 5000 euros
• Le Grand Prix du court métrage – 3500 euros
• Le Prix Janine Bazin récompensant un(e) jeune comédien(ne) (doté par le site iletaitunefoislecine.com)
ONE
+
Le jury One+One
Six jeunes de 18 à 25 ans, Lokman
Arslan, Ikrame El garras, Clara Lorach,
ONE
Nina Hugonnot, Maxime Mathey et
Marion Rouillard, accompagnés par
Alex Beaupain, auteur, compositeur
et interprète, récompenseront le film
de la compétition internationale dont
l’esprit musical est le plus remarquable,
novateur, libre (prix doté par la Sacem).
Alex Beaupain.
Depuis que Les Chansons d’amour, de Christophe
Honoré, est devenu le film d’une génération,
Alex Beaupain occupe une place à part dans
la chanson française. C’est son premier album,
Garçon d’honneur (2005), qui avait inspiré le
scénario du film. La chanson d’amour, genre
menacé par l’anecdote ou le sentimentalisme,
avait retrouvé, avec lui, une intensité, un
lyrisme et une vitalité qui semblaient perdus.
Alex a signé les musiques de tous les films de
Christophe Honoré, de 17 fois Cécile Cassard
(2002) aux Bien-aimés (2011). Il a composé et
interprété deux autres albums, 33 tours (2008) et
Pourquoi battait mon cœur (2011). Il a également
écrit pour Julien Clerc et créera une opérette aux
Amandiers à Nanterre en 2013.
20
Compétition
internationale
Mythes, quotidien, jeux : présentation de (Tower) ? Le potentiel de terreur enfoui sous le tableau
avantageux du « bon voisinage » (O som ao redor) ? Ou
la compétition 2012 encore : la sédimentation lente qui forme avec les années
l’histoire d’un groupe, d’une famille, d’un couple ou
Depuis vingt-sept ans déjà, EntreVues met un point d’une amitié – leur mythe, en somme (les fictions In
d’honneur à accompagner les jeunes cinéastes sur les April the Following Year, There Was a Fire, Marseille la nuit,
chemins de traverse où ils ont décidé de trouver le Lighthouse, ou les documentaires Memories Look At Me, A
cinéma. Sentiers non balisés, terrains hybrides où se Story for the Modlins et Ovos de dinossauro na sala de estar) ?
mêlent les genres, les formes, et où s’évanouit sans regret
une antique frontière entre fiction et documentaire. L’an Retranscrire le quotidien, ce peut aussi être simple
dernier, le jury de la vingt-sixième édition distinguait comme bonjour. Simple, et subtil à la fois, comme le sont
un film, L’Été de Giacomo (sorti en salles depuis), qui deux très courts métrages, Broken Specs et Keep a Tidy Soul,
plongeait dans une eau documentaire pour en tirer dont la ligne claire et percutante retrouve les trésors de
un limon de pure mythologie – le portrait sans âge de comique lymphatique de la bande dessinée américaine
l’adolescence, dans un éden anonyme de la campagne contemporaine. Mais retranscrire le quotidien, c’est
italienne. aussi, bien sûr, l’affaire du documentaire. Lequel ne
le saisit jamais mieux que quand il a compris qu’il ne
Beaucoup de films, cette année, feront résonner à leur suffisait pas d’essayer de l’attraper, comme un papillon,
tour la vibration du mythe. On l’entendra, archaïque dans son filet à quotidien. Les paysages vides de Florarià
et sublime, dans la musique marocaine ancestrale de y Edecanes parlent pour le reste, dans leur nudité de
Jajouka, quelque chose de bon vient vers toi, comme dans tableaux – le quotidien y est un fantôme, présent partout,
le grondement des enfers bibliques retrouvés sur le visible nulle part. Les junkies de East Hastings Pharmacy,
bateau de pêche industrielle de Leviathan. À Orléans se les réfugiés afghans de La nuit remue, comme les wetbacks
continue la hantise, éternelle au cinéma, de Jeanne d’Arc, mexicains de Night Replay ou les skinheads malais de
tandis que sur la plage de As Ondas rugit, sous les yeux The Meaning of Style, s’offrent comme les acteurs de leur
de surfeuses lasses, une plainte élémentaire venue du propre réalité, renouant pour la caméra le maillage de
fond des océans. Et dans la jungle opaque où Los Salvajes rituels qui fonde leur quotidien. Stalingrad Lovers, qui
plonge une poignée d’adolescents, c’est une sauvagerie se présente comme une fiction, a retenu la même leçon.
venue elle aussi de très loin qui fait retour, comme une Leçon qui dit au fond que le réel au cinéma, et le cinéma
réponse désolée au bucolique apprentissage de Giacomo. tout court, ne connaît pas de meilleur chemin que le jeu.
De son côté, Un mito antropologico televisivo interroge, lui, Leçon bien comprise, à leur manière excentrique, par les
un mythe moderne – mais alors c’est le mythe au sens films libres et audacieux, joueurs et inventifs, que sont
du mensonge – : celui de l’ « information » télévisée, cet O dom das lagrimas, Aux bains de la reine, Ape, ou le très
envers délétère du cinéma documentaire. rivettien La destruccion del orgen vigente.
D’autres films, parmi cette sélection, visent plus près mais J.M.
touchent aussi profond. Comment est-il encore possible,
en contournant clichés, lieux communs, ronronnement,
de représenter le quotidien ? La famille ? L’équilibre à la
fois héroïque et précaire qui fait tenir l’un et l’autre (des La sélection de la compétition internationale est
vacances classe moyenne de Ma belle gosse à l’Amérique réalisée par Catherine Bizern, Amélie Dubois, Pierre
déclassée de Dipso, ou aux familles marginales de Menahem et Jérôme Momcilovic.
Vilaine fille, mauvais garçon) ? L’effroi ordinaire du couple Une reprise des films primés aura lieu à Paris au cinéma
(Everybody In Our Family) ou des solitudes invisibles le Nouveau Latina le 10 décembre.
21
22
Ape Ce film concourt
pour le prix ONE
+
Joel Potrykus ONE
Longs métrages
Compétition
Trevor Newandyke : sociopathe, apathique, comique raté
Fiction / 2012 / États-Unis USA / 86’ / couleur color / DCP
et pyromane. Ses efforts pour tirer un sourire du public
Interprétation / Cast : Joshua Burge, Gary Bosek, Teri Nelson, Daniel
lors de ses spectacles de stand-up sont voués à l’échec. Falicki, Kevin Clancy
Quand il ne teste pas ses nouvelles blagues face au
Réalisation, scénario, décors, image, son, montage / Filmmaking, script,
miroir de sa salle de bain, Trevor aime bien mettre le feu photography, sound, editing : Joel Potrykus
à des poubelles et prend son pied en jetant des cocktails Production : Sob Noisse Movies
Molotov dans les jardins de ses voisins.
Contact
Joel Potrykus,
Here we find the listless Trevor Newandyke, a sociopath, [email protected]
comic failure and arsonist. His efforts to wrestle a smile from
his audience with his stand-up comedy lead to one flop after
another. When he’s not trying to come up with new jokes in
front of his bathroom mirror, Trevor likes to set fire to rubbish
bins and gets off on the sound of throwing Molotov cocktails at
his neighbours’ homes.
Filmographie / Filmography :
Coyote, 2010
Court métrage fiction Fiction short film
23
Dipso Ce film concourt
pour le prix ONE
+
Theodore Collatos ONE
Filmographie / Filmography :
Walking Dead (2008) ; Solitaire (2008) ; Dog Show (2009) ; Wartime (2012)
Courts métrages fiction Fiction short films
Berlin Day to Night (2012)
Court métrage documentaire Documentary short film
Move (2012)
Long métrage documentaire Documentary feature film
24
Everybody In Our Family
Radu Jude
Longs métrages
Compétition
Marius est un homme divorcé de 40 ans. Son ex-femme, Fiction / 2012 / Roumanie Romania / 107’ / couleur color / DCP
Otilia, s’est remariée à un expert-comptable. Leur fille de 5 ans, Interprétation / Cast : Serban Pavlu, Sofia Nicolaescu, Mihaela Sirbu,
Sofia, vit avec sa mère, provoquant chez Marius une profonde Gabriel Spahiu, Tamara Buciuceanu Botez, Stela Popescu, Alexandru
Arsinel
frustration. Conformément à la loi, Marius ne peut passer avec
sa fille unique que de courts moments. Le jour où Marius passe Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Radu Jude
Décors / Production design : Elsje de Bruijn
prendre sa fille pour un week-end à la mer, il découvre que son Image / Photography : Andrei Butica
ex-femme n’est pas à la maison et que sa fille est malade. Son / Sound : Dana Bunescu
Montage / Editing : Catalin F. Cristutiu
Production : HI FILM (Ada Solomon)
Marius is a divorced man in his late thirties. His ex-wife, Otilia,
remarried an accountant. Their 5 years old daughter, Sofia, lives Contact
Films Boutique
with her mother, causing Marius a deep frustration. According Valeska Neu, Marine Rechard
to the law, Marius can spend with his daughter only a limited [email protected]
[email protected]
amount of time. The day Marius goes to take his daughter in a
short holiday to the seaside, he finds out that his ex-wife is not
athome and he is told that his daughter is sick.
Filmographie / Filmography :
The Tube With a Hat, 2006 ; In The Morning, 2007 ; Alexandra, 2007 ; Film For Friends, 2011
Courts métrages fiction Fiction short films
La Fille la plus heureuse du monde (The Happiest Girl in the World), 2009
Long métrage fiction Fiction feature film
25
In April The Following Year, There Was A Fire
(Sin Maysar Fon Tok Ma Proi Proi)
Wichanon Somumjarn
Nhum est contremaître à Bangkok. L’instabilité politique Fiction / 2012 / Thaïlande Thailand / 76’ / couleur color / HDCam
en Thaïlande se fait sentir dans tous les secteurs. Nhum se Interprétation / Cast : Uhten Sririwi, Jinnapat Ladarat, Saeree Pimpa
retrouve soudain sans travail. Il décide de quitter Bangkok
Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Wichanon Somumjarn
pour retourner dans sa ville natale au Nord Est du pays, et Décors / Production design : Piyabut Jiraborworn
assister au mariage de son ami de fac au cours du Nouvel An Image / Photography : Ming Kai Leung
Son / Sound : Sorayos Prapapan
thai, en avril, qui se trouve être le mois le plus chaud de l’année.
Montage / Editing : Machima Ungsriwong
Production : Electric Eel Films (Anocha Suwichakornpong, Maenum Chagasik)
Nhum is a construction foreman working in Bangkok. The
political instability in Thailand has made its presence felt in Contact
all business sectors. Nhum suddenly finds himself out of jobs. Pascale Ramonda
[email protected]
He decides to leave Bangkok to go back to his hometown in
the northeast of Thailand to attend his high school friend’s
wedding during the Thai New Year in April -- which also
happens to be the hottest month of the year.
Filmographie / Filmography :
W.C, 2005 ; A Brighter Day, 2007 ; Four Boys, White Whiskey and Grilled Mouse, 2009 (EntreVues 2010);
The Whispering, 2010
Courts métrages fiction Fiction short films
26
Jajouka, quelque chose de bon vient vers toi Ce film concourt
ONE
Éric Hurtado et Marc Hurtado
pour le prix +
ONE
Longs métrages
Compétition
Depuis plus de deux mille ans, le village de Jajouka, dans le Fiction / 2012 / France, Maroc France, Morocco / 61’ / couleur color / Betanum
Rif marocain, perpétue des rites magiques de fertilité, proches Réalisation, scénario, image / Filmmaking, script, photography :
des lupercales romaines, ainsi qu’une musique originale jouée Éric Hurtado et Marc Hurtado (Étant Donnés)
Son / Sound : Frédéric Maury
par une confrérie ancestrale, les Maîtres musiciens de Jajouka, Montage / Editing : Justine Hiriart, Éric Hurtado et Marc Hurtado
qui furent un temps une source d’inspiration de la Beat Production : Atopic (Christophe Goujon)
Generation, des Rolling Stones et de la culture Free. Contact
Atopic
Christophe Gougeon
For over two thousand years, the village of Jajouka in the [email protected]
Moroccan Rif, carries magical rites of fertility, close to Roman
Lupercalia, as well as original music played by a brotherhood
ancestral The Masters Musicians of Jajouka, who were a time
a source of inspiration for the Beat Generation, The Rolling
Stones and Free culture.
Filmographie / Filmography :
Des autres terres souples (Pré-Monde, l’âme où la vue cède) (Éric et Marc Hurtado, 1979) ;
Le soleil, la mer, le coeur et les étoiles (Marc Hurtado), 1984 ; Le Paradis blanc (Éric et Marc Hurtado), 1985 ;
L’Autre Rive (Marc Hurtado), 1986 ; Aurore (Marc Hurtado, 1989) ; Royaume (Marc Hurtado, 1991) ; Bleu
(Marc Hurtado, 1994) ; The Infinite Mercy Film (Marc Hurtado, avec Alan Vega) , 2009 ; Ciel Terre Ciel (Marc
Hurtado, 2010) ; Saturn Drive Duplex (Marc Hurtado, 2011)
Courts métrages fiction Fiction short films
27
La destruccion del orden vigente Ce film concourt
pour le prix ONE
+
Alejo Franzetti ONE
Deux villes séparées par un fleuve : Buenos Aires, Montevideo. Fiction / 2012 / Argentine Argentina / 88’ / couleur color / DCP
Deux villes séparées par une histoire : la mort de Francisco. Interprétation / Cast : Clara Miglioli, Juan Barberini, Elisa Carricajo,
Une mort séparée en deux : une enquête, une évasion. Maitina Dimarco, Lorena Vega, Leandro Ibarra, Julián Larquier Tellarini,
Julián Tello, Guillermo Giusto, Bruno Pereyra, Victoria Pereira.
Film in two cities divided by one river: Buenos Aires, Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Alejo Franzetti
Décors / Production design : Ana Cambre
Montevideo. Two cities divided by one story: the death of
Image / Photography : Ignacio Torres / Fernando Lockett
Francisco. One death divided in two parts: an investigation, Son / Sound : Daniela Ale / Mercedes Tennina, Lucas Larriera
an escape. Musique / Music : Julián Tello
Montage / Editing : Sebastián Lingiardi
Production : Bestia (Alejo Franzetti)
Contact
Alejo Franzetti.
[email protected]
Filmographie / Filmography :
Todas las veces, 2006 ; El Contrabajo, 2008
Courts métrages Short films
28
Leviathan Ce film concourt
pour le prix ONE
+
Véréna Paravel, Lucien Castaing-Taylor ONE
Longs métrages
Compétition
L’affrontement de l’homme, de la nature et de la machine, dans Documentaire Documentary / 2012 / Royaume Uni, France, États-Unis
les eaux où le Pequod de Melville prit Moby Dick en chasse. UK, France, USA / 87’ / couleur color / vostf / DCP
Un portrait cosmique de l’une des plus anciennes entreprises Réalisation, image, montage / Filmmaking, photography, editing :
Véréna Paravel, Lucien Castaing-Taylor
humaines. Son / Sound : Véréna Paravel, Lucien Castaing-Taylor, Ernst Karel,
Jacob Ribikoff
In the very waters where Melville’s Pequod gave chase to Moby Production : Arrête ton cinéma
Filmographie / Filmography :
Véréna Paravel
7 Queens, 2008 ; Interface Series, 2009
Courts métrages expérimentaux Experimental short films
Foreign Parts, 2010 (réalisé avec co directed with J.P. Sniadecki)
Long métrage documentaire Fiction feature film
Lucien Castaing-Taylor
Made in USA, 2000 ; Hell Roaring Creek, 2010
Courts métrages documentaires Documentary short films
In and Out of Africa, 2002 ; Sweetgrass, 2009
Longs métrages documentaires Documentary feature films
29
Los Salvajes Ce film concourt
pour le prix ONE
+
Alejandro Fadel ONE
Filmographie / Filmography :
Felipe, 2002 ; Sábado a la noche, domingo a la mañana, 2003
Courts métrages fiction Fiction short films
30
Ma belle gosse
Shalimar Preuss
Longs métrages
Compétition
Maden, 17 ans. Vacances d’été sur l’île. Elle attend le courrier. Fiction / 2012 / France / 80’ / couleur color / DCP
Entre sa chambre et la plage, son père et ses cousins, la maison Interprétation / Cast : Lou Aziosmanoff, Jocelyn Lagarrigue, Victor
et, tout près, la prison. Laforge
Filmographie / Filmography :
Seul à seul, 2005 ; L’Escale, 2007 ; Rendez-vous à Stella Plage, 2009 (EntreVues 2009) Courts métrages fiction
Fiction short films
31
Memories Look At Me
Song Fang
Filmographie / Filmography :
Goodbye, 2010 court métrage documentaire Documentary short film
32
Night Replay
Éléonore Weber, Patricia Allio
Longs métrages
Compétition
Au Mexique, des migrants mettent en scène chaque semaine
Documentaire Documentary / 2012 / France / 85’ / couleur color / DCP
le passage illégal de la frontière à travers un jeu de rôle où ils
Interprétation / Cast : Mónica del Carmen, Lou Castel, José Carlos Montes
incarnent les policiers, les passeurs et les narcotrafiquants. Les Roldán, José Luis Verdin et les habitants du village d’Alberto.
touristes quant à eux se mettent dans la peau des clandestins.
Réalisation / Filmmaking : Eléonore Weber
Night Replay est l’expérience d’une rencontre entre cette Conçu avec / Designed with Patricia Allio
communauté de migrants et quatre acteurs autour de la re- Image / Photography : Mathias Raaflaub
Son / Sound : Federico González
constitution de certaines scènes du jeu de rôle. En résulte une Montage / Editing : Charlotte Tourrès
longue plongée dans la nuit où s’éprouvent les intrications de Production : Atopic (Christophe Gougeon)
la représentation et de la vie. Contact
Atopic
Christophe Gougeon
In Mexico, every week, the inhabitants of Alberto stage the [email protected]
illegal crossing of the border. Former migrants, the organisers
of this role play, personify policemen, smugglers and drug
traffickers. As for the tourists, they put themselves in the place
of illegal migrants.
Night Replay conveys the encounter of Alberto villagers
and four actors as they recreate some of the scenes of this role
play. As a result, a long journey deep into the night when the
intricacy of the play and of life are confronted.
Filmographie / Filmography :
Temps morts, 2005 ; Les Hommes sans gravité, 2007 (EntreVues 2007) Fiction short films
33
O Som ao redor Ce film concourt
pour le prix ONE
+
Kleber Mendonça Filho ONE
Filmographie / Filmography :
Enjaulado, 1997 ; A Menina do Algodão, 2003, Vinil Verde, 2004 ; Eletrodoméstica, 2005 ; Noite de Sexta, Manhã de
Sábado, 2006 ; Luz Industrial Mágica, 2009 ; Recife Frio, 2010
Courts métrages fiction Fiction short films
Crítico, 2008
Long métrage documentaire Documentary feature film
34
Orleans
Virgil Vernier
Longs métrages
Compétition
Orléans, année 2011. Joane et Sylvia ont vingt ans, elles Fiction / 2012 / France / 60’ / couleur color / DCP
travaillent comme danseuses dans un club de strip-tease à la
Interprétation / Cast : Andréa Brusque, Yuliya Auchynnikava
sortie de la ville. Dans le centre, c’est la période des fêtes de
Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Virgil Vernier
Jeanne d’Arc. Les deux filles vont se retrouver plongées au Image / Photography : Tom Harari
milieu de ces étranges festivités. Son / Sound : Julien Sicart
« Elle est victoire et humiliation, elle est éternelle jeunesse Musique / Music : Ulysse Klotz
Montage / Editing : Eulalie Korenfeld, Emma Augier
et tragédie de la mort. Pour que vive Jeanne d’Arc, pour Production : Kazak Productions (Jean-Christophe Reymond)
que vive Orléans, pour que vive la France. » Contact
Kazak Productions
[email protected]
Orleans in the year 2011. Joane and Sylvia are twenty. They
work as dancers in a striptease club at the edge of town. In the
center the annual Joan of Arc commemoration is underway. The
two girls find themselves caught up in these strange festivities.
“She is victory and humiliation, she is eternal youth and
the tragedy of death. May Joan of Arc live, may Orleans
live, may France live.”
Filmographie / Filmography :
Thermidor, 2009 ; Pandore, 2010 (EntreVues 2010)
Courts métrages documentaires Documentary short films
Chroniques de 2005, 2007 ; Commissariat, 2010
Longs métrages documentaires Documentary feature films
35
Stalingrad Lovers Ce film concourt
pour le prix ONE
+
Fleur Albert ONE
Une plongée dans une communauté d’usagers et dealers Fiction / 2012 / France / 80’ / couleur color / DCP
de crack. Entre chasse au client et attente du produit, il est Interprétation / Cast : Jean-Patrick Kone, Carole Eugénie, Jean-Paul
question de survivre à la rue ou d’y mourir. Edwiges, Mehdi Kadri, Eriq Ebouaney, Lionel Codino, Françoise Le
Plenier.
The real life of crack dealers and users. From dealers chasing Réalisation / Filmmaking : Fleur Albert
Scénario / Script : Fleur Albert, Laurent Roth, Olivier Volpi
customers to addicts waiting for product, everyday life on the
Décors / Production design : Florian Sanson
street is about surviving, or dying. Image / Photography : Nara Keo Kosal
Son / Sound : Jean-Paul Guirado, Didier Leclerc
Musique / Music : Jean-François Pauvros
Montage / Editing : Stéphanie Langlois, Catherine Zins
Production : La Huit Production (Stéphane Jourdain)
Contact
La Huit Production
Elsa Barthélémy
La Huit Production
[email protected]
Filmographie / Filmography :
The Next Generation, 1995 ; Clarisse est partie, 2002 ; Home Swiss Home, 2004 ; Natacha Atlas, la rose pop du
Caire, 2007 ; Boys, Tricky, 2009 ; Les Élégies de Vincent, 2009
Court métrages documentaires Documentary short films
L’Eau du bain, 2000
Court métrage expérimental Experimental short film
Le Silence des rizières, 2006 ; Ecchymoses, 2008
Longs métrages documentaires Documentary feature films
36
Tower
Kazik Radwanski
Longs métrages
Compétition
Derek vit chez ses parents à Toronto au Canada. Fiction / 2012 / Canada / 78’ / couleur color / DCP
Contrairement à son frère marié qui attend un enfant, Interprétation / Cast : Derek Bogart, Nicole Fairbairn, Deborah Sawyer,
Derek est célibataire et désœuvré. Il aimerait devenir John Scholl, Jack Macure
animateur de dessins animés, mais il travaille à mi- Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Kazik Radwanski
temps pour la société de construction de son oncle. La Décors / Production design : Eva Michon
Image / Photography : Daniel Voshart, Rich Williamson
nuit il erre dans les rues et fréquente des boites de nuit, à Son / Sound : Gabe Knox, Matt Chan
la recherche d’une petite amie… Musique / Music : Johnny Hockin, Gabe Knox, Brian Wong
Montage / Editing : Ajla Odobasic
Production : Dan Montgomery
Derek lives at home with his parents in Toronto, Canada.
Contact
Unlike his married brother who is expecting a baby, Derek Medium Density Fibreboard Films
is single and without a career. Although he aspires to Dan Montgomery
[email protected]
become a graphic animator, he works part-time at his uncle’s
construction company. At night he wanders the street alone
and frequents nightclubs in search of companionship.
Filmographie / Filmography :
Assault, 2007 ; Princess Margaret Blvd., 2008 ; Out In That Deep Blue Sea, 2009 ; Green Crayons, 2010
Courts métrages fiction Fiction Short Films
37
A Story For The Modlins Sergio Oksman
Documentaire Documentary / 2012 / Espagne Spain / 26’ / couleur color /
DCP / vostf
Réalisation, / Filmmaking : Sergio Oksman
Scénario / Script : Carlos Muguiro, Emilio Tomé, Sergio Oksman
Image / Photography : Miguel Amoedo
Son / Sound : Carlos Bonmatí
Montage / Editing : Fernando Franco, Sergio Oksman
Production : Dok Films
Contact
Madrid en corto
Ismael Martin
[email protected]
Filmographie / Filmography :
Après une apparition dans le film de Roman Polanski, A Esteticista, 2004 ; Goodbye America, 2006 ;
Rosemary’s Baby, Elmer Modlin s’est enfui au loin avec sa Longs métrages documentaires
famille ; ils sont restés enfermés dans un appartement obscur Documentary feature films
pendant trente ans.
Apuntos sobre el otro, 2009
Court métrage documentaire Documentary
After appearing in the film Rosemary’s Baby, by Roman short film
Polanski, Elmer Modlin ran away with his family to a distant
land, where they shut themselves inside a dark apartment for
thirty years.
38
Ce film concourt
ONE
As Ondas Miguel Fonseca
pour le prix +
ONE
Fiction / 2012 / Portugal / 21’ / couleur color / DCP
Interprétation / Cast : Alice Contreiras, Andreia Contreiras
Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Miguel Fonseca
Image / Photography : Mário Castanheira
Son / Sound : António Figueiredo
Production : O som e a fúria (Luis Urbano, Sandro Aguilar)
Contact
Agencia - Portuguese Short Film Agency
Salette Ramalho
[email protected]
Courts métrages
Filmographie / Filmography :
Compétition
Alpha, 2008 ; I Know You Can Hear Me, 2010
(EntreVues 2011)
Courts métrages fiction Fiction short films
De splendides, de véritables paysages maritimes portugais
déferlaient sous mes yeux. À ces images étaient attachés ma
jeunesse, mon paradis perdu. La mer immense, la plage, les
gens, tous en attente, tous mourant, lentement, tristement,
magnifiquement.
Filmographie / Filmography :
Maya Kosa
L’Ingénieur et le Prothésiste, 2010 (EntreVues 2010)
Elsa retourne sur sa terre natale, Caldas Da Rainha au
Portugal, où fut érigé le premier hôpital thermal du monde. Sergio da Costa
Elle a pour mission d’aller à la rencontre de sa mère. Lors de Entretien avec Almiro Vilar da Costa, 2009
(EntreVues 2009) ; Snack-bar Aquário, 2010
cette aventure minimale, on découvre la ville et ses habitants (Grand Prix du court métrage documentaire
aux activités mystérieuses, ainsi que des bribes de l’histoire EntreVues 2010)
familiale d’Elsa. Courts métrages documentaires
Documentary short films
Elsa returns to her homeland, Caldas Da Rainha in Portugal,
where the world’s first spa hospital was constructed. Her
mission is to go and meet her mother. Through this little
adventure, we discover the city and the mysterious activities
of its inhabitants, as well as elements of Elsa’s family history.
39
Broken Specs Ted Fendt
Fiction / 2012 / Etats-Unis USA / 6’ / couleur color / HDCam
Interprétation / Cast : Mike Maccherone, Andy Eklund, Mark Simmons
Réalisation, scénario, montage, production / Filmmaking, script,
editing, production : Ted Fendt
Image / Photography : Sage Einarsen
Son / Sound : Sean Dunn
Contact
Ted Fendt
[email protected]
Filmographie / Filmography :
Broken Specs est un premier film.
Broken Specs is a first film
Filmographie / Filmography :
Woman Waiting, 2010
Court métrage fiction Fiction short film
La chronique d’une pharmacie typique du quartier de
Downtown Eastside à Vancouver, où la plupart des clients
suivent un traitement qui nécessite la prise quotidienne de
méthadone, sous la surveillance du pharmacien.
40
Florarià y edecanes Jaiziel Hernández Máynez
Documentaire documentary / 2012 / Mexique Mexico / 41’ / couleur color /
HDcam
Réalisation, scénario, image, montage / Filmmaking, script, photography,
editing : Jaiziel Hernández Máynez
Son / Sound : Daniel Touron de Alba
Montage / Editing :
Production : Centro de Capacitación Cinematográfica
Contact
Centro de Capacitacion Cinematografica
Boris Miramontes Huet
[email protected]
Courts métrages
Compétition
Filmographie / Filmography :
Florarià y edecanes est un premier film
Florarià y edecanes is a first film
Ce film concourt
ONE
Keep A Tidy Soul Joshua Moore
pour le prix +
ONE
Fiction / 2012 / États-Unis USA / 11’ / couleur color / DCP
Interprétation / Cast : Claire McConnell, Naomi Lila
Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Joshua Moore
Décors / Production design : Ashley Tarr
Image / Photography : Sinisa Kukic
Son / Sound : Chris Galipo
Montage / Editing : Staci Degagne
Production : Joshua Moore, Claire McConnell
Contact
Joshua Moore
[email protected]
Filmographie / Filmography :
The Day Of Adele, 2001
Court métrage fiction Fiction short film
Flyn has lost her soul. Please help her. Find it.
41
La nuit remue Bijan Anquetil
Documentaire Documentary / 2012 / France / 45’ / couleur color / DCP
Réalisation / Filmmaking : Bijan Anquetil
Image / Photography : Paul Costes
Son / Sound : Matthieu Perrot
Montage / Editing : Alexandra Mélot et Bijan Anquetil
Production : le G.R.E.C., Anne Luthaud et Joanna Sitkowska
Contact
G.R.E.C. Marie-Anne Campos
[email protected]
Filmographie / Filmography :
La nuit remue est un premier film
La nuit remue is a first film
Contact
Eye Film
Massimo Benvegnu
[email protected]
Filmographie / Filmography :
Il est assis dans son fauteuil, raide et immobile, comme une Lighthouse est un premier film
statue de pierre. Moi, au contraire, je me déplace sans cesse de Lighthouse is a first film
pièce en pièce, sans dormir, m’asseoir ni parler.
42
Marseille la nuit Marie Monge
Fiction / 2012 / France / 42’ / couleur color / DCP
Interprétation / Cast : Karim Leklou, Charif Ounnoughene, Louise Monge
Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Marie Monge
Décors / Production design : Célia Lecomte
Image / Photography : Boris Lévy
Son / Sound : Matthieu Villien
Montage / Editing : François Quiqueré
Production : Sébastien Haguenauer
Contact
Agence du court métrage
[email protected]
Courts métrages
1015 productions
[email protected]
Compétition
Elias et Teddy ont toujours été amis. À 25 ans, ils traînent, Filmographie / Filmography :
dealent un peu, et s’imaginent les rois de leur tout petit Les Ombres bossues, 2008
monde. Et puis un jour, c’est sûr, ils quitteront Limoges pour Mia, 2009
Marseille et deviendront des hommes. Courts métrages fiction Fiction short films
43
Ovos de dinossauro na sala de estar Rafael Urban
Documentaire Documentary / 2012 / Brésil Brazil / 12’ / couleur color / Bluray
Réalisation / Filmmaking: Rafael Urban
Décors / Production design : Maria Andrade
Image / Photography : Eduardo Baggio
Son / Sound : Robertinho de Oliveira
Musique / Music : Alexandre Rogoski
Montage / Editing : Ana Lesnovski
Production : Ana Paula Málaga
Contact
Moro Filmes
[email protected]
Filmographie / Filmography :
Bolpebra, 2011 (coréalisé avec codirected
with Guilherme Marinho, João Castelo
Branco)
Ragnhild Borgomanero, 77 ans, a étudié la photographie
numérique et a suivi des cours de Photoshop et de Première
afin de garder vivante la mémoire de son mari, Guido, avec
qui elle a réuni la plus grande collection privée de fossiles en
Amérique Latine.
Ce film concourt
ONE
The meaning of style Phil Collins
pour le prix +
ONE
Documentaire Documentary / 2012 / Malaisie Malaysia / 5’ / couleur color / HDCam
Réalisation / Filmmaking : Phil Collins
Image / Photography : Hideho Urata
Musique / Music : Gruff Rhys, Y Niwl
Montage / Editing : Shantha Kumar
Production : Shady Lane Productions, Akanga Film Asia
Contact
Shady Lane Productions
[email protected]
Filmographie / Filmography :
Soy mi madre, 2008 ; Marxism Today (prologue),
2010 Courts métrages Short films
44
Un mito antropologico televisivo
Maria Helene Bertino, Dario Castelli, Alessandro Gagliardo
Documentaire Documentary / 2012 / Italie Italy / 57’ / couleur color / BetaSP
Réalisation, scénario, montage / Filmmaking, script, editing : Maria
Helene Bertino, Dario Castelli, Alessandro Gagliardo
Image / Photography : Fabio Costanzo, Roberto Maravigna
Son / Sound : Riccardo Nicolosi
Production : Malastrada Film, ar/ge Kunst Galerie Museum, MMAV
Contact
Malastrada Film
[email protected]
Courts métrages
Filmographie / Filmography :
Compétition
Les images de la télévision pénètrent si profondément le tissu
même de la société qu’elles construisent une part de l’histoire
d’une nation, en mettant l’accent sur ses problèmes et sur sa Maria Helene Bertino, Dario Castelli et Alessandro Gagliardo
nature profonde. font partie de Malastrada, un collectif à la recherche de nouvelles
pistes économiques, politiques et culturelles. Un mito antropologico
televisivo est leur premier film
The stories on TV have penetrate so deep in the fabric of society
that they actually build a part of history of a Nation, outlining Maria Helene Bertino, Dario Castelli and Alessandro Gagliardo
its problems and deepest nature. collaborate with Malastrada.film that develops analysis and
deliver new economical, political and cultural overtures. Un mito
antropologico televisivo is their first film.
Ce film concourt
ONE
Vilaine fille mauvais garçons Justine Triet
pour le prix +
ONE
Fiction / 2012 / France / 30’ / couleur color / DCP
Interprétation / Cast : Thomas Lévy Lasne, Laetitia Dosch, Serge
Riaboukine
Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Justine Triet
Image / Photography : Tom Harari
Son / Sound : Julien Brossier
Montage / Editing : Damien Maestraggi
Production : Ecce Films
Contact
Ecce films
Camille Genaud
01 47 70 27 23
[email protected]
Filmographie / Filmography :
La nuit survoltée d’un jeune peintre fauché et d’une
Sur place, 2007 ; Solférino (2008) ; Des ombres
comédienne déjantée. Dans l’impossibilité de se retrouver dans la maison (2009)
seuls, Laetitia et Thomas traversent chaque situation entre Courts métrages documentaires
drame et légèreté jusqu’à ce qu’un événement violent marque Short documentary films
leur rencontre d’une étrange complicité.
45
Séance spéciale hors compétition
La Jubilada
Jairo Boisier
À l’âge de trente ans, elle a tourné le dos à sa carrière d’actrice Fiction / 2012 / Chili Chile / 83’ / couleur color / DCP
porno à Santiago du Chili et est revenue dans la maison de Interprétation / Cast : Paola Lattus, Catalina Saavedra, José Soza, Daniel
ses parents, où son père vit avec sa sœur aînée Gina. Fabiola Antivilo
n’est pas accueillie à bras ouverts ; Gina n’apprécie guère que Réalisation, scénario / Filmmaking, script : Jairo Boisier
quelqu’un s’immisce dans l’organisation très réglée du foyer. Décors / Production design : Javier Marticorena
Image / Photography : Raul Heuty
Il est vite évident que le passé de Fabiola ne s’oubliera pas si
Son / Sound : Gustavo Araya
facilement… Montage / Editing : Luis Horta, Jairo Boisier
Production : Escala Humana, Zapik Films, Forastero
At the age of 30 she as turned her back on her career as a porn Contact
Rendez-vous Pictures
actress in Santiago de Chile and has returned to her parental [email protected]
home, where her father lives with her elder sister Gina.
Fabiola is initially not welcomed with open arms; Gina is not Lauréat du Prix Films en cours 2010.
keen to have someone who interferes with her tightly organised Le film clôturera l'édition de Films en cours 2012.
housekeeping. It soon becomes clear to Fabiola that it isn’t easy
to leave her professional past behind her.
Filmographie / Filmography :
El nuova, 2007 ; Vestido, 2008
Courts métrages Short films
46
Séance spéciale hors compétition
Les Coquillettes
Sophie Letourneur
Trois amies se remémorent leur folle semaine au festival de Fiction / 2012 / France / 75’ / couleur color / DCP
Locarno ainsi que leurs péripéties amoureuses. Interprétation / Cast : Sophie Letourneur, Camille Génaud, Carole Le Page
Contact
Ecce films
Camille Genaud
01 47 70 27 23
[email protected]
Distribution : Ad Vitam
Filmographie / Filmography :
La Tête dans le vide, 2004 ; Manue Bolonaise, 2005; Le Marin masqué, 2011 (EntreVues 2011)
Courts métrages fiction Fiction short films
Roc et Canyon, 2007 ; La Vie au ranch, 2009 (Prix du film français et Prix du public, EntreVues 2009)
Longs métrages fiction Feature films
47
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
Mocky
A
vec sa gueule de voyou ténébreux, Jean- d’une personnalité à part dans le cinéma français. Mocky
Pierre Mocky avait déjà une carrière écrivit l’adaptation du roman de Bazin, cependant, jugé
d’acteur conséquente (chez Cocteau, inexpérimenté par les producteurs, il ne put le réaliser.
Antonioni, ou encore Visconti dont il Mocky confiât alors à George Franju non seulement son
assista la réalisation de Senso), mais le scénario, mais aussi le casting qu’il avait envisagé ainsi
film qui le révéla fut en 1957 La Tête contre les murs de que ses recherches préparatoires concernant les décors.
George Franju. Le personnage d’Arthur Gérane ne Un mal pour un bien puisque La Tête contre les murs
marqua pas seulement l’apparition d’un acteur mais compte parmi les chefs-d’œuvre de Franju, et appartient
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au Golf Drouot. Plus tard, Mocky ajoutera au blouson
une écharpe rouge, puis se coiffera d’un feutre à la Dana
Andrews. Plus que la revendication d’une idéologie,
l’écharpe rouge évoque le romantisme libertaire, et le
chapeau symbolise le Film noir dont Mocky sera l’un des
rares cinéastes français à savoir capter l’essence.
Mocky devient réalisateur en 1959 avec Les Dragueurs,
soit l’année de la sortie d’À bout de souffle et des 400
coups. Il emprunte à la Nouvelle Vague son économie
et les tournages en décors naturels, permettant une
inscription immédiate dans la réalité française. Dans
ses premières réalisations, évoquant par leur humour
corrosif et leur goût du grotesque le cinéma italien,
Mocky épingle les « monstres » français : les snobs,
les dragueurs ou encore les « vierges ». Plus tendre et
désenchanté, Un couple dresse la chronique intimiste de
la fin d’un amour. Avec sa tonalité nocturne et hivernale,
cette love-story à rebours est motivée par le souci de
représenter parfois crûment, mais avec honnêteté, la
Hommage à
vie sentimentale de ses contemporains. Plus que des
J.-P. Mocky
cinéastes de la Nouvelle Vague, Mocky est à rapprocher
de ses aînés Tati, Franju et Melville, qui la croisent sans
y appartenir. Si Tati s’approprie le burlesque, Franju le
fantastique et Melville le film noir, Mocky pourrait être
l’artisan d’un renouveau de la comédie, d’abord grinçante
puis ouvertement loufoque – domaine qu’il pratiqua tout
au long de sa carrière. L’humour noir est parfois troué
d’instants insolites et malaisants : dans Les Dragueurs,
Aznavour déclare à deux jeunes femmes dans la rue
qu’il n’a pas l’intention de les violer. La longue crise
de fou rire injustifiée qui secoue alors les personnages
et qui semble ne jamais devoir finir, les renvoie à une
animalité imbécile et grimaçante. Chez Mocky, pas de
mots d’auteurs lourdement soulignés à la Audiard, mais
une immersion dans la vie quotidienne traversée par
des personnages drôlatiques, aux dictions improbables.
Ces acteurs improvisés sont des clients de bistrot, des
garagistes, ou de simples passants que Mocky, séduit par
leur excentricité naturelle, fait passer dans ses films. C’est
avec un malin plaisir qu’il perturbe ses fictions avec ces
figures du réel, hilarantes et fascinantes. Les comédiens
professionnels ne sont pas en reste. Mocky puise dans le
pleinement au cinéma de Mocky par sa poésie et sa colère théâtre, donnant par exemple à Michael Lonsdale, encore
contre l’aliénation des individus. Plus qu’un rôle, c’est loin d’India Song, ses premiers rôles. Il recrute des acteurs
d’abord lui-même que Mocky interprète : un révolté que de cabaret comme Poiret et Serrault, ou des stars tout
la société désigne comme fou pour le neutraliser. L’asile azimut comme le génial Francis Blanche. On pourrait
devient une prison qui n’ose pas dire son nom, abritant, confondre ses castings avec ceux des nanars épuisants de
comme plus tard les cités dominées par les forces occultes Raoul André, si Mocky n’exacerbait l’inventivité de ses
de Litan et Ville à vendre, un peuple sans espoir assommé acteurs. Ainsi l’élégance et la fluidité du jeu de Poiret dans
par les médicaments et les traitements de choc. Certains, Un drôle de paroissien, digne des comédies américaines, ou
comme le héros, sont certains de ne jamais guérir car ils ne son débit supersonique en patron de chaîne de télé dans
sont même pas fous. Quelques années avant le Belmondo La Grande Lessive. Cette classe innée, Mocky s’évertuera à
d’À bout de souffle, il compose un personnage sans la briser dans la comédie trash et loufoque Le Miraculé où
équivalent dans la culture française, un rebelle proche il campe un SDF ordurier en catogan et t-shirt graisseux,
de James Dean, Brando et Elvis Presley. Ce Rimbaud à rendre jaloux les freaks les plus excentriques de John
en blouson noir est bien plus dangereux pour l’ordre Waters. Le comédien absolu de Mocky pourrait être Jean-
établi que les gentils rockeurs qui s’époumonaient alors Claude Rémoleux, l’adipeux inspecteur qui chante sans
49
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
arrêt Marinella de Tino Rossi dans La Grande Lessive. On dissimulée sous l’incarnation de la gentillesse absolue.
ne saurait dire si sa présence décalée est le fruit d’une Les deux hommes s’amusèrent de cette figure de saint
incroyable virtuosité ou au contraire d’une inconscience laïc, en brossant le portrait d’un pilleur de troncs d’église
absolu du jeu d’acteur. guidé par une mission divine d’Un drôle de paroissien.
Chez Mocky, on découvre la filmographie secrète Cette candeur perturbatrice est également celle du
d’acteurs qui malgré toute l’affection qu’on a pour eux lunaire inspecteur Triquet de La Cité de l’indicible peur.
représentent la France assommante des dimanches soirs Celui-ci se désole lorsque par inadvertance il arrête un
télévisés des années 70. Bourvil fut l’un de ses acteurs criminel et poursuit les malfaiteurs pour les empêcher de
les plus remarquables, dévoilant le fond d’anarchie récidiver. Chez Mocky, qui est le contraire d’un cynique,
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la gentillesse de Bourvil ne se prête pas au ridicule : elle est son seul amour. Au mépris de la mort qui l’attend
devient héroïque et humaniste, comme chez le Saint-Just de façon certaine, il rebrousse chemin pour voler à son
de La Grande Lessive partant en croisade contre l’aliénation secours. Le voleur de bijoux amoral de Solo se sacrifie
télévisuelle. pour son frère, un adolescent terroriste et idéaliste. Le
Mocky transmet le plaisir de voir évoluer Bourvil, avec journaliste d’Un linceul n’a pas de poches voit sa mort dans
sa gracieuse gaucherie, et lui faire dire des dialogues le marc de café renversé dans une poubelle, ironique
raffinés, la voix quittant son accent paysan pour acquérir remise en scène du fatum cher au film noir. Révéler
une musicalité atone. La délicatesse de Bourvil que l’on les scandales sexuels et financiers, et surtout l’abjecte
reconnait aujourd’hui dans ses chansons et la dignité que collusion entre une cellule communiste et le patronat
lui conféra Melville dans Le Cercle rouge, sont déjà à l’œuvre local ne peut conduire qu’à la mort.
chez Mocky. Alter-ego du cinéaste, il représente l’homme On a parfois dit que Mocky se complaisait dans un rôle
pur et idéaliste dressé contre la société, qu’il s’agisse du de victime sacrificielle ou qu’il s’inventait des démons
village grouillant de haine de La Cité de l’indicible peur ou seulement pour le plaisir de les combattre. C’est faux,
du Paris dont les habitants prennent les armes pour bien entendu, même si la beauté du geste est toujours
traquer les pirates de la télévision de La Grande Lessive. Il présente, comme un héritage du cinéma américain des
est Don Quichotte et plus encore le Prince Mychkine de desperados (en tête, le Nicholas Ray de Johnny Guitar). La
Dostoïevski, qui, quelles que soient ses précautions, ne mort devient alors une obligation romantique : le refus
pourra s’empêcher de briser le vase du salon bourgeois, absolu de pactiser avec l’ennemi, la certitude que le mal
guidé par une impérieuse maladresse. Les personnages est toujours présent et qu’aucun happy ne signe la fin
Hommage à
de Mocky, mus eux-aussi par une « idiotie » héroïque, du combat. Tant que le cœur bat encore, tant que l’on
J.-P. Mocky
mettent sens dessus dessous les conventions sociales, tel est debout, il faut continuer à courir à perdre haleine,
le journaliste dévoilant les noirs secrets de la bourgeoisie traverser les forêts, les rivières, se cacher dans les trains
d’une ville de province dans Un linceul n’a pas de poches. de marchandises – rejouer la geste éternelle des évadés et
Par amour, fraternité ou simplement sens de la justice, ils des hors-la-loi. Pourtant, au fond, jamais on ne s’échappe
brûleront systématiquement leurs vaisseaux. du lieu crucial du cinéma de Mocky : une ville, idéalement
Dans L’Albatros, le bandit en fuite parvient à passer la nocturne, gouvernée par la terreur et la corruption. Dans
frontière sous une nouvelle identité. Il réalise alors que la cette ville, les braves gens épient derrière leurs rideaux
jeune fille qu’il laisse derrière lui aux mains des policiers ou se regroupent en milices armées. Au début de Ville à
51
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
vendre, Roger Knobelspiess (figure s’il en est du « repris de justice » éclairé) décrit
ainsi Moussin : « C’est un drôle de patelin. Apparemment, tout est tranquille, tout
est normal. Mais c’est une tranquillité qui te colle un malaise comme dans les
cauchemars. Et tu sais pas pourquoi. »
On connait bien sûr la réponse, mais la question mérite, et méritera toujours,
d’être posée : quelle est cette indicible peur qui rôde dans les cités de Mocky ?
Elle n’est assurément pas incarnée par le boucher amoureux qui se déguise en
Tarasque pour enlever sa belle. C’est un monstre informe qui se recompose
toujours lorsqu’il s’agit de traquer l’étranger, l’insurgé, le résistant ou l’évadé.
Cette force noire, cette haine, était bien sûr à l’œuvre pendant l’Occupation,
mais elle est également bien antérieure, relevant d’un esprit grégaire quasi
préhistorique. Si elle est naturellement à l’œuvre dans les films noirs (Solo,
L’Albatros), c’est elle-aussi qui teinte d’angoisse les comédies comme La
Grande Lessive lorsque, furieux d’être privés de leur drogue télévisuelle, la
populace investit les toits de Paris, pour protéger leurs antennes, l’arme
au poing. Dans À mort l’arbitre, cette même meute humaine, menée par
un terrifiant Michel Serrault, poursuit Eddy Mitchell à travers une cité
HLM glacée et concentrationnaire.
Dans Litan, la haine prend une forme ouvertement fantastique,
celle d’une entité volant l’individualité des habitants comme dans
L’Invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel. Litan, la cité
médiévale dans le brouillard, hantée par des hommes sans visage,
est la forme allégorique de toutes les cités de Mocky. Ces fanfares
fantômes, ces tristes carrousels, ces fêtes de village équivoques où
les clowns enlèvent les petites filles, dessinent un fantastique très
personnel, entre les brumeuses histoires de fantômes anglaises
(le Don’t Look Now de Nicholas Roeg) et les hallucinations d’un
Jean Lorrain voyant, tel un carnaval opiacé, des masques se
substituer aux traits des Parisiens. Dans L’Albatros, Tassel
voit ressurgir le souvenir d’une fillette blonde, dans un bal
de village. Nulle explication n’éclaire cette figure enfantine
et ce qu’elle représente pour lui (le cinéma de Mocky est
symbolique, allégorique mais jamais psychologique), sinon
qu’elle se superpose avec le personnage de la fille du maire
que l’évadé prend en otage et dont il tombe amoureux.
Sans doute Tassel a-t-il laissé s’éloigner cette enfant,
son premier amour, et c’est pour guérir cette blessure
qu’il rebrousse chemin vers la prison où est détenue la
jeune femme. En la faisant s’évader, il signe son arrêt
de mort. La fillette représentait alors la fatalité pesant
sur le personnage depuis son enfance et dirigeant ses
pas vers une issue forcément tragique. Dans Noir
comme le souvenir, Garance, autre enfant fantôme,
blonde et en robe blanche, hante une petite ville
bourgeoise, supprimant ceux qui ont causé sa
perte, comme dans Opération Peur de Mario Bava.
Elle entraîne sa mère dans une autre face du
réel, qui sans être complètement l’au-delà, en
constitue l’antichambre. Des gerbes mortuaires
noires et des poupées de clowns apparaissent
comme par sortilèges. La ville devient le terrain
de jeu meurtrier du petit spectre, comme si le
cimetière dans la brume où repose Garance
étendait son influence funèbre sur toute
la ville. Comme une malédiction, sur les
téléviseurs de ces damnés, un seul film
52
Hommage à
J.-P. Mocky
semble autorisé à être diffusé : Litan. De cette brume ville et, sans motif autre que la curiosité et le goût du
qui se diffuse de film en film, émerge également, tel un mystère, met à jour sa corruption fondamentale. Orphée
vaisseau fantôme, l’autocar d’Agent trouble, dont tous les quittera la ville sans endosser le rôle du justicier, laissant
passagers sont des cadavres. les habitants se débrouiller avec leurs démons.
Frères des morts vivants de Litan : les chômeurs Cet individualisme désenchanté, mais non dénué
apathiques de Moussin, la Ville à vendre. Les mirobolantes de valeurs morales, évoque les personnages de Clint
indemnités qui leurs sont versées dissimulent leur nature Eastwood comme le Pale Rider ou L’Homme des hautes
de cobaye d’une obscure société pharmaceutique. Dans plaines. Mocky est lui-aussi un libertaire, un individualiste
ce film génial, la ville devient un laboratoire à ciel ouvert, forcené, viscéralement opposé à toutes formes de
dirigée par un curé aux lèvres peintes (Mocky lui-même), mensonge. Si ses personnages tournent souvent en rond
dont l’accent allemand grotesque évoque un Herr Doktor dans la nuit, le feu qui les dévore est toujours celui de la
langien. Mocky pousse très loin le grotesque inquiétant : vérité.
les notables, arborant des catogans, paradent à cheval Stéphane du Mesnildot
lors de kermesses absurdes et entonnent des mélopées
Stéphane du Mesnildot est journaliste aux Cahiers du cinéma et enseignant
lugubres pendant les enterrements. À Moussin on meurt à l’université Paris III-Sorbonne et à Paris Diderot, Paris VII. Il est l’auteur
d’embolie, par une bulle d’air injectée dans les veines, d’un livre sur Jess Franco, et d’études sur La Mort aux trousses et sur les
fin logique dans cette société asphyxiante. De façon fantômes du cinéma japonais.
53
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
A
u début des années 80 je lui avais écrit, pour assurer la sécurité du stock, qui pour moi préfigure
je cherchais du travail comme stagiaire ces futures zones de supermarchés, de discounts, de Mac
monteuse et je l’admirai. Une dame de son Do, de car wash qui font maintenant que tous les abords
bureau m’avait rappelée – plus de 10 ans plus des villes se ressemblent.
tard (!) – pour me proposer un stage, « on a reçu votre Le violoniste braqueur de diamants de Solo est en cavale
lettre, êtes-vous libre la semaine prochaine, envoyez pour sauver son jeune frère dont il découvre qu’il fait
votre photo svp ». Comme quoi le bureau de Mocky partie d’un réseau terroriste de jeunes bourgeois qui
garde bien son courrier, faut en prendre de la graine. veulent débarrasser le monde des riches. Très juste sur
Ce que j’ai vu de lui, je l’avais vu dans le désordre. J’ai les années 70, mêlant embrouille et action, dessinant
découvert Mocky à la fin des années 70, hallucinée de une époque où les jeunes riches rêvaient d’être pauvres
voir Bourvil, sa légèreté et sa mobilité, dans La Cité de et où les vieux voyous voulaient les éduquer. Le film le
l’indicible peur. Il jouait un flic, il arrivait dans une maison plus romantique de tous pour moi. Une sorte de Billy
et sortait une grand mère du placard, où sa famille l’avait the Kid à la française, où les codes moraux du héros
enfermée pour ne plus avoir à s’en occuper et la laisser ne correspondent pas au monde qui change, où James
mourir de faim ! Il engueulait la famille, mais je me Coburn ne peut pas être Pat Garrett parce qu'en France
souviens que la vieille dame enfermée, même libérée les keufs sont dépassés par la hiérarchie et l'administratif
par Bourvil, avait l’air aussi méchante et teigneuse que et les communications.
sa progéniture. Dès les premiers films, dès le Bourvil du Drôle de
L’Albatros : la cavale du héros dandy qui kidnappe la paroissien, ou les déambulations aériennes et hilarantes
fille de l’homme politique « juste » qui lutte contre le sur les toits des Compagnons de la marguerite, ce qui me
vieux député « injuste », pour qu'on s'aperçoive d'un frappait, c’est l’insolence. Avec un côté gourou et pythie
« tous pourris » assez facile finalement, pourraient grecque qui donne de tout, du pire et du meilleur.
dire les détracteurs du film. Sauf que la qualité du film Il nous raconte dans ses films une société où on ne
n'est pas dans ce « tous pourris » facile. Moi, ce qui m'a penserait qu’à sa gueule, pas faux. Un plaisir de
marquée, c‘est la vraie beauté des plans et d'un montage retrouver la comédie comme chez les italiens. C’est un
qui ne laisse aucun gras : un homme s'évade, la forêt est faux fumiste, parfois un vrai fumiste, mais avec toujours
quadrillée, un flic meurt, il va en être accusé, il y a une la préoccupation première de raconter une histoire, en
rivière, il part dans une barque, il y a une fête électorale, franc tireur, en marginal parfois rebelle et parfois quasi
il s'infiltre et kidnappe la fille du candidat, etc. Jamais poujadiste dans ses rapports avec le monde ; on a tout
d'arrêt du récit, chaque plan fait avancer l'histoire. Sauf dit maintenant sur Mocky. Beaucoup de films, pas tous
à la fin, où le film se paie le luxe de montrer le héros bons, mais tous cohérents avec leur mode de production,
retourner en prison pour sauver la fille, et tous deux de dans le style « écoutez, c'est fait absolument sans fric, on
mourir en Romeo et Juliette faisant l'amour devant une s'est dépêché c'est n'importe quoi et c'est comme ça » ou
foule de spectateurs attirés par le sang, dans des plans bien « ah, là on a pu travailler, regardez ». Ce luxe là,
totalement expressionnistes, et là, pour la première c'est aussi Mocky pour moi. Maintenant, sur les photos
fois, de vraies suspensions dans les plans. Un épilogue récentes, il est entre le bonhomme super énervant et le
hallucinant de surréalisme vrai. Quand le film se termine, vieux playboy à la grande écharpe, mais si on regarde sa
on a exploré une France, alsacienne, provinciale, raciste, filmo, on voit se dessiner en tranches une drôle d‘histoire
belle, méchante, sécuritaire. On a aussi entrevu des de France, depuis 40 ans. J'aimerais bien arriver à avoir
lieux prémonitoires de ce qui est ensuite arrivé à toute cette liberté là.
la province française. Je pense à cet arrêt dans la cavale,
Patricia Mazuy
dans une sorte de Prisunic, en plein no man's land, où Patricia Mazuy est cinéaste. Nous lui consacrions l’an dernier une
seul un vigile et son chien sont censés faire des tours rétrospective intégrale. Parmi ses films, Peaux de vaches, Travolta et moi, Saint-
Cyr, et le tout dernier, Sport de filles.
54
Un couple
Hommage à
J.-P. Mocky
Pierre et Anne se sont donné rendez-vous dans le musée où ils 1960 / France / 89’ / noir et blanc
se sont rencontrés il y a trois ans. Leur union basée sur l’appel Interprétation : Juliette Mayniel (Anne Chenard), Jean
immédiat qu’ils ont ressenti et une promesse de totale sincérité, Kosta (Pierre Chenard), Nadine Basile (Clara), Francis
fait l’admiration de leur entourage, mais Pierre est inquiet : il vient Blanche (Monsieur Gratteloup), Simone Cendrar (Madame
avouer à Anne que l’habitude de son corps lui fait perdre l’urgence Gratteloup), Christian Duvaleix (Alex), Gérard Hoffmann
(Monsieur Antoine), Véronique Nordey (Véronique), Gérard
de son désir, que cette baisse de température est indigne de leur
Darrieu (Félicien Mignon), Alice Tissot (Madame Mitouflet)
amour : ils décident tous deux de reprendre leur liberté…
Scénario : Jean-Pierre Mocky, Raymond Queneau, Jacques
Rouffio, Alain Maury
« Ce sont les frères Siritzky, qui avaient produit Les Dragueurs,
Décors : Maurice Petri
qui ont eu l’idée de ce film sur le couple. Nous avons eu Image : Eugen Schüfftan
beaucoup de mal à trouver les interprètes principaux car Son : Michel Fano, Guy Rophé
nous cherchions un couple « idéal ». Finalement nous Musique originale : Alain Romans
avons engagé un peintre de Montparnasse, Jean Kosta, et Montage : Borys Lewin
Production : Balzac Films, Discifilm
Juliette Mayniel qui avait été l’interprète du film Les Cousins
de Claude Chabrol. Nous y avons ajouté mon ami Francis
Blanche et une jeune comédienne pleine de talent qui
s’appelait Nadine Basile.
Queneau a donné un aspect surréaliste au film. Il m’a
suggéré de ne pas rester sur le ton grave mais d’introduire
des personnages bizarres et farfelus et de pimenter de
dérision cette introspection amoureuse. “Sinon, tu vas
emmerder les spectateurs”.
Queneau a eu carte blanche, il s’est amusé à faire des mots :
“C’est du toc ? Non c’est du stuc”.
Le film est resté moderne car le sujet était extrêmement
moderne : faut-il se dire la vérité quand on est en couple ou
est-ce qu’il vaut mieux cacher ce qu’on pense réellement ? »
J.-P.M.
55
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
Un drôle de paroissien
La situation financière des Lachaunaye est en passe de 1963 / France / 92’ / noir et blanc
devenir dramatique : des splendeurs passées, il ne leur Interprétation : Bourvil (Georges Lachaunaye), Jean Poiret
reste qu’une solide tradition d’oisiveté à laquelle le fils aîné, (Raoul), Francis Blanche (l’inspecteur Cucherat), Jean
aimable irresponsable et faux mystique, reste très attaché. Sa Yonnel (le père de Georges), Véronique Nordey (Françoise
famille, dont les biens sont saisis et vendus, est sur le point Lachaunaye), Solange Certain (Juliette Lachaunaye), Marcel
Pérès (l’inspecteur-chef Raillargaud), Jean Tissier (le brigadier
d’être expulsée ; Georges se rend à l’église demander à son
Bridoux), Jean Galland (le supérieur du collège), Denise
Saint Patron un signe qui lui indiquerait ce qu’il doit faire. Péronne (la tante de Georges)
Celui-ci semble répondre sur l’heure à sa requête par le petit
Scénario : Jean-Pierre Mocky, Michel Servin, Alain Moury,
bruit séduisant des pièces de monnaie que les fidèles laissent d’après le roman de Michel Servin, Deo Gratias
tomber dans le tronc… Décors : Pierre Tyberghein
Image : Léonce-Henri Burel
« Le bouquin Deo Gratias était convoité par Claude Son : René Sarazin
Autant-Lara, qui cherchait un sujet pour Bourvil. René Musique originale : Joseph Kosma
Montage : Marguerite Renoir
Julliard, l’éditeur, qui aimait bien mes premiers films, Production : Le Film d’Art, ATICA (Artistes et Techniciens de
m’a donné la préférence. Je ne connaissais pas Bourvil. l’Industrie Cinématographique Associés), Corflor
Je me suis procuré son adresse et j’ai laissé le scénario
à sa concierge. Une heure après, il me téléphone et me
dit qu’il fait le film. Gratuitement. Car il s’était rendu l’argent qu’il avait gagné. Et c’était tout. Je me suis dit
compte que j’aurais beaucoup de mal à monter le film qu’on ne pouvait pas faire un film avec des scènes de
avec un sujet pareil ! pillage de troncs, il fallait une intrigue, et c’est là qu’on
C’était l’histoire autobiographique d’un ingénieur a été chercher cette “brigade des églises” ! »
chimiste qui s’était retrouvé au chômage avec une
famille à nourrir et qui avait décidé de piller les troncs. J.-P.M.
À la fin du récit il ouvrait une usine de cierges avec
56
La Cité de l’indicible peur (La Grande Frousse)
Hommage à
J.-P. Mocky
L’inspecteur Simon Triquet arrête Mickey-le-Bénédictin, 1964 / France / 85’ / noir et blanc
dangereux criminel et habile faussaire qui est condamné à Interprétation : Bourvil (Inspecteur Simon Triquet), Jean-
mort. L’exécution ne peut avoir lieu en raison d’un incident Louis Barrault (Douve), Francis Blanche (Franqui), Victor
technique et Mickey profite de l’occasion pour s’échapper. Francen (Docteur Chabert), Jean Poiret (le gendarme Loupiac),
Avec son collègue Virgus, Triquet se lance à sa poursuite. Son Raymond Rouleau (Chabrian, le maire), Jacques Dufilho
(Gosseran), René-Louis Lafforgue (le boucher), Roger Legris
enquête le conduit à Barges, petite cité médiévale où il trouve
(le pharmacien), Marcel Pérès (Virgus), Véronique Nordey
une population terrorisée par la réapparition d’un monstre (Livina)
légendaire, et certains habitants au comportement bizarre…
Scénario : Jean-Pierre Mocky, Gérard Klein, d’après le roman
de Jean Ray
« Un ami et spécialiste de Jean Ray, Claude Seignolle, Dialogues : Raymond Queneau
s’est proposé pour effectuer l’adaptation. Je lui ai Décors : Jacques D’Ovidio
préféré Gérard Klein, bon spécialiste du fantastique, Image : Eugen Schüfftan
que j’apprécie. Erreur tactique : Seignolle ne me Son : Antoine Petitjean
Musique originale : Gérard Calvi
pardonne pas et contribuera à la cabale qui suivra Montage : Marguerite Renoir
la sortie du film, autour du thème de la trahison de Production : ATICA (Artistes et Techniciens de l’Industrie
“l’esprit“ de Jean Ray. Jean Ray est mort durant le Cinématographique Associés), Société Nouvelle de
tournage et son concours (il paraissait aimer beaucoup Cinématographie, Productions Raimbourg
mon travail) me sera donc enlevé. Le film fait un bide
terrible. Ma société et moi-même y engloutissons tout racheter, je retrouve les scène supprimées.
notre argent. Entre-temps, un conflit est survenu entre Il sortira de nouveau en 1972, avec la bénédiction d’un
les distributeurs et moi, car ceux-ci ont supprimé des tas d’intellectuels, retrouvant un public et faisant un
scène auxquelles je tenais pour en ajouter d’autres qui triomphe. »
n’étaient pas de mon cru. Lorsque, cinq ans plus tard,
les droits du film étant échus, je suis en mesure de les J.-P.M.
57
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
La télévision exerçant ses ravages dans toutes les familles 1968 / France / 95’ / noir et blanc
proches du lycée où Armand Saint Just enseigne le français, Interprétation : Bourvil (Armand Saint Just), Francis Blanche
c’est devant des classes régulièrement assoupies le matin que (Docteur Loupiac), Roland Dubillard (Missenard), Jean
les professeurs tentent, non sans découragement, de faire leurs Tissier (Benjamin), Michael Lonsdale (Delaroque), René-jean
cours. Toutes les pétitions de ceux-ci, suppliant les parents Chauffard (le commissaire Aiglefin), Karin Balm (Mélane),
Alix Mahieux (Madame Delaroque), Marcel Pérès (l’inspecteur
d’éloigner les écoliers des « étranges lucarnes » pour qu’ils Toilu), Jean-Claude Rémoleux (l’inspecteur Barbic), Jean Poiret
puissent apprendre leurs leçons, étant restées lettre morte, (Jean-Michel Lavalette)
Saint Just décide de passer à l’action. Avec son collègue
Scénario : Jean-Pierre Mocky, Alain Moury, Claude Pennec
Missenard, professeur de gymnastique et son ami Benjamin, Décors : Pierre Tyberghein
chimiste au passé agité, il met au point un plan… Image : Marcel Weiss
Son : René Sarazin
« C’est en Bretagne que je tombe sur une émission Musique originale : François de Roubaix
au cours de laquelle un professeur tient des propos Montage : Marguerite Renoir
Production : Balzac Films, Firmament Films, Méditerranée
extrêmement agressifs conte la télé et ses animateurs
Cinéma, Océanic Films
“qui ne savent pas parler le français“. Le lendemain, je
découvre, dans Ouest-France, qu’un instituteur, rendu
que chaque film comportant le mot “grand“ soit un
furieux parce que ses élèves dorment en classe à cause
succès ! Je n’obtiens, en définitive, que de pouvoir faire
de l’abus de télé la veille, casse tous les récepteurs qui
figurer derrière le titre un point d’exclamation entre
lui tombent sous la main.
À la demande des distributeurs ce projet s’appelle au parenthèses, sorte de “sic“ indicatif de mon désaccord. »
départ Un drôle de pirate, par référence, évidemment,
au “paroissien“. Et puis soudain ils veulent appeler ça
J.-P.M.
La Grande Lessive, au nom d’un principe qui voudrait
58
Solo
Hommage à
J.-P. Mocky
Violoniste et trafiquant de bijoux à l’occasion de ses voyages, 1969 / France, Belgique / 83’ / couleur
Vincent Cabral débarque au Havre, tandis qu’au Vésinet, Interprétation : Jean-Pierre Mocky (Vincent Cabral), Anne
près de Paris, une vingtaine de participants d’une soirée Deleuze (Annabel), Denis Le Guillou (Virgile Cabral),
orgiaque est soudain abattue à coups de mitraillette. Le Henri Poirier (le commissaire Verdier), Christian Duvaleix
jeune frère de Vincent, Virgile, appartient précisément au (l’inspecteur Larrighi, Sylvie Bréal (Micheline), Éric Burnelli
(Marc), Alain Fourès (Éric), Marcel Pérès (le maître d’hôtel),
groupuscule responsable de ce massacre. Pour permettre à
Rudy Lenoir (le maître d’hôtel russe)
Virgile de s’échapper, Vincent entre en contact avec les jeunes
« justiciers » qui ont décidé d’exterminer les « têtes » les plus Scénario : Jean-Pierre Mocky, Alain Moury
Décors : Jacques Flamand, Françoise Hardy
abjectes de la société. Image : Marcel Weiss
Son : Séverin Frankiel, Lucien Yvonnet
« Je l’ai tourné en 68, pendant les événements de mai. Musique originale : Georges Moustaki
L’histoire vient d’une conversation que j’ai entendue Montage : Marguerite Renoir
boulevard Saint-Michel entre quelques jeunes qui Production : Balzac Films, Ciné Éclair, Showking Films,
Société Nouvelle Cinévog
trouvaient que cette révolution avait avorté et qu’il fallait
la continuer. Avec Alain Moury, le scénariste, nous avons
donc écrit l’histoire de quelques jeunes qui continuent à
lutter pour obtenir un monde meilleur.
Solo annoncait Action directe et les Brigades rouges. Il ne
s’agit pas d’une apologie de la violence mais d’une écoute
des jeunes qui veulent changer la société et qui vont être
pris dans l’engrenage. Les “desperados” du capitalisme
sauvage. Leur mort sera inutile mais inévitable. Le film a
eu un certain retentissement parce qu’il montre la fin des
révolutions et de l’espérance. »
J.-P.M.
59
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
L’Albatros
J.-P.M.
60
Un linceul n’a pas de poches
Hommage à
J.-P. Mocky
Lorsqu’il manifeste le souci d’impliquer la responsabilité d’un 1974 / France / 125’ / couleur
fils à papa dans un accident de la route, Michel Dolannes voit Interprétation : Jean-Pierre Mocky (Michel Dolannes), Myriam
son article censuré. Furieux, il quitte son journal et fonde, Mézières (Myrrha Barnowski), Jean Carmet (le commissaire
dans l’enthousiasme et les difficultés, un nouvel hebdomadaire Bude), Michel Constantin (Culli), Michel Serrault (Justin
destiné à révéler les scandales que la grande presse dissimule Blesh), Sylvia Kristel (Avril), Michel Galabru (Thomas), Daniel
Gélin (Laurence), Jean-Pierre Marielle (le docteur Carlille),
pieusement. Lorsque le premier numéro du « Cosmopolite »
Michael Lonsdale (Raymond), Francis Blanche (Nathaël
sort, c’est un triomphe: Dolannes y dénonce les abus du Grissom)
« Sporting », un club de football…
Scénario : Jean-Pierre Mocky, Alain Moury, d’après le roman
de Horace McCoy
« Ayant lu le roman d’Horace McCoy, je fus conquis par Décors : René Loubet
cette histoire qui traçait un portrait sans concession de la Image : Marcel Weiss
presse. Le héros, journaliste pur et dur, crée un journal Son : Séverin Frankiel
où il se force à dire toute la vérité sur les scandales Musique originale : Paul de Senneville, Olivier Toussaint
Montage : Marie-Louise Barberot
et la corruption de tous bords. Privé de publicité, Production : Balzac Films, S.N. Prodis
le journal continue néanmoins à exister et lutte seul
contre le monde entier. Des acteurs de premier plan et
de toutes appartenances politiques participèrent avec
enthousiasme à ce film. »
J.-P.M.
61
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
Litan
62
Le Miraculé
Hommage à
J.-P. Mocky
Papu est un fauché permanent, qui vit de petits boulots et de 1986 / France / 88’ / couleur
petites escroqueries. Victime d’un accident, il décide de simuler Interprétation : Michel Serrault (Ronald Fox Terrier), Jean
une paralysie des jambes pour arnaquer sa compagnie d’assurance. Poiret (Papu), Jeanne Moreau (Sabine, dite « La Major »),
Un peu las de cette situation toujours assise, il décide de se rendre Sylvie Joly (Mme Fox Terrier), Jean Rougerie (Monseigneur),
à Lourdes où un « miracle » le guérira. Mais Ronald Fox-Terrier, Roland Blanche (Plombie), Sophie Moyse (Angelica), Marc
Maury (l’abbé Humus), Hervé Pauchon (Joulin), Georges
inspecteur méfiant et muet de la compagnie d’assurance a cerné le
Lucas (Le miraculé Dulac)
personnage et tente de démasquer publiquement la supercherie…
Scénario : Jean-Pierre Mocky, Patrick Granier, Jean-Claude
Romer
« À Lourdes, j’avais été choqué. Par les tenues négligées, Décors : Étienne Méry, Patrice Renault, Jean-Claude Sévenet
les seins nus de ces femmes, les shorts douteux de ces Image : Marcel Combes
hommes qui remplissaient leur bidon d’eau sous le nez de Son : Philippe Combes
la Vierge ; sans parler des incongruités stomacales et autres Musique originale : Jorge Arriagada, Michael Nyman
de ces gens qui s’interpellaient comme à Saint-Tropez, en Montage : Jean-Pierre Mocky, Bénédicte Teiger
Production : Koala Films, Initial Groupe
touristes imbéciles. Songez que les grands malades sont
une infime partie de cette foule parasite et mercantile qui
vit sur leur dos. Je tenais là un sujet. Je me suis dit qu’il avait
probablement été traité. Vingt-cinq films ont été tournés
sur la petite Bernadette. Mais de comédies, je n’en ai pas
trouvé une seule qui ait été réalisée. Je n’attaque pas les
curés, ce serait lâche d’attaquer une minorité. Je ne mets pas
en cause Lourdes puisque le miracle est le ressort même de
mon scénario. »
J.-P.M.
63
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
Agent trouble
Un autocar arrêté au beau milieu des neiges. Victorien le 1987 / France / 90’ / couleur
rejoint et monte à bord, entreprenant de soulager de leurs Interprétation : Catherine Deneuve (Amanda Weber), Richard
biens une cargaison de passagers... morts. À Paris, il confie Bohringer (Alex), Tom Novembre (Victorien), Dominique
son secret et son butin à sa « tantine », Amanda Weber, une Lavanant (Catherine Dariller), Sylvie Joly (Edna), Pierre Arditi
sage conservatrice de musée. Lorsque la télévision annonce (Stanilas Gauthier), Sophie Moyse (Delphine), Kristin Scott
la noyade de cinquante touristes dans un lac glacé d’Alsace, Thomas (Julie), Héléna Manson (Madame Sackman), Hervé
Pauchon (Tony)
le rêveur Victorien comprend qu’il est tombé sur une grosse
affaire et tente de trouver les instigateurs pour les faire Scénario : Jean-Pierre Mocky, d’après le roman L’Homme qui
aimait les zoos de Malcolm Bosse
chanter…
Décors : Michèle Abbé-Vannier
Image : William Lubtchansky
« J’étais très énervé parce qu’on dit souvent : “Mocky Son : Jean-Bernard Thomasson, Jack Jullian
bâcle ses films”. Bâcler un film signifie finalement le Musique originale : Gabriel Yared
faire à la foulée. C’est un peu le principe du type qui Montage : Jean-Pierre Mocky, Bénédicte Teiger
Production : Koala Films, AFC
crayonne un dessin. Des fois c’est plus joli que quand il
le rend définitif. L’opportunité de Catherine Deneuve,
qui était très sévère quant à la qualité et la respectabilité
du film, m’a donné envie de faire plus propre. Ce film, je
l’ai donc fait comme un défi à Catherine Deneuve ; pas
directement à elle mais à tous ces gens qu’elle fréquente
dans les dîners et qui risquaient d’être troublés. Mais
maintenant ils ne peuvent que lui dire : “Le film de
Mocky est très propre”. »
J.-P.M.
64
Ville à vendre
Hommage à
J.-P. Mocky
La plupart des habitants de la petite ville de Moussin sont 1991 / France / 100’ / couleur
au chômage, mais ils touchent de copieuses allocations que
Interprétation : Michel Serrault (le maire de Moussin), Richard
leur verse secrètement le Docteur Monnerie. Lors d’une Bohringer (le docteur Monnerie), Tom Novembre (Orphée),
fête locale, Delphine Martinet, pharmacienne, est assassinée Valérie Mairesse (Elvire), Féodor Atkine (le pharmacien),
alors qu’elle allait faire d’importantes déclarations. Le maire Michel Constantin (Docteur Bernier), Darry Cowl (le
et la gendarmerie tentent de faire passer son décès pour une vétérinaire), Bernadette Lafont (l’inspectrice Claire Deraing),
Dominique Lavanant (Eva Montier), Philippe Léotard (le
mort naturelle, mais un routard, Orphée, a tout vu. Il mène
kinésithérapeute), Jacqueline Maillan (Delphine Martinet),
l’enquête avec l’aide d’Elvire, préparatrice en pharmacie, Eddy Mitchell (le médecin légiste), Jean-Pierre Mocky (le PDG
décidée à venger sa patronne… de Faxma), Daniel Prévost (Georges Montier)
Scénario : Jean-Pierre Mocky, André Ruellan, Michèle
« J’étais dans une brasserie à Fourmies, dans le Nord. Là, Delmotte
une dame m’accoste ; c’était la libraire de Fourmies, qui Dialogues : Pierre Courville
me dit qu’elle a écrit un scénario qu’elle aimerait bien Décors : Jean-Baptiste Poirot
Image : Jean Badal
que je réalise. On me demande ça très souvent, je me
Son : Adrien Nataf
dis “quelle connerie elle a pu écrire ?”. Elle me raconte Musique originale : Vladimir Cosma
son scénario, et cette histoire me saisit. Elle me dit qu’à Montage : Jean-Pierre Mocky, Anne-Claire Mittelberger
Fourmies il y a cinquante pour cent de chômeurs, c’était Production : Les Films Alain Sarde
une ville textile, ces gens n’ont pas un rond et on en a
profité pour en faire des cobayes pour des médicaments.
Avec un test humain on peut mettre les médicaments en
vente plus rapidement sans attendre dix ans, c’est plus
rentable pour les laboratoires. J’ai décidé de faire un film
là-dessus, une histoire dans laquelle les pharmaciens, les
médecins ont créé une espèce de gang qui leur permet de
tester les médicaments sur ces malheureux. J’ai pu réunir
une distribution exceptionnelle. »
J.-P.M.
65
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
Bonsoir
Le tweed, c’est fini ! Monsieur Douasse licencie ses deux 1993 / France / 90’ / couleur
retoucheurs, Isidore et Alex. Celui-ci, grâce à une concierge
Interprétation : Michel Serrault (Alex), Jean-Claude Dreyfus
complice, occupe un sous-sol d’immeuble. Mais chaque soir, (Inspecteur Bruneau), Marie-Christine Barrault (Marie
vêtu de son melon et de son impeccable «loden», il trouve une Wileska), Claude Jade (Caroline Winberg), Corinne Le Poulain
combine pour se faire inviter et héberger pour la nuit par des (Gloria), Lauren Grandt (Greta), Jean-Pierre Bisson (Marcel
inconnus. Rien qu’une fois. Au petit matin, un solo de cor Dumont), Maaike Jansen (Yvonne Dumont), Serge Riaboukine
(Le Père Bonfils), Catherine Mouchet (Eugénie), Jean Abeillé
signale son départ...
(le commissaire Corbeau) Roland Blanche (De Tournefort)
« Le personnage qu’incarne Michel Serrault est un Scénario : Jean-Pierre Mocky, Pierre Bacelon, André Ruellan,
d’après le roman Les Égarements de Monsieur René de Claude
personnage poétique et extraordinaire. Il est pour les Bourgeix
personnages qu’il rencontre une sorte de baume : il va Décors : Clorinde Méry
raccommoder des choses, donner des idées aux gens… Image : Edmond Richard
Mais une sorte d’imitateur qui le suit partout cambriole Son : Pierre Lorrain
Musique originale : Vladimir Cosma
les gens lorsque Serrault est parti… Ça fait partie des
Montage : Jean-Pierre Mocky, Stéphane Schohn, Jean-Pierre
films que j’ai fait qui sont simplement des comédies, avec Reynard
un arrière-plan diffus qui traite de la difficile intégration Production : Koala Films, Flach Film, Lonely Pictures
des gens d’un certain âge sur le marché du travail. Mais
ce qui en fait la saveur c’est ce personnage poétique qui
pourrait rappeler le personnage de Peter Sellers dans
Bienvenue Mister Chance, qui fait sourire et en même
temps remplit d’aise. C’est une sorte de missionnaire
laïque qui veut faire du bien à son prochain. C’est peut-
être pour ça que le film plaît, on aimerait bien rencontrer
des gens comme ça dans la vie. »
J.-P.M.
66
Séance d’ouverture
Hommage à
J.-P. Mocky
La petite Garance a été assassinée il y a dix-sept ans et son 1994 / France, Suisse, Allemagne / 92’ / couleur
meurtrier n’a jamais été retrouvé. Alors qui s’acharne à raviver
Interprétation : Jane Birkin (Caroline), Sabine Azéma (Lucie),
son souvenir, à harceler sa mère ? C’est tout d’abord la voix Jean-François Stévenin (Commissaire Vasseur), Benoît
de l’enfant, que Caroline entend dans la boutique de son Régent (Docteur David Wahl), Matthias Habich (Chris), Alain
amie Lucie ; la stèle de Garance, profanée ; puis sa poupée, Fourès (Guillaume), Jany Holt (Geneviève), Bénédicte Loyen
disparue avec elle, qui réapparaît. Et ces orchidées noires, qui (Pamela), Dominique Zardi (un enquêteur)
accompagnent une série de morts étranges... Scénario : Jean-Pierre Mocky, André Ruellan, d’après le roman
de Carlene Thompson
« On m’a un jour apporté le livre, un livre policier un Décors : Ivan Niclass, Patrick Stoll
Image : Edmond Richard
peu à la Agatha Christie et je n’arrivais pas à deviner qui Son : François Musy
était l’assassin, c’est ce qui m’a fait faire le film : le public Musique originale : Gabriel Yared
se demanderait aussi sans doute qui était l’assassin Montage : Jean-Pierre Mocky, Lola Doillon, Xavier Loutreuil,
jusqu’au bout. Le film a été tourné à côté de Zurich à Bruno Zincone
Production : Koala Films, Les Productions JMH, Odessa Films,
Schaffhausen, sur le Rhin. Nous tournions de nuit avec
Bioskop Films
une humidité terrible. J’ai attrapé une pneumonie mais je
ne me suis jamais arrêté de travailler. Le docteur me disait
que je risquais de claquer, j’étais emmitouflé comme un
bibendum. C’est le dernier rôle de Benoît Régent qui est
mort sur place à la fin du tournage… Il ne tournait pas
dans les scènes du cimetière mais la chapelle ardente a
été celle du cimetière où l’on a tourné, avec ses grands
arbres. Cette atmosphère, ma maladie, ce cercueil…
C’était l’épouvante dans le film et dans la vie. »
J.-P.M.
67
Je me souviens...
Inédit
Les Insomniaques
Un insomniaque se promène dans la nuit. Il croise
un homme dans la même situation. Ils décident
alors de créer le Club des insomniaques, et de
devenir des redresseurs de torts, au service des
causes qui leur sont chères…
68
Avant-première
Le Mentor
« Vous connaissez My Fair Lady et l’histoire
de Pygmalion? Moi, je raconte l’histoire
d’un vieil homme, ruiné par son entreprise
et devenu SDF, qui surprend la conversation
d’un jeune couple de fiancés et qui décide
d’intervenir dans la vie de la jeune fille. Je
suis le mentor, celui qui la guide, la conseille;
une sorte de professeur, de directeur de
conscience… J’ai fait un film féministe,
optimiste, qui montre qu’elles peuvent
changer de vie, bousculer les choses. C’est
aussi une sorte d’étude sociologique, les
sans-abri ne sont pas des mendiants, vivre
sans rien est une forme de liberté. Et mourir
dans un couloir d’hôpital ou mourir dans la
rue, c’est pareil. »
Hommage à
J.-P. Mocky
J.-P.M.
69
Je me souviens...
Hommage à Jean-Pierre Mocky
Martha in memoriam
Avec Virginie Ledoyen, Mathieu Demy, François Vincentelli
Il l’aimait tendrement sa Martha. Pour elle il aurait fait n’importe
quoi. C’est ce qu’il a fait, hélas…
En complément de programme des Insomniaques
Sauvetage
Avec Richard Anconina, Bernard Lecoq, Zinédine Soualem,
Mess Hattou, Laurence Decaux
Vous voulez avoir de l’avancement ? Alors ne tuez pas votre patron.
En complément de programme du Miraculé
Voisin de cellule
avec Jean-Paul Rouve, Richard Bohringer, Roger
Knobelspiess, Momo Dridi
On fait un excès de vitesse ? Attention ça peut vous mener à la
potence !
En complément de programme de Litan
70
Le choix de Jean-Pierre Mocky
Hommage à
J.-P. Mocky
Sur une île quasiment désertique de l’archipel de Setonaikai 1960 / Japon / 94’ / noir et blanc
(au sud-est du Japon), une famille travaille sans interruption
Interprétation : Nobuko Otowa (Toyo, la mère), Taiji
pour faire pousser graminées et légumes. La difficulté de leur Tonoyama (Senta, le père), Shinji Tanaka (Tarô, le fils aîné),
tâche vient essentiellement du manque d’eau, qu’il faut aller Masanori Horimoto (Jirô, le deuxième fils)
chercher sur l’île voisine au prix d’efforts ininterrompus.
Scénario : Kaneto Shindô
Parmi les deux enfants, l’aîné va à l’école jusqu’au jour où Image : Kiyomi Kuroda
survient un drame … Son : Kunie Maruyama
Musique originale : Hikaru Hayashi
Un film qui m’a énormément frappé par sa simplicité, Montage : Toshio Enoki
Production : Kindai Eiga Kyokai
c’est L’Île nue de Kaneto Shindô. Ce film est, de mon
point de vue, plus fort que tous les films japonais, comme
Rashomon d’Akira Kurosawa. Ils sont intéressants mais celles d’un film européen ou américain. Il n’y a rien de
il y a énormément de moyens utilisés, des batailles, des folklorique dans ce film. Shindô arrive à empoigner les
cavalcades, des prisonniers… Tout ça me paraît un peu spectateurs avec rien. C’est d’une très grande pureté.
poussiéreux, un peu m’as-tu vu. L’Île nue est un chef
Jean-Pierre Mocky
d’œuvre. C’est l’histoire d’un couple et de deux enfants
(entretien avec Véronique Rossignol, Cinémathèque française)
qui doivent ramener de l’eau sur l’île. Pendant une
heure trente, le mari et sa femme ne se parlent pas et
transportent des seaux d’eau.
Au lieu d’accompagner le film de musique japonaise,
Shindô utilise des musiques qui pourraient être
71
Je me souviens...
mise
Rob Zombie
La
en
scène
du
désordre
Rob Zombie, un sauvage
par Vincent Malausa
L
orsqu’il réalise son premier film, La Maison des
1000 morts (2003), Rob Zombie sent peut-être
que le vent a tourné dans le cinéma d’horreur
qui s’est bâti sur le triomphe de Scream à la fin
des années 90. Au milieu des slashers aseptisés et des
parodies, l’atroce sorcière du Projet Blair Witch (1999) ou
l’ogre pédophile de Jeeper Creepers (2000) ont remis au
goût du jour un archaïsme et une brutalité assez éloignés
de l’ironie dans laquelle baignait le genre depuis de
nombreuses années. C’est à l’aune de cette remontée
acide qu’il faut considérer la famille de joyeux timbrés
72
définitivement dans une cruauté, une frontalité et une
amoralité qui deviendront les sédiments du cinéma
d’horreur des années 2000.
L’art du saisissement
Ce qui a peut-être empêché de mesurer l’importance
considérable de l’arrivée de Rob Zombie dans le paysage
du cinéma américain, lors de la sortie discrète en DVD de
La Maison des 1000 morts en 2004, tient à quelques détails
qui, considérés de manière rétrospective, se sont révélés
décisifs à mesure que les ambitions du cinéaste ont
grandi. Il y a d’abord l’aspect délibérément adolescent
de cet ovni bricolé, qui a pu le faire passer pour un petit
film-culte réservé aux geeks et autres «vidéo-brats» (rats de
vidéoclubs) nourris à l’esprit ironique et citationnel des
années 90. Or cette dimension adolescente est essentielle
dans le cinéma de Rob Zombie : c’est précisément dans ce
rapport à la colère adolescente (qui trouve probablement
sa source dans la carrière de musicien du cinéaste, avec
le groupe de shock rock White Zombie qu’il a fondé, puis
en solo) que son œuvre a pu déployer sa puissance selon
un folklore antisocial dont le dessin animé The Haunted
World of El Superbeasto (2009), adaptation d’un de ses
propres comics, offre la synthèse la plus pop : anarchie,
satanisme, romantisme noir et culture de l’excès et du
mauvais goût. Puissance non seulement commerciale –
Rob Zombie
Intégrale
The Devil’s Rejects et le remake de Halloween (2007) ont
engrangé des recettes considérables – car Rob Zombie
n’a pas cherché à pousser le genre vers une dimension
adulte mais a bien compris qu’il demeurait intimement
lié au marché adolescent. Puissance expressive surtout,
car cette approche a trouvé dans le diptyque Halloween /
Halloween 2 la matière d’une extraordinaire relecture du
chef-d’œuvre de Carpenter : faire du boogeyman Michael
Myers, du jeune ado grunge renfermé du premier
épisode au vagabond inexpressif et monstrueux du
second, la figure paroxystique et pathétique d’un grand
rêve d’enfant pulvérisé.
L’autre effet trompeur de La Maison des 1000 morts tient
à son aspect foutraque et brinquebalant. Là encore, cette
dimension est paradoxale car elle a pu laisser croire
que Zombie ne faisait que triturer les codes d’un genre
qui constitue le noyau de La Maison des 1000 morts, chéri en multipliant les effets de déjà-vu dans un grand
et notamment son chef de clan vicieux, le capitaine capharnaüm visuel à la structure mal dégrossie. Il y a
Spaulding interprété par Sid Haig : ce gros clown pourtant dans la forme même de ce premier film plusieurs
d’apocalypse, rebut white trash peinturluré et rigolard, éléments séminaux de la mise en scène de Zombie : le
ramène directement à l’esprit trivial et organique de la récit ultra-référencé de famille vicieuse et nécrophile est
période la plus sauvage qu’ait connu le cinéma d’horreur saturé d’une électricité macabre qui dépasse largement
américain, celle des seventies de Tobe Hooper et de Wes le petit jeu méta-filmique (sur le mode du quizz cinéphile
Craven. Massacre à la tronçonneuse et La Colline a des yeux déviant) pour s’offrir en programme poétique. Le cinéma
sont deux référents évidents de La Maison des 1000 morts de Rob Zombie est extraordinairement expressif et l’on
et de sa suite, The Devil’s Rejects (2005), mais il y a dans sent dans La Maison des mille morts que sa principale
la manière qu’a l’auteur de s’emparer de cette contre- force esthétique (qui relève de l’intensité maximale
mythologie familiale américaine (les deux films de du plan plus que d’un découpage assez rudimentaire)
Zombie se situent en 1977) quelque chose qui dépasse demeure à son état le plus outré : un empilement de
le simple tribut : avec Spaulding et ses rejetons à la visions qui atteint, lors de la scène de train fantôme
perversité hallucinée, l’esprit potache du genre bascule (voyage à travers l’histoire des serial-killers américains
73
The Devil’s Rejects
mêlant Ed Gein et Docteur Satan) ou dans les multiples autiste et bricolé de La Maison des 1000 morts avait
trouées du récit (found-footage, flashbacks granuleux, poussé le cinéaste à déployer son énergie dans le cadre
archives, split-screens, sédimentation, multiplicité des à ciel ouvert de l’âge d’or du Nouvel Hollywood dont
régimes d’image), à une espèce d’archéologie gore, l’adolescent Rob Zombie – né en 1965 – a fait son refuge.
lubrique et délirante entièrement régie par un principe Les fusillades en freeze shots citent Sam Peckinpah (le
de catharsis et de compulsion. Pas de surmoi ni de déni western est une obsession du cinéma de Zombie, où l’on
dans cette célébration païenne incontrôlée : Zombie cite John Wayne ou Lee Marvin entre deux discussions
tire de son expérience de réalisateur de clips (pour évoquant Charles Manson ou Elvis Presley), le film
ses propres chansons, entre autres) une énergie qui en reprend les « tricks » les plus mémorables de Massacre
fait immédiatement un cinéaste du jet, de l’éclat et du à la tronçonneuse (la voix-off de la radio, les plans au
saisissement. flash sur les cadavres en décomposition, le personnage
de Tiny définitivement assimilé à Leatherface) ou de
Horreur américaine La Colline a des yeux (les plans de voiture sur le désert)
Le manque de structure de La Maison des 1000 morts, où et l’ensemble, porté par une B. O. en forme de juke-box
tout fonctionne selon une logique de superposition et de seventies, est d’une impressionnante beauté visuelle. Il
frénésie, a trouvé dès The Devil’s Rejects à se consolider y a là une horizontalité narrative volontiers planante qui
dans une forme plus sophistiquée. The Devil’s Rejects repart rompt avec l’aspect sans haut ni bas, creusé d’une infinité
de la fin de La Maison des 1000 morts (après la découverte de galeries, de La Maison des 1000 morts.
des méfaits de la famille Firefly, les membres s’enfuient Pour autant, et malgré cette volonté d’épure, la ligne du
sur les routes du Texas) et s’inscrit dans un mouvement récit ne se départit jamais de cette profondeur ludique et
de traque, avec d’un côté un flic fou à lier décidé à venger foraine qui demeure la clé de voûte de l’œuvre de Zom-
son frère tué (William Forsythe singeant le personnage bie. À la moindre occasion, le cinéaste redéploie son petit
de vengeur illuminé de Dennis Hopper dans Massacre musée des horreurs (les apparitions de vieilles gloires du
à la tronçonneuse 2), de l’autre la bande des détraqués cinéma le plus sauvage des années 70, de Ken Foree, le
semant la mort dans leur cavale (essentiellement le héros de Zombie de Romero, à Michael Berryman, le fils
psychopathe sataniste Otis interprété par Bill Moseley et mutant de La Colline a des yeux) et charge le film d’une
sa sœur «Baby» incarnée par la délicieusement perverse intensité baroque qui doit énormément à Tobe Hooper
Sheri Moon Zombie). Le film est le plus ouvertement et à son film le plus injustement oublié, Massacre à la
maniériste de l’auteur, comme si le travail de synthèse tronçonneuse 2 – dont Bill Moseley reprend le personnage
74
de Chop Top presque à la lettre. Mais cette Amérique de – un slasher minimaliste réduit à une poignée de croi-
la marge, bohème et white trash dont le capitaine Spaul- sements – entre deux parties : la première, longue et
ding est l’emblème (avec sa baraque où l’on vend gas admirable, traite de l’enfance de Myers dans l’asile psy-
oil et poulet frit à la même enseigne) tient moins d’une chiatrique de Loomis, la seconde, épilogue assez boule-
volonté de pastiche que de l’enfance de Zombie, qui a versant, élucubre un rapport mélodramatique qui unit
été élevé dans le milieu du cirque, a vécu en roulotte et l’ogre au personnage de Laurie et qui fera presque tout
a rencontré mille personnages aussi colorés que ceux de le sujet schizophrène du second épisode.
ses films. Cette dimension intime, qui donne au diptyque Avec ces espèces de re-départs à intensité variable, fon-
La Maison des 1000 morts / The Devil’s Reject son arrière- dés sur un double mouvement de rétention et d’explo-
plan folklorique et politique de démontage en règle du sion, Zombie atteint un niveau de maîtrise incomparable,
rêve américain, tient tout entier dans la formule du doc- marqué par des ruptures de ton d’une extraordinaire
teur Loomis, clown cynique tentant de résumer, dans clarté (les plans fixes symétriques et écrasants de l’asile,
Halloween 2, sa vision du monde (« le mauvais goût est le la fluidité onirique du passage à l’acte de la seconde par-
carburant du rêve américain »). Cette culture du mauvais tie, le traitement réaliste, en caméra à l’épaule, des scènes
goût et d’une vulgarité portée en étendard rebelle, alliée familiales). Si le film est si impressionnant, c’est qu’il
à la culture cinéphile du cinéaste, donne à l’œuvre cet atteint le sommet de la puissance expressive et figurative
étrange équilibre de sophistication plastique et de bru- du travail maniériste de Zombie – avec le jeu formidable
talité primitive, bricolage indécidable de malice autobio- autour du masque de Michael Myers, qui devient une
graphique et d’horreur viscérale. espèce de fétiche morbide autour duquel s’enroule toute
une mise en scène de la fascination – tout en révélant
Aliénation et déchaînement sa capacité à réinventer le film séminal de Carpenter à
L’évolution fulgurante de l’œuvre de Zombie a trouvé l’aune de la culture white trash de ses précédents films. La
avec Halloween, son troisième film, un pic exceptionnel. figure de la mère de Myers (Sheri Moon Zombie en ma-
Si le film est probablement aussi bon que l’original – c’est man putain) comme celle du petit galopin au masque de
en tout cas assurément le plus grand film d’horreur de la clown sont du côté d’une sentimentalité refoulée d’où le
décennie -, c’est que Zombie y a trouvé la matière idéale film tire toute sa force de colère froide et d’effroi. D’une
Rob Zombie
Intégrale
de ses obsessions, entre compulsion maniériste et réap- manière plus personnelle, Halloween 2 pousse encore un
propriation complète du matériau d’origine. En tant que peu plus loin ce travail sur l’intensité de la terreur via
pur remake, le film condense dans sa partie centrale tout une mise en scène du déchaînement qui trouve son pa-
le chef-d’œuvre de Carpenter en accéléré (les meurtres roxysme dans la scène de la cabane du gardien secouée
de la nuit d’Halloween dans le quartier paisible d’Had- par une tempête. Porté par un script de slasher archéty-
donfield). C’est une démonstration de force et de style pal, la figure de Myers y devient une pure énergie ryth-
assez inouïe que Rob Zombie remettra en scène dans mique de destruction (des coups répétés jusqu’au chaos,
l’ouverture prodigieuse de Halloween 2, synthétisant en à l’image du mouvement dément de balancier du corps
un peu plus de vingt minutes toute l’intensité du huis poignardant ses victimes), mais traversée de visions oni-
clos hospitalier du film originel de Rick Rosenthal. Dans riques. Ces visions blanches qui habitent le film font de
le premier épisode, le cinéaste enserre ce noyau brûlant Myers, sous sa carapace archaïque et muette, une sorte
de corps intranquille et furieux, obsédé
La Maison des mille morts jusqu’à l’hypnose, à l’antithèse du person-
nage noyé dans les ténèbres de Carpenter.
75
Sid Haig et Rob Zombie
fragments de scènes insoutenables qui préfigurent le de Zombie l’équivalent d’une expérience de transe ou
règne du « torture porn » et le fantasme du snuff movie de décharge sensorielle assez proche de son travail
qui irrigue le cinéma d’horreur au croisement d’Internet de musicien – qu’il faut lire tous ses films. Le plaisir
et des images YouTube des années 2000. The Devil’s du bricolage et du clignotement forain, les guirlandes
Rejects reprend quant à lui une obsession macabre de multicolores qui décorent la baraque de Spaulding ou
Rob Zombie – le masque de chair humaine arraché aux servent à pendre un cadavre défiguré dans le bar à strip-
victimes et dont le tueur se revêt pour effrayer leurs teaseuses de Halloween 2 creusent des galeries illuminées
proches – qui relève du pire sadisme tout en s’inscrivant d’épouvante dans une œuvre où les trognes, les masques
dans le projet carnavalesque de sa mise en scène. Cette et les avatars les plus grossiers ont lessivé, épuisé et vidé
frontière indécidable entre premier et second degré est toute perspective morale. Or c’est bien dans cette absence
d’autant plus déstabilisante qu’elle repose sur une cruauté jouissive de morale que réside probablement toute
sans commune mesure avec le tout venant d’un genre l’humanité enfiévrée et carnavalesque de l’œuvre du
intimement lié au public adolescent – alors même que les dernier sauvage du cinéma d’horreur américain.
deux plus grands succès de l’auteur, The Devil’s Rejects et
Halloween, ont été interdits aux moins de 16 ans. V.M.
Cette absence de compromis explique en grande partie Vincent Malausa est chroniqueur cinéma au Nouvel Observateur
et critique aux Cahiers du cinéma.
pourquoi Rob Zombie est assurément le seul cinéaste
d’horreur d’importance apparu depuis la génération
glorieuse des maîtres des années 70-80 (Craven, Hooper,
Romero, Carpenter, Raimi...). Entre l’élan maniériste
qui pourrait tourner à vide et la dimension intime et
personnelle de ses films (qui rend par exemple si belle
la figure de Myers dans ses deux Halloween) réside
probablement la sève si particulière du cinéma de Rob
Zombie, sa manière à la fois chaleureuse et glaçante
de jouer avec un genre soumis plus que tout autre à
l’anonymat et à la répétition programmée de ses codes.
La férocité qui secoue les récits du réalisateur est le signe
d’une santé éclatante, et c’est probablement sous le signe
de cette seule intensité « physique » – qui fait du cinéma
76
Séance spéciale : film inédit en France
Rob Zombie
Intégrale
Les aventures d’El Superbeasto, réalisateur de films de série 2009 / États-Unis / 77’ / couleur / vostf
Z et ancien lutteur, mielleux mais violent, flanqué de sa
Avec les voix de : Tom Papa (El Superbeasto), Sheri Moon
voluptueuse comparse Suzi X : ils vont tenter d’empêcher Zombie (Suzi X), Rosario Dawson (Velvet Von Black), Paul
le maléfique Dr. Satan de prendre pour épouse Velvet Von Giamatti (Dr. Satan), Brian Posehn (Murray)
Black, strip teaseuse qui porte la marque du diable sur son Scénario : Rob Zombie, Tom Papa
postérieur… Direction artistique : James Hegedus
Son : Devon Bowman
Musique originale : Tyler Bates
Montage : Bret Marnell
Production : Starz Media, Film Roman Production
77
La maison des mille morts
78
The Devil’s Rejects
Rob Zombie
Intégrale
Les forces de police viennent encercler la ferme des Firefly, une 2005 / états-Unis, Allemagne / 107’ / couleur / vostf
famille de psychopathes ayant enlevé et torturé de nombreuses Interprétation : Sid Haig (Captain Spaulding), Bill Moseley
jeunes filles. Tandis que la mère est arrêtée, le reste de la famille, (Otis), Sheri Moon Zombie (Baby), William Forsythe (Sheriff
Otis et sa soeur Baby, réussit à s’enfuir. Ils donnent alors rendez- Wydell), Ken Foree (Charlie Altamont), Matthew McGrory
vous à leur père, le Captain Spaulding, dans un motel perdu du (Tiny), Leslie Easterbrook (la mère Firefly), Geoffrey Lewis
sud des États-Unis. Arrivés les premiers, Otis et Baby prennent (Roy Sullivan), Priscilla Barnes (Gloria Sullivan)
en otage un groupe de country music… Scénario : Rob Zombie
Décors : Anthony Tremblay
Image : Phil Parmet
L’intérêt de ce Devil’s Rejects tient dans une approche
Son : Scott Sanders, Buck Robinson
ironique qui, sans cynisme aucun, recycle absolument Musique originale : Tyler Bates, Terry Reid, Rob Zombie
toutes les figures du cinéma des années 70 : nous ne sommes Montage : Glenn Garland
plus ici dans la volonté de retrouver un ton, un esprit ou Production : Lions Gate Films, Spectacle Entertainment
simplement une atmosphère (comme par exemple dans le Group, Entache Entertainment, Creep Entertainment
International, Cinerenta, Cinelamda
récent La Colline a des yeux d’Aja), mais dans une distance
très paradoxale.
Le résultat est sidérant puisqu’il permet de faire circuler, au le genre demeure probablement le plus considérable enjeu
coeur de la coquille de l’hommage ou de la simple variation, apparu dans les meilleurs films d’horreur de ces dernières
une expérimentation très contemporaine : ni premier années. Lorsqu’il atteint par exemple à un degré de
ni second degré, plutôt un étrange croisement entre un cauchemar absolu, dans la séquence du masque mortuaire
maniérisme et une radicalité proprement indécidable. qui recouvre Otis, The Devil’s Rejects perpétue une horreur
On peut, bien sûr, ne voir dans cette subtilisation du que l’on pensait enterrée depuis bien longtemps. Telle est
politique de l’époque au profit d’un ludisme pervers une la leçon du cinéma de Rob Zombie, pyromane de l’horreur
forme de dégradation coupable, le prolongement vain quant tant d’autres ne se rêvent qu’en pompiers du genre.
d’un esprit envolé qui, aujourd’hui, moulinerait dans le
Vincent Malausa
vide. Mais questionner ce vide où est aspiré actuellement
(Chronicart.com, juillet 2006)
79
Le croque-mitaine
« I wear my silence like a mask
and murmur like a ghost »
Siouxsie and the Banshees, Halloween
D
u Halloween de John Carpenter à celui de
Rob Zombie, un fantôme devient un ogre,
et une même question trouve une nouvelle
réponse. Dans le film de Carpenter, un enfant
s’interroge : what’s the boogeyman ? L’enfant, en fait,
connaît déjà la réponse, c’est un secret partagé entre lui
et le film, une effroyable tautologie : le croque-mitaine,
c’est ce qui fait peur aux enfants. Chez Carpenter, la peur
est un jeu d’enfant, une gigantesque partie de cache-
cache aux règles dictées par un fantôme. Mais c’est un jeu
sérieux (on en meurt), et surtout, à ce jeu, aucun adulte
n’échappe – personne n’échappe à son enfance, personne
n’échappe au croque-mitaine, pas même la baby-sitter
qui refusait d’y croire. Pourquoi, chez Rob Zombie, les
enfants n’ont-ils plus peur du croque-mitaine ? Dans le
Halloween 2 de 2009, Michael Myers croise un enfant que,
contrairement aux adultes, il n’impressionne pas. Pas
parce que le petit ne croit plus aux contes de fées (au
contraire, il demande : « Es-tu un géant ? »), mais bien
parce que, dans la silhouette d’ogre qui lui barre la route,
il a reconnu un autre enfant (« Veux-tu être mon ami ? »).
C’est qu’à la question posée trente ans plus tôt par le
film de Carpenter, Rob Zombie a donné une nouvelle
réponse : le croque-mitaine, c’est un enfant.
On bat un enfant
Dans le passage de la ligne pure, quasi-bressonienne,
du film de Carpenter, à l’ahurissante furie de la version
Zombie, dans le bruit qui a recouvert le silence, il faut
bien sûr reconnaître la trace d’une signature heavy
metal – métal lourd de la musique où s’est formé Rob
Zombie, lourd métal de la lame de Michael Myers qui
s’abat à répétition comme un riff de guitare. De même
que la pente carnavalesque suivie par ses deux remakes
80
est un enfant
porte l’empreinte double de sa cinéphilie (en faisant de naissante de Rob Zombie – les masques y sont partout,
Myers un Gargantua, Zombie passe par Tobe Hooper du clown démoniaque de La maison des mille morts à la
pour retrouver Carpenter) et de sa biographie (son scène d’assaut qui, au début de The devil’s rejects, fait se
enfance foraine). Mais la trahison tient aussi à ce que, confronter en un furieux mardi gras les masques à gaz
d’un film à l’autre, le programme a changé radicalement. de la police et les déguisements de farce-et-attrapes de
Ce programme se fonde sur une double hérésie : non la famille Firefly. Dans l’asile où on l’a enfermé, le jeune
seulement oser la reprise d’un film parfait, mais surtout Michael crie de toute ses forces (un « fuck you ! » strident
fouiller sans précaution dans l’angle mort où se logeait dont sa sœur recevra l’héritage dans le second volet,
le secret de sa prodigieuse abstraction. Inventer une avant de se glacer à son tour), comme il criait sous la
Rob Zombie
Intégrale
enfance à Michael Myers, faire le long récit de sa jeunesse torture de son quotidien familial. Puis il finit par se taire
massacrée comme préalable à sa folie meurtrière, c’était, pour disparaître, pour de bon, sous un masque. L’ellipse
suprême sacrilège, couler dans le béton de la psychologie brutale qui suit, et qui coupe le film en deux, substitue
la forme pure (dans le scénario de Carpenter, Myers à l’enfant un colosse muet et masqué. D’où vient ce
s’appelait « the shape », la forme) de l’original. C’était en corps ? Que devient un cri qui butte contre une bouche
fait une idée géniale. Tout comme était géniale l’idée de close ? À propos des tableaux de Francis Bacon, Deleuze
faire porter d’emblée à l’enfant le masque du tueur adulte définissait le cri comme « l’opération par laquelle le
(terrifiante petite poupée, glaçante réduction Navajo corps tout entier s’échappe par la bouche1 ». Refoulé
d’une icône du cinéma d’horreur), ou de faire dialoguer vers l’intérieur, le cri de l’enfant martyr a fait pousser du
Myers adulte, tête nu, avec le masque qu’il semble avoir corps en excès : en s’éteignant, il a fabriqué un golem. Le
tiré directement des sous-sols du film de Carpenter. À programme de Rob Zombie, on le comprend, est moins
la face blanche aux yeux vides, l’ogre semble demander psychologique que purement figuratif : il s’agissait de
à son tour : qu’est-ce qu’un croque-mitaine ? Le masque fabriquer un monstre en le remplissant d’un chagrin
répond : c’est un cri d’enfant, camouflé sous un masque. d’enfant. Le cri n’est plus audible, il s’est aggloméré en
un bloc de rage muette, mais il suffit pour en retrouver
l’écho d’écouter le bruit mat des coups tombant sur les
Un cri bouche close victimes. Quelle risque alors font courir au spectateur,
Chez Carpenter, comme dans Le masque de la mort rouge dans Halloween 2, les images du masque lézardé de
d’Edgar Poe, le masque était une énigme : derrière le Myers, laissant son visage à demi-nu ? Leur promesse est
masque, nul visage sinon celui de la Mort au travail. Le plus terrible que celle d’un face à face avec le Mal : elles
visage de Myers enfant, à peine entrevu à l’ouverture menacent de révéler que sous la peau de latex, derrière
du film, était déjà un masque (« un visage blanc, sans le silence dont le monstre s’est fait un masque, un petit
émotion, avec des yeux de charbon », disait de lui le garçon continue d’enfouir ses larmes.
Jérôme Momcilovic
docteur Loomis, sous les traits de Donald Pleasance). En
filmant le destin d’un enfant martyr, Rob Zombie, lui, Jérôme Momcilovic est journaliste et critique de cinéma, et collabore
notamment au magazine Chronic’art depuis 2006. Il est par ailleurs enseignant
ne montre plus la marche inexorable du Mal, mais le au sein de l’ESEC, et a rejoint en 2009 le comité de sélection d’EntreVues.
figement d’un affect enfantin : le masque, ici, n’est plus
que la conversion d’une colère de petit garçon, un cri
moulé dans un morceau de caoutchouc. Autrement dit,
il est redevenu un masque, retrouvant à la fois l’essence 1 - G. Deleuze, Francis Bacon, Logique de la sensation, Turin, Éd.
cathartique du carnaval et l’obsession qui guide l’oeuvre La Différence, Mariogros, 1996
81
I
l y a quelque chose de curieux à voir ce pré-adolescent gus van santien
[dans le Halloween de Zombie] parachuté dans un univers infiniment
plus trash et bourrin que celui du maître américain [Carpenter]. Le fracas
de cette gueule d’angelot mal dégrossie avec les scènes de meurtres filmés
dans leur plus triviale réalité a quelque chose de profondément dérangeant.
(...) Ce qui frappe surtout, c’est la puissance brutale mise en scène par Zombie
avec un sens inouï de la sauvagerie et de l’effroi physique.
Carpenter mettait en scène les vides spatio-temporels entre les accès de
violences, dans une manière presque japonaise de considérer le cinéma
comme ce qui existe non pas dans les choses, mais entre les choses. Une façon
de travailler le genre au moyens de purs enjeux formels en étirant le temps et
l’espace (au delà des corps, c’est cela au fond que filmait Carpenter : le temps et
l’espace).(...) La force de Rob Zombie tient à cette manière granuleuse et sonore
de filmer le chaos, qui doit sans doute beaucoup à son expérience de musicien.
Comme si Zombie filmait le bruit, dans toute sa violence, sa matérialité, en se
souciant moins de mélodie que de l’impact de chaque note. Dans les moments
où le chant devient un hurlement, une éructation, cela devient alors vraiment
impressionnant.
Jean-Sébastien Chauvin
(Chronicart.com, octobre 2007)
Halloween
Rob Zombie
2007 / États-Unis / 106’ / couleur / vostf
Interprétation : Malcolm McDowell (Docteur Loomis), Scout
Taylor-Compton (Laurie Strode), Tyler Mane (Michael Myers),
Brad Dourif (Le shériff Brackett), Daeg Faerch (Michael
Myers enfant), Sheri Moon Zombie (Deborah Myers), William
Forsythe (Ronnie White), Danielle Harris (Annie Brackett),
Kristina Klebe (Lynda), Dany Trejo (Ismael Cruz)
Scénario : Rob Zombie, d’après le scénario original de John
Carpenter et Debra Hill
Décors : Anthony Tremblay
Image : Phil Parmet
Son : Buck Robinson
Musique originale : John Carpenter, Tyler Bates
Montage : Glenn Garland
Production : , Nightfall Productions, Spectacle Entertainment
Group, Trancas International Films, The Weinstein Company
Un 31 octobre, à Haddonfield, Illinois, le soir de Halloween. La
vie du jeune Michael Myers, dix ans, bascule. Troublé par des
pulsions morbides, moqué par ses camarades d’école parce que
sa mère est strip-teaseuse, harcelé par son beau-père, tourmenté
par les premiers émois sexuels de sa soeur aînée, il revêt un
masque en latex et, dans un accès de folie, assassine la moitié de
sa famille au couteau de cuisine…
82
Halloween 2
Rob Zombie
2009 / États-Unis / 102’ et 119’ / couleur / vostf
Interprétation : Scout Taylor-Compton (Laurie Strode), Brad
Dourif (Sheriff Lee Brackett), Malcolm McDowell (Docteur
Loomis), Danielle Harris (Annie Brackett), Tyler Mane
(Michael Myers), Sheri Moon Zombie (Deborah Myers), Chase
Wright Vanek (Michael Myers enfant), Brea Grant (Mya),
Angela Trimbur (Harley), Margot Kidder (la psy)
Scénario : Rob Zombie
Décors : Garreth Stover
Image : Brandon Trost
Son : Buck Robinson, Peter Staubli
Musique : Tyler Bates, John Carpenter
Montage : Glenn Garland, Joel Pashby
Production : Dimension Films, Spectacle Entertainment
Group, Trancas International Films
Rob Zombie
Intégrale
Deux années ont passé. Michael Myers, après avoir survécu au coeur de la nature, est de retour chez lui, à Haddonfield, avec la
ferme intention de régler une bonne fois pour toutes les affaires familiales qui avaient été laissées en suspens. Déclenchant une
vague de terreur, Myers est ainsi prêt à tout pour que les secrets de son passé malsain soient définitivement enterrés…
Nous projetterons la version de 102 minutes ainsi que la version «Director’s cut» de 119 minutes.
Halloween
John Carpenter
1978 / États-Unis / 91’ / couleur / vostf
Interprétation : Donald Pleasence (Dr. Sam Loomis), Jamie
Lee Curtis (Laurie Strode), Nancy Loomis (Annie Brackett),
P.J. Soles (Lynda van der Klok), Charles Cyphers (Shériff
Leigh Brackett), Kyle Richards (Lindsey Wallace), Brian
Andrews (Tommy Doyle), John Michael Graham (Bob Simms),
Tony Moran (Michael Myers)
Scénario : John Carpenter, Debra Hill
Direction artistique, décors : Tommy Lee Wallace, Craig
Stearns
Image : Dean Cundey
Son : Thomas Causey
Musique originale : John Carpenter
Montage : Charles Bornstein, Tommy Lee Wallace
Production : Falcon International Productions, Compass
International Pictures
83
C kan
kon kouch
Ernst Lubitsch
C
haque année, le film qui entre au programme
du baccalauréat est telle une figure imposée
pour concevoir une programmation qui sera à
la fois suivie par les lycéens de la France entière venus
à Belfort, mais aussi l’occasion de regarder une œuvre
et son auteur à travers un prisme particulier, à la fois
propre au jeu et à l’analyse. Cette année To Be or Not to
Be, chef-d’œuvre comique, tout à la fois sur le théâtre,
le nazisme et le mariage, d’Ernst Lubitsch.
84
la forme d’une nécessité tandis que la parole, au centre
même de sa mise en scène, est l’instrument par lequel
chacun se délecte du plaisir de la séduction. Quant
à l’amour, qui n’est possible que dans la persistence
du désir, à chacun la grande liberté d’en inventer – et
d’en dire – les tours et détours, afin d’entretenir son
feu fragile.
En sept films, nous traverserons, à partir de ce point
de vue, l’ensemble de l’œuvre de Lubitsch, depuis l’un
de ses derniers films muets tournés en Allemagne, La
Chatte des montagnes, jusqu’à son dernier opus, Cluny
Brown, en 1946.
Pour rendre compte de la place essentielle de ce
cinéaste, sept films d’auteurs attendus, et d’autres
plus inattendus, complètent cette programmation.
Chacun des films choisis renvoie de façon différente
à la manière du cinéaste et à la question « c’est quand
qu’on couche ? » : Chaplin dont L’Opinion publique
fut un modèle pour Lubitsch ; Jean Renoir dont le
« chacun à ses raisons » de La Règle du jeu, pourrait
être dit (ou énoncé) par un personnage lubitschien ;
Hitchcock, qui avait en commun avec lui de réclamer
l’adhésion absolue du spectateur ; Georges Cukor
et Preston Sturges, jeunes contemporains largement
sous influence du maître et dont les films Indiscrétions
et The Palm Beach Story exploitent avec jubilation la
structure ternaire de toute conquête amoureuse ; Billy
Wilder, l’élève, dont Avanti ! est tout entier construit
autour de cette vérité lubitschienne : « derrière toute
porte, il y a un lit qui attend » ; François Truffaut
enfin, dont Le Dernier Métro résonne étonnamment
avec To Be or Not to Be – le theâtre, l’occupation, le
chassé croisé amoureux, tout y est.
Aujourd’hui, Lubitsch a gardé tout son attrait. Et
à la question « pourquoi les œuvres de Lubitsch
?
résistent-elles ainsi aux fluctuations de la cinéphilie,
aux aléas du temps, jusqu’à séduire autant le public
contemporain ? », nous proposons une première
réponse : le plaisir de la séduction, auquel s’adonnent
sans compter ses personnages, échappe aux époques
et vient cueillir le spectateur consentant d’aujourd’hui.
C.B.
Sérénade à trois
85
à propos de
C
TO BE
e film est devenu au fil du temps le titre le plus
célèbre de Lubitsch, et chaque nouvelle vision
en renouvelle l’émerveillement devant sa force
comique dévastatrice, la complexité d’un récit
mené à un train d’enfer et la profondeur dans l’engagement
antinazi. Ce succès est loin d’avoir été acquis d’emblée et
OR NOT
le film, comme si un faisceau de forces contraires s’était
ligué contre lui, fut très mal accueilli à sa sortie. Lubitsch,
cinéaste allemand, juif, adopté et fêté depuis longtemps
par Hollywood comme l’un des maîtres de son cinéma, en
avait – chose exceptionnelle de sa part – coécrit le scénario
original. Peu familier des sujets politiques, mais inquiet
des victoires nazies et du sort infligé à la Pologne, il avait
TO BE
choisi de suivre dans ce film sa propre pente et de ne rien
céder sur son style, fait de verve satirique, d’ironie cruelle
et souvent de charge burlesque. Elles furent alors très mal
comprises, au point que Lubitsch dut se défendre, dans
une lettre au New York Times, d’avoir voulu se moquer
de ce que subissaient les Polonais. L’entrée en guerre
des États-Unis en plein tournage (le 8 décembre 1941), la
sortie du film en mars 1942, au moment de la plus grande
puissance de l’Axe, enfin la mort de la vedette Carole
Lombard dans un accident d’avion quelques jours avant
la première, contribuèrent à son mauvais accueil.
Par Jean Narboni
Le temps a permis d’apprécier toujours davantage, et
plus que tout, la perfection d’une construction savante,
labyrinthique et si riche en péripéties, changements de
86
C kan kon kouch ?
Ernst Lubitsch
tableaux et rebondissements déroutants que le spectateur, avec précision. Passée la projection, et quel que soit le
constamment sollicité dans sa vigilance et sa vitesse de nombre de visions ultérieures, on échoue à reconstituer
compréhension, se voit amené à accompagner le film l’enchaînement des séquences et l’ordre logique de leur
plutôt qu’il ne lui est soumis, à le construire en même succession. Contribue à cet aspect insolite du film le fait
temps qu’il se déroule devant ses yeux et à en combler les que Lubitsch y a mené d’une main de fer (sous le gant
ellipses énormes. Toujours aux aguets, il ne cesse de se de velours de la drôlerie et parfois de l’émotion) trois
demander, et sans cesser d’être prodigieusement amusé : motifs narratifs savamment entrelacés. Celui du théâtre et
« Où en sommes-nous de cette histoire ? Qui est qui? Que de ses doubles, de la frontière indécise entre le spectacle
s’est-il passé entre temps ? » et la vie (jouer Gestapo, pièce de théâtre antinazie ou
To Be or Not to Be est ainsi l’un de ces films – assez rares « faire » le nazi dans la réalité pour confondre l’ennemi),
dans l’histoire du cinéma – impossibles à mémoriser avec en corollaire le jeu ouvert ou sournois des rivalités
87
d’acteurs au sein d’une troupe. En second lieu, la valse, va-et-vient entre vraie et fausse moustache, copie et
depuis toujours familière à l’auteur, du trio amoureux, des modèle, original et double, sosies et imitateurs, fausse
jalousies et des infidélités conjugales. La charge antinazie barbe plus crédible que la vraie, et ainsi de suite jusqu’à ce
enfin, féroce (et très loin de la tendresse ironique qui qu’enfin la troupe des acteurs polonais déguisés en nazis
caractérisait les registres précédents), où Lubitsch adopte s’envole pour l’Angleterre, littéralement à la barbe des
le ton de la farce et du grotesque pour fustiger les agents vrais nazis confondus.
ridicules ou sournois de l’oppression. L’art de Lubitsch, après quelque soixante-dix films
To Be or Not to Be a été tourné deux ans après Le Dictateur (si l’on inclut les courts métrages en un ou deux actes
de Chaplin, le film antihitlérien précurseur et inégalé dans de la période berlinoise), manifeste dans To Be or Not to
la série des productions de l’industrie hollywoodienne Be une telle intelligence des ressorts dramatiques d’un
militant contre le nazisme. Lubitsch ne s’est pas contenté récit, une telle science dans le rendu émotif complexe,
de parsemer son film de discrets hommages à son génial qu’il laissait encore beaucoup à espérer d’une énergie
prédécesseur, il en a fait une réflexion critique raffinée sur créatrice inentamée. Mais en 1942, Lubitsch n’avait plus
celui de Chaplin, avec lequel il dialogue constamment. que cinq années à vivre et seulement deux films à mener
Ce dialogue se développe autour du motif célèbre de complètement à bien. Il meurt le 30 novembre 1947 à
la moustache, volée physiquement et médiatiquement cinquante-cinq ans.
à Charlot par Hitler et reprise par son auteur sous la
défroque du barbier juif (André Bazin a écrit après-guerre J. N.
un article lumineux sur Le Dictateur autour des notions
Jean Narboni est critique de cinéma.
de pastiche et de postiche). Dans le film de Lubitsch, Il a collaboré aux Cahiers du cinéma et est l’auteur, entre autres, d’ouvrages
l’ornement pileux (car ici la barbe vient s’ajouter à la seule sur Jean-Luc Godard, Ernst Lubitsch, Mikio Naruse ou Jean Renoir.
Son dernier ouvrage, Pourquoi les coiffeurs, est consacré au Dictateur de
moustache) est distribué entre divers personnages avec Chaplin.
une variété et un brio qui prennent à chaque fois de vitesse
l’entendement du spectateur. On peine à s’y retrouver (les
personnages du film autant que le spectateur) dans ce
88
La Chatte des montagnes (Die Bergkatze)
Ernst Lubitsch
Muté dans une nouvelle caserne, le jeune lieutenant Alexis 1921 / Allemagne / 79’ / noir et blanc / muet
tombe en route sur un groupe de brigands. Parmi eux, il fait la
Interprétation : Pola Negri (Rischka), Victor Janson (le
connaissance de la belle Riskscha à qui il promet fidélité. Mais commandant), Paul Heidemann (le lieutenant Alexis), Wilhelm
Ernst Lubitsch
(Lilli), Marga Köhler (la femme du commandant), Paul Graetz
« Groteske » prévient d’emblée l’un des premiers cartons (Zofano), Max Gronert (Masilio), Erwinn Kopp (Tripo), Paul
Biensfeldt (Dafko)
du film — et telle surprenante étiquette convient de fait
parfaitement à ce chef d’œuvre « en quatre actes » (…). Scénario : Hanns Kräly, Ernst Lubitsch
C’est bien de cela qu’il s’agit dans ce mélange peu stable Décors : Max Gronert, Ernest Stern
Image : Theodor Sparkuhl
d’éléments contradictoires : fable ironique ou tendre satire, Montage : Ernst Lubitsch
colossale fantaisie ou excès de la caricature au service de la Production : Projektions-AG Union
justesse des situations et de la vérité des personnages… Au
prince charmeur, il manque quelques cheveux et quelques
dents, mails il charme pourtant, et par troupes, les femmes
(l’une des plus folles séquences du cinéma, dépassant en
audace Keaton et les Marx, montre l’adieu de quelques
milliers de femmes amoureuses au prince qui s’en va).
Sans cesse l’on passe ainsi de l’exagération à la subtilité, du
monstrueux au délicat.
Jean-Louis Comolli
89
L’Éventail de Lady Windermere (Lady Windermere’s Fan)
Ernst Lubitsch
Lord et Lady Windermere vivent une vie mondaine bien réglée 1925 / États-Unis / 86’ / noir et blanc / muet
à Londres lorsqu’apparaît dans leur vie une certaine Mrs Interprétation : Ronald Colman (Darlington), May McAvoy
Erlynne. Femme de mauvaise réputation, elle se met en contact (Lady Windermere), Bert Lytell (Lord Windermere), Irene
avec Lord Windermere à qui elle révèle qu’elle n’est autre que la Rich (Mme Erlynne), Edward Martindel (Lord Augustus
mère de Lady Windermere. Or cette dernière voue un véritable Lorton), Carrie Daumery (La duchesse de Berwick)
culte à sa mère qu’on lui a dit décédée à sa naissance… Scénario : Julien Josephson, d’après la pièce d’Oscar Wilde
Décors : Harold Grieve
Au trio lubitschien « classique » vient ici s’adjoindre le Image : Charles Van Enger
Musique originale : Yati Durant
personnage de la mère déchue ; c’est cependant moins
Montage : Ernst Lubitsch
d’un quadrille euphorique ou grave qu’il s’agit, que Production : Warner Brothers
d’une série d’affrontements sévères, de conflits attisés,
d’illusoires rapprochements, jamais présents à l’endroit
du récit que l’on avait prévu, appariant ceux que l’on
n’attendait pas. L’évolution des scènes — les éléments
une fois mis en place — déjoue toujours toutes nos
prévisions.
Mettre en scène, dès lors, c’est enserrer les personnages
dans un réseau de regards ; organiser les approches,
hésitations et reculs autour d’une série d’objets-piège ;
mesurer les sentiments et l’humeur aux lignes des
déplacements et à l’ampleur des gestes.
Jean Narboni
(in Ernst Lubitsch, sous la direction de Bernard Eisenschitz et Jean Narboni,
Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, Cinémathèque française, 2006)
90
Haute pègre (Trouble in Paradise)
Ernst Lubitsch
Ernst Lubitsch
femme. Or, la belle n’est pas celle qu’elle prétend être: elle se Interprétation : Miriam Hopkins (Lily), Kay Francis (Mariette
nomme Lily Vautier et fait profession de dévaliser les hommes Colet), Herbert Marshall (Gaston Monescu), Charles Ruggles
qu’elle séduit. Mais, tandis qu’elle lui fait les poches, son (le major), Edward Everett Horton (François Filiba), C. Aubrey
hôte lui vole ses bijoux. Chacun reconnaissant en l’autre un Smith (Adolphe Giron), Robert Greig (Jacques, le maître
d’hôtel), Leonid Kinskey (le Russe)
confrère de très haut niveau, Lily et Gaston décident d’autant
plus volontiers de s’associer que l’amour est né entre eux… Scénario : Samson Raphaelson, Grover Jones, d’après la pièce
The Honest Finder de Laszlo Aladar
Décors : Hans Dreier
En 1932, il n’y avait rien d’extraordinaire à ce qu’un
Image : Victor Milner
film, hollywoodien de surcroît, soit une pure source Son : M.M. Paggi
de délices pour la seule raison qu’on y parlait d’argent Musique originale : W. Franke Harling
comme nulle part ailleurs et qu’on y montrait le vertige Montage : Ernst Lubitsch
amoureux sans qu’il soit jamais question, à aucun Production : Paramount Pictures
moment, de le rendre « légal » en le sanctifiant par les
liens du mariage. (...) Cinquante ans plus tard, cette
liberté de ton continue de nous émerveiller quand elle
devrait nous laisser de glace, compte tenu de ce que la
vie, c’est-à-dire le cinéma, nous a appris. (…) C’est que
nous n’avons pas cette pureté qui les fait considérer
l’argent comme une chose suffisamment méprisable
pour qu’il ne soit aucunement criminel de le voler,
l’amour comme une illusion qu’un être civilisé se doit
de dispenser à son prochain sans s’y laisser prendre lui-
même.
Michel Perez
(Le Matin, 1er septembre 1983)
91
Sérénade à trois (Design for Living)
Ernst Lubitsch
Dans le train qui les conduit à Paris, un auteur dramatique en 1933 / États-Unis / 91’ / noir et blanc / vostf
quête de succès, Tom, et un artiste peintre, George, tombent
Interprétation : Fredric March (Tom Chambers), Gary Cooper
amoureux d’une dessinatrice de publicité ; chacun comprenant (George Curtis), Miriam Hopkins (Gilda Farrell), Edward
l’amour de l’autre et l’issue impossible de leur histoire, Gilda Everett Horton (Max Plunkett), Franklin Pangborn (Mr
décide de devenir leur muse dans le cadre d’un ménage à trois Douglas), Isabel Jewell (la dactylo), Jane Darwell (la femme de
platonique. Ils concluent un pacte d’amitié chaste… chambre), Wyndham Standing (le majordome de Max)
Scénario : Ben Hecht, d’après la pièce de Noel Coward
Les personnages s’attirent irrésistiblement, abolissant Décors : Hans Dreier
temps et espace pour se suivre et se retrouver, et dès qu’en Image : Victor Milner
Son : M.M. Paggi
présence, ne pouvant vraiment se saisir et se rejoindre, les Musique originale : John Leipold
forces d’attraction s’inversant en facteurs de résistance. (…) Montage : Frances Marsh
Il semble qu’en inversant le « triangle » classique du Production : Paramount Pictures
vaudeville (au lieu d’une femme entre deux hommes,
deux hommes entre une femme), Lubitsch ait découvert ce
à quoi il rêvait depuis longtemps : la possibilité même du
mouvement perpétuel, un système de rapports fondés sur
l’instabilité.
À l’arrivée comme au départ du parcours, les mêmes deux
hommes et la même femme s’aiment du même amour, et il
y aura toujours là matière à film. Cette femme partagée et
pourtant unique, plaisons-nous à voir en elle l’image même
de la mise en scène selon Lubitsch : viser, à l’inverse des
autres cinéastes, la contradiction de toute résolution.
Jean-Louis Comolli
(in Ernst Lubitsch, sous la direction de Bernard Eisenschitz et Jean Narboni,
Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, Cinémathèque française, 2006)
92
La Veuve joyeuse (The Merry Widow)
Ernst Lubitsch
Sylvie Pierre
(in Ernst Lubitsch, sous la direction de Bernard Eisenschitz et Jean Narboni,
Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, Cinémathèque française, 2006)
93
To Be or Not to Be
Ernst Lubitsch
Une troupe de théâtre polonaise répète laborieusement une 1942 / États-Unis / 99’ / noir et blanc / vostf
pièce mettant en scène Hitler, alors que dans la réalité les
Interprétation : Carole Lombard (Maria Tura), Jack Benny
troupes allemandes envahissent la Pologne. Le théâtre et (Joseph Tura), Robert Stack (Lieutenant Sobinski), Felix
ses acteurs se retrouvent au chômage. Mais le lieutenant Bressart (Greenberg), Lionel Atwill (Rawitch), Stanley Ridges
Sobinski, un jeune pilote de bombardier réfugié à Londres, est (le professeur Siletsky), Sig Ruman (le colonel Ehrhardt),
amoureux de l’actrice principale, Maria Tura. En essayant de Tom Dugan (Bronski), Charles Halton (Dobosh, le metteur en
scène), George Lynn (l’adjudant-acteur)
la contacter, il découvre une opération d’espionnage visant le
démantèlement de la résistance polonaise… Scénario : Edwin Justus Mayer, Melchior Lengyel, Ernst
Lubitsch
Décors : Vincent Korda, Julia Heron
To Be or Not to Be apparaît comme le film le plus proche Image : Rudolph Maté
du schéma vaudevillesque « classique » qui voit se Son : Frank Maher
confronter dans un jeu de quiproquos burlesque une Musique originale : Werner R. Heymann
femme, son mari cocu et son jeune amant. (…) En fait, Montage : Dorothy Spencer
Production : Ernst Lubitsch, Alexander Korda
il est évident que Lubitsch prend des libertés avec
le schéma vaudevillesque-type, qu’il revisite en lui
donnant une tournure plus subtile et plus complexe : à femmes lubitschiens s’efforcent de s’accommoder de leur
partir de matériaux très ténus, il parvient à engendrer incapacité voire de leur refus de choisir. Ils en font même
des œuvres inattendues, énergiques, variées, dans un art de vivre et en assument les conséquences le moins
lesquelles les personnages, pris dans l’urgence et les douloureusement possible.
contradictions de leur désir, agissent selon une nouvelle
forme d’inconstance. Non qu’ils cèdent nécessairement
Natacha Thiéry
à de futiles atermoiements, mais les hommes et les (Lubitsch, les voix du désir, Éditions du Céfal, 2000)
94
La Folle Ingénue (Cluny Brown)
Ernst Lubitsch
95
Ciné concert avec Jan Vaclav Vanek
96
Autour d’Ernst Lubitsch
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Autour d’Ernst Lubitsch
La Règle du jeu
Jean Renoir
André Jurieux, un aviateur, est accueilli en héros : il vient 1939 / France / 110’ / noir et blanc
de traverser l’Atlantique en solitaire pour l’amour de la naïve Interprétation : Marcel Dalio (le marquis Robert de La
Christine, la marquise de La Chesnaye. Il est terriblement déçu Chesnaye), Nora Gregor (Christine de La Chesnaye), Roland
de l’absence de cette dernière à l’aérodrome. Le riche marquis Toutain (André Jurieux), Mila Parély (Geneviève de Marras),
de La Chesnaye organise une partie de chasse sur ses terres Jean Renoir (Octave), Julien Carette (Marceau), Paulette
en Sologne. Il convie ses amis fortunés, parmi lesquels André Dubost (Lisette), Gaston Modot (Schumacher), Richard
Francoeur (Monsieur La Bruyère), Claire Gérard (Madame La
Jurieux, dans son château de la Colinière pour le week-end… Bruyère)
Scénario : Jean Renoir, Carl Koch
Je pensais à quelques uns de mes amis dont les intrigues
Décors : Max Douy, Eugène Lourié
amoureuses semblaient la raison d’être. Comme le dit Image : Jean Bachelet
Lestringuez [ami scénariste de Renoir]: « Si tu veux Son : Joseph de Bretagne
décrire la vérité, mets-toi bien dans la tête que le monde n’est Musique originale : Roger Désormières, Joseph Kosma
qu’un foutoir. Les hommes ne pensent qu’à une chose, c’est Montage : Marguerite Renoir
Production : Nouvelle Édition Française
à baiser, et ceux qui pensent à autre chose sont fichus. Ils se
noient dans les eaux bourbeuses du sentiment. » (…) Mon
intention première fut de tourner une transposition des
Caprices de Marianne à notre époque. (…)
J’y ai mis des personnages qui sont des personnages
extrêmement simples mais qui vont au bout de leurs
idées. Ce sont des personnages francs. La peinture de
cette société, peut-être en déliquescence, nous la fait
cependant aimer, je l’espère, parce que cette société a au
moins un avantage, elle ne porte pas de masque.
Jean Renoir
(extraits de Ma vie et mes films, Flammarion, 1974
et de l’émission « Jean Renoir vous parle de son art », août 1961)
98
Autour d’Ernst Lubitsch
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Autour d’Ernst Lubitsch
Tom et Gerry Jeffers sont mariés mais Tom ne parvient pas à 1942 / États-Unis / 88’ / noir et blanc /
percer dans sa profession d’architecte. Leur situation financière Interprétation : Claudette Colbert (Gerry Jeffers), Joel
n’est pas satisfaisante aux yeux de Gerry. Elle estime que ce McCrea (Tom Jeffers), Mary Astor (la princesse Centimilia),
serait mieux pour eux de se séparer. Ayant reçu de l’argent Rudy Vallee (J.D. Hackensacker III), Sig Arno (Toto), Robert
d’un vieil homme qui a l’intention de louer leur appartment, Warwick (Mr. Hinch), Arthur Stuart Hull (Mr.Osmond),
Torben Meyer (le docteur Kluck), Jimmy Conlin (Mr. Asweld),
elle prend le train pour la Floride où elle espère, après avoir Victor Potel (Mr. McKeewie)
obtenu le divorce, rencontrer un riche prétendant qui pourrait
aussi aider Tom… Scénario : Preston Sturges
Direction artistique, décors : Hans Dreier, Ernst Fegté
Image : Victor Milner
Le style de Sturges n’hésite pas à emprunter ses Son : Harry Lindgren, Walter Oberst
matériaux à des catégories totalement hétérogènes — Musique originale : Victor Young
ne se reconnaissait-il pas comme maîtres des cinéastes Montage : Stuart Gilmore
Production : Paramount Pictures
aussi différents que Clair ou Lubitsch ? (…) Les grands
thèmes (le succès, la richesse, la dignité, l’innocence,
la duplicité…) et les situations classiques du cinéma sans crainte de fausse note ou de mauvais goût, les
américain, et particulièrement de la comédie américaine, conventions sociales et cinématographiques, les certitudes
se partagent son œuvre, se télescopent, se bousculent, philosophiques ou morales, dans un anarchisme éthique
se contredisent sans qu’il soit possible d’en tirer une et esthétique tonitruant.
philosophie. (…) Vante-t-il, comme Lubitsch, le plaisir
Joël Magny
et la sensualité de l’instant ? Sans doute, mais pas à (Cahiers du cinéma, décembre 1989)
n’importe quel prix.
C’est cette incohérence qui fait le charme des films
de Preston Sturges et, en fin de compte sa cohérence
profonde, insoupçonnable. Des films à la fois toniques
et profondément pessimistes qui dynamitent par un
rire énorme, sans souci de décence ou de respectabilité,
100
Autour d’Ernst Lubitsch
101
Autour d’Ernst Lubitsch
Avanti !
Billy Wilder
Wendell Armbruster junior, P.D.G. de trente-sept sociétés, 1972 / États-Unis, Italie / 140’ / couleur / vostf
doit interrompre sa partie de golf pour sauter dans un avion
Interprétation : Jack Lemmon (Wendell Armbruster Jr), Juliet
pour l’Italie : il vient d’apprendre la mort de son père dans Mills (Pamela Piggott), Clive Revill (Carlo Carlucci), Edward
un accident de voiture. Wendell Armbruster senior venait Andrews (J.J. Blodgett), Gianfranco Barra (Bruno), Franco
tous les ans à Ischia, sous le prétexte d’y suivre une cure de Angrisano (Arnold Trotta), Pippo Franco (Mattarazzo), Franco
bains de boue, mais en fait, et son fils l’apprend avec horreur, Acampora (Armando Trotta), Giselda Castrini (Anna)
pour retrouver une dame anglaise très discrète, Mrs. Piggott, Scénario : I.A.L. Diamond, Billy Wilder, d’après la pièce de
qui était le grand amour de sa vie. Wendell junior fait la Samuel Taylor
connaissance de Pamela Piggott, la fille de la maîtresse de son Direction artistique, décors : Ferdinando Scarfiotti
Image : Luigi Kuveiller
père… Son : Basil Fenton-Smith
Montage : Ralph E. Winters
Scénariste pour Lubitsch, puis réalisateur, Billy Wilder Production : Jalem Productions, The Mirisch Corporation,
fut l’un des plus habiles à démonter les rouages de la Phalanx Productions, Produzioni Europee Associati
société et à mettre ainsi en évidence ses insuffisances.
(…) Dans Avanti !, les péripéties, les gags, les quiproquos
deviennent pour une fois secondaires, alors que sont
exaltées la nonchalance et la sensualité : la douceur
de vivre, la dolce vita. (…) On s’agite beaucoup sous
le soleil de l’Italie mais le cinéaste en fait un hymne à
la sérénité. Dans cette comédie merveilleuse, on finit
par retrouver les amants incongrus, sur un rocher, nus
comme Adam et Eve.
Philippe Piazzo
(Le Monde-Aden, 25 juin 2003)
102
Autour d’Ernst Lubitsch
Le Dernier Métro
François Truffaut
Carole Le Berre
(François Truffaut au travail, Éditions Cahiers du cinéma, 2004)
103
L'argent guide le monde...
104
L
a crise, depuis des mois, fait la une des journaux
comme si ce n’était plus qu’un mot, une liste de
chiffres, une collection de mesures, plus ou moins
justes et justifiées. Pourtant, malgré le non-dit de la
bourse, du commerce, du marché, de la finance et du capital,
la crise n’est finalement au quotidien qu’une sombre, féroce et
très concrète histoire d’argent. L’argent, cette chose ordinaire
tellement triviale qu’on ose à peine l’évoquer, régit nos vies
bien au-delà du raisonnable, détermine nos existences, et pas
seulement matérielles. Constat presque simpliste que celui de
Manuel de Oliveira, interrogé à propos de son dernier film
Gebo et l’ombre : « l’argent guide le monde mais n’a pas beaucoup
de valeur en fait ».
Le cinéma, comme un miroir de la vérité, nous le dit sans
détour: l’argent est cruel, l’argent rend cruel, l’argent est
féroce, l’argent est vulgaire. Alors, ne laissant aucune chance
de rachat à quiconque, nous avons choisi des œuvres autour
de la violence que peut provoquer l’argent, qu’il manque ou
qu’on en soit avide, la folie qu’il engendre, les catastrophes
qu’il entraîne… bref, à chaque fois, de sombres histoires
d’argent !
Toutes ces histoires où se mêlent le calcul et la pulsion, le
fantasme et la vie intime, ont en commun de révéler, avec une
certaine jubilation, la face noire du monde, « le côté obscur de
la force ».
L’argent c’est aussi le point nodal du capitalisme.
Et puisque nous étions partis de la crise, les Rencontres
Cinéma et histoire sont l’occasion de nous interroger sur la
manière dont les crises jalonnent l’histoire du capitalisme
depuis ses origines, et sans vouloir polémiquer à ce sujet, se
demander si les crises ne sont un moteur même du capitalisme.
Les historiens invités évoqueront avec nous successivement
la naissance du capitalisme américain avec La Rivière
d’argent de Raoul Walch, l’emblématique crise de 29 avec Les
Raisins de la colère de John Huston et la violence de la crise
des subprimes en 2007 avec le film de Jean-Stephane Bron,
Cleveland contre Wall Street. À côté de ces films qui racontent
l’ascension, l’hégémonie et les dérèglements du monde de la
L’argent
finance, deux films nous font faire un pas de côté. Dans Les
Aventures extraordinaires de Mister West au pays des Bolcheviks,
Lev Koulechov s’amuse en 1924 des croyances américaines
se représentant le Bolchevik comme un voleur sanguinaire,
mais dénonce aussi la présence en Russie de brigands avides
d’argent, comme l’ère post-soviétique et ses excès nous le
confirmeront. Avec Nos amis de la banque, c’est aux organisme
financiers internationaux que nous nous intéresserons,
Banque Mondiale et FMI, et leur emprise sur les pays en voie
de développement.
Si cette programmation fait la part belle au « modèle »
américain, nous n’oublions ni la vieille Europe ni le village
global qu’est le monde aujourd’hui. Une séance spéciale
nous permettra d’y revenir avec Film Socialisme de Jean-Luc
Godard que nous projetterons avec le dernier film de André
S.Labarthe, No comment, également programmé dans le cadre
de l’anniversaire de la revue art press.
C.B.
105
L'argent guide le monde...
REVES ENROBES, SOMMES DEROBEES de gravité s’est déplacé, puisqu’on vit et on voit l’argent
par Charles Tesson autrement. On a tendance à parler de son immatérialité,
comme s’il s’agissait d’une réalité impalpable, d’une
Lors de la commémoration du centenaire de la naissance donnée abstraite : une carte bancaire, un relevé de
du cinéma, en 1995, Jean-Luc Godard, non sans malice, comptes, des chiffres sur un écran d’ordinateur, une salle
avait cru bon de rappeler que tout le monde s’était mis où officient des traders, quelque chose qui circule mais
d’accord sur une date, celle de la première projection qu’on ne peut plus localiser ni identifier, au sens de faire
publique payante. Histoire de souligner que le fait image. À l’argent immobile, stocké dans un coffre-fort,
cinématographique impliquait une économie, des recettes symbole de la richesse et du capital associé au dépôt,
en fin de chaîne (le cinéma, une sortie pour le spectateur, en quantité et en valeur, a succédé une surmobilité de
des entrées pour l’exploitant) et un investissement en l’argent dont le cours, au sens propre comme au sens
amont. Un producteur, de l’argent. Le générique de Tout figuré, le rend insaisissable. Le vocabulaire de l’argent
va bien (Jean-Luc Godard, 1972) avec le défilé de chèques se déplace aussi, via le pouvoir croissant des bourses
filmés en insert pour payer ceux et celles qui font le film, et la réalité de la mondialisation, dans un contexte de
acteurs compris (Yves Montand, Jane Fonda), rappelait crise : spéculation, dettes, emprunts, déficits, faillites.
avec un humour caustique la condition de l’existence L’argent en soi, comme bien possédé de façon palpable,
des films, côté émetteur de chèques, dont le compte est cède la place à un discours sur l’économie générale, qui
débité. Pour désigner le contenu d’un générique, on devient l’élément central, chacun se familiarisant avec
emploie le mot de crédits. Ici, les personnes mentionnées son vocabulaire, devenu quasiment un fait de société
sont effectivement créditées, ainsi que leur compte en (l’Europe en crise, des pays au bord de la faillite).
banque. Rudolf Thome, dans La Main dans l’ombre (System
Le cinéma, depuis ses origines, a aimé filmer l’argent, ohne schatten, 1983), avec Bruno Ganz et Dominique
dans sa réalité matérielle et visible, à savoir les pièces Laffin, a filmé le premier hold-up informatique, bien
de monnaie et les billets de banque. Aujourd’hui, alors peu spectaculaire, car effectué assis devant un écran
qu’on est toujours confronté à cet usage quotidien, plus d’ordinateur (entrer dans un système, modifier les
sensible encore quand l’argent vient à manquer, le centre chiffres, faire un virement sur son compte) tout en
106
reprenant les codes du film de genre, dans lequel les soustractions, multiplications), sa capacité à faire image
préparatifs importent tout autant que l’exécution du vol et être objet d’images sur un plan cinématographique
lui-même. Ces films centrés sur un hold-up à effectuer, disparaît au profit de ces nouvelles opérations.
à l’image de Quand la ville dort (The Asphalt Jungle, Les grands naturalistes, comme Stroheim, Chaplin
John Huston, 1950) et Du rififi chez les hommes (Jules ou Mizoguchi ont aimé observer et restituer les
Dassin, 1954) sont des métaphores de la réalisation transformations des rapports humains sous la pression
d’un film. D’abord le temps de la préparation, avec la de l’argent, aussi bien en raison de la nécessité d’en
distribution des rôles, les repérages du décor (photos, avoir pour vivre (la nourriture qu’on vole, faute de
croquis) et un scénario soigneusement élaboré, objet de pouvoir l’acheter, chez Charlot) que de son pouvoir de
plusieurs répétitions, avant l’exécution proprement dite destruction sur le groupe face à la promesse d’en avoir
(l’équivalent du moment du tournage), moment où on (haine, jalousie, rivalité, aussi bien dans Les Rapaces de
n’a plus droit à une seconde prise. Stroheim, 1923, que dans Le Trésor de la Sierra Madre
L’effacement progressif de l’argent sous forme d’objet de John Huston, 1948). L’argent veau d’or, objet de
préhensible et visible (pièces, billets) au profit d’une convoitise, est idolâtré, fétichisé, tout en restant à échelle
simple réalité chiffrée, plus abstraite (crédit, débit, humaine. On le rêve, on le fantasme, on l’hallucine, on
virement, prélèvement) recoupe l’histoire du cinéma, le touche, on le palpe, on le caresse, jusqu’à donner au
avec le passage de la pellicule à l’image numérique. Le geste (Pickpocket, Robert Bresson, 1962) une dimension
mot de numérique désignant littéralement ce qui est érotique, voire d’effraction sexuelle. L’argent est localisé
représenté par des nombres arithmétiques, des chiffres. (banque) et transporté dans un sac ou une valise, en
Depuis l’existence de la cassette vidéo, du DVD, de diligence ou en train. Sa traçabilité, comme on dit
projection numérique, l’image intermédiaire, empreinte aujourd’hui, appartient au monde tangible, toujours à
photographique de la réalité projetée par le truchement portée d’œil et de main.
de la lumière (le projecteur, le photogramme, au rythme L’argent, d’être transporté par des convoyeurs de fonds,
de 24 images par seconde), a disparu pour n’exister est aussi un convoyeur de formes. L’échange de la main à
que sur le support de diffusion (écran de télévision, la main peut se faire sous forme d’insert, d’image témoin
d’ordinateur, de téléphone portable, de salle de cinéma) et agent de l’échange. L’insert cheville la rhétorique
à la façon dont l’utilisation de l’argent, sous forme de de la scène tout en chevillant les rapports humains,
pièces et de billets, est de plus en plus remplacées par de dépendants de cette transaction financière (le système
simples opérations chiffrées, au gré des cartes bancaires de la dette des prostituées dans La Rue de la honte de
et autres cartes à puce. Mizoguchi). On parle désormais de montage financier
Il existe un âge d’or du filmage de l’argent au cinéma, quand le cinéma, pour ce qui est de l’argent, a longtemps
qui correspond à l’industrialisation et au capitalisme associé sa présence à l’écran à la valeur du plan, entité
de la fin du XIXe, au monde ouvrier et au salariat, à visible et repérable dans la chaîne du film, qui circule lui
l’exploitation et au profit, que la littérature a observé aussi et fait l’objet de montage et d’échanges, ne serait-
(Zola, Dickens), le cinéma naissant lui emboîtant le pas. ce que dans le champ-contrechamp. L’argent passe
Autrefois, l’argent avait une valeur en soi (pièces en or), d’une main à l’autre, d’un plan à l’autre, pris dans une
avant de devenir la représentation d’une valeur réelle construction qui détermine les rapports humains (le
restée à l’abri (la réserve en or d’un pays, et l’émission de monde du désir, de l’envie, du besoin, de la convoitise
billets correspondant à ces réserves, l’État étant garant de et de la possession), au même titre que les regards et les
L’argent
leur valeur). Toute l’histoire de la monnaie et des billets paroles échangées.
témoigne d’un goût pour la représentation, l’effigie (têtes Si le cinéma de Bresson aime la main, il a été le premier
couronnées, chefs d’état, personnalités, dont le Pascal de à filmer, pour ce qui est de l’argent concret, la relation
l’Argent de Bresson), voire pour l’inscription de devises entre l’homme et une machine. Dans L’Argent (1982), son
(« In God we trust »), tant l’argent en circulation, outre réalisme magique transforme un banal distributeur de
sa valeur intrinsèque, a besoin de faire symboliquement billets en dieu Moloch, qui avale la carte et recrache de
image (la numismatique, ou science des médailles et l’argent, grâce à tout un système de sas, de clapets qui
monnaies anciennes). Cet argent fait image et objet s’ouvrent et se referment. Soit une construction entre la
d’images correspond à la réalité cinématographique, au main de l’homme et la bouche de la machine, sous l’œil
temps de la pellicule (l’argentique) et du photogramme, de la caméra qui observe cette transaction, tel un pacte
indice visible et garant du processus (ce qui a eu lieu au maléfique.
tournage sera projeté sur l’écran), à la façon dont un billet Si, selon l’adage, tout travail mérite salaire, le cinéma
de banque, sans valeur en soi (juste un bout de papier) a surtout retenu cette forme extrême où l’amour
a une valeur garantie justifiant son émission sous cette devient un travail et est monnayable. Mizoguchi bien
forme. Aujourd’hui, avec le 2K et le numérique, plus sûr, dès L’Élégie de Naniwa (1936) et les Sœurs de Gion
de garantie visible. En raison d’une nouvelle utilisation (1936) jusqu’à la Rue de la honte (1956). Dans ce film, la
de l’argent, réduite à de simples calculs (additions, prostituée qui s’en sort le mieux (Yasumi, interprétée par
107
L'argent guide le monde...
Ayako Wakao) est celle qui emprunte aux clients sans les de l’argent ne motive plus une expédition aventureuse
rembourser pour fonder son entreprise de blanchisserie (L’Île au trésor, La Ruée vers l’or), elle devient une
qui ensuite fait affaire avec la maison close qu’elle a aventure en soi, intrinsèque au monde de l’argent. De
réussi à quitter, contrairement à ses collègues. Pour ce la bourse filmée par Marcel L’Herbier (L’Argent, 1929,
qui est de filmer l’argent qui vient à manquer, le cinéma, d’après Zola) à celle vue par Oliver Stone (Wall Street,
compte tenu de la réalité de notre monde, n’a pas fini 1987), les chiffres et cotations sont passées de tableaux
d’en parler, et ce, depuis les poches trouées de Charlot, accrochés aux murs à des écrans d’ordinateur. Reste à
les pièces comptées dans la main, insuffisantes pour faire comprendre l’enjeu de tout cela, comme si l’argent,
acheter la nourriture nécessaire. Cette réalité du manque lointaine figure du Mal dans la tradition catholique et
d’argent et ses conséquences pour la survie (payer pour non protestante (la trahison de Judas, rémunéré pour
manger), le cinéma continue d’en faire le tour sous toutes ses services, les marchands du temple), était devenu un
ses formes, que ce soit dans Pather Panchali de Satyajit monstre tentaculaire et protéiforme tout en demeurant
Ray (1955), ou dans Le Signe du lion d’Eric Rohmer (1959). invisible. Soit un nouveau défi pour le cinéma, afin
Central aussi le superbe film de Sembène Ousmane, Le de saisir et de restituer de l’argent ses flux et leurs
Mandat (1967), où l’argent envoyé de France par le neveu conséquences dramatiquement subies par ceux qui
à son oncle au Sénégal est déjà débité et dépensé avoir n’y prennent pas part, aussi bien pour les pays riches
même d’avoir été encaissé, si bien que la promesse (Cleveland contre Wall Street, Jean-Stéphane Bron, 2010)
d’avoir de l’argent, aussitôt convoité par l’entourage, que dans les pays pauvres, le temps d’instruire le
appauvrit le personnage, l’endette et le ruine, au lieu de procès des banques et du Fonds Monétaire International
l’aider. (Bamako, d’Abderrahmane Sissako, 2006).
Si du côté du manque d’argent, rien n’a changé, aussi
bien dans la réalité que pour le cinéma, du côté du trop, C.T.
Charles Tesson est critique et historien du cinéma.
de l’excès, depuis l’image de Picsou se baignant dans Il a été rédacteur en chef des Cahiers du cinéma et est délégué général de la
une piscine remplie d’argent, tout a changé dans sa Semaine de la critique depuis 2011.
figuration. À l’argent qui fait vivre et dont on a besoin
pour vivre, s’est ajouté l’argent qui vit en soi, en tant
que tel. Il n’est plus identifiable sous forme d’objet (un
billet, un plan), il devient une source de spéculation
(placements, dividendes) et une pure fiction. La quête
108
De l’aube à minuit (Von morgens bis Mitternacht)
Karl Heinz Martin
Un pauvre caissier envoûté par l’apparition d’une riche 1920 / Allemagne / 74’ / noir et blanc / muet
italienne à son guichet réalise brusquement la médiocrité de Interprétation : Ernst Deutsch (le caissier), Erna Morena
son existence. Il vole l’argent de sa caisse, abandonne sa famille (la dame), Roma Bahn (la fille), Adolf Edgar Licho (le gros
et son travail pour tenter de vivre le temps d’une journée ses homme), Hans Heinrich von Twardowski (le fils de la dame),
passions, ses désirs et ses rêves. Frida Richard (la grand-mère), Eberhard Wrede (le directeur
de la banque)
Dans un style surchargé, étouffant, saturé, hanté par une Scénario : Herbert Juttke, Karl Heinz Martin, d’après la pièce
L’argent
de Georg Kaiser
dépréciation des valeurs, à l’heure de l’expressionnisme
Décors : Robert Neppach
allemand, Von Morgen bis Mitternachts donne une Image : Carl Hoffman
impression de dramaturgie du «figé», cette phobie Musique originale : Yati Durant
décadente de la façade alors que tout s’écroule. (...) Production : Ilag Film
Fausses perspectives, reliefs escamotés, De l’aube à minuit
est le symptôme d’un monde qui sonne creux, à la veille
de la montée du nazisme.
Thierry Cazals
(Cahiers du cinéma, septembre 1986)
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L'argent guide le monde...
La Californie, au début du siècle. Un employé d’une mine d’or, 1923 / États-Unis / 108’ / Muet
McTeague, un colosse à cheveux bouclés, sujet à de terribles
Interprétation : Zasu Pitts (Trina), Gibson Gowland
crises de colère, quitte un jour la mine pour suivre, selon les (McTeague), Jean Hersholt (Marcus), Dale Fuller (Maria), Tempe
conseils de sa mère, un dentiste itinérant. Il ouvre bientôt un Pigott (la mère de McTeague), Sylvia Ashton (Maman Sieppe),
cabinet à San Francisco et a pour clients Marcus et sa petite Chester Conklin (Papa Sieppe), Joan Standing (Selina), Austen
amie Trina à qui Maria, la femme de ménage de l’immeuble, Jewell (Auguste Sieppe)
vend un billet de loterie… Scénario : Erich Von Stroheim, June Mathis, d’après le roman de
Frank Norris, McTeague
Ainsi que l’indique son titre original choisi par Stroheim, Direction artistique, décors : Erich Von Stroheim, Richard Day,
Cedric Gibbons
la peinture de la cupidité (« greed ») est le sujet du film. Image : William H. Daniels, Ben F. Reynolds
Poursuivant sa manière habituelle, Stroheim ne fait Montage : Joseph Farnham, Erich Von Stroheim, June Mathis
pas ici un film moralisateur, manichéen ou rassurant. Production : Metro-Goldwyn-Mayer
L’ascension de McTeague devient vite chute, la success
story, mélodrame. L’amitié, l’amour ne résistent pas à fut débarrassée des personnages secondaires et des pans
l’or et ses corollaires qui corrompent tout et qui révèlent de récit tombèrent. Le négatif restant fut recyclé, pour en
chez tous les personnages des monstres qui s’ignorent. Si extraire le sel d’argent qu’il contenait.
les Rapaces mettait en scène la plus sordide cupidité, la
réalité ne fut pas en reste. Sur ordre de Louis B. Mayer, Pierre d’Amerval
tyran de la nouvelle MGM, le film, après de multiples (catalogue EntreVues 1996, une histoire de la Cinémathèque française)
avatars, passa de 9 heures à 2 heures un quart. Les rajouts
de Stroheim à l’œuvre originelle disparurent, l’intrigue
110
L’Or des mers
Jean Epstein
© La Cinémathèque française
« On imagine mal l’isolement et la misère auxquels une île 1931 / France / 74’ / noir et blanc
comme Hœdik, où j’ai tourné L’Or des mers, peut être réduite. Scénario : Jean Epstein
Par beau temps, on traverse les quinze milles qui la séparent Image : Christian Matras, Albert Brès
de la presqu’île de Quiberon en cinq ou six heures de bateau. Musique originale : Thomas Kross-Hartmann, Marcel Devaux
(…) Production : Synchro-Ciné
En tout, trois cent quatre-vingts habitants, dont cinquante
hommes dans la force de l’âge, qui vivent d’une pêche toujours Mes interprètes sont des îliens que j’ai pris à Hœdik.
aléatoire. Tous les pêcheurs sont pauvres et même misérables Je n’ai pas voulu demander à des acteurs de copier des
au-delà de toute imagination. Les femmes, vieillards, enfants, gestes, des attitudes des personnages alors que des
vêtus de loques et de guenilles, croupissent ou errent, hommes pouvaient les vivre. Il est bien évident que
L’argent
cherchant dans les criques et sur les rochers quelque vestige cette méthode de travail a ses difficultés. On ne peut pas
apporté par les flots. Il faut connaître la situation de ces gens-là diriger une scène à Hœdik comme on le ferait au studio,
pour comprendre leur désir. Ils vivent avec l’hallucination des en chapeau et en gants blancs. Il faut amener ces gens à
trésors engloutis sous la mer. une confiance totale, vivre avec eux.
Le thème du film est l’hallucinante pensée, chez les îliens, de J’aurais voulu ne laisser à la parole que la place de
l’or enfoui dans la mer. (…) l’ancien sous-titre, ne faire entendre que ce qui était
Parmi ces pêcheurs, un vieux, Quouarrec, est mis à l’écart strictement indispensable, mais j’ai été amené à étendre
par les îliens pour sa méchanceté et son ingratitude. Un le dialogue un peu plus que je ne le pensais tout d’abord.
soir, en rôdant sur la grève, il trouve une cassette brillante Toutefois, L’Or des mers comprendra une importante
abandonnée sur le sable par la marée et la cache. Un gosse partie musicale qui sera composée par Devaux et Kross-
qui l’a vu de loin répand la nouvelle. Aussitôt l’imagination Hartmann.
des habitants pare cette découverte de leurs propres rêves.
Extraits de propos de Jean Epstein recueillis par Pierre Loprohon dans
Il est certain que le vieux possède une caisse pleine d’or et,
Cinémonde n° 184, 1932 et Pierre Oguzdans dans Amis du Peuple, avril 1933
lui qui était repoussé par tous, devient l’objet de régalades,
de noces, de flatteries, qui ont pour but de lui arracher son
secret.
111
L'argent guide le monde...
Fred C.Dobbs est américain et vit à Tampico au Mexique où 1948 / États-Unis / 126’ / couleur / vostf
il essaie de survivre en mendiant quelques pièces. Il rencontre
Interprétation : Humphrey Bogart (Dobbs), Walter Huston
Curtin avec qui il se lie pour gagner un peu d’argent. Les deux (Howard), Tim Holt (Curtin), Bruce Bennett (Cody), Barton
hommes trouvent un travail sur un chantier pour lequel ils MacLane (McCormick), Alfonso Bedoya (Gold Hat), Arturo
ne sont pas payés. Ils font alors la connaissance d’un vieux Soto Angel (Presidente), Manuel Dondé (El Jefe), José Torvay
chercheur d’or, prénommé Howard, qui va leur donner des (Pablo), Margarito Luna (Pancho)
idées d’aventures… Scénario : John Huston, d’après le roman de B. Traven
Direction artistique, décors : John Hugues, Fred M. McLean
John Huston démystifiait l’épopée de la « ruée vers l’or » Image : Ted McCord
Son : Robert B. Lee
que Chaplin avait su, vingt ans plus tôt, rendre tragi- Musique originale : Max Steiner
comique. Les héros de John Huston tentent de revivre Montage : Owen Marks
une aventure idéalisée par les récits anciens, mais ils Production : Warner Bros-First National
apprennent à leurs dépens, que la vraie richesse ne
réside pas dans quelques sacs de poussière blonde. Leur
courage est inutile et leurs efforts sont vains. Moralité un
peu naïve sans doute. Mais John Huston va plus loin. Il
démolit sans complaisance les thèmes favoris du cinéma
américain et ses fausses valeurs. L’homme reprend toute
sa place, avec ses sentiments, sa fragilité et sa grandeur.
Samuel Lachize
(L’Humanité, 4 septembre 1965)
112
Umberto D.
Vittorio de Sica
Dans les années 1950 en Italie, un professeur à la retraite, 1951 / Italie / 89’ / noir et blanc / vostf
Umberto Domenico Ferrari, souffre d’une pension insuffisante
Interprétation : Carlo Battisti (Umberto Domenico Ferrari),
pour vivre. Habitant, avec son chien Flyke, chez une logeuse
L’argent
Maria Pia Casilio (Maria), Lisa Gennari (Antonia), Ileana
intransigeante, il essaie de trouver les fonds nécessaires au Simova (la dame du parc), Elena Rea (la religieuse à l’hôpital),
paiement de son loyer. Pour cela, il doit se démunir petit à Memmo Carotenuto (le malade), Alberto Barbieri (Paolo)
petit de tout ce qui lui tient à cœur. Malgré ses efforts, il ne Scénario : Cesare Zavattini
parvient toujours pas à rembourser ses dettes. Il se prétend Décors : Virgilio Marchi
alors malade, et parvient à dormir gratuitement à l’hôpital… Image : G.R. Aldo
Son : Ennio Sensi
Musique originale : Alessandro Cicognini
Que voyons nous dans Umberto D. sinon l’anéantissement Montage : Eraldo Da Roma
économique d’un être humain ? Les ouvriers, sur Production : Vittorio De Sica, Rizzoli Film, Amato Film
les ordres de la logeuse qui veut expulser Umberto,
commencent à détruire son appartement, le contraignant
à dormir au milieu des gravats, dans le froid. Peu à peu Umberto D. quiconque mis en position de survie. Sans
le monde devient littéralement inhabitable pour le vieil doute, la force du cinéma néoréaliste est d’avoir placé le
homme. Si le personnage d’Umberto, pauvre enseignant peuple et la question sociale au cœur du cinéma. Qu’un
retraité, est parfaitement typé, il demeure aussi et avant tel cinéma soit encore, et plus que jamais, nécessaire, est
tout une figure métaphorique, comme l’indiquerait une évidence.
l’initiale qui le désigne. La société italienne qui révèle ici Stéphane Du Mesnildot
sa cruauté, ce pourrait être la France contemporaine, et (Arkepix.com, 2006)
113
L'argent guide le monde...
Ancien caïd de la pègre parisienne récemment libéré de prison, 1954 / France / 122’ / noir et blanc
Tony le Stéphanois, malade, n’est plus que l’ombre de lui-
Interprétation : Jean Servais (Tony le Stéphanois), Carl
même. Sentant sa fin prochaine, Tony veut tenter un dernier Möhner (Jo le Suédois), Robert Manuel (Mario Ferrati), Janine
coup avec deux de ses amis, Jo et Mario : le cambriolage d’une Darcey (Louise), Pierre Grasset (Louis Grutter dit le Tatoué),
bijouterie de la place Vendôme. Mario fait venir l’un de ses Robert Hossein (Rémi Grutter), Marcel Lupovici (Pierre
compatriotes, César le Milanais, spécialiste de l’ouverture des Grutter), Dominique Maurin (Tonio), Magali Noël (Viviane),
Marie Sabouret (Mado)
coffres-forts. L’opération a lieu une nuit après une minutieuse
préparation… Scénario : Jules Dassin, René Wheeler, Auguste Le Breton,
d’après son roman
Décors : Alexandre Trauner
Un terrible jeu de massacre dont les protagonistes nous Image : Philippe Agostini
inspirent une atroce pitié. Dassin est parvenu à susciter Son : Charles Akerman, Jacques Lebreton
en nous l’horreur du destin de ses héros, sans pour Musique originale : Georges Auric
autant nous les rendre antipathiques. Sans en faire non Montage : Roger Dwyre
Production : Société Nouvelle Pathé Cinéma, Indusfilms,
plus pour autant des demi-dieux. Il serait absurde de
Primafilm
prétendre que ses personnages sont vrais objectivement
et qu’ils ont leur réplique du côté de Pigalle. Mais ils sont
beaucoup mieux que vrais : vraisemblables. (…) Nous
participons à leur lutte, leurs souffrances et leurs morts
nous apparaIssent bien davantage comme la rançon
d’un choix absurde que comme un châtiment.
André Bazin
(Radio cinéma télévision, 24 avril 1955)
114
La Rue de la honte (Akasen chitai)
Kenji Mizoguchi
L’argent
Image : Kazuo Miyagawa
Son : Mitsuo Hasagawa
Si plaisir il y a pour Mikki, il ne peut être que dans Musique originale : Toshirô Mayusumi
une véritable débauche de la consommation, acte Montage : Kanji Sugawara
Production : Daiei Studios
de revanche sur son exploitation, mais acte sacrilège
puisqu’il gaspille la seule valeur de l’existence : la
possession. Ses patrons s’étaient approprié une valeur
érotique de tout premier ordre mais dont le capital se
trouve sans cesse gâché par ses pratiques d’endettement.
Elle leur fait payer ce qu’ils lui volent. Quant à l’argent,
elle en dénonce la valeur dérisoire eu égard au seul bien
qui puisse donner son sens à l’existence : l’amour.
Daniel Serceau
(Mizoguchi : de la révolte aux songes,
Éditions du Cerf, 1983)
115
L'argent guide le monde...
En 1932, les États-Unis sont en pleine crise économique. Des 1969 / États-Unis / 120’ / couleur / vostf
marathons de danse sont organisés : de pauvres bougres, appâtés Interprétation : Jane Fonda (Gloria), Michael Sarrazin
par la gratuité des repas et la prime offerte au couple gagnant, vont (Robert), Susannah York (Alice), Gig Young (Rocky), Red
danser jusqu’à total épuisement, sous le regard de spectateurs Buttons (Sailor), Bonnie Bedelia (Ruby), Michael Conrad
avides de sensations. Rocky, le maître des cérémonies, choisit les (Rollo), Bruce Dern (James), Al Lewis (Turkey)
couples qui vont participer à l’épreuve : Gloria, une jeune femme Scénario : James Poe, Robert E. Thompson, d’après le roman
dont l’agressivité cache la solitude et l’amertume, Sailor, un de Horace McCoy
marin qui se rajeunit pour pouvoir concourir, Ruby, une jeune Direction artistique, décors : Harry Horner, Frank McKelvey
Image : Philip H. Lathrop
femme enceinte et son mari, Alice, une actrice en chômage.
Son : Tom Overton
Musique originale : Johnny Green
Le marathon de danse peut être vu comme une allégorie Montage : Fredric Steinkamp
pessimiste de la condition humaine ou bien comme une Production : Palomar Pictures, American Broadcasting
caricature monstrueuse du « struggle for life » et de Company
toutes les valeurs, inversées, du rêve américain. (…) Pour
les danseurs du marathon, acculés par la misère à ce
supplice, la seule « valeur » qui subsiste est leur énergie,
même si elle les entraîne vers l’enfer et la destruction :
Pollack lui rend un hommage ambigu, à la mesure du
monde pourri où elle apparaît.
Jacques Lourcelles
(Dictionnaire du cinéma, Robert Laffont, 1992)
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Histoire du Japon racontée par une hôtesse de bar
(Nippon sengoshi : Madamu Onboro no seikatsu)
Shôhei Imamura
L’argent
1970 / Japon / 105’ / noir et blanc / vostf
vulgaire, réactionnaire, plutôt inculte et assez salope,
Image : Masao Tochisawa
Madame Onboro est néanmoins quelqu’un : sa présence, Son : Yoshio Hasegawa
son aplomb, la solidité mécanique de ses raisonnements Musique originale : Harumi Ibe
et son immense courage, la rendent souvent attachante. Montage : Shôhei Imamura
(…) Elle a dû naître au tout début des années trente, Production : Nihon Eiga Shinsha
dans la plus pouilleuse des banlieues de Tokyo. Depuis
sa maturité, sa vie s’est résumé à ceci : hôtesse de bar, Imamura enfonce le clou têtu qui reste l’une de ses
entraîneuse, femme des rues. (…) Oui, c’est vrai, elle n’a raisons de vivre, sinon de filmer : plus il s’obstine à
aimé que l’argent. Oui, c’est juste, avec une application poser à Madame Onboro la question « Qui êtes-vous ? »
béate elle a loupé tous les grands événements politiques, (…), plus il s’approche d’un inévitable « Qui suis-je ? »,
évité tous les mouvements sociaux, fui toutes les luttes auquel son cinéma apporte avec une superbe humilité de
de son pays… Pour elle, tout cela n’a aucune importance, précieux lambeaux de réponse.
elle s’en fout mais sans malveillance, sans scrupule, ni
Olivier Séguret
soupçon. Ce qu’elle a toujours voulu, ce qu’elle veut (Libération, 22 avril 1987)
encore, c’est « vivre ». Entendez par là : avoir des sous.
Dans ce but, elle a passé son temps au bras des matelots
américains, les a pressés comme des citrons, s’est mariée
trois fois et a eu deux filles.
117
L'argent guide le monde...
Welfare
Frederick Wiseman
Welfare dépeint la vie quotidienne d’un centre d’aide 1975 / États-Unis / 167’ / noir et blanc / vostf
sociale à New York en 1975. À cette date, le chômage Image : William Brayne
atteint des sommets et le nombre des assistés ne cesse Montage : Frederick Wiseman
d’augmenter. Mais Wiseman ne s’intéresse pas aux Production : Zipporah Films
chiffres ; son film montre l’écart qui sépare l’idéologie des
faits. L’idéologie : le consensus libéral qui a traversé les
décennies (le progrès social n’a pas de limites et les États-
Unis disposent des moyens de supprimer la pauvreté,
l’analphabétisme, la discrimination raciale, etc.). Les faits :
la pesanteur bureaucratique, la paupérisation, la détresse,
le désespoir d’une population à la dérive échouée dans ce
centre d’aide sociale. (…)
« Je n’ai pas d’argent pour le loyer et la nourriture, je n’ai pas
mangé depuis trois jours. Vous ne pouvez rien pour moi. Je
demande l’égalité. Qu’est-ce que l’égalité dans le grand système
démocratique de ce pays ?... L’égalité c’est les riches d’un côté,
tous les pauvres de l’autre ; moi je suis dans le camp des pauvres,
et vous vous êtes la loi. Si rien ne change, il n’y aura plus d’États-
Unis d’Amérique. Seigneur, je ne sais plus quoi faire, sinon
souffrir… OK, OK, c’est ce que vous voulez. Si c’est ce que vous
voulez, c’est votre job, je ne peux qu’attendre jusqu’à la fin. »
Sarah Sékaly
(« Bienvenue au pays de Wiseman ! »,
In : Communications n°71, 2001)
118
Je veux seulement que vous m’aimiez
(Ich will doch nur, daß ihr mich liebt)
Rainer Werner Fassbinder
Jeune ouvrier, Peter passe l’essentiel de son temps libre à 1976 / R.F.A. / 104’ / couleur / vostf
construire une maison pour ses parents, des patrons de bistrot Interprétation : Vitus Zeplichal (Peter Trepper), Elke Aberle
qui ne lui ont jamais donné beaucoup d’affection. Depuis son (Erika), Alexander Allerson (le père), Erni Mangold (la mère),
enfance, le garçon souffre de la froideur et de l’incompréhension Johanna Hofer (la grand mère), Wolfgang Hess (le chef de
de ceux envers qui il manifeste des signes d’amour. Afin de ne chantier), Armin Meier (le contremaître), Erika Runge (la
psychologue), Ulrich Radke (le père d’Erika), Annemarie
pas être un poids pour ses parents dans leur nouvelle maison,
Wendl (la mère d’Erika)
Peter déménage à Munich avec Erika, la jeune fille qu’il vient
d’épouser... Scénario : Rainer Werner Fassbinder, d’après une histoire
L’argent
figurant dans Lebenslänglich-Protokolle aus der Haft (Perpétuité - Les
protocoles de la détention) de Klaus Antes et Christiane Ehrhardt
Obsédé par la performance professionnelle et la Décors : Kurt Raab
reconnaissance que lui refusèrent ses géniteurs (il leur Image : Michael Ballhaus
construit une maison au début du film), Peter s’engouffre Son : Karsten Ullrich
dans une spirale d’endettement, de frustration, Musique originale : Peer Raben
Montage : Liesgret Schmitt-Klink
d’épuisement et d’humiliation, entraîné dans sa chute Production : Bavaria Atelier, Westdeutscher Rundfunk
par l’arrogance d’une société capitaliste triomphante,
sous le regard impuissant de sa jeune épouse Erika. (…)
Fassbinder ausculte un cas particulier de pathologie
et de névrose, l’aliénation d’un personnage de fiction
incapable de trouver le bonheur pour mieux dénoncer
le pouvoir corrupteur de l’argent, le fardeau de la famille
et le mirage de la réussite sociale. L’argent contamine les
dialogues et les images du film, qui ne parle que de cela.
Olivier Père
(Blog personnel, 28 février 2011)
119
L'argent guide le monde...
L’Argent
Robert Bresson
Norbert a des dettes. Un camarade de lycée lui donne un faux 1982 / France / 85’ / couleur
billet de 500 Francs, vite utilisé chez un photographe. Mais
Interprétation : Christian Patey (Yvon Targe), Vincent
le patron a l’œil. Il se débarrasse du billet en réglant Yvon, Risterucci (Lucien), Caroline Lang (Elise), Sylvie Van den
le livreur de mazout. En toute innocence, celui-ci utilise cet Elsen (la femme aux cheveux gris), Michel Briguet (le
argent. Mais il est refusé. Yvon est licencié… père de la femme au cheveux gris), Béatrice Tabourin (la
photographe), Didier Baussy (le photographe), Marc-Ernest
Fourneau (Norbert), Bruno Lapeyre (Martial)
Ici, l’argent qui s’interpose entre les hommes, la fausse
monnaie du mensonge et des faux témoignages, qui Scénario : Robert Bresson, d’après la nouvelle de Léon Tolstoï,
divise les hommes en possédants et en perdants, appelle Le Faux Coupon
Décors : Pierre Guffroy
le châtiment, la folie sanguinaire, la mort. Nul n’a dit Image : Pasqualino de Santis, Emmanuel Machuel
avec plus de force et de vérité la haine de cet argent, la Son : Jean-Louis Ughetto, Yves Yersin, Jacques Maumont
révolte contre un monde vénal et meurtrier. Mais cet Montage : Jean-François Naudon
idéalisme n’est pas innocent. Production : Eôs Films, Marion’s Films (Daniel Toscan du Plantier)
Pour dénoncer ce monde de violence et de meurtre,
le film de Bresson est fait de colère et de révolte, il
est un éclat qui effraie et laisse meurtri, qui change
profondément celui qui le reçoit. Dans ce monde où
dominent la violence et le crime, dans ce monde où plus
que jamais l’argent semble le symbole des plus grands
désirs et de la recherche vaine du bonheur, la violence
et la pureté de Bresson ont quelque chose de farouche et
d’implacable qui fait penser à un message prophétique.
(…) Il y a dans L’Argent cette idée, qui est sans doute le
lieu où s’achèvent tous les voyages, toutes les pensées :
l’espoir d’un monde où l’œuvre d’art n’aurait plus de
raison d’être. Où règnerait la justice, le contraire de
l’argent.
J.M.G. Le Clézio
(Le Monde, 7 juillet 1983)
120
Grandeur et décadence
d’un petit commerce de cinéma Jean-Luc Godard
Le réalisateur Gaspard Bazin travaille sur une adaptation de 1985 / France, Suisse / 91’ / couleur
Chantons en chœur, un polar de James Hadley Chase. Lors Interprétation : Jean-Pierre Mocky (Jean Almereyda), Marie
des séances de casting, des acteurs défilent sans qu’aucun Valera (Eurydice), Jean-Pierre Léaud (Gaspard Bazin), Jean-
ne convienne. Il y a pourtant Eurydice, la femme de Jean Luc Godard (lui-même), les chômeurs de l’ANPE
Almereyda, le producteur fauché de Bazin. Eurydice aimerait
L’argent
Scénario : Jean-Luc Godard, librement inspiré du roman de
jouer, mais Jean Almereyda, qui connait les relations trop James Hadley Chase, Chantons en chœur
intimes de Gaspard Bazin avec ses actrices, ne veut pas Image : Caroline Champetier
prendre ce risque… Son : François Musy
Montage : Jean-Luc Godard
Production : TF1, Hamster productions, Télévision Suisse-
Mocky figurait déjà dans Prénom Carmen et reste un Romande, JLG Films, RTL
complice de près de trente ans, que Godard définit ainsi :
« Nous avons un peu la même histoire : nous avons vécu
et nous vivons la grandeur et la décadence du cinéma à Nous sommes forts comme des Mohicans… Mais il y a
l’époque de la télé. » Dans Télérama, Mocky écrit à propos plein d’Indiens qui ont été décimés, parce qu’ils étaient
de cette relation : «Godard pense que nous sommes les plus faibles. »
premiers des Mohicans, les premiers d’une nouvelle
Antoine de Baecque
génération de cinéastes qui allons faire du cinéma (Godard, Grasset, 2010)
comme le Chaplin des débuts. Moi, je me dis que les gars
comme nous, quand on sera morts, ça n’existera plus.
Les jeunes qui arrivent, Beineix, Besson, ils travaillent
avec un maximum d’argent, ils ne nous ressemblent pas.
Godard et moi nous sommes vivaces, nous résistons.
121
L'argent guide le monde...
I Love Dollars
Johan Van Der Keuken
New York, Genève, Hong Kong, Amsterdam sont des plaques 1986 / Pays-Bas / 140’ / couleur / vostf
tournantes de l’économie mondiale. L’argent y circule et tandis Image, son : Johan Van Der Keuken
que la pauvreté est omniprésente dans les rues de New York, Musique originale : Willem Breuker
la richesse est bien protégée derrière les façades propres de Montage : Jan Dop
Genève.
Personne n’échappe au mythe du Roi-Dollar : les plus démunis Credo libéraliste auquel le cinéaste oppose inlassablement
luttent pour survivre, racontent leurs rêves inatteignables, la liberté bafouée des pays pauvres. « En 1984, le Tiers-
côtoyant les hommes d’affaires, qui, dans leurs bureaux, Monde a confié au système bancaire international deux
exposent leurs philosophies financières. fois plus de fonds qu’il n’en a obtenus ».
Merci Johan.
On comprend, en le voyant, en l’écoutant, où se nouent
Jean-Paul Fargier
les fils du drame, dans quels recoins obscurs… de la (J’@%, In Images documentaires, n°29/30, 1997)
planète ? non, de certains hommes pris (individuellement
et collectivement) d’une passion tenace. Les affaires,
disent-ils, c’est du sport, pas une drogue, non du sport,
de la compétition de haut vol ! On ne peut plus s’en
passer. Keuken fait parler les acteurs du monde financier
et tous répètent le même innocent aveu :
I, je… ♥, désire… possède… joue… gagne… perds…
jouis…
$ : dollars, sigle d’un mot universellement compris, sans
traduction, dans toutes les langues.
122
Raining Stones
Ken Loach
Bob vit avec sa femme Ann et sa fille Coleen dans une banlieue 1992 / Royaume-Uni / 90’ / couleur / vostf
misérable de Manchester. Lui et son ami Tommy se débrouillent
Interprétation : Bruce Jones (Bob), Julie Brown (Anne),
du mieux qu’ils peuvent pour vivre dans la Grande-Bretagne Gemma Phoenix (Coleen), Ricky Tomlinson (Tommy), Tom
des années Thatcher. Les activités de Bob vont de la revente de Hickey (le père Barry), Mike Fallon (Jimmy), Ronnie Ravey (le
viande au marché noir jusqu’à vigile dans une discothèque. En boucher), Lee Brennan (l’Irlandais), Karen Henthorn (la jeune
dépit de sa situation pour le moins précaire, il tient par-dessus mère), Christine Abbott (May)
tout à acheter une robe de communion neuve pour sa fille, afin Scénario : Jim Allen
de ne pas perdre la face devant le voisinage… Direction artistique, décors : Fergus Clegg, Martin Johnson
L’argent
Image : Barry Ackroyd
Son : Ray Beckett
Bob et son copain Tommy sont présentés comme les Musique originale : Stewart Copeland
deux survivants d’une société anglaise laminée par le Montage : Jonathan Morris
pouvoir politique conservateur : le discours travailliste Production : Channel Four Films, Parallax Pictures
est inconsistant, les syndicats inexistants ; les usuriers
occupent la ville et rançonnent les quartiers les plus
démunis. (…) Loach introduit une peur physique,
très dérangeante, qui semble indissociable du destin
d’une grande partie de la classe ouvrière britannique.
Cette équation chômage-violence, si elle est explicitée
verbalement dans le film par un des personnages,
le beau-frère de Bob, est aussi exprimée par la mise
en scène qui évite au film de basculer dans le simple
discours rhétorique.
Nicolas Saada
(Les Cahiers du cinéma, octobre 1993)
123
L'argent guide le monde...
La Cassette (A Caixa)
Manoel de Oliveira
Dans une ruelle de Lisbonne, la mésaventure d’un vieil 1994 / Portugal-France / 93’ / couleur / vostf
aveugle à qui, une fois de plus, on a volé sa cassette,
Interprétation : Luís Miguel Cintra (l’homme aveugle),
symbole de son gagne-pain officiel. Sa fille, accablée par les Glicínia Quartin (la vieille femme), Ruy de Carvalho
travaux ménagers, s’épuise en repassant du linge pour des (Taverner), Beatriz Batarda (la fille), Diogo Dória (l’ami),
clients. L’ami de cette dernière, un marginal sans travail, Isabel Ruth (la vendeuse), Filipe Cochofel (le beau-fils),
comme tous ses copains, vit à ses crochets et à ceux de Sofia Alves (la prostituée), Mestre Duarte Cosa (le joueur de
guitare), Paula Seabra (la femme enceinte)
l’aveugle. Amis et voisins, tout le monde envie la cassette
de l’aveugle… Scénario : Manoel de Oliveira, d’après la pièce de Prista
Monteiro
Décors : Isabel Branco
La ruelle d’Oliveira s’avère très rapidement glissante. Image : Mário Barroso
Le caractère canonique du Lisbonne pittoresque Son : Jean-Paul Mugel, Jean-François Auger
va bientôt être dynamité de l’intérieur, via deux Montage : Manoel de Oliveira, Valérie Loiseleux
dindes américaines égarées dont les bouches se Production : Madragoa Filmes, Gemini Films
gargarisent justement de commentaires touristiques
sur le spectacle de la rue qu’elles arpentent. Plus
généralement, chacun de ces personnages un peu
trop bien définis prend progressivement des libertés
avec son rôle, l’entraîne en tout cas aux extrémités
de son caractère. (…) Tout ça pour cette cassette
misérable, qui déclenche une convoitise inversement
proportionnelle à sa valeur. (…) La Cassette, par-
delà son histoire explicite et ses messages officieux,
s’annonce comme un jeu très poussé avec les formes
et, quoiqu’il emprunte à dessein le ton de la fable
cruelle, c’est bien plutôt une sorte de conte musical
macabre qu’Oliveira a entrepris de composer.
Olivier Séguret
(Libération, 1er février 1995)
124
Une poste à la Courneuve
Dominique Cabrera
À la poste, les habitants des 4000 à La Courneuve attendent 1994 / France / 54’ / couleur
leurs allocations. L’argent circule, l’argent manque. Les jeunes
Scénario : Dominique Cabrera, Suzanne Rosenberg
postiers, salariés ordinaires, reçoivent de plein fouet le choc Image : Hélène Louvart
de la pauvreté de l’autre. Eux aussi subissent le poids de la Son : Xavier Griette
situation économique dont ils observent, impuissants, les Montage : Christiane Lack
effets. Ils assument tant bien que mal leur rôle de représentants Production : Iskra, Périphérie
de l’Etat.
L’argent
Le bureau de poste (…) est un lieu de conflits
(clients/guichetiers, citoyen/Etat...), de transaction
(financière, humaine), qui fournit une matière presque
systématiquement intéressante (…). Des salariés «à
statut», fragiles mais payés correctement, se heurtent,
côtoient, rabrouent, sympathisent avec des chômeurs,
des rmistes, des gens modestes; ces derniers sont
confrontés quotidiennement à la machine réglementaire
qu’est la Poste. L’intention est claire: montrer ce bureau
de La Courneuve comme un poste avancé dans une
société socialement malade.
Emmanuel Poncet
(Libération, 8 février 1997)
125
L'argent guide le monde...
L’histoire d’une petite entreprise, toute jeune, où l’on fabrique vertige et on s’accroche aux sentiments : « Sauver la boîte
des plats cuisinés pour les grandes surfaces. Le patron et les c’est se sauver soi-même ». La vérité, celle qu’on attendait
employés mènent la guerre économique avec les moyens du à la fin du mois, on ne l’a pas vue passer... Tant mieux ! Le
bord… mois prochain peut-être, on saura si on a gagné ou perdu
la guerre... Certains font la guerre, d’autres travaillent...
Pour faire ce film j’ai choisi de filmer les « fins de mois ». J’ai filmé délibérément cette entreprise comme un camp
Pendant six mois je suis allée à « Navigation Systèmes » retranché ; car aujourd’hui travailler c’est faire la guerre.
filmer cette épreuve qui se répète chaque mois, où chacun Je n’ai jamais eu le désir de faire un film sur ceux qui
se demande secrètement : « est-ce qu’on va continuer gagnent systématiquement la guerre du travail, car
le mois prochain? ». Si les fournisseurs, les employés, ç’aurait été faire un film à la gloire du capitalisme. Je
peuvent attendre d’être payés, il finit toujours par arriver voulais montrer ce que le capitalisme suppose comme vie.
un moment où le scénario de l’argent ne pardonne pas. Surtout pour ceux (la majorité) qui ne sont pas au départ
On attend la fin du mois comme l’épreuve du feu. Une fois des capitalistes et qui s’essaient malgré tout à sa cause.
devant la vérité, peut-on la voir, la dire? Le sol se dérobe,
cette épreuve que l’on a redoutée et espérée, que dit-elle Claire Simon
exactement ? « On sera payés la semaine prochaine... On
a trouvé de nouveaux clients, de nouveaux fournisseurs,
ça ira mieux le mois prochain... ». Chacun s’arrange,
trouve les mots, les phrases qui tracent un pont au-
dessus de l’abîme, on ferme les yeux pour ne pas avoir le
126
Goodbye South, Goodbye (Nan guo zai jian, nan guo)
Hou Hsiao-hsien
Kao, Bian dit « Tête d’obus » et Patachou, petits « mafiosi » à 1996 / Taiwan / 112’ / couleur / vostf
la solde de leur protecteur, Hsi, arrivent par le train dans une
Interprétation : Jack Kao (Kao), Hsiang Hsi (Hsi), Annie
maison délabrée. Ils aident leur patron à organiser une soirée Shizuka Inoh (Patachou), Lim Giong (Bian dit « Tête d’obus »),
de jeux clandestins en s’occupant des mises et des boissons. Kuei-Ying Hsu (Ying), Pi-Tung Lien (Tung), Vicky Wei (Hui),
Plus tard, Patachou tente de se suicider. Kao apprend qu’elle Ming Kao (Ming le serpent), Ming Lei (le père de Kao), Tien-lu
a dilapidé sans en avoir les moyens un million de yens dans Lee (le grand-père)
des bars à gigolos… Scénario : Tien-wen Chu, Jack Kao, Jieh-Wen King
Décors : Wen-Ying Huang
L’argent
Les personnages se démènent mais à vide, dans une Image : Huai-en Chen, Ping-Bin Lee
Son : Du-Che Tu
succession de tentatives d’accomplissement (monter Musique originale : Giong Lim
un tripot à la campagne, déménager, acquérir un Montage : Ching-Song Liao
restaurant à Shangaï, récupérer une part d’héritage…), Production : 3H Films, Shochiku Films
tiraillés entre l’inutile et l’échec. Face à eux, Hou
Hsiao-Hsien adopte une position de documentariste,
parfois ironique, toujours attentif. Captant les attentes,
les trajets, les déperditions d’énergie de ces hommes
d’action mais qui ne vont nulle part.
(…) Le « Sud » auquel il est dit adieu serait Taiwan
même. Le cinéaste ne suggère pas que les habitants de
l’île auraient « trouvé le nord » mais seulement qu’ils
auraient, dans cette phase incertaine où le monde se
recompose, perdu leurs repères, le sens de leur vie
jusqu’aux points cardinaux.
Jean-Michel Frodon
(Le Monde, 15 mai 1996)
127
L'argent guide le monde...
Hank Mitchell est un homme heureux. Il a un bon boulot, le 1998 / États-Unis / 121’ / couleur / vostf
respect de ses concitoyens dans la petite ville du Middlewest
Interprétation : Bill Paxton (Hank), Bridget Fonda (Sarah),
où il réside et enfin Sarah, une femme qui l’aime et qui attend Billy Bob Thornton (Jacob), Brent Briscoe (Lou), Jack Walsh
leur premier enfant. Par une froide après-midi du jour de l’an, (Tom Butler), Chelcie Ross (Carl), Becky Ann Baker (Nancy
en compagnie de son frère aîné Jacob, une âme simple sur Chambers), Gary Cole (Baxter), Bob Davis (l’agent du FBI
laquelle il a un grand ascendant et du copain de Jacob, Lou, il Renkins), Peter Syvertsen (l’agent du FBI Freemont)
découvre dans l’épave d’un avion de tourisme le cadavre d’un Scénario : Scott B. Smith, d’après son roman
pilote et un sac contenant quatre millions de dollars… Direction artistique, décors : Patrizia von Brandenstein, James
F. Truesdale, Hilton Rosemarin
Image : Alar Kivilo
La trouvaille met au jour non seulement l’égoïsme et Son : Ed Novick
la cupidité enfouis de chacun des protagonistes, mais Musique originale : Danny Elfman
ravive de vieilles rancœurs, jalousies fraternelles, Montage : Eric L. Beason, Arthur Coburn
préjugés de classe. (…) Les sentiments inavouables Production : Paramount Pictures, Mutual Film Company
demeurent ici terriblement ordinaires, la violence
demeure un lapsus, aussi accidentel que la richesse.
Chacun a ses raisons et l’opacité des mobiles et des actes
masque moins un quelconque machiavélisme qu’elle ne
trahit la paranoïa du regard. (…) La violence ne fait rire
que par réflexe de défense, comme chez Hitchcock (…).
Et la jouissance perverse à voir les anti-héros se débattre
dans l’engrenage se mêle d’une immense tristesse.
Serge Chauvin
(Les Inrockuptibles, 24 mars 1999)
128
Révélations (The Insider)
Michael Mann
Journaliste endurci, homme de terrain et d’investigations, 1999 / États-Unis / 157’ / couleur / vostf
Lowell Bergman est le super-producteur du célèbre magazine
Interprétation : Al Pacino (Lowell Bergman), Russell Crowe
d’informations « 60 minutes ». Un matin, il découvre sur le (Jeffrey Wigand), Christopher Plummer (Mike Wallace), Diane
pas de sa porte un ensemble de documents confidentiels, envoyé Venora (Liane Wigand), Philip Baker Hall (Don Hewitt),
par un employé anonyme de Philip Morris. Pour les déchiffrer, Lindsay Crouse (Sharon), Debi Mazar (Debbie), Stephen
il fait appel à un spécialiste, Jeff Wigand, ancien directeur de Tobolowsky (Eric Kluster), Colm Feore (Richard Scruggs),
Bruce McGill (Ron Motley), Gina Gershon (Helen Caperelli),
la recherche d’un grand fabricant de cigarettes américain. La
Michael Gambon (Thomas Sandefur)
méfiance de Wigand, son refus de parler, révèlent un homme
écrasé par le secret… Scénario : Eric Roth, Michael Mann, d’après l’article de Marie
Brenner dans Vanity Fair
Décors : Brian Morris
Révélations n’est pas réductible à une dénonciation des Image : Dante Spinotti
méfaits des fabricants de cigarettes, pas plus qu’il ne se Son : Robert Renga, Lee Orloff
contente de l’examen lucide des grandeurs et bassesses Musique originale : Pieter Bourke, Lisa Gerrard
L’argent
Montage : William Goldenberg, David Rosenbloom, Paul
du journalisme-spectacle. Ce qui intéresse Mann, c’est la
Rubell
rencontre fatalement conflictuelle entre deux univers qui Production : Touchstone Pictures, Mann/Roth Productions,
obéissent à des règles intangibles, représentés par des Spyglass Entertainment
individus qui vacillent sur leurs bases et se retrouvent
au bord de la rupture affective et sociale. Que devient
un homme quand il quitte le système qui l’a fondé ?
Comment a-t-il encore prise sur le monde ? Faut-il s’y
dissoudre dans un soupir lassé ou continuer de croire
qu’on peut agir sur lui ? (…) Pour raconter toutes les
étapes d’un double processus de libération sans sombrer
dans le laborieux, la méthode de Mann consiste à ne
rien passer sous silence, à multiplier les occurrences et
les personnages pour créer un flux scénaristique qui
enveloppe le spectateur dans un manteau de faits le plus
large possible.
Frédéric Bonnaud
(Les Inrockuptibles, 30 novembre 1999)
129
L'argent guide le monde...
L’Enfant
Jean-Pierre et Luc Dardenne
Sonia, dix-huit ans, vient de donner naissance à un petit 2005 / Belgique-France / 100’ / couleur
Jimmy. Sortie de la maternité, le bébé sous le bras, elle part à
Interprétation : Jérémie Renier (Bruno), Déborah François
la recherche du père, Bruno, vingt ans. Elle le retrouve dans (Sonia), Jérémie Segard (Steve), Fabrizio Rongione (le jeune
la rue, mendiant à un carrefour. Bruno vit de petits trafics, de bandit), Olivier Gourmet (le policier en civil), Anne Gérard (la
petits larcins, de petites magouilles. Tout à leurs retrouvailles, commerçante), Bernard Marbaix (le commerçant), Jean-Claude
le jeune couple passe la nuit dans un foyer. Le lendemain, Boniverd (le policier en civil)
Bruno loue un cabriolet : ils passent tous les trois la journée Scénario : Jean-Pierre et Luc Dardenne
au bord de la mer. La vie et les trafics reprennent leur cours… Décors : Igor Gabriel
Image : Alain Marcoen
Son : Jean-Pierre Duret, Thomas Gauder
Qu’on n’attende pas des Dardenne qu’ils nous livrent Montage : Marie-Hélène Dozo
un vibrant réquisitoire contre la marchandisation de Production : Jean-Pierre et Luc Dardenne (Les Films du
l’être humain. Les cinéastes fuient toute logorrhée pour Fleuve), Denis Freyd (Archipel 33)
privilégier l’étude approfondie des modes d’échange
contemporains. Le film prend corps dans le concret
de la vie de tous les jours, et le trafic d’objets a valeur toujours assoiffé d’argent. En avoir ou pas, c’est se voir
de fonction phatique. Un blouson, un feutre ou une inclus ou exclu du monde qui nous est donné à voir, celui
mobylette en disent plus long qu’une phrase ou un de la publicité et du spectacle.
dialogue. Idem pour le portable dont on explore enfin la
symbolique au-delà du simple gadget scénaristique. Le
Vincent Thabourey
portable, dont Bruno doit sans cesse réalimenter la carte, (Positif, octobre 2005)
est un sésame récalcitrant de la société de consommation,
130
Yella
Christian Petzold
Yella désire fuir un mariage raté avec un époux violent et 2007 / Allemagne / 89’ / couleur / vostf
ruiné. Elle quitte son père et son village natal en Allemagne
Interprétation : Nina Hoss (Yella Fichte), Devid Striesow
de l’Est, pour travailler comme secrétaire de direction dans (Philipp), Hinnerk Schönemann (Ben), Burghart Klaußner
une grande entreprise à l’Ouest. Son ex-mari lui propose de (Docteur Gunthen), Christian Redl (le père de Yella), Selin
l’accompagner à la gare. Pris de folie, il percute le garde-fou Barbara Petzold (la fille du docteur Gunthen), Wanja Mues
d’un pont et plonge la voiture dans un fleuve… (Sprenger), Michael Wittenborn (Docteur Schmidt-Ott),
Martin Brambach (Docteur Fritz)
On pénètre alors avec Yella dans un monde étrangement Scénario : Christian Petzold
vide, hanté par des entreprises fantômes, où elle devient Décors : Kade Gruber
Image : Hans Fromm
par hasard l’assistante d’un consultant, un homme plutôt Son : Andreas Mücke-Niesytka
rassurant au départ. Les couloirs d’hôtel, la Sonate au clair Musique originale : Stefan Will
de lune de Beethoven (…), la chemise rouge de Yella, son
L’argent
Montage : Bettina Böhler
regard tendu, les corbeaux, deviennent les leitmotives Production : Schramm Film Koerner & Weber
de ce thriller spectral fascinant qui ne tombe jamais dans
un formalisme borné. Ce qui impressionne le plus chez
Petzold, c’est son talent à faire résonner discrètement des
mécanismes intimes (culpabilité, désir, argent) avec la
réalité du monde contemporain – entreprises en faillite
et spéculation – dont il fait ressortir la nature fantastique
et fantasmatique.
Amélie Dubois
(Les Inrockuptibles, 17 avril 2009)
131
L'argent guide le monde...
Ce samedi matin-là, dans la banlieue de New York, tout semble 2007 / États-Unis / 117’ / couleur / vostf
normal dans la vie des Hanson. Alors que Charles, le père,
Interprétation : Philip Seymour Hoffman (Andy), Ethan
passe un test de conduite, sa femme Nanette ouvre la bijouterie Hawke (Hank), Albert Finney (Charles), Marisa Tomei (Gina),
familiale. Leur fils aîné, Andy, s’inquiète pour le contrôle fiscal Aleksa Paladino (Chris), Michael Shannon (Dex), Amy Ryan
qui débute lundi. Et comme d’habitude, Hank, son frère cadet, (Martha), Sarah Livingston (Danielle), Brian F. O’Byrne
se noie dans ses problèmes d’argent. À 7h58, la bijouterie est (Bobby), Rosemary Harris (Nanette)
braquée. Nanette tue son agresseur mais est mortellement Scénario : Kelly Masterson
blessée… Direction artistique, décors : Christopher Nowak, Wing Lee,
Diane Lederman
Image : Ron Fortunato
Andy est un garçon qui, en apparence, a réussi, un aîné Son : Dave Paterson, Chris Newman
qui domine son frère de toute son arrogante prospérité. Musique originale : Carter Burwell
Sous la coupe de Caïn, il n’y a pas d’Abel innocent, mais Montage : Tom Swartwout
un être veule, en faillite financière et familiale. (…) Au Production : Capitol Films, Funky Buddha Group, Unity
Productions, Linsefilm
fil de la narration fragmentée, tous les commandements
du Décalogue vont être piétinés par Andy et Hank.
Cette référence biblique semble nourrir une espèce
d’indignation prophétique qui fait de 7h58 ce samedi-
là une fresque apocalyptique, la peinture flamboyante
d’un monde sans dieu ni loi, dans lequel les humains
s’agitent de manière dérisoire. Et le cinéma de Lumet,
qui peut prendre tant de formes, prend une urgence
et une violence qu’il n’avait atteintes que rarement,
sans qu’aucune lueur d’espoir, aucune pause ne vienne
soulager la tension permanente.
Thomas Sotinel
(Le Monde, 25 septembre 2007)
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La Vie sans principe (Dyut meng gam)
Johnnie To
Teresa, une jeune employée de banque, tente de remplir son 2011 / Hong Kong / 107’ / couleur
quota de ventes en essayant de proposer des produits financiers
Interprétation : Denise Ho (Teresa), Lau-Ching Wan (Panther),
à ses clients qui vont perdre, en peu de temps, l’argent investi Richie Ren (Cheung Jin Fong), Hoi Pang-Lo (Chung Yuen),
après une chute brutale des cours. Frère Panther, un gangster Hang-shuen So (Kun), Philip Keung (Lung), Myolie Wu
cabochard et pathétique, essaie de faire sortir un truand de (Connie), Terence Yin (M. Sung), Felix Wong (Sam)
prison en trouvant de quoi payer la caution. Il se met à spéculer Scénario : Kin-Yee Au, Ka-kit Cheung, Ben Wong,
et à parier sur les cours de la Bourse. Cheung, un policier
L’argent
Nai-Hoi Yau, Tin-Shing Yip
intègre, doit, de son côté, trouver de quoi payer l’acompte de Décors : Sukie Yip
l’appartement que sa femme convoite. Image : Siu-keung Cheng
Son : Benny Chu, James Wallace
Musique originale : Wei Yue
(…) L’éclatement des points de vue et des situations est Montage : David M. Richardson
sans doute ici une manière de s’attaquer à l’impossible, Production : Milky Way Image Company,
la représentation d’une abstraction, une énergie d’autant Media Asia Fillms
plus folle qu’elle est invisible, celle d’un mouvement
opaque de l’économie. L’argent n’est plus le dieu visible une pulsion de possession et de dépense dont on sent
de Bresson mais il est devenu un principe invisible, qu’elle trouve justement, dans le monde moderne, des
un carburant immatériel. À chaque fois qu’il prend la accommodements divers avec les prescriptions éthiques.
consistance concrète de billets de banque, il apparaît C’est ainsi que La Vie sans principe devient une fable
comme un élément désuet et folklorique (les enveloppes morale dont ni la classe, ni la séduction, ni l’élégance ne
données à un chef mafieux lors de sa fête) ou un déchet masquent la cruauté profonde.
immonde (la valise de l’usurier), déclenchant pourtant
Jean-François Rauger
d’inavouables appétits. (Le Monde, 17 juillet 2012)
Car ce que l’on devine très vite, c’est que le cinéaste tente
de retourner aux sources humaines de l’économie, à
133
Films restaurés
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Films restaurés
Il s’engage contre le capitalisme et le patronat (Un
homme est mort), le racisme en France (Les Ajoncs, Les Une simple histoire
Trois cousins), poursuit sa dénonciation du colonialisme Marcel Hanoun
1959 / France / 66’ / noir et blanc
(d’Afrique 50 à Avoir vingt ans dans les Aurès), donne la
Interprétation : Micheline Bezançon (la femme), Elizabeth Huart (la
parole aux femmes (Quand les femmes ont pris la colère, petite fille), Raymond Jourdan, Gilette Barbier, Madeleine Marion, Maria
coréalisé avec Soazig Chappedelaine). Il fait tourner Meriko, Max Delon.
Claudia Cardinale pour la première fois en 1956 Scénario, image, montage, production : Marcel Hanoun
Son : Paul Bonnefond
(Anneaux d’or), participe aux groupes Medvedkine
et publie ses mémoires en 1998, Caméra citoyenne, Une femme vient à Paris avec sa fille pour chercher du travail,
livre aujourd’hui épuisé. Le nouveau tirage des Trois mais elle n’y rencontre que la misère.
Cousins a été réalisé à partir du négatif original 35mm,
les défauts apparents d’origine (rayures et défauts Le film, qui s’enroule autour d’un flash back, est le récit
sonores) ont été conservés, stigmates de la diffusion par cette femme de sa galère et de son errance, et c’est
difficile du film. sans arrêt, à l’image comme au son, les mêmes figures
et les mêmes motifs qui reviennent : la faim, l’argent, la
Une simple histoire est le premier film de Marcel marche, trouver un travail, trouver un toit…
Hanoun, « c’est l’histoire d’une femme condamnée Le film se situe en aval des errances de Charlot, en
à vie », dit Jean-Luc Godard dans la revue Arts. Co- aval des grandes figures déboussolées, à la recherche
produit par la télévision française, le film reçoit le de leur orientation, du cinéma néo-réaliste (comme
grand prix Eurovision au festival de Cannes en 1967. chez Rossellini), et puis aussi en aval du film de Robert
Tiré d’un triste fait-divers et tourné en 16mm dans Bresson, Un condamné à mort s’est échappé. Godard disait
le Paris de la Nouvelle Vague, Une simple histoire d’ailleurs du film : « c’est l’histoire d’une femme condamnée
raconte l’errance d’une mère et de sa petite fille de six à vivre ». Mais il se situe en amont du Paris vu par la
ans. Le son témoin est recouvert par une voix off, la Nouvelle Vague : Ascenseur pour l’échafaud de Louis
mère retrace les tristes événements en commentaire Malle, les films de Truffaut, À bout de souffle de Godard,
synchrone. Cette première expérimentation sonore est ou Le Signe du lion de Rohmer, qui est lui aussi un film
la trace d’un parti pris du réalisateur, la marque d’un sur la galère, sur l’errance et la faim.
effet (effort) de distanciation poétique et la volonté
de création d’une forme d’attention, d’écoute et de Bernard Benoliel
temporalité différentes. (présentation du film sur le site de la Cinémathèque française
lors de la rétrospective Marcel Hanoun, mai 2010)
« Cinéaste rare et précieux, Marcel Hanoun a été
photographe et journaliste avant de se tourner vers le
cinéma, dos au grand spectacle mais bien debout dans
les marges de la recherche et de l’expérimentation. Sa
réflexion par l’écriture n’a jamais cessé d’accompagner
Les trois cousins
René Vautier
et d’alimenter sa création : elle déplace et enrichit son
1970 / France, Algérie / 10’ / couleur
propos, en épouse la trajectoire à la fois complexe et
Interprétation : Mohamed Zinet, Farouk Derdour,
ascétique, exigeante et originale ». Marcel Hanoun est Hamid Djellouli
parti cette année, nous laissant des écrits, des notes
L’argent
Image : Bruno Muel, Robert Lézian
et bien entendu des films qui ne cessent de nous Son : Michel Desrois, Antoine Bonfanti
préoccuper par ce que « filmer veut dire ». Musique originale : Michel Portal, Françoise Starckenberg
Montage : Nedjma Scialom, Eric Faucherri, Anne Papillaut
Une simple histoire a été numérisé en 2009, à l’occasion Production : Union de production du cinéma Bretagne
de la rétrospective consacrée à Marcel Hanoun à la
Cinémathèque française. Avec Les Trois cousins, René Vautier devient l’un des
pionniers d’un cinéma qui commence à peine à abor-
Emilie Cauquy
der la question de l’immigration des anciennes colonies
françaises. Inaugurant une lignée de films commandi-
Remerciements à Hervé Pichard et Bernard Benoliel, forces documentaires.
tés par le Parti Communiste, Vautier s’attache à décrire
dans une forme courte, les conditions de vie misérables
de travailleurs immigrés qui s’asphyxient dans une ca-
bane à cause d’une chaudière mal raccordée.
1- Marcel Hanoun, Cinéma cinéaste, Notes sur l’image écrite, Yellow Now, 2001.
2- Nicole Brenez, in Marcel Hanoun, Cinéma cinéaste, Notes sur l’image écrite,
préface, Yellow Now, 2001.
135
Séance expérimentale
La couleur de l’argent
Une séance proposée par Sébastien Ronceray, programmateur à l’association Braquage
À tous les numismates dressant des mancolistes, quelques perles cinématographiques autour de l’argent, de sa
couleur, de sa folie, de sa matière, en trois temps :
• Détournement d’argent : des cinéastes ont su prendre l’argent où il était pour détourner l’usage classique du cinéma
(Norman McLaren, Len Lye, Cécile Fontaine).
• Montage financier : des films où le rythme frappe comme sur des pièces de monnaie (Hans Richter, Ben Russell).
• Dépense : après avoir lutté pour en gagner, chercher à le dépenser (Satyajit Ray, Ronald Nameth)
Film publicitaire sur l’inflation et le contrôle des prix en animation tracée directement
à la plume sur pellicule de 35 mm.
Chasses en tous genres, dans les décors mythiques du Western américain. Des ruées
vers l’or, mais aussi vers l’argent à l’intérieur même de la pellicule.
Montage rapide et rythmé sur le thème de l’inflation que connut l’Allemagne dans les
années 1920. Contrepoint entre le déclin des personnes et l’augmentation des zéros.
Inflation
Malgré sa fièvre, un intouchable exécute des travaux pour un brahman qu’il sollicite
pour le mariage de sa fille. « Le cours de l’expérience a baissé » disait Walter Benjamin.
Captation d’un light show orchestré par Andy Warhol mettant en scène les Velvet
et les Superstars warholiennes. « Ainsi une partie de l’humanité relativement riche,
travailleuse, créatrice de surplus importants sait échanger des choses considérables
sous d’autres formes et pour d’autres raisons que celles que nous connaissons. » Marcel
Mauss.
136
Art numérique
Art numérique
Depuis plusieurs années le festival et l’espace multimedia Gantner collaborent A VOIR SUR INTERNET
pour, autour des thématiques du festival, donner à voir des œuvres
• Rybn et leur robot qui spécule :
numériques au public et aux éléves qui viennent à EntreVues. La crise, ces • http://www.antidatamining.net
dernières années, a beaucoup inspiré les artistes numériques. L’œuvre Grenze
de Patrick Fontana, qui s’appuie sur le capital de Marx, sera exposée au public • Une reflexion sur la circulation de
• l’argent, du dollar
dans le hall du cinéma. Mais beaucoup d’autres œuvres sont aussi à découvrir • http://www.apreslapub.fr/article-
sur internet. • occupy-george-87561622.html
• http://occupygeorge.com
Grenze de Patrick Fontana avec Pierre-Yves Fave et Emeric Aelters • Le post capitalisme vu par le
En partenariat avec L’Espace multimédia gantner, service du Conseil Général du Territoire de Belfort • performeur Martin Schick
• Not My Piece – Postcapitalism for
« Grenze » est une vision des métamorphoses du système capitaliste • beginners on Vimeo
• vimeo.com/42401982
d’après Le Capital de Karl Marx.
Il s’articule autour de lui. Il en donne
une traduction visuelle. Il met progressivement en place une chaîne
de mouvements métamorphiques. À la construction d’un mécanisme
infernal qui emporte tout, répondent notre regard, notre attente, le temps.
Patrick Fontana : « Avec Pierre-Yves Fave, nous avons ouvert un dialogue entre
l’outil informatique et le geste dessiné et animé : dans Grenze nous avons cherché
à être cohérent graphiquement avec la teneur de ce qu’est le capital : un ensemble
de rapport de forces agissant sur notre environnement et sur nous. Emeric Aelters
compose l’ensemble des corps sonores et une musique électronique originale en direct
pendant toute la durée de la vidéo performance. »
Le Confessionnal
« Homme vénale, femme vénale, confessez-vous ! »
Du samedi 24 novembre au dimanche 2 décembre,
testez « Le Confessionnal », un espace de réflexion privilégié sur l’ « extimité ».
Après Lacan, l’extimité, par opposition à l’intimité, est, tel qu’elle a été définie par le psychiatre Serge Tisseron,
le désir de rendre visibles certains aspects de soi jusque-là considérés comme relevant de l’intimité.
C’est sur cette base réflexive que s’appuient les deux artistes Sandrine Décembre et Sébastien Augier.
L’argent
« Notre source d’inspiration est l’artiste Andy Warhol et particulièrement ses films réalisés entre 1963 et 1968 »,
précise Sandrine Décembre. « Il s’agit ici d’enregistrer les personnes comme elles sont. »
Warhol a introduit le principe d’une généralisation de l’extimité.
Selon lui : « Tous les gens disent des choses fantastiques… On considère cela toujours négativement, comme une
invasion de leur vie privée, mais je crois plutôt que chacun devrait être constamment enregistré à son insu [bugged],
enregistré et photographié. »
« Le confessionnal s’inscrit dans l’esthétique de la quotidienneté, dans l’esthétique de la démocratie de masse, dans
l’accès pour tous à une représentation artistique légitime » précise Sébastien Augier.
137
Séances
Séance jeune public
jeune public
Les mercredi, samedi et dimanche, hors temps scolaire, six séances pour que les enfants profitent
du festival avec leurs parents, autour d'un choix de films où il est aussi question d'argent.
Ces séances sont ouvertes à tous et gratuites jusqu'à 12 ans.
Une vie de chat Avec : Errol Flynn, Olivia de Havilland, Basil Rathbone
Jean-Loup Felicioli, Alain Gagnol En l’an 1191, le roi Richard Cœur-de-Lion, parti pour les
2010 / France, Belgique / 70’ / couleur Croisades, a été fait prisonnier par Léopold d’Autriche. Mais à
à partir de 5 ans la Cour de Nottingham, son frère, le prince Jean, tient à garder
Avec les voix : le pouvoir. Robin de Loxsley, archer de grande valeur, se refuse
de Dominique Blanc, à reconnaître l’autorité de l’usurpateur...
Bruno Salomone, Dimanche 2 décembre, 14h
Jean Benguigui, Bernadette Lafont Une autre projection aura lieu le samedi 24 novembre à 14h
Depuis la mort de son père, policier abattu en
service par le terrible gangster Victor Costa,
Zoé, 7 ans, est muette. Son meilleur ami, son
chat Dino, est devenu, au cours de ses virées
nocturnes sur les toits, familier d’un habile et
charmant monte-en-l’air : Nico.
Dimanche 2 décembre, 11h
138
Cinéma et histoire
CAPITALISME
139
Cinéma et histoire
Capitalisme,
temps de crises
L
a « crise » : sujet dramatiquement d’actualité bibliques ou modernes évoquent la « Manifest Destiny »
depuis quelques années… Stricto sensu, la étatsunienne. Toute autre est la vision soviétique du rêve
« crise », qu’elle soit politique ou économique, américain et surtout des peurs que suscite l’apparition
désigne uniquement le moment du de l’URSS. À la naïveté de Mr West au pays des bolchéviks
retournement de la conjoncture, selon une ancienne répond la lucidité des jurés du procès de Cleveland contre
analogie empruntée à l’univers médical. La crise n’est Wall Street. Si les pauvres sont les premières victimes
alors qu’un phénomène très ponctuel, qui fait déjà partie de la crise alors que les riches s’en sortent mieux, c’est
du passé aussitôt qu’elle est advenue. Lecture partielle bien une question de crédulité exploitée, d’ignorance
et lénifiante de l’histoire qui néglige les mécanismes de entretenue, parce ce que « nous ne sommes pas du
propagation de la crise du secteur financier à la sphère même monde », bref de capital culturel inégal. Pour
économique et sociale, au « monde réel ». autant, les visions de la crise ne sont pas manichéennes.
Alors « dépression », qui implique l’idée d’un malaise Certes, des responsables – supposés ou réels – sont
économique durable ? Là encore, réduire la « crise » à désignés : travailleurs immigrés, banquiers, sociétés
une dépression manque de pertinence. La « crise » ne anonymes, experts des jeux complexes des mécanos
se traduit pas toujours ou seulement par une récession financiers, instances internationales sont convoqués
économique, une diminution de l’ensemble des à la barre. Certes, les victimes sont identifiées : vieille
richesses produites par un pays. À mesure que l’histoire dame expulsée de sa maison, métayers, mineurs ou
du capitalisme se déroule, les formes de la crise se populations des pays du Sud. Mais les deux figures
renouvellent ou se répètent : temps des crises plutôt que se confondent parfois de manière troublante et la
temps de la crise ? Le passage du singulier au pluriel rédemption n’est pas toujours au rendez-vous. Cela ne
pose l’épineuse question de la normalité supposée du facilite pas la tâche de ceux qui sont désignés pour juger
capitalisme. La croissance est-elle l’état normal de ce des responsabilités de chacun. Morale et argent : deux
dernier ? L’histoire est-elle condamnée à se répéter ou a-t- constructions historiques et cinématographiques qui
elle une fin ? Les travailleurs pauvres (ré)apparaissent, cohabitent mal. Au final, la vérité est comme souvent
les écarts entre les plus riches et les plus pauvres se (re) énoncée par le fou, pasteur ou avocat, Pangloss lucide
creusent, le nombre de chômeurs augmente, la précarité qui dénonce l’avidité et l’égoïsme et rappelle le sens du
s’étend. La crise est financière, économique, sociale, mais vivre ensemble et la force de l’action collective.
aussi morale.
Pour mieux comprendre ces temps des crises, nous Laurent Heyberger
commençons par le temps des cerises, le temps du
Maître de conférences en histoire contemporaine
capitalisme sauvage des self-made-men américains RÉCITS-Département Humanités
qui spéculent comme ils jouent au poker, créent puis Université de Technologie de Belfort-Montbéliard
tarissent La Rivière d’argent. Le rêve américain est parfois
mis à mal mais il est toujours présent dans les différentes
visions hollywoodiennes. Nouveaux départs, errances
intervenants au
colloque
• Jérôme Bloch
• Michel Etcheverry
• Laurent Heyberger
• Samuel Lelièvre
• Anne-Lise Marin-Lamellet
• Irina Tcherneva
140
Cinéma et histoire
Mister West, un bourgeois américain, décide d’entreprendre un 1924 / U.R.S.S. / 94’ / noir et blanc / muet
voyage en URSS. Sa famille essaie désespérément de l’en dissua-
Interprétation : Porfiri Podobed (Mr. West), Boris Barnet
der, tout imprégnée qu’elle est par la presse américaine où l’image
(Jeddy), Alexandra Khokhlova (la comtesse), Vsevolod
du bolchevik reste celle d’un brigand, le couteau entre les dents. Poudovkine (Shban), Sergei Komarov (le borgne), Vladimir
Par prudence, Mister West engage un cow-boy qui veillera à sa Fogel (un collègue d’Elly), Vera Lopatina (Elly), Leonid
sécurité pendant le voyage. Obolenski (le gandin)
L’argent
Scénario : Nikolaï Aseyev, Vsevolod Poudovkine
Mister West était une ciné-caricature, une parodie de films Décors : Vsevolod Poudovkine
de cow-boys et de films comiques. Son côté burlesque, Image : Alexander Levitsky
Montage : Alexander Levitsky
ironique, parodique, révélait une forte influence de
Production : Goskino
l’époque. La jeune époque de la révolution, l’époque
débordante de joie de vivre, riait à gorge déployée de
tout ce qui était risible, retournait sens dessus-dessous Mise(s) en abîme : le capitalisme vu d’URSS
les formes habituelles de l’art et les adaptait joyeusement par Irina Tcherneva
aux thèmes du jour.
Irina Tcherneva achève sa thèse de doctorat, consacré
Luda Schnitzer, Neïa Zorkaïa au cinéma non-joué en URSS après la mort de Staline,
(Cahiers du cinéma, mai-juin 1970) à l’EHESS (Centre d’études du monde russe, caucasien
et centre-européen). Elle participe actuellement à une
recherche collective sur le cinéma soviétique en guerre.
Elle a contribué à faire connaître le documentaire
soviétique en France via des interventions et
l’organisation de projections, aussi bien dans le cadre
scientifique qu’associatif.
141
Cinéma et histoire
Tom Joad sort de prison après y avoir purgé une peine de quatre 1939 / États-Unis / 129’ / noir et blanc / vostf
ans. Arrivé à la maison de ses parents, il découvre que celle-ci
Interprétation : Henry Fonda (Tom Joad), Jane Darwell (Ma
est vide à l’exception d’un malheureux nommé Muley qui lui Joad), John Carradine (Casy), Charley Grapewin (Grandpa
explique que tous les fermiers de la région ont été chassés par des Joad), Dorris Bowdon (Rosasharn), Russell Simpson (Pa Joad),
entrepreneurs. O.Z. Whitehead (Al), John Qualen (Muley), Eddie Quillan
Tom rejoint alors ses parents qui se sont réfugiés chez leurs propres (Connie Rivers), Zeffie Tilbury (Grandma Joad)
parents. Toute la famille décide de quitter l’Oklahoma pour gagner Scénario : Nunnally Johnson, d’après le roman de John
la Californie où, parait-il, on peut encore trouver du travail… Steinbeck
Direction artistique, décors : Richard Day, Mark-Lee Kirk,
Thomas Little
Les Raisins de la colère est l’ancêtre et le plus sublime des Image : Gregg Toland
road movies du cinéma américain. Il contient en tout cas Son : Roger Heman, George Leverett
l’une des plus poignantes et plus violentes dénonciations de Musique originale : Alfred Newman
la misère qu’on ait vues dans un film. À cet égard, il souligne Montage : Robert Simpson
Production : Twentieth Century Fox
bien le caractère politiquement inclassable de l’œuvre de
Ford, considéré par les uns comme un « radical » (une sorte
de gauchiste) et par les autres comme un ultra-conservateur. La crise de 29 aux États-Unis
Ces notions de radicalisme et de conservatisme sont en par Michel Etcheverry
vérité étrangères à Ford qui s’attache ici, comme il l’a fait Michel Etcheverry est agrégé d’anglais et enseigne
souvent, à traiter un sujet se déroulant dans une époque à l’Université de Paris-IV Sorbonne. Spécialiste du
de transition, c’est à dire de rupture, de cassure entre deux cinéma américain, il est l’auteur de nombreux articles
mondes. Un monde disparaît : celui de la famille unie et des et a fait partie du comité de rédaction de la revue Split
traditions séculaires. Un autre monde, peut-être, va naître, Screen. Il a co-dirigé avec Francis Bordat l’ouvrage Cent
enfanté dans le désarroi, le doute, la souffrance. ans d’aller au cinéma : le spectacle cinématographique aux
États-Unis (Presses Universitaires de Rennes) et prépare
Jacques Lourcelles actuellement un livre sur le cinéma policier, à paraître en
(Dictionnaire du cinéma, Robert Laffont, 1992) 2013 aux éditions Rouge Profond.
142
Cinéma et histoire
Durant la Guerre de Sécession, alors que la bataille de Gettysburg 1947 / États-Unis / 110’ / noir et blanc / vostf
fait rage, de peur que le million de dollars en billets de banque dont
Interprétation : Errol Flynn (Mike McComb), Ann Sheridan
il a la charge tombe aux mains des Sudistes qui le poursuivent, (Georgia Moore), Thomas Mitchell (John Plato Beck), Bruce
le capitaine Mike McComb prend la décision de mettre le feu au Bennett (Stanley Moore), Tom d’Andrea (« Pistol » Porter),
chariot qui le contient. Pensant avoir accompli un acte héroïque, Barton McLane (« Banjo » Sweeney), Monte Blue (Buck
cette action lui vaut au contraire d’être renvoyé de l’armée. Il décide Chevigee), Jonathan Hale (Spencer), Al Bridge (Slade), Arthur
Space (Major Ross)
désormais de n’obéir qu’à ses propres lois et de ne plus se laisser
marcher sur les pieds, porté par ses ambitions démesurées… Scénario : Harriet Frank Jr, Stephen Longstreet, d’après son
roman
Décors : Ted Smith, William Wallace
La Rivière d’argent est moins un western au sens strict qu’un
L’argent
Image : Sidney Hickox
conte moral sur le capitalisme sauvage. Le film aborde Son : Francis J. Scheid
les effets pervers et les limites de l’individualisme et du Musique originale : Max Steiner
carriérisme encouragés par le système américain. En effet, Montage : Alan Crosland Jr.
chez Walsh, tous les coups ne sont pas permis, et l’action Production : Warner Bros Pictures
s’accompagne toujours de la réflexion. Le personnage
principal expérimente les limites de sa misanthropie et de La fièvre du capitalisme sauvage
sa cupidité pour finalement transcender son mépris pour la par Jérôme Bloch
société et comprendre l’importance de ses responsabilités
morales devant la communauté. La dimension politique Doctorant en Études Cinématographiques à l’Uni-
versité Paris III Sorbonne-Nouvelle, Jérôme Bloch
du film n’occulte pas le lyrisme et l’énergie habituels de
rédige une thèse intitulée « Récits bibliques et ciné-
Walsh. Quant à l’exceptionnel pouvoir de séduction de
ma américain : adaptations, emprunts, lectures et
Flynn, malgré un vieillissement prématuré du à ses excès relectures » sous la direction de Jean-Loup Bourget.
de boisson, il accentue la complexité de son personnage. Auteur d’articles scientifiques publiés en 2012 dans les
ouvrages collectifs Michel de M’Uzan ou le saisissement
Olivier Père
(Blog personnel, 13 janvier 2012)
créateur (Éditions Champ-Vallon) et Avanca Cinema 2012
(Éditions Ciné-Club de Avanca), il enseigne l’écriture
de scénario dans plusieurs établissements.
143
Cinéma et histoire
L’avenir des pays en voie de développement dépend pour une 1997 / France, Grande Bretagne / 84’ / couleur / vostf
bonne part d’une institution vieille de 50 ans : la Banque
Scénario : Peter Chappell, Greg Lanning
mondiale. Critiquée et remise en cause, confrontée à de Image : Peter Chappell
nombreux échecs, la Banque traverse une période de perplexité Son : Tim Hughes, Anthony Cooper
quant aux nouvelles stratégies à adopter, principalement Montage : Catherine Zins
en Afrique. Pendant 14 mois, Peter Chappell a suivi les Production : JBA Productions, IBT Production, Arte France,
Channel Four
négociations entre la Banque mondiale et l’Ouganda, pour
décrire et comprendre les mécanismes obscurs et abstraits
qui façonnent la réalité des relations nord-sud, et l’avenir de fonctionne totalement : l’ambiguïté des personnages ou
millions d’hommes. l’empathie que nous pouvons nous découvrir pour les
uns et les autres, fait de ce film documentaire un véritable
Comment rendre compte de rapports entre institutions, polar financier !
entre un état, l’Ouganda, et une organisation
Catherine Bizern
internationale, la banque mondiale, comment rendre
compte de rapports qui les dépassent même, ceux entre
le Sud et le Nord, entre celui qui croit pouvoir décider
La crise vue du Sud
et celui qui décide de fait. Comment rendre compte de Nos amis de la banque (P. Chapell, 1986)
ce qui reste secret, abstrait, complexe et qui pourtant par Samuel Lelièvre
régit le monde et aura des répercussions concrètes et
immédiates sur la politique d’un pays mais aussi sur Chercheur associé au Laboratoire Communication
la vie de milliers de personnes. Le pouvoir, l’argent, le et Politique (LCP/CNRS), Samuel Lelièvre conduit
des recherches en philosophie, histoire, et cinéma.
trafic d’influence, les négociations, de cela Nos amis de la
Ses centres d’intérêt concernent principalement
banque nous donnera une idée plus qu’il ne le montrera
les relations entre image, éthique, et esthétique. Il
vraiment, au détour d’un couloir, à la faveur d’un sourire
travaille aussi sur l’articulation entre culture, cinéma et
ou d’une parole dans un plan ou de la mise en scène très politique et a notamment publié des recherches sur les
officielle d’une poignée de main. Pourtant le suspense cinémas et audiovisuels africains.
144
Cinéma et histoire
Angie travaille pour une agence de recrutement. Elle sillonne 2007 / Grande Bretagne, Italie, Allemagne, Espagne, Pologne /
l’Europe de l’Est, à la recherche d’une main-d’oeuvre bon 96’ / couleur / vostf
marché. Au cours d’une mission en Ukraine, elle rencontre Interprétation : Kierston Wareing (Angela), Juliet Ellis (Rose),
Karol. Elle l’embauche sur le champ et, après une altercation Leslaw Zurek (Karol), Joe Siffleet (Jamie), Colin Coughlin
avec son supérieur, passe la nuit avec lui. De retour en (Geoff), Maggie Hussey (Cathy), Raymond Hearns (Andy),
Davoud Rastgou (Mahmoud), Mahin Aminnia (la femme de
Angleterre, Angie apprend qu’elle est virée. Elle ne se laisse pas
Mahmoud)
abattre pour autant : avec sa colocataire, Rose, elle transforme
son appartement de l’East London en agence d’intérim… Scénario : Paul Laverty
L’argent
Décors : Fergus Clegg, Peter James
Image : Nigel Willoughby
« C’est un film sur l’idée que notre société est en proie à un Son : Ray Beckett
conflit permanent. J’utilise la métaphore de la guerre, avec Musique originale : George Fenton
cette ligne de front qui oppose deux camps, les exploiteurs et Montage : Jonathan Morris
les exploités. Mais j’en reste à l’analogie, je ne me risquerais Production : Sixteen films, Bim Distribuzione, EMC
Produktion, Tornasol Films, SPI International
pas à confondre les deux. Angie, mon héroïne, se situe à
la frontière des deux mondes. Elle est d’abord envoyée au
front par ceux qui l’exploitent et finit par exploiter à son
tour. Elle ne devient pas au cours du film une personne La crise du travail
différente. C’est la même personne dans un contexte qui a par Anne-Lise Marin-Lamellet
changé. J’ai pensé qu’il était plus intéressant d’explorer les Anne-Lise Marin-Lamellet est maître de conférences
mécanismes de l’exploitation du point de vue de ceux qui à l’UFR d’Arts, Lettres et Langues de l’Université
exploitent, plutôt que dans celui, exclusif, des victimes. » Jean Monnet - Saint Etienne. Au sein du CIEREC, elle
travaille sur la civilisation et le cinéma britanniques
Ken Loach
contemporains. Elle est l’auteur d’une thèse intitulée
(entretien avec Jean-Baptiste Thoret et Stéphane Bou,
Charlie Hebdo, 2 janvier 2008) « Le Working Class Hero ou la figure ouvrière à travers le
cinéma britannique de 1956 à nos jours »
145
Cinéma et histoire
Et si le procès intenté en janvier 2008 par la ville de 2010 / France, Suisse / 98’ / couleur
Cleveland à vingt et une banques américaines, qui Scénario : Jean-Stéphane Bron
ont réussi à le repousser aux calendes grecques, avait Image : Julien Hirsch
bel et bien eu lieu, à quoi aurait-on assisté ? qu’aurait- Son : Jean-Paul Mugel
on compris enfin ? quelle eût été la ligne de défense Montage : Simon Jacquet
Production : Les Films Pelléas, Saga Productions,
des banques ? La crise financière, avec ses histoires Jouror Productions
de subprimes et de titrisations, a fait beaucoup de
victimes dans la région de Cleveland : près de 20 000
familles, soit 100 000 personnes, ont été expulsées de que le cinéma n’a rien perdu de l’une de ses plus grandes
leur domicile. Quand Jean-Stéphane Bron découvre forces : s’il n’a pas le pouvoir de se substituer au réel, il
dans un article qu’une ville a porté plainte contre des lui reste celui, toujours bien vivace, de consoler ceux qui
banques, il débarque dans l’Ohio. Puis, quand tout le ont perdu.
monde comprend que le procès n’aura pas lieu, a cette
idée admirable de le jouer pour de faux. Il trouve un Jean-Baptiste Morain
(Les Inrockuptibles, 18 août 2010)
tribunal, un juge à la retraite, réunit un jury populaire
et de vrais témoins, et convainc deux véritables avocats
concernés par l’affaire (dont celui de la ville, Josh Cohen)
de participer à cette mise en scène.
(…) En expliquant clairement au spectateur ce qu’est le La crise financière contemporaine
scandale des subprimes, en lui montrant un procès qui par Laurent Heyberger
n’aura sans doute jamais lieu, Bron fait du cinéma un
usage pédagogique, mais qui pourrait être contestable. Laurent Heyberger est maître de conférences en
A-t-on le droit de vouloir remplacer la réalité par son histoire contemporaine à l’Université de technologie de
Belfort-Montbéliard. Spécialiste d’histoire économique
spectacle ? Ne peut-on expliquer les choses sans avoir
et sociale et de démographie historique, il s’intéresse
recours au pathos ?
notamment à l’industrialisation de la France et à la
La réponse est de la responsabilité de chaque spectateur. colonisation française en Afrique.
Mais quoi qu’il en soit, Cleveland contre Wall Street montre
146
Séance spéciale
Film socialisme
Jean-Luc Godard
2010 / France / 102’ / couleur
Interprétation : Agatha Couture (Alissa), Jean-Marc Stehlé
(Otto Goldberg), Catherine Tanvier (la mère), Christian
Sinniger (le père), Florine Battaggia (la fille) Nadège
Beausson-Diagne (Constance), Quentin Grosset (Lucien),
Olga Riazanova (l’agent secret russe), Élisabeth Vitali (une
journaliste France 3), Patti Smith (elle-même), Alain Badiou
(lui-même), Lenny Kaye (lui-même)
Scénario, montage : Jean-Luc Godard
Image : Jean-Luc Godard, Fabrice Aragno, Paul Grivas
Son : Gabriel Hafner, François Musy
Production : Alain Sarde
No Comment
L’argent
André S. Labarthe
Un appartement. Jean Douchet, Jean Narboni, Cyril Neyrat,
et Yannick Haenel discutent. Quatre personnes, quatre
cinéphiles, quatre amis ou passionnés de JLG, quatre points de
vue s’affrontent, se répondent autour d’une question : qu’est-ce
que Film Socialisme ?
147
art
press 40 ans de regard
Créée en 1972, art press se définit elle-même
comme une revue d’information et de réflexion
sur la création contemporaine, comme un acteur
et un témoin engagé de la création d’aujourd’hui,
qui a pour vocation de couvrir l’ensemble de la
scène artistique mondiale. Dès ses premiers
numéros, la revue se préoccupe de photographie,
de cinéma, de danse, de littérature, de théâtre,
portant sur ces différentes disciplines un regard
propre à celui d’une revue d’art. Les amitiés que
la revue et le festival partagent avec André S.
Labarthe ou Dominique Païni, justifiaient déjà
un rapprochement entre nous. Mais proposer
à art press, à l’occasion de son quarantième
anniversaire, de porter son regard sur le
cinéma contemporain, est surtout une façon
de rendre hommage à cette vision plurielle et
décloisonnée sur le monde de l’art à laquelle les
développements des pratiques des artistes ont
donné raison. Aujourd’hui, notamment avec l’art
vidéo – films et installations –, la frontière entre
les arts plastiques et le cinéma est devenue de
plus en plus poreuse. La compétition du festival
en porte elle-aussi la marque en s’intéressant aux
travaux de Clément Cogitore, Clarisse Hahn,
Gabriel Abrantes ou encore Ben Russell, pour
ne citer que les artistes que nous retrouvons
régulièrement dans les galeries et musées d’art Le choix d'art press est un regard singulier sur
contemporain. AInsi dans son numéro sur le le cinéma depuis les années soixante, regard
cinéma contemporain en juillet 2011, art press partagé avec Jacques Henric, photographe et
rendait compte « des arts de faire des films » écrivain, mais qui appartient d'abord à Catherine
« en mettant l’accent sur les relations du film à Millet. Nous retrouvons ici le goût de l'écrivain et
l’experimentation » ; de ces relations naissent de la directrice de la rédaction de la revue pour
des œuvres qui portent en elles de « nouvelles une représentation sexuelle du corps et ritualisée
mise en récit et en image », celles-là même que du monde. Essentiellement européenne, et
nous tentons de rassembler dans la compétition même française, cette programmation nous
internationale d’EntreVues. touche par l’évidence des cinéastes choisis,
148
40 ans de regard
Art press
mais aussi la cohésion des univers, qui, sans d’art sur les images animées » d’autres oeuvres
être semblables, se répondent et s’additionnent qui marquent le lieu d’échange entre cinéma et
pour construire un territoire imaginaire, qui nous arts plastiques, les liens tissées entre les images
est délicieusement familier. en mouvement et les pratiques expérimentales,
A côté de cette programmation de films qui appar- entre le film et l‘expérimentation.
tiennent pleinement au champ cinématographique,
C.B.
nous avons voulu également rendre compte, dans
le cadre de la table ronde « De l’art vidéo aux Les citations entre guillemets sont de Christophe Kihm
(éditorial - artpress 2 cinemas contemporains mai-juin-juillet 2011)
œuvres contemporaines le regard d’une revue
149
art
Un cinéma
frotté d’art par Dominique Païni
I
l fut une époque où l’envie d’écriture pour un jeune sciences humaines. Ainsi Pier Paolo Pasolini, Michael
cinéphile oscillait entre deux revues historiques, Les Snow et le cinéma expérimental en Europe furent préco-
Cahiers du cinéma et Positif. Deux revues dont les cement commentés dans art press.
goûts s’opposaient idéologiquement et esthétique- Quand le premier numéro parut en décembre-janvier
ment. Cette opposition n’a pas cessé sans doute malgré 1973, avec l’exceptionnelle maquette de Roger Talon
des cinéastes qui abolissent aujourd’hui, par leur génie, aux grains noirs et blancs dilatés représentant le peintre
les antagonismes critiques. Barnett Newman, beaucoup d’entre nous furent stupé-
Dans les années 50 et 60, peu de revues mensuelles faits par ces grandes surfaces en noir et blanc effaçant
s’ouvraient à une chronique cinématographique. La toute nuance des peintures monochromes commentées.
revue Esprit, Les Temps modernes ou parfois Critique Nous fûmes encore plus stupéfaits par Michael Snow,
en accueillirent. Elle s’intégrait dans le cadre de vastes interviewé dès le n° 2 par la musicienne performeuse
questions morales et politiques ou au coeur de débats Laurie Anderson ou « la reconsidération du cinéma
sur les stratégies du récit, lors de la découverte après intellectuel » par Annette Michelson dans le numéro 8
guerre du grand roman américain et de l’avènement du (décembre-janvier 1988). Lors de ces années 70, le parti
« Nouveau Roman ». Paradoxalement les revues d’art pris de la revue était celui d’un cinéma d’ultra exigence :
ou plus généralement celles consacrées aux arts visuels Straub, interviewé en mai-juin 1975, n°18, et Jean
accordèrent finalement peu de place à l’actualité cinéma- Eustache dans le n°19… Ce qui me frappa également à
tographique. Ou alors, il fallait la singularité de certains cette époque ce fut la proximité, dans le cas précédent,
artistes (de Léger à Cornell, de Man Ray à Monory), chez de Jean Eustache et d’Andy Warhol : choc des cultures
lesquels l’exception d’un film prolongeait l’activité plasti- et des époques, des genres… Et pourtant, ne peut-on
cienne ou encore des dossiers ordinaires qui associaient considérer qu’Eustache fut d’une certaine manière le
peinture et cinéma comme soucis de contemporanéité. cinéaste français à l’incontestable dandysme, rimant
Écrire sur le cinéma dans la revue art press dans les rétrospectivement avec celui de Warhol ? Dans le n° 21,
années 70 ne relevait pas de la seule ambition de rap- de novembre-décembre 1975, Numéro deux de Jean-
procher le cinéma des autres arts visuels avec l’enjeu Luc Godard était analysé et inscrivait le cinéaste le plus
théorique de faire le compte des « dettes et créances ». cinéphile dans une histoire à venir que Warhol avait déjà
L’histoire de l’art avait pourtant l’obligation légitime d’ap- entamée à New York : cinéma, télévision, hémorragie
profondir ces relations plus complexes que ne l’ont fait sans limites de la diffusion des images.
apparaître les emprunts cinématographiques des artistes Pendant l’été 1976, le cinéma prit une plus grande
du Pop Art américain et de la nouvelle figuration française. importance encore avec Jonas Mekas par exemple, à
L’ambition était plus précise et plus large. Les Cahiers du proximité d’un commentaire érudit d’une traduction de
cinéma — et Positif d’une toute autre manière du fait de textes d’Eisenstein. C’est aussi l’amorce du goût d’art
son engagement idéologique, plus marqué à gauche, et press pour un cinéma qui interroge le corps érotisé et de
de son héritage surréaliste — refusèrent longtemps les nouvelles frontières du désir chez un Paul Vecchiali et
sciences humaines. Ils se méfièrent de la dérive suscep- une Liliana Cavani.
tible d’instrumentaliser le cinéma pour réfléchir sur des Avec un éclectisme revendiqué, de Bruno Dumont à la
thématiques dans l’air du temps. Art press, au début des « hardeuse » Ovidie, art press continua son particulier
années 1970, au cœur des ces années encore forte- intérêt pour ce qu’il ne faut pas craindre de nommer l’ex-
ment idéologisées, tenta au contraire, par ses choix de périmentation pornographique.
cinéastes, de tramer le cinéma au sein des idées géné- Dans ces mêmes années 70, on note la présence fré-
rales qui orientaient les arts plastiques, la littérature et les quente de Benoît Jacquot, l’un des cinéastes les plus
150
En effet la passion de l’écriture fusionne la
totalité des textes publiés et leur assem-
blage. Le cinéma s’installe comme un art
parmi les arts.
L’apparition d’art press fut un choc du point
de vue de ce geste original qui consistait à
intégrer une actualité cinématographique sé-
lectionnée au nom de son exigence formelle
au sein de l’actualité culturelle générale.
En 1980, le numéro 43 consacrait au ciné-
ma un dossier conséquent au sein duquel
Jean-Luc Godard fut interviewé par Corine
Mc Mullin, Pasolini étudié par Jacques
Henric, Marguerite Duras salué par
Viviane Forrester, le cinéma indépendant
américain analysé par Annette Michelson,
Wim Wenders interviewé par le critique
d’arts plastiques Michel Nuridsamy et
commenté par le peintre Bernard Dufour.
Ce sommaire définit assez clairement un
regard-cinéma qui persista dans la revue
: un choix de cinéastes au style radical et
dont la mise en scène est revendiquée
comme une écriture productrice de pen-
sée. Les films privilégiés sont ceux qui
tournent le dos à une instrumentalisation
du cinéma au service d’une idée préalable.
Déjà dans le n° 4 de février 1977, un article
de Jacques Rancière prenait prétexte de
Novecento de Bernardo Bertolucci et de
L’Affiche rouge de Franck Cassenti pour
émettre des attendus théoriques qui pré-
sideront souvent sous des formes variées
cultivés de la post-Nouvelle Vague, lacanien passionné aux engagements critiques ultérieurs de la revue :
qui emprunte à Robert Bresson des traits stylistiques « Deux morales — qui n’en font qu’une — à cette his-
de sa mise en scène. Robert Bresson précisément, fut toire. Esthétique : pour ceux qui veulent saluer quand
interviewé dès le n° 17 (mars-avril 1975), placé dans le même le souffle des images de Bertolucci et la poésie de
sommaire entre un texte de Jean-Louis Schefer consa- celles de Cassenti, que la beauté et la laideur bougent
cré à Saint-Augustin et le compte-rendu d’une expéri- vite et qu’il faut peut-être, dans cet art paresseux qui fait
mentation musicale de Luc Ferrari. De Robert Bresson travailler le peuple à son image ou commente mollement
il était noté sa puissance d’écriture qui excédait le seul le texte des fusillés et la musique du Quaterto Cedron,
fait que Gallimard venait de publier ses Notes sur le ci- reconnaître la nouvelle laideur. Politique : que pour haïr
nématographe : « Notes, fragments, pensées éclatées, le fascisme il faut d’abord apprendre à haïr la rhétorique 40 ans de regard
saccadées, monologues, soliloque, bouffées de pen- des images du peuple. »
sée comme des bouffées de désir saisies au moment Deux cinéastes à l’esthétique contradictoire furent sou-
Art press
du tournage, du montage, lors de certaines lectures. vent soutenus. Mais cette distance entre eux est pro-
Réflexions tendues visant à dégager la spécificité du bablement le symptôme des orientations en cinéma
cinématographe, avec retour de thème travaillant des d’art press : Jean-Luc Godard et Peter Greenaway. On
différences : non pas l’acteur, mais le modèle, non pas pourrait sourire en supposant que je veux ainsi faire
l’extériorité du jeu dramatique mais l’inconscient du per- d’art press une sorte de synthèse qui abolirait les an-
sonnage, non pas la représentation mais les rapports tagonismes critiques historiquement incarnés par les
d’images, non pas le cinéma mais le cinématographe. deux principales revues de cinéma de l’après-guerre,
Graphe : ce qui aussi s’écrit. » (Francis Gars) les Cahiers et Positif. Godard et Greenaway pourraient,
Le sommaire comme écriture montage… Il me semble à divers titres, être considérés comme personnalisant
que ce fut souvent une attention de Catherine Millet et assez idéalement les écarts de goûts en matière de dra-
de ses collaborateurs. maturgie et de plasticité de la cinéphilie.
151
art
Jean-Luc Godard fut non seulement fréquemment cité et À ma connaissance, aucune autre revue dont l’orien-
loué par la revue mais il fut également le héros de numé- tation principale est la création visuelle contemporaine
ros hors série. À deux reprises, art press me confia la n’a eu, à ce jour, cette puissante volonté d’inscrire un
direction de numéros entièrement consacrés à Jean-Luc cinéaste — probablement en effet celui qui en avait
Godard. À feuilleter rétrospectivement ces volumes, je l’ambition aussi délibérée — dans l’ensemble de l’art.
mesure combien l’enjeu d’art press fut primordialement Je trouvai dans ces aventures éditoriales la réalisation
de réfléchir — questions de reflet et de pensée — le d’une utopie culturelle qui, pour moi, vengeait les seven-
cinéma et les autres arts. En 1998, dans Le siècle de ties souvent étroitement militantes et tout à la fois cer-
Jean-Luc Godard, Guide pour « Histoire(s) du cinéma », tains cloisonnements artistiques de l’après-guerre.
au côté de André S. Labarthe, Jean Douchet, légitimes La dominante plastique d’art press (peinture, perfor-
compagnons cinéphiles et commentateurs de l’œuvre mance, art conceptuel) issue de l’entreprise initiale de
de Godard depuis longtemps, se tenaient des jeunes Catherine Millet perdura ces quarante années comme
critiques tels que Kent « marque de
Jones et Cyril Beghin. fabrique » et
Les historiens de l’art constitua une
et philosophes de sorte de balcon
toutes origines cohabi- épistémolo-
taient au même som- gique depuis le-
maire — Hans Belting, quel l’ensemble
Gilles Tiberghien, des arts fut
Alain Badiou, Marie- approché. Cela
José Mondzain — ou explique sans
encore l’anthropo- doute le fort in-
logue Marc Augé. Les térêt d’art press
artistes Gary Hill et pour l’oeuvre
Pascal Convert et Eric de Peter
Rondepierre, l’archi- Greenaway. La
tecte Bernard Tschumi, formation pic-
l’écrivain Philippe turale de ce ci-
Forest complétaient le néaste prenant
générique. Quel géné- sa source dans
rique ! Hormis la fierté l’admiration
que j’eus à participer à pour la pein-
la composition de ce ture italienne
sommaire, je demeure (Véronèse),
aujourd’hui admiratif trouve deux des
de l’audace d’une re- principaux fon-
vue qui tenta cette ex- dateurs de la
ceptionnelle concen- modernité ciné-
tration de projections matographique,
critiques provenant Antonioni et
de tous les arts sur Resnais, un
une même cible. Déjà, composto ciné-
plus d’une dizaine matographique
d’années auparavant, singulier dans
dans un numéro inti- l’art contempo-
tulé simplement « Spécial Godard », les écrivains-théo- rain accueillant en outre les rêves architecturaux et la
riciens Paul Virilio, Jacques Henric, Hal Foster, Britt Nini poésie des utopies urbaines. Le parti pris conceptuel
et Julia Kristeva coexistaient avec les plasticiens Robert et sériel du cinéaste anglais rencontra ainsi à plusieurs
Longo, Bernard Dufour ! C’est à cette occasion que mon titres une des parts les plus audacieuses du projet d’art
activité critique à art press se conjugua à l’époque avec press qui depuis son origine aspire à ne pas trancher en
mes activités de producteur : je contribuais à l’entretien art entre la volupté rétinienne et le vertige conceptuel.
de Jean-Luc Godard avec Philippe Sollers devant la ca- C’est le bon vieux couple toujours menacé du corps et
méra de Jean-Paul Fargier et art press diffusa (et diffuse de l’âme avec lequel la revue en découd depuis toujours
encore) cette très brillante rencontre historique de 75 et qui trouva des déclinaisons multiples, au bord de la
minutes sans interruption. provocation, qui en réjouirent certains et en choquèrent
152
d’autres — par exemple la réflexion sur la pornographie Indéniablement art press a accompagné cette histoire et
voisinant avec des interrogations de nature théologique. a sans doute contribué également à la stimuler et l’a pré-
Ce n’est pas la moindre des perversités stimulantes qui cocement commentée. En 2000, le n° 255 proposait un
me ravit dans art press. dossier intitulé « Accrocher du cinéma », avec les inter-
Dans cette ligne, art press affirme un goût de cinéma views de William Kentridge, Douglas Gordon ; j’y écrivis
refusant un certain réalisme psychologique même quand un texte, Le retour du flâneur, qui déclencha un peu de
il relève de l’entreprise du cinéma d’auteur. Récemment polémique tout en annonçant une perspective qui donne
Catherine Millet me confia l’éditorial d’art press qu’elle lieu, aujourd’hui encore, à des interrogations sur l’art ciné-
voulut consacré au film de Léos Carax, Holy Motors : matographique hors de son site d’exposition « naturel », la
« se complaire dans la plainte, s’émouvoir de la trop évi- salle et non la cimaise. Cette réflexion porteuse d’avenir
dente cruauté du destin existentiel, resservir les recettes connut une continuité dans un dossier intitulé « Le cinéma
de l’émerveillement attendri devant les clichés de l’hu- après les films » : Stan Douglas, Eija-Lisja Ahtila et des
manité abstraite entraînent le goût contemporain vers le textes de Jean-Christophe Royoux, Yann Beauvais et
passé, mouvement arrière bien étranger à l’inactualité, Raymond Bellour.
l’intempestivité et la critique orphique ». Il est probable qu’art press fut le terreau fertile de ques-
Parallèlement, dans le début des années 80, la ré- tions inédites concernant un art dont la reproduction est
flexion comparatiste cinéma/peinture fit un retour dans au coeur de son ontologie et dont la stimulation fut vive
les études universitaires, au sortir des impasses de la sur les artistes au XXe siècle.
sémiologie. Une sensibilité plastique dans le regard Écrire sur le cinéma à art press fut pour moi — mais
historique et critique alimenta une volonté de « revenir également pour Marie-Claude de Rouilhan, Jean-Paul
avant » la sémiologie, mais en évitant de retomber dans Fargier, Guy Scarpetta et ces dernières années, Patrice
la critique impressionniste des années 50. Blouin parmi d’autres — un choix de rapprocher, de frotter
En 1977, le Centre Pompidou ouvrait et créait en son le cinéma aux autres arts, dont son incestueux enfant, l’art
sein un département consacré aux cinémas d’avant- vidéo, puis les déclinaisons numériques contemporaines.
garde, dont les films réalisés par des plasticiens. Précocement, un numéro spécial tel que le numéro hors-
L’ébauche de la collection fut orientée par les choix du série de juin-juillet-août 1982 intitulé « Audiovisuel » mêlait
cinéaste-plasticien Peter Kubelka. La Cinémathèque indistinctement des textes consacrés à Federico Fellini,
française montrait rarement des programmations consa- Jean-Luc Godard, Andy Warhol, Philippe Garrel, Bob
crées à cette part du cinéma et plus encore rarement Wilson, Don Foresta, Fred Forest, Edward Kienholz…
depuis la mort d’Henri Langlois, son fondateur, l’année Par beaucoup d’aspects, l’ambition d’art press fut au fond
même de l’ouverture du Centre Pompidou. Pour la pre- pleinement contemporaine du projet du Centre Pompidou
mière fois, une programmation expérimentale devenait dont l’utopie de son décideur, Georges Pompidou lui-
relativement régulière en plus des projections pionnières même, était de ne pas hiérarchiser les différentes compo-
de certains ciné-clubs et des premières coopératives santes. D’où le fait que le Musée national d’Art moderne
de cinéma indépendant animées par de courageux pro- ne fut pas intitulé comme tel mais fut désigné initialement
grammateurs, Claudine Eizykman, Guy Fihman, Yann comme Département des arts plastiques. D’une manière
Beauvais, Christian Lebras… Et art press, à la différence comparable, le cinéma ne fit pas l’objet dans art press
des revues spécialisées de cinéma, considéra le cinéma d’une chronique reléguée dans les dernières pages de
expérimental comme une composante essentielle du la revue mais s’intégra au sein d’un sommaire ne privilé-
cinéma en son entier. Un incontestable écho s’établit giant pas les disciplines par rapport aux autres, même s’il
alors entre la revue et des lieux nouveaux de découverte était évident qu’art press était une revue prioritairement
cinématographique. consacrée aux arts plastiques. Mais le lecteur devait per-
On observe une évolution de ce qui constituait cevoir ces derniers, indépendamment de leur spécifique 40 ans de regard
jusqu’alors une sorte de contre-culture cinématogra- actualité, comme un balcon théorique depuis lequel les
phique vers une programmation élargie dans les ins- autres disciplines étaient analysées et critiquées. À bien
Art press
titutions muséales et exigeant désormais des compé- des titres, il serait légitime de reprendre pour le compte
tences nouvelles chez les programmateurs, devenant d’art press la célèbre remarque de Louis Jouvet en la dé-
des « conservateurs en cinéma », équivalents des tournant : comme la théorie du théâtre fut probablement
conservateurs des musées. Plus tard, cette évolution favorisée par le cinéma, les enjeux de ce dernier furent
sera prolongée par le cinéma exposé grâce à la repro- pour une part redistribués et réactivés par les arts plas-
ductibilité numérique, donnant lieu à de grandes expo- tiques au sortir d’années de « plomb militant », années qui
sitions consacrées à des auteurs du cinéma classique doutèrent tant de l’autonomie des formes.
(Hitchcock, Cocteau, Almodovar, Tati, Chaplin, etc.)
et aux pratiques « installationnistes » des cinéastes D.P.
Dominique Païni a été directeur de la Cinémathèque française de 1993 à 2000,
contemporains (Godard, Ruiz, Akerman, Syberberg, et du Département du développement culturel au centre Georges Pompidou de
Kiarostami etc…). 2000 à 2005. Il est depuis toujours un proche collaborateur d'art press.
153
art
Les différents épisodes de la vie de Jésus contés 1964 / Italie, France / 137’ / noir et blanc / vostf
suivant le texte de l’évangéliste : de l’Annonciation et la
naissance à Bethléem à la mort et la résurrection. Interprétation : Enrique Irazoqui (Le Christ), Margherita
Caruso (Marie jeune), Susanna Pasolini (Marie adulte),
Marcello Morante (Joseph), Mario Socrate (Jean le Baptiste),
Le plus beau film de Pasolini, le plus inspiré, Settimo Di Porto (Pierre), Alfonso Gatto (André), Luigi Barbini
formellement le plus achevé. Jamais Jésus n’a été (Jacques), Giacomo Morante (Jean), Giorgio Agamben
imaginé ainsi, prêchant à la vitesse d’une marche qui n’a (Philippe)
d’égale que la rapidité avec laquelle lui parviennent les
paroles de son Père. Puissance, réalisme et vérité des Scénario : Pier Paolo Pasolini, d’après L’Évangile selon Saint
Matthieu
visages. Grandeur des paysages. Admirable bande- Décors : Luigi Scaccianoce, Andrea Fantacci
son. La vieille mère de Pasolini prête son corps à celui Image : Tonino Delli Colli
de la mère de Jésus. Prémonition de la mort de son fils Son : Mario Del Pozzo, Fausto Ancillai
sur une plage d’Ostie ? Musique originale : Luis Bacalov
Jacques Henric
Montage : Nino Baragli
Production : Arco Film, Lux
154
Une sale histoire
Jean Eustache
Une sale histoire est un diptyque composé d’un volet 1977 / France / 50’ / noir et blanc
document et d’un volet fiction.
Interprétation : Michael Lonsdale, Douchka, Laura Fanning,
Dans le volet document, Jean-Noël Picq raconte à quatre Josée Yanne, Jacques Burloux, Jean Douchet, Elisabeth
femmes comment il est devenu voyeur en regardant par Lanchener, Françoise Lebrun, Virginie Thévenet, Annette
un trou dans les toilettes des dames. Dans l’autre volet, Wademant, Jean-Noël Picq.
Michael Lonsdale joue et raconte la même histoire devant
D’après l’histoire de Jean-Noël Picq
trois femmes et un homme.
Image : Pierre Lhomme, Jacques Renard
Son : Roger Letellier, Bernard Ortion
Catherine Millet et Jacques Henric avaient choisi La Montage : Chantal Colomer, Jean Eustache
Maman et la Putain de Jean Eustache. Jaques Henric Production : Les Films du Losange
écrivait à ce sujet :
« Film “culte”, comme on dit. D’un artiste qu’on classe, son restauration urgente de ce chef d’oeuvre, essentiel à tant
suicide aidant, dans la catégorie des “maudits”. Réputation d’entre nous, j’ai choisi de montrer à Catherine Millet et à
méritée. Rappelons que dès la première année d’art press Jacques Henric un autre film de Jean Eustache qu’ils ne
nous avons publié une interview avec Eustache. La Maman connaissent pas, Une sale histoire. Étonnement devant
et la Putain est l’exemple formidablement réussi d’un récit ce film, qui est avant tout un film « à dispositif » comme 40 ans de regard
autobiographique (le premier peut-être – l’autofiction n’est on dit aujourd’hui; il pourrait être dit la même chose de La
pas née d’aujourd’hui). Film audacieux, d’une longueur Maman et la Putain : « récit autobiographique », « longs
Art press
inhabituelle, constitué de très longs monologues. Film monologues », « film littéraire », et la même question
littéraire, au sens fort du terme. L’amour, le sexe, de pourrait être posée « l’amour, le sexe de quoi parler
quoi parler d’autre, que filmer d’autre ? Jean Eustache se d’autre ? »
risque, en poète, dans le centre radioactif de la machinerie À l’issue de la projection, Catherine Millet et Jacques
humaine. » Henric partageront leurs impressions face à la découverte
La Maman et la Putain est aujourd’hui un film invisible. de ce qui pour moi est aussi un film central de l’œuvre de
Toutes les copies 35mm qui existent dans les Jean Eustache.
C.B.
cinémathèques ou chez le distributeur sont dans un état
qui ne permet plus leur projection et aucune version
numérique n’a encore été réalisée. En attendant la
155
art
156
Roberte
Pierre Zucca
Mars 1958. Roberte, ancienne résistante, est élue 1978 / France / 104’ / couleur
députée sous la IVe République. Elle est l’épouse
Interprétation : Denise Morin-Sinclaire (Roberte), Pierre
d’Octave, professeur de droit canon dans une université
Klossowski (Octave), Martin Loeb (Antoine), Barbet Schroeder
catholique, qui la fait participer à de torrides tableaux (Vittorio), Michel Berto (Justin), Juliet Berto (Petit F.), Jean-
vivants érotiques. Objet des fantasmes d’Octave, François Stévenin (Von A.), Frédéric Mitterrand (l’employé de
Roberte assouvit le plaisir de son mari en devenant la banque), Faïsa Toumi (Petit X.)
maîtresse de Vittorio qui s’installe dans la maison pour
Scénario : Pierre Zucca, Pierre Klossowski, d’après son roman,
être le précepteur d’Antoine, le neveu du couple… La Révocation de l’Édit de Nantes
Décors : Max Berto
Tout d’abord il faut dire que Klossowski fait partie de la Image : Paul Bonis
« famille » art press depuis sa création. Nous avons Son : Michel Vionnet, Maurice Gilbert, Alex Pront
constamment publié des articles, des interviews et nous Musique originale : Éric Demarsan
Montage : Nicole Lubtchansky
avons même publié un entretien avec Denise, sa femme Production : Filmoblic
40 ans de regard
et son modèle.
Le film de Zucca est plus qu’une adaptation de l’œuvre
Art press
157
art
En cet été anglais de 1694, Mr. Neville, jeune 1982 / Royaume Uni / 108’ / couleur / vostf
dessinateur plein d’avenir, se voit prié par Mrs. Herbert
Interprétation : Anthony Higgins (Mr. Neville), Janet Suzman
de réaliser douze dessins, douze représentations
(Mrs. Herbert), Anne-Louise Lambert (Mrs. Talmann), Hugh
fidèles du superbe jardin de Mr. Herbert. Marché conclu, Fraser (Mr. Talmann), Neil Cunningham (Mr. Noyes), Dave
moyennant finances, et les faveurs de la dame. Pendant Hill (Mr. Herbert), David Gant (Mr. Seymour), David Meyer
douze jours, Mr Neville va s’exécuter. Sans s’apercevoir (un Poulenc), Tony Meyer (un Poulenc), Nicholas Amer (Mr.
tout d’abord que ce paysage trop ordonné recèle Parkes)
d’étranges objets… Scénario : Peter Greenaway
Décors : Bob Ringwood
C’est le film idéal pour un critique d’art, et pour moi c’est Image : Curtis Clark
un concentré de tout ce qui m’a occupé dans un moment Son : Godfrey Kirby
de ma vie. Il y a la beauté picturale des images, l’intrigue Musique originale : Michael Nyman
Montage : John Wilson
extrêmement complexe qui renvoie à l’art conceptuel, Production : British Film Institute, Channel Four
dont certains dispositifs en sont vraiment très proches.
Et puis il y a une analyse du rapport sexuel sans illusion,
dépouillé de tout romantisme. Le film expose tous les
mécanismes pervers qui interviennent dans le rapport
sexuel. Enfin, il y a un jeu avec le langage qui est aussi
très important dans le film, même s’il est difficile de le
mesurer lorsqu’on n’est pas totalement anglophone.
J’adore les œuvres labyrinthiques comme celle-là, c’est
un film qu’il est possible de voir des dizaines de fois
comme un tableau qu’on n’arrive pas à épuiser.
Catherine Millet
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L’annonce faite à Marie
Alain Cuny
Pierre de Craon, l’architecte, s’apprête à quitter le 1991 / France, Canada / 91’ / couleur
village de Combernon pour aller bâtir des cathédrales.
Naguère, il tenta d’abuser de la pure Violaine. À celle- Interprétation : Roberto Benavente (Pierre de Craon),
Christelle Challab (Mara Vercors), Alain Cuny (Anne Vercors),
ci, il révèle qu’il a contracté la lèpre: elle lui donne un Ulrika Jonsson (Violaine Vercors), Jean Des Ligneris (Jacques
anneau offert par Jacques Hury et le baiser de charité. Hury), Cécile Potot (Elisabeth Vercors), Ken MacKenzie
Mara, sa soeur, a vu la scène. Leur père, Anne Vercors, (le maire), Samuel Tetreault (l’apprenti)
s’apprête à quitter les siens pour aller en Terre Sainte et
Scénario : Alain Cuny, d’après la pièce de Paul Claudel
annonce qu’il destine Violaine à Jacques Hury, qu’aime
Décors : Hervé Baley, Bernard Lavoie, Jacques Mizrahi
aussi Mara… Image : Caroline Champetier, Denys Clerval, Serge Dalmas,
Julien Hirsch, Paul Hurteau
Nous avions entendu parlé de ce film par Alain Cuny Musique originale : François-Bernard Mâche
pendant de nombreuses années et nous étions très Montage : Françoise Garnault
Production : Les Productions Desmichelle, Pax Film
heureux qu’il voie enfin le jour, d’autant plus que, de International
40 ans de regard
mon côté, j‘ai toujours aimé Claudel qui a été une grande
lecture de jeunesse.
Art press
Catherine Millet
159
art
Gérant du « Paradis de la Glace », Jean de Dieu a 1995 / Portugal, France, Italie, Danemark / 163’ / couleur / vostf
inventé des parfums délicieux qui ont fait le succès de sa
Interprétation : Claudia Teixeira (Joaninha), João César
boutique. Il attache beaucoup d’importance à l’hygiène
Monteiro alias Max Monteiro (João de Deus), Manuela de
par souci de la santé publique et forme avec soin ses Freitas (Judite), Raquel Ascensao (Rosarinho), Gracinda Nave
nouvelles employées. Sa préférée est Rosarinho, à (Felicia), Patricia Abreu (Alexandra), Saraiva Serrano (Senior
laquelle il prodigue une attention toute paternelle mais Tomé), Maria João Ribeiro (Carmen), Bruno Sousa (Bruno),
qu’il finit cependant par initier sexuellement d’une Ana Reis (Menina da Janela)
manière inattendue et brutale… Scénario : João César Monteiro
Décors : Emmanuel de Chauvigny
Ce qui m’a séduite d’emblée dans La Comédie de Dieu Image : Mário Barroso
c’est la manière dont le cinéaste habite son film. J’admire Son : Rolly Belhassen, Jean-François Auger
les gens qui se mettent en scène d’un manière qui n’est Montage : Carla Bogalheiro
Production : Grupo de Estudos & Realizações, Pierre Grise
pas obligatoirement valorisante, et même avec dérision Productions, Mikado Film, Zentropa Productions.
et moquerie. L’auteur, dans ce film, s’expose, se met en
danger. Et j’ai un souvenir très fort de cette scène où une
jeune fille est allongée sur une table comme sur un autel
et où Jean de Dieu est à la fois un prêtre qui officie et
un chef d’orchestre qui fait « monter » la musique. C’est
pour moi une scène d’anthologie cinématographique,
musicalement et graphiquement.
Catherine Millet
160
La Vie de Jésus
Bruno Dumont
Jeune chômeur sujet à des crises d’épilepsie, Freddy 1996 / France / 96’ / couleur
vit chez sa mère Yvette qui tient un estaminet à Bailleul,
Interprétation : David Douche (Freddy), Marjorie Cottreel
dans le Nord. Il passe l’essentiel de son temps à (Marie), Kader Chaatouf (Kader), Sébastien Delbaere (Gégé),
traîner avec ses copains, des ruraux peu scolarisés, à Samuel Boidin (Michou), Steve Smagghe (Robert), Sébastien
faire des virées dans les environs sur leurs mobylettes Bailleul (Quinquin), Geneviève Cottreel (la mère de Freddy)
trafiquées. Freddy aime Marie, la jolie caissière blonde
de l’hypermarché, qui habite de l’autre côté de la rue… Scénario : Bruno Dumont
Décors : Frédérique Suchet
Image : Philippe Van Leeuw
Le cinéma de Bruno Dumont c’est l’exemple absolu d’un Son : Mathieu Imbert, Eric Rophe, Olivier de Nesles
cinéma dans lequel on entre en empathie immédiate Musique originale : Richard Cuvillier
avec les personnages. La lenteur, l’économie de Montage : Yves Deschamps, Guy Lecorne
Production : 3B Productions, Norfilm, CRRAV
parole, le travail avec des acteurs non professionnels,
le traitement de l’espace comme un espace ouvert. Tout 40 ans de regard
cela y contribue. Cette empathie avec les personnages,
je la ressens même dans le son que font les bottes dans
Art press
Catherine Millet
161
art
À Montréal, un couple, Paul et Marguerite, s’aime 1997 / France, Canada / 90’ / couleur
depuis cinq ans. Paul s’occupe à la fois de son père,
vieil immigré grec, et de son fils, né d’une autre couche, Interprétation : Romane Bohringer (Marguerite), Laurent Lucas
(Paul), Charlotte Laurier (Sarah), David Di Salvio (Georges),
et qui meurt à petit feu dans une chambre d’hôpital. Paul Stephen J. Smith (le père de Paul), Simon Hetu (Léo), Richard
travaille la nuit dans un zoo, il garde le sommeil des Notkin (le gardien du zoo), Robert Warren (le prêtre), Mourad
animaux. Marguerite, quand il rentre, sort à son tour et Mimouni (Ahmed)
erre dans la ville sans but…
Scénario : Bertrand Bonello
Décors : Frédéric Page
Je n’ai pas vu Quelque chose d’organique, le premier Image : Josée Deshaies
long métrage de Bertrand Bonello, mais je suis curieuse Son : Alain Tremblay
de le découvrir, non seulement parce que j’ai vu tous ses Musique originale : Laurie Markovitch
autres films mais aussi parce qu’il se trouve que j’ai connu Montage : Dominique Auvray
Production : Haut et Court, Cité-Amérique
Bertrand quand il était un enfant souvent embarqué
dans ses rêves. Quand j’ai découvert qu’il était devenu
cinéaste, cela ne m’a pas étonnée et je retrouve dans
ses films cette utopie que l’on a, enfant, de construire un
monde autour de soi, afin de se protéger du monde réel.
Il y a cela dans De la guerre et aussi dans L’Apollonide.
Je partage complètement ce sentiment et je crois que
ma vie d’adulte garde la nostalgie de ce monde protégé.
Catherine Millet
162
Un monde agité
Alain Fleischer
Un vaste film de montage à partir des bandes
conservées par la Cinémathèque française,
dans lequel plusieurs récits, menés de front,
empruntent successivement des extraits
d’origines diverses, circulant d’une histoire
à une autre, quittant des personnages pour
les retrouver plus tard et ainsi de suite en
multipliant les chassés-croisés, tissant un
panorama du monde du cinéma à partir de
nombreux films, images simultanées qui,
faute d’être synchrones avec une bande
sonore, sont toutes synchrones entre elles…
Catherine Millet
163
art
C’est Dominique Païni qui est le lien entre art press et les Straub, et je me souviens très bien de la première
interview qui était parue dans art press en 1975, due à Marie Claude de Rouilhan.
Leurs films sont des abstractions pures.
Ce qui me frappe le plus dans leur travail c’est la manière de mettre en place l’espace qui permet au
spectateur de l’intérioriser. Dans les films des Straub, ce n’est pas moi qui suis projetée dans l’espace,
c’est l’espace qui vient me remplir, qui m’envahit.
Catherine Millet
Sicilia !
Jean-Marie Straub et Danièle Huillet
1999 / France, Italie, Suisse / 66’ / noir et blanc / vostf
Interprétation : Gianni Buscarino (le fils), Angela Nugara (la
mère), Vittorio Vigneri (le rémouleur), Carmelo Maddio (le
vendeur d’oranges), Ignazio Trombello (un policier), Simone
Nucatola (un policier), Giovanni Interlandi (le voyageur)
164
La Chatte à deux têtes
Jacques Nolot
dans ce cinéma. trueux, qui tout en étant un géant fait penser à un nain, et
D’une manière plus générale je suis vraiment admirative qui m’a tellement marquée que je l’ai évoqué dans mon
de la manière dont Jacques Nolot se met en scène et livre Riquet à la houppe, Millet à la loupe.
s’expose physiquement. Lorsqu’on prend le risque de
s’exposer ainsi soi-même en tant qu’auteur, alors il est Catherine Millet
possible de dire et de montrer sur l’être humain des
choses très profondes qu’on ne dirait pas autrement.
Parler de soi ainsi, c’est pouvoir exprimer des choses
qui n’ont jamais été dites, jamais été montrées sur les
individus.
165
art
Jacques Henric
166
Charly
Isild Le Besco
Catherine Millet
167
art
Catherine Millet
168
Table ronde
samedi 1er décembre 2012 - 14h-18h
De l’art vidéo aux œuvres contemporaines, le regard d’une revue d’art sur les images animées
à partir d’un choix d’œuvres proposées par Catherine Millet, Dominique Païni et Dork Zabunyan, une
discussion en présence des artistes et cinéastes Clarisse Hahn, Clément Cogitore et Alain Fleischer, également
directeur du Fresnoy – studio national des arts contemporains, de Jacques Henric, photographe et écrivain,
Nicolas Surlapierre, conservateur des musées de Belfort, Jacky Evrard, délégué général du festival Côté Court
ainsi que Stéphane Delorme, rédacteur en chef des Cahiers du cinéma.
Table ronde animée par Matthieu Orléan, chargé des expositions temporaires à la Cinémathèque française
depuis 2003.
œuvres projetées
169
171
24e FESTIVAL 03
INTERNATIONAL — 08
DE CINÉMA JUILLET
www.fidmarseille.org — MARSEILLE 2013
L’APPEL À FILMS EST DISPONIBLE
EN LIGNE SUR LE SITE INTERNET
→ www.fidmarseille.org
DU 3 DÉCEMBRE 2012 AU 15 MARS 2013
PLATEFORME 04 — 05
DE COPRODUCTION JUILLET
INTERNATIONALE 2013
5e ÉDITION
L’APPEL À PROJETS EST DISPONIBLE
EN LIGNE SUR LE SITE INTERNET
→ www.fidmarseille.org
DU 15 OCTOBRE 2012 AU 8 FÉVRIER 2013
173
L’ACID A 20 ANS
Henri Langlois avait fondé sa morale sur l’idée que « tous les films sont égaux ». Il n’en est pas d’autre qui
vaille. Il s’agit donc pour les cinéastes de résister. Résister en donnant une vraie chance à tous les films d’être
vus. C’est ainsi que se terminait le manifeste qui présidait il y a vingt ans à la création de l’ACID, l’Association
du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion, association de cinéastes près à défendre leurs films, c’est à dire les
films de leurs pairs. Depuis 2006, le festival EntreVues accueille l’ACID pour un coup de cœur – un premier
film qui fait figure de « off » à notre compétition internationale et complète ainsi, par un film singulier, le
regard porté sur le jeune cinéma indépendant.
Depuis 2006, c’est aussi ensemble que nous concevons un atelier de réflexion qui permet de réunir toute la chaine
du cinéma, depuis les réalisateurs jusqu’aux exploitants, et de s’arrêter un temps pour réfléchir à nos pratiques.
Pour l’anniversaire de l’ACID, Cinémas d’aujourd’hui propose depuis le mois de septembre une double
programmation dans le cadre de ses séances art et essai, un film d’il y a 20 ans, un film de cette année. C’est cette
même proposition que nous faisons pour cette soirée : Récréations de Claire Simon, un film culte pour les uns,
un grand classique pour les autres, et Casa Nostra, premier film de Nathan Nicholovitch, défendu à Cannes par
l’ACID cette année.
Récréations
Claire Simon
1993 / France / 54’ / couleur
Image : Claire Simon
Son : Dominique Lancelot
Musique originale : Pierre-Louis Garcia
Montage : Suzanne Koch
Production : Les Films d’Ici, Arte
174
Avant-première L’Acid a 20 ans
Casa Nostra
Nathan Nicholovitch
L’ACID est une association de cinéastes qui depuis 18 ans soutient la diffusion en salles de films indé
pendants et œuvre à la rencontre entre ces films, leurs auteurs et le public.
La force du travail de l’ACID repose sur son idée fondatrice : le soutien par des cinéastes de films
d’autres cinéastes, français ou étrangers. 175
Le Conseil général
partenaire du cinéma
Film grand public ou d’auteur, en plein air,
dans les communes rurales, dans les collèges…
Soutenu par le Conseil général,
le 7e Art tisse sa toile dans le département.
No
de Pablo Larrain
drame – 115’ – Chili 2013
En avant-première
nationale le 27 novembre
www.cg90.fr
Soirée du Conseil général Avant - première
No
Pablo Larraín
Lorsque le dictateur chilien Augusto Pinochet, face à la pression 2012 / Chili, Etats-Unis, Mexique / 110’ / couleur / vostf
internationale consent à un référendum sur sa présidence en Interprétation : Gael García Bernal (René Saavedra), Alfredo Castro (Lu-
1988, les dirigeants de l’opposition persuadent un jeune et brillant cho Guzmán), Alejandro Goic (Ricardo), Néstor Cantillana (Fernando),
publicitaire, René Saavedra, d’être le fer de lance de leur campagne. Luis Gnecco (Urrutia), Antonia Zegers (Verónica)
Avec peu de moyens et sous la surveillance constante des hommes Scénario : Pedro Peirano d’après la pièce Referendum d’Antonio
de Pinochet, Saavedra et son équipe conçoivent un plan audacieux Skármeta
Décors : Estefania Larraín
pour remporter le référendum et libérer leur pays de l’oppression.
Image : Sergio Armstrong
Son : Miguel Hormazábal
No raconte la façon dont le « non », qui permit de destituer Musique originale :
Montage : Andrea Chignoli
Pinochet lors du référendum de 1988, a gagné : grâce au
Production : Fabula, Participant Media, Canana Films
concours d’un jeune publicitaire qui osa la radicalité et prit
le contrepied de la rhétorique de l’opposition à la dictature…
C’est un film qui finit bien, c’est aussi un film exaltant,
drôle, au casting impeccable : Gael Bernal Garcia et surtout
Alfredo Castro l’acteur fétiche de Pablo Larrain. C’est un
film historique, et c’est surtout un film d’époque, « en Pour évoquer tout cela, la séance sera suivie d’un débat
costumes » de la fin des années 80… C’est aussi un film sur « Communication en politique » en compagnie de
le fil, dans sa mise en scène comme dans le jeu des acteurs François Jost, professeur à la Sorbonne Nouvelle Paris
et surtout dans la manière dont il révèle, aussi, la logique III, où il dirige le Centre d’Études sur l’Image et le Son
nihiliste et purement prédatrice de la publicité, comme le Médiatiques (CEISME)
notait Isabelle Regnier, dans sa critique cannoise du Monde. et de Georges Couffignal, directeur de l’Institut des
Alors, au-delà de la spécificité historique du Chili, le sujet Hautes Études de l’Amérique Latine (IHEAL, Sorbonne
qu’il aborde nous renvoie explicitement, et même très Nouvelle Paris III), où il est responsable de l’option
spéciales
Séances
177
20 ans de soutien au cinéma en Franche-Comté
La Soirée du Conseil régional permet de mettre en valeur un film soutenu par le fonds régional d’aide à la
production. Cette année, il est proposé de découvrir ou redécouvrir le premier long métrage du réalisateur franc-
comtois Jacques Maillot, Nos vies heureuses, soutenu par la Région en 1997 et sélectionné en compétition officielle
du festival de Cannes en 1999.
Destin croisé de six amis. Julie sort de l’hôpital après une 1999 / France / 147’ / couleur
tentative de suicide. Ali a quitté le Maroc pour venir étudier en
Interprétation : Marie Payen (Julie), Cécile Richard (Cécile), Camille
France. Emilie vit une rupture amoureuse. Lucas ne sais plus Japy (Émilie), Sami Bouajila (Ali), Éric Bonicatto (Jean-Paul), Jean-Michel
très bien où il en est. Cécile tue l’ennui en prenant des photos et Portal (Lucas), Sarah Grappin (Sylvie), Olivier Py (François), Alain Beigel
(Antoine), Fanny Cottençon (la mère de Cécile), Marc Chapiteau (le père
Jean-Paul est un catholique militant. Chacun devra quitter son de Sylvie)
identité pour s’inventer un chemin fragile et personnel. Cela
Scénario : Jacques Maillot, Éric Veniard
n’ira pas sans déchirement, sans combat ni souffrance. Décors : Valérie Berman
Image : Luc Pagès
Son : Frédéric de Ravignan
« Quand j’écris, j’ai le sentiment que les problématiques Musique originale : Allie Delfau
s’éclairent les unes les autres. Comme les personnages Montage : Andrea Sedlácková
nouveaux jettent un nouvel éclairage sur ceux que l’on Production : Magouric Productions, Idéa Productions, TSF
Jacques Maillot
(entretien avec Philippe Piazzo,
Le Monde-Aden, 1er décembre 1999)
179
4e édition
Ils seront projetés les mardi 27 et mercredi 28 novembre en matinée au Pathé Belfort. Le jury rencontrera ensuite
chaque réalisateur et producteur candidats pour une discussion.
Un directeur de post-production, participant au jury, sera chargé du suivi des travaux de post-produc-
tion, en lien avec la production du film.
180
Les films sélectionnés
Le lauréat FILMS EN COURS 2012 sera annoncé à tous dès le mercredi 28 novembre à 20h30
181
Les Rencontres
professionnelles
Les rencontres professionnelles ont été créées dès 2006, afin de faire du festival un lieu utile pour les
professionnels impliqués dans le jeune cinéma de recherche, un lieu pertinent de réflexion autour de
questions primordiales pour penser la création contemporaine dans ses dimensions à la fois esthétiques,
politiques et concrètes. Ces rencontres se déclinent désormais autour de plusieurs moments forts.
Cette journée de travail rassemble les exploitants du Grand Est et leurs voisins pour découvrir des œuvres de jeunes
cinéastes, et susciter à la fois une réflexion et des projets de programmation communs autour de ces films.
Un programme de courts métrages nouvellement acquis par le RADi (Réseau Alternatif de diffusion) sera
proposé par l’Agence du court métrage, accompagné d’une discussion autour des thèmes « Comment programmer
un avant programme de courts métrages ? » et « Quelles nouvelles pratiques grâce au numérique ? »
Avec les interventions de Philippe Germain, délégué général de L’Agence du court métrage ; Olivier Payage,
programmateur du RADi, en charge de la relation avec les salles ; Christophe Duthoit, programmateur de plusieurs
cinémas.
La projection de deux longs-métrages de jeunes cinéastes en avant-première, dont la sortie est prévue dans les
mois à venir, sera l’occasion de s’interroger sur la manière pour les salles d’assurer la promotion d’œuvres qui
sortent sans soutien médiatique.
• Casa Nostra de Nathan Nicholovitch
Film soutenu par l’ACID et présenté par son réalisateur Nathan Nicholovitch et son distributeur, Aramis Films. Sortie le 6
mars 2013 (voir page 173).
• Los Salvajes d’Alejandro Fadel
Film en compétition à EntreVues (voir page 28), présenté par son réalisateur Alejandro Fadel et son distributeur, Independencia.
Sortie le 20 février 2013.
Le film a reçu le Soutien ACID/CCAS à la distribution à la Semaine de la critique – Cannes 2012.
Avec les interventions de Fabienne Hanclot, déléguée générale de l’ACID, et Sarah Derny, responsable de la
programmation salles en région à l’ACID, et Boris Spire, président du GNCR et directeur du cinéma l’Ecran
Saint-Denis.
182
Les Ateliers de réflexion
Vendredi 30 novembre
Les ateliers de réflexion proposent aux professionnels du cinéma, en synergie avec d’autres disciplines, de mettre en
commun leurs expériences, d’échanger sur leurs pratiques et d’explorer ensemble de nouvelles pistes de travail.
Cet atelier regroupe chaque année les professionnels et les responsables institutionnels des cinq régions du Grand Est
(Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche Comté et Lorraine) pour faire le point sur leurs projets communs
en cours. Cette année sera entamée par ailleurs une réflexion autour de la question « Quels lieux de diffusion pour
quelles œuvres ? » Il s’agira de s’interroger sur la pertinence pour les régions de mettre en place des initiatives pour
aider les lieux de diffusion, ou la diffusion des œuvres elles-mêmes. En présence d’un responsable du CNC, de
représentants du GNCR et de l’ACID. Atelier animé par Georges Heck, directeur du département audiovisuel et
cinéma de la Communauté Urbaine de Strasbourg.
Nous avions tenté l’an dernier sous le titre « comment font les autres ? » de mettre en commun les manières de faire des
plus petits face à la grande distribution, aux majors, aux circuits, dans le domaine du cinéma mais aussi de la musique
de l’édition ou de l’agriculture. Dans le cas du cinéma, qui est une profession fortement réglementée, deux positions
coexistent pour tenter de faire face aux problèmes qui se posent au cinéma indépendant : exiger de l’intérieur de faire
évoluer la réglementation, ou bien détourner les règles et inventer à côté de nouvelles manières de faire.
« La vigueur de la démocratie tient à sa capacité à tenir un écart harmonieux entre le symbolique et le réel » explique le
politologue Stephane Rozès. Or s’il est facile d’imaginer symboliquement la marge comme un lieu de contre-pouvoir,
l’est-elle vraiment dans la réalité ? Que signifie et implique pratiquement et matériellement d’être en marge ? Est-ce
réellement un lieu d’action? Être en marge signifie-t-il avoir la capacité de détourner les règles pour inventer, pour
exister ? Mais est-ce suffisant pour être force de proposition et force de changement ? Économistes, politologues,
philosophes viendront apporter leur point de vue au côté des professionnels du cinéma mais aussi de personnes
impliquées dans le spectacle vivant et la musique.
Rencontres
régionales
de l’éducation
artistique au E 15h30 : Rencontre avec Denis Gheerbrant (réalisateur).
ce qu’il découpe dans le visible et ce qu’il en cache ». Modéré par Christophe Pornic, Directeur artistique des Etats
J.L Comolli généraux du documentaire de Lussas.
Avec : Christophe Loizillon, Denis Gheerbrant, Marion Lary
E 13h45 : Rencontre avec Christophe Loizillon (réalisateur). (réalisatrice) et Jean Charles Hue (réalisateur).
« Nous ne filmons pas la vie. Nous mettons en scène la vie».
C. Loizillon. 20h30 : Séance de compétition d'EntreVues
183
Les forums
publics
Les forums publics permettent aux professionnels d’aborder avec le public diverses questions que soulève la
programmation du festival. Un temps de pause entre les projections, dédié à la diffusion des savoirs, des
expériences et des pratiques, chaque soir de 18h30 à 20h.
Mardi 27 novembre
Filmer : expérience de vie/expérience de cinéma
En clôture des Rencontres régionales de l’Education à l’image
Il semble qu’en documentaire, mais cela peut aussi être la même chose en fiction, le choix de faire un film est
parfois aussi celui de partager la vie d’autres ou synonyme d’immersion dans un milieu particulier. Pour un
temps le cinéaste choisit de faire une autre expérience de vie que la sienne propre, jusqu’à peut-être même se
mettre dans la peau d’un autre.
Débat animé par Christophe Postic, directeur artistique des Etats généraux du Documentaire de Lussas, en
compagnie des cinéastes Denis Gheerbrant, Jean-Charles Hue, Marion Lary et Christophe Loizillon.
Mercredi 28 novembre
Après l’âge d’or des années 70, que peut encore le cinéma d’horreur ?
Carpenter, Romero, Hooper, Friedkin, ces noms évoquent les grandes heures du film d’horreur
américain. L’arrivée de Rob Zombie au début des années 2000 laisse penser que le film d’horreur peut
encore avoir de belles heures devant lui. Mais de quelles façons ? En jouant sur la redite, de la citation au
remake, ou bien en s’affranchissant des maîtres et en osant une imagerie nouvelle, sinon venue d’ailleurs ?
Ce forum, dans le cadre de la rétrospective Rob Zombie, sera animé par Stéphane du Mesnildot (Cahiers du
cinéma). Il réunira les critiques Jean-Baptiste Thoret, Jérôme Momcilovic, Gilles Esposito et Bastian Meiresonne.
Vendredi 30 novembre
La marge est-elle un contre pouvoir ?
Pour rendre compte des travaux des professionnels du vendredi 30 novembre sur la question «La marge est-
elle un contre pouvoir ?», une dernière session de travail sera ouverte au public.
Ce débat s’interrogera sur les différentes façons d’exister lorsque l’on appartient à la marge : Que
signifie et implique pratiquement et matériellement d’être en marge ? Est-ce réellement un lieu d’action?
Cette séance sera animée par Matthieu Orléan, chargé des expositions temporaires de la Cinémathèque
Séances
185
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Séance de clôture Avant-première
Professeur de maths à la retraite, Michel vit seul depuis le 2012 / France / 91’ / couleur
décès de sa femme. Il travaille sur un livre qui dénonce le
Interprétation : Jean-Claude Brisseau (Michel), Virginie
«monde d’illusions» dans lequel on vit. Un jour, une fille se
Legeay (Dora), Claude Morel
fait tabasser dans les escaliers. Il lui ouvre sa porte, la soigne,
l’héberge. À peine s’est-elle installée que le vieil appartement Scénario : Jean-Claude Brisseau
devient le lieu d’événements étranges… Décors, montage : Maria-Luisa Garcia
Image : David Chambille
Le nouveau long métrage de Jean-Claude Brisseau, La Production : La Sorcière rouge (Jean-Claude Brisseau)
Fille de nulle part, est un émouvant retour aux sources.
Le film est autoproduit, interprété par Brisseau, et
essentiellement tourné dans son propre appartement, de nouveau des incursions du côté du paranormal
un peu à la manière des films amateurs de ses débuts, et du spiritisme, La Fille de nulle part s’enrichit d’une
et le numérique (employé pour la première fois par surprenante dimension émotionnelle qui le fait échapper
Brisseau) remplace le super 8. Le film fait penser à ces à un simple exposé théorique. Avec le portrait de cet
œuvres de cinéastes qui n’ont plus rien à prouver mais homme vieillissant, misanthrope et idéaliste, Brisseau
ont toujours soif d’expérimentations, comme le récent se livre à une étrange confession intime, sacrifiant pour
Twixt de Francis Ford Coppola. Le confinement du la première fois à l’autobiographie, sans renoncer à sa
sujet (la relation platonique entre un vieux professeur passion pour le romanesque.
et une jeune fille sauvage) et la modestie des moyens
apparaissent, davantage qu’un aveu de résignation, Olivier Père
(Délégué Général du Festival de Locarno, où le film a obtenu cette année la
comme une authentique démonstration de résistance
récompense suprême, le Léopard d’or)
politique et économique, un véritable manifeste de
cinéma guérilla. Car tournage léger et micro budget
ne signifient pas amateurisme sous la direction d’un
cinéaste obsédé par le style et la forme. Chez Brisseau
tout est question de mise en scène, et La Fille de nulle
spéciales
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Le Festival
c’est aussi…
Chaque matin, les salles s’ouvrent aux publics scolaires.
Les collèges, lycées, établissements du supérieur et écoles primaires de l’Aire urbaine ont accès à des séances
de projection à la carte, à partir d’une liste de films issus de la programmation.
Deux conférences complètent la programmation autour de To Be or Not to Be d’Ernst Lubitsch, animées par
Jean Narboni et Emmanuel Burdeau, critiques et historiens du cinéma.
Les « afters »
Dimanche 25 novembre
DJ Set « C kan kon kouch ?» à la salle des fêtes.
La piste de danse, le « dance floor », lieu de circulation des énergies, de croisement des regards, de frôlement
des peaux, sera le point de rencontre idéal pour les danseurs qui sauront donner le meilleur d’eux-mêmes.
spéciales
Sur des musiques où le rythme et les mots se devront d’être sensuels, les corps opéreront, peut-être, un
Séances
189
L'affiche 2012
L’affiche 2012
Parmi ses bandes dessinées : Le Goût du paradis (2008), Coney Island Baby (2010), Girls
Don’t Cry (2010), Tonight (2012)
191
Bande annonce 2012
Filmographie :
Après des études à l’Ecole supérieure des arts décoratifs
• Un archipel - 2012 - 11 min -
de Strasbourg, et au Fresnoy-Studio national des arts Prod : GREC/France 2
contemporains, Clément Cogitore développe une 65e International Locarno Film
pratique à mi-chemin entre cinéma et art contemporain. festival
Mêlant films, vidéos, installations et photographies, son
• Bielutine - Dans le jardin du
travail questionne les modalités de cohabitation des temps - 2011 - 35 min - Prod :
hommes avec leurs images. Seppia - Arte
Il y est le plus souvent question de rituels, de mémoire Quinzaine des réalisateurs,
collective, de figuration du sacré ainsi que d’une certaine Cannes 2011
EntreVues 2012
idée de la perméabilité des mondes.
Prix du FIDLAB, Marseille 2010
Ses films ont été sélectionnés dans de nombreux festivals
internationaux (Quinzaine des réalisateurs Cannes, • Parmi Nous - 2011 - 30 min - Prod : Kazak avec la participation
festivals de Locarno, Lisbonne, Montréal...) et ont été de France 2
récompensés à plusieurs reprises. Son travail a également Grand prix européen des premiers films, Fondation Vevey 2010
Best film award - Belo Horizonte international film festival
été projeté et exposé dans de nombreux musées et centre
Best cinematography award - Lucania international film festival
d’arts (Palais de Tokyo, Centre Georges Pompidou -
Paris, Haus der Kultur der Welt - Berlin, Museum of fine • Visités- 2007 - 18 min - Prod : Le Fresnoy - Le Deuxième souffle
arts - Boston...). 60e Locarno International film festival
Né en 1983 à Colmar, Clément Cogitore est actuellement Prix du Jury - Festival international du film de Vendôme
Best Cinematography award - Belgrade international film festival
pensionnaire de l’Académie de France à Rome-Villa
Médicis. • Chroniques - 2006 - 30 min- Prod : GREC
www.clementcogitore.com Grand prix (mention spéciale) EntreVues Belfort
Prix du centre des écritures cinématographiques, Festival des
écrans documentaires, Arcueil
Prix de la fondation Beaumarchais, SACD
Crédits Bande-annonce 2012 :
We are Legion :
Image : Aïdan Olbrist
Musique : Martin Wheeler
Collaboration artistique : Gauthier Sibillat
Remerciements : Grégory Jérôme, Armin Zoghi
193
INDEX
N U
Night Replay 31 Umberto D. 111
No 175 Un couple 53
No Comment 145 Un drôle de paroissien 54
Noir comme le souvenir 65 Un linceul n’a pas de poche 59
Nos amis de la banque 141 Un mito antropologico televisivo 43
7h58 ce samedi-là 130 F Nos vies heureuses 177
Nuit remue (La) 40
Un monde agité 161
Un plan simple 126
Farceur (Le) 68
A Fille de nulle part (La) 185
O
Une poste à la Courneuve 123
Une sale histoire 153
A Story For the Modlins 36 Film socialisme 145
O Dom das lagrimas 41 Une simple histoire 133
Agent Trouble 62 Florarià y Edecanes 39
O som ao redor 32 Une vie de chat 136
Albatros (L’) 58 Folle Ingénue (La) 93
On achève bien les chevaux 114 Une vraie jeune fille 154
Andy Warhol Exploding Plastic
Inevitable 134 G Opinion publique (L’) 95
Or des mers (L’) 109 V
Annonce faite à Marie (L’) 157 Goodbye South, Goodbye 125
Orléans 33 Veuve joyeuse (La) 91
Ape 21 Goonies (Les) 136
Ovos de dinossauro na sala de Vie de Jésus (La) 159
Argent (L’) 118 Grande Lessive (La) 56
estar 42 Vie sans principe (La) 131
As Ondas 37 Grandeur et décadence d’un petit
Vilaine fille mauvais garçon 43
Aux bains de la reine 37
Avanti ! 100
commerce de cinéma 119
P Ville à vendre 63
Aventures de Robin des Bois (Les) H Paradis défendu 94
Pont des Arts (Le) 164
Voisin de cellule 68
136 Halloween (John Carpenter) 80
W
Aventures extraordinaires
de Mister West au pays des
Halloween (Rob Zombie) 81
Halloween 2 81
Q Welfare 116
Quelque chose d’organique 160
Bolcheviks (Les) 139 Haute pègre 89
Y
B
Histoire du Japon racontée par
une hôtesse de bar 115
R Yella 129
Rainbow Dance 134
Bonsoir 64
Broken Specs 38 I Raining Stones 121
Raisins de la colère (Les) 140
I Love Dollars 120
C Île nue (L’) 69
Rapaces (Les) 108
Récréations 172
Casa Nostra 173 In April The Following Year, There
Crédits photos
Règle du jeu (La) 96
Cassette (La) 122 Was a Fire 24
Révélations 127
Charly 165 Inconsolable (L’) 162
Rivière d’argent (La) 136, 142
Chatte à deux têtes (La) 163 Indiscrétions 97
Roberte 155 Collections particulières / D.R. :
Chatte des montagnes (La) 87 Inflation 134
Rue de la honte (La) 113 1, 5, 9, 11, 13, 16, 17, 21 à 28, 29a,
Cité de l’indicible peur (La) 55 Insomniaques (Les) 66
Cleveland contre Wall Street 144
Comédie de Dieu (La) 158
It’s a Free World… 143
Itinéraire de Jean Bricard 162
S 30 à 44, 45a, 49, 53 à 57, 59 à 61,
63 à 65, 68, 69, 70 à 93, 94b, 95
Salvajes (Los) 28
Coquillettes (Les) 45
J Sauvetage 68 à 101, 106 à 108, 110 à 117, 119
Coûte que coûte 124 à 132, 134, 136, 137, 139 à 144,
Sérénade à trois 90
Jajouka, quelque chose de bon vient
D vers toi 25
Sicilia ! 162
Silver Rush 134
145a, 146-147, 152 à 154, 158, 159,
161-162, 164 à 167, 172, 173, 175,
De l’aube à minuit 107 Je veux seulement que vous
Solo 57 177, 185
Délivrance 134 m’aimiez 117
Stalingrad Lovers 34 Collection BIFI / D.R. : 46-47,
Dernier Métro (Le) 101 Jubilada (La) 44
Destruccion del orden vigente (La)
25 K T 48, 58, 62, 102-103, 104, 118, 157,
160, 163
Temps modernes (Les) 136
Dipso 22 Keep a Tidy Soul 39 Collection Jean-Pierre Mocky :
The Devil’s Rejects 77
Dollar Dance 134
L The Haunted World of El 50, 51, 66, 67
Du rififi chez les hommes 112 Cinémathèque française : 109
Superbeasto 75
Leviathan 27
E Lighthouse 40
The Meaning of Style 42
The Palm Beach Story 98
Clément Cogitore : 191
Vincent Courtois : 29b, 45b
East Hastings Pharmacy 38 Litan 60
To Be or Not To Be 92 Jean-Patrick Di Silvestro : 171
Enchaînés (Les) 99
Enfant (L’) 128 M Tower 35
Trésor de la Sierra Madre (Le) 110
Films du Losange : 155
Enfant cheval (L’) 166 Ma belle gosse 29 Independencia : 145b
Trois Cousins (Les) 133
Évangile selon Saint Matthieu Maison des mille morts (La) 76 MCC/Didier Plowy : 7
Trypps # 5 (Dubai) 134
(L’) 152 Marseille la nuit 41 National Film Archive
Éventail de Lady Windermere Martha in memoriam 68 London : 94a
(L’) 88 Memories Look At Me 30 Dominique Païni : 149, 150
Everybody In Our Family 23 Mentor (Le) 67
Frédéric Stucin : 18
Meurtre dans un jardin anglais 156
Miraculé (Le) 61
194
b e l f O r t – 2 7 e f e s t i Va l D u f i l m
2 4 N O V e m b r e | 2 D É c e m b r e 2 012