Notions Emaux
Notions Emaux
Notions Emaux
Ce petit document est à l’usage des céramistes qui veulent élaborer eux-mêmes
leurs émaux de haute température. Il faut le voir juste comme une introduction
ne dispensant pas de l’étude des livres incontournables comme ceux de Daniel de
Montmolin.
3 L’eutexie. 3
5 La mole et le kilo. 5
7 La formule et la recette. 6
8 Remplacement de matériaux. 7
1
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
13 Bibliographie. 15
2
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
de notre planète.
Pour résumer, la céramique est l’ensemble des sciences et des techniques re-
latives au monde des oxydes métalliques, tout comme la métallurgie est celui du
monde des métaux.
3 L’eutexie.
La silice pure fond à 1650˚C, il sera difficile de trouver une argile supportant
une telle température, en supposant qu’on ait le four adapté ! Un émail de silice
pure est inenvisageable.
L’eutexie va nous permettre de fondre un verre de silice à des températures
plus raisonnables. La figure 1 illustre ce phénomène de façon très simplifiée sur
un mélange à 2 composants : Un corps A fond à la température T A , et un corps B
à la température TB . On observe que leur mélange fond sur une large plage à une
température plus basse que T A et que TB . On trouve des minimas locaux (m, n,
e) et le minimum de ces minimas (e) est nommé point eutectique.
3
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
TA TB
m
n
e
100%A 100%B
0%B 0%A
F IGURE 1 – mélange binaire
Une eutexie célèbre est le mélange eau + sel de mer (NaCl) pour lequel le point
eutectique est inférieur à -20˚C.
Le concept d’eutexie se généralise à des mélanges à plus de deux composants,
mais l’idée est là : un mélange fond en général à une température inférieure à
celle de chacun de ses composants pris individuellement.
Pour revenir au verre, celui des vitres ou des bouteilles se compose de 70 à 73%
de silice, de 8 à 13% de chaux ou oxyde de calcium (CaO) et de 13 à 16% d’oxyde
de sodium (Na2 O), et ce mélange fond à moins de 1000˚C, alors que la silice seule
fond à 1650˚C, Na2 O à 1135˚C et CaO à 2570˚C.
Profitons-en pour tordre le cou à la notion de fondant. Si Na2 O peut être consi-
déré comme un fondant pour SiO2 , la réciproque est aussi valable. L’eutexie est
un phénomène relationnel.
4
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
feldspaths notamment.
Pour la faïence émaillée à 980˚C environ il faut avoir recours à des frittes. Une
fritte est un verre fondu dans un creuset puis broyé. Elle ne se dissout pas dans
l’eau ensuite. Rares sont les céramistes qui réalisent eux même leurs frittes, ce
travail est plutôt effectué en grand en usine.
4.2 viscosité.
Le céramiste doit pouvoir émailler des surfaces verticales aussi bien qu’hori-
zontales. Il a donc besoin que son émail fonde tout en gardant une viscosité suffi-
sante pour ne pas couler en flaque sur la plaque d’enfournement. C’est l’alumine
(Al2 O3 ) qui permet cette viscosité. Elle est apportée par de nombreuses roches
comme les argiles (dont le kaolin) et les feldspaths.
5 La mole et le kilo.
À l’épicerie on peut acheter des fruits au kilo ou à la pièce. Et il y a davantage
de cerises que de pommes dans un kilo. De même il y a deux façons d’évaluer une
quantité de matière entrant dans la constitution d’un émail, sa masse (son poids
pour simplifier) ou bien le nombre d’atomes ou de molécules qui la constitue.
Si on choisit la deuxième solution, on comptera le nombre de molécules en
moles, une mole étant 6,022 · 1023 molécules. Pour passer de la masse au nombre
de moles ou inversement, il faut connaître la masse molaire du corps en question.
La silice a une masse molaire très proche de 60 grammes par mole, par exemple.
Heureusement on dispose de tableurs (LibreOffice, Excel, etc.) pour effectuer ces
calculs fastidieux.
On peut légitimement s’interroger sur l’intérêt de ce deuxième mode de calcul
molaire, considérer des masses pourrait a priori sembler plus simple et efficace.
On verra plus bas en détail deux des raisons à ce choix molaire, qui sont :
— les diagrammes de fusion sont établis sur une formulation molaire. c’est
peut-être critiquable, mais la littérature est comme ça ;
— l’équivalence K2 O – Na2 O est molaire et non massique.
5
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
est apportée par le kaolin et les feldspaths, il est très rarement besoin de
l’introduire pure ;
— Blanc de Meudon. Autre nom du carbonate de calcium ;
— Carbonate de calcium CaCO3 (100). Un des principaux apports en oxyde de
calcium CaO (56) ;
— Craie. Autre nom familier du carbonate de calcium. On lit aussi parfois
sans rire « carbonate de craie » !
— Feldspaths. Il en existe de nombreuses variétés, sodique, potassique, mixte,
etc. De vrais cocktails de silice, d’alumine, d’oxydes de calcium, de sodium
et/ou de potassium. Présents dans la majorité des recettes ;
— Kaolin. Une argile spécialement pure et blanche, qui entre dans la com-
position de la majorité des émaux, mais aussi des pâtes de porcelaine. Le
kaolin théorique est la kaolinite ;
— Kaolinite. Silicate d’aluminium hydraté Al2 Si2 O5 (OH)4 (258) ;
— Molochite. Kaolin calciné Al2 Si2 O5 (190). Plus de 20% de kaolin dans un
émail cru peut poser des problèmes de retrait, on en remplace alors une
partie par de la molochite en tenant compte du rapport 258/190. On peut
facilement calciner le kaolin dans un four de dégourdi, mais la molochite
n’est souvent pas plus chère que le kaolin chez le commerçant ;
— Néphéline syénite. Un feldspath spécialement pauvre en silice, utile si la
formule obtenue avec un autre feldspath est déjà trop riche en silice alors
que la recette n’en comporte pas ;
— Quartz. La forme cristalline de la silice. Pendant la cuisson le quartz fond
et retourne à la forme amorphe. On peut donc considérer quartz et silice
comme équivalents dans une recette ;
— Silice. SiO2 (60) Dioxyde de silicium à l’état amorphe, LE composant prin-
cipal de tout émail ! Apporté par le feldspath, le kaolin, le talc et. . . la silice ;
— Talc. Mg3 Si4 O10 (OH)2 (379). Principal apport en oxyde de magnésium MgO
(40,3) ;
7 La formule et la recette.
Une recette est une liste de composants avec leurs masses respectives. Un
exemple célèbre est la couverte de Bernard Leach, composée de 4 feldspath, 3
1. Voir à ce sujet L’ ART DE CENDRES , le livre de Daniel de Montmolin signé « frère Daniel de
Taizé »
6
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
8 Remplacement de matériaux.
Mais à quoi cette formule peut-elle bien servir ? Le plus simple est de traiter
un exemple : je veux faire un seau d’émail selon la recette de B. Leach, mais je n’ai
2. Un exemple simplifié de tableau LibreOffice se trouve ici : http://didierdescamps.fr/
emaux/glacure_simple.ods , et son mode d’emploi là : http://didierdescamps.fr/emaux/
glacure_emploi
7
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
plus de feldspath sodique. Par contre j’ai une grosse quantité d’un autre feldspath,
potassique cette fois-ci.
Sa composition est : 0,20 CaO ; 0,20 MgO ; 7,50 K2 O ; 1,40 Na2 O ; 12,80 Al2 O3 ;
0,17 Fe2 O3 ; 76,70 SiO2 . Comme son nom l’indique il comporte plus de K2 O et
moins de Na2 O que le feldspath précédent, mais il est aussi plus riche en SiO2 et
en MgO.
À cause de ces différences, remplacer l’un par l’autre sans changer les propor-
tions engendrera vraisemblablement un résultat lui aussi assez différent. Si on
veut s’approcher de l’émail de départ, il va falloir changer les proportions de la
recette (4, 3, 2, 1) pour retrouver une formule proche de celle de la recette initiale.
Il faut donc maintenant passer de la formule à la recette, ce qui est plus com-
pliqué que l’inverse. Mathématiquement parlant, il s’agit de résoudre un système
linéaire en inversant une matrice, ce que LibreOffice sait faire. Mais il n’existe
pas souvent de solution exacte (une quantité négative d’un matériau est impos-
sible par exemple). Et c’est inutile en pratique car le TAO (Tâtonnement Assisté
par Ordinateur) est aussi efficace. Voire davantage puisqu’on va devoir obligatoi-
rement accepter des approximations.
C’est là que l’intérêt des trois colonnes devient évident. Le kaolin et la silice
sont présents dans la plupart des recettes et apportent essentiellement de l’alu-
mine et. . . de la silice, on peut donc dans un premier temps se concentrer uni-
quement sur les proportions feldspath-craie pour retrouver au mieux les valeurs
initiales de la seule première colonne (au mieux car le magnésium n’est plus né-
gligeable dans le nouveau feldspath). Ensuite on joue sur la quantité de kaolin
pour retrouver la bonne valeur de l’alumine dans la deuxième colonne, enfin ou
joue sur la silice pour la caler elle aussi sur la valeur de la formule de départ dans
la troisième colonne.
Après quelques instants de TAO, on trouve que 6,2 feldspath potassique,
2,1 craie, 1,1 kaolin et 1,05 silice (la somme n’est plus égale à 10, ce qui n’a aucune
importance) amènent à une formule proche de la première :
8
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
9
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
10
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
Dès que j’en aurai le temps j’expliquerai ici la méthode en détail, en attendant
vous pouvez toujours visiter http://jean.messein.free.fr/site11nb/ et voir
un exemple de plaquette 1D en haut de la figure 2.
À noter que J. Meissen ne croit pas aux calculs et prône une recherche pu-
rement pragmatique. En désaccord avec lui je pense qu’une alternance calculs-
essais –quand elle est possible– est la démarche la plus efficace mais aussi la plus
satisfaisante.
11
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
tesson et l’émail, une zone de transition qui n’est plus tesson mais pas encore
émail, et qu’on peut voir en examinant un échantillon cassé avec un fort grossis-
sement. Ainsi le rendu d’un émail sera fort différent sur un grès de St Amand
ou sur une porcelaine. Je prépare donc des éprouvettes dans les 3-4 pâtes que je
pratique.
12
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
– on peut déterminer la M.V. vraie d’un matériau simple ou d’une recette après
avoir mesuré celle de la suspension :
m pρ tρ e
ρp = (2)
mtρ e − m eρ t
– pour ensuite déterminer la masse de poudre contenue dans une masse d’eau :
vt − ve
m p = me (3)
v p − vt
– ou, plus utilement, la quantité d’eau à utiliser pour obtenir une M.V. voulue :
vt − v p
me = m p (4)
ve − vt
– ou encore la masse de poudre contenue dans un volume ou une masse de sus-
pension :
ρ p (ρ t − ρ e ) ρ p (ρ t − ρ e )
m p = Vt = mt (5)
ρp − ρe ρ t (ρ p − ρ e )
Cette dernière équation (5) est appelée « formule de Brongniart 5 ».
13
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
14
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
13 Bibliographie.
1. Pratique des émaux de grès. Minéraux et cendres végétales.
ISBN : 978-2-908988-88-8 . En 1976, Daniel de Montmollin publie un petit
livre L’Art de cendres qui livre ses expérimentations et ses réflexions sur
les émaux issus de cendres végétales. Cet ouvrage très apprécié le conduit
à poursuivre ses recherches et à formuler une méthode générale concernant
les émaux de grès, Pratique des émaux de grès. C’est l’ensemble de ces deux
livres qui est ré-édité en un seul volume en 2015. Indispensable !
2. https://ledouget.fr/#!/methode.
Yvon Le Douget reprend dans son style les principales notions du livre de
6. Par principe, l’atelier est un lieu de travail où on ne doit jamais ni manger ni boire !
7. Donc non saturé en oxydes. En pratique je ne dépasse jamais 1,5% de cobalt et 3% de cuivre.
8. Ultime précaution, pour mes pièces alimentaires je recouvre les émaux contenant du cuivre
ou du cobalt par une couverte transparente
15
Didier Descamps. formulation des émaux céramiques.
16