Fiche La Jurisprudence
Fiche La Jurisprudence
Fiche La Jurisprudence
Sciences Économiques et
Gestion
OBJECTIFS
- Méthodologiques :
o Maitriser la structure des arrêts de cassation
o Maîtriser la méthode de la fiche d’arrêt
- Théoriques : la place de la jurisprudence comme source de droit
DOCUMENTS
Exercice 1
Définir les notions suivantes : un visa, un chapeau, un motif, un dispositif, un pourvoi, un mémoire
ampliatif, un mémoire en défense, un avocat aux Conseils, un cas d'ouverture à cassation, un
moyen, un argument, un arrêt de principe, un arrêt d'espèce.
Exercice 2
Réaliser les fiches d’arrêt des documents n° 1 à 5
I. La structure des arrêts de cassation
Lisez l’arrêt de cassation et les deux arrêts de rejet ci-après reproduits en étant particulièrement attentif au
découpage de la décision tel que décrypté dans la colonne de droite (à l’exception de l’arrêt de 2014, les
exemples de cette fiche sont extraits de La technique de cassation, pourvois et arrêts en matière civile,
par M.N. Jobard-Bachellier et X. Bachellier, éd. Dalloz. Cet ouvrage est disponible en bibliothèque mais
vous pouvez faire le choix de l’acquérir car il vous sera très utile pour la suite de vos études).
Attendu que les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule Première partie : visa des textes
terrestre à moteur sont, hormis les conducteurs desdits véhicules terrestres à moteur,
indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne sans que puisse leur être
opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause
exclusive de l'accident ou à moins que la victime n'ait volontairement recherché le dommage Enoncé du principe général qui est en
qu'elle a subi ; cause dans l’affaire
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué que sur une route, l'automobile de M. Z... heurta et Deuxième partie : exposé des
blessa mortellement M. Jean-Louis X... qui descendait de son véhicule qu'il venait circonstances de fait et de la procédure
d'immobiliser sur la chaussée après avoir heurté une voiture qui le précédait et qui avait ayant abouti à la décision frappée de
fortement ralenti en raison d'un nuage de fumée provenant d'un feu allumé par M. Y... ; que pourvoi
Mme X... agissant en son nom propre et en représentation de ses enfants mineurs, a assigné
M. Z... et M. Y... en réparation de son préjudice ; que la caisse primaire d'assurance maladie
du Puy-de-Dôme est intervenue à l'instance ;
Attendu que pour faire droit seulement pour partie à la demande d'indemnisation de Mme X..., Troisième partie : contenu de la décision
l'arrêt retient qu'au moment de l'accident, Jean-Louis X... était toujours le conducteur et le attaquée
gardien du véhicule à moteur dont il descendait et non un piéton pouvant bénéficier des
dispositions de l'article 3, alinéa 1, de la loi du 5 juillet 1985, alors surtout que ses fautes de
conducteur sont une des causes de l'accident ;
Qu'en statuant ainsi par application de l'article 4 de la loi précitée alors qu'elle constatait que
la victime se trouvait hors de son véhicule lorsqu'elle avait été heurtée, de sorte qu'elle ne Quatrième partie : indication des raisons
pouvait plus être considérée comme un conducteur, la cour d'appel a violé par fausse pour lesquelles l’arrêt attaqué encourt la
application le texte susvisé ; cassation en ce qu’il a méconnu le
principe rappelé en tête de l’arrêt
Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 8 février et 27 juin 2012), que, de l'union de M.
X... et de Mme Y... est née, le 26 février 2011, Hyzia, reconnue par son père avant sa
naissance et ensuite par sa mère ; que, le 15 juin 2011, le père, demeurant en France, a
assigné la mère en référé, devant une juridiction française, en attribution de l'autorité parentale
exclusive, en fixation de la résidence de l'enfant à son domicile et en suspension du droit de Première partie : les faits
visite et d'hébergement de celle-ci ; que ces demandes ont été accueilles par un jugement du
12 juillet 2011 ; que l'enfant ayant, entre temps, été enlevée par la mère, en Belgique, le père,
après avoir formé, en août 2011, une demande de retour de l'enfant, a pris l'initiative de la
ramener en France le 22 octobre 2011 ; que, parallèlement, la mère a, le 27 juillet 2011,
assigné le père en référé, devant une juridiction belge, en attribution de l'exercice exclusif de
l'autorité parentale, ce qui a été accordé par une ordonnance du 22 novembre 2011 ; que, sur
appel formé par la mère le 11 août 2011, la juridiction d'appel française, après avoir, par le Deuxième partie : la procédure ayant
premier arrêt, ordonné la réouverture des débats sur ce point, a, par le second arrêt, retenu donné lieu à l’arrêt attaqué par le pourvoi
sa compétence sur le fondement de l'article 10 du règlement (CE) n°2201/2003 ;
Attendu que la mère fait grief au second arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen, que la
règle de compétence dérogatoire prévue par l'article 10 du règlement (CE) du Conseil n°
2201/2003 du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution
des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, en cas
d'enlèvement d'enfant doit être écartée si le parent qui l'invoque a enlevé l'enfant sur le Troisième partie : moyen du pourvoi
territoire de l'Etat membre où il avait été déplacé illicitement par l'autre parent ; que, dans ses comportant une seule branche
écritures, Mme Barbara Y... a rapporté que M. Mehdi X... a, au cours de la procédure devant
le tribunal de grande instance d'Anvers, profitant d'une rencontre organisée par les conseils
des parties à Anvers le 22 octobre 2011, enlevé par la force l'enfant qui, âgée d'à peine huit
mois, était encore allaitée (concl., p. 3, p. 19, p. 25 et p. 27) ; que la cour d'appel a elle-même
constaté la soustraction de l'enfant par M. Mehdi X..., comportement qu'elle a qualifié de
regrettable, relevant que ce dernier avait privé brutalement l'enfant de sa mère dont il est établi,
au vu des certificats médicaux qu'elle l'allaitait (arrêt, p. 10) ; qu'en statuant comme elle l'a fait,
sans se prononcer sur l'incidence de l'enlèvement, sur le territoire belge, de l'enfant par M.
Mehdi X..., la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs qui ne seraient pas de
nature à permettre l'admission du pourvoi :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 mars 1987), rendu sur renvoi Première partie : les faits
après cassation, que M. Y..., inspecteur départemental de la
compagnie d'assurances " La Cité ", qui l'avait chargé de rechercher,
par prospection à domicile, la conclusion de contrats de capitalisation
par des particuliers, a fait souscrire à Mme X... différents titres et a
détourné partiellement à son profit les sommes versées par celle-ci en
contrepartie de la remise des titres ; qu'il a, sur l'action publique, été
condamné par une décision correctionnelle ;
Attendu que la compagnie " La Cité " fait grief à l'arrêt de l'avoir, sur Deuxième partie : la procédure
l'action civile, déclarée civilement responsable de son préposé Y...,
alors que, d'une part, en se bornant à relever que " La Cité " avait Troisième partie, résumé du moyen divisé en deux branches :
tiré profit des souscriptions, la cour d'appel n'aurait pas caractérisé en
quoi cette société devrait répondre des détournements opérés par son - alors, d’une part,….
préposé, privant ainsi sa décision de base légale, et alors que,
d'autre part, M. Y... n'aurait pas agi pour le compte et dans l'intérêt - alors, d’autre part,….
de la société " La Cité ", mais utilisé ses fonctions à des fins étrangères
à celles que son employeur lui avait assignées, de sorte que la cour
d'appel aurait violé l'article 1384, alinéa 5, du Code civil, et l'article 593
du Code de procédure pénale ;
Que de ces énonciations, d'où il résulte que M. Y..., en détournant des - indications des raisons pour lesquelles la décision rendue respecte
fonds qui lui avaient été remis dans l'exercice de ses fonctions, ne le principe énoncé dans la première sous-partie
s'était pas placé hors de celles-ci, la cour d'appel a exactement déduit
que la société " La Cité " ne s'exonérait pas de sa responsabilité civile
;
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Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 27 janvier 1985 a été projeté
pour la première fois dans les salles publiques de cinéma un film
intitulé " Je vous salue Marie ", réalisé par M. Jean-Luc Godard,
produit par la société Sara-Films et disbribué par la société Gaumont
; que le même jour, estimant que ce film tournait en dérision de façon
outrageante les croyances chrétiennes, les associations
dénommées " Alliance générale contre le racisme et pour le respect
de l'identité française et chrétienne " et " Confédération nationale
des associations familiales catholiques " ont assigné M. Godard et
les deux sociétés susnommées devant le juge des référés, à qui
elles ont demandé l'interdiction du film ou, subsidiairement, la
suppression de certains passages ; que l'ordonnance du 28 janvier
1985 et l'arrêt confirmatif ont débouté les demanderesses, à qui
s'étaient joints en cause d'appel M. M. de Saint-Pierre, M. Ousset et
deux autres associations ; .
Attendu que les demandeurs au pourvoi font grief à l'arrêt d'avoir -----------------------------------------------------------------
ainsi statué alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que "
ce film ne contenait pas d'éléments constitutifs d'une infraction
pénale ", sans répondre aux conclusions qui soutenaient que
l'auteur et le réalisateur avaient commis le délit de provocation à la
discrimination en raison de la religion (article 24 de la loi du 29 juillet
1881, modifiée par la loi du 1er juillet 1972), la cour d'appel n'a pas
satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de
procédure civile ;
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Mais attendu qu'après avoir fait sien le motif de l'ordonnance
critiquée devant elle, motif suivant lequel l'auteur d'une oeuvre de
l'esprit doit bénéficier du droit à la liberté d'expression, sans autres
restrictions que celles imposées par la loi dès lors que, dans sa
finalité ou son expression, l'oeuvre ne constitue pas une apologie de
crimes ou délits sanctionnés par la loi pénale ou une provocation à
en commettre, la cour d'appel, qui retient que le trouble créé par le
film litigieux résidait dans le caractère blessant qu'il présentait pour
diverses catégories de personnes, a, par cette appréciation de fait,
exclu le délit de provocation à la discrimination, à la haine et à la
violence et répondu aux conclusions ;
Le rejette ;
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Attendu qu'en ajoutant ainsi au texte susvisé une condition qu'il ne
prévoit pas la cour d'appel l'a violé ;
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PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres
branches du moyen :
N° de pourvoi: 15-22595
Publié au bulletin Cassation
REPUBLIQUE FRANCAISE
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Groupe logisneuf, C.Invest et European
Soft, appartenant toutes trois au groupe Logisneuf, ont constaté la connexion, sur leur
réseau informatique interne, d'ordinateurs extérieurs au groupe, mais faisant usage de
codes d'accès réservés aux administrateurs du site internet logisneuf.com ; qu'elles
ont obtenu du juge des requêtes une ordonnance faisant injonction à divers
fournisseurs d'accès à Internet de leur communiquer les identités des titulaires des
adresses IP utilisées pour les connexions litigieuses ; que, soutenant que la
conservation, sous forme de fichier, de ces adresses IP aurait dû faire l'objet d'une
déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL)
et invoquant, par suite, l'illicéité de la mesure d'instruction sollicitée, la société Cabinet
Peterson, qui exerce une activité de conseil en investissement et en gestion de
patrimoine concurrente de celle du groupe Logisneuf, a saisi le président du tribunal
de commerce en rétractation de son ordonnance ;
Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :
Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation
;
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Attendu que, pour rejeter la demande de rétractation formée par la société Cabinet
Peterson, l'arrêt retient que l'adresse IP, constituée d'une série de chiffres, se rapporte
à un ordinateur et non à l'utilisateur, et ne constitue pas, dès lors, une donnée même
indirectement nominative ; qu'il en déduit que le fait de conserver les adresses IP des
ordinateurs ayant été utilisés pour se connecter, sans autorisation, sur le réseau
informatique de l'entreprise, ne constitue pas un traitement de données à caractère
personnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les adresses IP, qui permettent d'identifier
indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, de
sorte que leur collecte constitue un traitement de données à caractère personnel et
doit faire l'objet d'une déclaration préalable auprès de la CNIL, la cour d'appel a violé
les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du
troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 avril 2015, entre
les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les
parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
N° de pourvoi: 16-81113
Publié au bulletinRejet
M. Guérin, président
Mme Chaubon, conseiller rapporteur
M. Gaillardot, avocat général
SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
- M. Marc X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 11e chambre, en date du 21 janvier 2016,
qui, pour vol l'a condamné à 1 500 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les
intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 mai 2017 où étaient
présents : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, MM. Soulard,
Steinmann, Mmes de la Lance, Planchon, Zerbib, MM. d'Huy, Wyon, conseillers de la
chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 311-1, 311-3, 311-
13 et 311-14 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs
et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu (M. X..., le demandeur) coupable de
vol commis courant janvier 2004 et jusqu'au 30 juin 2005 et l'a condamné au paiement
d'une amende de 1 500 euros avec sursis ;
" aux motifs que M. X... ne contestait pas avoir remis au bâtonnier de Laval des doubles
de correspondances rédigées par Mme Ghislaine Y... à destination des banques, de
la Caisse nationale des Barreaux français, de l'ordre des avocats au barreau de Laval
et des organismes mutualistes, ainsi que des copies de courriers adressés à Mme Y...
par la Préviade-Mutuelle de la Mayenne ; que M. X... avait le droit d'ouvrir et de prendre
connaissance du courrier adressé au cabinet, y compris celui destiné à Mme Y..., son
associée, conformément aux usages couramment admis ; que, par le biais du système
informatique du cabinet, M. X... avait accès aux fichiers collectifs à partir du serveur,
sans avoir à entrer un quelconque code personnel à Mme Y... ; qu'il pouvait librement
télécharger des documents ; que si la société civile professionnelle (SCP) détenait de
ce fait des doubles de courriers rédigés par Mme Y..., destinés notamment à des
banques et des organismes mutualistes, c'était cette dernière qui avait seule, en tant
que propriétaire, le pouvoir d'en disposer, à raison du caractère personnel des
documents ; que M. X... avait effectué et récupéré des photographies de courriers de
la Mutuelle de sa consoeur et édité secrètement des doubles de courriers rédigés par
elle contenus dans ses fichiers informatiques consultés officieusement, et ce, à l'insu
et contre le gré de celle-ci, et à des fins étrangères au fonctionnement de la SCP ; qu'il
s'était dès lors approprié ces documents, et ce frauduleusement sans pouvoir arguer
de la bonne foi, sa conduite n'étant aucunement dictée par l'exercice des droits de sa
défense devant une instance disciplinaire ou une juridiction, aucun litige ne l'opposant,
en tant que mis en cause, à son associée ; qu'il les avait remis au bâtonnier de l'ordre
à l'appui d'une dénonciation de faits de nature pénale, démarche de nature à nuire à
sa consoeur ; que le mobile qui l'avait inspiré et la circonstance selon laquelle le
bâtonnier lui avait réclamé des éléments étaient indifférents à la qualification de vol
dès lors que le prévenu ne pouvait qu'avoir conscience de porter préjudice à Mme Y...
; que M. X... avait d'ailleurs pris le soin de faire établir a posteriori un constat d'huissier
pour donner une apparence de régularité à ses agissements, ce qui ne pouvait faire
disparaître l'infraction ; que le délit de vol reproché au prévenu était caractérisé dans
ses éléments tant matériel qu'intentionnel ;
" 1°) alors que le libre accès aux informations depuis un terminal de l'entreprise sans
passer par un mot de passe est une preuve de leur appartenance à l'entreprise,
exclusive de toute appropriation et donc de tout vol ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisait
valoir l'exposant (v. ses conclusions, p. 4), les informations figurant sur le réseau
informatique du cabinet étaient accessibles sans qu'il eût été besoin d'utiliser un mot
de passe, de sorte que ces informations ne pouvaient faire l'objet d'appropriation par
un membre de la SCP qui, par conséquent, ne pouvait se voir reprocher leur
appropriation frauduleuse ; que, après avoir relevé que les informations litigieuses
étaient librement accessibles par l'intermédiaire du système informatique du cabinet,
la cour d'appel ne pouvait affirmer que l'associée du demandeur en était seule
propriétaire en raison de leur caractère personnel ;
" 2°) alors qu'à défaut de soustraction intentionnelle de la chose d'autrui, le délit de vol
n'est pas caractérisé en tous ses éléments ; qu'après avoir admis que le demandeur
avait effectué une copie de documents figurant sur le réseau informatique du cabinet
dont l'accès n'était pas protégé par un mot de passe propre à son associée et était
ainsi ouvert à tous les membres du cabinet, ce qui excluait toute appréhension
frauduleuse de ces documents, la cour d'appel ne pouvait le déclarer coupable de vol
de correspondances enregistrées sur un fichier informatique ;
" 3°) alors qu'enfin, le demandeur ayant fait valoir que les documents – consistant en
des bordereaux de versement émis par la mutuelle de son associée – qu'il avait
transmis au bâtonnier étaient des pièces comptables de la société d'avocats, de sorte
que, en tant que membre de cette société, il pouvait en faire une copie et les produire
en justice, la cour d'appel ne pouvait délaisser cette argumentation essentielle du
prévenu " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que dans la cadre
d'un contentieux opposant les associés de la société civile professionnelle (SCP)
d'avocats Y...-X..., Mme Ghislaine Y... a, le 14 février 2007, déposé plainte avec
constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction de Laval contre M.
X... pour tentative de chantage à l'occasion de projets de cession des parts de la SCP,
atteinte au secret des correspondances et vol de correspondances ; qu'une
information judiciaire a été ouverte à l'encontre de M. X... des chefs précités ; qu'il a
été mis en examen de ces chefs ; qu'à l'issue des investigations, une ordonnance de
règlement a prononcé un non-lieu à son encontre pour les faits de tentative de
chantage et de violation de correspondances et l'a renvoyé pour vol devant le tribunal
correctionnel qui l'a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et a reçu la
constitution de partie civile de Mme Y... ; que M. X... et le ministère public ont interjeté
appel de ce jugement ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de vol, l'arrêt énonce que, par le biais du
système informatique du cabinet, il a eu accès aux fichiers collectifs à partir du serveur,
sans avoir à entrer un quelconque code d'accès propre à Mme Y..., qu'il a pu librement
télécharger des documents, que si la SCP a détenu de ce fait des doubles de courriers
rédigés par Mme Y..., destinés notamment à des banques et des organismes
mutualistes, cette dernière avait seule, en tant que propriétaire, le pouvoir d'en
disposer, à raison du caractère personnel des documents, que M. X... a effectué et
récupéré des photographies de courriers de la Mutuelle de sa consoeur et édité
secrètement des doubles de courriers rédigés par elle contenus dans ses fichiers
informatiques consultés officieusement, ce, à l'insu et contre le gré de celle-ci, et à des
fins étrangères au fonctionnement de la SCP ; que les juges ajoutent que le prévenu
s'était dès lors approprié ces documents, et ce frauduleusement ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que Mme Y... n'a pas entendu
donner à M. X... la disposition des documents personnels dont elle était propriétaire,
la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, le libre accès à des informations personnelles sur un réseau informatique
d'une entreprise n'est pas exclusif de leur appropriation frauduleuse par tout moyen
de reproduction ;
L’office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit :
d’établir des principes féconds en conséquence, et non de descendre dans le détail
des questions qui peuvent naître sur chaque matière.
C’est au magistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l’esprit général des lois, à en diriger
l’application.
De là, chez toutes les nations policées, on voit toujours se former, à côté du sanctuaire
des lois, et sous la surveillance du législateur, un dépôt de maximes, de décisions et
de doctrine qui s’épure journellement par la pratique et par le choc des débats
judiciaires, qui s’accroît sans cesse de toutes les connaissances acquises, et qui a
constamment été regardé comme le vrai supplément de la législation.
On fait à ceux qui professent la jurisprudence le reproche d’avoir multiplié les subtilités,
les compilations et les commentaires et les commentaires. Ce reproche peut être
fondé. Mais dans quel art, dans quelle science ne s’est-on pas exposé à le mériter ?
Doit-on accuser une classe particulière d’hommes, de ce qui n’est qu’une maladie
générale de l’esprit humain ? Il est des temps où l’on est condamné à l’ignorance,
parce qu’on manque de livres ; il en est d’autres où il est difficile de s’instruire, parce
qu’on en a trop.
Si l’on peut pardonner à l’intempérance de commenter, de discuter et d’écrire, c’est
surtout en jurisprudence. On n’hésitera point à le croire, si on réfléchit sur les fils
innombrables qui lient les citoyens, sur le développement et la progression successive
des objets dont le magistrat et le jurisconsulte sont obligés de s’occuper, sur le cours
des événements et des circonstances qui modifient de tant de manières les relations
sociales, enfin sur l’action et la réaction continue de toutes les passions et de tous les
intérêts divers. Tel blâme les subtilités et les commentaires, qui devient, dans une
cause personnelle, le commentateur le plus subtil et le plus fastidieux.
Il serait, sans doute, désirable que toutes les matières pussent être réglée par des lois.
Mais à défaut de texte précis sur chaque matière, un usage ancien, constant et bien
établi, une suite non interrompue de décisions semblables, une opinion ou une maxime
reçue, tiennent lieu de loi. Quand on n’est dirigé par rien de ce qui est établi ou connu,
quand il s’agit d’un fait absolument nouveau, on remonte aux principes du droit naturel.
Car, si la prévoyance des législateurs est limitée, la nature est infinie ; elle s’applique
à tout ce qui peut intéresser les hommes.
[…]
Il y a une science pour les législateurs, comme il y en a une pour les magistrats ; et
l’une ne ressemble pas à l’autre. La science du législateur consiste à trouver dans
chaque matière, les principes les plus favorables au bien commun : la science du
magistrat est de mettre ces principes en action, de les ramifier, de les étendre, par une
application sage et raisonnée, aux hypothèses privées ; d’étudier l’esprit de la loi
quand la lettre tue : et de ne pas s’exposer au risque d’être, tour à tour, esclave et
rebelle, et de désobéir par esprit de servitude.
Il faut que le législateur veille sur la jurisprudence ; il peut être éclairé par elle, et il
peut, de son côté, la corriger ; mais il faut qu’il y en ait une. Dans cette immensité
d’objets divers, qui composent les matières civiles, et dont le jugement, dans le plus
grand nombre des cas, est moins l’application d’un texte précis, que la combinaison
de plusieurs textes qui conduisent à la décision bien plus qu’ils ne la renferment, on
ne peut pas plus se passer de jurisprudence que de lois. Or, c’est à la jurisprudence
que nous abandonnons les cas rares et extraordinaires qui ne sauraient entrer dans
le plan d’une législation raisonnable, les détails trop variables et trop contentieux qui
ne doivent point occuper le législateur, et tous les objets que l’on s’efforcerait
inutilement de prévoir, ou qu’une prévoyance précipitée ne pourrait définir sans
danger. C’est à l’expérience à combler successivement les vides que nous laissons.
Les codes des peuples se font avec le temps ; mais, à proprement parler, on ne les
fait pas.
La « vraie » jurisprudence, c'est l'ensemble des décisions rendues au plus haut niveau,
par les cours suprêmes
Après un soupir de soulagement devant cette notable restriction du champ, l'apprenti
juriste éprouve de nouvelles inquiétudes en découvrant que la Cour de cassation, pour
ne citer qu'elle, rend globalement 25 000 arrêts chaque année. Faut-il les connaître
tous pour être un bon juriste, et comment ce travail de titan est-il possible ?
Ces arrêts, explique l'enseignant, dorment dans la mémoire électronique des banques
de données informatisées. Pour bon nombre d'entre eux, ce sommeil sera durable ou
définitif, si aucun acteur de la scène juridique - avocat, magistrat, professeur, etc. - ne
vient les extirper de la masse, et les utiliser.
La jurisprudence, ce sont les arrêts de principe rendus par les cours suprêmes
Mais comment faire la différence entre les arrêts de principe et les autres ?
Il n'est pas facile d'expliquer les rôles respectifs de l'avocat - qui va proposer une
argumentation et convaincre -, du juge - qui, depuis la première instance jusqu'à la
juridiction suprême si (et seulement si) les voies de recours sont exercées, va choisir
sa décision et sa motivation -, de l'autorité qui décide de la publication, juridiction elle-
même (la publication au Bulletin est un indicateur de l'importance de l'arrêt) ou
rédaction d'une revue - car la « jurisprudence inédite » est l'Arlésienne du droit -, et
enfin de l'universitaire - qui s'emploie à commenter, dans le cadre d'un exercice qui
n'est pas que de style : la note d'arrêt constitue du « prêt-à-penser », et les étudiants
le comprennent vite, qui lisent le commentaire avant l'arrêt, si ce n'est le commentaire
à la place de l'arrêt ...
Certes, il y a des arrêts « grands » dès le berceau : ceux qui sont attendus, énoncés,
et immédiatement reconnus comme tels. A titre d'exemple, l'arrêt Desmares était, à
l'évidence, de principe et personne ne s'y est trompé. Au-delà, tout dépend de la règle
discutée, de la formulation, du retentissement, de l'utilisation. A la rubrique des
comparaisons culinaires, la jurisprudence est une mayonnaise qui ne monte pas
toujours.
Alors, demande l'apprenti juriste - et s'il pose la question, l'enseignant se dit qu'il n'a
pas complètement perdu son temps - un arrêt publié ou informatisé « brut de
commentaire », est-ce de la jurisprudence ? C'est selon. Selon son objet, sa rédaction,
et aussi selon ce que va en faire celui qui l'utilise.
La jurisprudence est une création collective. Est-elle une « vraie » source de droit, ou
une simple « autorité » ? Ce n'est qu'une question seconde, et que l'auteur de ces
lignes estime, à tort ou à raison, parfaitement secondaire. Elle existe, et se construit
par le jeu subtil des multiples réseaux de diffusion - fonds de concours auprès de la
Cour de cassation, stratégies déployées par les revues spécialisées, « médiatisation
» juridique de questions nouvelles, etc. - au sein de la communauté des juristes. Elle
se démontre, s'étiole, se combat, se modifie. Elle n'est ni le décalque des textes, ni le
reflet du contentieux, mais elle est certainement l'enjeu et le produit des règles
disputées. Elle est le droit qui bouge.
(1) L'échange de vues publié en 1992 sous l'intitulé « La jurisprudence aujourd'hui. Libres propos sur
une institution controversée » :
Pour une analyse empirique des relations entre contentieux et jurisprudence, par C. Beroujon, p. 94
DOC. 7 : DROIT ET PASSION DU DROIT SOUS LA VE REPUBLIQUE, EXTRAITS, JEAN
CARBONNIER, 1996