Actes
Actes
Actes
Secrétaire du colloque
Nevila JOZJA
Comité d’organisation
Parrainages :
Lyonnaise-des-eaux
EDF
BRGM
Agence de l’Eau Loire-Bretagne
Orléans Val de Loire Technopole
Ses terrains de prédilection furent d’abord le Massif des Bauges, dont le Semnoz où il a
effectué sa thèse de 3ème cycle et a accumulé plus de 25 ans de mesures et d’observations, puis
la Région Centre, avec notamment le système du Val d’Orléans et l’aquifère crayeux du
Gâtinais, ainsi que plus récemment le Causse de Sauveterre et la Nouvelle-Calédonie.
Par ailleurs, Michel Lepiller fut un membre fidèle, participatif et très actif du Comité Français
d’Hydrogéologie de l’AIH, organisant notamment plusieurs visites techniques très
instructives sur le terrain.
En son hommage, et au travers de ses travaux, pour certains inachevés, ses collègues,
collaborateurs, anciens étudiants, et tous ses amis, ont tenu à lui consacrer ce colloque afin de
mieux faire connaître ses contributions à la connaissance des milieux karstiques.
Cette journée est l’occasion, non seulement d’honorer sa mémoire, mais aussi de présenter les
connaissances acquises à ce jour sur ces terrains, et de poser les questions fondamentales sur
les nécessaires développements de la recherche scientifique et technique sur l’hydrogéologie
des milieux carbonatés fissurés, ainsi que sur l’impact de l’Homme sur le Climat et le
fonctionnement du milieu naturel.
La diffusion des connaissances acquises est traitée en évoquant les principaux systèmes et
sujets sur lesquels Michel Lepiller a travaillé. Un temps est réservé aux débats pour dégager
des axes d’études et de recherches complémentaires. La journée du 17 mai est consacrée à une
visite technique dans le Val d’Orléans.
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Hyyddrrooggééoollooggiiee eett K
Kaarrsstt
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Miicchheell LLeeppiilllleerr
10h30-10h50 Caractérisation des propriétés des systèmes karstiques d'après l'étude des
écoulements.
Alain MANGIN, CNRS, Moulis.
10h50-11h15 Pause café
11h15 Session 1 - Hydrogéologie et karst dans des contextes bioclimatiques et
structuraux variés. Monographies sur les secteurs d’étude de Michel Lepiller
Présidents de séance : Valérie PLAGNES (Université Paris VI) et Philippe
CROCHET (ANTEA)
Béarn, Pyrénées
17h10-17h30 Synthèse des travaux sur les îles Loyauté (Nouvelle Calédonie). Problèmes
de la gestion de la ressource en eau. François ORANGE, ISTO-CBM.
17h30-17h50 Proposition d’une grille d’évaluation des résultats de traçage (au moyen de
traceur fluorescent).
Philippe MUET, Ginger Environnement & Paul-Henri MONDAIN, Calligée.
Page
Conférences introductives
Caractérisation des propriétés des systèmes karstiques d'après l'étude des écoulements. 47
(Alain MANGIN, CNRS, Moulis)
Contexte stratigraphique, lithologique et structural des massifs subalpins des Bornes et des 61
Bauges : Localisation des aquifères et circulation des eaux souterraines. (Jean-Paul
RAMPNOUX, EDYTEM, Université de Savoie)
Etude des tendances à moyen terme de l'exportation carbonatée : relation avec les
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variations climatiques (système karstique de Bange-l'Eau-Morte). Valorisation des travaux
de terrain, suivi de chroniques. (Thibault MATHEVET, EDF Grenoble & Nevila JOZJA,
ETD)
Béarn, Pyrénées
Les trois pertes-émergences (ou inversacs) du domaine de la Source (Loiret). (Patrick 117
ALBERIC, ISTO)
Protection des captages du val d’Orléans : action dans le périmètre. (Dominique CHIGOT, 127
Eau et Industrie)
Gâtinais, terrain d'observation exceptionnel de la naissance et du développement de
systèmes karstiques
Pollutions diffuses et karst : exemple du système des 3 Fontaines (Loiret). (Nicole 139
BARAN, BRGM)
Étude des limites et du fonctionnement des systèmes hydrogéologiques du Gâtinais par 149
l’utilisation de traceurs fluorescents. (Bruno LECLERC, Géo-Hyd)
Causses de Sauveterre
Apport des traçages à l'étude hydrogéologique de la partie Ouest du Causse de Sauveterre. 157
(Laurent DANNEVILLE, Parc Naturel Régional des Grands Causses).
Normandie
Impact des aménagements de bétoires sur la turbidité des eaux destinées à l’alimentation 169
en eau potable : exemple du forage des Varras (Eure, France).
(Mathieu FOURNIER, Université de Rouen)
Nouvelle Calédonie
Synthèse des travaux sur les îles Loyauté (Nouvelle Calédonie). Problèmes de la gestion 179
de la ressource en eau. (François ORANGE, ISTO-CBM)
Proposition d’une grille d’évaluation des résultats de traçage (au moyen de traceur 191
fluorescent). (Philippe MUET, Ginger Environnement & Paul-Henri MONDAIN
Calligée)
Conférences introductives
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Résumé
Un point est fait sur l’état des connaissances concernant l’aquifère karstique, quant à sa
structure et à son fonctionnement. Les modèles conceptuels résultant de ces connaissances
sont présentés, ainsi que les modèles globaux, semi-globaux et distribués mis en œuvre pour
représenter l’aquifère karstique et tester certaines hypothèses relatives à son fonctionnement
ou à son évolution. Les méthodes d’exploration et d’étude sont très rapidement passées en
revues pour rappeler les progrès obtenus. En conclusion, un certain nombre de pistes
d’investigation sont suggérées en fonction des avancées récentes.
I. INTRODUCTION
Les civilisations méditerranéennes nous apprennent qu’elles ont su très tôt s’organiser autour
de trois types de ressources en eau, les fleuves, les nappes phréatiques alluviales et les
grandes sources karstiques. Pour chacune, l’homme a développé des techniques spécifiques
d’exploitation et de gestion (32, 120). Égyptiens et Babyloniens ont inventé les chaussées ou
barrages alimentant des réseaux de canaux. Perses et Assyriens sont à l’origine des qanats, qui
se remarquent par les alignements de tas de déblais, et des chadoufs, les puits à balancier.
C’est en Mésopotamie, où co-existent ces deux modes d’exploitation de l’eau que la science
hydraulique fut inventée, comme le montre le Livre de l’agriculture nabatéenne de Qûtâmâ
(52). Les civilisations méditerranéennes nous ont aussi apporté les techniques nécessaires à
l’exploitation d’une ressource en eau à la fois abondante et mystérieuse, celle des grandes
sources karstiques (23). Ressource abondante comme en atteste les centaines de sources
déchargeant plus de 2 m3/s en moyenne, dont nous ne retiendrons que les plus remarquables
comme Fontaine de Vaucluse (France, 21.8 m3/s) (129), et les sources de Trebinjica (Bosnie
Herzégovine, 80 m3/s) (109), Dumanli (Turquie, 50 m3/s) (12), Ljubljanica (Slovénie, 39
m3/s) (109), Khabour Ras el Aïn (Syrie, 38.7 m3/s) (76, 53), Stella (Frioul, Italie, 36.6 m3/s)
(144, 143), Ombla (Dubrovnik, Croatie, 33.8 m3/s) (109), Pivsko Oko (Yougoslavie, 25.5
m3/s) (109), Buna (Bosnie Herzégovine, 23.7 m3/s) (109), Kirkgözler (Turquie, 22 m3/s)
(109), Aïn ez Zarqa, source de l’Oronte (Liban, 12.9 m3/s) , El Sinn (Syrie, 10.5 m3/s) (34,
53) , Figeh (Syrie, 7.5 m3/s) (75, 53) qui alimente en eau la vaste agglomération de Damas,
Naraidha (Macédoine, Grèce, 10 m3/s) ou l’Almyros d’Héraklion (Crète, Grèce, 6.55 m3/s).
Ressource mystérieuse surtout qui a fait de ces grandes sources des lieux mythiques de culte,
au même titre que le Nil. Car comment expliquer qu’au plus fort de la longue sécheresse
estivale méditerranéenne un fleuve puisse continuer à sortir de terre ?
Les sources karstiques et leurs rivières souterraines ont ensuite été plus récemment l’objet
d’attentions particulières d’explorateurs aux motivations variées. Parmi eux Martel (101) a été
l’un des premiers à conceptualiser les écoulements souterrains des régions calcaires. Avec lui
sont apparues les polémiques sur la nature du milieu souterrain (aquifère ou simple réseau de
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
conduits laissant passer rapidement des eaux venues de la surface ?) et des sorties d’eau
(véritable source ou simple exutoire aux dénominations variées, émergence, résurgence,
exsurgence, cherchant à prendre en compte certaines particularités de l’aquifère ?). Pendant
longtemps considéré exclusivement comme un paysage, le karst est maintenant reconnu par
tous d’abord comme un aquifère, dont la mise en valeur des ressources est indispensable à
bien des régions à travers le monde. Au cours du demi siècle écoulé, les hydrogéologues
français ont joué un rôle essentiel dans l’évolution des connaissances sur ces aquifères
complexes, dans la proposition de concepts nouveaux et dans le développement de méthodes
d’étude adaptées à ce milieu complexe et varié (91, 92, 132, 13, 24, 86, 88, 117, 87, 99, 127,
4, 71, 17, 57, 5, 18, 60).
Nous allons faire un tour d’horizon afin de présenter les progrès réalisés, c’est-à-dire les
acquis, et les progrès nécessaires à faire dans les années qui viennent, c’est-à-dire des pistes
pour les jeunes chercheurs qui s’intéressent au sujet. Seront successivement abordées les
connaissances sur le milieu et les méthodes d’exploration et d’étude, y compris l’acquisition
des données et les méthodes de leur traitement en vue de leur interprétation.
À l’origine deux modèles conceptuels simples se sont opposés pour représenter les
écoulements souterrains dans le karst. L’un était hérité des connaissances spéléologiques et
considérait uniquement le réseau de grottes comme une simple rivière souterraine ; c’est le
fameux « modèle » Bramabiau, érigé en référence mondiale comme « acte de naissance de la
spéléologie » (101). L’autre (47) considère que l’aquifère karstique est constitué d’un réseau
de fractures et de fissures de différents ordres conduisant les eaux souterraines vers le point
bas de l’ensemble carbonaté. Ce dernier modèle présente l’intérêt de pouvoir s’appuyer sur les
outils classiques de l’hydrogéologie, forages, essais de pompage, cartes piézométriques et
modèles distribués, grâce entre autres à l’hypothèse de continuité hydraulique de la zone
noyée.
Grâce à une approche du même type que celle de l’hydrologie de surface, une synthèse de ces
deux modèles a permis de passer d’un modèle conceptuel simple, apparenté aux aquifères
fissurés, à un aquifère à hétérogénéité organisée par les écoulements, apparenté à un milieu à
perméabilités multiples, affecté de discontinuités majeures (91-93, 97). L’aquifère karstique
est maintenant admis comme constituant une famille très complexe. Il faut considérer cette
famille d’aquifères selon deux angles d’attaque différents et complémentaires du fait que les
caractéristiques hydrogéologiques de l’aquifère karstique, différentes de tous les autres, sont
en permanence et relativement rapidement transformées (14, 99, 17, 18). Il faut distinguer :
a) Deux pôles extrêmes de structure interne :
- Le pôle des aquifères non karstifiés, fissuré et/ou poreux, non modifiés par les
écoulements souterrains.
- Le pôle des aquifères totalement karstifiés, dans lesquels les écoulements souterrains
ont créé un réseau plus ou moins complexe de drainage, que l’on peut illustrer par un plan
de réseau spéléologique.
b) Deux pôles extrêmes de fonctionnement :
- Un fonctionnement de type aquifère poreux ou fissuré, caractérisé par de faibles
variations temporelles de ses caractéristiques, aussi bien localement qu’à ses exutoires, et
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
par une apparence de continuité hydraulique figurée par des variations piézométriques
spatiales faibles.
- Un fonctionnement karstique typique, caractérisé par des variations temporelles de
grande amplitude, aussi bien localement qu’à ses exutoires, et des variations
piézométriques considérables.
Il ne peut pas y avoir superposition absolue de ces deux visions, précisément parce que
l’évolution de l’aquifère karstique est totalement liée à celle des paysages et donc qu’il garde
l’empreinte de toutes les transformations subies (14). Par le jeu des changements de niveau de
base, c’est-à-dire du niveau d’émergence des eaux souterraines, un aquifère carbonaté qui
présente une karstification très poussée, polyphasée, peut se comporter naturellement comme
un aquifère sans aucune karstification.
Il en résulte une structure spatiale très complexe n’autorisant pas à considérer deux zones
superposées, non saturée et saturée, dans lesquelles les lois d’écoulement seraient
relativement simple comme c’est le cas dans les milieux poreux. En effet, il existe très
souvent dans la partie supérieure, au moins localement et/ou temporairement une zone saturée
perchée, l’épikarst (91-93, 152, 16). Ainsi il convient de considérer une zone d’infiltration, et
non plus une zone non saturée, dans laquelle existent des modalités très variées de conditions
d’écoulement (écoulement monophasique de type ruissellement et écoulement diphasique
typique du milieu poreux) (15). La zone saturée ou karst noyé est également le siège
d’écoulements variés : en conduites en charge ou à surface libre, ou en fissures. Certaines de
ces modalités d’écoulement peuvent être très rapides et non dispersives, considérées parfois
comme écoulement en piston ou en conduit (conduit flow), alors que d’autres sont très lentes
et fortement dispersives, caractérisées d’écoulement diffus (diffuse flow) (140, 7). Ces
dernières sont attribuées, selon les auteurs, à des cavités karstiques à connections
hydrauliques médiocres ou à des blocs à faible perméabilité (Figure 1).
Figure 1. Modèles conceptuels de l’aquifère karstique. À gauche, milieu à double perméabilité avec
continuité hydraulique et stockage dans les blocs matriciels d’après (42). À droite, milieu à
discontinuités hydrauliques dans la zone noyée, d’après (93).
13
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
1
Fontaine l'Evêque
0.9 i Chamsine Aïn ez Zarka
Afka Fontaine de Anjar
0.8 1 Vaucluse
0.7
0.6
0.5 5
0.4 2 Fontestorbes
0.3 Baget
0.2
3 4
0.1 Aliou
0
0.01 0.1 1 10 k en année 100
L’histoire géologique des continents montre que toutes les formations carbonatées sont toutes
plus ou moins karstifiées, du fait de la vitesse rapide des processus en jeu (44, 79, 45). Cette
généralisation de la « vision » karstique des aquifères carbonatés concerne notamment la craie
pour laquelle, il y a encore peu de temps, les phénomènes karstiques n’étaient considérés que
comme des accidents locaux sans effet hydrogéologique. Dans un papier quasiment
prophétique, Lepiller avait combattu cette conception non karstique de l’aquifère de la craie
(87). Les travaux approfondis plus récents (135, 98, 102, 65, 103, 104) démontrent la validité
de cette généralisation.
Parmi les avancées récentes, il faut insister sur les aquifères littoraux, et tout spécialement
ceux du pourtour de la Méditerranée, car ils tiennent une place importante dans le
développement économique de pays soumis à une forte croissance. Ces progrès tiennent
d’abord à une révolution dans les connaissances géologiques régionales : la crise messinienne
de salinité comme facteur de transformation des paysages à la fin du Miocène et au début du
Pliocène, et comme phase de karstification majeure (37, 136, 28, 29, 8, 110). C’est à cette
phase qu’il faut attribuer l’existence de karst profond, souvent à grande capacité de stockage,
même loin des côtes actuelles, comme ceux de Fontaine de Vaucluse, d’Ardèche ou de la
source du Lez. C’est aussi à cet évènement, plutôt qu’aux variations eustatiques d’origine
glaciaire, qu’il faut attribuer les karstifications littorales qui provoquent naturellement les
échanges entre les eaux souterraines douces et les eaux marines. Ces échanges se traduisent
soit par des intrusions marines se manifestant par des sources saumâtres (30, 3, 4, 8), soir par
des sources sous-marines d’eau douce ou saumâtre (116, 128, 35, 2, 21, 60, 108). Les études
détaillées de certaines de ces sources (128, 43, 57, 51, 58, 61) commencent à révéler à la fois
les mécanismes en jeu et les structures karstiques responsables de ces phénomènes parfois
spectaculaires. L’enjeu est de taille : depuis longtemps ces sources sont supposées délivrer
directement en mer des débits considérables, par exemple 109 m3 par an pour les seules côtes
libanaises (138, 10, 2), qui en font des enjeux de développement et attisent l’intérêt
d’entreprises à la recherche de nouveaux marchés porteurs (voir Nymphéa Water, du groupe
Géocéan http://www.nympheawater.com). Les travaux en cours (21, 22, 59), dans le
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
prolongement de ceux de Fleury (57, 60), démontrent que les valeurs de débit publiées pour
toutes les sources sous-marines sont très largement surestimées d’un facteur 5 à 10. Comme,
de plus, ces sources présentent le plus souvent un fonctionnement typiquement karstique,
c’est-à-dire à forte variabilité saisonnière de leur décharge et de leur composition chimique
aggravée par l’intrusion marine, ces sources apparaissent de plus en plus comme une
ressource qui ne peut pas être directement exploitée. Quant à l’exploitation des ces aquifères
par des forages à terre, c’est alors une gageure de recouper une zone productive dans laquelle
les prélèvements ne favorisent pas l’intrusion marine.
Le dernier grand domaine des progrès récents des connaissances est celui de la modélisation.
L’originalité du karst a contraint à des approches variées, couvrant non seulement la
modélisation du fonctionnement de l’aquifère, mais aussi la modélisation de sa structure. En
effet, la spatialisation des modèles de fonctionnement ne peut pas, le plus souvent, s’appuyer
sur des données spatiales suffisamment nombreuses pour disposer d’une distribution réaliste
des paramètres hydrodynamiques, même en deux dimensions.
Trois démarches de modélisation très différentes sont mises en œuvre : i) l’ajustement des
hydrogrammes de sources à des lois simples ou composites ; ii) le calage de modèles à
réservoirs en cascade ou en série, permettant la simulation des hydrogrammes ; et iii)
l’utilisation de modèles numériques distribués. La première démarche permet de caractériser
le système (142, 30) ou certains des sous-sytèmes, infiltration et zone noyée, ou des modalités
d’écoulement qui les parcourent (63, 46, 92, 122). Elle peut être complétée par une analyse
statistique globale, consistant à analyser les séries chronologiques de débit à court, moyen et
long termes, en les croisant éventuellement avec celles d’une variable supposée faire fonction
d’entrée, soit des débits, par exemple d’une perte, soit des précipitations, intégrant le cas
échéant un modèle physique de fonte de neige (95, 94, 96, 121, 49, 83, 82, 81, 103).
Cependant, pour certains (50), la simulation numérique conduit à s’interroger sur la
signification des résultats de ces méthodes d’analyses statistiques. En effet, la forme des
hydrogrammes est déterminée par plusieurs facteurs dont les plus importants semblent être i)
le contraste entre écoulement lent et écoulement rapide, et leurs parts respectives ; ii) la
répartition et la fréquence des évènements hydrologiques au cours du cycle ; et iii) le rapport
entre l’infiltration dispersée et l’infiltration concentrée.
C’est pourquoi la simulation numérique est un outil indispensable d’analyse et de test des
hypothèses résultant de l’analyse des hydrogrammes. Toutefois, il se pose le problème délicat
de représentation spatiale du réseau karstique. Pour y échapper, la seconde démarche de
modélisation adopte une approche de type boîte noire ou grise, en représentant le système par
des réservoirs, en cascade et/ou en parallèle, liés entre eux par des fonctions de production ou
de transfert simples. Cette voie, ouverte dans les années 70 (27, 74), connaît un regain
d’intérêt d’abord grâce au modèle Gardenia développé au BRGM (147), et au simulateur
VENSIM (57, 62), jusque-là utilisé pour simuler les écoulements de surface (70). Cette
approche complète bien celle proposant, à partir de l’analyse de séries chronologiques de
débits, croisés avec celles des précipitations, une modélisation inverse, pouvant s’appuyer sur
des chroniques de traceurs naturels (125, 124, 126). Ainsi peuvent être approchées les parts
relatives des différentes modalités d’écoulement au sein du système, tout en prenant en
compte des non linéarités. Par exemple, dans le cas des systèmes karstiques du Larzac, cette
modélisation est contrainte de prendre en compte des non linéarités pour simuler le
fonctionnement de certains des systèmes (126), qui traduisent l’apparition de courts-circuits
entre la surface, inondée par le débordement d’un épikarst ayant dépassé sa capacité
d’absorption, et la zone noyée, lors de longs épisodes de fortes précipitations.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Quant aux modèles distribués, les modélisateurs s’appuient sur une représentation du milieu
karstique soit équivalente, fictive, soit simulée. L’approche par le recours à des paramètres
équivalents a conduit, à l’origine, à une représentation irréaliste de l’aquifère. Par exemple, le
fonctionnement du système de Vaucluse a été approché par l’un des premiers modèles
maillés, destiné à simuler l’hydrogramme de la source (31). Le calage des paramètres
contraignit les auteurs à modéliser une zone de drainage large de plusieurs kilomètres.
L’introduction de modèles à double ou triple porosité, ou perméabilité selon les cas, a
considérablement rapproché les caractéristiques des modèles de la réalité (113, 114, 145, 153,
38, 137). Cependant, les réseaux de drainage pris en compte sont toujours bien loin de la
réalité, qui reste insaisissable.
12
Probabilité %
10
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180
12 observé
Probabilité %
10
6 simulé
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 160 170 180
Figure 3. Distribution de la probabilité d’existence d’un conduit karstique selon les directions de
l’espace. La distribution simulée est déduite de la détermination des « plans de drainage » à partir de
l’analyse microstructurale. La distribution observée est fournie par l’analyse du plan du réseau
spéléologique du massif étudié (55).
C’est pourquoi certains ont cherché à simuler ces réseaux karstiques par des approches
notablement différentes. La première démarche a consisté à supposer que le réseau de
drainage est nécessairement adapté au réseau de fracturation du magasin carbonaté. L’étude
détaillée de la distribution des fractures et des failles conduit à identifier des zones de
drainage supposées, ainsi que leur ordre d’appartenance (77, 132, 68, 133, 139). Cette
approche a été critiquée par Eraso (55, 54, 19) qui, partant de l’hypothèse de Arthaud et
Choukroune (6), considère que seules les fractures en distension peuvent laisser circuler l’eau
souterraine. Eraso a ainsi montré qu’il est possible de déterminer les « plans de drainage » les
plus probables, dans lesquels se mettent en place les conduits. Malheureusement cette
démarche reste encore peu connue, peut-être parce qu’elle exige l’acquisition de données
nombreuses fournies par une analyse microtectonique détaillée, dont la mise en œuvre n’est
pas toujours évidente. Les réseaux de fractures peuvent aussi être générés par simulation pour
être ensuite soumis à un écoulement, par exemple provoqué par un pompage (71, 72).
Les progrès les plus intéressants ont certainement été accomplis dans le domaine de la
simulation de la genèse et de l’évolution de conduits karstiques (44, 45). Ces modèles
couplant écoulement et réactions chimiques de dissolution de la roche carbonatée n’en sont
encore qu’à leurs balbutiements, si bien qu’il n’est pas encore question de simuler le réseau de
drainage d’un ensemble karstique. Mais ces simulations montrent que les ordres de grandeur
de durée pour le développement d’un réseau de drainage bien organisé sont de l’ordre de
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Toutes les méthodes sont appliquées à l’échelle locale, c’est-à-dire sur des points ou de petites
parties du système. Certaines sont des classiques de la reconnaissance géologique ou
hydrogéologique. Ce sont les forages et la géophysique. Les forages révèlent les zones
karstifiées soit directement par le carottage (Figure 4), soit par la mesure en continu de
l’avancement de l’outil ou de sa pression. Ils peuvent mettre en évidence des vides de très
petites dimensions ; mais leur développement spatial ne peut être appréhendé que par une
multiplication coûteuse des points d’observations, rarement possible dans le cadre d’une étude
hydrogéologique. Les méthodes de diagraphies en forage sont nombreuses, mais presque
uniquement utilisées par les pétroliers ; elles ne présentent d’intérêt pour le karst que si le
nombre de forages explorés est suffisant par rapport à la forte hétérogénéité du milieu. Dans
tous les cas, une imagerie 3D peut être tentée (80).
Figure 4. Carottes prélevée dans un aquifère karstique non fonctionnel, sous un gisement de lignite
occupant le fond d’un graben miocène de l’est de la Turquie. A gauche, cavité tapissée de calcite
déposée en milieu noyé, héritée d’une phase de karstification miocène. À droite, sédiments
intrakarstiques typiques et cavités ouvertes.
La géophysique peut dans certains cas aider à révéler l’existence de formes karstiques
souterraines, à condition qu’elles offrent un contraste suffisant, c’est-à-dire qu’elles soient de
dimensions assez grandes pour fournir une réponse interprétable (106, 26, 33, 40, 105, 1, 146,
149). Les panneaux électriques et le radar géologique (Figure 5) sont deux techniques
remarquablement efficaces pour décrire l’épikarst et la zone d’infiltration sous-jacente (1) ;
ces techniques peuvent entre autres être mises en œuvre pour la caractérisation de la
vulnérabilité de sites à la pollution. Malheureusement, la profondeur d’investigation ne
dépasse pas 50 m, ce qui est en général insuffisant pour révéler les conduits et cavités
concernés par les écoulements souterrains, intéressants à recouper par forage. Ces méthodes
sont pour le moment presque exclusivement du domaine des reconnaissances géotechniques.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Figure 5. Profil radar obtenu sur le causse de l’Hortus (Hérault), montrant le développement en
profondeur de l’épikarst et révélant la grotte, connue, et une grotte inconnue de petites dimensions à
environ 25 m sous la surface (1).
De manière générale, les principaux progrès récents sont liés à l’acquisition de données, grâce
à des capteurs performants et des chaînes d’acquisition fiables, économes en énergie et à
grande capacité de stockage. Ce matériel est particulièrement bien adapté aux études
hydrogéologiques en milieu karstique, soumis à une forte variabilité qui exige des mesures
fréquentes dans le temps et l’espace. Nous sommes ainsi passés de mesures ponctuelles ou à
pas de temps relativement large à des chroniques quasi continues, non seulement de débit et
de piézométrie en forage et en cavités naturelles, mais aussi de conductivité, de température,
de pH, O2 dissous, turbidité. L’abondance des données ainsi acquises, d’une part avec le
grand nombre de traceurs chimiques et isotopiques disponibles, d’autre part avec les
chroniques à pas de temps court, a poussé à rechercher des méthodes d’aide à l’interprétation
des données, permettant des traitements variées, de plus en plus complexes, capables de
prendre en compte des jeux complexes de données temporelles et/ou spatiales (67, 83, 82, 3,
126, 81, 123, 103, 148, 64). Les aquifères karstiques peuvent maintenant être « mis sur
18
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
écoute » presque en permanence, ce qui conduit à mettre en évidence des phénomènes jusque-
là supposés ou même ignorés (25, 73, 11).
Parmi les méthodes dédiées au karst, il faut insister sur les traçages artificiels qui offrent les
plus grands services. « One tracer test better than thousand boreholes » avait coutume de dire
l’un des grands spécialistes américains d’hydrologie karstique, J. Quinlan, qui avait ainsi
délimité les bassins d’alimentation des principales sources karstiques du réseau de Mammoth
Cave, pour définir les conditions de protection des ressources en eau souterraine (131).
Michel Lepiller a suivi la même voie en devenant le spécialiste français du traçage artificiel
(88) qui a suscité des vocations. Les mesures indispensables de protection des ressources en
eau karstique (119) intègrent désormais les données des traçages pour évaluer la vulnérabilité
des aquifères. Cependant l’interprétation des courbes de restitution reste encore tributaire de
modèles conceptuels qui ne font pas l’unanimité (90, 107, 56, 48, 104).
Les pompages dans le karst restent encore un domaine assez mal exploré, même si un certain
nombre de principes sert de base aux essais (100, 99). Différentes approches sont proposées
(69, 134, 41, 71, 72) ; sur un plan pratique, il est clair qu’il faut privilégier les essais de
longue durée, de plusieurs semaines ou mois à chaque fois que cela est possible, afin de se
placer dans des conditions aussi proches que possible de l’exploitation.
Toutes ces voies ouvertes au cours des dernières décennies proposent des perspectives
intéressantes. Pour ce qui est des connaissances, il reste des désaccords entre les différents
modèles conceptuels proposés, dont il va falloir déterminer s’ils résultent des conditions de
terrain qui ont présidé à leur élaboration (19), ou bien d’interprétations différentes
d’observations insuffisantes pour trancher. Ainsi, le stockage dans la zone d’infiltration, sous
l’épikarst, joue-t-il un rôle prépondérant dans l’écoulement à la source, comme le concluent
certains travaux récents sur le système de Vaucluse (84, 66) ? Est-ce seulement un rôle
qualitatif, ou bien également quantitatif ?
La question de la modalité de stockage dans la zone noyée reste toujours pendante. Le modèle
conceptuel de Mangin (97) a proposé dès l’origine que le stockage s’effectue essentiellement
dans des vides karstiques associés au réseau de drainage par des zones à fortes pertes de
charge, constituant une zone noyée discontinue. Des expériences de traçage et de pompage
vont dans ce sens (99). Toutefois la plupart des hydrogéologues considère que le stockage est
assuré par des zones fissurées, à faible perméabilité, les blocs matriciels (118, 153, 78, 115,
89), constituant un milieu hydrauliquement continu, conformément au modèle proposé
initialement par Drogue (47). L’exploration et l’exploitation des aquifères karstiques
dépendent en grande partie de la généralisation ou non de ces modèles, ainsi que la
détermination de la vulnérabilité (39).
Des karstifications profondes sont révélées de plus en plus fréquemment, en relation soit avec
des zones de subsidence, soit avec des régions soumises à des variations eustatiques
marquées, dont la crise messinienne de salinité en Méditerranée, soit avec des circulations
thermales enrichies en CO2 ou en d’autres gaz d’origine profonde, soit enfin dans des bassins
sédimentaires où les formations carbonatées constituent des aquifères captifs. L’étude de ces
phénomènes bénéficie des outils géochimiques variés, dont la panoplie complète des isotopes,
pour mieux comprendre les mécanismes en jeu et la distribution des phénomènes karstiques.
Elle devrait en outre aider à intégrer la place du karst dans le cycle global du carbone et son
rôle éventuel dans le stockage du CO2.
Enfin, ce sont certainement les aquifères karstiques littoraux qui vont le plus retenir
l’attention, car, du fait de l’accroissement de la demande en eau le long des côtes, leurs
ressources sont ou vont être très sollicitées, alors qu’elles sont souvent menacées par les
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intrusions marines pour le moment incontrôlables, et par les pollutions provoquées par l’intense
activité économique. De plus, les usines de dessalement se tournent maintenant de plus en plus vers le
prélèvement d’eaux souterraines saumâtres ou salées (130) et donc vers le karst, en Méditerranée. Pour
le moment, il semble que les décharges en mer de certains de ces aquifères ne soient pas directement
exploitables (21). Mais en même temps il apparaît difficile d’exploiter ces ressources à terre par
forages.
C’est pourquoi des développements sont nécessaires en géophysique et en diagraphies en forage, pour
aboutir à une représentation en 3D des vides karstiques ainsi reconnus. Ces développements ne
concernent pas seulement les ressources en eau souterraine, mais aussi les grands aménagements, dont
les barrages, pour lesquels il est clair que l’étude du karst, fonctionnel ou non, doit être menée à
l’amont de tous ces projets (109, 111, 112).
Nombre de problèmes de qualité découlent très clairement non pas tant de la surexploitation des
aquifères karstiques, mais de leur fonctionnement spécifique, caractérisé par des cheminements
préférentiels et des effets de seuil. Les connaissances hydrogéologiques régionales et locales limitées
sont souvent à l’origine de plans d’exploitation inadaptés, provoquant parfois des bouleversements
irrémédiables (36). Alors que la gestion active de certains aquifères, dont celui de la source du Lez à
Montpellier (9, 20), est proposée en exemple, la situation devient dans certaines régions suffisamment
critique pour devoir envisager une gestion « proactive » (80), c’est-à-dire une gestion intégrée d’un
système karstique, prenant en compte un terme de recharge complémentaire, artificiel et contrôlé, soit
pour reconstituer un stockage à l’échelle saisonnière, soit pour repousser une intrusion marine, soit
enfin pour stocker saisonnièrement des eaux fournies par des usines de traitement. Cette voie toute
nouvelle impose de bien connaître la structure et le fonctionnement locaux des aquifères karstiques
pour déterminer les sites et les modes d’injection et ceux d’exploitation.
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I. INTRODUCTION
Les aquifères karstiques sont caractérisés d’une part par l’hétérogénéité des paramètres
hydrauliques lies à la présence d’un réseau de conduits karstiques au sein de roches
carbonatées fissurées et d’autre part par l’unicité de chaque système karstique. Si le réseau de
conduits karstiques assure la fonction transmissive de l’aquifère, la matrice fissurée pouvant
renfermer de larges cavités assure le stockage de l’eau. L’aquifère karstique ainsi exprime la
dualité des écoulements souterrains (1), avec des écoulements diffus au sein de la matrice
fissuré et des écoulements au sein des conduits. L’échange entre ces deux systèmes est
contrôlé par les différences de charge hydraulique ainsi que par la variabilité spatiale des
paramètres hydrauliques et la géométrie du réseau de conduits (2). Ainsi, le stockage de l’eau
de l’aquifère prend place au sein de la zone saturée de l’aquifère karstique dans de grandes
cavités ou dans la matrice fissurée, généralement connectée du point de vue hydraulique au
réseau de conduits karstiques. Le réseau principal de drainage souterrain présente un certain
degré d’organisation, lié à différents facteurs tels que le contexte géologique, le climat et la
chimie de l’eau, le potentiel hydraulique et les variations du niveau de base.
Les aquifères karstiques méditerranéens sont ainsi fortement influencés par les variations du
niveau de base, notamment celles liées à la crise de salinité du Messinien, durant laquelle le
niveau de la mer chuta jusqu’à -1500m sous le niveau de la mer actuelle. Par conséquence, le
niveau de base du système karstique s’est accommodé à celu du niveau de la mer ; les réseaux
karstiques se sont développés en profondeur, comme le montrent par exemple les réseaux
explorés de la Fontaine de Vaucluse (-235m NGF) et de la source du Lez (-47m NGF).
La plupart des aquifères karstiques de type fonctionnel (3) caractérisés par une grande
hétérogénéité, des réseaux karstiques présentant un certain degré d’organisation hiérarchique
d’amont vers l’aval, sont généralement captés pour l’alimentation en eau potable au niveau de
leur exutoire (exploitation gravitaire d’une partie ou de la totalité du débit naturel de la
source). Cette méthode traditionnelle ne permet pas de mobiliser l’eau stockée au sein des
réserves de l’aquifère sous le niveau d’exhaure du système. De plus, du fait du
fonctionnement hydrogéologique de ce type d’aquifère, les variations importantes du débit de
la source du système au cours d’un cycle hydrologique constituent une limite d’exploitation
lors des périodes d’étiage, périodes où les besoins en eau peuvent être les plus élevées
(période de tourisme par exemple). Une interception du réseau karstique à l’amont de
l’exutoire et un pompage au sein du réseau constituent les bases d’une gestion active des
aquifères karstiques. Les conditions favorables à une telle gestion, ainsi que des exemples
d’exploitation et d’interprétation d’essai de pompage au sein d’un conduit karstique font
l’objet de cet article. Un exemple détaillée en contexte méditerranéen du Sud de la France est
présenté et discuté (Le Lez, Montpellier) ainsi qu’un exemple en Syrie avec la source de
Figeh utilisé pour l’alimentation en eau potable de Damas.
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Pomper dans un forage interceptant le conduit karstique saturé en eau et situé sous le niveau
de la source constitue le préalable à la gestion active d’un aquifère karstique. Si l’on distingue
des systèmes karstiques jurassiens des systèmes karstiques vauclusiens, ce deuxième type est
la deuxième condition. Le conduit karstique doit être situé en profondeur sous le niveau
d’émergence; il est connecté à la matrice renfermant les réserves de l’aquifère. Le pompage
permet ainsi de solliciter les réserves de l’aquifère. La gestion active d’un aquifère karstique
peut être définie comme suit: l’exploitation des eaux souterraines à l’aide d’un pompage à un
débit supérieur à celui du débit d’étiage de la source en conditions naturelles permet de
solliciter les réserves de l’aquifère particulièrement lors des périodes de basses eaux, les
réserves se reconstituant lors des périodes de recharge. Le volume d’eau prélevé à l’échelle
d’un ou plusieurs cycles hydrologiques doit être inférieur à la recharge de l’aquifère, afin de
ne pas surexploité ce dernier. Les aquifères karstiques de type vauclusien sont
particulièrement adaptés à ce type de gestion, du fait (i) de leur importante réserve accessible
à proximité de la source, (ii) un forage interceptant le conduit karstique peut fournir un débit
important (100aines de l/s) et solliciter un volume important d’eau issu des réserves de
l’aquifère et finalement (iii) la recharge est très efficace du fait que l’essentiel des
précipitations va s’infiltrer dans l’aquifère.
La modélisation de tels systèmes en gestion active peut être de deux types, soit de type
fonctionnel avec des approches de modèles à réservoirs ou de fonctions de transfert et soit de
type semi-global couplé à une solution analytique de type écoulement vers une tranchée (4).
II. EXEMPLES
La source karstique du Lez est l’exutoire principal de l’aquifère karstique du même nom se
développant au sein des calcaires jurassiques et crétacés. Les marnes oxfordiennes constituent
la limite inférieure de l’aquifère alors que celles de l’Albien la limite supérieure. L’Hérault à
l’Ouest et le Vidourle au Nord et à l’Est constituent les limites de l’aquifère (5 et 6). La
source du Lez est une source de type Vauclusienne, l’eau émerge au niveau d’une vasque
située à une altitude de 65m NGF et donne naissance au fleuve du même nom. La source du
Lez est située à 15km au nord de Montpellier, dont l’alimentation en eau potable provient de
cet aquifère.
Le bassin d’alimentation de la source du Lez, déterminé à partir d’essais de traçage, des
éléments structuraux ainsi que de l’analyse des variations piézométriques est d’une superficie
de quelques 380 km² (figure 1) (7). La recharge s’effectue au niveau des calcaires affleurants
sur une surface de quelques 100km².
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Au cours des périodes de basses eaux, la source tarissait lorsque l’eau était pompée
directement au niveau de la vasque. Ainsi, en 1981, suite à des études préliminaires menées
dans les années 1960 et 1970 (9), quatre forages ont été implantés au niveau du conduit à
l’amont direct de la source, permettant ainsi de pomper jusqu’à 1700 l/s. Le débit autorisé
n’excède pas les ressources de l’aquifère. Le captage est situé quelques 400 m à l’amont de la
source au sein du massif calcaire. Les pompes sont situées à une profondeur de 48m sous le
niveau de la source, soit à une altitude de 17m NGF (Figure 2). Le débit de la source du Lez
est ainsi influencé par les pompages. Lorsque le débit naturel de la source est inférieur au
débit pompé, un débit réservé est rejeté dans le fleuve à l’aval de la vasque. Le débit réservé
est fixé à 160 l/s par la déclaration d’utilité publique du 5 juin 1981.
31
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Les données utilisées dans le cadre de la caractérisation de l’effet de la gestion active sur le
système karstique du Lez sont d’une part les débits mesurés à l’aval du rejet du débit réservé,
le niveau piézométrique au niveau du captage pour la période 1946-2006 (soit au niveau de la
vasque (1946-1981) et au niveau d’un des forages dès 1982) ainsi que les volumes prélevés
par les pompages dès 1968 et les débits du Lez à l’aval au niveau de la station de Lavalette.
Les données climatiques sont celles de trois stations situées au niveau du bassin
d’alimentation ou à proximité [St-Martin-de-Londres, Valflaunès et Montpellier Fréjorgues].
Du à un certain nombre d’absence de données dans les séries de débits, des reconstructions
ont été faites, basées sur des extrapolations à partir des relations entre hauteur d’eau et débits
considérant les différentes périodes avant 1982 et post-1982, les débits de débordement et
d’écoulement gravitaire, ainsi que les sorties de modèles de transfert pluies-débits. Des
comparaisons statistiques ont été menées afin de vérifier la validité des données reconstituées.
(ii) l’entrée est ensuite séparée en deux composantes, une composante rapide et une
composante lente à l’aide de fonctions de transfert, traduisant la dynamique des écoulements
au sein de l’aquifère,
(iii) la réponse impulsionnelle de chaque composante est déterminée à l’aide d’un processus
itératif. La sortie du premier sous-modèle de transfert est le débit naturel de la source du Lez.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Trois types de résolution du premier sous-modèle ont été utilisés pour simuler le débit naturel
de la source du Lez, deux modèles paramétriques (deux réservoirs en parallèle avec deux
coefficients de récession et un paramètre de répartition ou un réservoir avec deux coefficients
de récession) et un modèle basé sur l’équation de “Samani et Ebrahimi (16)” permettant de
prendre en considération une fonction homographique et la loi de Maillet. Tous ces modèles
permettent de simuler les débits à l’aide de deux fonctions de transfert : (i) une fonction de
transfert caractérisant la recharge rapide avec un maximum compris entre le 2ème et 3ème
jour, (ii) une réponse impulsionnelle “lente” avec une longue décroissance qui après 60 jours
n’est plus influencée par les précipitations. Un coefficient de récession de la zone saturée de
l’aquifère globalement égal à 0.028 ± 0.011 j-1 est utilisé par ailleurs. Le modèle calibré sur
différentes périodes avant d’être validé sur d’autres et utilisé en mode prévisionnel, donne des
résultats satisfaisants (Figure 3).
Natural
Débit discharges
naturel -simulated
simulé - Parametric
- Modèle 2RPa Model
Natural
Débit discharges
naturel -simulated
simulé - Samani
- Modèle and Ebrahimi
Samani Model
et Ebrahimi
20000
18000
16000
14000
Discharges in L/s
12000
10000
8000
6000
4000
2000
0
1/1/1970 1/1/1974 1/1/1978 1/1/1982 1/1/1986 1/1/1990 1/1/1994 1/1/1998 1/1/2002
Figure 3: Simulated discharges time series resulting from two different types of models
implemented under TEMPO for 1970-2005 period, after calibration phase (17).
33
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
sollicitation utilisé, correspondant à la sollicitation des réserves lorsque le débit pompé est
supérieur du débit naturel de la source, est variable au cours de la période d’exploitation.
Entre 1974 et 1982 la valeur de sollicitation est de 44% alors que pour la période 1982-2005,
cette valeur est supérieure, avec 55%. Il y a encore quelques incertitudes à lever concernant
les résultats, mais ils ont été considérés de qualité suffisante pour mener les analyses
concernant le comportement hydrodynamique du système.
Niveau piézométrique
Simulated w ater level in
simulé
the borehole
dans le forage
(Samani
(Modèle
&Ebrahimi
Samani
model)
et Ebrahimi) niveau piézométrique
Monitored reconstitué
groundw ater level in thedans le forage virtuel
borehole
Niveau piézométrique
Monitored w ater level mesuré
in the borehole
dans le forage Niveau piézométrique
Simulated simulé
groundw ater level dans
in theleborehole
forage virtuel
(Samani(Modèle Samani et
and Ebrahimi
70 70 Ebrahimi)
model)
60
66
55
64
50
62
45
60
40
R2= 0.941 Nash=0.860 58
35
1/1/1974 1/1/1976 31/12/1977 31/12/1979 30/12/1981
1/1/1997 1/1/1999 31/12/2000 31/12/2002 30/12/2004
Figure 4: Example of validation of simulated groundwater level and forecasting at the Lez
spring (between 1997 and 2005 and between 1974 and 1981 (15)).
Les résultats des analyses des courbes de récession effectuées pour les deux périodes, à savoir
(1949-1968) et (1974-2005) sont présentés de manière synthétique dans le tableau suivant:
Période 1974-2005
Coefficient de tarissement (j-1) 0.026 - - 0.011
Volume dynamique (106 m3) 5.8 - - 2
Pouvoir de régulation K 0.1 - - 0.04
L’analyse des débits classes sur les chroniques depuis 1949 jusqu’à 2006 nous renseigne sur
une amélioration des écoulements au sein de l’aquifère pour des débits supérieurs à 2 m3/s.
Les analyses corrélatoires spectrales simples et croisées sur les chroniques de précipitations et
de débits, montrent que les précipitations sont caractérisées par une structure aléatoire, que
l’effet mémoire du système est de l’ordre de 40 jours. Pour les différentes périodes
d’analyses, l’effet mémoire du système est de manière générale plus long (entre 40 et 70
jours) pour la période anté-1982. Pour la période actuelle, il est sensiblement plus court, avec
des valeurs comprises entre 35 et 55 jours (17).
Depuis décembre 1982, la source du Lez est soumise à une gestion active; le régime
d’écoulement de la source est ainsi influence: le débit moyen de pompage est de 1.1 m3/s, ce
qui correspond à un volume de 33 *106 m3 par année. Les différentes analyses effectuées sur
34
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
35
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Au vu des débits importants et des besoins grandissant, des explorations ont été effectués avec
la réalisation d’une dizaine de forages à proximité de la source de Figeh (rayon de quelques
150m), avec comme objectif la réalisation d’essais de pompage en prenant en considération
les relations eaux souterraines- eaux de surface, mais aussi les relations entre source. La durée
des essais réalisés en septembre 1982 au niveau de la source de Figeh et de la source latérale
(Side spring) est de 7 à 10 jours, de 4 jours en octobre 1983 au niveau de la station pilote. Les
débits de pompage sont compris entre 0.5 et 2.2 m3/s.
Une station pilote de pompage a été installée comprenant une batterie de 20 puits interceptant
le réseau de conduits de la source de Figeh, avec quatre pompes dans la cavité (18). L’eau est
pompée au niveau de la cavité et d’un tunnel connecté à la batterie de puits où trois pompes
d’une capacité chacune de 1 m3/s prélève l’eau du système karstique. L’objectif du pompage
était de tester une augmentation du débit de la source en période d’étiage. L’effet du pompage
sur le réseau d’observation est variable, indiquant que le système karstique de la source de
Figeh est hétérogène. Le système karstique de Deir Moukarren situé à l’Ouest (2km environ
de la source de Figeh) est indépendant ou mal connecté à celui de Figeh ; un débit additionnel
de 2m3/s peut être extrait de ce système. En conclusion, le pompage jusqu’à 4 m3/s au niveau
de la station pilote permet d’augmenter le débit en période d’étiage de quelques 600 l/s. Le
rabattement maximum observé dans la cavité sous la source latérale avec un pompage de
1m3/s au niveau de la source Ain Harouch et de 3m3/s au niveau de la station est de 1.17m au
niveau de la cavité et de 0.27m à la source Ain Harouch. L’exploitation actuelle en plus d’une
station d’embouteillage, de la source de Figeh avec un débit de 4m3/s assure l’alimentation en
eau potable de Damas.
III. PERSPECTIVES
Les deux exemples présentés mettent en évidence que la gestion active d’un système
karstique permet d’exploiter le système à un débit supérieur au débit d’étiage et d’assurer les
besoins en eau sans pour autant surexploiter le système à l’échelle d’un ou plusieurs cycles
hydrologiques. Ce type d’exploitation s’il ne permet pas d’augmenter les conditions de
stockage au niveau de l’aquifère, peut augmenter la fonction transmissive du système.
Un modèle de type fonctions de transfert basé sur le modèle conceptuel de l’aquifère
permettant de reconstituer les hydrogrammes ainsi que les niveaux piézométriques du conduit
peut être utilisé pour simuler différents scénarios de gestion ou des scénarios liés au
changement climatique.
Dans le cadre du système karstique du Lez soumis à des événements pluvieux importants en
automne notamment donnant lieu à des inondations à l’aval du système karstique, la gestion
active pourrait être un des moyens de réduire l’impact de ces fortes précipitations. L’impact
des précipitations dépendant de l’état de saturation du système, deux événements pluvieux ne
vont pas avoir le même impact, de plus si le pompage sollicite ou non les réserves de
l’aquifère. Une modélisation couplée hydrologie et hydrogéologie permettrait de prendre en
compte la contribution du karst par débordement aux écoulements de surface. Le système
karstique en gestion active pourrait permettre de réduire les effets des premières crues
automnales (150mm par ex.), des simulations sont nécessaires. Le dispositif actuel permettrait
de réduire les effets de précipitations d’intensité de 300mm (8).
Considérant la rareté et la surexploitation des eaux de surface dans les pays méditerranéens,
l’exploitation par gestion active des aquifères karstiques représente un atout pour le futur. La
méthodologie développée de modélisation peut être appliquée à d’autres systèmes karstiques
36
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
où la gestion active peut être appliquée. D’autres approches de modélisation pourront être
également testées, comme celle développée pour l’interprétation d’essais de pompage par (4).
Remerciements
Nous remercions la ville de Montpellier, Veolia Water pour la mise à disposition des données
utilisées dans le cadre de ce projet soutenu par l’IFR ILEE ainsi que par le BRGM dans le
cadre du projet cadre EAUR15 COMPLEX’AQUI.
Références bibliographiques
(1) Kiràly, L, 1998 - Modeling karst aquifers by the combined discrete channel and
continuum approach. Bulletin d’Hydrogéologie de l’Université de Neuchâtel, 16, 77-98.
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karst aquifer genesis: A time-variant recharge boundary condition for joint karst-epikarst
development, Wat. Resourc. Res. 41, et al. (2005):
(3) Bakalowicz M., 1999 - Guide technique N°3, Bassin Rhône Méditerranée-Corse,
Connaissance et gestion des ressources en eaux souterraines dans les régions karstiques, 44p.
Juin 1999.
(4) Maréchal J.Ch., Ladouche B., Dörfliger N., Lachassagne P., 2008 - Interpretation of
pumping tests in a mixed flow karst system, Water Resources Research, accepté.
(5) Drogue, C. 1963 - Essais de délimitation du bassin d’alimentation d’une résurgence des
karsts noyés languedociens. Ann. Spéléol., 18, 4, p. 409 -414.
(6) Drogue, C. 1969 - Contribution à l’étude quantitative des systèmes hydrologiques
karstiques d’après l’exemple de quelques karsts périméditerranéens. Thèse de Doctorat
Université des sciences et techniques du Languedoc 482p.
(7) Thiery D., Bérard P., 1983 - Alimentation en eau de la ville de Montpellier - CAPTAGE
DE LA SOURCE DU LEZ - études des relations entre la source et son réservoir aquifère,
Rapport n°1, Rapport 83 SGN 167 LRO.
(8) Fleury P., Ladouche B., Conroux Y., Jourde H., Dörfliger N. 2008 - Modelling the
hydrologic functions of a karst aquifer under active water management – the Lez spring,
Journal of Hydrology (submitted).
(9) Avias J., 1995 - Gestion active de l’exsurgence karstique de la source du Lez (Hérault,
France) 1957-1994, Hydrogéologie 1, 113-127
(10) Paloc H. (1979) – Alimentation en eau de la ville de Montpellier – Localisation d’un
emplacement de captage dans le réseau souterrain de la source du Lez – Détermination de ses
principales caractéristiques en préalable à l’exécution des travaux – Rapport BRGM 79 SGN
654 LRO, 16p.
(11) Pinault, J. L., H. Pauwels, and C. Cann. 2001a - Inverse modelling of the hydrological
and the hydrochemical behaviour of hydrosystems: Application to nitrate transport and
denitrification. Water Resources Research 37, no 8: 2179-2190
(12) Pinault, J. L., V. Plagnes, L. Aquilina, and Bakalowicz M.. 2001b-Inverse modeling
of the hydrological and the hydrochemical behavior of hydrosystems: characterization of karst
system functioning. Water Resources Research 37, no 8: 2191-2204.
(13) Pinault, J. L., Dörfliger N., Ladouche B., and Bakalowicz M.. 2004 - Characterizing a
coastal karst aquifer using an inverse modeling approach: The saline springs of Thau,
southern France. Water Resources Research 40: 17.
(14) Pinault, J. L. 2001 - Manuel d’utilisateur de TEMPO: logiciel de traitement et de
modélisation des séries temporelles en hydrogéologie et en hydrgéochimie. Projet
Modhydro.BRGM report RP51459-FR, 221p.
37
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
(15) Dörfliger N., Jourde H., Ladouche B., Fleury P., Lachassagne P., Conroux Y., Pistre
S., Vestier A., 2008-Active water management resources of karstic water catchment: the
example of Le Lez spring (Montpellier, South France), WWC 2008, soumis
(16) Samani N.& Ebrahimi B, 1996 - Analysis of spring hydrographs for hydrogeological
evaluation of a karst aquifer system. Theor. Appl. Karstol. 9 (1996), pp. 97–112.
(17) Conroux Y., 2007 - Caractérisation du fonctionnement hydrodynamique de l’aquifère
karstique du Lez (Hérault) à l’état naturel. Mémoire de Master II Pro, Hydrogéologie et
environnement Université d’Avignon et du Pays de Vaucluse, BRGM, 225p.
(18) LaMoreaux P.E., Hughes T.A., Memon B.A., 1989 - Hydrogeologic assessment –
Figeh Spring, Damascus, Syria. Environ. Geol. Water Sci., Vol 13, N°2, 73-127.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Les deux Agences de l’Eau Rhône-Méditerranée & Corse et Adour-Garonne se sont engagées
ensemble dans une démarche visant à protéger les ressources en eau d’origine karstique, très
présentes et largement utilisées sur leur territoire.
Elle consiste en deux étapes, dont la seconde est encore en cours :
- un état des lieux, et de premières préconisations sur les procédures de protection des
captages d’eau potable en milieu karstique en France ;
- proposer ensuite, à l’aide d’un document largement diffusé, des stratégies pour la
protection des ressources en eau dans les secteurs karstiques, s’appuyant sur des guides
techniques spécialisés.
Initiée en 2004, cette démarche encore en cours prend en compte :
- les évolutions récentes en matière législative et réglementaire ;
- les orientations stratégiques de l’action publique ;
- les projets de guides techniques spécialisés.
I. INTRODUCTION
On peut situer au début du 20ème siècle les premières initiatives de protection, avec la loi
relative à la santé publique du 15 février 1902 (1), souvent nommée « loi Martel », qui
disposait, dans son article 28 : « … Est interdit…l’abandon de cadavres d’animaux, de débris
de boucherie, fumier, matières fécales et, en général, de résidus animaux putrescibles dans les
failles, gouffres, bétoires ou excavations de toute nature… »
En effet, le même E.A. Martel écrivait dès 1894, dans « Les abîmes » (2) que "la présence de
matière en décomposition au fond d'un gouffre pouvait contaminer une source distante de
quelques centaines de mètres, voire plusieurs kilomètres". Il avait été lui-même victime dans
le département du Lot, quelques années avant, d’une intoxication liée à un cadavre de veau en
décomposition dans un gouffre ayant pollué une source voisine. Il avait visité le gouffre, bu
l’eau de la source, et fait à ses dépends le rapprochement.
La connaissance du karst et sa protection ont progressé, depuis un siècle, mais les sources de
pollution potentielle sont aussi devenues plus nombreuses.
Les pollutions ponctuelles étaient déjà celles identifiées par le courant hygiéniste du 19ème
siècle (dont la loi de 1902 est issue), en particulier les pollutions bactériologiques.
Les pollutions accidentelles sont devenues plus fréquentes au fur et à mesure du
développement des transports terrestres, et de l’implantation de nombreuses activités et
installations de toute nature, jusque chez les particuliers (comme les cuves à mazout).
Les problèmes de pollutions diffuses sont apparus de manière notable il y a quelques dizaines
d’années, avec la modification des pratiques (agricoles, mais aussi le traitement des espaces
« publics » : routes, rues, voies ferrées… et privés : jardins, cours…), pour les nitrates et les
39
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
produits phytosanitaires en particulier, mais on peut aussi citer notamment les solvants
chlorés.
Dans le même temps, on est passé en un siècle (au moins pour les scientifiques et praticiens
de l’hydrogéologie et des géosciences), d’une conception du karst exclusivement tournée vers
les vides souterrains pénétrables par l’homme (en 1895, E.A. Martel crée la Société de
Spéléologie dont le but est l'exploration des cavernes), au concept d’un aquifère particulier,
dont les spécificités sont de mieux en mieux appréhendées.
L’une d’entre elles est le fait que l’impact d’une pollution (ponctuelle ou non) n’est pas
forcément fonction de la distance par rapport au captage. Cela avait déjà été pressenti par
Martel dans son texte des Abîmes (cf. supra). Pourtant, il faudra attendre les années 1990 pour
voir apparaître dans notre droit la notion de périmètre de protection immédiat satellite
(disjoint de celui situé autour du captage).
Plus globalement, alors que les textes législatifs et les plans d’actions instaurant l’obligation
de mise en place des périmètres de protection se succèdent en fixant des échéances (lois sur
l’eau de 1964, 1992, Plan National en Santé Environnement…), le constat est que pour les
captages en milieu karstique, le retard est nettement plus important que pour les aquifères en
milieu poreux ou fissuré.
Pour infléchir la tendance, les deux Agences de l’Eau Rhône-Méditerranée & Corse, et
Adour-Garonne, particulièrement concernées, se sont engagées ensemble dans une démarche
en deux étapes visant à la protection des ressources en eau karstiques, en portant chacune une
phase du projet.
Cette première phase, portée par l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée & Corse, a été
réalisée en 2004-2005 par le bureau d’études GINGER Environnement, sous le contrôle d’un
comité de pilotage associant Agences de l’Eau (les 2 porteurs du projet + l’Agence de l’Eau
Seine-Normandie), services de l’Etat, collectivités, universités, BRGM (3). Elle fait le point
sur la situation existante (état des lieux, analyse des diverses causes du retard ou au contraire
des stratégies « gagnantes ») et fait des propositions pour améliorer la situation (3, 4).
II.1. Le bilan
40
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
En réponse aux difficultés identifiées, la seconde partie propose des pistes d’amélioration
dans tous les domaines : organisationnels, administratifs, méthodologiques, réglementaires et
techniques.
Ces préconisations concernent tant les procédures réglementaires de protection des captages
que les démarches générales de préservation des ressources. Les grands chapitres de ces
propositions concernent :
- les objectifs de la protection ;
- l’encadrement des procédures au niveau départemental ;
- l’étape de lancement de la procédure ;
- le contenu des études préalables ;
- la définition des périmètres de protection ;
- les prescriptions dans les périmètres de protection ;
- les actions à l’échelle des aires d’alimentation ;
- les solutions techniques au niveau des installations d’adduction ;
- l’intervention de l’hydrogéologue agréé ;
- la mise en œuvre de la stratégie de protection.
On trouvera plus de détails dans le rapport (3) et la synthèse (4).
L’année 2006 a été consacrée à faire connaître les préconisations de cette étude, dans des
colloques (5,6), et par une large diffusion de la synthèse (4), à la fois par courrier (500
exemplaires) et par voie électronique.
L’objectif était de tester l’accueil réservé à ces propositions, en termes de :
- pertinence ;
- faisabilité (technique, organisationnelle, règlementaire…) ;
- acceptabilité, sociale et financière ;
afin d’orienter la seconde partie de la démarche, celle-ci devant aboutir à un guide
méthodologique à destination des différents acteurs impliqués dans les procédures de
41
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
C’est l’objectif de la seconde phase de la démarche, lancée au début de 2007, qui est en cours
de réalisation. Elle est portée par l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, et réalisée par le même
bureau d’études que pour la première phase (GINGER Environnement), sous le contrôle d’un
comité de pilotage associant de nouveau des membres des 3 mêmes Agences de l’Eau, des
services de l’Etat, collectivités, universités et BRGM.
Sur la base de toutes ces réponses, les 31 préconisations de la première étude ont été
regroupées en 27, et leur devenir a été examiné par le comité de pilotage :
- retenir en l’état pour le guide méthodologique, avec la même formulation ;
- reformuler et/ou préciser ;
- approfondir (notamment en cherchant des exemples concrets : cela concerne en
priorité les dispositions spécifiques au karst ; pour les autres, il est simplement prévu
de rechercher et rappeler les éléments disponibles par ailleurs, pour permettre au
lecteur d’avoir en un document unique une vision globale du sujet) ;
- renvoi aux 3 guides techniques spécialisés évoqués au II.2 ;
- faire référence au Référentiel à l’usage des hydrogéologues agréés en matière
d’hygiène publique par le Ministère chargé de la Santé.
Le rapport d’étape correspondant sera prochainement disponible.
Au moment où le cahier des charges de cette 2eme phase a été rédigé (2006), on était en attente
de plusieurs évolutions notables annoncées dans le paysage législatif et réglementaire
français, en ce qui concerne la protection des captages et des ressources en eau.
En effet, après un long travail d’audit, le Commissariat Général du Plan avait publié en 2001
un rapport sur la politique de préservation de la ressource en eau destinée à la consommation
humaine (7) ; après le constat des difficultés, il synthétisait les idées qui se faisaient jour un
peu partout, en affirmant notamment la nécessité de mettre en œuvre d’autres outils que les
périmètres de protection pour maîtriser les pollutions diffuses en particulier d’origine
agricole, et préconisait également des améliorations pour accroître l’efficacité de ces
périmètres.
Les traductions législatives puis règlementaires de ces préconisations se sont échelonnées
dans le temps et dans plusieurs textes modifiant le code de la Santé Publique et celui de
l’Environnement, le dernier étant la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre
2006 (LEMA), notamment son article 21 (certains décrets ou circulaires sont encore à venir).
Les conséquences de ces différentes mesures sur les captages en milieu karstique sont
42
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
notables, ceux-ci ayant généralement des bassins d’alimentation de plus grande dimension
que les autres.
Parallèlement, le Ministère chargé de la Santé achève l’élaboration d’un document intitulé
pour l’instant « Référentiel à l’usage des hydrogéologues agréés en matière d’hygiène
publique » qui intègre les toutes dernières évolutions et constitue en quelque sorte un
vademecum à l’usage des hydrogéologues agréés et de ceux qui font appel à leurs services.
Il faut évoquer également la prise en compte progressive des différentes dispositions prévues
par la Directive Cadre européenne sur l’eau du 23 octobre 2000, selon le calendrier qu’elle
définit. En particulier, l’article 10 de l’arrêté du 17 mars 2006 fixant le contenu du SDAGE
2009 prévoit que les futurs SDAGE :
- identifient les zones utilisées actuellement pour l’alimentation en eau potable pour
lesquelles des objectifs plus stricts seront fixés afin de réduire les traitements
nécessaires à la production d’eau potable ;
- proposent les zones à préserver en vue de leur utilisation future pour des captages
destinés à la consommation humaine.
Enfin, on ne peut passer sous silence les suites du Grenelle de l’Environnement, qui se
traduisent en particulier par la volonté affirmée de protéger les 500 captages d’eau potable les
plus menacés d’ici 2012 (captages dits « prioritaires »), en engageant dès 2008 des actions de
l’Etat et des Agences de l’Eau.
Pour cela, des directives ont été données par la Direction de l’Eau du ministère en charge de
l’Environnement. Elles précisent le calendrier de mise en œuvre de l’article L211.3, II-5° du
Code de l’Environnement (article 21 de la LEMA) et son décret d’application n°2007-882 du
14 mai 2007, qui définissent les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut
délimiter des zones où il est nécessaire d’assurer la protection qualitative et quantitative des
aires d’alimentation des captages d’eau potable. Ce dispositif prévoit plusieurs étapes :
• Identification des captages prioritaires
• Définition des aires d’alimentation des captages prioritaires
• Délimitation des zones de protection au sein des aires d’alimentation de captages
• Définition des programmes d’action, validés par arrêtés préfectoraux (selon les
modalités énoncées aux articles R.114-6 et R.114-7 du code rural).
IV.3. Guide méthodologique « stratégies de protection des ressources en eau dans les
secteurs karstiques »
43
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Il est prévu de l’accompagner d’une trame de cahier des charges des études préalables (tronc
commun et variantes pour satisfaire à l’ensemble des situations) :
- qui intègre les meilleures avancées des différents cahiers des charges existants ;
- qui prenne en compte l’état actuel de l’art ;
- qui comprenne les actions à mettre en oeuvre dans l’aire d’alimentation.
Dès 2005, on faisait le constat (cf. II.2), confirmé par les réactions recueillies ensuite, de la
nécessité de mettre largement à disposition, par des guides, les méthodes spécifiques d’étude
du karst, en adaptant le discours à un public technique mais pas obligatoirement spécialiste du
karst.
La sortie du guide ci-dessus (8) a conforté les 2 Agences de l’Eau Rhône-Méditerranée &
Corse, et Adour-Garonne dans la nécessité de mettre en forme très rapidement les guides
détaillés identifiés lors de la première phase de leur démarche. Ceux-ci deviennent d’autant
plus nécessaires, en tant que compléments pour approfondir les méthodes évoquées et
brièvement décrites, qu’il s’agit de les appliquer sur les captages en milieu karstique parmi les
500 captages prioritaires, soit de 30 à 40% très certainement (150 à 200 captages) si cela reste
proportionnel à la superficie du territoire concernée par le karst.
Pour cela, elles ont demandé l’inscription de ces projets au programme 2008 de service public
du BRGM.
44
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Tous ces essais doivent permettre d’aboutir à une application standardisée de la méthode,
mais aussi d’optimiser les modes opératoires pour en rendre le coût le plus abordable
possible.
Enfin, dans le but de permettre une mise en œuvre aisée de la méthode, un guide
méthodologique détaillé et illustré doit être rédigé : il tiendra compte des avancées et
problèmes soulevés par les différents sites de tests, et utilisera leurs résultats pour illustrer par
des exemples les différents points abordés. Il doit être clair et compréhensible par ceux qui
mettent la méthode en œuvre, en répondant aux questions pratiques qu'ils rencontreront sur le
terrain et au bureau :
- des tests sont en cours sur 6 sites ou groupes de sites dans le bassin Adour-Garonne, et
3 sites dans le bassin Seine-Normandie, grâce à la contribution de l’Agence de l’Eau
de ce bassin. Ils seront tous achevés à l’automne 2008 ;
- le guide va être réalisé d’ici fin 2008 par le BRGM (N. Dörfliger), avec la contribution
de V. Plagnes (Université Pierre et Marie Curie, Paris 6). Il prendra également en
compte le retour d’expérience de 10 ans d’application en Suisse de la méthode EPIK
(dont la méthode RISKE est dérivée).
La rédaction de ce guide devrait être engagée en 2008 par le BRGM. Il traitera également du
volet « traçages », dont il avait été initialement envisagé de faire un document séparé.
Plusieurs universitaires et bureaux d’études ont été associés à la conception du cahier des
charges de l’opération, et participeront à sa réalisation en tant que co-traitants du BRGM. La
plupart d’entre eux sont des intervenants de cette journée en l’hommage à Michel Lepiller,
qui aurait été sollicité pour participer à ce travail s’il était encore parmi nous.
Il est prévu de solliciter les remarques des professionnels sur ce document et le précédent, en
cours de conception et avant leur édition définitive, en s’appuyant pour cela sur le sous-
comité Karst du Comité Français d’Hydrogéologie qui se chargera de l’organisation de la
consultation au sein de la profession.
VI. CONCLUSION
On voit qu’en quelques années, des avancées notables se sont produites en matière législative
et réglementaire, qui répondent pour certaines aux difficultés que l’on constatait lors de la
première phase de la démarche des Agences de l’Eau Rhône-Méditerranée & Corse, et Adour-
Garonne.
L’ambition des deux agences reste de contribuer, par les différents moyens à leur disposition,
à faire aboutir plus rapidement les démarches de protection en synergie avec les orientations
stratégiques de l’action publique. Pour cela, elles sont attachées notamment à l’achèvement du
guide méthodologique qu’elles produisent, qui :
- fera référence à ces nouveautés,
- mais également et surtout développera sur la base d’exemples les volets techniques,
d’organisation des acteurs, de stratégie et de scénarios de protection…
- et enfin s’appuiera sur les guides spécialisés décrits au V, dont la nécessité est
reconnue pour diffuser hors du cercle des spécialistes les méthodes d’étude du karst.
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Références bibliographiques
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I. PROBLEME POSE
Les résultats obtenus ces dernières décennies sur les systèmes karstiques ont bien souligné
leurs spécificités [1,2]. Ces dernières sont dues pour l’essentiel à l’organisation des vides dans
le karst qui, en raison des mécanismes de leur mise en place, sont répartis de façon
extrêmement hétérogène. Il en résulte une perméabilité anisotrope, mais surtout structurée et
organisée suivant leur situation au sein du massif karstique. Par ailleurs, tous les vides n’ont
pas la même fonction par rapport aux écoulements. En milieu saturé (karst noyé) certains
vides ( les drains) assurent la propagation des eaux c’est la fonction transmissive, alors que
d’autres (systèmes annexes au drainage) rendent compte de leur stockage ce qui correspond à
la fonction capacitive. En milieu non saturé (zone d’infiltration), suivant l’ouverture des
fissures et leur élargissement par dissolution, il est possible de distinguer les microfissures
(inférieures au millimètre) des macrofissures (supérieures au centimètre) où les écoulements
ne répondent pas aux mêmes mécanismes. Dans le premier cas eau et air s’écoulent
indépendamment l’un de l’autre (type monophasique) et dans le second air et eau sont
entrainées simultanément (type polyphasique)[1].
On doit donc faire appel pour rendre compte du fonctionnement de tels aquifères à des
méthodes appropriées qui puissent intégrer ces très fortes non linéarités.
Les constatations précédentes pourraient laisser supposer que ce type d’aquifère échappe à
toute possibilité de compréhension et de ce fait, malgré son énorme potentiel, ne saurait être
utilisé et exploité correctement. C’est ce qui c’est passé pendant très longtemps, donnant aux
aquifères karstiques une réputation de ressources certes intéressantes, mais très difficiles à
solliciter et à protéger. Depuis quelques années de nouveaux concepts ont été proposés
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autorisant une vision nettement plus optimiste et fournissant des moyens pour aborder cette
complexité.
Le principe de base, introduit dans le début des années 70, est l’analyse systémique.
Le comportement global de l’aquifère n’est plus considéré comme résultant de la somme de
comportements spatialement individualisés, ce que suppose et impose l’approche
différentielle, mais comme la somme des interactions qui la plupart du temps sont inconnues.
De ce concept est né la notion de système karstique parfaitement défini à l’époque [1]. Le
karst est ainsi conçu comme un ensemble siège d’un processus dynamique (les écoulements)
dont l’étude et la compréhension doit conduire à l’identification de ses propriétés, en
permettre une description et in fine en faciliter son exploitation. Si ce concept est facile à
comprendre et paraît pouvoir résoudre les difficultés rencontrées, sa mise en œuvre reste
délicate. Elle fait appel à un tout autre état d’esprit que l’approche hydrogéologique classique
et nécessite une très abondante récolte de données en continu des différents paramètres qui
rendent compte du fonctionnement. En effet, l’approche systémique impose un suivi des
différentes grandeurs qui caractérisent la dynamique du système, soit en tant que fonction
d’entrée (la pluie par exemple) ou en tant que fonction de sortie (les débits,…), ou encore
comme observable physique (la piézométrie, l’infiltration,…). Ces grandeurs doivent être
parfaitement définies quant à leur signification comme identifiant de la dynamique du
système et leur incidence en terme d’échelle de temps parfaitement comprise et maîtrisée
(effet à court, moyen ou long terme). Or souvent ceci n’est possible qu’à postériori.
L’ensemble de ces données doivent ensuite être traité soit indépendamment, soit en liaison les
unes avec les autres. Pour se faire on dispose à l’heure actuelle de tout un ensemble de
méthodes adaptées avec des logiciels performants qui permettent d’en extraire l’information,
de reconnaître les signatures physiques qui en sont responsables et ainsi, quelle que soit la
difficulté rencontrée, notamment les non linéarités, de pouvoir caractériser la dynamique des
systèmes et d’en prévoir le comportement. Ces méthodes s’appellent : analyses corrélatoires
et spectrales [6 à 10], analyses en ondelettes continues ou discontinues [11 à 22], Rescaled
Range Analysis [23], analyses fractales ou multifractales et analyses des attracteurs [23 à 29].
Leurs utilisations depuis quelques années sur de nombreux exemples aux caractères fort
différents ont pu démontrer leur efficacité et le bien fondé de cette approche qui au vu des
résultats obtenus laissent entrevoir d’énormes possibilités dans la compréhension et la
modélisation des aquifères karstiques.
Il était intéressant de prendre un exemple sur lequel avait travaillé de longue date Michel
Lepiller adepte de ces méthodes qui l’avaient convaincu et qu’il voulait développer. Il s’agit
du système de Bange-l’Eau-Morte dans le massif des Bauges objet d’un mémoire de DEA
réalisé par Thibault Mathevet en 2002 et codirigé par Michel et moi même. L’idée de Michel
était d’ailleurs d’essayer d’appliquer aux paramètres physico-chimiques les techniques
utilisées pour l’hydrodynamique. Ici ne sera mentionné que ce deuxième aspect.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Au préalable, il est indispensable d’avoir une information précise sur le degré de complexité
du système étudié, sur les effets d’échelle et d’en délimiter les intervalles, et sur la validité des
données mis à notre disposition. Pour répondre à ces questions, l’ analyse multifractale est
l’outil approprié en utilisant le formalisme de Frisch et Parisi [33]. Avant de procéder à cette
analyse il convient de vérifier que les données fournies traduisent bien le fonctionnement de
ce système et que l’on maîtrise la totalité des débits. Pour cela on procède à l’analyse des
débits classés au pas de temps journalier [1] qui montre dans l’exemple traité l’absence de
rupture dans la répartition des débits (fig.1), indiquant un système unique sans apports
supplémentaires ou fuites au cours de son fonctionnement.
La répartition des crues toujours au pas de temps journaliers n’est pas homogène, elle est
aléatoire et suit une loi fractale comme le montre le spectre de densité de variances en
coordonnées logarithmiques puisque l’on peut aligner une droite dont la pente est de -1,2
(fig.2). On remarque pour les hautes fréquences c’est à dire pour des temps inférieurs à 3j, une
pente nulle témoignage d’une forte incertitude sur les données avec un caractère non
structuré et qui, de ce fait, ne pourront donc être interprétées en dessous de ces limites.
Le résultat sur les valeurs au delà de 3j n’est pas surprenant puisque la distribution des crues
correspond à la distribution des pluies elle-même aléatoire. Aussi faut-il compléter l’analyse
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pour savoir si cette distribution est la même à court, moyen et long terme. Pour ce faire on
généralise la procédure précédente en regardant la distribution de tous les moments ( la
variance correspondait au moment d’ordre deux et fournissait un renseignement global),
toujours en coordonnées logarithmiques.
A partir des abscisses de 1 à 60, on constate que tous les moments s’alignent suivant des
droites ( fig.3). Dans cet intervalle d’échelle la distribution est fractale donc aléatoire et
l’hétérogénéité est continue. Si cette hétérogénéité est identique sur tout cet intervalle, la
distribution est monofractale et le spectre multifractale de la distribution des moments serait
une droite. Ce n’est pas le cas(fig.4) puisque l’on obtient une courbe qui indique un caractère
multifractale . Cela veut dire que la variation des débits ne répond pas aux mêmes
mécanismes à court terme et à moyen terme. L’application d’un modèle à cet ajustement
permet de calculer deux paramètres C1 et alpha qui respectivement conduisent à caractériser
le degré de singularité des événement et à la hiérarchisation de ces singularités. Lorsque C1
tend vers zéro la distribution est monofractale c’est à dire que l’hétérogénéité est la même
quelle que soit l’échelle, dans ce cas la distribution est stationnaire. Plus C1 croit, plus la non
stationnarité est forte, les variations à court et long terme sont alors différentes. Ici, les
différences restent peu marquées. Ce résultat est proche de celui de la pluie, c’est dire que ce
système garde l’hétérogénéité observée au niveau de l’épisode pluvieux (il ne filtre pas
l’information) et bien sûr il garde également celle qui correspond à la distribution des pluies.
Le coefficient alpha renseigne sur la loi de variation de cette hétérogénéité par rapport au
temps. Lorsque alpha est égale à 2 la distribution des singularités est lognormale donc variant
très fortement suivant l’échelle. Ici, étant égal à 1 la non stationnarité suit une progression
linéaire. L’information apportée est intéressante car elle permet de mieux cerner les causes
des variations observées sur les débits.
Il convient maintenant d’essayer d’identifier ces causes. L’analyse spectrale montre que ce
système karstique est très peu inertiel. En effet, le spectre de densité de variance (fig.5) avec
une fenêtre d’observation de deux jours à quelques mois (k=1 jour, m=125 jours), donc
englobant l’hydrogramme unitaire, décroit lentement avec une fréquence de coupure de 0,30.
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La répartition de l’énergie du signal débit en fonction de l’échelle, dont on sait quelle est bien
représentée par la variance (théorème de Parseval), en comparaison avec la pluie (fig.6 , la
pluie en noir, le débit en bleu) indique la prédominance du court terme au détriment du long
terme et un comportement voisin des apports. Ce graphique est obtenu en isolant chacune des
composantes du signal à partir de l’analyse en ondelettes orthogonales ( multirésolution), et
en calculant la variance de chacune d’entre elles.
L’analyse croisée pluie-débit, toujours au pas de temps journalier, fournit une bonne image
de l’ hydrogramme unitaire et corrobore ce résultat avec une réponse très pointue sans soutien
des débits à long terme (fig. 7).
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Fig. 9. Analyse en ondelettes des débits Fig. 10. Analyse en ondelettes de la pluie
Les deux scalogrammes (fig. 9 et 10) se ressemblent beaucoup. C’est une preuve une fois de
plus que le système de Bange-l’Eau-Morte est très peu inertiel. On retrouve un effet
saisonnier annuel mieux marqué malgré tout sur les débits avec un léger dédoublement :
étiage d’automne et étiage d’hiver. Le comportement à court terme est très bruité. Il apparaît
sur les débits une composante semi annuelle, dont nous allons rechercher l’origine.
Fig. 11. Spectre sur le long terme débits Fig. 12. Spectre sur le long terme pluie
Pour cela, on reprendra l’analyse spectrale en changeant de fenêtre d’observation (k=10 jours,
m=1250 jours, fig.11 et 12).
Sur les débits, apparaissent de façon très claire un pic à 1 ans et un pic à 6 mois, alors qu’ils
ne se voient pas sur la pluie, bien que le cycle annuel soit quand même présent sur cette
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dernière puisque visible sur le scalogramme. Le spectre fournit une information globale et
manifestement le cycle annuel est masqué par une distribution très hétérogène et bien répartie
de la pluie. En revanche, bien que les réserves soient faibles, l’effet régulateur du système
karstique entraîne une variation saisonnière marquée. Le pic à 6 mois jamais rencontré ne peut
être imputé à la pluie et appelle des remarques. Parmi les mécanismes saisonniers qui
engendrent un cycle à 6 mois, le seul qui ait pu être identifié, c’est la température. Si cette
dernière intervient effectivement sur les débits, cela suppose un régime en partie nival de ce
système. Une vérification peut être faite en recherchant la présence d’une fluctuation diurne
des débits que seule la température peut justifier.
Fig. 13. Spectre de données de débit filtrées Fig. 14. Relation température-débit
Le corrélogramme croisé température- débit (fig. 14) confirme la liaison entre ces deux
grandeurs et montre en outre qu’elle est très atténuée avec un déphasage de l’ordre de 24
heures.
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Fig. 15 Fig.16
Les intégrales de corrélation en coordonnées logarithmiques doivent suivre des droites dont
les pentes permettent de calculer l’attracteur. La distance entre chaque droite définit l’entropie
de Komolgorov-Sinaï. On constate (fig. 15) que l’on peut diviser le graphique en deux
ensembles par rapport à l’échelle de l’amplitude des mesures (correspondant aux abscisses).
Pour les amplitudes inférieures à 10 l/s (log. inférieur à -2) on obtient un attracteur qui croît
indéfiniment ; cela signifie que les faibles variations sont très aléatoires et difficilement
interprétables. Au delà le calcul de l’attracteur est alors possible (fig.16), indiquant qu’il est
fractale avec comme dimension 0,91 et que le degré de liberté de ce système est faible (2 à 3
variables d’état seulement). On en conclut que peu de variables sont nécessaires pour
modéliser ce système, que son comportement est non linéaire avec une forte sensibilité aux
conditions initiales influant sur sa prédictibilité. Il serait bon pour cela d’avoir une idée du
coefficient de Lyapounov. Lorsque ce dernier est négatif le système est prédictible. Pour des
valeurs positives, il ne l’est plus et d’autant moins que ces valeurs sont élevées.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Fig. 17
Il est possible d’avoir une évaluation du coefficient de Lyapounov. Ce dernier est obtenu en
calculant l’entropie de Komolgorov-Sinaï déduit de l’intégrale de corrélation (fig.17). En
effet, avec la dimension de plongement cette entropie tend vers le coefficient de Lyapounov
[43]. La valeur obtenue 0,037 est positive mais pas trop élevée de l’ordre de celle de la pluie.
Par rapport à l’aléa lié à la distribution de la pluie, le système n’apporte pas de complexité
supplémentaire.
• Enseignements apportés
Le suivi des débits dans le temps, analysé conjointement avec les apports, rend compte très
exactement du fonctionnement de ce système karstique et de ses propriétés. Les méthodes
utilisées pour extraire l’information de ces données sont à l’heure actuelle extrêmement
performantes et les quelques applications fournies ici en donnent un bon exemple.
La modélisation spatiale d’un tel karst serait illusoire et une exploitation par forages une
erreur. Ces résultats couplés avec la connaissance de l’anisotropie de la perméabilité obtenue
à partir de la détermination des plans de drainage donne une image assez complète de
l’organisation de ce karst, d’ailleurs en parfait accord avec les données spéléologiques qui
nous ont été fournies. Le traitement des informations géochimiques en utilisant ces bases
conduit à une vision d’ensemble de ce système et de son fonctionnement extrêmement
précise.
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IV. CONCLUSIONS
Cette application illustre combien l’approche systémique est particulièrement bien adaptée à
l’étude de ces systèmes physiques complexes à comportement fortement non linéaire et non
invariant. Ce fait est en grande partie dû aux nombreuses méthodes qui ont vu le jour ces
dernières décennies en physique et qui sont parfaitement adaptables aux systèmes
hydrauliques que constituent les aquifères karstiques. Il apparaît que sous cette dénomination
d’aquifère karstique correspond toute une famille de systèmes aux comportements fort
différents. Aussi, avant toute chose il convient d’identifier à quel type de comportement on a
affaire, car en fonction des résultats obtenus, la stratégie que l’on va adopter sera totalement
différente. Il faut savoir d’abord si l’on maîtrise bien la totalité de l’information débit, si les
données en notre possession sont fiables. Ensuite, il faut savoir où en est le système de son
évolution : peu karstifié, moyennement karstifié, ou encore réduit aux seuls drains sans
réserve. Dans ce cas il est inutile de chercher à l’exploiter par forages ; en revanche il offre
des possibilités d’exploitation par barrages souterrains.
Si l’on veut réaliser une modélisation, le problème ne sera pas le même pour une modélisation
temporelle (relation pluie-débit) ou une modélisation spatiale (modèle maillé par exemple) et
dans cas il est nécessaire de bien maîtriser le problème d’échelle afin de focaliser le modèle à
la question à résoudre. C’est également dans ce cas que les problèmes de non linéarité, de
prédictibilité prennent toute leur importance. L’exemple traité montre clairement que l’on sait
répondre à toutes ces questions et que l’on a la possibilité d’ajuster la façon d’agir à la réalité
de terrain.
Même si l’étude des aquifères karstiques reste un domaine difficile et délicat, le karst a cessé
d’apparaître comme une curiosité inaccessible à nos moyen d’action. Il s’ouvre désormais
tout un champ d’investigations dont l’issue réside dans l’exploitation d’un potentiel énorme
qui doit pouvoir répondre aux enjeux et aux besoins du 21ième siècle.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
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Session 1
Hydrogéologie et karst dans des contextes
bioclimatiques et structuraux variés.
Monographie sur les secteurs d’étude de
Mcihel Lepiller
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
I. CADRE GEOGRAPHIQUE
Les Bornes et les Bauges appartiennent aux chaînes subalpines septentrionales (fig. 1).
Dominant à l’Ouest l’avant-pays savoyard, elles constituent deux massifs montagneux bien
individualisés, délimités par des vallées et des cluses façonnées par les glaciers quaternaires
avec : -du Nord au Sud, la vallée de l’Arve entre les Bornes et les massifs de Platé et du Haut-
Giffre, la cluse de Faverges, d’Ugine au lac d’Annecy, entre les Bornes et les Bauges, la cluse
de Montmélian à Chambéry, entre les Bauges et le massif de Chartreuse, à leur arrière
oriental, les vallées de l’Arly et de l’Isère (Combe de Savoie), les séparant du massif de
Belledonne s.l et constituant à partir d’Ugine le sillon sub-alpin. Le Massif des Bornes se
compose, d’Est en Ouest, de trois entités : -la chaîne calcaire des Aravis culminant à la Pointe
Percée (2752 m), - la dépression marno-gréseuse allant du Reposoir au Nord, par Thônes,
jusqu’à Faverges au Sud, avec les reliefs centraux des Annes (2232 m), de la Tête du Danay
(1730 m) et de Sulens (1839 m), -les chaînons calcaires occidentaux (Bornes s.stricto ou
Bornes externes) avec, du Nord-Est au Sud-Ouest, la chaîne du Bargy (2299m), la montagne
de Sous-Dine (2004 m), le Plateau des Glières (1400 m), Le Parmelan (1832 m) et les reliefs
dominant le lac d’Annecy dont le Mont Veyrier (1291 m) et la célèbre Tournette (2351 m).
Les vallées du Foron du Reposoir, du Bronze, du Borne, de la Fillière et du Fier recoupent
perpendiculairement ces chaînons. Quant aux Bauges, leurs reliefs sont faits d’un faisceau de
chaînons calcaires, orientés Nord-Nord-Est - Sud-Sud-Ouest au Nord du Chéran et Nord-Est-
Sud-Ouest au Sud de ce dernier dont la vallée recoupe transversalement le massif. L’altitude
des sommets croie de l’Ouest vers l’Est, avec : -les Bauges externes se développant d’Annecy
à Chambéry avec le Semnoz (1699 m au Crêt de Chatillon), la Montagne de Bange (1434 m),
le Mont Revard (1537 m), le Nivolet (1550 m) et le Mont Peney (1356 m), -les Bauges
moyennes, aux nombreux chaînons se relayant du Nord au Sud et de l’Ouest à l’Est, avec
entre autre, le Mont Margériaz (1845 m), le Mont Julioz (1662 m), le Mont Colombier (2045
m), le Mont Trélod (2181 m), la Pointe de La Sambuy (2198 m), la Pointe d’Arcalod (2217
m), le Mont Pécloz (2197 m), la Dent d’Arclusaz (2041 m), -les Bauges internes, au-delà du
col de Tamié, avec la Dent de Cons (2062 m). Les recherches de Michel Lepiller et son
équipe [1] ont porté pour l’essentiel sur les chaînons calcaires des Bornes externes et sur ceux
de l’ensemble des Bauges avec une prédilection pour les Bauges occidentales.
II.1. Généralités
Les massifs sub-alpins des Bornes et des Bauges (fig. 1 et 2) appartiennent au domaine
delphino-helvétique des Alpes externes charrié sur l’avant-pays (domaines jurassien et
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
molassique). Au cœur des Bornes reposent les klippes préalpines des Annes à faciès
subbriançonnais et de Sulens constituée de deux unités, une unité inférieure à faciès
ultrahelvétiques et une unité supérieure à faciès subbriançonnais. Au Nord de l’Arve, les
klippes composites préalpines du Chablais, à matériels internes, débordent très largement le
domaine subalpin.
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plus tôt dès le Berriasien moyen au Sud du Revard et qu’ils s’amenuisent puis disparaissent
vers l’Est. Seuls persistent, dans les Bornes et les Bauges moyennes, le niveau supérieur des
calcaires roux. En définitive on a à faire, hormis dans les Bauges externes, à une épaisse série
néocomienne marneuse.
ª A l’Hauterivien supérieur-Barrêmien inférieur et ce jusqu’à l’Aptien inférieur, un nouvel
épisode de la progradation de la plateforme se développe, envahissant une grande partie du
domaine delphino-helvétique, avec le dépôt des calcaires urgoniens récifaux à périrécifaux.
Seule la partie orientale du bassin échappe à cette progradation (Dent de Cons, Sulens).
ª Au Crétacé moyen et au Crétacé supérieur s’individualise un nouveau cycle sédimentaire.
Il débute par une série réduite gréso-glauconieuse (faciès Gault) ; la sédimentation devient
ensuite pélagique avec le dépôt de calcaires fins, (Cénomanien-Sénonien) se terminant par les
« Couches de Wang » du Maastrichtien marquant la régression finale du Mésozoïque.
ª A partir du Paléocène, une émersion généralisée se produit associée à des érosions, à des
karstifications, pouvant atteindre les calcaires urgoniens dans les Bauges et à des dépôts
pédologiques et fluviolacustres rubéfiés (faciès sidérolithiques) conservés en remplissage.
ª A la fin de cet épisode continental diachrone, la mer alpine transgresse avec la
sédimentation de la trilogie nummulitique : dépôts fluvio-lacustres à saumâtres et calcaires
néritiques de l’Eocène moyen à supérieur, marnes et schistes pélagiques de l’Oligocène
inférieur, flyschs à faciès variés de l’Oligocène inférieur à moyen, marqueurs de la
tectonisation des zones internes et se terminant, à l’est, par un olistostrome (wildflysch)
témoin de l’avancée des nappes. D’un autre côté, dans les Bauges externes, à l’Oligocène
supérieur (Chattien), se dépose une formation épaisse marno-gréseuse lacustre, appelée
« Molasse Rouge » ; elle est directement transgressive sur les calcaires urgoniens du Semnoz
et se développe dans l’avant-pays.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
L’ensemble du massif est affecté par un réseau de failles soit directionnelles (failles de
l’Arcalod et du secteur du Col de la Colombière…), soit transversales ; ces dernières,
nombreuses, découpent les chaînons externes et les Aravis et jouent parfois un rôle important
dans le compartimentage des aquifères karstiques.
- Dans les Bauges (fig. 3, coupes C et D) [2, 3], se dessine une succession de plis d’axes
subméridiens déversés et chevauchant vers l’Ouest. Du fait de la présence dominante des
faciès calcaires, les Bauges externes ont un relief conforme avec des anticlinaux en relief
(Semnoz-Revard) et des synclinaux en creux à cœur de molasse rouge (Leschaux, Les
Déserts, Les Aillons), le monoclinal du Margériaz constituant un pli chevauchant le synclinal
des Déserts. Plus à l’Est, la puissance des faciès marneux est à l’origine d’une inversion de
relief avec l’individualisation des synclinaux plus ou moins perchés, à cœur tertiaire,
d’Entrevernes-Châtelard, du Grand Colombier, du Charbon-Trélod et, à l’Est de la faille
dextre d’Arcalod, de la Dent d’Arclusaz et de la Sambuy. Enfin, en bordure de la Combe de
Savoie, l’important creusement glaciaire a façonné le rebord subalpin avec la présence, au
sein des schistes et des marno-calcaires, de la corniche calcaire du Tithonique dessinant de
nombreux replis couchés (Roche Torse). D’autre part, l’ensemble des chaînons est affecté par
des accidents tectoniques dont des failles de direction N40° à 80°. Ainsi, les failles du
Semnoz dont celle du Crêt de Chatillon et celle de la Puya abaissent l’extrémité nord de
l’anticlinal. De même les failles de Prépoulain et de Montagny, sur le revers nord du Revard
jouent un rôle hydrogéologique essentiel [6, 7]. D’autre part, certains plis présentent des
plongements axiaux. C’est le cas, en direction du Nord, du synclinal d’Entrevernes vers le lac,
de celui de la Dent d’Arclusaz vers l’entaille du Chéran et de celui de la Sambuy vers la cluse
de Faverges et, en direction du Sud, du chaînon du Revard-Nivolet vers Chambéry.
III.1. Généralités
Dans les Bornes et les Bauges, les aquifères karstiques sont nombreux et se localisent dans les
calcaires massifs des séries subalpines et présubalpines précitées (fig. 2). A partir des données
lithologiques, structurales et morphologiques, ainsi que de celles résultant des observations
spéléologiques et des nombreux traçages effectués, il est possible de connaître l’origine des
eaux qui parviennent aux exutoires majeurs. Ces études permettent ainsi de comprendre la
nature et le mode de fonctionnement des systèmes karstiques. Une synthèse [8, 9] a été
récemment publiée à laquelle il est renvoyé pour plus de détails, bibliographie comprise. Il
apparaît ainsi que trois groupes d’aquifères principaux sont présents et qu’ils sont associés
aux calcaires du Tithonique, du Valanginien et de l’Urgonien s.l. Quant aux calcaires du
Crétacé supérieur et du Nummulitique, ils constituent des aquifères limités, souvent en
relation plus ou moins directe par le jeu de failles avec ceux de l’Urgonien et ce malgré la
présence des faciès du Gault qui peuvent cependant jouer un rôle d’écran. Les figures 4 et 5
illustrent la répartition de ces aquifères, les directions majeures des écoulements souterrains et
le positionnement des émergences.
Les calcaires à faciès pélagiques sont, en général, peu karstifiés et présentent des réseaux
étroits, la fracturation l’emportant sur la dissolution. Ce sont des aquifères bien contraints aux
affleurements limités à des corniches comprises entre un mur et un toit imperméables. Dans
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les Bornes, ces calcaires sont localisés, pour l’essentiel, au rebord oriental de la chaîne des
Aravis [10]dessinant des plis couchés affleurant depuis le pied du Mont Charvin au Sud,
jusqu’aux hameaux des Vorziers et de Saxel de la vallée de l’Arve au Nord. Par suite d’un
plongement axial des couches en cette direction, le drainage souterrain, corroboré par des
traçages, est à l’origine d’émergences étagées depuis le col des Aravis jusqu’au niveau des
alluvions de l’Arve au hameau de Saxel. Dans les Bauges, cet aquifère affleure : -au front
subalpin depuis le Nord du Revard (captage de la Gouille aux Moines) jusqu’à Chambéry
(résurgence captée de Saint Saturnin aux apports axiaux septentrionaux), -le long de la combe
de Savoie, avec de nombreuses sources souvent captées, -enfin, à l’intérieur du massif, sur les
flancs ouest verticalisés à déversés des anticlinaux de Doucy et de Chérel, les marnes
berriasiennes formant un mur écran (source de la Fontaine de la Rave au contact des terrasses
alluviales du Chéran, captage de la Touvière dans le vallon de Chérel…).
Dans les Bornes, seuls sont présents, les calcaires roux du Valanginien supérieur et peu
d’émergences karstiques apparaissent. Celle du Clameux [4], perchée en rive droite de la
vallée encaissée du Borne est cependant significative ; les traçages montrent que son
alimentation se fait à l’Est à partir de l’anticlinal urgonien des Rochers de Leschaux et du
rebord septentrional du synclinal de Cenise, sur un bassin topographique différent de celui du
Borne, et ce par un réseau de failles et de fractures affectant l’ensemble de la série.
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Dans les Bauges, les aquifères majeurs se situent au droit du chaînon occidental du Semnoz-
Revard où les faciès subalpins calcaires s’épaississent au détriment du mur et du toit marneux
(fig. 2). Deux systèmes karstiques sont bien représentés [6, 7, 9] avec :
• Le système Semnoz-Petit Pont de l’Ile Bourbouillon. Il alimente les résurgences situées au
pied de la Montagne de Bange, en rive gauche du Chéran, dont la vallée, transversale aux plis,
constitue, par enfoncement érosif, un point bas médian. Les traçages montrent que le bassin
d’alimentation se développe axialement à la fois au Nord sur le Semnoz jusqu’à la faille
transversale du Crêt de Chatillon et, au Sud, jusqu’au secteur du Revard. Michel Lepiller a
montré toute l’importance du rôle des failles transversales du Bois de Prépoulain et de
Montagny, à la limite de la Montagne de Bange, qui drainent vers les calcaires valanginiens
sous-jacents une partie des eaux de l’aquifère urgonien de surface.
• Le système du Bout du Monde. Il se développe jusqu’aux émergences du Bout du Monde
dans l’entaille du talweg de la Leysse où les eaux débouchent du réseau fissural et karstique
du Valanginien inférieur-Berriasien supérieur plus calcaire. Des traçages montrent qu’une
partie de leur alimentation se fait à partir des calcaires urgoniens du Sud du Revard par un
transfert probable au niveau de la faille de Lachat.
En définitive, une diffluence majeure axiale est présente entre les deux systèmes, au droit du
Mont Revard avec quelques drainages latéraux en direction du petit système karstique de La
Meunaz à l’Ouest. Dans le reste des Bauges, comme dans les Bornes, seuls les calcaires roux
du Valanginien supérieur sont encore présents en passant progressivement à des calcaires
argilo-siliceux plus fracturés que karstifiés. Il en résulte des émergences liées à des aquifères
très cloisonnés, en particulier au bord subalpin (Fontaine de Cayan…).
Ces aquifères, les plus vastes, sont soit perchés à la faveur de l’incision des vallées et/ou des
inversions de relief, soit ennoyés à leur aval sous la surface topographique par
encapuchonnement au sein des alluvions de vallée ou par plongement sous des formations
imperméables: Gault, flysch, molasse… avec la présence d’émergences de débordement.
D’autre part, des circulations souterraines se produisent en direction des zones
« tectoniquement » basses (axes synclinaux, plongements axiaux…). Enfin, les failles
transversales aux structures jouent un rôle essentiel soit de drain soit de barrage. Il en résulte
des systèmes karstiques nombreux, très compartimentés, aux origines multifactorielles. Seuls
quelques systèmes représentatifs seront proposés comme exemples fig. 4 et 5).
• Dans la chaîne des Aravis, les calcaires dessinent un monoclinal plongeant au Nord-Ouest
sous les flyschs et les klippes, formant écran, du synclinal de Thônes ; il est gauchi
axialement, à la fois au Nord, vers Cluses et, au Sud, vers la cluse de Faverges. En
conséquence, les circulations karstiques se font en fonction de cette déformation générale
avec, au Nord-Ouest, quelques sources au contact des formations imperméables et, au Nord
comme au Sud, par diffluence, des encapuchonnements dans les alluvions de la vallée de
l’Arve (résurgences de la Tour Noire en bordure de plaine [10] et de la vallée de La Chaise.
• Dans les Bornes occidentales, les systèmes sont multiples [4] avec leurs émergences
principales dans le flanc des vallées. Ainsi, dans le massif du Bargy, une diffluence axiale
(traçage de la Tanne Frède) existe, en hautes eaux, entre le système des émergences orientales
du Sècheron, de Notre Dame des Grâces et de Neyrolles appartenant au bassin versant de rive
gauche du Foron du Reposoir et celui de l’émergence occidentale de la Barbottante
appartenant au bassin-versant de rive droite du Borne.
Dans la vallée de la Fillière [11], en rive droite, la résurgence du Pont de Pierre émerge de la
terminaison périclinale urgonienne du synclinal de Champ Laitier. Elle est alimentée pour
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
partie, au-delà du col de l’Ebat, par les pertes totales du ruisseau de Fontaine Froide dont le
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bassin-versant se raccorde à celui du Borne (coloration des chalets de Tinnaz réalisée sur une
faille transversale affectant le Crétacé supérieur). Il y a donc là une claire dissociation des
bassins-versants topographiques et hydrogéologiques du fait du plongement axial du synclinal
vers le Sud-Ouest et de la présence d’une cassure facilitant le transit en profondeur vers
l’Urgonien. Dautre part, en rive gauche de la Fillière, les émergences de la Diau et du Bunant,
situées au déboucher de longs réseaux karstiques reconnus, collectent les eaux de la voûte
urgonienne du massif du Parmelan-Mont Teret à la faveur de légères ondulations synclinales
plongeant au Nord-Est. Enfin, en rive droite du Fier, la résurgence de Morette [11] apparaît à
la terminaison aval du synclinal urgonien étroit à fort plongement axial vers la vallée. Les
traçages montrent que la faille amont Est-Ouest des Collets a un rôle drainant majeur,
concentrant vers l’émergence, à la fois les eaux des réseaux karstiques nord (Montagnes des
Frêtes, des Auges, Plateau des Glières) et sud (Mont Teret et gouttière d’Ablon). En
conséquence, par le jeu de cette faille transversale et des plongements axiaux convergents
vers cette dernière, les bassins-versants topographiques et hydrogéologiques sont loin de
coïncider, des diffluences karstiques se faisant très près des vallées du Borne et de la Fillière.
• Dans les Bornes méridionales, du fait de l’inversion de relief, La Tournette constitue une
structure plissée et écaillée soulignée par l’Urgonien (synclinal sud-ouest du Casset, anticlinal
s.s. de la Tournette, monoclinal oriental et Montagne de Cotagne). Il en résulte des
circulations divergentes, en étoile, avec la grosse résurgence de la Fontaine du Paradis à
Thônes.
• Dans les Bauges, ces aquifères affleurent largement sur la retombée orientale des
anticlinaux du Semnoz et du Revard s. [6, 7, 9], sur le monoclinal du Margériaz et dans les
synclinaux perchés des Bauges moyennes. Ainsi, le massif du Semnoz et sa carapace
urgonienne plonge au Nord vers le lac d’Annecy et, au Sud, vers l’entaille du Chéran, la faille
du Crêt de Chatillon constituant une discontinuité hydrogéologique. Il en résulte, d’une part,
au Nord, plusieurs petits systèmes karstiques dont ceux des émergences de Bourneau et de
l’Etang en bordure du synclinal de Leschaux, des Marquisats et de la Puya en bordure du lac
ou du Boubioz sous le lac et, d’autre part, au Sud, en rive droite du Chéran, la résurgence de
Bange-l’Eau morte drainant tout le versant sud-est du chaînon. De même, le massif du Revard
s.l. est constitué de trois systèmes karstiques, à savoir : -le système de Prérouge, au Nord,
dont l’émergence se fait en rive gauche du Chéran, au déboucher de la faille de Montagny ; il
est alimenté par la Montagne de Bange et, pour partie, par le versant nord du Revard, la faille
de Prépoulain jouant un rôle essentiel dans la distribution des eaux souterraines entre les
aquifères valanginiens et urgoniens (cf. p. 5), -le système de la Doria, donnant la résurgence
bien connue perchée au dessus de la cluse de Chambéry, qui draine tout le plateau de la
Féclaz, Nivolet compris, -le système de Fontaine Noire qui englobe l’écaille du Mont Peney
et alimente, par sa résurgence, Saint Jean d’Arvey. En définitive, comme pour les aquifères
valanginiens, une zone de diffluence marquée existe au droit du Mont Revard, avec des
écoulements divergents, axiaux, facilités par les cassures transversales.
Le massif du Margériaz, pour sa part, très karstifié, est drainé axialement au Nord vers
l’importante résurgence du Pissieux au contact du synclinal des Aillons et, à son extrémité
septentrionale, par la résurgence du Lot du Bois.
Enfin, dans les synclinaux perchés plus orientaux des Bauges moyennes, les systèmes
karstiques sont bien contraints avec des écoulements souterrains se concentrant dans les
« fonds de bateau » et circulant principalement vers des émergences localisées dans les points
bas (plongements axiaux, entailles transversales du réseau hydrographique). Les exemples
sont nombreux et parmi ceux-ci, le système de la Dent d’Arclusaz et du Pécloz, avec la grosse
émergence des Chaudannes, en rive droite du Chéran, est tout particulièrement démonstratif.
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IV. CONCLUSIONS
Les massifs des Bornes et des Bauges constituent un domaine tout particulièrement adapté
aux études portant sur les systèmes karstiques complexes. Michel Lepiller en avait compris
tout l’intérêt scientifique comme l’ont montré ses travaux. En effet, l’hydrogéologie karstique
est, d’une part, conditionnée par les caractéristiques lithologiques de leurs faciès subalpins où
les horizons calcaires sont bien contraints et, d’autre part, dirigée par la tectonique alpine. Les
plissements et les plongements axiaux associés ainsi que la fracturation dirigent l’alimentation
et la circulation des eaux souterraines en favorisant les points d’émergence. Enfin, l’empreinte
glaciaire, le creusement des cluses et des vallées, le dégagement différentiel des reliefs
entraînent un important compartimentage des systèmes en leur imprimant toutes leurs
diversités et leurs originalités.
Références bibliographiques
(1) Lepiller M., Mondain P.H., Cardin P., 1987 – Les recherches en hydrogéologie
karstique menées depuis 10 ans dans les massifs subalpins septentrionaux par le Laboratoire
d’Hydrogéologie de l’Université d’Orléans (France). Bull. Centre d’Hydrogéologie,
Neuchâtel, n° 8, pp. 27-48.
(2) Doudoux B., Barféty J.C., Carfantan J.C., Tardy M., Nicoud G., 1992 – Notice
explicative de la feuille Annecy-Ugine à 1/50.000. Editions du BRGM.
(3) Doudoux B., Barféty J.C., Vivier G., Carfantan J.C., Nicoud G., Tardy M., 1999 –
Notice explicative de la feuille Albertville à 1/50.000. Editions du BRGM.
(4) Charollais J., Busnardo R., Cardin P., Clavel B., Decrouez D., Delamette M., Gorin
G., Lepiller M., Mondain P.h., Rosset J., Villars F, 1988 – Notice explicative de la feuille
Annecy-Bonneville à 1/50.000. Editions du BRGM.
(5) Doudoux B., Mercier de Lepinay B., Tardy M., 1982 – Une interprétation nouvelle de
la structure des massifs subalpins savoyards (Alpes occidentales) : nappes de charriage
oligocènes et déformations superposées. C.R. Acad. Sc. Paris, t. 295, II, pp. 63-68.
(6) Lepiller M., 1980 - Contribution à l’hydrochimie à l’étude des circulations dans les
massifs calcaires. Etude de quelques systèmes karstiques du massif du Semnoz et de la région
d’Annecy (Savoie – Haute-Savoie). Thèse Doctorat 3ème cycle, Univ. de Grenoble.
(7) Lepiller M., 1976 - Résultats et interprétation de cinq opérations de traçage effectuées sur
les systèmes karstiques du Semnoz et de la Montagne de Bange - Bois de Prépoulain (massifs
subalpins des Bauges, Savoie - Haute-Savoie, France). 2ème colloque d’Hydrologie en pays
calcaire, Besançon, Ann. Sc. Univ. de Besançon, fasc. 25, 3ème série, pp. 251-262.
(8) Rampnoux J.P., 2006 - Bornes. Aquifères et eaux souterraines en France. BRGM
éditions, t. 2, pp. 611-621.
(9) Rampnoux J.P., Lepiller M., 2006 - Bauges. Aquifères et eaux souterraines en France.
BRGM éditions, t. 2, pp. 622-631.
(10) Bocquet F., 1983 - Approche de la géomorphologie de la partie nord de la chaîne des
Aravis. Mém. Maîtrise, Inst. Géogr. Alpine, Univ. Grenoble, 167 p.
(11) Mondain P.-H., 1991 - Hydrogéologie des systèmes karstiques de l’Unité dephino-
helvétique inférieure entre les vallées du Fier et du Borne (Massif des Bornes, Haute-Savoie,
France). Thèse Univ. d’Orléans, Orléans Géosciences, mémoire n° 05.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Résumé
Le massif subalpin des Bauges est fortement karstifié et contient un grand nombre de
systèmes karstiques de modestes dimensions et de grande vulnérabilité mais que leur
omniprésence et l’abondance des débits spécifiques rendent incontournables en termes de
ressources en eau. Les caractères de ces systèmes sont bien différenciés dans les parties est et
ouest du massif. Michel Lepiller a essentiellement travaillé sur les systèmes les plus
importants, situés sur le rebord occidental des Bauges, du Semnoz au Revard, où il a apporté
des contributions déterminantes à la connaissance des caractères hydrométriques et physico-
chimique des sources (instrumentation, mesures), ainsi qu’à l’organisation des circulations
souterraines et la délimitation des bassins d’alimentation (traçages). Ses travaux ont largement
servi non seulement la gestion des ressources en eau potable, mais aussi les prospections et
découvertes spéléologiques, les recherches géomorphologiques, ainsi que la résolution de
conflits d’usage liés à l’activité extractive locale. Après y avoir choisi son terrain de thèse à la
fin des années 1970, Michel Lepiller est depuis toujours resté fidèle aux Bauges, amenant
dans le massif des générations d’étudiants et de collègues pour des stages et travaux de terrain
associant étroitement recherche et pédagogie.
INTRODUCTION
Le massif subalpin des Bauges est situé entre celui des Bornes-Aravis au nord et la Chartreuse
au sud (fig. 1). Ce territoire de moyenne montagne culminant au Mt Arcalod à 2217 m
d’altitude est un Parc Naturel Régional depuis 1996, regroupant une cinquantaine de
communes des départements de la Savoie et de la Haute-Savoie. Agriculture, pastoralisme,
exploitation forestière et tourisme été/hiver en sont les principales activités, auxquelles
s’ajoute une montée en puissance de la fonction résidentielle périurbaine générée par les villes
et agglomérations qui l’encadrent, notamment Annecy, Chambéry, Aix-les-Bains, Albertville,
Faverges. Le cœur des Bauges est drainé par le Chéran qui prend sa source dans le vallon de
Bellevaux au pied du Pécloz et se dirige vers le nord ouest pour rejoindre le Fier. Les
bordures du massif sont drainées par une multitude de petits cours d’eau tributaires des lacs
d’Annecy et du Bourget ainsi que de l’Isère.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Les surfaces karstifiées couvrent avec 217 km2 un quart de la surface totale des Bauges. Les
karsts affleurants sont de type montagnard et renferment les plus longues et les plus
profondes cavités de la Savoie. Ces dernières donnent accès à des collecteurs souterrains
alimentant d’importantes sources situées pour la plupart dans ou sous la zone de battement de
la water-table. Ces eaux karstiques constituent une ressource incontournable mais
particulièrement vulnérable pour l’alimentation des populations et activités baujues.
Après avoir dressé un état des lieux général de la connaissance et des usages des eaux
souterraines karstiques en Bauges, nous verrons en quoi les travaux de Michel Lepiller ont
éclairé significativement certains pans de ces connaissances et aidé à guider la gestion de la
ressource.
Ainsi la station d’Aillon le Jeune reçoit 1,9 mètre de précipitations par an, ce qui en fait le
second poste le plus arrosé de Savoie. Le gradient pluviométrique moyen est évalué dans les
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Bauges à 70 mm/100 m (8). Quant aux températures (tabl. 1), elles présentent un gradient
vertical de 0,5°/100 mètres. La nivosité est importante malgré une altitude moyenne
relativement faible pour un massif subalpin (< 1000 m)
Sur les impluviums karstiques, le déficit d’écoulement représente environ 25 % des
précipitations vers 1000 m d’altitude et moins de 20 % au-delà de 1500 m (tabl. 2).
Le massif des Bauges possède une structure plissée selon un axe NE-SW (N 20°). On
distingue d’ouest en est (fig. 2) :
- un relief plissé plutôt conforme, avec des structures anticlinales déversées et
chevauchantes vers l’ouest dont il ne subsiste que les longs flancs normaux sont plus ou
moins tabulaires et inclinés vers l’est, délimités à l’ouest par de puissants crêts calcaires.
D’où l’aspect dissymétrique de ces reliefs, caractéritique du Semnoz, du Grand-Plateau
Nordique de la montagne de Bange au plateau Revard-Féclaz-Peney et du Mont
Margériaz, point culminant du secteur avec 1845 m d’altitude.
- Un relief plissé inverse de type subalpin calqué sur un plus grand nombre de plis, de
longueurs d’ondes plus courtes. C’est ici que se trouvent les plus hauts sommets du massif
des Bauges, dépassant les 2000 m à l’Arcalod, au Trélod, au Pécloz, à la Sambuy, à
l’Arclusaz, au Colombier d’Aillon... Les pendages, souvent très forts ne favorisent pas le
développement de réseaux karstiques pénétrables. Seul le val perché de la Sambuy est
connu pour ses phénomènes karstiques abondants, tandis que ceux du val perché de
l’Arclusaz sont masqués et défendus par une couche de lauzes sénoniennes peu karstifiée
et peu pénétrable.
Ces deux styles morphostructuraux sont nettement délimités et correspondent à la distinction
géographique entre Bauges « derrière » et Bauges « devant » (fig. 2).
Ce relief est compartimenté par l’ensemble des vallées qui maillent le massif, la vallée
principale du Chéran correspondant à un ensellement des plis d’orientation transverse (sud-est
nord-ouest). De nombreuses petites vallées secondaires se raccordent à celle du Chéran. Ces
vallées constituent les niveaux de base locaux et conditionnent le gradient hydraulique des
divers systèmes karstiques.
Ces derniers se développent principalement dans trois couches karstifiables (fig. 3) : (i) les
calcaires récifaux à faciès Urgonien du Barrémo-aptien, affleurant le plus largement et armant
la plupart des crêts sommitaux, ; (ii) les calcaires valanginiens dont le faciès jurassien
fortement carbonaté n’est présent que dans la partie occidentale des Bauges ; et (ii) ceux du
Malm, notamment à faciès tithonique. Les calcaires à silex sénoniens peuvent être
ponctuellement le siège de circulations karstiques bien hiérarchisées, comme au Pic de la
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Sauge (émergence de Combe Noire) au sud du massif ou aux grottes de Seythenex au nord-
est.
L’état des connaissances est, tout comme les caractères des systèmes karstiques, largement
tributaire de la dualité morphostructurale entre Bauges devant et Bauges derrière. Les massifs
occidentaux, plus vastes et beaucoup plus accessibles, notamment du point de vue
spéléologique, ont fait l’objet de nombreuses études (synthétisées in (8) auxquelles s’est
ajoutée la thèse (15)). En revanche les Bauges orientales ne comportent pas de points
d’infiltration bien définis et n’ont fait l’objet que de peu de traçages : la délimitation des
impluviums ainsi que les circulations hydrologiques restent théoriques, et fondées sur les
structures géologiques. La carte de la figure 4 représente schématiquement et à petite échelle
les principaux systèmes karstiques parmi la centaine de systèmes identifiés ou supposés sur
l’ensemble du massif.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
C’est dans la partie ouest des Bauges, où se trouvent les grands karsts tabulaires, que l’on
rencontre les émergences karstiques aux débits les plus importants (tabl. 2) : la Doria, Le Bout
du Monde, le Pissieu, Prérouge, Fontaine Noire du Peney, Bourbouillon, Nant de la Combe et
Bourneau, toutes issues d’aquifères urgoniens ou valanginiens. Cependant ces systèmes ne
présentent pas d’importantes réserves noyées. Ils sont très transmissifs, à forte perméabilité de
chenaux et à faible pouvoir régulateur d’où des variations très importantes des débits.
Dans les Bauges orientales, seules les exsurgences des Chaudannes et du Jeu de Boule,
drainant respectivement les karsts de l’Arclusaz et de la Sambuy, se hissent apparemment au
gabarit des émergences occidentales, mais les études et les suivis hydrologiques manquent
cruellement pour assurer une comparaison fiable.
Certaines sources situées sur les pourtours du massif où affleurent des bandes plus ou moins
chahutées de calcaires valanginiens et jurassiques, sont issues d’aquifères aux limites encore
imprécises voire inconnues, mais présentent des débits suffisamment importants pour être
captées. C’est le cas par exemple pour la bordure orientale des sources de Cayan sur Fréterive,
du Pontet ou du Pré de la Tour sur Montailleur ; ou bien des sources de St Saturnin, de la
Meunaz, de la Gouille des Moines côté occidental.
Précipitations moyennes
annuelles Qm Qmin/max
Superficie
Nom encaissant Volume l.s-1 l.s-1
(en km² ) Totales Efficaces
potentiel (env.) (env.)
(en mm) (en mm)
(en hm3)
20 / 15
Revard-Doria Urgonien 14 1900 1500 21,0 660
000
Revard-Bout du
Valanginien 10,9 1900 1500 16,4 190 25 / 500
Monde
Revard-Meunaz Valanginien 1,74 1900 1500 2,6 40 4 / 500
Margériaz-Pissieu Urgonien 17,6 2000 1615 28,4 1000 (*) 8 / 8 000
Bange-Prérouge Urgonien 20,7 1780 1330 27,5 200 ? 15 / 5 000
Colombier-
Urgonien 2,82 2432 ? ? ? 16 / 560
Fontaine Noire
Peney-Fontaine
Urgonien 3,2 1830 1410 4,5 ? 3,5 / 500
Noire
Petit pont de l'île- Non ?/
Valanginien 34,3 1780 1330 45,6
Bourbouillon mesurable 10 000 ?
Arclusaz-
Urgonien ? 2210 1860 ? ? 2,5 / 600
Chaudanne
Sambuy-Jeu de
Urgonien ? ? ? ? ? ?
Boules
Bange-l'Eau 25 / 10
Urgonien 12,3 1770 1346 16,6 326
Morte 000
Semnoz-
Urgonien 7 ? ? ? ? 8 / 2500
Bourneau
Tableau 2 : Caractéristiques des principaux systèmes karstiques des Bauges (d’après
synthèse Denavit, 2005). (*) : Mesures sur un cycle hydrologique par G. Zamolo (1980)
Les ressources en eau du massif doivent satisfaire les besoins de plus de 50 000 habitants
permanents et 7000 têtes de bétail, auxquels s’ajoutent les périodes de fréquentation
touristique hiver-été.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
On recense en Bauges près de 150 émergences karstiques (8 ; 3, 4), dont près de la moitié sont
captées, sans qu’il soit possible, par manque de données, de sommer les volumes prélevés. Le
karst alimente plus de 40 % du nombre de captages AEP baujus (tabl. 3). Une étude plus fine
sur les Bauges savoyardes (3) a cependant montré que le karst participe majoritairement à
l’AEP en termes de débits, tout en restant encore largement sous utilisé (fig. 5).
AEP
Nombre de
captages m3 / an*
Aquifère 69 ?
karstique
Aquifère non 81 ?
karstique
Total (dt 159 ?
origine inc.)
% venant du 43% ?
karst
Tableau 3 : Part des aquifères karstiques dans la ressource en eau potable des Bauges
(d’après Denavit 2004 et DDASS de la Haute Savoie)
45
moyenne des
débits en l/s
9,7
1,5 1,3
Figure 5 : Moyennes des débits moyens selon les types d’ aquifères dans la partie savoyarde
des Bauges (calculées d’après 40 sources karstiques sur les 105 recensées, 25 sources
captées karstiques sur 60, 61 sources non karstiques sur 98 et 11 sources captées non
karstiques sur 42, G. Denavit, 2004)).
En effet, paradoxalement, les plus grosses émergences sont délaissées et seules, parmi elles, la
source du Nant de la Combe et la Fontaine Noire du Peney sont captées pour l’alimentation en
eau potable. Les autres ne servent ou n’ont servi tout au plus qu’à actionner moulins et scierie
ou alimenter une pisciculture. C’est essentiellement leur trop grande vulnérabilité, notamment
à la turbidité, et les difficultés posées par la protection de leur impluvium qui explique cette
situation. Elles sont en effet situées dans la partie la plus anthropisée du massif, avec une
qualité menacée par les activités touristiques (stations de ski), résidentielles, agro-sylvo-
pastorales ou extractives (4).
Ce sont a contrario de multiples sources plus modestes qui sont sollicitées, issues d’aquifères
de dimensions plus réduites et souvent mieux préservés des facteurs de contamination,
notamment pour les karsts scellés du Valanginien et du Malm, où la contribution fissurale
76
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
semble plus prégnante dans les caractères physico-chimiques des eaux (source de la Dhuy de
Bellecombe en Bauges…).
Les traitements de potabilisation sont bien sûr partout la règle compte-tenu du type de
ressource, la qualité des eaux brutes étant ici très aléatoire et souvent insuffisante. Mais la
fréquence des épisodes de forte turbidité lors des crues, entraînant de nombreux
franchissements du seuil normatif des 1 NTU, reste problématique et limitante.
Malgré la hausse de la pression démographique, plus importante en périphérie qu’au cœur du
massif, les Bauges n’ont pas de problème d’alimentation en eau au point de vue quantitatif, à
l’exception des villages et stations placés sur les massifs karstiques : Arith, la Féclaz et le
Margériaz. Le site du Margériaz est le plus concerné par le manque d’eau. En effet c’est ce
paramètre qui a imposé la formule « stade de neige », l’absence totale de ressource empêchant
toute réalisation d’infrastructures d’hébergement sur place. Actuellement l’alimentation se fait
par citerne avec une tentative hasardeuse de captage artisanal dans un drain endokarstique de
faible débit et chroniquement pollué pour alimenter les sanitaires des bâtiments d’accueil.
Le village d’Arith, sur Bange, dépend de sources situées sur des communes voisines, avec
pour l’une un partage régi par une convention qui date des années cinquante et qui ne lui
octroie que le trop plein. Or, Arith, dont la position ensoleillée est très convoitée, est en pleine
expansion et le manque d’eau pourrait devenir un sérieux problème à l’avenir.
Quant à la station de la Féclaz, sur le Revard, elle a choisi, en 1987, par souci d’assurer son
indépendance et de permettre son développement immobilier, de pomper la rivière souterraine
de la Cha (système de la Doriaz) à travers 213 mètres d’Urgonien. Cela a été rendu possible
grâce au travail de topographie des spéléologues et à la technique, nouvelle à l’époque, de
repérage par barreau magnétostatique (6). Le problème d’enfouissement de la ressource a été
quantitativement résolu ici grâce à de gros investissements, mais l’assainissement du plateau
et la protection de cette ressource ont eu du mal à suivre et le développement immobilier n’a
pu se faire que 20 ans après le forage.
Après sa thèse centrée sur les systèmes karstiques du rebord ouest des Bauges de part et
d’autres du Chéran (Semnoz, Bange-Prépoulain), qui a fait date et fait toujours référence près
de 30 ans après sa soutenance (12), Michel Lepiller, malgré la distance depuis ses bases
orléanaises, n’a jamais cessé de travailler sur l’hydrogéologie karstique des Bauges.
L’émergence du système de Bange-l’Eau Morte (dit aussi système du Nant de la Combe, du
nom de sa source pérenne), équipée d’un limnigraphe dès 1974, a continué d’être suivie sur
les plans hydrométriques et physico-chimiques, grâce à la pose de sondes reliées à un data-
logger, ce qui lui a permis d’acquérir une des plus longues chroniques de données
actuellement disponibles en France, qu’il a pu valoriser récemment par un travail d’équipe
avec ses étudiants avancés et collaborateurs (14).
Mais la contribution de Michel Lepiller à la production de données et connaissances
hydrogéologiques sur les karsts du massif des Bauges est loin de se limiter au système de
Bange-l’Eau Morte. Ses études suivies sur le fonctionnement et l’organisation du drainage
karstique du Grand Plateau Nordique (de la montagne de Bange au plateau Revard-Féclaz),
fondées sur de nombreux multitraçages (13), ont notamment permis de mieux connaître les
phénomènes de diffluence nord-sud et de transfert de l’Urgonien au Valanginien des
écoulements souterrains déjà évoqués par Y. Lemordant (9). M. Lepiller a démontré que les
limites des deux systèmes du Valanginien, varient en fonction des conditions
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
En tant que spéléologue pratiquant depuis son plus jeune âge, Michel Lepiller s’est attaché de
longue date à l’exploration des réseaux souterrains baujus (10). Depuis Orléans et lors de ces
nombreuses visites sur ses terrains des Bauges, il est resté en contact quasi-permanent avec
les spéléologues et karstologues qui étudiaient les grands karsts occidentaux. Ses travaux,
idées, visions, hypothèses, et représentations des rapports entre la structure géologique et
l’organisation des conduits karstiques ont été d’une grande utilité pour comprendre et
découvrir ce qui constitue aujourd’hui des réseaux parmi les plus développés en France (tabl.
4).
Nom Unité karstique Développement Dénivellation Etage géologique
Benoite-Prérouge Prépoulain 53 806 m -860 m Urgonien
Garde -Cavale Revard-Féclaz 42 434 m -298 m Urgonien
Biolles-Crolleurs- Margériaz 26 001 m -563 m Urgonien
Squelettes
Cochons-T. Froide Margériaz 17 694 m -823 m Urgonien
Doria-Pleurachat Féclaz 14 745 m -304 m Urgonien
Lot du Bois- Margériaz 12 400 m - 72/+112 m Urgonien
Pissieu
Grotte de la Bange 4 500 m +80 m Valanginien
Scierie
Malitou Revard 4 057 m -167 m Valanginien
Tableau 4 - Spéléométrie des grands réseaux du massif des Bauges
(sources : Durand et Nant, 1998 et R. Durand, B.D. Prospect, décembre 2007)
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
La collaboration avec les spéléologues trouvait son point d’orgue lors des opérations de
multitraçage, lorsqu’il fallait injecter ou surveiller en cavité notamment, ou encore pour la
période de prélèvements aux émergences, où un réseau de correspondants locaux de
confiance, parmi lesquels plusieurs spéléologues, assurait le nécessaire appui logistique. Les
moments passés avec Michel Lepiller à ces occasions étaient toujours aussi enrichissants que
conviviaux.
II.3. Applications pratiques du suivi instrumenté du système de Bange l’Eau Morte : une
expertise utile à la gestion des ressources liées au karst
Michel Lepiller a œuvré en tant qu’expert scientifique à la mise en place d’une gestion
pertinente des ressources en eau de l’ouest des Bauges. Il a participé aux réflexions
institutionnelles sur l’avenir du captage du Nant de la Combe, ainsi qu’à sa protection vis-à-
vis de l’exploitation de la carrière des Banchets, située dans la zone d’alimentation du
système à proximité du collecteur noyé. Sa caution scientifique et son sens du dialogue ont
notamment contribué à sortir de la situation conflictuelle entre spéléologues et carrier. Une
convention de surveillance des phénomènes karstiques recoupés par l’exploitation a porté ses
fruits et un drain actif ainsi découvert a pu être appareillé par Michel Lepiller, avec l’aide des
spéléologues, pour suivre le fonctionnement de la zone d’infiltration et ses relations de mise
en charge avec la zone noyée.
Enfin, les travaux de Michel Lepiller et de ses étudiants sur cette partie des Bauges (mais
aussi sur les Bornes), ont été valorisés dans l’étude des aquifères patrimoniaux karstiques du
bassin Rhône - Méditerranée et la mise à jour du référentiel hydrogéologique Rhône-Alpes
(cf. encadré «L’inventaire des aquifères patrimoniaux karstiques du bassin RM&C »).
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
sur les cartes et tableaux qui accompagnent les fiches (carte des structures karstiques principales, carte et tableau
occupation des sols et pression anthropique).
Les éléments recueillis ont été rassemblés dans une base de données renseignée pour chaque ensemble / sous
ensemble / système karstique et source et sous forme de fichiers correspondant aux informations rassemblées sur
les volets bibliographie, inventaire des sources, principaux traçages et cavités recoupant une circulation.
Ces données sont aujourd’hui exploitées pour la révision du référentiel hydrogéologique Rhône-Alpes (opération
conjointe BRGM / Agence de l’eau s’appuyant sur l’expertise locale (2) et seront valorisées par la publication
d’un atlas hydrogéologique régional en cours de mise en forme (avril 2008).
III. CONCLUSION
Références bibliographiques
(1) Antea – Burgeap. 2001 - Etude préliminaire des aquifères patrimoniaux karstiques du
bassin Rhône-Méditerranée : Région Rhône-Alpes. Agence de l’eau.
(2) Cadhilac L. et Marchal J.P. 2002 - Les origines du référentiel hydrogéologique et ses
évolutions locales - Exemple sur le bassin Rhône-Méditerranée-Corse. 9 èmes journées
techniques du Comité Français de l'A.I.H - Bordeaux, 29-30 novembre 2002.
(3) Denavit G. 2004 - Intérêt de la ressource en eau d’origine karstique pour l’avenir dans
la partie Savoyarde des Bauges, mémoire de maîtrise, Université de Savoie, 76 p.
(4) Denavit G. 2005 - Présentation des aquifères karstiques patrimoniaux du massif des
Bauges et des Bornes. Rapport de Stage de DESS Montagne - Université de Savoie - Centre
Interdisciplinaire Scientifique de la Montagne, Bauges, 26 p., Bornes, 26 p.
(5) Durand R., Nant J. 1998 - Atlas des grottes de Savoie. CDS 73/ éd. Gap, La Ravoire,
216p.
(6) Hoblea F., 1990 -Problèmes d’aménagement sur karsts d’altitudes voués au tourisme,
Bulletin du Laboratoire Rhodanien de géomorphologie, n°25/26, pp 67-86.
(7) Hoblea F., Dodelin C., Laserre D., Bottazzi J., Maniez P. 1996 – La tanne des Biolles :
un axe de drainage majeur sous le massif du Margériaz (Bauges, Savoie, France). Karstologia
27, p. 41-56.
(8) Hoblea F. 1999 - Contribution à la connaissance et à la gestion environnementale des
géosystèmes karstiques montagnards : études savoyardes, Thèse de doctorat en géographie,
Aménagement et urbanisme, Université Lumière-Lyon 2, 2 tomes, Lyon, 995 p.
(9) Lemordant.Y, 1977 - Infiltration et transfert des eaux souterraines en pays karstique. Le
plateau du Mont Revard (Savoie), Thèse de géologie appliquée de l’Université Scientifique et
Médicale, Grenoble, 203 p.
(10) Lepiller. M, 1967 - Le massif du Semnoz, Géologie, Possibilités spéléologiques,
Spelunca n°3.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
82
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
(1)
EDF-DTG - 21, avenue de l’Europe, BP 41 - 38040 Grenoble cedex 9 -
thibault.mathevet@edf.fr
(2)
Environnement, Traçage et Détection – Polytech’Orléans – 8 rue Léonard de Vinci – 45072
Orléans cedex 2 – nevila.jozja@univ-orleans.fr
I. INTRODUCTION
Michel Lepiller a découvert les Bauges en 1967 [4] et y a consacré sa thèse dès le début des
années 1970. Parmi l’ensemble des systèmes karstiques auxquels Michel Lepiller s’est
intéressé, le système karstique de Bange-L’Eau-Morte (SKBLM) a été l’objet d’études
longues et intensives [2 ; 4; 5 ; 6 ; 7 ; 8 ; 9 ; 14 ; 15]. Dans le cadre des travaux de recherche,
de Michel Lepiller et du laboratoire d’Hydrogéologie de l’Université d’Orléans, de
nombreuses générations d’étudiants sont passées par les bauges et ce système a été l’objet
d’études climatiques, hydrologiques, géologiques et géochimiques, auxquelles on peut
rajouter de nombreux traçages. Par ailleurs, à partir du début des années 1980, Michel
Lepiller a mis en place une station d’acquisition à l’exutoire du SKBLM qui lui a permis de
suivre en continue le débit, la température de l’eau et la conductivité électrique de l’eau. Au
prix d’un effort constant et de visites régulières à partir d’Orléans, l’acquisition des données
s’est faite pendant plus de 20 ans.
L’intérêt de ce système karstique réside dans sa petite taille et sa grande karstification, qui
permettent un écoulement très rapide des eaux. Ces deux caractéristiques rendent l’étude de
ce système particulièrement intéressante, car les différents signaux hydrologiques et
géochimiques enregistrés à l’exutoire de ce système sont particulièrement clairs et nous
renseignent sur les différents processus qui ont lieu au sein de ce système karstique. Grâce à
la pérennité des observations, nous disposons de chroniques de données inestimables pour
l’étude de l’évolution du fonctionnement d’un système karstique au cours du temps,
notamment en fonction de l’évolution d’un forçage climatique, comme celle qui concerne la
température moyenne de l’air.
Dans cet article nous présenterons les caractéristiques générales de ce système karstique, son
fonctionnement hydrologique et géochimique et les tendances récentes observées sur
l’exportation carbonatée.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
dans la moitié sud du Semnoz. D’un point de vue stratigraphique et tectonique, ce système est
très homogène : sa lithologie est constituée à plus de 90 % par une dalle de calcaire Urgonien
et aucune faille majeure ne vient rompre l’homogénéité de la dalle calcaire.
Seul un ruisseau issu d’une dépression de type ruz est creusé dans les niveaux marneux et
argileux de l’Hauterivien. Les limites latérales du système sont bien connues, car elles ont fait
l’objet de campagnes de traçages [4]. A l’est, la limite orientale est constituée par les
formations non karstiques (formations de l’Albien au sud et formations tertiaires au nord) qui
recouvrent stratigraphiquement les calcaires de l’Urgonien et de l’Aptien. A l’ouest, la limite
occidentale est constituée par les affleurements des marnes de l’Hauterivien moyen au sud et
par les buttes résiduelles de marnes de l’Hauterivien inférieur au nord du Crêt de l’Aigle. Au
sud, la limite méridionale a été placée au niveau de la cote critique de 647 m, surface libre du
plan d’eau recoupé par la Grotte de Bange, lorsque le circuit de trop plein de l’Eau-Morte
rentre en fonctionnement. Au nord, la limite septentrionale a été déterminée par de nombreux
84
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Une campagne de terrain récente [14] a permis l’identification des directions principales de
drainage [3] par le relevé de tectoglyphes (failles, stylolithes, veines) sur l’ensemble des
affleurements du SKBLM. L’interprétation de ces relevés est particulièrement intéressante,
car les trois directions principales de drainage (N 15° E, N 75° E, N 120° E) issues de ces
analyses sont en accord avec les relevés spéléologiques et la carte du réseau spéléologique
explorés par l’entente spéléologique des Bauges.
D’un point de vue hydrologique (Tableau 1), le SKBLM reçoit une lame d’eau d’environ
1400 mm/an, pour un écoulement de 830 mm/an, ce qui fait un déficit d’écoulement
d’environ 570 mm/an. Le SKBLM possède un trop-plein, L’Eau-Morte, située juste au dessus
de l’exutoire principal du Nant de la Combe, qui rentre en fonctionnement au cours des
principales crues (15% du temps). Sur la surface du SKBLM, le ruissellement des eaux de
pluie arrive très rarement et les pluies s’infiltrent majoritairement de manière diffuse dans le
karst. Les précipitations, stockées sous forme de neige pendant l’hiver, représente 20% à 50%
de l’alimentation en eau du SKBLM qui s’écoule dans le système au printemps.
Le fonctionnement hydrodynamique du SKBLM a été étudié par l’analyse des débits classés
et des récessions et par l’analyse des séries chronologiques [Mathevet, 2002].
L’analyse des débits classés [11] permet d’identifier des évènements particuliers (fuite, trop-
plein) à partir des modifications qu’ils induisent sur l’hydrogramme. L’information obtenue
sur le fonctionnement du système est différente selon la position des ruptures et leurs pentes
respectives [13]. L’analyse des débits classés présente trois ruptures à 0.8, 2.5 et 2.8 m3/s. La
première rupture correspond à la mise en charge des écoulements dans la grotte de Bange et
l’entrée en fonctionnement du trop plein de l’Eau-Morte. Les ruptures à 2.5 et 2.8 m3/s sont
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
L’analyse des séries chronologiques, assez classique dans l’étude des systèmes karstiques
[Mangin, Labat], nous permet d’explorer les propriétés des différentes variables caractérisant
le fonctionnement du SKBLM, tel que la pluie, la température ou le débit, ainsi que les
relations entre la pluie ou la température et le débit. L’ensemble des traitements classiques
(analyses corrélatoires et spectrales, simples et croisées, analyses en ondelettes) ont été faites
pour différentes chroniques du SKBLM [15]. Ces analyses (Figure 3) sont très cohérentes est
confirment le caractère très nerveux de ce système avec une très faible autocorrélation des
débits (effet de mémoire inférieur à 7 jours, fréquence de coupure inférieure à 5 jours) et une
très bonne corrélation croisée pluie-débit pendant la période pluviale (temps de réponse de 1
jours ; rmax = 0.74). L’effet de la neige est mis en évidence par la baisse du coefficient de
corrélation (rmax = 0.56) obtenu sur l’ensemble de la chronique et un effet capacitif traduit par
la forme du corrélogramme.
Les caractéristiques de ce système mises en évidence par la très bonne relation pluie-débit
sont également révélées par l’analyse de la relation température-débit, pendant la période de
fonte (figure 4). En effet, à cette période, la fonte nivale représente une alimentation presque
continue en eau du système, rythmée par l’évolution journalière de la température de l’air. Le
caractère nerveux de ce système est mis en évidence par la très bonne corrélation température-
débit (temps de réponse de 16 heures, rmax = 0.7) et la cyclicité à 24 heures très marquée des
débits indique sa bonne karstification et de faibles réserves (par sa faible capacité
d’atténuation d’un signal d’entrée) (figure 5).
87
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Cette partie a eu pour objet de faire la synthèse de l’ensemble des analyses qu’il est possible
de réaliser pour ausculter et comprendre le fonctionnement d’un système karstique. Quel que
soit le type d’analyses, le système karstique de Bange-L’Eau-Morte se caractérise donc par
une bonne karstification, l’existence de faible réserves et un caractère très nerveux en réponse
à une stimulation par la pluie ou par la température de l’air en période de fonte.
Figure 5 : Pendant la période de fonte (04/2002), (d) Chronique de température de l’air ; (c)
Chronique de débit ; (b) Analyse en ondelette de la chronique de température ; (e) Analyse en
ondelette de la chronique de débit. La cyclicité de la température et du débit est mise en
évidence par l’existence de structures entre 16h et 24h.
88
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
L’étude hydrodynamique apporte des informations sur la manière dont les transferts d’énergie
se font à l’intérieur d’un système karstique. Par contre, l’étude géochimique des eaux, en
s’intéressant aux contraintes thermodynamiques et cinétiques de l’acquisition de la charge
dissoute et à son transit dans le karst, apporte d’autres informations sur la structure et le
fonctionnement des systèmes karstiques, notamment grâce à l’identification des modalités
d’infiltration. Les notions de transfert et de transit étant très nettement dissociées dans les
systèmes karstiques, la géochimie des eaux apporte donc des renseignements
complémentaires sur la structure et le fonctionnement des systèmes karstiques [1 ; 6 ; 17 ; 16 ;
18]. Dans ce cadre, la concentration des ions majeurs à l’exutoire du SKBLM a été mesurée
de 1981 à 1985 au pas de temps journalier. Cette chronique, qui représente un travail
d’analyse très important, a été malheureusement peu exploitée.
L’analyse de cette chronique d’ions majeurs [14] a été faite grâce à des analyses en
composantes principales (ACP) et des analyses factorielles discriminantes (AFD). Ce type
d’analyses est classiquement utilisé en hydrogéologie karstique pour traiter de nombreuses
données concernant la géochimie des eaux [17].
En effet, l’AFD est une méthode permettant de discerner des groupes et de tester
l’appartenance d’un individu à un groupe, en fonction des valeurs prises par plusieurs
variables. Afin de distinguer des groupes choisis a priori, l’AFD consiste à minimiser la
variance intra-groupe et à maximiser la variance intergroupe. Dans notre cas, les variables
explicatives des groupes sont les variables utilisées précédemment pour l’ACP et les variables
89
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L’AFD (Figure 6) permet de discriminer deux axes de variances principales, qui représentent
la même information que celle apportée par les ACP. Par rapport aux groupes d’individus
choisis a priori les résultats de l’AFD sont très intéressants, car seulement 5% des individus
sont mal classés. Une aussi bonne discrimination est assez rare pour un système karstique.
Cependant, elle ne fait que confirmer les renseignements apportés par l’étude
hydrodynamique : le système est très sensible aux conditions extérieures et filtre peu
d’informations.
Les cinq groupes se répartissent autour d’un cercle et se succèdent chronologiquement. Les
groupes d’eaux de crues (automne, fonte des neiges, printemps), qui sont assez dispersés, se
distinguent des groupes d’eaux d’étiages (hiver, été), qui sont assez compactes. La dispersion
des eaux de crue est due aux variations extrêmes du chimisme des eaux pendant ces épisodes.
Pendant les crues, le chimisme des eaux résulte du mélange d’eau d’infiltration immédiate,
d’eau d’infiltration différée et d’eau d’infiltration lente. Pendant les étiages, le système est
principalement alimenté par des eaux d’infiltration lente et d’eau provenant du karst noyé,
dont le chimisme varie moins fortement que pendant les périodes de crue.
De plus, le stockage des précipitations sous forme de neige pendant l’étiage d’hiver, et la forte
évapotranspiration à l’origine de la rétention de forts volumes d’eau dans la zone non saturée
pendant l’étiage d’été, jouent le rôle de filtre. Ceci explique la plus faible variabilité du
chimisme des eaux pendant ces deux périodes. Par rapport aux individus mal classés, ils
apportent également de l’information et permettent de discriminer facilement des épisodes
(eaux d’infiltration) assez différents du groupe auquel ils appartiennent.
Les analyses factorielles nous donnent une bonne vision du fonctionnement géochimique
global de ce système. Ainsi, les eaux varient de manière cyclique et les cinq groupes
correspondant aux cinq périodes du cycle hydrologique se distinguent très bien. Ces analyses
rendent bien compte des eaux d’infiltration lente ou des eaux d’infiltration rapide. Cependant,
les eaux d’infiltration différées sont mal discriminées. C’est la raison pour laquelle une grande
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partie des individus mal classés correspondent à ce type d’eaux et sont reclassés dans d’autres
groupes.
91
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a)
b)
c)
Figure 7 : Chroniques de température (a) et T.A.C. (b) sur la période 1981-1996. (c)
chronique de température et T.A.C. en variables centrées et réduites.
92
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a) b)
c)
V. CONCLUSIONS
Le système karstique de Bange-L’Eau-Morte a été suivi pendant plus de 30 ans par Michel
Lepiller. La masse et la diversité d’informations recueillies sur ce système permettent d’en
analyser finement le fonctionnement hydrodynamique et géochimique. De par sa petite taille,
son caractère nerveux et bien karstifié, le fonctionnement du système est bien ausculté par les
différents signaux hydrologiques et géochimiques. Ces signaux révèlent assez bien les
modalités d’infiltration et d’écoulements des eaux, leurs temps de séjour dans les différentes
parties du système karstique.
Enfin, pour revenir à un sujet qui préoccupait fortement Michel Lepiller, la continuité des
mesures pendant presque 30 ans a également permis de suivre la réponse du système au
réchauffement de la température de l’air. En effet, l’analyse des relations à long terme entre la
concentration de HCO3- et les variables climatiques indépendantes (pluie, température de
l’air) montre que la température de l’air exerce un contrôle non négligeable sur la
concentration de HCO3- et par conséquent sur l’intensité d’un des processus impliqués – la
dissolution du carbonate - dans l’érosion des aires carbonatées (près de 50% de la variance de
la concentration de HCO3- est expliquée par la variation de la température de l’air entre 1981
93
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
et 1995). Néanmoins, les relations mettant en jeu les quantités de chaleur apportées au
système par convection et la concentration ou le débit massique de HCO3- sont moins étroites.
Il n’en reste pas moins remarquable qu’une augmentation de la température moyenne de l’air
de moins de 3 °C en quinze ans entraîne une variation sensible et quasi immédiate (déphasage
de 2 à 3 mois) de près de 10% de la charge dissoute des eaux issues des formations
carbonatées.
Références bibliographiques
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Figure 1 : Les masses d’eau du district F Figure 2 : Localisation des sources étudiées,
(Adour, Garonne), extrait d’après (2 ) d’après (3)
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98
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Source s Ns 2
Source n°
[1, 2, 3 ,4] ∑ Gs M i 2 1 N
s : {k,l}
∑GM
i =1 2
OGs
et 4
1 Ns
2
N
s i
(Ns) ∑ ∑ Gs M i
s =1 N i =1
i =1
Angles et distances
1 Orbe (109) 26% 4,98 4,69 1-2 : 76° 1-3 : 97° 1-4 : 93°
2 Mourtès ( 96) 17% 4,72 2,51 1-2 : 5.9 2-3 : 96° 2-4 : 93°
3 Gourgouch ( 99) 26% 8,84 1,73 1-3 : 4.6 2-3 : 4.4 3-4 : 90°
4 Ourtau ( 98) 30% 7,88 4,53 1-4 : 4.3 2-4 : 4.3 3-4 : 4.5
Tableau 1 : Contribution à la variance totale de chaque source, distance élevée au carré du centre de
gravité de chaque source au centre de gravité global, variances intrasources et relations géométriques
des centres de gravité pris deux à deux (angle et distance
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La projection des individus sur les trois premiers axes factoriels absorbant 75% de la variance
totale permet d’apprécier les caractères spécifiques dominant de chacune des quatre sources
(Figure 3). Les sources Gourgouch et Ourtau s’opposent aux deux autres (Orbe et Mourtès)
par leur caractère magnésien (composantes négatives sur l’axe F1 et respectivement 22,2 et
15,3 mg/l contre 3,3 et 6,6 mg/l en moyenne) et le moins sodique pour Ourtau. Les variables
conductivité et bicarbonates (variables les plus corrélées r = 0,96) opposent aussi ces deux
sources avec des valeurs moyennes respectives de 424 et 322 µS et 253,4 et 171,6 mg/l, les
coefficients de variation étant les plus faibles pour la source Gourgouch. Elles s’opposent
également par les composantes positives et négatives de leurs individus sur l’axe F2
faiblement négativement corrélé à la variable SO42− (teneurs moyennes respectives 20,7 et
14,4 mg/l) et positivement corrélé à la variable calcium (22,2 et 15,3 mg/l en moyenne).
Les sources de la Fontaine d’Orbe et des Mourtès se superposent pour partie dans le plan F1F2
mais se distinguent l’une de l’autre par des températures plus élevées pour la première et des
teneurs en nitrates plus importantes pour la seconde (composantes respectivement positives
ou négative sur l’axe F3). La source de la Fontaine d’Orbe est située à 376 m d’altitude, celle
des Mourtès à 675 m, on notera alors que la hiérarchie établie par l’axe F3 pour les
températures est cohérente avec le gradient de température en fonction de l’altitude établi par
Rey (3) ; les deux autres sources (480 m pour Gourgouch et 582 m pour Ourtau) montrent de
façon cohérente des composantes intermédiaires sur l’axe F3.
Le Tableau 2 des saturations des variables et des variances absorbées montre que si les trois
premiers axes factoriels permettent de bien distinguer les quatre sources, certains de leurs
caractères ne sont pas encore identifiés. En effet, les variables SO42− et K+ s’expriment de
façon très nette sur le plan F4F5 qui absorbe 15,4% de la variance totale ; les teneurs en
sulfates des eaux des sources d’Orbe, Mourtès, Gourgouch et Ourtau (12,1, 13,2, 14,4 et
20,7 mg/l) sont une caractéristique importante des eaux issues des aquifères des chaînons
béarnais dont l’origine est à chercher dans l’imperméable argileux associé systématiquement
aux ophites de la région dont l’origine hydrothermale est encore à démontrer. Rey (3) a
montré que les teneurs en sulfates sont particulièrement élevées lors des périodes d’étiage
(essentiellement durant les mois de juin, juillet et août) dans les eaux des sources d’Ourtau et
de la Fontaine d’Orbe. Les cœfficients de variation des concentrations en ions sulfates sont
plus de deux fois supérieurs pour ces deux sources que pour les sources des Mourtès et de
Gourgouch. La dispersion due à la variable Potassium reflète l’influence de rares valeurs
élevées tant pour une source que pour l’autre et qui apparaissent encore comme aléatoire.
Avec cinq axes, 86 à 96% de la variance totale de chaque source est absorbée mais seulement
71 à 88% de leur variance intragroupe. En effet, cinq variables ont encore des saturations
inférieures à 90%, ce sont les variables T, Cl-, NO3-, Na+ et Ca2+ et il faut atteindre l’axe F7
pour que les saturations soient toutes au moins égales à 94%, on notera en particulier les sauts
respectifs de 13% et 9% des saturations des variables Cl-, NO3-, de l’axe F6 à l’axe F7 à
associer à la source des Mourtès. Ceci traduit l’effet de la variation de l’une et/ou l’autre de
ces variables à l’intérieur de chaque groupe, variation qui est pour partie due à un effet
saisonnier mais aussi à des effets locaux et ponctuels encore à éclaircir.
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F1
F2
F3
F4
F5
F6
F7
F8
F9
F10
Mg+
T°C
HCO
µS
NA+
K+
NO3-
SO4--
Ca++
Cl-
3-
0% 1.5 -1.5
Mg+
T°C
µS
NA+
K+
Cl-
NO3-
SO4--
HCO3-
Ca++
2.0 -2.0 Orbe Mourtès
Gougouch Ourtau
2.5 -2.5
(a) (b) (c) o
Ordre des sources : de gauche à droite : Orbe, Mourtès, Gourgouch et Ourtau
5 5
Orbe F2 28% Mourtès F3 13%
Mourtès Orbe
Gourgouch Gourgouch
Ourtau Ourtau
2.5 2.5
F1 33% F1 33%
0 0
-5 -2.5 0 2.5 5 -5 -2.5 0 2.5 5
1 1
-2.5
F2 Ca++ F3 -2.5
Cl-
HCO-3 T°C T°C
µS Na+
NO-3
+ Na+
K HCO-3
-5 Ca++ -5
-1 Mg
++
F1 1-1 µS
F1 1
SO--4
Mg++ Cl-
SO--4
K+
(d) NO-3 (e)
-1 -1
Figure 3 : Coefficients de variation (a), moyennes (b) des variables centrées réduites et moyennes des
composantes principales (c) de chaque source. Plans principaux F1F2F3 et cercles des corrélations (d)
et (e)
F1 F2 F3 F4 F5 F6 F7 F8 F9 F10
Cond (µS) 74% 97% 97% 97% 97% 98% 98% 98% 100% 100%
T°C 0% 40% 79% 84% 85% 95% 99% 99% 100% 100%
Cl- 11% 66% 73% 75% 82% 87% 100% 100% 100% 100%
NO3- 19% 31% 80% 85% 89% 89% 98% 99% 100% 100%
SO4- 14% 23% 24% 59% 99% 99% 99% 99% 99% 100%
HCO3- 64% 95% 95% 96% 98% 99% 99% 99% 99% 100%
Na+ 52% 71% 78% 85% 85% 93% 94% 99% 100% 100%
K+ 4% 10% 34% 77% 98% 99% 99% 100% 100% 100%
2+
Mg 93% 95% 97% 97% 97% 97% 97% 99% 99% 100%
Ca2+ 1% 84% 85% 85% 86% 93% 94% 99% 99% 100%
% Variance totale absorbée
Orbe 35% 42% 66% 77% 86% 92% 97% 100% 100% 100%
Mourtès 36% 45% 74% 83% 91% 95% 97% 100% 100% 100%
Gourgouch 52% 85% 88% 91% 95% 97% 99% 100% 100% 100%
Ourtau 13% 67% 71% 86% 96% 97% 99% 100% 100% 100%
% Variance intrasource absorbée
Orbe 3% 17% 31% 53% 71% 83% 95% 99% 100% 100%
Mourtès 3% 17% 31% 53% 71% 83% 95% 99% 100% 100%
Gourgouch 4% 14% 31% 50% 71% 85% 93% 99% 100% 101%
Ourtau 6% 14% 21% 61% 88% 93% 97% 99% 100% 100%
Tableau 2 : Saturation des variables sur les axes factoriels (espace des variables), et pourcentages
cumulés de variance totale et intrasource absorbés par les axes factoriels (espaces des individus)
101
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
En résumé, tenant compte d’une part de la structure du nuage de points dans l’espace à dix
dimensions décrit ci-dessus et, d’autre part, des valeurs absolues des paramètres physico-
chimiques et de leur distribution que l’on peut trouver dans Rey (3), on établit que :
- les distances entre points moyens sont suffisamment importantes pour qu’il n’y ait pas
de recouvrement dans l’espace vectoriel : chaque source a son caractère propre,
- les angles entre vecteurs reliant l’origine du système à chacun des centres de gravité
sont proches de 90° montrant ainsi une certaine indépendance des caractéristiques moyennes
des sources,
- la variabilité intrasource et les coefficients de variation des sources des Mourtès et de
Gourgouch sont nettement inférieurs à celle de Orbe et Ourtau montrant, de ce fait, une plus
grande stabilité des valeurs des paramètres physico-chimiques,
- il suffit de deux facteurs pour distinguer les sources à faciès bicarbonaté calcique
magnésien (Ourtau et Gourgouch, 1er chaînon) des sources à faciès simplement bicarbonaté
(Mourtès 2ème chaînon et Orbe 3ème chaînon),
- le caractère séléniteux à composante saisonnière des sources est traduit par l’axe F5,
- la variabilité des conductivités et leurs distributions unimodales ou plurimodales (non
rappelées ici) conduisent à identifier les aquifères dont le fonctionnement est de type fissuré
(Mourtès et Gourgouch) ou karstique (Ourtau et Orbe). Ces deux dernières sources présentent
de ce fait une vulnérabilité qui sera étudiée au paragraphe suivant.
En conclusion, deux faciès chimiques majeurs, l’un bicarbonaté calcique à la Fontaine d’Orbe
(3ème chaînon) et à Mourtès (2ème chaînon) et l’autre bicarbonaté calcique magnésien à
Ourtau et Gourgouch (1er chaînon), sont mis en évidence ; les concentrations en magnésium
sont dues à la présence de dolomies du Bathonien-Oxfordien qui constituent en grande partie
les bassins d’alimentation, particulièrement dans le cas des premier et second chaînons. Ce
résultat a été complété par l’étude de la relation entre les teneurs en ions magnésium et
calcium (Mg2+ et Ca2+) qui montre une quasi indépendance des teneurs pour les sources de La
Fontaine d’Orbe et des Mourtès et une corrélation positive et significative pour les deux
autres sources. La structuration géologique des chaînons béarnais permet de prévoir que le
faciès de l’eau des sources y sera de l’un ou l’autre des deux faciès : bicarbonaté calcique
pour les réservoirs urgoniens et liasiques et bicarbonaté calcique magnésien pour les
réservoirs jurassiques. Par ailleurs, deux types de fonctionnement hydrodynamique sont à
distinguer parmi les quatre systèmes étudiés. Le premier correspond à un comportement
karstique (sources de la Fontaine d’Orbe et de l’Ourtau) avec les plus fortes variations
annuelles de la minéralisation et de la température. Le second, de type carbonaté fissuré
(Mourtès et Gourgouch), montre à l’inverse des valeurs très stables quelle que soit la période
hydrologique. Cette conclusion est corroborée par l’étude des variations des teneurs en δ13C
mesurées au cours de périodes hydrologiques distinctes et par celle des équilibres
calcocarboniques (3) En effet, à l’étiage, les eaux des quatre sources présentent un δ13C
identique avoisinant – 13 ‰ (à ± 0,2), par contre, suite à de forts cumuls de précipitation les
teneurs en δ13C baissent de 1 ‰ aux sources karstiques et augmentent de 1 ‰ aux sources
issues d’aquifères fissurés dans le même temps. De plus la relation linéaire LogpCO2/ISc
montre des coefficients de régression distincts selon l’origine de la source : -0,8 pour une
origine karstique et 1 pour les sources issues d’un aquifère fissuré.
L’ensemble de ces résultats converge et conduit à la proposition selon laquelle il existe deux
types de fonctionnement hydrodynamique dans les chaînons béarnais : l’un de type fissuré et
l’autre karstique. Les systèmes de la Fontaine d’Orbe et de l’Ourtau, bien qu’étant tous deux
karstiques et particulièrement vulnérables, ne réagissent cependant pas de la même manière à
un évènement pluvieux : ceci est décrit dans le paragraphe suivant.
102
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
60 40
295 280
0 275 0 240
08/09 10/09 12/09 14/09 24/09 26/09 28/09 30/09 02/10
400 300
Fontaine d’Orbe
Conductivité (µS/cm)
Turbidité (NTU)
340 200
Conductivité
280 100
Turbidité
220 0
06/05 09/05 12/05 03/06 06/06 09/06
400 Ourtau 40
Conductivité (µS/cm)
350 30
Turbidité (NTU)
300 20
250 10
200 0
06/05 07/05 08/05 09/05 10/05 11/05 12/05 01/06 02/06 03/06
103
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Contexte climatique
Le contexte climatique des chaînons béarnais (pluviométrie, température, évapotranspiration)
a été étudié en détail par Rey (3), les grands traits climatologiques de la région seront donc
présentés ici en s’appuyant sur la seule station d’Oloron-Sainte-Marie (station n°64422004 de
Météo-France, 43°10'12"N, 0°35'24"W, 235 m d’altitude) située au nord des chaînons et au
confluent des deux gaves les traversant : les gaves d’Aspe et d’Ossau. La série chronologique
dont nous disposons commence au mois de février 1964 et se termine au mois de décembre
2007 ; on présente ci-dessous une analyse des chroniques annuelles et mensuelles.
L’analyse de la température au cours de la même période (Figure 9) montre que celles des
années récentes se situent principalement dans le troisième quart de la courbe des fréquences
cumulées (années 2000, 2002, 2003, 2004, et 2006) ; l’année 2007 montre, par contre, une
température inférieure (13°1) à la moyenne (13°3). La tendance à l’augmentation des
températures moyennes annuelles est manifeste et cela d’autant plus que l’analyse est limitée
à la période [1974-2007]. Pour cette période l’accroissement estimé par le coefficient de
régression linéaire serait de 1°15 alors que, estimé sur la totalité de la période, il serait de
1°05 en 43 ans. Rey (3) a montré que cette élévation des températures est due à celle de
certains mois de l’année. Ces mois sont, tenant compte de l’année 2007, les mois de mars,
avril, mai, juin et octobre pour lesquels les élévations de température toujours estimées par le
coefficient de régression seraient de 0,06, 0,05, 0,09, 0,06 et 0,08°/an pour la période 1974-
2007 . Il faut noter que les mois de mars, mai, juin, et octobre restent marqués par un
accroissement moindre mais significatif lorsque la période est élargie à l’intervalle 1964-
2007. Il ne sera pas question d’évapotranspiration dans cet article mais il est apparaît que les
mois pour lesquels les températures moyennes mensuelles augmentent sont ceux pour
lesquels la demande biologique en eau est forte, ce qui contribue donc à une moins grande
disponibilité pour la recharge des nappes. Ces observations encore fragmentaires tant en
raison de la durée de la série de données que par le type d’analyse en corroborent d’autres
établies par ailleurs, par exemple à l’échelle régionale par l’analyse des données de la station
de Bordeaux Mérignac (6) ou de façon plus globale (7).
104
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janvier
novembre
juillet
septembre
mai
mars
900 1989 = 1321
800
1965 1974 1983 1992 2001 2010
0.3 11
0.2
10
0.1
1972
Température °C
0.0 9
10.0 12.0 14.0 16.0 1965 1974 1983 1992 2001 2010
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Remerciements
Les auteurs remercient le Conseil Régional d’Aquitaine, le Conseil Général des Pyrénées
Atlantiques, et l’Agence de l’eau Adour Garonne et l’ANRT (convention CIFRE) pour le
soutien qu’ils ont apporté à ce projet
Références bibliographiques
(1) Berteaud P. (2005) - Les eaux souterraines, un patrimoine essentiel, dans l’eau
souterraine, Géosciences, n°3.
(2) EauFrance site http://www.eaufrance/docs/dce2004/R_DCE_2_2_0.htm
(3) Rey F. (2007) - Ressources en eau souterraines dans les chaînons béarnais (Pyrénées-
Atlantiques). Géométrie, et fonctionnement hydrogéologique de quatre aquifères carbonatés.
Thèse de doctorat, Université Bordeaux 1. http://tel.archives-ouvertes.fr/
(4) Valdès D., Dupont JP, Massei N., Laignel B., Rodet J. (2006) - Investifation of karst
hydrodynamics and organization using autocorrelation and T-∆C curves. Journal of
Hydrology, 329, 432-443.
(5) Williams G.P. (1989) - Sediment concentration versus water discharge during single
hydrologic events in river. Journal of Hydrology, 111.
(6) Riss J., Malaurent Ph. (2008) - Evolution des températures et des précipitations à
Mérignac depuis les années 1920. L’écho des Faluns, n°22-23, 26-28.
(7) IFEN (2005) - Les indices du réchauffement climatique. Les données de
l’environnement, 102,1-4.
106
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
INTRODUCTION
Ce système étudié depuis longtemps (12 ; 13) est défini par l’ensemble hydrogéologique
interactif suivant :
- un tronçon de la Loire et le cours du Loiret ;
- la nappe d’eau souterraine des alluvions de la Loire, dont le lit majeur est fortement élargi à
l’amont d’Orléans ;
- l’aquifère des calcaires de Beauce, sous-jacent aux alluvions, en contact direct avec celles-ci
dans la partie aval, et séparé des alluvions par les sables et argiles semi-perméables de la
formation de Sologne (Burdigalien) dans la partie amont.
Les limites géographiques de ce Val sont claires (figure 1) : le tronçon de plaine alluviale
concerné s’étend, sur une longueur de 40 km et une largeur de 4 à 7 km, de la confluence
Loire-Loiret, à l’ouest, jusqu’à Sully/Loire, où la plaine alluviale se rétrécit fortement, à l’est.
Mais la délimitation du système hydrogéologique est encore sujet de discussion et peut
différer selon les auteurs.
Certains limitent le système à tout ou partie de la plaine alluviale ; celle-ci est bordée au nord
par le rebord du bas plateau des calcaires de Beauce et au sud par le glacis d’Olivet (vieilles
terrasses alluviales) et le coteau de Sologne (formation semi-perméable burdigalienne). Cette
délimitation, donnant au système une surface de 140 km2, a été utilisée en 1979 par C.Zunino
pour bâtir un modèle mathématique de simulation des écoulements souterrains.
J.L. Chéry (4) et E. Livrozet (11) ont étendu le système vers le sud pour y intégrer les apports
souterrains du glacis d’Olivet et du coteau de Sologne jusqu’à la crête piézométrique
présumée de la nappe phréatique. La limite nord, traité par Zunino (14) comme limite à
potentiel imposé par la Loire reste la même. La surface du système atteint alors 400 km2.
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D’autres auteurs ont pris en compte les flux d’eau qui s’engouffrent rive droite au nord de la
Loire (dans le ru de Lanche notamment) et resurgissent au sud-ouest (9 ;12), ce qui augmente
encore la surface du système.
La définition plus administrative utilisée par la SAGE « Loiret » prend en compte seulement
la rive gauche du Val de Loire mais englobe au sud une large part des communes riveraines.
La surface du SAGE, est estimée à 280 Km2.
Le principal phénomène à l’origine de ces définitions est l’existence dans le Val de pertes
massives de débit de la Loire entre Châteauneuf /Loire et Chécy, sur une vingtaine de
kilomètres du cours de ce fleuve : pertes diffuses dans le lit à travers les alluvions récentes ;
pertes localisées dans de nombreux gouffres creusés dans le substrat calcaire de ces alluvions,
notamment au droit de Jargeau et de Sandillon (photo). A ces pertes correspondent des
résurgences, elles aussi diffuses ou ponctuelles (gouffres émissifs), tout le long du Loiret,
produisant l’essentiel de son débit, et aussi en Loire, à l’aval d’Orléans. Un certain nombre de
ces gouffres ont été explorés par les spéléologues, notamment le source du Bouillon, à
l’origine du Loiret et la source de l’Abime : le film « Loiret souterrain » réalisé par P.
Boimoreau témoigne de la profonde extension des conduits karstiques et du gigantisme de
certaines cavités.
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Tableau 1 : Bilans hydrologiques annuels du système du Val d’Orléans (en millions de m3)
Auteur Conditions Pe Qc Pl = Ex Ql Rl
Chéry 1983(a) année humide 74 - 281 = 40 315 -
Livrozet 1984(b) année humide 106 - 317 = 45 378 -
Gonzalès 1991(c) année moyenne (60) - (515) = (40) (315) 220
Géohyd 2004(d) année moyenne 18 - 449 = 10 315 142
Lepiller 2006(e) année moyenne 27 - 453 = 35 170 275
Cette étude(f) année moyenne 60 5 485 = 50 200 300
(a) système de 400 km2, pluies efficaces Pe de180 mm au lieu de 150 mm/an en moyenne ;
(b) système de 400 km2, pluies très exédentaires (Pe = 265 mm/an) ;
(c) système de 400 km2, chiffres entre parenthèses tirés des précédents, recalculés en année moyenne, en tenant
compte des résurgences en Loire évaluées par cet auteur ;
(d) système de 140 km2, étude préalable à l’établissement du SAGE ; pluies efficaces de 130 mm dont 30 mm
ruissellent et 100 mm alimentent le système.
(e) système de 460 km2, pluies efficaces de 100 mm, dont 40 ruissellent et 60 mm s’infiltrent.
(f) système de 400 km2, année de pluviosité moyenne (150 mm/an); le débit souterrain venant du coteau de
Sologne est estimé par la loi de Darcy avec les données suivantes : transmissivité = 0,01 m2/s, gradient
hydraulique = 0,05 %, largeur du front de nappe 40 km.
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Deux approches ont été tentées : la première par modélisation mathématique, à partir d’un
modèle d’écoulement déterministe, en régime d’écoulement permanent correspondant à un
débit d’étiage (45 m3/s). La surface du Val ainsi modélisée représente 140 km2 du Val ; le
système est considéré comme un aquifère unique à double couche à l’aval de
Châteauneuf/Loire où ont lieu les pertes, et à l’amont, comme deux aquifères séparés par une
couche semi-perméable (K Darcy = 10-5 m/s) permettant la circulation de débits verticaux.
L’espace est découpé en mailles de 635 m de côté. Le meilleur ajustement entre la
piézométrie mesurée et calculée est obtenu après 18 phases de calage, en introduisant dans le
champ spatial des transmissivités de l’aquifère calcaire des drains extrêmement transmissifs,
simulant les chenaux karstiques (figure 2). Les valeurs de transmissivité, hors chenaux,
varient de 0,01 à 0,1 m2/s dans la partie aval où l’aquifère des calcaires est en contact direct
avec les alluvions, elles sont 10 à 100 fois plus faibles dans la partie amont où cet aquifère est
captif. Le débit du Loiret pour le meilleur calage est 0,31 m3/s, ce qui pourrait indiquer le très
rapide tarissement des volumes stockés dans les alluvions.
L’autre approche poursuivie depuis longtemps (2 ; 9 ; 12) consiste en des traçages, avec des
colorants injectés en divers points de pertes, dont l’éventuelle restitution est suivie aux points
de résurgence supposés. Cela permet de préciser les limites du système, de caractériser les
vitesses d’écoulement le long des drains majeurs, et éventuellement les phénomènes de
dispersion dans le flot écoulé.
Les traçages réalisés entre les pertes de Jargeau et les exutoires du système du Val d’Orléans
ont permis d’observer des vitesses moyennes de transit assez fortes. Ces vitesses sont peu
dépendantes du débit du fleuve. Un accroissement de la vitesse apparente entre l’amont de la
zone d’exhaure a été ainsi observé (vitesse apparente. jusqu’à la source du Bouillon: 100 à
140 m/h) et l’aval (vitesse apparente. jusqu’à la source de la Pie : 200 m/h environ) .
Il existe une liaison souterraine directe sous la Loire entre des gouffres absorbants rive droite
(pertes de Lanche et du ru de Chenailles, près de Châteauneuf/Loire) et les sources du Loiret.
La contribution de ces pertes à l’alimentation du système a été confirmée à trois reprises. Les
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
traçages réalisés ont montré des vitesses apparentes différentes selon les conditions
hydrologiques (68m/h en basses eaux et 142 m/h à hautes eaux) (9).
Divers traçages réalisés à partir de gouffres absorbants (pertes de Jargeau et plan d’eau de l’ile
Charlemagne) ont donnés des restitutions à la source de Bellevue à La Chapelle-Saint-
Mesmin (vitesse apparente 79 m/h). Ceci indique l’existence, le long de la Loire, de drains
karstiques importants distincts de ceux du Loiret.
Les taux de restitution des traceurs sont généralement très faibles, de l’ordre de 1 % ou moins
encore, indice que les masses de colorants injectées sont fortement diluées (apports venant de
la nappe alluviale ou, plus probablement, de drains latéraux convergents vers l’émergence) ou
encore que la masse d’eau colorée subit des phénomènes de diffluence (9).
Des traçages ont été également opérés à l’aide de traceurs microbiologiques (3), en injectant
des germes bactériens dans les pertes de Jargeau. Ces traceurs migrent de la même manière
que les traceurs colorés jusqu’à la source du Bouillon et se retrouvent, quoi qu’en
concentration moindre et avec un délai plus long, dans les captages d’eau potable de la Ville
d’Orléans, situés à l’écart (à 500 m) du drain karstique.
Le schéma physique décrivant le système peut être représenté par une couche perméable en
petit (les alluvions), superposée directement ou non à l’aquifère discontinu des calcaires de
Beauce, comportant un réseau de drains plus ou moins anastomosés. La figure 3 représente,
dans la partie du Val où l’écran semi-perméable entre les deux couches est absent, la trace des
drains principaux, principalement entre Jargeau, la source du Bouillon et les diverses sources
échelonnées le long du Loiret d’une part, et entre Sandillon et ces sources d’autre part. On
remarque aussi l’existence d’un drain majeur le long de la Loire débouchant vers les
émergences de La Chapelle St Mesmin et, sans doute, d’un drain entre les pertes du ru de
Limère et l’aval du système.
Cette figure esquisse le sens des échanges entre les écoulements de surface et les écoulement
souterrains: on voit que la nappe souterraine alimente la Loire (hors crue de celle-ci) à
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
l’amont du système, que la Loire alimente ensuite l’aquifère entre Jargeau et la boucle de Bou
(secteur de Chécy), à l’aval de laquelle les relations entre la Loire et la piézométrie du
système aquifère sont complexes, certains regards pouvant tour à tour fonctionner en perte ou
en émergences, comme du reste le long du cours du Loiret (1; 9).
Figure 4 : Cotes de la Loire à Orléans (----) et la source du Bouillon (----) lors du cycle
hydrologique 1979-80.
Les phénomènes physico-chimiques principaux existant lors du transit des eaux de la Loire
jusqu’à la source du Bouillon dans le système karstique sont d’après Chéry (4) :
- forte diminution de l’amplitude thermique maximale (16° pour la source du Bouillon
contre 24° pour la Loire) ;
- majoration sensible de l’alcalinité et de la teneur en calcium ;
- faible augmentation de l’azote sous forme de nitrate (gain de 1 à 2 mg/l N) ;
- et surtout chute de l’oxygène dissous (3,4 mg/l en moyenne contre 11 mg/l en Loire).
Les mêmes tendances se retrouvent dans l’eau des diverses sources du Loiret, avec une
augmentation plus nette des teneurs (nitrate, alcalinité, calcium) pour les sources plus
lointaines.
112
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
La courbe de distribution de fréquence des valeurs des principaux paramètres (Ca, HCO3)
n’est pas beaucoup modifiée pendant le transit ; cela peut s’expliquer par la surface et le
temps de contact assez réduits entre l’eau issue de la Loire et l’aquifère calcaire. Les faibles
teneurs en nitrate semblent dues au fait que les circulations dans le karst sont généralement en
charge par rapport à la nappe d’eau alluviale, qui est bien plus polluée que la Loire.
Les travaux de Livrozet (11) ont permis d’éclairer les phénomènes biogéochimiques
intervenant pendant le transit des eaux souterraines. Le suivi hebdomadaire de la source du
Bouillon et bi-mensuel de la Loire, pendant un cycle hydrologique complet, des paramètres
contrôlés par les réactions microbiologiques (pH, teneur en oxygène, formes de l’azote)
confirme les tendances décrites par Chéry et met en évidence :
- une baisse de pH de 0,1 à 0,3 unité en saison froide et de 1,5 unité en saison chaude, entre
les pertes de Loire et la résurgence ;
- la disparition presque totale des matières en suspensions, abondantes pendant les crues et
pendant les périodes d’eutrophisation de la Loire.
Les germes introduits dans le système se retrouvent dans les captages de la Ville d’Orléans,
avec des teneurs certes inférieures à celles trouvée en Loire, mais encore bien au-delà des
normes sanitaires, et avec parfois des traces de matières organiques non dégradées,
pénalisantes pour le traitement de l’eau. Le comptage des bactéries du cycle de l’azote indique
la présence de tous les germes de minéralisation et de dénitrification de l’azote, mais les
conditions de température ne favorisent pas leur métabolisme.
En conclusion, les eaux souterraines de ce système karstique sont peu minéralisées, proches
de la composition de l’eau de la Loire. Mais la forte demande en oxygène, nécessaire à la
biodégradation des matières organiques provoque, notamment lors des épisodes
d’eutrophisation de la Loire (6) la quasi-anoxie des eaux résurgentes et en conséquence le bas
niveau de leur capacité épuratrice.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Aspects quantitatifs
Le potentiel de production de cette ressource karstique, avec une alimentation latérale 5 à 10
fois supérieure aux apports météoriques directs, est remarquable. Cependant ce bilan,
apparemment très excédentaire vis-à-vis des besoins actuels ne doit pas faire oublier le
tarissement rapide des résurgences lors d’étiages de la Loire. Une augmentation excessive des
prélèvements en étiage dans le Val risque d’aggraver la vitesse de tarissement des résurgences
et de diminuer le débit du Loiret, avec des conséquences sur l’envasement et la dilution des
polluants. Une gestion rigoureuse de cette ressource visant à encadrer les attributions de
prélèvement en fonction de la sévérité des étiages sera sans doute nécessaire.
Aspects qualitatifs
Du point de vue qualitatif, le système karstique est très fortement vulnérable, dans sa partie
libre où l’aquifère communique directement avec la nappe alluviale. Le poids de la Loire dans
son alimentation exige un contrôle continu de la qualité des eaux du fleuve et le recours à une
solution immédiate de secours en cas d’accident polluant grave sur le fleuve. En outre, les
activités et installations de surface existantes sur le Val (grandes cultures et cultures
maraichères, pépinières, serres, industries agro-alimentaires) créent une pression polluante
importante. Le pouvoir de filtration et d’épuration de cet aquifère est très faible, voire
inexistant : les pollutions chimiques et microbiologiques peuvent s’y propager avec des
vitesses très rapides. En outre les émissaires qui drainent la plaine alluviale et débouchent via
le Dhuy dans le Loiret près de la source, apportent à ce cours d’eau fragile des masses
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Les interrogations
Malgré des travaux avancés sur le système karstique du Val d’Orléans, la délimitation précise
du système reste mal connue : à l’est vers l’amont du Val et au sud la situation de la crête
piezométrique de l’aquifère des calcaires de Beauce.
Un traçage réalisé par Lepiller et Jozja, en novembre 2003 à partir d’un forage agricole à
Ouvrouer-les-Champs a confirmé que le drainage karstique s’étendait vers l’est, au moins
jusqu’au pied du talus piézométrique résultant du soutien de la nappe des alluvions par le
Burdigalien argilo-sableux. Il serait particulièrement indiqué de rechercher l’existence d’une
éventuelle karstification sous le Burdigalien, entre ce talus piézométrique et la Loire par la
réalisation de traçages à partir de forages au calcaire de Beauce.
Aussi l’hydrométrie des affluents de rive droite de la Loire est mal connue. L’hydrogéologie
des systèmes de l’Oussance et de la Bionne, qui comportent plusieurs pertes sur leur bassin
versant, ou celui de leurs affluents est à préciser à l’aide de traçages.
Sous le glacis d’Olivet, la question de la contribution des pertes de deux systèmes
hydrologiques superficiels issus de la formation de Sologne (les ruisseaux de Limère et de
Baule) à l’alimentation du système karstique du Val d’Orléans n’a pu être tranchée malgré la
réalisation, en 1981 et 1985, de trois traçages (4, 7). Les traçages des ruisseaux de Limère et
de Baule seraient donc à envisager en période de crue avec une surveillance des émergences
du Clouseau, de la Pie, de l’Abîme à Mézières-lès-Cléry, des Eaux-Bleues à Cléry-Saint-
André et du forage artésien de la Petite Qualité à Dry.
Références bibliographiques
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
(12) Marboutin F. 1901 et 1902- Etudes hydrologiques, Mission Val d’Orléans. Commission
scientifique de l’Observatoire municipal de Monsouris.
(13) Sainjon H. 1888- La Loire, le Loiret et les courants souterrains du Val d’Orléans.
(14) Zunino C. 1979- Contribution à l’étude hydrogéologique du Val d’Orléans.
Etablissement d’un modèle mathématique de simulation de nappe. Thèse Doc. Spéc. Univ.
Orléans.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Patrick Albéric
I. INTRODUCTION
Situés dans un territoire profondément modelé par l'homme, les points d'émergence des
sources du Loiret et le cours du Loiret lui même ont été à plusieurs reprises aménagés,
particulièrement en ce qui concerne la relation entre écoulement de surface et émergence
d'eau souterraine. Les documents les plus instructifs à ce sujet sont sans doute l'article rédigé
en 1736 par l'abbé de Fontenu et les plans de Beaurain réalisés en 1739 et publiés ensemble
dans les Mémoires de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres (2). Le point
important concerne l'écartement progressif du cours du Dhuy des points d'émergence
karstique donnant naissance au Loiret (Figure 1). Outre l'attrait architectural apporté par ces
aménagements, l'isolement des points d'émergence a créé des conditions privilégiées pour le
prélèvement et accessoirement l'analyse des eaux résurgentes!
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Figure 1: Plans de Beaurain, In Abbé de Fontenu 1736. Réflexions historiques sur le Loiret.
Mémoires de l'Académie Royale des Inscriptions et Belles Lettres, Tome XII, 153-163.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
années, seule la source amont du Loiret dite le "Bouillon" était demeurée active. Suite aux
efforts de l'association Spéléologie Subaquatique Loiret et de son président Philippe
Boismoreau la désobstruction du point d'émergence des conduits karstiques aboutissant à la
source de l'Abîme a permis de réactiver la source historique (appelée Grande Source au
XVIIIème siècle) située dans le cours du Loiret au pied du château.
La troisième source, dite du Gouffre, mentionnée par les auteurs dès la fin du XVIIIème siècle
(3) jusqu'à la fin du XIXème siècle (4; 5) mais apparemment absente des plans et cartes datant
de la première moitié du XVIIIème siècle (Beaurain, Cassini) se situait sur le bord du fossé du
Dhuy en face de l'actuel captage AEP du puits du Gouffre, mis en service par la ville
d'Orléans en 1876 (6). Cette troisième source dite du Gouffre, colmatée vers 1879 (5), devait
correspondre à un effondrement des berges du fossé du Dhuy à l'aplomb d'un conduit
karstique exploité ensuite par la prise d'eau du puits du Gouffre. Les descriptions faites du
fonctionnement alternativement émissif ou absorbant de cette cavité (4; 6; 5) correspondent
étroitement aux observations qui seront faites à partir de 1997 à la source du Bouillon puis à
l'Abîme (7; 8).
Bien que l'exploration spéléologique indique que ces trois points d'émergence (Bouillon,
Abîme, Gouffre) correspondent à des regards accédant à des conduits karstiques différents, les
prélèvements d'eau effectués aux trois points montrent une composition chimique unique au
moins en ce qui concerne les éléments majeurs et le carbone organique dissous. La variation
de leur teneur en chlorure lors d'une crue de la Loire est illustrée Figure 2. La répercussion
identique (en concentration et dans le temps) de la diminution des teneurs en Cl- aux trois
sources indique l'origine commune des eaux. Au contraire, les sources situées plus en aval sur
le cours du Loiret (Rigouillarde, St Avit, La Pie) présentent des teneurs légèrement différentes
qui témoignent d'un mélange plus important entre les eaux de Loire et un ou plusieurs autres
pôles.
16 3
14 2.5
hauteur Loire (m)
Chlorure (mg/L)
12 2
Bouillon - Abîme - Gouffre
10 1.5
Loire
8 1
6 0.5
9/4/01
19/4/01
29/4/01
9/5/01
19/5/01
Figure 2: Variation des teneurs en chlorure de la Loire et des sources du val d'Orléans lors
d'une crue de la Loire. Bouillon, Abîme et Gouffre présentent des concentrations identiques et
plus proches de celles de la Loire que le second groupe (Rigouillarde, St Avit, la Pie).
119
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Dès 1736 (2), l'hypothèse d'une relation étroite entre la Loire et les sources du Loiret avait été
formulée et même ensuite fortement étayée (4; 9). Ce n'est qu'à partir du début du XXème
siècle que les traçages artificiels, relatés dans plusieurs travaux particuliers ou de synthèse sur
les sources du Loiret et l'hydrogéologie du val d'Orléans (10; 11; 12; 13; 14; 15), ont permis
d'établir puis de préciser les liens entre les cours d'eau de surface (Loire principalement, mais
également ruisseau de l'Anche) et les résurgences, sources du Loiret. Ces expérimentations
ont permis de déterminer qu'environ 3 jours pouvaient suffire aux eaux perdues vers Jargeau
pour atteindre le Bouillon.
Après le décès accidentel de Michel Lepiller, le transfert dans le Val d'Orléans de l'école de
traçage qu'il avait mis en place pour les élèves de Polytech Orléans dans le massif des Bauges
(Savoie), a donné lieu à des opérations annuelles de traçage entre Jargeau et les résurgences
qui perpétuent la transmission de l'état de l'art, et continuent à faire progresser la connaissance
du système (16).
Les relations hydrochimiques entre les eaux de Loire et les résurgences ont été
particulièrement étudiées par Chéry (13). La comparaison entre les teneurs en éléments
majeurs de la Loire et des sources du Bouillon et de la Pie en fonction des cycles
hydrologiques permet d'apprécier les similitudes (Na, K, Cl) et les différences (O2 dissous,
pH, Ca) entre les différentes eaux. Sur ces bases, un temps de transit moyen des masses d'eau
entre la Loire et les résurgences de plusieurs semaines avait été envisagé pour tenir compte
des différences probables de vitesse des eaux circulant grâce à la perméabilité moyenne de
l'aquifère ou par les conduits majeurs nécessairement privilégiés par les traçages artificiels.
Au début des années 90, de nouvelles campagnes de prélèvement avec un pas de temps plus
court et ciblant un suivi des crues de Loire ont permis de montrer que c'était plutôt la totalité
de la masse d'eau qui circulait rapidement en 3 jours, témoignant de l'importance de la
karstification du système (17). La Figure 3 présente la variation en chlorure des eaux de Loire
et du Bouillon lors d'une crue suivie en 1993. La diminution des teneurs en Cl- avec la crue
constitue un traçage naturel de l'ensemble de la mase d'eau du fleuve. On a pu constater qu'à
partir d'une situation quasi stationnaire avant la crue (teneurs égales en Loire et au Bouillon),
le transfert de la diminution de la teneur en Cl- se faisait avec un décalage de 3 jours à la
résurgence, concordant donc avec les traçages artificiels. Ce résultat nouveau a permis de
considérer le système hydrogéologique du val d'Orléans comme un réacteur biogéochimique
fonctionnant sur 3 jours, dont on pouvait connaitre facilement (en période de faible impact de
l'impluvium local) les concentrations des composés entrant (Loire) et sortant (résurgence du
Bouillon). Il a ainsi été possible de montrer que les processus de dégradation de la matière
organique apportée par les eaux de Loire pouvaient expliquer quantitativement la dissolution
du calcaire dans l'aquifère (17; 18; 19). Cependant, en période de forte contribution des
précipitations locales par infiltration diffuse ou par perte des ruisseaux drainant les eaux de
ruissellement du val, la contribution d'au moins un troisième pôle chimique ne permet plus
d'équilibrer facilement les bilans de matière.
120
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
19 1
18
0.5
17
16
0
15 source du Bouillon
14
-0.5
13 Loire
12 -1
4/9/93
11/9/93
18/9/93
25/9/93
2/10/93
9/10/93
16/10/93
Figure 3: Variation des teneurs en chlorure des eaux de Loire et de la résurgence du Bouillon
lors d'une crue d'après (17).
Dans son travail de thèse, réorienté après le décès de Michel Lepiller, Ali Joodi utilise les
informations apportées par les traçages artificiels (fluorescéine) et naturels (chlorure) pour
contraindre un modèle numérique du système hydrogéologique du val d'Orléans (16;20).
L'intrusion des eaux boueuses du Dhuy dans la vasque du Bouillon début juillet 1997 a
marqué le démarrage d'un travail sur le fonctionnement en perte des sources du Loiret.
L'inventaire des épisodes d'écoulement inverse a permis d'établir une relation algébrique entre
les niveaux journaliers des hauteurs d'eau de la Loire et du Dhuy permettant de retracer les
différents événements connus entre 1997 et 2000 (7; 8). L'indice d'absorption calculé par cette
méthode permettrait même de prévoir l'éventualité imminente d'un nouvel épisode et
d'anticiper au besoin les mesures à prendre pour préserver la qualité des eaux pompées par les
captages AEP les plus proches des sources. Le même indice a également permis de rechercher
l'existence dans le passé de périodes propices au fonctionnement inverse des sources et est
actuellement étendu jusqu'au milieu des années 1960 dans une problématique d'étude de
l'impact des variations climatiques sur l'hydrologie du val d'Orléans et la qualité des eaux
(21).
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Terminons ce rapide panorama des travaux de l'Université d'Orléans sur les sources du Loiret
au Parc Floral en relatant le traçage effectué en compagnie de Michel Lepiller à partir de la
cavité du Bouillon pendant l'épisode d'écoulement inverse du 13 décembre 1997. Ce traçage
(Figure 5) avait donné lieu au compte-rendu reproduit ci-dessous ainsi qu'un article dans la
République du Centre du 13 février 1998 (Figure 6). La mise en évidence d'une circulation
aval depuis la cavité du Bouillon s'était révélée également être un aiguillon pour l'exploration
spéléo de nouveaux conduits et finalement pour entreprendre la désobstruction de l'Abîme.
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0.6
Restitution du traceur injecté à la source du Loiret
(résurgence du Bouillon fonctionnant en perte)
0.5
Fluorescéine (microgrammes/litre)
Résurgence de Saint-Avit
0.3
0.2
0.1
0
0 1 2 3 4 5
Temps en jours depuis l'injection
123
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Avit et à la Pie laisse penser que ces liens n’offrent pas des conditions de mélange, avec
puissent être séparés, au moins sur une partie du d’autres types d’eaux, qui soient différentes l’une
trajet conduisant à St Avit. La vitesse de de l’autre.
circulation des eaux serait dans ce cas supérieure Ces observations doivent par ailleurs faire
dans la partie du drain conduisant aux sources de comprendre la vulnérabilité de la qualité des eaux
la Pie. Il faut noter aussi le peu de différences de de résurgence et de captage du Val d’Orléans
concentration du traceur dans les eaux des deux pendant les épisodes de fonctionnement de la
résurgences, ce qui peut indiquer que les deux source du Loiret en perte des eaux du Dhuy.
voies de circulation souterraines envisagées,
Figure 6
République du centre, 13 février 1998
V. CONCLUSION
Le Val d'Orléans est un site privilégié d'étude des relations entre écoulement de surface et
aquifère karstique. Comme réacteur biogéochimique assez bien contraint il offre la possibilité
de tester in situ de nombreux processus parmi lesquels la réactivité ou la stabilité des
micropolluants organiques, les fractionnements isotopiques, la spéciation des éléments traces
ou les interactions avec la matière organique totale. Certains de ces volets sont en cours de
développement, en particulier grâce à des collaborations fructueuses entre les équipes du
BRGM et de l'Université d'Orléans. D'autres aspects liés à la réactivité des microparticules et
aux informations qu'elles transmettent sur la dynamique et l'origine des eaux dans les
systèmes karstiques devraient certainement être développés comme ils l'ont été dans d'autres
systèmes (23).
124
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Références bibliographiques
(1) Phillips J. D., Walls M. D., 2004 – Flow partitioning and unstable divergence in
fluviokarst evolution in central Kentucky. Nonlinear Processes in Geophysics, 11: 371-381.
(2) Fontenu abbé de, 1736 – Réflexions historiques sur le Loiret. Mémoires de l'Académie
Royale des Inscriptions et Belles Lettres, Tome XII: 153-163.
(3) Beauvais de Préau D.M., 1784 – Essai sur la topographie d’Olivet. Couret de Villeneuve,
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
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126
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
I.1. Introduction
Ces ouvrages peu profonds, d’une vingtaine de mètres au maximum, captent les eaux du
complexe aquifère alluvions – calcaire de Pithiviers. Le calcaire, profond de 4 à 7 m de
profondeur seulement, est très fortement karstifié, avec un réseau de galeries complexes,
explorables par des plongeurs spéléologues (voir film de Philippe Boismoreau et Michel
Lepiller). Une galerie a été remontée depuis une source du parc floral jusqu’à proximité d’un
puits de la Ville d’Orléans.
Les débits spécifiques de ces ouvrages varient de 200 à 3 400 m 3/h/m, valeurs significatives
d’un système karstique.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
L’alimentation se fait pour 80 % environ par les pertes de la Loire échelonnées sur 41 km vers
l’Est, la majorité ayant été reconnue par traçages à Jargeau distant de moins de 15 km. La
circulation de l’eau dans ce karst est très rapide ; des traçages entre les pertes de Jargeau et le
puits du gouffre indiquent un temps de 48 heures seulement. L’alimentation se fait en partie
par l’infiltration des eaux de pluie sur le Val, ainsi que par le ruissellement issu du coteau de
Sologne.
L’alimentation est encore plus complexe : les travaux de Michel Lepiller ont mis en évidence
par traçage une alimentation d’un captage du Val depuis des gouffres situés dans la forêt
d’Orléans, donc de l’autre côté de la Loire (gouffre de la vallée de l’Anche à Châteauneuf-
sur-Loire et fosses de la Noue à Saint-Denis-de-l’Hôtel, qui ont fait l’objet de l’excursion du
colloque de 2005). A cette alimentation « naturelle » se greffent les divers rejets des activités
humaines (agriculture, urbanisation) à partir de fossés, puits, bassins d’infiltration, et même
forages atteignant le calcaire, ce dont il faudra se protéger.
Les eaux captées par les ouvrages du Val sont régulièrement suivies, mais aussi celles de la
Loire à hauteur des pertes à Jargeau où se trouve une station de contrôle et d’alerte.
Figure 2 : variations des teneurs en nitrate sur le champ captant du Val d’Orléans (source
DDASS 45)
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Figure 3 : variations des teneurs en déséthyl-atrazine sur le champ captant du Val d’Orléans
(source DDASS 45)
L’eau des ouvrages de captage présente une teneur moyenne en nitrate de l’ordre de 15 mg/l.
seulement (la limite de potabilité étant de 50 mg/l). Pour les pesticides, la teneur décroit
depuis 1995 pour la déséthyl-atrazine et l’atrazine qui est interdite, mais aussi pour les autres
phytosanitaires suivis (diuron et simazine).
1) Les teneurs aux captages suivent en variations celles de la Loire à Jargeau, mais elles sont
plus élevées : Æ La pollution ne vient pas uniquement de la Loire.
2) Les teneurs montrent une très grande variabilité. Par exemple, en 1 mois, les teneurs en
nitrate passent de 0 à 20 mg/l : Æ Ces poussées sont bien marquées en fin d’automne et
d’hiver correspondant au lessivage. Par contre pour les autres mois, on peut supposer que la
pollution n’est pas diffuse. Ses sources sont ponctuelles dans le temps et à des distances
relativement proches.
- Une station de contrôle et d’alerte à Jargeau, en service depuis le début des années
1990, à hauteur des principales pertes, pour prévenir d’une éventuelle pollution par la
Loire, gérer le traitement de l’eau ou se connecter sur les forages « de secours » situés
sur le coteau de Sologne,
- La protection autour des captages du Val par l’instauration de périmètres de
protection, ce qui est présenté ci-après.
- Un système performant de traitement des eaux avec charbon actif et membranes.
Les études préalables à la mise en place des périmètres de protection se sont déroulées entre
1988 et 1994, permettant à Jean-Claude Schmidt -Hydrogéologue agréé- de définir les
périmètres de protection dans son avis d’avril 1994, réactualisé en 2003. Le dossier de
demande d’autorisation a été établi par le BRGM en 1994. Il a été officiellement déposé en
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
janvier 2004 pour aboutir à un arrêté préfectoral en date du 19 avril 2006. Cette démarche a
donc duré près de 18 ans, dont 15 ans d’études et de mise au point, 2 ans de procédure.
III.1. Interdiction
- Le transport de produits dangereux ou polluants sur l’avenue Gaston Galloux dans l’attente
de réalisation d’un dispositif de recueil des eaux pluviales ;
- La création de toute excavation restant ouverte et non étanche ;
- La pose de nouvelles canalisations d’hydrocarbures liquides ;
- Les dépôts d’ordures et d’autres déchets à l’exception des déchets verts ;
- L’épandage de boues de station d’épuration, de matières de vidanges ou de lisiers ;
- Les nouveaux stockages de produits polluants.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
- Mise en place avec la profession agricole d’une convention pour un code de bonnes
pratiques agricoles, avec la mise en place de bandes enherbées, et la gestion des fonds de
cuves des pulvérisateurs ;
- Mise en place d’un protocole pour l’utilisation des captages existants afin de piéger une
pollution dans la nappe ;
- Mise en place d’un suivi de la qualité de l’eau sur 5 à 10 forages situés à l’amont du
périmètre de protection rapprochée ;
- Mise en place d’un service de contrôle et de suivi des actions menées, avec bilan annuel.
La ville d’Orléans a lancé les actions suivantes demandées par l’hydrogéologue agréé :
Le recensement sur le terrain a été effectué par ANTEA et GEOHYD. De cet inventaire, il
ressort que 15 ouvrages devront être comblés. Un protocole de comblement a été défini pour
chaque captage.
Le coût de comblement est estimé à près de 53 000 € HT. Les travaux seront terminés en
2009.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
La tête de puits de 56 ouvrages exploités devra être mise en conformité. Le coût des travaux
est estimé à près de 73 000 €. Les travaux devraient être terminés fin 2008.
Deux sites de stockages d’hydrocarbures enterrés ont été passés en stockage aérien avec
rétention.
Dans un délai de 3ans, il est prévu de mettre en conformité 15 cuves de stockages d’engrais
liquides et 26 aires de stockage d’engrais solides pour un montant estimé à 28 000 € H T.
Le recensement des dépressions et des gouffres a été réalisé en 2005 à partir d’archives et
actualisé en 2007 sur des manifestations visibles en surface, ou anciennement connues. Les
effondrements anciens et rebouchés ont été répertoriés. Une quarantaine de manifestations a
été cartographiée sur la zone du périmètre de protection rapprochée.
Figure 5 : Recensement des dolines (Extrait du rapport ANTEA 48541/1 de novembre 2007)
L’arrêté préfectoral de DUP préconise la mise en place d’un plan d’action dans l’emprise des
périmètres de protection. Ce plan d’action vise notamment à :
- Mettre en place un protocole pour l’utilisation des captages existants afin de piéger une
pollution dans la nappe ;
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
1) Pour la mise en place du protocole, et compte tenu des vitesses de circulation élevées, il a
été décidé d’élaborer plutôt une procédure d’alerte ayant pour objectif :
- de mettre en place une procédure d’information d’une pollution accidentelle dans les plus
brefs délais ;
- d’arrêter, dès sa connaissance, le fonctionnement des captages du Val en basculant
l’approvisionnement à partir des forages de secours de La Saussaye, ce qui a été mis en
œuvre vers 1985 ;
- de mettre en œuvre la résorption de la pollution soit par interception dans la nappe, soit par
décapage des terres, avec contrôle de l’eau sur des forages en aval.
- Pour la mise en place d’un suivi, il a été décidé de choisir des points de contrôle de la teneur
en pesticides à l’amont du périmètre de protection rapprochée, ce qui est plus délicat à mettre
en œuvre.
- Quels forages choisir ? Il faudra s’assurer de la liaison hydraulique entre ces ouvrages et
ceux du Val, ainsi que de leur équipement.
- Quels paramètres à analyser et à quelle fréquence ? Plutôt qu’une analyse tous les cinq ans,
le groupe de travail a préconisé la recherche de moins d’éléments, mais plus fréquemment sur
les produits phytosanitaires.
- Quand effectuer ces analyses ?
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Dans le cadre de la mise en place des périmètres de protection des ressources en eau de la
Ville d’Orléans, l’arrêté préfectoral préconise d’établir une convention avec la profession
agricole pour définir un plan d’action pour la mise en œuvre de bonnes pratiques agricoles.
Cette démarche constitue l’un des moyens pour réduire les risques de pollutions des eaux
d’alimentation par les produits phytosanitaires.
A cet effet, une convention tripartite (Chambre d’agriculture du Loiret, Lyonnaise des Eaux et
Ville d’Orléans) a été signée le 29 juin 2006. Cette convention confirme la volonté des
signataires de poursuivre les actions engagées depuis 2000.
Cette convention précise les obligations de chacun des signataires et en particulier leurs
engagements financiers.
En 2000, il a été réalisé un état des lieux dans le périmètre de protection rapprochée. 48
exploitations réparties en 4 types d’activités représentent une surface de l’ordre de 900 ha.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Durant sept années de travail, les pratiques agricoles ont évolué avec la réduction, puis l’arrêt
en 2003, de l’usage de l’atrazine. La substitution a été totale sur les cultures de maïs. Les
usages du diuron ont été également réglementés.
La collecte des emballages vides (boites, cartons, papiers, bidons et fûts) est gratuite et
organisée deux fois par an depuis 2002. La participation des agriculteurs progresse d’année en
année. En 2007, 70% de la production d’emballages vides a été collecté sur le département.
Pour la collecte des produits non utilisables, quatre collectes ont été organisées par la
coopérative installée au centre de la zone.
Suite aux diagnostics des exploitations, et à la mise en évidence des risques de pollutions
accidentelles, les principaux investissements ont été réalisés dans le domaine des stockages de
produits phytosanitaires. Quelques aires lavages/remplissage des pulvérisateurs ont été
réalisées ou le seront à court terme.
La récupération des eaux issues des aires imperméabilisées se développe en pépinière et les
maraichers réfléchissent aux possibilités de recyclage des solutions nutritives.
En ce qui concerne les déchets verts, les exploitants privilégient l’épandage sur leur parcelle
après stockage sur leur site de production ou le dépôt dans des bennes.
L’hydrogéologue agréé avait préconisé dans son avis la mise en place de bandes enherbées le
long des cours d’eau situés dans le périmètre de protection rapprochée. La réforme de la PAC
a aidé à mettre en place des bandes enherbées le long du Dhuy et du Bras de Bou.
Actuellement près de 4 000 m de bandes enherbées sont en place sur les exploitations en
grandes cultures.
La communication et la formation
La communication a été réalisée par l’édition de plaquettes à destination des agriculteurs sous
forme de fiches pratiques. Ces plaquettes ont été déclinées sous forme de panneaux et
présentées au public lors de journées de l’environnement et dans le cadre de l’enquête de
DUP.
Deux formations aux bonnes pratiques de désherbage ont été organisées avec le GREPPES
(Groupement pour l’Etude des Pollutions par les produits Phytosanitaires dans les Eaux et les
Sols) à destination des agents communaux de voirie et des Espaces-verts des collectivités
présentes sur les périmètres de protection rapprochée et éloignée.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Des campagnes annuelles d’analyse en pesticides des eaux superficielles sont réalisées sur le
Bras de Bou et le Dhuy depuis 2002. Les résultats sont communiqués sous forme d’un
bulletin à l’ensemble des acteurs de la zone. Elles confirment la forte contamination des eaux
superficielles par les molécules phytosanitaires en particulier par les molécules utilisées pour
le désherbage (alachlore, diuron, glyphosate et oxadiazon).
Références bibliographiques
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
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(8) Chambre d’agriculture du Loiret, protection des captages du val – secteur Dhuy-
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
La détérioration de la qualité des eaux souterraines en relation avec les pratiques agricoles a
été mise en évidence aux Etats Unis et en Europe (1, 2). Dans certains secteurs, les
concentrations en produits phytosanitaires dans les eaux souterraines dépassent la valeur
guide de 0.1 µg L-1. Or, dans de nombreux pays (France, Royaume-Uni, Danemark, Suisse)
l’alimentation en eau potable est assurée en grande partie par les eaux souterraines. En
conséquence, la connaissance de la contamination, du transfert et du devenir des produits
phytosanitaires représentent des enjeux majeurs pour la gestion des ressources en eau.
Au niveau national et international, peu d’études ont été publiées portant sur le suivi de la
contamination des eaux souterraines par les produits phytosanitaires à l’échelle de systèmes
hydrogéologiques pendant des périodes pluri-annuelles et avec une fréquence de mesures
élevée (3-6). De plus peu d’études de cet type ont été réalisées en intégrant des volets
hydrogéologique et hydrodynamique conséquents (3, 7).
L’atrazine (ATR) et l’isoproturon (IPU) sont des herbicides fréquemment détectés dans les
eaux souterraines en France mais aussi au niveau international. (2, 8, 9). Le plus grand risque
potentiel de lessivage de l’ATR comparativement à l’IPU a été démontré à l’aide d’études de
sorption, de volatilisation et de minéralisation dans différents sols (10, 11). En ce qui
concerne la craie, sous certaines conditions l’IPU peut être dégradé dans la zone non saturée
et la zone saturée alors que l’ATR n’est jamais dégradée (12). Une autre étude a aussi montré
que l’IPU était dégradé de façon plus importante que l’ATR dans la zone non saturée crayeuse
(13). Ces deux études en complément aux observations faites sur les sols pourraient donc
indiquer que l’ATR présente un risque de contamination des eaux souterraines en contexte de
craie plus important que l’IPU.
En France, la craie représente un aquifère majeur largement utilisé pour l’AEP (Alimentation
en Eau Potable) dans le bassin parisien. La craie représente aussi un enjeu fort au niveau
international et notamment au Royaume Uni.
Les objectifs de l’étude présentées sont donc de i) caractériser la contamination des eaux
souterraines d’un aquifère crayeux pendant une période de plusieurs années afin d’évaluer la
variabilité temporelle de la contamination vis-à-vis de l’ATR et l’IPU et de leurs principaux
produits de dégradation ii) d’estimer les flux de pesticides à l’échelle d’un système
hydrogéologique et iii) d’identifier les mécanismes et les facteurs influençant le transfert des
pesticides. Pour cela, l’exploitation de 17 années de suivi d’un bassin hydrogéologique
karstique crayeux de 50 km2 situé en contexte agricole a été réalisée en intégrant des
approches hydrodynamiques, géochimiques et le suivi de la qualité des eaux.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Le système hydrogéologique des Trois Fontaines, situé dans la partie Est du département du
Loiret, est développé dans la craie du bassin parisien (figure 1). D’un point de vue
hydrogéologique, le système des Trois Fontaines largement étudié notamment via de vastes
campagnes piézométriques, a une taille d’environ 50 km2 et des limites relativement stables
dans le temps (14). Deux groupes de sources constituent les exutoires principaux (sources des
Trois Fontaines représentant 55% du débit total et les sources du Moulin de Loinces, 30 à
40% du débit total). Des sources mineures dans le lit de la Cléry constituent des exutoires de
moindre importance. L’épaisseur de la zone non saturée est en moyenne de 25 m mais peut
atteindre une quarantaine de mètres localement. Le substrat est constitué de craie moins
perméable. L’aquifère est libre.
Le réseau hydrographique de surface a un fonctionnement intermittent. Des pertes de
ruissellement ont été observées et différents traçages ont révélé des vitesses de circulation de
plusieurs mètres par heure, signe de la karstification du système. Toutefois l’absence de
conduits pénétrables semble indiquer que le degré de karstification est limité.
Une station météorologique gérée par MétéoFrance se trouve sur le bassin à environ 11 km au
sud des sources. Bien qu’installée depuis 1971, des séries de mesures complètes ne sont
disponibles que depuis 1983. Les précipitations annuelles par année hydrologique (septembre
à Août) varient d’un facteur 2 (517.2 et 1002.1 mm pour l’année 1991-92 et 2000-01,
respectivement) pour la période 1982-2005, avec une moyenne annuelle de 734.6 mm.
L’année 2004-05 montre un déficit pluviométrique important qui intervient après 3 années
140
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Le débit des sources des Trois Fontaines ont été enregistrés de manière continue entre janvier
1989 et décembre 1999, novembre 2000 à décembre 2003, juillet 2004 à mai 2006 (figure 2).
La mesure de la hauteur d’eau est convertie en débit à l’aide d’une courbe de calibration
régulièrement validée et consolidée par des jaugeages au micro-moulinet. Les mesures de
débit sont fiables jusqu’à la valeur de 198 L s-1. Au-delà de cette valeur, la mesure est biaisée
par la Cléry située 100 m en aval qui, lorsqu’elle est en crue, bloque les écoulements.
Alors qu’au début du suivi les sources n’étaient utilisées que quelques heures par jour pour
l’alimentation en eau potable, l’installation en mars 2005 d’une nouvelle usine nécessitant la
mise en eau continue des lits bactériens, a contribué à une augmentation des débits pompés et
surtout à générer des prélèvements continus. Les débits considérés sont corrigés des volumes
pompés.
Trois campagnes piézométriques à forte densité de mesures (2 à 3 mesures par kilomètres
carrés) ont été menées en février 1988, septembre 1990 et mars-avril 2003. Les mesures
manuelles effectuées hebdomadairement depuis janvier 1990 au forage de la Bissaugerie
localisé dans la partie amont du bassin permettent de juger des fluctuations de la piézométrie
et en relation avec les variations climatiques tout au long du suivi.
Environ 1000 observations de terrain et 270 sondages à la tarière à main ont permis à l’INRA
d’établir la carte des sols du secteur (15) et de définir 3 unités pédologiques majeures : 1) les
sols lessivés appelés luvisols de texture limono-argileuse et souvent hydromorphiques (51%
de la surface du bassin et plutôt dans la partie aval), 2) les sols dégradés (34% du bassin et
plutôt dans la partie amont) qui correspondant à des luvisols dégradés et 3) les sols alluviaux
et colluviaux présents dans les thalwegs (15%), sols pouvant être caillouteux.
Le basin se trouve dans un contexte d’agriculture intensive de polyculture. Environ 80% de la
surface correspondent à des sols cultivés, 12% à de la forêt, 8 % pour les zones habitées, les
routes et des secteurs d’exploitation de pétrole.
Les pratiques culturales (assolement et traitements phytosanitaires) sont connues de manière
disparate. Pour la période 1992-93 à 1996-97, des enquêtes ont été réalisées auprès
d’agriculteurs couvrant environ 50% de la surface exploitée. Les céréales et notamment le blé
apparaissent comme les cultures majoritaires avec plus de 50% de la surface agricole utile. Le
maïs, le colza, le tournesol et la jachère occupent environ 10% chacun. Conséquente directe
de l’utilisation du sol, l’IPU apparaît comme la molécule phytosanitaire la plus largement
utilisée (24% de la masse des pesticides utilisés), vient ensuite la trifluraline, un autre
herbicide utilisé sur céréales, colza et tournesol, (6%), et enfin d’autres molécules dont l’ATR
qui été utilisée à l’époque comme herbicide du maïs (5%). Une enquête auprès des autres
utilisateurs potentiels de phytosanitaires (SNCF, voiries, services municipaux) a montré que
l’IPU et l’ATR avaient des usages uniquement agricoles pendant la période d’étude.
141
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
La lourdeur de la démarche d’enquêtes et le grand nombre d’agriculteurs (plus de 60) n’a pas
permis de poursuivre cette approche après 1997. Les pratiques sont donc estimées en fonction
de l’évolution de la législation et des pratiques régionales. Au niveau national, la dose
maximale autorisée pour l’IPU est passé de 1 800 to 1 200 g ha-1 au 1er janvier 2004 alors que
pour l’ATR, la dose autorisée en 1959 de 2 500 g ha-1 a été réduite à 1 500 en 1990, puis
1 000 g ha-1 en 1997, avant d’être interdite le 1er septembre 2003. Pour l’azote, aucune
information spécifique n’est disponible sur le bassin mais au niveau régional, les quantités
vendues sont stables avec environ 111 t d’azote par an (+/- 14.5 t) pour 33 années culturales
(1972/73 à 2004/05 – données Unifa, 2007).
Les différentes campagnes piézométriques ont permis de montré la stabilité des limites du
système dans le temps et d’identifier une zone à plus faible gradient hydraulique
correspondant à un axe de drainage orienté SE-NO et témoignant de l’existence d’une zone
plus karstifiée (figure 1). Au niveau du captage de la Bissaugerie (8600 m en amont des
sources de Trois Fontaines), les fluctuations piézométriques sont de 17.02 m avec un
minimum de 123.95 m enregistré le 17 septembre 1993 et un maximum de 140.97 le 14 mars
2002 en réponse aux variations climatiques, la période 1988-1993 correspondant à 5 cycles
hydrologiques déficitaires consécutifs alors que 1999, 2000 et 2001 ont été des années
humides.
En plus de ces cycles inter-annuels des cycles intra-annuels plus ou moins visibles selon les
années, se distinguent avec des périodes de basses eaux en septembre-novembre et des
périodes de hautes eaux en mars-mai.
Ces variations du niveau piézométrique sont corrélées avec les fluctuations du débit des
sources pour lequel des cycles intra et inter-annuels sont aussi visibles (figure 2). D’une
manière globale, le débit diminue fortement jusque environ 30 L s-1 en automne 1993 en
réponse au déficit pluviométrique des années 1988-1993. Ensuite le débit augmente pour
devenir supérieur à 100 L s-1 jusque 2001-2003. En plus de cette tendance générale, des
variations de débit à l’échelle du cycle hydrologique sont observées (hautes eaux – basses
eaux). Enfin un troisième type de variation à plus court pas de temps est observé. Il
142
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
correspond à des variations associées à des périodes très pluvieuses (juin 1993 par exemple),
qui peuvent intervenir à n’importe quel moment du cycle hydrologique et pas uniquement
lorsque le sol est saturé. Il correspond à de l’infiltration immédiate qui est caractérisée par une
eau s’infiltrant rapidement au sein d’une porosité large (fissures et/ou conduits). L’infiltration
immédiate qui correspond à une réponse rapide du système à une impulsion pluviométrique
peut s’accompagner d’une forte augmentation des teneurs en chlorure et nitrate, ions qui ont
été stockés et concentrés au niveau du sol à cause de l’évapotranspiration (14). L’examen des
données de débit révèle donc l’existence de circulations lentes et rapides au sein de l’aquifère.
6
4 Atrazine
2 DEA
Concentration (µg L-1)
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
6
4 Isoproturon
2
Concentration (µg L-1)
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
30 70
25 60
Chlorure (mg L-1)
50
Nitrate (mg L-1)
20
40
15
30
10
20
5 Chlorure
10
Nitrate
0 0
200
180 Débit
160
Débit (L s-1)
140
120
100
80
60
40
01/01/89
01/01/90
01/01/91
01/01/92
01/01/93
01/01/94
01/01/95
01/01/96
01/01/97
01/01/98
01/01/99
01/01/00
01/01/01
01/01/02
01/01/03
01/01/04
01/01/05
01/01/06
143
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Les teneurs en nitrate ont fluctué d’un facteur 2.5 pendant le suivi allant 25.7 mg L-1 le 12
avril 1992 à 63.8 mg L-1 le 7 février 2003 (figure 2). D’une manière globale, les
concentrations diminuent entre 1988 et l’été 1992 pour croitre à nouveau et atteindre leur
maximum en 2001 et 2002. Cette tendance est similaire à celle des débits. D’ailleurs débit et
teneurs en nitrate sont significativement corrélés (r = 0.676; n = 1184). Cela signifie donc que
les augmentations de débit s’accompagnent d’une détérioration de la qualité de l’eau vis-à-vis
du paramètre nitrate. A la source, pendant les longues périodes sèches, la teneur en nitrate
décroit vraisemblablement parce que le débit est alors essentiellement constitué par de l’eau
plus ancienne provenant des secteurs à infiltration plus lente et vraisemblablement moins
contaminée comme le suggèrent (5). Dans le cas présent, les variations de teneur en nitrate
semblent plus vraisemblablement liées à un changement de contexte hydrodynamique qu’à
une évolution des pratiques culturales, pratiques qui au niveau régional sont stables en terme
de vente de fertilisants sur plusieurs décennies.
L’isoproturon a été quantifié dans 23% des échantillons collectés à l’exutoire du système (108
fois sur 476 échantillons – figure 2) avec une concentration maximale de 2.32 µg L-1, le 2
octobre 1996. Une chronique de ce type avec la présence d’IPU sous forme de pics a aussi été
observée dans un autre aquifère crayeux (18). Dans notre cas, les concentrations en IPU et les
débits ne sont pas corrélés indiquant que, contrairement à ce qui est observé pour les nitrates,
le débit n’est pas le seul facteur influençant les variations de concentrations en IPU. Toutes
les détections d’IPU sont en relation avec les deux périodes de traitement potentielles (en
début d’hiver ou début de printemps), deux périodes qui correspondent à des situations
hydrologiques différentes (début et fin de la recharge). Ces pics suggèrent en fait l’existence
d’épisodes d’infiltration rapide capables de mobiliser le soluté qui vient d’être appliqué.
Jusqu’à l’été 1995, les concentrations en IPU sont corrélées aux concentrations en chlorure et
nitrate (r = 0.272 et 0.199, respectivement). Comme il s’agit d’indicateur d’infiltration, la
faible corrélation suggère qu’un autre facteur que l’infiltration immédiate gouverne les
teneurs en IPU. Ce facteur est probablement la disponibilité au lessivage de l’IPU. En effet,
cette molécule n’est mobilisable que pendant quelques semaines après son application suite à
la mise en place de processus de dégradation ou à la formation de résidus liés (16, 17). Ces
auteurs ont d’ailleurs montré que le délai entre l’application et le premier épisode pluvieux
significatif avait une incidence sur la qualité d’IPU lessivée.
Supposant que sur la durée du suivi les usages relatifs à l’IPU ont peu changé, la localisation
des parcelles traitées sur le bassin pourraient aussi avoir une incidence et expliquer la
variabilité des concentrations observées d’une année à l’autre. En effet, Johnson et al. (18) ont
montré que dans des secteurs où la zone non saturée crayeuse est peu épaisse (5 m), des
infiltrations rapides de solutés peuvent être observées même si il n’y a qu’une faible variation
du potentiel de pression dans la craie (en relation avec la teneur en eau). Haria et al. (19) ont
aussi montré que des flux rapides et matriciels existent sous les vallées sèches alors que seuls
des écoulements matriciels sont observés dans les interfluves. Enfin le contexte
144
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
hydrodynamique global avec des alternances d’années sèches et humides doit être pris en
compte car il joue sur le fonctionnement des fissures (20).
Les 2 principaux métabolites de l’IPU, le MDIPU et le DDIPU, ont été analysés entre
décembre 1994 et mai 1995 et entre avril 1998 et mai 2006. Le DDIPU n’a jamais été détecté
alors que le MDIPU n’a été détecté que 2 fois (23 mars 1995 et 29 mars 1995) à des teneurs
proches de 0.05 µg L-1). Dans certains cas, le MDIPU peut apparaître dans la zone non
saturée ou saturée de la craie (12). La presque totale absence des 2 métabolites est en accord
avec les observations faites dans le cadre d’autres études (3).
L’ATR et la DEA (figure 1) ont été détectées beaucoup plus fréquemment que l’IPU (394 et
393 fois, respectivement, sur 476 échantillons – figure 2), avec des concentrations maximales
de 5.3 µg L-1 pour l’ ATR le 20 mai 1994 et 1.86 µg L-1 pour la DEA le 2 Octobre 1996 alors
que l’atrazine a été beaucoup moins appliquée que l’IPU (4.5 à 6 fois moins entre 1992-93 et
1996-97, c’est-à-dire avant même que la dose homologuée soit réduite en 1997 et
l’interdiction de 2003). La DIA n’a été détectée que sporadiquement toujours a des teneurs
très proches de la limite de quantification. Ces observations sont en accord avec celles de
Rowden et al. (5) qui étudiant un karst sur 18 ans ont montré que les concentrations en ATR,
DEA and DIA dépassaient la teneur de 0.1 µg L-1 dans 86, 72 and 0 % de leurs échantillons,
respectivement.
Entre 1993 et la fin 1998, les variations globales en ATR semblent liées aux variations
globales de débit avec notamment une augmentation des teneurs après les périodes de
recharge qui ont conduit à une augmentation du débit de base. Ensuite les teneurs ont
tendance à décroitre malgré la forte recharge et les forts débits de 2001-2003. Les teneurs en
DEA sont corrélées aux débits pendant tout le suivi (r = 0.282 n =385), alors que l’atrazine ne
l’est pas.
Comme pour l’IPU, certains pics d’ATR (19 mai 1994, 30 avril 1996, 22 mai 1997) semblent
en relation avec les périodes d’application (avril, mai) et pourraient être expliqués par des
épisodes d’infiltration immédiate. D’autres pics (2 octobre 1996, 27 janvier 1994, 4 décembre
1996) ne sont pas en lien avec d’éventuelles applications et semblent indiquer que après une
période de stockage, l’atrazine peut être remobilisée par un épisode d’infiltration immédiate
survenant plusieurs mois après l’application.
Le bruit de fond en ATR, caractérisé par un signal de long durée et de faible amplitude
augmente entre décembre 1994 et le printemps-été 1995 lorsque la recharge augmente.
Pendant cette période, l’infiltration lente est probablement dominante. Ensuite le bruit de fond
diminue fortement jusqu’à l’été 1998 puis progressivement et lentement. La concentration en
ATR décroit alors que la recharge augmente jusqu’en 2002-03 suggérant que l’eau atteignant
l’aquifère par un transfert plutôt lent n’est pas aussi contaminée que l’eau de recharge de
1994-95.
La DEA est détectée plus systématiquement depuis la fin 1994 avec une augmentation du
bruit de fond. Des pics en relation avec des épisodes d’infiltration rapide sont également
visibles. La persistance de l’ATR et de la DEA presque 3 ans après l’interdiction d’usage sont
en accord avec d’autres études (3, 7).
145
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
IV. CONCLUSION
Le système des Trois Fontaines a fait l’objet d’un suivi à haute fréquence de mesures pendant
17 cycles hydrologiques le rendant à ce titre exceptionnel aussi bien au niveau national
qu’international. Les chroniques en produits phytosanitaires et métabolites associés sont
différentes d’une molécule à une autre et pour une molécule donnée au cours du temps. Bien
que l’IPU soit la molécule la plus appliquée, l’IPU est moins souvent détecté que l’ATR et
son métabolite DEA, l’ATR n’étant pourtant plus appliquée depuis 2003. Cette variabilité de
la fréquence de détection souligne l’importance des propriétés physico-chimique des
molécules sur la contamination des eaux souterraines. En terme de bilan, moins de 0.6% de
des quantités d’IPU ou d’ATR appliqués quittent le système annuellement provoquant
toutefois des dépassements de la valeur guide de 0.1 µg L-1.
La qualité de l’eau à l’exutoire du système dépend du mélange d’eaux de différentes origines
(infiltration immédiate, infiltration lente) dont les proportions varient au cours du temps en
fonction des conditions climatiques. L’utilisation de données géochimiques couplées à des
suivis hydrologiques permet de mettre en évidence la contribution de ces différents réservoirs.
Les concentrations en produits phytosanitaires et métabolites associés apparaissent donc
clairement gouvernés par la combinaison des propriétés spécifiques aux molécules et au
contexte hydrodynamique. Seul un suivi pluri-annuel permet de mettre en évidence d’évaluer
correctement l’impact des différents facteurs. L’interprétation des données et la prédiction de
l’évolution de la qualité passe donc nécessairement par une bonne connaissance du
comportement des molécules elles-mêmes mais aussi du fonctionnement hydrodynamique du
système. Ces aspects sont indispensables pour prévoir l’évolution de la qualité de l’eau,
146
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
comprendre les tendances, points qui sont abordés au travers de la Directive Européenne
Cadre sur l’Eau.
Remerciements
Les travaux présentés constituent la synthèse de différents projets financés par le Conseil
Régional du Centre (bourses de thèses de E. Lasne and N. Baran), des Agences de l’Eau
Loire-Bretagne et Seine-Normandie, les Ministères de l’Environnement et de la Recherche via
les fonds de recherche du BRGM. Les auteurs remercient le syndicat des eaux de la Cléry et
la SAUR, société exploitante de la station AEP, ainsi que les agriculteurs présents sur le
bassin pour leur collaboration tout au long de ces années.
Ce document simplifié est largement inspiré de l’article accepté dans Journal of Hydrology
auquel il sera possible de se référer pour plus de précisions.
Références bibliographiques
(1) Barbash, J.E., Thelin, G.P, Kolpin, D.W., Gilliom, R.J., 2001 - Major herbicides in
ground water: Results from the national water-quality assessment. J. Environ. Qual. 30, 831–
845.
(2) IFEN, 2004 - Les pesticides dans les eaux – Sixième bilan annuel – données 2002.
Collection Etudes et travaux, n°42, Ifen, Orléans, 32 p. ISBN : 2-911089-70-7. (Detailed
results on CD-Rom).
(3) Baran, N., Mouvet C., Négrel P. 2007 - Hydrodynamic and geochemical constraints on
pesticide concentrations in the groundwater of an agricultural catchment (Brévilles, France).
Environ. Poll., 148:729-738
(4) Morvan, X., Mouvet, C., Baran, N., Gutierrez, A., 2006 - Pesticides in the groundwater
of a spring draining a sandy aquifer: temporal variability of concentrations and fluxes. J.
Contam. Hydrol. 87, 176-190.
(5) Rowden R.D., Liu H., Libra R.D., 2001 - Results from the Big Spring basin water
quality monitoring and demonstration projects, Iowa, USA. Hydrogeol. J. 9, 487-497.
(6) Lapworth, D.J., Gooddy, D.C., Stuart, M.E., Chilton, P.J., Cachandt, G., Knapp, M.,
Bishop, S. 2006 - Pesticides in groundwater: some observations on temporal and spatial
trends. Water Environ. J. 20: 55-64.
(7) Lapworth, D.J., Gooddy, D.C., 2006 - Source and persistence of pesticides in a semi-
confined chalk aquifer of southeast England. Environ. Pollut. 144, 1031-1044.
(8) Carabias-Martinez, R., Rodriguez-Gonzalo E., Fernandez-Laespada E., Calvo-
Seronero L., Sanchez-San Roman F.J., 2003 - Evolution over time of the agricultural
pollution of waters in an area of Salamanca and Zamora (Spain), Water Res. 37, 928–938
(9) Gooddy, D.C., Bloomfield, J.P., Chilton, P.J., Johnson, A.C., Williams, R.J., 2001 -
Assessing herbicide concentrations in the saturated and unsaturated zone of a chalk aquifer in
Southern England. Groundwater 39, 262-271.
(10) Boivin, A., Cherrier, R., Schiavon, M., 2005 - A comparison of five pesticides
adsorption and desorption processes in thirteen contrasting field soils. Chemosphere 61, 668-
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(11) Mordaunt, C.J., Gevao, B., Jones, K.C., Semple, K.T., 2005 - Formation of non-
extractable pesticide residues: observations on compound differences, measurement and
regulatory issues. Environ. Pollut. 133, 25-34.
(12) Johnson, A.C., White, C., Bhardwaj, C.L., 2000 - Potential for isoproturon, atrazine
and mecoprop to be degraded within a chalk aquifer system. J. Contamin. Hydrol. 44, 1-18.
(13) Issa S., Wood M., 1999 - Degradation of atrazine and isoproturon in the unsaturated
zone: a study from Southern England. Pesticide Science 55: 539-545.
147
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
(14) Lasne, E., 1992 - Etude du système hydrologique karstique des sources des Trois
Fontaines (Saint-Loup de Gonois, Loiret). Contribution à la connaissance de la structure, du
fonctionnement et de l’évolution de l’aquifère crayeux du Gâtinais (Sud est du Bassin de
Paris). Thèse.
(15) Baran, N., 1999 - Transit de l’isoproturon et de l’atrazine dans un système hydrologique
karstique de la craie (Gâtinais-France) : de la station pédologique expérimentale à l’échelle du
système. Documents BRGM 284, Editions BRGM, 329p. these
(16) Perrin-Ganier, C., Breuzin, C., Portal, J.M., Shiavon, M.,1996 - Availability and
persistence of IPU under field and laboratory conditions. Ecotox. Environ. Safe., 35, 226-230.
(17) Walker, A., Rodriguez-Cruz, M.S., Mitchell, M.J. 2005 - Influence of ageing of
residues on the availability of herbicides for leaching. Environ. Pollut. 133, 43-51.
(18) Johnson, A.C., Besien, T.J., Bharwaj, C.L., Dixon, A., Gooddy, D.C., Haria, A.H.,
White, C., 2001 - Penetration of herbicides to groundwater in an unconfined chalk aquifer
following normal soil applications. J. Contam. Hydrol. 53,101-117.
(19) Haria, A.H., Hodnett, M.G., Johnson, A.C., 2003 - Mechanisms of groundwater
recharge and pesticide penetration to a chalk aquifer in southern England. J. Hydrol. 275, 122-
137.
(20) Brouyère, S., Dassargues, A., Hallet, V., 2004 - Migration of contaminants through the
unsaturated zone overlying the Hesbaye chalky aquifer in Belgium: a field investigation. J.
Contam. Hydrol. 72, 135-164.
148
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
I. INTRODUCTION
La source des Trois Fontaines est utilisée pour l’adduction en eau potable du Syndicat des
eaux de la Cléry depuis de nombreuses années. Elle constitue la seule ressource en eau du
Syndicat.
- Celle d’Éric LASNE (1989-1992) avait pour sujet principal la structure et l’évolution de
l’aquifère crayeux (1).
- La thèse de Nicole BARAN (1993-1996) avait pour sujet l’étude du transit de l’isoproturon
et de l’atrazine dans le système hydrogéologique des Trois Fontaines (2).
Dans le cadre de la révision du périmètre de protection des captages (seules deux des quatre
émergences principales étaient captées jusqu’en 2006) douze nouveaux traçages ont été
réalisés en 2005 et 2006.
149
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Le substratum régional est constitué par la craie séno-turonienne dont l’épaisseur atteint
280 m (140 m pour le Turonien, 80 m pour le Coniacien et 60 m pour le Santonien). C’est le
niveau terminal du Santonien qui affleure dans la vallée de la Cléry et qui constitue l’aquifère
du système karstique des Trois Fontaines. D’une manière générale dans le Gâtinais, la craie
n’est visible que dans les vallées. Sur les plateaux, elle est recouverte par un épais complexe
argilo-sableux à silex (parfois plus de 20 m), résultat de l’altération sous climat chaud et de
l’érosion des assises crayeuses à partir du Campanien.
D’un point de vue tectonique, la région est marquée par deux traits majeurs :
- un pendage général des assises secondaires vers le Nord-Ouest,
- une tectonique cassante de direction Nord-Sud se rattachant aux grands systèmes de
failles subméridiennes du fossé de la Loire et de la bordure septentrionale du Morvan.
Du point de vue hydrogéologique, l’aquifère crayeux renferme une nappe libre qui s’écoule
globalement vers le nord sur la zone d’alimentation des sources des Trois Fontaines. La nappe
est alimentée principalement par de l’infiltration diffuse mais quelques zones de perte plus ou
moins bien identifiées participent à la recharge de la nappe. Ces zones d’infiltration rapides
sont localisées dans des vallées à écoulement temporaire, sur les parties intermédiaires du
bassin versant, là ou la couverture tertiaire a été presque totalement érodée.
Les quantités de traceur injecté ont varié entre 100 g et 2 kg (1kg le plus souvent).
150
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
La recherche et le dosage des traceurs ont été effectués par Géo-Hyd à l'aide d'un
spectrofluorimètre SAFAS FLX Xenius XC, aux longueurs d'ondes d'excitation et d'émission
respectives de 328 et 420 nm pour le naphtionate, 352 et 446 nm pour l’amino G acide, 486 et
516 nm pour l’uranine, 516 et 536 nm pour l’éosine et 530 et 552 nm pour la sulforhodamine.
Les échantillons ont été laissés au repos pendant plusieurs jours avant la mesure, afin de
permettre la décantation des éventuelles matières en suspension. Celles-ci se sont avérées
relativement peu abondantes.
III.4 Résultats
Sur les douze traçages réalisés, huit ont donné lieu à restitution. Les quatre traceurs injectés
au Nord de la Cléry sont ressortis aux sources de Champ Pelledieu (cf. annexe 1 et 2).
Le traceur déversé dans la vallée Saint-Jacques au point de rejet de la station d’épuration de Chuelles a
été détecté sur quelques échantillons manuels prélevés sur la source de Courtemaux.
Les injections réalisées à partir de la perte des Sapins, de la perte des Gonguets et du forage
de la Bissaugerie ont été retrouvées aux quatre sources des Trois Fontaines.
16 100%
Quantité de traceur récupéré en % du total récupéré
14 90%
80%
Concentration corrigée en uranine en µg/l
12
70%
10
60%
8 50%
40%
6
30%
4
20%
2 10%
0
0%
0 1 2 3 4 5 6 7 8 0 1 2 3 4 5 6 7
Temps en jours depuis l'injection le 25 avril à 11h15 Temps en jours depuis l'injection le 25 avril à 11h15
151
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
1,4 100%
Concentration corrigée en uranine en µg/l
90%
1,2
80%
1,0 70%
60%
0,8
50%
0,6 40%
0,4 30%
20%
0,2
10%
0,0 0%
0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30
Temps en jours depuis l'injection le 29 mars à 12h00 Temps en jours depuis l'inject ion le 29 mars à 12h00
152
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
0,4 100%
0,35 90%
80%
0,3
70%
0,25 60%
0,2 50%
40%
0,15
30%
0,1 20%
0,05 10%
0%
0
0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30
Temps en jours depuis l'injection le 29 mars à 17h35 Temps en jour s depuis l'inject ion le 29 mars à 17h35
10,0 100%
Quantité de traceur récupéré en % du total
9,0 90%
Concentration corrigée en uranine en µg/l
8,0 80%
7,0 70%
6,0 60%
récupéré
5,0 50%
4,0 40%
3,0 30%
2,0 20%
1,0 10%
0,0 0%
0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30
Temps en jours depuis l'injection le 29 mars à 12h00 Temps en jours depuis l'injection le 29 mars à 12h00
153
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
IV CONCLUSION
Les 4 sources ont le même bassin d’alimentation. Les limites de système obtenues par les
traçages sont cohérentes avec les limites obtenues par piézométrie. D’une manière stricte ces
sources sont davantage des exurgences que des résurgences. Bien que déjà relativement
avancée, la maturation du karst n’a pas encore véritablement atteint le stade d’un système
binaire (perte ponctuelle – source).
- Pour quelle raison, le traçage réalisé à partir de la perte des Gonguet a donné lieu à une
restitution aux Trois Fontaines, alors que cette expérience avait déjà était menée plusieurs fois
sans succès par le passé. Probablement à cause des conditions hydrologiques (niveau
piézométrique et débit favorables).
- Lors du traçage réalisé à l’aval de la STEP de Chuelles, les apports d’eau dus au
fonctionnement aléatoire de la STEP et non continu n’ont pas permis d’identifier le point
d’infiltration du traceur récupéré à la source de Courtemaux.
Références bibliographiques :
(1) Lasne E., 1992 - Etude du système hydrologique karstique des sources des Trois
Fontaines (Saint-Loup de Gonois, Loiret). Contribution à la connaissance de la structure, du
fonctionnement et de l’évolution de l’aquifère crayeux du Gâtinais (Sud-Est du Bassin de
Paris). Thèse.
154
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Lieu Nature du
d’injection Date Temps moyen de Vitesse apparente
point Traceur utilisé Lieu de restitution Début de restitution Fin de restitution
d’injection séjour moyenne de circulation
d’injection
Les Gonguets 25/03/05 à
Perte diffuse Eosine Non connu Pas de restitution aux Trois Fontaines, restitution probable à la source de Courtemaux.
(Merinville) 11h15
Bois Barreaux Mardelle avec 25/03/05 à Source de Champ Restitution massive et rapide à la source de Champ Pelledieu. Quelques échantillons manuels prélevés ne permettant
Uranine
(Merinville) sortie de drain 12h00 Pelledieu pas de tracer la courbe de restitution ni de calculer les vitesses d’écoulement.
Bois Barreaux Mardelle avec 29/03/05 à Source de Champ Restitution constatée à la source de Champ Pelledieu. Uniquement quelques échantillons manuels prélevés ne
Naphtionate
(Merinville) sortie de drain 16h00 Pelledieu permettant pas de tracer la courbe de restitution.
F1 : 08/04/05 à 18h05 (soit F1 : 15/04/05 à 4h30 (soit
F1 : 11,7 jours F1 : 31 m/h
10,25 jours) 16,7 jours)
F2 : 08/04/05 à 10h05 (soit F2 : 12/04/05 à 6h05 (soit
Sources des Trois F2 : 11,4 jours F2 : 31 m/h
La Bissaugerie 29/03/05 à 9,92 jours) 13,75 jours)
Forage Amino G acide Fontaines (F1, F2, F3,
(Chuelles) 12h00 F3 : 08/04/05 à 6h30 (soit F3 :12/04/05 à 10h30 (soit
F4) /Moulin de Loince F3 : 11,2 jours F3 : 32 m/h
9,77 jours) 13,94 jours)
F4 : 08/04/05 à 8h30 (soit F4 : 11/04/05 à 22h05 (soit
F4 : 11,2 jours F4 : 32 m/h
9,85 jours) 13,42 jours)
F1 : 04/04/05 à 11h00 (soit F1 : 11/04/05 à 18h05 (soit
F1 : 7,7 jours F1 : 49 m/h
5,73 jours) 13 jours)
F2 : 04/04/05 à 2h00 (soit F2 : 19/04/05 à 00h20 (soit
F2 : 6,4 jours F2 : 60 m/h
Sources des Trois 5,35 jours) 20,3 jours)
Les Sapins 29/03/05 à Fontaines (F1 F2, F3, F3 : 04/04/05 à 11h00 (soit F3 :19/04/05 à 21h20 (soit
Perte diffuse Sulforhodamine F3 : 7,9 jours F3 : 48 m/h
(Chuelles) 17h35 F4) /Moulin de 5,73 jours) 21,16 jours)
Loince F4 : 04/04/05 à 2h00 (soit F4 : 20/04/05 à 4h20 (soit
F4 : 8,0 jours F4 : 48 m/h *
5,35 jours) 21,45 jours)
Moulin de Loince : 06/04/05 Moulin de Loince : 15/04/05 Moulin de Loince : Moulin de Loince :
à 11h00 (soit 7,73 jours) à 17h00 (soit 17 jours) 8,5 jours 34 m/h
Les Fays 6/04/05 à Source de Champ Restitution constatée à la source de Champ Pelledieu. Uniquement quelques échantillons manuels prélevés le
Forage Uranine
(Courtemaux) 12h00 Pelledieu 08/04/2005 ne permettant pas de tracer la courbe de restitution.
Sortie de STEP 19/04/05 à Restitution constatée à la source de Courtemaux sur quelques échantillons manuels ne permettant pas de tracer la
Perte diffuse Uranine Source de Courtemaux
(Chuelles) 10h35 courbe de restitution. Vitesses de circulations souterraines probablement proches de 20 m/h.
Bois Barreaux Mardelle avec 25/04/05 à Source de Champ 27/04/05 à 18h00 (soit 2,26 > 2 mai à 12h00 (soit 7
Uranine Environ 3,8 jours * 33 m/h *
(Merinville) sortie de drain 11h45 Pelledieu jours) jours) *
Fosse creusée
Belle Cour 19/01/06 à
à la pelle Uranine Non connu Pas de restitution aux Trois Fontaines ni à Courtemaux.
(Courtemaux) 12h30
mécanique
Perte aval du ru
19/01/06 à
St Jacques Perte diffuse Sulforhodamine Non connu Pas de restitution aux Trois Fontaines ni à Courtemaux.
14h30
(Chuelles)
F3 : F3 :
Les Gonguets 24/01/06 à Sources F3 des Trois F3 :
Perte diffuse Amino G acide 15//02/05 à 6h00 (soit 21,7 >20/02/06 à 05h00 (soit >27 14 m/h*
(Chuelles) 13h00 Fontaines Environ 24jours*
jours) jours)
Perte amont du
24/01/06 à
ru St Jacques Perte diffuse Naphtionate Non connu Pas de restitution aux Trois Fontaines ni à Courtemaux.
13h30
(Chuelles)
* La restitution n’était pas totalement terminée lors de l’arrêt de la surveillance
ANNEXE 1 : Tableau de synthèse
155
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156
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
I. INTRODUCTION
Cette étude qui se veut pluridisciplinaire a permis d’obtenir une vision hydrogéologique
générale du Causse de Sauveterre. Elle s’intègre dans une politique de protection des milieux
karstiques initiée par le Parc naturel régional des Grands Causses depuis 1995 (cf. figure 1).
Après une rapide description du contexte général, quelques résultats seront évoqués ainsi que
l’apport des traçages. Les principales conclusions que Michel LEPILLER avait exposées sont
reprises intégralement.
157
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Outre la connaissance physique du Causse de Sauveterre, plusieurs objectifs ont été identifiés
initialement, parmi lesquels :
- La détermination des bassins d'alimentation des principales sources karstiques ;
- La connaissance du fonctionnement et de la structure des aquifères karstiques ;
- L’évaluation de la ressource en eau souterraine
- l’incidence des activités humaines et les mesures de protection à mettre en œuvre lors
de la procédure de périmètres de protection.
Plusieurs disciplines comme l’hydrodynamique, l’hydrochimie, les traçages, la géologie et la
tectonique, et la géomorphologie ont été mises en œuvre pour réaliser cette étude.
Le territoire d’étude possède une superficie d’environ 420 km². Il est composé de 23
communes (14 dans le département de l’Aveyron et 9 dans le département de la Lozère).
Pour simplifier, on peut indiquer que deux grands aquifères sont présents : l’aquifère inférieur
composé des formations de l’Hettangien, du Sinémurien et du Domérien ; l’aquifère supérieur
qui démarre depuis les formations de l’Aalénien pour se terminer aux formations du
Portlandien (cf. coupe géologique jointe).
158
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
C’est un territoire doté d’une multitude de sources (150 recensées au total). Les sources les
plus importantes sont situées sur les Grands Causses (cf. photographie 1) et les avants-
Causses présentent des sources plus nombreuses avec des débits plus faibles. La
hiérarchisation des écoulements est donc plus évidente dans l’aquifère supérieur.
Sur ces 150 sources recensées, 19 ont fait l’objet d’un équipement quantitatif (station
hydrométrique) et 120 ont fait l’objet d’un suivi hydrochimique. Un suivi mensuel complet a
été effectué pour une dizaine de ces sources (cf. figure 4).
Photographie 1 : source de Fontmaure qui sort dans les gorges du Tarn (trop plein de
la source de Beldoire).
159
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Il n’est pas possible ici de présenter l’ensemble des bilans scientifiques, mais quelques
particularités seront évoquées.
L’ensemble des méthodes utilisées a permis de définir une première carte des bassins
hydrogéologiques de ce territoire. On peut rappeler qu’aucune carte de synthèse détaillée
n’existait avant cette étude.
Un résultat majeur concerne le bassin des sources de Beldoire-Fontmaure qui, avec ses 130
km2, constitue le premier bassin de ce territoire. Il s’étend jusqu’à l’extrémité Nord-Ouest du
Causse. Les traçages, et notamment celui de la perte de Saint-Urbain sur la commune de
Campagnac, ont permis de mieux délimiter ce bassin. La distance entre cette perte et la source
de Beldoire est d’environ 15,8 km (cf. figure 5).
Il semble avéré que l’approfondissement des gorges du Tarn soit le facteur principal
d’attractivité des eaux. Ceci est confirmé également par l’étendue du bassin de la source de
Rouveyrol au détriment du bassin des sources de l’Aveyron.
Autre résultat : il est confirmé que l’autoroute A75 passe sur les bassins de sources captées :
Cayrac qui alimente la commune de Sévérac-le-Château, Beldoire qui alimente le camping du
même nom, Rocaysou qui alimente la commune de Banassac en Lozère.
Cette évaluation calculée à partir des volumes dynamiques (17) permet d’estimer les réserves
à plusieurs dizaines de millions de mètres cube. On peut distinguer :
• Des volumes supérieurs à 1,5 Mm3 pour Beldoire et Cayrac, impliquant la présence
de réserves souterraines considérables;
• Des volumes compris entre 0,5 Mm3 et 1,5 Mm3 pour Bastide, Lestang, Mayrinhac,
Ségala et Verlenque ;
• Des volumes plus faibles, inférieurs à 0,5 Mm3, pour les autres sources.
D’une façon générale, la qualité des eaux est satisfaisante et aucun dépassement majeur n’est
à noter, excepté une turbidité importante associée à des valeurs bactériologiques élevées sur
certaines sources. En revanche les suivis mensuels et saisonniers permettent de distinguer des
influences anthropiques ponctuelles ou chroniques localisées sur certains bassins.
Les principales sources de pollutions détectées proviennent du salage des routes (Source
captée de Rocaysou, Source du Parisien), de la gestion de stations d’épuration (Rouveyrol,
Courtinaux) et de l’activité agricole (Source de l’Aveyron).
Certaines sources possèdent des qualités hydrochimiques excellentes. C’est le cas de la source
de Mas de Lafon par exemple sur la commune de Mostuéjouls dont le bassin est peu
anthropisé et où il existe des terrains de couverture permettant une bonne filtration des eaux
d’infiltration.
160
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
IV.4. Vulnérabilité
IV.4.1. Etablissement
C’est le facteur I de la méthode RISKE qui est apparu primordial : facteur décrivant la plus ou
moins grande facilité que possède un polluant à rejoindre le réservoir aquifère.
De façon plus précise, ce sont les paramètres suivants, pondérés, qui ont été sélectionnés pour
établir une première version de la carte de vulnérabilité :
- la couverture (supérieure à 1 m) : absence ou présence ;
- la présence de vallon fluvio-karstiques : indice d’écoulement ancien superficiel et
indice d’écoulement souterrain préférentiel;
- la présence de dépressions : dolines, lapiès : indice d’une infiltration plus ou moins
rapide suivant la présence de formations superficielles plus ou moins épaisses;
- les pertes avérées : zone d’infiltration rapide;
- l’occupation du sol : 2 catégories de données sont utilisées ; forêt et pelouse, cultures
et prairies. Ce paramètre a également été retenu car il conditionne la vulnérabilité de
l’aquifère karstique aux pollutions.
Plusieurs classes de vulnérabilité ont été déterminées. Elles vont de la valeur 0 à la valeur 11.
La valeur 11 correspond à une vulnérabilité forte par rapport, essentiellement, au critère
infiltration. Ce sont les pertes qui sont mises en évidence à ce niveau (l’infiltration est rapide ;
elle peut s’effectuer en quelques heures voire en quelques jours). Ce niveau pourrait être
proposé comme Zone de protection immédiate satellite.
En ce qui concerne les autres zones de protection, il apparaît de toute évidence, qu’une zone
de protection immédiate doit être effective au niveau du captage, ainsi qu’une zone de
protection rapprochée autour de celui-ci et enfin une zone de protection éloignée.
En effet, pour l’ensemble des sources concernées, la présence d’un écoulement permanent en
période estivale indique des temps de séjour assez longs au sein de l’aquifère, de l’ordre de
l’année. Des précipitations dans une zone éloignée du bassin d’alimentation vont donc mettre
un certain temps avant d’arriver à l’exutoire. Cette régulation est bien sûr aussi influencée par
les systèmes annexes au drainage qui permettent une alimentation continue du drain karstique
principal.
C’est ainsi que les niveaux 0, 1 et 2 pourraient être proposés en zones de protection éloignée
et les niveaux 3 à 10 pourraient être proposés en zone de protection rapprochée.
- et enfin dans l’estimation des impacts des activités anthropiques ou des pollutions
accidentelles (utilisation des pollutogrammes).
V. 1. Vitesses apparentes
Les vitesses apparentes déduites des distributions des temps de séjour (DTS) ne dépassent pas
100 m/h. Les vitesses les plus élevées ont été mesurées sur des systèmes traçage dont l’entrée
est une perte fonctionnelle (pertes des Sâgnes ou du Souci, de Novis – source de Rouveyrol,
perte du ruisseau de Serre au trou de Souci - source de Glassac).
8
7
Effectif absolu
6
par classe
5
4
3
2
1
0
20 40 60 80 100
Classes de vitesses apparentes en
m/h (Vapp >)
Distribution des valeurs de vitesses apparentes déduites des distributions des temps de
séjour des traçages réalisés dans la région étudiée
Il n’existe pas de relation entre le volume d’eau tracé lors d’un traçage et le volume estimé
des réserves du système karstique. Le transit d’un traceur injecté en un point ne s’effectue que
selon un ensemble de trajectoires (système traçage) qui ne représentent qu’un sous-ensemble
des trajectoires constituant le système hydrologique karstique. En revanche, l’écart entre ces
deux volumes, généralement très important, peut constituer un indicateur de la
représentativité du résultat obtenu sur un système traçage par rapport à l’ensemble du système
karstique.
Les traçages ont permis la mise en évidence de l’incorporation au bassin du Tarn, par
drainage souterrain, du système de Beldoire-Fontmaure, et suite à l’enfoncement du Tarn,
d’une majeure partie de la surface du Causse de Sauveterre primitivement drainée
superficiellement vers le Lot.
effectuées il y a plus d’une dizaine d’années. Ceci confirme le rôle de l’abaissement du niveau
de base régional contrôlé par le Tarn dans l’extension vers l’ouest des systèmes drainés vers
ce cours d’eau.
Le traçage de l’aven de Cassagnes, situé à 200 m environ de la faille des Vignes, a donné lieu,
à la source de Mayrinhac, à une restitution dont les caractéristiques révèlent probablement
l’existence d’un karst noyé assez développé dans les formations carbonatées qui présentent
une épaisseur maximale en contact avec la faille.
L’existence d’un pic très aigu (valeur maximale de la D.T.S. apparue un peu plus de 25 h
après l’injection indiquant une vitesse modale de 69 m/h) suivi d’une traîne très étalée
suggère que le traceur a très probablement transité sans difficulté vers un karst noyé assez
développé expliquant l’importance du volume d’eau tracé (830 000 m3).
Une trentaine de traçages ont été réalisés, mais une dizaine n’ont pas fait l’objet d’une
restitution avérée. Les causes de cette non restitution sont multiples :
- certains traçages auraient demandé une masse de traceur sans doute plus importante
mais le facteur limitant était la présence de sources captées ;
- la quantité d’eau apportée n’a pas été suffisante pour remettre en fonctionnement la
cavité ;
- Y a-t-il une absorption du traceur dans le sable dolomitique argileux ? (des études
sont en cours)
En tout état de cause, lorsque l’injection s’est effectuée sur une partie fonctionnelle du
système karstique (zone noyée, petite circulation d’eau dans le fond d’un aven, pertes de
ruisseau, sources de plateau qui se perdent dans les formations sous-jacentes) il y a eu
systématiquement une restitution.
Références bibliographiques
164
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
(17) Mangin A. 1984 - Pour une meilleure connaissance des systèmes hydrologiques à partir
des analyses corrélatoires et spectrales, Journal of Hydrology, 67, pp25-43.
(18) Marsaud B. 1996 - Structure et fonctionnement de la zone noyée des karsts à partir des
résultats expérimentaux (Structure and behavior of the saturated zone of karst aquifers from
experimental results) PhD Thesis,University Paris XI Orsay, Document du BRGM n°
268,1997, Editions BRGM.
(19) Mudry J. 1987 - Apport du traçage physico-chimique naturel à la connaissance
hydrodynamique des aquifères carbonatés (Contribution of the physical and chemical natural
tracers to the hydrodynamic knowledge of the carbonated aquifers).Thèse de Docteur en
Sciences, Université de Franche Comté, Besançon, France.
(20) Plagnes V. 1997 - Structure et fonctionnement des aquifères karstiques, caractérisation
par la géochimie des eaux (Structure and behavior of karstic aquifers,characterisation by
hydrogeochemistry) PhD. Thesis, University of Montpellier; document du BRGM
n°293,2000, Editions BRGM.
(21) Poulain D. 2003 - Contribution à l’étude hydrogéologique de la partie ouest du Causse
de Sauveterre et étude des modalités et de circulation des eaux dans la zone non saturée par
comparaison des informations fournies par les traceurs chimiques naturels et anthropiques
(ions majeurs) et les traceurs fluorescents sur les systèmes karstiques de la partie ouest du
Causse de Sauveterre, rapport de stage de l’Ecole Supérieure de l’Energie et des Matériaux,
Polytech’Orléans.
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Figure 6 : Carte de vulnérabilité de la partie Ouest du Causse de Sauveterre et de ses avants Causses
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Résumé
Michel Lepiller connaissait bien le karst de la craie de Normandie et y a consacré ses
premières publications. Spéléologue, il a participé à la désobstruction et au développement
des connaissances de nombreux réseaux karstiques. Hydrogéologue, il a notamment acquis de
nombreuses données permettant la caractérisation du fonctionnement et de la vulnérabilité des
aquifères.
La vulnérabilité des aquifères karstiques est principalement due aux connections hydrauliques
existantes entre la surface et le souterrain. L’infiltration concentrée des eaux de surface se fait
via les bétoires et les crypto-bétoires disséminées sur le bassin versant. Pour préserver les
ressources en eau potable, des techniques d’aménagement ont été développées, mais elles sont
coûteuses. Le syndicat d’eau exploitant le captage des Varras, basé au Nord-Ouest du
département de l’Eure en Haute-Normandie à 20 km de Rouen, a réalisé un certain nombre de
ces aménagements durant la fin des années 1990 et le début des années 2000 et souhaitait
évaluer l’impact de ces aménagements sur la turbidité au captage.
Les chroniques de pluie et turbidité ont été enregistrées depuis 1995. A l’instar des travaux de
Michel Lepiller, celles-ci ont été étudiées au moyen des méthodes d’analyse du signal
(analyse corrélatoire et spectrale, analyse en ondelette). Les modifications de la composition
spectrale observées dans le signal peuvent être attribuées à de nombreux paramètres comme
l’intensité des pluies et les conditions d’occupation du sol. Afin d’étudier l’impact des seuls
aménagements sur le risque turbide au captage des Varras, le rapport turbidité/pluie a été
calculé. Ce rapport correspond à un indice de sensibilité du risque turbide du captage des
Varras en réponse à la pluie.
Des analyses en ondelettes ont été effectuées sur cet indice afin de reconstruire les réponses
aux évènements synoptiques et aux fluctuations de nappe. Afin de modéliser l’impact des
aménagements, une interpolation paramétrique sur l’indice de réponse du système a été
effectuée. Cette méthode a permis la reconstruction de l’indice de réponse sans l’impact
supposé des aménagements. Celui-ci a ensuite été comparé à l’indice calculé initialement afin
d’observer l’influence des aménagements sur la sensibilité à la pluie du captage des Varras.
I. INTRODUCTION
La Haute-Normandie est connue pour la vulnérabilité de ses ressources en eau. Les captages
les plus productifs de la région exploitent les systèmes karstiques de nature binaire avec
parfois plus d’une vingtaine de mètres de formations superficielles, principalement des argiles
à silex (1). La nature de ces formations ainsi que celle des sols engendrent un aléa érosion fort
à très fort (2). De part ces caractéristiques, le risque d’occurrence d’épisodes turbides est très
important en Haute-Normandie de sorte que de nombreux captages sont touchés. La mise en
169
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
place des BAC et des DUP ont permis la multiplication des études de vulnérabilité et
notamment la recherche et l’aménagement des bétoires dont le BRGM réalise actuellement la
synthèse et la cartographie.
Le syndicat d’eau gérant le captage des Varras a très tôt développé une politique volontaire de
protection de la ressource et a lancé entre 1997 et 2001 de nombreux travaux d’aménagement
des bétoires (2, 3) identifiées par les différentes études environnementales (4-10). Dans le
cadre de l’évaluation de sa politique de protection de la ressource, le syndicat d’eau a souhaité
étudier l’efficacité de ces aménagements sur la turbidité des eaux au captage des Varras.
Les chroniques de pluie et de turbidité au pas de temps journalier ou horaire sont disponibles
depuis 1995. Des analyses du signal (analyses corrélatoire et spectrale simples et croisées,
périodogramme de Lomb, analyse en ondelettes) ont été utilisées sur ces signaux à l’échelle
annuelle et pluriannuelle pour comparer les résultats avant (1995-1999) et après (2001-2005)
la période des aménagements. Cependant, les différences observées entre ces deux périodes
ne peuvent pas être imputées aux seuls aménagements. En première approche nous pouvons
considérer que la turbidité aux captages dépend de l’introduction d’eau de ruissellement dans
le système karstique via les bétoires et que cette introduction est fonction de la pluie et des
caractéristiques géomorphologiques du bassin versant. Pour isoler l’effet des aménagements
par rapport à celui de la pluie, nous proposons dans cet article de calculer le ratio entre la
turbidité et la pluviométrie. Cet indice évaluerait la sensibilité de la réponse du système
karstique aux pluies et sa comparaison entre les périodes 1995-1999 et 2001-2005 mettrait en
évidence l’impact des aménagements sur cette sensibilité. Pour ce faire, cet indice a été étudié
par analyse en ondelettes afin de reconstruire le signal à partir des basses et des hautes
fréquences puis comparer les résultats entre les deux périodes. Une proposition de
méthodologie pour la modélisation de l’impact des aménagements sur la sensibilité du
système par interpolation paramétrique est présentée ensuite sur la période 2001-2005.
II. SITE
Le captage des Varras est situé dans le département de l’Eure sur la rive gauche de la Seine à
20 km en aval de Rouen. Il a été foré en 1960 dans l’aquifère de la craie au niveau du talweg
de la vallée sèche du Fournel. Lors de sa réalisation le forage était sec et ce n’est qu’après le
creusement d’une galerie horizontale de 39 m de long à 41 m de profondeur que celui-ci a été
mis en eau par le recoupement d’un drain karstique du réseau spéléologique de Caumont (11).
Les essais de pompage montrent de faibles rabattements de l’ordre de la quinzaine de
centimètres après 90 minutes de pompage à 500 m3.h-1 (4). Aujourd’hui, ce captage alimente
35 000 habitants et produit annuellement de 1,5 à 2*106 m3.
Le bassin versant des Varras couvre une superficie de 30 km2. Il est de forme très allongée
d'Ouest en Est et fortement entaillé en son axe depuis le point culminant à 146 mNGF jusqu'à
l'exutoire dans la Seine à 4 mNGF. La station de pompage des Varras se trouve à l'extrême
aval du bassin et draine 28 km2 de celui-ci. Les études réalisées pour la définition du BAC
divergent et donnent une superficie allant de 30 à 50 km2. De part la nature karstique de la
ressource en eau, les études cherchant à démontrer les connexions hydrauliques ont débuté sur
le BAC des Varras en 1985 et plus d’une trentaine de pertes ont été dénombrées à ce jour.
Dans ce contexte, le captage des Varras était fréquemment touché par des épisodes de
turbidité et une usine de traitement par ultrafiltration sur membranes a été construite afin de
continuer l’exploitation de la ressource.
170
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
La turbidité est mesurée au captage depuis 1995, d’abord au pas de temps journalier jusqu’en
1999 puis au pas de temps horaire à partir de 2001 jusqu’en 2005 (Figure 1). La pluviométrie
est suivie au même pas de temps dans une station située sur le bassin versant. Les travaux
d’aménagement ont été réalisés entre 1997 et 2001 de sorte que ces deux chroniques
permettent globalement de considérer les restitutions sans et avec ces aménagements afin
d’évaluer l’efficacité de ceux-ci sur l’occurrence des épisodes turbides au captage. Cependant,
l’occurrence de ces épisodes est fortement contrainte par l’occurrence et l’intensité des
épisodes pluvieux. Afin de d’affranchir de cet impact, le rapport entre la turbidité et la
pluviométrie a été calculé afin d’obtenir un indice de réponse du système. Cet indice a été
lissé par moyenne mobile d’ordre 7 correspondant au temps modal maximum observé dans
les différents traçages (Figure 1).
3000 40 0 1000 200 0
indice de réponse du système
20 20
2000
pluviométrie (mm/jour)
pluviométrie (mm/jour)
30 500 150
turbidité (NTU)
40 40
turbidité (NTU)
1000
20 60 0 100 60
0
80 80
10 -500 50
-1000
100 100
Cet indice ne prend en compte que les phénomènes de transfert direct d’eau de ruissellement
introduite dans le système via les bétoires car en absence de pluie l’indice est nul. Il permet
d’établir un signal entre l’intensité de l’épisode pluvieux et l’intensité de la réponse turbide.
Cependant, il donnera moins d’importance aux forts épisodes pluvieux puisque pour une
même turbidité, il sera plus faible lorsqu’une forte pluie surviendra. Le signal ainsi construit
permet d’évaluer la sensibilité du système aux pluies.
Les méthodes d’analyse du signal ont été introduites en hydrologie karstique par Mangin (12-
15). Parmi ces méthodes, l’analyse spectrale par transformée de Fourier a été la première
employée dans le cadre de l’analyse systémique des aquifères karstiques. Cependant, elle ne
s’avère pas être un outil adapté à l’étude des signaux non-stationnaires dont le contenu
fréquentiel varie au cours du temps.
De tels signaux nécessitent la mise en place d’une analyse temps-échelle qui permet la
localisation des périodicités dans le temps et indique si la période varie d’une façon continue
ou si elle disparaît puis réapparaît par la suite.
Pour répondre à cette problématique, l’analyse spectrale par transformée en ondelettes a été
introduite en hydrologie karstique (16-20). Contrairement à la transformée de Fourier, celle-ci
décompose le signal en une somme de fonctions de taille finie localisées dans le temps pour
chaque fréquence repérée dans le signal. Elle permet d’analyser efficacement les signaux en
171
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
identifiant les fréquences et en les localisant dans le temps tout en prenant en compte la nature
particulière du fonctionnement karstique comme le comportement multi-échelle et
l’instationnarité.
10
5
-5
-10
-15
-20
-25
1/10/00 19/4/01 5/11/01 24/5/02 10/12/02 28/6/03 14/1/04 1/8/04 17/2/05 5/9/05
sinusoïde amortie observée dans le signal sinusoïde non-atténuée
172
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
300
1600
200
1000
100
400
0
-200 -100
a) 20/7/95 23/8/96 27/9/97 1/11/98 6/12/99 d) 1/10/00 25/12/01 20/3/03 12/6/04 5/9/05
1000 250
800 200
600 150
400 100
200 50
0 0
-200 -50
b) 20/7/95 23/8/96 27/9/97 1/11/98 6/12/99 e) 1/10/00 25/12/01 20/3/03 12/6/04 5/9/05
200
1200
900 150
600 100
300 50
0 0
-300 -50
-600 -100
c) 20/7/95 23/8/96 27/9/97 1/11/98 6/12/99 f) 1/10/00 25/12/01 20/3/03 12/6/04 5/9/05
indice de réponse du système (moyenne mobile d’ordre 7) indice de réponse du système (moyenne mobile d’ordre 7)
reconstruction basses fréquences par transformée en ondelettes sans la tendance
Les pourcentages de variance expliqués par les hautes et les basses fréquences durant la
période 1995-1999 sont respectivement de 30% et 65% alors qu’ils sont de 14 et 81% durant
la période 2001-2005 (tableau 1).
173
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
1995-1999 2001-2005
hautes fréquences (F<30j) 30% 14%
basses fréquences (F>40j) 65% 81%
Tableau 1 : Pourcentage de variance exprimé par les hautes et basses fréquences
de l’indice de réponse du captage des Varras durant les périodes 1995-1999 et 2001-2005
Ces résultats montrent qu’en plus d’une diminution de la sensibilité à la pluie du captage des
Varras, la part des hautes fréquences dans cette sensibilité, supposée due aux infiltrations
ponctuelles via les bétoires, a diminué de moitié entre les deux périodes étudiées.
1995-1999 2001-2005
coefficient de la régression 0,0362 -1181
ordonnée à l’origine 0,0288 -1015
Tableau 2 : comparaison des tendances linéaires de l’indice de réponse du système en 1995-
1999 et de celui modélisé avec la tendance pour 2001-2005
174
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
400 400
20 sinusoïdes R2 = 0,637
1000 itérations R = 0,798
300 300
200 200
100 100
0 0
-100 -100
a) 1/10/00 25/12/01 20/3/03 12/6/04 5/9/05
400 400
300 300
200 200
100 100
0 0
-100 -100
b) 1/10/00 25/12/01 20/3/03 12/6/04 5/9/05
L’impact de ces aménagements est plus important à partir de 2003 lorsque tous les ceux-ci ont
été terminés (figure 5). On pourrait y voir aussi l’effet de l’ajout de la tendance mais cet
aspect est également perceptible sur le signal non-amorti sans la tendance (figure 4).
175
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
400
200
100
0
9/1/01 5/11/01 1/9/02 28/6/03 23/4/04 17/2/05
V. CONCLUSION
Références bibliographiques
(1) Laignel B., 1997 – Les altérites à silex de l’ouest du Bassin de Paris. Caractérisation
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Edition BRGM.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
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Rapport MST 2ème année, Université de Rouen.
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varras, Gaudriot.
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(9) Sogeo expert, 2003 –Reconnaissance géologique : bétoire n°14.
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systèmes hydrologiques. Comptes Rendus de l'Academie des Sciences - Series IIA - Earth and
Planetary Science, 293: 401-404.
(15) Mangin A., 1984 – Pour une meilleure connaissance des systèmes hydrologiques à partir
des analyses corrélatoire et spectrale. Journal of Hydrology, 67: 25-43.
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karstique. 1ère partie: analyse univariée de pluies et débits de sources karstiques. Comptes
Rendus de l'Academie des Sciences - Series IIA - Earth and Planetary Science, 329: 873-879.
(17) Labat D., Ababou R. et Mangin A., 1999b – Analyse en ondelettes en hydrologie
karstique. 2ème partie: analyse en ondelettes croisée pluie-débit. Comptes Rendus de
l'Academie des Sciences - Series IIA - Earth and Planetary Science, 329: 881-887.
(18) Labat D., Ababou R. et Mangin A., 2000 – Rainfall-runoff relations for karstic springs.
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Hydrology, 238(3-4): 149-178.
(19) Mathevet T., 2002 – Analyse du fonctionnement du système karstique de Bange-L’eau-
Morte (Bauges, Savoie et Haute-Savoie, France). Rapport de DEA, Université de Paris VI.
(20) Mathevet T., Lepiller M., Mangin A., (2004) – Application of time-series analyses to
the hydrological functioning of an Alpine karstic system: the case of the Bange-L'Eau-Morte
karstic system. Hydrology and Earth systems sciences, 8 (6), 1051-1064
(21) Rossi A., 2007 – Variabilité du transfert hydrosédimentaire dans le bassin versant du
Mississippi dans le contexte du changement global : forçage climatique et modélisation de
l’impact anthropique. Rapport M2R, Université de Rouen.
177
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
178
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
I. INTRODUCTION
Avant sa disparition en 2006, Michel Lepiller était fortement impliqué dans l’étude
hydrogéologique des Îles Loyauté (Nouvelle-Calédonie), au sein d’un programme de
recherche pluridisciplinaire concernant la compréhension et la gestion de la ressource en eau
sur ces îles, impliquant de nombreux partenaires en Nouvelle-Calédonie ainsi qu’en France.
Cet article a pour but de présenter l’originalité des formations karstiques des Îles Loyauté, et
de montrer comment Michel Lepiller, accompagnés de nombreux étudiants, a pu y transposer
ses connaissances des systèmes karstiques, pour y mettre en œuvre une série d’études qui a
permis de faire avancer notre conception des aquifères de ces îles.
179
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Figure 1 : Carte de la Nouvelle-Calédonie montrant la position des Îles Loyauté par rapport
à la Fosse des Nouvelles-Hébrides et au bombement de la lithosphère (1), adapté de (2).
Sur un soubassement basaltique (Miocène), seul reste d’anciens volcans, s’est ainsi
développé, entre 11 Ma (Miocène supérieur) et 3 Ma (Pliocène), une formation calcaire sous
l’action des rhodolithes (algues rouges) qui constitue aujourd’hui 95% du calcaire des
Loyauté. Ce calcaire à rhodolithes se présente sous forme de formations alguaires sphériques
(quelques centimètres de diamètres) cimentées entre elles, donnant un aspect boursouflé aux
affleurements. Par la suite, une formation récifale, d’origine principalement corallienne, s’est
développée au Pliocène sur cette formation à rhodolithes tout autour des îles, et a formé le
bourrelet périphérique (large de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres) qui
ceinture les Loyauté et surplombe d’une cinquantaine de mètres le plateau central des îles
(Fig. 5a). L’érosion de ce bourrelet a donné lieu à une sédimentation de matériau biodétritique
au centre de l’île, qui a recouvert le calcaire à rhodolithes (Fig. 2) (2, 3, 4).
La présence de formations coralliennes jusqu’à une centaine de mètres d’altitude, ainsi que
la différence d’aspect des îles s’expliquent par la proximité d’une zone de subduction
(fosse des Nouvelles-Hébrides) où la plaque australienne plonge sous la plaque Pacifique.
Cette subduction entraîne un bombement de la plaque océanique qui est le socle des Îles
Loyauté (Fig. 3). Au fur et à mesure de l’avancée de la plaque australienne, les Îles
Loyauté, Maré la première, ont atteint depuis le Pléistocène ce bombement et ont
progressivement émergé (Fig. 3) (1). Maré semble avoir déjà basculé de l’autre côté du
bombement et entamé son plongeon vers la fosse de subduction, tandis que Lifou est
encore en phase d’ascension. Ouvéa ferme la marche et se trouve dans la position
qu’occupait Lifou et Maré il y a quelques centaines de milliers d’années. Elle a ainsi à
peine entamé sa phase d’ascension, ce qui explique qu’elle ne présente qu’une faible
surface émergée, et un plateau central encore submergé. C’est au cours de cette émersion
180
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
que des récifs coralliens ont recouvert le calcaire à rhodolithes au niveau du littoral,
donnant naissance à un certain nombre de terrasses et de falaises tout autour des îles (Fig.
2).
Depuis le début de l’émersion des îles, un important réseau karstique s’est formé dans le
plateau calcaire, sous l’effet de l’infiltration des eaux météoritiques et de l’eau de mer par les
nombreuses fractures qui parcourent les massifs calcaires. Cette fracturation a été accentuée
par les déformations provoquées par le parcours des îles sur le bombement de la lithosphère.
Les formations karstiques se sont développées dans le calcaire à rhodolithes, qui est beaucoup
plus sensible à l’érosion que le calcaire corallien. Le sous-sol de toutes les Îles Loyauté
comporte ainsi de nombreux vides (cavités, trous d’effondrements, fractures élargies) qui
peuvent atteindre des tailles impressionnantes (jusqu’à une centaine de mètres de diamètre à
Maré et Lifou, Fig. 5b). Ces formations karstiques atteignent parfois la surface (exokarst)
dans les zones ou la couche de calcaire corallien est peu épaisse et s’est effondrée. De ce fait,
les formations exokarstiques sont essentiellement présentes en périphérie des îles, au pied du
bourrelet périphérique.
L’une des caractéristiques principales des quatre principales Îles Loyauté (Lifou, Maré, Ouvéa
et Tiga) est leur absence de réseau hydrographique superficiel : on n’y trouve en effet aucun
cours d’eau. Du fait de la grande porosité du socle calcaire, de l’importance de la fracturation
et du réseau karstique, la totalité des importantes précipitations (1600 mm/an en moyenne)
s’infiltre en effet directement dans le sol.
Ces îles sont véritablement des cailloux posés au milieu de l’océan Pacifique. De ce fait,
l’existence d’une nappe d’eau douce apparaît comme un petit miracle géologique. Les Îles
Loyauté disposent pourtant toutes d’une nappe d’eau douce ou saumâtre qui « flotte » sur
l’eau salée, grâce à sa plus faible densité, et la faible miscibilité des deux liquides. Vue de
profil cette nappe prend la forme d’une lentille dite de Ghyben-Herzberg, d’après les auteurs
qui ont décrit ce modèle (Fig. 4).
181
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Figure 4 : Représentation schématique de la lentille d’eau douce des Îles Loyauté, adapté de
(2).
Ce modèle est assez simpliste, mais permet de bien décrire la morphologie générale des
nappes d’eau douces des Îles Loyautés. La taille et la salinité de cette lentille d’eau dépendent
de la taille de l’île. Ainsi on trouve une nappe d’eau douce importante à Lifou et Maré, tandis
que seule une petite nappe d’eau contaminée par l’eau de mer est présente à Ouvéa et Tiga.
Les niveaux piézométriques suivent la même tendance : la nappe d’eau douce à Lifou et Maré
atteint respectivement 3,5 et 2,5 mètres au dessus du niveau de la mer, tandis qu’elle atteint à
peine quelques dizaines de centimètres à Ouvéa (5, 6). La limite inférieure de cette nappe se
situe à approximativement 40 fois le niveau piézométrique.
L’équilibre qui maintient la lentille d’eau douce est fragile, et dépend d’une alimentation
régulière de la nappe, et de variations limitées de son niveau et du niveau marin, afin de
limiter la contamination par l’eau salée (5).
L’accès à l’eau douce et la gestion de cette ressource est un problème de longue date aux Îles
Loyauté. Hormis les citernes, la nappe d’eau douce représente ainsi la seule source d’eau
potable pour les populations de Lifou et Maré. A Ouvéa, l’absence d’une vraie nappe d’eau
douce a conduit à la construction récente d’une usine de dessalement.
Comme nous l’avons déjà mentionné, la présence d’une nappe d’eau douce sur ces îles repose
sur un équilibre précaire. L’eau potable est exposée à une pollution par l’eau salée et à la
pollution humaine.
Si, en théorie, la limite entre la nappe d’eau et l’eau salée (ou halocline) sur laquelle elle
repose est nette, les études ont montré que cet halocline est plutôt diffus (Fig. 4), moins
profond que la valeur théorique, et qu’il se déplace en fonction des variations du niveau
piézométrique, comme celles entraînées par les pompages. Une légère variation du niveau
piézométrique suffit à faire remonter fortement l’halocline. Ainsi un pompage intensif
entraînerait une baisse significative du niveau piézométrique, et inversement, une remontée de
l’halocline, ce qui peut aboutir dans le cas extrême au pompage d’eau salée.
La nature très perméable des terrains calcaires rongés par la karstification fait que les
substances polluantes peuvent être entraînées par les eaux météoriques jusque dans la nappe,
et sont donc une menace permanente vis à vis de 1a potabilité des eaux de pompage.
Confronté à la croissance démographique et au développement agricole, artisanal et
touristique, le développement économique durable des Îles Loyauté est donc lié à la capacité
des populations (20000 habitants au total) à préserver la qualité des eaux souterraines, et donc
182
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Les études hydrogéologiques ont surtout concerné Lifou, et dans une moindre mesure Maré,
qui sont les deux seules îles à posséder une nappe d’eau importante.
Cette série de travaux a été conçue par Michel Lepiller en collaboration avec les partenaires
locaux. Pour leur mise en oeuvre, il fut aidé par de nombreux élèves ingénieurs de
Polytech’Orléans (Alexandre Hoez, François Orange, Aziz Atiyeh, Vincent Cadoret, Dorota
Jaromin et Savinien Navarre), lors des trois années qu’ont duré le programme SAGE
(jusqu’en 2004) et les années suivantes.
183
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Avant que soit entreprise l’étude hydrogéologique des Îles Loyauté, on considérait que
l’exhaure était diffus et réparti sur tout le littoral, suivant le modèle de la lentille de Ghyben-
Herzberg. Les zones importantes d’exhaure n’avaient jusque là pas été repérées, ou n’étaient
connues que des habitants de l’île.
Une partie importante du temps passé aux Îles Loyauté par Michel Lepiller et ses étudiants à
été consacrée au recensement des zones d’exhaure littorales, pour repérer de possibles zones
préférentielles de drainage, par prospection du littoral à marée basse. D’importantes
émergences ont ainsi été identifiées en différents point du littoral de Lifou et de Maré (Figs.
5c et d). L’eau qui y jaillit est toujours saumâtre (mélangée à l’eau de mer) et peut être
détectée visuellement (aspect huileux des eaux saumâtres), ou par conductimétrie. De manière
systématique, leur position a été relevée et des prélèvements d’eau ont été faits pour analyse.
En parallèle, un recensement des formations karstiques de Lifou et de leur localisation a été
effectué par Alexandre Hoez, à partir de la bibliographie existante, des informations données
par les habitants de l’île, et complété par des observations aériennes ou satellite (8, 9). Cet
inventaire a ensuite été suivi de l’exploration spéléologique de ces grottes, afin de voir dans
quelles conditions elles permettaient l’accès à la nappe d’eau douce, de juger de leur taille, de
leur morphologie et de leur orientation. Ce recensement a également été effectué à Maré.
Ce repérage des zones d’exhaures et la spéléologie dans les cavités karstiques constituaient le
travail de base à l’étude hydrogéologique des Îles Loyauté. Il a été mené de manière régulière
et soutenue au cours de toutes les missions de terrains par l’ensemble des élèves ingénieurs
sous la responsabilité de Michel Lepiller, que ce soit à Lifou ou Maré.
Si le repérage des zones d’exhaure est loin d’être complet, il a toutefois permis de montrer
que l’exhaure s’effectuait de manière localisée et non diffuse, et le plus souvent dans des
parties concaves du trait de côte (comme au niveau de la baie de Châteaubriand à Lifou).
Cette observation s’avère également cohérente avec les zones de drainage de l’aquifère mises
en évidence par la piézométrie, qui montre une partition de l’aquifère en systèmes
hydrogéologiques individualisés.
184
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Figure 5 : Différents aspects géologiques et hydrogéologiques des Îles Loyauté. (a) Vue
aérienne du bourrelet périphérique de Lifou (b) Exemble de formation karstique de grande
taille à Maré. (c) Émergences visibles à marée basse sur la plage de Luecilla (Lifou) (d)
Émergence visible à marée basse au niveau d’une fracture dans le calcaire corallien (Lifou).
III.2. Traçages
185
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Une modélisation informatique a été réalisée par François Orange (10) et utilisée pour étudier
le fonctionnement de la nappe d’eau douce à l’échelle de l’île de Lifou, puis à l’échelle de la
186
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Figure 7 : Calcul par ASMWIN des trajectoires d’écoulement à la surface de la nappe d’eau
douce sur une période d’un mois au niveau de la Baie de Châteaubriand (Lifou, cf. Fig. 6).
Les mailles grisées correspondent aux formations karstiques qui ont été prises en compte
dans la modélisation. La localisation du centre d’enfouissement technique est précisée (rond
noir).
Il a ainsi été possible de simuler les trajectoires des écoulements d’eau autour de la Baie de
Châteaubriand (Lifou), en prenant en compte la présence de drains karstiques avérés par
traçages, ou supposés, qui suivent les alignements de formations exokarstiques, pour aboutir
aux zones d’exhaure reconnues. La modélisation a ainsi permis de représenter de manière
significative et spectaculaire l’influence de tels réseaux karstiques sur la piézométrie locale.
Les écoulements d’eau apparaissent être capturés par les drains karstiques, et atteignent
préférentiellement la mer au niveau des zones d’exhaure localisées (Fig. 7). Cette
modélisation a enfin eu une application concrète en montrant que l’ensemble du drain
karstique supposé au sud de la baie pourrait être exposé à une pollution provenant d’un centre
d’enfouissement technique installé à proximité de formations exokarstiques (Fig. 6 et 7).
187
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Sur le plan humain, Michel Lepiller a permis à plusieurs élèves ingénieurs d’acquérir une
expérience qui s’intègre parfaitement dans leur formation, en les impliquant dans l’étude
d’aquifères avec un réel problème de la gestion de la ressource en eau. Les travaux en
hydrogéologie planifiés par Michel Lepiller et les résultats qu’ils ont amenés ont également
permis la création de liens professionnels et humains forts entre les personnels des Universités
d’Orléans et de Nouvelle-Calédonie, comme en témoigne la poursuite des recherches en
hydrogéologie aux Îles Loyauté qui se prolongent encore actuellement, impliquant chaque
année de nouveaux élèves ingénieurs.
Références bibliographiques
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islands area and their plate tectonics interpretation. Tectonophysics, 24 : 133-150.
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feuille Maré, Îles Loyauté. Nouméa : Service des Mines et de l'Energie, Bureau de
Recherches Géologiques et Minières. Notice explicative par P. Maurizot et al. (2003).
(3) Maurizot P., Lafoy Y., 2004 – Carte géologique de la Nouvelle-Calédonie (1 / 50 000),
feuille Lifou, Îles Loyauté. Nouméa : Service des Mines et de l'Energie, Bureau de
Recherches Géologiques et Minières. Notice explicative par P. Maurizot et al. (2004).
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Calédonie, France, l : 135-188.
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d’eau douce à Lifou et Maré, rapport de stage, mém. DESS Géomatique, Université
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technicien, ESEM, Université d’Orléans, 68pp.
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technicien, ESEM, Université d’Orléans, 58 pp.
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mém. ingénieur, Polytech’ Orléans, 76 pp.
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WINdows - Groundwater flow and transport modeling, an integrated program. Berlin,
Stuttgart (Borntraeger), 137 pp. http://www.pmwin.net/asmwin6.htm
188
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Session 2
Traçages artificiels: méthodologie,
technique, outils, interprétation
189
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
190
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Résumé
Le traçage artificiel des eaux souterraines est une méthode rapide et pratique de reconnaissance des
écoulements souterrains. Les traçages sont de plus en plus utilisés à la fois pour délimiter les aires
d’alimentation de points d’eaux, captés ou non, et pour simuler des pollutions. Pour ce qui est de la
simple reconnaissance des écoulements souterrains la compilation de données anciennes et,
malheureusement, la valorisation de données récentes montrent que les résultats de traçages peuvent
conduire à des interprétations hâtives voire à des incohérences hydrogéologiques.
C’est pour cette raison que dans les années 1990, Michel Lepiller avait commencé à réfléchir à une
grille d’évaluation des résultats de traçages.
L’objet de cette note est de présenter la grille de Michel Lepiller et de reprendre la réflexion là où il
l’avait laissée pour aboutir à deux grilles d’évaluation de la fiabilité des traçages : une pour les
traçages à résultat positif, l’autre pour les traçages à résultat négatif. Une note allant de 0 à 10 par
ordre de fiabilité croissante est alors attribuée à chaque traçage en fonction des techniques mises en
œuvre pour étayer le résultat du traçage.
L’intérêt de cette cotation est de pouvoir évaluer, pour chaque expérience, la fiabilité statistique du
résultat par rapport à la méthode de détection des traceurs employée. Ces grilles peuvent être utilisées
a posteriori pour reprendre des interprétations hydrogéologiques et inciter ainsi l’hydrogéologue à
éliminer les expériences peu fiables pour les rééditer à nouveau en ayant recours à des méthodes de
détection plus fiables. Elles peuvent également servir à choisir la fiabilité d’une expérience avant de la
réaliser, en connaissant les risques d’erreur que l’on prend sur les résultats positifs et négatifs.
Le principal enseignement de cet exercice est qu’il est impératif de demander les moyens de détection
utilisés sur les fiches destinées à dresser un inventaire des traçages. De plus, il faut toujours donner le
protocole de suivi des restitutions de traçage lorsque que l’on fait une publication.
L’important n’est pas automatiquement que le résultat soit fiable mais que l’on sache s’il ne l’est pas à
100%.
I. INTRODUCTION
Le traçage est une technique employée de longue date en hydrogéologie. Les premières
« colorations » des eaux souterraines remontent en effet à la fin du 19ième siècle. Les premiers
essais relatés ont été réalisés par le Professeur Knop en 1869 pour mettre en évidence des
pertes du Danube entre Immendingen et Tuttlingen en Allemagne (1). La coloration française
la plus célèbre reste celle réalisée en 1931 par N. CASTERETt au « Trou du Toro » qui a
démontré que la Garonne prenait sa source en Espagne dans le massif de la Maladetta (2).
191
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Cette technique a été initiée par les spéléologues. Son objectif principal était de mettre en
évidence les relations hydrauliques existant entre un point de perte d’un écoulement de
surface, ou bien l’extrémité aval d’une rivière souterraine reconnue en spéléologie, et une ou
plusieurs sources localisées à la périphérie du massif karstique étudié. Sa finalité était avant-
tout, de guider les spéléologues dans leur prospection de nouvelles cavités qui permettent de
poursuivre la reconnaissance d’un réseau spéléologique.
Dès le début du XXiéme siècle, certains géologues officiels ont recours à cette technique pour
mettre en évidence des problèmes d’hygiène publique. Fournier a notamment fait de
nombreuses colorations pour démontrer de quelle façon étaient alimentées les fontaines
publiques des villages du Doubs et attirer l’attention des Maires sur les rejets d’eau usées qui
risquaient de contaminer ces fontaines (3).
A cette époque, le traceur employé était le plus souvent des colorants (fluorescéine
principalement) et la détection du traceur se faisait uniquement de façon visuelle par
observation de la coloration des sources surveillées. Cela supposait que les observateurs
soient présents au bon moment, lorsque le traceur était restitué à la source, et que le traceur
ressorte à une concentration suffisante pour que sa coloration spécifique soit perceptible sans
équivoque.
De nos jours, parallèlement à cette activité de coloration spéléologique, les traçages sont
devenus un outil de premier ordre pour permettre à l’hydrogéologue de définir des périmètres
de protection autour des captages d’alimentation en eau potable.
Dans le domaine des aquifères karstiques, on peut reconnaître aux traçages deux principales
utilisations :
Dans les deux cas la fiabilité des résultats doit être primordiale :
- si l’expérience de traçage est positive et conclut à une restitution, il convient de
s’assurer que les moyens de détection du traceur utilisés permettent d’affirmer
sans ambiguïté que le signal observé au point de restitution est bien dû à la
présence du traceur (4) ;
- si l’expérience de traçage est négative et conclut à une absence de restitution, il
convient alors de se demander si la période de surveillance de la restitution et
la fréquence des échantillonnages étaient bien adaptées, ou bien si la technique
de détection était appropriée pour détecter de faibles concentrations de traceur
à l’exutoire. Ces questions se posent encore avec plus d’acuité si le traceur
injecté n’a été retrouvé sur aucun des exutoires surveillés.
192
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Un traçage artificiel consiste à introduire dans le sous-sol un traceur, puis à rechercher cette
même substance en un ou plusieurs points d’émergence des eaux souterraines. Le traceur est
défini comme étant une substance facilement détectable et peu dégradable dans le milieu
souterrain, qui est transportée par l’eau et susceptible de représenter son transit.
Notion de système karstique : le système karstique est défini comme étant « un ensemble au
niveau duquel les écoulements souterrains s’organisent pour constituer une unité de
drainage » (5, 6, 7 et 8). A l’image d’un bassin versant de surface, le système karstique
correspond à l’impluvium au niveau duquel les écoulements souterrains s’organisent en une
unité de drainage aboutissant à un nombre réduit d’exutoires.
Notion de système traçage : le système traçage n’est représentatif uniquement que de la zone
effectivement parcourue par le traceur entre le point d’injection et le point de restitution. C’est
donc un sous-ensemble du système karstique (9). Les résultats d’un traçage ne seront donc
représentatifs que de la partie du système karstique dont les écoulements ont été concernés par
le transit du traceur injecté. En aucune manière, ils peuvent être extrapolés à l’ensemble des
écoulements parcourant le système karstique.
Interprétation des traçages : les données d’un traçage ne permettent pas uniquement
d’obtenir une information sur l’existence ou non d’une relation entre deux points, mais
permettent également en cas de restitution avérée d’acquérir des informations sur la structure
du système traçage et les modalités de transit du traceur, susceptible de simuler un polluant,
en son sein. L’interprétation des traçages repose sur l’étude des modalités de transfert de la
masse de traceur injectée, laquelle est appréhendée au moyen de l’analyse de la courbe des
flux massiques observée à l’exutoire, appelée aussi courbe de distribution des temps de séjour
lorsque celle-ci est normée par rapport à la masse de traceur restituée (10, 11, 12).
Le système traçage est alors assimilé à un système scalaire dont la fonction d’entrée est la
courbe de flux massique du traceur injecté et la fonction de sortie la courbe de flux massique
du traceur restitué à l’exutoire. Le plus souvent la durée de l’injection du traceur peut être
considérée comme négligeable et, de ce fait, la courbe des flux de traceur à l’exutoire représente une
image de la réponse impulsionnelle du système traçage étudié. Ainsi toute restitution de traceur, doit
donner lieu à une courbe de restitution parfaitement structurée (fig 1).
350 2.0
1.8
300
1.6
250 1.4
Concentration (µg/L)
200
1.0
150
0.8
100 0.6
0.4
50
0.2
0 0.0
6/11/07 0:00 6/11/07 12:00 7/11/07 0:00 7/11/07 12:00 8/11/07 0:00 8/11/07 12:00 9/11/07 0:00
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Lorsque les débits à l’exutoire sont connus, il est important d’effectuer un calcul de bilan de
restitution. Il permet d’apprécier pleinement la valeur du résultat obtenu. Lorsque celui-ci est
élevé, il est fort probable que la totalité injectée ne concerne que l’exutoire sur lequel la
restitution a été constatée. Si celui-ci est faible, d’autres sorties à d’autres exutoires peuvent
être suspectées, ou, à défaut, les raisons de cette faible restitution doivent être recherchées. En
revanche, si le bilan est excédentaire et qu’il n’y a pas de doute sur la fiabilité des débits de
l’exutoire, de fortes suspicions pèsent sur la validité du signal interprété comme étant une
restitution de traceur.
Quels que soient les résultats analytiques d’un traçage, ceux-ci n’échappent pas en dernier
ressort à la signification hydrogéologique qui en découle. Le résultat obtenu est-il cohérent
avec la compréhension des écoulements souterrains que l’on peut se faire sur le secteur
étudié ?
Les techniques de détection des traceurs fluorescents ont évolué au cours du temps :
Détection visuelle : celle-ci est sans équivoque lorsque la coloration au point de restitution est
intense, mais elle peut prêter à confusion lorsque la coloration est faible. En effet une
coloration naturelle de l’eau peut alors être interprétée comme une restitution. Ceci est
particulièrement vrai dans le cas d’une coloration verte qui peut être attribuée à de la
fluorescéine.
Fluocapteurs : les traceurs fluorescents sont supposés s’adsorber sur du charbon actif en grain
(CAG) immergé dans l’exutoire surveillé. Le traceur fluorescent est ensuite désorbé dans une
solution alcoolique de potasse à 10% (14). La restitution est alors appréciée à partir de la
coloration visuelle de l’éluat, ou bien après son passage dans un fluorimètre, ou bien un
spectrofluorimètre. Il convient de rester très prudent sur les résultats ainsi obtenus. En effet,
l’absence de signal ne veut pas dire pour autant absence de restitution : si tous les sites
d’adsorption du CGA sont saturés au moment où le traceur est restitué, les traceur ne sera pas
piégé sur le fluocapteur. A contrario, une coloration verte non vérifiée par spectrofluorimétrie
ne veut pas dire nécessairement restitution de traceur, il peut entre autre s’agir de
chhorophylle.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Fluorimètres de terrain : l’utilisation de ces appareils est de plus en plus répandue. D’un
usage facile, ces appareils permettent d’obtenir un signal de fluorescence dans une gamme de
longueur d’onde donnée. Toutefois il convient de s’assurer que le signal mesuré correspond
bien à celui du traceur injecté et qu’il ne provient pas d’un signal parasite venant interférer sur
la mesure (diffusion de matières en suspension, matières organiques dissoutes….). De plus ces
appareils ont une gamme de mesure peu étendue d’où un risque de saturation en cas de
concentration élevée en traceur, et leur seuil de détection reste assez élevé ce qui peut poser
problème en cas de faibles concentrations en traceur. Aussi pour un bon diagnostic du résultat,
est-il indispensable des pouvoir doser en parallèle quelques échantillons au laboratoire.
Ces dosages analytiques associés à des spectres deviennent de plus en plus nécessaires pour
étayer un diagnostic de résultat de traçage dans la mesure où les utilisateurs utilisent
fréquemment de faibles quantités de traceur afin de rester sous le seuil de détection visuelle en
cas de restitution sur un exutoire capté pour l’alimentation en eau potable, ceci dans un souci
de ne pas perturber la distribution d’eau.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Dans l’avenir, ces bases de données pourraient se développer sur internet et être une source
importante de données de base pour de nombreuses études comme la définition des aires
d’alimentation des captages (Loi sur l’eau de 2006), ou exploitée en vue d’aménagements
futurs ou pour la rédaction de documents d’incidence.
La plupart du temps, ces inventaires accordent la même valeur à toutes les expériences de
traçages. Hors, les méthodologies employées pour obtenir les résultats sont très différentes et
parfois peu fiables.
196
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Parfois des traçages dont les résultats sont peu fiables amènent à des conclusions hâtives
voire, dans certain cas à des théories compliquées sur l’hydrogéologie d’un secteur ou sur le
fonctionnement particulier d’un type d’aquifère karstique. Par exemple en Normandie, il est
commun qu’une crue sur une émergence qui draine la craie soit associée à une forte turbidité.
Le pic de turbidité génère alors un signal parasite qui interfère sur le signal de fluorescence du
traceur. En l’absence de contrôle analytique en laboratoire, il peut alors être interprété comme
une restitution (fig. 3).
Malheureusement, ces exemples sont nombreux dans la littérature et sans une grille
d’évaluation des résultats des traçages, ces résultats douteux peuvent nuire à la
compréhension hydrogéologique des circulations souterraines.
Dans les années 80, à l’initiative de la Fédération Française de Spéléologie, un inventaire des
traçages avait été entrepris dans la région Rhône-Alpes. A cette occasion Michel Lepiller
avait été contacté pour les travaux qu’il conduisait dans les Bauges et dans les Bornes. Il avait
alors remarqué que les fiches d’inventaire à remplir ne comportaient aucune indication sur les
divers critères qui pouvaient permettre a posteriori d’évaluer la pertinence des expériences de
traçages consignées. Tous les résultats de traçages contenus dans cet inventaire étaient à
prendre « pour argent comptant » alors que certains d’entre eux n’étaient pas sans poser
quelques problèmes d’interprétation hydrogéologique.
Dans le souci de pallier à cette lacune, Michel Lepiller avait commencé à réfléchir à cette
question et nous avait proposé, il y a une dizaine d’années un « projet d’échelle de cotation du
degré de fiabilité des résultats d’un traçage de circulation souterraine ».
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Degré Critère
0 Examen visuel seul de l’éluat d’un fluocapteur
1 Examen de l’éluat d’un fluocapteur au fluorimètre avec référence à l’éluat d’un fluocapteur
témoin
2 Examen de l’éluat d’un fluocapteur au spectrofluorimètre avec réalisation de spectres d’excitation
et d’émission.
3 Présomption d’une restitution fondée sur l’examen visuel de l’exutoire ayant permis de remarquer
une variation de couleur de l’eau compatible avec la restitution du traceur utilisé
4 Examen d’un nombre suffisant d’éluats de fluocapteurs au fluorimètre permettant de fonder une
présomption de restitution du traceur sur le tracé d’une courbe de concentration
5 Examen d’un nombre suffisant d’éluats de fluocapteurs au spectrofluorimètre permettant de
fonder une présomption de restitution du traceur sur le tracé d’une courbe de concentration, avec
réalisation de spectres d’excitation et d’émission
6 Examen d’un échantillon d’eau isolé ou unique (échantillon composé) au spectrofluorimètre
comprenant le tracé des spectres d’excitation et d’émission ou un balayage synchrone
7 Examen d’échantillons d’eau en nombre suffisant pour construire une courbe de concentration du
traceur et comprenant le tracé des spectres d’excitation d’émission ou un balayage synchrone
Tableau 1 : Projet d’échelle de cotation du degré de fiabilité des résultats d’un traçage de
circulation souterraine (Michel Lepiller – Inédit)
Un des points important de ce projet d’échelle de cotation est le faible degré de fiabilité
accordé par Michel Lepiller aux résultats obtenus à l’aide de fluocapteurs.
Toutefois, ce projet d’échelle de cotation allant de 0 à 7 devait être amélioré. Nous avions
convenu que cette échelle devait aller jusqu’à 10 et que d’autres cas devaient être introduits
comme par exemple l’emploi de fluorimètres enregistreurs de terrain qui sont aujourd’hui de
plus en plus utilisés pour obtenir des résultats en temps réel.
La cotation attribuée à un traçage doit être considérée comme un indice de fiabilité au sens
statistique du terme. Une note faible donnée à un traçage ne veut pas dire que le résultat est
faux, mais plutôt dire que statistiquement pour un échantillon de traçages réalisé dans des
conditions similaires seul un certain pourcentage des expériences fournit une information
correcte telle qu’elle aurait pu être vérifiée avec la méthode de détection la plus fiable.
L’objet n’est pas de rejeter en bloc les expériences de traçages réalisées avec peu de moyens
mais plutôt de leur donner un indice de fiabilité statistique compte-tenu des moyens de
détection employés.
- Zéro veut dire que l’information fournie par 100% des expériences réalisées
dans ces conditions n’apportent aucune information fiable sur le transit
souterrain,
- Dix veut dire que la totalité (100%) des traçages réalisés avec cette méthode de
détection apporte une information fiable sur les écoulements souterrains.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Dans cette cotation, et compte-tenu des méthodes actuelles de détection, nous avons retenu
pour méthode fiable à 100%, les traçages réalisés avec un nombre suffisant d’analyses
spectrofluorimétriques en laboratoire, avec vérification de la nature du produit fluorescent par
réalisation de spectres d’excitation et d’émission, permettant de décrire de façon satisfaisante
une courbe de restitution structurée et, lorsque que c’est possible, confirmée par un bilan de
restitution du traceur cohérent.
Ainsi une note de 3 signifie que sur 10 traçages réalisés dans des conditions similaires 7
peuvent apporter une information erronée et 3 seulement auraient pu être confirmées par des
analyses de spectrofluorimétrie complètes en laboratoire.
Cette cotation reste une appréciation subjective basée sur notre expérience et découle de
nombreuses discussions que nous avons eues avec d’autres hydrogéologues travaillant sur le
karst dont Michel Lepiller. Elle ne repose pas sur une étude purement statistique
d’expériences réalisées, faute de pouvoir vérifier a posteriori, pour toutes les expériences, leur
fiabilité réelle.
Nous avons choisi de nous en tenir aux traçages fournissant un résultat binaire : le traceur a
atteint cette source (résultat positif) ou le traçage n’a pas atteint cette source (résultat négatif).
En effet, ce type de traçage est le plus courant et surtout la fiabilité de ce résultat conditionne
la justesse des cartes et atlas hydrogéologiques publiés.
L’utilisation des fluocapteurs dont le principe rend plus que douteux les résultats négatifs,
nous a conduit à proposer deux grilles d’évaluation : une grille pour les traçages dont le
résultat est positif et une grille pour les traçages dont le résultat est négatif.
Pour les traçages négatifs et pour simplifier, nous avons pris les hypothèses suivantes :
Ces grilles ont été élaborées en utilisant, pour chaque technique de détection, un
organigramme. Ces organigrammes sont proposés à la fin de cette note. Ils peuvent être
utilisés pour automatiser la cotation des expériences de traçage et introduire, par exemple, un
code de couleur sur les cartes et atlas hydrogéologiques ou, associer les traçages par note de
fiabilité sur des couches SIG.
Dans un souci de cohérence avec la grille de cotation proposée par Michel Lepiller, nous
avons regroupé les cas présentant la même note, comprise entre 0 et 10.
Enfin, comme Michel Lepiller, nous nous sommes restreints aux traçages réalisés avec des
traceurs fluorescents.
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V. COMMENTAIRES
Comme dans la grille de Michel Lepiller, les résultats obtenus à l’aide de fluocapteurs
obtiennent des notes faibles sauf dans le cas où il y a un grand nombre d’éluats de
fluocapteurs analysés par spectrofluorimétrie. On peut d’ailleurs remarquer que dans ce cas, si
l’on doit relever de nombreux fluocapteurs, il vaut mieux réaliser des prélèvements et les
analyser par spectrofluorimétrie, la fiabilité sera bien meilleure.
On peut également remarquer que pour les traçages réputés négatifs, la note obtenue par les
fluocapteurs ne peut pas dépasser 5. En effet, on ne peut jamais savoir si le charbon actif n’a
pas été saturé par d’autres molécules que celles du traceur.
Dans cette grille nous attirons également l’attention sur la modeste fiabilité des résultats de
traçages positifs ou négatifs obtenus par les seules données issues d’un fluorimètre
enregistreur de terrain. En effet, il existe dans la nature des molécules qui émettent des
intensités lumineuses parfois importantes à la longueur d’onde d’excitation du traceur. C’est
en particulier le cas en période de crue (fig n°3) et pour certains traceurs fluorescents. Dans
ces conditions, si le signal n’est pas très fort, il y a obligation de réaliser des analyses en
laboratoire avec vérification de la nature du traceur à l’aide spectres d’excitation et d’émission
pour obtenir une note maximale.
L’observation visuelle reste une méthode fiable pour les résultats positifs à condition de
réaliser plusieurs observations et de pouvoir décrire une variation de couleur (9). Toutefois,
cette méthode n’est pas fiable pour les résultats négatifs puisque le traceur peut passer à des
concentrations inférieures au seuil de détection visuel. Comme pour les fluocapteurs, si l’on
doit observer régulièrement des exutoires le mieux est de faire des prélèvements et de les
analyser en laboratoire avec vérification de la présence du traceur par réalisation de spectres.
Dans ces grilles, nous n’avons pas tenu compte de tous les cas où il peut y avoir cumul des
méthodes de détection. Toutefois, il nous semble que la seule méthode fiable dans tous les cas
pour les traçages positifs et négatifs est de réaliser des analyses avec réalisation de spectres
sur un nombre suffisant d’échantillons
Nous avons choisi volontairement de ne pas retenir comme critère de fiabilité, le bilan de
restitution du traceur car d’une part tous les exutoires ne se prêtent pas à des mesures de débit,
et d’autre part, lorsque c’est possible, leur débit n’est que très rarement mesuré à l’occasion
du traçage. Nous recommandons toutefois vivement de mesurer le débit des sources
surveillées lors d’un traçage.
VI. CONCLUSIONS
Ces grilles sont des propositions qui peuvent bien évidemment être adaptées et améliorées.
Elles devront automatiquement l’être avec l’évolution probable des méthodes et techniques de
détection.
Le principal enseignement de l’exercice est qu’il est absolument nécessaire de donner les
conditions exactes de suivi de restitution d’un traçage pour que l’on puisse lui appliquer une
cotation de fiabilité. En fait, peu importe la méthode utilisée, à partir du moment où l’on peut
retrouver les conditions de réalisation qui permettent d’en connaître la fiabilité. Cette
remarque n’est valable que pour les traçages à venir. Pour ces mêmes traçages on peut
également utiliser ces grilles à l’envers et choisir la fiabilité du traçage que l’on veut réaliser.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
De la même façon ces grilles peuvent être utilisées par un maître d’ouvrage pour comparer la
fiabilité d’opérations de traçages proposées par différents bureaux d’études.
En revanche pour les traçages anciens, l’exercice sera souvent plus délicat car les formulaires
disponibles dans les inventaires ont beaucoup de champs pour décrire les résultats du traçage
(point d’injection, de restitution, temps…) et le plus souvent très peu, voire aucun, champ
permettant de décrire les conditions de suivi des restitutions qui ont abouti à attribuer un
résultat positif ou négatif.
Références bibliographiques
(1) Kass W., 1998 – Tracing Technique in Géohydrology. Taylor & Francis. 585 p.
(2) Casteret N., 1961 - Ma vie souterraine. Mémoires d’un spéléologue. Ed. Flammarion :
151-156.
(3) Fournier M., 1919 – Gouffres, grottes, cours d’eau souterrains, résurgences etc…, du
département du Doubs. Essai statistique. Imp. Jacques et Demontrond, Besançon. 303 p.
(4) Lepiller M., 2001 - Traçages appliqués à la dynamique des aquifères : possibilités et
limites. Géologues, 129 : 79-84.
(5) Mangin A., 1974 – La notion de système karstique. Spélunca Mém., 8 : 65-68.
(6) Mangin A., 1975 – Contribution à l’hydrodynamique des aquifères karstiques. Thèse
Doctorat, in Ann. Spéléol., 29,3 : 283-332 ; 29,4 : 495-601 ; 30,1 : 21-124.
(7) Mangin A., 1976 – Les systèmes karstiques et leur méthodologie d’investigation. Actes
2nd Coll. Hydrol. Pays Calcaire, in Ann. Sc. Univ. Besançon, 25 : 263-273.
(8) Bakalowicz M., Mangin A., 1980 – L’aquifère Karstique. Sa définition, ses
caractéristiques et son identification. Mém. h. sér. Soc. géol. France, 11 : 71-79.
(9) Lepiller M., Mondain P-H., 1986 – Les traçages artificiels en hydrogéologie karstique.
Mise en œuvre et interprétation. Hydrogéologie, 1 : 33-52.
(10) Guizerix J., Margarita R., 1976 – Méthodologie d’étude par traceur des transferts de
masse. La Houille Blanche, 3/4 : 205-221.
(11) Molinari J., 1976 – Perspectives offertes par l’utilisation rationnelle des traceurs
naturels et artificiels en hydrologie karstique. Commentaires de nombreux exemples récents
de multitraçages. Actes 2nd Coll. Hydrol. Pays Calcaire, in Ann. Sc. Univ. Besançon, 25 : 275-
306.
(12) Mangin A., Molinari J., Paloc H., 1976 – Les traceurs en hydrogéologie karstique. Leur
apport à la connaissance des réservoirs aquifères calcaires. La Houille Blanche, 3/4 : 261-267.
(13) Société Suisse d’Hydrogéologie, Groupe de travail Traçage, 2002 – Utilisation des
traceurs artificiels en hydrogéologie. Guide pratique. Rapport de l’OFEG, Série Géologie, 3 :
78 p.
(14) Lallemand A. et Paloc H., 1964 – Possibilités offertes par la méthode de détection au
charbon actif pour les expériences de coloration à la fluorescéine – Spléunca mém. 4 : 27-40
(15) Jozja N., 2008 – Importance de la composante analytique dans la fiabilité de
l’interprétation d’un traçage. Hydrogéologie et Karst aux travers des travaux de Michel
Lepiller, Journées techniques de CFH-AIH, Orléans, 16-17 mai 2008.
(16) Inventaire des traçages du département du Jura – Région de Saint Claude – in Site
internet de la DIREN Franche-Comté
(http://www1.franchecomte.ecologie.gouv.fr/infos_geo/fiches_cartes/EauxSou/TRA39478.P
DF)
(17) Gombert P., 2007 – Proposition of tracing test protocol in karstic chalk - European
Journal of Water Quality – Tome 38 – Fasc. 1-2007 – page 61- 78
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Annexes :
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I. INTRODUCTION
L’utilisation des traceurs artificiels en hydrogéologie est une technique forte ancienne.
L’analyse de nombreuses expériences effectuées tout au long de ces années ainsi que le
développement de l’approche interprétative (avec ou sans modèle) permettent de mettre plus
en avant l’intérêt, l’efficacité et les perspectives de l’outil traçage (6). Notamment en milieu
karstique, les traçages artificiels restent essentiels pour délimiter les systèmes
hydrogéologiques et évaluer les caractéristiques du transit à partir de la Distribution des
Temps de Séjour (D.T.S.). Même si c’est dans les milieux karstiques et fracturés que se
rencontre la plus grande variété d’applications des traçages, ils ne sont, pour autant, pas
limités à ce type de milieu.
La demande croissante pour de telles expertises, et l’attention de plus en plus accentuée portée
aux aspects quantitatifs exigent une maîtrise de tous les éléments qui peuvent limiter
l’interprétation. Le but de cette communication est de montrer que l’optimisation des résultats
d’un traçage passe nécessairement par la prise en considération de la composante analytique,
souvent négligée par les praticiens. Celle-ci ne traitera que du cas des traceurs fluorescents.
Suite au comportement et à la réactivité des traceurs fluorescents dans le milieu naturel, ainsi
qu’aux interactions avec les roches de l’aquifère, l’évaluation précise d’une restitution
rencontre quelques difficultés expérimentales.
Lors de la recherche d’un traceur au laboratoire, le signal brut que nous analysons est la
somme de trois composantes (5) :
i) la fraction de lumière d’excitation diffusée par l’eau et les particules en suspension
à la longueur d’onde d’émission du traceur recherché ;
ii) la lumière émise par la fluorescence des substances présentes autres que le traceur
dans l’eau analysée ;
iii) la lumière émise par la fluorescence du traceur qui constitue le signal vrai ou net.
La difficulté est d’isoler la dernière composante qui correspond à la restitution vraie du signal
et qui constitue l’objet même de la mesure.
Le cumul des deux premières composantes constitue ce qu’on appelle « le bruit de fond ».
Plus précisément, les deux sources majeures du bruit de fond sont la fluorescence naturelle et
207
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Un bruit de fond élevé peut masquer les faibles concentrations de traceur tandis que sa
variabilité peut donner l’impression d’une fausse restitution (1 ; 5 ; 8).
Sur la figure 2 est rapporté le spectre d’excitation d’un échantillon d’une eau naturelle où la
présence de bruit de fond est négligeable. Malgré l’intensité très faible du signal à la longueur
d’onde d’excitation de la sulforhodamine B, la résolution du spectroflurimètre Hitachi-2500
nous autorise à conclure à la présence du traceur. Tandis que sur la figure 3, à ce spectre
d’excitation présenté sur la figure 2, nous avons superposé le spectre d’excitation d’un autre
échantillon d’une eau naturelle qui possède un bruit de fond très élevé. Celui-ci se traduit par
la mesure d’une intensité non négligeable à la longueur d’onde d’excitation de la
sulforhodamine B (signal brut), laquelle pourrait laisser croire à une restitution. Mais
l’analyse spectrale nous montre qu’il est impossible de conclure en la présence ou en
l’absence du traceur, faute de pouvoir discerner clairement un pic à la longueur d’excitation.
Dans ce cas, l’intensité du bruit de fond masque la présence d’un éventuel faible signal net du
traceur (figure 3).
208
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Figure 3 : Spectres d’excitation de deux échantillons naturels : bruit de fond élevé et bruit de
fond négligeable
II.3. Deux Exemples où la variabilité du bruit de fond peut donner l’impression d’une
fausse restitution
Exemple 1 : L’évaluation précise du signal net peut être mise en cause par la variabilité du
bruit de fond. Cette variation peut entraîner une forte incertitude sur la délimitation du signal
net et donc sur la forme de la D.T.S. La figure 4 illustre un exemple d’un signal brut avec 3
modes qui aurait pu être interprété comme une restitution d’Amino G. acide. En réalité, les
deux premiers modes observés sont liés à l’interférence de pics de turbidité. Les spectres
réalisés sur plusieurs échantillons attestent que c’est uniquement le dernier mode qui constitue
le signal net de restitution.
209
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
L’évaluation des signaux des traceurs fluorescents, qui présentent des longueurs d’ondes
d’excitation et d’émission proches de celle de la matière organique (Amino. G acide,
Naphtionathe, Tinopal etc..) est particulièrement concernée. Mais, cet artefact ne concerne pas
que les traceurs fluorescents émettant dans le bleu. D’autres traceurs fluorescents ne sont pas
à l’abri de ce genre d’interférences.
Exemple 2 : Une autre difficulté apparaît lors que le signal vrai est de faible intensité et de
longue durée (5).
Figure 5 montre la courbe obtenue lors d’un traçage réalisé dans la craie du Gâtinais à l’aide
de la rhodamine WT (surveillance à la source de la Nivelle). L’intensité de fluorescence à la
longueur d’onde d’émission du traceur augmente régulièrement donnant l’impression d’une
vraie restitution. Mais les spectres d’émission et d’excitation montrent l’absence des pics
caractéristiques du traceur employé. Le soi-disant signal résulte donc de l’augmentation du
bruit de fond en lien avec une augmentation de la turbidité.
.
210
CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Nous avons été confrontés à un tel problème à propos du pH, dans le cadre d’une expertise
analytique d’un traçage, effectué à Souillac dans le Lot : un écart important a été constaté
entre les concentrations mesurées au spectrofluorimètre et les concentrations compatibles
avec un taux de restitution inférieur ou égal à 100 %. Plus exactement, les concentrations
mesurées donnaient un taux de restitution de 180 %, bien que les débits de l’exutoire étudiés
fussent connus avec une bonne précision. Nous avons recherché des causes pouvant expliquer
cette anomalie.
Tout d’abord, l’hypothèse d’une erreur d’étalonnage ou d’un « caprice » instrumental a été
totalement exclue après plusieurs répétitions analytiques : répétitions de gammes étalons
réalisées par deux manipulateurs différents et mettant en œuvre deux procédures différentes
de passages d’échantillons dans l’appareil : un passeur automatique et une cuve manuelle de
solution dans l’appareil). Ceci est un phénomène qui nous n’avions pas constaté auparavant.
Jusque là, les étalons réalisés à l’aide de l’eau déminéralisée ont toujours donné des résultats
en cohérence avec un taux de restitution raisonnable.
Toutefois, certains travaux (2 ; 10, etc.) ont montré que la fluorescéine subit une diminution
de fluorescence dans une gamme de pH inférieure à 7,0 (diminution qui atteint 10-20 %), et
que cette diminution devient encore plus importante si le pH descend au-dessous de 4,0
(figure 6).
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
La fiche de données de cette fluorescéine montre qu’il s’agit bien d’une fluorescéine sodique
(uranine) qui normalement ne devrait pas avoir un comportement si sensible aux changements
du pH (une diminution inférieure à 10-20 % de sa puissance de fluorescence)1.
Ce résultat nous incite donc à élaborer la gamme étalon du traceur avec l’eau de l’exutoire
surveillé, ou à défaut, de corriger le pH de la gamme étalon pour qu’il soit très proche de celui
de l’eau de l’exutoire.
La réalisation des traçages à l’aide des traceurs fluorescents conduit, dans certains cas, à des
bilans de restitution très déficitaires. Compte tenu de l’incidence que ce phénomène peut avoir
sur la forme de la distribution des temps de séjour, qui est à la base de toute l’interprétation
d’un traçage, il devient nécessaire s’interroger sur les causes qui conduisent à de tels bilans
négatifs. Compte tenu du fait que dans le milieu naturel les traceurs sont en contact permanent
avec les roches de l’aquifère et les matières en suspension, une des pistes de recherche
consiste à étudier le rôle sur d’éventuels phénomènes d’adsorption/désorption.
Une étude expérimentale de l'adsorption des traceurs fluorescents sur des sédiments de
remplissage de deux systèmes karstiques différents a été entreprise dans cette perspective.
Le but a été d’étudier de manière, d’abord, qualitative le phénomène d’adsorption et d’estimer
quelle part il prend dans la réduction de la masse de traceur en transit.
Cette étude d’adsorption a été effectuée sur des suspensions des sédiments présents dans deux
milieux karstiques différents : le système karstique de Bange-l’Eau-Morte (massif subalpin
des Bauges, Savoie et Haute-Savoie), et celui du Causse de Sauveterre. Les traceurs qui ont
servi sont les traceurs fluorescents parmi les plus communément utilisés: la sulforhodamine
B; la sulforhodamine G; l’éosine ; l’uranine et la rhodamine WT.
Les matériaux que nous avons retenus sont utilisés à l’état naturel et renferment, de ce fait, un
certain nombre d’impuretés. Nous avons préféré travailler avec des matériaux bruts pour
rester le plus proche possible des conditions naturelles rencontrées par le traceur.
1
Ne connaissant pas la vraie origine de ce produit, on peut se poser des questions de savoir s’il s’agit vraiment
d’une fluorescéine sodique (uranine) ou alors, d’une uranine nouvelle, qui circule depuis quelque temps sur le
marché et pour laquelle l’intensité de la fluorescence présente une sensibilité particulièrement forte et
inhabituelle au pH de l’eau employée pour confectionner les étalons. La faible coloration de cette uranine,
observée pendant la préparation des dilutions, était assez douteuse (par exemple pour une concentration de 10-8
kg/l, normalement visible à l’œil nu, la fiole était plutôt incolore.
212
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Les matériaux ont été caractérisés à l’aide des méthodes classiques telles que l’analyse
chimique des oxydes, la Diffraction des Rayons-X (DRX), la mesure de la surface spécifique
et de la capacité d’échange cationique (CEC), etc.. Quelques résultats sont regroupés dans les
tableaux 1 et 2.
SiO2 Al2O3 Fe2O3 MnO MgO CaO Na2O K2O TiO2 P2O5 Perte en Total
feu
Bange-l’Eau- 56.92 6.66 3.95 0.09 0.88 14.1 0.32 1.12 0.54 0.16 15.3 101.4
Morte
Causse de 6.87 3.87 1.45 0.07 15.3 24.6 0.11 0.13 0.22 0.26 43.83 96.71
Sauveterre
Tableau 1 : Analyses chimiques des deux échantillons prélevés en milieu karstique.
Les tests d'adsorption ont été effectués en batch, par réactions d'échange entre un volume
constant du traceur et une quantité constante du sédiment en suspension. Les tests ont été
réalisés pour plusieurs concentrations du traceur. On a choisi d'opérer dans une gamme de
concentrations très large comprises entre 10-2 kg/l et 10-10 kg/l, domaine de concentrations
auxquelles les traceurs sont exposés au cours de leur transit dans les systèmes karstiques. La
quantité du matériau mis en suspension, pour les tests réalisés, a été de 0,300 g.
Protocole expérimental
Les expériences d'adsorption ont été répétées plusieurs fois pour affiner la méthode
expérimentale (3).
Il faut souligner que la quantité de matière en suspension que nous avons prise est inférieure à
celle rencontrée dans la littérature pour ce genre d'essai. Cette quantité (300 mg dans 200 ml)
a été déterminée pour être compatible avec celles qu’il est possible d’observer à l’exutoire des
systèmes karstiques concernés.
Le déroulement de l'expérience est le suivant:
• préparation de la solution-mère à la concentration de 0.02 kg/l de traceur ;
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
• préparation des solutions de concentrations recherchées (environ 205 ml) réalisées par
mélange de volumes appropriés de la solution initiale du traceur avec de l'eau déionisée.
La mesure des volumes est réalisée par prélèvement au moyen de pipettes de précision
PIPETMAM de 100, 200, 1000 et 5000 µl, ou par pesée sur une balance ;
• prélèvement de 5 ml de chaque solution préparée pour déterminer, par analyse au
Spectrofluorimètrie, les concentrations initiales exactes ;
• pesée d’échantillons de 300 mg de sédiment sec environ ;
• mise en suspension des sédiments dans 200 ml de chaque solution ;
• stabilisation du pH initial des suspensions à l’aide d’une solution de NaOH ;
• agitation pendant 12 heures sur un agitateur à plateau à la fréquence d’agitation
sélectionnée de 100 cycles/min ;
• mesure du pH final des suspensions ;
• centrifugation des suspensions à 4500 t/min, pendant 30 min dans une centrifugeuse à
nacelles (FIRLABO) modèle SV 8 ;
• filtration sur des filtres 0.22 µm Millipores type MF (esters de cellulose).
Les résultats sont présentés sous forme des courbes d’adsorption. La magnitude d’adsorption,
exprimée en quantité de traceur adsorbé par quantité de matériau, est tracée en fonction de la
concentration de la solution d’équilibre. Sur la figure 7-a sont rapportées les courbes
d'adsorption de l'uranine, éosine, sulforhodamine B, sulforhodamine G et rhodamine WT,
pour une gamme complète de concentrations initiales testées, comprises entre 10-10 kg/l et 10-
3
kg/l, pour l’échantillon de Bange tandis que celles du Causse de Sauveterre figurent sur la
figure 7-b.
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Pour les deux sédiments, le phénomène d’adsorption se manifeste clairement. L'analyse des
résultats confrontée à la comparaison empirique des courbes d’adsorption peut nous
permettre d'établir un ordre relatif de la tendance à l’adsorption. Par contre, l’amplitude de
l'adsorption n'est pas la même pour les cinq traceurs. Dans les deux cas, le traceur le plus
résistant est l’éosine, et celui le plus adsorbé est la rhodamine WT, ce qui est en cohérence
avec certains travaux antérieurs (9 ; 11) Pour l’échantillon de Bange-L’eau-Morte, on trouve
par ordre croissant d’adsorption la succession suivante : l’éosine < l’uranine < sulforhodamine
B < sulforhodamine G < rhodamine WT. Pour l’échantillon du Causse de Sauveterre l’ordre
est légèrement différent : éosine< l’uranine < sulforhodamine G < sulforhodamine B <
rhodamine WT. Dans des deux cas, le traceur le plus adsorbé reste la rhodamine WT.
Pour mieux illustrer l’ordre d’adsorption pour le sédiment de Bange, nous avons reporté sur
le tableau 3, les valeurs ponctuelles de l’intensité d’adsorption, pour une concentration
initiale de 10- 5 kg/l.
Sur la figure 8 sont présentées les courbes d'adsorption de l'uranine pour les deux sédiments.
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Figure 8 : Courbes d’adsorption de l’uranine pour les deux matériaux : Bange et Sauveterre
La partie de la courbe qui correspond aux concentrations relativement fortes montre une plus
forte quantité de traceur adsorbée pour l’échantillon provenant du Causse de Sauveterre. Les
ordres de grandeurs de l’adsorption, exprimée en quantité de traceur adsorbée par quantité de
sédiment présente en suspension pour une solution d'uranine d'une concentration de 10-4 kg/l
sont reportés sur le tableau 4.
On constate que l’échantillon de Causse de Sauveterre adsorbe plus de traceur que celui de
Banges. L’uranine ne résiste pas de la même manière dans ces deux milieux différents.
Concernant cette étude nous ne pouvons conclure que de manière qualitative. L'interprétation
des résultats a été limitée par certains facteurs. En priorité, la complexité des phases
minéralogiques qui composent les matériaux ne nous permet pas d’avancer sur des aspects
plus quantitatifs. Malgré cela, le phénomène d'adsorption a été mis en évidence en fonction
du type de traceur ainsi que du type de sédiment. On constate cependant que l’adsorption est
la plus importante sur les sédiments à dominante carbonatée (dolomite, calcite) du Causse de
Sauveterre que sur ceux de Bange-L’Eau-Morte qui sont plus riches en minéraux silicatés,
notamment des argiles.
Ce fait nécessite une réflexion plus approfondie sur un éventuel comportement spécifique du
traceur en fonction de la diversité des milieux naturels dans lesquels il est utilisé. Il peut y
avoir, sans doute, d’autres variables en fonction desquelles l’adsorption varie (9 ; 10), qui n’a
pas été l’objet de mesures dans le cadre de ce travail.
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
Plusieurs autres questions restent cependant posées : à quoi le phénomène d’adsorption est-il
dû ? Quelle est la contribution des diverses phases minéralogiques constituant les sédiments
au processus d’adsorption ? Il reste surtout à avancer sur la quantification du phénomène afin
de mieux situer la réponse face à la question posée au départ : quel est le rôle de l’adsorption
dans la réduction de la masse de traceur en transit.
Quoiqu’il en soit, on peut en conclure que la présence de turbidité dans l’eau d’un exutoire est
un facteur qui contribue à l’adsorption des traceurs lors d’une restitution et qui explique pour
partie les bilans de restitutions déficitaires qui sont assez fréquemment constatés en traçage.
V. CONCLUSION
Dans l’état actuel de nos connaissances une opération de traçage se révèle comme une
entreprise complexe encore largement perfectible. La conception des essais de traçage dans
les règles de l’art est une condition indispensable de leur interprétation correcte. Dans
l’ensemble des démarches qui interviennent, la composante analytique est d’une très grande
importance (7). Aucune interprétation fiable ne pourrait être formulée à partir de résultats qui
ne seraient pas basés sur une démarche analytique et des mesures rigoureusement contrôlées.
La perfection de l’expertise analytique n’est rien d’autre que l’amélioration de la
discrimination de la restitution et l’élimination des signaux interférents qui sont le plus
fréquemment générés par les matières en suspension ou les matières organiques présentes en
solution dans les eaux.
Sur la base des différentes investigations présentées ici et d’autres expériences qui n’ont pas
fait l’objet de cette note, on conçoit dès lors la nécessité d’intégrer dans les protocoles
existants :
i) la caractérisation préalable de l’eau et de sa qualité, là où le traçage s’effectue ;
ii) la maitrise au laboratoire des paramètres environnementaux qui peuvent influencer
l’évolution de la fluorescence ;
iii) tenir compte des difficultés liées aux changements d’échelles, du laboratoire au
terrain, mais aussi de l’échelle de l’essai à l’échelle du problème posé.
Références bibliographiques
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CFH - Colloque Hydrogéologie et karst au travers des travaux de Michel Lepiller 17 mai 2008
(8) Rochat J., Alary J., Molinari J., Charrière R. 1975 – Séparation physicochimiques de
colorants xanthéniques utilises comme traceurs en hydrologie. Journal of hydrology, 26, p
277-293.
(9) Sabatini D.A., Austin T.Al. 1991 – Characteristics of Rhodamine WT and Fluorescein as
Adsorbing Graund-Water Tracer. Ground Water. Vol. 29. N° 3, p. 341-349.
(10) Smart P.L. et Laidlaw I.M.S. 1977 – An Evaluation of Some Fluorescent Dyes for
Water tracing. Water Ressources Research. Vol 13. N° 1, p. 15-33.
(11) Trudgill S. T. 1987 – Soil Water Dye Tracing, with Special References to the Use of
Rhodamine WT, Lissamine FF and Amino G. Acid. Hydrogeological Processes. Vol 1, p 149-
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