Le Discours Second en Allemand Et en Français
Le Discours Second en Allemand Et en Français
Le Discours Second en Allemand Et en Français
Contact : [email protected]
LIENS
par
Caroline PERNOT
sous la direction de
Monsieur René METRICH,
Professeur à l’Université Nancy 2
et de
Monsieur Jörn ALBRECHT,
Professeur à la Ruprecht-Karls-Universität de Heidelberg
Je souhaite exprimer ma gratitude aux personnes qui m’ont accompagnée tout au long de ce
travail, et plus particulièrement à
Monsieur Jörn Albrecht, pour son accueil à l’Institut de Traduction et d’Interprétariat, ses
conseils et ses encouragements,
Anna Körkel, Sarah Schimke, Anneliese Vonbank et Katrin Zuschlag, qui ont patiemment
répondu à mes questions, Marie-Madeleine Leroy, qui a relu ce travail,
Mes pensées vont à Emmanuel, qui a réalisé avec moi ce projet, à mes parents, pour leur
affection et leur soutien, à ma sœur, à ma belle-famille, à ma grand-mère et à mes amis. Il ne
m’est pas possible de nommer ici toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont une place
dans ce parcours.
-2-
Sommaire
INTRODUCTION ___________________________________________________ 6
-3-
2.4.2.1 La thèse de l’intraduisibilité linguistique __________________________ 114
2.4.2.2 Langue, discours et texte ______________________________________ 118
2.4.2.3 L’objectif traductologique, entre prospection et rétrospection _________ 119
2.5 Conclusion ________________________________________________________ 121
-4-
7.2.3.5 La traduction non lexicale _____________________________________ 204
7.2.4 Bilan _________________________________________________________ 205
10 Bilan de l’analyse traductologique des genres indirects sans introduction ______ 271
-5-
Introduction
-6-
des linguistes suisses Ch. Bally et M. Lips, son élève, s’inscrivent dans le structuralisme
développé par Saussure. Lips formule cette différence en ces termes : « Les recherches faites
en France ne peuvent se comparer à celles des grammairiens allemands ; peu nombreuses,
elles sont aussi plus dispersées […]. En Allemagne le problème psychologique et génétique
préoccupe les esprits, en France on observe le fonctionnement au sein du système » (1926 :
230). Dans la deuxième phase en revanche – soit la seconde moitié du 20ème siècle -, les
travaux s’articulent fondamentalement autour de la notion d’énonciation, s’interrogent sur
les frontières du discours rapporté de même qu’ils explicitent ou théorisent la distinction
entre l’approche contrastive et l’approche traductologique. Les visées de la recherche ont
également évolué. Dans les premiers temps, la comparaison entre les discours rapportés de
deux langues servait prioritairement la description d’une forme d’une des langues – le plus
souvent le discours indirect libre et dans une moindre mesure l’erlebte Rede. A partir des
années 1970, la comparaison des langues n’est plus un outil heuristique tourné vers la
description du fonctionnement d’une langue mais est mise au service de la traductologie. Le
fait que la traductologie se soit constituée comme discipline et ait affirmé sa spécificité et sa
légitimité a contribué à ce changement et s’est répercuté dans les méthodologies employées :
si les travaux du début du siècle s’appuient majoritairement sur des auto-traductions et
rarement sur des traductions existantes (Günther 1928 et Bally 1912 mentionnent
sporadiquement des traductions publiées), à partir des années 1970, les travaux sont fondés
sur des études systématiques de traductions et de pluritraductions authentiques.
Nous avons distingué quatre types d’objectifs dans les travaux réalisés : traductologique,
contrastif, contrastif et traductologique, auquel s’ajoute enfin un objectif de comparaison de
discours.
Le premier type de travaux, illustré par Kalepky (1899), se caractérise par une approche
heuristique de la traduction : la comparaison avec une autre langue à travers la traduction
sert de révélateur des particularités de la langue étudiée. Afin de montrer que le discours
indirect libre français n’est pas dérivé du discours indirect régi, Kalepky affirme que
l’équivalent du discours indirect libre est un discours au Präteritum, et non pas au
Konjunktiv (1899 : 505). Son propos est sous-tendu par l’idée d’une relation de bivalence
entre le texte cible et le texte source, qui relève d’une conception de la traduction propre à
cette époque.
-7-
Un deuxième groupe de travaux, représenté par M. Lips (1926) et A. Sabban (1978), adopte
une approche exclusivement contrastive. Lips, dans une partie de son ouvrage consacré au
style indirect libre français, le décrit comme un « procédé interlinguistique » (1926 : 216),
qui existe en allemand, anglais, italien, suédois, espagnol et russe ; les échanges entre
langues et littératures ont abouti à la « propagation […] d’une langue à l’autre » de ce
procédé littéraire, devenu un « procédé européen » (1926 : 219). L’approche contrastive est
également adoptée par Sabban (1978), qui propose une analyse valencielle de quelques
verbes introducteurs de discours direct, discours indirect, direkte Rede et indirekte Rede.
Un troisième type d’approche, formant le groupe le plus nombreux, allie une approche
contrastive et traductologique. Ch. Bally (1912 ; 1914) et E. Lorck (1921 : 30ss) font les
premières tentatives pour formuler des équivalences traductologiques sur des bases
contrastives, et W. Günther (1928) propose l’étude traductologique prospective la plus
poussée de cette époque en s’appuyant sur un corpus important de textes allemands, français
et italiens. Son autre particularité est d’adopter une vue globale du discours rapporté (du
moins dans ses formes écrites conventionnelles) et d’en étudier tous les types. La rupture
méthodologique est visible avec G. Steinberg (1971) qui fournit une étude approfondie de
l’erlebte Rede, du discours indirect libre et de l’einführungslose indirekte Rede dans la prose
narrative allemande, française et anglaise, en articulant clairement le versant contrastif au
versant traductologique. Les travaux de D. Kullmann (1992a, 1995a, 1995b) étudient la
traduction du discours indirect libre en allemand dans des œuvres de Flaubert et de Zola et
l’article de J. Albrecht (1999) analyse la traduction du discours indirect libre dans plusieurs
versions allemandes de L’assommoir. Le point de vue de ces deux auteurs est partiellement
diachronique, à la différence de celui adopté par M. Gehnen et H. Kleineidam (1988), qui
interrogent l’équivalence synchronique des trois genres non introduits, à savoir l’erlebte
Rede, le discours indirect libre et l’einführungslose indirekte Rede. L’article de M. Gehnen
(1992) aborde la question de la compréhension et de l’équivalence du discours indirect libre
et de l’erlebte Rede à travers une problématique grammaticographique ; P. Stein (1993) et Y.
Keromnes (2000) analysent de manière isolée quelques variations dans les traductions ; de
manière plus systématique, D. Maingueneau / J. Albrecht (2000) et surtout K. Zuschlag
(2002) analysent plusieurs pierres d’achoppement des traducteurs. Enfin, les deux travaux
les plus récents témoignent d’une évolution quant au type de corpus et quant au champ
d’analyse du discours rapporté. A partir d’un corpus de textes journalistiques, A. Celle
(2004) étudie la traduction du conditionnel français en allemand et anglais ; à partir du même
-8-
type de corpus, S. Bastian et F. Hammer (2004) étudient les équivalences des marqueurs de
citation, en retenant comme critère principal d’équivalence la construction textuelle.
Le dernier type d’approche est illustré par les travaux de P. von Münchow (2001) et se situe
dans une linguistique comparative des discours. L’auteur a étudié les différentes réalisations
d’un même genre discursif - le journal télévisé 2 - dans un corpus de textes non pas traduits
mais parallèles 3.
Von Roncador (1988 : 15) a relevé deux tendances dans les travaux contrastifs sur le
discours rapporté : la première privilégie une forme de discours rapporté, la seconde se
limite à un couple de langues plutôt que d’adopter une visée universaliste. Nous pouvons
confirmer la première tendance pour le couple allemand-français, car seuls deux travaux,
Günther (1928) 4 et Steinberg (1971), portent sur l’ensemble des formes du discours rapporté.
Les discours indirects libres et non introduits ont été étudiés de manière privilégiée par
rapport aux discours directs, aux séquences introductrices, aux discours indirects ; quant à
l’étude de l’hybridité énonciative, celle-ci a été restreinte aux discours indirects libres et non
introduits, bien qu’elle traverse tout le champ du discours rapporté.
2
L’auteur aboutit à la conclusion que les journaux télévisés allemands font un usage du discours indirect
beaucoup plus abondant que les journaux télévisés français (2001 : 68ss).
3
Pour la distinction méthodologique entre une recherche fondée sur un Übersetzungsvergleich et celle fondée
sur un Paralleltextvergleich, cf. Albrecht (1999 : 23ss).
4
L’auteur n’entend pas apporter de contribution grammaticale, considérant que le phénomène a déjà été
suffissament décrit sur ce plan, et se concentre sur l’aspect « psychologisch-stilkünstlerisch » (1928 : V) du
DR. Ses analyses narratologiques et stylistiques voient leur pertinence amoindrie par la présence de cette
tendance psychologisante (nous rencontrons le terme de « rassenpsychologisch » 1928 : 57).
5
Cf. von Roncador (1988), Gather (1994), Breslauer (1996), Kurt (1999), Marinos (2001).
-9-
leur réception y est certes modeste (Pérennec 2004 : 1), mais pas inexistante 6. Nous
proposons ensuite une description des grandes catégories du discours rapporté axée autour
de la notion d’énonciation. Nous adoptons une présentation catégorielle par souci de clarté.
Elle ne doit pas occulter le fait que les formes de discours rapporté dont nous traitons se sont
cristallisées sur l’axe diachronique et restent des combinatoires de traits qui peuvent se
représenter de manière adéquate sous la forme d’un continuum. Les marques et indices de
discours rapporté donnent naissance à des formes dont le degré de médiateté est variable et
gradué (cf. 1.6.2). C’est un point d’autant plus important que l’équivalence ne se construit
pas à partir de correspondances entre des formes et des catégories mais à partir de
correspondances entre des degrés d’hétérogénéité énonciative.
Le chapitre 2 décrit les principes de notre approche contrastive et traductologique ainsi que
les choix qui ont présidé à la réalisation de notre corpus. La traductologie a des visées qui ne
se confondent pas avec celles de la linguistique contrastive, mais elle peut s’appuyer de
manière pertinente sur les faits qui se dégagent de l’analyse contrastive. Quant au corpus,
nous avons réalisé plusieurs sous-corpus différents pour les besoins de l’analyse : soit nous
avons analysé les formes récoltées dans un corpus donné et fermé, soit nous avons utilisé un
corpus pour trouver des réalisations qui illustraient des problèmes particuliers. Il est
exclusivement écrit et a été composé majoritairement à partir des textes numérisés par le
GLFA (Groupe de Lexicographie français-allemand), notre équipe d’accueil au sein du
laboratoire de l’ATILF (Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française) 7. Nous
avons complété ce corpus numérisé par plusieurs œuvres et traductions publiées, en
particulier lorsque nous avions besoin de textes de la fin du 18ème siècle et du début du 19ème
siècle, époque qui ne fait pas partie du fonds du GLFA.
Nous avons ensuite procédé à une analyse contrastive du discours rapporté afin de dresser un
tableau des systèmes en présence. Cette analyse des ressources de chaque langue permettant
de réaliser un report d’assertion fournit deux méthodes d’investigation pour l’analyse
traductologique :
1) elle détermine les points de non-coïncidence entre les deux langues, des plus manifestes
aux plus subtils, ce qui permet ensuite de projeter sur le terrain textuel les difficultés
6
Cf. von Roncador (1988), Gather (1994), Blumenthal (1997), Kurt (1999), Maingueneau (2000), Albrecht
(2005a).
7
Dans la partie « Bibliographie. I Sources du corpus. », les textes du GLFA sont accompagnés d’un astérisque.
- 10 -
traductologiques. Cette première interaction entre la description contrastive et la
traductologie est prospective. L’étude empirique de la section traductologique doit
confirmer, infirmer ou compléter les hypothèses formulées.
2) Dans la section traductologique, la base contrastive permet de déterminer l’origine de
certaines variations traductologiques observées et de faire le départ entre les variations libres
et nécessaires, dans une interaction cette fois rétrospective entre l’analyse contrastive et
l’analyse traductologique.
La section contrastive est un tableau général du discours rapporté. Certains aspects sont
décrits de manière succincte - les valeurs des temps et des modes et la place de l’énonciateur
second dans le discours indirect -, tandis que d’autres sont nettement plus développés en vue
de l’analyse traductologique. L’analyse contrastive, de plus, affine et problématise les
descriptions données dans la première section. Le chapitre 3 traite des séquences
introductrices. Partant de la définition du discours rapporté comme celle de la représentation
d’un discours (le discours second) par un autre discours (le discours premier), notre intérêt
s’est porté sur les stratégies de mise en valeur ou de mise en retrait des énonciateurs. Le
chapitre 4 est consacré au mode direct. Dans le chapitre 5, nous avons comparé les
configurations du mode indirect, sensiblement différente dans les deux langues. Nous avons
surtout voulu cerner la particularité de l’einführungslose indirekte Rede, le genre indirect
non introduit propre à l’allemand, interroger la similitude entre l’erlebte Rede et le discours
indirect libre, et examiner la problématique des formes préliminaires au discours indirect
libre français en faisant appel à la notion de point de vue.
- 11 -
pratique sociale de communication 8. L’énoncé est guidé par des règles et des normes de
plusieurs ordres dont nous tiendrons compte dans notre analyse traductologique et qui sont
celles de la langue en premier lieu, mais aussi celles du texte et du discours, comme l’expose
Adam :
[…] aux contraintes générales qui mènent des propositions à l’unité texte, il faut ajouter des
contraintes qui sont, à la fois, celles de l’interaction en cours, avec ses paramètres situationnels et
psychosociaux, celles de la langue choisie et celles enfin des genres discursifs. (2004 : 18) 9
Au terme de notre introduction, il nous faut apporter des précisions sur la terminologie, la
présentation et les abréviations utilisées. Les termes français, sauf mention contraire,
désignent le phénomène dans les deux langues. Par exemple, le terme de discours indirect
recouvre aussi bien le discours indirect français que l’indirekte Rede. Lorsqu’il est nécessaire
de désigner un type de discours rapporté propre à une langue ou un trait spécifique, nous
avons recours à la terminologie allemande (erlebte Rede), précisons le terme (discours
indirect libre en allemand) ou employons une traduction (discours indirect non introduit pour
einführungslose indirekte Rede). Quant à notre présentation, nous avons choisi de numéroter
les exemples authentiques, mais pas les exemples construits. Les exemples authentiques sont
suivis de l’indication de leur source avec le numéro de page, sur le modèle (Hesse, Der
Steppenwolf : 130). Les extraits de traductions sont suivis de l’indication du nom du
traducteur avec le numéro de la page, sur le modèle (Pary : 796). Cette présentation a été
8
La distinction saussurienne entre langue et parole ne se recoupe pas entièrement avec celle entre collectif et
individuel puisque la parole est elle-même traversée par le collectif et l’individuel.
9
Nous regroupons sur le plan du discours les contraintes de l’interaction (des situations de discours) et des
genres discursifs, en précisant le cas échéant à quel paramètre particulier nous faisons appel.
- 12 -
retenue en raison de l’existence de pluritraductions dans notre corpus, ce qui aboutit par
exemple à : (Mann, Der Tod in Venedig : 47) ; (Bertaux et Sigwalt : 70) ; (Jaccottet : 90-91) ;
(Nesme et Costadura : 141-142). Nous avons utilisé les graisses pour mettre en valeur les
phénomènes auxquels nous nous intéressons et pour en faciliter la lecture, mais pas les
italiques. Nous évoquons les erreurs ou impropriétés de traduction uniquement lorsque
celles-ci ont un rapport avec le DR. Enfin, les abréviations que nous utilisons sont :
DD : discours direct
DDL : discours direct libre
DIL : discours indirect libre
DN : discours narrativisé
DR : discours rapporté
EIR : einführungslose indirekte Rede ou discours indirect non introduit
ER : erlebte Rede
PDV : point de vue
- 13 -
Section I : Définitions, objectifs et méthodologie
1 Le discours rapporté
L’Antiquité nous livre les premières réflexions sur la représentation de discours. Sans utiliser
de vocable générique tel que « discours rapporté », certains écrits contiennent des analyses
du mode direct et du mode indirect qui sont le reflet de préoccupations philosophiques,
esthétiques, rhétoriques ou politiques. L’approche antique reste influente jusqu’au 19ème
siècle, au moment où des grammairiens envisagent de façon neuve le discours rapporté et
l’abordent au travers des questions de syntaxe, sans pour autant rompre entièrement avec cet
héritage.
- 14 -
1.1.1 L’héritage de l’Antiquité
Dans La République de Platon, la question du discours rapporté est une question esthétique
qui rencontre une préoccupation morale et politique. La distinction entre différents modes de
représentation des discours est utilisée comme critère de sélection des œuvres poétiques à
l’intérieur de la Cité (Platon, La République, Chapitre III 393 a – 398 b : 144 à 150). Il faut
noter que Platon restreint le discours rapporté aux récits de discours fictifs situés dans le
passé, mais englobe dans le discours direct l’imitation des sons d’objets et des cris
d’animaux. Le discours rapporté n’est pour Platon qu’un sous-ensemble de la problématique
générale de la mimesis.
Tout d’abord, une distinction est opérée entre les genres littéraires sur la base du
fonctionnement narratif de chacun de ces genres :
- le genre mimétique, comme la tragédie ou la comédie, repose sur la mimesis et ne fait
parler que les personnages ;
- le genre narratif, ou récit pur 10, est un genre dans lequel le poète parle en son nom
(comme par exemple dans le dithyrambe) ;
- au mélange des deux genres correspond l’épopée, genre dans lequel les personnages et
le narrateur ont la parole (Platon, La République : 145ss).
Ensuite, les différents fonctionnements narratifs sont examinés sous l’aspect moral. Platon
explique que l’imitation, « […] si depuis l’enfance on persévère à la cultiver, se fixe dans les
habitudes et devient une seconde nature pour le corps, la voix et l’esprit. » (Platon, La
République : 148ss). Ainsi, l’homme vertueux usera avec parcimonie du discours imitatif, et
le limitera à la reproduction du discours des honnêtes hommes. En revanche, l’homme non
vertueux « imitera tout et ne croira rien indigne de lui. […] Son discours tout entier sera
imitatif de voix et de gestes ; il n’y entrera que peu de récit. » (ibid.). De plus, en tentant
d’imiter plusieurs choses à la fois, il n’en imitera aucune correctement. En conclusion,
privilégiant le mode du récit pur, Platon n’admet dans la cité que le poète usant quasi
exclusivement de ce mode, bien que cette forme soit « plus austère et moins agréable […] »
que les autres formes (ibid.).
10
Certaines traductions proposent « simple récit ». Nous suivons pour notre part les propositions de Genette
(1972 : 184) : « haplé diégésis est le récit non mêlé […] d’éléments mimétiques : donc pur. ».
- 15 -
Si Platon réprouvait le genre mimétique, Aristote en revanche, qui reprit sa classification
tout en la modifiant, assura son succès (Ducrot et Schaeffer 1995 : 28). Il neutralisa la
dichotomie platonicienne entre mimesis et récit pur, et considéra la représentation mimétique
et le récit pur comme deux variantes de la mimesis (Genette 1972 : 184ss). Si les
propositions d’Aristote ont contribué à lever le discrédit dans lequel la représentation
mimétique avait été plongée, elles n’ont pas affaibli l’écho de la catégorisation de Platon.
L’analyse platonicienne des modes de représentation de la diégèse (le monde crée par
l’auteur, qui comprend donc les discours des personnages et du narrateur) a été adaptée par
le grammairien romain Diomède au 6ème siècle de notre ère (Brinkmann 1969 : 22 ; Scherner
1976 : 292) qui en a proposé la reformulation suivante :
- Le genus activum vel imitativum, genre mimétique dans lequel seuls les personnages
parlent, est fondé sur le discours direct ;
- le genus enarrativum, genre narratif dans lequel seul l’auteur a la parole, repose sur le
discours indirect ;
- le genus commune, genre mixte ou alterné dans lequel se croisent la parole de l’auteur et
celle des personnages, mêle les deux types de discours.
Les catégories platoniciennes ont longtemps laissé leur empreinte allant, selon Genette,
jusqu’à inspirer la théorie du roman développée au début du 20ème siècle par H. James,
fondée sur la distinction showing / telling, « résurgence des catégories platoniciennes de
mimesis (imitation parfaite) et de diegesis (récit pur) » (1972 : 75). Le rapprochement initié
par Platon entre les types de discours rapporté d’une part et les types de représentation
esthétique d’autre part se retrouve au 20ème siècle, selon l’analyse de Scherner (1976), dans
les descriptions de Vogt : « Die Sprachaussage des Dramas besteht ausschließlich aus
direkter Rede (Dialog, Monolog) der auftretenden Figuren » 11. La pérennité des catégories
platoniciennes tient à leur pertinence réelle ; toutefois, le 20ème siècle a montré que le critère
de l’identité du locuteur est un critère d’analyse et de classification qui doit être combiné à
d’autres et dont l’analyse demande être approfondie. Le texte dramatique, par exemple, est
comme tout discours direct, fictif ou non-fictif, transcrit par un énonciateur rapporteur qui
est présent autour et dans le discours rapporté, comme le souligne Scherner : « der
Dramentext [besteht] nicht allein aus der Rede der Figuren, sondern aus situierenden
11
Jochen VOGT (1972), Aspekte erzählender Prosa, Opladen : Westdeutscher Verlag, 68, cité par Scherner
(1976 : 293).
- 16 -
Rahmenangaben des Autors und Figurenrede, die komplementär zusammenwirken » (1976 :
293ss) 12.
La deuxième source d’influence européenne fut la rhétorique latine, qui développa les
notions d’oratio recta / oratio obliqua. Comme l’a montré Rosier (1999 : 11-62), ces notions
renvoient à des types de construction de discours et répondent à une problématique
rhétorique qui se pose aux orateurs politiques et aux historiens. Le discours direct relève
d’une pratique poétique (au sens large) d’imitatio ; quant au discours indirect, il est « la
forme institutionnelle » de la pratique politique (Rosier 1999 : 21). La rhétorique latine, plus
encore que les écrits de Platon, a marqué de son empreinte la culture grammaticale et
linguistique des 19ème et 20ème siècles.
Les grammaires qui sont antérieures au structuralisme et que nous pouvons appeler
« classiques » témoignent de l’influence de l’héritage latin. Pour l’allemand, nous nous
référons à la grammaire de H. Paul 13, publiée entre 1916 et 1920, car elle reflète (avec les
travaux d’O. Behaghel), l’état le plus avancé de la grammaire et de la linguistique de
l’époque. Pour le français, nous renvoyons à Rosier (1999 : 21-32), qui montre que les
présupposés et les descriptions des grammaires françaises de la même époque sont
sensiblement les mêmes qu’en Allemagne.
Dans la grammaire de Paul, deux modes sont nettement distingués et mis en opposition :
l’oratio indirecta, assimilé au discours indirect, et l’oratio directa, assimilé au discours
direct de l’allemand 14. D’un point de vue terminologique, oratio directa et oratio indirecta
sont les termes les plus employés, loin devant direkte Rede et indirekte Rede 15. On remarque
également l’absence d’un terme générique tel que Redewiedergabe ou Redeerwähnung. La
12
L’analyse de Gallèpe (1998 : 7), qui se situe également dans une perspective énonciative, propose une
description similaire de l’écriture dramatique.
13
H. Paul appartient à l’école des néo-grammairiens, terme par lequel un groupe de linguistes allemands s’est
lui-même désigné, et dont l’objectif était de renouveler la grammaire comparée.
14
L’adaptation est encore plus importante en français : en latin, le discours indirect se construit dans une
subordonnée avec ou sans subjoncteur, car le mode seul peut servir à marquer la présence d’un report de
discours. Si l’oratio obliqua latin est grammaticalement proche de l’allemand, ce n’est plus aussi vrai pour le
français.
15
Glinz (1994 : 434) indique que les termes de direkte et indirekte Rede ont été empruntés au français. En
français, Rosier (1999 : 26) situe la première occurrence de discours direct au 13ème siècle, de discours indirect
au 15ème siècle, et l’usage courant du couple fonctionnel discours direct/discours indirect au 17ème siècle.
- 17 -
référence à l’Antiquité est une adaptation, car Paul adopte une description essentiellement
syntaxique, alors que les termes d’oratio recta (directa) / oratio obliqua (indirecta) ne sont
pas au départ des catégories grammaticales, mais des catégories rhétoriques.
La description du discours rapporté est regroupée autour des questions de syntaxe (Band
IV, chapitre 8 : « Beiordnung und Unterordnung von Sätzen ») et de temps et de modes
(Band IV, chapitre 12 : « Modusgebrauch in abhängigen Frage-, Relativ- und
Konjunktivsätzen »). Elle se concentre sur les relations d’intégration syntaxique, les verbes
introducteurs, l’emploi du Konjunktiv I (décrite comme une alternative à l’Indikativ dans les
subordonnées indirectes, notamment sur des longues périodes (1920 : 177)), et les
changements de référence déictique lors du passage du discours direct au discours indirect.
Die Oratio directa charakterisiert sich noch dadurch, daß die Personalpronomina nicht vom Standpunkt
des Berichterstatters aus, sondern von dem des Subj. des Vers. Fin. aus gewählt werden, und daß
danach auch der zeitliche Standpunkt genommen wird. (Paul 1920 : 172)
L’analyse est axée autour des formes de direkte Rede et d’indirekte Rede et les formes
d’erlebte Rede et d’einführungslose indirekte Rede ne sont pas répertoriées. L’objectif de
cette grammaire n’étant pas d’analyser globalement les indices de discours hétérogène, ceci
explique l’absence de description des autres formes proches du discours rapporté, comme les
introducteurs für, laut, nach, so, ou le verbe sollen.
- 18 -
Le fil rouge de Platon à Paul est la bipartition en deux catégories. Le discours indirect et le
discours direct sont présentés comme les deux variantes qui peuvent permuter en fonction
d’un objectif stylistique. Les exemples de reformulation, présents dès Platon, ne montrent
pas les limites d’une telle transformation et se concentrent, dans les grammaires, sur les
déictiques de personne et de temps. Cette tradition a contribué à donner du discours rapporté
une image trop simplifiée et n’a pas permis d’expliquer le fonctionnement des nombreuses
formes de discours rapporté. Cette représentation du discours rapporté a longtemps dominé
les grammaires d’apprentissage allemandes et françaises du 20ème siècle, mais ces dernières
intègrent aujourd’hui les éléments d’analyse apportés par la linguistique de l’énonciation.
1.2.1 L’énonciation
L’énonciation, telle que l’a définie Benveniste, est l’acte individuel d’utilisation de la
langue. Relevant du domaine infini et non entièrement prévisible de la parole, son
fonctionnement se prête pourtant à une exploration systématique de ses mécanismes
spécifiques et réguliers.
- 19 -
langue par un acte individuel d’utilisation » (1974 : 80). Sa prise en compte du sujet et des
conditions de production dans la description des faits de langue l’amène à distinguer deux
plans d’énonciation fondamentaux, qui organisent le système des temps français : le plan du
récit historique et le plan du discours. Ces deux catégories représentent des alternatives
exclusives, à l’exception d’un cas : dans le discours rapporté, plus exactement le discours
indirect, le discours préexiste au récit historique et est intégré dans celui-ci.
Indiquons par parenthèse que l’énonciation historique et celle de discours peuvent à l’occasion se
conjoindre en un troisième type d’énonciation, où le discours est rapporté en termes d’événements et
transposé sur le plan historique ; ce qui est communément appelé « discours indirect ». (1966 : 242)
L’analyse de Benveniste rend compte du fait que l’énoncé cité sur le mode indirect n’est plus
un discours, puisqu’il ne renvoie plus à ses conditions de production. Si un énoncé-discours
tel que : « A ce soir ! » renvoie pour son élucidation à sa situation d’énonciation, en
revanche l’énoncé-récit en discours indirect : « Il m’avait pourtant dit qu’on se verrait le soir
même » s’interprète sans recours à la situation d’énonciation dans laquelle il a été produit.
Bien que Benveniste n’ait pas lui-même étendu son analyse aux autres types de
représentation de discours, ses catégories s’appliquent au discours rapporté dans son
ensemble. En reprenant ses distinctions, nous pouvons dire que le discours direct correspond
à une jonction de discours et de récit historique, tandis que le discours indirect libre naît
d’une superposition des deux ; dans les deux cas cependant, le discours n’est pas le discours
actuel, mais un discours représenté.
Toutefois, les catégories de Benveniste ne rendent pas compte d’une construction au mode
indirect telle que la suivante, et même l’interdisent :
Tu vas voir, il te dira qu’il viendra, qu’il apportera tout, et en fait il va te laisser faire le travail toute
seule.
Dans le schéma de Benveniste, présent - sauf présent historique, décrit comme un « artifice
de style » (1966 : 245) -, parfait, futur simple et futur composé sont exclus du récit
historique, le futur impliquant « prescription, obligation, certitude, qui sont modalités
subjectives, non catégories historiques » (ibid.). Or, nous sommes en présence d’un DR dans
l’énoncé cité, ce qui restreint la validité du schéma de Benveniste appliqué au discours
rapporté.
- 20 -
D’autres articles de Benveniste ont été fondateurs pour la linguistique de l’énonciation et ont
éclairé le phénomène du discours rapporté sous un jour nouveau. Ils portent sur la nature des
pronoms (plus précisément des personnes je/tu), ces « instances de discours » (1966 : 251)
dont le sens est donné par le locuteur et l’allocuté de la situation de communication. Pour
illustrer leur fonctionnement (1966 : 252), Benveniste convoque le phénomène du discours
rapporté, cette fois au mode direct, et montre par là que le discours rapporté ne se laisse pas
décrire en termes uniquement syntaxiques, mais demande une description énonciative.
Si je perçois deux instances successives de discours contenant je, proférées de la même voix, rien
encore ne m’assure que l’une d’elles ne soit pas un discours rapporté, une citation où je serait
imputable à un autre. (ibid.)
Les travaux de Jakobson marquent une autre étape dans la linguistique de l’énonciation. La
fonction d’autoréférenciation du langage se réalise selon quatre schémas possibles (appelés
structures doubles) : 1) le message renvoie au message ; 2) le code renvoie au code ; 3) le
message renvoie au code ; 4) le code renvoie au message. La structure 4) englobe les
déictiques (appelés embrayeurs ou shifters) et prolonge les réflexions de Benveniste :
l’élucidation de ces éléments nécessite la prise en compte des paramètres de production de
l’énoncé. La structure 1) fait référence au discours rapporté. D’un point de vue
terminologique, les termes latins se retrouvent, bien que la tradition latine ne recouvre pas la
même réalité que celle envisagée par Jakobson.
Le discours cité (oratio) est un énoncé à l’intérieur d’un énoncé, un message à l’intérieur du message,
et en même temps c’est aussi un énoncé sur un énoncé, « un message à propos d’un message », selon
la formule de Volosinov dans l’étude qu’il a consacrée à ce problème crucial pour la linguistique et la
stylistique. (2003b : 177)
Dans cet article, le DR est mis en relation avec d’autres formes de référence à des discours :
Il existe une échelle multiple de procédés linguistiques destinés à rendre les citations ou quasi-
citations : le discours direct (oratio recta), le discours indirect (oratio obliqua) et diverses formes de
s t y l e i n d i r e c t l i b r e . Certaines langues […] usent de procédés morphologiques spéciaux pour
indiquer des événements qui ne sont connus du sujet parlant que par le témoignage des autres. (ibid.)
Les « procédés morphologiques spéciaux » mentionnés par Jakobson relèvent de ce qui est
appelé aujourd’hui des « marqueurs évidentiels ». Nous reviendrons par la suite sur la
proximité (non seulement dans les définitions, mais aussi observable dans les traductions)
entre les marqueurs évidentiels et le discours rapporté. En revanche, un autre rapprochement
de l’auteur est plus problématique. En décrivant quelques exemples d’autoréférenciation, il
explique :
- 21 -
Nous citons les autres, nous citons nos propres paroles passées et nous sommes même enclins à
présenter certaines de nos expériences les plus courantes sous forme d’autocitations, par exemple en
les confrontant aux déclarations d’autrui : Vous avez appris qu’il a été dit… Eh bien ! moi je vous
dis… (Matthieu). (ibid.)
L’énoncé « moi je vous dis p » ne contient pas les caractéristiques d’une représentation de
discours, car il n’y a pas de dédoublement d’un seul paramètre de la situation d’énonciation
(énonciateur, temps, espace). La forme « moi je vous dis » est plutôt une introduction
performative, explicitant la valeur illocutive de l’acte réalisé.
- 22 -
énoncé, les lieux d’inscription et les modalités d’existence » de ce que l’auteur, en
s’inspirant de Benveniste, appelle « ‘la subjectivité dans le langage’ ». Le champ d’étude est
resserré autour d’un des pôles de la communication, celui de l’émetteur.
Nous terminons ce court aperçu de quelques textes fondateurs par la présentation des travaux
de Bakhtine 16, qui représentent un élargissement vers la linguistique du discours. La vision
centrale de Bakhtine est celle d’un sujet qui n’est pas seul, mais qui est constitué par sa
relation avec autrui. Le concept de dialogisme qui en découle est à la base de ses théories sur
l’énonciation, le discours et les genres de discours.
Observant qu’une langue n’est pas homogène, mais qu’elle est le reflet de multiples identités
sociales, Bakhtine en vient à une théorie de la production du sens qui est intimement liée au
discours. La signification abstraite des éléments de la langue, définie dans le cadre du
système linguistique, n’est pas celle qui est réalisée dans la communication. A cette
signification abstraite s’oppose donc le sens, co-déterminé par les discours des autres.
16
M. Bakhtine a publié l’ouvrage Marksizm i filosofija jazyka en 1929, sous le nom de V.N. Volochinov. Ses
travaux ne furent réellement diffusés qu’une fois traduits dans les années 1970. Voir en particulier dans
Marxisme et philosophie du langage : Chapitre 9 : Le ‘discours d’autrui’ ; Chapitre 10 : Discours indirect,
discours direct et leurs variantes ; Chapitre 11 : Discours indirect libre en français, allemand et russe.
- 23 -
L’image d’un énonciateur qui puiserait dans une langue qui lui appartiendrait en propre est
dénoncée comme fictive. Ayant posé l’altérité énonciative comme fondamentale, Bakhtine
voit dans le discours rapporté une des formes manifestes de cette altérité. Son analyse ne
porte pas tant sur les rouages énonciatifs du discours rapporté que sur ses manifestations
dans le discours et sur ses liens avec les genres de discours (en particulier, le lien entre le
discours indirect libre et le roman moderne).
Le discours rapporté est défini comme une relation entre deux énonciations dont l’une est
dépendante de l’autre. Le DR est à la fois un discours dans le discours et un discours sur le
discours. Bakhtine décrit le DD et le DI comme deux modes fondamentalement différents.
Le DD représente une réification de l’énoncé source. Dans le DI en revanche, le locuteur
procède à une appropriation analytique souple de l’énoncé source. Bakhtine rapproche les
deux modes d’appréhension du discours autre des modes de propagande idéologique que
sont respectivement « la parole autoritaire », pour le DD, et « la parole persuasive », pour le
DI (Du discours romanesque, cité par Authier-Revuz 1982 : 114).
Le discours indirect libre est la forme la plus étudiée par Bakhtine, qui voit dans cette
construction hybride une « tendance complètement nouvelle, positive, dans l’appréhension
active de l’énonciation d’autrui » (Bakhtine 1977 : 195). L’auteur réfute les idées selon
lesquelles le discours indirect libre serait un mélange de discours direct et indirect et auraient
comme raison d’être une ambiguïsation du discours. Son analyse, qui porte prioritairement
sur l’emploi du DIL dans le genre romanesque, décrit le DIL comme le reflet d’un
éclatement idéologique. Le roman moderne représente des points de vue différents sur le
monde, et le DIL est la forme énonciative qui répond à cette ambition littéraire :
ce qui en fait une forme spécifique, c’est le fait que le héros et l’auteur s’expriment conjointement,
que, dans les limites d’une seule et même construction linguistique on entend résonner les accents de
deux voix différentes. (Bakhtine 1977 : 198)
- 24 -
1.2.2 La proximité du discours rapporté avec d’autres constructions
énonciatives
Si le discours rapporté se caractérise par la présence de deux discours et par la référence d’un
discours à un autre, cette caractéristique apparaît rapidement comme non distinctive, car le
discours rapporté partage ce trait avec d’autres formes, quelquefois signalées sous les termes
de formes « concurrentes » ou « complémentaires ».
L’analyse des critères communs et distinctifs peut se faire selon deux axes : elle repose soit
sur les similitudes constatées (par exemple Breslauer 1996), soit sur une problématique
discursive globale (par exemple Rabatel et Lepoire 2005 et Yos 2005). Breslauer (1996 :
200) ajoute aux catégories traditionnelles du DR (direkte Rede, Innerer Monolog, Indirekte
Rede, Berichtete Rede, Erlebte Rede) les « weitere Formen der vermittelten
Redewiedergabe » parmi lesquelles : « Redeeinleitungssequenz mit Infinitivsatz ;
Redebericht ; sollen ; wollen ; Sätze mit Modalwort ; Präpositionale Quellenangaben ; wie-
Sätze » en précisant : « Es sind meiner Meinung nach eigenständige Formen der indirekten
Redewiedergabe, nicht aber Untergruppen der indirekten Rede ». Ce rapprochement est fait
sur la base des valeurs discursives partagées par le DR et ces formes, qui sont communément
décrites comme des paraphrases partielles du DR dans les grammaires d’apprentissage.
Helbig et Buscha (1998 : 200) font mention de « Konkurrenzformen der indirekten Rede » et
citent « Er will ; Er hat mich angeblich ; Nach seinen Worten ; Wie er sagt » ainsi que le
discours narrativisé. Engel (2004 : 69ss) présente sollen, wollen et es heißt comme des
« Parallelformen zur Redewiedergabe ».
Une autre approche consiste à envisager le DR comme une manifestation partielle d’un
champ de phénomènes. Si Yos (2005) décrit le DR comme un cas de reformulation, le plus
souvent, le DR est associé au concept de dialogisme. « On considérera que le discours
représenté […] est un sous-ensemble de la problématique plus vaste du dialogisme », peut-
on lire dans Rabatel et Lepoire (2005 : 57). Cette vue globale amène les auteurs à intégrer un
grand nombre de formes en prenant comme critère principal la présence de points de vue
différents et d’une hétéro- ou autodialogisation : DD, DI, DIL, DDL, DN, îlots textuels de
DD, DD avec que, formes de modalisation d’emprunt du type selon N, modalisation
autonymique d’emprunt, conditionnel d’altérité énonciative.
- 25 -
Nous sommes consciente de la proximité du DR avec d’autres formes et nous veillerons à
souligner dans notre définition quels sont les traits discriminants du DR. La distinction que
nous opérerons entre les formes de discours rapporté et les autres formes qui marquent la
présence d’un discours autre n’est pas pensée comme une frontière hermétique, car ces
dernières interagissent dans les textes avec les formes du DR et peuvent être employées
comme traduction du discours rapporté, comme la section III le montrera. Cette distinction
doit néanmoins être opérée afin que nous puissions analyser les relations d’équivalence
traductologiques.
Le cadre d’analyse que nous retenons est emprunté aux travaux d’Authier-Revuz sur la
représentation du discours autre et à la théorie de la polyphonie de Ducrot. Ces théories
présentent à la fois des points de convergence et de divergence que nous exposerons dans la
partie qui va suivre.
Les modèles explicatifs d’Authier-Revuz et de Ducrot sont tous deux construits autour de la
question de l’identité du sujet de l’énonciation. Ils posent la non-unicité du sujet et la
multiplicité des voix qui en découle comme une loi fondamentale du langage. Les travaux
d’Authier-Revuz (dès Authier et Meunier 1977) ont marqué le tournant énonciatif dans la
recherche sur le discours rapporté et ont montré les limites des modèles traditionnels. Nous
rappellerons quelles sont ces limites (1.3.1) avant de présenter les outils que fournissent les
modèles énonciatifs (1.3.2).
L’opposition entre les modèles morpho-syntaxiques et les modèles énonciatifs est une
opposition qui structure le champ de la recherche, que les travaux portent sur la théorie
générale du discours rapporté (Scherner 1976 ; von Roncador 1988 ; Gather 1994 ; Rosier
1999 ; Authier-Revuz 2004), un aspect ou un type particulier (les verbes introducteurs, le
discours indirect libre, l’emploi du mode Konjunktiv, la dérivation de l’indirect à partir du
direct, …), ou encore une application (didactique, traduction du discours rapporté), ou enfin
l’emploi du discours rapporté en relation avec les genres de discours. Il n’existe pas toujours
une répartition exclusive des traits des deux catégories, et certains ouvrages combinent une
approche morpho-syntaxique à une approche énonciative et discursive.
- 26 -
1.3.1 Approches morpho-syntaxiques
Sur le plan pragmatique, les formes virtuelles et d’autocitation sont souvent occultées. La
fonction première, sinon exclusive, serait de rapporter des paroles prononcées dans le passé
par autrui (Helbig und Buscha 1998 : 194) 18. Pour Engel (2004 : 65), de même, on est en
présence d’un DR lorsque « ein geschriebener oder gesprochener Text [wird] zu einem
späteren Zeitpunkt wieder aufgenommen und, sei es auch in veränderter Form, in einem
anderen Text eingebettet. »
17
La grammaire de Heidolph et al. (1984) illustre la valeur relative de notre classification : par certains traits,
cette grammaire a une approche énonciative, définissant le discours rapporté comme la mise en relation de
deux actes d’énonciation (Redeakte), mais certains traits de sa description la rapprochent de la vision
traditionnelle. Cette grammaire semble ne pas tirer toutes les conclusions de sa définition. La grammaire de
Dethloff et Wagner (2002) oscille également entre une définition énonciative et syntaxique.
18
Cela revient à ériger au rang de règle et de définition ce qui n’est qu’une généralité observable (Golato
2002).
- 27 -
Pour le discours indirect libre, la description s’accompagne d’une restriction discursive
supplémentaire : l’apparition de celui-ci serait limitée aux récits écrits, hétérodiégétiques et
formulés au passé. Helbig et Buscha (1998 : 149) décrivent l’erlebte Rede comme un
« Stilmittel » des récits au Präteritum. De même pour Engel, l’erlebte Rede est à la troisième
personne : « der Autor [übernimmt] bei der Wiedergabe von Äußerungen und Meinungen
Dritter deren Perspektive ».
Wenn die Rede in genau der Form wiedergegeben werden soll, in der sie ursprünglich formuliert
worden ist, wird die direkte Rede (mit Redeeinleitung) verwendet. (1998 : 194)
Direkte Rede bedeutet : wörtlich zitierte Meinung, indirekte Rede bedeutet : nichtwörtlich zitierte
Meinung 19
Enfin, sur un plan typologique, le discours indirect libre et le discours indirect non introduit
sont les parents pauvres. Le discours indirect libre est absent de la grammaire de Heidolph et
al. (1984) 20.
19
Weinrich apporte toutefois quelques nuances : « In der direkten Rede wird eine Meinung mehr oder weniger
wörtlich zitiert » (1982 : 785).
20
Il l’est également de la grammaire de Schanen et Confais (2005), qui est pourtant loin d’adopter une
approche morpho-syntaxique.
21
Les recherche en linguistique de l’énonciation et du discours ont nourri l’approche des grammaires les plus
récentes, pour l’allemand celles de Zifonun et al. (1997), Duden (2005) et Schanen et Confais (2005), et pour le
français celles de Riegel et al. (2001) et Wilmet (2003).
- 28 -
INDIREKTHEITSKONTEXTE sind Kontexte, also Verwendungszusammenhänge, in denen der Sprecher
ein Stück propositionalen Wissens nicht unmittelbar als für ihn selbst zum Sprechzeitpunkt aktuellen
Wissens anspricht, sondern es wiedergibt, indem er sich auf eine andere Quelle rückbezieht. Diese
andere Quelle ist
a) der Sprecher selbst oder ein anderer Sprecher, und zwar zu einem anderen Sprechzeitpunkt als dem
gerade aktualen Sprechzeitpunkt oder in einer nur gedachten Äußerungssituation
b) eine Person oder ein als denkfähig betrachtetes Wesen, zu dessen Einstellungen, Gedanken und
Gefühlen der Sprecher - wie auch immer - Zugang hat. (Zifonun et al. 1997 : 1753)
L’énonciation ne se réduit pas à un processus simple déclenché par le sujet parlant qui serait
le seul à laisser son empreinte dans l’énoncé. J. Authier-Revuz et O. Ducrot ont théorisé la
non-unicité du sujet parlant, Authier-Revuz au travers du concept de l’hétérogénéité du dire,
Ducrot au travers de celui de polyphonie. Nous allons maintenant présenter l’apport de ces
deux théories à la compréhension du discours rapporté.
Les travaux d’Authier-Revuz critiquent la vision d’un sujet parlant monologique. S’inspirant
du concept de polyphonie bakhtinien et de l’éclairage qu’apporte la psychanalyse sur la
notion de sujet, Authier-Revuz postule que la parole est fondamentalement marquée par
l’hétérogénéité. Toute parole est traversée par le dire des autres : c’est l’hétérogénéité
constitutive du dire. Cette hétérogénéité du dire est quelquefois marquée explicitement, elle
est alors une hétérogénéité montrée du dire.
Tous les phénomènes de discours rapporté s’inscrivent dans le champ de l’hétérogénéité
montrée du dire. Le discours rapporté n’est toutefois qu’une des modalités de reprise des
discours. Le critère de distinction entre les formes de discours rapporté et les autres formes
de reprise est fourni par la nature de l’acte d’énonciation repris : selon que celui-ci est l’objet
ou au contraire le moyen du dire, l’auteur distingue plusieurs catégories au sein de
l’hétérogénéité montrée du dire.
Les travaux de Ducrot ne sont pas axés sur les structures du métalangage comme ceux
d’Authier-Revuz mais se situent dans une perspective pragmatique, où le sens se définit
comme les instructions données pour exécuter l’énoncé (1984 : 204). A l’instar d’Authier-
Revuz, Ducrot remet en cause l’unicité du sujet de l’énonciation (Ducrot 1984 : 171 et 189) :
L’objectif […] est de contester - et, si possible, de remplacer - un postulat qui me paraît un préalable
(généralement implicite) de tout ce qu’on appelle actuellement la « linguistique moderne », terme qui
recouvre à la fois le comparatisme, le structuralisme et la grammaire générative. Ce préalable, c’est
l’unicité du sujet parlant. (1984 : 171)
- 29 -
L’analyse de toute production langagière doit donc faire la distinction entre le sujet parlant,
le locuteur et l’énonciateur :
- le sujet parlant est un être empirique, le producteur effectif, physique, des paroles. Il n’a
pas de place prévue dans la structure sémantique de l’énoncé, c’est-à-dire dans la
description que celui-ci donne de son énonciation ;
- le locuteur est un être de la fiction discursive, quelqu’un à qui on doit imputer la
responsabilité des énoncés et le centre déictique ;
- l’énonciateur est responsable de l’acte illocutoire 22. C’est une instance qui est censée
« s’exprimer à travers l’énonciation, sans que pour autant on [lui] attribue des mots
précis ; [si elle] ‘parl[e]’, c’est seulement en ce sens que l’énonciation est vue comme
exprimant [son] point de vue, [sa] position, [son] attitude, mais non pas, au sens matériel
du terme, [ses] paroles ». Le locuteur apparaît comme un metteur en scène : « le
locuteur, responsable de l’énoncé, donne existence, au moyen de celui-ci, à des
énonciateurs dont il organise les points de vue et les attitudes » (1984 : 204ss). La
fonction que remplit l’énonciateur se rapproche, selon Ducrot lui-même, de la
focalisation genettienne (cf. 1.5.1), qui correspond à la perspective choisie pour
présenter les événements, ou au « sujet de conscience » (Ducrot 1984 : 208).
Le discours rapporté, dans ce schéma, est un énoncé dans lequel locuteur et énonciateur ne
coïncident pas, selon différentes modalités que nous examinerons dans la partie suivante
(1.4). Nous devons avant cela préciser la définition du discours rapporté et le délimiter par
rapport à d’autres formes de reprise.
22
Ducrot (1989) explique que sa distinction entre locuteur et énonciateur a été inspirée par la distinction de
Bally entre sujet communiquant et sujet modal.
23
Il n’y a que dans les cas d’une énonciation niée que l’énonciation rapportée et l’énonciation produite, à la
première personne, peuvent coïncider : « Ich sage nicht x, sondern y ».
- 30 -
(1) Dieser Aufenthalt im Kunsthistorischen Museum ist zweifellos eine der Voraussetzungen dafür, daß
Reger so für die Times schreiben kann, wie er für die Times schreibt, sagte ich zu Irrsigler, ganz
gleich, ob mich nun Irrsigler verstanden hat oder nicht, wahrscheinlich hat mich Irrsigler gar nicht
verstanden, dachte ich und denke ich genauso jetzt. (Bernhard, Alte Meister : 19)
(2) Ob Sie es glauben oder nicht, so der Engländer, so Reger zu mir, der gleiche Weißbärtige Mann von
Tintoretto, der in meinem Schlafzimmer in Wales hängt, hängt auch hier. (Bernhard, Alte Meister :
151)
La définition de l’énonciation est celle d’un acte de production d’un énoncé se manifestant
par un couple locuteur-allocuté, un code, un repère temporel et spatial, une implication
affective ou évaluative et les données environnantes. Le discours rapporté suppose deux
situations d’énonciation, dont l’une a pour vocation de faire entendre l’autre. La situation
d’énonciation est constituée de plusieurs paramètres, et le DR est la représentation d’une
sélection de paramètres. Reconstituer la totalité de la situation d’énonciation est proche de
l’utopie au vu de la multiplicité des paramètres de l’énonciation, de l’étendue de la situation
d’énonciation et de son caractère dynamique. En effet, la situation d’énonciation n’est pas
une entité figée mais une entité qui se construit en partie au cours de la communication :
On entend par contexte un ensemble de données aussi hétérogène qu’étendu (et ce théoriquement à
l’infini, car, de proche en proche, le contexte en vient à englober la totalité de l’univers physique et
social) […] Donné à l’ouverture de l’interaction, le contexte est en même temps construit dans et par
la façon dont celle-ci se déroule ; définie d’entrée, la situation est sans cesse redéfinie par l’ensemble
des événements conversationnels : cette dynamique concerne par exemple :
- la compétence encyclopédique des participants […]
- le but de l’échange, qui lui préexiste tout en étant au coup par coup renégocié
- l’identité et le statut des participants […]
- la relation […] qui joue entre les interlocuteurs […]
Corrélativement, les unités textuelles doivent être envisagées à la fois comme déterminées par le
contexte, et comme le construisant progressivement (Kerbrat-Orecchioni 1998 : 106ss)
Comme le montrent les deux exemples suivants, le DR représente une énonciation dans une
autre en sélectionnant certains paramètres de la situation d’énonciation seconde. Le premier
exemple est un erlebte Rede :
(3) Frau Stuht aus der Glockengießerstraße hatte wieder einmal Gelegenheit, in den ersten Kreisen zu
verkehren, indem sie Mamsell Jungmann und die Schneiderin am Hochzeitstage bei Tony’s Toilette
unterstützte. Sie hatte, strafe sie Gott, niemals eine schönere Braut gesehen [...]. (Mann,
Buddenbrooks : 164)
- 31 -
Le phrasème exclamatif « strafe sie Gott » est attribuable au personnage de Frau Stuht : il est
un indice de la subjectivité de ce personnage dans le discours du narrateur. L’énoncé est
interprété grâce à cela comme un erlebte Rede. Cette représentation de discours second est
resserrée autour du pôle de l’émetteur et de sa subjectivité évaluative et affective. Les
conditions de production de l’énonciation représentée sont moins importantes : les seuls
paramètres sont le temps et l’espace, vaguement déterminés dans le cotexte de l’erlebte
Rede.
Le deuxième exemple montre une autre sélection des informations dans le discours
rapporté :
Ces deux exemples de DR offrent une représentation différente des faits énonciatifs. Pour
reprendre la distinction de Kerbrat-Orecchioni, les faits énonciatifs du premier exemple
relèvent principalement du champ d’une énonciation restreinte, puisque le DR se concentre
sur l’émetteur. Ceux du deuxième exemple au contraire couvrent des faits relevant du champ
de l’énonciation étendue.
Il nous faut maintenant opérer une distinction entre le discours rapporté et quelques formes
de reprise qui, malgré la proximité avec le DR, sont des formes que nous choisissons de ne
pas intégrer dans le champ du DR. Nous empruntons principalement à Authier-Revuz et à
Ducrot les analyses qui nous permettent de délimiter les formes de discours rapporté. Deux
types en particulier sont à distinguer du discours rapporté : la modalisation en discours
- 32 -
second (Authier-Revuz) ou reprise montrée (Ducrot) et la modalisation autonymique
(Authier-Revuz).
1) L’énoncé repris est utilisé pour modaliser l’énoncé produit, il est le moyen du dire :
Jean a fait, selon untel, une longue promenade. (Authier-Revuz 1992 : 39)
Cette forme de discours pluriel est une forme dans laquelle un autre discours est identifié
comme étant la source de l’information. L’énoncé est une « assertion modalisée par renvoi à
un autre discours, c’est-à-dire se caractérisant elle-même comme « seconde », dépendante de
cet autre discours […] » (Authier-Revuz 1992 : 39). Le discours second est l’objet et la visée
du discours rapporté, tandis que le discours second est utilisé dans les discours modalisés.
Lorsque l’on relève dans une énonciation la présence de telle parole ou de tel point de vue, il faut
préciser si cette parole et ce point de vue sont rapportés, mentionnés, si donc leur existence est l’objet
d’une affirmation, ou bien s’ils sont exprimés, si donc l’énonciation est donnée comme leur
manifestation. (Ducrot 1989 : 190)
Ducrot parle dans ce cas de reprise montrée. Selon son analyse, les énoncés a) et b) relèvent
de la reprise montrée, et l’énoncé c) du discours rapporté :
- 33 -
l’énoncé c) 24 est un énoncé qui rapporte, asserte une information et qui relève du discours
rapporté (Ducrot 1984 : 151 et 154ss).
Cette différence entre asserter et montrer se répercute dans l’enchaînement argumentatif.
Selon Ducrot, l’acceptabilité entre les énoncés suivants varie car « il paraît » ne renvoie pas
à des locuteurs, mais seulement à des énonciateurs, tandis que « dire » ou « prétendre »
renvoie à des locuteurs et énonciateurs :
Il y a toujours des optimistes : ainsi, des gens disent / on m’a dit / certains prétendent qu’il va faire
beau.
* Il y a toujours des optimistes : ainsi, il paraît qu’il va faire beau. (Ducrot 1984 : 154-155)
Charolles (1987 : 253) apporte un argument pragmatique pour distinguer le discours rapporté
et les énoncés introduits par selon. Tandis qu’un énoncé avec un verbe introducteur recrée
une énonciation, qui peut garder sa valeur illocutoire première si l’énonciateur rapporteur et
l’énonciateur rapporté coïncident (« j’ai dit que p »), une proposition introduite par selon ne
reproduit pas une énonciation et ne permet pas de réaliser l’acte décrit par la proposition,
même si l’énonciateur rapporteur et l’énonciateur rapporté coïncident (« selon moi, p »).
L’analyse de Charolles confirme que selon p montre une assertion autre, tandis qu’un
discours rapporté place une assertion dans un nouveau cadre énonciatif.
Enfin, une comparaison sur le plan textuel révèle également la différence entre la
modalisation en discours second et le discours rapporté. Au premier énoncé d’un dialogue
qui serait « Est-ce que ta soirée avec Catherine était bien ? Qu’est-ce que vous avez fait ? »,
il peut difficilement faire suite un énoncé qui serait « Selon elle elle va déménager ». En
revanche, un énoncé tel que « Elle m’a dit qu’elle allait déménager » réalise un
enchaînement cohérent. L’enchaînement révèle que seul le discours rapporté est la
représentation d’un acte de communication.
En allemand, la modalisation en discours second ou reprise montrée se réalise avec sollen 25,
angeblich ou encore nach Angaben comme illustré dans les exemples suivants :
24
Il faut préciser que « on dit » peut soit être l’équivalent de « plusieurs personnes ont dit », donc avoir un
désigné pluriel, soit être l’équivalent de « les gens disent », surtout sous la forme d’une incise « dit-on », donc
avoir un désigné indéfini. Dans le premier cas, il introduit du discours rapporté, comme dans l’exemple cité par
Ducrot, dans le deuxième cas, il est plus proche de la polyphonie que du discours rapporté.
25
Cf. Lefèvre (2002 : 121) : « Modalverben […] sind keine Ausdrucksmittel indirekter Rede ».
- 34 -
(5) (Le narrateur a fait la connaissance d’un personnage mystérieux)
Auch reizte es sehr, dass man nicht wusste, woher er sei, und welche Stellung er unter den Menschen
einnehme. Obwohl sie sagten, dass die Grazien um seinen Mund spielten, setzen sie doch hinzu, dass
auf seiner Stirn eine Art Trauer wohne, die der Zeiger einer bedeutenden Vergangenheit sei – aber das
war am Ende das Lockendste, dass niemand diese Vergangenheit wusste. Er soll in
Staatsbegebenheiten verwickelt gewesen sein, er soll sich unglücklich vermählt, er soll seinen Bruder
erschossen haben – und was dieser Dinge mehr waren. Das aber wussten alle, dass er sich jetzt sehr
stark mit Wissenschaften beschäftigte. (Stifter, Brigitta : 6)
Dans cet exemple, le locuteur modalise son assertion par le renvoi à un autre discours,
signifiant qu’il ne prend pas en charge p car il emprunte l’information à un tiers. Sollen est
certes proche de l’einführungslose indirekte Rede, dans sa valeur discursive de
« Distanzierung von der Intention, die mit der weitervermittelten Sachverhaltsdarstellung
verbunden ist » (Heidolph et al 1984 : 100), mais l’EIR doit enchaîner sur la mention d’un
être identifié comme un locuteur potentiel, tandis que cette condition n’a pas besoin d’être
satisfaite avec sollen.
Un autre exemple allemand de modalisation en discours second est fourni dans Zifonun et
al. (1997), pour qui les énoncés dans un « Behauptungskontext » ne relèvent pas du discours
rapporté.
« Das teilte die Polizei mit » est une anaphore évidentielle plus qu’une introduction de
discours rapporté. Le test suivant où nous explicitons la modalisation qu’opère cette
anaphore par l’ajout de « jedenfalls » le montre. Nous considérons donc avec Zifonun et al.
que l’exemple 6) n’est pas un report d’assertion mais une modalisation en discours second :
- 35 -
Österreich braucht Bärenzuwanderung
R.O. Wien, 16. August
In Oberösterreich herrscht Bärenalarm. Ein Landwirt vermutet, daß der Tod eines seiner Kälber
von einem Bären verursacht wurde. Das teilte jedenfalls die Polizei mit.
1b)
Dans les configurations énonciatives précédentes, la modalisation porte sur le contenu de
l’assertion. Une deuxième configuration énonciative, qui est également à distinguer du
discours rapporté, est celle où la modalisation porte sur l’emploi d’un mot, donné comme
emprunté, avec des formes telles que pour parler comme x, « ... » comme dirait x, si vous me
passez l’expression. Cette modalisation est désignée par Authier-Revuz sous le terme de
modalisation autonymique en discours second ou modalisation autonymique 26. Définie
comme une auto-représentation du dire, elle se caractérise par un dédoublement énonciatif,
puisque l’usage d’un mot s’accompagne d’un commentaire sur ce mot et/ou sur son usage
(d’où le qualificatif d’autonymique) :
L’énonciateur fait usage d’un élément x et s’ajoute à cet usage de l’élément standard, un retour sur cet
usage, commentaire réflexif dans lequel intervient la mention de l’élément x, envisagé comme mot
[…] ; l’énonciateur parle de la chose […] et, en plus, parle du mot […] avec lequel il parle de la chose.
(Authier-Revuz 1992 : 41)
Par commentaire, il faut entendre soit un commentaire explicite et univoque, soit l’emploi de
formes interprétatives (guillemets, italiques, intonation). La modalisation souligne une
dénomination approximative du réel, un jeu de mots, ou encore un emprunt.
Dans l’exemple suivant, l’énonciateur signifie par l’incise en wie qu’il emprunte ces termes à
son père :
26
Le concept de « modalisation autonymique » s’inspire des travaux de J. Rey-Debove sur le métalangage et de
sa notion de « connotation autonymique » (Authier-Revuz 1992 : 41).
- 36 -
(7) „Ich habe gestern abend noch einen Rüffel von Vater bekommen wegen meiner Fachsimpelei und
Wichtigtuerei, wie er sagte ...“ (Mann, Buddenbrooks : 125)
Dans l’extrait suivant, le référent désigné par le GN « sein Freund » n’est pas véritablement
un ami et les guillemets indiquent l’inadéquation du mot au référent.
(8) Eins war jedenfalls sicher: Retzmann würde „seinen Freund“ bestimmt nicht auf der Wiese schlafen
lassen oder mit Schokoriegeln verpflegen... (Arjouni, Ein Freund : 18) 27
Enfin, l’exemple suivant montre comment l’énonciateur souligne le lien entre son énoncé et
une certaine tradition discursive :
(9) [...] sie lacht auch, ihr weißes Gebiß in der roten Blume ihrer Lippen (wenn man so sagen kann)
(Frisch, Homo faber : 172)
(10) Heinrich schießt mir einen bösen Blick zu. „Wo ist Georg?“ fragt er kurz.
„Ich bin nicht der Hüter Ihres Bruders, Herr Kroll“, antworte ich bibelfest und laut, um Georg über die
neue Gefahr zu informieren. (Remarque, Der schwarze Obelisk : 292)
Si l’on se situe dans le second cadre énonciatif, celui de l’échange entre les personnages,
l’énoncé « Ich bin nicht der Hüter Ihres Bruders » est modalisé par un lien avec le texte
biblique, mais ce lien reste à interpréter par le destinataire du propos. Dans le premier cadre
énonciatif, celui formé par l’échange entre le narrateur et le lecteur, cette modalisation est en
revanche explicitée par l’adverbe « bibelfest ».
2)
Si l’énoncé rapporté est l’objet du dire et non pas le moyen du dire, l’acte réalisé est celui
d’un report d’assertion et les phénomènes relèvent du champ du discours rapporté.
le DR […] réalise l’articulation, dans un énoncé, de deux actes d’énonciation de statut distinct : celui
dans le cadre duquel est produit l’énoncé caractérisé comme DR - l’acte rapporteur - et celui qui est
l’objet de l’énoncé - l’acte rapporté. (Authier-Revuz 1979 : 211)
Une définition énonciative est également adoptée par von Roncador (1988) et Gather (1994),
avec un déplacement vers le plan pragmatique dans von Roncador (1988 : 59), puisque ce
dernier prend comme critère la transposition de l’illocution :
27
« Les guillemets entourant un signe l’opacifient : le signe entre guillemets est considéré comme chose et non
plus comme signe. » (Récanati 1979 : 43). Dans le cas de la modalisation autonymique, le signe placé entre
guillemets est à la fois autonyme et transparent, utilisé.
- 37 -
Die Gemeinsamkeit der verschiedenen Kategorien der Redewiedergabe kann in der Verschiebung der
Illokution gesehen werden, d.h., wer in einer Redewiedergabe fremde Behauptungen, Fragen oder
Aufforderungen wiedergibt oder eigenen, die er zu einem anderen Zeitpunkt geäußert oder gedacht
hat, der übernimmt in der Regel nicht die Verpflichtungen, die mit den betreffenden illokutionären
Akten verbunden sind. (1988 : 6)
Arrivée au terme de la partie 1.3, nous retiendrons que le discours rapporté est la
recontextualisation d’un acte d’énonciation. Sa fonction est de représenter une énonciation
autre et son produit, le texte. Le discours rapporté est à distinguer d’autres formes de reprise
et de formes de modalisation du dire, ainsi que de configurations énonciatives appelées
« polyphoniques » ou « dialogiques » : l’ironie, l’énonciation proverbiale ou encore l’écho.
Les analyses de Ducrot partagent avec celles d’Authier-Revuz la caractéristique de
distinguer des formes parfois assimilées, qui ne réalisent pourtant pas le même acte de
langage.
Le traitement par l’énonciateur premier de l’énonciation seconde se fait selon différents
schémas qui donnent naissance à plusieurs genres de discours rapporté. La partie suivante est
consacrée à la description de ces genres 28.
Nous pouvons d’abord brosser à grands traits les caractéristiques énonciatives des types de
discours rapporté dont nous allons poursuivre l’analyse dans cette partie :
Discours narrativisé
Erzählte Rede / Bericht
Discours indirect libre Coïncidence de deux énonciateurs Superposition de deux locuteurs et
Erlebte Rede énonciateurs
Les différentes réalisations de la représentation du discours oscillent entre deux pôles : une
représentation dans laquelle des transferts vers la situation d’énonciation seconde ont été
28
Nous n’avons pas retenu dans notre description les formes marginales et marquées d’un point de vue
sociolinguistique, comme l’est par exemple le discours direct avec que (Rosier 1999 : 217-221).
- 38 -
opérés et une représentation dont l’élucidation repose sur le cadre énonciatif actuel. Ce choix
fondamental amène à distinguer les discours rapportés au mode direct (1.4.1) de ceux au
mode indirect (1.4.3). Dans chacun de ces modes, le discours second peut être introduit par
une séquence introductrice. La partie 1.4.2 consacrée aux discours introducteurs concerne
donc à la fois le mode direct et indirect.
Le discours direct est un schéma de « dédoublement des locuteurs » 29 (Ducrot 1984 : 196,
voir aussi von Roncador 1988, Authier-Revuz 1992, Gather 1994). Deux actes d’énonciation
disjoints, possédant chacun son propre repérage énonciatif, sont enchâssés pour former un
discours direct régi, ou sont juxtaposés pour former un discours direct libre.
La représentation directe d’une énonciation seconde n’implique pas que le discours direct
soit la reproduction fidèle du discours second. Cette conception - dont les origines remontent
aux premiers écrits sur le discours rapporté - se trouve dans plusieurs grammaires (cf. 1.3.1)
et dans les analyses de Breslauer (1996 : 53), qui le décrit comme wörtlich, exakt,
wortgetreu, et de Schmitt-Ackermann 30 (1996 : 7), pour qui le DD donne à voir un énoncé
« im originalen Wortlaut ». Plusieurs arguments s’opposent à la définition du discours direct
comme d’un mode de dicto 31, et parallèlement à celle du discours indirect comme étant un
mode de re. Concevoir le discours direct comme un mode de citation fidèle revient à
confondre le plan discursif (la valeur usuelle du DD) et le plan énonciatif.
1) Si le lexique peut être répété dans le discours direct, il n’est qu’une partie de ce qui
compose le message. Les éléments d’une situation de communication sont si vastes qu’une
reproduction intégrale est quasiment irréalisable. Il se pose de plus un problème de
reproduction lors d’un changement de canal : un discours oral rapporté par écrit peut
difficilement être rapporté avec toutes les informations de la chaîne orale. En somme, le DR
n’est pas une reproduction mais une reconstruction opérée par l’énonciateur premier.
29
Cette double énonciation n’est pas limitée au DR au style direct : elle se rencontre aussi dans l’écho imitatif
ou la mise en scène de discours imaginaire. (Ducrot 1984 : 196)
30
Breslauer a une approche essentiellement morphosytaxique du DR, tandis que Schmitt-Ackerman intègre des
éléments du modèle développé par von Roncador (1988).
31
L’idée de fidélité du discours direct est réfutée par Ducrot (1980), von Roncador (1988 : 2), Authier-Revuz
(1992) et Zifonun et al. (1997 : 1755).
- 39 -
Selbst in der wörtlichsten direkten Rede muß man von einer Reihe von Eigenschaften des Originals
abstrahieren, z.B. kann all das, was man bei einer Äußerung an situativem Kontext voraussetzt, nur in
der Redekennzeichnung, so gut es geht, beschrieben werden, ganz abgesehen davon, daß das singuläre
Sprechereignis als „token“ auch vom begabtesten Schauspieler nicht „zitiert“ werden kann. (von
Roncador 1988 : 54)
Aucun DR, si longue et minutieuse que soit la description donnée par L de la situation d’énonciation
[…] dans le syntagme introducteur, ne peut être considéré comme restitution « complète », fidèle, de
l’autre acte d’énonciation qu’il a pour objet. […] Un DD scrupuleusement textuel ne peut pour autant
être considéré comme fidèle ou objectif. Citer même exactement n’empêche pas que e soit reconstruit,
décrit par L. (Authier-Revuz 1992 : 11) 32
2) Il existe des discours rapportés où l’on ne peut supposer l’existence d’un discours
originel. Les énoncés niés ôtent tout fondement à la notion de fidélité 33.
(11) HILDE Das habe ich nicht von ihm verlangt. Du hättest nicht so hart mit ihm sein müssen. Mein
Kleiner. Bald werden wir wieder die Polizei im Haus haben.
FRANZ schreiend: Ich habe doch nur meine Vaterpflicht erfüllt!
HANNA Papa, schrei nicht so.
FRANZ Ich habe nicht gesagt: spring an die Mauer, laß dich abknallen. Ich habe ihm ganz ruhig
gesagt: streng dich an. Gib dir etwas mehr Mühe, daß wir unseren Frieden haben können. […] (Ziem,
Die Einladung : 538)
(12) - C’est fou ! dit Purcell à haute voix. Le visage de White durcit.
- Ne recommencez pas ! s’écria Purcell. Je n’ai pas dit : « Vous êtes fou ». J’ai dit : « C’est fou. »
(Merle, L’Ile, cité par Charlent 1996 : 110)
3) Des locutions résumantes telles que der und der, da und da, so und so sont employées
dans le discours direct :
(13) GORBACH Alois, hab ich dir nicht verboten, deinen Hasen diese Juden-Namen zu geben. Wenn du
so weitermachst, kommst du nie in den Gesangverein.
ALOIS Das ist eben so eine Angewohnheit noch vom Lager. Ich kann mich da auf den
Unterscharführer Schöck berufen, der hat uns das befohlen, daß wir die Hasen so nennen sollen.
Immer wenn wieder ein Jude weniger da war, sagte der Unterscharführer, der und der Name ist frei.
(Walser, Eiche und Angora : 58)
Ces expressions sont clairement des interventions de l’énonciateur rapporteur dans le corps
même du discours direct, qui substitue des locutions indéterminées de type « der und der » à
des segments du discours second, afin de le condenser, de ne pas donner une information
non pertinente ou en raison d’une ignorance (réelle ou feinte) du discours second. R. Harweg
a montré que ces locutions indéterminées n’apparaissent que dans le discours rapporté. Il les
caractérise comme « sekundär unbestimmt », puisqu’ils apparaissent uniquement dans le
discours second, en opposition aux indéfinis jemand, etwas, qualifiés de « primär
unbestimmt » (cité d’après von Roncador 1988 : 104-108). Harweg désigne par « reduzierte
32
« L » désigne l’énonciateur citant et « e » l’énoncé cité.
33
Un discours rapporté nié peut également être reproduit au mode indirect : « Warum sagt sie’s nicht, daß ich
ihr Leben zerstört habe ? » (Frisch, Homo Faber : 193).
- 40 -
Rede » les discours rapportés comportant ces locutions (cité d’après von Roncador 1988 :
107).
(14) Um Mittag erblickte er Tadzio, der in gestreiftem Leinenanzug mit roter Masche, vom Meere her,
durch die Strandsperre und die Bretterwege entlang zum Hotel zurückkehrte. Aschenbach erkannte
ihn aus seiner Höhe sofort, bevor er ihn eigentlich ins Auge gefaßt, und wollte etwas denken, wie:
Sieh, Tadzio, da bist ja auch du wieder! (Mann, Der Tod in Venedig : 48)
En lieu et place de la notion de fidélité se sont développées les notions de « discours rapporté
théâtralisant » 34, « mise en scène », « szenische Vergegenwärtigung der originalen
Äußerungssituation » (Zifonun et al. 1997 : 1755, voir aussi Brünner 1991) 35. Nous
empruntons à Ducrot la description suivante 36 :
On peut admettre […] que l’auteur du rapport, pour renseigner sur le discours original, met en scène,
fait entendre, une parole dont il suppose simplement qu’elle a certains points communs avec celle sur
laquelle il veut informer son interlocuteur. […] Que le style direct implique de faire parler quelqu’un
d’autre, de lui faire prendre en charge des paroles, cela n’entraîne pas que sa vérité tienne à une
correspondance littérale, terme à terme. (1984 : 199)
34
Selon Li (1986 : 30), A. Wierzbicka fut la première à parler, en 1974, de la nature théâtrale du discours direct
(“The Semantics of Direct and Indirect Discourse”. Papers in Linguistics. 7, 3/4, 267-307). Wierzbicka se
situe, sans que cela ait une incidence sur cette question, dans le cadre de la grammaire générative et
transformationnelle, où elle formule l’hypothèse d’une dérivation du discours indirect à partir du discours
direct (Li 1986 : 42).
35
Comme nous le développerons dans le chapitre consacré au DIL (1.4.3.4), le DIL partage cette théâtralité
avec le DD, puisqu’il fait également parler deux énonciateurs.
36
Le discours direct peut être lexicalisé : « der Ohne-mich-Standpunkt », « Pierre est un m’as-tu-vu ». Les
lexicalisations mettent en scène un personnage qui énonce une proposition, par laquelle il se qualifie. Dire de
quelqu’un qu’il est un m’as-tu-vu « c’est lui attribuer le (pseudo-) trait de caractère qui amène à poser
perpétuellement la question : ‘M’as-tu vu ?’ » (Ducrot 1984 : 218). Il est intéressant de noter que l’origine de
cet adjectif renvoie à une situation d’énonciation historiquement datée, comme l’a révélé Anscombre (cité par
Ducrot ibid.) : il s’agit d’une plaisanterie très précise du monde du théâtre lancée contre certains acteurs
accusés de demander sans cesse autour d’eux : « M’as-tu vu dans cette pièce ? ».
- 41 -
Authier-Revuz, le DR est, d’un point de vue sémiotique, une opération métalinguistique (cf.
également Sabban 1978 : 28 ; Steube 1985) :
Dans le DD, l’énonciateur rapporte un autre acte d’énonciation e, en faisant usage de ses mots à lui
dans la description qu’il fait de la situation d’énonciation de e (qui parle, à qui, quand, … ?), c’est-à-
dire dans ce qu’on appelle le syntagme introducteur, mais il fait mention des mots du message qu’il
rapporte ; le mode sémiotique du DD est ainsi hétérogène : standard dans le syntagme introducteur, il
est autonyme dans la partie « citée », c’est-à-dire montrée. (1992 : 40)
Le discours direct régi est un discours représenté qui est introduit par un discours citant. S’il
est vrai que dans la partie citée, l’énonciateur rapporteur se donne pour objectif affiché d’être
le simple porte-voix de l’énonciateur cité, son intervention ne se limite pas au choix de la
séquence introductrice et ne s’arrête pas aux frontières du discours cité (Gallèpe 2003).
37
En outre, la position d’Authier-Revuz demande également à être infléchie. Nous montrerons en 1.4.3.2.2 que
le DI connaît des limites à la synonymie et qu’il n’est donc pas entièrement un signe en usage. Il existe des
situations de discours opaques, car « Œdipe a dit qu’il allait épouser sa mère » n’est pas synonyme de « Œdipe
a dit qu’il allait épouser la reine de Thèbes ».
- 42 -
Il intervient également par différents procédés internes au discours cité :
- par transposition, lorsqu’un message oral est rapporté à l’écrit ;
- par traduction, (intralinguale ou interlinguale) ;
- par sélection des éléments à transmettre.
Les deux exemples suivants montrent différents types d’intervention de l’énonciateur citant.
Si dans le premier exemple, l’appréciation se limite au choix du verbe « schnarren », dans le
deuxième exemple l’appréciation et la sélection sont contenues dans le discours cité avec
« blabla ».
(16) „Ich habe die beste Nase von Paris, Maître Baldini“, schnarrte Grenouille dazwischen. [...] (Süskind,
Das Parfum : 95-96)
(17) „... Und wie hast du dir das vorgestellt? Ich meine... Soll ich rumlaufen: Hey, Marcel, weißt du noch
damals, als wir in Hannover blabla...?“
„So etwa, nur daß du mich Retzmann nennst, klingt mehr nach Männerfreundschaft. [...]“ (Arjouni,
Ein Freund : 20)
A l’opposé, l’énonciateur citant peut reconstruire un discours cité dans lequel il cherche à
faire naître l’impression d’objectivité, de fidélité. Cet effort de mimétisme, observable dans
l’extrait suivant, ne représente qu’une tentative assez rare, comme le soulignent Zifonun et
al. (1997 : 1760) : « Nur in [direkter Redewiedergabe] kann [..] der Versuch unternommen
werden, die Originaläußerung in ihrer Gesamtgestalt einschließlich ihrer prosodischen
Gestaltung der Dialektfärbung oder Stimmlage des Sprechers usw. zu imitieren. Dies
geschieht jedoch in der Regel nicht ».
(18) Da legte der Herr mit einer entschlossenen Bewegung Hut und Stock auf den Deckel des
Harmoniums, rieb sich dann befriedigt die frei gewordenen Hände, blickte die Konsulin treuherzig aus
seinen hellen, verquollenen Äuglein an und sagte: „I bitt’ die gnädige Frau um Verzeihung von wegen
dem Kartl; i hob kei anderes zur Hond k’habt. Mei Name ist Permaneder; Alois Permaneder aus
München. Vielleicht hat die gnädige Frau schon von der Frau Tochter meinen Namen k’hert-„
Dies alles sagte er laut und mit ziemlich grober Betonung, in seinem knorrigen Dialekt voller
plötzlicher Zusammenziehungen, aber mit einem vertraulichen Blinzeln seiner Augenritzen, welches
andeutete: „Wir verstehen uns schon ...“
Die Konsulin hatte sich nun völlig erhoben und trat mit seitwärts geneigtem Kopfe und ausgestreckten
Händen auf ihn zu ...
„Herr Permaneder! Sie sind es? Gewiß hat meine Tochter uns von Ihnen erzählt. [...] Und Sie sind in
unsere Stadt verschlagen worden?“
„Geltn’s, da schaun’s!“ sagte Herr Permaneder [...].
„Wie beliebt?“ fragte die Konsulin ...
„Geltn’s, da spitzen’s! antwortete Herr Permaneder [...].
„Nett!“ sagte die Konsulin verständnislos [...]. (Mann, Buddenbrooks : 326)
En conclusion, le discours direct est un mode qui grâce à la conservation des repères
énonciatifs seconds, donne l’illusion d’une reproduction de la parole source, mais il est par
- 43 -
définition une reconstruction de cette parole. L’illusion du mimétisme est également
rappelée dans Kerbrat-Orecchioni (2002). Explorant l’étendue de la subjectivité linguistique,
l’auteur examine le cas du « récit de paroles » (notion que l’auteur emprunte à Genette, cf.
1.5.1), et dans un premier temps, remarque que son mimétisme semble faire de lui un cas
exceptionnel de discours non marqué par la subjectivité, pourtant inhérente à tout acte de
parole :
Si l’on passe au crible l’ensemble du lexique, force est de constater qu’il est bien peu de mots qui
réchappent du naufrage de l’objectivité. [...] Il existe pourtant un type et un seul de comportement
langagier qui peut être à 100 % objectif : c’est le discours qui reproduit, intégralement, en style direct,
un énoncé antérieur (Kerbrat-Orecchioni 2002 : 164)
Le discours direct libre, ou freie direkte Rede (Gallèpe 2003 : 273), est un discours direct
qui n’est ni introduit par un verbe introducteur, ni signalé par des marques typographiques.
C’est une forme interprétative qui ne possède pas de marque univoque et qui se repère grâce
au hiatus qu’elle crée avec le cotexte. « Il n’existe pas de phrases qui hors contexte pourrait
être caractérisée comme étant du DDL » [...], souligne Authier-Revuz (1992 : 41). Un
énoncé est interprété comme du DDL lorsque les éléments subjectifs (au sens de Kerbrat-
Orecchioni 2002), parmi lesquels les déictiques, les registres de langue, ou encore le contenu
propositionnel, ne peuvent être rattachés qu’à un autre énonciateur que celui du discours
principal, comme dans les exemples suivants :
(19) Die Mutter forscht, weshalb Erika erst jetzt, so spät, nach Hause finde? Der letzte Schüler ist bereits
vor drei Stunden heimgegangen, von Erika mit Hohn überhäuft. Du glaubst wohl, ich erfahre nicht,
wo du gewesen bist, Erika. Ein Kind steht seiner Mutter unaufgefordert Antwort, die ihm jedoch
nicht geglaubt wird, weil das Kind gerne lügt. (Jelinek, Die Klavierspielerin : 7)
La délimitation peut être délicate entre les deux plans d’énonciation, en particulier lorsque
les temps du cadre narratif et ceux des énoncés cités sont identiques. Dans l’extrait suivant,
l’énoncé « Jetzt knarrt es » est ambigu et peut être attribué au narrateur ou à son personnage.
(20) Franz biegt sich oben den Hals aus, einer steht an der Hoftür, der Junge steht Schmiere, die drehen
ein Ding, sie habens mit der großen Kellertür. Sie murksen zu dritt. Daß die keine Angst haben,
daß man sie sieht. Jetzt knarrt es, die Tür ist uff, sie habens geschafft, der eine bleibt aufm Hof in
- 44 -
ner Nische, die beiden sind runter inn Keller. Mächtig duster ist es, darauf bauen sie.
Franz zieht leise sein Fenster zu. Die Luft hat ihm den Kopf abgekühlt. So was machen die
Menschen eben, den ganzen Tag und noch in der Nacht, so gaunert das rum, man müßte einen
Blumentopf nehmen und auf den Hof pfeffern. Was haben die überhaupt hier im Haus zu
suchen, wo ich wohne. Gar nichts. (Döblin, Berlin Alexanderplatz : 129-130)
Plusieurs classifications du discours direct libre ont été proposées en fonctions de critères
textuels ou discursifs. Si le DDL représente des pensées, on parle de monologue intérieur :
(21) Und er läßt seine Leiter an der Mauer stehen, zieht mit Gerner über den Hof, die andern sind schon
über alle Berge, denken gewiß, ich bin verschütt gegangen. Da klingelt Gernet parterre. „Mensch,
wat klingelste, wer wohnt denn da ?“ (Döblin, Berlin Alexanderplatz : 132)
Une autre catégorie est celle dans laquelle Genette voit « l’une des grandes voies
d’émancipation du roman moderne » et qui consiste à « pousser à l’extrême, ou plutôt à la
limite, cette mimesis du discours, en effaçant les dernières marques de l’instance narrative et
en donnant d’emblée la parole au personnage » (1972 : 193). Il s’agit du DDL sans cadre
narratif, appelé monologue intérieur autonome 38 ou stream of consciousness, dont les
pionniers furent Edouard Dujardin 39 (Les lauriers sont coupés en 1887) et James Joyce. Le
critère est double : d’une part textuel, puisque le monologue intérieur autonome est privé de
tout cadre narratif, d’autre part discursif 40, puisqu’il comporte une syntaxe censée refléter
l’émergence des pensées. Ce type de représentation ne se limite pas à des discours pensés
(Fräulein Else contient la représentation de discours proférés). Ainsi, nous partageons la
proposition de Genette de parler de discours immédiat, « puisque l’essentiel […] n’est pas
qu’il soit intérieur, mais qu’il soit d’emblée […] émancipé de tout patronage narratif, qu’il
occupe d’entrée de jeu le devant de la ‘scène’ » (1972 : 193).
38
Comme le rapporte Zuschlag (2002 : 197), Dorrit Cohn (Transparent Minds, 1978 : 217-265) étend
l’acception de « autonomous monologue » à des monologues intérieurs dont la longueur les isolent du cadre
narratif.
39
Dujardin en proposa la définition suivante : « discours sans auditeur et non prononcé par lequel un
personnage exprime sa pensée la plus intime, la plus proche de l’inconscient, antérieurement à toute
organisation logique, c’est-à-dire en son état naissant, par le moyen de phrases directes réduites au minimum
syntaxial, de façon à donner l’impression du tout venant » (Edouard DUJARDIN (1931), Le Monologue
intérieur, Paris : Messein, 59, cité par Genette 1972 : 193).
40
Stanzel (cf. 1.5.2) définit le monologue intérieur autonome en se basant sur la catégorie de la perspective et
l’opposition perspective interne / perspective externe.
- 45 -
1.4.1.3 Le discours direct : un corps étranger ?
Stanzel compare les discours directs libres à des « dramatische Fremdkörper » qu’il exclut
de la narration 41 :
Im Bereich der „szenischen Darstellung“ einer Erzählung ist [...] zwischen narrativen und nicht-
narrativen Textteilen zu unterscheiden. Dialoge der Charaktere ohne Inquitformeln und ohne
auktoriale, die Sprechsituation charakterisierende Regieanweisungen sind nicht-narrative Textteile,
eigentlich also ein dramatisches „corpus alienum“ in einer Erzählung, sie sind daher, genaugenommen,
aus dem Begriff „szenische Darstellung“ auszugliedern. (2001 : 193)
La même position est adoptée par Genette, qui l’élargit à toutes les manifestations du DD.
« Le narrateur ne raconte pas la phrase du héros, on peut à peine dire qu’il l’imite : il la
recopie, et en ce sens on ne peut parler ici de récit », affirme Genette (1972 : 190), d’après
qui le rapprochement entre le DD dans le roman et l’écriture dramatique est un héritage de la
tradition antique :
On ne doit pas méconnaître l’influence exercée pendant des siècles, sur l’évolution des genres
narratifs, par ce privilège massivement accordé à la diction dramatique. Il ne se traduit pas seulement
par la canonisation de la tragédie comme genre suprême dans toute la tradition classique, mais aussi,
plus subtilement et bien au-delà du classicisme, dans cette sorte de tutelle exercée sur le narratif par le
modèle dramatique, qui se traduit si bien dans l’emploi du mot « scène » pour désigner la forme
fondamentale de la narration romanesque. Jusqu’à la fin du XIX, la scène romanesque se conçoit,
assez piteusement, comme une pâle copie de la scène dramatique : mimésis à deux degrés, imitation
d’imitation. (1972 : 192-193)
Nous n’adoptons pas la thèse selon laquelle le DD narratif serait une médiation d’un type
dramatique 42. Si le fonctionnement énonciatif du discours cité aboutit dans les textes
narratifs et dramatiques à la même illusion discursive, l’intégration textuelle du discours
direct n’est pas la même selon que le texte est narratif ou dramatique. L’exemple suivant
rappelle qu’il existe une certaine proximité entre l’écriture dramatique et narrative qui
pourrait accréditer la comparaison du discours direct avec des « dramatische Fremdkörper ».
Cet exemple contient un discours cadre qui peut être reformulé en une didascalie et un
discours représenté qui pourrait être énoncé par des acteurs, comme le montrent l’énoncé
original et sa reformulation :
(22) Und die kleine Antonie, achtjährig und zartgebaut, in einem Kleidchen aus ganz leichter
changierender Seide, den hübschen Blondkopf ein wenig vom Gesichte des Großvaters abgewandt,
blickte aus ihren graublauen Augen angestrengt nachdenkend und ohne etwas zu sehen ins Zimmer
hinein, wiederholte noch einmal: „Was ist das“, sprach darauf langsam: „ich glaube, daß mich Gott“,
41
La Mittelbarkeit est fondamentale dans le discours narratif, mais absente par convention du discours
dramatique (« d[as] unmittelbare[…] Drama », Stanzel 2001 : 15).
42
Zuschlag (2002 : 178-179) nuance également la position de Stanzel, en se référant à l’omniprésence
théorique de l’énonciateur premier.
- 46 -
fügte, während ihr Gesicht sich aufklärte, rasch hinzu: „-geschaffen hat samt allen Kreaturen“ [...]
(Mann, Buddenbrooks : 9)
(Die kleine Antonie, achtjährig und zartgebaut, in einem Kleidchen aus ganz leichter changierender
Seide, den hübschen Blondkopf ein wenig vom Gesichte des Großvaters abgewandt, blickt aus ihren
graublauen Augen angestrengt nachdenkend und ohne etwas zu sehen ins Zimmer hinein und
wiederholt noch einmal) : Was ist das, (langsam) : ich glaube, daß mich Gott, (fügt rasch hinzu,
während ihr Gesicht sich aufklärt) : geschaffen hat samt allen Kreaturen.
(23) Dann stellte er vor: „Das ist mein Sohn –“ er nannte einen Vornamen, den Tony nicht verstand. [...]
„Na, die Herrschaften entschuldigen“, sagte er. „Ich habe nun noch drüben im Lotsenhause zu tun...
Wir essen um achte, wenn’s gefällig ist... Oder heut’ mal ein bißchen später, Meta, wie?... Und du -“
hier nannte er wieder den Vornamen-, „nun sitz’ hier nur nicht herum. [...]“ (Mann,
Buddenbrooks : 124)
Il apparaît que la séquence de discours direct „Und du, nun sitz’ hier nur nicht herum.“
accompagnée du discours cadre „hier nannte er wieder den Vornamen“ est impossible dans
un texte dramatique. Le discours direct ne peut contenir dans le texte dramatique cette
disjonction entre l’information de l’énonciateur premier et l’énonciateur second, tandis
qu’elle est possible dans le texte narratif et crée un mode (au sens de Genette, cf. 1.5.1)
particulier du récit en aboutissant à une focalisation interne 43 :
* (Er nennt wieder den Vornamen, den Tony immer noch nicht versteht) : Und du, nun sitz’ hier nur
nicht herum.
La seule représentation de discours possible dans un texte dramatique serait de type suivant :
(Er nennt wieder den Vornamen, den Tony immer noch nicht versteht) : Und du Morten, nun sitz’ hier
nur nicht herum.
43
La focalisation interne est le mode où le narrateur n’a pas de connaissances autres que celles dont dispose le
personnage.
- 47 -
narratif a un seul destinataire qui peut réceptionner une partie citée dans lequel il manque un
référent car il reçoit également les instructions du narrateur. Dans ce cas précis, ces
instructions se trouvent en amont 44 et en aval du texte 45.
(24) „Was ist das?“ sagte Terrier und beugte sich über den Korb und schnupperte daran, denn er vermutete
Eßbares. (Süskind, Das Parfum : 11)
(25) Auf meinen Vorwurf, er hätte Bruno das Hündchen wegnehmen müssen, erwiderte der Diener, das
habe ja nicht einmal der Erzieher gewagt. (Breitbach, Bericht über Bruno : 9)
(26) Wörtlich : Du behandelst das Leben nicht als Gestalt, sondern als bloße Addition [...]. (Frisch, Homo
Faber : 170)
(27) Le supplément au bulletin Risques émergents, de la Caisse des dépôts et consignations, tranche avec
cet optimisme : « La croissance moyenne de la zone […] devrait finalement s’afficher entre 1,7 % et
2 %, soit le moins bon résultat depuis les 0,8 % enregistrés ... en 1993. » Et d’ajouter, compte tenu
d’un déficit systématique de la balance des transactions courantes de tous ces pays avec l’UE : « A
plus long terme, il semble évident que l’incapacité des pays de l’Est à exporter suffisamment pour
couvrir leurs besoins pose un problème » pour des économies censées (selon les critères de
Copenhague) être « aptes à résister aux pressions concurrentielles ». D’où cette interrogation :
« Peut-on qualifier ainsi des pays où les exportations représentent parfois moins des deux tiers des
importations ? » Mais encore : « Le rattrapage des niveaux de vie est-il compatible avec la
stabilisation des économies ? » (Le Monde diplomatique, 2000-06 : 14 ; 15)
Nous examinerons les aspects syntaxiques et sémantiques des séquences introductrices avant
d’aborder la question de leur classification.
44
Ein paarmal nannte der Lotsenkommandeur den Vornamen seines Sohnes, aber Tony konnte ihn durchaus
nicht verstehen. Es war etwas wie „Moor“ oder „Mord“ ... unmöglich, es in der breiten und platten Aussprache
des Alten zu erkennen. (Mann, Buddenbrooks : 123)
45
„Jetzt muß ich Sie eines fragen“, sagte Tony nach ein paar Schritten und faßte einen Entschluß. Nämlich, wie
heißen Sie eigentlich mit Vornamen? Ich habe ihn noch kein einziges Mal verstanden ... das macht mich
förmlich nervös! […] „Na, ich heiße Morten“, sagte er und wurde so rot wie noch niemals. (Mann,
Buddenbrooks : 130)
46
Le terme de « didascalie » et de « Redeanweisung » est également employé en raison de la proximité
évoquée en 1.4.1 entre la représentation dramatique et la représentation narrative.
- 48 -
Intégration syntaxique
Au discours indirect, la partie citée apparaît sous la forme d’un groupe conjonctionnel ou
d’un groupe verbal pour les interrogatives indirectes. Au discours direct, la partie citée est le
complément d’objet direct du verbe introducteur, et le sujet dans une structure passive.
Toutefois, si le discours direct peut être assimilé à un complément verbal, il est de type
particulier. Malgré son intégration comme membre de phrase, il révèle une « rupture
syntaxique » (Authier-Revuz 1992 : 40) puisqu’il accueille des énoncés incomplets, des
exclamations, des onomatopées, des énoncés agrammaticaux, ou encore des énoncés en
langue étrangère.
Le segment cité peut ne pas s’intégrer dans la valence du verbe introducteur, soit lorsque
celle-ci est saturée, soit lorsque le verbe est monovalent : il faut donc supposer la présence
d’une structure sous-jacente indem + sagen pour reconstruire le lien syntaxique. (Marschall
1995 : 355ss ; Harras 2001 : 169), et d’une structure en wie avec les verbes réceptifs comme
hören (« er hörte, wie ») (Marschall 1995 : 359).
Tous les verbes ne peuvent pas introduire de discours dans les deux modes, direct et indirect
(Sabban 1978), comme le montre l’exemple suivant :
(28) « Je suis très sensible à l’accueil que vous m’avez réservé », commença l’orateur. (exemple de Sabban
1978 : 29)
* L’orateur commença qu’il était très sensible à l’accueil que nous lui avions réservé
Enfin, la relation syntaxique est indépendante de la ponctuation, qui peut varier à des fins
stylistiques ou de modalisation. Dans le premier exemple, la ponctuation met en relief le
discours cité. Dans le deuxième exemple, elle instaure une distance critique entre
l’énonciateur citant et l’énonciateur cité.
(29) (Suite à l’invitation de son ancien professeur, Harry a des sentiments partagés)
So standen die beiden Harrys, beides außerordentlich unsympathische Figuren, dem artigen Professor
gegenüber, verhöhnten einander, beobachteten einander, spuckten voreinander aus und stellten sich,
wie immer in solchen Lagen, wieder einmal die Frage: ob das nun einfach menschliche Dummheit
und Schwäche sei, allgemeines Menschenlos, oder ob dieser sentimentale Egoismus, diese
Charakterlosigkeit, diese Unsauberkeit und Zwiespältigkeit der Gefühle bloß eine persönliche,
steppenwölfische Spezialität sei. (Hesse, Der Steppenwolf : 99)
(30) „Jedenfalls lebt er“, wiederholte Pacquin und griff in den Kuchen. Der Superior sah nur noch
Schemen. Seine Finger bohrten eine Rosine hervor, nicht zu tief eingebacken, damit er sie finde.
Dachte er. (Kirchhoff, Infanta : 44)
- 49 -
Représentation sémantique
a) Er kam herein.
„Wie du jetzt aussiehst!“, stand sie empört auf.
(31) Er hat den Krieg nicht miterlebt, nicht die Erschütterung der bisherigen Denkgrundlagen durch
Einstein (das, denkt er, geht nur die Mathematiker an), er [...] ist ein gutes, gedankenloses,
vergnügtes, sich wichtig nehmendes Kind, er ist sehr zu beneiden. (Hesse, Der Steppenwolf : 103)
Er hat den Krieg nicht miterlebt, nicht die Erschütterung der bisherigen Denkgrundlagen durch
Einstein (er denkt, das geht nur die Mathematiker an), er [...] ist ein gutes, gedankenloses, vergnügtes,
sich wichtig nehmendes Kind, er ist sehr zu beneiden.
La modalisation est telle que les énoncés avec des verbes introducteurs en incise se trouvent
à la frontière entre l’acte de représentation d’un discours et l’acte d’assertion avec
modalisation (cf. 1.3.2, note 24).
Classification
La classification des éléments introducteurs fait face à trois types de difficultés qui rendent
vaine toute visée d’exhaustivité.
La première difficulté provient du fait que les verbes introducteurs sont sémantiquement une
classe non homogène et ouverte. Si les verba dicendi et les verba credendi sont de loin les
plus courants, les verbes introducteurs ne se limitent pas à ces catégories (Paul 1920 : 172 ;
Jäger 1968 : 236ss).
- 50 -
On a observé tout au long du 20ème siècle une inflation de verbes autres que les verba dicendi
et credendi (Michel 1966 ; Sabban 1978). Seule la présence d’un trait [+humain] reste
impérative. On observe à cet égard certaines tentatives normatives dans des grammaires.
Engel par exemple (2004 : 66) note que les syntagmes introducteurs qui font référence à un
événement contextuel sont certes légitimes, mais devraient être évités en postposition
(comme dans l’exemple : « „Der soll keine Chance mehr haben ?“ zog Oskar die
Augenbrauen hoch ») bien qu’ils soient devenus courants dans les textes journalistiques.
La deuxième difficulté provient du fait que la classe des verbes introducteurs n’est pas une
classe d’éléments non ambigus, comme en témoigne la catégorie des verbes de croyance. Un
verbe de croyance comme croire est un verbe de métareprésentation des pensées et paroles.
Il peut introduire un discours, mais aussi désigner des dispositions intellectuelles, et les
énoncés dans lesquels ils sont employés n’appartiennent alors plus au champ du discours
rapporté, comme l’illustrent les deux énoncés suivants. Dans le premier cotexte, l’énoncé x
croit que p n’est pas du DR, et la possibilité de prolonger le texte par une intervention de
l’allocuté qui serait « Mais il te l’a dit ? » le montre. Cette même intervention « Mais il te l’a
dit ? » en revanche est impossible dans le deuxième cotexte (« Mais il te l’a dit tel quel ? »
serait possible), ce qui révèle qu’un DR est bien perceptible dans le second cotexte.
Avec Jacques il ne faut pas plaisanter à propos des extraterrestres : il croit qu’il est le fils d’un
extraterrestre.
Jacques, hier soir, on ne pouvait plus l’arrêter. Ecoute ça : Il croit qu’il est le fils d’un extraterrestre.
Plusieurs classifications ont été proposées (Brinkmann 1969 ; Gülich 1978 ; Harras 1995 ;
Marschall 2001 ; Winkler 2001 ; Kerbrat-Orecchioni 2002 ; Yos 2002). Kerbrat-Orecchioni
(2002 : 113ss) retient comme critère de classification les marques de la subjectivité, ou
« subjectivèmes ». Excepté dire, seul verbe objectif, le verbes se déclinent en deux
catégories :
o Verbes non-évaluatifs
o Verbes évaluatifs
la source de l’évaluation (avec déplorer, c’est l’agent du procès qui évalue)
le sujet d’énonciation
Paramètre axiologique : axe bon / mauvais (criailler)
Paramètre de modalisation : axe vrai/faux/incertain (prétendre)
- 51 -
Une autre classification peut être réalisée sur la base des actes de langage. La distinction
entre le plan locutoire, illocutoire et perlocutoire amène à distinguer les discours
introducteurs qui signalent simplement l’existence d’un acte locutoire (sagen) de ceux qui
précisent la valeur illocutoire (avouer ; lügen) et de deux qui décrivent l’effet perlocutoire
(überzeugend versichern ; ne pas parler en vain).
(32) Man sagte, daß sie durchaus nicht mittellos seien; aber sie lebten aufs jämmerlichste und gaben alles
den Armen ... (Mann, Buddenbrooks : 279)
(33) « Je ne me sentais pas en harmonie avec l’Hachomer Hatzaïr, que je trouvais stalinien. Mais mon mari
en était, et je l’ai suivi... », avoue Lamima Eshed [...]. (Le Monde diplomatique, 2000-08 : 10 ; 11)
(34) Er fragte, seit wann ich in der Stadt sei (ich log: seit wenigen Tagen) und warum ich ihn nicht
aufgesucht habe. [...] Ja, ich log mich also eifrig heraus, daß ich nur vorübergehend hier sei,
studienhalber, und mich auch nicht recht wohl fühle, sonst hätte ich ihn natürlich einmal besucht.
(Hesse, Der Steppenwolf : 98)
(35) Lenka, die du schlafend glaubtest, fragte plötzlich, ob du „irgendwelche Heimatgefühle“ hättest.
Gerührt, daß sie sich um deine Stimmung sorgte, hast du ihr überzeugend versichert: Nein. (Wolf,
Kindheitsmuster : 320)
(36) – C’est beau, n’est-ce pas, madame Françoise, de voir des jeunes gens qui ne tiennent pas à la vie ?
disait le jardinier pour la faire « monter ».
Il n’avait pas parlé en vain :
- De ne pas tenir à la vie ? Mais à quoi donc qu’il faut tenir, si ce n’est pas à la vie, le seul cadeau que
le bon Dieu ne fasse jamais deux fois. (Proust, Du côté de chez Swann : 191)
La typologie peut également s’opérer en fonction des plans verbaux, paraverbaux (flüstern ;
gueuler) et extraverbaux 47 (sich an jemanden wenden). On observe que certains verbes
paraverbaux permettent de prolonger l’information au-delà du discours introducteur, à
l’instar de « gueuler », qui a une incidence typographique sur le discours second.
(37) Sie verzog das Gesicht, flüsterte: „Auf Wiedersehen“, und wollte sich wegschleichen. (Arjouni,
Happy Birthday, Türke ! : 12)
(38) - Bon Dieu, est-ce que tu t’imagines un peu la vie dans les îles ... ?
Cette vision lui avait complètement enflammé la cervelle. Elle a eu un petit rire nerveux puis elle est
partie sans m’attendre, jonglant avec ses images sucrées. J’ai réussi à me mettre à genoux.
- MERDE... ! j'ai gueulé. ME FAIS PAS MARRER AVEC TES ILES ... !!! (Djian, 37°2 le matin :
27-28)
(39) „Ich kann Ihnen nicht helfen, mein Freund“, wandte er sich ruhig an Herrn Grünlich. „Die Dinge
müssen den Weg nehmen, den sie eingeschlagen haben ... [...]“ (Mann, Buddenbrooks : 225)
Marschall (2001 : 600ss) propose une grille sémantique construite sur de nombreux critères :
47
Pour une analyse critique de cette triade, voir Kerbrat-Orecchioni (1998 : 137ss).
- 52 -
Introducteurs neutres : lauten, heißen
Introducteurs stricts : äußern, sagen=äußern
Introducteurs exécutifs, fixant le mode d’émission : sagen=sprechen, schreiben, denken
Introducteurs communicatifs marquant l’intention communicative et influant sur l’ordre morpho-
syntaxique et linéaire : sagen=mitteilen, fragen, befehlen
Introducteurs topologiques :
o Relatifs au sectionnement de STx, marquant
L’ouverture : beginnen, anheben, losschreien
La clôture : enden, schließen
Le mode de succession : unterbrechen, fortfahren
o Relatifs au déclenchement et à l’interdépendance des étapes de STx, marquant
La réaction à une étape : antworten, erwidern, entgegenen, versetzen
Un stimulus ou la requête d’un acte de parole : fragen, wissen wollen, sich
erkundigen
La présence de plusieurs locuteurs alternants : sich unterhalten, diskutieren,
debattieren, streiten
Introducteurs psycho-spirituels activant un conditionnement « intérieur » de LO
o Dans le domaine noétique, argumentatif : denken, glauben, überreden, widerlegen, zu
bedenken geben
o Dans le domaine émotionnel : bedauern, grollen, geifern
Introducteurs phoniques : flüstern, raunen, rufen, brüllen, knurren, kreischen
Introducteurs contextuels
Le point commun des analyses réside dans la valeur de neutralité accordée à sagen 48 et dire.
Sagen gehört neben reden, sprechen, und (sich) äußern zu den semantisch unspezifischen verba
dicendi, mit dem in seiner prototypischen Bedeutung auf Situationen des monologisch perspektivierten
und propositional spezifizierten Äußerns Bezug genommen wird, wobei es für die Art und Weise des
propositionalen Gehalts keinerlei Restriktionen gibt. Insofern impliziert jedes spezifischere
Sprechaktverb das unspezifische sagen [...], und umgekehrt kann mit sagen zusammen mit
entsprechenden Komplementsätzen, die spezifische propositionale Gehalte ausdrücken, auf bestimmte
Sprechakte Bezug genommen werden [...]. (Harras 2001 : 169)
Le mode indirect est le mode dans lequel le cadre énonciatif de l’énonciateur citant domine
le cadre de l’énonciateur cité ou est entremêlé à celui-ci. Selon le degré d’intervention de
l’énonciateur citant et l’intégration syntaxique du discours cité au discours cadre, on
distingue le discours narrativisé (1.4.3.1), le discours indirect régi (1.4.3.2), un type
spécifique à l’allemand, l’einführungslose indirekte Rede (1.4.3.3), et le discours indirect
libre (1.4.3.4). Cette dernière partie nous amènera à nous interroger sur les frontières du
discours indirect libre (1.4.3.5).
Le discours second se présente sous sa forme la plus sommaire comme discours narrativisé.
48
Il s’agit de sagen synonyme de sich äußern. Voir l’analyse componentielle de sagen dans Marschall (1995 :
361 ss).
- 53 -
Celui-ci résume le contenu de l’énonciation rapporté ou ne fait qu’évoquer un acte de parole.
Le discours narrativisé présuppose un acte de parole mais n’a pas pour vocation de le faire
entendre. Le sujet de l’énonciation seconde est quasiment invisible. Le discours narrativisé,
nommé en allemand soit Redebericht (Steinberg 1971 : 50 ; Scherner 1976 ; Breslauer 1996 :
28) soit erzählte Rede (Günther 1928 : 3 ; Brinkmann 1969 : 23), est illustré par les
exemples suivants :
(40) [...] während der Professor vom Vaterlandsverräter Haller sprach, verdichtete sich in mir das
schlimmste Gefühl von Depression und Verzweiflung [...] (Hesse, Der Steppenwolf : 105-106)
(41) [...] ich wurde in ein warmes helles Zimmer geführt und zu warten gebeten [...] (Hesse, Der
Steppenwolf : 103)
(42) „ ‘n Abend, Herr Maier-Dietrich. Wie wärs mit ’ner Stunde unter Männern, im Beisein einer Flasche
Feuerwasser ?“
Er willigte ein, und wir verabredeten uns für später. (Arjouni, Happy birthday, Türke! : 5-6)
(43) Unser Taxi-Gespräch: lauter Fragen, keine Antworten. (Frisch, Homo faber : 131)
Dans le premier exemple, le discours second est désigné par le verbe et le complément
prépositionnel (« von etwas sprechen ») ; dans le deuxième, par le verbe et le groupe infinitif
(« zu warten bitten ») ; dans le troisième, le discours second est réduit aux verbes (« ein
willigen », « sich verabreden »), complétés par un groupe adverbial (« für später ») ;
l’exemple qui suit est un discours narrativisé averbal et le dernier exemple représente le
discours second dans un discours direct lexicalisé.
- 54 -
Le discours second est à ce point intégré au discours premier que l’interprétation ne peut
s’appuyer sur des éléments de subjectivité du cadre énonciatif second pour désambiguïser
certaines verbes ou substantifs (Gather 1994 : 440), comme c’est le cas dans le troisième
exemple cité. « Er willigte ein » se prête à deux interprétations. Selon la première
interprétation, l’énonciateur mis en scène prononce des paroles d’assentiment. Selon la
deuxième interprétation, la communication est seulement mimique ou gestuelle, par exemple
un hochement de tête. Dans ce cas, la communication est paraverbale et n’entre pas dans un
schéma de « structure double » du langage décrite par Jakobson (2003b : 176, cf. 1.2.1).
Dans cet extrait où le contexte ne fournit pas d’informations susceptibles de lever
l’ambiguïté, il n’est donc pas possible de déterminer si « er willigte ein » est ou non une
représentation de discours.
Nous allons dans un premier temps présenter les caractéristiques fondamentales du mode
indirect, celles d’être une énonciation sous la domination de l’énonciateur premier.
Toutefois, cette description montrera que quelques éléments de la subjectivité de
l’énonciateur second sont intégrables dans le DI régi et nous amènera à moduler notre
affirmation selon laquelle le mode indirect est placé entièrement sous le signe de
l’énonciateur rapporteur. La question de la présence de l’énonciateur rapporté sera donc
abordée à la fin de ce chapitre avec la problématique de l’interprétation opaque vs
transparente du DI régi. Dans l’ensemble de notre description, nous insistons sur la
différence avec le DD afin de faire ressortir les particularités du DI régi. D’un point de vue
terminologique, nous emploierons indifféremment discours indirect, discours indirect régi,
discours indirect introduit, et indirekte Rede.
Der daß-Satz ist selbst keine Rede mehr, sondern nur ihr propositionaler Gehalt. Die gesamte
Reportäußerung ist wieder Rede, bestehend aus den Sprechereinstellungen des Reporters (seiner
49
La question des modes en allemand et des temps en français est traitée dans la section contrastive, en 5.1.1.
- 55 -
Urteilseinstellung, seiner betont neutralen Haltung, seinem Zweifel, Bedauern, usw.) plus dem
Gedanken der Originaläußerung zuzüglich eventueller lexikalisierter Einstellungen des ursprünglichen
Sprechers. (Steube 1985 : 391)
les formes de DR ne sont pas des variantes morphosyntaxiques, mais correspondent à des modalités
radicalement différentes de l’appréhension de la parole d’autrui manifestées par des traitements
différents de l’acte d’énonciation rapportée […]. (Authier 1979 : 211)
Les travaux d’Austin ont apporté des outils de distinction du DD et du DI, comme l’a montré
Récanati (1980), auquel nous empruntons l’analyse suivante 50. Austin distingue l’acte
locutoire, qui est l’acte consistant à produire des paroles, de l’acte illocutoire, qui est l’acte
consistant à faire quelque chose avec l’acte locutoire. Ces deux actes sont indissociables
dans une situation de discours simple ; dans le cas d’une situation de report de discours,
l’acte locutoire est isolé de l’acte illocutoire et est le seul à être reproduit.
L’analyse d’Austin permet de différentier le fonctionnement du DD du DI en s’appuyant sur
les différents composants de l’acte locutoire. Celui-ci se décompose en trois sous-actes : un
acte phonétique, un acte phatique et un acte rhétique.
L’acte phonétique est l’articulation d’une séquence sonore. L’acte phatique est la production
de sons appartenant à une langue et réalisés selon la grammaire de cette langue. L’acte
rhétique est la réalisation d’un énoncé ayant un sens choisi précisément en fonction de la
situation de communication. Trois exemples illustrent les différentes étapes de l’acte
locutoire, qui n’est réalisé que lorsque les trois composants sont réunis : Un perroquet peut
produire uniquement un acte phonétique (Récanati 1980 : 191). Par ailleurs, explique Austin,
si un soldat américain de la seconde guerre se fait capturer par des Italiens et prononce une
phrase allemande apprise par cœur dans sa jeunesse pour se faire passer pour un allemand, il
réalise un acte phonétique et phatique : « il réalise une séquence sonore qui est une phrase
allemande et dont il sait qu’elle est une phrase allemande » (ibid.). Pour autant, ce soldat ne
réalise pas d’acte rhétique car « réciter n’est pas parler » (ibid.).
Ces trois composantes de l’acte locutoire permettent de distinguer les spécificités du DD et
50
Von Roncador (1988 : 21) reprend également les catégories d’Austin pour différencier le DD du DI.
- 56 -
du DI : le DD est la production d’un acte phonétique et phatique. Le DD peut restituer des
séquences que l’énonciateur rapporteur ne sait pas décoder : « L’acte phatique […], comme
l’acte phonétique, est essentiellement mimable, reproductible » (Austin, cité par Récanati
1980 : 192). Le DI, en revanche, est la réalisation d’un acte locutoire complet, comportant
l’acte phonétique, phatique et rhétique : il restitue le sens d’un énoncé tel que l’énonciateur
rapporteur l’a interprété.
Nous nous inspirons des travaux d’Authier-Revuz (1992) pour le français, de Steube (1985),
de Zifonun et al. (1997 : 1755ss) et surtout de Gather (1994 : 218ss) 51 pour l’allemand, pour
illustrer les différences de fonctionnement énonciatif entre le DD et le DI.
Aspects locutionnaires
(45) „Excusez, mon cher! … Mais c'est une folie! Du weißt, daß solche Verdunkelung der Kinderköpfe mir
verdrüßlich ist! Wat, de Dunner sleit in? Da sall doch gliek de Dunner inslahn! Geht mir mit eurer
Preußin ...“ (Mann, Buddenbrooks : 14)
Er sagte : « Excusez, mon cher, mais c’est une folie ! »
* Er sagte, excusez, mon cher, mais c’est une folie !
Construction textuelle
Nicht hinauslehnen!
> An dem Fenster befand sich ein Schild mit dem Hinweis, man solle sich nicht hinaus lehnen.
(Zifonun et al. 1997 : 1757)
(46) Le pauvre jeune homme ! s’écria Madame Grandet (Balzac, Eugénie Grandet, cité par Gather 1994 :
220)
* Madame Grandet s’écria que le pauvre jeune homme !
51
L’analyse de Gather (1994 : 218ss) est, comme l’auteur l’indique, inspirée des travaux pionniers de Banfield
sur les différences entre DI et DD.
- 57 -
La topicalisation et la dislocation
(47) Grandet contempla sa fille et s’écria gaiement : « Elle a vingt-trois ans aujourd’hui, l’enfant. »
(Balzac, Eugénie Grandet, cité par Gather 1994 : 220)
?
Grandet contempla sa fille et s’écria gaiement qu’elle avait vingt-trois ans aujourd’hui, l’enfant.
(48) Ta, ta, ta, ta, dit Grandet (Balzac, Eugénie Grandet, cité par Gather 1994 : 229)
* Grandet dit que ta, ta, ta, ta
(49) Ah ! ma foi ! dit Bianchon, mademoiselle Michonneau avait parlé l’avant-veille d’un monsieur
surnommé Trompe-la-Mort. (Balzac, Splendeur et Misère des Courtisanes, cité par Gather 1994 :
220)
* Bianchon dit que ah ! sa foi ! / ma foi, mademoiselle Michonneau avait parlé l’avant-veille d’un
monsieur surnommé Trompe-la-Mort.
(50) Qu’est-ce que c’est, mon père, que de faire faillite ? (Balzac, Eugénie Grandet, cité par Gather 1994 :
221)
* Elle demanda ce que c’est, mon père/son père, que de faire faillite
Les adverbes et particules d’énonciation ne peuvent apparaître dans le DI, car ils seraient
attribués au locuteur citant.
Pierre a dit : « Enfin, bref, je me suis trompé ». (exemple de Gather 1994 : 222)
Pierre a dit qu’enfin, bref, il s’était trompé
Aspects pragmatiques :
Questions rhétoriques
Comme le souligne Gather, un énoncé tel que le suivant ne correspond pas à a) mais à b) :
(51) Qu’est-ce que cela me fait ? (Simenon, cité par Gather 1994 : 229)
a) Elle demanda ce que cela lui faisait
b) Elle répliqua que cela ne lui faisait rien.
Toutefois l’énoncé b) peut aussi bien correspondre à : Elle répliqua : « Cela ne me fait rien ».
On perd donc, dans le DI, la spécificité de la question rhétorique.
- 58 -
Verbes performatifs
Il n’est pas certain que les verbes performatifs puissent être intégrés au DI.
(52) Je vous dis que vous pouvez disposer ! cria-t-il (Simenon, cité par Gather 1994 : 230)
?
Il lui cria qu’il lui disait qu’il pouvait disposer
Ces caractéristiques distinctives entre le discours indirect et le discours direct montrent selon
Authier (1979 : 211 et 2004) que le discours indirect est imperméable à la subjectivité de
l’énonciateur second. Il y a néanmoins deux types d’arguments qui conduisent à relativiser la
vision d’un DI entièrement placé sous le signe de l’énonciateur premier : ils tiennent d’une
part à l’existence en allemand d’un type de construction syntaxique sans subjoncteur qui est
plus perméable à l’énonciateur second que ne l’est le DI régi (1.4.3.2.1), et d’autre part à la
présence attestée de la subjectivité de l’énonciateur rapporté dans le contenu propositionnel
représenté (1.4.3.2.2).
L’indirekte Rede sans subjoncteur est une forme d’indirekte Rede plus perméable à la
subjectivité de l’énonciateur second. L’absence de subjoncteur fournit la condition
syntaxique pour que l’indirekte Rede puisse intégrer des éléments de l’énonciateur second,
comme la topicalisation (Steube 1985), la dislocation ou l’exclamation :
Peter erzählte : Die Tür ging auf und herein kam unser alter Freund Paul. (exemple de Gather 1994 :
220)
?
Peter erzählte, dass die Tür aufging auf und dass herein ihr alter Freund Paul kam.
?
Peter erzählte, die Tür ging auf und herein kam ihr alter Freund Paul.
Meine Mutter hat gesagt : Den Kerl will ich nicht zu Hause sehen.
* Meine Mutter hat gesagt, dass den Kerl will sie nicht zu Hause sehen.
Meine Mutter hat gesagt, den Kerl will sie nicht zu Hause sehen.
- 59 -
Er sagte: „Verdammt, ich habe die Nase für heute voll und lasse mich hier vor morgen nicht mehr
blicken.“ (d’après Gather 1994 : 531)
* Er sagte, dass verdammt, er habe die Nase für heute voll und lasse sich hier vor morgen nicht mehr
blicken.
Er sagte, verdammt, er habe die Nase für heute voll und lasse sich hier vor morgen nicht mehr blicken.
Gather (1994 : 238) considère l’indirekte Rede sans subjoncteur comme une forme
transitoire entre l’indirekte Rede et l’erlebte Rede : l’indirekte Rede n’est pas explicitement
subordonné à un discours cadre, mais il partage avec l’erlebte Rede certains traits d’hybridité
énonciative, ce qui l’amène à parler de « DILisierung » de l’indirekte Rede (1994 : 240).
Gather précise (1994 : 533) que tous les indirekte Reden sans subjoncteurs ne sont pas à
considérer comme des indirekte Reden proches de l’erlebte Rede : pour cela, il faut la
présence attestée de l’énonciateur rapporté, au travers notamment d’interjections,
d’exclamations. Ainsi, le premier exemple suivant est un indirekte Rede, tandis que les
suivants sont, selon Gather, proches de l’erlebte Rede. Le test est l’ajout de la subjonction,
qui rend les derniers énoncés agrammaticaux, mais pas le premier :
(53) Sie sagte, jetzt hätten wir auch Musik, und schaltete das handliche Gerät ein. (Kirchhof, cité par
Gather 1994 : 537)
Sie sagte, dass wir jetzt auch Musik hätten, und schaltete das handliche Gerät ein.
(54) Sie antwortete, nein, sie sei nur auf Urlaub, es sei ihr letzter Tag. (Kirchhof, cité par Gather 1994 :
532)
* Sie antwortete, daß nein, sie sei nur auf Urlaub, es sei ihr letzter Tag.
(55) Und plötzlich sagte ich, na gut, wenn es da Brandung gebe, wenn das Hotel nicht allzu teuer sei, und
streckte eine Hand nach ihr – zu spät. (Kirchhof, cité par Gather 1994 : 531)
* Und plötzlich sagte ich, dass na gut, wenn es da Brandung gebe, wenn das Hotel nicht allzu teuer
sei, und streckte eine Hand nach ihr – zu spät.
(56) Auf meinen Vorwurf, er hätte Bruno das Hündchen wegnehmen müssen, erwiderte der Diener, das
habe ja nicht einmal der Erzieher gewagt. (Breitbach, Bericht über Bruno : 9)
- 60 -
(57) Dann fragte sie, wie es denn meiner lieben Frau gehe, und ich mußte ihr sagen, daß meine Frau
mich verlassen habe und unsre Ehe geschieden sei. (Hesse, Der Steppenwolf : 105)
(58) Au bas de la côte de Sourdun, il s’aperçut de l’endroit où l’on était. On n’avait fait que cinq
kilomètres, tout au plus ! Il fut indigné. Il abattit le vasistas pour voir la route. Il demanda plusieurs
fois au conducteur dans combien de temps, au juste, on arriverait. Il se calma cependant, et il
restait dans son coin, les yeux ouverts. (Flaubert, L’éducation sentimentale : 101)
Le DI est, fondamentalement, un mode dans lequel le discours second est filtré par
l’énonciateur premier. Ainsi, s’il rapporte :
a) Peter hat mir gerade gesagt, er hat versucht, seine Schwester anzurufen, aber sie war nicht da.
il n’est pas possible de déterminer quel est l’énoncé second (en supposant que celui-ci ait
existé). Celui-ci peut être :
b1) Ich hab versucht, meine Schwester anzurufen, aber sie ist nicht da.
b2) Ich hab versucht, die Alex anzurufen, aber sie ist nicht da.
b3) Ich hab versucht, meine Schwester anzurufen, aber diese blöde Kuh ist nicht da.
b4) Ich hab versucht, die ehrwürdige Frau Alexandra anzurufen, aber sie war nicht zu erreichen.
a1) Peter hat mir gerade gesagt, er hat versucht, Frau Rohmann anzurufen, aber sie war außer Haus.
a2) Peter hat mir gerade gesagt, er hat versucht, Herrn Derek mit der Dame, die Ihre Akte bearbeitet,
zu verbinden, aber sie war nicht zu erreichen.
Pour autant, les n traductions possibles de l’énoncé second sont-elles synonymes et les
paraphrases sont-elles interchangeables salva veritate ? La problématique est commune à la
métareprésentation de discours et de croyances. Nous présenterons la position d’Authier-
52
Dans la traduction, l’appréciation délivrée par l’épithète est conservée : « Puis elle me demanda comment
allait ma charmante femme, et je dus déclarer qu’elle m’avait abandonné et que nous étions maintenant
divorcés. » (Pary : 782).
- 61 -
Revuz (1992) et celle de Faucher (1978b) sur cette question, qui s’illustre de façon générale
par les énoncés suivants :
Jocaste peut être remplacé par une expression qui réfère à la même personne, une
description définie (la reine de Thèbes) ou une groupe nominal (sa mère), sans que soit
changée la valeur de vérité de l’énoncé. Le principe de substitution veut que des expressions
équivalentes en extension puissent être substituées salva veritate. Les représentations de
croyance et de discours sont des cas dans lesquels ce principe de substitution rencontre des
difficultés d’application. Ainsi, si d1) et d2) sont substituables à c1) et à c2), d3) ne l’est pas
dans les mêmes conditions 53.
Authier-Revuz (1992) et Faucher (1978b) ont apporté des réponses différentes à la question
de la place de l’énonciateur second et conjointement, à celle de l’intervention de
l’énonciateur premier. Selon Authier-Revuz, tous les éléments qui relèvent de la subjectivité
de l’énonciateur second soit disparaissent dans le DI, soit, s’ils sont conservés, sont
attribuées à l’énonciateur rapporteur. Ainsi, dans un énoncé du type :
Paul m’a dit que cet imbécile de Pierre s’était encore trompé d’heure de rendez-vous.
53
La question de la coréférence varie selon la syntaxe. Elle se pose en des termes différents dans les deux
énoncés suivants : a) Anton glaubt, dass der Mann am Strand ein Spion ist. b) Anton glaubt von dem Mann
am Strand, dass er ein Spion ist. Dans l’énoncé a), der Mann am Strand apparaît dans un contexte opaque
(intentionnel) et offre une lecture de dicto de la représentation de Anton. Il n’est pas substituable salva veritate
par un GN quelconque (par exemple Herr Müller von nebenan). Dans l’énoncé b), le même GN offre une
lecture de re et est substituable salva veritate par Herr Müller von nebenan (d’après Harras 2001 : 139).
- 62 -
une substitution des termes du prédicat sans compromettre la vérité de l’énoncé ou au
contraire permet une telle substitution. Faucher récuse la thèse de l’ambiguïté des verbes
introducteurs (1978b : 75) et avance la thèse d’une opacité relative. Il s’oppose donc
également à la position défendue par Fillmore, proche de celle d’Authier-Revuz, qui
énonce : « En discours rapporté, les expressions déictiques et référentielles sont
transparentes, c’est-à-dire qu’elles sont repérées du point de vue de l’acte de parole relatant
et non de l’acte de parole relatée » (cité par Faucher 1978b : 70-71).
Faucher se fonde sur la théorie de la connaissance : l’appréhension et le discours sur le
monde ne sont pas indépendants du sujet de perception et de paroles, « nous ne parlons
jamais des choses qu’à travers les modèles que nous en construisons » (Faucher 1978b : 71).
Cette évidence conditionne la réalisation du discours indirect, l’énonciateur rapportant ne
pouvant intervenir dans le choix lexical que dans les limites que lui fixe l’univers de
croyance, le point de vue, de l’énonciateur rapporté : « le rapporteur a une marge de liberté
dans le choix des expressions référentielles, marge dont il use sans altérer l’identité de la
croyance imputée, pour autant qu’il reste à l’intérieur du stock de modèles du même objet
dont dispose l’énonciateur relaté. » (Faucher 1978b : 75).
Dans cette perspective, l’énonciateur premier peut énoncer « Œdipe sait/a dit qu’il a épousé
Jocaste » ou « Œdipe sait/a dit qu’il a épousé la reine de Thèbes », car « Jocaste », aussi bien
que « la reine de Thèbes », font partie de l’univers de croyance d’Œdipe. En revanche,
« Œdipe sait/a dit qu’il a épousé sa mère » est incompatible avec les croyances d’Œdipe,
l’énonciateur second, et est pour cette raison un énoncé non acceptable.
La position de Faucher donne selon nous une description équilibrée qui rend compte de
l’interaction entre les deux énonciateurs. Elle montre les insuffisances d’une théorie du
discours indirect entièrement transparent, notamment défendue par Authier-Revuz, sans pour
autant méconnaître l’aporie d’une théorie du discours indirect entièrement opaque (Faucher
1978b : 75). La citation suivante résume la façon dont l’auteur a pris la mesure du champ
d’intervention de chacun des deux énonciateurs :
C’est une seule et même personne, moi [=l’énonciateur rapporteur] en l’occurrence, qui détient la table
d’équivalence des expressions référentielles et qui évalue en termes de valeurs de vérité les phrases
obtenues, […] mais la seule personne qui soit qualifiée pour décider du point de savoir si on est dans
le vrai ou dans le faux en attribuant à Pierre [=l’énonciateur rapporté] [une] croyance […] c’est, en
dernière instance, Pierre lui-même. (Faucher 1978b : 74)
- 63 -
1.4.3.3 L’einführungslose indirekte Rede
(59) Empörung auch in der Süddeutschen Zeitung, doch eben nicht aus beleidigtem Patriotismus, sondern
weil Susanne Osthoff ihrer öffentlichen Verantwortung nicht nachgekommen sei. Der
Kommentator kritisiert ihr Fernsehinterview, in dem sie den verbrecherischen Charakter der
Entführung in Frage stellte [...].
(Die Zeit, 29.12.2005, « Eigensinn und Gemeinsinn ».
http://www.zeit.de/online/2006/01/presseschau_osthoff)
(61) Goslar (dpa) - Generalbundesanwalt Kay Nehm will die vom Lkw-Maut-System erfassten Daten in
bestimmten Fällen auch für die Strafverfolgung nutzen. Zur Eröffnung des 44. Verkehrsgerichtstages
in Goslar forderte Nehm eine begrenzte „Öffnung des Mautsystems“. Es sei Verkehrsopfern nur
schwer zu erklären, dass eine Fahndung mit Mautdaten verboten ist. Das Erfassungssystem
solle allerdings nicht zur flächendeckenden Verfolgung von Straftaten oder gar für
Bewegungsbilder zweckentfremdet werden. (c) dpa, ZEIT online (Die Zeit, 26.01.2006, rubrique
„Nachrichten“, „Generalbundesanwalt will Maut-Daten zur Strafverfolgung nutzen“
http://www.zeit.de/dpa/generatedSite/iptc-hfk-20060126-74-dpa_10785586.xml)
(62) In seinem Vortrag bezeichnete ihn Taillade-Espinasse als den lebenden Beweis für die Richtigkeit der
letalen Erdfluidumtheorie. Während er ihm nach und nach die Lumpen vom Leibe riß, erklärte er den
verheerenden Effekt, den das Verwesungsgas auf Grenouilles Körper ausgeübt habe: Da sehe man
Pusteln und Narben, hervorgerufen durch Gasverätzung; dort auf der Brust ein riesiges
glänzendrotes Gaskarzinom; allenthalben eine Zersetzung der Haut; und sogar eine deutliche
fluidale Verkrüppelung des Skeletts, die als Klumpfuß und Buckel sichtbar hervortrete. Auch
seien die inneren Organe Milz, Leber, Lunge, Galle und Verdauungstrakt schwer.
gasgeschädigt, wie die Analyse einer Stuhlprobe, die sich in einer Schüssel zu Füßen des
Demonstranten für jedermann zugänglich befinde, zweifelsfrei erwiesen habe.
Zusammenfassend könne daher gesagt werden, daß die Lähmung der Vitalkräfte aufgrund
siebenjähriger Verseuchung durch ‚fluidum letale Taillade’ schon so weit fortgeschritten sei,
daß Demonstrant - dessen äußere Erscheinung im übrigen bereits signifikant maulwurfhafte
Züge aufweise - mehr als ein dem Tode denn als ein dem Leben zugewandtes Wesen bezeichnet
werden müsse. [...]
Der Vortrag war ein Riesenerfolg. (Süskind, Das Parfum : 181) 54
54
Les occurrences citées sont tirées de textes où l’EIR est cantonné à un seul intervenant. Il existe également
des dialogues entièrement rédigés à l’EIR (Steinberg 1971 : 154ss).
- 64 -
Cette forme de DR connaît beaucoup de variations terminologiques, parmi lesquelles :
- festgestellte Rede ; C2-Rede (Lorck 1921 ; C-Rede désigne dans la terminologie de
Lorck l’indirekte Rede)
- Freie Oratio obliqua (Laftman 1929 « Stellvertretende Darstellung ». Neuphilologus,
14, 161-168, cité par Steinberg 1971 : 402)
- berichtete Rede (Flämig 1962 : 46, qui parle aussi de Bericht ; Heidolph et al. 1984 :
529 ; Breslauer 1996 ; Schmitt-Ackermann 1996 : 19 ; Helbig und Buscha 1998 :
197 ; Askedal 2000 55 ; Gallèpe 2003 ; Duden 2005 : 530)
- einführungslose indirekte Rede (Steinberg 1971 ; Kullmann 1995a)
- freie indirekte Rede (von Roncador 1988 : 147) 56
Le terme de freie indirekte Rede a l’inconvénient d’être un calque du terme français discours
indirect libre, auquel pourtant il n’est pas assimilable, et c’est pourquoi nous lui préférons le
terme d’einführungslose indirekte Rede. C’est un DI sans subordination syntaxique explicite,
qui se distingue du discours indirect avec subordination syntaxique ainsi que du discours
indirect libre. Nous parlerons d’einführungslose indirekte Rede (EIR) ou de discours indirect
non introduit (DI non introduit).
L’EIR est, comme l’erlebte Rede, un mode hybride (von Roncador 1988 : 147). Si les
déictiques de temps (ceci n’étant toutefois qu’une généralité) et le choix des éléments
propositionnels relèvent de l’énonciation seconde, en revanche le Konjunktiv I 57 et la
personne sont rattachés à l’énonciateur rapporteur.
L’EIR reçoit des descriptions divergentes et contradictoires. Nous avons observé qu’il est
souvent considéré comme une variante d’autres types de DR : soit il est défini comme une
forme d’indirekte Rede avec ellipse du verbe introducteur, soit comme une variante au
Konjunktiv de l’ER ; il est également ignoré 58. Nous voulons montrer que ces
55
Askedal concède que ce terme a des inconvénients : « Nachteil, dass er einen inhaltlichen (etwa
vertextungsstrategischen) Unterschied gegenüber der „indirekten Rede“ suggeriert, der nicht vorliegt » (2000 :
186).
56
Ce terme est utilisé comme synonyme d’erlebte Rede par Weinrich (1982) et Gallèpe (2003). Quant à
Steinberg (1971 : 132 ss), il l’utilise comme hyperonyme d’ER et d’EIR.
57
Des énoncés à valeur proverbiale peuvent toutefois apparaître à l’Indikativ Präsens dans un EIR.
58
L’emploi du Konjunktiv comme marqueur de DR dans des propositions subordonnées est encore moins bien
représenté que son emploi dans des énoncés qui ont la forme d’une indépendante. L’EIR dans les subordonnées
est uniquement mentionné dans les grammaires de Paul (1920 : 309), Zifonun et al. (1997) et Duden (2005) et
dans les ouvrages et articles de Flämig (1962 : 48), Breslauer (1996) et Akedal (2000). Heidolph et al. écrivent
que le berichtete Rede apparaît « oft als Kernsatz » (1984 : 529), toutefois cette formulation ne permet pas de
- 65 -
rapprochements ne sont pas légitimes, car ils représentent un amalgame qui ne tient pas
compte des caractéristiques de l’EIR, et que l’EIR est une catégorie justifiée qui repose sur
des spécificités syntaxiques et discursives. Nous allons d’abord présenter l’assimilation qui
est faite entre l’EIR et le DI et l’ER avant de montrer ses spécificités.
Le rapprochement entre l’indirekte Rede et l’EIR se rencontre surtout dans les grammaires,
où l’EIR est décrit comme un énoncé au DI avec ellipse du verbe introducteur, qui ferait
suite à un indirekte Rede :
Von der unmittelbar von einem Verb abhängigen Rede ist die sogenannte berichtete Rede zu
unterscheiden, bei der mehrere indirekte Äußerungen aufeinanderfolgen und das redeeinleitende Verb
nicht wiederholt wird. (Helbig und Buscha 1998 : 197)
Dans certaines grammaires, seuls des exemples attestent de l’existence de ce type particulier
de discours indirect, sans qu’il soit ni nommé ni délimité. De fait, il semble amalgamé à
l’indirekte Rede. C’est le cas de la grammaire de Zifonun et al. (1997), d’Engel (2004) et de
Weinrich (2005). Zifonun et al. (1997 : 1758) citent des cas particuliers de DI où des
éléments de DD sont disséminés dans le discours cité. Ils cantonnent ce phénomène au genre
littéraire :
In literarischen Texten finden sich gelegentlich solche nicht recht umsetzbaren situationsgebundenen
Nicht-finite-Äußerungen als direkte Rede eingestreut in Kontexte indirekter Rede (Zifonun et al.
1997 : 1758)
Weinrich cite un long extrait d’EIR tiré de Die Fackel im Ohr de Canetti, dont nous ne
reproduisons que le début. Il explique que « die […] Konjunktivformen des Textes lassen
den Rezipienten über die Mitteilungsform der indirekten Rede nicht im unklaren » (2005 :
262) sans toutefois spécifier les différences entre le DI régi et l’EIR, et en désignant ces
formes sous l’appellation générale de « indirekte Rede ».
Der Name aber, den ich bei den Asriels am häufigsten hörte, war der von Karl Krauss. Das sei der
strengste und größte Mann, der heute in Wien lebe. (Canetti, Die Fackel im Ohr, cité par Weinrich
2005 : 262)
savoir s’ils font référence aux constructions à verbe final (du type : Was er denn hier wolle ?) ou aux
subordonnées (du type : Sie hatte gekündigt, weil sie ständig unter Druck sei).
- 66 -
La même observation vaut pour la grammaire d’Engel (2004 : 67). Expliquant que le
Konjunktiv peut être le seul marqueur de DR indirect, l’auteur propose l’exemple suivant,
que nous raccourcissons légèrement, sans faire mention des spécificités de l’EIR :
Sein Vater war Tuchhändler gewesen, aber schon vor dem Krieg gestorben. Die Mutter hatte dann als
Lehrerin gearbeitet [...]. Nach der Besetzung durch die Wehrmacht hatte sie sich den Partisanen
angeschlossen. Ein einziges Mal habe man sie danach noch in dieser Stadt gesehen...
Un autre type de rapprochement consiste à placer sur un même plan l’EIR et l’ER. Il se
rencontre dans Gather (1994 : 238), pour qui l’EIR et l’ER seraient des variantes d’un
discours rapporté hybride, l’un au Konjunktiv, l’autre à l’Indikativ. L’affirmation de Simonin
(1984 : 44) selon laquelle « l’allemand dispose de la possibilité de marquer formellement le
DIL en tant que tel » par l’emploi du Konjunktiv implique la même idée 59.
Syntaxe
Il est vrai que certains EIR suivent un énoncé au DI régi dont le verbe introducteur pourrait
introduire, syntaxiquement et sémantiquement, l’EIR 60.
Sie haben gesagt, die Polizei würde den Mörder schon finden. Sie haben auch gesagt, wir sollten
abwarten.
(64) Auf meinen Vorwurf, er hätte Bruno das Hündchen wegnehmen müssen, erwiderte der Diener, das
habe ja nicht einmal der Erzieher gewagt. Ich wisse doch, wie jähzornig der junge Herr sei.
(Breitbach, Bericht über Bruno : 9)
Auf meinen Vorwurf, er hätte Bruno das Hündchen wegnehmen müssen, erwiderte der Diener, das
habe ja nicht einmal der Erzieher gewagt. Er erwiderte auch, ich wisse doch, wie jähzornig der
junge Herr sei.
59
Cf. Steinberg (1971 : 132) pour des ouvrages plus anciens qui ignorent l’EIR ou le confondent avec l’ER.
60
Nous pouvons considérer ces formes d’EIR comme transitoires entre le DI et l’EIR.
- 67 -
Mais certains EIR ne peuvent en aucun cas être introduits pas le verbe de l’indirekte Rede
qui les précède (exemple 65) et d’autres ne peuvent pas s’intégrer dans une structure
d’indirekte Rede (exemple 66).
(65) Da stand Olga auf, die sanftere der Schwestern, auch eine Spur mädchenhafter Verlegenheit zeigte sie,
kam zu K. und bat ihn, zum Tisch zu kommen. Brot und Speck sei dort vorbereitet, Bier werde sie
noch holen. (Kafka, Das Schloß : 39)
* Da stand Olga auf, die sanftere der Schwestern, auch eine Spur mädchenhafter Verlegenheit zeigte
sie, kam zu K. und bat ihn, zum Tisch zu kommen, sie bat ihn auch, Brot und Speck sei dort
vorbereitet, Bier werde sie noch holen.
(66) Er hielt eine Zeitung in Händen, das Blatt, auf das er abonniert war, eine Zeitung der Militäristen- und
Kriegshetzepartei, und nachdem er mir die Hand gegeben hatte, deutete er auf das Blatt und erzählte,
darin stehe etwas über einen Namensvetter von mir, einen Publizisten Haller, der ein übler Kerl und
vaterlandsloser Geselle sein müsse, er habe sich über den Kaiser lustig gemacht und sich zu der
Ansicht bekannt, daß sein Vaterland am Entstehen des Krieges um nichts minder schuldig sei als die
feindlichen Länder. Was das für ein Kerl sein müsse! Na, hier kriege der Bursche es gesagt, die
Redaktion habe diesen Schädling recht schneidig erledigt und an den Pranger gestellt. Wir
gingen jedoch zu anderem über, als er sah, daß dies Thema mich nicht interessierte [...] (Hesse, Der
Steppenwolf : 105)
Ces exemples montrent que l’EIR est une forme hybride qui croise deux cadres de référence
énonciative. L’indirekte Rede, au contraire, procède par réduction à un seul cadre énonciatif.
Les éléments du cadre d’énonciation second qui ne sont pas représentables dans l’indirekte
Rede (cf. 1.4.3.2) le sont en revanche dans l’EIR. Il y a donc une différence fondamentale
entre ces deux modes de représentation de discours. L’EIR n’est pas un indirekte Rede avec
ellipse du verbe introducteur et n’est pas à confondre avec un DI véritablement elliptique tel
qu’il est attesté dans l’exemple suivant :
(67) Nicht weit von der Porte des Fénéants, in der Rue de la Louve, entdeckte Grenouille ein kleines
Parfumeuratelier und fragte nach Arbeit. [...]
Madame Arnulfi, nachdem sie lange über die schlechten Zeiten und über ihre prekäre wirtschaftliche
Lage geklagt hatte, erklärte, daß sie sich zwar eigentlich keinen zweiten Gesellen leisten könne,
andrerseits aber wegen der vielen anfallenden Arbeit dringend einen brauche; daß sie außerdem
einen zweiten Gesellen hier bei sich im Hause gar nicht würde beherbergen können, andrerseits
aber über eine kleine Kabane auf ihrem Olivengarten hinter dem Franziskanerkloster - keine
zehn Minuten von hier - verfüge, in welcher ein anspruchsloser junger Mensch zur Not würde
nächtigen können; daß sie ferner zwar als ehrliche Meisterin um ihre Verantwortung für das
leibliche Wohl ihrer Gesellen wisse, sich aber andrerseits ganz außerstande sehe, zwei warme
Mahlzeiten am Tag zu gewähren - mit einem Wort: Madame Arnulfi war - was Grenouille freilich
schon längst gerochen hatte - eine Frau von gesundem Wohlstand und gesundem Geschäftssinn.
(Süskind, Das Parfum : 219ss)
- 68 -
Environnement textuel
Certains EIR interviennent certes après un indirekte Rede (comme les exemples précédents
l’ont montré), ou après une autre forme de DR (comme ici un DN) :
(68) Und dann lud er Grimal zu einer Flasche Weißwein in die Tour d’Argent ein und handelte ihm den
Lehrling Grenouille ab. Selbstverständlich verriet er nicht, weshalb er ihn wollte und wozu er ihn
brauchte. Er schwindelte etwas daher von einem großen Auftrag in Duftleder, zu dessen Bewältigung
er einer ungelernten Hilfskraft bedürfe. Einen genügsamen Burschen brauche er, der ihm
einfachste Dienste verrichte, Leder zuschneide und so weiter. Er bestellte noch eine Flasche Wein
und bot zwanzig Livre als Entschädigung [...]. (Süskind, Das Parfum : 113)
(69) Er lief um Tinte und Papier und verscheuchte seine Frau aus dem Zimmer des Kranken. Er wolle
selbst die Wache halten. Dann ließ er sich auf einem Stuhl neben dem Bett nieder, die Notizblätter
auf den Knien, die tintenfeuchte Feder in der Hand, und versuchte, Grenouille eine parfümistische
Beichte abzunehmen. (Süskind, Das Parfum : 134)
(70) [...] so fragte er nur noch nach dem Namen des Herrn. „Klamm“, sagte der Wirt nebenbei, während er
sich nach seiner Frau umdrehte, welche in sonderbar abgenützten, veralteten, mit Rüschen und Falten
überladenen, aber feinen städtischen Kleidern herangerauscht kam. Sie wollte den Wirt holen, der
Herr Vorstand habe irgendeinen Wunsch. Ehe der Wirt aber ging, wandte er sich noch an K. [...].
(Kafka, Das Schloß : 42)
Syntaxe
Les énoncés interrogatifs peuvent présenter une linéarisation et une intonation qui ne se
rencontrent pas dans l’ER. L’ER ne se réalise qu’avec une linéarisation discontinue en V2,
tandis que l’EIR se forme avec une linéarisation en V2 et une linéarisation avec verbe final 61
(accompagnée éventuellement de la conjonction ob dans des énoncés interrogatifs, cf.
Steinberg 1971 : 132).
(71) Da erklärte denn Aschenbach, daß er ohne sein Gepäck nicht zu reisen wünsche, sondern umzukehren
und das Wiedereintreffen des Stückes im Bäder-Hotel zu erwarten entschlossen sei. Ob das
Motorboot der Gesellschaft am Bahnhof liege. Der Mann beteuerte, es liege vor der Tür. (Mann,
Der Tod in Venedig : 47)
61
Steinberg (1971 : 136ss) a relevé que, le plus souvent, les formes en V2 sont des questions rhétoriques et que
les formes à verbe final sont des Entscheidungsfragen (et non pas des Ergänzungsfragen), qui perdent
l’intonation interrogative, comme dans les exemples suivants : « Davon wußte der Vater nichts. Nun also,
wenn er nichts wisse und nichts geschehen sei, was wolle er denn? Was könnte ihm verziehen werden? »
(Kafka, Das Schloß, cité par Steinberg 1971 : 138). « Er ward aufgerufen (...). Welche Eindrücke er während
der Voruntersuchung von dem Zugen Heßling gewonnen habe? » (H. Mann, Der Untertan, cité par
Steinberg 1971 : 138)
- 69 -
L’énoncé suivant, que nous empruntons à Steinberg (1971), montre la différence syntaxique
entre un einführungslose indirekte Rede et un erlebte Rede :
(72) Diederich mußte ihm viel von Göppels berichten. Ob er die Fabrik gesehen habe. Und war er bei
den anderen Geschäftsfreunden gewesen? (H. Mann, Der Untertan, cité par Steinberg, 1971 : 138)
(73) […] der Bürgermeister langte sichtlich verstört am Richtertisch an. Welche Gesinnung der
Angeklagte in der bürgerlichen Öffentlichkeit betätigte? Dr. Scheffelweis wußte Gutes darüber zu
bekunden. (H. Mann, Der Untertan : 218, cité par Steinberg, 1971 : 139)
Enonciation
Le deuxième argument est de nature énonciative (Steinberg 1971 : 132 ; von Roncador
1988 : 147). L’EIR a pour fonction de reporter les énoncés proférés et non les pensées,
restriction que ne connaît pas l’ER.
L’affirmation suivante de Gather (1994 : 238) est donc critiquable : « Die Besonderheit des
modustransponierten DIL der Redewiedergabe im Deutschen gegenüber dem
tempustransponierten DIL in den romanischen Sprachen oder im Englischen liegt nicht auf
der syntaktischen oder äußerungslinguistischen Ebene, sondern in seiner eindeutigen
Detektierbarkeit im umgebenden Kontext originaler (narrativer) Äußerungen ». L’examen
des caractéristiques de l’einführungslose indirekte Rede montre qu’il n’est pas à confondre
avec un indirekte Rede. L’argument est fourni par l’hybridité énonciative. Etant donné que
cet argument est également celui qui légitime la catégorie de l’erlebte Rede, mettre en cause
la spécificité de l’einführungslose indirekte Rede conduit partiellement à remettre en
question celle de l’erlebte Rede. L’examen des caractéristiques syntaxiques 62 et énonciatives
de l’EIR montre également que l’einführungslose indirekte Rede n’est pas une variante de
l’erlebte Rede 63.
62
Gather ne tient pas compte des paramètres syntaxiques relevés par Steinberg alors qu’il leur concède
paradoxalement une certaine pertinence : « Dieser Unterschied ist sicherlich von Bedeutung ; wie aber
Steinberg selbst bemerkt, sind in der EIR – wie in der ER – auch Fragen mit der Syntax unabhängiger
Interrogativsätze möglich » (1994 : 238).
63
Les différences dans les agencements énonciatifs entre l’einführungslose indirekte Rede et l’erlebte Rede se
reflètent dans les distributions discursives : l’einführungslose indirekte Rede est un genre spécifique des textes
de presse, là où l’erlebte Rede est très rare (cf. 9.2).
- 70 -
1.4.3.4 Le discours indirect libre
L’erlebte Rede et le discours indirect libre sont des formes de représentation de discours qui
ont été remarquées par les linguistes et grammairiens à la fin du 19ème siècle et au début du
20ème siècle. Ils ont donné lieu à des controverses sur leur nature, leur origine et leur
similitude. Nous rappellerons d’abord succinctement l’épistémologie 64 des discours indirects
interprétatifs de l’allemand et du français (1.4.3.4.1). Nous en proposerons ensuite une
description dans une perspective énonciative (1.4.3.4.2). Compte tenu des divergences que
nous avons observées au sujet des formes que peut revêtir ce DR et des situations de
discours dans lesquels il est employé, nous préciserons quelle est notre réponse à ces deux
questions :
- L’erlebte Rede et le discours indirect libre peuvent-ils s’énoncer autrement qu’à la
troisième personne et avec les temps du Präteritum et de l’imparfait ? (1.4.3.4.3)
- L’erlebte Rede et le discours indirect libre sont-ils employés dans des situations de
discours, des « Diskursuniversen » (Wilhelm 2001 : 468) autres que littéraires ?
(1.4.3.4.4)
L’article de Tobler en 1888 marque le début d’une période pendant laquelle le discours
indirect libre et dans une moindre mesure l’erlebte Rede ont suscité beaucoup d’intérêt parmi
les linguistes allemands et suisses que furent Ch. Bally (1912 et 1914), M. Lips (1926) 65, A.
Tobler (1888), T. Kalepky (1899, 1913 et 1928), E. Lerch (1914, 1923 et 1928), G. Lerch
(1922), E. Lorck (1914 et 1921) et W. Günther (1928). Les termes de style indirect libre et
d’erlebte Rede ont été forgés à cette époque. Le terme français est de Ch. Bally (1912) 66, et
le terme allemand 67 a été proposé par E. Lorck (1921 : 13) 68.
64
L’épistémologie du discours indirect libre et de l’erlebte Rede a déjà été abondamment étudié (Kalik-
Teljatnicova 1965-1966 ; Steinberg 1971 : 55ss ; Roy 1977 ; Cerquiglini 1984 ; Coulmas 1986 ; Kullmann
1992b).
65
Bally et Lips appartenaient à l’Ecole de Genève, Kalepky, Lorck, E. Lerch et G. Lerch à l’Ecole de Munich.
66
La notion de « style » renvoie chez Bally à une stylistique proche d’une linguistique de la parole : « Par
stylistique j’entends l’étude de la langue de tout le monde en tant qu’elle reflète non les idées pures, mais les
émotions, les sentiments, les volontés. » (Bally, cité par Wilmet 2003 : 443).
67
Le caractère pensé ou proféré est quelquefois précisé en allemand : « erlebte Rede (tatsächlich
Gesprochenes) / erlebte Reflexion (nur Gedachtes) » (Helbig und Buscha 1998 : 149) ; « die erlebte Rede / das
erlebte Denken » (Zifonun et al. 1997 : 1775).
68
Le terme renvoie à la réalité suivante : « Erleben des Schriftstellers, ein Erleben, dessen er sich erinnert und
das für ihn vergangen ist » (Lorck 1921 : 13). Il a supplanté ceux de verschleierte Rede (Kalepky 1899) et de
uneigentlich direkte Rede (Lerch 1922).
- 71 -
Trois axes principaux se dégagent des travaux de cette époque :
- la question de la nature, plus exactement de la spécificité du DIL et de l’ER par
rapport au DI et à l’IR.
- la question de l’origine du DIL et de l’ER
- la comparaison interlangagière
La première définition, proposée par Tobler, décrit le DIL comme une forme hybride 69.
eigentümliche Mischung indirekter und direkter Rede, die von jener das Tempus und die Person des
Verbums, von dieser die Wortstellung und den Ton nimmt (1888 : 437)
De plus, bien que le DIL soit décrit comme un procédé d’écriture littéraire propre au roman
moderne, plusieurs auteurs voient l’origine du DIL dans des procédés rhétoriques de la
communication orale (Bally 1912 ; Lorck 1914 ; Lips 1926).
Enfin, la description de ce procédé s’est faite de manière conjointe avec la comparaison entre
les formes françaises et allemandes. Cette comparaison incluait trois termes : le discours
indirect libre, l’erlebte Rede et l’einführungslose indirekte Rede. Nous détaillerons les
descriptions contrastives et les propositions d’équivalences de cette époque dans les parties
5.2 et 5.3 d’une part, 8.1 et 9.1 d’autre part.
1.4.3.4.2 L’hybridité
Le DIL n’est pas une forme dérivable du DI par simple élision du discours introducteur. Le
DIL est la combinaison de traits qui se rattachent à deux modes différents, le direct et
l’indirect. Il est un discours indirect dans lequel deux subjectivités sont concomitantes 70.
69
Kalepky (1899 et 1913) critique Tobler (1888) et Bally (1912) en supposant qu’ils décrivent le DIL comme
un DI régi d’un type particulier. La polémique repose sur un mauvaise lecture de Bally (1912), comme le font
remarquer Bally (1914) et Lips (1926).
70
La description d’Authier-Revuz a évolué sur ce point. Dans les premiers temps (1979 et 1992), Authier-
Revuz décrit le DIL comme une forme de connotation autonymique, c’est-à-dire une forme où l’énonciateur
parle avec les mots d’autrui. Il est vrai que du point de vue sémiotique le discours indirect libre est un discours
en usage qui renvoie à lui-même et signale une altérité. Toutefois, appliquer cette notion au discours indirect
libre ne nous semble pas satisfaisant car cela ne tient pas compte du paramètre de l’acte discursif réalisé, qui
- 72 -
L’absence d’enchâssement et de frontière entre énonciateur rapporteur et énonciateur cité
amène Steube à le décrire comme un « Rede […], die in sich fremde Rede simuliert »
(1985 : 391). Dans les textes narratifs, il apparaît comme un discours bipolaire contenant
« der Erzähler als greifbare Verkörperung der Mittelbarkeit des Erzählens und die Illusion
der Unmittelbarkeit durch Spiegelung der dargestellten Wirklichkeit im Bewußtsein eines
personalen Mediums oder einer Reflektorfigur » (Stanzel 2001 : 247).
Il est une forme de discours rapporté qui ne contient ni marques externes (comme l’est un
verbe introducteur 71) ni internes (comme l’est le Konjunktiv I) qui puissent le distinguer d’un
énoncé simple : « Il n’y a pas de signal - morphologique ou syntaxique - spécifique du style
indirect libre », rappelle Vuillaume (2000 : 107). En l’absence de marqueur morphologique
ou syntaxique spécifique, le repérage du DIL se fait à l’aide d’indices énonciatifs et
contextuels. « Il n’existe pas de phrases qui hors contexte pourrait être caractérisée comme
étant du […] DIL », comme le souligne Authier-Revuz (1992 : 41). Cela a pour conséquence
que certains énoncés interprétables comme des DIL laissent subsister une certaine
ambivalence, voire de l’ambiguïté, comme le révèle l’exemple suivant :
(74) Il fut tiré de sa rêverie par la sonnerie du téléphone. C’était Barbentane. Il demandait à Aurélien
d’accompagner ces dames au Casino de Paris. La loge était prise, et puis à la dernière minute, lui
devait se rendre ailleurs ; si Leurtillois n’était pas libre, Blanchette et Bérénice n’iraient pas, parce que
deux femmes seules ... Mais Aurélien était libre. (Aragon, Aurélien, cité par Riegel et al 2001 : 601)
Riegel et al. ont identifié le dernier énoncé de cet extrait comme un DIL. Il est permis
d’inclure l’énoncé précédent (« si Leurtillois… ») dans le DIL, et également de lire « La loge
était prise… » comme la représentation des explications données par Barbentane ; dans cette
hypothèse, le dernier énoncé ne serait pas un DIL, mais remplirait la fonction textuelle de
clôture de DIL et marquerait le retour au discours du narrateur.
D’un point de vue énonciatif, deux systèmes sont présents dans le DIL : les formes verbales
et la personne 72 relèvent du système de l’énonciateur rapporteur, tandis que les adverbes de
temps et de lieu, les éléments de subjectivité affective et appréciative et les éléments de
n’est pas celui d’un emprunt, mais qui est bien celui d’une représentation de dires. Par la suite (2004), l’auteur
a privilégié une description comme forme de discours rapporté hybride.
71
Toutefois, l’incise et la postposition sont possibles, et ces formes sont alors des formes transitoires entre le
DI régi et le DIL.
72
Certains contextes autorisent l’emploi de noms propres (Bally 1914 : 408ss ; Vuillaume 1999), de
descriptions définies et de démonstratifs (celui-ci / dieser) (Vuillaume 1999) : « [...] Deslauriers lui dit : - Mais,
saprelotte, qu’est-ce que tu as ? Frédéric souffrait des nerfs. Deslauriers n’en crut rien. » (Flaubert,
L’éducation sentimentale, cité par Vuillaume 1999 : 54ss).
- 73 -
l’interaction appartiennent au système de l’énonciateur rapporté : « Der DIL liegt, was seine
grammatischen Eigenschaften betrifft, zwischen DD und DI » (Gather 1994 : 231). Mêlant
les caractéristiques du direct et indirect, le DIL est une forme hybride (« hybride Form »,
Steube 1985 : 392 ; « Mischstatus », Zifonun et al. 1997 : 1776 ; « Doppelperspektive »,
Stanzel 2001 : 247).
Cette description reste une généralisation. Les temps verbaux peuvent ne pas être transposés,
soit de façon isolée pour un certain type d’énoncés (par exemple des énoncés à valeur
proverbiale, Steinberg 1971 : 225ss), soit naturellement lorsque les deux cadres énonciatifs
mis en rapport emploient les mêmes temps. Par ailleurs, la transposition des adverbes n’est
pas obligatoire dans le DIL (Vuillaume 1990 : 106 ; Kullmann 1995a : 127ss). Dans
l’exemple suivant, l’adverbe anaphorique « le lendemain » relève du système de
l’énonciateur rapporteur.
(75) […] je savais que [la faute] que je venais de commettre était de la même famille que d’autres pour
lesquelles j’avais été sévèrement puni, quoique infiniment plus grave. Quand j’irais me mettre sur le
chemin de ma mère au moment où elle monterait se coucher, et qu’elle verrait que j’étais resté levé
pour lui redire bonsoir dans le couloir, on ne me laisserait plus rester à la maison, on me mettrait au
collège le lendemain, c’était certain. Eh bien ! dussé-je me jeter par la fenêtre cinq minutes après,
j’aimais encore mieux cela. (Proust, A la recherche du temps perdu, cité par Vuillaume 1990 : 106)
Les indices du DIL sont énonciatifs, propositionnels et textuels. Les indices énonciatifs sont
fournis par les marques de « l’inscription du sujet dans la langue » (Kerbrat-Orecchioni
2002, cf. 1.2.1), notamment les appréciatifs, les modalisateurs, les particules du discours, les
exclamations, les interjections 73, les variations dialectales, diastratiques, diaphasiques, les
idiolectes, sont des éléments qui dévoilent la présence d’un autre énonciateur que celui qui
produit le discours premier. En outre, si le discours n’est pas monologique, les éléments de
l’interaction (des particules du discours, des phrasèmes phatiques) peuvent être des indices
de DIL 74.
73
Interjections et exclamations sont décrits comme des « Expressiva » par von Roncador (1988 : 84) :
« sprachliche[...] Ausdrücke [...], die sich auf das emotionale Erlebnis des Sprechers beziehen. ».
74
Selon von Roncador, les indices de subjectivité autres que propositionnels sont souvent les seuls indices :
« Die Verschiebung im expressiven Bereich [stellt] oft das einzige Erkennungsmerkmal dar » (von Roncador
1988 : 55).
- 74 -
(76) [...] er wollte langsam reiten, er wollte auch die innere Unruhe bändigen, die immer wilder in ihm
aufgor.
Wenn eine Sturmflut wiederkäme – eine, wie 1655 da gewesen, wo Gut und Menschen ungezählt
verschlungen wurden – wenn sie wiederkäme, wie sie schon mehrmals einst gekommen war! –
Ein heißer Schauer überrieselte den Reiter – der alte Deich, er würde den Stoß nicht aushalten, der
gegen ihn heraufschösse! Was dann, was sollte dann geschehen? – Nur eines, ein einzig Mittel
würde es geben, um vielleicht den alten Koog und Gut und Leben darin zu retten. Hauke fühlte
sein Herz stillstehen, sein sonst so fester Kopf schwindelte [...] (Storm, Der Schimmelreiter : 124)
Le deuxième type d’indices est le contexte, lorsqu’il renseigne sur une prise de parole ou
l’émergence d’une pensée (Lips 1926 : 52-54 ; Gather 1994 : 233 ; Vuillaume 2000 :
115ss) :
(77) (Les villageois sont en désaccord avec le maître d’œuvre et celui-ci prend peur)
Der Gedanke an seinen Deich überfiel ihn wie ein Schrecken: was sollte werden, wenn jetzt alle
ihre Spaten hinwürfen ? (Storm, Der Schimmelreiter : 107)
Il est souvent affirmé que le DIL a des formes prédéfinies : le Präteritum pour l’erlebte
Rede, l’imparfait pour le discours indirect libre, et la 3ème personne. M. Lips regrettait déjà
ce fait : « par une faute de perspective, on a pris l’habitude d’identifier le style indirect libre
avec certains emplois de l’imparfait » (1926 : 221). Actuellement, la vision d’un DIL
exclusivement au Präteritum et à l’imparfait est présente dans plusieurs grammaires qui
donnent des définitions partielles d’erlebte Rede (Helbig und Buscha 1998 ; Engel 2004),
des définitions partielles de discours indirects libres (Frank 1993) ou des exemples partiels
de discours indirects libres (Grévisse 1993 ; Dethloff und Wagner 2002) (cf. également
1.2.1).
Cette conception est en partie nourrie par le corpus majoritairement littéraire qui a servi et
sert aujourd’hui encore de base à l’étude du DIL. De plus, les auteurs et les critiques qui ont
fait la célébrité du DIL se réfèrent à des formes au passé et à la troisième personne. Flaubert
lui-même parlait des « récits à l’imparfait » (cité par Steinberg 1971 : 427) pour désigner
certains DIL de ses œuvres. Les commentaires de Marcel Proust sur le style de Flaubert
portent en grande partie sur l’innovation réalisée par ce dernier dans l’emploi de « cet
imparfait si nouveau dans la littérature » ; « l’éternel imparfait » des œuvres de Flaubert est
pour Proust un élément fondamental de son écriture narrative qui permet de rapporter les
- 75 -
dires des personnages en les faisant « se confond[re] avec le reste » (Proust 1920 : 77-78) 75.
Enfin, cette vision résulte également des théories narratologiques de Käte Hamburger
(Stanzel 2001 : 279 ; Kittel 1992 : 334), qui postule l’impossibilité d’un DIL à la première
personne.
Le DIL est en réalité simplement une configuration énonciative dans laquelle le temps du
rapporteur détermine celui du discours du locuteur rapporté.
[…] le choix des morphèmes verbaux dans le S.I.L. 76 est déterminé par la relation qui existe entre le
moment de la narration et le moment de la production des propos ou pensées que l’on rapporte.
(Vuillaume 1990 : 106)
La transposition des temps, si elle est souvent observée dans les corpus, ne définit pas le DIL
(« erlebte Rede ohne Tempustransposition » Steinberg 1971 : 360 ; von Roncador 1988 :
220 ; Vuillaume 1990 ; Pérennec 1992 : 326 ; Riegel et al. 2001 : 601).
(78) Mme Profitendieu rentre enfin, elle s’excuse d’être en retard ; elle a dû faire beaucoup de visites. Elle
s’attriste de trouver son mari souffrant. Que peut-on faire pour lui ? C’est vrai qu’il a très
mauvaise mine. (Gide, cité par Riegel et al. 2001 : 601)
Kalepky (1899) et Lerch (1922) ont relevé les exemples suivants au présent et au passé
composé 77 :
(79) M. de Monpavon marche à la mort […] il dépasse le somptueux établissement où il prend son bain
d’habitude, il ne s’arrête pas non plus aux Bains Chinois. On le connaît trop par ici. Tout Paris
saurait son aventure le soir même. (Daudet, Nabab, cité par Kalepky 1899 : 493-494)
Vuillaume (1990) et Lips (1926) ont relevé des exemples, certes rares, mais clairs de
discours indirect libre prospectif.
75
Proust analyse l’emploi de l’imparfait aussi bien dans les récits simples du narrateur que dans le discours
rapporté. Il faut noter qu’au demeurant, Proust ne voue pas une admiration sans bornes à Flaubert : « Ce n’est
pas que j’aime entre tous les livres de Flaubert, ni même le style de Flaubert » (1920 : 72) ; « Si j’écris tout cela
pour la défense (au sens où Joachim du Bellay l’entend) de Flaubert, que je n’aime pas beaucoup, si je me sens
privé de ne pas écrire sur bien d’autres que je préfère, c’est que j’ai l’impression que nous ne savons plus lire »
(1920 : 85).
76
S.I.L. désigne le « style indirect libre ».
77
M. Lips cite un devoir d’élève : « Le sympathique Monsieur qui ressemble à un échalas articulé prononce
quelques paroles senties. Il est le commissaire Oliphant ; il a reçu son ordre de marche ; il va être obligé,
sous peu, de quitter la Suisse et cette chère ville de Genève. » (composition d’élève) (1926 : 66).
- 76 -
LUI - Oui, tu t’es fait peloter !
ELLE, assise près du lit et commençant à se dévêtir. - Là ! Oh ! je connais l’ordre et la marche. Dans
un instant je me serai conduite comme une fille, dans deux minutes tu m’appelleras sale bête, dans
cinq tu casseras quelque chose. C’est réglé comme un protocole. (Courteline, « La peur des coups »,
Théâtre, cité par Vuillaume 1990 : 45)
(82) A une certaine époque, on parla beaucoup de mariages dans la famille. La fillette choisit pour son
futur mari un jeune homme de vingt ans qui s’occupait souvent d’elle. Un jour, elle vint à moi toute
triste : elle ne pourra pas épouser son ami ; cela durera trop longtemps jusqu’à ce qu’elle ait
l’âge de se marier ; lui sera trop grand et trop vieux pour elle ; il faut qu’elle choisisse un garçon
de son âge. (Wettstein, Les Notions de temps chez l’enfant, cité par Lips 1926 : 66)
L’exemple relevé par Lips est en cela intéressant qu’il montre que le choix des temps
verbaux peut se faire en rupture avec le cadre narratif, et ce non seulement avec les adverbes,
comme cela est courant, mais également avec les verbes. Ici, la représentation non indirecte
du temps, donc le choix du futur au lieu du conditionnel, permet d’augmenter la proximité
avec le discours originel. Nous rencontrons la même construction dans l’erlebte Rede
suivant, extrait des Buddenbrooks 79 :
(83) (Hanno espère que son cadeau de Noël sera un théâtre de marionnettes)
[…] Hanno [hatte] kürzlich zum ersten Mal das Theater besucht, das Stadt-Theater, wo er im ersten
Range an der Seite seiner Mutter atemlos den Klängen und Vorgängen des „Fidelio“ hatte folgen
dürfen. Seitdem träumte er nichts als Operszenen, und eine Leidenschaft für die Bühne erfüllte ihn, die
ihn kaum schlafen ließ. Mit unaussprechlichem Neide betrachtete er auf der Straße die Leute, die, wie
ja auch sein Onkel Christian, als Theater-Habitués bekannt waren [...] ... War das Glück ertragbar, wie
sie fast jeden Abend dort anwesend sein zu dürfen ? Könnte er nur einmal in der Woche vor Beginn
der Aufführung einen Blick in den Saal tun, das Stimmen der Instrumente hören und ein wenig den
geschlossenen Vorhang ansehen! Denn er liebte Alles im Theater : den Gasgeruch, die Sitze, die
Musiker, den Vorhang...
Wird sein Puppentheater groß sein ? Groß und breit ? Wie wird der Vorhang aussehen? Man
muß baldmöglichst ein kleines Loch hineinschneiden, denn auch im Vorhang des Stadt-Theaters
war ein Guckloch... Ob Großmama oder Mamsell Severin – denn Großmama konnte nicht Alles
besorgen – die nötigen Dekorationen zum „Fidelio“ gefunden hatte? Gleich morgen wird er sich
irgendwo einschließen und ganz allein eine Vorstellung geben... Und schon ließ er seine Figuren
im Geiste singen ; denn die Musik hatte sich ihm mit dem Theater sofort aufs Engste verbunden...
(Mann, Buddenbrooks : 534)
L’ER au Futur est non transposé (transposé, le discours serait : « Würde sein Puppentheater
groß sein ? … ») et est précédé d’un ER au Präteritum, transposé. L’ER au futur est
identifiable uniquement par la transposition du pronom personnel (« Gleich morgen wird er
sich irgendwo einschließen »). Le passage d’un ER avec transposition des temps à un ER
sans transposition des temps entraîne une gradation de l’immédiateté narrative. En
78
Un exemple de DIL au futur simple, tiré de L’Assommoir, est cité par Kullmann (1995a : 112).
79
Cet extrait est également cité par Lerch (1914 : 485) et par Kullmann (1995a : 113).
- 77 -
rapprochant de manière croissante le lecteur des sentiments qui agitent Hanno, le narrateur
suggère que l’émotion de ce dernier grandit au fur et à mesure de l’évocation du moment où
il recevra son cadeau de Noël.
De la même façon que le temps verbal est déterminé par le point de vue de l’énonciateur
rapporteur, les morphèmes de personne sont déterminés par le point de vue de
l’énonciateur 80. Rien n’interdit donc d’employer des personnes autres que la troisième 81 :
Entscheidend für die Personenangaben in ER ist […] die Übereinstimmung mit dem Standpunkt des
Vermittlers. Wenn die Personenangaben nicht transponiert werden können, weil sie schon mit diesem
Standpunkt übereinstimmen, wenn die Tempora aber transponiert und die übrigen Eigenarten
ausgeprägt sind, so ist die ER durchaus vollständig. (Steinberg 1971 : 299)
Ainsi, un DIL à la première personne peut être le résultat d’une transposition (report d’une
intervention de quelqu’un s’adressant à l’énonciateur citant, comme dans l’exemple 81) ou
d’une non-transposition (propres paroles ou pensées). Dans une narration homodiégétique,
une séquence dans laquelle le narrateur relate des pensées passées (donc dans laquelle
erzählendes Ich et erlebendes Ich sont identiques) débouche sur un DIL à la première
personne. Dans les extraits suivants, les réflexions à l’ER sont celles que le narrateur a
formulées au moment auquel il est fait référence. Elles sont différentes des pensées qu’il
formulerait au moment de la narration.
(84) Als letzte Figur in meiner tausendgestaltigen Mythologie, als letzter Name in der unendlichen Reihe
tauchte sie auf, Hermine, und zugleich kehrte mir das Bewußtsein wieder und machte dem
Liebesmärchen ein Ende, denn ihr wollte ich nicht hier in der Dämmerung eines Zauberspiegels
begegnen, ihr gehörte nicht nur jene eine Figur meines Schachspiels, ihr gehörte der ganze Harry. Oh,
ich würde nun mein Figurenspiel so umbauen, daß alles sich auf sie bezog und zur Erfüllung
führte. (Hesse, Der Steppenwolf : 260)
(85) Langsam ging ich durch den hallenden Gang, aufmerksam betrachtete ich die Türen, die soviel
Hübsches versprochen hatten: an keiner mehr stand eine Inschrift. Langsam schritt ich alle die hundert
Türen des magischen Theaters ab. War ich nicht heute an einem Maskenball gewesen? (Hesse, Der
Steppenwolf : 267)
80
L’existence d’un discours indirect libre à la première personne est affirmée par Steinberg (1971 : 293-337),
Danon-Boileau et Bouscaren (1984), Ducrot (1989 : 189), Vetters (1989 : 41ss), Vuillaume (1990), Kittel
(1992), Gather (1994), Marnette (2002), et celle d’un erlebte Rede à la première personne par Cohn (1969),
Steinberg (1971 : 293-337), Kittel (1992) et Stanzel (2001 : 279-285). L’exemple de Gather est toutefois
emprunté à l’espagnol : Pero, instantáneamente, ganada por su terrible curiosidad, me acribilló a preguntas
sobre detalles en los que yo no había tenido tiempo de pensar : ¿La Julita había aceptado ? ¿Íbamos a
escaparnos ? ¿Quiénes iban a ser los testigos? ¿No podíamos casarnos por la Iglesia porque ella era
divordiada, no es cierto ? ¿Dónde íbamos a vivir ?. [...] Dies dokumentiert die Existenz eines bisweilen
übersehenen DIL der 1.Pers. (Gather 1994 : 232-233)
81
L’erlebte Rede et le discours indirect libre sont majoritairement représentés à la troisième personne dans les
grammaires, soit par le choix des exemples (Weinrich 1982 ; Grévisse 1993 ; Helbig und Buscha 1998 ; Riegel
et al. 2001 ; Dethloff und Wagner 2002), soit dans les définitions (Frank 1993 ; Engel 2004).
- 78 -
D. Cohn (1969) a montré l’existence d’un erlebte Rede à la première personne à partir des
manuscrits de l’œuvre de Kafka Das Schloß, qui révèlent que les premiers chapitres furent
rédigés initialement à la première personne.
(86) Da blieb Barnabas stehen. Wo waren wir? Ging es nicht mehr weiter? Würde Barnabas mich
verabschieden? Es würde ihm nicht gelingen. Ich hielt Barnabas Arm fest, daß es fast mich selbst
schmerzte. Oder sollte das Unglaubliche geschehen sein, und wir waren schon im Schloß oder
vor seinen Toren? (Kafka, manuscrit de Das Schloß, cité par Cohn 1969 : 305)
Dans la version finale, Kafka a substitué les pronoms personnels de la 3ème personne à ceux
de la 1ère personne. Ce même extrait se lit aujourd’hui de la façon suivante :
(87) Da blieb Barnabas stehen. Wo waren sie? Ging es nicht mehr weiter? Würde Barnabas K.
verabschieden? Es würde ihm nicht gelingen. K. hielt Barnabas Arm fest, daß es fast ihn selbst
schmerzte. Oder sollte das Unglaubliche geschehen sein, und sie waren schon im Schloß oder vor
seinen Toren? (Kafka, Das Schloß, cité par Cohn 1969 : 305)
Le fait que le DIL à la première personne ait longtemps été ignoré (alors que Bally 1914 :
406 en citait déjà, comme le remarque Cohn 1969 : 306) tient, selon Cohn, à sa faible
fréquence dans la littérature, qui elle-même s’explique par des facteurs narratologiques. Du
point de vue du contenu, le narrateur doit parler de son passé en ressentant une certaine
empathie pour la personne qu’il était alors, ce qui le conduit à mettre en lumière la
psychologie passée au travers des discours et des pensées. Or, la littérature a développé une
forme narrative, le journal intime, pour donner accès à la psychologie passée. De plus, Cohn
remarque que l’erlebte Rede à la première personne peut facilement suggérer un certain
pathétique (l’auteur cite l’exemple de Der Steppenwolf), car l’empathie se crée en relation
avec sa propre personne, et non pas, comme dans un roman hétérodiégétique, entre un
narrateur et un personnage. Il y a donc des conditions précises d’émergence du DIL et des
obstacles à son emploi dans le roman homodiégétique qui expliquent sa faible fréquence.
- 79 -
(88) Bei einem Haydnschen Duett waren mir plötzlich die Tränen gekommen, ich hatte den Schluß des
Konzertes nicht abgewartet, hatte auf das Wiedersehen mit der Sängerin verzichtet (oh, wieviel
strahlende Abende hatte ich einst nach solchen Konzerten mit den Künstlern hingebracht!),
hatte mich aus dem Münster hinweggeschlichen und in den nächtlichen Gassen müde gelaufen, wo da
und dort hinter den Fenstern der Restaurants Jazzkapellen die Melodien meines jetzigen Lebens
spielten. Oh, was für ein trübes Irrsal war aus meinem Leben geworden! (Hesse, Der
Steppenwolf : 174)
Parmi les genres de DR, le DIL est celui qui connaît le plus de restrictions d’emploi en
fonction des situations de discours. Il est un procédé qui apparaît de façon privilégiée dans la
littérature, mais non de façon exclusive. Il est employé dans la presse (pour l’erlebte Rede,
cf. Steube 1985 : 392 et Zifonun et al. 1997 : 1775 ; pour le DIL, cf. 9.2.4) et dans l’échange
oral (pour l’erlebte Rede, cf. Pérennec 1992 : 326 ; pour le discours indirect libre, cf. Vetters
1989 : 39ss ; Marnette 2002).
S. Marnette a montré la présence de discours indirect libre dans des corpus oraux. Il est vrai
que cette forme de DR n’est pas la plus utilisée : dans le corpus oral analysé par l’auteur
- corpus du GARS - le DIL représente 4 % des DR employés par les énonciateurs. Nous
citons l’extrait analysée par Marnette (en le raccourcissant légèrement) :
- le DIL est en gras
- le DD, en amont et en aval, est souligné
- le DI, en aval, est en gras et souligné
(89) (Le locuteur raconte comment s’est déroulée la visite de son logement)
+je suis rentré […] et j’ai commencé à me dire oh là là oh là là c’est tout petit comment je vais faire
c’est pas possible de vivre six mois là-dedans - - et puis euh de suite j’ai j’ai commencé à réfléchir je
me suis dit c’est très intéressant parce que si j’ai bien gardé euh l’orientation on est en plein sud - - et
comme le l-l’immeuble en face il ne faisait que trois étages et que nous on était au quatrième moi
j’étais plus haut que lui donc j’allais avoir le soleil toute la journée + ça c’était très très bien +
euh deuxième avan-tage c’est que c’était tout petit + donc pour nettoyer c’était plus facile pour
passer l’aspirateur il y avait la moquette par terre + pour passer l’aspirateur ben ça serait tout
petit ça serait euh vite fait - - et puis euh bon on m’avait dit qu’à Salamanque l’hiver il faisait
très très froid + je m’étais dit euh sept mètres carrés ça va être très facile à chauffer aussi ça va euh
chauffer rapidement bon le plafond était pas très haut ça de-fai- ça devait faire deux mètres à tout
casser + et + et bon je me disais ça va vite chauffer et donc rapidement je j’ai commencé à bien me
sentir […] (Marnette 2002 : 217)
- 80 -
gardant la fluidité de l’expression mais en introduisant la distinction entre le moment du récit
et le moment où l’énonciateur a formulé ces pensées.
Il nous faut remarquer que cette interprétation comme DIL peut être critiquée. On peut en
effet considérer que la pause (marquée par - - dans la transcription) ne suffit pas comme
marque d’indépendance et que les énoncés sont introduits par le segment « je me suis dit »
du DD précédent. Toutefois, Marnette explique que 28 % des DIL ne font pas suite à un DR.
Ces cas ne remettent donc pas en cause l’existence d’un DIL dans son corpus oral.
En allemand, le corpus oral de Günthner (1997) contient un énoncé qui atteste de la présence
d’erlebte Rede dans des situations de discours oral et dans un registre non soutenu.
(90) (Im folgenden Ausschnitt schildert Ina, wie ihre Großmutter eine Verwandte auf ihr behindertes Kind
angesprochen hatte, das die Verwandte damals - aus Geldmangel - nicht in eine Behindertenschule
schickte [„fortgetan hat, damit sie schreiben lernt“])
on no hot se no d’Großmutter hot no zu ihr gsa:
sie wollt doch des Kind forttue daß sie was lernt schreiben
(gepreßt, jammernd) des kann sie net
sie braucht des Geld
des kann sie net mache (Günthner 1997 : 17) 82
D’après nos critères, cette forme présente toutes les caractéristiques d’un erlebte Rede : d’un
point de vue énonciatif, la personne est transposée (« Ich kann das nicht > Sie kann das
nicht »). Le temps verbal est certes non transposé, mais comme nous l’avons montré
(1.4.3.4.3), la transposition du temps verbal n’est pas nécessaire. La non-transposition du
temps permet d’accroître l’immédiateté de la représentation et de renforcer la dramatisation
de la représentation au moment où un élément important de la narration intervient (la
référence aux ressources financières insuffisantes).
82
Les indications entre parenthèses sont de Günthner. Nous avons par ailleurs simplifié les conventions de
transcription de l’auteur.
83
Le fait que Günthner ne parle pas d’erlebte Rede peut s’expliquer par son métadiscours qui privilégie une
représentation sous forme d’un continuum plutôt qu’une description catégorielle (1997 : 15).
- 81 -
1.4.3.5 Les frontières du discours rapporté : le point de vue
La narratologie énonciative a forgé des outils pour appréhender des formes proches du
discours indirect libre à travers la notion de point de vue (Stanzel 2001 21-24 ; Rabatel 2001
et 2004b). Rabatel (2001 et 2004b) propose une définition de cette notion et une application
au champ du DR dont nous nous inspirerons. La notion de PDV telle qu’il l’entend a été
développée à partir de celle d’énonciateur de Ducrot et du modèle narratologique de Genette
(Rabatel 1998). Le point de vue (abrégé par PDV) est défini comme un contenu
propositionnel dont l’organisation des référents dénote une manière d’appréhender le monde
qui renseigne sur l’énonciateur qui prend en charge ce contenu.
Puisque le PDV introduit un énonciateur qui n’est pas relié à une énonciation, il y a un lien
entre le PDV et le discours indirect libre (Rabatel 2004b : 85) :
- tous les discours indirects libres se définissent comme contenant le PDV d’un autre
énonciateur que l’énonciateur premier ;
- toutefois, tous les PDV ne donnent pas naissance dans les textes à un discours
indirect libre ;
- enfin, certains PDV donnent naissance à des formes proches du discours rapporté et
qui sont un stade préliminaire au discours indirect libre, un « monologue intérieur
embryonnaire à la troisième personne, ou focalisation interne » (Rabatel 2004b : 84)
(cf. le continuum dans Rabatel 2004b).
Dans le PDV, la parole intérieure existe en tant que trace expressive […] d’un mouvement perceptif et
interprétatif qui ne s’extériorise pas par les marques traditionnelles de la parole et de la pensée […]
(Rabatel 2001 : 88)
Ces formes proches de l’erlebte Rede sont appelées en allemand « erlebte Wahrnehmung »
(Kurt 1999 : 505) ou « perspektivische Beschreibung » (Kullmann 1992a : 324ss). Nous
montrerons avec les exemples suivants la proximité entre le discours indirect libre et la
perception représentée avec PDV étranger (que nous abrégeons par représentation de PDV,
s’opposant à représentation de discours). Nous conclurons en annonçant les difficultés
- 82 -
traductologiques ignorées que renferment ces formes aux frontières du discours indirect
libre. Elles seront traitées dans les parties 5.2.1 et 8.2.
(91) Ce fut alors qu’elle prit sa main, et ils restèrent quelque temps les doigts entrelacés, - comme le
premier jour, aux comices ! Par un reste d’orgueil, il se débattait sous l’attendrissement. Mais,
s’affaissant contre sa poitrine, elle lui dit :
- Comment voulais-tu que je vécusse sans toi ? [...] (Flaubert, Madame Bovary : II-166)
(92) Les hommes continuèrent jusqu’en bas, à une place dans le gazon où la fosse était creusée. […]
Puis, quand les quatre cordes furent disposées, on poussa la bière dessus. Il la regarda descendre.
Elle descendait toujours.
Enfin on entendit un choc ; les cordes en grinçant remontèrent. (Flaubert, Madame Bovary : II-197)
Le discours indirect libre et la représentation de PDV sont de nature à se rejoindre dans les
textes. Dans l’extrait suivant, un discours indirect libre (a et b) précède un PDV (Kurt 1999 :
505) du père Rouault (c).
(93) Il songea qu’on s’était trompé de nom en écrivant. Il chercha la lettre dans sa poche, l’y sentit, mais il
n’osa pas l'ouvrir. Il en vint à supposer que c’était peut-être une farce, une vengeance de quelqu’un,
une fantaisie d’homme en goguette ; a) et, d’ailleurs, si elle était morte, on le saurait ? b) Mais non ! c)
La campagne n’avait rien d’extraordinaire : le ciel était bleu, les arbres se balançaient ; un
troupeau de moutons passa. Il aperçut le village ; on le vit accourant tout penché sur son cheval,
qu’il bâtonnait à grands coups, et dont les sangles dégouttelaient de sang. (Flaubert, Madame Bovary :
II-193)
Cas ambigus
Les représentations de PDV à l’imparfait, en donnant une représentation imperfective du
procès, peuvent générer de l’ambiguïté, comme l’illustre l’extrait suivant :
(94) L’un des chantres vint faire le tour de la nef pour quêter, et les gros sous, les uns après les autres,
sonnaient dans le plat d’argent.
- Dépêchez-vous donc ! Je souffre, moi ! s’écria Bovary, tout en lui jetant avec colère une pièce de
cinq francs. […]
On chantait, on s’agenouillait, on se relevait, cela n’en finissait pas !
Il se rappela qu’une fois, dans les premiers temps, ils avaient ensemble assisté à la messe, et ils
s’étaient mis de l’autre côté, à droite, contre le mur. La cloche recommença […]. (Flaubert, Madame
Bovary : II-195-196)
- 83 -
finissait pas ! » se rapproche du discours indirect libre, soit d’une représentation par
l’énonciateur-narrateur d’une pensée que l’énonciateur-personnage a formulée (« Cela n’en
finit pas ! » ou « Cela continue ! »). « Cela n’en finissait pas » peut également se lire comme
la traduction verbale par l’énonciateur-narrateur du sentiment d’exaspération de
l’énonciateur-personnage.
Dès 1975, Kuroda (cité par Plénat 1979 : 135), à partir de corpus de récits, posait la question
des frontières du discours intérieur et des niveaux de conscience du personnage que le
discours indirect libre est supposé représenter. Selon Kuroda, ce que désigne le discours
indirect libre doit être étendu à un ensemble plus vaste que la représentation du discours
exprimé et englober l’expression de points de vue dont le personnage n’a qu’une conscience
non-réfléchie 85.
84
Définissant le discours rapporté comme un champ de représentations constitué de divers « niveaux
d’appréhension des phénomènes », Rabatel plaide pour « l’appartenance des perceptions représentées au DR »
(2004b : 86). Nous trouvons une position similaire, en filigrane, dans Schanen et Confais (2005) et Zifonun et
al. (1997), qui élargissent le champ du DR au « discours non formulé » (Schanen et Confais 2005 : 163) et aux
« Einstellungen » et « Gefühlen » (Zifonun et al. 1997 : 1753).
85
Kullmann (1992a) souligne que la différence entre le discours indirect libre et la représentation de PDV reste
insuffisamment théorisée.
- 84 -
Perspective contrastive et traductologique
D’un point de vue contrastif, nous avons observé que la traduction du PDV représenté dans
les textes narratifs au passé comporte une difficulté qui remonte à l’organisation des temps
verbaux (cf. 5.2.1). La difficulté porte plus précisément sur les représentations de PDV
énoncés au passé simple dans le texte source et traduits dans le texte cible par un Präteritum.
Le passé simple est un temps qui donne une représentation fermée du procès. Le narrateur a
une vue dominante sur le procès et l’appréhende de l’extérieur des bornes données au procès.
Lorsque les représentations de PDV sont traduites au Präteritum, la lecture imperfective du
procès devient possible. Dans notre corpus, la présence de l’énonciateur premier se retrouve
atténuée et la lecture dans le texte cible d’un erlebte Rede devient la plus probable. Les
énoncés traduits franchissent une étape dans le continuum du DR, puisque le DIL
embryonnaire du texte source est un erlebte Rede dans le texte cible (cf. 8.2) 86.
Le modèle de Genette est, comme celui de Stanzel, tripartite. Il est basé sur les « trois
aspects de la réalité narrative » (1972 : 72) que sont l’histoire, le récit et la narration.
- L’histoire, également appelé diégèse, est « le signifié ou contenu narratif », les
événements dénotés ;
- le récit est « le signifiant, énoncé, discours ou texte narratif lui-même » ;
86
Le modèle narratologique circulaire de Stanzel (2001) (cf. 1.5.2 et 8.2) est particulièrement apte à rendre
compte de cette variation traductologique.
87
Ce terme fut proposé en 1969 par T. Todorov pour désigner l’analyse des récits au moyen de modèles
théoriques (Ducrot et Schaeffer 1995 : 234).
- 85 -
- la narration est « l’acte narratif producteur et, par extension, l’ensemble de la situation
réelle ou fictive dans laquelle il prend place », en d’autres termes l’énonciation du récit
(1972 : 72).
Le récit est le seul aspect directement appréhendable, et c’est à travers lui que sont
appréhendés et reconstruits l’histoire et la narration.
L’analyse des discours narratifs se fait autour de trois axes : le temps, le mode et la voix.
- Le temps est l’étude des relations temporelles entre le temps du récit et le temps de
l’histoire ;
- le mode désigne la régulation de l’information délivrée. Le mode découle, comme le
temps, de la mise en rapport des catégories de l’histoire et du récit ;
- quant à la catégorie de la voix, elle désigne « la façon dont se trouve impliquée dans le
récit la narration elle-même […], c’est-à-dire la situation ou instance narrative, et avec
elle ses deux protagonistes : le narrateur et son destinataire, réel ou virtuel » (1972 : 76).
Genette entend « instance narrative » dans le sens que lui donne la linguistique de
l’énonciation, « au sens où Benveniste parle ‘d’instance de discours’ » (1972 : 76). La
catégorie de la voix est à la fois déterminée par les rapports entre la narration et le récit
et par ceux entre la narration et l’histoire (1972 : 76).
le récit peut fournir au lecteur plus ou moins de détails, et de façon plus ou moins directe, et sembler
ainsi (pour reprendre une métaphore spatiale courante et commode, à condition de ne pas la prendre à
la lettre) se tenir à plus ou moins grande distance de ce qu’il raconte ; il peut aussi choisir de régler
l’information qu’il livre, non plus par cette sorte de filtrage uniforme, mais selon les capacités de
connaissance de telle ou telle partie prenante de l’histoire (personnage ou groupe de personnages),
dont il adoptera ou feindra d’adopter ce que l’on nomme couramment la ‘vision’ ou le ‘point de vue’,
semblant alors prendre à l’égard de l’histoire (pour continuer la métaphore spatiale) telle ou telle
perspective. ‘Distance’ et ‘perspective’ […] sont les deux modalités essentielles de cette régulation de
l’information narrative qu’est le mode, comme la vision que j’ai d’un tableau dépend, en précision, de
la distance qui m’en sépare, et en ampleur, de ma position par rapport à tel obstacle partiel qui lui fait
plus ou moins écran. (1972 : 183-184)
- 86 -
Dans la distance, Genette introduit une distinction qui dérive de la nature non-iconique du
langage. Selon la nature de l’objet narré, il différencie le récit d’événements du récit de
paroles. Dans le récit d’événements, « contrairement à la représentation dramatique, aucun
récit ne peut ‘montrer’ ou ‘imiter’ l’histoire qu’il raconte. » La mimesis ne peut être
qu’illusion de mimesis « pour cette raison unique et suffisante que la narration, orale ou
écrite, est un fait de langage, et que le langage signifie sans imiter » (1972 : 185). Dans le
récit de paroles, la question de la mimesis se pose différemment, puisque « la mimesis
verbale » est une « mimesis du verbe » (1972 : 186).
« Je dis à ma mère (ou : je pensai) : il faut absolument que j’épouse Albertine. » (1972 : 192)
C’est un discours « ‘imité’, c’est-à-dire fictivement rapporté, tel qu’il est censé avoir été
prononcé par le personnage » (1972 : 190). A l’autre pôle de la mimesis se situe le discours
« narrativisé, ou raconté », qui est « l’état le plus distant et en général [...] le plus
réducteur » (1972 : 191).
« J’informai ma mère de ma décision d’épouser Albertine ». S’il s’agissait non plus de ses paroles
mais de ses « pensées », l’énoncé pourrait être encore plus bref et plus proche de l’événement pur. « Je
décidai d’épouser Albertine ». (1972 : 191)
Le discours devient un acte, puisqu’il est « traité comme un événement parmi d’autres et
assumé comme tel par le narrateur lui-même » (1972 : 190).
- 87 -
Le discours transposé au style indirect
Une forme intermédiaire est représentée par le « discours transposé, au style indirect »
(1972 : 191), qui introduit plus de mimétisme par rapporté au discours narrativisé :
« Je dis à ma mère qu’il me fallait absolument épouser Albertine » (discours prononcé), « Je pensai
qu’il me fallait absolument épouser Albertine » (discours intérieur). » (1972 : 191-192)
l’effet mimétique est donc ici à son comble, ou plus exactement à sa limite : au point où l’extrême du
‘réalisme’ touche à l’irréalité pure. (ibid.)
- 88 -
1.5.2 Le modèle de Stanzel
Le poids de ces différents traits dans les textes donne naissance à des situations narratives
variées ; en fonction du trait dominant, Stanzel distingue trois situations typiques (« die
typischen Erzählsituationen », « ES ») que sont die Ich-ES, die auktoriale ES, die personale
ES (2001 : 16) :
- L’identité (catégorie de la personne) est dominante dans la Ich-ES : « erste Person ist
Romanfigur » (ibid.)
- La perspective externe (catégorie de la perspective) est le trait dominant de l’auktoriale
ES
- La présence d’un réflecteur (catégorie du mode) est le trait dominant de la personale ES
Mit der Opposition ‚Modus’ werden die zwei folgenden Erscheinungsweisen des Gattungsspezifikums
Mittelbarkeit theoretisch erfaßt: die thematisierte Mittelbarkeit des Erzählens und die verleugnete oder
verdrängte Mittelbarkeit, die beim Leser die Illusion der Unmittelbarkeit erzeugt. (2001 : 190) 89
88
Nous reprenons pour l’ensemble de la terminologie de Stanzel les traductions proposées dans Ducrot et
Schaeffer (1995 : 234ss).
89
La catégorie du mode est de nature différente des autres car elle repose sur la Mittelbarkeit.
- 89 -
Si le mode est assumé par un Erzähler, le discours produit contient les traces de sa position
de médiateur et le récit est de type auctorial. A l’inverse, si le mode est assumé par un
Reflektor, la représentation est de type scénique (szenische Darstellung) et l’illusion
d’immédiateté (die Illusion der Unmittelbarkeit) est plus grande.
Eine Reflektorfigur reflektiert, d.h. spiegelt Vorgänge der Außenwelt in ihrem Bewußtsein wider,
nimmt wahr, empfindet, registriert, aber immer stillschweigend, denn sie „erzählt“ nie, das heißt, sie
verbalisiert ihre Wahrnehmungen, Gedanken und Gefühle nicht, da sie sich in keiner
Kommunikationssituation befindet. Der Leser erhält, wie es scheint, unmittelbar, das heißt durch
direkte Einschau in das Bewußtsein der Reflektorfigur, Kenntnis von den Vorgängen und Reaktionen,
die im Bewußtsein der Reflektorfigur einen Niederschlag finden. (2001 : 194)
Le discours direct relève de la szenische Darstellung d’un Reflektor : le narrateur semble être
absent au profit du personnage dont les pensées et paroles sont livrées in actu. Dans cette
logique, le discours indirect est au contraire un discours auctorial d’un Erzähler.
L’autre catégorie qui rend compte du fonctionnement du discours rapporté est celle de la
Perspektive. Cette catégorie a trait aux questions de la perception et se subdivise en une
perspective interne et une perspective externe :
- interne Perspektive : « der Standpunkt, von dem aus die erzählte Welt wahrgenommen
oder dargestellt wird, [liegt] in der Hauptfigur oder im Zentrum des Geschehens »
(2001 : 150)
- externe Perspektive : « der Standpunkt, von dem aus die erzählte Welt wahrgenommen
oder dargestellt wird, [liegt] außerhalb der Hauptfigur oder an der Peripherie des
Geschehens » (2001 : 150)
Enfin, l’erlebte Rede apparaît comme une forme intermédiaire entre deux situations
narratives typiques dominées l’une par le trait de perspective, l’autre par le trait de mode :
- eine auktoriale ES, caractérisée par le trait de l’externe Perspektive.
- eine personale ES, caractérisée par la présence d’un Reflektor.
- 90 -
1.5.3 Bilan des deux modèles
Les deux tableaux suivants résument les modélisations différentes du discours rapporté. Le
premier tableau résume celle de Genette :
Le tableau suivant représente les catégories de Stanzel 90, les situations typiques sur
lesquelles les catégories débouchent (termes soulignés) ainsi que les genres de discours
rapporté qui s’y rattachent (termes en italiques) :
Les modèles de Genette et de Stanzel laissent apparaître quelques points communs, bien
qu’ils aient été développés indépendamment l’un de l’autre. Tous deux se réfèrent à
l’héritage antique (cf. 1.1.1) et traitent des catégories de discours rapporté les plus courantes
dans la littérature et la linguistique – Stanzel toutefois ne mentionne pas l’einführungslose
indirekte Rede. En outre, la catégorie de Stanzel de Perspektive est similaire à celle de la
90
Le modèle de Stanzel se prête peu à une représentation sous forme de tableau. L’auteur a préféré un cercle
divisé par trois axes formés par les trois situations prototypiques. Entre ces axes se dessinent des situations
intermédiaires, hybrides, résultat de la présence plus ou moins importante des traits narratifs.
- 91 -
focalisation genettienne, comme le remarque lui-même Stanzel dans les rééditions de son
ouvrage : à la focalisation interne de Genette correspond la perspective interne de Stanzel,
aux focalisations zéro et externe, la perspective externe (2001 : 153).
Les deux modélisations du discours rapporté sont néanmoins relativement éloignées, puisque
la catégorie de la focalisation, l’équivalent genettien de la Perspektive, ne joue aucun rôle
dans la description du discours rapporté chez Genette. De plus, la représentation de Genette
est sous-tendue par l’idée que les différentes formes de discours rapporté reflètent une
gradation de la distance, tandis que Stanzel fait appel à plusieurs concepts opératoires qu’il
utilise indépendamment ou simultanément pour décrire les réalisations du discours rapporté.
1.6 Le métadiscours
Arrivé au terme de notre première partie, nous souhaitons procéder à un retour critique sur
notre métadiscours, en 1.6.1 sur la terminologie, en 1.6.2 sur la représentation catégorielle du
discours rapporté.
1.6.1 La terminologie
En allemand, le terme de Redewiedergabe est le plus ancien et le plus utilisé (Lerch 1922 ;
Günther 1928 ; von Roncador 1988 ; Brünner 1991 ; Zifonun et al. 1997). Ce terme est
fréquemment concurrencé par Rededarstellung (Lerch 1922 ; Günther 1928 ; Scherner
1976 ; Zuschlag 2002) et Redeerwähnung. On rencontre plus rarement les termes de Referat
(Duden 2005), referierte Rede (Gather 1994), Zitat (Burger 2005), ou encore
Textwiedergabe (Engel 2004). En français également, le terme le plus courant est le plus
ancien, soit discours rapporté (Charlent 1996 ; Rosier 1999 ; Komur 2004 ; Delesse 2006). Il
a comme alternatives les termes de discours représenté (Rabatel et Lepoire 2005),
représentation des discours (Authier-Revuz 2004), discours reporté, discours relaté 91.
91
Notre énumération ne prétend pas à l’exhaustivité.
- 92 -
ce dernier n’est jamais cité à l’identique et renvoie toujours aux motivations du locuteur
citant ». Redewiedergabe et discours rapporté ont été critiqués, en outre, parce qu’ils
suggèrent que le discours rapporté consiste en une répétition de propos antérieurs. Les
propositions de renouvellement de la terminologie sont également motivées par la polysémie
de discours rapporté : ce terme désigne l’énoncé qui opère une représentation des discours
et, par métonymie, le contenu des énoncés.
Bien que nous situant dans une approche énonciative, nous avons repris le terme traditionnel
et courant de discours rapporté. Nous désignons par là :
- soit l’énoncé représentant un discours autre (et dans ce cas opposés à discours simple,
c’est-à-dire un discours sans métadiscours) ;
- soit le discours représenté, qui dans ce cas s’oppose au discours cadre.
Compte tenu de la polysémie du terme, nous avons choisi d’employer également le binôme
discours second / discours premier afin de désigner clairement chacune des deux situations
énonciatives. Discours premier désigne le discours cadre et discours second le discours
représenté.
Dans Engelen (1973 et 1974), le terme de « Primäräußerung » renvoie au discours qui est
représenté, le terme de « Erstsprecher » à l’énonciateur cité et celui de « Zweitsprecher » à
l’énonciateur citant. Ce que nous désignons pas discours premier et discours second est donc
l’inverse de ce à quoi réfère Engelen.
Les choix terminologiques auxquels nous avons procédé ainsi que ceux d’Engelen ont
chacun leur justification. La notion même de représentation de discours présuppose
logiquement l’antériorité du discours représenté sur le discours qui le représente, ceci quel
que soit le statut ontologique du discours représenté (passé, prospectif, virtuel, …). Le
discours représenté peut donc être considéré comme premier.
Pour notre part, nous désignons néanmoins le discours représenté par le terme de discours
second car celui-ci est un discours non autonome qui n’existe que dans un discours
d’accueil, lequel est en outre le premier à être réceptionné par l’allocuté (Gülich 1978 :
53ss). De plus, le terme de premier laisse facilement entendre que le discours représenté est,
du point du vue de la chronologie des actes de langage, toujours antérieur au discours qui le
représente. Enfin, adopter un ordre croissant en partant de la situation de discours actuelle
permet de désigner aisément les discours rapportés dans les discours rapportés, les mises en
abyme du discours rapporté (ibid.) :
- 93 -
(95) Ob Sie es glauben oder nicht, so der Engländer, so Reger zu mir, der gleiche Weißbärtige Mann von
Tintoretto, der in meinem Schlafzimmer in Wales hängt, hängt auch hier. (Bernhard, Alte Meister :
151)
Pour ces trois raisons, nous employons le terme de discours second pour désigner le discours
dont il est donné une représentation dans un discours premier.
Nous employons dans l’analyse des phénomènes de discours rapporté des catégories (direkte
Rede, discours indirect libre, …). Etant donné que la représentation métalangagière au
travers de catégories a été soumise à des critiques, il nous faut préciser l’emploi que nous
faisons des outils de description catégorielle.
(96) Die Mutter lenkt Erika daher auf einen Umweg und spiegelt die falsche Tatsache vor, daß wir heute
einen Umweg machen wegen des schönen Wetters. (Jelinek, Die Klavierspielerin : 34)
Deuxièmement, les réalisations du DR montrent qu’il existe des formes prototypiques et des
variantes. Un exemple est fourni par les formes indirectes sans introduction que sont le DIL,
l’ER et l’EIR. Elles acceptent des verbes introducteurs en incise ou postposition :
- 94 -
(97) An einem Zahne... Senator Buddenbrook war an einem Zahne gestorben, hieß es in der Stadt. Aber
zum Donnerwetter, daran starb man doch nicht! (Mann, Buddenbrooks, cité par Steinberg 1971 : 94)
Ces formes ne ramènent pas le discours rapporté à un DI. En effet, il n’est pas possible
d’obtenir à partir de ces énoncés des formes de DI avec verbe en préposition. L’énoncé
rapporté n’est donc pas une proposition dépendante.
La différence entre un DIL et un DIL avec verbe introducteur en incise ou en postposition est
uniquement textuelle et réside dans la détection du DIL : « Weder syntaktisch noch
äußerungslinguistisch besteht ein Unterschied zwischen DIL [...] und einem Inzisen-DIL »
(Gather 1994 : 234). Ces formes sont des formes intermédiaires, des « Grenz- und
Übergangsfälle » (Steinberg 1971 : 92-96) entre les discours indirects sans introduction et le
DI régi.
(98) Aber die Zeit drängt, sie geißelt ihn vorwärts; er eilt, sich sein Billett zu verschaffen und sieht sich im
Tumult der Halle nach dem hier stationierten Beamten der Hotelgesellschaft um. Der Mensch zeigt
sich und meldet, der große Koffer sei aufgegeben. Schon aufgegeben? Ja, bestens, - nach Como.
Nach Como? Und aus hastigem Hin und Her, aus zornigen Fragen und betretenen Antworten kommt
zutage, daß der Koffer [...] in völlig falsche Richtung geleitet wurde. (Mann, Der Tod in Venedig : 46-
47)
La forme elliptique des phrases, les marques d’interlocution (« ja ») sont des indices de
mode direct. Il est seulement possible d’affirmer que ces énoncés contiennent des traits du
mode direct, sans pouvoir préciser s’il relèvent du type du freie direkte Rede, de l’erlebte
Rede ou de l’einführungslose indirekte Rede.
92
Sur les premiers développements de ce concept dans les années 1970, voir von Roncador (1988 : 14-15).
- 95 -
« In dieser Sichtweise sind direkte und indirekte Rede keine fest voneinander abgegrenzte
Kategorien, sondern (relative) Grenzwerte, die durch Maxima bestimmter
Eigenschaftsskalen erfaßbar sind », explique von Roncador (1988 : 5). Le continuum
contient deux pôles, celui du direct et celui de l’indirect. Le direct reproduit les repérages
énonciatifs de la situation représentée, l’indirect les transpose. Le DD libre et le DI régi sont
respectivement les prototypes de l’indirect et du direct 93, « als Extrempunkte die
kanonischen Formen der direkten und der indirekten Rede » (von Roncador 1988 : 4). La
représentation sous forme de continuum est adoptée, pour l’allemand, par von Roncador
1988, Pérennec 1992 et Schmitt-Ackermann 1996, pour le français, par Rosier 1999, qui
reprend en partie Pérennec 1992) :
Die personelle Deixis [hat] eine Schlüsselrolle : Verschiebungen in diesem Bereich implizieren
Verschiebungen in anderen Bereichen. (von Roncador 1988 : 11)
La difficulté que rencontre la représentation sous forme de continuum est l’exhaustivité des
critères. Le continuum du DR allemand proposé par von Roncador (1988 : 5) prend en
compte exclusivement les critères énonciatifs 94. Il ne permet donc pas de représenter les
différences entre l’EIR et l’ER ou celles entre le DD libre et le DD introduit. Le continuum
le plus complet est proposé par Pérennec (1992 : 324). Le discours indirect maximal se
définit selon l’auteur par les traits suivants :
1) transposition des déictiques de personne
2) emploi du subjonctif 1 ou 2
3a) transposition des déictiques de temps
3b) transposition des déictiques de lieu
4) emploi impossible d’éléments subjectifs tels que les interjections, les particules de
discours, les appréciatifs
93
Le discours direct se caractérise par « das Vorliegen maximaler Referenzverschiebung » (von Roncador
1988 : 55).
94
Von Roncador fait appel à des critères pragmatiques, mais ceux-ci recouvrent en réalité les critères
énonciatifs du discours rapporté, comme l’a montré Gather (1994 : 123ss).
- 96 -
5) structure de dépendante à verbe final
6) présence d’un verbe introducteur de discours indirect, couplé avec dass ou ob et donc une
structure de dépendante à verbe final.
Les traits sont « hiérarchisés » : « généralement la suppression d’un trait suppose la
suppression des traits qui le précèdent sur la liste. » (1992 : 325).
Les limites qu’indique l’auteur lui-même résident dans le fait que le discours indirect à
l’indicatif n’est pas représenté. De plus, l’EIR avec une structure de dépendante à verbe final
n’apparaît pas dans ce schéma.
(99) Diesen gedachte man schon trotz seinem durch mehrere Zeugen gefestigten Alibi der Folter zu
unterziehen, als sich, am zehnten Tag nach geschehenem Mord, ein Mann der Stadtwache bei der
Magistratur meldete und den Richtern folgende Aussage machte: Am Mittag jenes Tages sei er,
Gabriel Tagliasco, Hauptmann der Wache, an der Porte du Cours wie gewöhnlich Dienst tuend, von
einem Individuum, auf welches, wie er jetzt wisse, die steckbriefliche Beschreibung ziemlich passe,
angesprochen und wiederholt und in dringlicher Weise nach dem Weg gefragt worden, auf welchem
der Zweite Konsul mit seiner Karawane am Morgen die Stadt verlassen habe. [...] (Süskind, Das
Parfum : 286)
Les mêmes marques dans le discours d’accueil peuvent induire des effets différents. Dans le
texte suivant, la ponctuation (les deux points) introduit un degré supplémentaire de
représentation directe par rapport à un DR qui n’aurait pas ces deux points.
(100) Was hatte er geantwortet? Er hatte sie gemustert und gesagt: Ja, die Arterien an den Schläfen seien
gefüllt, aber das schließe nicht aus, daß nicht genug Blut oder genug rote Blutkörperchen im Kopfe
seien... (Mann, Buddenbrooks, cité par Steinberg 1971 : 404)
En revanche, dans le texte suivant, la même ponctuation introduit une gradation vers le pôle
indirect :
(101) Es ist still, er setzt sich im Finstern auf sein Bett, er muß wieder ans Fenster gehen und
runtergucken: was haben die Brüder überhaupt bei mir im Haus verloren. (Döblin, Berlin
Alexanderplatz : 130)
- 97 -
sur le plan du discours. Elle évite, de plus, d’appréhender certaines formes au travers de la
notion de déviance.
Mais les apports de cette représentation ne font pas oublier qu’il s’agit d’une représentation
générale, qui peut être infléchie dans les textes. Il est vrai que l’ER donne un accès plus
direct au discours second que ne le fait un EIR, mais un ER peut étouffer la voix de
l’énonciateur second (comme ce fut le cas dans le discours de Jenninger, cf. 5.2.3), là où un
EIR aurait rendu plus attentif, en raison de son hybridité explicite, à la voix de l’énonciateur
second. De même, le DIL et l’ER sont très proches du pôle direct et donnent plus de place à
la voix de l’énonciateur cité qu’à celle de l’énonciateur rapporteur (Stanzel 2001 : 247). Il
n’en reste pas moins que l’usage montre que le DIL et l’ER servent aussi bien la
subjectivation que l’objectivation des discours (Günther 1928 : 87ss ; Kullmann 1992a :
323 ; Zuschlag 2002 : 187).
- 98 -
2 Le cadre contrastif et traductologique
La traduction désigne à la fois un acte (le traduire) et son résultat (le texte traduit). La
traductologie, comme champ disciplinaire, vise à théoriser cet acte et à en analyser le
résultat. La traduction, en tant qu’acte, consiste en une reformulation interlangagière, mais le
changement de code linguistique n’est pas un critère suffisant (Koller 2001 : 81-82), car il ne
permet par exemple pas de distinguer la traduction de l’adaptation, du résumé ou encore de
l’imitation. Par ailleurs, la traduction ne se réduit pas à la simple mise en œuvre de
compétences plurilingues (Koller 2001 ; Salevsky 2002 ; Lederer 2006) 95.
Le discours traduit a des conditions de production propres qui le distinguent des autres
discours :
1) le but de la traduction est la reproduction d’un texte source dans un texte cible. Une
traduction est donc un texte non autonome relié à un autre texte avec lequel il entretient une
relation asymétrique. Il n’existe qu’une relation d’implication entre ces textes (le texte cible
implique l’existence du texte source et lui équivaut), mais pas une relation d’équivalence
logique - le concept ici n’ayant pas le même sens qu’il a en traductologie - (le texte source
n’implique pas l’existence du texte cible et ne lui équivaut pas).
De plus, le texte traduit procède d’une interprétation du texte source par un traducteur, qui
95
Concernant les programmes de formation, Nord (2005) prévoit une réduction importante des enseignements
de langue dans les cursus des Diplom-Übersetzer et Diplom-Dolmetscher (on rencontrait également en RDA
l’hyperonyme de Diplom-Sprachmittler) au profit des enseignements spécifiques à la traduction et à
l’interprétariat.
- 99 -
n’est que rarement l’auteur du texte source.
2) l’existence d’un besoin ou d’un intérêt lié au texte source conditionne la réalisation
effective d’un texte cible.
3) l’intention communicative qui est contenue dans le texte source n’est pas nécessairement
la même que celle du texte cible. Etant donné que cette dernière n’est pas une intention
autonome, mais une intention d’utilisation d’un texte source (Textverwendungsintention,
Schmidt 1992 : 132), elle s’analyse dans sa relation systématique avec le texte source. Cette
relation est théorisée au travers du concept d’équivalence.
L’équivalence n’est pas un concept qui se situe au niveau de la langue, mais au niveau de la
parole. Elle n’est pas un concept de linguistique contrastive, puisque les langues sont
irréductibles l’une à l’autre, mais de traductologie 96. Ce sont les textes qui sont traduits et
qui rentrent dans une relation d’équivalence, donc le sens (Sinn) et les désignés
(Bezeichnungen) qu’ils incluent (dans l’acception de Coseriu, voir infra), et non les signifiés
(Bedeutungen). L’équivalence est la relation entre un texte source et un texte cible, une
relation complexe fondée sur des critères de nature et d’importance variées : « Lorsqu’un
traducteur produit un texte […], un ensemble de critères oriente sa traduction. Ces critères
[sont des] facteurs ou paramètres selon leur degré de précision et leur poids » (Larose 1992 :
XIX).
Texte source et texte cible sont unis par une relation d’équivalence qui est construite à partir
des éléments des deux textes sélectionnés par le traducteur (Albrecht 1990 : 74). La nature
relative de l’équivalence est également soulignée par Larose, pour qui l’équivalence se
96
L’équivalence est selon Jakobson la pierre de touche de toute théorie du langage, tant il est vrai que la
linguistique n’est construite qu’à partir de l’observation de langues dont elle vise à synthétiser les résultats.
97
Lederer (2006), en s’inspirant de la pratique de l’interprétariat, scinde le concept traditionnel de
l’équivalence en distinguant correspondance et équivalence.
- 100 -
définit en relation avec la finalité de la traduction (1992 : XVI) 98 :
Äquivalenz ist [...] ein relativer Begriff. [...] Es ist überflüssig zu betonen, daß „völlige Äquivalenz“
im Bereich der Übersetzung nicht zu erreichen sei, solange man nicht gleichzeitig angibt, in bezug auf
welche Faktoren, auf welches tertium comparationis die Äquivalenz angestrebt wird. Würde man
darunter stillschweigend „Invarianz aller beteiligten Faktoren“ verstehen, so könnte der Terminus
ohne Schaden durch „Gleichheit“ ersetzt werden. (Albrecht 1990 : 74)
La linguistique contrastive procède à une comparaison, entre deux ou plusieurs langues, d’un
élément de la langue, au sens saussurien, afin de déterminer les convergences et les
divergences interlangagières (Althaus et al. 1980 : 633 ; Fisiak 1980 : 1). L’objet de la
comparaison est le tertium comparationis 99.
98
Voir également Eco (2006 : 410-433).
99
Déterminer un tertium comparationis théoriquement supralangagier comporte une difficulté fondamentale à
laquelle Benveniste a rendu attentif. En examinant la description aristotélicienne du langage en termes de
catégories sémantico-logique, il en a révélé le caractère « égocentriste » (1966 : 73). La définition de ces
catégories était, en réalité, guidée par la grammaire de la langue grecque.
- 101 -
La linguistique contrastive se divise en trois domaines :
1) la génétique des langues
2) la typologie des langues
3) l’étaiement d’une linguistique appliquée : la didactique des langues, la linguistique de
contact, la traductologie.
2) La linguistique typologiste a pour but d’établir une typologie des langues sur la base
d’universaux de langage. Elle a formulé deux thèses principales, la thèse universaliste et la
thèse relativiste. La thèse universaliste postule l’identité des désignés à travers la différence
des langues, et avec elle l’existence d’universaux et la comparabilité. La thèse relativiste, ou
thèse de Sapir-Whorf, postule une forte interdépendance entre la pensée, la création du sens,
et la langue, et a pour conséquence de fragiliser l’universalité des notions linguistiques,
pouvant aller jusqu’à la remettre fondamentalement en cause. Selon cette thèse, l’expérience
du monde, différente selon les cultures, opère un découpage linguistique particulier qui en
retour conditionne les locuteurs d’une communauté linguistique et les amène à observer le
monde de façon particulière. Poussée à ses extrêmes, cette thèse qui affirme la spécificité
irréductible de chaque langue et l’existence de Weltanschauungen uniques priverait le
linguiste de tertium comparationis et réduirait, par conséquent, la traduction à une
approximation, puisque chaque communauté serait enfermée dans une situation d’autisme
linguistique.
Les critiques montrant les limites de la thèse relativiste ont d’une part rappelé que la pensée
n’est pas en corrélation stricte avec le sens lexical (Benveniste 1966 : 73-74 ; Jakobson
2003a : 81). On emploie ainsi le mot de Walfisch tout en sachant que la baleine n’est pas un
poisson. Les critiques ont également relativisé le postulat d’identité entre une communauté et
une langue, en rendant attentif aux multiples variations au sein d’une langue.
- 102 -
3) La troisième orientation de la linguistique contrastive, appliquée et descriptive, est celle
dans laquelle nous nous situons. Nous commencerons par apporter des précisions
terminologiques (qui concernent également la précédente orientation), puis nous donnerons
quelques repères historiques avant d’exposer quels sont ses objectifs.
Certaines propositions terminologiques visent à apporter une distinction entre deux types
d’approches. L. Zabrocki, du cercle de Leipzig, distinguait konfrontative Grammatik et
kontrastive Grammatik (Althaus et al. 1980 : 633 ; Fisiak 1980 : 1). Le terme de
konfrontative Grammatik recouvrait les analyses visant à dégager tant les similitudes que les
différences, celui de kontrastive Grammatik celles focalisées sur les différences. De même,
la linguistique comparée est selon Larose (1992 : 15) une démarche axée sur les similitudes,
tandis que la linguistique contrastive ciblerait les différences.
Bien qu’une telle distinction puisse être justifiée et utile, nous emploierons pour notre part le
terme de linguistique contrastive de façon globale pour désigner la recherche de faits
proches et différents.
100
Par exemple Zemb (1978-1984), Blumenthal (1997), Albrecht et Gauger (2001).
- 103 -
1970, des recherches textuelles, discursives, sociolinguistiques et pragmatiques se sont
développées, sans que pour autant les champs d’investigation premiers soient négligés
(Blumenthal 1997 ; Gréciano 2001). Naturellement, les développements et la maturation
d’un axe de recherche priment sur les recherches contrastives, comme le rappelle Spillner
avec l’exemple de la kontrastive Textlinguistik (2001 : 261) 101. Actuellement, les domaines
du texte, de l’énonciation et du discours restent à développer en linguistique contrastive
(Blumenthal 1997 ; Gréciano 2001 ; Spillner 2001).
L’extrait suivant est extrait d’un manuel du 18ème siècle d’apprentissage de la langue
française destiné aux Allemands. Adoptant une démarche contrastive avant la lettre, l’auteur
explique que la conscience des différences entre les langues doit guider les apprenants :
Les règles qui fixent la Langue Françoise à l’égard des François, ne suffisent pas aux Etrangers. […]
Les Etrangers, naturellement sujets à être séduits par leur Langue, ont besoin de plus de guides, surtout
ceux dont la Langue maternelle est l’Allemand, ou les autres Langues qui dérivent de celles-là ; car
l’usage de ces Langues s’éloigne plus du François, que l’Italien, ni l’Espagnol.
En exposant l’usage de la Langue Françoise, & marquant en quoi il est opposé à celui de la Langue
Allemande, je n’ai prétendu autre chose que de faire remarquer cette opposition. (E. Mauvillon,
Remarques sur les Germanismes. Ouvrage utile aux Allemands, aux François, et aux Hollandois, etc.,
Amsterdam, 1747, Préface, cité par Spillner 2001 : 258)
101
Le terme recouvre un domaine de recherches appelé en France linguistique textuelle contrastive ou
linguistique contrastive des discours.
102
Il s’agit de Io. E. Greiffenhahn, Wohleingerichtete Frantzösische Grammatica Literatorum, Wodurch ein
Teutscher, der den Studiis ergeben, ohne grosse Mühe und in kurtzer Zeit, zu einer gründlichen Wissenschaft
der überall beliebten Frantzösischen Sprache gelangen kan, Jena, 6e éd., 1749, Vorrede (cité par Spillner
2001 : 259).
- 104 -
L’ouvrage suivant du début du 20ème siècle (Lateinische Beispiele zur Einübung des verbum
infinitum und der oratio obliqua mit deutscher, englischer und französischer Übersetzung)
porte plus précisément sur la didactique du discours rapporté. Son fondement comparatiste, à
la différence des deux ouvrages précédemment cités, reste implicite et n’est pas justifié dans
le métadiscours de l’auteur.
(102)
Dixit non esse dubium, Er sagte, unzweifelhaft He said that there was no Il dit que les Helvetii
quin totius Galliae seien die Helvetier die doubt that the Helvetii étaient sans contredit les
plurimum Helvetii mächtigsten unter allen were the most powerful of plus puissants des
possent. gallischen Stämmen. the whole of Gaul. Gaulois.
Quid sibi vellet ? Cur in Was er denn eigentlich What does he desire ? Que voulait-il ? Pourquoi
suas possessiones wolle, warum er in seine why come he into his venait-il sur son
veniret ? Besitzungen käme ? domains ? territoire ?
(Zöllner 1908 : 18-19)
Bien que la traduction soit une activité fréquente et d’importance stratégique dans les
échanges humains, elle ne s’est que récemment constituée en discipline 103. « Il fallait
attendre jusqu’au milieu du 19ème siècle avant de voir naître les premiers véritables traités
linguistiques de la traduction dans lesquels la traduction n’est plus uniquement perçue
comme un art, mais aussi comme une discipline où l’on s’efforce de systématiser le
processus de l’opération traduisante », rappelle Larose (1992 : 9). Sa représentation
universitaire, ensuite, a été freinée par son caractère pluridisciplinaire 104. Snell-Hornby,
selon qui la traductologie est une « Interdisziplin » (1996 : 61), affirme que le retard est en
passe d’être comblé : « Auch wenn bei uns in Europa die Institutionalisierung der
103
A côté des termes de traductologie et d’Übersetzungswissenschaft, on rencontre ceux de translatologie ou
de Translationswissenschaft. Ce dernier terme, proposé par Otto Kade en 1968, présente l’avantage d’englober
la traduction et l’interprétariat (Snell-Hornby 1996 : 59).
104
Selon Snell-Hornby (1996 : 59), le premier ouvrage à avoir théorisé la place de la traductologie comme
pluridiscipline à l’université est The Name and Nature of Translation Studies de W. James Holmes, paru en
1972, qui bien que portant surtout sur la traduction littéraire, couvrait l’ensemble de la traductologie.
- 105 -
Translationswissenschaft nicht ohne Schwierigkeiten vor sich geht - weltweit erlebt sie [...]
einen beispiellosen Aufschwung » (1996 : 66) 105.
Avant la naissance de la traductologie, les écrits sur la traduction étaient l’œuvre d’hommes
de lettres, qui étaient quelquefois traducteurs. Ces écrits étaient des réflexions, plus souvent
pratiques que théoriques, ou des conseils fondés sur l’observation de traduction ou sur sa
propre pratique. L’activité séculaire de la traduction a également donné naissance à des
ouvrages à vocation didactique, qui se voulaient être des guides de traduction renseignant sur
les régularités ou les pierres d’achoppement de la traduction.
Plusieurs raisons ont, comme l’explique Berman, été un frein à la formation de cette
discipline. L’idée a notamment été formulée que « l’expérience de la traduction n’est pas
théorisable, ne doit et ne peut pas l’être ». Cette idée, dénonce Berman, est en réalité « une
négation du sens de l’acte de traduire : celui-ci, par définition, est une activité seconde et
réflexive. » (Berman 1984 : 300-301). Les raisons historiques qui ont dissocié la pratique de
la traduction de sa théorisation et modélisation sont d’ordre culturel et religieux (Berman
1984 ; Meschonnic 1999) :
1) En raison de sa forte relation historique avec les textes sacrés de plusieurs religions, la
traduction, « suspecte et finalement négative culturellement » (Berman 1984 : 298ss), fut
soustraite de l’analyse profane, dépréciée comme un mal nécessaire ou perçue comme un
acte de trahison.
2) La traduction a, dans l’histoire, beaucoup porté sur des textes littéraires 106. De là sont nées
deux tendances qui ont porté préjudice à la traductologie. Soit la traduction fut dévalorisée,
considérée comme une activité de second rang qui présentait une qualité moindre par rapport
au texte d’auteur, soit la traduction fut assimilée à la création littéraire et soustraite à une
analyse systématique, quelquefois sous l’influence des traducteurs eux-mêmes, tâchant
probablement de combattre leur réputation de simples copistes.
105
Le versant didactique de la traduction a fait son entrée à l’université avant que la traductologie n’y soit
enseignée comme discipline théorique et appliquée (Salevsky 1996 ; Bocquet 2006 : 24ss). La didactique de la
traduction se situait alors dans le prolongement de la didactique des langues, comme l’a montré Salevsky
(1996 : 18) avec l’exemple de l’université de Berlin, qui proposa, dès 1887, une formation d’interprètes.
106
Ce sont aujourd’hui les traductions techniques qui prédominent.
- 106 -
Dans l’armée des écrivains, nous autres traducteurs nous sommes la piétaille ; dans le personnel de
l’édition, nous sommes la doublure interchangeable, le besogneux presque anonyme. (Dominique
Aury, traductrice, citée par Mounin 1963 : VII)
En outre, la traduction littéraire était devenue l’aune à laquelle était mesurée toute théorie de
la traduction (cette tendance s’affaiblit de nos jours). Les questions de l’interprétation et de
la traduction des textes littéraires ont généré des positions insistant sur l’incommunicabilité
de la traduction, l’indétermination du sens ou l’omniprésence du traducteur. Les problèmes
de l’herméneutique littéraire ont envahi la traductologie, comme l’illustre la fortune du texte
de Walter Benjamin, Die Aufgabe des Übersetzers, un texte qui, selon les termes de Tatilon,
« souffle encore sa tempête sur les esprits d’aujourd’hui » : « Une traduction qui […]
communique ne saurait transmettre que la communication – donc quelque chose
d’inessentiel ». (Benjamin, cité par Tatilon 2003 : 110) 107.
Sans nier la spécificité de la traduction littéraire, nous souscrivons aux propos de Tatilon qui
souligne les dérives d’une théorie de la traduction entièrement nourrie des enjeux de la
traduction des textes littéraires :
On occulte le fait que, stricto sensu, la traduction est bel et bien une opération mimétique consistant à
transmettre, sinon un sens, du moins une information […] que le traducteur modifie peu ou prou
certes, et souvent à son insu, mais qu’il ne crée pas. Alors tout de suite, un fait évident, et pourtant
presque toujours passé sous silence : l’écrasante majorité des traductions effectuées aujourd’hui dans
le monde sont celles de textes utilitaires, au contenu objectif - traductions pour lesquelles la notion
d’équivalence, voire de fidélité garde indiscutablement toute sa pertinence. Cette évidence devrait
interdire d’extrapoler, de trop vite généraliser à partir d’expériences proprement littéraires. (2003 :
110)
De la même façon que la traduction littéraire est une branche de la traductologie (Salevsky
2002 : 383ss), l’analyse des textes littéraires est un domaine particulier de la linguistique
textuelle et du discours.
3) Une troisième raison qui explique la genèse tardive de la traductologie tient à la nature
même de la traduction. Toute traduction trouve un écho dans plusieurs champs
disciplinaires, car le genre du texte traduit rattache la problématique de la traduction au
champ du genre discursif concerné, comme l’expose Ladmiral : « […] il est communément
admis que c’est l’affaire des linguistes. En même temps, il n’est guère douteux que, dans
toute son ampleur, la traduction excède à vrai dire le cadre méthodologique où ce serait là
l’enfermer. Ainsi la traduction philosophique, par exemple, ça regarde les philosophes : à
107
« Dennoch könnte diejenige Übersetzung, welche vermitteln will, nichts vermitteln als die Mitteilung - also
Unwesentliches. » (Benjamin, Die Aufgabe des Übersetzers, cité par Störig 1963 : 182).
- 107 -
tout seigneur tout honneur ! » (2004 : 26-27). La traduction des œuvres littéraires, de la
même façon, rencontre les préoccupations de l’analyse littéraire, de l’histoire littéraire et de
la littérature comparée. Cette caractéristique a longtemps rendu la traductologie apatride.
Lorsque la traductologie s’est définie, dans les années 1960, comme un domaine de
recherche ayant un objet propre, elle s’est alors heurtée à la question de son affiliation. En
Allemagne comme en France, la traduction a été considérée à l’origine comme une branche
de la linguistique. Wilss (qui révisa par la suite sa position) voyait en elle une « neue
Teildisziplin des synchron-deskriptiven Sprachvergleichs » (1977 : 9). La traduction s’est
ensuite rapidement émancipée pour chercher son affiliation ailleurs. La traduction, pour
certains, devait relever du genre du discours traduit, auquel cas elle se divisait en deux
grands types, littéraire et technique (la littérature traitant de la traduction littéraire, la
linguistique de la traduction technique). Quelques écoles de traductologie littéraire allèrent
jusqu’à récuser tout lien avec la linguistique et la traductologie in statu nascendi s’assimila à
la création artistique (Mounin 1963 ; Albrecht 2001 : 6ss) 109.
108
« Discours sur la traduction, cette science humaine récente a pour vocation première d’observer et de décrire
la pratique traduisante dans toutes ses manifestations – des plus orthodoxes (celles dont l’intention avouée est
de conserver le texte de départ et d’en reconduire la finalité dans le texte traduit) aux plus déviantes (celles qui
détournent résolument le texte de départ de sa finalité d’origine pour se l’approprier, à des fins parodiques ou
politiques, féministes ou nationalistes) » (Tatilon 2003 : 109).
109
On pense à l’opposition entre G. Mounin (1963 : 13-14) et le traducteur E. Cary, ce dernier considérant la
traduction comme une création artistique, une opération sui generis échappant à toute systématisation.
- 108 -
L’incompatibilité supposée de la traductologie et de la linguistique s’est nourrie des facteurs
historiques que nous avons énumérés. D’une façon générale, il apparaissait à certains que la
linguistique contrastive ne considèrerait jamais la traductologie que comme un simple
« appendice prolongeant des considérations générales sur la non-coïncidence des découpages
du réel par les langues », pour reprendre les termes de Pergnier (2004 : 16) qui décrit la
mésentente entre linguistique et traductologie. De nos jours, notamment grâce à
l’élargissement qu’a connu la linguistique depuis la deuxième moitié du 20ème siècle, la
traductologie trouve sa place dans les sciences du langage, qui n’ignorent pas l’exigence de
pluridisciplinarité de la traduction. Ce qu’écrivait Berman en 1984 est aujourd’hui, du moins
de façon programmatique, un acquis : « la ‘révolution copernicienne’ des sciences du
langage doit permettre la ‘révolution copernicienne’ de la traduction, sans du tout en être
l’unique fondement, et sans que celle-ci devienne jamais une branche de la ‘linguistique
appliquée’. » (Berman 1984 : 304 ; cf. également Ladmiral 2004 : 27).
Ainsi, s’il est admis que « la traductologie, c’est-à-dire le champ de réflexion prenant la
traduction comme objet d’étude, est de nature éclectique en ce sens qu’elle puise à diverses
sources, notamment à la linguistique » (Larose 1992 : XV), la caractéristique
fondamentalement linguistique de toute opération traduisante légitime l’intégration de la
traduction au champ des sciences du langage.
2.4 L’interdisciplinarité
Les transformations qui s’offrent sont de deux espèces : celles qu’impose, sauf à soléciser, la langue
d’arrivée et celles qui ne se produisent que du chef même du traducteur. Celles qui sont obligatoires
donc et celles qui sont facultatives. Les premières sont d’ordre strictement linguistique et ne relèvent
pas, à proprement parler, de la traduction. Il est d’évidence que tout traducteur doit les connaître, mais
leur étude appartient à la ‘linguistique contrastive’, celle qui compare les structures des différents
idiomes. (Chevalier et Delport 2006 : 120-121)
- 109 -
fondements de cette démarche interdisciplinaire. Il nous faut tout d’abord (2.4.1) évoquer
deux types d’approches mêlant linguistique contrastive et traductologie dont nous nous
distinguons clairement. Le premier type d’approche est celui que développe la Stylistique
comparée et dont Pergnier remarque qu’elle est « à l’origine de nombreux malentendus
impliquant conjointement linguistes et traductologues » (2004 : 22). Le deuxième type
d’approche a été initié par M. Wandruszka. Après cette délimitation indirecte de notre
démarche, nous pourrons décrire en quoi consiste l’apport de la linguistique contrastive à la
traductologie (2.4.2).
La Stylistique comparée
110
La « Bibliothèque de Stylistique comparée » collection dirigée par Malblanc aux éditions Didier, a
également publié un ouvrage consacré à l’italien : Stylistique comparée du français et de l’italien, de P. Scavée
et P. Intravia (1979) (Larose 1992 : 12).
111
Le sous-titre de l’ouvrage de Malblanc s’intitule « Essai de représentation linguistique comparée et étude de
traduction ». L’ouvrage de Vinay et Darbelnet, dont le titre et sous-titre sont « Manuel de traduction (français et
anglais) – Traité pratique de Stylistique comparée », se présente davantage comme un ouvrage pratique.
- 110 -
Malblanc (1963 : 16) pose la spécificité irréductible de chaque langue, qu’il appréhende
comme le reflet de la psychologie des peuples. Ce faisant, il est réduit à considérer la
traduction comme une approximation. Malblanc, ainsi que Vinay et Darbelnet, se limitent de
plus à exposer certaines particularités jugées caractéristiques de chaque système. En outre, la
différence entre les langues est posée dès le départ alors qu’elle était censée découler de la
confrontation. Il s’agit donc d’une démarche faussement empirique, puisque les exemples
servent d’illustration (Keromnes 2000 : 20-24). En plus de la circularité de leur
démonstration, leur démarche vise à établir des équivalences uniques (malgré les
recommandations de Vinay et Darbelnet visant à prendre en compte chaque texte
particulier). On lit chez Vinay et Darbelnet : « Il est permis de supposer que si nous
connaissons mieux les méthodes qui gouvernent le passage d’une langue à l’autre, nous
arriverions dans un nombre toujours plus grand de cas à des solutions uniques » (cité par
Larose 1992 : 13). On a également regretté dans ces ouvrages la focalisation sur les
différences. La critique fondamentale reste l’absence de distinction rigoureuse entre la
langue et le discours, entre système et norme (Albrecht 1999 : 13).
Le mode d’approche de la Stylistique comparée ne contredit pas explicitement, mais masque une
réalité essentielle de la traduction, qui est que les correspondances ne sont jamais acquises d’avance, et
que chaque recherche passe par l’analyse du sens de ce segment au sein de ce texte particulier. Aussi
le livre a-t-il été versé par différents traductologues […] au compte de la « traduction linguistique »,
par quoi il faut entendre : opération de transfert d’unités de langue d’un système verbal à un autre dans
l’indifférence au « sens » des énoncés, qui constitue le véritable objet de l’opération traduisante. »
(Pergnier 2004 : 23)
Les critiques contre une traductologie linguiste s’appuyant sur la Stylistique comparée
perdent de leur validité dès lors que l’on observe de près quelle fut la démarche des auteurs.
Leurs ouvrages étaient, en outre, des guides de traduction qui contenaient des références à
certains travaux de linguistique, mais ne se voulaient pas être une théorie linguistique de la
traduction.
Au-delà des critiques qui peuvent être formulées, il reste la valeur pratique de ces ouvrages
empiriques (Larose 1992 : 22 ; Collombat 2003 ; Pergnier 2004 : 22). Ladmiral déclarait
encore en 1984 à propos de l’ouvrage de Vinay et Darbelnet qu’il était « l’un des meilleurs
manuels de traduction qui soient » (1984 : 19). De plus, il revient à ces auteurs d’avoir été
- 111 -
parmi les premiers à systématiser la pratique de la traduction, mis en lumière certaines
difficultés de traductions reposant sur des différences structurelles et à proposer des
classifications de procédés de traductions. Stolze conclut : « Sie haben den ersten
umfassenden Versuch unternommen, übersetzerisches Verhalten deskriptiv zu ordnen »
(2001 : 74).
La réussite d’une telle démarche est subordonnée à des précautions méthodologiques : il faut
réunir un corpus dans lequel chaque langue est la langue cible et la langue source, en raison
de la nature asymétrique de la traduction (1969 : 7). De plus, le corpus doit contenir
plusieurs traductions concurrentes afin d’examiner les paraphrases possibles 113.
112
Wandruszka se distancie nettement de la thèse relativiste. Il rappelle que « Das Wort ist nicht der Gedanke,
der sprachliche Ausdruck des Gedankens ist nicht der Gedanke selbst » (1969 : 8), et souligne l’aporie d’un
comparatisme philologique. La présence d’arbitraire dans les langues (notamment dû à l’aléa de certaines
évolutions diachroniques, observables par exemple dans les conjugaisons irrégulières ou les genres de noms)
est un élément qui infléchit l’idée d’une étroite corrélation entre l’identié du locuteur et sa langue. Toutefois, il
laisse une certaine place aux problématiques relativistes qui ne manquent pas de se poser : « Der Linguist
[erlebt] immer wieder die letzlich unübersetzbare Eigenart, ja Einzigartigkeit jeder Sprache. [...] Für ihn
beginnt hier erst das große Fragen. Was bedeutet die Verschiedenheit der Formen und Strukturen [...]? Spiegeln
sich darin die verschiedenen Welterfahrungen, Weltansichten, Weltanschauungen der Völker, die diese
Sprachen geschaffen haben? [...] Wie weit ist jede Sprache prägende und geprägte Weltanschauung? » (1969 :
9).
113
Les difficultés liées à la réalisation d’un tel corpus ont certainement alimenté les réserves avec lesquelles
furent accueillies ses propositions (Pöckl 2002).
- 112 -
première aide à prévoir, en amont, certains hiatus entre des langues et, en aval, à analyser les
traductions. Si les principes qui guident notre démarche sont inverses de ceux de
Wandruszka, notre analyse traductologique a néanmoins des retombées qui implicitement
éclairent les phénomènes énonciatifs de l’allemand et du français.
La critique suivante de Ladmiral vise les démarches qui feraient se confondre la nature et les
objectifs de la linguistique contrastive avec ceux de la traductologie :
D’un côté, on a affaire à une approche comparative qui correspond à un projet cognitif de description
linguistique de deux systèmes, dans une perspective synchronique […]. D’un autre côté : il y a la
traduction, qui est une pratique […]. En somme, ce sont deux choses tout à fait différentes, qui se
situent à deux niveaux ‘épistémiques’ distincts : et la conjonction qui articule le binôme de la
dichotomie dont il est question ne doit en aucun cas être lue (‘pragmatiquement’) comme une quasi-
copule établissant une relation de conséquence entre la linguistique contrastive et la traduction, la
seconde étant ‘déduite’ de la première, comme une ‘application’. (Ladmiral 2004 : 31-32)
S’agissant de la traduction […] l’accent mis sur la linguistique contrastive reviendrait à n’y voir qu’un
problème de langues – ce que n’est qu’accessoirement la traduction. On reconnaît ici toute une
tradition que ponctue un certain nombre de travaux qu’on pourra subsumer sous la catégorie de la
Stylistique comparée : […] Jean-Paul Vinay et Jean Darbelnet, mais aussi Jacqueline Guillemin-
Flescher, Michel Ballard, etc. (Ladmiral 2004 : 31-32)
Lederer (2006 : 37) rappelle à juste titre que « les langues, à condition qu’elles soient
maîtrisées par le traducteur, ne sont pas l’objet de la traduction ». La langue est le matériau
de la traduction et, pour cette raison, un de ses paramètres, ce qui amène Ladmiral à conclure
avec humour : « S’il est vrai que la traduction n’est pas qu’une affaire de linguistique, on ne
peut pas dire qu’elle n’est pas du tout l’affaire des linguistes » (2004 : 28). L’analyse
linguistique est donc intimement liée à la traduction, même si la traduction dépasse les visées
de la linguistique contrastive (Berman 1984 : 304).
Le discours rapporté est un phénomène métaénonciatif observable dans toutes les langues 114,
caractéristique du langage naturel, mais qui se réalise selon des modalités différentes
susceptibles d’être décrites par la linguistique contrastive :
114
D’après von Roncador (1988 : 27), le mode direct est le mode universel du DR, mais il existe en nombre très
limité des langues qui n’ont pas développé de mode indirect.
- 113 -
Utterances can be made the subject of other utterances. They can be criticized, questioned, commented
on, or simply be reported. Language can be used to refer to language. We can talk about talk. This is
true for all natural languages and is, indeed, a fundamental feature whose absence disqualifies any sign
system as a human language. However, there are different ways of reporting the speech of another.
(Coulmas 1986 : 2)
La langue est définie comme une activité comportant trois aspects, auxquels correspondent
autant de niveaux d’analyse (1994 : 9-10) :
- le niveau du langage, en tant qu’activité universelle ;
- le niveau de la langue, qui correspond à une technique de langage développée au cours
de l’histoire ;
- le niveau de la parole (appelé niveau du texte ou du discours), qui est l’utilisation par un
locuteur de la langue.
115
L’ouvrage de 2001 est une traduction française de plusieurs textes de Coseriu. Nous lui empruntons la
terminologie française.
- 114 -
A ces trois niveaux correspondent des contenus d’analyse différents : Bezeichnung (désigné),
Bedeutung (signifié) et Sinn (sens).
Die B e d e u t u n g ist der jeweils einzelsprachlich – und zwar ausschließlich durch die Einzelsprache
als solche – gegebene Inhalt. Die B e z e i c h n u n g hingegen ist der Bezug auf die aussersprachliche
‚Sache’, auf den aussersprachlichen ‚Sachverhalt’ oder ‚Tatbestand’, bzw. das aussersprachlich
Gemeinte selbst. Der S i n n ist der besondere Inhalt eines Textes oder einer Texteinheit [...] (1978 :
20-21).
A ces trois niveaux correspondent également trois types de linguistique : une linguistique du
langage, une linguistique des langues (qui a été la plus explorée), et une linguistique du
discours et du texte. Le tableau suivant résume le modèle de Coseriu :
Le même constat amène Pergnier à formuler ainsi les différentes prérogatives entre la
linguistique contrastive et la traductologie :
[…] la question principale est d’expliquer pourquoi les mots sont intransposables d’un système de
signes dans un autre (comme la linguistique le montre de manière irréfutable), et sont pourtant
- 115 -
traduisibles d’un système de signes dans un autre (comme la traductologie le montre de manière non
moins convaincante). (2004 : 23-24)
116
Mounin, dans un article intitulé « L’intraduisibilité comme notion statistique » (1964, cité par Larose 1992 :
72), évalue dans la traduction d’un texte hopi en anglais les « capitulations » de la traduction devant des
désignés inconnus à seulement 0,5 %, et invite donc à ne pas surévaluer la part de ces impossibilités de
traductions qui ne se laissent pas contourner dans la pratique.
- 116 -
La traduction est théoriquement impossible lorsque la fonction du signe à traduire
n’est pas réduite à la fonction désignative, en d’autres termes, lorsque le signifiant est
opacifié. Quatre cas sont distingués, dont le dernier concerne le discours direct :
L’emploi métalinguistique
En russe, <Я> est à la fois la dernière lettre de l’alphabet et le pronom personnel de
la première personne. Ainsi, lorsqu’on veut amener un enfant à ne pas abuser du
« moi je », on lui dit : « Я est la dernière lettre de l’alphabet ». La traduction doit,
pour préserver le sens, reproduire l’acte par un énoncé qui ne renvoie pas au même
désigné.
L’emploi poétique (‘malerische’ Verwendung)
Lorsque le signifiant est transformé en signifié, il est rare que la même
transformation soit possible dans la langue cible 117.
La polysémie intentionnelle
Etant donné qu’il est rare que la polysémie soit identique dans des langues
différentes, il est tout aussi rare que la traduction la traduise (par exemple dans un jeu
de mot).
L’emploi symptomatique
Si un énonciateur est caractérisé socialement et/ou géographiquement par son
discours, le signe linguistique est opacifié et renvoie à la langue. La traduction se
heurte à la difficulté de recréer dans le texte cible un DD qui renvoie à son
utilisateur, puisque le désigné manque dans la culture cible.
Le problème de traduction ne se pose pas uniquement en termes de variation, mais
plus précisément en termes de variation collective. La traduction d’un idiolecte, par
comparaison, ne doit conserver que la variation individuelle et ne pose donc pas de
problème particulier de traduction, comme l’illustre les exemples suivants :
(103) „[...] Und dann habe ich ja immer noch mehr Aussicht, mich wieder zu heiraten, als so manche
Andere, es zum ersten Male zu tun.“
„Zo?“ sagten die Cousinen einstimmig... Sie sagten „Zo“ mit einem Z, was sich desto spitziger und
ungläubiger ausnahm. (Mann, Buddenbrooks : 239)
- [...] Et puis, tu sais, j’ai toujours plus de chance de me remarier qu’une autre qui n’a jamais été
mariée.
- Fraiment ? disaient les cousines en chœur (elles prononçaient « vraiment » avec un f, ce qui avait
l’air plus pointu encore et plus incrédule). (Bianquis : 218)
117
Voir l’étude d’un texte de Kafka (Eine kleine Frau) et de ses traductions par Meschonnic ( « La femme
cachée dans les textes de Kafka », 1999 : 319-342).
- 117 -
(104) „[...] Du solltest täglich deinem Schöpfer auf den Knien dafür danken, ein solch gottbegnadigtes
Geschöpf zu sein ...!“
„... Begnadetes“, sagte Gerda und zeigte lachend ihre schönen, weißen, breiten Zähne. (Mann,
Buddenbrooks : 296)
- [...] Tu peux remercier le Seigneur chaque jour, à genoux, d’être une créature si grâciée…
- Comblée de grâces, rectifiait Gerda en riant de ses belles dents blanches et larges. (Bianquis : 266)
La traduction d’œuvres entièrement rédigées en dialecte est pour Salevsky (2002 : 185) « die
absolute Grenze » de la traduction. De même, Berman affirme avec force l’impossibilité de
traduire les dialectes. Sa position est sans appel, puisqu’il critique aussi bien l’effacement
des réseaux vernaculaires que leur exotisation, c’est-à-dire la substitution d’un « vernaculaire
étranger par un vernaculaire local […]. Une telle exotisation, qui rend l’étranger du dehors
par l’étranger du dedans, n’aboutit qu’à ridiculiser l’original. » ; « Malheureusement, le
vernaculaire ne peut être traduit dans un autre vernaculaire » (Berman, La traduction et la
lettre ou l’auberge du lointain. Les Tours de Babel, 1985, cité par Lane-Mercier 1995 : 177).
Une stratégie de compensation est néanmoins souvent développée par les traducteurs qui
consiste à rendre la variation diatopique par une équivalence diastratique et diaphasique
(Albrecht 2005a : 230-249) 118.
Au terme de cette analyse, nous retiendrons que les impossibilités théoriques de la traduction
reposent sur l’absence de désigné dans la langue cible ou sur l’opacification du signifiant
(dans les trois premiers cas, cette impossibilité est en réalité une improbabilité). Les
impossibilités théoriques ne sont pas pour autant des impossibilités de traduction. Elles
rappellent finalement que la traduction est une reformulation d’un texte dans un autre texte et
un autre système linguistique.
La traduction et l’équivalence se situent au niveau des textes, qui répondent aux normes de la
langue. La langue est le matériau signifiant dans lequel le texte cible est réalisé. Le texte,
118
Lane-Mercier (1995) a retraduit The Hamlet de Faulkner, une œuvre qui contient une variété vernaculaire de
l’anglais, celle des « country whites » du Mississippi. L’auteur plaide pour la traduction en un vernaculaire
rural québécois. Lane-Mercier se fonde sur la définition du DD comme étant une représentation
conventionnelle et sélective d’une réalité qui a son sens dans le système du texte. Elle récuse les positions
traductologiques de Berman qui affirme l’impossibilité générale de rendre compte d’un élément qui n’a de sens
que dans son système d’origine ; selon elle, cela correspond à nourrir la fausse idée du discours direct comme
d’une reproduction, alors qu’il est une convention dans un système d’écriture littéraire. L’argumentation de
Lane-Mercier repose sur le fait que l’invariant de la traduction doit être la relation discursive qu’entretient la
variété dialectale avec la norme standard.
- 118 -
entendu comme produit d’une énonciation, par exemple une œuvre littéraire, est un objet
singulier d’une énonciation qui a des particularités, des réseaux de sens propres qui, en
dernier ressort, déterminent l’équivalence 119.
La langue n’est toutefois pas la seule structure collective qui guide la réalisation du texte
cible. A la structure de la langue s’ajoute celle du discours. Nous entendons donc discours,
en allemand Diskurstradition (Wilhelm : 2001), dans le sens que lui donne Adam (2001a :
12 et 2004 : 40), se référant à Bakhtine :
Le locuteur reçoit donc, outre les formes prescriptives de la langue commune (les composantes et les
structures grammaticales), les formes non moins prescriptives pour lui de l’énoncé, c’est-à-dire les
genres du discours - pour une intelligence réciproque entre locuteurs ces derniers sont aussi
indispensables que les formes de langue. Les genres du discours, comparés aux formes de langue, sont
beaucoup plus changeantes, souples, mais, pour l’individu parlant, ils n’en ont pas moins une valeur
normative : ils lui sont donnés, ce n’est pas lui qui les crée. C’est pourquoi l’énoncé […] ne saurait
être considéré comme une combinaison absolument libre des formes de langue. (Bakhtine, Esthétique
de la création verbale, cité par Adam 2001a : 12)
L’analyse contrastive, dans la section II, représentera la première étape de notre analyse. Elle
se place au niveau de la langue et du discours. La section III est une étude de corpus et
permet donc d’examiner le paramètre du texte. Notre objectif étant d’apporter une
contribution à la traductologie du DR, il nous faut maintenant préciser ses contours, à partir
de Albrecht (1999) et Ladmiral (2004).
119
Cette définition du texte reprend celle de Coseriu et diffère de celle proposée par J.-M. Adam (2004),
puisque Adam le définit comme une macro-structure supra-individuelle d’agencement des énoncés qui se
décline selon 5 types : narratif, descriptif, argumentatif, explicatif, dialogal. Le texte est donc pour Adam
indissociable d’une notion de grille de progression. Nous conservons le terme de texte dans le sens que nous
venons de décrire pour désigner le produit singulier d’une énonciation et parlons de progression textuelle
lorsque nous empruntons les modèles de Adam (en 7.2.3).
- 119 -
3) die Übersetzungskritik est une orientation qui mêle les deux précédentes : étude d’une
traduction réalisée, elle fournit en même temps les éléments pour une retraduction 120. Cette
catégorie rejoint la notion de critique des traductions développée par A Berman (1995), qui
désigne l’analyse d’une traduction et la reconstitution de l’arrière-plan littéraire, la définition
de l’objectif du traducteur, la description de la portée dans la culture et littérature cible et, le
cas échéant, l’ébauche d’une nouvelle traduction.
a) une traductologie normative ou prescriptive - qui serait pour moi la traductologie « d’avant-hier »,
où je range l’ensemble des considérations « prélinguistiques » touchant la traduction
b) une traductologie descriptive - d’obédience linguistique, qui serait pour moi déjà la traductologie
d’« hier ».
c) une traductologie scientifique ou inductive - qui relèverait des sciences cognitives, mais qui n’est
encore que la traductologie de « demain » et même, me semble-t-il, d’« après-demain » ; et enfin
d) une traductologie productive - qui, à mes yeux, est la traductologie d’« aujourd’hui », et qui est
celle pour laquelle je plaide. (2004 : 34)
Ladmiral place les traductologies prescriptive et inductive aux deux pôles de la traductologie
et voit dans les traductologies descriptive et productive celles qui caractérisent la recherche
actuelle. Selon Ladmiral, la traductologie descriptive adopte une démarche qui est de nature
trop restrictive, puisqu’elle a une base contrastive, et ne s’oriente pas vers les besoins réels
de la traduction. La traductologie descriptive reçoit la description suivante :
Ainsi ceux que j’appelle les contrastivistes vont-ils s’attacher à comparer le texte-source ou texte de
départ (T0) et le texte-cible ou texte d’arrivée (Tt), analysant les identités et les différences […] et
imputant ces dernières aux langues elles-mêmes, alors que les deux choses se jouent au niveau de la
parole, du discours. […] Dans cette perspective, la traduction s’entend au sens statique du résultat de
l’activité traduisante (texte-cible) : ce que j’ai proposé d’appeler ‘un *traduit’, comme on dit un
produit, par opposition à ce qui serait ‘le traduire’. (2004 : 33-34)
Au lieu de travailler à une description linguistique, on s’engagera dans la démarche réflexive d’une
‘traductologie productive’, qui s’attachera à induire de la pratique ce que j’ai appelé des ‘théorèmes
pour la traduction’ […], au lieu de s’en tenir à une linguistique de l’énoncé, qui n’a que trop tendance
à poser les problèmes de la traduction en termes de langue. (2004 : 35)
120
Les traductions de Vialatte de l’œuvre de Kafka ont, au 20ème siècle, nourri la plus abondante critique des
traductions d’une œuvre de langue allemande. « Le scandale culturel et poétique est dans la situation qui
protège juridiquement une traduction comme si elle était une écriture. Alors qu’elle est une désécriture. Effet
du sociologisme des traducteurs. […] C’est rendre hommage à son rôle que de le constater maintenant fini, et
nuisible », déclare Meschonnic (1999 : 322).
- 120 -
Ces propos reflètent le malaise persistant entre traductologues (théoriciens et praticiens) et
linguistes. Ils prennent surtout en compte la finalité didactique de la traductologie, mais
négligent, selon nous, le versant critique de la traductologie, à savoir l’analyse de la
réception d’un texte au travers de son texte cible. D’autre part, les affirmations de Ladmiral
sous-estiment la valeur prospective de la linguistique contrastive, qui ne fournit pas
seulement des outils d’évaluation, comme l’affirme Ladmiral (2004 : 35-36), mais aussi des
moyens d’anticipation (Gallagher 2003).
2.5 Conclusion
La langue, le niveau des signifiés, n’est pas le seul composant de la traduction, pas plus qu’il
n’est le seul composant de la communication. En conséquence, la linguistique contrastive ne
peut fournir à la traductologie tous les outils dont elle a besoin. Elle n’en révèle pas moins
que certaines variations de traductions sont imputables uniquement aux structures
langagières en présence, et que certaines difficultés ne trouvent leur réponses que dans les
différences des langues (Albrecht 2005a ; Pergnier 2004).
Nous situons notre travail dans une traductologie descriptive et prospective, au sens donné
par Albrecht (1999) et Ladmiral (2004), avec les réserves que nous avons formulées envers
Ladmiral (2004). Le but de notre recherche est de fournir un appareil d’analyse des textes
traduits, à travers l’étude des possibilités et des limites de la traduction du discours rapporté.
- 121 -
Il résulte des comparaisons des objectifs de la linguistique contrastive et de la traductologie
que la linguistique contrastive fournit un cadre explicatif à la traduction. La linguistique
contrastive, qui reconstruit le niveau des signifiés, est dans une relation double avec la
traduction : elle aide à prévoir les points où la production traductologique fera face à des
difficultés ; d’autre part, elle est convoquée pour l’évaluation des traductions, des produits,
afin d’en extraire et d’en analyser les composantes. Le recours à la linguistique contrastive
apporte des éléments pour expliquer si les variations ou le recours à d’autres procédés que la
traduction stricto sensu (emprunts, commentaires, non-traduction, …) sont nécessaires ou
non.
- 122 -
Section II : Analyse contrastive
Cette section a pour but de dresser un tableau contrastif global du discours rapporté en
allemand et en français. La première section a fourni la description des divers éléments qui
constituent le continuum de la représentation du discours. L’objectif est ici d’établir quelles
sont les combinaisons de traits énonciatifs que propose chaque langue au travers des genres
de DR qu’elle a formés. L’analyse contrastive se compose de trois parties successives : les
séquences introductrices, le mode direct et le mode indirect.
Les formes directes de l’allemand et du français (chapitre 4) reposent sur des bases
énonciatives similaires et véhiculent des valeurs discursives communes. Les formes
indirectes (chapitre 5), en revanche, présentent beaucoup de différences. En 5.1, nous
traiterons de l’indirekte Rede et du discours indirect et montrerons que les points de
variations entre l’allemand et le français portent sur la problématique de la présence de
l’énonciateur second. Quant aux discours non introduits, la première observation est celle
d’une dissymétrie, l’allemand disposant de l’einführungslose indirekte Rede et de l’erlebte
Rede, le français du discours indirect libre. Nous procéderons en 5.2 à la comparaison entre
les deux discours indirects interprétatifs, l’ER et le DIL. Nous poursuivrons en 5.3 avec
l’analyse de l’EIR. Nous chercherons d’abord en 5.3.1 les similitudes entre l’einführungslose
indirekte Rede et les genres du français, pour nous interroger en 5.3.2 sur la proximité avec
le discours indirect français elliptique et en 5.3.3 sur celle avec le conditionnel d’altérité
énonciative.
- 123 -
3 Les séquences introductrices
Nous avons observé un des pôles sémantiques des introductions 121, celui des verbes décrits
comme des verbes « neutres », qui ne contiennent qu’un nombre de traits sémantiques réduit,
voire minimal ; minimisant l’interprétation que livre l’énonciateur rapporteur, ils sont à
interpréter comme le signe d’un effacement énonciatif. Il est apparu que d’autres éléments
que les verbes introducteurs ont également cette caractéristique d’effacement énonciatif : so
+ énonciateur est également un outil par lequel l’énonciateur premier minimise les marques
qui renvoient à lui comme source d’interprétation du DR. Sur le plan syntaxique, il apparaît
que le type d’intégration permet de faire moduler la présence de l’énonciateur premier. La
linéarisation de l’énoncé différente en l’allemand et en français amène différentes variations
énonciatives.
121
Les études contrastives réalisées sur les séquences introductrices dont nous avons connaissance sont celles
de Sabban (1978), analysant les différences distributionnelles de quelques verbes introducteurs allemands et
français et celles de Dupuy-Engelhardt (1993). Toutefois, les travaux de cet auteur sont au départ une étude
confrontative du champ lexical de l’acoustique en allemand et en français (Voir Dupuy-Engelhardt : La saisie
de l’audible. Etude lexématique de l’allemand. Tübingen : Narr, 1990) et ne traitent pas spécifiquement de la
représentation du discours. Cette lexicologie contrastive révèle une pléthore de verbes introducteurs
acoustiques pour l’allemand et une proportion nettement moindre de verbes introducteurs acoustiques en
français.
- 124 -
Le discours rapporté se définit comme la mise en relation de deux énonciateurs et de leurs
situations d’énonciation. Les relations entre les deux énonciateurs sont variables et
s’analysent par le biais du rapport entre les marques énonciatives - ou subjectivèmes dans la
terminologie de Kerbrat-Orecchioni (2002) - imputables à l’énonciateur premier et celles
imputables à l’énonciateur second. Nous empruntons à Rabatel (2004a) les notions de
désinscription énonciative, aussi appelée effacement énonciatif, et conjointement celles
d’inscription énonciative pour désigner le phénomène graduel qui « ne se limite pas aux
marqueurs personnels et spatio-temporels, mais [qui] intègre toute forme de référence dont
l’interprétation n’est plus opérée en fonction des données situationnelles » (2004a : 8).
L’examen de l’inscription énonciative des énonciateurs n’est qu’une première étape dans
l’analyse des valeurs discursives. Cette analyse des rapports énonciatifs permet ensuite,
selon le type de contexte, de déduire quel est l’effet pragmatique visé. D’après Rabatel, « les
effets pragmatiques qui découlent de l’effacement énonciatif dans les discours citants et
cités » créent « trois postures qui entrent en jeu dans la construction interactionnelle des
points de vue [...] :
- 125 -
- la coénonciation correspond à la coproduction d’un point de vue commun et partagé.
[...] Les phénomènes d’accord sur un PDV étant fragiles, limités, la coénonciation
s’avère une forme sinon idéale de coopération, du moins très instable, fugace, vite
remplacée par la sur- ou sous-énonciation [...] ;
- la surénonciation est définie comme l’expression interactionnelle d’un point de vue
surplombant dont le caractère dominant est reconnu par les autres énonciateurs ;
- la sousénonciation renvoie à l’expression interactionnelle d’un point de vue dominé,
au profit d’un surénonciateur. » (Rabatel 2004a : 9-10)
Dans notre recherche, nous nous concentrons sur les paramètres de l’effacement énonciatif et
n’envisageons pas systématiquement la conséquence pragmatique en termes de sur- ou
sousénonciation. Notre objectif est d’analyser les changements dans le rapport de forces
énonciatives que provoque la traduction, et d’en chercher les causes. Nous concentrons notre
étude de l’effacement énonciatif autour des séquences introductrices car elles sont un endroit
stratégique où se rencontrent les voix.
Sur le plan lexical, nous avons relevé deux éléments de nature différente qui réalisent un
effacement énonciatif : les verbes au sémantisme « primaire » et l’introducteur so. Les
verbes que nous appelons « primaires » ne font que signaler l’acte locutoire, sans le
caractériser. Ce sont sagen, machen, dire et faire et, sous un angle perceptif, hören et
entendre. L’effacement énonciatif permis par les verbes primaires est encore plus marqué
avec les syntagmes introducteurs de type so : en effet, nul verbe ne caractérise le DR, nulle
interprétation ne semble avoir été opérée par l’énonciateur premier. So + énonciateur livre
une image d’une énonciation source réduite à son contenu propositionnel et occulte les
- 126 -
caractéristiques de la situation de discours :
(105) Gerade die Geschwindigkeit, „die Beschleunigung des Prozesses der kreativen Zerstörung ist das
Neue am marktwirtschaftlichen Kapitalismus von heute“, analysiert der amerikanische Ökonom
Edward Luttwak, der dafür den Begriff des „Turbo-Kapitalismus“ prägte. Das „horrende Tempo der
Veränderung“, so der gebürtige Rumäne, [...] wird zum „Trauma für einen Großteil der
Bevölkerung“. (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 250)
La différence entre dire et faire d’une part, sagen et machen d’autre part, est sémantique,
syntaxique et distributionnelle. Faire est un verbe introducteur qui indique que l’objet est le
résultat du procès ; sans caractériser l’acte accompli (Sabban 1978 : 37) et sans comporter de
trait du dire, il introduit un discours rapporté en présentant l’énoncé comme le produit d’un
acte, comme le relève Gather (1994 : 201) : « der Äußerungsakt [wird] unter dem Aspekt der
Handlung fokussiert ». D’après Gather (1994 :198-199), en outre, le français n’est pas la
122
Outre les verbes d’introduction primaires et l’introducteur averbal so, un autre moyen d’opérer sur la
présence de l’énonciateur rapporteur consiste à lui substituer un sujet impersonnel, comme dans l’énoncé
suivant : Als er dies alles in größter Eile überlegte, ohne sich entschließen zu können, das Bett zu verlassen -
gerade schlug der Wecker drei Viertel sieben -, klopfte es vorsichtig an die Tür am Kopfende seines Bettes.
„Gregor“, rief es - es war die Mutter -, „es ist drei Viertel sieben. Wolltest du nicht wegfahren?“ (Kafka, Die
Verwandlung : 22) L’effacement énonciatif est double : l’identité de l’énonciateur cité est tue et, dans un même
mouvement, la présence de l’énonciateur rapporteur est réduite. Dans le cadre de la fiction narrative, cela
augmente l’illusion de fidélité du discours direct en créant une focalisation interne.
- 127 -
seule langue romane à employer le verbe [faire] comme verbe introducteur : cet usage se
rencontre en italien, catalan, portugais, provencal, roumain, et seul l’espagnol fait exception.
(106) « Si ce n’est pas pitoyable ! » fit le socialiste, en haussant de dégoût les épaules. (Flaubert,
L’éducation sentimentale : 139)
Faire ne peut pas introduire de DI. Selon l’analyse de Sabban (1978 : 38), l’absence de trait
d’émission en est la cause. Le DD, à la différence du DI, contient des indicateurs de discours
qui rendent non nécessaire la présence d’un trait émissif et son introduction par faire
possible. Ces indicateurs sont d’après Sabban phonologiques, syntaxiques et graphiques ;
nous ajoutons à cette liste d’indicateurs facultatifs un indicateur fondamental, à savoir la
disjonction énonciative, absente par définition du mode indirect.
Concernant la différence distributionnelle avec dire, nous reprenons l’observation formulée
par Gather. Ce verbe connaît non pas des restrictions d’emploi, mais des préférences. Faire
s’emploie de manière privilégiée avec des DD et en incise ou postposition ; les énoncés sont
surtout des interjections, des vocatifs, des exclamatives, des phrases incomplètes, des
énoncés marqués affectivement. Concernant le genre de discours, Gülich (1978 : 90) relève
qu’il n’apparaît pas dans les textes de presse, mais seulement dans les textes littéraires.
Machen attire également l’attention sur l’acte de discours, mais à la différence de faire ne se
rencontre dans un usage standard que s’il introduit des onomatopées ou des interjections
(Michel 1966 : 219 ; Sabban 1978 : 37), comme dans les exemples suivants :
(107) „Hm“, machte er, wandte sich grußlos ab und verschwand im Kassenraum (Arjouni, Ein Freund : 10)
(108) „Scht! Scht!“, machten die andern Dirnen. (Storm, Der Schimmelreiter : 131)
Dans la terminologie d’Austin (voir 1.4.3.2), faire, peut introduire aussi bien des actes
phonétiques que des actes phatiques, tandis que machen n’introduit que des actes
phonétiques. La comparaison entre faire et machen révèle que machen est d’un emploi
beaucoup plus limité que faire, ce dernier apparaissant alors comme une « romanische
Eigentümlichkeit » (Maingueneau 2000 : 112 ; voir aussi Gülich 1978 : 89).
En plus de ces quatre verbes introducteurs primaires que sont sagen, dire, faire, machen, il
existe dans un registre archaïque les verbes sprechen et parler. Employés dans des textes
non archaïques, ils revêtent alors une connotation solennelle (exemples suivants de Der
Schimmelreiter et de Buddenbrooks), éventuellement accompagnée d’une nuance d’ironie
- 128 -
(exemple suivant tiré de Die Klavierspielerin), et comportent dans ces cas une marque
d’interprétation et d’appréciation de la part de l’énonciateur rapporteur qui n’en font plus des
introducteurs primaires.
(110) Mit einem letzten, sehr langen Schritte trat er heran, indem er mit dem Oberkörper einen Halbkreis
beschrieb und sich auf diese Weise vor Allen verbeugte.
„Ich störe, ich trete in einen Familienkreis“, sprach er mit weicher Stimme und feiner Zurückhaltung.
„Man hat gute Bücher zur Hand genommen, man plaudert... Ich muß um Verzeihung bitten!“ (Mann,
Buddenbrooks : 93)
(111) Ich habe das Gefühl, daß Sie Ihren Körper verachten, nur die Kunst gelten lassen, Frau Professor.
Spricht Klemmer. (Jelinek, Die Klavierspielerin : 69)
Outre les verbes neutres d’émission et de perception qui introduisent le discours sans le
caractériser, l’allemand dispose des verbes lauten et heißen, appelés par Marschall (2001 :
599) « verbes d’identification ». Ni émissifs ni perceptifs, ils spécifient le « libellé de la
matière langagière » du discours (Angabe des Wortlauts , Marschall 2001 : 599). Lauten
désigne le libellé d’un texte, produit d’une énonciation. Il implique nécessairement le
Wortlaut exact. Heißen désigne le libellé d’une énonciation, sans nécessairement le faire de
manière littérale (Marschall 1995 : 362). Pragmatiquement, l’emploi de heißen, accompagné
du sujet impersonnel es, marque un effacement énonciatif de l’énonciateur rapporteur. Es
heißt est une introduction qui permet de ne pas nommer la source et de ne pas caractériser la
valeur communicative (In dem Vertrag heißt es ausdrücklich, dass ... ; Damals hieß es, der
Krieg würde nicht lange dauern). L’énonciateur rapporteur semble s’effacer derrière le
discours qu’il cite, en DD comme en DI. Les intentions de l’énonciateur rapporteur, fictives
comme réelles, varient selon les situations de discours (neutralité, absence de répétition de
l’identité de l’énonciateur second, ignorance de son identité, …).
- 129 -
3.3 L’introducteur averbal so
3.3.1 Caractéristiques de so N
So + énonciateur introduit un énonciateur soit nouveau, soit déjà cité dans le texte (cette
deuxième possibilité n’apparaissait pas dans le corpus de Behr 2002 : 172), et apparaît aussi
bien en DI qu’en DD.
(112) [Horgan] hörte den Jeep. Doch niemand erschien; Dalla Rosa, Butterworth und Pacquin gingen sofort
in die Kammern. [...] Aber weshalb legte sich Butterworth hin? Notierte er wieder? Er schreibe wohl
an einem Brief-Roman, so McEllis. Horgan bezweifelte das. (Kirchhoff, Infanta : 222)
(113) Sogar der Wiener Erzbischof Christoph Schönborn [...] mischte sich in die Debatte ein. „Wenn zwei
der weltgrößten Chemiekonzerne fusionieren“, so Schönborn, „obwohl es beiden wirtschaftlich
bestens geht, und dabei 15000 Arbeitsplätze ‘freisetzen’, so ist das nicht ein Sachzwang, den der
allmächtige Gott ‘Freier Markt’ dekretiert hätte [...].“ (Martin et Schumann, Die Globalisierungsfalle :
180)
(114)
1 R : und er so : (R looks to left, right, left, but not at A or T) joa und ich wollt mal gucken ob
2 R : ihr probleme habt und .hh
3 R (S shrugs shoulders) weil ihr seid hier langsam gefahrn und :
4 R : ne ? [so :. wo wollt] ihr denn hin ?
5 S : (S throws head back) [he ho ha ha]
6 (.) (Golato 2000 : 43)
(115)
1 R : das hat mir tobias alles gesacht also
2 R : ich war echt (R spreads hands freeezes in position) so .ähh[hhh
3T: [ich schlief ich
4 T : sach fahr rechts ran, ganz ruhich (Golato 2000 : 44-45)
- 130 -
So ne permet pas uniquement de rapporter un DD ou DI en l’accompagnant de la seule
mention du nom de l’énonciateur originel. Il intervient également dans des séquences
introductrices verbales 123:
(116) „Ja, lieber Albert“, so begann er, „ja, es betrübt mich, daß Ihr Ehrgeiz nicht auf etwas Besseres geht,
als auf eine Laufbahn in den Gewerkschaften.“ (Breitbach, Das blaue Bidet : 214)
So + locuteur et So + verbe introducteur sont deux emplois d’un même adverbe phorique
« de manière » (Métrich et al. 2002 : 111). La différence réside dans le fait que so est
indispensable dans so + locuteur, tandis qu’il fonctionne comme élément facultatif de
cohésion dans so + verbe introducteur 124 :
„Ja, lieber Albert“, begann er, „ja, es betrübt mich, daß Ihr Ehrgeiz nicht auf etwas Besseres geht, als
auf eine Laufbahn in den Gewerkschaften.“
123
Ce type de so est à distinguer du so décrit comme un « adverbe connecteur » par Métrich et al. (2002), qui
relie non pas un DR et sa didascalie, mais deux propositions. Il est illustré par l’exemple suivant : « Wenn die
Greisin heute behauptet, sie hätte früher ausgesehen, wie ich inzwischen aussehe, was ich für eine glatte Lüge
halte, so behaupte ich dagegen, daß ich aussehe, wie Oma Hela ausgesehen hat, ganz früher und ganz
zuletzt. » (Schneider, Die Reise nach Jaroslav, cité par Métrich et al. 2002 : 128).
124
Concernant so + verbe introducteur, c’est un connecteur textuel de l’allemand contemporain standard qui
n’a pas de correspondant en français dans le même registre. Les mêmes liens anaphoriques en français sont
réalisables par des variétés non standard : ainsi parlait-il, telles étaient ses paroles ou comme il disait.
- 131 -
Une introduction de DR faite par so N ne comporte pas de description de l’acte réalisé, mais
uniquement la mention de l’énonciateur second. Nous interprétons le choix de cette
introduction par l’énonciateur rapporteur comme une marque de son effacement énonciatif,
car il ne livre pas son interprétation de l’acte de discours second. Toutefois, ce type
d’introduction n’exclut pas la possibilité pour l’énonciateur premier de qualifier l’acte de
discours. Ce n’est donc pas la nature de l’introduction so N, mais les tendances d’emploi que
nous avons observées dans notre corpus (cf. 7.2.2), observations similaires à celles faites par
Behr (2002), qui nous amènent à décrire so N comme une introduction permettant à
l’énonciateur rapporteur de ne pas se dévoiler. Dans notre corpus composé de 68
occurrences, la quasi-totalité des cas est composée de so + désignation de l’énonciateur (« so
Schneider », « so ein Vertreter des malaysischen Instituts für Seeangelegenheiten » ; « so
Finanzminister Theo Waigel » ; « so das Wirtschaftsblatt The Economist »), éventuellement
accompagnés de descriptions spatiales ou temporelles (« so Lambert später » ; « so
Gussmann bei ihrer letzten Zufallsbegegnung »). Les dénominations de l’énonciateur
second, et éventuellement celles des coordonnées spatiales et temporelles, impliquent
nécessairement la subjectivité de l’énonciateur rapporteur, mais la séquence so N (+
lieu/temps) est le degré minimal d’intervention de l’énonciateur dans l’introduction du DR.
Dans notre corpus, seuls deux cas ont été relevés qui contiennent un élément de description
de l’acte énonciatif original. Dans le premier extrait, l’expansion participiale permet de
caractériser le DR et son énonciateur. Dans le deuxième, le groupe prépositionnel et le
groupe adverbial caractérisent la valeur illocutoire et perlocutoire de l’acte second. Il n’est
plus possible d’affirmer pour ces deux cas que so N soit un outil d’effacement énonciatif.
Ces exemples restent toutefois marginaux.
(117) Die Alten hielten sich die Ohren zu und stimmten die immer gleich lautende Klage über Dona Elvira,
die schwarze Sängerin, an, die mit ihrer Musik den Ort verdumme, ja, beherrsche. Die, nur um ihre
neuesten Kleider vorzuführen, in der Kirche erscheine und sogar beichte. „Und die nun auch noch
einem Komitee angehört“, so Butterworth, die Liste der Klagen erweiternd, „das Mittel für
Stimmenkäufe heranschafft und in ihrer berüchtigten Garderobe tagt ...“. (Kirchhoff, Infanta : 47-48)
- 132 -
3.3.3 Les introducteurs averbaux du français
Il existe en français également des syntagmes qui permettent de nommer la source d’un
discours sans verbe introducteur : ce sont les introducteurs selon N, d’après N, pour N, mais
l’acte réalisé par l’emploi de so d’une part et selon, pour et d’après d’autre part est différent.
Tandis que so relie le discours second au discours premier, selon, d’après et pour sont des
opérateurs qui restreignent la validité de l’assertion en déplaçant la prise en charge vers un
autre énonciateur que l’énonciateur actuel. Selon, pour et d’après relèvent des éléments
décrits par Charolles comme des « introducteur[s] de cadre de discours » : ils « crée[nt] un
cadre dans lequel la proposition prend sa valeur, il[s] thématise[nt] l’univers de discours où
la proposition est évaluée. » (1987 : 247) L’énoncé a) avec selon est paraphrasable par b).
Selon précise « dans quel ‘cadre de supposition’ » la proposition le Président n’a pas
l’intention de se représenter aux élections peut être tenue pour vraie.
Reprenant la distinction d’Austin que nous avons rappelée en 1.4.3.2, Charolles (1987 : 249)
précise que l’assertion de cet autre univers de discours peut faire l’objet d’un rapport
rhétique comme dans a) ou d’un rapport phatique comme dans c) :
Les énoncés avec selon et so s’interprètent différemment : Les énoncés avec selon ne
permettent pas une lecture du segment renvoyant au discours d’autrui comme étant du DD.
L’emploi de guillemets permet d’opacifier le texte et d’induire une lecture littérale, mais pas
de créer un autre cadre énonciatif. Le calcul déictique de « elle » et « ma » renvoie à
l’énonciateur actuel de l’énoncé, avec ou sans les guillemets. Cet exemple illustre la nature
du renvoi vers un discours autre que permet selon : la proposition est énoncée par
l’énonciateur actuel, mais modalisée par le renvoi à une autre source d’énonciation, de sorte
- 133 -
que l’acte réalisé n’est pas celui d’une représentation de discours (Ducrot 1984 : 15 ;
Authier-Revuz 1992 : 39 ; Rosier 1999 : 201). Le comportement de so est différent et nous
permet en revanche de conclure sur la présence d’un introducteur de discours rapporté. Les
énoncés c) et d) permettent chacun deux lectures, car le calcul déictique pour interpréter
« die Frau meines Lebens » se fait soit à partir du centre déictique formé par l’énonciateur
premier, soit par celui de l’énonciateur second. Au bilan, so est une charnière anaphorique
entre le discours produit et le discours représenté.
Nous emprunterons pour cela les notions du champ de recherche portant sur l’évidentialité 125
(Coltier et Dendale 2004). Cette notion désigne « le phénomène qui consiste à marquer
linguistiquement la nature de la source de l’information transmise dans son énoncé ou le
type d’accès que le locuteur a eu de cette information. » (Coltier et Dendale 2004 : 589).
L’accès à l’information peut se faire de trois grandes manières : accès par la perception,
accès par l’inférence, accès par reprise à autrui. Différents marqueurs se sont développés
dans les systèmes linguistiques pour rendre compte du type d’accès à l’information. Nous
citons l’exemple reproduit dans Coltier et Dendale (2004 : 589) de la langue tuyuca, avec
entre parenthèses la traduction littérale, afin d’illustrer les différences dans les marquages
évidentiels :
125
Le terme est un calque de l’anglais evidentiality. Certains lui préfèrent le terme de médiation.
- 134 -
Le dernier type d’accès à l’information, l’information par la reprise, touche la question du
discours rapporté et des autres formes de reprise de discours. L’indication d’une reprise
d’une information comporte trois traits sémantiques :
A) un trait fondamental et qui donne son nom à la catégorie est le trait évidentiel, appelé
également trait médiatif : l’énonciateur indique qu’il tient l’information d’un autre locuteur
B) le trait aléthique : l’énonciateur indique qu’il ne prend pas en charge l’information qu’il
énonce
C) le trait modal : l’énonciateur donne une information sur la qualité de l’information qu’il a
reçue, allant de la non-certitude au doute
Selon
Selon N comporte le trait évidentiel et signale que l’information est reprise à un locuteur
second, à son discours réel ou seulement potentiel (Charolles 1987 ; Coltier et Dendale 2004,
avec quelques nuances ; Schrepfer-André 2004). Selon N comporte également le trait
aléthique : en énonçant „selon N, p“, l’énonciateur ne prend pas en charge p. Le locuteur
« n’assume pas l’acte signalé dans p [...] », il ne fait que le mentionner. (Charolles 1987 :
251). Selon Coltier et Dendale (2004 : 594) toutefois, le trait aléthique est sous-déterminé et
donné par le co(n)texte. Les exemples qu’ils donnent à l’appui de ce contre-argument ne
nous semblent toutefois pas pouvoir démontrer que selon N n’est pas toujours accompagné
du trait aléthique. Nous reprenons donc les analyses de Charolles qui concluent sur un effet
constant de « distanciation » lié à l’emploi de selon N :
[…] lorsqu’il est utilisé à des fins d’autorité, le tour en « selon » (par exemple « selon Aristote »)
produit d’abord un effet de distanciation (l’assertion présentée à sa suite est marquée comme
appartenant à l’hétéro-univers de croyance d’Aristote […]) qui doit être corrigé dans la suite par une
marque d’adhésion explicite. (1987 : 251)
- 135 -
Pour
Pour N, à la différence de selon N et d’après N, ne comporte pas de trait évidentiel de
reprise. Selon N et d’après N font référence à un discours alors que pour N présente le point
de vue d’un sujet qui n’est pas obligatoirement un sujet avec le trait [+humain]. Selon et
d’après font référence à une énonciation produite, condition que n’a pas besoin de satisfaire
pour. Cette caractéristique a été montrée par Charolles (1987 : 253) et confirmée par
Schrepfer-André (2004) 126.
* Je vois bien que selon/d’après Sophie, je suis une idiote, mais elle n’a jamais eu le courage de me le
dire.
Je vois bien que pour Sophie, je suis une idiote, mais elle n’a jamais eu le courage de me le dire.
(exemples de Schrepfer-André 2004 : 580)
D’après
Enfin, d’après se différencie de selon en cela qu’il suppose une transmission relativement
peu littérale et un travail d’interprétation de la part de l’énonciateur premier, de sorte que,
selon l’analyse de Charolles (1987 : 255), les énoncés suivants apparaissent douteux (le
premier incohérent, le deuxième redondant), tandis que selon serait possible :
?
D’après R. Barre, « la cohabitation est un échec. »
?
D’après R. Barre, en substance, la cohabitation est un échec.
Selon R. Barre, « la cohabitation est un échec. »
Selon R. Barre, en substance, la cohabitation est un échec. (exemples de Charolles 1987 : 255)
126
La caractéristique d’attribuer un point de vue amène pour à connaître une restriction d’emploi par rapport à
selon et d’après : tandis que ces deux derniers peuvent référer par métonymie à un locuteur (selon/d’après les
propos de x, p ; selon/d’après les prévisions, p), pour doit « obligatoirement permettre d’identifier un sujet
parlant et épistémique », individuel ou collectif. (*pour les propos de x, p ; *pour les prévisions, p) (Schrepfer-
André 2004 : 580).
- 136 -
En français, une règle syntaxique spécifique au discours rapporté entraîne ‘l’inversion du
sujet’, ainsi que la présence d’éléments de liaison et d’euphonie, le t analogique (« Quel jour
sommes-nous ? demanda-t-il ») et le é (« Pourquoi n’est-il toujours pas là ? demandé-je »).
Toutefois, l’application de cette règle est soumise à des variations discursives : la
transformation d’un e final atone en è, écrit é ou è, est réservée à un usage très soigné
(Grévisse 1993 : 573). Quant au t de liaison, il est peu utilisé à l’oral et surtout attesté dans
des productions écrites. A l’oral, on observe la non-inversion, dans un registre familier, et
dans un registre populaire une construction avec que, procédé même utilisé en présence
d’une inversion.
(119) « Ca va pas du tout », il lui fait. (Chevallier, Clochemerle, cité par Grévisse 1993 : 574)
(120) - Tu parles, dit Volpatte. C’était pas un trou d’écoute ordinaire où qu’on va t’et vient en service
régulier. C’était un trou d’obus qui r’ssemblait à un aut’ trou d’obus, ni plus ni moins. On nous avait
dit jeudi : « Postez-vous là, et tirez sans arrêt », qu’on nous avait dit. (Barbusse, Le feu : 85)
(121) Vous allez le voir ! que me coupa la vieille. (Céline, Voyage au bout de la nuit, cité par Grévisse
1993 : 574)
(122) „Schon gut“, Fred winkte ab. (Arjouni, Magic Hoffmann, 46, cité d’après Gallèpe 2003 : 284)
(123) „[...] Hamul... Ha... Ham...“, er blätterte, „... Ha... Hamu... Hamul ! Da isser ! Hat öfters ‘n paar
Wochen hier gearbeitet, hammse recht.“ (Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 38)
127
Albrecht parle de « syntaktische[r] Sonderstatus » du DD français (Maingueneau 2000 : 113).
- 137 -
syntaxique et de fonction grammaticale, parle de « fuzzy Prädikation », ces enchaînements
ont une représentation non exclusivement symbolique, mais aussi iconique. La linéarisation
des segments reflète le déroulement des actes, verbaux comme non-verbaux, de la scène
représentée. Par ailleurs, ces constructions allemandes sont d’un registre plutôt oral et
familier. Le tableau ci-dessous résume les différences dans les valeurs discursives
accompagnant les différentes intégrations syntaxiques.
4 Le mode direct
Le discours direct
Le discours direct est perçu en allemand et en français comme un discours qui donne à
entendre les paroles véritables de l’énonciateur second 129. Dans le domaine de la littérature,
le discours direct donne l’illusion du vivant et du réel par convention de discours. « On ne
voit pas comment les énoncés au discours direct pourraient être infidèles puisqu’ils ont le
même degré de réalité que le discours citant », souligne Maingueneau (1993 : 96ss ). La
‘fidélité’ de la citation et le choix du DD est une contrainte pragmatique liée aux conventions
128
Les similitudes énonciative et discursives n’empêchent pas des difficultés traductologiques liées à la
fonction expressive du signe (cf. 2.4.2.1).
129
Comme rappelé dans la partie 1.2.1, les grammaires ne distinguent pas toutes les valeurs discursives des
fonctionnements énonciatifs.
- 138 -
de certains genres de discours 130 (la presse, les publications scientifiques, …) et certains
types illocutoires (l’argumentation, l’information, …) :
In bestimmten Verwendungssituationen, z.B. Kontext des wissenschaftlichen Zitierens usw, ist jedoch
mit dem Zitieren die Pflicht zur wörtlichen Wiedergabe normativ verbunden, umgekehrt gilt dort
wörtliche Wiedergabe ohne die Verdeutlichung des Zitatkontexts durch Anführungszeichen (samt
Quellenangabe) als Verstoß gegen Textsortenkonventionen und darüber hinaus bestimmte
wissenschaftliche Prinzipien. (Zifonun et al. 1997 : 1755)
Le discours direct libre, qui contient un degré d’immédiateté supplémentaire par rapport au
discours direct régi ou avec incise, est souvent employé pour refléter les pensées intimes
d’un énonciateur et provoquer chez le destinataire le sentiment de proximité avec sa vie
intérieure, comme l’expose Stanzel pour le discours littéraire :
Im inneren Monolog tritt dem Leser ein Ich gegenüber, das bereits die charakteristischen Merkmale
einer Refklektorfigur aufweist: es erzählt nicht, wendet sich an keinen Zuhörer oder Leser, sondern
spiegelt in seinem Bewußtsein seine eigene momentane Situation, einschließlich von
Rückerinnerungen, die durch diese Situation aufgerufen werden. (Stanzel 2001 : 271)
Zuschlag (2002 : 201) souligne que le discours direct libre pensé, ou monologue intérieur,
s’est développé de façon similaire dans la littérature allemande et française des 19ème et 20ème
siècle, de sorte que la traduction de cette forme discursive, en allemand ou en français, ne
crée pas d’effet d’anachronisme et d’étrangeté dans la littérature cible. Ce parallélisme dans
l’histoire littéraire ne s’observe pas dans le cas du discours indirect libre et gêne
l’équivalence traductologique (cf. 9.1.2).
Le discours indirect
Le discours indirect, et plus encore le discours narrativisé, livre une interprétation d’un acte
de parole sans donner au destinataire du DR le sentiment de proximité avec le discours
second.
Il est pour ainsi dire admis d’avance que le narrateur ne se contente pas de transposer les paroles en
propositions subordonnées, mais qu’il les condense, les intègre à son propre discours, et donc les
interprète en son propre style [...]. (Genette 1972 : 192)
- 139 -
Die indirekte Rede [...] ermöglicht die raffende Wiedergabe längerer wörtlicher Reden und zugleich
die Einbeziehung einer Stellungnahme des Berichtenden. [...] Verfälschungen und Verdrehungen sind
dabei Tür und Tor geöffnet [...]. (Jäger 1971 : 304)
Le métadiscours
(124) Und erst als Taillade-Espinasse das Taschentuch aus dem Fenster und seinen ebenfalls nach Veilchen
riechenden Rock ins Nebenzimmer geworfen hatte, ließ Grenouille seinen Anfall abebben und
erzählte mit ruhiger werdender Stimme, daß er als Parfumeur eine berufsbedingt empfindliche Nase
besitze und immer schon, besonders aber jetzt in der Zeit der Genesung, auf gewisse Parfums sehr
heftig reagiere. Daß ausgerechnet der Duft des Veilchens, einer an und für sich lieblichen Blume, ihm
so stark zusetze, könne er sich nur dadurch erklären, daß das Parfum des Marquis einen hohen
Bestandteil an Veilchenwurzelextrakt enthalte, welcher wegen seiner unterirdischen Herkunft auf eine
letalfluidal angegriffene Person wie ihn, Grenouille, verderblich wirke. [...] Was wir hier der
Verständlichkeit halber in ordentlicher indirekter Rede wiedergeben, war in Wirklichkeit ein
halbstündiger, von vielen Hustern und Keuchern und Atemnöten unterbrochener blubbernder
Wortausbruch, den Grenouille mit Gezittre und Gefuchtle und Augenrollen untermalte. Der
Marquis war schwer beeindruckt. (Süskind, Das Parfum : 187-188)
(125) Malheureusement, à peine venait-elle d’être introduite que Françoise rentrait et avec un sourire qui
avait pour but de se mettre elle-même à l’unisson de la joie qu’elle ne doutait pas que ses paroles
allaient causer à ma tante, articulant les syllabes pour montrer que, malgré l’emploi du style indirect,
elle rapportait, en bonne domestique, les paroles mêmes dont avait daigné se servir le visiteur :
« M. le Curé serait enchanté, ravi, si madame Octave ne repose pas et pouvait le recevoir. M. le Curé
ne veut pas déranger. M. le Curé est en bas, j’y ai dit d’entrer dans la salle » (Proust, Du côté de chez
Swann : 139)
Ce chapitre est consacré au mode indirect qui, tant sur le plan énonciatif que discursif,
présente d’importantes différences entre l’allemand et le français. La première partie est
consacrée à la comparaison de l’indirekte Rede et du discours indirect (5.1), la deuxième
partie (5.2), à celle des discours indirects interprétatifs, soit l’erlebte Rede et le discours
indirect libre. La dernière partie (5.3) est consacrée à l’einführungslose indirekte Rede, un
genre dont les propriétés le distinguent des autres genres indirects et en font un genre propre
à l’allemand.
- 140 -
5.1 Les discours indirects introduits
Les modes du discours cité sont en allemand l’Indikativ, le Konjunktiv I et le Konjunktiv II.
La signalisation d’un DR et de la non prise en charge du contenu relaté est un des emplois
spécifiques du Konjunktiv I, qui dans cet emploi est également appelé Referatskonjunktiv
(Eisenberg 2004) ou Indirektiv (Weinrich 2005 : 261) 131.
La norme voudrait que le Konjunktiv II 132 soit employé uniquement en cas de syncrétisme
des formes Konjunktiv I et Präsens. Toutefois, l’usage montre un autre type d’emploi des
modes dans l’indirekte Rede. L’emploi du Konjunktiv I s’observe surtout à l’écrit, ou à l’oral
dans des registres soignés (Heidolph et al. 1984 ; Weinrich 2005 : 262). Dans les échanges
oraux quotidiens, l’Indikativ (Engel 2004 : 67) et le Konjunktiv II (Weinrich 2005 : 258) ont
largement supplanté le Konjunktiv I 133.
Deux approches tentent de rendre compte de l’emploi concurrent des modes. L’une est de
type discursif et l’autre est de type sémantique. Dans l’optique discursive, le choix entre
l’Indikativ, le Konjunktiv I ou le Konjunktiv II n’a pas de motivation sémantique. Par
économie, on préfère au Konjunktiv I les modes plus fréquents de l’Indikativ et du
Konjunktiv II. A l’oral, on préfère aux formes du Konjunktiv I les formes plus marquées du
131
Le Konjunktiv du discours rapporté se limite à trois valeurs aspectuelles : le cursif, l’accompli et le
prospectif (Marschall, 2001 : 483) et n’exprime ni la modalité ni le temps.
132
J. Fourquet proposa de regrouper sous le terme de « Konjunktiv III » le Konjunktiv I du discours rapporté et
ses formes de substitution au Konjunktiv II.
133
Peu employé dans la langue orale courante, le Konjunktiv I a de plus disparu de la plupart des dialectes
d’Allemagne, à l’exception du dialecte alémanique.
- 141 -
Konjunktiv II. Le Konjunktiv I a pu rester en usage en se cristallisant autour de situations
discursives particulières (discours publics ou officiels).
L’optique sémantique explique, tout d’abord, que la forme périphrastique würde + infinitif
ne serait pas uniquement une substitution du Konjunktiv I, mais serait employée pour
exprimer l’idée de prospectif (Engel 2004 : 220) 134. De plus, la différence entre Indikativ,
Konjunktiv I et Konjunktiv II est expliquée de la manière suivante :
- l’emploi du Konjunktiv II marque l’irruption d’une critique ou d’une mise en doute
de la part du rapporteur dans son acte de citation ;
- l’emploi du Konjunktiv I marque une distance neutre : l’énonciateur rapporteur laisse
à l’énonciateur rapporté la responsabilité de ses propos ;
- l’emploi de l’Indikativ marque la co-assertion : l’énonciateur rapporteur adhère aux
propos cités
En somme, les trois modes auraient les traits suivants :
- Le Konjunktiv II comporterait le trait évidentiel de reprise, le trait aléthique, et le trait
modal ;
- Le Konjunktiv I aurait le trait évidentiel de reprise et le trait aléthique
- L’Indikativ n’aurait aucun trait distinctif et serait le mode neutre.
Il est des emplois où le locuteur emploie des Konjunktiv II sans notifier une quelconque mise
en doute, ce qui tend à accréditer la thèse d’une distribution strictement discursive des trois
modes. Cette position est défendue par Valentin (1983). Néanmoins, il ne faut pas dénier à la
thèse sémantique toute validité, car il reste des situations de communication où le choix entre
Indikativ, Konjunktiv I ou Konjunktiv II est porteur de sens. Il y a eu manifestement une
évolution au cours de la deuxième moitié du 20ème siècle (comme le montrent les
comparaisons des différentes éditions du Duden sur quarante ans faites par Morgenthaler
1998) et cette évolution s’est accompagnée d’incertitudes chez les locuteurs, sentiment
linguistique encore présent aujourd’hui. Les grammaires sont nombreuses à souligner que
l’emploi des modes Indikativ, Konjunktiv I et Konjunktiv II, et notamment la valeur de
modalisation du Konjunktiv II en DR, est en évolution ; la valeur respective de ces modes
(affirmation partagée – affirmation relayée – affirmation mise en doute) serait au final
(inter)-subjective, du moins fuyante, comme il ressort des propos suivants : « Ob nur Ersatz
oder gleichzeitig eine weitere Distanzierung des Sprechers vorliegt, ist oft nur dem Kontext
134
Engel (2004 : 220) cite les énoncés suivants : Sie schrieb, sie würde nächste Woche umziehen. ? Sie schrieb,
sie würde jetzt bei Bopp & Co. arbeiten.
- 142 -
zu entnehmen und wird individuell auch unterschiedlich interpretiert » (Heidolph et al.
1984 : 530).
La variété sémantique, aujourd’hui, est reliée à des situations de discours et des registres de
langue. « Generell ist der Modusgebrauch in diesem Bereich stark register- und
textsortenabhängig », explique Duden (2005 : 529 ; voir aussi Zifonun et al. 1997 : 1766-
1771). Dans les situations de discours publics, globalement les discours journalistiques et
juridiques, le Konjunktiv sert, comme dans tous les autres contextes, à signifier la non-prise
en charge du contenu relaté, tandis que l’Indikativ tend à marquer l’adhésion du rapporteur
aux propos rapportés. Dans les autres situations de communication, l’Indikativ ne se
distingue pas du Konjunktiv I ou II : « es kann auch beim Gebrauch des Indikativs
Indirektheit mit dem abgeschwächten Verbindlichkeitsanspruch ‚Ich lasse offen, ob ich sage,
daß p’ vorliegen » (Zifonun et al. 1997 : 1769). Cette thèse est également défendue par
Morgenthaler (1998), qui a étudié l’indirekte Rede dans un corpus de textes qui traitent de
thèmes sensibles (le nazisme et le racisme) et qui sont produits dans des situations de
discours publics. Il conclut que l’Indikativ est évité lorsque l’énonciateur rapporteur souhaite
se démarquer des propos rapportés et que le Konjunktiv II est utilisé pour marquer une
critique forte des propos rapportés.
En somme, les trois modes comportent des traits sémantiques modaux qui ne sont activés
que dans les contextes officiels, publics ou soignés. Il n’y a pas de corrélation stricte entre
l’emploi des modes et l’attitude modalisatrice, mais uniquement des tendances.
- 143 -
Dans les énoncés a) et c), la non-application de la concordance des temps produit un énoncé
où l’énonciateur rapporteur tend à prendre en charge les paroles rapportées, tandis que son
application produit un énoncé où celui-ci n’assume pas la proposition du discours second
(Riegel et al. 2001 : 600). La différence ne se situe pas comme en allemand au niveau
évidentiel mais temporel. Les variantes a) et c), en français, marquent la validité de la thèse
représentée dans le présent de l’énonciateur rapporteur 135, à la différence des variantes b) et
d), qui ne valident pas la thèse de l’énonciateur second, pas plus qu’elles ne l’invalident.
Selon la thèse sémantique, l’imparfait, ayant une valeur d’inactualité, permet à l’énonciateur
rapporteur de ne pas coasserter la proposition de l’énonciateur second, tandis que l’usage du
présent, véhiculant une valeur d’actualité (Confais 2002 : 408ss), signifie que l’énonciateur
rapporteur valide la proposition du discours relaté 136.
Comme en allemand, les variations sémantiques ne sont pas constamment présentes. Elles
sont des tendances favorisées par des situations de discours. Il se dégage une certaine
proximité entre le signalement de la prise en charge dans l’indirekte Rede et le discours
indirect. La non-concordance des temps en français dans un discours rapporté au passé peut
suggérer– selon les contextes – que le contenu propositionnel est valable au moment de
l’énonciation, ce qui s’interprète comme une adhésion ; à ceci correspond, en allemand,
l’absence de modalisation apportée par l’emploi de l’Indikativ. A l’inverse, si l’application
de la concordance des temps donne lieu à un énoncé dans lequel l’énonciateur rapporteur ne
se prononce pas sur la validité des propos relatés, en allemand, une modalisation comparable
est réalisée par l’emploi du Konjunktiv I. En revanche, la pesée critique forte qu’amène
l’emploi du Konjunktiv II ne trouve pas de correspondant dans l’usage des temps français.
135
Austin avait décrit (cf. 1.4.4.2) le discours indirect comme un mode qui rapporte l’acte locutionnaire dans
ses trois aspects tout en l’isolant de l’acte illocutionnaire initialement réalisé, mais nous aurions avec la
coassertion un cas de reprise de l’acte illocutoire.
136
Barbazan (2002 : 67) établit une corrélation entre les variations de temps et les variations modalisatrices de
l’énonciateur rapporteur en citant les exemples suivants : « Le candidat du parti socialiste a affirmé qu’il n’y
avait aucune raison d’envisager une dégradation de la situation économique, si la ligne de conduite adoptée par
le gouvernement était maintenue. Le candidat de notre parti a clairement démontré qu’il n’y a aucune raison
d’envisager une dégradation de la situation économique si la ligne de conduite adoptée par le gouvernement est
maintenue. » Le premier énoncé est celui d’un énonciateur qui rapporterait les propos d’autrui sans se
prononcer sur la validité de ceux-ci, tandis que le deuxième énoncé émanerait d’un énonciateur partageant la
responsabilité des propos dont il se fait l’écho. Toutefois, les verbes introducteurs jouent ici un rôle important
de sorte que le temps n’est pas le seul paramètre qui influe sur l’attitude modalisatrice.
- 144 -
Correspondances entre certains emplois des modes allemands et des temps français
Allemand Français
Indikativ : adhésion Présent : validité actuelle
Konjunktiv I : suspension du jugement Imparfait : suspension de la validité actuelle
Konjunktiv II : critique
La traduction d’une critique forte véhiculée par le Konjunktiv II peut passer par le choix du
verbe introducteur (en employant prétendre ou prétexter pour sagen), ou par d’autres formes
que celles du DR (un introducteur de cadre de discours, le conditionnel 137, ou le
commentaire – à l’entendre).
Sie schreibt, ihr Vater, der ja schon 62 ist, werde nächstes Jahr in Pension gehen.
Sie schreibt, ihr Vater (er ist ja schon 62), werde nächstes Jahr in Pension gehen. (exemples de
Schanen et Confais 2005 : 168)
Mancher Kritiker meinte, erst seine Frau habe aus Attila Hörbiger, mit dem sie von 1935 bis zu
seinem Tod im Jahre 1987 verheiratet war, jenen großen Darsteller gemacht, den er war. (exemple
de Duden 2005 : 541)
Les modes allemands tracent une frontière nette entre discours second et le discours premier.
Cette délimitation doit être réalisée en français avec des moyens autres que ceux du discours
rapporté. Comme l’énoncé suivant permet de s’en rendre compte, la parenthèse informative
de l’énonciateur rapporteur disparaît en français 139.
Elle écrit que son père, qui a déjà 62 ans, va partir l’année prochaine en retraite.
137
C’est la stratégie de traduction illustrée dans la grammaire de Bresson (2001 : 56) : « On emploie aussi le
subjonctif II pour marquer le doute sur la véracité de la déclaration rapportée : Er wäre mein Freund, sagte er.
Selon lui, il serait mon ami. Er sei mein Freund, sagte er. Il répliqua qu’il était mon ami. ».
138
Ce « décrochage énonciatif » est également possible dans un einführungslose indirekte Rede.
139
La traduction doit procéder à une rupture syntaxique et typographique ou ajouter un commentaire afin de ne
pas faire se confondre les plans d’énonciation : « Elle écrit que son père - qui a déjà 62 ans - va partir l’année
prochaine en retraite. Elle écrit que son père - il a déjà 62 ans - va partir l’année prochaine en retraite. » ; « Plus
d’un critique pense que c’est uniquement grâce à sa femme, avec laquelle, rappelons-le, il était marié de 1935
jusqu’à sa mort, qu’Attila Hörbiger est devenu le grand comédien qu’il était. ».
- 145 -
5.1.2 L’intégration de la subjectivité de l’énonciateur second
L’échelle d’acceptabilité des deux derniers types d’indices n’est pas la même en allemand et
en français, comme l’a relevé Gather (1994 : 533) : l’indirekte Rede connaît deux variantes,
dont celle sans conjonction de subordination est plus perméable à la subjectivité de
l’énonciateur second, tandis que le français ne connaît qu’un type de discours indirect.
L’asymétrie dans l’acceptabilité des marques de subjectivité place les traducteurs du français
devant un choix entre deux variantes. L’extrait suivant est tiré de Nana de Zola :
(126) Madame Lerat, ayant lâché un mot raide, elle cria que, nom de Dieu ! elle n’autorisait personne, pas
même sa tante, à dire des saletés en sa présence. (Zola, Nana, cité par Gather 1994 : 533).
Als Madame Lerat ein derbes Wort entfahren war, schrie sie, niemand, hol’s der Teufel, habe das
Recht, in ihrer Gegenwart Schweinereien zu reden, nicht einmal ihre Tante! (Widmer : 234)
Als Madame Lerat ein derbes Wort entfahren war, schrie sie, dass niemand, hol’s der Teufel, das
Recht habe, in ihrer Gegenwart Schweinereien zu reden, nicht einmal ihre Tante!
La différence syntaxique générale se double d’une différence portant sur certains indices de
subjectivité. Les particules et adverbes du discours de l’allemand (« mots de la
communication », « kommunikative Funktionswörter », Métrich 1997 : 143) sont
140
particulièrement difficiles à traduire dans une subordonnée française :
[…] leur insertion est globalement moins courante et moins aisée en français qu’en allemand. Les mdc
étant des marques de l’activité d’énonciation, tout se passe comme si l’allemand pouvait plus
facilement que le français conserver ces marques à des niveaux hiérarchiques inférieurs à celui de
l’énoncé global. (Métrich 1997 : 158-159)
140
La description des mots de la communication est un sujet déjà abondamment étudié, mais les analyses
traductologiques restent à développer (Métrich 2003).
- 146 -
La différence est, selon Métrich (1997 : 158), encore plus frappante dans le discours
rapporté. Les exemples suivants, l’un au DN, l’autre au DI, montrent en effet une chute en
français des marques de la situation d’énonciation seconde lorsque le discours en mode
direct est paraphrasé en mode indirect :
Schießen Sie doch endlich los ! (Simmel, Es muß nicht immer Kaviar sein, exemples de Métrich
1997 : 158)
Allez quoi, parlez ! / Mais parlez donc, à la fin !
„Begreifen Sie doch, junger Mann, Ihr Glück“ sagte der Kapitän (Kafka, Amerika, exemples de
Métrich 1997 : 158)
Comprenez donc, jeune homme, la chance que vous avez, dit le commandant.
Cette partie est consacrée aux genres indirects et interprétatifs de l’allemand et du français,
soit l’erlebte Rede et le discours indirect libre. La première étape (5.2.1) est consacrée aux
termes mêmes de la comparaison. L’erlebte Rede au Präteritum doit-il être uniquement
comparé avec un discours indirect libre à l’imparfait, ou doit-on inclure dans l’analyse le
‘discours indirect libre au passé simple’ ? Cette question a été posée dès les premières
recherches menées sur le DIL (soit la période de 1888 à 1928). Elle a particulièrement retenu
notre attention en raison de notre objectif contrastif et traductologique. Dans un second
temps, nous approfondirons la comparaison entre l’erlebte Rede et le discours indirect libre,
en examinant tout d’abord leur caractéristique d’être des discours non introduits (5.2.2) puis
en analysant celle d’être des discours interprétatifs (5.2.3). La comparaison entre l’erlebte
Rede et le discours indirect libre est, jusqu’à aujourd’hui, le point qui a été le plus débattu.
Nous présenterons d’abord les arguments en faveur d’un ‘discours indirect libre au passé
simple’, puis ceux qui réfutent cette idée. Nous déterminerons ensuite quelle position a le
plus grand potentiel explicatif des phénomènes envisagés.
- 147 -
Les arguments en faveur d’un discours indirect libre au passé simple
Les apports à la thèse du discours indirect libre au passé simple sont de deux types : il s’agit
soit d’énoncés au passé simple, cités pour illustrer le fonctionnement du discours indirect
libre (Ducrot 1980 : 58ss ; Vetters 1989 : 62-63 141), soit d’argumentations dans le cadre
d’une théorisation du discours indirect libre (Günther 1928 : 143ss 142 ; Plénat 1979 ; Kurt
1999 : 520-526).
a) il s’agit d’énoncés qui décrivent une disposition psychologique ou affective d’un sujet
(128) Avec un haussement léger de ses épaules, Emma l’interrompit pour se plaindre de sa maladie où elle
avait manqué mourir ; quel dommage ! elle ne souffrirait plus maintenant. Léon tout de suite envia le
calme du tombeau 143 et même, un soir, il avait écrit son testament en recommandant qu’on l’ensevelît
dans ce beau couvre-pied, à bandes de velours, qu’il tenait d’elle [...]. (Flaubert, Madame Bovary, cité
par Ducrot 1980 : 58)
b) il s’agit également d’énoncés qui reflètent une telle disposition et sont l’expression d’un
point de vue :
(129) [...] et elle apprit que mademoiselle Rouault, élevée au couvent, chez les Ursulines, avait reçu, comme
on dit, une belle éducation, qu’elle savait en conséquence, la danse, la géographie [...]. Ce fut le
comble ! (Madame Bovary, cité par Kurt 1999 : 520)
141
Vetters (1989) reprend l’exemple de Ducrot (1980).
142
Günther (1928) cite deux exemples de DIL qu’il considère comme un type particulier et qu’il nomme des
« erlebte Vision[en] ». Le contenu et le mode narratifs font de ces extraits des récits dans lesquels la vision du
personnage prédomine ; de plus, la syntaxe évoque la vivacité des émotions vécues. Mais il ne s’agit pas là,
d’après nos critères, d’une représentation de discours. De la même façon, la confusion entre le contenu de la
représentation narrative et le mode narratif (le type de focalisation) est à l’origine de la désignation erronée du
récit de Fräulein Else sous le terme d’erlebte Rede (1928 : 122). Nous ne retiendrons donc pas les exemples
fournis par Günther dans notre analyse.
143
« Le calme du tombeau » est en italiques dans le texte de Flaubert.
- 148 -
La cohérence textuelle
Un premier argument se nourrit des textes eux-mêmes : la progression logique du texte et la
cohérence extra-linguistique qui la sous-tend laisserait penser que la forme au passé simple
ne peut être que du discours indirect libre. C’est le cas de l’exemple 128) analysé par Ducrot.
Ducrot interprète l’énoncé comme un discours indirect libre en se fondant sur l’articulation
réalisée par et même : puisque à partir de « un soir, il avait écrit son testament … » le texte
est clairement du discours indirect libre (interprétation que nous ne réfutons pas), la
proposition précédente ne peut être que du discours indirect libre. La suite du texte, comme
le signale Ducrot, conforte cette lecture :
(130) […] car c’est ainsi qu’ils auraient voulu avoir été, l’un et l’autre se faisant un idéal sur lequel ils
ajustaient à présent leur vie passée. D’ailleurs, la parole est un laminoir qui allonge toujours les
sentiments. Mais à cette invention du couvre-pied : - Pourquoi donc ? demanda-t-elle. - Pourquoi ?
Il hésitait. - Parce que je vous ai bien aimée ! (Flaubert, Madame Bovary, cité par Ducrot 1980 : 59)
L’hybridité énonciative
La thèse du DIL au passé simple est également fondée sur l’hybridité énonciative, comme il
ressort des propos de Kurt : « Die Interpretation von Sätzen im passé simple als ER ist nur
möglich, wenn nicht-temporale Indizien für Personenperspektive existieren. Es kann sich um
lexikalische Affektivitätsmarker oder graphische Elemente (Ausrufezeichen) handeln und
natürlich um kontextuelle Faktoren » (1999 : 520). Dans « Ce fut le comble ! » (exemple
129), l’aspect perfectif du passé simple permet de souligner l’irruption brusque de la colère
du personnage-énonciateur, ce que l’imparfait ne permettrait pas dans une telle mesure.
L’énoncé est hybride, comme un DIL à l’imparfait : le temps relève de la perspective du
narrateur, tandis que le registre familier, l’exclamation et le contenu relèvent de la
perspective du personnage (Kurt 1999 : 521).
L’énoncé suivant, 131), est également mixte : si la syntaxe et l’exclamation relèvent du
personnage, le passé simple et l’adverbe de temps relèvent du narrateur (Kurt 1999 : 521).
La comparaison avec un autre énoncé du roman, l’énoncé 132), vient conforter la lecture de
« La journée fut longue, le lendemain ! » comme un discours indirect libre.
(131) La journée fut longue, le lendemain ! Elle se promena dans son jardinet […]. Comme le bal déjà lui
semblait loin ! (Flaubert, Madame Bovary, cité par Kurt 1999 : 521) 144
144
M. Lips avait été attentive à des énoncés exclamatifs dans Madame Bovary qu’elle nomma des descriptions
« vues à travers un personnage » et qu’elle refusa de compter parmi les formes de discours indirect libre,
invoquant l’incompatibilité du passé simple et du DIL, mais sans la justifier. Elle avanca un argument
stylistique qui, quel que soit sa validité, ne peut être généralisé : les descriptions de Flaubert résumeraient des
« impressions d’artistes » dont seraient incapables les personnages (Lips 1926 : 191-194, citée par Plénat 1979 :
136).
- 149 -
(132) Le lendemain fut, pour Emma, une journée funèbre. (Flaubert, Madame Bovary, cité par Kurt
1999 : 521)
La théorisation du DIL
Le troisième argument est alimenté par la théorisation du DIL et se rencontre chez Plénat
(1979 : 136), qui plaide pour « une extension de la notion de SIL » au-delà des « limites de
la conscience réfléchie [...]. », extension que seule empêcherait de formuler « la croyance
que ce type de discours ne peut que reproduire un discours original » ainsi que la confusion
entre l’énonciation et la prononciation. L’auteur propose d’intégrer à la définition du
discours rapporté, outre les énoncés émanant d’une énonciation datée, d’un événement de
parole, ceux qui reflètent une position ou une croyance d’un énonciateur. Plénat ne propose à
l’appui de sa thèse aucun énoncé authentique de discours indirect libre au passé simple, mais
seulement les exemples construits suivants :
Longtemps, Noam excusa Zellig d’aimer les pommes de terre au lard ; tous les goûts n’étaient-ils pas
dans la Nature ? Mais après cette indigestion mémorable, il changea d’avis, et la Nature ne permit
plus d’aimer les pommes de terre au lard. / et Zellig devint le plus éhonté des gloutons. / et la
passion de Zellig demeura excusable (exemples de Plénat 1979 : 126ss).
Les arguments exposés en faveur du discours indirect libre au passé simple révèlent
indubitablement un dédoublement des énonciateurs dans les énoncés en question. Les
arguments opposés (Lerch 1914 ; Lips 1926 ; Steinberg 1971 : 23-26 ; Pérennec 1984 ;
Vuillaume 1990 : 48 ; Vuillaume 1996 : 58-62 ; Vuillaume 1998 ; Mellet 2000) sont de
nature et de portée variées, et concernent l’emploi des temps, la substitution de l’imparfait
par le passé simple, la portée du DIL et enfin les valeurs de l’imparfait.
- 150 -
La substitution
Un deuxième contre-argument réside dans l’impossibilité générale de transcrire les DIL à
l’imparfait au passé simple.
(133) – J’en ai même oublié le spectacle ! Ce pauvre Bovary qui m’avait laissée tout exprès ! M Lormeaux,
de la rue grand-pont, devait m’y conduire avec sa femme.
Et l’occasion était perdue, car elle partait dès le lendemain.
- Vrai ? fit Léon.
- Oui. (Flaubert, Madame Bovary : II-83-84)
- J’en ai même oublié le spectacle ! Ce pauvre Bovary qui m’avait laissée tout exprès ! M Lormeaux,
de la rue grand-pont, devait m’y conduire avec sa femme.
* Et l’occasion fut perdue, car elle partit / partait dès le lendemain.
- Vrai ? fit Léon.
- Oui.
Toutefois, cet argument pourrait être relativisé si l’on admet la possibilité de sous-
catégoriser le DIL en tenant compte des DIL qui contextuellement acceptent la reformulation
avec le passé simple. En effet, certains DIL peuvent, sans rupture de cohérence textuelle et
sans que l’attribution des dires change, être reformulés au passé simple :
(134) Et, se penchant à l’oreille de son ami, il indiqua les symptômes auxquels on reconnaissait qu’une
femme avait du tempérament. Il se lança même dans une digression ethnographique : l’Allemande
était vaporeuse, la Française libertine, l’Italienne passionnée.
- Et les négresses ? demanda le clerc.
- C’est un goût d’artiste, dit Homais. (Flaubert, Madame Bovary : II-132)
Et, se penchant à l’oreille de son ami, il indiqua les symptômes auxquels on reconnaissait qu’une
femme avait du tempérament. Il se lança même dans une digression ethnographique : l’Allemande fut
vaporeuse, la Française libertine, l’Italienne passionnée.
- Et les négresses ? demanda le clerc.
- C’est un goût d’artiste, dit Homais.
Ce dernier exemple montre que la reformulation au passé simple n’élimine pas la trace du
personnage-énonciateur. Les différentes qualifications sont attribuées à Homais et non au
narrateur. Ce type de cas peut être expliqué, sans avoir recours à la thèse du discours indirect
libre au passé simple, à l’aide de l’argument suivant.
Le DIL partiel
L’analyse de Ducrot 145 implique que le DIL a une portée phrastique. Or, si nous définissons
le DIL comme une double énonciation, rien dans la définition n’exclut que celui-ci ne
145
L’exemple 128), cité par Ducrot, était : « Avec un haussement léger de ses épaules, Emma l’interrompit
pour se plaindre de sa maladie où elle avait manqué mourir ; quel dommage ! elle ne souffrirait plus
maintenant. Léon tout de suite envia le calme du tombeau et même, un soir, il avait écrit son testament en
recommandant qu’on l’ensevelît dans ce beau couvre-pied, à bandes de velours, qu’il tenait d’elle [...]. » (cf.
supra).
- 151 -
commence qu’avec « le calme du tombeau », que les italiques de connotation autonymique
invitent fortement à lire comme du DIL. Si notre hypothèse est la bonne, l’erreur dans
l’analyse de Ducrot reposerait sur les limites et le cadre syntaxique à donner au DIL 146. La
définition que nous avons retenue du DIL permet de penser que celui-ci peut être partiel.
Nous rejoignons en cela les descriptions de G. Steinberg (1971 : 100-105), de M. Hirsch
(1980b) et de M. Vuillaume (1996) et confirmons l’intuition de M. Lips (1926), qui avait
relevé des cas de DIL partiel, qu’elle désigne comme un discours indirect introduit
« subrepticement » (1926 : 46ss) dans le discours du narrateur :
(135) Car, au fond permanent d’œufs, de côtelettes, de pommes de terre, de confitures, de biscuits, qu’elle
ne nous annonçait même plus, Françoise ajoutait […] : une barbue parce que la marchande lui en
avait garanti la fraîcheur, une dinde parce qu’elle en avait vu une belle au marché de
Roussainville-le-Pin, des cardons à la moelle parce qu’elle ne nous en avait pas encore fait de
cette manière-là, un gigot rôti parce que le grand air creuse et qu’il avait bien le temps de
descendre d’ici sept heures, des épinards pour changer, des abricots parce que c’était encore une
rareté, des groseilles parce que dans quinze jours il n’y en aurait plus, des framboises que M.
Swann avait apportées exprès […]. (Proust, Du côté de chez Swann, cité par Lips 1926 : 47) 147
L’argumentation de Hirsch (1980b) en faveur d’un DIL limité à des constituants prédicatifs
est reprise et développée par Vuillaume (1996). Dans les deux exemples suivants,
l’appréciation subjective est un indice de DIL ; la proposition dans son entier n’est toutefois
pas du DIL, mais une narration avec le point de vue d’un personnage.
(136) Malheureusement, à la fin de la deuxième année, M. Goriot justifia les bavardages dont il était l’objet,
en demandant à Mme Vauquer de passer au second étage, et de réduire sa pension à neuf cents francs
[...]. Ce fut à qui devinerait les causes de cette décadence. Exploration difficile ! Comme l’avait dit la
comtesse, le père Goriot était un sournois, un taciturne [...]. Ce négociant si distingué devint un
fripon, ce galantin fut un vieux drôle. (Balzac, Le Père Goriot, cité par Hirsch 1980b : 97)
(137) Une fois là-bas, mon oncle Jules s’établit marchand de je ne sais quoi, et il écrivit qu’il gagnait un peu
d’argent et qu’il espérait dédommager mon père du tort qu’il lui avait fait. Cette lettre causa dans la
famille une émotion profonde. Jules, qui ne valait pas, comme on dit, les quatre fers d’un chien, devint
tout à coup un honnête homme, un garçon de cœur, un vrai Davranche, intègre comme tous les
Davranche. (Maupassant, Contes et nouvelles, cité par Vuillaume 1996 : 61)
146
Ducrot cite certes des DIL qui n’apparaissent pas dans la proposition principale mais uniquement dans la
subordonnée, mais la portée reste phrastique : « Cependant, elle soupira : - Ce qu'il y a de plus lamentable,
n’est-ce pas, c’est de traîner, comme moi, une existence inutile ? Si nos douleurs pouvaient servir à quelqu’un,
on se consolerait dans la pensée du sacrifice ! Il se mit à vanter la vertu, le devoir et les immolations
silencieuses, ayant lui-même un incroyable besoin de dévouement qu’il ne pouvait assouvir. » (Flaubert,
Madame Bovary, cité par Ducrot (1980 : 57-58).
147
Lips se sert de la traduction en latin pour illustrer l’ambivalence d’un autre DIL partiel : « Car on apprit que
l’ébéniste de notre cour, dont les ateliers n’étaient séparés de la boutique de Jupien que par une cloison fort
mince, allait recevoir congé du gérant, parce qu’il frappait des coups trop bruyants. » (Proust, Du côté de
Guermantes, cité par Lips 1926 : 47). L’énoncé désigne une cause indiquée par l’auteur ou une cause invoquée
par le personnage, et la traduction serait soit quod percutiebat soit quod percuteret (1926 : 47).
- 152 -
Les valeurs de l’imparfait et du passé simple
Le dernier argument est basé sur les valeurs de l’imparfait et du passé simple (Hirsch 1980a :
87ss ; Hirsch 1980b : 96ss ; Pérennec 1984 : 50 ; Vuillaume 1990 : 48 ; Vuillaume 1998 ;
Mellet 2000).
La littérature sur l’imparfait l’analyse le plus souvent dans son opposition au passé simple et
s’inscrit dans trois paradigmes explicatifs principaux (Bres 1998 : 160) : a) l’aspect :
imperfectif vs perfectif ; b) la référenciation : anaphorique vs non-anaphorique ; c) la
textualité : non-progression vs progression, arrière-plan vs premier plan. Aussi bien la
description de l’imparfait comme celle d’un temps imperfectif que celle d’un temps
anaphorique rendent compte de la relation étroite entre l’imparfait et le DIL. Si l’on
considère l’imparfait comme un temps imperfectif, ouvert, cette valeur s’accommode avec la
représentation d’un discours : celui-ci est représenté en cours, et non pas sous une forme
condensée par l’énonciateur citant. L’imperfectif donne à entendre les propos rapportés en
accompagnant le déroulement de cette énonciation seconde.
S. Mellet (2000 : 92) ajoute que le modèle aspectuel ne rend compte qu’insuffisamment de
« l’adéquation totale entre imparfait et style indirect libre en contexte narratif passé ».
L’auteur, se situant dans le cadre explicatif anaphorique, propose une description
référentielle à double repère qui rejoint les analyses d’Authier-Revuz. L’auteur décrit les
formes de l’imparfait comme des formes qui « impliquent toujours un double ancrage
énonciatif : ce sont des formes qui, en soi, sont bi-vocales. (Authier-Revuz) » (Mellet 2000 :
92) 148.
User d’un imparfait, c’est en effet donner à voir un procès passé de l’intérieur, à partir d’un point de
vue lui-même situé dans le passé, fourni préalablement par le contexte et instauré par celui-ci comme
origine secondaire des repérages énonciatifs. Cette translation vers le passé des coordonnées déictiques
n’occulte cependant pas entièrement le hic et nunc du narrateur, qui reste disponible comme repère
ultime, ne serait-ce que pour permettre le calcul temporel faisait de l’imparfait un temps du passé.
Le procès décrit à l’imparfait est donc, en tout contexte, soumis à un double repérage […] :
simultanéité [...] avec la situation passée avec laquelle l’imparfait est en relation anaphorique et
antériorité par rapport au nunc du narrateur ; ce double repérage est le propre d’une forme « toncale ».
[...] le discours rapporté suscite la présence dans le texte de deux sujets énonciateurs ; cette double
présence active tout particulièrement la dualité du repérage énonciatif [...]. L’imparfait est donc
148
M. Pérennec (1984), sans s’inscrire dans le cadre d’une théorie anaphorique, propose également une
description à double repérage de l’imparfait, dont « l’existence présuppose une relation entre l’énonciateur et le
procès » (1984 : 50), et conclut sur l’incompatibilité du DIL et du passé simple, qui se construit sans référence
à l’instance d’énonciation.
- 153 -
linguistiquement, et non pas seulement stylistiquement, un marqueur de style indirect ; cette valeur
d’emploi fait partie de ses capacités dénotatives et non pas connotatives […]. » (Mellet 2000 : 93)
L’imparfait donne à voir un procès de l’intérieur, à partir d’un point de vue dans le passé
avec lequel le procès à l’imparfait entretient une relation anaphorique. Un deuxième point de
vue est situé dans le présent et permet de faire de l’imparfait un temps du passé. Ces deux
points de repère correspondent au cadre énonciatif premier et au cadre énonciatif second. La
situation passée avec laquelle l’imparfait est en relation anaphorique est le cadre
d’énonciation seconde 149. Dans l’exemple suivant, le repérage anaphorique se fait à partir
des discours de M. Arnoux (« il exposait ses théories », « il narrait des anecdotes ») (Mellet
2000 : 95).
(138) La conversation roula d’abord sur les différentes espèces de tabacs, puis, tout naturellement, sur les
femmes. Le monsieur […] donna des conseils au jeune homme ; il exposait des théories, narrait des
anecdotes, se citait lui-même en exemple […].
Il était républicain ; il avait voyagé, il connaissait l’intérieur des théâtres, des restaurants, des
journaux, et tous les artistes célèbres, qu’il appelait familièrement par leurs prénoms ; Frédéric lui
confia bientôt ses projets ; il les encouragea (Flaubert, L’éducation sentimentale, cité par Mellet
2000 : 94)
En conclusion, les arguments développés contre le DIL au passé simple 150 sont ceux qui
parviennent (en particulier celui du DIL partiel et celui de la valeur du passé simple) à
expliquer pourquoi un énonciateur est perceptible dans des énoncés au passé simple tout en
cernant la distinction entre les représentations à l’imparfait et celles au passé simple. Si nous
comparons l’imparfait et le passé simple, nous voyons que si l’imparfait actualise deux
points de vue, ceux des deux énonciateurs, le passé simple, en revanche, est un temps à
référence unique et dominante : il « exclut toute saisie interne du procès et tout lien
anaphorique avec une situation antérieure : sa valeur aspectuelle, caractérisée par un
cinétisme ascendant et par une vue globale du procès, en fait le temps de la successivité
narrative par excellence [...]». (Mellet 2000 : 95-96). Il est par conséquent inapte à rendre le
DIL.
149
Comme le signale l’auteur (2000 : 95), ses analyses rejoignent celles de Berthonneau et Kleiber (1997).
150
M. Vuillaume propose de plus des tests d’ajout d’une incise et d’une négation, probants sur les exemples
développés. Nous renvoyons à Vuillaume (1998) pour l’analyse détaillée.
- 154 -
discours indirect embryonnaire, une ‘Vorstufe erlebter Rede’. Dans l’exemple suivant, le
narrateur, dans une description en focalisation interne, rend compte des sentiments du
personnage et produit un discours qui peut être qualifié d’empathique.
Dans ce que nous avons nommé le discours embryonnaire, le passé simple inscrit
l’énonciation dans le champ du narrateur. Le procès est représenté avec le temps du seul
narrateur et le seul indice de PDV autre est celui des référents et de l’exclamation, tandis que
dans le DIL, l’imparfait est adapté au DIL qui donne accès au personnage qui parle au
moment où il parle (ambition dont rend mieux compte le terme de erlebte Rede). Les
référents, mais aussi le temps, qui est double, sont des indices de DIL. Le procès est
représenté avec le temps du narrateur et celui du personnage.
Ces descriptions du DIL français et de ses frontières font apparaître une différence avec
l’allemand. En français, l’existence de l’imparfait et du passé simple permet une gradation
dans la représentation de l’énonciateur second. Il se pose la question de la correspondance
des formes embryonnaires dans un texte cible allemand au Präteritum, une forme
aspectuellement non-spécifiée, qui a des emplois perfectifs et imperfectifs.
- 155 -
Ausgangssprache angelegte Opposition mit allerlei Kunstgriffen im Zieltext nachbilden »
(Maingueneau 2000 : 73). Projetée sur le terrain traductologique des discours indirects, la
différence aspectuelle laisse prévoir des difficultés pour atteindre dans la traduction la même
différenciation des degrés de représentation. Nous formulons l’hypothèse que la traduction
de discours indirect embryonnaire au passé simple par des énoncés au Präteritum modifie le
texte source en le déplaçant vers un erlebte Rede.
Le discours indirect libre étant un type interprétatif, la question se pose du repérage par
l’allocuté de la présence de deux situations d’énonciation. L’intégration du discours rapporté
dans le discours produit, dans des contextes au passé, se fait selon deux schémas, selon a)
que les temps du discours premier et du discours second sont les mêmes ou b) qu’ils sont
différents.
a) Lorsque le temps du DIL ou de l’ER est employé également dans le discours cadre, le
discours rapporté est intégré sans heurts à la narration.
Cette intégration peut aller jusqu’à créer des énoncés ambigus, comme le souligne Steinberg
(1971 : 157) : « Durch die ER sind die Verbformen dem Bericht angeglichen, die Rede hat
scheinbar den gleichen Realitätscharakter wie dieser [...] ».
(141) Und er sah zur Weckuhr hinüber, die auf dem Kasten tickte. „Himmlischer Vater!“ dachte er. Es war
halb sieben Uhr, und die Zeiger gingen ruhig vorwärts, es war sogar halb vorüber, es näherte sich
schon drei Viertel. a) Sollte der Wecker nicht geläutet haben? b) Man sah vom Bett aus, daß er auf
vier Uhr richtig eingestellt war; c) gewiß hatte er auch geläutet. d) Ja, aber war es möglich, dieses
möbelerschütternde Läuten ruhig zu verschlafen? e) Nun, ruhig hatte er ja nicht geschlafen, aber
wahrscheinlich desto fester. f) Was aber sollte er jetzt tun ? (Kafka, Die Verwandlung : 20-21)
- 156 -
L’énoncé a) reste ambigu. Son statut interrogatif ne permet pas de conclure de manière
assurée à l’existence d’une énonciation double (Vetters 1989 : 54ss). Il peut être l’expression
d’un doute du personnage, donc être un indice d’erlebte Rede, mais aussi être l’expression
d’un narrateur non omniscient, qui a adopté une focalisation interne, comme en b). Le même
doute se rencontre dans des textes français : dans l’extrait suivant, le narrateur laisse
délibérément planer un doute sur la frontière entre la narration et le DR. Mellet (2000 : 98 ;
voir aussi Jaubert 2000) évoque la « capacité paradoxale des formes en –ais/-ait d’assurer la
cohérence et la cohésion textuelle tout en introduisant l’hétérogénéité énonciative. ».
(142) Mme Moreau nourrissait une haute ambition pour son fils. Elle n’aimait pas à entendre blâmer le
gouvernement, par une sorte de prudence anticipée. Il aurait besoin de protections d’abord ; puis,
grâce à ses moyens, il deviendrait conseiller d’Etat, ambassadeur, ministre. Ses triomphes au collège
légitimaient cet orgueil ; il avait remporté le prix d’honneur. (Flaubert, L’éducation sentimentale,
cité par Mellet 2000 : 96)
b) En français uniquement, le passé simple du récit peut fonctionner comme borne du DIL,
comme signal de clôture ou d’ouverture (Mellet 2000 : 94 ; Vuillaume 2000 : 113). Nous
pouvons donc formuler l’hypothèse que des bornes de DIL pourraient être estompées dans le
texte cible allemand et rendre la délimitation du DIL moins aisée que dans le texte source.
(143) Au bas de la côte de Sourdun, il s’aperçut de l’endroit où l’on était. On n’avait fait que cinq
kilomètres, tout au plus ! Il fut indigné. (Flaubert, L’éducation sentimentale : 101)
Dans cette partie, la comparaison portera sur les éléments internes à l’erlebte Rede et au
discours indirect libre. Nous avons posé la question d’une différence dans le degré
d’interprétation qu’exige chacun des discours, indépendamment de l’intégration textuelle et
des marques de clôtures.
En allemand comme en français, le DIL est le genre dont la valeur discursive est la plus
sensible au cotexte et la plus fuyante. Le DIL peut conduire à une certaine distanciation,
voire une ironie, vis-à-vis du discours cité. En effet, l’énonciateur premier rapporte un
discours tout en se plaçant à l’intérieur de celui-ci, et peut suggérer que le discours cité se
prête à une double lecture : celle que souhaiterait l’énonciateur second, celle que suggère
l’énonciateur premier. Dans d’autres cas, le discours indirect libre entretient la confusion
entre l’énonciateur cité et citant. Genette différencie ainsi le discours indirect, qui ne donne
« aucun sentiment de fidélité littérale aux paroles « réellement » prononcées » et le DIL en
- 157 -
prenant l’exemple de l’emploi qu’a fait Flaubert du DIL :
[…] l’on sait l’extraordinaire parti que Flaubert a tiré de cette ambiguïté, qui lui permet de faire parler
à son propre discours, sans tout à fait le compromettre ni tout à fait l’innocenter, cet idiome à la fois
écœurant et fascinant qu’est le langage de l’autre. (1972 : 192)
De manière générale, le DIL peut faire oublier son statut de DR et est dans certains contextes
à manier avec prudence, en particulier lorsque les temps des verbes du DIL sont identiques à
ceux du discours cadre, car le discours rapporté semble bénéficier de la même force assertive
que celui-ci. Le discours du Président du Bundestag Philipp Jenninger, prononcé le
10.11.1988 à l’occasion de la commémoration de la Nuit de cristal 151, dont nous citons
quelques extraits, en a fourni un exemple malheureux :
(144) […] Hitlers Erfolge diskreditierten nachträglich vor allem das parlamentarisch verfaßte, freiheitliche
System, die Demokratie von Weimar selbst. Da stellte sich für viele Deutsche nicht einmal mehr die
Frage, welches System vorzuziehen sei. Man genoß vielleicht in einzelnen Lebensbereichen
weniger individuelle Freiheiten; aber es ging einem persönlich doch besser als zuvor, und das
Reich war doch unzweifelbar wieder groß, ja größer und mächtiger als zuvor. - Hatten nicht
erst die Führer Großbritanniens, Frankreichs und Italiens Hitler in München ihre Aufwartung
gemacht und ihm zu einem weiteren dieser nicht für möglich gehaltenen Erfolge verholfen?
Und was die Juden anging: hatten sie sich nicht in der Vergangenheit doch eine Rolle angemaßt,
die ihnen nicht zukam? Mußten sie nicht endlich einmal Einschränkungen in Kauf nehmen?
Hatten sie es nicht vielleicht sogar verdient, in ihre Schranken gewiesen zu werden? Und vor
allem: entsprach die Propaganda - abgesehen von wilden, nicht ernst zu nehmenden
Übertreibungen - nicht doch in wesentlichen Punkten eigenen Mutmaßungen und
Überzeugungen? (discours de Jenninger, cité d’après Siever 2001 : 492-493)
Son intention était d’utiliser une forme de coénonciation pour faire participer le public aux
pensées inavouables de la population allemande. L’introduction de son discours nous
rappelle quelle était son intention :
(145) Die Opfer, die Juden überall auf der Welt, wissen nur zu genau, was der November 1938 für ihren
künftigen Leidensweg zu bedeuten hatte. - Wissen wir es auch ? (discours de Jeninnger, cité d’après
Siever 2001 : 488)
La forme de l’ER est une forme qui demande à l’oral une mise en scène de la part du
locuteur et une coopération de la part du public. Jenninger semble avoir échoué à faire
fonctionner son discours (Suzuki 2000 ; Siever 2001 : 236-237).
Au-delà de ce constat général, il nous faut examiner si erlebte Rede et discours indirect libre
se fondent de la même façon dans le discours premier et si, corollairement, leur visibilité est
similaire. Pour répondre à cette question, nous procéderons à la comparaison des thèses
151
Le titre était « Die Gedenkveranstaltung des Deutschen Bundestages aus Anlaß der Pogrome des
nationalsozialistischen Regimes gegen die jüdische Bevölkerung vor 50 Jahren ».
- 158 -
formulées sur ce point dès l’origine de la ‘découverte’ du DIL à la fin du 19ème siècle. Deux
positions s’opposent :
- il existe un discours indirect interprétatif, indifféremment français ou allemand. Cette
position est adoptée par Kalepky (1899) et Lerch (1914).
- malgré leurs similitudes, l’erlebte Rede et le discours indirect libre ne sont pas
assimilables l’un à l’autre. C’est la position de Lips (1926), Günther (1928),
Steinberg (1971), Kullmann (1992a, 1995a, 1995b) et Gehnen et Kleineidam (1988).
Nous examinerons les apports respectifs de ces deux positions, ainsi que la position
particulière adoptée par Bally (1912 et 1914).
La thèse de la similitude
Dans l’article de Kalepky (1899), la comparaison avec l’allemand est très marginale mais
révèle néanmoins un postulat d’identité entre le discours indirect libre français et l’erlebte
Rede. L’auto-traduction d’un énoncé de Germinal de Zola en un erlebte Rede sert son
argumentation selon laquelle le discours indirect libre n’est pas une forme de discours
indirect. S’il en était ainsi, la traduction allemande aurait employé le mode du discours
indirect et donc traduit le discours indirect libre par un discours indirect au subjonctif,
l’einführungslose indirekte Rede.
- 159 -
correspondance, même partielle, avec l’einführungslose indirekte Rede (à laquelle Bally
(1912, cité par Lerch 1914 : 470) a pourtant rendu attentif).
La position de Bally
Bally occupe une place particulière dans ce groupe, puisqu’il a formulé deux thèses
différentes (1912 et 1914), ce qui est quelquefois interprété comme une contradiction
(Bakhtine 1977 : 201 ; Gelzer 2006 : 133). Après avoir, en 1912, souligné les convergences
entre le DIL et l’EIR et décrit le DIL comme une des traductions possibles de l’EIR (1912 :
552), Bally fait un autre rapprochement en 1914. Il remarque en allemand l’existence d’une
« forme de syntaxe analogue à notre style indirect libre » au mode indicatif (1914 : 469) et
cite des exemples d’erlebte Rede. Constatant que ce style fait s’entrecroiser le discours du
narrateur et la reproduction des paroles et pensées de personnage, Bally conclut que l’ER
peut être employé pour traduire le DIL. A y regarder de plus près, il apparaît toutefois
qu’opposer les deux propositions de Bally fait abstraction de ses démarches réelles et que le
deuxième article n’est pas de la part de Bally un correctif du premier.
En 1912, la présentation des points communs entre l’EIR et le DIL est un outil heuristique
utilisé pour la description du DIL. Il ne faut pas oublier que, de plus, l’analogie qu’il décrit
ne repose que sur certains traits de l’EIR que sont « l’aisance » (1912 : 550), « la liberté »
(1912 : 551), la conservation de « toutes les nuances et tous les mouvements de l’expression
directe » (1912 : 550) d’une part, et « l’illusion du discours direct » (1912 : 552) d’autre part.
Un élément permet d’expliquer pourquoi Bally privilégie la comparaison avec l’EIR :
voulant décrire un procédé de style encore ignoré des grammaires (1912 : 551), il est
probable que l’auteur ait préféré s’appuyer sur une comparaison avec un genre connu (1912 :
550) comme l’est l’EIR plutôt qu’avec l’ER, genre aussi méconnu que l’était à l’époque le
DIL.
En 1914, le rapprochement que fait Bally entre le DIL et l’ER fait suite à une critique de
Kalepky (1913), qui avait tenté d’invalider les analyses de Bally. Kalepky, supposant à tort
que Bally définissait le DIL comme un avatar du discours indirect régi, affirme que le
passage en question n’est pas un discours indirect comme le prétend Bally, puisqu’une
traduction allemande emploierait des verbes à l’indicatif et non pas au Konjunktiv. Dans sa
réplique, Bally se défend de voir dans le DIL un type particulier de discours indirect régi
mais constate également qu’il existe en allemand un discours indirect non introduit à
l’indicatif analogue au DIL français, soit l’ER.
En fin de compte, les deux analyses ne s’annulent pas, mais sont plutôt des analyses
- 160 -
partielles qui se complètent. Bally n’a pas fait la synthèse de la comparaison des discours
indirects non introduits du français et de l’allemand, ce qui nourrit le malentendu. Ses
analyses, finalement, reflètent l’asymétrie des systèmes indirects de l’allemand et du
français.
La thèse de l’asymétrie
Les éléments convoqués pour cette thèse sont de deux ordres : ils proviennent soit de
l’intégration d’un troisième terme dans la comparaison, l’einführungslose indirekte Rede,
soit reposent sur les valeurs du Präteritum et de l’imparfait.
Präteritum et imparfait
M. Lips (1926) 153 et W. Günther (1928) ont proposé des éléments venant nuancer l’idée
selon laquelle l’erlebte Rede serait le reflet allemand du discours indirect libre en s’appuyant
sur les valeurs des temps.
Il existe, selon Lips, deux styles indirect libres en allemand, l’un au Konjunktiv, l’autre à
l’Indikativ, et en français un seul style indirect libre. Lips avance que le style indirect libre
français est plus proche du style indirect allemand au Konjunktiv (1926 : 202). Lips s’appuie
sur deux faits concernant les temps et les modes : 1) l’absence d’une opposition passé
152
Elle n’est que facultative, comme l’illustre l’exemple suivant : « Warum ich nicht fragte, ob Hanna noch
lebt, weiß ich nicht [...]. » (Frisch, Homo Faber : 29).
153
L’ouvrage de Lips (1926), consacré au discours rapporté et plus particulièrement au style indirect libre, a
une vue contrastive en filigrane : le DIL est décrit comme un « procédé de reproduction […] d’un usage
courant dans les langues modernes de l’Europe et, par suite, d’une portée interlinguistique » (1926 : 50). La
dernière partie de son ouvrage a ainsi pour vocation de démontrer que le style indirect libre « n’existe pas
exclusivement en français » (1926 : 196).
- 161 -
simple/imparfait en allemand 2) l’absence en français d’un mode de discours rapporté
comme l’est le Konjunktiv.
1) tandis que le DIL français, à l’imparfait, ne peut être rapproché du récit, partiellement au
passé simple (1926 : 204), l’ER au prétérit est proche du récit.
2) le DIL français à l’imparfait est proche du DI français, dans lequel le discours rapporté est
transposé à l’imparfait. L’ER allemand au Prétérit n’est pas proche du DI, car ce dernier se
construit avec le Konjunktiv.
En somme, selon l’auteur, il y a en allemand un « rapprochement […] fait spontanément »
(1926 : 204) entre l’erlebte Rede au prétérit et le discours produit. En français, il y a en
comparaison une plus grande proximité entre le DIL et le DI qui donne au DIL une meilleure
visibilité.
Le premier argument de Lips ne repose pas véritablement sur la valeur des temps, mais sur
l’intégration dans le contexte. Le deuxième argument, en revanche, souligne quelle est la
singularité de l’erlebte Rede dans le système des temps et des modes. Cet argument est
également celui que développe Günther.
(146) Er s t i e g zum Orkus, wenn sie ihn nicht hielt (Kleist, Penthesilea, I, cité par Günther 1928 : 115)
(147) Sans la barrette de cuir, il a v a i t le crâne fendu. (Zola, Germinal, cité par Günther 1928 : 115)
Der Indikativ der erlebten Rede ist bedeutungsschwer, weil in ihm zwei Elemente (Bericht und
Aussage) tätig sind. Die verschiedene Natur des deutschen Imperfekts gibt der deutschen erlebten
Rede auch eine festere, strengere, literarischere Physiognomie als sie der romanischen eignet. (1928 :
115-116)
154
On nomme aujourd’hui également cet emploi imparfait contrefactuel.
- 162 -
Le Präteritum est plus apte à inscrire des événements dans la chaîne narrative et moins apte
que le temps français à représenter des discours. Par conséquent, l’auteur affirme que « die
romanische erlebte Rede fließt eben leichter aus der Feder als die deutsche » (1928 : 117) et
formule l’hypothèse que le DIL serait plus proche de l’EIR que de l’ER.
Les intuitions de Lips et Günther ont touché des points importants qui amènent à
reconsidérer la similitude entre le DIL et l’ER à partir d’éléments autres que contextuels :
- D’une part, l’élucidation d’un DIL français passe par la reconnaissance d’une
transposition des temps qui est propre au mode indirect puisqu’elle est présente dans
le discours indirect régi et le discours indirect libre. L’élucidation d’un ER - dans un
contexte passé - n’est pas la même puisque l’ER repose sur une transposition des
temps, mécanisme unique dans le mode indirect allemand. L’erlebte Rede occupe
une place marginale dans le système du discours indirect allemand et demande par
conséquent un effort d’interprétation plus important que ne le demande le DIL en
français.
- D’autre part, l’imparfait est un temps aspectuellement imperfectif et qui, en
opposition au passé simple, a une valeur compatible avec le DIL. Par conséquent,
l’élucidation d’un énoncé à l’imparfait comme étant l’attribution d’un discours et non
pas d’un prédicat, est, en comparaison avec l’allemand et le Präteritum, plus aisée.
- De plus, lorsque le cotexte amont contient un einführungslose indirekte Rede, cette
forme affaiblit par contraste la visibilité de l’erlebte Rede.
Les caractéristiques du discours rapporté allemand font que l’erlebte Rede est moins
aisément reconnaissable que le DIL. Par conséquent, l’ER s’est développé sur le plan
discursif comme un procédé relevant d’un registre plus soigné que ne l’est le DIL en français
et l’EIR en allemand (Kullmann 1992a : 330). L’ensemble de ces éléments nous invite à
remettre partiellement en question la correspondance entre l’ER et le DIL au profit de celle
entre l’EIR et le DIL.
L’einführungslose indirekte Rede est un genre qui marque clairement la présence d’un
rapporteur tout en donnant l’illusion d’une certaine fidélité à un discours originel ou supposé
tel, notamment grâce à la linéarisation d’une indépendante, comme relevé par Marschall
- 163 -
(2001 : 484). Cette impression d’authenticité est renforcée par le fait que le DI non introduit
peut comporter des particules, des exclamations, des modalisateurs, autant de marques de
subjectivité qui ne s’accordent généralement pas avec le DI régi.
L’einführungslose indirekte Rede est un type de discours rapporté dont certains traits ne sont
pas présents en français 155. Dans le tableau ci-dessous, nous faisons correspondre aux
différents traits de l’EIR les types de discours rapporté qui contiennent ces traits.
(148) Le jeune homme […] opposa une imperturbable ignorance aux questions insidieuses de Martold. Le
comte Mancelli se trouvait sur le littoral ? Il n’en avait pas entendu parler. D’ailleurs, il ne l’avait pas
vu depuis plus de six mois… S’il connaissait la jeune comtesse ? Aucunement. Sa mère et lui
avaient reçu un faire part du mariage comme toutes les relations du comte. (Delly, Le Secret du Kou-
Kou-noor, cité par Lips 1926 : 77)
M. Lips y voit un « cas curieux » d’une forme intermédiaire entre le style indirect libre et le
discours indirect (1926 : 77) : « phrase indépendante », ayant l’intonation de celle-ci, elle est
en outre introduite par une conjonction de subordination et marquée par la transposition des
temps. Sans explicitement indiquer qu’il s’agirait d’un EIR français, l’auteur suggère le
parallèle entre la forme allemande de l’EIR et cette forme française. En d’autres termes,
l’énoncé français serait construit sur le schéma de l’EIR « Ob er die junge Comtesse
155
Selon Steinberg (1971 : 133), une construction similaire à l’EIR s’observe en latin et en romanche.
156
Günther (1928 : 119) signale toutefois le cas de Gotthelf qui emploie l’EIR pour relater des pensées. Il est
permis de penser que l’emploi de Gotthelf pour des discours pensées est influencé par l’emploi dialectal du
Konjunktiv I et que l’EIR pensé n’est qu’une variation diatopique.
- 164 -
kenne ? ». Selon nous, l’énoncé est un DIL. « S’il connaissait la jeune comtesse ? » est un
écho prononcé par le personnage aux questions formulées par son interlocuteur, représenté
au mode indirect par le narrateur. Dans l’énoncé au DIL, si est la reproduction d’un item
supposé issu du mode direct. Le dialogue au mode direct, celui du deuxième plan
d’énonciation, serait :
(149) Et puis on nous a fait de la formation politique : que les bouddhistes sont les ennemis de notre race
depuis deux mille ans ... que les Tamouls, donc les hindouistes, ont droit à l’autodétermination ...
qu’il est juste de mourir pour cela ... que c’est un moyen, aussi, d’aller plus vite au ciel, en
raccourcissant la chaîne des réincarnations - short cut to Nirvana ! une offrande qui permet de renaître
dans le corps d’une femme de haute caste ! ... J’ai cru tout cela. On me le répétait tellement que j’ai
fini par le croire. (Lévy, Les Damnés de la guerre : 46)
Dans ce texte, le DI (de « que les bouddhistes » à « la chaîne des réincarnations ») est
inhabituel. Deux discours narrativisés l’encadrent, « on nous a fait de la formation
politique », qui est la reformulation du DI et fonctionne comme signal d’ouverture et « on
me le répétait tellement », qui le clôt. Dans son fonctionnement énonciatif, ce DI elliptique
comporte les traits caractéristiques de l’EIR et semblerait mettre à mal l’affirmation selon
laquelle l’EIR est un genre spécifique de l’allemand.
La valeur discursive est toutefois divergente et ne permet pas d’assimiler les constructions
allemandes et françaises. Dans un texte informatif comme l’est celui-ci, l’EIR est en
allemand entièrement usuel ; en revanche, la construction française est singulière et produit
un effet particulier. Le discours rapporté, amputé de tout élément décrivant l’acte qu’il
accompagne, se réduit aux paroles rapportées, ce qui permet de mieux le représenter comme
- 165 -
discours d’endoctrinement, dont une des caractéristiques est d’être fondé sur la répétition de
propositions et non pas de s’inscrire dans un schéma social d’actes de communication dont
rendraient compte des verbes introducteurs. Cette forme est une construction stylistique
fondée sur l’ellipse, et non pas un genre de DR comme l’est l’EIR.
Le DI elliptique, s’il est aujourd’hui une figure de style, se rencontre fréquemment jusqu’à la
moitié du 19ème siècle dans des séquences longues. L’acceptabilité de ce type de construction
a décru corollairement au développement du DIL.
(150) La mère des novices […] avait toujours bien dit à notre mère supérieure qu’il fallait tenir bon, et que
cela passerait ; que les meilleures religieuses avaient eu de ces moments-là ; que c’étaient des
suggestions du mauvais esprit qui redoublaient ses efforts lorsqu’il était sur le point de perdre sa
proie ; que les obligations de la vie religieuse me paraîtraient d’autant plus supportables que je me les
étais plus fortement exagérées ; que cet appesantissement subit du joug était une grâce du ciel, qui se
servait de ce moyen pour l’alléguer… (Diderot, La Religieuse, cité par Riegel et al. 2001 : 600)
Nous comparerons en 5.3.2 l’EIR au DI elliptique pour montrer quelles sont les proximités
dans l’usage de ces deux formes en tenant compte des variations discursives diachroniques
du DI elliptique. L’EIR est ensuite, en 5.3.3, comparé avec le conditionnel, une forme qui
présente certaines analogies avec l’EIR sans être stricto sensu une forme de discours
rapporté. La première partie (5.3.1) développe la comparaison avec le DIL.
L’étude de l’EIR et de ses correspondants dans le système du discours rapporté français est
intimement liée à celle du discours indirect libre et de l’erlebte Rede. A la fin du 19ème siècle
et au début du 20ème siècle, des grammairiens et linguistes se consacrèrent à l’étude des
formes mises à l’honneur par la littérature romanesque, notamment par G. Flaubert, E. Zola
et T. Mann. Dans leurs travaux, l’erlebte Rede ainsi que le style indirect libre furent
délimités par rapport aux formes déjà connues de discours indirect : l’indirekte Rede, le
discours indirect et surtout l’einführungslose indirekte Rede. Les travaux suivants (Steinberg
(1971), Kullmann (1992a, 1995a, 1995b), Gehnen et Kleineidam (1988)) ont étudié l’EIR
sous l’angle contrastif et traductologique en privilégiant également la comparaison avec le
discours indirect libre et l’erlebte Rede.
L’ensemble des travaux s’oriente dans deux directions : soit la proximité de l’EIR avec le
mode indirect régi est soulignée, soit c’est au contraire la proximité de l’EIR avec les formes
- 166 -
hybrides, allemandes et françaises, de discours indirects interprétatifs qui est mise en avant.
La deuxième direction est majoritaire, mais comporte des nuances 157.
L’EIR et le DI régi
Seuls Kalepky et Lerch soulignent la proximité entre l’EIR et le discours indirect régi
allemand ou français. Kalepky établit un parallèle entre le DIL et l’ER d’une part, et l’EIR et
le mode indirect régi français d’autre part (cf. 5.2.3). Lerch (1914) distingue l’EIR de l’ER
en se fondant sur la transposition des temps de l’ER. Il établit les correspondances
suivantes :
Bien que se défendant de voir dans l’EIR un simple DI avec élision du verbe, Lerch fait un
rapprochement entre ces deux formes au niveau de la langue : il met sur un même plan
« qu’il n’était pas content » et « er sei nicht zufrieden » ou « er wäre nicht zufrieden », soit
une construction stylistique française et un genre discursif propre à l’allemand.
Lerch fait également un rapprochement discursif entre l’EIR et le DI régi : l’EIR est selon
l’auteur un moyen d’expression en inadéquation avec le roman moderne, car la médiation
marquée par le Konjunktiv prive le lecteur du sentiment d’avoir accès à l’intimité des
personnages, à l’instar du discours indirect elliptique français :
der Konjunktiv im Deutschen (und im Französischen die ewige Einleitung durch que) stellen das
Gesagte beinahe als unwirklich hin ; […] die indirekte Rede […] ist im modernen Roman wenig
beliebt : sie bedeutet ein Hervortreten des resümierenden Autors, und dafür ist der moderne Roman zu
dramatisch geworden (1914 : 474)
Lerch souligne à juste titre la différence de l’effet discursif entre l’EIR et l’ER, mais il a
selon nous le tort de faire correspondre le DI elliptique à l’EIR. La représentation indirecte et
libre des discours se réalise selon un schéma qui n’est pas, comme il le prétend, symétrique
entre l’allemand et le français.
157
La présente partie est donc complémentaire aux parties 5.2.2 et 5.2.3.
- 167 -
L’EIR et les discours indirects interprétatifs
Il n’y a pas de marques univoques du discours indirect libre, qui n’est interprétable comme tel qu’en
contexte (Pierre sourit. Ils allaient voir ! : l’imparfait permet l’interprétation comme style indirect
libre), contrairement à ce qui se passe dans une langue comme l’allemand, où une indépendante au
subjonctif ne peut avoir que cette valeur. (Arrivé et al. 1986 : 237)
Cette description implique une proximité entre le DIL et l’EIR qui remonte à une longue
tradition comparatiste entre le DIL et les genres allemands. Bally est le premier, à notre
connaissance, à rapprocher le DIL de l’EIR. Dans son premier article sur le style indirect
libre, publié en 1912, Bally fait référence à l’EIR pour contrer l’affirmation selon laquelle
seul l’allemand connaît un discours indirect sans conjonction. Bally rappelle les
caractéristiques de l’EIR allemand 158, qui sont celles de donner « l’illusion du style direct »
(1912 : 550) tout en ayant avec le mode subjonctif une marque de subordination :
l’emploi de ce mode est comparable à celui d’une clé de transposition permettant de faire passer
automatiquement une mélodie dans une autre tonalité (1912 : 550)
Par ailleurs, sur le plan discursif, Bally qualifie à juste titre l’EIR de « forme grammaticale
classique » (1914 : 469) en comparaison à l’erlebte Rede qui, plus encore d’ailleurs que le
DIL, est encore perçu comme une forme nouvelle de l’écriture littéraire.
Bally voit dans le style indirect libre français le correspondant de l’EIR 159. Leurs
dénominateurs communs sont la non-introduction et l’intégration d’éléments du mode direct
(1914 : 469).
En 1926, M. Lips analyse à son tour le style indirect libre français et voit en allemand deux
constructions analogues, l’ER et l’EIR. L’EIR reçoit la description suivante :
Ce type a des analogies avec le style indirect libre. Il n’est plus subordonné à un verbe transitif, mais
celui-ci est suggéré par le contexte. Comme toute proposition indépendante, il peut prendre une forme
exclamative […]. Ce qui distingue ce type du style indirect libre, c’est la transposition modale à la
place de celle des temps. Mais la construction libre existe absolument pareille au type français […].
(1926 : 200ss)
158
Bally le désigne simplement par les termes de « style indirect » ou de « style indirect libre » (1912 : 550).
159
Bakhtine (1977 : 201) critique fortement le rapprochement initié par Bally, en avançant que le
rapprochement n’a de validité que sur le plan de la langue, mais pas sur celui du discours (Bakhtine parle
respectivement du plan grammatical et du plan des tendances socio-verbales).
- 168 -
Günther (1928) propose une étude comparative et traductologique dont la visée globale 160
favorise une description plus poussée des ressemblances et différences des discours
rapportés. Günther rapproche l’EIR (appelé konjunktionslose indirekte Rede) du DIL
français. A l’inverse de Lerch (1914), il souligne la différence entre le DI elliptique français
et l’EIR, qu’il décrit comme une « Redeform, die der direkten Rede trotz des Konjunktivs
nähersteht als die romanische mit « que » eingeleitete » (1928 : 57). Comparant l’EIR à l’ER
et au DIL, Günther conclut à une correspondance en langue - et une équivalence
traductologique - plus forte entre l’EIR et le DIL qu’entre l’ER et le DIL (cf. 5.2.3). Le seul
point de divergence irréductible entre l’EIR et le DIL est la connotation « volkstümlich » que
l’EIR a dans les régions où il a survécu dans les dialectes (comme illustré par les romans de
Gotthelf).
Après cette première période, nous retrouvons dans les travaux de Steinberg (1971), Gehnen
et Kleineidam (1988) et enfin Kullmann (1992a, 1995a, 1995a et 1995b) le lien privilégié
entre l’EIR, l’ER et le DIL. Tandis que Gehnen et Kleineidam rapprochent l’EIR du DIL,
Steinberg et Kullmann voient dans l’EIR et l’ER des constructions en langues similaires au
DIL, en se fondant sur la non-introduction et la linéarisation. De plus, Kullmann s’appuie sur
le fait qu’un genre marqué par le mode n’existe pas en français. Nous pensons comme
Kullmann que cet argument sert à montrer la proximité entre l’EIR et le DIL, mais à la
différence de l’auteur, nous pensons qu’il conduit à dissocier l’ER du DIL (cf. 5.2.3) :
Das Französische kennt die Möglichkeit der konjunktionslosen, konjunktivischen Indirekten Rede
nicht, da es Abhängigkeit nicht durch den Modus, sondern ausschließlich durch Tempuskorrelation
markieren kann. Außerdem ist die Satzstellung in einem unabhängigen Hauptsatz identisch mit
derjenigen in einem abhängigen Satz. Einführungslose Indirekte Rede 161 ist daher nur durch das
Fehlen eines einleitenden Verbs von normaler Indirekter Rede unterschieden. Gleichzeitig ist sie der
Form nach identisch mit normalem Erzählerdiskurs und somit auch identisch mit dem style indirect
libre. Es ist daher nur folgerichtig, wenn in der französischen Grammatik die einführungslose Indirekte
Rede nicht als eigene Kategorie definiert wird. (1992a : 329)
Au terme de la partie 5.3.1, nous pouvons procéder au bilan des analyses contrastives sur
l’EIR en intégrant les problématiques développées en 5.2.2 et 5.2.3 :
1) Tous les travaux ont abordé l’EIR au sein de la triade des genres indirects sans
160
A notre connaissance, aucune autre recherche mis à part celle de Steinberg (1971) ne propose de
comparaison globale des différents types de discours rapporté de l’allemand et du français. Pour l’allemand et
l’italien, Breslauer (1996) propose une vue d’ensemble, réalisée à partir d’un corpus écrit, tandis que Katelhön
(2005) exploite un corpus oral.
161
L’auteur renvoie ici à un hypothétique EIR français.
- 169 -
introduction, l’einführungslose indirekte Rede, l’erlebte Rede et le discours indirect libre, à
l’exception de Kalepky (1899) et Lerch (1914), pour qui l’EIR est proche du DI, et de Celle
(2004, cf. 5.3.3), qui l’envisage dans sa relation avec le conditionnel.
2) La question des relations entre les trois genres sans introduction reçoit deux réponses sur
le plan contrastif :
2.1) Bally (1912), Steinberg (1971) et Kullmann (1992a, 1995a et 1995b) considèrent que
l’einführungslose indirekte Rede est, au même titre que l’erlebte Rede, une construction
similaire au discours indirect libre. En somme, s’il y a en français un discours indirect libre,
il y a en allemand l’erlebte Rede et son doublet, l’einführungslose indirekte Rede, comme le
formule Kullmann : « Einer einzigen grammatischen Form im Französischen stehen also im
Deutschen zwei unterschiedliche Formen gegenüber. Sie müssen, von ihrer Stellung im
Sprachsystem her gesehen, als gleichberechtigte Entsprechungen der französischen Form
angesehen werden. » (1992a : 330) 162.
2.2) l’einführungslose indirekte Rede et le discours indirect libre sont les véritables
correspondants dans le système des discours indirects, l’erlebte Rede n’ayant qu’un écho très
partiel dans le discours indirect libre. Cette position est celle de Lips (1926), Günther (1928)
et celle de Gehnen et Kleineidam (1988).
Nous privilégions la deuxième approche. Le DIL et l’EIR marquent la subordination sur des
plans qui sont également ceux, respectivement, du discours indirect régi et de l’indirekte
Rede. L’ER occupe une place particulière dans le continuum allemand du discours rapporté
puisqu’il se construit à partir de l’adaptation des temps du cadre énonciatif second à ceux du
cadre énonciatif premier.
L’EIR demande à être comparé avec le discours indirect elliptique français tel qu’il est
attesté dans les exemple suivants, dans des textes dramatiques et de prose, dans des
dialogues et des interventions non dialogales.
(151) Je lui dis que pour lui mon âme était blessée, / Mais que, voyant mon père en d’autres sentiments, / Je
devais une feinte à ses commandements ; / Qu’ainsi de notre amour nous ferions un mystère / Dont la
nuit seulement serait dépositaire ; / Et qu’entre nous de jour, de peur de rien gâter, / Tout entretien
162
Nous précisons en anticipant sur la section III que sur le plan traductologique, Steinberg et Kullmann
établissent que l’EIR est souvent l’équivalent le plus adéquat du DIL, et Kullmann conclut même à une
équivalence globalement moins grande entre l’ER et le DIL qu’entre l’EIR et le DIL.
- 170 -
secret se devait éviter ; / Qu’il me verrait alors la même indifférence / Qu’avant que nous eussions la
moindre intelligence ; / Et que de son côté, de même que du mien, / Geste, parole, écrit, ne m’en dit
jamais rien (Molière, Le Dépit amoureux, cité par Bally 1912 : 551)
(152) Les voilà tous les deux occupés à manger et à arroser les petits pâtés ; et l’exempt demandant à son
camarade comment allait son commerce ?
- Fort bien.
- S’il n’avait aucune mauvaise affaire ?
- Aucune.
- S’il n’avait point d’ennemi ?
- Il ne s’en connaissait pas.
- Comment il vivait avec ses parents, ses voisins, sa femme ?
- En amitié et en paix.
- D’où peut donc venir, ajouta l’exempt, l’ordre que j’ai de t’arrêter. (Diderot, Jacques le fataliste, cité
par Lips 1926 : 78)
(153) On lui a demandé si j’étais son client et il a dit : « Oui, mais c’était aussi un ami » ; ce qu’il pensait de
moi et il a répondu que j’étais un homme ; ce qu’il entendait par là et il a déclaré que tout le monde
savait ce que cela voulait dire ; s’il avait remarqué que j’étais renfermé et il a reconnu seulement que
je ne parlais pas pour ne rien dire. (Camus, L’Etranger : 135-136)
La comparaison ne s’effectue pas dans les mêmes termes selon la date de production des DI
elliptiques. En parallèle avec le développement du DIL, l’acceptabilité du DI elliptique sur
de longues périodes a décru à partir de la moitié du 19ème siècle. Le DI elliptique est
fortement condamné par Flaubert, évoquant la « cacophonie » que produit la répétition des
que, et par Bally, pour qui cette construction est « démodée », « monotone et artificiel[le] »
(1912 : 551 ; voir aussi Lerch 1914 : 474). Le DIL a nettement supplanté le DI elliptique,
comme en témoigne l’extrait suivant de la grammaire de Riegel et al. : « Les auteurs
modernes se limitent le plus souvent à une ou deux phrases, en raison de la lourdeur de la
subordination, et préfèrent employer, dans les textes narratifs, le style indirect libre » (Riegel
et al. 2001 : 600). Par conséquent, le DI elliptique des extraits 151) et 152) est un genre de
discours rapporté usuel, tandis que celui de l’extrait 153) est un procédé de style 163.
163
Dans ce dernier texte, les interventions de la Cour, privées d’une description de l’acte de parole, semblent
déshumanisées et contrastent avec celles du personnage de Céleste.
- 171 -
5.3.3 Le conditionnel
La comparaison entre l’EIR et le conditionnel porte sur un des emplois 164 du conditionnel,
dit du conditionnel journalistique (Rosier 1999 : 94-95 et 162-172 ; Kronning 2002), du
conditionnel d’altérité énonciative (Haillet 2002), ou encore du conditionnel épistémique
(Coltier et Dendale 2004). Il est illustré par les extraits suivants. Le titre de l’article de presse
indique que le journaliste subordonne la vérité de son affirmation à celle du discours d’autres
énonciateurs (M. Al-Gaoud, le Christian Science Monitor).
(154) A Bagdad, la journaliste Jill Carroll aurait été libérée contre une rançon.
[...] M. Al-Gaoud a affirmé que les ravisseurs de Jill Carroll ont demandé une rançon de 8 millions de
dollars, mais qu’il a négocié et versé « de bonnes donations » à des « veuves et orphelins liés à la
résistance ». [...] Les responsables du Christian Science Monitor ont indiqué qu’ils n’étaient pas au
courant d’une demande de rançon, mais le témoignage de M. Al-Gaoud est pris au sérieux [...]. (Le
Monde, 14.04.2006 : 4)
Dans les deux extraits suivants, les propositions énoncées au conditionnel sont données
comme vraies uniquement dans le cadre de croyance d’un autre énonciateur (ici Bloomfield).
Les contextes amènent deux modalisations différentes de l’énonciateur premier : soit une
simple réserve (premier exemple), soit une critique forte (deuxième exemple).
(155) Inspiré des travaux que B.F. Skinner a mené sur des pigeons (« I never assumed I was not like my
pigeons »), Bloomfield a ramené les phénomènes linguistiques au schéma stimulus-réponse, évacuant
ainsi le problème du sens. Trop de facteurs rendraient impossible la définition du sens et la relation
du locuteur avec le monde réel du fait qu’il faudrait faire la somme des situations où une entité
linguistique apparaît comme stimulus et des comportements-réponses que ce stimulus entraîne de la
part de l’interlocuteur. Bloomfield ajoute que « les situations qui poussent les gens à proférer des
énoncés linguistiques comprennent tous les objets et tous les événements de leur univers. […] »
(Larose 1992 : 40-41)
(156) Cette position […] a été reprise et formulée […] par B.L. Whorf […]. Les structures linguistiques
détermineraient ce que l’individu perçoit de son univers (Welbilt [sic]) et comment il le pense. Un
peuple qui posséderait des caractéristiques grammaticales particulières serait appelé à adopter une
démarche culturelle déterminée. Ainsi, un peuple qui ne distinguerait pas le passé du présent, comme
c’est le cas des Hopis, vivrait en vacuum dans un univers intersidéral. « Il y a des langues, disait
excellemment J. Vendryes, qui ont perdu l’infinitif, le grec moderne ou le bulgare par exemple : cela
n’implique pas qu’un Grec ou un Bulgare ait perdu la faculté de concevoir abstraitement une action
verbale » (Mounin 1976 : 157). » (Larose 1992 : 43-44)
164
Le conditionnel a quatre valeurs selon Coltier et Dendale (2004 : 587) : valeur d’éventualité, valeur
temporelle, valeur d’atténuation, valeur épistémique. Haillet (2002) en distingue trois : le conditionnel
temporel, le conditionnel d’hypothèse, le conditionnel d’altérité énonciative.
- 172 -
parole d’autrui qui se différencie de l’EIR par sa valeur modale (Coltier et Dendale 1993 ;
Celle 2004). Dans le cadre d’analyse d’Authier-Revuz (1992 : 39), le conditionnel n’est pas
une forme de représentation de discours, mais une modalisation de discours par renvoi à une
autre source d’énonciation, une « modalisation en discours second ». De même, pour Ducrot
(1984 : 154), le conditionnel, similaire dans sa fonction à « il paraît », sert à montrer une
assertion, et non pas à la rapporter.
L’analyse componentielle proposée par Coltier et Dendale (2004) distingue trois traits : le
trait évidentiel, qui marque que l’information est reprise à autrui, le trait aléthique, qui
marque la non-prise en charge de l’information, et le trait modal, qui indique que
l’information est incertaine. Par l’emploi du conditionnel, un énonciateur marque que
l’information qu’il délivre est reprise à autrui (trait évidentiel) et qu’il n’est pas responsable
de son contenu propositionnel (trait aléthique). Quant au trait modal, il exprime par défaut la
non-certitude - que Dendale (1993, cité par Coltier et Dendale 2004 : 592) voit comme une
conséquence pragmatique des deux autres traits - et peut évoluer jusqu’au doute. Haillet
définit également la valeur modale fondamentale comme étant celle d’une « simple
réserve » ; qui contextuellement peut évoluer jusqu’à la « contestation », « en passant par
l’« incertitude », la « prudence », le « doute », etc. » (2002 : 154). Ce trait, unanimement
observé, est celui qui distingue le conditionnel de l’EIR. Les travaux de A. Celle (2004) sur
le conditionnel journalistique et sa comparaison avec les formes de l’allemand et de l’anglais
se situent dans le cadre de la théorie culiolienne de l’énonciation et aboutissent au même
constat :
« On construit un repère fictif, ce qui permet de dissocier l’énonciateur du locuteur (ou scripteur). La
visée se fait à partir de ce repère fictif et peut donc aussi bien porter sur l’actuel que sur l’avenir, X
serait en ce moment à Londres à côté de X serait à Londres dans une semaine. […] Ceci permet de
dire, sans prendre en charge ce qu’on dit. » (Culioli (1990 : 150) […]. Il résulte de cette dissociation
une valeur subjective modale prépondérante et une indifférenciation temporelle […]. Cette
prépondérance subjective ne peut être maintenue de façon comparable en anglais et en allemand. »
(Celle 2004 : 501)
- 173 -
- le conditionnel journalistique contient un troisième trait, modal, qui installe une
distance entre les deux énonciateurs 165. Il marque, pour le moins, une mise à distance
critique par l’énonciateur rapporteur, attitude pouvant contextuellement évoluer vers
une mise en doute et une contestation.
Au-delà de ces différences, le point commun est de faire référence à une source
d’information et d’amener un contenu propositionnel sans reconstruire l’acte d’énonciation
au cours duquel il a été délivré. Sur la base de cette similitude, nous examinerons dans la
troisième section dans quels types de textes et de situations de discours le conditionnel et
l’EIR sont des équivalents de traduction et quel type d’équivalence est réalisé.
165
Le traducteur de l’article suivant a fait correspondre le conditionnel au Konjunktiv en englobant, dans sa
hâte, la modalisation par sollen dans le Konjunktiv : « Ces chiffres sont promptement repris par la télévision
française. Jean-Pierre Pernaut, par exemple, évoque « de 100 000 à 500 000 personnes qui auraient été tuées,
mais tout ça est au conditionnel » (TF1, 20 avril). Dans les tribunes d’intellectuels favorables à l’opération de
l’OTAN, l’indicatif va vite remplacer le conditionnel. [...] Le 17 juin, le Foreign Office britannique déclare
que « 10 000 personnes ont été tuées dans plus de 100 massacres » [...] » (Le Monde diplomatique, 2000-03 :
12). « Das französische Fernsehen übernimmt diese Zahlen im Handumdrehen. So spricht etwa Jean-Pierre
Pernaut (TF1, 20. April) von 100 000 bis 500 000, die „getötet worden sein sollen“, und fügt hinzu: „Das
alles steht jedoch im Konjunktiv“. [...] In den Debatten der Nato-freundlichen Intellektuellen löst der
Indikativ alsbald den Konjunktiv ab. [...] Am 19. Juni erklärt das britische Außenministerium, dass „in über
100 Massakern 10 000 Menschen getötet worden sind“. » (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-03 : 12).
- 174 -
Section III : Analyse traductologique
6.1 Objectifs
Notre tertium comparationis est le discours rapporté, c’est-à-dire l’acte qui consiste à rendre
compte dans une énonciation d’une autre énonciation et de son produit, le texte (cf. 2.4.2.2).
Dans l’analyse traductologique sont regroupés les paramètres qui interviennent dans
l’établissement d’une équivalence : la langue, le discours et le texte, notion englobant
l’énoncé, son contexte proche et son contexte global. La dimension textuelle d’une
équivalence peut s’étendre, dans le genre littéraire, à l’œuvre dans son entier (Salevsky
2002 : 387) 166.
Ces trois axes se différencient quant à leur nature et quant à leur place dans le processus de
traduction :
Le texte est le résultat d’une énonciation, tandis que le discours et la langue sont
supra-individuels.
Dans l’opération traduisante, les langues et les discours sont par définition autres. La
transmission des informations à conserver, en d’autres termes l’invariance, est située
au niveau du texte.
Nous analysons l’équivalence sous ses deux aspects, d’une part comme projet et d’autre part
comme résultat. En tant que projet, elle est une relation établie par le traducteur entre le texte
source et le texte cible. En tant que résultat, elle s’évalue après comparaison de la source et
de la cible et analyse de l’adéquation des solutions mises en œuvre.
Notre objectif prospectif consiste à envisager les traductions possibles et à dégager des
régularités, mais n’implique pas que nous recherchions à prévoir de manière systématique
des traductions. Déterminer des procédures a priori de traduction est impossible, puisque le
texte, rappelle Coseriu, est le repère ultime qui fixe le choix des invariants (Coseriu 1978 :
45-46). Tout objectif de traductologie prospective repose par conséquent sur des tendances et
des régularités. Notre objectif prospectif, en outre, se nourrit de l’analyse descriptive.
166
Ce cas se présentera dans la partie 8.1.2 avec la traduction du DIL de L’Etranger de Camus.
- 175 -
6.2 Le choix et la constitution des corpus
Nous rappellerons d’abord les principes méthodologies généraux qui guident le choix et la
constitution des corpus. Nous présenterons ensuite le type de traduction que nous utilisons et
évoquerons enfin les aspects de l’oralité que notre corpus écrit ne permet pas de traiter.
Méthodologie générale
Nous utilisons des corpus de textes authentiques traduits et commercialisés desquels nous
avons tiré des informations quant à la correspondance que nous pouvons établir entre les
discours rapportés allemand et français. Cette démarche appelle des précautions
méthodologiques (Albrecht 1999 ; Gallagher 2003).
1. Une traduction est une réalisation particulière d’un énonciateur unique, un traducteur, qui
n’exploite pas toutes les paraphrases possibles.
2. Le contact entre langues impliqué par l’acte de traduction peut générer des interférences,
c’est-à-dire des productions en langue cible influencées par les structures de la langue
source 167 (Albrecht 1999 : 20).
3. Les traductions qui ne s’en tiennent pas au code de la langue cible, ou qui font douter de
leur projet de traduction, ne peuvent pas être intégrées à notre corpus. Il est quelquefois
difficile de déterminer le degré d’adaptation du contenu et de la langue. L’adaptation n’est
pas toujours aussi criante que dans les traductions d’Homère par Voss ; les traductions en
français de Goldschmidt nourrissent à cet égard des avis partagés 168.
167
Diachroniquement, les interférences générées par le contact avec les langues étrangères soit disparaissent,
soit donnent naissance à des évolutions dans la langue cible. L’exemple suivant montre l’influence de la langue
de traduction sur la langue cible porte sur le plan morphosyntaxique (ce qui est plus rare que sur le plan
lexical) : dans la deuxième moitié du 20ème siècle, l’infinitif français connut un assouplissement des règles de
substantivation sous l’influence des traductions de la philosophie phénoménologique allemande et de la
vulgarisation qui s’ensuivit. Les textes de Sartre en sont un bon exemple. Voir Claude BURIDANT, La
substantivation de l’infinitif en français, aperçu diachronique : de l’ancien français au français contemporain,
Chapitre 7, publication en cours.
168
Cf. Kerstin GERNIG (1999), « Georges-Arthur Goldschmidt – ‚légèrement germanique’ ? ». In : Die Kafka-
Rezeption in Frankreich: ein diachroner Vergleich der französischen Übersetzungen im Kontext der
hermeneutischen Übersetzungswissenschaft. Würzburg : Königshausen, 81-91.
- 176 -
4. En outre, la traduction est une opération asymétrique. En raison de cette caractéristique,
on peut notamment observer que certaines traductions apparaissent de manière privilégiée à
partir d’une langue source, tandis que d’autres se manifestent à partir d’une autre langue
source. L’unilatéralité du sens de traduction peut donc priver l’observateur d’éléments
importants (Albrecht 1999 : 12).
Type de corpus
Notre corpus est constitué de plusieurs genres (prose fictionnelle, mémoires, presse, essais),
représentant des registres de langue variés (langue soutenue, langue standard, langue
familière) et émanant d’auteurs et de traducteurs différents. Le point commun de ces textes
est d’appartenir à la traduction littéraire. Le terme de littéraire renvoie ici à la typologie
binaire des traductions en terme de traduction littéraire vs traduction technique (Ladmiral
1994 : 14). Une traduction technique se caractérise par les trois points suivants : il y a une
terminologie préexistante à la traduction, une stricte équivalence réciproque des termes et
des équivalences uniquement dénotatives.
Il n’y a qu’un genre de discours pour lequel nous n’avons pu observer qu’un seul sens de
traduction. Il s’agit du genre journalistique, que nous avons étudié à partir du Monde
diplomatique et de sa traduction en allemand. Ce mensuel est traduit en langue allemande 169
et diffusé dans l’espace germanophone par les journaux suivants : en Allemagne, par le
quotidien die tageszeitung, au Luxembourg par le quotidien Tageblatt, enfin en Suisse, par
l’hebdomadaire Wochenzeitung 170. Nous avons utilisé l’édition du Monde diplomatique sur
CD-ROM qui contient en plus des textes français les traductions réalisées en allemand.
Notre corpus comporte en outre plusieurs pluritraductions (des traductions concurrentes d’un
même texte source) : Les Confessions (3 traductions), Madame Bovary (2 traductions),
L’Etranger (2 traductions), Lebens-ansichten des Katers Murr (2 traductions), Der Untertan
(2 traductions), Der blonde Eckbert (2 traductions). Les motivations qui poussent les
éditeurs à publier des retraductions sont différentes et amènent donc à exploiter les
pluritraductions de façon différente.
169
Seuls certains articles du Monde diplomatique sont traduits en allemand. Par ailleurs, ses articles sont
traduits au total en 21 langues.
170
Nos renseignements sont tirés de www.monde-diplomatique.fr, rubriques « éditions étrangères ».
- 177 -
Certaines retraductions sont destinées à remplacer une autre traduction en en corrigeant
certains traits. La deuxième traduction de L’Etranger se présente comme une
Neuübersetzung mais ne précise pas les motifs de la retraduction. En revanche, pour la
nouvelle traduction de Rousseau par Levin Schücking, la préface des éditeurs nous apprend
que c’est le souci de présenter au lecteur un texte complet et non édulcoré qui a présidé à la
retraduction de Rousseau. De plus, cette traduction est elle-même corrigée par les éditeurs,
lorsqu’ils constatent que la traduction de Levin Schücking a vieilli 171 ou lorsque ce dernier a
effacé du texte des contenus qu’il jugeait moralement indignes ou peu flatteurs pour
Rousseau.
Canal écrit
En tant qu’objet du discours, le DR se prête à une analyse sur plusieurs niveaux : graphique,
prosodique, morpho-syntaxique, lexical, discursif, textuel et pragmatique. Notre analyse
repose sur un corpus écrit et ne peut suffire à l’analyse du DR oral 172, en raison de l’absence
du paramètre prosodique, mais aussi mimique et gestuel (Günthner 1997 ; Golato 2000).
Comme le souligne Kerbrat-Orecchioni (2002 : 22), dans la communication orale, le verbal,
le paraverbal et l’extraverbal « se prêtent mutuellement leur concours ». Les travaux de
Golato (2000) montrent à quel point l’étude du DR à l’oral demande à englober plusieurs
niveaux d’analyse qui n’apparaissent qu’épisodiquement et de manière transposée à l’écrit.
171
Une traduction ‘vieillit’ lorsque sa langue ou les normes qui ont présidé à sa réalisation ont évolué.
L’affirmation de Larose (1992 : 6), selon laquelle les « traductions sont condamnées à vieillir l’une après
l’autre », est en grande partie juste.
172
La prosodie trouve de façon marginale une transcription graphique, que Rosier (1998 : 361ss) nomme la
vocifération : OUVRE-MOI...!! ARRÊTE ÇA TOUT DE SUITE!! a hurlé le vieux. (Djian, 37°2 le matin :
187).
- 178 -
Dans son étude de corpus vidéo, l’auteur montre que les variations de prosodie jouent le rôle
de démarcation entre les énonciateurs et que la représentation de DR s’accompagne de
signaux gestuels et mimiques signifiants, ce qui justifie le concept de reporting or embodied
actions, ou Körperzitate.
(157)
1 R : (smile voice) polizei. ich so (puts right hand down and left up) (.)
2 R : (R covers mouth with left, reaches over with right, as if shaking T) ohhh tobias :as [he he he he
3S: [ha ha hehehe
4R: [wach auf
5 T : (T puts head back) [und ich lach da so chchch [schlief
6S: [he he he (Golato 2000 : 45-46)
La théâtralisation du DD est particulièrement visible lorsque celui-ci est introduit par des
introducteurs averbaux, tels und ich so / und er so : « Und ich so/und er so also not only
allows the speaker to introduce verbal utterances as quotables but also lets the speaker
introduce vocalized sound effects, gestures and facial expressions (the latter two usually in
combination with vocal elements) thereby turning the quote into an enactment or
performance. » Golato remarque que l’introducteur und ich so / und er so apparaît dans des
situations de narrations, et ce de façon privilégiée lorsqu’il s’agit de narrer un événement
important (2000 : 30). La citation est tellement théâtralisée dans le cadre de la
communication orale que l’auteur doute du caractère approprié d’une introduction par le
verbe prototypique sagen ou le verbe meinen : « It is interesting to note that introducing non-
vocal material of this kind with the traditional quotatives sagen ‘say’ and meinen ‘tell, think’
would seem semantically odd. » (2000 : 31). Enfin, des paramètres propres à la
communication orale sont également observables dans les marques de fin de citation
(appelées « the unquote ») :
[…] German speakers use suprasegmental features or other turn-exit devices to mark the end od the
reported speech, such as : switching back to one’s normal voice, language or dialect, uttering a
response solicitation marker and the turn-exit device ne ? ‘right ?’, laughing or pausing. (2000 : 31)
Le fait que nous n’ayons pas intégré l’oral dans notre étude ne signifie pas que nous
considérions qu’il existe une grammaire de l’oral et une de l’écrit, ce qui aurait comme
conséquence que l’oral ne manquerait pas à notre étude, puisque celui-ci relèverait d’une
domaine radicalement différent de la langue. Nous considérons au contraire qu’il n’y a qu’un
seul code, que la langue n’offre à ses usagers qu’un seul système, mais que les situations de
communication favorisent certaines utilisations du code.
- 179 -
6.3 Démarche
Dans le chapitre 7, nous étudions les séquences introductrices autour de deux axes qui
découlent de leur définition :
- Nous avons observé que le discours cadre est le lieu où une hiérarchie s’opère entre
les deux énonciateurs : soit l’énonciateur citant domine le DR, soit la représentation
du discours est guidée par l’énonciateur cité. Les critères sont multiples, et le résultat
est nuancé et gradué. Nous nous concentrons sur un critère qui s’est dégagé de
l’analyse contrastive, celui de l’intégration syntaxique en mode direct (7.1) : en 7.1.1,
nous analyserons les cas où l’énonciateur premier domine la représentation du
discours, tandis que la partie 7.1.2. est consacrée aux cas inverses.
- La partie 7.2 est consacrée à une stratégie de minimisation de l’intervention de
l’énonciateur premier : l’introduction par so N en incise ou en postposition.
Les parties suivantes sont consacrées aux discours indirects libres dans le chapitre 8
(discours indirect libre et erlebte Rede) et au discours indirect non régi dans le chapitre 9
(einführungslose indirekte Rede). Cette bipartition n’a pas pour but de cloisonner les formes
de discours indirects non introduits, mais de traiter de façon unitaire certaines
caractéristiques liées à la reconnaissance et à l’interprétation des différentes formes. Le
chapitre 10 fera ensuite la synthèse des chapitres 8 et 9.
- Le chapitre 8 est consacré aux ‘faux-jumeaux’ que sont l’erlebte Rede et le discours
indirect libre et montrera en 8.1 les différentes conditions de l’équivalence et de la
non-équivalence entre ces deux genres. La partie 8.1.1 s’appuie sur le paramètre de la
reconnaissance du DR et la partie 8.1.2 sur celui de la prise en charge.
Il s’agira ensuite d’explorer la problématique des discours indirects libres
embryonnaires français et d’étudier comment les textes allemands peuvent rendre
cette forme hybride en marquant la différence avec l’erlebte Rede.
- Le chapitre 9 se divise en deux étapes justifiées par le genre de discours : la première
étape (9.1) consiste en l’examen d’un corpus littéraire, la deuxième étape (9.2) en
celui d’un corpus journalistique. Le paramètre de la désambiguïsation qu’opère l’EIR
- 180 -
sera d’abord approfondi (9.1.1). L’analyse de l’équivalence de l’EIR s’orientera
ensuite autour des variations diachroniques (9.1.2), diaphasiques et situationnelles
(9.1.3). Enfin, la partie 9.1.4 montrera la spécificité de la traduction de l’EIR partiel.
La dernière partie (9.2) montrera que l’étude d’un corpus autre que littéraire permet
d’envisager l’équivalence en des termes nouveaux.
Le choix d’un corpus dépendant des objectifs de la recherche, nous avons été amenée à
constituer plusieurs corpus et à adopter des démarches corpus-based ou corpus-driven. Les
corpus et les démarches seront présentés au début de chaque partie.
- 181 -
7 L’inscription des énonciateurs dans le discours introducteur
Les travaux traductologiques dont nous avons connaissance traitent d’autres aspects. Nord
(1997) analyse l’invariance des éléments paraverbaux à partir d’une traduction allemande
d’Alice im Wonderland. Zuschlag (2002 : 182ss) analyse les conséquences du déplacement
des séquences introductrices sur l’architecture d’une œuvre littéraire. Koller (2003) montre
l’importance des codifications sociales des actes paraverbaux pour la traduction des
séquences introductrices. Enfin, Nita (2006) étudie dans un corpus de presse anglais, français
et roumain les variations dans la représentation des énonciateurs seconds.
Nous étudierons le problème récurrent et spécifique que pose la traduction des séquences
introductrices. Ce problème est lié au type d’intégration syntaxique réalisé en français (cf.
4.4), un « syntaktische[r] Sonderstatus », selon les termes d’Albrecht (Maingueneau 2000 :
113). L’organisation syntaxique des séquences introductrices de DD et le registre
sociolinguistique qu’elles dénotent reflètent la hiérarchie entre les énonciateurs. Deux
schémas sont possibles :
- le registre de langue est celui de l’énonciateur rapporteur : le statut de l’énonciateur
cité n’a pas d’influence sur le discours rapporté (7.1.1) ;
- le registre de langue est entièrement ou partiellement influencé par l’énonciateur
rapporté : l’énonciateur rapporteur laisse se refléter dans son discours les
particularités de l’énonciateur cité et réalise un effacement énonciatif au profit de
l’énonciateur second mis en scène (7.1.2).
Nous rappellerons tout d’abord à l’aide d’un exemple (qui ne concerne pas la syntaxe du
DD) comment l’énonciateur premier peut utiliser les séquences introductrices pour faire
- 182 -
varier la représentation de l’énonciateur second. Le cas suivant présente l’intérêt de
combiner dans la même intervention deux représentations différentes de l’énonciateur
second. C’est un cas, extrait d’un texte source français, de discours indirect régi dont le
verbe introducteur est soumis à la concordance des temps puis est reformulé sans
concordance des temps. Il s’agit de montrer en quoi la variation interne au texte source est
porteuse de sens et d’évaluer la stratégie adoptée par le traducteur en allemand. L’ethos -
l’image de soi que donne un énonciateur dans son discours - échappe au contrôle d’un
énonciateur dès lors qu’il est cité.
(158) Parfois, sérieuse comme un pape […], il arrivait que, dans le poste de mes voisins, une personnalité
éminente expliquât (quand elle avait une cravate) ou explique (lorsqu’elle faisait dans le foulard
négligé) que les incertitudes, voyez-vous, du monde que nous vivons, ses incohérences, aussi, sa
fragilité, les risques qu’il court à chaque instant de voler en éclats, sont tels que nombre de
contemporains éprouvent un irrésistible besoin de chercher refuge dans le passé et même, faute
désormais de savoir à quel saint se vouer, de retourner à une certaine... oui... religiosité. (Benoziglio,
Cabinet Portrait : 243-244)
Dans le texte source, le verbe introducteur de DI est expliquer. La proposition de DI est elle-
même introduite par la locution il arrivait que, qui se construit avec le subjonctif. La règle
de la concordance des temps demande que le verbe expliquer soit conjugué au subjonctif
imparfait.
L’application de cette règle est marquée diaphasiquement et le texte joue sur la connotation
sociolinguistique de cet accord temporel. L’application et la non-application de la règle au
verbe introducteur de discours rapporté fait varier l’image qui est donnée de l’énonciateur
cité : la concordance des temps permet à l’énonciateur rapporteur de donner une image
nuancée de l’énonciateur cité, de moduler l’ethos de ce dernier. La situation énonciative
seconde, celle de la « personnalité éminente » s’exprimant à la radio, est décrite et décodée
par l’énonciateur rapporteur : ainsi, lorsque l’énonciateur second porte « une cravate », il
donne un signal sociologique plus soigné que s’il porte « un foulard négligé ». Ces indices
sociologiques, sélectionnés et mis en scène par l’énonciateur rapporteur dans son discours,
sont interprétés non pas dans un commentaire, mais par le biais du temps du verbe
introducteur, véritable lieu d’intervention de l’énonciateur rapporteur sur le discours cité et
l’énonciateur cité. Ainsi, tandis qu’expliquât apparaît en relation avec un ethos de personne
distinguée, c’est explique qui est employé lorsque l’énonciateur d’origine est présenté
comme une personne d’apparence moins soignée.
- 183 -
Cette variation nécessite dans le texte cible une adaptation. Etant donné que ce n’est pas par
le choix des temps que le texte allemand peut donner un reflet de l’énonciateur cité, le
traducteur a recours à une variation lexicale : auseinandersetzen rend l’effet produit par le
subjonctif imparfait, klarmachen rend l’effet produit par le subjonctif présent.
Manchmal kam es vor, daß in dem Apparat meiner Nachbarn eine herausragende Persönlichkeit,
päpstlicher als der Papst [...], den Zuschauern auseinandersetzte (wenn sie eine Krawatte trug) oder
klarmachte (wenn sie einen auf Seidentüchlein machte), daß die Ungewißheiten, verstehen Sie, dieser
Welt, in der wir leben, ihre Zerrissenheit und auch ihre Anfälligkeit, ganz zu schweigen von dem
Risiko, jederzeit in die Luft zu fliegen, so groß sind, daß zahlreiche Zeitgenossen das unwiderstehliche
Verlangen spüren, Zuflucht in der Vergangenheit zu suchen, und gar, da sie jetzt nicht mehr wüßten,
welchem Vorbild sie folgen sollten, zu einer gewissen ... ja doch ... Religiosität zurückfänden.
(Sprick : 244)
(159) Eh, tu vas pas me laisser toute seule, elle disait, eh, qu’est-ce que tu fabriques, réveille-toi. (Djian,
37°2 le Matin : 5)
Djian veut expérimenter un style parlé, familier, « grossier », disent ses adversaires, vivant et moderne
répond l’écrivain, éloigné autant que possible des phrases « raides et momifiée » de la littérature
écrite, littérature désuète, « littérature du XIX siècle » selon lui. (Henri MITTERAND et Alexis
PELLETIER (éds.), Dictionnaire des œuvres du XX siècle : Littérature française et francophone,
Paris : Dictionnaires Le Robert, 1995 : 525.)
En français, Djian bouleverse une règle qui ne vaut que pour le DD. En allemand, la même
entorse syntaxique serait une entorse à une règle syntaxique générale. Le fait que les bases
linguistiques ne soient pas les mêmes peut expliquer pourquoi le traducteur n’a pas reproduit
à l’identique la syntaxe particulière des DD, puisque la reproduction n’aurait pas eu la même
valeur.
- 184 -
Pour réaliser une équivalence diaphasique, le traducteur emploie l’apocope dans certains
DR :
(160) Wir transportierten die Kissen ins Schlafzimmer, und ich hab mir geschworen, das erste, was du
morgen tust, das ist, eine Matratze zu kaufen, ich hab’s mir auf mein eigenes Haupt geschworen.
(Mosblech : 174)
Mais il n’est pas possible, sur l’ensemble du texte, de mimer une prononciation orale des
séquences d’introduction de DD, par exemple avec sagte sie, fuhr sie fort, begann sie,
dachte er, ... . Or, ce qui fait la singularité du discours rapporté dans cette œuvre, c’est le fait
que la non-inversion sujet-verbe est réalisée tout au long du roman. De plus, l’apocope
permettrait de rendre le ton familier de l’œuvre, mais pas la rupture littéraire revendiquée par
l’auteur. La non-inversion du sujet n’est pas qu’un marqueur stylistique parmi d’autres qui
peut être compensé à divers endroits dans le discours du narrateur. Elle est un marqueur de
nature particulière : elle se situe au cœur de la narration elle-même, dans cette fonction
dévolue au narrateur qui est de faire parler des personnages. Préférant donc un marquage
systématique à un marquage sporadique, le traducteur a renoncé à cet élément important de
l’œuvre.
(161) - Qu’est-ce qui vous arrive ?... j’ai demandé. (Djian, 37°2 le Matin : 6)
(162) - Quand je pense que je suis restée un an dans cette boîte, elle a murmuré. Elle regardait dans le vide,
les deux mains serrées entre les jambes et les épaules voûtées comme si elle se sentait fatiguée d’un
seul coup. (Djian, 37°2 le Matin : 9-10)
- Wenn ich daran denke, daß ich ein Jahr in diesem Laden gesteckt habe, murmelte sie.
Ihr Blick war leer, ihre Hände preßte sie zwischen ihre Beine, ihre Schultern waren eingesackt, als ob
sie sich mit einem Mal müde fühlte. (Mosblech : 12)
Le roman Le feu de Barbusse, que nous avons choisi parce qu’il met en scène divers registres
de langue, est un cas opposé à celui du roman de Djian. L’intégration syntaxique du discours
cité varie en fonction de l’énonciateur rapporteur. Nous avons analysé l’emploi du verbe
introducteur le plus employé dans le roman, soit dire. En obervant sa syntaxe en incise ou
postposition, « x dit » (forme du présent, la forme du passé simple n’apparaît pas) et « x a
dit », nous avons relevé dans l’ensemble de l’oeuvre :
- 185 -
- 33 fois « ‘DD’ x dit », « ‘DD’ que x dit », ou « ‘DD’ que dit x »
(163) Il passa la main sur la couche ténébreuse qui garnissait sa figure et qui, après les pluies de ces jours-ci,
se révélait réellement indélébile, et il ajouta :
- Et pis, si j’suis comme je suis, c’st que j’le veux bien. D’bord, j’ai pas d’dents. Le major m’a dit
d’puis longtemps :« T’as pus une seule piloche. C’est pas assez. Au prochain repos, qu’il m’a dit, va
donc faire un tour à la voiture estomalogique. » (Barbusse, Le feu : 32)
(164) - C'est un crime que commet l’Autriche, dit l’Autrichien. (Barbusse, Le feu : 24)
Il ressort que :
- l’ensemble des 33 formes de registre familier ou populaire, soit les formes « ‘DD’ »
x dit » ou « ‘DD que dit x » ou encore « ‘DD’ que x dit », émanent de narrateurs
intradiégétiques ;
- l’ensemble des formes standard est le fait du narrateur principal, sauf les trois
exceptions suivantes (qui proviennent du reste du même narrateur intradiégétique) :
(165) - Ah ! zut alors, dit l’bonhomme, parce que j’ vois qu’y a pas d’ grenier non plus... (Barbusse, Le
feu : 146)
(166) – Qu’est-ce que vous foutez là ? dit l’ombre en s’ campant en arrière et en mettant un poing sur la
hanche, tandis que la pluie faisait un bruit de grêle sur son capuchon. (Barbusse, Le feu : 146)
(167) - Mais c’est pas tout ça, dit l’un des permissionnaires en rel’vant un pan d’ sa capote et en fourrant
sa main dans sa poche de froc. C’est pas tout ça ; combien qu’on vous doit pour les cafés ? (Barbusse,
Le feu : 149)
Dans la traduction, en raison des différences syntaxiques dans l’agencement des constituants
de la phrase, une telle différence n’est pas reproductible. Par conséquent, les séquences
introductrices allemandes ont toutes la forme « ‘DD’ sagt x », que l’énonciateur citant soit le
narrateur principal ou un narrateur secondaire :
(168) - Hier, me dit Paradis, il est venu ici même avec sa gamelle pleine de riz qu’i’ n’ voulait plus
manger. Comme par un fait exprès, c’ couillon-là, il s’est arrêté là et zig !... le v’là qui fait un geste et
parle de jeter le reste de son manger par-dessus le talus, juste à l’endroit où était l'autre. C’te chose-là,
j’ai pas pu l’encaisser, mon vieux, j’y ai empoigné l’abattis au moment où i’ foutait son riz en l’air et
l’ riz a dégouliné ici, dans la tranchée. Mon vieux, il s’est r’tourné vers moi, furieux, tout rouge :
- 186 -
« Qu’est-ce qui t’ prend ? t’es pas en rupture, des fois ? » qu’i’ m’ dit. (Barbusse, Le feu : 302-303)
- Gestern, sagt Paradis darauf, stand er gerade hier mit seiner Gamelle voll Reis, den er nicht mehr
essen wollte. Und wie absichtlich bleibt der Kerl gerade hier stehn und ratsch! ... er macht eine
Bewegung und quatscht was vom Reis, den er über die Böschung schmeißen will, gerade dahin, wo
der andre lag. Das hab ich nicht schlucken können, mein Lieber, da halt ich ihm die Flosse fest, gerade
im Augenblick, wo er den Reis wegschmeißen will, und dann ist der Reis in den Graben geflossen.
Weißt du, dann hat er sich nach mir rumgedreht und war rot vor Wut: „Was fällt dir ein, bist du
verrückt?“ sagt er zu mir. (von Meyenburg : 271-272)
(169) - Dans l’Argonne, dit Lamuse, mon frère m’a écrit qu’i’s r’çoivent des tourterelles, qu’i’s disent.
C’est des grandes machines lourdes, lancées de près. Ça arrive en roucoulant, de vrai, qu’i m’ dit, et
quand ça pète, tu parles d’un baroufe, qu’i’ m’ dit. (Barbusse, Le feu : 277)
- In der Argonne, schreibt mein Bruder, kriegen sie Turteltauben, wie sie’s nennen, erzählt Lamuse.
Es sind große, schwere Dinger, die von nahem abgeschossen werden. Wenns anschwirrt, girrt das,
weiß Gott, schreibt er; und wenns krepiert, dann stell dir den Schutthaufen vor, schreibt er. (von
Meyenburg : 247)
La perte dans la traduction est réelle, mais demande à être relativisée : les discours
contiennent suffisamment de traits sociolectaux et idiolectaux pour pouvoir donner l’illusion
d’une mimesis narrative et rendre compte de l’effort « ‘d’objectivation’ » (Genette 1972 :
201) du narrateur. Le texte allemand, au final, comprend une structuration des plans
diégétiques moins visible, mais qui ne conduit pas à une perte du sens de l’œuvre.
- 187 -
metasprachlicher Kommentar », entame un « Plädoyer » 173 (ibid.) pour le verbe introducteur
sagen et pour so, les seuls introducteurs neutres de DR : « Journalisten sollen ihre
prosaischen Anwandlungen zurückdrängen und sich wieder mehr der nachrichtlichen
Exaktheit widmen, statt das Motto variatio delectat überzubetonen » (2001 : 297-298).
La fonction complémentaire de l’effacement énonciatif est la mise en valeur du discours
représenté : « Die grammatischen Prozeduren lassen eine Art Immanenz des zitierten Textes
entstehen », observe Behr (2002 : 177), qui voit dans cette deuxième fonction une raison
supplémentaire de la corrélation entre so et le discours informatif. L’énonciateur fait ressortir
l’objet de son information et par ce biais, met en valeur son rôle de médiateur.
L’emploi de so est documenté dans les textes non-fictionnels (Marinos 2001 ; Behr 2002 ;
Métrich et al. 2002 : 111-126 ; Katelhön 2005), mais dans notre corpus il apparaît que so,
bien que dans une fréquence moindre et de manière moins usuelle, est également employé
dans des textes littéraires.
Notre corpus se compose de textes fictionnels, issus de la littérature du 20ème siècle (Arjouni,
Bernhard, de Buron, Kirchhoff, Lapierre, Th. Mann), et de textes non-fictionnels (la presse,
avec Le Monde diplomatique, et un essai, Die Globalisierungsfalle). Il comporte au total 68
occurrences, auxquelles s’ajoutent 297 occurrences d’un texte de Th. Bernhard qui
demandent à être traitées à part. Le corpus a été constitué à partir d’une recherche initiale
effectuée dans 40 œuvres (nous parlons d’œuvres en incluant Le Monde diplomatique) qui a
révélé que 9 œuvres uniquement font usage de so N.
173
L’auteur revendique une certaine visée normative (cf. chapitre 8 : Handlungsempfehlungen), en s’appuyant
sur les excès observables dans la presse et sur la „Notwendigkeit wahrheitsgetreuer Zitierungen unter
medienethischen und –rechtlichen Gesichtspunkten“ (Marinos 2001 : 17).
- 188 -
Corpus de so + énonciateur
Texte source allemand : 51 + 297 Texte source français : 17
Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 1 Le Monde diplomatique (juin à décembre 2000) : 14
Bernhard, Der Atem : 22 de Buron, Qui c’est, ce garçon ? : 1
Bernhard, Alte Meister : 297 Lapierre, La cité de la joie : 2
Kirchhoff, Infanta : 10
Mann, Die Betrogene: 2
Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 16
Les textes fictionnels contiennent rarement l’introducteur so, même lorsqu’ils imitent
partiellement le discours juridique ou de presse (Der Prozeß, Die verlorene Ehre der
Katharina Blum, L’Etranger, Souvenirs de la cour d’assises). Quant aux textes non-
fictionnels, tous n’emploient pas so comme introducteur de DR. Les tableaux suivants
montrent quels textes, parmi ceux que nous avons examinés, ne contiennent pas so comme
introducteur postposé ou en incise.
- 189 -
chercherons les raisons du ‘déficit’ informatif du texte allemand (un ‘déficit’ bien
entendu créé par l’énonciateur premier). L’analyse se fera différemment en fonction
du sens de traduction :
- Si so N traduit une séquence française, il s’agira de trouver les éléments,
contextuels ou discursifs, qui amènent le traducteur à renoncer à la description de
l’acte illocutoire second ;
- Si so N est traduit, il conviendra de déterminer à partir de quels éléments la
traduction recompose une description de l’acte illocutoire second.
- Le deuxième point concerne le genre de discours. L’emploi et la valeur de so N varie
en fonction des genres de discours : So est un marqueur fréquent des textes
informatifs, mais atypique dans les textes de littérature. Il s’agira de déterminer s’il
existe des régularités et des impossibilités de traduction liées aux genres de discours.
- Enfin, nous montrerons la singularité du texte de Bernhard, Alte Meister, et
vérifierons si les traductions de ce texte sont transposées et transposables à d’autres
textes.
- 190 -
Nature de l’équivalence et total par catégorie Nombre d’occurrences
Glose : 5
C’est le terme que x utilise 1
Comme x l’appelle 1
L’expression est de x 1
Le terme est emprunté à x 1
Que x n’hésite pas à qualifier de y 1
Le roman Alte Meister de Th. Bernhard fait un usage très particulier et très abondant du DR,
et demande pour cette raison à être traité à part. Ce texte contient 297 occurrences de so N
postposés ou en incise (par ailleurs, aucun so N antéposé). Le texte est un canevas de
discours : le narrateur, Atzbacher, observe une relation entre un gardien de musée, Irrsigler,
et Reger, qui depuis plus de trente ans contemple chaque semaine un tableau se trouvant
dans le musée où travaille Irrsigler. Irrsigler est imprégné par les dires de Reger :
- 191 -
(170) Irrsigler [hat] [...] mit der Zeit viele, wenn nicht gar alle Sätze Regers wortwörtlich übernommen [...].
Irrsigler ist das Sprachrohr Regers, fast alles, das Irrsigler sagt, hat Reger gesagt, seit über dreißig
Jahren redet Irrsigler das, was Reger gesagt hat. Wenn ich genau hinhöre, höre ich Reger durch
Irrsigler sprechen. (Bernhard, Alte Meister : 12-13)
Dans ce roman, les relations humaines sont principalement décrites à travers les discours.
Atzbacher rapporte les dires des personnes qu’il observe - principalement leurs discours
rapportés - et observe son propre discours. Le roman crée à partir de cette circulation des
discours un univers obsessionnel :
(171) Verschwiegenheit, das ist Ihre große Stärke, habe ich zu Irrsigler gesagt, dachte ich, während ich
Reger betrachtete, der den Weißbärtigen Mann von Tintoretto betrachtete, der seinerseits wieder
von Irrsigler in Augenschein genommen wurde. (Bernhard, Alte Meister : 23)
(172) Die Stadt Wien und der österreichische Staat und die katholische Kirche sind am Tod meiner Frau
schuld, sagte Reger im Ambassador, dachte ich neben ihm auf der Bordone-Saal-Sitzbank
sitzend, denke ich. (Bernhard, Alte Meister : 248)
(173) Alle diese Gemälde sind großartig, aber kein einziges ist vollkommen, so Irrsigler nach Reger. Die
Leute gehen ja nur in das Museum, weil ihnen gesagt worden ist, daß es ein Kulturmensch
aufzusuchen hat, nicht aus Interesse, die Leute haben kein Interesse an der Kunst, jedenfalls
neunundneunzig Prozent der Menschheit hat keinerlei Interesse an Kunst, so Irrsigler wortwörtlich
nach Reger. (Bernhard, Alte Meister : 13)
Il en résulte une surabondance de discours rapportés, introduits par un nombre très limité de
formes, sagen et so. De façon marginale, le texte contient aussi des modalisations introduites
par laut et nach. Le choix de ces introducteurs et leur monotonie mettent en valeur les
discours et soulignent l’absence réelle d’interprétation et de distance critique des différents
énonciateurs citants. Il est donc important, dans ce texte où les discours sont relatés avec une
précision quasi obsessionnelle, de conserver la répétition de l’introducteur so.
La traductrice a traduit les 297 so N par voici ce que dit x, à l’exception de 9 cas :
- Dans 3 cas, le verbe est un verbe autre que dire : voilà ce que répète à tout moment x
(p. 131), voilà ce qu’a ajouté x (p. 192), voilà ce que n’a cessé de répéter x (p. 200).
L’adverbe allemand a favorisé cette traduction : so x immer wieder einmal (p. 161),
so x dann (p. 236), so x immer wieder (p. 246).
- La non-traduction (p. 244) et les autres traductions (au dire de x (p. 13) ; ne cesse de
dire x (p. 52) ; c’est ce que dit souvent x (p. 53) ; a dit un jour x (p. 115) ; selon lui
(p. 115)) peuvent être imputables à des interférences ponctuelles avec d’autres
formes plutôt qu’à des choix délibérés.
- 192 -
La traduction reproduit dans l’ensemble le canevas du texte source, en transposant so N par
voici ce que dit x et x sagt par x dit.
(174) Ich komme aus dem Burgenland, heißt ja doch nichts anderes, als ich komme aus der Strafanstalt
Österreichs. Oder aus dem Irrenhaus Österreichs, so Irrsigler. Die Burgenländer gehen nach Wien
wie in die Kirche, sagte er. (Bernhard, Alte Meister : 14)
Je viens du Burgenland ne veut tout de même rien dire d’autre que je viens du pénitencier de
l’Autriche. Ou de l’asile de fous de l’Autriche, voilà ce que dit Irrsigler. Les gens du Burgenland
vont à Vienne comme à l’église, dit-il. (Lambrichs : 15)
Par le choix de « voilà ce que dit x », la traductrice a rendu la mise en valeur du discours et,
par le choix du verbe neutre dire, le minimalisme de la représentation du discours. La
contrepartie négative de ce choix se situe au niveau stylistique, car l’armature du discours
second est devenue plus lourde. Nous verrons en 7.2.3.4 que cette stratégie de traduction est
employée dans d’autres textes.
(175) Horgans Vorsprung war auf fünf zu vier geschmolzen, bei Einstand im zehnten Spiel. Doch mit einem
Netzroller, wie sein Gegner bemerkte, holte er sich den Matchball, und mit einem traumhaften Stop,
so Horgan selbst, entschied er auch diese Partie für sich. (Kirchhoff, Infanta : 407)
L’avance de Horgan n’était plus que de cinq à quatre, et c’était l’égalité dans le dixième jeu. En
accrochant le filet, comme le fit remarquer son adversaire, il parvint à la balle de match, qu’il
remporta par une balle coupée que Horgan n’hésita pas à qualifier lui-même de superbe.
(Lortholary : 410-411)
Dans la perspective que nous avons empruntée à Authier-Revuz, ces formes ne sont pas
strictement du discours rapporté, mais une forme de modalisation autonymique :
l’énonciateur premier parle, fait usage de signes, et en même temps fait un commentaire sur
ces signes, visant à signaler leur origine étrangère, en usant ou non de guillemets.
Dans ce contexte, so N trouve son équivalent dans des gloses qui explicitent l’emprunt. Le
fait que so N marque un emprunt explique pourquoi les traducteurs, dans le sens allemand-
français, n’ont pas recours à un verbe du dire ou à un introducteur de cadre de discours : en
effet, ces deux types d’introducteurs ne permettraient pas de limiter la prise en charge de
l’énonciateur à l’emploi d’un mot et porteraient sur l’ensemble de la proposition.
- 193 -
Le premier extrait traduit et la paraphrase de la glose par selon le montre clairement. La
substitution par selon dans le deuxième extrait permettrait néanmoins de déceler l’emprunt,
en raison de la mise entre parenthèses de selon N.
(176) Die „Revolution bei Ford“, so das Wirtschaftsblatt The Economist, folgt nicht etwa dem Druck
einer finanziellen Krise. (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 138)
La « révolution Ford », comme l’a appelée le magazine The Economist, n’est pas la réponse à une
quelconque pression née d’une crise économique. (Mannoni : 130)
La « révolution Ford », selon le magazine The Economist / a dit le magazine The Economist, n’est
pas la réponse à une quelconque pression née d’une crise économique.
(177) Nichts anderes geschah, als „Spekulanten“ (so Finanzminister Theo Waigel) in den Jahren 1992/93
das Europäische Währungssystem (EWS) aus den Angeln hoben. (Martin und Schumann, Die
Globalisierungsfalle : 84)
C’est exactement ce qui s’est passé lorsque des « spéculateurs » (c’est le terme qu’utilisa le ministre
des Finances allemand, Theo Waigel) firent éclater le Système monétaire européen (SME), au cours
des années 1992-1993. (Mannoni : 79)
C’est exactement ce qui s’est passé lorsque des « spéculateurs » (selon le ministre des Finances
allemand, Theo Waigel / a expliqué le ministre des Finances allemand, Theo Waigel) firent
éclater le Système monétaire européen (SME), au cours des années 1992-1993.
Deux cas nous amènent d’abord à reprendre notre analyse précédente (7.2.3.1). Selon est
employé pour marquer une modalisation en discours second dans les textes suivants, alors
que nous avions avancé qu’il était globalement inadéquat pour cette fonction d’emprunt :
(178) In Bombay, seit Indiens wirtschaftlicher Öffnung „der teuerste Slum der Welt“ (so der Kolumnist
Sudhir Mulji), riechen Taxis am Morgen verläßlich nach Schlaf, ihre Fahrer können sich einen
stundenlangen Heimweg nicht leisten. (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 45)
A Bombay, devenue depuis l’ouverture économique de l’Inde « le bidonville le plus cher du monde »
(selon l’éditorialiste Sudhir Mulji), les taxis, le matin, sentent encore la nuit de sommeil : leurs
conducteurs ne peuvent pas se permettre de rouler plusieurs heures pour rentrer chez eux. (Mannoni :
42)
(179) Augustin [...] warf schließlich die Frage auf, über welche Mittel er verfüge, um sich dem Menschen,
den er liebe, vielleicht doch irgendwann zu nähern. Da gebe es einmal, Grace zufolge, sein
erfrischendes Äußeres, ferner die Unbescholtenheit seines Wesens - so Demetrio - und vor allem das
sichere Gefühl, am ehesten durch Zurückhaltung eine Frau zu gewinnen. (Kirchhoff, Infanta : 357)
Augustin [...] pour finir soulevait la question des atouts dont il disposait pour approcher peut-être un
jour, tout de même, la personne qu’il aimait. Il y avait d’abord ce que Grace avait appelé son physique
rafraîchissant, ensuite (selon Demetrio) l’intégrité de son caractère, et surtout cette conviction qu’il
avait que la plus sûre manière de plaire à une femme était la retenue. (Lortholary : 361)
- 194 -
Selon peut être employé, car il n’y a pas d’ambiguïté sur la portée de ce terme. Il se limite au
terme emprunté et ne s’étend pas à l’énoncé entier. La raison en est que selon accompagne
un terme qui figure dans une proposition appositive (exemple 178) ou dans une énumération
(exemple 179).
Le texte cible comporte une variation se situant au niveau de la modalisation. Selon porte sur
une prédication, et son emploi, qui s’accompagne d’une distanciation de la part de
l’énonciateur citant, peut être paraphrasé de la façon suivante : « Muljii désigne Bombay par
le terme de x, mais on pourrait employer un autre terme ; Demetrio qualifie Augustin de x,
mais on pourrait le qualifier autrement. » Selon N, en exposant un point de vue dont
l’énonciateur citant se distancie, prépare le terrain à une proposition contradictoire.
Dans l’hypothèse où l’invariance de neutralité de l’auteur doit être conservée, cette variation
est un ajout dans le texte non-fictionnel (exemple 178) qui rend selon inadéquat et une
traduction par selon les termes de préférable.
A Bombay, devenue depuis l’ouverture économique de l’Inde « le bidonville le plus cher du monde »
(selon les termes de l’éditorialiste Sudhir Mulji), les taxis, le matin, sentent encore la nuit de
sommeil : leurs conducteurs ne peuvent pas se permettre de rouler plusieurs heures pour rentrer chez
eux.
En revanche, dans le texte littéraire (exemple 179), selon explicite une modalisation du texte
source. En effet, l’emploi de so N est accompagné d’une légère distanciation de la part du
narrateur (attitude que se refuse d’adopter l’auteur de l’essai), suggérée par la mise en incise
de so N. Selon ajoute certes dans ce contexte un élément, mais cet ajout s’intègre dans le
texte.
Selon est l’équivalent le plus fréquent de so et il est employé dans les textes aussi bien
fictionnels que non fictionnels. D’après est employé deux fois, également dans chaque type
de discours. La seule occurrence de pour est attestée dans un texte de presse.
- 195 -
(180) Mein Architekturstudent hatte mich eines Tages, wahrscheinlich, weil er den Zeitpunkt dazu für
geeignet hielt, auf das Folgende aufmerksam gemacht: er zeigte mir vom Fenster aus mehrere frische
und weniger frische einfache Erdhügel auf der rückwärtigen Seite des Friedhofs. Ein Schneetreiben
hatte für diese Szene, wie er vielleicht geglaubt hatte, den richtigen Hintergrund abgegeben. Diese
Erdhügel, so mein Architekturstudent, seien die Gräber jener, die in der letzten Zeit im Hotel
Vötterl gestorben seien, elf oder zwölf Erdhügel hatte ich festgestellt, aber wahrscheinlich waren noch
mehrere von der Kirchenmauer verdeckt. (Bernhard, Der Atem : 133)
Un jour, mon étudiant en architecture, vraisemblablement parce qu’il jugeait le moment opportun pour
le faire, avait attiré mon attention sur ce qui suit : de la fenêtre, il me montra plusieurs tertres récents et
moins récents, simplement édifiés, du côté du fond du cimetière. Une tempête de neige avait fourni le
bon arrière-plan à cette scène, comme il avait peut-être cru. Ces tertres, selon mon étudiant en
architecture, étaient les tombes de ceux qui étaient morts ces derniers temps à l’hôtel Vötterl, j’avais
repéré onze à douze tertres mais vraisemblablement il y en avait encore plusieurs masqués par le mur
du cimetière. (Kohn : 288)
(181) Des militaires échappant au contrôle de Pékin, avec la bénédiction des autorités portuaires et
douanières, auraient saisi l’Alicia Star pour écouler les cigarettes en contrebande sur le sol chinois.
Selon un responsable de l’Institut malaisien des affaires maritimes, cette affaire est « le symptôme
d’un problème plus large en Chine : la perte d’autorité du centre sur la périphérie(5) ».
(5) « China in transition », Hongkong (Far Eastern Economic Review Publication) 1994, S. 186. (Le
Monde diplomatique, 2000-06 : 6)
Militärs, die sich der Kontrolle Pekings entziehen, sollen mit dem Segen der Hafen- und
Zollverwaltung die „Alicia Star“ abgefangen haben, um die Zigaretten als Schmuggelware auf dem
chinesischen Festland in Umlauf zu bringen. Diese Affäre, so ein Vertreter des malaysischen
Instituts für Seeangelegenheiten, ist „Symptom eines größeren Problems in China: der
Autoritätsverlust der Zentralgewalt gegenüber der Peripherie“.(5)
(5) China in transition, Far Eastern Economic Review Publication, Hongkong, 1994, p. 186. (taz, dans
Le Monde diplomatique, 2000-06 : 6)
(182) „Das ist de facto ein Bürgerkrieg der Leute, die das Geld und die Macht haben, sich zu schützen“,
meint Vinicius Caldeira Brant, Soziologe beim brasilianischen Zentrum für Analyse und Planung
Cebrap. „In Europa“, so Brant, der selbst wiederholt Opfer der bis 1985 herrschenden Militärs wurde,
„leben die Gewalttäter hinter den Mauern, bei uns sind es die Wohlhabenden.“ (Martin und
Schumann, Die Globalisierungsfalle : 237)
« Il s’agit de facto d’une guerre civile menée par les gens qui ont suffisamment d’argent et de pouvoir
pour se protéger », estime Vinicius Caldeira Brant, sociologue au Cebrap, le centre d’analyse et de
planification brésilien. « En Europe, dit Brant, qui a lui-même été victime à plusieurs reprises des
militaires au pouvoir jusqu'en 1985, ce sont les criminels qui vivent derrière des murs ; chez nous, ce
sont les riches. » (Mannoni : 225)
* « En Europe, selon Brant, qui a lui-même été victime à plusieurs reprises des militaires au pouvoir
jusqu’en 1985, ce sont les criminels qui vivent derrière des murs ; chez nous, ce sont les riches. »
- 196 -
L’impossibilité de choisir un introducteur de cadre de discours explique dans le cas
précédent l’emploi d’un verbe introducteur. Si la traduction employait « selon Brant »,
« chez nous » serait lu comme du discours premier, incluant donc l’énonciateur du texte.
De plus, lorsque le propos a une portée générale, selon peut ne pas convenir. Dans l’exemple
suivant, selon ne pourrait pas être employé dans le texte cible, car il serait incongru de
présenter la loi comme l’émanation du point de vue d’une personne.
(183) Innerhalb der Ghetto-Mauern dürfen die Wachleute auf jeden Fremden schießen, auch wenn er
niemanden bedroht und nicht bewaffnet ist. „Wer einen Eindringling auf seinem Privatbesitz
erschießt“, so Sandorf, „ist in Brasilien immer im Recht.“ (Martin und Schumann, Die
Globalisierungsfalle : 237)
Dans l’enceinte du ghetto, les gardiens sont autorisés à tirer sur n’importe quel étranger, même s’il ne
menace personne, même s’il n est pas armé. « Au Brésil, lorsqu’on abat un intrus sur son terrain privé,
on est toujours dans son droit », explique Sandorf. (Mannoni : 224-225)
* Dans l’enceinte du ghetto, les gardiens sont autorisés à tirer sur n’importe quel étranger, même s’il
ne menace personne, même s’il n est pas armé. « Au Brésil, lorsqu’on abat un intrus sur son terrain
privé, on est toujours dans son droit », selon Sandorf.
Il faut vérifier, dans la partie suivante, si le choix de verbes introducteurs pour traduire so
s’explique par l’impossibilité de choisir un introducteur de cadre de discours.
Comme pour les introducteurs de cadre de discours, le genre de discours n’est pas
déterminant, puisque 9 équivalents de ce type proviennent de textes fictionnels et 13 de
textes non fictionnels.
En observant les contraintes d’emploi des introducteurs de cadre de discours, nous avons
formulé l’hypothèse que l’emploi des verbes introducteurs était un choix par défaut (du
moins dans le sens de traduction allemand-français). Il y a toutefois beaucoup d’exemples
pour lesquels le verbe introducteur n’est pas une solution commandée par l’impossibilité
d’un introducteur de cadre de discours, comme dans l’extrait suivant :
(184) Gerade die Geschwindigkeit, „die Beschleunigung des Prozesses der kreativen Zerstörung ist das
Neue am marktwirtschaftlichen Kapitalismus von heute“, analysiert der amerikanische Ökonom
Edward Luttwak, der dafür den Begriff des „Turbo-Kapitalismus“ prägte. Das „horrende Tempo der
Veränderung“, so der gebürtige Rumäne, [...] wird zum „Trauma für einen Großteil der
Bevölkerung“. (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 250)
- 197 -
C’est précisément la vitesse, « l’accélération du processus de destruction créative, qui constitue la
nouveauté dans le capitalisme de marché actuel » : telle est l’analyse de l’économiste américain
Edward Luttwak, qui a forgé pour sa thèse le concept de « turbo-capitalisme ». Le « rythme effrayant
de la transformation » devient un « traumatisme pour une grande partie de la population », affirme ce
natif de Roumanie [...]. (Mannoni : 236)
Les paramètres qui guident l’équivalence entre so N et un verbe introducteur et ceux entre so
N et un introducteur, sont discursifs et textuels.
Dans les discours informatifs, ce paramètre explique pourquoi so est traduit par des verbes
introducteurs et traduit lui-même des verbes introducteurs, et de plus pourquoi ceux-ci ne se
limitent pas au verbe dire.
Dans les discours informatifs, les verbes introducteurs ne visent pas tant la description réelle
de l’acte original qu’une reproduction axée sur le destinataire du texte qu’il s’agit de captiver
(cf. également 9.2.2). La faible corrélation entre le choix du verbe décrivant l’acte de
communication second et l’acte second a conduit à un affaiblissement sémantique dans le
discours journalistique, allemand (Yos 2005 : 30) et français, et plus globalement dans les
textes non-fictionnels. De cette sorte, les verbes introducteurs sont interprétés en amont de la
traduction comme des marques génériques de discours informatif plutôt que comme des
descriptions fidèles de l’acte illocutoire second. Perçus comme des supports à la mise en
scène des personnes cités, ils amènent le traducteur à ne pas s’attacher à conserver
l’invariance référentielle. L’invariance qui lui est préférée est celle de la fonctionnalité
discursive, et c’est pourquoi so (dans le sens français-allemand) et les verbes introducteurs
(dans le sens allemand-français) sont choisis comme marqueurs typiques de ce genre de
discours.
- 198 -
Adam (2001a et 2004). Dans notre corpus, le discours rapporté introduit par so s’intègre
dans deux types de séquences : soit argumentatives ou explicatives, soit narratives. La
séquence textuelle argumentative repose sur l’apport d’un argument visant une conclusion.
La séquence textuelle explicative repose sur un schéma initial exposant un problème auquel
il est apporté une explication et qui débouche sur une conclusion. Nous regroupons ces deux
types de séquences au motif qu’elles comportent toutes deux l’expression d’un point de vue
(l’argument ou l’explication). Les séquences argumentatives et explicatives sont
respectivement illustrées par les deux exemples suivants :
(185) Unter dem Druck der organisierten Finanzindustrie folgen [die Nationalstaaten] beinahe weltweit dem
Weg, den Sarazin von der Dresdner Bank und seine Kollegen auch 1996 erneut vorgaben: Senkung
der Steuern auf Vermögen und Kapitalanlagen, Deregulierung aller Finanzdienstleistungen,
Einsparung bei Ausgaben für staatliche Dienstleistungen und soziale Aufgaben. Denn, so Sarazin,
hohe Steuersätze „nähren die Frustration und provozieren erst den Widerstand“, der zur Steuerflucht
führe. (Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 96)
(186) Er war jetzt schon über eine Woche im Krankenhaus, und die Untersuchungen, denen er sich in dieser
Zeit hatte unterziehen müssen, hatten noch kein Ergebnis gebracht. Möglicherweise sei das Ganze, so
er, ein falscher Alarm gewesen, und er könne in der kürzesten Zeit wieder nach Hause gehen.
(Bernhard, Der Atem : 54)
Une séquence narrative est un récit d’événements comportant une évolution de personnages
au cours d’une chronologie, avec la présence d’une mise en intrigue et d’une évaluation
finale. Le discours rapporté suivant est intégré dans une séquence narrative :
(187) Erst als die Schale mit den Bananen herumging, wandte er sich an Mister Kurt. Was ihn nach Infanta
geführt habe. - Der Zufall, so unser Gast. (Kirchhoff, Infanta : 61)
En distinguant les cas où so N est un maillon d’un circuit argumentatif ou explicatif des cas
où so N introduit un événement de parole (Genette 1972) et est un étape d’une progression
narrative, nous aboutissons à des régularités de traduction.
Narration
La majorité des 14 équivalences est réalisée par les verbes introducteurs (11 cas, dont 4 avec
anaphore ou clivée). Dire est privilégié :
(188) „Die letzten, die gingen, waren Gussmann und Mayla“, berichtete der Novize mit verhaltener Stimme.
„Arm in Arm sahen wir sie im Dunkeln verschwinden. Nun, er wird sie wohl nach Hause begleiten, so
Mister Kurt, und ich mußte ihn davon abbringen, den beiden zu folgen [...]“ (Kirchhoff, Infanta :
165)
Les derniers à partir ont été Gussmann et Mayla, rapporta encore le novice. Nous les avons vus
disparaître dans l’obscurité en se tenant par le bras. Maintenant, il va l’accompagner à la maison, a dit
- 199 -
Mister Kurt, et j’ai dû le dissuader de les suivre tous deux […]. (Lortholary : 165)
(189) (Une jeune femme reçoit des fleurs de son mari après une dispute)
- C’est toi qui as manigancé ça, accuse Justine.
- Jamais de la vie, mentez-vous avec allégresse. […]
- Si ce rusé salaud croit qu’il va arranger les bidons avec trois lilas et deux tulipes, il se trompe
drôlement, dit Justine.
Mais vous notez dans sa voix une certaine douceur. (de Buron, Qui c’est, ce garçon ? : 274)
Les introducteurs selon et d’après (3 cas) représentent une faible part des équivalences.
Selon explicite une critique qui n’est que latente dans le texte source en suggérant que la
validité des propos est sujette à caution :
(190) Meine Mutter und ich hatten so kurze Zeit nach seinem Tod nicht viel über meinen Großvater, ihren
Vater, gesprochen, alles war noch von diesem seinem Tod bestimmt gewesen, aber der wurde durch
unser Schweigen erträglicher. Er, mein Großvater, so meine Mutter, habe an der Mauer außerhalb
des Friedhofs ein Grab bekommen, das einzige auf einer außer seinem Grabe noch völlig freien
Fläche, auf welcher ein ganz neuer Teil des Friedhofs geplant sei. Sie gehe jeden Tag hin, stehe ein
paar Minuten an dem Grab und gehe wieder nach Hause. (Bernhard, Der Atem : 117)
Ma mère et moi, si peu de temps après sa mort, nous n’avons pas beaucoup parlé de mon grand-père,
le père de ma mère, tout avait encore été déterminé par cette mort : la mort qui avait été la sienne, mais
notre silence la rendait plus supportable. Selon ma mère, à lui, mon grand-père, on avait donné une
tombe contre le mur à l’extérieur du cimetière, la seule, sur un terrain encore complètement libre en
dehors de la sienne, où l’on avait projeté d’établir une partie entièrement nouvelle du cimetière. Elle y
allait tous les jours, restait quelques minutes devant sa tombe et rentrait chez elle. (Kohn : 279)
D’après opère également une mise à distance critique des dires d’autrui et implique de plus
que l’énonciateur premier synthétise les paroles de l’énonciateur second (cf. 3.3.3). Cette
opération est explicitée par le contexte de l’extrait suivant :
(191) Aber ich dachte falsch, und was er in der nächsten halben Stunde durchs Büro tappend erzählte, war
auf den Punkt gebracht folgendes: Weidenbusch hatte Sri Dao, so hieß die Freundin, für
fünftausend Mark freigekauft [...]. Nach den Flittertagen fingen sie an zu überlegen, was weiter
geschehen sollte. Sri Daos Aufenthaltsgenehmigung würde in drei Wochen ablaufen, und sie hatte
weder Geld noch Lust, nach Thailand zurückzufliegen. Ein Asylantrag mochte Aufschub bedeuten,
wäre aber mit hundertprozentiger Sicherheit abgelehnt worden; heiraten, so Weidenbusch, wollten
beide nicht. […] [D]as vorgeschriebene Abreisedatum war bereits um einige Tage überschritten, als
sie in eine Paßkontrolle gerieten. (Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 14)
Mais le récit qu’il me fit dans la demi-heure suivante en titubant à travers mon bureau allait me
montrer que je n’y étais pas. En résumé : Weidenbusch avait racheté Sri Dao - le nom de sa copine -
pour cinq mille marks [...]. Après leur lune de miel, les deux tourtereaux s’interrogèrent sur la suite
- 200 -
des événements. Le permis de séjour de Sri Dao allait expirer dans trois semaines et elle n’avait ni
l’envie de retourner en Thaïlande ni l’argent pour le faire. Une demande d'asile aurait retardé
l’échéance, mais allait être refusée à coup sûr. D’après Weidenbusch, aucun des deux n’était tenté
par le mariage. […] [L]e permis était périmé depuis quelques jours déjà, lorsqu’ils furent pris dans un
contrôle d'identité. (Kaempfer : 17-18)
Argumentation et explication
(192) Wenn wir auf die natürliche Weise krank werden und ein solches Krankenhaus aufsuchen müssen,
können wir von Glück reden, so mein Großvater. Aber, so weiter, wir wissen nicht, ob wir tatsächlich
auf die natürliche Weise in das Krankenhaus hereingekommen sind oder nicht. Es kann sein, daß wir
nur glauben, auf die natürliche, ja auf die natürlichste Weise hereingekommen zu sein, während wir
doch nur auf die künstliche, möglicherweise auf die künstlichste Weise hereingekommen sind. Aber
das ist gleichgültig. Wir haben dann, so mein Großvater weiter, auf jeden Fall den
Berechtigungsausweis für den Denkbezirk. (Bernhard, Der Atem : 61-62)
Si nous tombons malades de la façon naturelle et devons aller dans un pareil hôpital, nous pouvons
dire que nous avons de la chance, ainsi parlait mon grand-père. Mais, (245) continuait-il, nous
ignorons tous si nous sommes effectivement entrés ou non à l’hôpital de la façon naturelle. Il se peut
que nous croyions seulement être entrés de la façon naturelle alors que nous sommes pourtant entrés
de la façon artificielle. Mais cela est indifférent. Nous avons alors en tout cas, poursuivait mon
grand-père, un titre justificatif pour entrer dans le district de la pensée. (Kohn : 244-245)
(193) Nahum Goldmann [...] confiait en privé son étonnement que la centrale palestinienne soit écartée
d'office de la brève conférence de paix qui s'était tenue à Genève en 1973, puis des assises de Camp
David en 1978, parce qu'elle ne s'était pas ralliée à la résolution 242. La seule présence des
représentants de l'OLP à ces assises, soutenait le leader juif, équivalait à une reconnaissance de facto
de l’Etat d’Israël, qui se transformerait en une reconnaissance de jure. (Le Monde diplomatique 2000-
1 ; 10 ; 11)
Nahum Goldmann [...] äußerte privat sein Erstaunen darüber, dass die palästinensische Zentrale von
der kurzen Friedenskonferenz in Genf 1973 und den Friedensgesprächen in Camp David 1978 fern
gehalten wurde, weil sie die Resolution 242 nicht anerkannte. Allein die Gegenwart der PLO bei
diesen Gesprächen, so Goldmann, hätte eine De-facto-Anerkennung des Staates Israel bedeutet, die
sich unweigerlich in eine De-jure-Anerkennung verwandelt hätte.
- 201 -
privilégiés dans les textes non-fictionnels, avec 4 cas pour les romans contre 11 pour les
textes de presse et essais).
Non traduction :6 6
Agencement textuel 1 1
Aucune marque 5 5
Total 7 47 14 68
- 202 -
7.2.3.4 Les verbes introducteurs avec anaphore et phrase clivée
L’emploi des verbes introducteurs, lorsqu’ils sont accompagnés d’une anaphore ou d’une
clivée, « voilà ce que dit x » ou « c’est ce que dit x » est lié au genre de discours. Ce type
d’équivalence n’est attesté que dans les textes littéraires : Th. Bernhard, Der Atem (5 fois),
Th. Mann, Die Betrogene (2 fois) et Kirchhoff, Infanta (1 fois).
« Voilà ce que x + verbe introducteur » est de plus l’équivalent quasi-exclusif des 297
occurrences de so N répertoriées dans Alte Meister, où il apparaît 291 fois ; « c’est ce que dit
souvent x » y est employé 1 fois.
L’emploi des verbes introducteurs avec anaphore ou clivée entraîne, dans toutes les
occurrences, un effet de monstration du discours second, que le discours soit représenté au
mode direct (6 fois) ou au mode indirect (2 fois). L’effet de monstration est utilisé pour
souligner le caractère sentencieux d’une courte intervention ou l’importance d’un propos
dans un long monologue :
(194) Wenn wir auf die natürliche Weise krank werden und ein solches Krankenhaus aufsuchen müssen,
können wir von Glück reden, so mein Großvater. (Bernhard, Der Atem : 61)
Si nous tombons malades de la façon naturelle et devons aller dans un pareil hôpital, nous pouvons
dire que nous avons de la chance, ainsi parlait mon grand-père. (Kohn : 245)
(195) Auf ihre Ottomane hingestreckt, das Gesicht mit den Händen bedeckt und wieder noch im Kissen
verborgen, machte sie sich, überwältigt von Scham, Schrecken und Wonne, das Geständnis ihrer
Leidenschaft.
„Großer Gott, ich liebe ihn ja, liebe ihn, wie ich nie geliebt, ist das denn zu fassen? [...] Ich will
glauben an das Wunder meiner Seele und Sinne, will das Naturwunder verehren meines schmerz- und
schamhaften Seelenfrühlings, und meine Scham soll nur der Begnadung gelten durch diese späte
Heimsuchung...“.
So Rosalie, für sich allein, an jenem Abend. (Mann, Die Betrogene : 45-49)
Etendue sur son ottomane, le visage caché dans ses mains et enfoui dans les coussins, accablée de
honte, d’effroi et d’extase, elle s’avoua sa passion.
« Grands dieux, mais c’est que je l’aime, je l’aime comme je n’ai jamais aimé ! Est-ce concevable ?
[...] Je veux croire au miracle de mon âme et de mes sens, je veux adorer le miracle de la nature, le
douloureux et honteux printemps de mon âge et de mes sens, et ma confusion n’aura d’autre motif que
la grâce qui m’est dispensée par cette tardive visitation. »
Voilà ce que se disait Rosalie, pour elle seule, ce soir-là. (Servicen : 67-73)
Ce type de représentation de discours n’est pas attesté dans les textes informatifs car il est
identifié comme un procédé emphatique qui n’appartient plus aujourd’hui à la norme
discursive du texte de presse ou de l’essai.
- 203 -
7.2.3.5 La traduction non lexicale
Comme dans la catégorie précédente, ce type d’équivalence est relié à un genre de discours.
Il apparaît dans les textes informatifs, à l’exception d’une occurrence dans le texte de Th.
Bernhard Der Atem, pour laquelle toutefois l’explication la plus vraisemblable est celle d’un
oubli du traducteur. Les 5 autres occurrences proviennent de traductions de textes de presse
français. Dans le premier cas, l’équivalence repose sur l’agencement textuel. Tandis que le
texte source renvoie à l’énonciateur second au travers d’un appel de note, le texte cible place
la mention de l’énonciateur second dans un ajout parenthétique introduit par so :
(196) Récemment, la Chambre des représentants des Etats-Unis a voté, en première lecture, un projet de loi
qui exonère de droits de succession le patrimoine de quelques milliers de multimilliardaires […].
Selon un commentateur américain, cette décision témoigne de la validité d'une « loi du pouvoir, celle
qui dit que l'argent parle(2) ».
(2) Paul Krugman, « Pity the Pain of the Very Rich », International Herald Tribune, Paris, 15 juin
2000. (Le Monde diplomatique 2000-09 : 1)
Das US-Repräsentantenhaus hat unlängst in erster Lesung einen Gesetzentwurf verabschiedet, der für
Privatvermögen von ein paar tausend Multimilliardären die Befreiung von der Erbschaftssteuer
vorsieht. Die Entscheidung […] verdeutlicht nach Ansicht eines amerikanischen Leitartiklers das
„Gesetz der Macht : Wer das Geld hat, hat das Sagen“ (so Paul Krugman in der International
Herald Tribune vom 15. Juni). (taz, dans Le Monde diplomatique 2000-09 : 1)
Les 4 autres cas sont des cas pour lesquels il n’est pas possible de trouver un segment de
discours ou un élément textuel comme équivalent de so N. Les motivations qui poussent les
traducteurs à ajouter un renvoi à l’énonciateur second apparaissent liées à la stylistique du
discours journalistique.
So war der Stand der Dinge, als Joschka Fischer das Podium betrat.
Am 12. Mai rief der deutsche Vizekanzler und Außenminister in einer Rede an der Berliner
Humboldt-Universität zu einer „konstitutionellen Neugründung“ der Europäischen Union auf. Eine
„kleine Gruppe von Mitgliedstaaten“, so Fischer, solle sich in absehbarer Zeit zu einer Föderation mit
eigener Verfassung, einem Zweikammerparlament und einem direkt gewählten Präsidenten
zusammenschließen […]. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-06 : 14)
(198) L’idée de porter ce « syndicat » sur les fonts baptismaux a déclenché un tir de barrage de la part des
organisations syndicales. Parce qu’il représenterait une atteinte à leur monopole sur le monde du
travail ? Pour M. Michel Nollet, président de la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB),
de tendance socialiste, le problème se situe ailleurs : « Les syndicats comptent ici plus de 2,5 millions
d’affiliés pour 10 millions d’habitants ! [...] » (Le Monde diplomatique, 2000-12 : 14)
Die Idee, eine solche „Gewerkschaft“ aus der Taufe zu heben, hat auf Seiten der
Gewerkschaftsorganisationen heftige Kritik ausgelöst. Fürchten sie etwa um ihre Monopolstellung?
- 204 -
Für Michel Nollet, den Vorsitzenden des belgischen Gewerkschaftsbundes, der den Sozialisten
nahesteht, liegt das Problem woanders: „Die Gewerkschaften“, so Nollet „haben hier 2,5 Millionen
Mitglieder auf 10 Millionen Einwohner! [...]“ (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 : 14)
7.2.4 Bilan
- 205 -
fois), le verbe dire (14 fois, dont 5 fois avec une anaphore ou une clivée) ou un
élément non-lexical (6 fois).
- 206 -
8 Les discours indirects interprétatifs
La première partie est consacrée à l’équivalence entre l’erlebte Rede et le discours indirect
libre (8.1). Dans la deuxième partie (8.2), nous avons élargi le spectre du discours indirect
interprétatif jusqu’au discours indirect libre embryonnaire.
L’analyse contrastive a dégagé les trois facteurs qui font de l’ER un mode de DR plus
interprétatif que ne l’est le DIL. Elle a également rappelé que l’ER est, du point de vue
discursif, un genre de DR d’un registre plus soutenu que le DIL. Par conséquent, sur le plan
traductologique, l’ER source est certes généralement équivalent à un DIL cible, mais le DIL
source est, toujours de manière générale, équivalent à un EIR cible (Kullmann 1992a ;
Zuschlag 2002 : 190). Nous appuyons cette conclusion mais soulignons que la représentation
de pensées, qui exclut la traduction par un EIR, remet en cause l’équivalence entre le DIL
source et l’EIR cible.
Cette partie a pour objectif de vérifier, à partir de quelques exemples significatifs, cette
conclusion traductologique. Dans un premier temps, nous confirmerons que l’EIR est un
équivalent du DIL globalement plus adéquat que l’ER. Dans un deuxième temps, nous
montrerons toutefois que le DIL et l’ER se correspondent de manière exclusive lorsque le
DIL est employé à des fins de coénonciation.
Les exemples que nous utilisons, dans une démarche corpus-based, sont empruntés à
L’Etranger de Camus, à L’éducation sentimentale et à Madame Bovary de Flaubert. Nous
disposons pour chacun de ces textes de deux traductions. Les traductions de L’Etranger
présentent un intérêt particulier. La deuxième traduction, réalisée par Aumüller et publiée en
1994, se présente comme une « Neuübersetzung ». Elle est donc une traduction qui se
propose de faire un retour critique sur la première traduction rédigée en 1957 par Goyert et
Brenner.
- 207 -
8.1.1 L’invariance de l’interprétation
Exemple 1
(199) Un jour, il se présenta pour voir Mme Arnoux. Elle était sortie. Monsieur travaillait en bas, dans le
magasin.
En effet, Arnoux, au milieu de ses potiches, tâchait d’enfoncer de jeunes mariés, des bourgeois de la
province. Il parlait du tournage et du tournassage, du truité et du glacé; les autres, ne voulant pas avoir
l’air de n’y rien comprendre, faisaient des signes d'approbation et achetaient. (Flaubert, L’Education
sentimentale : 175)
Eines Tages kam er zum Besuch zu Madame Arnoux. Sie war ausgegangen, und Monsieur arbeitete
unten im Magazin.
In der Tat versuchte Arnoux eben inmitten seiner Porzellangefäße ein jungverheiratetes
Kleinbürgerpaar aus der Provinz hineinzulegen. Er redete von Formen und der Bearbeitung auf der
Drehscheibe, den Sprüngen im Material und der Glasur; die beiden wollten es sich nicht anmerken
lassen, daß sie nichts davon verstünden. Sie machten zustimmende Zeichen und kauften. (Rheinhardt :
238)
Eines Tages wollte er zu Frau Arnoux. Sie war ausgegangen. Der Herr arbeitete unten im
Magazin.
Es war so. Inmitten seiner Porzellane und Tontöpfe war Arnoux bemüht, ein junges Ehepaar aus der
Provinz „hereinzulegen“. Er redete von Drehen und Drehscheibe, von roten Tupfen und von Glasur;
und die Leutchen, die nicht zeigen wollten, daß sie nichts davon verstanden, nickten bejahend und
kauften. (Wiegler : 203)
Dans le texte source, l’énonciateur second est le domestique qui reçoit Frédéric Moreau,
l’énonciateur premier est le narrateur. Le DIL dans le texte original est signalé par deux
indices. Premièrement, le terme de « Monsieur » est un terme que le domestique emploie.
Toutefois, il ne renvoie pas exclusivement à cet énonciateur car le narrateur pourrait, par un
effet de contagion (« Ansteckung », Stanzel 2001 : 248ss) également l’employer. Le
deuxième indice, plus probant, est fourni par l’enchaînement logique réalisé par « en effet ».
Cette locution introduit un élément qui valide une affirmation. Or, il n’y aurait que peu de
sens à ce que le narrateur confirme lui-même ses propres dires. La cohérence textuelle
impose donc de voir dans « Elle était sortie. Monsieur… » les propos du domestique, et dans
« En effet, Arnoux… » la description du narrateur qui confirme l’information délivrée par le
domestique. Cette confirmation par le narrateur de propos dont il est le régisseur est une
figure narrative destinée à maintenir l’illusion de l’authenticité narrative.
Le DIL source est traduit par un erlebte Rede dans les deux traductions. Cette traduction
n’apparaît toutefois pas particulièrement adéquate, car l’ER ne permet pas de réaliser la
même cohérence textuelle que celle du texte français.
- 208 -
Dans le texte cible, l’énoncé à l’ER contient un indice d’ER (avec « Monsieur » et « Herr »),
mais c’est uniquement l’énoncé suivant qui atteste de sa présence. Par rétroaction, « in der
Tat » et « es war so » amènent à ré-interpréter « Sie war ausgegangen … », qui avait été lu
comme un maillon de la narration. Le procédé connaît le même mouvement dans le texte-
français, mais la correction de l’interprétation est moins importante en français du fait de la
l’inactualité (Confais 2002 : 408ss) que réalise l’imparfait dans « Elle était sortie … ». Entre
l’énoncé « En effet … » et l’énoncé qu’il infléchit, « Elle était sortie … », la cohérence est
plus forte avec un DIL qu’avec un ER. Par conséquent, la traduction gagnerait à être
reformulée par un EIR :
Eines Tages kam er zum Besuch zu Madame Arnoux. Sie sei ausgegangen, und Monsieur arbeite
unten im Magazin.
In der Tat versuchte Arnoux eben inmitten seiner Porzellangefäße ein jungverheiratetes
Kleinbürgerpaar aus der Provinz hineinzulegen. Er redete von Formen und der Bearbeitung auf der
Drehscheibe, den Sprüngen im Material und der Glasur; die beiden wollten es sich nicht anmerken
lassen, daß sie nichts davon verstünden. Sie machten zustimmende Zeichen und kauften. (d’après
Rheinhardt)
Eines Tages wollte er zu Frau Arnoux. Sie sei ausgegangen. Der Herr arbeite unten im Magazin.
Es war so. Inmitten seiner Porzellane und Tontöpfe war Arnoux bemüht, ein junges Ehepaar aus der
Provinz „hereinzulegen“. Er redete von Drehen und Drehscheibe, von roten Tupfen und von Glasur;
und die Leutchen, die nicht zeigen wollten, daß sie nichts davon verstanden, nickten bejahend und
kauften. (d’après Wiegler)
L’enchaînement textuel avec un EIR n’est pas non plus le même que celui réalisé avec un
DIL, mais l’explicitation que réalise l’EIR et la perte de la figure narrative sont néanmoins
préférables à l’enchaînement que réalise un ER.
Exemple 2
La figure narrative observée dans l’extrait précédent n’est pas un procédé unique chez
Flaubert, comme l’atteste le deuxième exemple :
Sie versuchte zu essen. Sie brachte keinen Bissen hinunter. Dann entfaltete sie ihre Serviette, als wolle
sie die geflickten Stellen prüfen; und wirklich ging sie daran, die Fäden zu zählen. Plötzlich fiel ihr der
Brief ein. Hatte sie ihn etwa verloren? Wo war er nur? Allein, sie fühlte sich geistig derart matt, daß
- 209 -
sie nicht einmal einen Vorwand zu ersinnen vermochte, um vom Tisch wegzugehen. Sie war auf
einmal feige geworden; sie hatte Angst vor Charles; er wußte alles, das war sicher! Und wahrhaftig,
da sagte er ganz eigentümlich:
„Es scheint, wir werden Monsieur Rodolphe so bald nicht wiedersehen.“ (Schickelé et Riesen : 241-
242)
Sie versuchte zu essen. Die Bissen blieben ihr im Halse stecken. Da faltete sie ihre Serviette
auseinander, als wollte sie sich die schadhaften Stellen genauer ansehen; sie hatte auch wirklich vor,
sie da, wo sie dünn geworden waren, auszubessern und die Fäden der Leinwand zu zählen. Plötzlich
kam ihr der Brief wieder in den Sinn. Hatte sie ihn denn verloren? Wo konnte sie ihn wiederfinden?
Aber sie fühlte sich so zerschlagen, ihr Kopf war so müde, daß sie sich einfach keinen Vorwand
auszudenken vermochte, um vom Tisch aufzustehen. Außerdem war sie feige geworden; sie hatte
Angst vor Charles. Er wußte alles, das war sicher! Tatsächlich sagte er in einem ganz
eigenartigen Ton: „Herrn Rodolphe werden wir, scheint’s, nicht so bald wieder zu Gesicht
bekommen.“ (Widmer : 266-267)
De la même façon que dans le premier exemple, l’énoncé au DIL est suivi d’un énoncé du
narrateur, introduit par « en effet », qui confirme les dires du personnage. L’analyse de
l’équivalence est ici différente, car l’EIR est par définition exclu de la traduction d’un DIL
pensé. De plus, le DIL et l’ER sont repérés dès la lecture de l’énoncé, car le contenu
propositionnel ainsi que l’exclamation, une marque forte de subjectivité, sont attribués au
personnage d’Emma. Ces indices de subjectivité assurent l’adéquation de la traduction par
un ER.
L’erlebte Rede et le discours indirect libre sont des discours bivocaux, composés par deux
locuteurs et deux énonciateurs, au sens de Ducrot ou, en reprenant les termes de Kerbrat-
Orecchioni, de deux centres de subjectivité déictique, affective et évaluative. La bivocalité
pose la question de la prise en charge. En général, étant donné que l’énonciateur premier
représente le discours d’un énonciateur second, ce dernier est perçu comme l’énonciateur
responsable des dires. Toutefois, dans des cas particuliers, le DIL peut être lu comme un
discours assumé également par l’énonciateur premier. Cet effet de coénonciation fait l’objet
de l’analyse suivante dans Zifonun et al. :
- 210 -
Die in erlebter Rede/erlebtem Denken präsentierten Passagen bieten als solche keine Möglichkeit, eine
Distanzierung von Sprecherseite einzubringen, da ja für erlebtes Denken gerade charakteristisch ist,
dass es scheinbar unmittelbar an den Bewusstseins- und Wertungsprozessen des Reflektierenden
teilnehmen läßt.
Dabei kann der bei diesem Verfahren vorauszusetzende hohe Grad an Einfühlungsvermögen des
Sprechers in die Gedankengänge des Reflektierenden oder die Vertrautheit mit ihnen die Adressaten
z.B. einer öffentlichen Rede leicht dazu veranlassen, dem Sprecher Sympathie mit den von ihm
präsentierten fremden Gedankeninhalten zu unterstellen. Das Stilmittel ‚erlebte Rede/erlebtes Denken’
muß daher, wenn Mißverständnisse oder Fehlinterpretationen ausgeschlossen werden sollen,
besonders sorgfältig gehandhabt werden (Zifonun et al. 1997 : 1777) 174
Dans ce roman homodiégétique, le narrateur relate les propos de la cour à son égard dans un
discours indirect libre qui apparaît, par conséquent, à la première personne. La « plaidoirie
du procureur » est d’abord évoquée dans des discours narrativisés (« Le fond de sa pensée, si
j'ai bien compris, c'est que j'avais prémédité mon crime. » ; « Il a résumé les faits […] et
enfin la rentrée avec Marie. »). Le narrateur fait référence au discours du procureur en
manifestant des difficultés de compréhension qui proviennent de la transposition en mode
indirect, « Marie » devenant « sa maîtresse » (« si j’ai bien compris » ; « j’ai mis du temps à
le comprendre »).
(201) Par exemple, la plaidoirie du procureur m’a très vite lassé. Ce sont seulement des fragments, des
gestes ou des tirades entières, mais détachées de l’ensemble, qui m’ont frappé ou ont éveillé mon
intérêt. Le fond de sa pensée, si j’ai bien compris, c’est que j’avais prémédité mon crime. Du moins, il
a essayé de le démontrer. Comme il le disait lui-même : « J’en ferai la preuve, messieurs, et je la ferai
doublement. Sous l’aveuglante clarté des faits d’abord et ensuite dans l’éclairage sombre que me
fournira la psychologie de cette âme criminelle. » Il a résumé les faits à partir de la mort de maman. Il
a rappelé mon insensibilité, l’ignorance où j’étais de l’âge de maman, mon bain du lendemain, avec
une femme, le cinéma, Fernandel et enfin la rentrée avec Marie. J’ai mis du temps à le comprendre,
à ce moment, parce qu’il disait « sa maîtresse » et pour moi, elle était Marie. (Camus,
L’Etranger : 1193-1194)
(202) Ensuite, il en est venu à l’histoire de Raymond. J’ai trouvé que sa façon de voir les événements ne
manquait pas de clarté. Ce qu’il disait était plausible. J’avais écrit la lettre d’accord avec Raymond
pour attirer sa maîtresse et la livrer aux mauvais traitements d’un homme « de moralité
douteuse ». J’avais provoqué sur la plage les adversaires de Raymond. Celui-ci avait été blessé.
Je lui avais demandé son revolver. J’étais revenu seul pour m’en servir. J’avais abattu l’arabe
comme je le projetais. J’avais attendu. Et « pour être sûr que la besogne était bien faite » ,
j’avais tiré encore quatre balles, posément, à coup sûr, d’une façon réfléchie en quelque sorte.
174
Cette description des effets discursifs de l’erlebte Rede ne manque pas de faire écho au discours malheureux
de Jenninger (cf. 5.2.3). Dans ce cas, la coénonciation avait été involontaire, et l’orateur n’avais pas su prévenir
l’effet produit par son discours.
- 211 -
« Et voilà, messieurs, a dit l’avocat général. J’ai retracé devant vous le fil d’événements qui a conduit
cet homme à tuer en pleine connaissance de cause. […] » (Camus, L’Etranger : 1194)
Dann kam er auf die Geschichte mit Raymond zu sprechen. Ich muß zugeben, daß er die Ereignisse
ganz klar sah 175. Ich hatte mit Raymond den Brief geschrieben, um dessen Geliebte ins Haus zu
locken und sie der Mißhandlung durch einen Menschen „zweifelhafter Moral“ auszuliefern. Ich
hatte am Strand Raymonds Feinde provoziert. Raymond war verwundet worden. Ich hatte mir
seinen Revolver geben lassen. Ich war allein zurückgegangen, um mich des Revolvers zu
bedienen. Ich hatte den Araber niedergeschossen, wie ich es mir vorgenommen hatte. Ich hatte
gewartet. Und um sicher zu sein, „ganze Arbeit geleistet zu haben“, hatte ich noch vier Kugeln
hinterhergejagt, kaltblütig und mit Überlegung. „Sehen Sie, meine Herren“, sagte der Staatsanwalt,
„ich habe der Reihe nach die Ereignisse aufgezählt, die diesen Menschen zu einem vorsätzlichen Mord
veranlaßten. [...]“ (Goyert und Brenner : 99)
175
L’énoncé d’ouverture « Ce qu’il disait était plausible » n’est pas traduit.
- 212 -
L’auteur de la deuxième traduction choisit un einführungslose indirekte Rede à la place de
l’erlebte Rede :
Dann ist er auf Raymonds Geschichte zu sprechen gekommen. Ich fand, daß seine Art, die Ereignisse
zu sehen, ziemlich klar war. Was er sagte, war plausibel. Ich hätte den Brief in Übereinstimmung
mit Raymond geschrieben, um dessen Geliebte anzulocken und sie den Mißhandlungen eines
Mannes von „zweifelhafter Moral“ auszusetzen. Ich hätte am Strand Raymonds Gegner
provoziert. Raymond wäre verletzt worden. Ich hätte seinen Revolver verlangt. Ich wäre allein
zurückgekehrt, um mich seiner zu bedienen. Ich hätte den Araber niedergeschossen, wie ich es
geplant hätte. Ich hätte gewartet. Und „um sicherzugehen, daß die Arbeit ordentlich erledigt
war“, hätte ich noch vier Kugeln verschossen, bedächtig, auf sichere Schußweite, gewissermaßen
mit Überlegung.
„So, meine Herren“, hat der Ankläger gesagt. „Ich habe Ihnen den Lauf der Ereignisse vor Augen
geführt, der diesen Mann dazu gebracht hat, im vollen Bewußtsein seines Tuns zu töten. [...]“.
(Aumüller : 116-118)
(203) Mais il a été beaucoup plus long que lorsqu’il parlait de mon crime, si long même que, finalement, je
n’ai plus senti que la chaleur de cette matinée. Jusqu’au moment, du moins, où l’avocat général s’est
arrêté et après un moment de silence, a repris d’une voix très basse et très pénétrée : « Cette même
cour, messieurs, va juger demain le plus abominable des forfaits : le meurtre d’un père. » Selon lui,
l’imagination reculait devant cet atroce attentat. Il osait espérer que la justice des hommes punirait
sans faiblesse. (Camus, L’Etranger : 1195)
Dans le DR au DIL, l’erzählendes Ich rapporte sans sourciller le réquisitoire qu’a formulé la
justice, dans le passé, sur l’erlebendes Ich. La nouvelle traduction par un EIR a
- 213 -
l’inconvénient d’ajouter une distance entre l’erzählendes Ich et l’erlebendes Ich par le biais
du Konjunktiv.
L’équivalence des discours indirects libres français et allemands comporte un aspect qui
touche aux frontières du DIL. Il s’agit d’étudier l’équivalence d’une forme particulière de
DIL que nous avons nommée DIL embryonnaire (cf. 1.4.3.5 et 5.2.1). Nous procéderons
d’abord à une description des DIL embryonnaires que nous avons relevés dans Madame
Bovary (8.2.1). Nous évaluerons ensuite les équivalences proposées par les deux traducteurs
(8.2.2) avant d’envisager des alternatives permettent de résoudre certains problèmes (8.2.3).
1er extrait
Le premier extrait relate les investigations de la première femme de Charles Bovary qui font
naître un sentiment d’indignation, décrit dans l’énoncé exclamatif « Ce fut le comble ! ». Le
DD qui fait suite à ce DIL embryonnaire met en scène la réaction du personnage.
(204) Dans les premiers temps que Charles fréquentait les Bertaux, Mme Bovary jeune ne manquait pas de
s’informer du malade [...]. Mais quand elle sut qu’il avait une fille, elle alla aux informations; et elle
apprit que mademoiselle Rouault, élevée au couvent, chez les Ursulines, avait reçu, comme on dit, une
belle éducation, qu’elle savait en conséquence, la danse, la géographie, le dessin, faire de la tapisserie
et toucher du piano. Ce fut le comble !
- C’est donc pour cela, se disait-elle, qu’il a la figure si épanouie quand il va la voir [...]. (Flaubert,
Madame Bovary : 17)
In der ersten Zeit, als Charles nach Les Bertaux ging, hatte Madame Bovary immer wieder nach dem
Kranken gefragt [...]. Als sie aber erfuhr, daß er eine Tochter hatte, zog sie Erkundigungen ein; und sie
vernahm, daß Mademoiselle Rouault, bei den Ursulinerinnen erzogen, eine, wie man sagt, feine
Erziehung erhalten habe; daß sie folglich tanzen, zeichnen, sticken und Klavier spielen könne und sich
in Geographie auskenne. Das war der Gipfel!
„Deshalb also“, sagte sie sich, „das strahlende Gesicht, wenn er dorthin geht [...].“ (Schickelé et
Riesen : 26-27)
- 214 -
In der ersten Zeit, als Charles seine Besuche in Les Bertaux aufnahm, versäumte die junge Madame
Bovary nie, sich nach dem Kranken zu erkundigen [...]. Als sie jedoch erfuhr, daß er eine Tochter
habe, zog sie Erkundigungen ein und brachte dabei heraus, daß Mademoiselle Rouault im Kloster bei
den Ursulinerinnen erzogen worden wer, daß sie, wie man sagt, eine Gute Bildung erhalten hatte und
folglich im Tanzen, in Geographie, Zeichnen, Sticken und im Klavierspielen beschlagen war. Das
schlug dem Faß den Boden aus!
„Also darum, sagte sie sich, strahlt er jedesmal übers ganze Gesicht, wenn er dorthin geht [...].“
(Widmer : 27)
2ème extrait
Dans le second extrait, Emma Bovary redoute la compagnie de Charles, qu’elle ne peut
éviter, et répugne à le rejoindre. Ce sentiment est perceptible dans le DIL embryonnaire :
« Et il fallut descendre ! Il fallut se mettre à table ! ». Dans la suite du texte, les pensées
d’Emma sont plusieurs fois représentées au DIL 176 :
(205) L’idée qu’elle venait d’échapper à la mort faillit la faire s’évanouir de terreur ; elle ferma les yeux ;
puis elle tressaillit au contact d’une main sur sa manche : c’était Félicité.
- Monsieur vous attend, madame ; la soupe est servie.
Et il fallut descendre ! Il fallut se mettre à table !
Elle essaya de manger. Les morceaux l’étouffaient.
Alors elle déplia sa serviette comme pour en examiner les reprises et voulut réellement s’appliquer à
ce travail, compter les fils de la toile. Tout à coup, le souvenir de la lettre lui revint. L’avait-elle donc
perdue ? Où la retrouver ? Mais elle éprouvait une telle lassitude dans l’esprit, que jamais elle ne put
inventer un prétexte à sortir de table. Puis elle était devenue lâche ; elle avait peur de Charles ; il
savait tout, c'était sûr ! En effet, il prononça ces mots, singulièrement :
- Nous ne sommes pas près, à ce qu’il paraît, de voir M. Rodolphe. (Flaubert, Madame Bovary : II-48)
Der Gedanke, daß sie eben dem Tod entronnen war, machte sie halb ohnmächtig vor Entsetzen; sie
schloß die Augen; unter der Berührung einer Hand fuhr sie zusammen: Es war Félicité.
„Monsieur wartet auf Sie, Madame. Die Suppe ist auf dem Tisch.“
Und sie mußte hinabgehen! mußte sich zu Tisch setzen!
Sie versuchte zu essen. Sie brachte keinen Bissen hinunter. Dann entfaltete sie ihre Serviette, als wolle
sie die geflickten Stellen prüfen; und wirklich ging sie daran, die Fäden zu zählen. Plötzlich fiel ihr der
Brief ein. Hatte sie ihn etwa verloren? Wo war er nur? Allein, sie fühlte sich geistig derart matt,
daß sie nicht einmal einen Vorwand zu ersinnen vermochte, um vom Tisch wegzugehen. Sie war auf
einmal feige geworden; sie hatte Angst vor Charles; er wußte alles, das war sicher! Und wahrhaftig,
da sagte er ganz eigentümlich:
„Es scheint, wir werden Monsieur Rodolphe so bald nicht wiedersehen.“ (Schickelé et Riesen : 241-
242)
Bei dem Gedanken, daß sie eben dem Tod entronnen wer, sank sie fast vor Entsetzen ohnmächtig hin.
Sie schloß die Augen; dann fuhr sie zusammen: eine Hand faßte sie am Arm. Es war Félicité.
„Der Herr wartet auf Sie, Madame. Die Suppe ist aufgetragen.“
Sie mußte hinuntergehen, mußte sich zu Tisch setzen!
Sie versuchte zu essen. Die Bissen blieben ihr im Halse stecken. Da faltete sie ihre Serviette
auseinander, als wollte sie sich die schadhaften Stellen genauer ansehen; sie hatte auch wirklich vor,
sie da, wo sie dünn geworden waren, auszubessern und die Fäden der Leinwand zu zählen. Plötzlich
kam ihr der Brief wieder in den Sinn. Hatte sie ihn denn verloren? Wo konnte sie ihn
wiederfinden? Aber sie fühlte sich so zerschlagen, ihr Kopf war so müde, daß sie sich einfach keinen
Vorwand auszudenken vermochte, um vom Tisch aufzustehen. Außerdem war sie feige geworden; sie
hatte Angst vor Charles. Er wußte alles, das war sicher! Tatsächlich sagte er in einem ganz
176
Cf. l’analyse de cet extrait dans Hirsch (1980b : 96ss).
- 215 -
eigenartigen Ton: „Herrn Rodolphe werden wir, scheint’s, nicht so bald wieder zu Gesicht
bekommen.“ (Widmer : 266-267)
3ème extrait
„Ah, Briefe!“ sagte Maître Hareng mit einem verschwiegenen Lächeln. „Aber erlauben Sie, ich muß
schauen, ob nichts weiter drin ist.“
Und er hielt die Papiere in die Höhe, als wollte er Goldstücke herausschütteln. Sie wurde zornig, als
sie sah, wie sich diese große Hand mit den roten Fingern, die weich wie Schnecken waren, auf die
Seiten legten, die einst ihr Herz hatten höher schlagen lassen.
Endlich gingen sie! Félicité kam zurück. Sie war beauftragt worden, Bovary aufzulauern und ihn vom
Hause fernzuhalten [...]. (Schickelé et Riesen : 343)
„Aha, Briefe!“ sagte Maître Hareng mit diskretem Lächeln. „Aber gestatten Sie! Ich muß mich
nämlich vergewissern, ob die Schachtel nichts anderes enthält.“
Und er hielt die Papiere leicht schräg vor sich hin, als wollte er die Goldstücke herausschütteln. Da
übermannte sie die Empörung, als sie sah, wie diese fleischige Pratze mit den roten, weichen Fingern,
die aussahen wie Schnecken, die Blätter anfaßte, bei denen einst ihr Herz höher geschlagen hatte.
Endlich gingen sie! Félicité kam zurück - Emma hatte sie ausgesandt; sie sollte Bovary auflauern und
ihn fernhalten. [...] (Widmer : 380)
4ème extrait
Enfin, le dernier extrait évoque l’émotion des amants, Léon et Emma, à l’heure de la
séparation.
(207) Ce furent trois jours pleins, exquis, splendides, une vraie lune de miel.
Ils étaient à l’hôtel de Boulogne, sur le port. Et ils vivaient là, volets fermés, portes closes, avec des
fleurs par terre et des sirops à la glace, qu’on leur apportait dès le matin. [...]
Il fallut pourtant se séparer ! Les adieux furent tristes. C’était chez la mère Rolet qu’il devait
envoyer ses lettres ; et elle lui fit des recommandations si précises à propos de la double enveloppe,
qu’il admira grandement son astuce amoureuse. (Flaubert, Madame Bovary : II-104-107)
- 216 -
Umschlag, daß er ihre Durchtriebenheit in amourösen Dingen aufs höchste bewunderte. (Schickelé et
Riesen : 298-300)
Le contexte des deux premiers extraits favorise la lecture d’un erlebte Rede (un DD en 204,
un DIL en 205). Mais le fait que la traduction allemande fasse naître dans les quatre
interventions des erlebte Reden tient fondamentalement aux caractéristiques des énoncés
français et à celles des temps allemands. L’énoncé du texte source est hybride et mélange le
point de vue du narrateur et celui du personnage. L’exclamation est, en particulier, reliée à
un énonciateur autre que le narrateur. Traduits en allemand, sans la barrière du passé simple,
ces énoncés se retrouvent proches de l’erlebte Rede. Le Präteritum, non déterminé
aspectuellement, permet de faire basculer le texte allemand vers une représentation du procès
ouverte, en cours, et donc de favoriser la lecture d’un ER.
La nature exclamative des énoncés est capitale. L’exclamation, explique Ducrot, fait
référence au moment de l’énonciation. Selon son analyse, le locuteur d’une assertion non
exclamative présente son énonciation comme résultant d’un choix d’informer, c’est-à-dire
« de la décision prise d’apporter une certaine information à propos d’un certain objet ». Avec
une exclamation en revanche, le locuteur présente l’énonciation comme étant « déclenchée
par la représentation de cet objet » (Ducrot 1984 : 186). « L’énoncé communique une
qualification de son énonciation, donnée pour l’effet de cela même dont elle informe. »
(Ducrot 1984 : 187). La présence d’une exclamation, une manifestation forte de subjectivité,
s’interprète dans les contextes comme celle d’une subjectivité autre que celle du narrateur.
Les objets représentés qui déclenchent l’exclamation sont respectivement Emma, Charles,
les huissiers et la séparation. En respectant les codes de la fiction romanesque, on attribue
l’énonciation exclamative aux énonciateurs qui sont confrontés à l’objet en question, donc
- 217 -
les personnages. L’émotion déclenchée par la vue des objets est toutefois partagée par le
narrateur omniscient, car elle est énoncée dans un discours assumée par le narrateur.
La comparaison avec un énoncé non exclamatif montre que l’exclamation véhicule le point
de vue du personnage et permet de réaliser le DIL embryonnaire. L’énoncé suivant - qui
précède le troisième extrait - décrit certes la contrainte que ressent Emma, mais il ne contient
pas de marques de subjectivité, ne se lit pas comme un discours hybride et empathique du
narrateur et sa traduction en allemand n’est pas lue comme un erlebte Rede :
(208) Elle fut stoïque, le lendemain, lorsque maître Hareng, l’huissier, avec deux témoins, se présenta chez
elle pour faire le procès-verbal de la saisie.
[…] Quand ils en eurent fini avec les appartements, ils montèrent au grenier.
Elle y gardait un pupitre où étaient enfermées les lettres de Rodolphe. Il fallut l’ouvrir.
- Ah ! Une correspondance ! dit maître Hareng avec un sourire discret. [...] (Flaubert, Madame
Bovary : II-148-149)
Emma zeigte sich stoisch am Tag darauf, als Maître Hareng, der Gerichtsvollzieher, mit zwei Zeugen
in ihr Haus kam, um das Pfändungsprotokoll aufzusetzen.
[...] Als sie mit den Zimmern fertig waren, stiegen sie auf den Boden hinauf.
Sie hatte dort ein Schreibpult stehen, in dem sie Rodolphes Briefe aufbewahrte. Sie mußte es öffnen.
„Ah, Briefe!“ sagte Maître Hareng mit einem verschwiegenen Lächeln. [...] (Schickelé et Riesen : 342-
343)
Sie zeigte einen wahrhaft stoischen Gleichmut, als sich am nächsten Tag Maître Hareng, der
Gerichtsvollzieher, mit zwei Zeugen einstellte, um das Pfändungsprotokoll aufzusetzen. [...]
Als sie mit den Wohnräumen fertig waren, stiegen sie zum Dachboden hinauf.
Emma hatte dort ein Schreibpult stehen, in dem sie Rodolphes Briefe aufbewahrte. Sie mußte es
öffnen.
„Aha, Briefe!“ sagte Maître Hareng mit diskretem Lächeln. [...] (Widmer : 379-380)
L’analyse des quatre DIL embryonnaires et de leurs traductions fait apparaître que
l’architecture des voix réalisée dans les textes français est difficile à conserver lorsque le
texte se trouve dans la zone frontière du DIL. Les énoncés français sont des récit
d’événements hybrides avec une présence faible de l’énonciation du personnage. Les
traductions en allemand aboutissent à un récit de paroles (Genette) formulé à l’erlebte Rede.
Le modèle circulaire de Stanzel (2001) permet de représenter la variation opérée dans les
traductions allemandes. Pour Stanzel, l’erlebte Rede est une forme intermédiaire entre deux
situations narratives typiques, dominées l’une par le trait de perspective, l’autre par le trait de
mode. L’auktoriale Erzählsituation est caractérisée par le trait de l’externe Perspektive et la
personale Erzählsituation est caractérisée par la présence d’un Reflektor. Le DIL
embryonnaire du texte source est un énoncé d’une auktoriale Erzählsituation qui a intégré en
partie des caractéristiques de la personale Erzählsituation. Dans le schéma de Stanzel,
- 218 -
l’énoncé du texte source est un premier pas vers la fusion entre les deux Erzählsituationen.
En revanche, l’énoncé du texte cible est un erlebte Rede qui réalise la fusion des deux
Erzählsituationen. Il a, dans le continuum menant des formes auctoriales aux formes
personnelles de récit, nettement franchi une étape.
Pour autant, ce déplacement en allemand ne s’est pas produit par l’ajout d’éléments qui ne
seraient pas présents dans le texte français : il résulte de l’absence dans cette langue de la
différence aspectuelle que connaît le français entre le passé simple et l’imparfait et de la
présence d’un type propositionnel expressif.
Nous avons cherché quels moyens s’offrent pour traduire le DIL embryonnaire et nous avons
trouvé trois possibilités, chacune d’entre elles ayant des contreparties différentes.
Dans cet énoncé, la forme exclamative est certes un élément véhiculant la subjectivité de
l’énonciateur-personnage, mais elle ne suffit pas à faire de cet énoncé un erlebte Rede. En
effet, la présence de l’introducteur für x rend une lecture comme erlebte Rede ici incongrue.
für x n’est pas en soi impossible dans les erlebte Rede (ni pour x dans les DIL), mais il faut
une situation dialogale ou une mise en contraste avec un autre énonciateur qui ici n’est pas
présente. L’énoncé est donc lu dans le texte cible comme un énoncé pris en charge et
modalisé par le narrateur, et pas comme un erlebte Rede.
Ce fut le comble !
Das war der Gipfel.
- 219 -
En privant le texte allemand des marques de l’énonciateur-personnage, cette traduction
prévient une lecture comme erlebte Rede, mais en fait un simple énoncé du récit.
Le traducteur W. Widmer semble avoir exploité cette possibilité dans un des cas, car il ne
conserve pas l’exclamation. Il y a en revanche une expressivité présente dans « endlich » qui
n’est pas présente dans le terme de « schließlich » choisi par R. Schickelé et I. Riesen :
La traduction de Widmer semble toutefois être née d’un contresens. L’énoncé français
exprime le regret des amants de devoir se séparer, tandis que la traduction de Widmer
implique le désir de se séparer, l’attente d’une séparation qui se réalise après avoir manquée
d’être déçue. Cette interprétation de la traduction de Widmer est due à la non traduction de
l’obligation contenue dans « mußte » et par le choix de « endlich », qui marque la fin d’une
attente.
Le choix par l’énonciateur de son nom propre n’est pas incompatible avec le DIL ou l’ER
(cf. 1.4.3.4). Il est rare, car il nécessite des conditions particulières de désambiguïsation de
l’énoncé. Ces conditions n’étant ici pas réunies, l’énoncé n’est pas lu comme un erlebte
Rede, mais comme un récit du narrateur. La contrepartie négative de cette traduction se situe
dans un léger effet de style : le choix du narrateur de désigner les personnages par leurs
prénoms dans des situations où transparaît leurs émotions amplifie et exagère l’empathie.
Pour conclure cette partie, nous regroupons dans le tableau suivant les différents éléments du
continuum entre récit, DIL embryonnaire et DIL :
- la colonne DIL embryonnaire contient les énoncés originaux de Flaubert
- la colonne de Vorstufe erlebter Rede contient nos propositions de traduction
- la colonne ER contient les traductions attestées (sauf une de Widmer)
- 220 -
- les colonnes récits, Bericht et DIL contiennent des reformulations à des fins de
comparaison.
Sie mußte
hinuntergehen,
mußte sich zu
Tisch setzen!
(Widmer)
Ils finirent par Sie gingen Ils partirent Endlich gingen Ils partaient Endlich gingen
partir. schließlich weg. enfin ! (Flaubert) sie. enfin ! sie! (Schickelé et
Riesen ;
Widmer)
Il fallut pourtant Sie mussten sich Il fallut pourtant Schließlich Il fallait Schließlich
qu’ils se schließlich doch se séparer ! mussten sich pourtant se mußten sie sich
séparent. / trennen. (Flaubert) Emma und Léon séparer ! doch trennen!
Il fallait doch trennen! (Schickelé et
pourtant qu’ils Endlich schlug Riesen)
se séparent. aber doch die
Trennungsstunde.
(Widmer)
- 221 -
9 L’einführungslose indirekte Rede
L’analyse contrastive a révélé que le genre français qui présente le plus de traits similaires
dans la représentation du discours est le DIL. Cette proximité en langue se reflète dans les
traductions, puisque l’EIR est, d’après Steinberg (1975), Gehnen et Kleineidam (1988),
Kullmann (1992a, 1995a et 1995b), Albrecht (1999) et Zuschlag (2002), un équivalent très
fréquent et adéquat du DIL. La fréquence de l’équivalence entre EIR et DIL est également
soulignée par Pérennec (1992 : 326) : « Le plus souvent, les traducteurs rendent les formes
limites de DR au subjonctif I par des imparfaits en français, les transformant de facto en
DIL ».
Les corpus utilisés dans les travaux cités se caractérisent par les points suivants :
- L’EIR est étudié dans des corpus littéraires (sauf Celle 2004) et des registres standard
ou soignés (exceptés Kullmann 1995a et Albrecht 1999, avec un corpus de Zola).
- L’EIR est étudié à partir de corpus de langue source française (sauf en marge dans
Gehnen et Kleineidam 1988, Zuschlag 2002 et Celle 2004).
- La traduction de l’EIR est appréhendée de manière privilégiée dans un triangle formé
par l’EIR, l’ER et le DIL.
- 222 -
l’équivalence avec le DIL (Arjouni, Happy birthday, Türke ! et Ein Mann, ein
Mord) ?
- le chapitre 9.1.4 montre que l’équivalence de l’EIR se pose en des termes spécifiques
lorsque celui-ci est partiel.
- Le chapitre 9.2 procède à l’analyse de la traduction de l’EIR dans un corpus de textes
de presse. En observant que l’EIR est une forme de DR usuelle dans les textes
journalistiques, et que d’autre part le DIL ne l’est pas dans ces textes, nous avons
formulé l’hypothèse que le genre journalistique pouvait amener à d’autres résultats.
Cette hypothèse a été en grande partie vérifiée.
- Enfin, le chapitre 10 fait la synthèse des chapitres 8 et 9 et procède au bilan de
l’équivalence des genres indirects non introduits de l’allemand et du français.
Si l’on considère que les traits invariants du DIL sont les traits définitoires du DIL, à savoir
l’hybridité et la non-introduction, le choix se pose dans le texte cible entre l’ER et,
uniquement dans les cas où le discours est proféré, l’EIR. L’EIR est souvent un équivalent
plus adéquat que l’ER, car il est toutes situations confondues plus communément employé
que l’ER et assure la visibilité du DIL dans le texte cible (Lorck 1921 : 31 ; Steinberg 1971 ;
Gehnen et Kleineidam 1988 ; Kullmann 1992a, 1995a et 1995b ; Zuschlag 2002). Toute
traduction d’un DIL par un EIR implique l’ajout d’un élément sémantique : elle explicite la
présence d’un discours second et fait disparaître l’impératif d’interprétation.
- 223 -
A ces critères énonciatifs et discursifs généraux s’ajoutent, d’après Kullmann, un critère lié
aux conditions de production de la traduction. La traduction est une opération intertextuelle
dissymétrique qui procède par interprétation d’un texte en vue d’un reformulation de celui-
ci. Ce paramètre spécifique de production textuelle nourrit chez les traducteurs, selon
Kullmann, une tendance à inscrire dans le texte cible des traces du processus d’interprétation
qui est à l’origine de celui-ci et explique la prépondérance de l’EIR sur l’ER dans les
traductions :
Vor allem bietet die einführungslose Indirekte Rede im Konjunktiv dem deutschen Übersetzer die
Möglichkeit, die Redesituation zu explizieren, ohne zum Ausgangstext irgendetwas hinzufügen zu
müssen. Sie trägt somit sowohl der allen Übersetzern eigenen Neigung, dem Leser den „Sinn“ des
Textes verständlich zu machen, als auch dem Streben nach Wörtlichkeit Rechnung. Dies dürfte ihre
weite Verbreitung erklären. (1992a : 330)
Il n’est pas exclu que ce paramètre puisse interférer sur la traduction, mais nous ne pouvons
le mesurer, car nous nous proposons d’examiner les conditions de l’équivalence entre les
discours rapportés en nous fondant sur les textes, entendus comme produits d’une situation
d’énonciation. Le paramètre évoqué par Kullmann demande à être examiné par la
traductologie cognitive 177.
Nous montrerons que l’analyse de l’équivalence entre l’EIR et le DIL doit être complétée sur
deux points (étudiés dans Madame Bovary et deux de ses traductions) :
- Le DIL partiel pose des problèmes particuliers de traduction par un EIR.
- Il existe des cas où la traduction d’un DIL par un EIR ne contribue pas seulement à
clarifier le segment de discours cité, mais aussi à lever l’ambiguïté du contexte
narratif.
Les deux extraits suivants sont composés de DIL partiels (que nous avons relevés parmi les
nombreuses occurrences contenues dans Madame Bovary). Nous observons que les
traductions du premier extrait sont convergentes et celles du deuxième extrait divergentes,
car elles ne donnent pas la même portée au DR.
177
cf. Hans P. KRINGS (1986), Was in den Köpfen von Übersetzern vorgeht : eine empirische Untersuchung
zur Struktur des Übersetzungsprozesses an fortgeschrittenen Französischlernern, Tübingen : Narr.
- 224 -
Premier extrait
Le premier extrait met en scène le personnage de Léon.
Auf einmal aber seufzte sie: „Das Allertraurigste, wissen Sie, ist, wenn man wie ich ein unnützes
Dasein führt. Wenn unsere Leiden wenigstens irgendwem helfen könnten, dann fände man Trost in
dem Gedanken, daß sich das Opfer lohnt.“
Da stimmte er ein Loblied auf die Tugend an, auf die Pflichterfüllung und die schweigende
Selbstaufopferung; er verspüre selbst ein ganz unglaubliches Bedürfnis, sich aufzuopfern, und
könne es doch nicht stillen.
„Ich möchte gern Krankenschwester in einem Krankenhaus sein“, sagte sie.
„Ach, die Männer haben keine solchen heiligen Missionen“, klagte er [...]. (Widmer : 303)
Le DIL partiel est observable dans la proposition participiale de cause « ayant lui-même un
incroyable besoin de dévouement qu'il ne pouvait assouvir ». Les indices de DIL sont
lexicaux (« un incroyable besoin » renvoyant à l’idiolecte de Léon) et situationnels, plus
précisément interactionnels (« lui-même » renvoyant à la situation de dialogue entre Emma
et Léon). Le personnage est représenté comme énonçant : « J’ai moi-même un incroyable
besoin de dévouement que je ne peux assouvir ».
Les deux traducteurs identifient à l’identique le DR et traduisent la proposition dans son
entier en un EIR (l’un dans une proposition de cause, l’autre avec un enchaînement
parataxique).
Deuxième extrait
En revanche, le deuxième extrait montre des divergences dans l’interprétation du DIL
partiel.
(210) […] quelqu’un avait envoyé à sa mère une longue lettre anonyme, pour la prévenir qu’il se perdait
avec une femme mariée ; et [...] la bonne dame […] écrivit à maître Dubocage, son patron, lequel fut
parfait dans cette affaire. Il le tint durant trois quarts d’heure, voulant lui dessiller les yeux, l’avertir
- 225 -
du gouffre. Une telle intrigue nuirait plus tard à son établissement. Il le supplia de rompre, et, s’il ne
faisait ce sacrifice dans son propre intérêt, qu’il le fît au moins pour lui, Dubocage ! (Flaubert,
Madame Bovary : 142)
[...] jemand [hatte] einen anonymen Brief an seine Mutter geschrieben und ihr mitgeteilt, daß sich ihr
Sohn mit einer verheirateten Frau zugrunde richte; die gute Frau [...] wandte sich brieflich an Léons
Chef Dubocage, der sich tadellos benahm. Er hielt ihn drei Viertelstunden zurück und bemühte sich,
ihm die Augen zu öffnen und ihn vor dem Abgrund zu warnen, dem er zustrebe. Eine solche
Affäre werde ihm später schaden, wenn er sich selbständig machen wolle. Er beschwor ihn, dieses
Verhältnis zu lösen, und wenn er’s nicht in seinem eigenen Interesse tue, solle er es doch wenigstens
ihm, Dubocage, zuliebe tun! (Schickelé et Riesen : 336)
[...] jemand [hatte] seiner Mutter einen langen anonymen Brief geschrieben und sie gewarnt, er stürbe
sich mit einer verheirateten Frau ins Unglück. Die gute alte Dame [...] schrieb [...] an Herrn Dubocage,
seinen Brotherrn. Der erledigte die Angelegenheit tadellos. Er nahm ihn drei Viertelstunden lang ins
Gebet; er wolle ihm den Star stechen, ihn vor dem Abgrund warnen, dem er zueile. Eine solche
Liebschaft könne später seinem Fortkommen Abbruch tun. Er bat ihn inständig, dieses Verhältnis
aufzugeben, und wenn er dies Opfer nicht in seinem eignen Interesse bringen wolle, dann solle er es
doch wenigstens ihm, Dubocage, zuliebe tun! (Widmer : 372)
Les indices de DIL sont lexicaux (« dessiller les yeux », « avertir du gouffre ») et
situationnels (le contexte suggère une prise de parole de Dubocage).
La comparaison des deux traductions montre que les traducteurs n’ont pas tracé les mêmes
limites au DIL partiel : le premier traducteur exclut l’équivalent de « voulant » (sich
bemühen) du DR, tandis que le deuxième traducteur intègre son équivalent (wollen) dans le
discours rapporté. Les divergences entre les deux traductions sont générées par
l’ambivalence en discours du verbe « voulant ».
- 226 -
Etant donné que l’EIR marque dans le verbe la présence d’un DR, la traduction d’un DIL
partiel qui contient un verbe pouvant être proféré par le personnage oblige les traducteurs à
faire un choix qui ne se pose pas dans le texte source. L’interprétation de chacun des deux
traducteurs est justifiée. Nous devons admettre ici que le texte ne nous livre pas d’éléments
permettant de hiérarchiser les deux variantes de traduction.
La traduction d’un DIL par un EIR conduit à une explicitation du DR. Dans les cas où le
DIL français est difficilement reconnaissable et où il peut facilement être confondu avec le
discours du cadre narratif, le choix d’un EIR, au détriment d’un ER, s’apparente à une
« Verdeutlichungsstrategie » (Gehnen et Kleineidam 1988 : 207), puisqu’il empêche
l’effacement du DR.
Nous montrerons que dans un certain environnement textuel, la traduction d’un DIL par un
EIR a une autre conséquence : là où un ER aurait eu pour conséquence de faire se confondre
le discours environnant du narrateur avec le DR, l’EIR permet de ne pas étendre
abusivement les contours du DR. Il prévient la propagation du DR.
Cette condition de l’équivalence entre le DIL et l’EIR est liée à un environnement précis, qui
est réuni une fois dans l’œuvre de Madame Bovary. L’extrait est le suivant (le même que
celui étudié précédemment) :
(211) […] quelqu’un avait envoyé à sa mère une longue lettre anonyme, pour la prévenir qu’il se perdait
avec une femme mariée ; et [...] la bonne dame […] écrivit à maître Dubocage, son patron, lequel fut
parfait dans cette affaire. a) Il le tint durant trois quarts d’heure, b) voulant lui dessiller les yeux,
l’avertir du gouffre. c) Une telle intrigue nuirait plus tard à son établissement. d) Il le supplia de
rompre, e) et, s’il ne faisait ce sacrifice dans son propre intérêt, qu’il le fît au moins pour lui,
Dubocage ! (Flaubert, Madame Bovary : 142)
[...] jemand [hatte] einen anonymen Brief an seine Mutter geschrieben und ihr mitgeteilt, daß sich ihr
Sohn mit einer verheirateten Frau zugrunde richte; die gute Frau [...] wandte sich brieflich an Léons
Chef Dubocage, der sich tadellos benahm. a) Er hielt ihn drei Viertelstunden zurück b) und bemühte
sich, ihm die Augen zu öffnen und ihn vor dem Abgrund zu warnen, dem er zustrebe. c) Eine
solche Affäre werde ihm später schaden, wenn er sich selbständig machen wolle. d) Er beschwor
ihn, dieses Verhältnis zu lösen, e) und wenn er’s nicht in seinem eigenen Interesse tue, solle er es
doch wenigstens ihm, Dubocage, zuliebe tun! (Schickelé et Riesen : 336)
[...] jemand [hatte] seiner Mutter einen langen anonymen Brief geschrieben und sie gewarnt, er stürbe
sich mit einer verheirateten Frau ins Unglück. Die gute alte Dame [...] schrieb [...] an Herrn Dubocage,
seinen Brotherrn. Der erledigte die Angelegenheit tadellos. a) Er nahm ihn drei Viertelstunden lang ins
Gebet; b) er wolle ihm den Star stechen, ihn vor dem Abgrund warnen, dem er zueile. c) Eine
solche Liebschaft könne später seinem Fortkommen Abbruch tun. d) Er bat ihn inständig, dieses
- 227 -
Verhältnis aufzugeben, e) und wenn er dies Opfer nicht in seinem eignen Interesse bringen
wolle, dann solle er es doch wenigstens ihm, Dubocage, zuliebe tun! (Widmer : 372)
Le dialogue entre Léon et Maître Dubocage est représenté au travers de deux discours
narrativisés (a et d) et de trois DIL (b, c et e). Les discours narrativisés sont au passé simple,
donc excluent toute lecture comme DIL, et forment le cadre narratif. Ils relèvent (au sens de
Adam 2001a) d’une progression textuelle narrative en tant que maillons de la chaîne des
événements. L’entretien entre Léon et Maître Dubocage est représenté avec une alternance
de DN et de DIL, dont les caractéristiques propres à chacun permettent de moduler la
représentation de la scène narrative : la concision du DN permet de se focaliser sur les actes
de langage effectués et soutient la progression de l’action ; le DIL, en revanche, permet de
théâtraliser la scène et d’individualiser les discours en introduisant l’idiolecte des
personnages (« avertir du gouffre » ; « une telle intrigue » ; « qu’il le fît au moins pour lui,
Dubocage ! »).
Dans les deux traductions, les énoncés au DIL (b, c et e) sont traduits par de l’EIR. En
comparant l’EIR avec l’erlebte Rede, un autre équivalent potentiel du DIL, il apparaît que
l’erlebte Rede ne permettrait pas de conserver l’îlot auctorial en d), comme le montrent les
reformulations suivantes :
[...] jemand [hatte] einen anonymen Brief an seine Mutter geschrieben und ihr mitgeteilt, daß sich ihr
Sohn mit einer verheirateten Frau zugrunde richte; die gute Frau [...] wandte sich brieflich an Léons
Chef Dubocage, der sich tadellos benahm. a) Er hielt ihn drei Viertelstunden zurück b) und bemühte
sich, ihm die Augen zu öffnen und ihn vor dem Abgrund zu warnen, dem er zustrebte. c) Eine
solche Affäre würde ihm später schaden, wenn er sich selbständig machen wollte. d) Er
beschwor ihn, dieses Verhältnis zu lösen, e) und wenn er’s nicht in seinem eigenen Interesse tat,
sollte er es doch wenigstens ihm, Dubocage, zuliebe tun! (d’après Schickelé et Riesen)
[...] jemand [hatte] seiner Mutter einen langen anonymen Brief geschrieben und sie gewarnt, er stürbe
sich mit einer verheirateten Frau ins Unglück. Die gute alte Dame [...] schrieb [...] an Herrn Dubocage,
seinen Brotherrn. Der erledigte die Angelegenheit tadellos. a) Er nahm ihn drei Viertelstunden lang ins
Gebet; b) er wollte ihm den Star stechen, ihn vor dem Abgrund warnen, dem er zueilte. c) Eine
solche Liebschaft konnte später seinem Fortkommen Abbruch tun. d) Er bat ihn inständig,
dieses Verhältnis aufzugeben, e) und wenn er dies Opfer nicht in seinem eignen Interesse
bringen wollte, dann sollte er es doch wenigstens ihm, Dubocage, zuliebe tun! (d’après Widmer)
Les traducteurs, ne pouvant user comme en français des temps pour marquer la différence de
plan énonciatif – simple en a) et surtout en d), hybride en b), c) et d), emploient les modes
allemands et traduisent le discours indirect libre par de l’EIR afin que ces propositions se
distinguent du discours du narrateur, au Präteritum. Nous sommes ici dans un cas particulier
- 228 -
où l’EIR est le seul équivalent possible du DIL 178. La condition de cette équivalence
exclusive entre le DIL et l’EIR est très précise : elle est liée au sémantisme du verbe de la
proposition d). En effet, celui-ci permet une double lecture : « supplier » est à la fois un
verbe de discours narrativisé (Dubocage supplie) et un verbe performatif (Dubocage dit : je
supplie). Dans la scène représentée, il est très probable que la lecture du texte cible à
l’erlebte Rede s’oriente vers une interprétation de « supplier » comme celle d’un verbe
performatif, d’autant que l’environnement est interprété comme un erlebte Rede. Le lecteur
allemand conçoit sans peine que Dubocage emploie à des fins rhétoriques un verbe
explicitant son acte illocutoire :
Par conséquent, la lecture d’un ER est dans le texte cible très probable. L’ambivalence de
l’interprétation du verbe « supplier » se distribue différemment entre le texte source et le
texte cible : dans le texte source, « supplier », conjugué au passé simple, se lit comme un
verbe de discours narrativisé ; dans le texte cible, au Präteritum, dans un environnement
d’erlebte Rede et dans la situation de discours représentant un personnage quelque peu
grandiloquent, le verbe est lu comme un verbe performatif de la situation d’énonciation
seconde.
En conclusion de cette analyse de cas, il faut d’abord remarquer que les conditions
d’équivalence que nous avons dégagées ne portent que sur un discours proféré. Si le discours
est pensé, il ne peut pas être traduit par un EIR. Il nous faudrait trouver des occurrences dans
une situation de discours non proféré pour poursuivre l’analyse. Ce cas a également rappelé
la fonction démarcative, dans les textes narratifs au passé, du passé simple français. Il
fonctionne comme une borne du discours indirect libre et il permet de placer le discours
narrativisé du narrateur en amont, en aval ou au cœur du DIL, sans que celui-ci puisse être
confondu avec le discours rapporté et le point de vue de l’énonciateur second. Un extrait
d’un texte allemand et de sa traduction française corrobore cette conclusion :
178
Cela oblige donc les traducteurs à faire un choix dans la traduction de « voulant », comme nous venons de le
montrer avec l’exemple 210).
- 229 -
Je m’en déclarai satisfait et lui demandai quand je la reverrais. Où donc habitait-elle ? Elle ne me
le dit pas. A condition de chercher un peu, je la trouverais à coup sûr. (Pary : 796)
L’échange entre les deux personnages contient trois interventions, « wo ich sie wiedersehen
könne », « wo sie denn wohne » et « ich solle nur ein wenig suchen, dann fände ich sie
schon ». « Das sagte sie mir nicht » est une description apportée par le narrateur.
Dans le texte original, l’énoncé « Das sagte sie mir nicht » est un îlot de discours auctorial
dans le discours rapporté à l’EIR. La traduction doit maintenir le partage entre le DR et le
discours simple du narrateur, et donc ne pas traduire « Das sagte sie mir nicht » de façon à ce
qu’on puisse comprendre qu’Hermine prononce « Das sage ich dir nicht ». La démarcation
qui est réalisée en allemand par le Konjunktiv I l’est en français par le passé simple.
179
Si Bally affirme ensuite, en 1914, que l’erlebte Rede peut être employé pour traduire un style indirect libre,
c’est pour montrer que les deux langues possèdent des figures de pensées : « un procédé de pensée est, par
définition, non linguistique : ou, ce qui revient au même, il est interlinguistique » ; la comparaison avec les
langues n’est pas « une question linguistique », mais « tout au plus un point de stylistique comparée » (1914 :
468).
- 230 -
équivalent de l’EIR, mais rendent attentifs aux cas d’ambivalence voire d’ambiguïté que
génère le DIL et qui rendent préférable une équivalence avec un DI régi ou un DIL avec
incise ou postposition d’un verbe introducteur. Toutefois, le choix d’un DI avec verbe
introducteur gêne l’équivalence, car il oblige à décrire l’acte réalisé ; de plus, la longueur de
l’intervention conduit à multiplier les verbes introducteurs et les conjonctions de
subordination.
Nous retiendrons qu’en général, le DIL est l’équivalent le plus adéquat de l’EIR source, car
il permet d’intégrer la subjectivité de l’énonciateur second sans devoir caractériser l’acte
discursif second (Steinberg 1971 ; Gehnen et Kleineidam 1988 ; Kullmann 1992a, 1995a et
1995b ; Zuschlag 2002). Dans de longues interventions, en particulier, le choix d’un DIL
dans le texte cible permet au traducteur de ne pas devoir choisir un verbe introducteur de
discours et d’éviter le risque d’une lourdeur stylistique qui serait générée par l’accumulation
de verbes introducteurs. La description suivante du DIL par Maingueneau et sa comparaison
avec le DI régi permet de mesurer en quoi le DIL est un équivalent adéquat de l’EIR :
Par rapport au DI, le DIL présente […] l’avantage de pouvoir porter sur des unités dépassant
largement le cadre de la phrase. Alors que le DI suppose un verbe introducteur pour chaque phrase
distincte et la répétition de que devant tous les verbes conjugués, le DIL offre la possibilité de
construire des unités transphrastiques qui ne soient pas soumises à une lourde armature de
dépendances syntaxiques, incompatible avec la spontanéité et la fluidité des sentiments ou des paroles
que le texte rapporte. (1999 : 139)
Dans le sens de traduction allemand-français, le DI régi est, dans des interventions dépassant
trois propositions, tout à fait inadéquat. L’adéquation du DIL est alors fortement déterminé
par la non-adéquation du DI régi.
L’adéquation du DIL est remise en cause si celui-ci ne garantit pas dans le texte cible la
reconnaissance d’un DR. La traduction par un DI régi est alors une stratégie destinée à
compenser la perte informative d’un DIL (Gehnen et Kleineidam 1988). Les modifications
dans la représentation de l’acte de discours qu’entraîne le choix du DI régi sont doubles : le
discours indirect régi caractérise l’acte réalisé au travers d’un verbe introducteur et il ne peut
comporter autant de subjectivèmes de l’énonciateur rapporté que l’EIR.
Nous montrerons que le DI régi n’est pas la seule stratégie de compensation possible. Dans
l’extrait suivant, la proposition « ich sei hervorragend qualifiziert » est incontestablement un
énoncé dans lequel l’énonciateur convoque la parole d’un autre énonciateur que lui-même,
- 231 -
celle de ses supérieurs qui lui conseillent de rester à l’armée. Traduit en français par un
discours indirect libre, la lecture la plus probable est celle d’un énoncé placé sous la seule
responsabilité de l’énonciateur premier, c’est-à-dire le narrateur homodiégétique.
(213) „[...] Ich wäre überhaupt dabei geblieben, meine Vorgesetzten rieten es mir, ich sei hervorragend
qualifiziert. Na, und da -“
Er starrte schmerzlich vor sich hin.
„Das Unglück mit dem Gaul. [...]“ (Mann, Der Untertan : 49)
« […]J’y serais bien volontiers resté, mes supérieurs me le conseillaient, j’étais hautement qualifié /
j’avais une excellente qualification. Et puis voilà - »
Il lança un regard douloureux.
« Cet accident de cheval. […] »
Le choix des traducteurs ne s’est toutefois pas orienté vers un DI régi, qui aurait été par
exemple : « on me disait que j’avais une qualification exceptionnelle », ni vers un DN, par
exemple : « on me félicitait de / on louait ma qualification exceptionnelle », mais vers un
verbe d’attitude propositionnelle, « trouver ».
« [...] J’y serais bien volontiers resté, mes supérieurs me le conseillaient, on me trouvait étonnamment
qualifié. Et puis voilà - »
Il lançait dans le vide un regard douloureux.
« Cet accident de cheval. [...] » (Budry 1928 : 51 ; Budry / Saatdjian : 62)
L’énoncé français évite toute confusion dans la responsabilité de l’avis émis sur la qualité de
la qualification, mais il le fait en effaçant le discours rapporté du texte, plus exactement en le
rendant seulement potentiel. Le verbe trouver désigne les croyances et savoirs du personnage
sans nécessairement impliquer que celui-ci ait livré verbalement le contenu de sa pensée. La
déduction que fait le personnage de la croyance de ses supérieurs peut avoir été réalisée à
partir d’un canal non-verbal de la communication, au travers de gestes et mimiques.
Ce chapitre est consacré aux spécificités de l’équivalence du DIL français sur l’axe
diachronique 180. Le DI elliptique français a perdu au cours du 19ème siècle l’acceptabilité
dont il bénéficiait sur des séquences longues. Parallèlement à cette évolution, le DIL s’est
développé dans les usages. Des difficultés particulières de traduction se posent lorsque les
textes sources sont rédigés pendant la période de transition. Nous avons comparé des
180
Il complète les analyses de Zuschlag (2002 : 184ss) à propos de l’ER et du DI elliptique allemand dans la
traduction de Die Marquise von O….
- 232 -
traductions de textes sources dans lesquels les usages du DR répondent à une convention
stable avec des traductions de textes sources dans lesquels les usages sont en évolution.
Ce premier groupe contient des extraits des Confessions de Rousseau (publié en 1782) et des
extraits de littérature de la deuxième moitié du 20ème siècle, L’Etranger de Camus (publié en
1942) et La petite main de Dormann (publié en 1993).
Ce texte a été traduit trois fois à des dates éloignées : 1898, 1916 et 1978/1989. La première
traduction de 1898 est de Heusinger. Après un premier DI régi avec subordonnant, le
traducteur opte pour un EIR :
Als sie mich da sah, wo sie mich haben wollte, legte sie mehr Mäßigung in ihre Karessen, nicht aber in
ihre Lebhaftigkeit. Und als er ihr gefiel, die wahre oder die falsche Ursache ihres Mutwillens
anzugeben, so sagte sie, daß ich bis zum Verwechseln dem Herrn von Bremond, dem Ausseher der
Douanen in Toskana, ähnlich sähe. In diesen Herrn von Bremond sei sie närrisch verliebt gewesen und
sei noch närrisch verliebt in ihn; sie habe ihn aufgegeben, weil sie eine Närrin wäre; sie erwähle aber
mich an seiner Stelle; sie wolle mich lieb haben, denn das behage ihr so. Aus eben diesem Grunde
müsse ich sie auch so lieb haben, als sie es verlange, und wenn sie mich ebenfalls verlasse, so müsse
ich Geduld haben, wie ihr geliebter Bremond ebenfalls gehabt hätte. Was sie sagte, das that sie. Sie
nahm Besitz von mir, wie von einem Manne, der ihr angehört, gab mir ihre Handschuhe aufzuheben,
ihren Fächer, ihren Cinda, ihr Kopfzeug; sie schickte mich dahin und dorthin, sie gab mir dieses und
jenes zu thun, und ich gehorchte. (Heusinger : 106)
Als sie mich dort sah, wo sie mich haben wollte, mäßigte sie ihre Liebkosungen mehr, wenn auch
nicht ihre Lebhaftigkeit; und als es ihr beliebte, uns den wahren oder falschen Grund dieser ganzen
Unbändigkeit zu erklären, sagte sie uns, ich sähe täuschend Herrn von Brémond ähnlich, dem
- 233 -
Zolldirektor der Toskana; sie sei in diesen Herrn von Brémond vernarrt gewesen; sie sei es noch; sie
habe ihn verlassen, weil sie eine Törin sei; sie nehme mich an seiner Stelle; sie wolle mich lieben,
weil ihr das gefiele; und ich müsse sie aus dem gleichen Grunde lieben, solange es ihr gefiele; und
wenn sie mich sitzen ließe, solle ich mich in Geduld fassen wie ihr treuer Brémond. Was gesagt
wurde, ward getan. Sie nahm Besitz von mir wie von einem ihr gehörigen Menschen, gab mir ihre
Handschuhe zu bewahren, ihren Fächer, ihre „Cinda“, ihre Haube, befahl mir, bald dahin, bald dorthin
zu gehen, das oder jenes zu tun, und ich gehorchte. (Semerau : 314)
La traduction du DI elliptique par un EIR est la traduction adéquate pour les textes de cette
époque si l’on tient compte des normes et usages. Une traduction qui reproduirait une ellipse
telle qu’elle est réalisée dans le texte allemand suivant (que nous avions précédemment cité
en 1.4.3.3) serait inadéquate, car elle amènerait un procédé stylistique dans le texte cible à la
place d’un genre discursif du texte source :
(215) Nicht weit von der Porte des Fénéants, in der Rue de la Louve, entdeckte Grenouille ein kleines
Parfumeuratelier und fragte nach Arbeit. [...]
Madame Arnulfi, nachdem sie lange über die schlechten Zeiten und über ihre prekäre wirtschaftliche
Lage geklagt hatte, erklärte, daß sie sich zwar eigentlich keinen zweiten Gesellen leisten könne,
andrerseits aber wegen der vielen anfallenden Arbeit dringend einen brauche; daß sie außerdem
einen zweiten Gesellen hier bei sich im Hause gar nicht würde beherbergen können, andrerseits
aber über eine kleine Kabane auf ihrem Olivengarten hinter dem Franziskanerkloster - keine
zehn Minuten von hier - verfüge, in welcher ein anspruchsloser junger Mensch zur Not würde
nächtigen können; daß sie ferner zwar als ehrliche Meisterin um ihre Verantwortung für das
leibliche Wohl ihrer Gesellen wisse, sich aber andrerseits ganz außerstande sehe, zwei warme
Mahlzeiten am Tag zu gewähren - mit einem Wort: Madame Arnulfi war - was Grenouille freilich
schon längst gerochen hatte - eine Frau von gesundem Wohlstand und gesundem Geschäftssinn.
(Süskind, Das Parfum : 219ss)
En revanche, la traduction par une ellipse est la seule traduction indiquée lorsque le DI
elliptique est identifié comme un procédé de style, comme dans l’extrait suivant :
(216) Vers dix heures, le téléphone avait sonné. C’était Caroline qui appelait de Chausey. Caroline qui ne
s’attendait pas vraiment à le trouver là, disait-elle. Elle avait fait le numéro à tout hasard. Une envie
subite d’entendre sa voix. De lui dire la beauté de l’île retrouvée et qu’elle avait cru, enfin, apercevoir
le rayon vert, quand le soleil était tombé dans la mer derrière la Saunière. Que les enfants, fatigués
par la route et le bateau, s’étaient endormis très vite. Il n’avait pas dîné dehors ? Il ne s’ennuyait
pas, tout seul, dans la maison ? Sylvain avait répondu qu’il était bien, qu’il se reposait. (Dormann, La
petite main : 221)
Gegen zehn Uhr hatte das Telephon geläutet. Caroline rief von Chausey an. Sie hatte im Grunde gar
nicht damit gerechnet, daß er zu Hause sei und daß sie ihn erreichen würde, hatte sie gesagt. Sie hatte
die Nummer einfach mal so, auf gut Glück, gewählt. Ein plötzliches Bedürfnis, seine Stimme zu
hören. Ihm von der Schönheit der wiedergefundenen Insel zu erzählen und ihm zu sagen, daß sie
glaubte, den grünen Strahl gesehen zu haben, als die Sonne hinter La Sauniere ins Meer eingetaucht
war. Daß die Kinder, die von der Reise und der Überfahrt müde waren, schnell eingeschlafen
seien. Ob er nicht außer Haus zu Abend gegessen habe? Ob er sich nicht langweile, ganz allein zu
Hause? Sylvain hatte geantwortet, daß er sich wohl fühle, daß er sich ausruhe. (Kuhn : 224)
Toutefois, la possibilité de conserver un effet stylistique dans le texte cible allemand est
réduite dans le cas des propositions interrogatives indirectes. En effet, étant donné qu’elles
se construisent également à l’EIR avec une conjonction de subordination, DI elliptique
- 234 -
allemand et EIR se rejoignent et se confondent. La traduction de l’extrait suivant de
L’Etranger par Aumüller montre que le texte cible ne fait pas ressortir la spécificité
stylistique du DR de la même façon que le texte source, même si cette traduction reproduit la
typographie du texte source - à la différence de la première traduction réalisée par Goyert et
Brenner, qui situent nettement l’énoncé dans le champ de l’EIR.
(217) On lui a demandé si j’étais son client et il a dit : « Oui, mais c’était aussi un ami » ; ce qu’il pensait
de moi et il a répondu que j’étais un homme ; ce qu’il entendait par là et il a déclaré que tout le
monde savait ce que cela voulait dire ; s’il avait remarqué que j’étais renfermé et il a reconnu
seulement que je ne parlais pas pour ne rien dire. (Camus, L’Etranger : 135-136)
Er wurde gefragt, ob ich Gast bei ihm wäre, und er hat gesagt: „Ja, aber er war auch ein Freund“; was
er von mir hielte, und er hat geantwortet, ich wäre ein Mann; was er damit meinte, und er hat
erklärt, jeder wüßte doch, was das hieße; ob er bemerkt hätte, daß ich verschlossen war, und er hat
eingeräumt, daß ich nicht redete, um nichts zu sagen. (Aumüller : 109)
Man fragte ihn, ob ich sein Kunde sei, und er antwortete: „Ja, aber er ist auch mein Freund.“ Was er
über mich denke? Er antwortete, ich sei ein ganzer Kerl. Was er damit meine? Er sagte, das wisse
doch jeder. Ob er nicht bemerkt habe, daß ich sehr verschlossen sei? Er gab zu, daß ich nicht
spräche, wenn ich nichts zu sagen hätte. (Goyert und Brenner : 92)
Une difficulté de traduction naît lorsque le texte source est rédigé pendant une période de
bouleversements des normes et usages discursifs. L’extrait suivant de Lebensansichten des
Katers Murr, rédigé en 1820, et ses deux traductions permettent d’illustrer cette
problématique. Cette période de transition se reflète dans les choix des traducteurs, l’un
optant pour un DIL (Béguin), l’autre pour le DI elliptique (Laval).
(218) Ich erklärte, daß nach dem ich die Liebe zur holden Miesmies aufgegeben, mich die Wissenschaften
ganz und gar beschäftigt hätten, weshalb denn an Spaziergängen nicht zu denken gewesen wäre. Nicht
im mindesten sehne ich mich nach Gesellschaft, da ich bei dem Meister alles hätte, was mein Herz
nur wünschen könne, Milchbrei, Fleisch, Fische, ein weiches Lager und so w. Ein ruhiges
sorgenfreies Leben, das sei für einen Kater von meinen Neigungen und Anlagen das ersprießlichste
Gut, und um so mehr müßt’ich fürchten, daß dies, ginge ich aus, verstört werden könne, da, wie ich
leider wahrgenommen, keine Inklination zur kleinen Miesmies noch nicht ganz erloschen, und ihr
Wiedersehen mich leicht zu Übereilungen hinreißen dürfe, die ich nachher vielleicht sehr schwer zu
bereuen haben würde. (Hoffmann, Lebens-ansichten des Katers Murr : 241)
Je déclarai qu’ayant renoncé à l’amour de la belle Mimine, je m’étais entièrement voué aux sciences
et que je n’avais point eu le temps de songer à la promenade. D’ailleurs, je ne sentais aucun besoin de
société, ayant chez mon maître tout ce que pouvait souhaiter mon cœur, bouillie au lait, viande,
poisson, couche molle, etc. Une vie paisible et sans soucis était, pour un matou ayant mes goûts et
mes penchants, le bien suprême et je craignais que cette existence ne fût troublée si je sortais de ma
retraite : d’autant que mon inclination pour Mimine - je l’avais bien remarqué - n’était point encore
éteinte, hélas ! et que la revoir pouvait m’entraîner à des actes précipités que j’aurais à regretter
amèrement par la suite. (Béguin : 222)
Je lui expliquai qu’après avoir renoncé à l’amour de la belle Mimine je m’étais laissé entièrement
absorber par les sciences, et que dans ces conditions il m’eût été impossible de songer à me promener.
- 235 -
Que d’ailleurs je n’avais nul désir de me trouver en société puisque je jouissais chez mon maître de
tout ce que pouvait désirer mon cœur : bouillie, viande, poissons, une couche moelleuse, etc. Qu’une
vie tranquille et exempte de soucis était le plus appréciable des biens pour un chat ayant mes goûts et
mes penchants et qu’il me fallait craindre, si je sortais, de voir troubler cette paix, d’autant plus que,
je m’en étais malheureusement aperçu, mon inclination pour la petite Mimine n’était pas encore tout
à fait éteinte et que la revoir m’eût aisément entraîné à des actes précipités que j’eusse sans doute
amèrement regrettés par la suite. (Laval : 269)
- 236 -
total dix-huit interventions à l’EIR. Ces romans policiers se caractérisent par un
registre de langue standard et familier. Certains EIR, de plus, sont employés dans des
situations orales.
Nous présenterons d’abord les données des différentes traductions avant de procéder à la
comparaison des équivalences.
181
Equivalences de l’EIR source
Total : 38 Der Tod in Happy Happy Ein Mann, ein Ein Mann, ein
Venedig birthday, birthday, Mord Mord (intra-
Türke! Türke! (intra- (diégétique) diégétique)
(diégétique) diégétique)
DIL 19 14 3 1 1
DI régi 8 4 1 3
Condi- 3 1 2
tionnel
Récit (non 3 2 1
traduction)
DN 2 1
DI elliptique 1 1
Il paraît que 1 1
Devoir 1 1
Sur les 18 traductions de Der Tod in Venedig, 14 traductions sont au DIL, et 4 au DI régi. Un
traducteur (A. Nesme) choisit toujours le DIL. L’analyse de la traduction de Nesme montre
que le DIL est une traduction adéquate pour tous les EIR de l’œuvre. La traduction par un
autre genre que le DIL ne répond pas à une contrainte contextuelle, car le DIL ne conduit pas
à une ambiguïsation du texte, pas plus qu’à une contrainte discursive, car le DIL convient à
la situation et au registre. Elle résulte d’une appréciation des traducteurs, qui ont
probablement souhaité marquer clairement la présence d’un DR dans certains échanges très
prosaïques.
(219) Der Mann zog sich zögernd zurück, um nach fünf Minuten wieder aufzutreten. Unmöglich, daß der
Wagen länger warte. Dann möge er fahren und seinen Koffer mitnehmen, entgegnete Aschenbach
gereizt. Er selbst wolle zur gegebenen Zeit das öffentliche Dampfboot benutzen und bitte, die
Sorge um sein Fortkommen ihm selber zu überlassen. Der Angestellte verbeugte sich. (Mann, Der
Tod in Venedig : 44-45)
181
Nous tenons compte des procédés par lesquels l’EIR est traduit. Lorsqu’une intervention d’EIR est traduite
par deux procédés différents, nous comptons deux unités de traduction. Comme ce cas s’est présenté trois fois
dans le corpus de Happy birthday, Türke !, nous aboutissons à 12 équivalents pour 10 occurrences dans le texte
source.
- 237 -
L’homme se retira à contrecœur pour reparaître au bout de cinq minutes. Impossible à la voiture
d’attendre plus longtemps. « Eh bien ! qu’elle parte en emportant ma malle », répliqua Aschenbach
impatienté. Lui-même allait, ajouta-t-il, prendre à l’heure voulue la vedette et demandait qu’on
lui laissât le soin de se débrouiller tout seul. L’employé s’inclina. (Bertaux et Sigwalt : 67)
L’homme se retira en hésitant, pour revenir cinq minutes après. Impossible que la voiture attendît plus
longtemps.
- Alors, qu’elle parte et emporte mes bagages répliqua Aschenbach irrité, en ajoutant qu’il prendrait
le vaporetto à l’heure voulue et en demandant qu’on le laissât se débrouiller tout seul.
L’employé s’inclina. (Jaccottet : 86)
L’homme se retira en hésitant pour revenir cinq minutes plus tard. Impossible de faire attendre plus
longtemps la voiture. « Alors elle n’avait qu’à partir en emportant sa valise », rétorqua Aschenbach
irrité. Lui-même comptait en temps utile emprunter le bateau à vapeur public et demandait
qu’on lui laissât le soin de s’acheminer. L’employé s’inclina. (Nesme et Costadura : 135)
Les procédés de traduction sont beaucoup plus variés dans les romans policiers et le DIL est
réduit à une proportion de 1/4 (contre plus de 77% dans Der Tod in Venedig). Le nombre
total d’interventions à l’EIR dans le roman Happy birthday, Türke ! est de dix 182. Six
émanent du narrateur principal intra- et homodiégétique, quatre de narrateurs secondaires,
des personnages rencontrés par le Ich-Erzähler. Le Ich-Erzähler ainsi que les narrateurs
secondaires de ce corpus d’EIR sont des énonciateurs usant de registres standard et familiers,
quelquefois populaire ou grossier. En outre, les quatre interventions de narrateurs
intradiégétiques sont produites dans des situations de dialogue oral, ce qui nous donne
l’opportunité d’étudier l’impact de la situation de discours et de vérifier si l’oralité (telle que
la littérature la représente) freine l’équivalence avec le DIL.
182
Il y a en réalité onze interventions à l’EIR, mais le paragraphe (« Eigentlich…recht gab ») dans lequel
apparaît l’intervention suivante n’est pas traduit. Cela n’est certainement pas lié à la présence d’un EIR sur
lequel le traducteur aurait souhaité faire l’impasse, il est très probable que le paragraphe ait simplement été
oublié, par le traducteur ou l’éditeur : « Ich begann, die Schubladen aus den Holzkästen auf den Boden zu
schütten. [...] Nichts von Interesse. / Eigentlich konnten die zerschnittenen Tageszeitungen nicht hier sein. Aber
vielleicht was anderes. Irgendwas, das mich weiterbrachte. Sie kenne keinen Geschäftspartner von Ahmed
Hamul, das glaubte ich Hanna Hecht nicht, und ich hoffte, etwas zu finden, das mir recht gab. » (Arjouni,
Happy birthday, Türke ! : 103-104).
- 238 -
L’absence de DIL à l’imparfait et sans marques externes au discours cité doit-il nous amener
à conclure sur sa non-adéquation dans ces situations et registres de discours ? Nous avons
substitué des DIL à l’imparfait à toutes les traductions autres que des DIL ou des non-
traductions. Ces 12 reformulations aboutissent à des résultats différents :
1) soit le DIL est visible et adéquat (5 cas)
2) soit il est assimilé au récit du narrateur (5 cas)
3) soit il est visible mais produit un effet d’étrangeté (2 cas)
(220) „[...] Danach kam ein Bulle zu mir und hat mich gefragt, ob ich ’ne anständige Versicherung hätte,
und ob ich nich die Schuld übernehmen könnte. Zuerst dachte ich natürlich, na hallo, was werden
denn hier für Deals geschoben, aber dann hat er mir das erklärt. Der Türke hätte keine
Versicherung, müßte ins Gefängnis oder würde abgeschoben und so weiter, die ganze
Leidensgeschichte. [...]“ (Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 123-124)
- [...] Après, un flic est venu me voir et m’a demandé si j’avais une bonne assurance et si je pouvais
être déclaré coupable. Là, je me suis dit, hé ho, c’est quoi, ces magouilles, mais ensuite il m’a tout
expliqué, le flic. Il m’a dit que le Turc n’avait pas d’assurance, qu’il irait en prison ou qu’il
serait reconduit à la frontière, et tout le tremblement. [...] (Kaempfer : 148-149)
- [...] Après, un flic est venu me voir et m’a demandé si j’avais une bonne assurance et si je pouvais
être déclaré coupable. Là, je me suis dit, hé ho, c’est quoi, ces magouilles, mais ensuite il m’a tout
expliqué, le flic. Le Turc n’avait pas d’assurance, il irait en prison ou il serait reconduit à la
frontière, et tout le tremblement. [...] (d’après Kaempfer)
La visibilité du DIL est garantie, dans ces cas, par le contexte, qui contient des signaux
d’ouverture et de fermeture, des DN ou des commentaires sur le discours.
(221) „ ... tja, da bin ich doch gestern morgen glatt im richtigen Büro gelandet. Wissen Sie, mit welcher
Begründung Larsson oder Manne, oder wie er gerade hieß, die Flüchtlinge von der Villa in den
Bunker verfrachtet hat? Eine Nachbarin hätte die Polizei gerufen. […]“ (Arjouni, Ein Mann, ein
Mord : 127-128)
« ... alors j’ai carrément frappé à la bonne porte, hier matin. Vous savez pour quelle raison Larsson ou
Manu, ou quel que soit son nom, a transbahuté les réfugiés de la villa au bunker ? Une voisine aurait
appelé la police. […] » (Kaempfer : 134)
« ... alors j’ai carrément frappé à la bonne porte, hier matin. Vous savez pour quelle raison Larsson ou
Manu, ou quel que soit son nom, a transbahuté les réfugiés de la villa au bunker ? Une voisine avait
appelé la police. […] » (d’après Kaempfer)
L’énoncé traduisant l’EIR est lu en français comme une explication du narrateur et pas
comme un discours rapporté.
- 239 -
3) Le DIL est visible mais produit un effet d’étrangeté (2 cas)
Dans le texte cible, le DIL produit un effet d’étrangeté que ne produit pas l’EIR dans le texte
source. Les exemples sont les suivants :
(222) Wir saßen uns schweigend gegenüber. Nur Harry Eilers Gequengel durchbrach von Zeit zu Zeit die
angespannte Stille. Er würde nie wieder ein anständiges Gesicht haben. Warum ich ihn nicht vor
dieser Hexe bewahrt hätte... (Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 150-151)
On restait assis les uns en face des autres sans rien dire. Seul, le larmoiement de Harry Eiler venait
entrecouper de temps en temps le silence tendu. Il n’allait plus jamais avoir un visage correct et
m’accusa de ne pas l’avoir protégé de cette sorcière... (Kaempfer : 184)
On restait assis les uns en face des autres sans rien dire. Seul, le larmoiement de Harry Eiler venait
entrecouper de temps en temps le silence tendu. Il n’allait plus jamais avoir un visage correct.
Pourquoi ne l’avais-je pas protégé de cette sorcière... (d’après Kaempfer)
(223) „Klar. Und an diesem Tag waren Sie auch bei Ihrer Freundin?“
„Ja, eigentlich... das war nicht geplant... der Harry hat mich, als wir im Auto saßen, gefragt, ob ich
heute nicht Lust hätte, einen Ausflug zu machen. Ihm würde es nichts ausmachen, und nächste
Woche hätte ich ja Ferien, müßte dann doch mit der Familie weg, und so weiter. Na ja, war ich
natürlich mit einverstanden.“ (Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 121)
- C’est sûr. Et donc ce jour-là, vous étiez chez votre petite amie ?
- Oui, mais... en fait, ce n’était pas prévu... c’est quand on était dans la voiture qu’il m’a proposé
d’aller la voir, Harry. Lui, ça le dérangeait pas, qu’il me disait. Et puis, il m’a rappelé que j’allais
prendre mes vacances la semaine d’après et que j’allais partir avec ma famille, et tout ça. Moi,
bien sûr, j’étais d’accord. (Kaempfer : 146)
- C’est sûr. Et donc ce jour-là, vous étiez chez votre petite amie ?
- Oui, mais... en fait, ce n’était pas prévu... c’est quand on était dans la voiture qu’il m’a proposé
d’aller la voir, Harry. Lui, ça le dérangeait pas, et j’allais prendre mes vacances la semaine
d’après et j’allais partir avec ma famille, et tout ça. Moi, bien sûr, j’étais d’accord. (d’après
Kaempfer)
- 240 -
Nous pensons que le DIL à la première personne, comme l’erlebte Rede et contrairement à
l’EIR, est une configuration particulière qui produit des effets de sens que ne produirait pas
le DIL ou l’erlebte Rede à la troisième personne. Dans un roman hétérodiégétique, si un
narrateur retranscrit les pensées ou paroles d’un personnage au DIL ou à l’erlebte Rede, il
témoigne notamment par là de son omniscience. Cette omniscience est un trait particulier,
remarquable, d’un énonciateur (le narrateur) vis-à-vis d’un autre énonciateur (un
personnage). S’il est vrai que l’emploi du DIL ou de l’ER se double souvent d’autres
motivations, il reste que celle de témoigner de la connaissance d’un autre que soi est un trait
fondamental de l’écriture narrative au DIL ou à l’ER.
Les choses se présentent différemment dans un roman homodiégétique, une Ich-Erzählung :
il est tellement évident que le erzählendes Ich connaît les pensées et paroles du erzählendes
Ich que le report de pensées ou de paroles sur le mode du DIL ou de l’ER ne peut pas
répondre à la seule motivation de montrer l’omniscience de l’énonciateur rapporteur : il doit
répondre à une motivation particulière, soit celle de véhiculer une distance, une ironie ou à
l’inverse une coïncidence entre les deux opinions véhiculées.
Dans l’exemple tiré du roman policier, qui était notre point de départ, nous pensons que
l’inadéquation du DIL naît du fait que celui-ci paraît incongru, car il n’y a rien qui motive
l’emploi d’un type de discours rapporté où les deux voix s’entrecroisent et se confondent.
L’énonciateur-rapporteur retrace à l’intention de son destinataire l’historique d’une
situation ; à cet effet, il relate ce que lui a dit un collègue. Si cela peut se faire en allemand à
l’aide de l’EIR, l’emploi dans le texte français-cible d’un DIL est inadéquat.
Nous avions formé ce corpus avec l’objectif d’étudier le rôle du facteur de l’oralité et du
registre familier de langue dans l’équivalence entre l’EIR et le DIL. Nous avons observé que
le DIL n’est pas exclu des traductions de dialogues informels, ce qui valide les affirmations
réitérées dans différents travaux (cf. 1.4.3.4.4).
Dans l’analyse des einführungslose indirekte Reden employés dans des dialogues, nous
avons été amenée à observer que l’emploi d’un DIL dans une énonciation à la première
personne est un cas particulier où le DIL peut être non-adéquat comme traduction de l’EIR.
Le discours indirect libre (et l’erlebte Rede) à la première personne ont des spécificités qui
font que l’équivalence entre un EIR, un DIL et un ER à la troisième personne n’est pas la
même que celle entre un EIR, un DIL et un ER à la première personne. Le facteur qui gêne
l’équivalence entre l’EIR et le DIL est donc plutôt celui de la personne que celui de l’oralité.
- 241 -
9.1.4 L’einführungslose indirekte Rede partiel
Le dernier critère susceptible de moduler l’équivalence entre l’EIR et le DIL est celui de la
portée de l’EIR. Lorsque l’EIR n’est présent que dans une proposition subordonnée, le
maintien du DR dans le texte cible français au travers d’un DIL est particulièrement
problématique. Nous montrerons en quoi l’EIR partiel pose des problèmes spécifiques de
traduction, en quoi ces problèmes sont liés à la présupposition, et examinerons différents
procédés de traduction. Nous les avons relevés dans un corpus varié de manière non
exhaustive. Notre corpus se compose de Der blonde Eckbert et de ses deux traductions, de
Der Untertan, également deux fois traduit, de Der Stechlin de Fontane et de Infanta de
Kirchhoff.
Exposé de la problématique
(224) Walther klagte über den weiten Rückweg, den er habe, und Eckbert schlug ihm vor, bei ihm zu
bleiben. (Tieck, Der blonde Eckbert : 4)
Walther se plaignit de la longue route qu’il avait à parcourir pour rentrer chez lui et Eckbert lui
proposa […] de dormir […] jusqu’au matin dans un appartement de la maison. (Boyer : 146)
[…] Walther se plaignait de la longue route qu’il devait faire pour rentrer, et Eckbert lui proposa
de rester chez lui […]. (Guignard : 55)
On remarque une perte d’information importante dans les traductions, non pas au niveau
évidentiel, car le DN avec « se plaindre » indique que Walther prend la parole, mais au
niveau aléthique, c’est-à-dire de la prise en charge. La prise en charge du contenu de la
proposition relative, en français, n’est pas soumise à un marquage particulier et n’est pas
interprétée comme étant mise en doute par l’énonciateur de la phrase complexe. La
différence avec l’énoncé suivant permet de s’en rendre compte :
- 242 -
Walther dit qu’il avait une longue route à faire pour rentrer chez lui et s’en plaignit, ce sur quoi
Eckbert lui proposa de dormir chez lui.
Un deuxième exemple révèle également quelles sont les difficultés de traduction d’un EIR
partiel :
(225) Aber wie war von hier fortzukommen? Zum Glück stellte ein anderer sich ein, ein breiter Mensch
namens Mahlmann, der mit ungeheurer Stimme Mecklenburgisch sprach, stud. ing. zu sein schien und
bei Göppels Zimmerherr sein sollte. Er erinnerte Fräulein Agnes an einen Spaziergang, den sie
verabredet hätten. Diederich ward aufgefordert, mitzukommen. Entsetzt schützte er einen Bekannten
vor, der draußen auf ihn warte, und machte sich sofort davon. (Mann, Der Untertan : 14)
Mais comment en venir à bout ? Heureusement qu’un tiers se présenta, un garçon large d’épaules, du
nom de Mahlmann, qui jargonnait mecklembourgeois avec une voix prodigieuse ; il pouvait passer
pour stud. ing., et devait être locataire chez les Goeppel. Il rappela à Mlle Agnès une promenade
qu’ils avaient concertée. Didier fut invité à s’y joindre. Terrifié, il allégua un camarade qui l’attendait
dehors et décampa. (Budry 1928 : 14-15) 183
La traduction française par « Il rappela à Mlle Agnès une promenade qu’ils avaient
concertée » laisse à penser que le narrateur co-asserte l’énoncé. Le lecteur pense
naturellement qu’ils ont convenu d’une promenade et que le narrateur rappelle un fait.
La différence de prise en charge entre les traductions et les textes sources touche à la
question de la présupposition (Ducrot 1984 : 13-46). Dans les traductions, l’énonciateur-
narrateur représente un acte d’énonciation au travers d’un DN (« il se plaignit », « il se
plaignait », « il rappela ») qui contient une présupposition : dans le premier texte, la route est
longue, dans le deuxième texte, la promenade a fait l’objet d’une concertation entre
l’étudiant et Mlle Agnès. Dans le texte source, en revanche, il y a deux représentations de
discours, un DN (« er klagte », « er erinnerte ») et un EIR.
183
La seule modification de Saatdjian (Budry / Saatdjian : 34) est « étudiant-ingénieur » à la place de « stud.
ing. ».
184
La comparaison avec la deuxième occurrence de Konjunktiv dans « Entsetzt schützte er einen Bekannten
vor, der draußen auf ihn warte » montre que la conservation du trait aléthique est particulièrement importante
lorsque l’EIR est partiel. Dans ce DI, le trait aléthique de non prise en charge est redondant par rapport au verbe
introducteur « vorschützen » - qui de plus ajoute un trait modal de mise en doute. La présence d’un verbe
introducteur renseigne sur la responsabilité des dires.
- 243 -
Les solutions de traduction pour ne pas faire varier la prise en charge des propos ont pour
certaines des contreparties négatives :
- soit elles suggèreraient de la part du narrateur une méfiance forte, attitude que ne
véhicule par l’usage du Konjunktiv I dans le texte source :
Walther se plaignit de la longue route qu’il disait avoir à parcourir pour rentrer chez lui.
Walther se plaignit de la longue route qu’il avait, selon lui, à parcourir pour rentrer chez lui.
Walther se plaignit car il avait, disait-il, une longue route pour rentrer.
Walther dit en se plaignant qu’il avait une longue route pour rentrer.
Walther disait qu’il avait une longue route à faire pour rentrer chez lui et s’en plaignit.
- soit le discours reste interprétatif. La voix du personnage ressort nettement plus que
dans l’original. Le choix d’un DIL pour traduire cette œuvre est, de plus,
anachronique.
L’énoncé « Walther se plaignit, disant qu’il avait une longue route pour rentrer. » nous
semble la meilleure traduction. Les procédés de traduction pour ne pas faire varier la prise en
charge dans Der Untertan ont diverses implications :
- soit ils sont à la limite de l’acceptabilité :
?
Il rappela une promenade dont il disait qu’ils étaient convenus.
- soit ils comportent une modalisation excessive par rapport au texte original :
Il rappela à Mlle Agnès une promenade qu’ils étaient censés avoir concertée.
Il rappela à Mlle Agnès une promenade dont ils étaient, disait-il, convenus.
Il rappela à Mlle Agnès une promenade qu’ils auraient concertée.
- soit ils donnent une plus grande présence à l’énonciateur rapporté que ne le fait le
texte original par le choix d’un DIL.
- 244 -
Des contextes différents permettent d’adopter des stratégies de traduction grâce auxquelles la
prise en charge ne varie pas. Premièrement, le contenu propositionnel peut permettre à lui
seul d’identifier clairement la source de la prise en charge. Deuxièmement, différents
procédés s’offrent aux traducteurs :
- un DI avec verbe introducteur
- un DIL dans une proposition de forme indépendante
- un DN
- un introducteur de cadre de discours
- le mode
Contenu propositionnel
(226) (Diederich finit par obtenir de Schorsch une pâtisserie que celui-ci lui devait)
Das war ein greifbarer Erfolg. Leider konnte Diederich ihn nur hastig und in Sorge genießen, denn es
war zu fürchten, daß Wolfgang Buck, der draußen wartete, darüber zukam und den Anteil verlangte,
der ihm versprochen war. Indes fand er Zeit, sich sauber den Mund zu wischen, und vor der Tür brach
er in heftige Schimpfreden auf Schorsch aus, der ein Schwindler sei und gar keine Schaumrolle
habe. (Mann, Der Untertan : 10)
Pour un succès, c’en était un. Malheureusement Didier n’en put jouir qu’à la hâte et sans tranquillité,
car il était à craindre que Wolfgang Buck, qui attendait dehors, ne survînt et ne réclamât la part qui lui
avait été promise. Il n’eut que le temps de s’essuyer la bouche et de gagner la rue, où il se répandit
alors en violentes invectives contre ce Schorsch, contre ce malin qui n’avait pas l’ombre d’une
soucoupe de mousse. (Budry 1928 : 10) 185
Le contenu narratif, l’histoire (au sens de Genette), révèle que le personnage ment. Il n’est
donc pas besoin de souligner que les paroles viennent de Diederich. La traduction française
possède un indice de moins que le texte allemand, l’information aléthique est toutefois
préservée.
DI régi
Lorsque l’EIR apparaît non pas dans une proposition relative, mais dans une proposition
subordonnée (ici de cause), la relation de cause peut être traduite par un verbe de discours
indirect.
185
La seule modification de Saatdjian concerne la « soucoupe de mousse », qu’il remplace par un « roulé à la
Chantilly » (Budry / Saatdjian : 31).
- 245 -
(227) „Mein Sohn hat gestohlen“, sagte er außer Atem, mit dumpfer Stimme, und sah das Kind an wie einen
verdächtigen Eindringling. „Du betrügst und stiehlst. Du brauchst nur noch einen Menschen
totzuschlagen.“
Frau Heßling wollte Diederich nötigen, vor dem Vater hinzufallen und ihm um Verzeihung zu bitten,
weil der Vater seinetwegen geweint habe! (Mann, Der Untertan : 6)
« Mon fils a volé ! » dit-il, le souffle embarrassé, la voix sourde, en dévisageant l’enfant comme on
dévisage un intrus suspect. « Tu mens, tu voles, il ne te reste plus qu’à tuer. »
Madame Hessling voulait obliger Didier à se jeter aux pieds du père et à lui demander pardon,
soutenant qu’il avait pleuré de son fait. (Budry 1928 : 6-7 ; Budry / Saatdjian : 28)
Madame Hessling voulait obliger Didier à se jeter aux pieds du père et à lui demander pardon, parce
qu’il avait pleuré de son fait.
Cette traduction élimine toutefois une marque de point de vue : l’exclamation. Il est permis
de supposer que les traducteurs ont choisi de banaliser le texte en enlevant une exclamation
en DI régi, qui est non conventionnelle. De plus, l’exclamation ne suffit pas à indiquer de qui
relève l’énonciation de la proposition.
Madame Hessling voulait obliger Didier à se jeter aux pieds du père et à lui demander pardon, parce
qu’il avait pleuré de son fait !
Discours narrativisé
(228) Mein Vater war immer sehr ergrimmt auf mich, daß ich eine so ganz unnütze Last des Hauswesens
sei [...]. (Tieck, Der blonde Eckbert : 5)
Le choix de « reprocher » est guidé par l’adjectif « ergrimmt ». Il est ainsi justifié de
proposer un discours narrativisé dans la traduction, comme le fait Boyer :
Mon père était toujours très irrité contre moi et me reprochait d’être dans le ménage une charge
parfaitement inutile. (Boyer : 147)
Ce même extrait est traduit différemment par l’autre traducteur, qui choisit de rendre la
distance énonciative par un introducteur de point de vue, « à son avis ».
- 246 -
Mon père était toujours furieux contre moi, parce que j’étais pour le ménage, à son avis, une charge
si complètement inutile […]. (Guignard : 57)
Dans la première traduction, le narrateur rapporte un discours et fait porter au père l’entière
responsabilité des propos grâce au verbe introducteur. La deuxième, en revanche, rapporte
un point de vue en procédant par modalisation. Le narrateur énonce la proposition en
indiquant que celle-ci n’est vraie que dans le domaine de croyance d’un autre énonciateur.
Le point commun entre les deux traductions est donc le déplacement de la prise en charge
vers un autre énonciateur que le narrateur. La différence est que la deuxième traduction met
en avant le contenu propositionnel contesté tandis que la première traduction privilégie l’acte
de communication dans son entier (mon père a dit p).
(229) Die Alten hielten sich die Ohren zu und stimmten die immer gleich lautende Klage über Dona Elvira,
die schwarze Sängerin, an, die mit ihrer Musik den Ort verdumme, ja, beherrsche. Die, nur um
ihre neuesten Kleider vorzuführen, in der Kirche erscheine und sogar beichte.
„Und die nun auch noch einem Komitee angehört“, so Butterworth, die Liste der Klagen erweiternd,
„das Mittel für Stimmenkäufe heranschafft und in ihrer berüchtigten Garderobe tagt ...“ (Kirchhoff,
Infanta : 47-48)
Les vieux prêtres se bouchèrent les oreilles et entonnèrent leur plainte rituelle sur Dona Elvira, la
chanteuse noire : avec sa musique, elle abrutissait le village, ou même elle s'en rendait maître.
Cette femme qui se montrait à l'église, et même se confessait, uniquement pour faire étalage de ses
dernières toilettes.
« Et qui maintenant fait même partie d'un comité, dit Butterworth en allongeant la liste des griefs, qui
réunit des fonds pour acheter des électeurs et tient séance dans sa loge de fâcheuse réputation... »
(Lortholary : 50)
La même proposition placée dans une relative aurait rendu le discours indirect libre du texte
cible nettement moins visible :
Les vieux prêtres se bouchèrent les oreilles et entonnèrent leur plainte rituelle sur Dona Elvira, la
chanteuse noire, qui, avec sa musique, abrutissait le village, ou même s'en rendait maître. Cette
femme se montrait à l'église, et même se confessait, uniquement pour faire étalage de ses dernières
toilettes !
« Et qui maintenant fait même partie d'un comité, dit Butterworth en allongeant la liste des griefs, qui
réunit des fonds pour acheter des électeurs et tient séance dans sa loge de fâcheuse réputation... »
(d’après Lortholary)
- 247 -
Le mode
Enfin, la dernière équivalence que nous avons relevée est réalisée à travers le mode du verbe
français.
(230) Schon seit einer Viertelstunde lag ein grauer Ton über der Landschaft und plötzlich fielen Flocken,
erst vereinzelte, dann dicht und reichlich. Den Weg bis Globsow fortzusetzen, daran war unter diesen
Umständen gar nicht mehr zu denken, und so brach man denn auf, um ins Schloß zurückzukehren.
Auch auf einen Besuch in der Kirche, weil es da zu kalt sei, wurde verzichtet. (Fontane, Der
Stechlin : 248 ; cité par Steinberg 1971 : 144)
Depuis un quart d’heure, déjà, le paysage était baigné d’une tonalité grise, et soudain des flocons
tombèrent, isolés d’abord, puis serrés et abondants. Dans ces conditions, impensable de poursuivre
jusqu’à Globsow, aussi se leva-t-on pour rentrer. On renonça également à visiter l’église, parce qu’il
y ferait trop froid. (Legrand : 269)
Le segment « weil es da zu kalt sei » marque le glissement vers une focalisation interne : le
narrateur, jusque-là omniscient, se limite dans la subordonnée à la perspective des
personnages.
Une traduction avec l’imparfait de l’indicatif, dictée par la concordance des temps, « On
renonça également à visiter l’église, parce qu’il y faisait trop froid. », ne ferait pas émerger
le discours de l’énonciateur-personnage, l’imparfait étant le temps de la narration. Cette
perte dans la traduction justifie le recours au conditionnel présent. Il est la transposition d’un
discours direct qui serait :
Un discours direct sous-jacent au futur transposé au conditionnel est le seul cas dans notre
corpus où le mode du verbe français peut signaliser un discours rapporté. Le texte français
comporte toutefois un ajout : il correspond à un discours direct qui serait « Il y fera trop
froid », mais pas « Il y fait trop froid ». Or, le texte allemand autorise une lecture sous-
jacente d’un présent (« Es ist da zu kalt ») à valeur générale. L’ajout du texte cible est
toutefois préférable à une perte de discours rapporté.
- 248 -
9.2 Analyse d’un corpus journalistique
Depuis le début des travaux sur l’équivalence traductologique de l’EIR avec le DR français,
les analyses ont toujours été faites à partir de corpus écrits de textes littéraires (romans et
nouvelles). La seule exception est Celle (2004) qui, dans son analyse de la traduction du
conditionnel journalistique français, montre à partir d’un corpus tiré du Monde diplomatique
que celui-ci trouve des équivalences dans plusieurs formes parmi lesquelles l’EIR 186.
Il est utile de se tourner vers un corpus autre que littéraire en raison des trois aspects
suivants, que nous énumérons avant de les détailler :
a) Le texte de presse fait un usage abondant et spécifique de l’EIR ;
b) le DIL et surtout l’ER sont moins fréquents et moins usuels dans les textes de presse que
dans les textes littéraires ;
c) les textes de presse sont constitués de discours rapporté tout comme les romans et
nouvelles mais la fonction pragmatique du discours rapporté est sensiblement différente.
186
Les équivalences réalisées par l’auteur sont : sollen, angeblich, sujet man, Konjunktiv I et II.
- 249 -
b) Le DIL et l’ER dans les textes de presse
La combinatoire entre l’EIR, le DIL et l’ER n’est pas la même dans les textes de presse que
dans les textes littéraires. Notre corpus atteste d’une présence réelle mais faible du DIL (cf.
9.2.4). L’ER n’est pas non plus absent des corpus de presse (Steube 1985 : 392 ; Zifonun
1997 : 1775), mais sa présence est plus rare et marginale que celle du DIL. Burger (2005 :
90) qualifie l’emploi de l’ER d’un « Sonderfall » du discours rapporté dans les textes de
presse. Notre corpus ne contient pas d’occurrences d’ER.
La spécificité du discours rapporté dans les textes de presse consiste en l’existence réelle
d’un texte antérieur, désigné par le terme de « Prätext » par Burger (2005 : 73). Authenticité
et responsabilité sont des notions-clés associées à l’ethos de l’énonciateur citant (Burger
2005 : 91ss ; Marinos 2001) 188. Le rôle de l’authenticité n’est pas uniquement déterminant
pour le journaliste, elle l’est plus globalement pour tous les énonciateurs-citants dans les
discours publics, tout particulièrement à teneur politique (Zifonun et al. 1997 : 1755). A cet
égard, la polémique en 1975 entre Willy Brandt et Franz-Joseph Strauß est révélatrice de
l’importance de l’authenticité dans les discours publics (Gülich 1978 : 49). Strauß a intenté
une action en justice contre Brandt, lequel avait affirmé que Strauß avait qualifié
187
Burger (2995 : 88) distingue un troisième type d’intertextualité nommé « typologische Intertextualität » qui
renvoie à l’affiliation d’un texte à un genre de discours, mais il ne s’agit pas d’après nos critères d’une
catégorie intertextuelle.
188
Dieckmann (1985) et Steyer (1997) ont démontré en confrontant des textes de presse à leurs sources que
l’éthique journalistique ne se traduit pas rigoureusement dans les faits.
- 250 -
l’Allemagne de « Saustall ». Strauß s’en défendait en rappelant qu’il avait parlé de l’échec
des personnes « die ausgezogen waren, Deutschland zu reformieren, und einen Saustall
ohnegleichen angerichtet haben » (cité d’après Gülich 1978 : 49).
On doit même se demander si la notion de discours « rapporté » est bien pertinente dans le cas d’une
fiction romanesque. Au fond, il n’y a « discours rapporté » que si l’on accepte le cadre instauré par
l’illusion narrative. (1993 : 96)
En conclusion de ces trois aspects, les relations entre genres de DR et genres de discours
sont suffisamment différentes pour pouvoir formuler l’hypothèse que l’examen du corpus
journalistique apportera de nouvelles données concernant l’équivalence entre l’EIR et le DR
français et justifier la démarche corpus-driven. Avant de procéder à l’analyse des
équivalences (de 9.2.2 à 9.2.6) il nous faut donner quelques précisions sur la constitution et
l’exploitation du corpus.
- 251 -
Source des einführungslose indirekte Reden dans les textes français
DI régi DIL DD non Ilot Condi- Autres DN DD
introduit textuel tionnel Intro-
duit
Total : 17 11 10 10 9 9 8 3
77 formes
Total : 22,08 14,29 12,99 12,99 11,68 11,68 10,39 3,90
100%
(231) Dans une lettre à M. Kofi Annan, [...] M. Lars Holm attaque la brochure publiée par l’OCHA (dont M.
Annan signe l’avant-propos), a) répétant que « la grande majorité de la population ne doit pas
craindre de conséquences graves pour sa santé », b) et conclut que l’OCHA « accroît les peurs des
populations touchées au lieu de leur apporter un soutien ». (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 15)
In einem Brief an Kofi Annan attackierte Lars Holm [...] eine von der OCHA veröffentlichte
Broschüre (mit einem Vorwort von Kofi Annan): a) Man solle der Mehrheit der Bevölkerung nicht
einreden, dass sie gravierende Auswirkungen auf ihre Gesundheit zu befürchten habe, b) und die
OCHA „schüre die Ängste der betroffenen Bevölkerung, statt sie zu beruhigen“. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-07 : 15)
(232) Le 20 novembre 1999, M. Barak donnait la vue d’ensemble la plus explicite sur les menaces et les
remèdes à la base de ce partenariat stratégique. a) « La prolifération des armes de destruction massive,
expliquait-il, les programmes nucléaires de régimes extrémistes et le développement du terrorisme
sponsorisé par les Etats sont des menaces qui visent directement Israël, les Etats-Unis et, en fait,
toutes les démocraties du monde. b) La responsabilité de toute la communauté internationale est donc
de développer une coopération sécuritaire efficace pour faire face ensemble à ces menaces. Il n’y a
pas de plus bel exemple dans ce domaine que les liens stratégiques et la coopération dans le domaine
du renseignement qui se sont multipliés entre les Etats-Unis et Israël. L’Arrow [un système de missile
antimissile] a été développé par nos deux pays afin de contrer les missiles sol-sol qui sont aux mains
de régimes scélérats et extrémistes. Nos amis à Washington savent que le soutien à Israël relève de
l’intérêt national américain. Notre partenariat se fonde sur une même compréhension des menaces et
des mises en danger de notre mode de vie. » (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11)
Am 20. November 1999 schilderte Ehud Barak die Bedrohungen und „Heilmittel“, die dieser
- 252 -
strategischen Partnerschaft zugrunde liegen. a) Die Ausbreitung der Massenvernichtungswaffen, die
Atomwaffenprogramme extremistischer Regime und der staatlich geförderte Terrorismus seien
Bedrohungen, die direkt gegen Israel, die USA und im Grunde gegen alle Demokratien der Welt
gerichtet seien. b) Daher sei es die Verantwortung der gesamten internationalen Gemeinschaft, gegen
diese Bedrohung eine sicherheitspolitische Kooperation zu entwickeln. Das beste Beispiel dafür sei
die immer stärker werdende strategische Allianz zwischen den USA und Israel und ihre
Zusammenarbeit im Bereich der Nachrichtendienste. Das Raketenabwehrsystem Arrow sei
gemeinsam entwickelt worden, um die Boden-Boden-Raketen der extremistischen Schurkenstaaten
ausschalten zu können. Israels Freunde in Washington seien sich dessen bewusst, dass die
Unterstützung Israels im Interesse der USA liege; die Partnerschaft der beiden Ländern basiere auf
der gleichen Wahrnehmung der Bedrohungen und der Gefährdung des westlichen Lebensstils. (taz,
dans Le Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11)
(233) Accusé de refuser de lutter contre la maladie, M. Mbeki a déclaré avoir été extrêmement surpris
par « la sorte de tempête » déclenchée par sa volonté de mieux comprendre les causes profondes
du malheur qui ravage le continent africain. Il a rappelé le plan de bataille en six points mis en
œuvre par son gouvernement [...]. (Le Monde diplomatique, 2000-12 : 10)
(234) EGALEMENT émigrés aux Etats-Unis, d’autres intellectuels allemands, comme Ernst Fraenkel,
voyaient dans le nazisme la coexistence d’un « Etat normatif » (nécessaire pour garantir le
fonctionnement d’une économie qui restait capitaliste) et d’un « Etat discrétionnaire » (qui opérait en
- 253 -
dehors d’un quelconque cadre juridique, sur la base d’un pur critère d’« opportunité politique »
visant, en premier lieu, les « ennemis » du régime)(6).
(6) Ernst Fraenkel, Der Doppelstaat, Frankfort-sur-le-Main-Cologne, Europäische Verlagsanstalt,
1974. (Le Monde diplomatique, 2000-10 : 26 ; 27)
Andere in die USA emigrierte Intellektuelle wie Ernst Fraenkel sahen im NS-System die Koexistenz
eines „normativen Staates“ (der das Funktionieren einer weiterhin kapitalistischen Wirtschaft zu
gewährleisten hatte) und eines „Maßnahmestaates“ (der außerhalb jeglicher Rechtsordnung allein
nach dem Kriterium „politischer Opportunität“ agiere und sich in erster Linie gegen die
„Feinde des Regimes“ richtete).(7)
(7) Ernst Fraenkel, „Der Doppelstaat“, Frankfurt (Fischer) 1984. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-10 : 26 ; 27)
Pour le deuxième extrait (exemple 233) en revanche, nous avons retenu que l’EIR est
équivalent à un DN introduit par « déclarer ».
Nachdem man Thabo Mbeki beschuldigt hatte, er wolle die Krankheit gar nicht bekämpfen, setzte sich
dieser zur Wehr: Er sei äußerst überrascht über „den regelrechten Sturm“, den sein Bemühen
ausgelöst habe, die tiefer liegenden Gründe für das Unheil zu begreifen, das den afrikanischen
Kontinent heimsucht. Er verwies außerdem auf den Sechsstufenplan, den seine Regierung
ausgearbeitet hat [...]. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 : 10)
(235) Le rapport du Commissariat général du Plan illustre l’euphorie d’une pensée dogmatique sûre d’elle-
même : « Le meilleur environnement économique » (entendons les privatisations et la compétition
marchande) va permettre « une meilleure utilisation du capital et du travail » assurant des taux de
croissance « de 5 % à 6,5 % ». (Le Monde diplomatique, 2000-06 : 14 ; 15)
Der Bericht des Generalkommissariats für Planung zeugt von der Euphorie eines selbstbewussten
dogmatischen Denkens: „Die beste Umgebung für die Wirtschaft“ (gemeint sind Privatisierungen und
marktwirtschaftlicher Wettbewerb) werden „eine bessere Nutzung von Kapital und Arbeit“ erlauben
und lassen Wachstumsraten „zwischen 5 und 6,5 Prozent“ erwarten. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-06 : 14 ; 15)
L’analyse de corpus à laquelle nous allons maintenant procéder montre tout d’abord une
grande variété d’équivalents avec des fréquences différentes. L’EIR dans le texte cible
correspond à neuf formes différentes dans le texte source français :
- toutes les formes standard du DR français, soit le DN, le DI régi, le DIL, le DD
introduit, le DD non introduit et l’îlot textuel. L’équivalence avec des formes de DR
est la plus fréquente avec plus de 76 % des occurrences ;
- le conditionnel journalistique, dans 11,68 % des cas ;
- 254 -
- des formes proches du récit, également dans 11,68 % des cas.
L’invariance que nous privilégions dans l’analyse est discursive et porte sur la fonction
spécifique que remplit l’EIR dans le discours de presse. La spécificité du corpus
journalistique ainsi que les premières observations sur les formes du texte français nous
amènent à regrouper l’analyse autour des questions suivantes :
- plus de 36 % des EIR cibles remontent à des DR introduits par verbes ou substantifs
(DN, DI régi et DD introduit). L’EIR étant un DR qui ne décrit pas l’acte illocutoire
second, comment s’explique la part importante de DR source avec verbes
introducteurs ? (9.2.2)
- 29,88 % des textes sources sont des DD non introduits, des DD introduits et des îlots
textuels. Nous chercherons pourquoi les traducteurs renoncent ou amoindrissent
l’effet d’authenticité que procure le mode direct, effet pragmatique dont nous avons
rappelé l’importance dans les textes journalistiques (9.2.3).
- La part du DIL, avec 14,29 %, est significative. Il convient de s’interroger sur une
fonction particulière du DIL dans le texte journalistique afin d’analyser son
équivalence avec l’EIR. Il s’agit également de savoir si un ER est un équivalent
adéquat du DIL français (9.2.4).
- Malgré les points communs entre le conditionnel journalistique et l’EIR,
l’équivalence entre ces deux formes n’est pas celle qui est privilégiée. L’EIR traduit
plus souvent un DIL ou un DI régi qu’un conditionnel. Quels sont les facteurs qui
expliquent la faible représentation du conditionnel ? (9.2.5)
- Les autres équivalences sont des formes proches du récit (11,68 %) et nous amènent
à chercher pourquoi les traducteurs allemands ont choisi d’expliciter ou d’ajouter la
présence d’un DR dans le textes cible (9.2.6).
36,37% (28 formes composées de 3 DD, 8 DN et 17 DI) sont traduits du français vers
l’allemand sans que soit conservé l’introducteur de discours, comme illustré par l’exemple
suivant :
(236) Ces arguments sont rejetés aussi bien par le bureau du dirigeant palestinien que par les réfugiés des
camps ou par les simples habitants de la Cisjordanie et de Gaza. On souligne d’abord que ce sont les
Palestiniens qui ont fait, à Oslo, les concessions historiques, en acceptant d’édifier leur Etat sur un
cinquième seulement de leur patrie. En outre, on insiste sur le fait que l’Autorité a fait preuve d’une
- 255 -
grande souplesse, tout en demandant que la légalité internationale soit respectée. Il faut, rappelle-t-
on, accepter les résolutions des Nations unies et alors on pourra débattre de toutes les questions en
suspens de manière réaliste. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 3)
Dagegen verwahren sich die Palästinenser aus allen politischen Lagern. Sie verweisen darauf, dass sie
bereits in Oslo historische Zugeständnisse gemacht haben, indem sie akzeptierten, ihren Staat auf nur
einem Fünftel ihres alten Territoriums zu errichten. Auch die Autonomiebehörde habe sich schon sehr
flexibel gezeigt. Auf jeden Fall müsse aber das internationale Recht respektiert werden: Erst wenn
Israel die UN-Resolutionen anerkenne, werde man über alle noch offenen Probleme vernünftig reden
können. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-09 : 3)
Les introducteurs non traduits sont variés, comme il ressort du tableau suivant. Exceptés
définir, dire et au nom de qui sont des introducteurs neutres, les introducteurs non traduits
font perdre au texte cible la caractérisation de l’acte illocutoire réalisé.
- 256 -
française Nita (2006 : 174) 189 que dans d’autres cultures de presse, notamment anglaise, où
l’emploi du très prosaïque say, à défaut de délivrer une information substantielle sur l’acte
de communication représenté, attire l’attention sur le contenu propositionnel.
Des verbes tels que « conclure » et « ajouter » procèdent à un découpage séquentiel visant à
organiser le texte pour en améliorer la réception sans pour autant renvoyer à une organisation
choisie par l’énonciateur original. Quant à des verbes tels que « souligner, évoquer,
proposer », ils apparaissent souvent comme des variations d’écriture ne renvoyant pas à des
actes communicatifs précis. Finalement, la faible corrélation entre le choix du verbe
décrivant l’acte de communication second et l’acte second lui-même a conduit, dans le
discours journalistique français (en allemand également, voir Yos 2005 : 30), à un
affaiblissement sémantique. De cette sorte, les verbes introducteurs sont en partie interprétés
en amont de la traduction comme des marques génériques de discours de presse plutôt que
comme des invariants référentiels. Perçus comme des supports à la mise en scène des
personnes cités, ils amènent le traducteur à ne pas s’attacher à conserver l’invariance
référentielle. L’invariance qui lui est préférée est celle de la fonctionnalité discursive, et c’est
pourquoi, en dépit de la non traduction de l’élément référentiel, la traduction par un EIR peut
être considéré comme réalisant une équivalence adéquate dans le type de discours considéré.
Néanmoins, l’effacement des verbes introducteurs a dans certains cas une conséquence sur
l’attitude modalisatrice de l’énonciateur rapporteur. Ces cas sont ceux des DI avec un verbe
introducteur placé en incise ou en postposition avec un effet modalisateur, comme dans
l’exemple suivant. Ici, la non traduction du verbe introducteur a pour conséquence de ne pas
livrer l’attitude critique que suggère l’incise. Dans les trois exemples au total que nous avons
observés sur les vingt-huit, aucune compensation n’est proposée, de sorte que le texte
allemand a globalement une tonalité plus factuelle, neutre et objective, que le texte français.
Ce constat sera répété avec la traduction du DIL français par de l’EIR allemand (cf. infra).
(237) Les orientations principales de l’effort militaire américain pourraient être ainsi révisées et la priorité
donnée à la puissance aérospatiale - dont on a vu qu’elle est l’instrument essentiel du « contrôle
stratégique ». Du même coup, les partisans du NMD y voient un argument supplémentaire et capital
pour défendre le sol américain au moyen d’un système antimissile qui en garantisse l’invulnérabilité.
Certes, celui-ci peut se répartir sur mer, à bord de navires de surface ou de sous-marins lance-
missiles, ou encore sur des bases aériennes ailleurs dans le monde, mais il ne s’agit là que de
relais : la profondeur stratégique nécessaire à cette puissance aérospatiale n’existe, disent-ils,
189
Nita (2006) a analysé un corpus traduit français-anglais et anglais-français et a constaté que les cultures
journalistiques respectives influent sur la traduction. La traduction français-anglais se caractérise par un
nivellement sémantique et un effacement énonciatif du journaliste tandis que le sens inverse de traduction se
distingue par une démultiplication des verbes.
- 257 -
qu’aux Etats-Unis mêmes. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 6 ; 7)
Die grundsätzliche Ausrichtung der US-Militärplanung könnte also revidiert werden, womit die
Luftwaffe - die ja das Rückgrat der „strategischen Kontrolle“ bildet - Priorität erlangen könnte. Die
Anhänger des NMD-Projekts haben damit ein weiteres Hauptargument für eine Verteidigung des US-
Territoriums durch ein Raketenabwehrsystem, das dessen Unverwundbarkeit gewährleiste. Dieses
System könnte zwar auch auf See stationiert werden, mit Raketenträgern oder U-Boot-
gestützten Raketenabschussanlagen, es könnte auch mit Luftwaffenstützpunkten rund um die
Welt funktionieren. Doch all dies wären nur Relaisstationen, während die strategische Tiefe, die
eine solche Raketenabwehr benötige, nur das Territorium der USA selbst bieten könne. (taz,
dans Le Monde diplomatique, 2000-09 : 6 ; 7)
Le discours direct
Les facteurs qui expliquent que des DD sont traduits par de l’EIR ne s’expliquent pas par
une inadéquation contextuelle du direkte Rede. Ils tiennent à la connaissance qu’a le
traducteur des pratiques de citation dans le discours journalistique. La représentation en
mode direct est déchiffrée comme une convention qui vise à établir un contrat de lecture
entre le lecteur et le journaliste mais qui ne repose pas nécessairement sur une reproduction
authentique. Les traducteurs, par conséquent, ne se sentent pas tenus de conserver
l’invariance de la mimesis dans le texte cible. Ils traduisent donc le DD par un EIR parce que
celui-ci est idiomatique dans le discours journalistique. C’est le cas de la traduction
suivante :
(238) Compte tenu de cette apparente filiation naturelle entre le Syndicat de la vie quotidienne et les Verts,
convient-il pour autant de jeter le bébé avec l’eau du bain pour « vice caché »?
Pas sûr, d’autant que M. Denis Lambert, l’un des géniteurs du « nouveau-né », veut dissiper tout
malentendu: « Le bébé n’est pas mort-né, comme on l’a dit et écrit. Au contraire, le SVQ devrait
- 258 -
être opérationnel début 2001. Nous ne sommes pas le bras syndical du parti Ecolo. Et nous ne
voulons pas non plus concurrencer les organisations des travailleurs. D’ailleurs, si le sigle reste,
le mot syndicat disparaîtra. Notre objectif? Agir sur le terrain de la mobilité, de la qualité de
l’alimentation et de la défense des services publics de plus en plus menacés par les privatisations.
Nous avons encore à affiner nos modes d’action, qui passeront certainement par Internet, grâce
auquel nous comptons tisser un réseau d'informations et d’alerte auquel viendront s’ajouter des
forums régionaux et des groupes d'initiatives par thème. » (Le Monde diplomatique, 2000-12 : 14)
Doch selbst wenn man diese offensichtliche und durchaus natürliche Verbindung unterstellt, ist es
deswegen berechtigt, den „verborgenen Makel“ anzuprangern und das Kind mit dem Bade
auszuschütten?
Es handle sich hier nicht um eine Totgeburt, so Lambert, einer der Väter der Bewegung. Im
Gegenteil - schon Anfang des Jahres 2001 werde das SVQ wohl handlungsfähig sein. Es verstehe
sich keineswegs als gewerkschaftlicher Arm der Ökologiepartei und wolle auch nicht in
Konkurrenz zu den Arbeiterorganisationen treten. Übrigens solle der Begriff Gewerkschaft
fallen gelassen werden, auch wenn man vorhabe, das Kürzel beizubehalten. Nach den Zielen des
SVQ befragt, sagt Lambert: „Wir wollen in den Bereichen Transportwesen und Nahrungsmittelqualität
aktiv werden und uns für die Verteidigung der öffentlichen Dienste einsetzen, die immer mehr durch
Privatisierungen bedroht sind.“ Freilich müsse man noch die Aktionsformen ausfeilen, das
Internet werde dabei eine große Rolle spielen, denn mit Hilfe dieses Mediums könne man ein
Informationsnetz und ein Warnsystem schaffen. Zusätzlich werde es regionale Foren und nach
Themen zusammengefasste Initiativgruppen geben. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 :
14)
Malgré le changement important opéré dans le texte cible, énonciatif et discursif, une
certaine équivalence est réalisée. Elle se situe au niveau de la relation entre l’allocuté (le
lecteur). DD et EIR instaurent chacun des contrats de lecture entre le journaliste et le lecteur
qui sont usuels dans le discours journalistique (à la différence du contrat de lecture réalisé
par le DIL, cf. infra).
L’îlot textuel
8 cas sur 10 conservent le marquage du mode direct dans des proportions égales ou
supérieures. Le choix d’un EIR dans le texte cible s’interprète ici comme un redoublement
du marquage du DR lié au genre de discours :
(239) EGALEMENT émigrés aux Etats-Unis, d’autres intellectuels allemands, comme Ernst Fraenkel,
voyaient dans le nazisme la coexistence d’un « Etat normatif » (nécessaire pour garantir le
fonctionnement d’une économie qui restait capitaliste) et d’un « Etat discrétionnaire » (qui opérait en
dehors d’un quelconque cadre juridique, sur la base d’un pur critère d’« opportunité politique »
visant, en premier lieu, les « ennemis » du régime)(6).
(6) Ernst Fraenkel, Der Doppelstaat, Frankfort-sur-le-Main-Cologne, Europäische Verlagsanstalt,
1974. (Le Monde diplomatique, 2000-10 : 26-27)
Andere in die USA emigrierte Intellektuelle wie Ernst Fraenkel sahen im NS-System die Koexistenz
eines „normativen Staates“ (der das Funktionieren einer weiterhin kapitalistischen Wirtschaft zu
gewährleisten hatte) und eines „Maßnahmestaates“ (der außerhalb jeglicher Rechtsordnung allein
nach dem Kriterium „politischer Opportunität“ agiere und sich in erster Linie gegen die
„Feinde des Regimes“ richtete).(7)
(7) Ernst Fraenkel, „Der Doppelstaat“, Frankfurt (Fischer) 1984. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-10 : 26-27)
- 259 -
Le renforcement de la représentation directe dans le texte cible se fait soit au travers de
l’élargissement de la citation directe (exemple 239, les « ennemis » du régime, die « Feinde
des Regimes »), soit par l’ajout d’une particule de discours, comme dans l’exemple suivant :
(240) Haïm Margalit minimise toutefois son refus, motivé par des considérations strictement
« personnelles », Rashid ne lui étant « pas sympathique ». Shoshana l’interrompt: « Le problème
n’était pas personnel, mais idéologique. […] » (Le Monde diplomatique, 2000-08 : 10 ; 11)
Chaim Margalit versucht allerdings, seine Ablehnung herunterzuspielen und führt rein „persönliche“
Gründe an. Raschid sei ihm „einfach nicht sympathisch“ gewesen. Schoschana unterbricht ihn: „Es
ging nicht um ein persönliches, sondern um ein ideologisches Problem. […]“(taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-08 : 10 ; 11)
La présence de l’énonciateur second est renforcée dans le texte cible avec l’ajout de la
particule modale « einfach » dans le champ du discours direct. Le tertium comparationis de
l’équivalence avec « einfach » est ici l’enchaînement argumentatif : Dans le texte source
français, la proposition participiale explicite les raisons du refus de l’énonciateur second.
Dans le texte cible allemand, « einfach » réalise un enchaînement argumentatif présentant la
proposition comme l’argument principal d’une thèse, après réflexion et examen d’autres
arguments concurrents (Métrich et al. 2005 : 210-222).
Le lien qui fonde l’équivalence entre « einfach » et la proposition participiale est
l’introduction d’un élément d’une chaîne argumentative. La première différence, sémantique,
est que « einfach » présente l’argument comme l’aboutissement d’une réflexion, comme le
produit d’une synthèse, ce que ne fait pas l’enchaînement avec la proposition participiale,
qui présente simplement la cause. La deuxième différence est énonciative : placée entre
guillemets, « einfach » fait ressortir dans le texte la situation d’énonciation seconde.
Les cas de traductions qui renoncent à marquer la littéralité de la citation sont rares (2 cas). Il
s’agit des deux exemples ci-dessous, qui appellent des analyses différentes. Le premier
exemple est le suivant :
(241) Dans son oeuvre, le camp d’extermination, comme lieu de suspension du droit et comme lieu de
déstructuration et de reconstruction de l’humain, devient la métaphore emblématique d’une forme
politique inédite, mais profondément enracinée dans le constructivisme rationaliste moderne,
convaincu que tout peut être modifié par l’idéologie, y compris la « condition humaine »(7).
Notes : (7) Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism, New York, Hartcourt Brace, 1966 (en
français, Les origines du totalitarisme, Seuil, Paris, 1995 et 1998). (Le Monde diplomatique, 2000-10 :
26 ; 27)
In ihrem Werk wird das Konzentrationslager- als rechtsfreier Raum und Ort der Präparierung des
Menschen- zur prägenden Metapher einer neuartigen Form von Politik. Deren Wurzeln sieht sie
- 260 -
jedoch im rationalistischen Konstruktivismus der Moderne, der davon ausgehe, dass alles, auch die
menschliche Natur, durch Ideologie transformierbar ist.(8)
Fußnoten: (8) Hannah Arendt, „Elemente und Ursprünge totaler Herrschaft“, München (Piper), 1996.
(taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-10 : 26 ; 27)
Dans le texte source, les guillemets opacifient le signe utilisé par l’énonciateur-citant et
montrent qu’il l’emprunte littéralement à un autre énonciateur. L’abandon de ce marquage
dans le texte cible a probablement, dans ce cas précis, des raisons intertextuelles. Dans le
texte source, le journaliste cite H. Arendt en se référant à l’œuvre traduite en français. Dans
le texte cible, le lecteur allemand a à sa disposition l’œuvre de H. Arendt en allemand. Etant
donné que les Prätexte de la citation sont des textes publiés dans les deux langues, le
traducteur devrait consulter la version allemande de l’œuvre s’il voulait employer
légitimement les guillemets de citation directe. Si nous formons l’hypothèse que le
traducteur a renoncé à cette démarche coûteuse en temps, nous avons l’explication de la
perte de littéralité dans le texte cible.
Dans le deuxième exemple, le texte source est un cas d’énoncé mixte qui glisse d’un
discours avec introducteur de point de vue vers un DD (le pronom « nous » n’inclut pas le
journaliste ou le lecteur, mais renvoie à la nation américaine) 190.
(242) Cette stratégie représentait, selon lui, « un paradigme pour l’entrée de notre nation dans l’ère de
l’après-guerre froide ». (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 10-11)
Für Lake bedeutete diese Strategie einen Paradigmenwechsel: Die USA würden damit - nach Ende
des Kalten Krieges - in eine neue Ära eintreten. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-07 : 10-
11)
* Für Lake bedeutete diese Strategie einen Paradigmenwechsel: Unsere Nation würde damit - nach
Ende des Kalten Krieges - in eine neue Ära eintreten. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-07 :
10-11)
Dans plus de 15 % des cas, le DIL est le DR source de l’EIR. Afin d’analyser l’équivalence
que réalise l’EIR, il faut d’abord préciser quelle est la fonction du DIL dans le texte source.
Dans notre corpus, nous avons observé deux emplois fondamentaux du DIL : celui-ci trahit
190
Ces constructions hybrides sont désignées en allemand par le terme de slipping (Burger 2005 : 92 ; Marinos
2001 : 293).
- 261 -
une appréciation critique du journaliste ou au contraire ne véhicule aucune modalisation
particulière.
Glaubt man dem IWF, ist diese Rezeptur nur eine bittere Arznei, die den Kranken langfristig heilen
wird. Überdies sei eine Prise Ungleichheit gar keine schlechte Sache, weil sie Kapitalressourcen
für Investitionen freisetze. Doch selbst rein ökonomisch gesehen zeigt sich im Rückblick, dass die
Therapie auch bei langfristiger Anwendung fast nirgends angeschlagen hat. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-09 : 18 ; 19)
(244) AFIN de minimiser l’impact des techniques OGM sur l’homme et son environnement, on nous fait
valoir que la transgenèse se trouve déjà dans la nature : ainsi, les bactéries du sol échangent depuis
toujours des gènes de résistance aux antibiotiques ; le blé moderne a reçu des fragments de
génome de seigle ; les mitochondries ou les chloroplastes sont les vestiges de bactéries ingérées
par les cellules animales ou végétales ; les plantes et les animaux ont incorporé depuis longtemps
des séquences génétiques de virus, etc. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 1 ; 2 ; 27)
Um die Auswirkungen der GVO-Technologie auf Mensch und Umwelt herunterzuspielen, gibt man
uns zu bedenken, dass sich die Transgenese auch in der Natur vorfinde: Schon immer würden
Bodenbakterien Resistenzgene gegen Antibiotika austauschen; moderner Weizen enthalte
Genomstücke vom Roggen; die Mitochondrien und Chloroplasten in tierischen und pflanzlichen
Zellen seien Überreste von Bakterien; Tiere und Pflanzen würden sich schon seit langem
genetische Sequenzen von Viren einverleiben usw. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-09 : 1 ;
2 ; 27)
Etant donné que la présence du DIL n’est attestée ni par la transposition du temps verbal ni
par celle des personnes, l’ajout d’un verbe introducteur ainsi que de pronoms personnels
permet de valider notre interprétation. Les énoncés acceptent l’incise d’un verbe introducteur
et la cohérence est plus grande lorsque le pronom est transposé (ce qui permet d’exclure
l’hypothèse d’un DDL).
D’après le FMI, pourtant, il ne s’agit là que d’une potion amère qui, à long terme, va guérir le malade.
De plus, nous explique-t-on, un brin d’inégalité n’est pas une mauvaise chose. Il permet de
dégager des ressources en capitaux pour investir. Or avec le recul, on s’aperçoit que, même en
fonction de critères purement économiques, et même à long terme, cette thérapeutique a presque
partout échoué.
AFIN de minimiser l’impact des techniques OGM sur l’homme et son environnement, on nous fait
valoir que la transgenèse se trouve déjà dans la nature : ainsi, les bactéries du sol échangent depuis
toujours des gènes de résistance aux antibiotiques, nous explique-t-on […].
- 262 -
D’après le FMI, pourtant, il ne s’agit là que d’une potion amère qui, à long terme, va guérir le malade.
De plus, un brin d’inégalité n’est pas une mauvaise chose, * comme nous l’avons souvent
constaté / comme ils l’ont souvent constaté. Il permet de dégager des ressources en capitaux pour
investir. Or avec le recul, on s’aperçoit que, même en fonction de critères purement économiques, et
même à long terme, cette thérapeutique a presque partout échoué.
AFIN de minimiser l’impact des techniques OGM sur l’homme et son environnement, certains
experts 191 nous font valoir que la transgenèse se trouve déjà dans la nature : ainsi, les bactéries du sol
échangent depuis toujours des gènes de résistance aux antibiotiques, * comme le montrent nos
résultats / comme le montrent leurs résultats […].
Dans ces extraits, le DIL a pour fonction de relater des propos tout en suggérant une critique
forte de la part du journaliste. La structure énonciative du DIL permet de rendre cette
critique sur le mode de l’ironie. L’ironie est la coïncidence de deux subjectivités divergentes
d’abord présentées comme convergentes. L’énonciateur citant feint une coénonciation puis
réfute l’opinion de l’énonciateur cité. La position réelle de l’énonciateur citant est pour une
part à interpréter (notamment en se basant sur les lignes éditoriales du journal, soit
l’hypertexte) et pour une autre part indiquée dans le contexte ou dans le texte cité :
- le commentaire (exemple 243) « la thérapeutique a presque partout échoué » indique
la position du journaliste
- la clôture du DR par « etc. » (exemple 244) est une intervention résumante qui est ici
péjorative car elle laisse entendre que le DS est une suite d’énoncé non pertinents.
La traduction par un EIR ne permet pas de conserver l’ironie du texte français. Le trait
aléthique de non-prise en charge du Konjunktiv I empêche le premier mouvement de
coénonciation qui est mis en scène dans le discours ironique. L’erlebte Rede permettrait-il de
conserver la fonction ironique du DIL-source ? Les énoncés seraient les suivants :
Glaubt man dem IWF, ist diese Rezeptur nur eine bittere Arznei, die den Kranken langfristig heilen
wird. Überdies ist eine Prise Ungleichheit gar keine schlechte Sache, weil sie Kapitalressourcen
für Investitionen freisetzt. Doch selbst rein ökonomisch gesehen zeigt sich im Rückblick, dass die
Therapie auch bei langfristiger Anwendung fast nirgends angeschlagen hat.
Um die Auswirkungen der GVO-Technologie auf Mensch und Umwelt herunterzuspielen, gibt man
uns zu bedenken, dass sich die Transgenese auch in der Natur vorfinde: Schon immer tauschen
Bodenbakterien Resistenzgene gegen Antibiotika aus; moderner Weizen enthalten Genomstücke
vom Roggen; die Mitochondrien und Chloroplasten in tierischen und pflanzlichen Zellen sind
Überreste von Bakterien; Tiere und Pflanzen verleiben sich schon seit langem genetische
Sequenzen von Viren ein usw.
Dans les deux énoncés, la voix de l’énonciateur citant est nettement dominante et la double
énonciation est moins visible que dans le texte source. Dans le deuxième extrait toutefois,
191
La démonstration étant impossible avec « on », nous avons substitué « certains experts » à « on ».
- 263 -
des éléments du contexte préviennent une lecture comme discours simple assumé par le
journaliste. L’énoncé qui précède est un indirekte Rede dont le verbe introducteur témoigne
d’une méfiance forte du journaliste (« man gibt uns zu bedenken, daß ») ; de plus, « usw. »
est un indice de discours rapporté. En revanche, l’interprétation d’un ER dans le premier
énoncé est difficile. Le potentiel de coénonciation, ajouté au registre soutenu de l’ER dans
les discours de presse, explique pourquoi le DIL n’est pas traduit par un ER. Mais le choix
de l’EIR a pour conséquence d’effacer l’ironie du texte source et de ne pas rendre, dans
l’écriture, le positionnement idéologique du Monde diplomatique.
(245) « On nous accuse d’immobilisme, commente, d’un air débonnaire, M. Youssoufi […], mais on oublie,
entre autres, que nous avons créé une nouvelle atmosphère favorable à l’affirmation de l’Etat de droit
et à la défense des libertés individuelles et publiques. […] »
Mais ne sent-il pas la grande déception qui monte dans l’opinion? « Je sens les impatiences,
répond M. Youssoufi. […] »
CHEF d’un grand parti de gauche, comment explique-t-il que, dans les quartiers les plus
pauvres, les gens se tournent vers les islamistes et non vers les socialistes? « Nous nous sommes
embourgeoisés, reconnaît-il sans ambages. […] » (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 1 ; 10 ; 11)
[…] Der Ministerpräsident [erläutert] mit milder Nachsicht: „Man wirft uns vor, wir täten nichts, aber
man übersieht dabei unter anderem, dass wir eine neue Atmosphäre geschaffen haben, in der sich die
Chancen für die Festigung des Rechtsstaats und den Schutz der Rechte des Einzelnen und der
Bürgerrechte verbessern. [...]“
Ob er nicht bemerke, wie die Enttäuschung in der Bevölkerung wächst? „Ich spüre die allgemeine
Ungeduld. [...]“
Welche Erklärung er, als Führer einer bedeutenden Partei der Linken, dafür habe, dass sich in
den ärmsten Vierteln die Menschen nicht den Sozialisten, sondern den Islamisten zuwenden?
„Wir sind verbürgerlicht“, räumt Youssoufi ein. [...]“ (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-07 : 1 ;
10 ; 11)
(246) […] M. Tony Lake, exposait, en mai 1994, devant le Washington Institute for Near East Policy [...]
les liens que les responsables politiques américains avaient établis entre la guerre du Golfe et les
accords d’Oslo. Il expliquait que la paix entre Israël et ses voisins arabes était destinée à demeurer une
paix armée afin d’isoler les « Etats voyous » (rogue states) irakien et iranien. Le président Saddam
Hussein devait continuer à subir l’ostracisme des régimes arabes. L’Iran devait être privé de sa
relation stratégique avec la Syrie. Il fallait également mettre sur pied une coalition israélo-arabe
contre l’extrémisme islamiste, qu’il définissait comme « une menace pour nos intérêts nationaux ».
(Le Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11)
Es war im Mai 1994 [...]. Tony Lake [...] legte vor dem Washington Institute for Near East Policy [...]
die Zusammenhänge dar, die von den politischen Entscheidungsträgern der USA zwischen dem
Golfkrieg und dem Abkommen von Oslo gesehen wurden. Lake stellte klar, dass der Frieden zwischen
Israel und seinen arabischen Nachbarn ein bewaffneter Frieden bleiben müsse, um die so genannten
Schurkenstaaten Irak und Iran zu isolieren. Präsident Saddam Hussein müsse weiterhin von den
arabischen Regierungen geächtet werden, das strategische Bündnis des Iran mit Syrien solle
unterminiert werden. Man müsse außerdem eine israelisch-arabische Koalition gegen den
- 264 -
islamistischen Extremismus zustande bringen, der eine Bedrohung der US-amerikanischen
Interessen darstelle. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11)
L’EIR est préféré à l’ER pour deux types de raisons : soit le DR serait lu comme un DD
(premier extrait), soit le DR est stylistiquement inadéquat (deuxième extrait - l’ER ne
rendrait pas le DR indétectable en raison de la prospection que l’on attribue à l’énonciateur
cité).
[…] Der Ministerpräsident [erläutert] mit milder Nachsicht: „Man wirft uns vor, wir täten nichts, aber
man übersieht dabei unter anderem, dass wir eine neue Atmosphäre geschaffen haben, in der sich die
Chancen für die Festigung des Rechtsstaats und den Schutz der Rechte des Einzelnen und der
Bürgerrechte verbessern. [...]“
Ob er nicht bemerkt, wie die Enttäuschung in der Bevölkerung wächst? „Ich spüre die allgemeine
Ungeduld. [...]“
Welche Erklärung hat er dafür, als Führer einer bedeutenden Partei der Linken, dass sich in
den ärmsten Vierteln die Menschen nicht den Sozialisten, sondern den Islamisten zuwenden?
„Wir sind verbürgerlicht“, räumt Youssoufi ein. [...]“
Es war im Mai 1994 [...]. Tony Lake [...] legte vor dem Washington Institute for Near East Policy [...]
die Zusammenhänge dar, die von den politischen Entscheidungsträgern der USA zwischen dem
Golfkrieg und dem Abkommen von Oslo gesehen wurden. Lake stellte klar, dass der Frieden zwischen
Israel und seinen arabischen Nachbarn ein bewaffneter Frieden bleiben müsse, um die so genannten
Schurkenstaaten Irak und Iran zu isolieren. Präsident Saddam Hussein mußte weiterhin von den
arabischen Regierungen geächtet werden, das strategische Bündnis des Iran mit Syrien sollte
unterminiert werden. Man mußte außerdem eine israelisch-arabische Koalition gegen den
islamistischen Extremismus zustande bringen, der eine Bedrohung der US-amerikanischen
Interessen darstellte.
9.2.5 Le conditionnel
On observe, comme pour le DIL, deux types d’emploi du conditionnel, selon que celui-ci
véhicule une distanciation forte de la part du journaliste ou non.
(247) A défense des inégalités au sein de la société a été construite par différents courants idéologiques,
chacun apportant sa pierre à l'édifice. Elle s’articule autour de trois thèmes principaux.
L’égalité serait tout d’abord synonyme d’uniformité. L’inégalité est alors défendue au nom du droit à
la différence, au prix d'une double confusion, entre égalité et identité d’une part, entre inégalité et
différence de l’autre.
De surcroît, l’égalité serait synonyme d’inefficacité. En garantissant à chacun une égale
condition sociale, elle démotiverait les individus et ruinerait les bases de l’émulation et de la
concurrence. Elle serait donc contre-productive, tant pour l’individu que pour la collectivité.
Les inégalités profiteraient en définitive à tout le monde, aussi bien aux « perdants » qu’aux
« gagnants ». Telle est, par exemple, la position de Friedrich Hayek et de ses épigones. […]
Le discours inégalitariste se replie, en troisième lieu, sur son argument majeur : l’égalité serait
synonyme de contrainte, d’aliénation de la liberté, notamment en portant atteinte au « libre
fonctionnement du marché ». (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 32)
- 265 -
Zahlreiche ideologische Strömungen schwangen sich auf, die Ungleichheiten zu legitimieren, und jede
hatte ein Schärflein zur Demontage des Gleichheitsideals beizutragen. Dabei lassen sich drei
Hauptthemenfelder unterscheiden.
Im ersten Typus der Plädoyers für die soziale Ungleichheit wird Gleichheit vor allem als
Gleichförmigkeit kritisiert. Ungleichheit wird also im Namen des Rechts auf Differenz verteidigt,
freilich um den Preis einer doppelten Verwechslung- von Gleichheit mit Uniformität und von
Ungleichheit mit Differenz.
Außerdem sei Gleichheit gleichbedeutend mit Ineffizienz. Die Garantie gleicher sozialer
Lebensumstände wirke demotivierend, ruiniere die Grundlagen des Wettstreits und der
Konkurrenz und sei somit für den Einzelnen wie für die Gesellschaft kontraproduktiv. Dagegen
komme Ungleichheit, wie Friedrich A. Hayek und seine Epigonen behaupten, letzten Endes
allen zugute, den „Verlierern“ ebenso wie den „Gewinnern“. […]
Der dritte und wesentliche Strang der antiegalitaristischen Ideologie insinuiert, Gleichheit bedeute
Zwang und Verlust an Freiheit, sprich an „freier Marktwirtschaft“ [...]. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-09 : 32)
(248) […] il est toujours mal vu officiellement de dire que l’annulation des élections de décembre 1991
était en vérité celle d’un processus démocratique prometteur. L’armée ne serait intervenue que pour
sauver les institutions et la démocratie, avec le succès que l’on sait. (Le Monde diplomatique, 2000-
06 : 03)
Auf offizieller Seite wird immer noch übel vermerkt, wenn man sagt, dass mit der Annullierung der
zweiten Runde der Parlamentswahlen im Januar 1992 eine viel versprechende demokratische
Entwicklung annulliert wurde. Die Armee habe damals natürlich nur interveniert, um den Staat
und die Demokratie zu retten. Mit dem bekannten Erfolg. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-
06 : 03)
(249) Avi Shlaïm reprend la thèse qu’il avait développée dans l’un de ses ouvrages précédents, Collusion
across the Jordan : King Abdullah, the Zionist Movement and the partition of Palestine. La victoire
d’Israël en 1948 n’aurait pas été aussi décisive si l’Agence juive et le roi Abdallah n’avaient pas
procédé à un partage secret de la Palestine dès le 17 novembre 1947 et si, en dépit de son entrée
en guerre le 15 mai 1948, la Légion transjordanienne, seule armée arabe capable d’affronter
efficacement les forces juives, ne s’était pas cantonnée au territoire alloué à l'Etat arabe par le
plan de partage de l'ONU. (Le Monde diplomatique, 2000-08 : 31)
Avi Shlaïm wiederum greift eine These auf, die er in einem seiner früheren Bücher, „Collusion across
the Jordan: King Abdullah, the Zionist Movement and the Partition of Palestine“, brillant entwickelt
hatte: Israels Sieg von 1948 wäre nicht so entscheidend ausgefallen, hätten nicht die Jewish
Agency und König Abdallah seit dem 17. November 1947 insgeheim eine Teilung Palästinas in
die Wege geleitet und hätte sich nicht die transjordanische Legion - die einzige arabische Armee,
die imstande war, den israelischen Truppen wirksam entgegenzutreten - auf das im
Teilungsplan der UNO dem arabischen Staat eingeräumte Gebiet zurückgezogen. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-08 : 31)
- 266 -
L’emploi du conditionnel sans modalisation
Ce type d’emploi n’apparaît qu’une fois dans notre corpus, lorsque le conditionnel
d’hypothèse, au second plan d’énonciation, se mêle au conditionnel de report de discours, au
premier plan d’énonciation.
(250) CONTACTER les salariés par courrier électronique demeure le plus souvent assez risqué. Certaines
entreprises l’interdisent, d’autres ferment les yeux... jusqu’au moment où elles décident de fermer le
robinet. Quelques-unes ont même porté plainte. « Le manque de réglementation en la matière est
invraisemblable », s’insurge M. Lechat, qui, au nom de son syndicat, propose une nouvelle législation.
Les syndicats devraient avoir un libre accès au réseau interne et aux messageries et devraient
connaître la liste des adresses de diffusion pour l’ensemble des salariés. A charge, bien sûr, pour
eux, de limiter leurs envois afin de ne pas submerger les salariés de courriers électroniques.
Du reste, ces derniers eux-mêmes ne l’accepteraient pas. Quant à la confidentialité des messages
reçus et envoyés par les salariés, elle devrait être garantie, clairement inscrite dans le code du
travail. La décision du tribunal correctionnel de Paris, le 2 novembre 2000, est à marquer d’une pierre
blanche : pour la première fois, dans un jugement qui devrait faire jurisprudence, la justice affirme que
le courrier électronique sur le lieu de travail constitue bien une « correspondance privée ». (Le Monde
diplomatique, 2000-12 : 24)
IN den meisten Fällen ist die Information der Beschäftigten per E-Mail noch immer ein recht riskantes
Unterfangen. Manche Unternehmen verbieten es, andere schließen die Augen- bis zu dem Tag, an dem
sie den Zugang schließen. Einige zogen sogar vor Gericht. „Die Rechtsunsicherheit in diesem Bereich
ist einfach unglaublich“, empört sich Noël Lechat, der im Namen seiner Gewerkschaft eine gesetzliche
Regelung anregt. Die Gewerkschaften sollten freien Zugang zum Intranet haben und eine Liste
der unternehmensinternen E-Mail-Adressen aller Beschäftigten besitzen. Dabei läge es natürlich
in ihrer Verantwortung, die Zahl der Sendungen zu begrenzen, um die Beschäftigten nicht mit
E-Mails zu überschwemmen. Im Übrigen würden Letztere dies kaum akzeptieren.
Die Vertraulichkeit der empfangenen und abgesandten Nachrichten müsste eigentlich garantiert
und im Arbeitsrecht festgeschrieben sein. Im Kalender rot anzustreichen ist in dieser Hinsicht die
wegweisende Entscheidung des Pariser Tribunal Correctionnel vom 2. November 2000: Erstmals
befand ein Gericht, dass elektronische Post am Arbeitsplatz als „Privatkorrespondenz“ einzustufen ist.
(taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 : 24)
9.2.6 Autres
Les derniers types d’énoncés qui se situent à la source de l’EIR sont proches d’un discours
simple, d’un récit du journaliste. L’emploi de l’EIR dans le texte cible donne plus de
visibilité à l’énonciateur second que ne le fait le texte source.
Les énoncés sources sont d’abord de trois cas de discours avec des introducteurs de cadre de
discours, dont nous citons un exemple :
(251) DEPUIS le déclenchement de l’Intifada d’al-Aqsa, les médias israéliens se fondent sur les
affirmations des porte-parole militaires et civils. Alors que d’ordinaire ces informations sont plutôt
exactes et précises, cette fois-ci elles s’accompagnèrent d’inexactitudes, de mensonges et d’omissions.
Un exemple : ils laissèrent entendre aux journalistes que l’usage excessif de la force pour disperser les
manifestants se révélait nécessaire et justifié dans la mesure où des soldats et des civils israéliens se
trouvaient en danger. Ainsi le vendredi 29 septembre, lors de la prière à al-Aqsa, quand - selon
leur version - des jeunes surexcités jetèrent des pierres sur les juifs priant devant le mur des
Lamentations. (Le Monde diplomatique, 2000-11 : 12 ; 13)
- 267 -
Seit Beginn der „Al-Aksa-Intifada“ stützen sich die israelischen Medien auf die Verlautbarungen von
Armee- und Regierungssprechern. Doch diese Informationen, die üblicherweise zuverlässig und
präzise sind, strotzen nunmehr von Ungenauigkeiten, Unwahrheiten und Lücken. Zum Beispiel gab
man den Journalisten zu verstehen, das Übermaß an Gewalt bei der Auflösung der Demonstrationen
sei notwendig und gerechtfertigt gewesen, weil israelische Soldaten und Zivilisten gefährdet gewesen
seien: Angeblich hätten aufgebrachte Jugendliche am 29. September während des Freitagsgebets
in der Al-Aksa-Moschee jüdische Gläubige, die an der Klagemauer beteten, mit Steinen
beworfen. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-11 : 12 ; 13) 192
(252) Cette affirmation est abondamment illustrée au fil des pages, en particulier pour contredire l’argument
selon lequel les organismes génétiquement modifiés (OGM) pourraient diminuer la biodiversité : le
rapport voit dans cette position « une certaine charge idéologique » et souligne que « l’émergence
du sida est une manifestation de la biodiversité ». (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 1 ; 26 ; 27)
Die folgenden Seiten des Berichts veranschaulichen diese Einsicht insbesondere durch die
Gegenargumente, die die Autoren wider die Ansicht vorbringen, genetisch veränderte Lebewesen
könnten die biologische Vielfalt beeinträchtigen: Solche Mutmaßungen seien „ideologisch
aufgeladen“, schließlich sei „die Entstehung von Aids eine Manifestation von Biodiversität“. (taz,
dans Le Monde diplomatique, 2000-09 : 1 ; 26 ; 27)
La prédication dans le texte français attribue à une personne une certaine croyance. Le
contexte (« au fil des pages ») et l’emploi de guillemets de modalisation autonymique (une
certaine charge idéologique) nous renseignent sur le fait que celle-ci a été verbalisée. L’EIR
est équivalent au segment source en cela qu’il explicite dans l’énoncé même la profération
de l’opinion représentée.
Enfin, deux occurrences sont des cas pour lesquels le traducteur allemand a décelé un DR là
où le texte source ne donne pas d’indications probantes sur la présence d’un DR :
(253) Amnesty International a examiné plusieurs aspects de la campagne, incluant neuf attaques spécifiques
au cours desquelles des civils furent tués et où le droit de la guerre a pu être ou a été violé. Elle n’a
pas eu les moyens d’analyser d’autres attaques comme celle des ponts de Novi Sad, peut-être
illégale même si aucun civil ne semble avoir été tué ; elle n’est pas non plus en mesure d’évaluer
l’impact global des bombardements sur la population civile. Sur la base de faits disponibles,
principalement les déclarations publiques de l’OTAN, et de discussions avec des officiels de haut rang
de l’Alliance à Bruxelles en février 2000, il apparaît que l’OTAN n’a pas toujours respecté ses
obligations légales concernant le choix des cibles et des méthodes et moyens de combat. (Le Monde
diplomatique, 2000-07 : 1 ; 18 ; 19)
In seiner Untersuchung setzt sich amnesty international mit verschiedenen Aspekten der
Bombardierungen auseinander, unter anderem auch mit den neun Angriffsaktionen, bei denen
Zivilpersonen umkamen und womöglich gegen das Kriegsrecht verstoßen wurde. Es übersteige die
Möglichkeiten von amnesty, Angriffe (wie den auf die Brücke von Novi Sad) zu untersuchen, die
vielleicht illegal waren, dem aber offenbar keine Zivilisten zum Opfer fielen. Desgleichen sei
amnesty außerstande, die globalen Auswirkungen der Bombardierungen auf die
192
La présence de l’adverbe modalisateur « angeblich » dans le texte cible remonte à la modalisation que
suggère la mise en incise de « selon x ».
- 268 -
Zivilbevölkerung zu beurteilen. Aus den vorliegenden Fakten, die in erster Linie auf den
öffentlichen Nato-Erklärungen und auf Diskussionen mit hochrangigen Nato-Vertretern in Brüssel
vom Februar 2000 beruhen, geht deutlich hervor, dass bei der Wahl der Angriffsziele und der
Kampfmethoden nicht immer die gesetzlichen Verpflichtungen eingehalten wurden. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-07 : 1 ; 18 ; 19)
Nous considérons ici que le choix d’un EIR relève d’une interprétation critiquable du texte
source.
9.2.7 Bilan
Les hypothèses de travail que nous avions formulées sur la spécificité du corpus
journalistique ont été validées par deux éléments : notre analyse a vérifié l’inadéquation
globale de l’erlebte Rede pour traduire le DIL et a révélé que la part de traduction réalisée à
partir de discours introduits (DN, DI régi et DD introduit, 36,37 %) est sensiblement
supérieure à la proportion observable dans les corpus littéraires.
Pour analyser l’équivalence de l’EIR avec les formes du français dans le discours
journalistique, nous avions retenu comme paramètre d’invariance la fonction spécifique que
remplit l’EIR dans le discours journalistique, celle de réaliser un discours neutre et distancié.
Nous constatons que le choix de l’EIR dans le texte cible apporte un ton plus distancié que le
DI avec incise, le DD (introduit ou non), l’îlot textuel, le DIL, le conditionnel, et un ton plus
neutre et factuel que le DI introduit, le DD introduit et le DN.
Toutes ces traductions sont-elles adéquates ? Nous devons d’abord rappeler que l’évaluation
des procédés de traduction ne se fait pas sur les mêmes critères que ceux adoptés pour
l’évaluation des textes non journalistiques.
- Il apparaît qu’entre un DI régi, un DN, un DD (régi ou non) dans le texte source et un
EIR dans le texte cible, une grande équivalence se réalise sur le plan discursif : l’EIR
substitue à un contrat de lecture entre le journaliste et le lecteur un autre type de
contrat, mais le contrat de lecture reste formulé en des termes qui sont propres au
discours journalistique.
- Entre un DIL ou un conditionnel dans le texte source et un EIR dans le texte cible,
l’équivalence est entière lorsque la voix de l’énonciateur premier ne trahit pas de
distance critique ; en revanche, l’EIR se révèle inapte à véhiculer une modalisation
critique, et doit être accompagné d’éléments qui assurent le transfert de cette
- 269 -
modalisation (dans notre corpus, il s’agit d’adverbes).
- Enfin, pour les énoncés sources proches du récit, la traduction par un EIR représente
une explicitation légitime dans la majorité des cas et n’aboutit à une non-équivalence
que dans deux cas.
Bien que Le Monde diplomatique et la taz soient tous deux des journaux engagés, on observe
dans l’écriture journalistique allemande une attitude plus neutre, distanciée et factuelle.
L’approfondissement de la comparaison des discours journalistiques demande d’une part
l’élargissement du corpus vers d’autres journaux, d’autre part la prise en compte d’autres DR
sources que l’EIR, et enfin l’application d’une méthodologie complémentaire fondée sur un
corpus parallèle (cf. Münchow 2001).
- 270 -
10 Bilan de l’analyse traductologique des genres indirects sans introduction
L’analyse traductologique des trois genres indirects sans introduction avait un double
objectif :
a) Il s’agissait d’approfondir la relation entre l’einführungslose indirekte Rede, l’erlebte
Rede et le discours indirect libre, trois genres proches sur le plan contrastif.
b) Il s’agissait également de montrer que l’analyse de la traduction de chacune des trois
formes de DR ne suppose pas nécessairement la prise en compte des deux autres.
a1) Dans les parties 8.1 et 9.1, nous avons rappelé le cadre général de l’équivalence entre
l’EIR, l’ER et le DIL 193. L’EIR apparaît comme l’équivalent général du DIL proféré dans les
deux sens de traduction. De plus, dans le sens de traduction français-allemand, il est
l’équivalent du DIL au titre d’alternative à l’ER lorsque ce dernier conduirait à obscurcir le
DIL.
a2) Dans les parties 8.1.1 et 8.1.2, nous avons approfondi la question de l’équivalence entre
le DIL et l’ER. La question soulevée par l’analyse contrastive et dont rendait compte
l’intuition de quelques auteurs (Lips 1926, Günther 1928, Gehnen et Kleineidam 1988) était
celle d’une non-adéquation traductologique entre l’ER et le DIL en raison de la visibilité
moins grande de l’ER dans les textes allemands comparé au DIL dans les textes français.
L’analyse contrastive avait conclu que l’ER se confond plus avec le cadre narratif que ne le
fait le DIL pour trois raisons 194 :
- Le Präteritum neutralise l’opposition aspectuelle de l’imparfait et du passé simple.
L’ER n’est donc pas énoncé dans un temps dont l’aspect coïncide avec la
représentation dynamique d’un discours, à la différence de l’imparfait du DIL, qui
livre une représentation ouverte du procès et semble donner accès au discours dans sa
linéarité, en train de se produire ;
- étant dans le système de la langue en opposition avec l’EIR, le caractère de genre
interprétatif de l’ER est accru ;
- l’erlebte Rede est construit sur le schéma de concordance de temps, ce qui en fait un
193
Steinberg (1971) et Zuschlag (2001 : 191) montrent comment l’emploi parallèle de l’EIR et l’ER permet de
structurer le texte, soit en différenciant les pensées des paroles rapportées, soit en organisant le texte en
fonction des personnages ou des propos. Ils montrent également que cette possibilité disparaît avec la
traduction de l’EIR et de l’ER par un DIL.
194
Notre analyse ne vaut que pour les récits au passé et demande à être élargie aux autres temps de la narration.
- 271 -
mode de discours marginal dans le système du DR allemand. Cette marginalité
affaiblit sa visibilité dans les textes.
a3) La partie 9.1.1 a montré que l’EIR est l’équivalent adéquat du DIL-source lorsque le
choix de l’ER conduit à une propagation du discours rapporté. La non-adéquation de l’ER et,
par conséquent, l’équivalence exclusive entre le DIL et l’EIR, reposent sur l’absence en
allemand de l’opposition aspectuelle passé simple/imparfait.
a6) La partie 9.1.4 était consacrée à la traduction de l’EIR source dans des registres
substandards et des situations de discours orales, d’où l’ER est quasiment exclu. Nous avons
montré que si le DIL n’est pas un équivalent de l’EIR aussi fréquent que dans les registres
soutenus, il est néanmoins employé dans le texte cible de manière significative. Le corpus a
révélé qu’un autre paramètre, celui de la personne, est susceptible de rendre la traduction
d’un EIR par un DIL inadéquate.
b) Certaines équivalences ne s’analysent pas dans le cadre formé par l’ER, l’EIR et le DIL.
b1) La traduction du discours indirect libre embryonnaire (8.2) pose un problème dont la
réponse ne s’énonce pas dans les termes d’une alternative entre un genre explicite, l’EIR, et
- 272 -
un genre interprétatif, l’ER. L’EIR est, par définition, inapte à représenter le phénomène
d’un discours émergent, et l’ER donne plus de présence à l’énonciateur second qu’il n’en a
dans le texte source et dénature le phénomène. L’enjeu de la traduction est ici la
conservation d’un degré particulier de discursivité dans la représentation du point de vue
d’autrui.
Nous avons précisé pourquoi nous ne voyons pas dans les formes repérées dans Madame
Bovary des DIL, car cela serait une extension du PDV qui au final gommerait les spécificités
du DIL. Le fait que l’énonciateur-narrateur ne reproduise pas des paroles mais parle avec des
mots qui sont proches de ceux qu’emploierait l’énonciateur-personnage est ce qui différencie
le DIL embryonnaire du DIL. Le narrateur décrit dans son discours des impressions, des
perceptions, des sentiments, des croyances, … sans pour autant représenter de discours
second.
b2) Le corpus de textes journalistiques de la partie 9.2 a montré que l’EIR ne s’analyse pas
ici comme une alternative discursive de l’ER, mais comme un mode de DR spécifique du
genre de discours journalistique. Le DIL n’est pas exclu du discours journalistique (et il est
par ailleurs plus présent que ne l’est l’ER), mais sa fonction est autre que dans le texte
fictionnel, ce qui explique son faible taux d’équivalence avec l’EIR. En vertu des paramètres
du genre discursif, l’équivalence entre l’EIR et le français est tout autre que dans un corpus
littéraire.
En conclusion, nous résumons dans les trois tableaux suivants les paramètres de
l’équivalence de chacun des trois genres indirects sans introduction.
- 273 -
Equivalence de l’einführungslose indirekte Rede et des genres indirects et autres formes de reprise du français
DIL DI DN Description Conditionnel Introducteur de Ilot textuel
d’attitude cadre de discours
propositionnelle
Adéquation Absence de Invariance Absence de Absence de Absence de
description de l’acte discursive dans les description de l’acte description de description de l’acte
illocutoire second textes illocutoire second l’acte illocutoire illocutoire second
journalistiques second
Hybridité Invariance Invariance
discursive dans les discursive dans les
textes textes
journalistiques journalistiques
Conservation des
marques de
subjectivité
Risque de non Non-reconnaissance Amoindrissement Amoindrissement Discours Modalisation Modalisation
adéquation du DR des marques de des marques de uniquement
subjectivité subjectivité potentiel
Transformation Ajout d’une Ajout d’une
d’un EIR partiel en description de l’acte description de l’acte
présupposition de illocutoire second illocutoire second
l’énonciateur
premier
Effet discursif Accumulation de
particulier lié à la subordonnants
première personne
- 274 -
Equivalence de l’erlebte Rede et des genres indirects et autres formes de reprise du français
DIL DI DN Description d’attitude
propositionnelle
Adéquation Absence de description de l’acte Si l’ER est associé à un registre
illocutoire second soutenu, le registre peut être
marqué par le choix du verbe ou
l’imp. du subj. dans la
concordance des temps
Hybridité
- 275 -
Equivalence du discours indirect libre et des genres indirects de l’allemand
ER EIR DI DN Description d’attitude
propositionnelle
Adéquation Absence de description de Absence de description de
l’acte illocutoire second l’acte illocutoire second
Hybridité Hybridité
- 276 -
Conclusion
La première section était en premier lieu consacrée à la définition de notre objet d’études et à
la délimitation des formes qui s’y rattachent. Nous avons rappelé que le discours rapporté est
le report non pas d’énoncés, mais d’actes d’énonciation. Le discours rapporté est une
représentation dans une situation d’énonciation d’une autre situation d’énonciation. En tant
que phénomène métaénonciatif, ses traits définitoires sont énonciatifs et textuels :
a) la présence d’un discours premier ;
b) l’inscription de la subjectivité déictique et appréciative de l’énonciateur second dans le
texte.
A ces traits fondamentaux du discours rapporté peuvent s’ajouter des traits variables, qui soit
servent à délimiter un genre de discours rapporté, soit, comme les signes typographiques,
s’adjoignent aux traits délimitatifs :
c) la transposition des déictiques ;
d) le mode verbal, en allemand, le temps verbal, en français ;
e) le discours introducteur ;
f) les signes typographiques.
Le discours rapporté se décrit de manière fondamentale par le type de relation entre les deux
énonciateurs : soit l’énonciateur premier filtre le discours second, auquel cas il se place dans
un mode indirect, soit l’énonciateur se fait le porte-voix de l’énonciateur second et livre le
discours second au mode direct. En outre, une différence sémantique structure le champ du
discours rapporté : certaines formes sont des formes interprétatives, voir ambivalentes ou
ambiguës, tandis que d’autres sont marquées ou surmarquées.
Par ailleurs, dans chacune des langues étudiées, le discours rapporté est marqué par des
variations qui traversent toute langue :
1) diachroniques, comme la différence entre le discours indirect elliptique et le discours
indirect libre ;
2) diaphasiques, comme la différence entre l’indirekte Rede au Konjunktiv I d’une part et
l’indirekte Rede au Konjunktiv II ou à l’Indikativ d’autre part, ou comme la corrélation entre
un type de discours rapporté et un genre de discours (l’einführungslose indirekte Rede et le
discours de presse, dans lequel l’erlebte Rede occupe une place marginale).
- 277 -
Dans un deuxième temps, nous avons délimité le cadre d’analyse contrastif et
traductologique dans lequel nous avons choisi d’étudier le discours rapporté. Nous avons
rappelé que la description contrastive est un des piliers de l’analyse traductologique et que la
visée de celle-ci est d’étudier l’équivalence entre des textes. Nous avons également précisé
notre acception du terme d’équivalence et les objectifs de notre travail traductologique,
marqué par un double mouvement descriptif et prospectif, portant sur le traduit et le traduire.
L’approche descriptive a permis de saisir les possibilités, les réalités, mais également les
difficultés et les limites de l’équivalence. Elle a nourri le versant prospectif dans lequel nous
avons formulé quelques régularités, nuancé certaines relations déjà formulées, et cerné des
objets méritant un approfondissement. Deux exemples rappelleront notre démarche. Un
premier exemple est le constat que nous avons fait d’une équivalence fréquente entre
l’einführungslose indirekte Rede et des discours rapportés autres que des discours indirects
libres dans les textes de presse. Cette description des réalités traductologiques nous a ensuite
amenée à nous interroger sur l’adéquation de cette relation. En analysant l’équivalence avec
des paramètres discursifs, il est apparu que l’einführungslose indirekte Rede peut entrer de
manière régulière dans une relation d’équivalence avec d’autres genres que le discours
indirect libre. Un deuxième exemple est celui de la traduction des discours indirects libres
embryonnaires. Nous avons conclu à l’inadéquation des traductions proposées dans notre
corpus et nous nous sommes interrogée sur les alternatives qui permettraient de lever les
obstacles observés.
- 278 -
d’asseoir en français la forme polyphonique du discours indirect libre » (ibid.) et cite pour le
couple français-allemand Simonin (1984), auquel nous ajouterons Steinberg (1971).
L’explication selon nous réside dans la méthodologie des travaux comparatistes – et
traductologiques : la recherche de traits servant de tertium comparationis et d’invariants en
traduction rend particulièrement attentif à la mosaïque des voix présente dans les formes
libres et interprétatives de discours rapporté.
- troisièmement, « cette diversité langagière a permis, notamment par les problèmes de
traduction posés par le passage du modèle normatif d’une langue à l’autre, d’appréhender les
formes ‘mixtes’ » (ibid.). Par formes mixtes, l’auteur entend les formes autres que les
catégories traditionnelles, notamment le discours indirect avec guillemets ou le discours
direct avec subordonnant. Comme pour le deuxième point, nous pensons que l’approche de
la linguistique contrastive et de la traduction permet de se distancier d’une description
exclusivement catégorielle et ethnocentriste et de mettre au jour les combinaisons de traits
réalisant les différentes formes de discours rapporté. Puisque la recherche d’invariance
s’attache non pas aux formes mais aux traits énonciatifs qui composent le discours rapporté,
elle rend visible le continuum des marques et indices du discours rapporté.
Après avoir indiqué quels sont les objectifs et la méthodologie d’une étude contrastive et
traductologique, nous avons ensuite dressé un tableau contrastif global du discours rapporté.
Le mode direct est construit à l’identique dans les deux langues. Il pose néanmoins des
problèmes aigus de traduction (qui rappellent qu’une analyse traductologique dépasse sa
base contrastive), qui ne sont pas en relation avec sa construction énonciative, mais avec sa
visée discursive imitative et son fonctionnement sémiotique. L’enjeu et la difficulté de la
traduction est de conserver dans la traduction la fonction symptomatique d’un discours direct
lorsqu’il renvoie dans le texte source à un groupe sociolectal ou dialectal. Le mode indirect
connaît des différences importantes à divers niveaux : la subordination, l’intégration de la
subjectivité de l’énonciateur second, la modalisation de l’énonciateur premier, la proximité
de l’énonciateur premier avec le point de vue représenté. Nous avons complété l’analyse des
deux modes par celle des séquences introductrices, en privilégiant la problématique de la
relation entre les énonciateurs.
Dans la dernière section, la partie consacrée à l’étude des séquences introductrices était axée
sur les relations entre l’effacement énonciatif et l’ethos discursif. Les parties suivantes
étaient complémentaires, puisqu’elles abordaient la traduction des discours indirects non
- 279 -
introduits. Nous avons montré les différentes facettes de l’équivalence entre
l’einführungslose indirekte Rede, l’erlebte Rede et le discours indirect libre et exploré les
formes de discours indirect libre embryonnaire. Nous avons également pu conclure sur le
rôle important du genre discursif : si les textes fictionnels révèlent que l’erlebte Rede, le
discours indirect libre et l’einführungslose indirekte Rede sont des partenaires privilégiés de
l’équivalence, les textes de presse placent l’einführungslose indirekte Rede dans une toute
autre configuration traductologique.
- 280 -
sur le discours indirect libre embryonnaire français et sur le caractère très interprétatif de
l’erlebte Rede peuvent être étayées par des rétro-traductions réalisées par des locuteurs
natifs. En second lieu, l’exploration d’un corpus journalistique traduit profiterait des résultats
tirés d’un corpus journalistique parallèle. Nous terminerons en rappelant que l’axe
diachronique est également à approfondir. Les premières observations faites par Kullmann
(1992a) et Albrecht (1999) aboutissent à des conclusions inverses. A partir d’un corpus
formé par plusieurs traductions de Madame Bovary, Kullmann constate qu’à la fin du 19ème
siècle, le discours indirect libre était majoritairement traduit par un erlebte Rede.
L’explication, selon l’auteur, réside dans le fait que les traductions allemandes de cette
époque sont fortement influencées par l’essor que connaît l’erlebte Rede dans la littérature
allemande (1992 : 332). Les analyses d’Albrecht, réalisées à partir de plusieurs traductions
allemandes de L’assommoir, donnent une image opposée : L’erlebte Rede s’impose
progressivement comme traduction du discours indirect libre et supplante l’einführungslose
indirekte Rede (1999 : 15ss).
Nous voyons que l’analyse des traductions doit prendre en compte le métadiscours
linguistique (dans ce cas, plus précisément, l’intérêt que suscite l’erlebte Rede) et la
production de la littérature cible, tous deux susceptibles d’intervenir dans les choix des
traducteurs. La traduction du discours indirect libre, un phénomène majeur de la littérature
du 20ème siècle et dont les manifestations orales restent mal connues, rappelle la complexité
et la richesse de l’équivalence traductologique.
- 281 -
Bibliographie
I Sources du corpus
Les textes numérisés et mis à notre disposition par le GLFA (Groupe de Lexicographie
français-allemand), notre équipe d’accueil au sein du laboratoire de l’ATILF (Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française, UMR 7118, Université Nancy 2 / CNRS),
sont accompagnés d’un astérisque. Les œuvres d’un même auteur sont classées par ordre
alphabétique, et les traductions d’une même œuvre sont classés par ordre alphabétique du
nom du traducteur.
Traduction française par Stefan Kaempfer, Café turc. Paris : Fayard, 1992. (*)
Traduction française par Stefan Kaempfer, Bonne fête, le Turc !. Paris : Fayard, 1992. (*)
Traduction allemande par Leo von Meyenburg, Das Feuer. Zürich : Europäische Bücher,
1930. (*)
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Traduction française par Albert Kohn, Le souffle. Une décision. In : L’origine. La cave.
Le souffle. Le froid. Un enfant. Paris : Gallimard : 1990 (Traduction initialement parue en
1983 aux éditions Gallimard).
Traduction allemande par Irène Kuhn, … und dann noch grüne Haare!. Frankfurt a.M. :
Ullstein, 1988. (*)
Traduction allemande par Georg Goyert et Hans-Georg Brenner, Der Fremde. Reinbek
bei Hamburg, Rowohlt, 1961 (Traduction initialement parue en 1957 aux éditions Karl
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Traduction allemande par Uli Aumüller, Der Fremde. Reinbek : Rowohlt, 1994.
Die Zeit
www.zeit.de
Traduction allemande par Michael Mosblech, Betty Blue. 37,2° am Morgen. Zürich :
Diogenes, 1988. (*)
Traduction allemande par Paul Wiegler, Lehrjahre des Gefühls. Sans lieu : Insel, 1977.
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Traduction allemande par Eric Rheinhardt, revue par U. Haffmans, Die Erziehung des
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Herzens. Zürich : Diogenes, 1979. (*)
Traduction allemande par Walter Widmer, Madame Bovary. München : DTV, 1985. (*)
Traduction allemande par René Schickelé et Irene Riesen, Madame Bovary. Zurich :
Diogenes, 1979. (*)
Traduction française par Juliette Pary, Le loup des steppes. Paris : Laffont, 1993.
Traduction française par Albert Béguin, Le chat Murr. Paris : Gallimard, 1943.
Traduction française par Madeleine Laval, Le chat Murr. Paris : Phébus, 1988.
Traduction française par Bernard Lortholary, Infanta. Paris : Gallimard, 1992. (*)
Le Monde
www.lemonde.fr
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Le Monde diplomatique
Edité sur CD-Rom, avec les éditions étrangères. (*)
LEVY Bernard-Henri, Réflexions sur la Guerre, le Mal et la fin de l’Histoire précédé de Les
Damnés de la guerre
Paris : Grasset, 2001.
Traduction de Paul Budry, Sujet !. Paris : Editions KRA, 1928. (Traduction reprise sous
le titre Le sujet !, Paris : Grasset, 1999).
Traduction de Axel Nesme et Edoardo Costadura, La mort à Venise. Paris : Fayard, 1989.
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Traduction allemande par Levin Schücking, révisée par Konrad Wolter et Hans
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Traduction allemande par Alfred Semerau, revue par Dietrich Leu, Die Bekenntnisse.
München : Winkler Verlag, 1978. (Traduction reprise aux éditions Buch Club Ex Libris,
Zurich, 1989)
Traduction allemande par Martin Ziegler, revue par Olivier Mannoni, Brouillard sur
Mannheim. Paris : Gallimard, 1997. (*)
Traduction française par Bernard Lortholary, Le parfum. Histoire d’un meurtrier. Paris :
Fayard, 1986. (*)
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Ci-dit
« Ci-dit est un groupe de recherche international et interdisciplinaire visant à articuler
l’histoire, les théories et les pratiques du discours rapporté. » Membres fondateurs :
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Annexes
I Corpus traduit de so N
Glose
Nichts anderes geschah, als „Spekulanten“ (so C’est exactement ce qui s’est passé lorsque des
Finanzminister Theo Waigel) in den Jahren 1992/93 « spéculateurs » (c’est le terme qu’utilisa le ministre
das Europäische Währungssystem (EWS) aus den des Finances allemand, Theo Waigel) firent éclater
Angeln hoben. (Martin und Schumann, Die le Système monétaire européen (SME), au cours des
Globalisierungsfalle : 84) années 1992-1993. (Mannoni : 79)
Die „Revolution bei Ford“, so das Wirtschaftsblatt La « révolution Ford », comme l’a appelée le
The Economist, folgt nicht etwa dem Druck einer magazine The Economist, n’est pas la réponse à une
finanziellen Krise. (Martin und Schumann, Die quelconque pression née d’une crise économique.
Globalisierungsfalle : 138) (Mannoni : 130)
Immer häufiger reflektieren sie im kleinen Kreis und En comité restreint, parmi leurs intimes, ils
unter Vertrauten über die unkalkulierbaren Risiken, réfléchissent de plus en plus souvent aux risques
die sie im neuen globalen „Casino-Kapitalismus“ (so incalculables que l’on prend dans ce « capitalisme de
die britische Ökonomin Susan Strange) eingehen casino » (l’expression est de l’économiste
[...]. (Martin und Schumann, Die britannique Susan Strange). (Mannoni : 250)
Globalisierungsfalle : 266)
Horgans Vorsprung war auf fünf zu vier geschmolzen, L’avance de Horgan n’était plus que de cinq à quatre,
bei Einstand im zehnten Spiel. Doch mit einem et c’était l’égalité dans le dixième jeu. En accrochant
Netzroller, wie sein Gegner bemerkte, holte er sich le filet, comme le fit remarquer son adversaire, il
- 310 -
den Matchball, und mit einem traumhaften Stop, so parvint à la balle de match, qu’il remporta par une
Horgan selbst, entschied er auch diese Partie für sich. balle coupée que Horgan n’hésita pas à qualifier
(Kirchhoff, Infanta : 407) lui-même de superbe. (Lortholary : 410-411)
L’Europe, selon ce texte, aurait besoin de 700 millions Glaubt man den Berichterstattern der UNO, so braucht
d’immigrants pour les cinquante années à venir [...]. Europa in den kommenden fünfzig Jahren insgesamt
Le propos n’est pas ici de commenter ces chiffres 700 Millionen Zuwanderer. [...] Wir wollen uns hier
« extravagants(4) » [...], mais d’examiner l’étrange nicht mit diesen „extravaganten“(4) Zahlen
courant qui porte et diffuse de semblables calculs. auseinandersetzen [...], sondern die merkwürdige
(4) Le terme est emprunté à l’analyse d’Henri Stimmung in Augenschein nehmen, von der solche
Leridon dans le bulletin mensuel de l’Institut Berechnungen getragen werden.
national d’études démographiques (INED), (4) So Henri Leridon im monatlichen
Populations et sociétés, n° 358, juin 2000. [...] (Le Mitteilungsblatt des Institut National d’Études
Monde diplomatique, 2000-11 : 6 ; 7) Démographiques (INED), Populations et sociétés
358. (taz, dans Le Monde diplomatique 2000-11 : 6 ;
7)
Aber ich dachte falsch, und was er in der nächsten Mais le récit qu’il me fit dans la demi-heure suivante
halben Stunde durchs Büro tappend erzählte, war auf en titubant à travers mon bureau allait me montrer que
den Punkt gebracht folgendes: Weidenbusch hatte Sri je n’y étais pas. En résumé : Weidenbusch avait
Dao, so hieß die Freundin, für fünftausend Mark racheté Sri Dao - le nom de sa copine - pour cinq mille
freigekauft [...]. Nach den Flittertagen fingen sie an zu marks [...]. Après leur lune de miel, les deux
überlegen, was weiter geschehen sollte. Sri Daos tourtereaux s’interrogèrent sur la suite des
Aufenthaltsgenehmigung würde in drei Wochen événements. Le permis de séjour de Sri Dao allait
ablaufen, und sie hatte weder Geld noch Lust, nach expirer dans trois semaines et elle n’avait ni l’envie de
Thailand zurückzufliegen. Ein Asylantrag mochte retourner en Thaïlande ni l’argent pour le faire. Une
Aufschub bedeuten, wäre aber mit hundertprozentiger demande d'asile aurait retardé l’échéance, mais allait
Sicherheit abgelehnt worden; heiraten, so être refusée à coup sûr. D’après Weidenbusch, aucun
Weidenbusch, wollten beide nicht. […] [D]as des deux n’était tenté par le mariage. […] [L]e permis
vorgeschriebene Abreisedatum war bereits um einige était périmé depuis quelques jours déjà, lorsqu’ils
Tage überschritten, als sie in eine Paßkontrolle furent pris dans un contrôle d'identité. (Kaempfer : 17-
gerieten. (Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 14) 18)
Er hörte den Jeep. Doch niemand erschien; Dalla Il entendit la jeep. Mais personne ne se montra; Dalla
Rosa, Butterworth und Pacquin gingen sofort in die Rosa, Butterworth et Pacquin se rendirent
Kammern. [...] Aber weshalb legte sich Butterworth immédiatement dans leurs chambres. [...] Mais
hin? Notierte er wieder? Er schreibe wohl an einem pourquoi Butterworth voulait-il s’étendre ? Prenait-il à
Brief-Roman, so McEllis. Horgan bezweifelte das. nouveau des notes ? Il écrivait une lettre qui était un
(Kirchhoff, Infanta : 222) véritable roman, d’après McEllis. Horgan en doutait.
(Lortholary : 223)
Pour M. Richard Lim, vice-amiral de la marine de la „Das einzige Mittel, diese Art von Kriminalität
République de Singapour, « le seul moyen de lutter effizient zu bekämpfen“, so Richard Lim,
efficacement contre ce type de criminalité serait Vizeadmiral der Marine der Republik Singapur,
d’interpeller les pirates dans leurs bastions […] ». (Le „wäre, die Piraten in ihren Bastionen zu überprüfen
Monde diplomatique, 2000-06 : 6) [...]“ (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-06 : 6)
Er war jetzt schon über eine Woche im Krankenhaus, Il était à présent à l’hôpital depuis déjà plus d’une
und die Untersuchungen, denen er sich in dieser Zeit semaine et les examens auxquels il avait dû se
hatte unterziehen müssen, hatten noch kein Ergebnis soumettre durant ce temps n’avaient encore donné
gebracht. Möglicherweise sei das Ganze, so er, ein aucun résultat. Il se pouvait que tout cela, selon lui,
falscher Alarm gewesen, und er könne in der kürzesten n’eût été qu’une fausse alerte et qu’il pourrait rentrer
Zeit wieder nach Hause gehen. Er fühle sich überhaupt chez lui dans le plus bref délai. Il ne se sentait
nicht krank. Der Verdacht des Arztes werde sich absolument pas malade. Le soupçon du médecin se
wahrscheinlich als unbegründet herausstellen. Er révélerait vraisemblablement mal fondé. Il ne
rechne nur mit ein paar weiteren Tagen prévoyait que quelques jours supplémentaires de
- 311 -
Krankenhausaufenthalt. Ihm selbst war der Gedanke séjour à l’hôpital. A lui-même une idée était venue : le
gekommen, ob nicht die Tatsache, daß er das fait qu’il avait été en consultation à l’hôpital n’avait-il
Krankenhaus aufgesucht habe, für mich den pas signifié pour moi une nouvelle apparition de ma
neuerlichen Ausbruch meiner schon, so er, längst maladie déjà, selon lui, depuis longtemps oubliée ? Il
vergessenen Krankheit bedeutet habe, diese ne fallait pas, selon lui, exclure cette possibilité, en
Möglichkeit, so er, sei nicht auszuschließen, ein tout cas il existait une solidarité entre sa maladie et la
Zusammenhang zwischen seiner und meiner Krankheit mienne […]. (Kohn : 241)
bestehe in jedem Fall [...]. (Bernhard, Der Atem : 54)
Die Bezeichnung Sterbezimmer für den seiner Il entendait avec plaisir qualifier de mouroir la salle
Meinung nach architektonisch ebenmäßigen, dem commune, d’une architecture harmonieuse à son avis,
ganzen, so er, herrlichen Gebäude Fischer von Erlachs conforme à tout le bâtiment, magnifique selon lui, de
entsprechenden Krankensaal gefiel ihm. (Bernhard, Fischer von Erlach. (Kohn : 242)
Der Atem : 55)
Dieser Krankenhausaufenthalt sei ihm urplötzlich [...] Ce séjour à l’hôpital lui était apparu tout à fait
als eine unumgängliche Notwendigkeit erschienen, er soudainement comme une nécessité inévitable […] ;
sei hier im Krankenhaus, in dem, so er, zu ici, à l’hôpital, dans ce district de la souffrance incitant
lebenswichtigen und existenzentscheidenden carrément, selon lui, à avoir des pensées d’une
Gedanken geradezu herausfordernden Leidensbezirk importance vitale et qui décident de l’existence, il en
zu einem grundlegenden Überdenken seiner und auch était arrivé à une réflexion fondamentale sur sa
meiner Situation gekommen. (Bernhard, Der Atem : situation et aussi sur la mienne. (Kohn : 244)
59)
Der Künstler, insbesondere der Schriftsteller, hatte ich L’artiste, l’écrivain en particulier, lui avais-je entendu
von ihm gehört, sei geradezu verpflichtet, von Zeit zu dire, a carrément l’obligation d’aller de temps en
Zeit ein Krankenhaus aufzusuchen, gleich, ob dieses temps dans un hôpital, peu importe que cet hôpital soit
Krankenhaus nun ein Krankenhaus sei oder ein un hôpital, une prison ou un monastère. […] Cet
Gefängnis oder ein Klöster. [...] Dieses Krankenhaus, hôpital, selon mon grand-père, peut être un hôpital
so mein Großvater, kann ein künstlich geschaffenes créé artificiellement et la maladie ou les maladies qui
Krankenhaus sein, und die Krankheit oder die rendent possible ce séjour à l’hôpital peuvent être des
Krankheiten, die diesen Krankenhausaufenthalt maladies tout à fait artificielles mais il faut qu’elles
ermöglichen, können durchaus künstliche Krankheiten soient là où il faut qu’on les produise et il faut toujours
sein, aber sie müssen da sein oder müssen erzeugt und les produire dans toutes les conditions, à certains
müssen immer unter allen Umständen in gewissen intervalles. […] Dans ce district de la pensée, nous
Abständen erzeugt werden. [...] Und in diesem atteignons ce que nous ne pouvons jamais atteindre
Denkbezirk ist es uns möglich, zu dem Bewußtsein zu hors de celui-ci : la conscience de nous-mêmes et la
kommen, das uns außerhalb dieses Denkbezirkes conscience de tout ce qui est. Il se pouvait, selon mon
unmöglich ist. In diesem Denkbezirk erreichen wir, grand-père, qu’il ait inventé sa maladie pour arriver
was wir außerhalb niemals erreichen können, das dans le district de la pensée où s’élabore la conscience,
Selbstbewußtsein und das Bewußtsein alles dessen, ainsi désignait-il ce district. Il était bien possible que
das ist. Es könne sein, so mein Großvater, daß er j’aie moi aussi inventé ma maladie pour la même fin.
seine Krankheit erfunden habe, um in den Denkbezirk Mais qu’il s’agisse d’une maladie inventée ou
des Bewußtseins, so seine Bezeichnung, effective, cela ne jouait aucun rôle pourvu qu’elle
hineinzukommen. Möglicherweise hätte auch ich zu produise le même effet. [...] Il serait absolument
demselben Zweck meine Krankheit erfunden. Es possible, selon mon grand-père que, d’une façon
spiele aber keine Rolle, ob es sich um eine erfundene générale, il n’y ait que des maladies inventées qui
oder um eine tatsächliche Krankheit handle, wenn sie apparaissent comme des malades effectives parce
nur dieselbe Wirkung hervorrufe. [...] Es wäre qu’elles agissent comme des maladies effectives.
durchaus möglich, daß es überhaupt nur erfundene (Kohn : 246)
Krankheiten gibt, so mein Großvater, die als
tatsächliche Krankheiten erscheinen, weil sie die
Wirkung von tatsächlichen Krankheiten haben.
(Bernhard, Der Atem : 61-63)
[...] er ist nicht, wie ich mehrere Tage geglaubt hatte, [...] il n’est pas mort, comme je l’avais cru plusieurs
an einer überraschend an ihm vorgenommenen jours, d’une opération à laquelle on avait procédé
Operation, sondern an einer plötzlich, und zwar binnen inopinément mais d’une subite et complète
weniger Tage zum Tode führenden vollkommenen décomposition et infection de son sang, conduisant à
Zersetzung und Vergiftung des Blutes gestorben. Er la mort en l’espace de quelques jours. Il était resté
war, so mein Vormund, bis zuletzt bei Bewußtsein conscient jusqu’au dernier moment, selon mon
gewesen. (Bernhard, Der Atem : 102) tuteur. (Kohn : 270)
- 312 -
Meine Mutter und ich hatten so kurze Zeit nach Ma mère et moi, si peu de temps après sa mort, nous
seinem Tod nicht viel über meinen Großvater, ihren n’avons pas beaucoup parlé de mon grand-père, le
Vater, gesprochen, alles war noch von diesem seinem père de ma mère, tout avait encore été déterminé par
Tod bestimmt gewesen, aber der wurde durch unser cette mort : la mort qui avait été la sienne, mais notre
Schweigen erträglicher. Er, mein Großvater, so meine silence la rendait plus supportable. Selon ma mère, à
Mutter, habe an der Mauer außerhalb des Friedhofs lui, mon grand-père, on avait donné une tombe contre
ein Grab bekommen, das einzige auf einer außer le mur à l’extérieur du cimetière, la seule, sur un
seinem Grabe noch völlig freien Fläche, auf welcher terrain encore complètement libre en dehors de la
ein ganz neuer Teil des Friedhofs geplant sei. Sie gehe sienne, où l’on avait projeté d’établir une partie
jeden Tag hin, stehe ein paar Minuten an dem Grab entièrement nouvelle du cimetière. Elle y allait tous les
und gehe wieder nach Hause. (Bernhard, Der Atem : jours, restait quelques minutes devant sa tombe et
117) rentrait chez elle. (Kohn : 279)
Die Ursachen der Krankheit meines Großvaters, seines Les causes de la maladie de mon grand-père,
Todes schließlich, der ihm in einem Alter gekommen finalement de sa mort, qui lui était arrivé à un âge où,
sei, in welchem er unter anderen Umständen nicht selon les dires de ma mère, dans d’autres
habe zu sterben brauchen, im Alter von circonstances il n’aurait pas eu besoin de mourir, à
siebenundsechzig Jahren, so meine Mutter, wie auch l’âge de soixante-sept ans, comme aussi celles de ma
die meiner Krankheit seien in dem Krieg zu suchen, maladie, il fallait les rechercher dans la guerre qui
der uns alle seelisch und geistig und körperlich so nous avait tous si longtemps affamés et humiliés
lange ausgehungert und gedemütigt habe. (Bernhard, moralement, intellectuellement et physiquement.
Der Atem : 118-119) (Kohn : 279-280)
Mein Architekturstudent hatte mich eines Tages [...] Un jour, mon étudiant en architecture […] avait attiré
auf das Folgende aufmerksam gemacht: er zeigte mir mon attention sur ce qui suit : de la fenêtre, il me
vom Fenster aus mehrere frische und weniger frische montra plusieurs tertres récents et moins récents,
einfache Erdhügel auf der rückwärtigen Seite des simplement édifiés, du côté du fond du cimetière. Une
Friedhofs. Ein Schneetreiben hatte für diese Szene, tempête de neige avait fourni le bon arrière-plan à
wie er vielleicht geglaubt hatte, den richtigen cette scène, comme il avait peut-être cru. Ces tertres,
Hintergrund abgegeben. Diese Erdhügel, so mein selon mon étudiant en architecture, étaient les
Architekturstudent, seien die Gräber jener, die in der tombes de ceux qui étaient morts ces derniers temps à
letzten Zeit im Hotel Vötterl gestorben seien, elf oder l’hôtel Vötterl, j’avais repéré onze à douze tertres mais
zwölf Erdhügel hatte ich festgestellt, aber vraisemblablement il y en avait encore plusieurs
wahrscheinlich waren noch mehrere von der masqués par le mur du cimetière. Chaque printemps,
Kirchenmauer verdeckt. Jedes Frühjahr werden, so selon mon camarade de chambre, ces tertres
mein Zimmergenosse, diese Erdhügel um ein paar s’accroissaient de quelques nouveaux, depuis qu’il
neue vermehrt, solange er im Vötterl sei, habe er était à l’hôtel Vötterl il avait déjà pu observer quatre
schon viermal ein Begräbnis vom Fenster aus fois un enterrement de la fenêtre. (Kohn : 288-289)
beobachten können. (Bernhard, Der Atem : 133)
Nach und nach waren mir die Medikamente entzogen Peu à peu on m’avait supprimé les médicaments, les
worden, die Untersuchungen hatten eine tagtägliche, examens avaient indiqué une amélioration
kontinuierlich fortschreitende Besserung meines quotidienne, progressant d’une façon continue, de mon
Allgemeinzustands gezeigt, die Aufmerksamkeit des état général, l’attention du radiologue était
Röntgenologen war naturgemäß auf die Lunge naturellement dirigée vers le poumon, mais, selon le
gerichtet, auf welcher aber, so der Röntgenologe, radiologue, des signes de maladie d’aucune sorte n’y
keinerlei Krankheitsanzeichen sichtbar gewesen avaient été visibles. Mes doutes étaient demeurés [...].
waren. Meine Zweifel waren geblieben [...]. (Kohn : 298)
(Bernhard, Der Atem : 150)
Vielmehr macht der Ausdruck „tittytainment“ L’expression « tittytainment », proposée par ce vieux
Karriere, den der alte Haudegen Zbigniew Brzezinski grognard de Brzezinski, fait en revanche carrière. [...]
ins Spiel bringt. [...] „Tittytainment“, so Brzezinski, Tittytainment, selon Brzezinski, est une combinaison
sei eine Kombination von „entertainment“ und „tits“, des mots entertainment et tits, le terme d’argot
dem amerikanischen Slangwort für Busen. Brzezinski américain pour désigner les seins. Brzezinski pense
denkt dabei weniger an Sex als an die Milch, die aus moins au sexe, en l’occurrence, qu’au lait qui coule de
der Brust einer stillenden Mutter strömt. Mit einer la poitrine d’une mère qui allaite. Un cocktail de
Mischung aus betäubender Unterhaltung und divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante
ausreichender Ernährung könne die frustrierte permettrait selon lui de maintenir de bonne humeur la
Bevölkerung [...] schon bei Laune gehalten werden. population frustrée [...]. (Mannoni : 13)
(Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 13)
- 313 -
In Bombay, seit Indiens wirtschaftlicher Öffnung „der A Bombay, devenue depuis l’ouverture économique
teuerste Slum der Welt“ (so der Kolumnist Sudhir de l’Inde « le bidonville le plus cher du monde »
Mulji), riechen Taxis am Morgen verläßlich nach (selon l’éditorialiste Sudhir Mulji), les taxis, le
Schlaf, ihre Fahrer können sich einen stundenlangen matin, sentent encore la nuit de sommeil : leurs
Heimweg nicht leisten. (Martin und Schumann, Die conducteurs ne peuvent pas se permettre de rouler
Globalisierungsfalle : 45) plusieurs heures pour rentrer chez eux. (Mannoni : 42)
Unter dem Druck der organisierten Finanzindustrie Sous la pression de l’industrie financière organisée,
folgen [die Nationalstaaten] beinahe weltweit dem [les Etats nationaux] suivent presque dans le monde
Weg, den Sarazin von der Dresdner Bank und seine entier le chemin que Sarazin, de la Dresdner Bank, et
Kollegen auch 1996 erneut vorgaben: Senkung der ses collègues ont une fois de plus emprunté en
Steuern auf Vermögen und Kapitalanlagen, éclaireurs en 1996 : diminution des impôts sur la
Deregulierung aller Finanzdienstleistungen, fortune et le capital, dérégulation de toutes les
Einsparung bei Ausgaben für staatliche prestations de service financières, économies dans les
Dienstleistungen und soziale Aufgaben. Denn, so dépenses engendrées par les prestations de service de
Sarazin, hohe Steuersätze „nähren die Frustration und l’Etat et les missions sociales. Car, selon Sarazin, des
provozieren erst den Widerstand“, der zur Steuerflucht taux d’imposition élevés « nourrissent la frustration et
führe. (Martin und Schumann, Die provoquent la résistance » qui mène à l’évasion des
Globalisierungsfalle : 96) capitaux. (Mannoni : 90)
Dieser Verzug könnte der ganzen Finanzwelt im En cas de problème sérieux, ce délai pourrait être fatal
Ernstfall zum Verhängnis werden. [...] „Ein größerer au monde financier tout entier. [...] « Une assez grande
Bruch in der Abwicklungskette kann große Teile des rupture dans la chaîne de la liquidation peut mettre au
Systems zum Stillstand bringen“, warnt Gerald repos de grandes parties du système », avertit Gerald
Corrigan [...]. „Dann könnte die gefürchtete Blockade Corrigan [...]. « Dans ce cas pourrait survenir le
eintreten, in der die Marktteilnehmer zu dem Schluß blocage redouté, le point où les participants au marché
kommen, das Sicherste sei, nichts mehr zu tun en arrivent à la conclusion que le plus sûr est de ne
[...].“Die Guthaben, die auf diese Weise blockiert plus rien faire [...]. » Les biens qui pourraient être
werden könnten, seien viel zu groß geworden. Das bloqués de cette manière sont selon lui devenus
Handelsvolumen und die damit verbundenen Risiken, beaucoup trop volumineux. Le volume des affaires et
so Corrigan, „ wachsen viel schneller als die les risques qui leur sont liés « grandissent beaucoup
Fähigkeit der Banken, diese auch zu tragen“. (Martin plus vite », selon Corrigan, « que la capacité des
und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 132-133) banques à les assumer ». (Mannoni : 124)
Die Globalisierung ist das zentrale Thema, das Butros- La mondialisation est le sujet qui préoccupe Boutros-
Ghali seit einiger Zeit umtreibt. [...] Die vielfältigen Ghali depuis quelque temps. [...] Selon Boutros-
und nicht synchronen Weltveränderungen, so Butros- Ghali, les transformations multiples et asynchrones du
Ghali, „verkomplizieren die Probleme ungemein und monde « compliquent extraordinairement les
können gefährliche Spannungen hervorrufen“. Zu problèmes, et peuvent provoquer des tensions
seiner größten Sorge wurde die Zukunft der dangereuses ». L’avenir de la démocratie est devenu
Demokratie. (Martin und Schumann, Die son plus grand souci. (Mannoni : 240)
Globalisierungsfalle : 254)
[...] Karl Polanyi hat [...] detailliert nachgezeichnet, Karl Polanyi [...] a montré en détail [...] comment
wie die Durchsetzung der Marktgesetze für die l’application des lois du marché à la main-d’œuvre
menschliche Arbeitskraft und damit die Auflösung der humaine, et avec elle la décomposition des anciennes
alten Sozialstrukturen die europäischen Staaten dazu structures sociales, avait forcé les Etats européens à
zwang, sich immer tiefer in irrationale s’enfoncer de plus en plus profondément dans un
Abwehrmaßnahmen zu verstricken. Die Errichtung système de mesures défensives irrationnelles. La
freier Märkte, so Polanyi, „führte keineswegs zur création de marchés libres, selon Polanyi, « n’a pas du
Abschaffung von Reglementierungen und tout débouché sur l’élimination des règlements et des
Interventionen, sondern vielmehr zu deren enormer interventions, mais au contraire sur leur gigantesque
Ausweitung“. (Martin und Schumann, Die extension. » (Mannoni : 293)
Globalisierungsfalle : 313)
Augustin [...] warf schließlich die Frage auf, über Augustin [...] pour finir soulevait la question des
welche Mittel er verfüge, um sich dem Menschen, den atouts dont il disposait pour approcher peut-être un
er liebe, vielleicht doch irgendwann zu nähern. Da jour, tout de même, la personne qu’il aimait. Il y avait
gebe es einmal, Grace zufolge, sein erfrischendes d’abord ce que Grace avait appelé son physique
Äußeres, ferner die Unbescholtenheit seines Wesens - rafraîchissant, ensuite (selon Demetrio) l’intégrité de
so Demetrio - und vor allem das sichere Gefühl, am son caractère, et surtout cette conviction qu’il avait
- 314 -
ehesten durch Zurückhaltung eine Frau zu gewinnen. que la plus sûre manière de plaire à une femme était la
(Kirchhoff, Infanta : 357) retenue. (Lortholary : 361)
Des militaires échappant au contrôle de Pékin, avec la Militärs, die sich der Kontrolle Pekings entziehen,
bénédiction des autorités portuaires et douanières, sollen mit dem Segen der Hafen- und Zollverwaltung
auraient saisi l’Alicia Star pour écouler les cigarettes die „Alicia Star“ abgefangen haben, um die Zigaretten
en contrebande sur le sol chinois. Selon un als Schmuggelware auf dem chinesischen Festland in
responsable de l’Institut malaisien des affaires Umlauf zu bringen. Diese Affäre, so ein Vertreter
maritimes, cette affaire est « le symptôme d'un des malaysischen Instituts für Seeangelegenheiten,
problème plus large en Chine : la perte d’autorité du ist „Symptom eines größeren Problems in China: der
centre sur la périphérie(5) ». Autoritätsverlust der Zentralgewalt gegenüber der
(5) « China in transition », Hongkong (Far Eastern Peripherie“.(5)
Economic Review Publication) 1994, S. 186. (Le (5) China in transition, Far Eastern Economic Review
Monde diplomatique, 2000-06 : 6) Publication, Hongkong, 1994, p. 186. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-06 : 6)
L’élection avait pour objectif d’assurer le reflet de ces Diese Verästelungen sollten sich im Zentralen
divisions au sein de l'Organe chef du culte, seul moyen Kultusorgan spiegeln, denn darauf allein - so die
- selon les organisateurs musulmans et les autorités muslimischen Organisatoren und die belgischen
belges - d’asseoir sa légitimité. (Le Monde Behörden - konnte seine Legitimität beruhen. (taz,
diplomatique, 2000-06 : 12) dans Le Monde diplomatique, 2000-06 : 12)
[...] La capitale de la Tanzanie abrite deux studios [Zwei Aufnahmestudios] eröffneten in Daressalam, in
d’enregistrement dédiés au rap ainsi qu’une centaine denen etwa hundert Gruppen ihren Rap produzieren.
de groupes. « Les modèles et le peu de matériel requis „Der musikalische Ausdruck und der geringe
ont tout de suite plu à la jeunesse locale, explique M. Materialaufwand haben Rap für die Jugendlichen hier
Thomas Gesthuizen, vingt-sept ans, créateur d’un site sofort interessant gemacht“, sagt 27-jährige Thomas
Internet consacré aux musiques urbaines africaines(2). Gesthuizen, der eine Website für urbane afrikanische
[…]. » Musik betreibt.(2) [...]“
(2) Selon le site Africanhiphop.com (Le Monde (2) So die Site Africanhiphop.com (taz, dans Le
diplomatique, 2000-12 : 32) Monde diplomatique, 2000-12 : 32)
Verbes introducteurs
Wenn wir auf die natürliche Weise krank werden und Si nous tombons malades de la façon naturelle et
ein solches Krankenhaus aufsuchen müssen, können devons aller dans un pareil hôpital, nous pouvons dire
wir von Glück reden, so mein Großvater. Aber, so que nous avons de la chance, ainsi parlait mon grand-
weiter, wir wissen nicht, ob wir tatsächlich auf die père. Mais, continuait-il, nous ignorons tous si nous
natürliche Weise in das Krankenhaus sommes effectivement entrés ou non à l’hôpital de la
hereingekommen sind oder nicht. Es kann sein, daß façon naturelle. Il se peut que nous croyions seulement
wir nur glauben, auf die natürliche, ja auf die être entrés de la façon naturelle alors que nous
natürlichste Weise hereingekommen zu sein, während sommes pourtant entrés de la façon artificielle. Mais
wir doch nur auf die künstliche, möglicherweise auf cela est indifférent. Nous avons alors en tout cas,
die künstlichste Weise hereingekommen sind. Aber poursuivait mon grand-père, un titre justificatif pour
das ist gleichgültig. Wir haben dann, so mein entrer dans le district de la pensée. (Kohn : 245-246)
Großvater weiter, auf jeden Fall den
Berechtigungsausweis für den Denkbezirk. (Bernhard,
Der Atem : 61-62)
In freier Rede umriß [Arthuis] anschließend das Puis, dans un discours improvisé, [Arthuis] chercha à
eigentliche Ziel der EWU. Gelinge das Vorhaben, so définir le véritable objectif de l’Union monétaire
Arthuis, dann könne der „Euro zur führenden européenne. Si le projet aboutissait, affirma Jean
Reservewährung der Welt“ aufsteigen, gestützt durch Arthuis, l’euro pourrait devenir « la monnaie de
den weltgrößten Binnenmarkt [...]. Auf dieser Basis référence la plus importante du monde », soutenue par
könnte Europa mit den USA gleichziehen. (Martin und le plus grand des marchés intérieurs de la planète [...].
Schumann, Die Globalisierungsfalle : 113) Sur cette base, l’Europe pourrait faire jeu égal avec les
Etats-Unis. (Mannoni : 107)
Sogar der Wiener Erzbischof Christoph Schönborn Même l’archevêque de Vienne, Christoph Schönborn
[...] mischte sich in die Debatte ein. „Wenn zwei der [...] est intervenu dans le débat : « Lorsque deux des
- 315 -
weltgrößten Chemiekonzerne fusionieren“, so plus grands groupes chimiques du monde fusionnent,
Schönborn, „obwohl es beiden wirtschaftlich bestens affirme Schönborn, alors que tous deux se portent
geht, und dabei 15000 Arbeitsplätze ‘freisetzen’, so ist pour le mieux sur un plan économique, et « libèrent »
das nicht ein Sachzwang, den der allmächtige Gott ainsi 15 000 places de travail, il ne s’agit pas d’une
‘Freier Markt’ dekretiert hätte [...].“ (Martin und obligation décrétée par le dieu tout-puissant du
Schumann, Die Globalisierungsfalle : 180) « marché libre » [...]. » (Mannoni : 170)
Innerhalb der Ghetto-Mauern dürfen die Wachleute Dans l’enceinte du ghetto, les gardiens sont autorisés à
auf jeden Fremden schießen, auch wenn er niemanden tirer sur n’importe quel étranger, même s’il ne menace
bedroht und nicht bewaffnet ist. „Wer einen personne, même s’il n’est pas armé. « Au Brésil,
Eindringling auf seinem Privatbesitz erschießt“, so lorsqu’on abat un intrus sur son terrain privé, on est
Sandorf, „ist in Brasilien immer im Recht.“ (Martin toujours dans son droit », explique Sandorf.
und Schumann, Die Globalisierungsfalle : 237) (Mannoni : 224-225)
„Das ist de facto ein Bürgerkrieg der Leute, die das « Il s’agit de facto d’une guerre civile menée par les
Geld und die Macht haben, sich zu schützen“, meint gens qui ont suffisamment d’argent et de pouvoir pour
Vinicius Caldeira Brant, Soziologe beim se protéger », estime Vinicius Caldeira Brant,
brasilianischen Zentrum für Analyse und Planung sociologue au Cebrap, le centre d’analyse et de
Cebrap. „In Europa“, so Brant, der selbst wiederholt planification brésilien. « En Europe, dit Brant, qui a
Opfer der bis 1985 herrschenden Militärs wurde, lui-même été victime à plusieurs reprises des militaires
„leben die Gewalttäter hinter den Mauern, bei uns sind au pouvoir jusqu’en 1985, ce sont les criminels qui
es die Wohlhabenden.“ (Martin und Schumann, Die vivent derrière des murs ; chez nous, ce sont les
Globalisierungsfalle : 237) riches. » (Mannoni : 225)
Gerade die Geschwindigkeit, „die Beschleunigung des C’est précisément la vitesse, « l’accélération du
Prozesses der kreativen Zerstörung ist das Neue am processus de destruction créative, qui constitue la
marktwirtschaftlichen Kapitalismus von heute“, nouveauté dans le capitalisme de marché actuel » :
analysiert der amerikanische Ökonom Edward telle est l’analyse de l’économiste américain Edward
Luttwak, der dafür den Begriff des „Turbo- Luttwak, qui a forgé pour sa thèse le concept de
Kapitalismus“ prägte. Das „horrende Tempo der « turbo-capitalisme ». Le « rythme effrayant de la
Veränderung“, so der gebürtige Rumäne, [...] wird transformation » devient un « traumatisme pour une
zum „Trauma für einen Großteil der Bevölkerung“. grande partie de la population », affirme ce natif de
(Martin und Schumann, Die Globalisierungsfalle : Roumanie [...]. (Mannoni : 236)
250)
Schon 1993 prophezeite Franz den Deutschen ein Dès 1993, il annonçait aux Allemands un pays
radikal verändertes Land: „Wir müssen alle zur entièrement transformé: « Nous devons tous savoir
Kenntnis nehmen, daß bei uns die Arbeit zu teuer que le travail est devenu trop cher chez nous [...]. »
geworden ist [...].“ Dabei, so Franz, „werden wir uns Dès lors, dit Franz, « beaucoup d’activités simples
von vielen einfachen industriellen Tätigkeiten in vont quitter l'Allemagne. [...] ». (Mannoni : 250)
Deutschland verabschieden. [...]“ (Martin und
Schumann, Die Globalisierungsfalle : 265)
„Das Hauptproblem sind die so unterschiedlichen « Le problème principal, ce sont les systèmes culturels
Kultursysteme dieser Welt“, beginnt Topmanager de ce monde, qui sont tellement différents », affirme le
Anton Schneider seine Analyse. [...] „Was die einen manager de pointe Anton Schneider au début de son
als Fair Play und Fair Treatment bezeichnen, ist für analyse. [...] « Ce que les uns décrivent comme du fair
die anderen kulturhistorisch überhaupt nicht play et du fair treatment est absolument
verständlich. Ein Koreaner beispielsweise betreibt mit incompréhensible pour les autres, du point de vue de
dem größten Selbstverständnis einen ausgeprägten l’histoire culturelle. Un Coréen, par exemple, pratique
Protektionismus und erzählt der Welt, daß dies Fair le plus naturellement du monde un protectionnisme
Play sei, was für uns wiederum unvorstellbar ist, es affirmé, tout en vous racontant que son attitude est fair
nachzuvollziehen. [...]“ In Nordwesteuropa und in den play, ce que nous sommes pour notre part incapables
USA, so Schneider, „hat sich im Verlauf von 200 de comprendre. [...] ». « En Europe du Nord-Ouest et
Jahren ein vergleichsweise puristischer [266] aux Etats-Unis, affirme Schneider, s’est formé en
protestantischer Kapitalismus und eine deux siècles un capitalisme protestant relativement
Marktwirtschaft mit Regeln durchgesetzt, an die wir rigoriste, et une économie de marché dotée de règles
uns im Prinzip halten. [...]“ (Martin und Schumann, auxquelles nous nous tenons par principe. [...] »
Die Globalisierungsfalle : 267) (Mannoni : 250-251)
Trotz seiner Auffälligkeit schien es Kurt Lukas kaum Quoiqu’il sortit de l’ordinaire, Kurt Lukas semblait
zu geben. Hatte er schon irgend etwas von sich n’avoir guère d’existence. Avait-il raconté des choses
- 316 -
erzählt? Kein Wort. Nur daß er Tennis spielte oder sur lui-même ? Pas la moindre. Sauf qu’il jouait au
gespielt hatte, professionell, vielleicht. Und ledig war, tennis ou y avait joué, peut-être en professionnel. Et
angeblich. Aber was hieß das schon. Er konnte an qu’il était célibataire, prétendument. Mais qu’est-ce
jedem Finger zwei Freundinnen haben - in Rom sei que ça voulait dire ? Aussi bien, il était couvert de
alles möglich, so Dalla Rosa. (Infanta : 46) maîtresses. A Rome, tout était possible, nota Dalla
Rosa. (Lortholary : 47)
Die Alten hielten sich die Ohren zu und stimmten die Les vieux prêtres se bouchèrent les oreilles et
immer gleich lautende Klage über Dona Elvira, die entonnèrent leur plainte rituelle sur Dona Elvira, la
schwarze Sängerin, an, die mit ihrer Musik den Ort chanteuse noire : avec sa musique, elle abrutissait le
verdumme, ja, beherrsche. Die, nur um ihre neuesten village, ou même elle s’en rendait maître. Cette femme
Kleider vorzuführen, in der Kirche erscheine und qui se montrait à l'église, et même se confessait,
sogar beichte. „Und die nun auch noch einem Komitee uniquement pour faire étalage de ses dernières
angehört“, so Butterworth, die Liste der Klagen toilettes.
erweiternd, „das Mittel für Stimmenkäufe « Et qui maintenant fait même partie d’un comité, dit
heranschafft und in ihrer berüchtigten Garderobe Butterworth en allongeant la liste des griefs, qui
tagt ...“ (Kirchhoff, Infanta : 47-48) réunit des fonds pour acheter des électeurs et tient
séance dans sa loge de fâcheuse réputation... »
(Lortholary : 50)
Erst als die Schale mit den Bananen herumging, C’est seulement quand on fit passer la coupe de
wandte er sich an Mister Kurt. Was ihn nach Infanta bananes qu’il se tourna vers Mister Kurt. Qu’est-ce qui
geführt habe. - Der Zufall, so unser Gast. (Kirchhoff, l’avait amené à Infanta? - Le hasard, dit notre hôte.
Infanta : 61) (Lortholary : 62)
„Die letzten, die gingen, waren Gussmann und Les derniers à partir ont été Gussmann et Mayla,
Mayla“, berichtete der Novize mit verhaltener rapporta encore le novice. Nous les avons vus
Stimme. „Arm in Arm sahen wir sie im Dunkeln disparaître dans l’obscurité en se tenant par le bras.
verschwinden. Nun, er wird sie wohl nach Hause Maintenant, il va l’accompagner à la maison, a dit
begleiten, so Mister Kurt, und ich mußte ihn davon Mister Kurt, et j’ai dû le dissuader de les suivre tous
abbringen, den beiden zu folgen [...].“ (Kirchhoff, deux […]. (Lortholary : 165)
Infanta : 165)
Wie immer in Brutnächten war Hazel frühzeitig Comme toujours dans ces nuits de grande chaleur,
gegangen. Vor ihrer Hütte war sie auf Kurt Lukas Hazel était partie tôt. Devant sa cabane, elle était
gestoßen, vom Anklopfen schon wund an den tombée sur Kurt Lukas qui avait déjà les phalanges
Knöcheln. Auch wenn Mayla nicht da sei, könne er meurtries à force de frapper. Même si Mayla n’était
hereinkommen, so Hazel beim Aufschließen, und er pas à la maison, il pouvait entrer lui dit Hazel en
hatte sich von Maylas Abwesenheit überzeugt und vor ouvrant la porte, et s’étant persuadé de l’absence de
sich hingesprochen, daß er nun zu Gussmann gehe. Mayla il avait murmuré pour lui-même qu’il allait
(Kirchhoff, Infanta : 211) chez Gussmann. (Lortholary : 211)
Die Alten zeigten sich nicht. Nur zum Begräbnis der Les vieux prêtres ne se montraient pas. Ils n’étaient
Hündin waren sie für eine halbe Stunde in den Garten descendus au jardin qu’une demi-heure, pour
gegangen. Sie hatten sich für einen Platz nahe der l’enterrement de la chienne. Ils avaient choisi un
Wäscheleine entschieden - weil dort ein gewisses emplacement près de la corde à linge parce que, là, il y
Kommen und Gehen herrsche, so McEllis - und West- aurait un peu de passage, avait dit McEllis - et ils y
Virginia bei Anbruch der Dunkelheit unter die Erde avaient mis West-Virginia en terre à la tombée du
gebracht. (Kirchhoff, Infanta : 396) jour. (Lortholary : 400)
« Pourquoi cette agonie d’un innocent dans un lieu „Warum dieser Todeskampf eines unschuldigen
déjà marqué par tant de souffrances ? » s’indignait Kindes ?“ lehnte Paul Lambert sich auf. „Warum auch
Paul Lambert. Les premiers soirs, il avait cédé à la das noch an einem solchem Ort des Leidens?“ An der
lâcheté. Pour ne pas entendre, il s’était bouché les ersten Abenden hatte er mit Feigheit nachgegeben. Er
oreilles. « J’étais comme Job au bord de la révolte, hatte sich die Ohren verstopft, um das Röcheln nicht
expliquera-t-il. [...] [J]e n’arrivais pas à trouver mitanzuhören. „Ich war wie Hiob am Rande der
d’explication satisfaisante à l’idée que Dieu puisse Empörung gegen Gott“, so Lambert später. „[...] [E]s
laisser faire cela. […] » (Lapierre, La cité de la joie : gelang mir nicht, eine befriedigende Erklärung dafür
108) zu finden, daß Gott so etwas zulassen konnte. [...]“
(Stamm : 119)
Ram Chander laissa trois roupies sur la table et ils se Ram Chander ließ drei Rupien auf dem Tisch zurück,
mirent en route pour l’hôpital. Ils marchèrent le long und sie machten sich auf den Weg zum Krankenhaus.
- 317 -
d’une large avenue où passaient des tramways et Zuerst gingen sie eine breite, verkehrsreiche Straße
arrivèrent à la garde de Sealdah. A côté, il y avait un entlang, dann kamen sie zum Bahnhof Sealdah.
marché où le tireur acheta des mandarines et des Nahebei war ein Markt, dort kaufte der Rikschamann
bananes pour le coolie blessé auquel ils allaient rendre Mandarinen und Bananen für den verletzten Kuli, den
visite. sie besuchen wollten.
« Devant l’hôpital, il y avait encore plus de gens que „Vor dem Krankenhaus“, so Hasari später, waren
la veille, racontera Hasari. Tout le monde essayait noch mehr Leute als am Tag zuvor. Alle versuchten
d’entrer. […] » (Lapierre, La cité de la joie : 124) sich Eingang zu schaffen. […]“ (Stamm : 136)
L’avenir ? Que faire des migrants une fois terminée la Und was mag die Zukunft bringen? Was erwartet die
construction de la ville nouvelle ? Que deviendront-ils Arbeitsmigranten, wenn der Aufbau der neuen Stadt
quand ils n’auront plus d’« utilité économique » ? abgeschlossen ist? Werden sie wieder an den Rand der
Seront-ils repoussés à la marge ou viendront-ils grossir Gesellschaft zurückgedrängt, oder werden sie
les rangs d’un tiers-monde suburbain ? Ils ne pourront zusammen mit all den anderen die Vorstädte, die
pas, en tout cas, être intégrés au tissu productif d’une Dritte Welt vor der eigenen Haustür, bevölkern?
ville dont la politique est désormais de délocaliser les Sie werden kaum in das gewinnträchtige Gewebe einer
industries traditionnelles vers des provinces plus Stadt integriert werden können, deren Politik darauf
pauvres et d’attirer ingénieurs, universitaires et angelegt ist, die traditionellen Industrien in die
« manipulateurs de symboles » de toute la Chine. Le ärmeren Provinzen auszulagern und aus ganz China
but de la municipalité, dit un de nos interlocuteurs, Ingenieure, Akademiker und „Symbolproduzenten“
est d’« atteindre rapidement un niveau et un style de anzulocken. Die Stadtverwaltung wolle, so einer
vie comparables à ceux des mégapoles des pays unserer Gesprächspartner, „so rasch wie möglich
développés ». (Le Monde diplomatique, 2000-08 : 22) ein Niveau und einen Lebensstil erreichen, die es mit
den Megacitys in den Industriestaaten aufnehmen
können.“ (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-08 :
22)
Nahum Goldmann [...] confiait en privé son Nahum Goldmann [...] äußerte privat sein Erstaunen
étonnement que la centrale palestinienne soit écartée darüber, dass die palästinensische Zentrale von der
d’office de la brève conférence de paix qui s’était kurzen Friedenskonferenz in Genf 1973 und den
tenue à Genève en 1973, puis des assises de Camp Friedensgesprächen in Camp David 1978 fern
David en 1978 […]. La seule présence des gehalten wurde[…]. Allein die Gegenwart der PLO
représentants de l’OLP à ces assises, soutenait le bei diesen Gesprächen, so Goldmann, hätte eine De-
leader juif, équivalait à une reconnaissance de facto facto-Anerkennung des Staates Israel bedeutet, die
de l’Etat d’Israël, qui se transformerait en une sich unweigerlich in eine De-jure-Anerkennung
reconnaissance de jure. (Le Monde diplomatique, verwandelt hätte. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-11 : 1 ; 10 ; 11) 2000-11 : 1 ; 10 ; 11)
Au fond, la Belgique n’échappe plus à un effet de Im Grunde kann sich Belgien nicht mehr der
contamination venu de l’extérieur. Elle n’est plus « un Ansteckung von außen entziehen. Belgien ist nicht
plat pays », mais une succession de « paysages hyper- mehr einfach ein „flaches Land“ („le plat pays“, wie
fragmentés », selon le sociologue Benoît Scheuer. Qui es Jacques Brel in seinem Chanson besungen hat),
ajoute : « Si cette tendance lourde existe partout dans sondern - nach Ansicht von Benoît Scheuer - eine
le monde industrialisé, elle s’exprime peut-être ici de Aneinanderreihung äußerst fragmentierter
manière plus visible parce que l’Etat est faible. [...] » Landschaften. „Auch wenn man diese
(Le Monde diplomatique, 2000-12 : 14) Fragmentierung“, so Benoît Scheuer, „überall in der
industrialisierten Welt beobachten kann, wird sie hier
vielleicht besonders sichtbar, weil der Staat schwach
ist. [...]“ (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 :
14)
Grâce à l’énorme impact du kwaïto [...] plus d’un tiers Mit dem Kwaito geht es um enorme Summen [...]. Ein
de la musique achetée par les Sud-Africains est Drittel der heute am Kap gekauften Musik wird im
aujourd’hui produite localement. Au webzine sud- Lande produziert. Kwaito und Zouglou seien die
africain Rage, dédié aux nouvelles musiques „wahren afrikanischen Alternativen zum US-
urbaines, on estime que le kwaïto et le zouglou sont amerikanischen Rap“, so das südafrikanische
les « vraies alternatives africaines au rap américain ». Webzine Rage, ein Medium für neue urbane Musiken.
(Le Monde diplomatique, 2000-12 : 32) (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 : 32)
(Une jeune femme reçoit des fleurs de son mari après „Nur du kannst da dahinterstecken!“ werden Sie von
une dispute) Justine angeklagt.
- C’est toi qui as manigancé ça, accuse Justine. „Aber, wie käme ich dazu“, lügen Sie prompt und
- 318 -
- Jamais de la vie, mentez-vous avec allégresse. […] fröhlich.
- Si ce rusé salaud croit qu’il va arranger les bidons „Wenn dieser gerissene Mistkerl meint, seine
avec trois lilas et deux tulipes, il se trompe drôlement, Schandtaten mit drei Fliederzweigen und zwei Tulpen
dit Justine. ungeschehen machen zu können, dann hat er sich aber
Mais vous notez dans sa voix une certaine douceur. schön geschnitten“, so Justine.
(de Buron, Qui c’est, ce garçon ? : 274) Doch in ihrer Stimme registrieren Sie eine gewisse
Weichheit. (Kuhn : 290-291)
Gegen Abend hatte ich zum erstenmal einen Vers le soir j’avais reconnu pour la première fois un
Menschen erkannt, meinen Großvater. Er hatte sich être humain : mon grand-père. Il s’était assis à côté de
neben mir auf einen Sessel gesetzt und meine Hand moi sur un fauteuil et m’avait tenu la main. [...] Lui
festgehalten. [...] Er, der nur wenige hundert Schritte qui n’était logé qu’à quelques centaines de pas dans un
in einem anderen, in dem sogenannten chirurgischen autre complexe de bâtiments du même hôpital, celui
Gebäudekomplex desselben Krankenhauses qu’on appelle le complexe chirurgical, viendrait me
untergebracht war, werde mich von jetzt an täglich rendre visite journellement à partir de maintenant,
besuchen, so mein Großvater. (Bernhard, Der Atem : c’est ce que me dit mon grand-père. (Kohn : 222)
21-22)
Ich müsse aber, unabhängig von geistigem und Indépendamment de mon essor intellectuel et
seelischem Aufschwung, wie mein Großvater es psychique, selon les termes de mon grand-père, il me
nannte, mit noch bedeutend größerer Körperschwäche fallait pourtant compter avec une faiblesse physique
als jetzt rechnen [...]. Aber die Seele und der Geist encore considérablement plus grande qu’à présent
beherrschen den Körper, so mein Großvater. Der […]. Mais l’âme et l’esprit gouvernent le corps, ainsi
geschwächteste Körper kann von einem starken Geist disait mon grand-père. Le corps le plus affaibli peut
oder von einer starken Seele oder von diesen beiden être sauvé par un esprit vigoureux ou une âme
zusammen gerettet werden, so er. (Bernhard, Der vigoureuse ou par l’association de cet esprit et de cette
Atem : 56-57) âme, ainsi disait-il. (Kohn : 242-243)
Wenn wir auf die natürliche Weise krank werden und Si nous tombons malades de la façon naturelle et
ein solches Krankenhaus aufsuchen müssen, können devons aller dans un pareil hôpital, nous pouvons dire
wir von Glück reden, so mein Großvater. (Bernhard, que nous avons de la chance, ainsi parlait mon
Der Atem : 61) grand-père. (Kohn :245)
Wir hielten uns jetzt, indem wir uns in dem En séjournant à l’hôpital, nous ne séjournions pas
Krankenhaus aufhielten, nicht möglicherweise, probablement mais tout à fait certainement dans le
sondern ganz sicher in dem für uns beide district de la pensée qui pour tous les deux nous
lebensrettenden Denkbezirk auf, so er. (Bernhard, Der sauvait la vie, ainsi disait-il. (Kohn : 247)
Atem : 63)
Auf ihre Ottomane hingestreckt, das Gesicht mit den Etendue sur son ottomane, le visage caché dans ses
Händen bedeckt und wieder noch im Kissen mains et enfoui dans les coussins, accablée de honte,
verborgen, machte sie sich, überwältigt von Scham, d’effroi et d’extase, elle s’avoua sa passion.
Schrecken und Wonne, das Geständnis ihrer « Grands dieux, mais c’est que je l’aime, je l’aime
Leidenschaft. comme je n’ai jamais aimé ! Est-ce concevable ? [...]
„Großer Gott, ich liebe ihn ja, liebe ihn, wie ich nie Je veux croire au miracle de mon âme et de mes sens,
geliebt, ist das denn zu fassen? [...] Ich will glauben an je veux adorer le miracle de la nature, le douloureux et
das Wunder meiner Seele und Sinne, will das honteux printemps de mon âge et de mes sens, et ma
Naturwunder verehren meines schmerz- und confusion n’aura d’autre motif que la grâce qui m’est
schamhaften Seelenfrühlings, und meine Scham soll dispensée par cette tardive visitation. »
nur der Begnadung gelten durch diese späte Voilà ce que se disait Rosalie, pour elle seule, ce
Heimsuchung...“. soir-là. (Servicen : 67-73)
So Rosalie, für sich allein, an jenem Abend. (Mann,
Die Betrogene : 45-49)
(Anna tente de détourner sa mère d’un amour « [...] Nous renoncerons à cette maison et nous
impossible) émigrerons à Cologne ou Francfort, ou dans quelque
„[...] Dann geben wir das Haus hier auf und siedeln beau coin du Taunus, et tu laisseras ici ce qui te
nach Köln oder Frankfurt über oder an einen schönen tourmentait et risquait de te détruire ; tu l’oublieras par
- 319 -
Ort im Taunus, und du läßt hier zurück, was dich le fait de ne plus le voir. [...] Et alors, dans le Taunus,
quälte und dich zerstören wollte [...]. Und du genießt tu jouiras de la belle nature et tu redeviendras notre
dann im Taunus die liebe Natur und bist wieder unsere ancienne chère maman. »
alte, liebe Mama.“ Ainsi parla Anna, avec beaucoup d'instance - mais
So Anna mit vieler Inständigkeit, aber wie ganz combien vainement !
vergebens! « Arrête, arrête, Anna ; plus un mot là-dessus, je ne
„Halt, halt, Anna, nichts mehr von dem, was du sagst, saurais l’écouter ! [...] » (Servicen : 108)
ich kann es nicht hören! [...]“ (Mann, Die Betrogene :
73)
McEllis [...] lag wach. Wie sprach man über Liebe? McEllis […] resta éveillé. Comment parlait-on de
[...] [E]in Gussmann hätte das gewußt. Nie wieder seit l’amour ? […] [U]n Gussmann aurait su ça. Jamais
seinem Austritt habe er menschenfern über die Liebe plus, depuis qu’il avait défroqué, Gussmann n’avait
gesprochen - und also auch nicht über alles Geringere, parlé de l’amour de façon abstraite, ni par conséquent
so Gussmann bei ihrer letzten Zufallsbegegnung. non plus d’aucune chose plus infime : ainsi s’était
(Kirchhoff, Infanta : 348) exprimé Gussmann la dernière fois qu’ils s’étaient
rencontrés par hasard. (Lortholary : 352)
Non traduction
Von Zeit zu Zeit seien solche Krankheiten [...] De temps et temps, de pareilles maladies [...] nous
notwendig, um sich jene Gedanken machen zu étaient nécessaires pour pouvoir nous créer ces idées
können, zu welchen der Mensch ohne eine solche auxquelles l’homme ne parvient pas sans avoir
zeitweise Krankheit nicht komme. Wenn wir nicht auf temporairement une pareille maladie. Si nous ne
die natürlichste Weise und also von der Natur aus sommes pas tout simplement contraints de la façon
ganz einfach dazu gezwungen sind, in solche naturelle, donc du fait de la nature, à aller dans ces
Denkbezirke, wie sie zweifellos solche Krankenhäuser districts de la pensée comme le sont sans aucun doute
[...] im allgemeinen sind, zu gehen, müssen wir auf die ces hôpitaux [...], il nous faut aller de la même façon
künstliche Weise solche Krankenhäuser [...] artificielle dans ces hôpitaux [...] même si nous devons
aufsuchen, auch wenn wir solche uns in d’abord découvrir, inventer ou même artificiellement
Krankenhäuser [...] hineinzwingende Krankheiten in produire en nous ces maladies qui nous contraignent à
uns erst finden oder erfinden oder gar künstlich entrer dans les hôpitaux [...] parce que autrement nous
erzeugen müssen, so er, weil wir sonst nicht in der ne serons pas en état de parvenir à l’activité de pensée
Lage sind, auf das lebenswichtige und importante pour la vie et qui décide de l’existence.
existenzentscheidende Denken zu kommen. (Kohn : 244)
(Bernhard, Der Atem : 59-60)
On en était là... quand vint M. Joschka Fisher. So war der Stand der Dinge, als Joschka Fischer das
Le 12 mai, le vice-chancelier et ministre allemand des Podium betrat.
affaires étrangères, par ailleurs chef de file des Verts Am 12. Mai rief der deutsche Vizekanzler und
de son pays, lançait un appel à une « refondation Außenminister in einer Rede an der Berliner
institutionnelle » de l’Union devant déboucher, à Humboldt-Universität zu einer „konstitutionellen
terme, sur une fédération « entre un petit nombre » de Neugründung“ der Europäischen Union auf. Eine
pays [...] - avec Constitution propre, Parlement à deux „kleine Gruppe von Mitgliedstaaten“, so Fischer, solle
chambres et président élu au suffrage universel [...]. sich in absehbarer Zeit zu einer Föderation mit eigener
(Le Monde diplomatique, 2000-06 : 14) Verfassung, einem Zweikammerparlament und einem
direkt gewählten Präsidenten zusammenschließen [...].
(taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-06 : 14)
Récemment, la Chambre des représentants des Etats- Das US-Repräsentantenhaus hat unlängst in erster
Unis a voté, en première lecture, un projet de loi qui Lesung einen Gesetzentwurf verabschiedet, der für
exonère de droits de succession le patrimoine de Privatvermögen von ein paar tausend
quelques milliers de multimilliardaires […]. Selon un Multimilliardären die Befreiung von der
commentateur américain, cette décision témoigne de Erbschaftssteuer vorsieht. Die Entscheidung […]
la validité d’une « loi du pouvoir, celle qui dit que verdeutlicht nach Ansicht eines amerikanischen
l’argent parle(2) ». Leitartiklers das „Gesetz der Macht : Wer das Geld
(2) Paul Krugman, « Pity the Pain of the Very Rich », hat, hat das Sagen“ (so Paul Krugman in der
International Herald Tribune, Paris, 15 juin 2000. (Le International Herald Tribune vom 15. Juni). (taz,
Monde diplomatique, 2000-09 : 1) dans Le Monde diplomatique, 2000-09 : 1)
- 320 -
L’idée de porter ce « syndicat » sur les fonts Die Idee, eine solche „Gewerkschaft“ aus der Taufe zu
baptismaux a déclenché un tir de barrage de la part des heben, hat auf Seiten der Gewerkschaftsorganisationen
organisations syndicales. Parce qu’il représenterait une heftige Kritik ausgelöst. Fürchten sie etwa um ihre
atteinte à leur monopole sur le monde du travail ? Pour Monopolstellung? Für Michel Nollet, den
M. Michel Nollet, président de la Fédération générale Vorsitzenden des belgischen Gewerkschaftsbundes,
du travail de Belgique (FGTB), de tendance socialiste, der den Sozialisten nahesteht, liegt das Problem
le problème se situe ailleurs : « Les syndicats woanders: „Die Gewerkschaften“, so Nollet „haben
comptent ici plus de 2,5 millions d'affiliés pour 10 hier 2,5 Millionen Mitglieder auf 10 Millionen
millions d’habitants ! [...] » (Le Monde diplomatique, Einwohner! [...]“ (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-12 : 14) 2000-12 : 14)
Compte tenu de cette apparente filiation naturelle Doch selbst wenn man diese offensichtliche und
entre le Syndicat de la vie quotidienne et les Verts, durchaus natürliche Verbindung unterstellt, ist es
convient-il pour autant de jeter le bébé avec l’eau du deswegen berechtigt, den „verborgenen Makel“
bain pour « vice caché » ? Pas sûr, d’autant que M. anzuprangern und das Kind mit dem Bade
Denis Lambert, l’un des géniteurs du « nouveau-né », auszuschütten? Es handle sich hier nicht um eine
veut dissiper tout malentendu : « Le bébé n’est pas Totgeburt, so Lambert, einer der Väter der
mort-né, comme on l’a dit et écrit. Au contraire, le Bewegung. Im Gegenteil - schon Anfang des Jahres
SVQ devrait être opérationnel début 2001. […] » (Le 2001 werde das SVQ wohl handlungsfähig sein. (taz,
Monde diplomatique 2000-12 : 14) dans Le Monde diplomatique 2000-12 : 14)
[...] M. Didier Vrancken - sociologue [...] - a perçu Der Soziologe Didier Vrancken [...] sieht sowohl in
dans l’effervescence de l'automne 1996, puis dans les den erregten Aktivitäten des Herbstes 1996 als auch in
résultats du scrutin de juin 1999, l’expression d'un den Wahlergebnissen des 13. Juni 1999 den Ausdruck
mal-être profond : « J’y vois comme un front du refus eines tiefgehenden Unbehagens. Es handle sich dabei
par rapport aux grands appareils. Aujourd’hui, les gleichsam um eine Front der Ablehnung gegenüber
grandes mobilisations s’organisent autour d’enjeux den großen Machtapparaten. „Heute“, so Didier
dont la nature se transforme [...]. » (Le Monde Vrancken, „verändert sich die Art der Anliegen, für
diplomatique, 2000-12 : 14) welche die Menschen bereit sind, auf die Straße zu
gehen [...].“ (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-
12 : 14)
Dans les premiers temps que Charles fréquentait les Bertaux, Mme Bovary jeune ne manquait pas de
s’informer du malade [...]. Mais quand elle sut qu’il avait une fille, elle alla aux informations; et elle apprit que
mademoiselle Rouault, élevée au couvent, chez les Ursulines, avait reçu, comme on dit, une belle éducation,
qu’elle savait en conséquence, la danse, la géographie, le dessin, faire de la tapisserie et toucher du piano. Ce
fut le comble !
- C’est donc pour cela, se disait-elle, qu’il a la figure si épanouie quand il va la voir [...]. (Flaubert, Madame
Bovary : 17)
In der ersten Zeit, als Charles nach Les Bertaux ging, In der ersten Zeit, als Charles seine Besuche in Les
hatte Madame Bovary immer wieder nach dem Bertaux aufnahm, versäumte die junge Madame
Kranken gefragt [...]. Als sie aber erfuhr, daß er eine Bovary nie, sich nach dem Kranken zu erkundigen
Tochter hatte, zog sie Erkundigungen ein; und sie [...]. Als sie jedoch erfuhr, daß er eine Tochter habe,
vernahm, daß Mademoiselle Rouault, bei den zog sie Erkundigungen ein und brachte dabei heraus,
Ursulinerinnen erzogen, eine, wie man sagt, feine daß Mademoiselle Rouault im Kloster bei den
Erziehung erhalten habe; daß sie folglich tanzen, Ursulinerinnen erzogen worden wer, daß sie, wie man
zeichnen, sticken und Klavier spielen könne und sich sagt, eine Gute Bildung erhalten hatte und folglich im
in Geographie auskenne. Das war der Gipfel! Tanzen, in Geographie, Zeichnen, Sticken und im
„Deshalb also“, sagte sie sich, „das strahlende Gesicht, Klavierspielen beschlagen war. Das schlug dem Faß
wenn er dorthin geht [...].“ (Schickelé et Riesen : 26- den Boden aus!
27) „Also darum, sagte sie sich, strahlt er jedesmal übers
ganze Gesicht, wenn er dorthin geht [...].“ (Widmer :
27)
- 321 -
L’idée qu’elle venait d’échapper à la mort faillit la faire s’évanouir de terreur ; elle ferma les yeux ; puis elle
tressaillit au contact d’une main sur sa manche : c’était Félicité.
- Monsieur vous attend, madame ; la soupe est servie.
Et il fallut descendre ! Il fallut se mettre à table !
Elle essaya de manger. Les morceaux l’étouffaient.
Alors elle déplia sa serviette comme pour en examiner les reprises et voulut réellement s’appliquer à ce travail,
compter les fils de la toile. Tout à coup, le souvenir de la lettre lui revint. L’avait-elle donc perdue ? Où la
retrouver ? Mais elle éprouvait une telle lassitude dans l’esprit, que jamais elle ne put inventer un prétexte à
sortir de table. Puis elle était devenue lâche ; elle avait peur de Charles ; il savait tout, c’était sûr ! En effet, il
prononça ces mots, singulièrement :
- Nous ne sommes pas près, à ce qu’il paraît, de voir M. Rodolphe. (Flaubert, Madame Bovary : II-48)
Der Gedanke, daß sie eben dem Tod entronnen war, Bei dem Gedanken, daß sie eben dem Tod entronnen
machte sie halb ohnmächtig vor Entsetzen; sie schloß wer, sank sie fast vor Entsetzen ohnmächtig hin. Sie
die Augen; unter der Berührung einer Hand fuhr sie schloß die Augen; dann fuhr sie zusammen: eine Hand
zusammen: Es war Félicité. faßte sie am Arm. Es war Félicité.
„Monsieur wartet auf Sie, Madame. Die Suppe ist auf „Der Herr wartet auf Sie, Madame. Die Suppe ist
dem Tisch.“ aufgetragen.“
Und sie mußte hinabgehen! mußte sich zu Tisch Sie mußte hinuntergehen, mußte sich zu Tisch
setzen! setzen!
Sie versuchte zu essen. Sie brachte keinen Bissen Sie versuchte zu essen. Die Bissen blieben ihr im
hinunter. Dann entfaltete sie ihre Serviette, als wolle Halse stecken. Da faltete sie ihre Serviette
sie die geflickten Stellen prüfen; und wirklich ging sie auseinander, als wollte sie sich die schadhaften Stellen
daran, die Fäden zu zählen. Plötzlich fiel ihr der Brief genauer ansehen; sie hatte auch wirklich vor, sie da,
ein. Hatte sie ihn etwa verloren? Wo war er nur? wo sie dünn geworden waren, auszubessern und die
Allein, sie fühlte sich geistig derart matt, daß sie nicht Fäden der Leinwand zu zählen. Plötzlich kam ihr der
einmal einen Vorwand zu ersinnen vermochte, um Brief wieder in den Sinn. Hatte sie ihn denn verloren?
vom Tisch wegzugehen. Sie war auf einmal feige Wo konnte sie ihn wiederfinden? Aber sie fühlte sich
geworden; sie hatte Angst vor Charles; er wußte alles, so zerschlagen, ihr Kopf war so müde, daß sie sich
das war sicher! Und wahrhaftig, da sagte er ganz einfach keinen Vorwand auszudenken vermochte, um
eigentümlich: vom Tisch aufzustehen. Außerdem war sie feige
„Es scheint, wir werden Monsieur Rodolphe so bald geworden; sie hatte Angst vor Charles. Er wußte alles,
nicht wiedersehen.“ (Schickelé et Riesen : 241-242) das war sicher! Tatsächlich sagte er in einem ganz
eigenartigen Ton: „Herrn Rodolphe werden wir,
scheint’s, nicht so bald wieder zu Gesicht bekommen.“
(Widmer : 266-267)
(Emma reçoit la visite des huissiers)
- Ah ! Une correspondance ! dit maître Hareng avec un sourire discret. Mais permettez ! Car je dois m’assurer
si la boîte ne contient pas autre chose.
Et il inclina les papiers, légèrement, comme pour en faire tomber les napoléons. Alors l’indignation la prit, à
voir cette grosse main, aux doigts rouges et mous comme des limaces, qui se posait sur ces pages où son cœur
avait battu.
Ils partirent enfin ! Félicité rentra. Elle l’avait envoyée aux aguets pour détourner Bovary [...]. (Flaubert,
Madame Bovary : II-149)
„Ah, Briefe!“ sagte Maître Hareng mit einem „Aha, Briefe!“ sagte Maître Hareng mit diskretem
verschwiegenen Lächeln. „Aber erlauben Sie, ich muß Lächeln. „Aber gestatten Sie! Ich muß mich nämlich
schauen, ob nichts weiter drin ist.“ vergewissern, ob die Schachtel nichts anderes enthält.“
Und er hielt die Papiere in die Höhe, als wollte er Und er hielt die Papiere leicht schräg vor sich hin, als
Goldstücke herausschütteln. Sie wurde zornig, als sie wollte er die Goldstücke herausschütteln. Da
sah, wie sich diese große Hand mit den roten Fingern, übermannte sie die Empörung, als sie sah, wie diese
die weich wie Schnecken waren, auf die Seiten legten, fleischige Pratze mit den roten, weichen Fingern, die
die einst ihr Herz hatten höher schlagen lassen. aussahen wie Schnecken, die Blätter anfaßte, bei
Endlich gingen sie! Félicité kam zurück. Sie war denen einst ihr Herz höher geschlagen hatte.
beauftragt worden, Bovary aufzulauern und ihn vom Endlich gingen sie! Félicité kam zurück - Emma hatte
Hause fernzuhalten [...]. (Schickelé et Riesen : 343) sie ausgesandt; sie sollte Bovary auflauern und ihn
fernhalten. [...] (Widmer : 380)
- 322 -
Ce furent trois jours pleins, exquis, splendides, une vraie lune de miel.
Ils étaient à l’hôtel de Boulogne, sur le port. Et ils vivaient là, volets fermés, portes closes, avec des fleurs par
terre et des sirops à la glace, qu’on leur apportait dès le matin. [...]
Il fallut pourtant se séparer ! Les adieux furent tristes. C’était chez la mère Rolet qu’il devait envoyer ses
lettres ; et elle lui fit des recommandations si précises à propos de la double enveloppe, qu’il admira
grandement son astuce amoureuse. (Flaubert, Madame Bovary : II-104-107)
Es waren drei ausgefüllte, köstliche, wunderbare Tage, Es wurden drei selige, köstliche, wunderbare Tage, ein
richtige Flitterwochen. richtiger Honigmond.
Sie wohnten im Hotel de Boulogne am Hafen und Sie wohnten im Hotel de Boulogne am Hafen. Dort
lebten dort hinter verriegelten Türen und lebten sie hinter geschlossenen Fensterläden und
geschlossenen Fensterläden, Blumen lagen am Boden, verriegelten Türen; am Boden lagen Blumen, daneben
und Eislimonaden standen herum, die man ihnen standen eisgekühlte Fruchtsäfte, die man ihnen früh
frühmorgens hereinbrachte. [...] am Morgen brachte. [...]
Schließlich mußten sie sich doch trennen! Der Endlich schlug aber doch die Trennungsstunde.
Abschied war traurig. Er sollte seine Briefe der Mutter Der Abschied war traurig. Seine Briefe sollte Léon an
Rollet schicken, und sie gab ihm so genaue die alte Rolet schicken, und Emma gab ihm so genaue
Anweisungen in bezug auf den doppelten Umschlag, Anweisungen - er müsse sie jeweils in doppelte
daß er ihre Durchtriebenheit in amourösen Dingen Umschläge stecken -, daß er ihre Durchtriebenheit in
aufs höchste bewunderte. (Schickelé et Riesen : 298- Liebessachen aufs höchste bewunderte. (Widmer :
300) 330-332)
Gleich darauf näherte sich ihm der Portier mit gezogener Mütze und mahnte zum Aufbruch. Das Automobil
stehe bereit, ihn und andere Reisende nach dem Hotel Excelsior zu bringen, von wo das Motorboot die
Herrschaften durch den Privatkanal der Gesellschaft zum Bahnhof befördern werde. Die Zeit dränge.
- Aschenbach fand, daß sie das keineswegs tue. Mehr als eine Stunde blieb bis zur Abfahrt seines Zuges.
(Mann, Der Tod in Venedig : 44)
DIL DIL DIL
Aussitôt après, le portier vint lui Immédiatement après, le portier à Aussitôt après, le portier s’approcha
annoncer, la casquette à la main, casquette galonnée s’approcha et de lui, sa casquette à la main, pour
qu’il était l’heure de partir. L’auto l’avertit qu’on partait. l’avertir du départ. L’automobile
attendait pour le conduire avec L’automobile était prête à le était prête à les conduire, lui et
d’autres voyageurs à l’Hôtel conduire avec les autres d’autres voyageurs, à l’hôtel
Excelsior, d’où le canot voyageurs à l'Hôtel Excelsior, Excelsior, d’où le bateau à
automobile transporterait les d’où un canot à moteur moteur emmènerait l’honorable
voyageurs à la gare par le canal transporterait messieurs les clientèle à la gare, par le canal
appartenant à la Compagnie. Il voyageurs jusqu’à la gare par le appartenant à la compagnie. « Le
n’était que temps... Aschenbach canal privé de la Compagnie. Le temps pressait. » Aschenbach
trouva que rien ne pressait ; il temps pressait. Aschenbach n'était nullement de cet avis. Il
restait plus d’une heure jusqu’au trouvait qu’il n'en était rien. Il restait plus d’une heure avant le
départ de son train. (Bertaux et restait une bonne heure jusqu’au départ de son train. (Nesme et
Sigwalt : 66) départ du train. (Jaccottet : 85-86) Costadura : 135)
Der Mann zog sich zögernd zurück, um nach fünf Minuten wieder aufzutreten. Unmöglich, daß der Wagen
länger warte. Dann möge er fahren und seinen Koffer mitnehmen, entgegnete Aschenbach gereizt. (Mann, Der
Tod in Venedig : 44-45)
DIL DIL DIL
L’homme se retira à contrecœur L’homme se retira en hésitant, pour L’homme se retira en hésitant pour
pour reparaître au bout de cinq revenir cinq minutes après. revenir cinq minutes plus tard.
minutes. Impossible à la voiture Impossible que la voiture attendît Impossible de faire attendre plus
d’attendre plus longtemps. « Eh plus longtemps. longtemps la voiture. « Alors elle
- 323 -
bien ! qu’elle parte en emportant - Alors, qu’elle parte et emporte n’avait qu’à partir en emportant sa
ma malle », répliqua Aschenbach mes bagages répliqua Aschenbach valise », rétorqua Aschenbach
impatienté. (Bertaux et Sigwalt : irrité [...] (Jaccottet : 86) irrité. (Nesme et Costadura : 135)
67)
Der Mann zog sich zögernd zurück, um nach fünf Minuten wieder aufzutreten. Unmöglich, daß der Wagen
länger warte. Dann möge er fahren und seinen Koffer mitnehmen, entgegnete Aschenbach gereizt. Er selbst
wolle zur gegebenen Zeit das öffentliche Dampfboot benutzen und bitte, die Sorge um sein Fortkommen
ihm selber zu überlassen. Der Angestellte verbeugte sich. (Mann, Der Tod in Venedig : 44-45)
DI régi DI régi DIL
L’homme se retira à contrecœur L’homme se retira en hésitant, pour L’homme se retira en hésitant pour
pour reparaître au bout de cinq revenir cinq minutes après. revenir cinq minutes plus tard.
minutes. Impossible à la voiture Impossible que la voiture attendît Impossible de faire attendre plus
d’attendre plus longtemps. « Eh plus longtemps. longtemps la voiture. « Alors elle
bien ! qu’elle parte en emportant - Alors, qu’elle parte et emporte n’avait qu’à partir en emportant sa
ma malle », répliqua Aschenbach mes bagages répliqua Aschenbach valise », rétorqua Aschenbach
impatienté. Lui-même allait, irrité, en ajoutant qu’il prendrait irrité. Lui-même comptait en
ajouta-t-il, prendre à l’heure le vaporetto à l’heure voulue et temps utile emprunter le bateau à
voulue la vedette et demandait en demandant qu’on le laissât se vapeur public et demandait
qu’on lui laissât le soin de se débrouiller tout seul. qu’on lui laissât le soin de
débrouiller tout seul. L’employé L’employé s'inclina. (Jaccottet : 86) s’acheminer. L’employé s’inclina.
s’inclina. (Bertaux et Sigwalt : 67) (Nesme et Costadura : 135)
Da erklärte denn Aschenbach, daß er ohne sein Gepäck nicht zu reisen wünsche, sondern umzukehren und das
Wiedereintreffen des Stückes im Bäder-Hotel zu erwarten entschlossen sei. Ob das Motorboot der
Gesellschaft am Bahnhof liege. Der Mann beteuerte, es liege vor der Tür. (Mann, Der Tod in Venedig : 47)
DI régi DI régi DIL
Aschenbach déclara donc qu’il Aschenbach déclara alors qu’il ne Aschenbach déclara alors qu’il ne
n’avait pas envie de partir sans ses tenait pas du tout à partir sans ses voulait pas voyager sans ses
bagages et qu’il était décidé à bagages, mais qu’il était déterminé bagages, et qu’il était décidé à
retourner à l’Hôtel des Bains et à y à rentrer à l'Hôtel des Bains pour y rebrousser chemin et à attendre le
attendre le retour du colis. Il attendre le retour de sa malle. Il retour de sa malle à l'hôtel des
demanda si le canot automobile demanda si le canot de la Bains. Le bateau de la compagnie
de la Compagnie était arrêté Compagnie était encore devant la était-il ancré à la gare ? L’homme
devant la gare. L’homme affirma gare. L’homme assura qu’il était à confirma qu’il était amarré devant
qu’il était à quai devant la porte. la porte. (Jaccottet : 90-91) l’entrée. (Nesme et Costadura :
(Bertaux et Sigwalt : 70) 141-142)
[...] Der kleine schnurrbärtige Manager im geschweiften Gehrock kam zur Begrüßung die Freitreppe herab.
Leise schmeichelnd bedauerte er den Zwischenfall, nannte ihn äußerst peinlich für ihn und das Institut, billigte
aber mit Überzeugung Aschenbachs Entschluß, das Gepäckstück hier zu erwarten. Freilich sei sein Zimmer
vergeben, ein anderes jedoch, nicht schlechter, sogleich zur Verfügung. (Mann, Der Tod in Venedig : 48)
DIL DIL DIL
[...] Le petit gérant à moustaches Le petit gérant moustachu à Le petit manager moustachu en
vint en smoking et descendit du redingote descendit le perron pour redingote bouffante descendit du
perron pour le saluer. D’un ton de le saluer. perron pour le saluer.
délicate flatterie il exprima ses D’un ton de discrète flatterie, il Sur un ton mielleux il déplora
regrets de l’incident qu’il qualifia déplora vivement un incident qu’il l’incident, le qualifia
d’extrêmement fâcheux pour lui et qualifiait d’extrêmement d’extrêmement pénible pour lui-
pour la maison, mais approuva avec désagréable pour lui et pour la même et pour la maison, mais
conviction la décision prise par maison, mais approuva non sans approuva avec conviction la
Aschenbach d’attendre ici le retour conviction la décision qu’avait décision d’Aschenbach d’attendre
de son colis. Sa chambre, il est prise Aschenbach de rester là en ici ses bagages. Certes, sa
vrai, était déjà donnée, mais une attendant sa malle. A vrai dire sa chambre avait été déjà attribuée,
autre, non moins bonne, se chambre était occupée, mais on mais une autre, tout aussi bien,
trouvait à sa disposition. (Bertaux en mettrait immédiatement une était disponible immédiatement.
et Sigwalt : 71-72) autre à sa disposition, tout aussi (Nesme et Costadura : 145)
bonne. (Jaccottet : 92-93)
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Stand nicht geschrieben, daß die Sonne unsere Aufmerksamkeit von den intellektuellen auf die sinnlichen
Dinge wendet? Sie betäube und bezaubere, hieß es, Verstand und Gedächtnis dergestalt, daß die Seele [...] ihres
eigentlichen Zustandes ganz vergesse und mit staunender Bewunderung an dem schönsten der besonnten
Gegenstände hängen bleibe: ja, nur mit Hilfe eines Körpers vermöge sie dann noch zu höherer
Betrachtung sich zu erheben. (Mann, Der Tod in Venedig : 53)
DIL DIL DIL
N’était-il pas écrit que le soleil N’avait-on pas écrit que le soleil N’était-il pas écrit que le soleil
détourne notre attention des choses ramène notre attention des choses détourne notre attention des choses
intellectuelles vers les choses intellectuelles à celles des sens ! Et de l’intellect vers les choses
matérielles ? Il étourdit, disait le on ajoutait qu’il étourdissait, qu’il sensibles ? Il engourdit et
philosophe grec, il charme ensorcelait raison et mémoire à tel ensorcelle, disait-on, l’entendement
l’intelligence et la mémoire de telle point que [...] l’âme en oubliait et la mémoire, de telle sorte que
manière que l’âme [...] oublie son complètement son propre rang et l’âme oublie complètement [...] son
état réel et s’attache au plus beau restait attachée par une admiration véritable état et s’attache dans une
des objets éclairés par le soleil, si béate aux plus beaux objets admiration étonnée au plus beau
bien que ce n’est qu’avec l’aide qu’illumine le soleil ; et ce n’était des objets que le soleil éclaire : oui,
d’un corps qu’elle trouve ensuite même qu’avec l’aide des corps c’est seulement avec l’aide d’un
la force de s’élever à des qu’elle pouvait s’élever ensuite à corps qu’elle est capable de
considérations plus hautes. de plus hautes contemplations. s’élever ensuite à une
(Bertaux et Sigwalt : 81-82) (Jaccottet : 104-105) contemplation plus haute encore.
(Nesme et Costadura : 161)
Ich berichtete von meinem Besuch bei Charly, und er Je lui relatai ma visite chez Charly et sa surprise
schien ehrlich überrascht. Sri Dao habe ihm zu semblait réelle. Sri Dao lui avait laissé entendre
verstehen gegeben, direkt aus Bangkok via qu’elle avait atterri au Lady Bump en provenance
Frankfurter Flughafen ins LADY BUMP de Bangkok, avec escale à l'aéroport de Francfort.
gekommen zu sein; von einem Zuhälter wisse er Il n’avait jamais été question d'un souteneur.
nichts. (Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 38) (Kaempfer : 41)
Nach seinen Erzählungen war er dann als Packer bei D’après ce qu’il leur racontait, il avait trouvé du
der Post oder in einem Kebab-Laden beschäftigt boulot au tri postal ou dans un débit de kébab. Il ne
- 325 -
gewesen. Er habe nicht viel geredet, aber immer parlait pas beaucoup, mais rapportait toujours
genug Geld mit nach Hause gebracht. Von suffisamment d’argent à la maison. On ne
Freunden Ahmeds wußte man nichts. Viel connaissait pas d’amis à Ahmed. D’ailleurs,
gesprochen wurde offensichtlich in der ganzen Familie l’échange verbal ne semblait pas être le point fort de
nicht. (Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 24) cette famille. (Kaempfer : 31)
Zugegeben hatte er es nie, aber alles lief darauf hinaus, Bien qu’il ne l’eût jamais avoué, tout portait à croire
er mußte Heroin verkauft haben. Woher er das Zeug qu’il vendait de l'héroïne. Elle n’avait pas réussi à
bekam, hatte sie nicht herausfinden können. Besuch connaître la provenance de la came. Son mari ne
oder ungewöhnliche Post habe ihr Mann nie recevait ni visites ni courrier douteux. (Kaempfer :
erhalten. (Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 74) 91)
DN
Ein Mann, der sich mit Larsson vorstellte, bot gegen Un homme qui se présenta sous le nom de Larsson
dreitausend Mark in bar falsche Papiere an; sie hätten proposa des faux papiers contre trois mille marks et
eine halbe Stunde Zeit, sich zu entscheiden, dann leur laissa une demi-heure pour se décider.
würde er wieder anrufen. (Arjouni, Ein Mann, ein (Kaempfer : 18)
Mord : 14)
DI régi
„Klar. Und an diesem Tag waren Sie auch bei Ihrer - C’est sûr. Et donc ce jour-là, vous étiez chez votre
Freundin?“ petite amie ?
„Ja, eigentlich... das war nicht geplant... der Harry hat - Oui, mais... en fait, ce n’était pas prévu... c’est quand
mich, als wir im Auto saßen, gefragt, ob ich heute on était dans la voiture qu’il m’a proposé d’aller la
nicht Lust hätte, einen Ausflug zu machen. Ihm voir, Harry. Lui, ça le dérangeait pas, qu’il me
würde es nichts ausmachen, und nächste Woche disait. Et puis, il m’a rappelé que j’allais prendre mes
hätte ich ja Ferien, müßte dann doch mit der Familie vacances la semaine d’après et que j’allais partir avec
weg, und so weiter. Na ja, war ich natürlich mit ma famille, et tout ça. Moi, bien sûr, j’étais d’accord.
einverstanden.“ (Arjouni, Happy birthday, Türke ! : (Kaempfer : 146)
121)
„Klar. Und an diesem Tag waren Sie auch bei Ihrer - C’est sûr. Et donc ce jour-là, vous étiez chez votre
Freundin?“ petite amie ?
„Ja, eigentlich... das war nicht geplant... der Harry hat - Oui, mais... en fait, ce n’était pas prévu... c’est quand
mich, als wir im Auto saßen, gefragt, ob ich heute on était dans la voiture qu’il m'a proposé d’aller la
nicht Lust hätte, einen Ausflug zu machen. Ihm würde voir, Harry. Lui, ça le dérangeait pas, qu’il me disait.
es nichts ausmachen, und nächste Woche hätte ich ja Et puis, il m’a rappelé que j’allais prendre mes
Ferien, müßte dann doch mit der Familie weg, und vacances la semaine d’après et que j’allais partir
so weiter. Na ja, war ich natürlich mit einverstanden.“ avec ma famille, et tout ça. Moi, bien sûr, j’étais
(Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 121) d’accord. (Kaempfer : 146)
„ [...] Danach kam ein Bulle zu mir und hat mich - [...] Après, un flic est venu me voir et m’a demandé
gefragt, ob ich ’ne anständige Versicherung hätte, und si j’avais une bonne assurance et si je pouvais être
ob ich nich die Schuld übernehmen könnte. Zuerst déclaré coupable. Là, je me suis dit, hé ho, c’est quoi,
dachte ich natürlich, na hallo, was werden denn hier ces magouilles, mais ensuite il m’a tout expliqué, le
für Deals geschoben, aber dann hat er mir das erklärt. flic. Il m’a dit que le Turc n’avait pas d’assurance,
Der Türke hätte keine Versicherung, müßte ins qu’il irait en prison ou qu’il serait reconduit à la
Gefängnis oder würde abgeschoben und so weiter, frontière, et tout le tremblement. [...] » (Kaempfer :
die ganze Leidensgeschichte. [...]” (Arjouni, Happy 148-149)
birthday, Türke ! : 123-124)
Wir saßen uns schweigend gegenüber. Nur Harry On restait assis les uns en face des autres sans rien
Eilers Gequengel durchbrach von Zeit zu Zeit die dire. Seul, le larmoiement de Harry Eiler venait
angespannte Stille. Er würde nie wieder ein entrecouper de temps en temps le silence tendu. Il
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anständiges Gesicht haben. Warum ich ihn nicht vor n’allait plus jamais avoir un visage correct et
dieser Hexe bewahrt hätte... (Arjouni, Happy m’accusa de ne pas l’avoir protégé de cette
birthday, Türke ! : 150-151) sorcière... (Kaempfer : 184)
Nachdem der Staatsanwalt ihnen erklärt hatte, was Après que le procureur eut éclairci leur lanterne, [les
Sache war, stürzten [die Polizisten] in eine leichte flics] furent plongés dans une légère crise d’identité.
Identitätskrise. Den Herrn Kriminalkommissar Futt als Cela leur coûtait d'embarquer M. le commissaire Futt
Heroinhändler und den Kollegen Harry als Mörder zu comme dealer et le collègue Harry comme meurtrier.
verhaften, fiel ihnen schwer. Die Kameraden könne Ils disaient que l’on ne pouvait quand même pas
man doch nicht einfach einsperren, da liege boucler les camarades comme ça, que c’était
bestimmt ein Irrtum vor. (Arjouni, Happy birthday, certainement une erreur. (Kaempfer : 198)
Türke ! : 163)
DIL
Weidenbusch und Sri Dao entschieden sich und trafen Weidenbusch et Sri Dao ne se firent pas prier, et on
mit dem Anrufer folgende Abmachung: Sri Dao steht prit les dispositions suivantes : Sri Dao irait le
am nächsten Morgen, sieben Uhr, mit Geld und lendemain matin à sept heures à la gare centrale, sortie
Paßbild am Taxistand Hauptbahnhof Ostseite. Alleine. est, seule, avec une photo d’identité et l’argent. Une
Ein grauer VW-Bus holt sie ab und bringt sie an einen estafette grise l’amènerait au lieu secret où l’on
geheimen Ort, wo man die Papiere bastelt. bricole les papiers et vingt-quatre heures plus tard,
Vierundzwanzig Stunden später sei sie wieder zu elle serait de retour à la maison. (Kaempfer : 18)
Hause. (Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 14-15)
Wieder ein Schalter, wieder ein Rücken, wieder ein Un autre guichet, un autre dos, le même cinéma. Le
längeres Hin und Her. Er wies mich zur nächsten Tür. type m’indiqua une porte à côté derrière laquelle je
Dahinter müsse irgendwo der Personalchef sitzen. trouverais le chef du personnel. (Kaempfer : 47)
(Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 37)
„... na ja, wir haben ihm erzählt, der Unfall sei - ... bon, ben on lui a raconté que l’accident était
besonders schlimm, und deshalb müsse er zurück in particulièrement grave et qu’il fallait qu’il retourne en
die Türkei, oder lange ins Gefängnis... irgend sowas... Turquie ou qu’il fasse un long séjour en prison...
dann haben wir ihm ein Geschäft angeboten. Wir quelque chose comme ça... puis on lui a offert un
würden dafür sorgen, daß ihm nichts passiert, marché. On ferait en sorte qu’il ne lui arrive rien et
würden ihm auch Geld geben, um den Schaden on lui donnerait l’argent pour payer la casse de la
unter der Hand zu bezahlen.“ (Arjouni, Happy main à la main. (Kaempfer : 176)
birthday, Türke ! : 145)
Wir saßen uns schweigend gegenüber. Nur Harry On restait assis les uns en face des autres sans rien
Eilers Gequengel durchbrach von Zeit zu Zeit die dire. Seul, le larmoiement de Harry Eiler venait
angespannte Stille. Er würde nie wieder ein entrecouper de temps en temps le silence tendu. Il
anständiges Gesicht haben. Warum ich ihn nicht vor n’allait plus jamais avoir un visage correct et
dieser Hexe bewahrt hätte... (Arjouni, Happy birthday, m’accusa de ne pas l’avoir protégé de cette sorcière...
Türke ! : 150-151) (Kaempfer : 184)
Er beschrieb, wie er vor vier Jahren von Futt ins Il déballa comment, il y a quatre ans, Futt l’avait fait
Drogendezernat geholt worden war. Der habe ihn venir aux stups et comment il lui avait fait part de
bald in seine Verbindungen zum MAD eingeweiht ses contacts avec le contre-espionnage en lui
- 327 -
und erklärt, Drogen würden in der Welt der expliquant que la drogue était un élément essentiel
Geheimdienste eine erhebliche Rolle spielen. Mit dans le monde des services secrets. Mais, étant
Rücksicht auf den Ruf des MAD dürfe das aber donnée la réputation desdits services, il ne fallait
nicht öffentlich werden. Dann, erinnerte sich absolument pas que ces choses-là soient rendues
Hosch, habe ihm Futt die Position des publiques. Ensuite, se souvint Hosch, Futt lui avait
Drogenverbrenners vermittelt, damit er ebenfalls obtenu ce poste qui consistait à superviser
dem Geheimdienst dienen könne. All die Jahre l’incinération de la drogue afin que lui aussi puisse
habe er, Georg Hosch, mit gutem Gewissen und im aider les services secrets. Pendant toutes ces
Glauben, dem Staat zu nützen, Heroin entwendet. années, il avait donc détourné de l’héroïne,
Nachdem Herr Futt zur Kriminalpolizei gewechselt convaincu de rendre un service à l’Etat. Puis,
sei, habe ihn der Lieferauftrag für Stoff schon ein lorsque M. Futt fut muté à la criminelle, il s’était
wenig gewundert, aber schließlich sei es der quand même étonné quelque part que les
Auftrag eines Vorgesetzten gewesen, und außerdem commandes de drogue continuaient d’affluer. Mais
wisse man beim Geheimdienst ja nie... da sei eben enfin, comme il agissait sur ordre d’un supérieur et
alles möglich. In der Zeitung habe er doch über den qu’avec les services secrets, il ne fallait pas trop
CIA ähnliche Geschichten gelesen. chercher à comprendre... Et puis, il avait lu de ces
„...vor kurzem allerdings hat mir Herr Futt mitgeteilt, histoires sur la C.I.A. dans le journal...
die Lieferungen könnten für eine Weile eingestellt « ... pourtant, il y a peu, M. Futt m’a dit qu’on pouvait
werden, der Bedarf sei bis auf weiteres gedeckt. [...]” arrêter les livraisons pour un bout de temps parce que
(159) (Arjouni, Happy birthday, Türke ! : 158-159) les besoins étaient couverts jusqu’à nouvel ordre.
[...] » (Kaempfer : 192)
Conditionnel
„... tja, da bin ich doch gestern morgen glatt im « ... alors j’ai carrément frappé à la bonne porte, hier
richtigen Büro gelandet. Wissen Sie, mit welcher matin. Vous savez pour quelle raison Larsson ou
Begründung Larsson oder Manne, oder wie er gerade Manu, ou quel que soit son nom, a transbahuté les
hieß, die Flüchtlinge von der Villa in den Bunker réfugiés de la villa au bunker ? Une voisine aurait
verfrachtet hat? Eine Nachbarin hätte die Polizei appelé la police. […] » (Kaempfer : 134)
gerufen. […]“ (Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 127-
128)
Dann mußten wir eine Weile warten, bis Benjamin Ensuite on poireauta un moment, jusqu’à ce que
Weiss eine Reporterin, der es gelungen war, in den Benjamin Weiss finisse par virer une journaliste qui
Anwaltsraum vorzudringen, zum Teufel gejagt hatte. avait réussi à se faufiler dans la salle des avocats. Elle
Wie sie erklärte, arbeitete sie für die Illustrierte disait qu’elle travaillait pour un fanzine et qu’elle
SCHAMPUS und wollte sich die Exklusivrechte an voulait l’exclusivité pour une « picture story » sur
einer „Picturestory“ über die Flüchtlinge im Bunker l’épisode du bunker. Dans la mesure où ils étaient
sichern. Die Flüchtlinge, soweit sie freikamen, sollten libérés, les réfugiés devaient poser pour une
Szenen des „heavy Aufenthalts“ nachstellen; der reconstruction de leur enfermement « pas cool du
„Clou“ dabei sei, „alle tragen die neue Gaultier- tout », le « clou » aurait été que « tout le monde
Winterkollektion, dazu Sonnenbrillen, die Frauen porte la nouvelle collection d’hiver de chez
oben mit Schleier, aber untenrum möglichst sexy“. Gaultier, des lunettes noires, et que les femmes soient
(Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 155) voilées, mais néanmoins vachement sexy ».
(Kaempfer : 160)
„Warum eigentlich ’n Schwulenpuff?“ - Pourquoi tu m’as branché sur une boîte de pédés,
„Weil mir in solcher Entfernung kein anderer Laden dis-moi ?
eingefallen ist. [...] Und außerdem...“, er boxte mir - Parce que c’est la seule qui me soit venue à l’esprit
gegen die Schulter, „... man soll nichts unversucht dans ce coin paumé. […] Et puis... » - il m’envoya un
lassen.“ coup sur l'épaule - « ... faut tout essayer dans la vie.
„Schönen Dank.“ - Je te remercie.
„Hab so was inner Zeitung gelesen. Jeder wär - J’ai lu ça dans un canard. Tout le monde serait
irgendwie schwul, man müßte sich nur richtig pédé, quelque part, suffirait de se connaître à fond,
erforschen, dann käme man bei sich selber auch après ça coule de source. [...] (Kaempfer : 170)
drauf. [...]“ (Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 164)
- 328 -
Devoir
„Hast du letzten Winter erzählt. Irgend ’ne Oma aus - Tu m’en as parlé cet hiver. Ta mémé de Berlin
Berlin würde dir ’n Haufen Geld hinterlassen.“ devait te laisser plein de pognon. (Kaempfer : 30)
(Arjouni, Ein Mann, ein Mord : 28)
Il paraît que
„Warum eigentlich ’n Schwulenpuff?“ - Pourquoi tu m’as branché sur une boîte de pédés,
„Weil mir in solcher Entfernung kein anderer Laden dis-moi ?
eingefallen ist. Charly hat neulich davon erzählt. Die - Parce que c’est la seule qui me soit venue à l’esprit
Gäste würden da gefilmt und so...“ [...]. (Arjouni, dans ce coin paumé. Charly m’en a parlé l’autre jour.
Ein Mann, ein Mord : 163) Paraît que là-bas, les clients se font filmer, et
tout ... [...]. (Kaempfer : 169)
Le Monde diplomatique
Ce corpus se compose des 78 occurrences d’EIR relevées dans le texte cible allemand et des
énoncés correspondants dans le texte source français. Nous avons classé ce corpus en
fonction de l’ordre décroissant de fréquence d’équivalence avec le français (cf. 9.2.1), soit :
- DI régi
- DIL
- DD non introduit
- Ilot textuel
- Conditionnel
- Autre
- DN
- DD introduit
- Introducteur de cadre de discours
A l’intérieur de ces catégories, les articles sont classés par ordre chronologique, de juin à
décembre 2000.
DI régi
M. Fischer, tout Vert qu’il soit, n’y fait d’ailleurs Dass der ach so grüne Außenminister Deutschlands
aucune allusion dans sa déclaration, et ce n’est darauf mit keinem Wort eingeht, ist kein Zufall. Aber
certainement pas fortuit. Pas plus que le nouveau auch der neue italienische Ministerpräsident Giuliano
- 329 -
président du conseil italien, M. Giuliano Amato, qui, Amato schweigt sich zu diesem Thema vornehm aus.
rebondissant sur les propositions du ministre allemand Dagegen greift er Fischers Auslassungen zum
relatives au « centre de gravité », considère que, sauf „Gravitationszentrum“ dankbar auf. Damit die
à courir à l’échec, « il est essentiel que la CIG Regierungskonferenz nicht scheitert, komme es
affronte avec courage une révision des dispositions wesentlich darauf an, „dass wir bei der
sur la flexibilité […]. » (Le Monde diplomatique, Überarbeitung der Bestimmungen zur Flexibilität
2000-06 : 14) Mut zeigen“. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-06 : 14)
L’OTAN a rejeté toutes les accusations d’infractions Die Nato hat alle Anschuldigungen zurückgewiesen,
au droit humanitaire international, estimant que sa gegen humanitäres Völkerrecht verstoßen zu haben.
campagne aérienne contre la RFY fut la plus précise de Die Luftangriffe gegen Jugoslawien hält sie für die
l’histoire, et que jamais autant de précautions ne präziseste Operation in der jüngeren Geschichte: Nie
furent prises pour protéger les civils. C’est peut-être zuvor habe man sich so sehr darum bemüht, die
vrai. Toutefois, en plusieurs circonstances, les choses Zivilbevölkerung zu schonen. Das mag stimmen.
se passèrent tragiquement, comme l’OTAN elle-même Dennoch räumt selbst die Nato tragische
le reconnaît. (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 1 ; Vorkommnisse ein [...] (taz, dans Le Monde
18 ; 19) diplomatique, 2000-07 : 1 ; 18 ; 19)
Dans une lettre à M. Kofi Annan, [...] M. Lars Holm In einem Brief an Kofi Annan attackierte Lars Holm
attaque la brochure publiée par l’OCHA (dont M. [...] eine von der OCHA veröffentlichte Broschüre
Annan signe l’avant-propos), répétant que « la (mit einem Vorwort von Kofi Annan): Man solle der
grande majorité de la population ne doit pas Mehrheit der Bevölkerung nicht einreden, dass sie
craindre de conséquences graves pour sa santé », et gravierende Auswirkungen auf ihre Gesundheit zu
conclut que l’OCHA « accroît les peurs des befürchten habe, und die OCHA „schüre die Ängste
populations touchées au lieu de leur apporter un der betroffenen Bevölkerung, statt sie zu beruhigen“.
soutien ». (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 15) (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-07 : 15)
Dans une lettre à M. Kofi Annan, [...] M. Lars Holm In einem Brief an Kofi Annan attackierte Lars Holm
attaque la brochure publiée par l’OCHA (dont M. [...] eine von der OCHA veröffentlichte Broschüre
Annan signe l’avant-propos), répétant que « la grande (mit einem Vorwort von Kofi Annan): Man solle der
majorité de la population ne doit pas craindre de Mehrheit der Bevölkerung nicht einreden, dass sie
conséquences graves pour sa santé », et conclut que gravierende Auswirkungen auf ihre Gesundheit zu
l’OCHA « accroît les peurs des populations befürchten habe, und die OCHA „schüre die Ängste
touchées au lieu de leur apporter un soutien ». (Le der betroffenen Bevölkerung, statt sie zu
Monde diplomatique, 2000-07 : 15) beruhigen“. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-07 : 15)
Le groupe africain souhaite également obtenir plus de Darüber hinaus wünschen die afrikanischen Staaten
garanties sur la possibilité de mettre en oeuvre son eine Präzisierung der Sui-generis-Bestimmung, um
propre système sui generis. Il juge en effet que le ihren eigenen Ansatz abzusichern und umsetzen zu
terme « efficace » contenu dans l’article 27.3 b reste können. Die Effizienzbedingung des Artikels 27
trop flou et demande donc que « l’accord précise que Absatz 3b sei zu schwammig. Das Abkommen sollte
toute loi sui generis [puisse] contenir des dispositions daher festschreiben, dass „jedes Gesetz Sui-generis-
visant à protéger les innovations des communautés Bestimmungen enthalten kann, die Innovationen und
autochtones et des communautés agricoles locales des traditionelle Agrarpraktiken der einheimischen und
pays en développement (...) et à préserver les pratiques landwirtschaftlichen Gemeinwesen in den
agricoles traditionnelles […] ». (Le Monde Entwicklungsländern schützen [...]“. (taz, dans Le
diplomatique, 2000-07 : 24) Monde diplomatique, 2000-07 : 24)
Le groupe africain souhaite également obtenir plus de Darüber hinaus wünschen die afrikanischen Staaten
garanties sur la possibilité de mettre en oeuvre son eine Präzisierung der Sui-generis-Bestimmung, um
propre système sui generis. Il juge en effet que le ihren eigenen Ansatz abzusichern und umsetzen zu
terme « efficace » contenu dans l’article 27.3 b reste können. Die Effizienzbedingung des Artikels 27
trop flou et demande donc que « l’accord précise Absatz 3b sei zu schwammig. Das Abkommen sollte
que toute loi sui generis [puisse] contenir des daher festschreiben, dass „jedes Gesetz Sui-
dispositions visant à protéger les innovations des generis-Bestimmungen enthalten kann, die
communautés autochtones et des communautés Innovationen und traditionelle Agrarpraktiken
agricoles locales des pays en développement (...) et à der einheimischen und landwirtschaftlichen
préserver les pratiques agricoles traditionnelles Gemeinwesen in den Entwicklungsländern
[…] ». (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 24) schützen [...]“. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-07 : 24)
- 330 -
Cette affirmation est abondamment illustrée au fil des Die folgenden Seiten des Berichts veranschaulichen
pages, en particulier pour contredire l’argument selon diese Einsicht insbesondere durch die
lequel les organismes génétiquement modifiés (OGM) Gegenargumente, die die Autoren wider die Ansicht
pourraient diminuer la biodiversité : le rapport voit vorbringen, genetisch veränderte Lebewesen könnten
dans cette position « une certaine charge idéologique » die biologische Vielfalt beeinträchtigen: Solche
et souligne que « l’émergence du sida est une Mutmaßungen seien „ideologisch aufgeladen“,
manifestation de la biodiversité ». (Le Monde schließlich sei „die Entstehung von Aids eine
diplomatique, 2000-09 : 1 ; 26 ; 27) Manifestation von Biodiversität“. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-09 : 1 ; 26 ; 27)
Ces arguments sont rejetés aussi bien par le bureau du Dagegen verwahren sich die Palästinenser aus allen
dirigeant palestinien que par les réfugiés des camps ou politischen Lagern. Sie verweisen darauf, dass sie
par les simples habitants de la Cisjordanie et de Gaza. bereits in Oslo historische Zugeständnisse gemacht
On souligne d’abord que ce sont les Palestiniens qui haben, indem sie akzeptierten, ihren Staat auf nur
ont fait, à Oslo, les concessions historiques, en einem Fünftel ihres alten Territoriums zu errichten.
acceptant d’édifier leur Etat sur un cinquième Auch die Autonomiebehörde habe sich schon sehr
seulement de leur patrie. En outre, on insiste sur le flexibel gezeigt. Auf jeden Fall müsse aber das
fait que l’Autorité a fait preuve d’une grande internationale Recht respektiert werden: Erst wenn
souplesse, tout en demandant que la légalité Israel die UN-Resolutionen anerkenne, werde man
internationale soit respectée. Il faut, rappelle-t-on, über alle noch offenen Probleme vernünftig reden
accepter les résolutions des Nations unies et alors on können. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-09 :
pourra débattre de toutes les questions en suspens de 3)
manière réaliste. (Le Monde diplomatique, 2000-09 :
3)
Ces arguments sont rejetés aussi bien par le bureau du Dagegen verwahren sich die Palästinenser aus allen
dirigeant palestinien que par les réfugiés des camps ou politischen Lagern. Sie verweisen darauf, dass sie
par les simples habitants de la Cisjordanie et de Gaza. bereits in Oslo historische Zugeständnisse gemacht
On souligne d’abord que ce sont les Palestiniens qui haben, indem sie akzeptierten, ihren Staat auf nur
ont fait, à Oslo, les concessions historiques, en einem Fünftel ihres alten Territoriums zu errichten.
acceptant d’édifier leur Etat sur un cinquième Auch die Autonomiebehörde habe sich schon sehr
seulement de leur patrie. En outre, on insiste sur le fait flexibel gezeigt. Auf jeden Fall müsse aber das
que l’Autorité a fait preuve d’une grande souplesse, internationale Recht respektiert werden: Erst wenn
tout en demandant que la légalité internationale Israel die UN-Resolutionen anerkenne, werde man
soit respectée. Il faut, rappelle-t-on, accepter les über alle noch offenen Probleme vernünftig reden
résolutions des Nations unies et alors on pourra können. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-09 :
débattre de toutes les questions en suspens de manière 3)
réaliste. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 3)
Ces arguments sont rejetés aussi bien par le bureau du Dagegen verwahren sich die Palästinenser aus allen
dirigeant palestinien que par les réfugiés des camps ou politischen Lagern. Sie verweisen darauf, dass sie
par les simples habitants de la Cisjordanie et de Gaza. bereits in Oslo historische Zugeständnisse gemacht
On souligne d’abord que ce sont les Palestiniens qui haben, indem sie akzeptierten, ihren Staat auf nur
ont fait, à Oslo, les concessions historiques, en einem Fünftel ihres alten Territoriums zu errichten.
acceptant d’édifier leur Etat sur un cinquième Auch die Autonomiebehörde habe sich schon sehr
seulement de leur patrie. En outre, on insiste sur le fait flexibel gezeigt. Auf jeden Fall müsse aber das
que l’Autorité a fait preuve d’une grande souplesse, internationale Recht respektiert werden: Erst wenn
tout en demandant que la légalité internationale soit Israel die UN-Resolutionen anerkenne, werde man
respectée. Il faut, rappelle-t-on, accepter les über alle noch offenen Probleme vernünftig reden
résolutions des Nations unies et alors on pourra können. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-09 :
débattre de toutes les questions en suspens de 3)
manière réaliste. (Le Monde diplomatique, 2000-09 :
3)
Cette stratégie se fonde sur la supériorité absolue Die Strategie beruht auf der absoluten Überlegenheit
acquise par les Etats-Unis dans tous les domaines de la der USA in allen Bereichen der Verteidigung. Ihre
défense. Ses partisans en déduisent que l’intérêt Anhänger leiten daraus ab, dass es im Interesse der
américain consiste à se détourner des idées de USA liege, sich von den Ideen der wechselseitigen
dissuasion mutuelle et de parité nucléaire propres à la Abschreckung und des nuklearen Gleichgewichts zu
période de la guerre froide. A leur avis, il faut aller verabschieden, wie sie der Zeit des Kalten Krieges
aussi loin que possible dans la réduction des arsenaux entsprochen habe. Sie wollen die Reduzierung der
- 331 -
nucléaires, voire offrir à la Russie de partager avec elle Atomwaffenarsenale so weit wie möglich
les capacités de défense antimissile dont les Etats-Unis vorantreiben oder sogar den Russen anbieten, an dem
veulent se doter. Car la Russie ne pourrait pas, disent- Raketenabwehrsystem zu partizipieren, das sich die
ils, attaquer les Etats-Unis, par crainte d’une riposte de USA zulegen wollen. Nach ihrem Kalkül würde
même nature. Mais les Etats-Unis n’ont pas non plus Russland nicht wagen, einen Atomschlag gegen die
intérêt à la frapper avec leurs moyens nucléaires Vereinigten Staaten zu führen, weil es einen atomaren
qui, ajoutent-ils, pourraient être restreints, ne Vergeltungsschlag befürchten müsste. Aber auch die
serait-ce qu’en raison de la moindre superficie de la USA haben kein Interesse, Russland mit
Russie et de la disparition des cibles visées, Atomwaffen anzugreifen, die schon deswegen
naguère, dans les zones industrielles de Biélorussie reduziert werden könnten, weil das russische
et d’Ukraine et dans les régions pétrolières du Territorium geschrumpft sei, womit die atomaren
Caucase. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 6 ; 7) Angriffsziele in den Industriezentren
Weißrusslands und der Ukraine sowie in den
Ölfördergebieten des Kaukasus entfallen seien.
(taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-09 : 6 ; 7)
Les orientations principales de l’effort militaire Die grundsätzliche Ausrichtung der US-
américain pourraient être ainsi révisées et la priorité Militärplanung könnte also revidiert werden, womit
donnée à la puissance aérospatiale - dont on a vu die Luftwaffe - die ja das Rückgrat der „strategischen
qu’elle est l’instrument essentiel du « contrôle Kontrolle“ bildet - Priorität erlangen könnte. Die
stratégique ». Du même coup, les partisans du NMD y Anhänger des NMD-Projekts haben damit ein
voient un argument supplémentaire et capital pour weiteres Hauptargument für eine Verteidigung des
défendre le sol américain au moyen d’un système US-Territoriums durch ein Raketenabwehrsystem, das
antimissile qui en garantisse l’invulnérabilité. Certes, dessen Unverwundbarkeit gewährleiste. Dieses
celui-ci peut se répartir sur mer, à bord de navires System könnte zwar auch auf See stationiert
de surface ou de sous-marins lance-missiles, ou werden, mit Raketenträgern oder U-Boot-
encore sur des bases aériennes ailleurs dans le gestützten Raketenabschussanlagen, es könnte
monde, mais il ne s’agit là que de relais : la auch mit Luftwaffenstützpunkten rund um die
profondeur stratégique nécessaire à cette puissance Welt funktionieren. Doch all dies wären nur
aérospatiale n’existe, disent-ils, qu’aux Etats-Unis Relaisstationen, während die strategische Tiefe,
mêmes. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 6 ;7) die eine solche Raketenabwehr benötige, nur das
Territorium der USA selbst bieten könne. (taz,
dans Le Monde diplomatique, 2000-09 : 6 ;7)
[…] l’heure de l'affrontement approchait. Les ultimes [...] die Stunde der Konfrontation rückte näher. Barak
avances de M. Barak, proposant que la capitale unterbreitete einen letzten Verhandlungsvorschlag:
palestinienne soit installée, sous le nom d’Al Qods Die palästinensische Hauptstadt solle unter dem
(désignation arabe de Jérusalem), à moins de deux Namen Al-Quds (die arabische Bezeichnung für
kilomètres de l’esplanade des Mosquées, laquelle Jerusalem) knapp zwei Kilometer vom
demeurerait sous tutelle (mais pas sous Tempelberg entfernt errichtet werden - welcher
souveraineté) palestinienne, ne parvinrent pas à zwar unter palästinensischer Verwaltung bliebe,
stopper la spirale de violence. (Le Monde aber nicht unter palästinensischer Souveränität.
diplomatique, 2000-11 : 1) Die Spirale der Gewalt war durch diesen Vorschlag
nicht mehr zu aufzuhalten. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-11 : 1)
« C’est une coalition technique », commente le „Es handelt sich um ein technisches Bündnis“,
sociologue Bora Kuzmanovic, nouveau député de la erläutert der Soziologe Bora Kuzmanovic, neu
DOS et membre de la Social-démocratie de Serbie gewählter DOS-Abgeordneter und Mitglied der vom
fondée par l’ex-général Vuk Obradovic. « Avant l’été, ehemaligen General Vuk Obradovic gegründeten
nous avons fait, avec des moyens sophistiqués, des Serbischen Sozialdemokratie. « Vor dem Sommer
enquêtes dans la population », précise-t-il, pour haben wir mit einem subtilen Fragenkatalog die
expliquer comment l’opposition eut recours à des Meinung der Bevölkerung ermittelt“, erklärt er. So
sondages pour choisir le profil de son candidat : konnte die Opposition herausfinden, welche
« Les chiffres ont révélé très clairement que Vojislav Eigenschaften ihr Kandidat erfüllen müsse : „Die
Kostunica […] serait le plus approprié. » (Le Monde Ergebnisse zeigten deutlich, dass Vojislav Kostunica
diplomatique, 2000-11 : 18 ; 19) [...] der geeignetste Kandidat sei.“ (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-11 : 18 ; 19)
Les villageois, à qui ont été allouées les carcasses, ont Die Dorfbewohner, denen die Tiere überlassen
même pu revendre des surplus. Ce qui a déclenché les wurden, konnten das Fleisch sogar mit Gewinn
protestations des bouchers locaux, ceux-ci arguant verkaufen, was den Protest der Schlachter
- 332 -
que la viande de bétail allait se perdre parce que la herausforderte: Deren Fleisch aus der Tieraufzucht
viande d’éléphant était bien meilleur marché (The würde nämlich unterdessen verderben, weil das
Nation, Nairobi, 27 juin 2000). (Le Monde Elefantenfleisch deutlich billiger sei. (The Nation,
diplomatique, 2000-11 : 26 ; 27) Nairobi, 27. Juni 2000). (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-11 : 26 ; 27)
En conclusion, le président sud-africain osait une Zum Schluss wagte der südafrikanische Präsident
proposition : toute stratégie visant l’éradication du sida einen Vorschlag: Jede Strategie, die Aids ausrotten
ne peut espérer être efficace que si elle prend en wolle, könne nur dann Aussicht auf Erfolg haben,
compte, de manière objective et réaliste, le facteur wenn sie objektiv und realistisch den Armutsfaktor
pauvreté. M. Thabo Mbeki écrivait notamment 195 : « Il berücksichtige. Wörtlich schrieb Mbeki: „Fest steht,
est clair que […] la simple superposition de dass […] die schlichte Übertragung westlicher
l’expérience occidentale sur la réalité africaine serait Erfahrungen auf die afrikanische Realität absurd und
absurde et irrationnelle. (...) Je suis convaincu que irrational wäre. Ich bin davon überzeugt, dass es
notre devoir le plus urgent est de répondre de façon unsere dringlichste Aufgabe ist, gezielt auf die
spécifique aux dangers spécifiques qui nous menacent, spezifischen Gefahren zu antworten, die uns
nous les Africains. Nous ne reculerons pas devant cette Afrikaner bedrohen. Wir werden vor dieser
obligation pour choisir la solution la plus confortable Verpflichtung nicht zurückweichen und nicht einfach
de « réciter un catéchisme » qui, bien sûr, est peut-être einen ‚Katechismus herunterbeten’, der - so tauglich
une réponse correcte au sida tel qu’il se présente en er für die Aidsbekämpfung im Westen sein mag - auf
Occident, mais pas forcément en Afrique. » Il die Situation in Afrika nicht anwendbar ist.“ Die
soulignait alors que les chiffres connus sur la vorliegenden Zahlen über das Ausmaß der
tragédie ne sont que des estimations plus ou moins Tragödie seien nur mehr oder weniger genaue
sophistiquées, camouflant mal une réalité qui Schätzungen. Die Realität sähe zweifellos noch
apparaîtrait certainement encore plus tragique si tragischer aus, wenn die afrikanischen Staaten
les Etats africains bénéficiaient d’une capacité über einigermaßen zuverlässige Statistiken
fiable de tenue des livres statistiques. (Le Monde verfügten. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-
diplomatique, 2000-12 : 10) 12 : 10)
De tels jugements se multiplient. M. Víctor Lichtinzer, Was die Situation der Armen angeht, hat auch Victor
conseiller de Fox en matière d’environnement, Lichtinzer, der umweltpolitische Berater von Vicente
explique par exemple, que les pauvres sont pauvres Fox, eine interessante Auffassung: Sie seien eben
parce qu’ils le veulent, parce qu’ils manquent de arm, weil sie es so wollten und weil ihnen die
volonté et de détermination... (Le Monde notwendige Willensstärke und Entschlusskraft
diplomatique, 2000-12 : 22) abgehe. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 :
22)
DIL
« On nous accuse d’immobilisme, commente, d’un air […] der Ministerpräsident [erläutert] mit milder
débonnaire, M. Youssoufi […], mais on oublie, entre Nachsicht: „Man wirft uns vor, wir täten nichts, aber
autres, que nous avons créé une nouvelle atmosphère man übersieht dabei unter anderem, dass wir eine neue
favorable à l’affirmation de l’Etat de droit et à la Atmosphäre geschaffen haben, in der sich die Chancen
défense des libertés individuelles et publiques. […] » für die Festigung des Rechtsstaats und den Schutz der
Mais ne sent-il pas la grande déception qui monte Rechte des Einzelnen und der Bürgerrechte
dans l’opinion ? « Je sens les impatiences, répond M. verbessern. [...]“
Youssoufi. […] » Ob er nicht bemerke, wie die Enttäuschung in der
CHEF d’un grand parti de gauche, comment explique- Bevölkerung wächst? „Ich spüre die allgemeine
t-il que, dans les quartiers les plus pauvres, les gens se Ungeduld. [...]“
tournent vers les islamistes et non vers les socialistes ? Welche Erklärung er, als Führer einer bedeutenden
« Nous nous sommes embourgeoisés, reconnaît-il sans Partei der Linken, dafür habe, dass sich in den ärmsten
ambages. Nous nous sommes coupés du peuple. […] » Vierteln die Menschen nicht den Sozialisten, sondern
(Le Monde diplomatique, 2000-07 : 1 ; 10 ; 11) den Islamisten zuwenden? „Wir sind verbürgerlicht“,
räumt Youssoufi ein. „Wir haben den Kontakt zum
Volk verloren. [...] » (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-07 : 1 ; 10 ; 11)
195
« Notamment » est traduit fautivement par « wörtlich ».
- 333 -
« On nous accuse d’immobilisme, commente, d’un air […] der Ministerpräsident [erläutert] mit milder
débonnaire, M. Youssoufi […], mais on oublie, entre Nachsicht: „Man wirft uns vor, wir täten nichts, aber
autres, que nous avons créé une nouvelle atmosphère man übersieht dabei unter anderem, dass wir eine neue
favorable à l’affirmation de l’Etat de droit et à la Atmosphäre geschaffen haben, in der sich die Chancen
défense des libertés individuelles et publiques. […] » für die Festigung des Rechtsstaats und den Schutz der
Mais ne sent-il pas la grande déception qui monte dans Rechte des Einzelnen und der Bürgerrechte
l’opinion ? « Je sens les impatiences, répond M. verbessern. [...]“
Youssoufi. […] » Ob er nicht bemerke, wie die Enttäuschung in der
CHEF d’un grand parti de gauche, comment Bevölkerung wächst? „Ich spüre die allgemeine
explique-t-il que, dans les quartiers les plus Ungeduld. [...]“
pauvres, les gens se tournent vers les islamistes et Welche Erklärung er, als Führer einer
non vers les socialistes ? « Nous nous sommes bedeutenden Partei der Linken, dafür habe, dass
embourgeoisés, reconnaît-il sans ambages. Nous nous sich in den ärmsten Vierteln die Menschen nicht
sommes coupés du peuple. […] » (Le Monde den Sozialisten, sondern den Islamisten zuwenden?
diplomatique, 2000-07 : 1 ; 10 ; 11) „Wir sind verbürgerlicht“, räumt Youssoufi ein. „Wir
haben den Kontakt zum Volk verloren. [...] » (taz,
dans Le Monde diplomatique, 2000-07 : 1 ; 10 ; 11)
[…] M. Tony Lake, exposait, en mai 1994, devant le Es war im Mai 1994 [...]. Tony Lake [...] legte vor
Washington Institute for Near East Policy [...] les liens dem Washington Institute for Near East Policy [...] die
que les responsables politiques américains avaient Zusammenhänge dar, die von den politischen
établis entre la guerre du Golfe et les accords d’Oslo. Entscheidungsträgern der USA zwischen dem
Il expliquait que la paix entre Israël et ses voisins Golfkrieg und dem Abkommen von Oslo gesehen
arabes était destinée à demeurer une paix armée afin wurden. Lake stellte klar, dass der Frieden zwischen
d’isoler les « Etats voyous » (rogue states) irakien et Israel und seinen arabischen Nachbarn ein bewaffneter
iranien. Le président Saddam Hussein devait Frieden bleiben müsse, um die so genannten
continuer à subir l’ostracisme des régimes arabes. Schurkenstaaten Irak und Iran zu isolieren. Präsident
L’Iran devait être privé de sa relation stratégique Saddam Hussein müsse weiterhin von den
avec la Syrie. Il fallait également mettre sur pied arabischen Regierungen geächtet werden, das
une coalition israélo-arabe contre l’extrémisme strategische Bündnis des Iran mit Syrien solle
islamiste, qu’il définissait comme « une menace pour unterminiert werden. Man müsse außerdem eine
nos intérêts nationaux ». Cette stratégie représentait, israelisch-arabische Koalition gegen den
selon lui, « un paradigme pour l'entrée de notre nation islamistischen Extremismus zustande bringen, der
dans l’ère de l’après-guerre froide ». Dans eine Bedrohung der US-amerikanischen Interessen
l’affrontement entre « violence ou paix, régression ou darstelle. Für Lake bedeutete diese Strategie einen
liberté, isolement ou dialogue », les Etats-Unis Paradigmenwechsel: Die USA würden damit - nach
engageraient leur pouvoir et leur prestige. (Le Monde Ende des Kalten Krieges - in eine neue Ära eintreten.
diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11) Sie seien bereit, in der Konfrontation zwischen
„Gewalt und Frieden, Rückschritt und Freiheit,
Isolation und Dialog“ ihre ganze Macht und ihr
Prestige in die Waagschale zu werfen. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11)
[…] M. Tony Lake, exposait, en mai 1994, devant le Es war im Mai 1994 [...]. Tony Lake [...] legte vor
Washington Institute for Near East Policy [...] les liens dem Washington Institute for Near East Policy [...] die
que les responsables politiques américains avaient Zusammenhänge dar, die von den politischen
établis entre la guerre du Golfe et les accords d’Oslo. Entscheidungsträgern der USA zwischen dem
Il expliquait que la paix entre Israël et ses voisins Golfkrieg und dem Abkommen von Oslo gesehen
arabes était destinée à demeurer une paix armée afin wurden. Lake stellte klar, dass der Frieden zwischen
d’isoler les « Etats voyous » (rogue states) irakien et Israel und seinen arabischen Nachbarn ein bewaffneter
iranien. Le président Saddam Hussein devait continuer Frieden bleiben müsse, um die so genannten
à subir l’ostracisme des régimes arabes. L’Iran devait Schurkenstaaten Irak und Iran zu isolieren. Präsident
être privé de sa relation stratégique avec la Syrie. Il Saddam Hussein müsse weiterhin von den arabischen
fallait également mettre sur pied une coalition israélo- Regierungen geächtet werden, das strategische
arabe contre l’extrémisme islamiste, qu’il définissait Bündnis des Iran mit Syrien solle unterminiert werden.
comme « une menace pour nos intérêts nationaux ». Man müsse außerdem eine israelisch-arabische
Cette stratégie représentait, selon lui, « un paradigme Koalition gegen den islamistischen Extremismus
pour l'entrée de notre nation dans l’ère de l’après- zustande bringen, der eine Bedrohung der US-
guerre froide ». Dans l’affrontement entre « violence amerikanischen Interessen darstelle. Für Lake
ou paix, régression ou liberté, isolement ou bedeutete diese Strategie einen Paradigmenwechsel:
- 334 -
dialogue », les Etats-Unis engageraient leur pouvoir Die USA würden damit - nach Ende des Kalten
et leur prestige. (Le Monde diplomatique, 2000-07 : Krieges - in eine neue Ära eintreten. Sie seien bereit,
10 ; 11) in der Konfrontation zwischen „Gewalt und
Frieden, Rückschritt und Freiheit, Isolation und
Dialog“ ihre ganze Macht und ihr Prestige in die
Waagschale zu werfen. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11)
Le tournant, Naomi Lévy le situe en 1967. La guerre Für Naomi Levy kam die Wende im Jahre 1967. Der
de six jours, explique-t-elle, « nous a enivrés. Même le Sechstagekrieg „hat uns trunken gemacht. Selbst die
mouvement kibboutzique s’est convaincu que tout Kibbuz-Bewegung glaubte, nunmehr sei alles möglich.
était désormais possible. Arabes et juifs allaient Araber und Juden würden Seit an Seite leben, für
coexister : aux premiers le travail, aux seconds die einen sei eben die Arbeit da, für die anderen
l’argent facile. De fait, les juifs se sont enrichis sur le das leicht verdiente Geld. Tatsächlich haben sich die
dos de cette main-d’œuvre à bon marché [...]. » (Le Juden auf dem Rücken dieser billigen Arbeitskräfte
Monde diplomatique, 2000-08 : 10 ; 11) [...] bereichert [...].“ (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-08 : 10 ; 11)
AFIN de minimiser l’impact des techniques OGM sur Um die Auswirkungen der GVO-Technologie auf
l’homme et son environnement, on nous fait valoir que Mensch und Umwelt herunterzuspielen, gibt man uns
la transgenèse se trouve déjà dans la nature : ainsi, les zu bedenken, dass sich die Transgenese auch in der
bactéries du sol échangent depuis toujours des Natur vorfinde: Schon immer würden
gènes de résistance aux antibiotiques ; le blé Bodenbakterien Resistenzgene gegen Antibiotika
moderne a reçu des fragments de génome de austauschen; moderner Weizen enthalte
seigle ; les mitochondries ou les chloroplastes sont Genomstücke vom Roggen; die Mitochondrien und
les vestiges de bactéries ingérées par les cellules Chloroplasten in tierischen und pflanzlichen Zellen
animales ou végétales ; les plantes et les animaux seien Überreste von Bakterien; Tiere und Pflanzen
ont incorporé depuis longtemps des séquences würden sich schon seit langem genetische
génétiques de virus, etc. (Le Monde diplomatique, Sequenzen von Viren einverleiben usw. (taz, dans Le
2000-09 : 1 ; 2 ; 27) Monde diplomatique, 2000-09 : 1 ; 2 ; 27)
Quelques articles de la presse israélienne ont évoqué In Teilen der israelischen Presse wurde das Ganze als
l’hypothèse d’une grande manipulation : M. Barak ein abgekartetes Spiel dargestellt: Barak habe sich in
présente des propositions inacceptables pour les zentralen Fragen wie Jerusalem, Flüchtlinge und
Palestiniens concernant Jérusalem, les réfugiés, les Siedlungen auf Positionen festgelegt, die für die
frontières, les colonies, etc. Si les pressions Palästinenser unannehmbar sind. Würde Arafat
conjointes de MM. Clinton et Barak aboutissaient dem Druck von Clinton und Barak nachgeben,
et que M. Arafat accepte l’inadmissible, ce serait wäre das natürlich ein großer Sieg für den
une victoire éclatante pour le premier ministre israelischen Regierungschef. Bei einem Scheitern
israélien. Dans le cas contraire, M. Barak rendrait könnte er den Palästinensern die Schuld
les Palestiniens responsables de l’échec. Celui-ci zuschieben - womit die alte These der israelischen
confirmerait, comme le martèle un slogan cher à la Rechten bestätigt wäre, dass „es bei den
droite israélienne, qu’« il n’y a pas d’interlocuteur Palästinensern keine Verhandlungspartner gibt“.
[pour parler de paix] chez les Palestiniens » ... (Le (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-09 : 3)
Monde diplomatique, 2000-09 : 3)
(Le journaliste commente des mesures du FMI) Glaubt man dem IWF, ist diese Rezeptur nur eine
D’après le FMI, pourtant, il ne s’agit là que d’une bittere Arznei, die den Kranken langfristig heilen wird.
potion amère qui, à long terme, va guérir le malade. Überdies sei eine Prise Ungleichheit gar keine
De plus, un brin d’inégalité n’est pas une mauvaise schlechte Sache, weil sie Kapitalressourcen für
chose. Il permet de dégager des ressources en capitaux Investitionen freisetze. Doch selbst rein ökonomisch
pour investir. Or avec le recul, on s’aperçoit que, gesehen zeigt sich im Rückblick, dass die Therapie
même en fonction de critères purement économiques, auch bei langfristiger Anwendung fast nirgends
et même à long terme, cette thérapeutique a presque angeschlagen hat. (taz, dans Le Monde diplomatique,
partout échoué. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 2000-09 : 18 ; 19)
18 ; 19)
L’argument avancé par les responsables israéliens était DIE israelische Staatsführung gab in ihrer
immuable : il n’était pas question de transiger avec Argumentation keinen Zentimeter nach: Es komme
une organisation qui n’avait pas adhéré à la nicht in Frage, mit einer Organisation zu
résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations verhandeln, die die Resolution 242 des UN-
unies, que les Palestiniens récusaient puisqu’elle ne Sicherheitsrats nicht anerkennt. Die PLO fühlte sich
- 335 -
concernait que les Etats arabes belligérants. (Le an diese Resolution nicht gebunden, weil darin nur
Monde diplomatique, 2000-11 : 1 ; 10 ; 11) von den Krieg führenden arabischen Staaten die Rede
war. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-11 : 1 ;
10 ; 11)
Le président a su expliquer qu’il lui fallait du temps : Er erläutert glaubhaft, dass er noch Zeit braucht: Ein
si une amélioration dans le niveau de vie, surtout verbesserter Lebensstandard - insbesondere für die
des couches les moins favorisées, ne saurait tarder, unteren Schichten - werde zwar noch etwas auf
elle paraissait encore lointaine il y a peu. Même si le sich warten lassen, aber bis vor kurzem habe er
gouvernement a, provoquant la rage des secteurs noch in weiter Ferne gelegen. Anders als im Mai
patronaux, décrété une augmentation des salaires de 1999, als die Regierung mitten in einer
20 % en mai 1999, en pleine récession économique, Rezessionsphase eine Lohnerhöhung von 20 Prozent
M. Chávez a attendu la stabilité et une domination verordnet und sich damit den Zorn der Unternehmer
politique claire pour lancer des programmes sociaux. zugezogen hatte, wartete Hugo Chávez diesmal ab, bis
(Le Monde diplomatique, 2000-11 : 20 ; 21) ihm eine stabile Gesamtlage und seine klare politische
Dominanz erlaubte, seine sozialen Programme
einzuführen. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-
11 : 20 ; 21)
Chaque administration nationale se renvoie la Die nationalen Verwaltungsorgane schieben sich
responsabilité du mauvais contrôle des farines gegenseitig die Verantwortung für die mangelnde
animales (interdites ici, autorisées là), toutes se Kontrolle der Tiermehle zu, und alle berufen sich auf
retournent vers la mauvaise coordination européenne, die schlechte europäische Koordination, deren
qui elle-même renvoie « la patate chaude » aux Vertreter die „heiße Kartoffel“ an die Protagonisten
protagonistes : il ne tient qu’à eux de s’entendre. (Le zurückgeben: Es sei allein ihre Sache, sich zu
Monde diplomatique, 2000-12 : 28) verständigen. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-12 : 28)
DD non introduit
Le 20 novembre 1999, M. Barak donnait la vue Am 20. November 1999 schilderte Ehud Barak die
d’ensemble la plus explicite sur les menaces et les Bedrohungen und „Heilmittel“, die dieser
remèdes à la base de ce partenariat stratégique. « La strategischen Partnerschaft zugrunde liegen. Die
prolifération des armes de destruction massive, Ausbreitung der Massenvernichtungswaffen, die
expliquait-il, les programmes nucléaires de régimes Atomwaffenprogramme extremistischer Regime und
extrémistes et le développement du terrorisme der staatlich geförderte Terrorismus seien
sponsorisé par les Etats sont des menaces qui visent Bedrohungen, die direkt gegen Israel, die USA und im
directement Israël, les Etats-Unis et, en fait, toutes les Grunde gegen alle Demokratien der Welt gerichtet
démocraties du monde. La responsabilité de toute la seien. Daher sei es die Verantwortung der gesamten
communauté internationale est donc de développer internationalen Gemeinschaft, gegen diese
une coopération sécuritaire efficace pour faire face Bedrohung eine sicherheitspolitische Kooperation
ensemble à ces menaces. Il n’y a pas de plus bel zu entwickeln. Das beste Beispiel dafür sei die
exemple dans ce domaine que les liens stratégiques immer stärker werdende strategische Allianz
et la coopération dans le domaine du zwischen den USA und Israel und ihre
renseignement qui se sont multipliés entre les Zusammenarbeit im Bereich der
Etats-Unis et Israël. L’Arrow [un système de Nachrichtendienste. Das Raketenabwehrsystem
missile antimissile] a été développé par nos deux Arrow sei gemeinsam entwickelt worden, um die
pays afin de contrer les missiles sol-sol qui sont aux Boden-Boden-Raketen der extremistischen
mains de régimes scélérats et extrémistes. Nos amis Schurkenstaaten ausschalten zu können. Israels
à Washington savent que le soutien à Israël relève Freunde in Washington seien sich dessen bewusst,
de l’intérêt national américain. Notre partenariat dass die Unterstützung Israels im Interesse der
se fonde sur une même compréhension des menaces USA liege; die Partnerschaft der beiden Ländern
et des mises en danger de notre mode de vie. » (Le basiere auf der gleichen Wahrnehmung der
Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11) Bedrohungen und der Gefährdung des westlichen
Lebensstils. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-
07 : 10 ; 11)
- 336 -
Interviewé, via son portable, dans sa voiture de Von seinem Dienstwagen aus gibt [Gavril Bar Guil,
fonction, [Gavril Bar Guil, le président des kibboutz der Vorsitzende der Haarzi-Kibbuzim], via Handy in
Haartzi,] manie avec aisance la langue de bois : geschliffener Bürokratensprache ein Interview: „Wir
« Placer l'individu au centre tout en préservant nos sollten unsere kollektiven Werte erhalten und
valeurs collectives, maintenir l’égalité mais lier le gleichzeitig das Individuum ins Zentrum rücken.“ Es
salaire au travail », bref « demeurer un kibboutz en gehe darum, „die Gleichheit aufrechtzuerhalten,
s’intégrant cependant au « ‘village global’ »... (Le den Lohn aber an die Arbeit zu koppeln“, kurzum,
Monde diplomatique, 2000-08 : 10 ; 11) „Kibbuz zu bleiben und gleichzeitig zu einem Teil des
,globalen Dorfs’ zu werden.“ (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-08 : 10 ; 11)
UNE autre thèse récurrente, formalisée dès 1940 par le Eine weitere These, die in diesem endzeitlichen
philosophe américain James Burnham, en rupture de Zusammenhang die Runde machte, formulierte 1940
ban avec la IVe Internationale (trotskiste), fait alors der Philosoph und ehemalige Trotzkist James
jeu avec le discours des « fins » : la révolution Burnham: Die Manager-Revolution, der
managériale et l’ascension irrésistible des unaufhaltsame Aufstieg der organization men
organization men, porteurs d'une nouvelle société : künde von der Heraufkunft einer neuen
la managerial society, qui préfigure la convergence Gesellschaft, der managerial society, in der
des régimes capitaliste et communiste. (Le Monde Kapitalismus und Kommunismus verschmelzen
diplomatique, 2000-08 : 26) würden. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-08 :
26)
La patience des Palestiniens est à bout. Le retard Die Palästinenser sind mit ihrer Geduld am Ende. Seit
systématique et les violations flagrantes dans fast sieben Jahren erleben sie, wie die Umsetzung der
l’exécution des accords d’Oslo depuis près de sept ans Oslo-Verträge systematisch verschleppt und der
les ont exaspérés. Tout nouvel accord, expliquent leurs Vertragstext gebrochen wird. Ein neuer Vertrag, sagen
responsables, devra être accompagné d'assurances et ihre Vertreter, sei nur denkbar, wenn er bindende
de garanties contraignantes et solides de la part des Zusagen und Garantien internationaler Institutionen
instances internationales. Toute violation devra être enthalte: Dann müsse jeder Verstoß vor diesen
portée devant elles, voire devant le Conseil de Instanzen verhandelt oder vor den UN-
sécurité. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : 3) Sicherheitsrat gebracht werden. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-09 : 3)
En conclusion, le président sud-africain osait une Zum Schluss wagte der südafrikanische Präsident
proposition : toute stratégie visant l’éradication du einen Vorschlag: Jede Strategie, die Aids ausrotten
sida ne peut espérer être efficace que si elle prend wolle, könne nur dann Aussicht auf Erfolg haben,
en compte, de manière objective et réaliste, le wenn sie objektiv und realistisch den Armutsfaktor
facteur pauvreté. M. Thabo Mbeki écrivait berücksichtige. Wörtlich schrieb Mbeki: „Fest steht,
notamment : « Il est clair que […] la simple dass […] die schlichte Übertragung westlicher
superposition de l’expérience occidentale sur la réalité Erfahrungen auf die afrikanische Realität absurd und
africaine serait absurde et irrationnelle. […] » (Le irrational wäre. [...]“ (taz, dans Le Monde
Monde diplomatique, 2000-12 : 10) diplomatique, 2000-12 : 10)
Compte tenu de cette apparente filiation naturelle entre Doch selbst wenn man diese offensichtliche und
le Syndicat de la vie quotidienne et les Verts, durchaus natürliche Verbindung unterstellt, ist es
convient-il pour autant de jeter le bébé avec l’eau du deswegen berechtigt, den „verborgenen Makel“
bain pour « vice caché » ? anzuprangern und das Kind mit dem Bade
Pas sûr, d’autant que M. Denis Lambert, l’un des auszuschütten?
géniteurs du « nouveau-né », veut dissiper tout Es handle sich hier nicht um eine Totgeburt, so
malentendu : « Le bébé n’est pas mort-né, comme on Lambert, einer der Väter der Bewegung. Im Gegenteil
l’a dit et écrit. Au contraire, le SVQ devrait être - schon Anfang des Jahres 2001 werde das SVQ
opérationnel début 2001. Nous ne sommes pas le wohl handlungsfähig sein. Es verstehe sich
bras syndical du parti Ecolo. Et nous ne voulons keineswegs als gewerkschaftlicher Arm der
pas non plus concurrencer les organisations des Ökologiepartei und wolle auch nicht in
travailleurs. D’ailleurs, si le sigle reste, le mot Konkurrenz zu den Arbeiterorganisationen treten.
syndicat disparaîtra. Notre objectif ? Agir sur le Übrigens solle der Begriff Gewerkschaft fallen
terrain de la mobilité, de la qualité de l’alimentation et gelassen werden, auch wenn man vorhabe, das
de la défense des services publics de plus en plus Kürzel beizubehalten. Nach den Zielen des SVQ
menacés par les privatisations. Nous avons encore à befragt, sagt Lambert: „Wir wollen in den Bereichen
affiner nos modes d’action, qui passeront certainement Transportwesen und Nahrungsmittelqualität aktiv
par Internet, grâce auquel nous comptons tisser un werden und uns für die Verteidigung der öffentlichen
- 337 -
réseau d’informations et d’alerte auquel viendront Dienste einsetzen, die immer mehr durch
s’ajouter des forums régionaux et des groupes Privatisierungen bedroht sind.“ Freilich müsse man
d’initiatives par thème. » (Le Monde diplomatique, noch die Aktionsformen ausfeilen, das Internet werde
2000-12 : 14) dabei eine große Rolle spielen, denn mit Hilfe dieses
Mediums könne man ein Informationsnetz und ein
Warnsystem schaffen. Zusätzlich werde es regionale
Foren und nach Themen zusammengefasste
Initiativgruppen geben. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-12 : 14)
Compte tenu de cette apparente filiation naturelle entre Doch selbst wenn man diese offensichtliche und
le Syndicat de la vie quotidienne et les Verts, durchaus natürliche Verbindung unterstellt, ist es
convient-il pour autant de jeter le bébé avec l’eau du deswegen berechtigt, den „verborgenen Makel“
bain pour « vice caché » ? anzuprangern und das Kind mit dem Bade
Pas sûr, d’autant que M. Denis Lambert, l’un des auszuschütten?
géniteurs du « nouveau-né », veut dissiper tout Es handle sich hier nicht um eine Totgeburt, so
malentendu : « Le bébé n’est pas mort-né, comme on Lambert, einer der Väter der Bewegung. Im Gegenteil
l’a dit et écrit. Au contraire, le SVQ devrait être - schon Anfang des Jahres 2001 werde das SVQ wohl
opérationnel début 2001. Nous ne sommes pas le bras handlungsfähig sein. Es verstehe sich keineswegs als
syndical du parti Ecolo. Et nous ne voulons pas non gewerkschaftlicher Arm der Ökologiepartei und wolle
plus concurrencer les organisations des travailleurs. auch nicht in Konkurrenz zu den
D’ailleurs, si le sigle reste, le mot syndicat disparaîtra. Arbeiterorganisationen treten. Übrigens solle der
Notre objectif ? Agir sur le terrain de la mobilité, de la Begriff Gewerkschaft fallen gelassen werden, auch
qualité de l’alimentation et de la défense des services wenn man vorhabe, das Kürzel beizubehalten. Nach
publics de plus en plus menacés par les privatisations. den Zielen des SVQ befragt, sagt Lambert: „Wir
Nous avons encore à affiner nos modes d’action, wollen in den Bereichen Transportwesen und
qui passeront certainement par Internet, grâce Nahrungsmittelqualität aktiv werden und uns für die
auquel nous comptons tisser un réseau Verteidigung der öffentlichen Dienste einsetzen, die
d’informations et d’alerte auquel viendront immer mehr durch Privatisierungen bedroht sind.“
s’ajouter des forums régionaux et des groupes Freilich müsse man noch die Aktionsformen
d’initiatives par thème. » (Le Monde diplomatique, ausfeilen, das Internet werde dabei eine große
2000-12 : 14) Rolle spielen, denn mit Hilfe dieses Mediums könne
man ein Informationsnetz und ein Warnsystem
schaffen. Zusätzlich werde es regionale Foren und
nach Themen zusammengefasste Initiativgruppen
geben. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 :
14)
Observateur attentif des comités blancs nés dans la Der Soziologe Didier Vrancken, der [...] die
foulée des crimes d'enfants, M. Didier Vrancken [...] a Entwicklung der damals entstandenen Weißen
perçu dans l’effervescence de l'automne 1996, puis Komitees aufmerksam verfolgt hat, sieht sowohl in
dans les résultats du scrutin de juin 1999, l’expression den erregten Aktivitäten des Herbstes 1996 als auch in
d’un mal-être profond : « J’y vois comme un front den Wahlergebnissen des 13. Juni 1999 den Ausdruck
du refus par rapport aux grands appareils. eines tiefgehenden Unbehagens. Es handle sich dabei
Aujourd’hui, les grandes mobilisations s’organisent gleichsam um eine Front der Ablehnung gegenüber
autour d’enjeux dont la nature se transforme - ils den großen Machtapparaten. „Heute“, so Didier
seraient davantage immatériels, symboliques et Vrancken, „verändert sich die Art der Anliegen, für
identitaires - et elles ne conduisent pas non plus welche die Menschen bereit sind, auf die Straße zu
automatiquement à la formation d’un parti. gehen - es geht dabei wohl eher um Immaterielles,
J’emprunterai plutôt à Marcel Gauchet le terme de Symbolisches oder um die Suche nach Identität.“
« désencadrement politique » de la société civile, Diese „Mobilmachungen“ führen nach seinen Worten
construit sur les grandes représentations morales et sur auch keineswegs automatisch zur Schaffung einer
la perception d’un Etat composé d’un ensemble neuen Partei. Eher sei eine Entwicklung zu
d’appareils énormes, impersonnels et distants des beobachten, die der Philosoph Marcel Gauchet als
attentes des citoyens. » (Le Monde diplomatique, Ablösungsprozess der Zivilgesellschaft von der Politik
2000-12 : 14) beschreibe- ein Prozess, der sich auf grundlegende
moralische Vorstellungen stütze, wobei der Staat als
Zusammenspiel riesiger unpersönlicher Apparate
wahrgenommen werde, die von den Erwartungen der
Bürger weit entfernt seien. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-12 : 14)
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Observateur attentif des comités blancs nés dans la Der Soziologe Didier Vrancken, der [...] die
foulée des crimes d'enfants, M. Didier Vrancken [...] a Entwicklung der damals entstandenen Weißen
perçu dans l’effervescence de l'automne 1996, puis Komitees aufmerksam verfolgt hat, sieht sowohl in
dans les résultats du scrutin de juin 1999, l’expression den erregten Aktivitäten des Herbstes 1996 als auch in
d’un mal-être profond : « J’y vois comme un front du den Wahlergebnissen des 13. Juni 1999 den Ausdruck
refus par rapport aux grands appareils. Aujourd’hui, eines tiefgehenden Unbehagens. Es handle sich dabei
les grandes mobilisations s’organisent autour d’enjeux gleichsam um eine Front der Ablehnung gegenüber
dont la nature se transforme - ils seraient davantage den großen Machtapparaten. „Heute“, so Didier
immatériels, symboliques et identitaires - et elles ne Vrancken, „verändert sich die Art der Anliegen, für
conduisent pas non plus automatiquement à la welche die Menschen bereit sind, auf die Straße zu
formation d’un parti. J’emprunterai plutôt à Marcel gehen - es geht dabei wohl eher um Immaterielles,
Gauchet le terme de « désencadrement politique » Symbolisches oder um die Suche nach Identität.“
de la société civile, construit sur les grandes Diese „Mobilmachungen“ führen nach seinen Worten
représentations morales et sur la perception d’un auch keineswegs automatisch zur Schaffung einer
Etat composé d’un ensemble d’appareils énormes, neuen Partei. Eher sei eine Entwicklung zu
impersonnels et distants des attentes des citoyens. » beobachten, die der Philosoph Marcel Gauchet als
(Le Monde diplomatique, 2000-12 : 14) Ablösungsprozess der Zivilgesellschaft von der
Politik beschreibe- ein Prozess, der sich auf
grundlegende moralische Vorstellungen stütze,
wobei der Staat als Zusammenspiel riesiger
unpersönlicher Apparate wahrgenommen werde,
die von den Erwartungen der Bürger weit entfernt
seien. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 :
14)
Ilan Pappé, à l’inverse, assigne moins à l’historien la Ilan Pappé dagegen sieht die Aufgabe des Historikers
tâche d’enregistrer les faits que celle de les évaluer au nicht so sehr in der Auflistung der Fakten; vielmehr
regard des enjeux du présent. Convaincu de la hat er sie mit Blick auf die Fragen der Gegenwart zu
nécessité de créer avec les Palestiniens « un consensus bewerten. Seiner Überzeugung nach muss mit den
sur le passé qui permettra la coexistence dans Palästinensern „ein Konsens über die Vergangenheit
l’avenir », il souligne la nécessité de revenir à la [erzielt werden], der die Weichen für eine zukünftige
guerre de 1948 […] et en propose une lecture Koexistenz stellt“. Er betont darum die Notwendigkeit
ordonnée autour de deux idées fondamentales : einer erneuten Beschäftigung mit dem Krieg von 1948
l’avenir ne s’est pas joué sur le terrain militaire, […]. Er schlägt vor, von zwei Grundüberlegungen
mais autour de la bataille politique que se sont auszugehen: Wie die zukünftige Entwicklung
livrée les deux parties avant même l’éclatement du verlaufen wird, sei nicht militärisch, sondern
conflit ; et c’est surtout l’incapacité à conclure une politisch entschieden worden, und zwar im Umfeld
paix globale au cours des années suivantes qui est à der Auseinandersetzung, die beide Seiten schon vor
l'origine du conflit actuel. (Le Monde diplomatique, Ausbruch des Konflikts ausgetragen haben. Der
2000-12 : 21) Kern des gegenwärtigen Konflikts liege zweitens
darin, dass in den Jahren danach kein umfassender
Friede geschlossen werden konnte. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-12 : 21)
Ilot textuel
A côté de l’hymne à la « nouvelle société naissante » Neben der Hymne auf die „sich herausbildende neue
[…], les passages sur l’éducation des conclusions du Gesellschaft“ [...] hätten die Passagen über die
sommet auraient mérité plus de publicité. Les missions europäischen Bildungs- und Ausbildungssysteme
des systèmes éducatifs y sont réduites à l’adaptation mehr Aufmerksamkeit verdient. Letztere sollen sich
« tant aux besoins de la société de la connaissance - in einer ungeheuerlichen Verkürzung des
qu’à la nécessité de relever le niveau d’emploi et d’en Bildungsauftrags - allein „auf den Bedarf der
améliorer la qualité », et les enseignants ne sont cités Wissensgesellschaft und die Notwendigkeit von mehr
que comme utilisateurs d’Internet. Que voilà un und besserer Beschäftigung einstellen“, wobei das
programme humaniste ! De son côté, la protection Lehrpersonal einzig als Internet-Nutzer Erwähnung
sociale doit être « modernisée » (le mot-clé est findet. Was für ein humanistisches
lâché) « en accordant une attention particulière à la Bildungsprogramm! Sodann seien die sozialen
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viabilité des régimes de retraite à différentes Sicherungssysteme zu „modernisieren“, und zwar
échéances jusqu’en 2020 et au-delà, si nécessaire ». „unter besonderer Berücksichtigung der
Une façon transparente de parler des fonds de pension Tragfähigkeit der Altersversorgungssysteme in
[…]. (Le Monde diplomatique, 2000-06 : 14) verschiedenen zeitlichen Abschnitten bis 2020 und,
sofern erforderlich, darüber hinaus“. Hier
schimmert deutlich die Einführung privater
Pensionsfonds durch […]. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-06 : 14)
[…] M. Tony Lake, exposait, en mai 1994, devant le Es war im Mai 1994 [...]. Tony Lake [...] legte vor
Washington Institute for Near East Policy [...] les liens dem Washington Institute for Near East Policy [...] die
que les responsables politiques américains avaient Zusammenhänge dar, die von den politischen
établis entre la guerre du Golfe et les accords d’Oslo. Entscheidungsträgern der USA zwischen dem
Il expliquait que la paix entre Israël et ses voisins Golfkrieg und dem Abkommen von Oslo gesehen
arabes était destinée à demeurer une paix armée afin wurden. Lake stellte klar, dass der Frieden zwischen
d’isoler les « Etats voyous » (rogue states) irakien et Israel und seinen arabischen Nachbarn ein bewaffneter
iranien. Le président Saddam Hussein devait continuer Frieden bleiben müsse, um die so genannten
à subir l’ostracisme des régimes arabes. L’Iran devait Schurkenstaaten Irak und Iran zu isolieren. Präsident
être privé de sa relation stratégique avec la Syrie. Il Saddam Hussein müsse weiterhin von den arabischen
fallait également mettre sur pied une coalition israélo- Regierungen geächtet werden, das strategische
arabe contre l’extrémisme islamiste, qu’il définissait Bündnis des Iran mit Syrien solle unterminiert werden.
comme « une menace pour nos intérêts nationaux ». Man müsse außerdem eine israelisch-arabische
Cette stratégie représentait, selon lui, « un paradigme Koalition gegen den islamistischen Extremismus
pour l’entrée de notre nation dans l’ère de l’après- zustande bringen, der eine Bedrohung der US-
guerre froide ». Dans l’affrontement entre « violence amerikanischen Interessen darstelle. Für Lake
ou paix, régression ou liberté, isolement ou dialogue », bedeutete diese Strategie einen Paradigmenwechsel:
les Etats-Unis engageraient leur pouvoir et leur Die USA würden damit - nach Ende des Kalten
prestige. (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11) Krieges - in eine neue Ära eintreten. Sie seien bereit,
in der Konfrontation zwischen „Gewalt und Frieden,
Rückschritt und Freiheit, Isolation und Dialog“ ihre
ganze Macht und ihr Prestige in die Waagschale zu
werfen. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-07 :
10 ; 11)
Développés par l’Unesco à partir de 1994, une dizaine Ein Dutzend dieser von der Unesco 1994 ins Leben
de ces centres […] sont implantés. Mme Oksanna gerufenen Zentren [...] operiert in mehreren
Garnets, coordinatrice du Programme Tchernobyl de betroffenen Gemeinden. Oksana Garnets, die
l’ONU en Ukraine, est intarissable sur leur utilité. Koordinatorin des Tschernobylprogramms,
« Les gens souffrent d’un complexe de victimisation », unterstreicht die Notwendigkeit dieser Einrichtungen:
explique-t-elle. Le but des centres n’est pas de leur „Die betroffenen Personen fühlen sich zu einem
porter assistance, mais de « les aider à rebâtir eux- elenden Leben verdammt, sie leiden an einem
mêmes leur vie ». (Le Monde diplomatique, 2000-07 : Opferkomplex.“ Die Aufgabe der Zentren bestehe
15) darin, „ihnen zu helfen, aus eigener Kraft ein neues
Leben aufzubauen“. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-07 : 15)
Haïm Margalit minimise toutefois son refus, motivé Chaim Margalit versucht allerdings, seine Ablehnung
par des considérations strictement « personnelles », herunterzuspielen und führt rein „persönliche“ Gründe
Rashid ne lui étant « pas sympathique ». Shoshana an. Raschid sei ihm „einfach nicht sympathisch“
l’interrompt : « Le problème n’était pas personnel, gewesen. Schoschana unterbricht ihn: „Es ging nicht
mais idéologique. […] » (Le Monde diplomatique, um ein persönliches, sondern um ein ideologisches
2000-08 : 10 ; 11) Problem. [...]“ (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-08 : 10 ; 11)
En 1973, Bell fait paraître The Coming of Post- In seinem 1973 erschienenen Buch „The Coming of
Industrial Society, où il lie sa thèse antérieure de la fin Post-Industrial Society“ verband Bell seine frühere
de l’idéologie avec le concept de « société These vom Ende der Ideologie mit dem Konzept der
postindustrielle ». Cette dernière, encore appelée „nachindustriellen Gesellschaft“. Letztere, auch
« société de l'information » ou « du savoir », serait Informations- oder Wissensgesellschaft genannt,
dépourvue d’idéologie. Bell fait oeuvre de prévision. kenne keine Ideologie mehr. Der Untertitel des Werks
D’où le sous-titre de l'ouvrage: A Venture of Social - „A Venture of Social Forecasting“ - verrät es: Bell
Forecasting (une tentative de prévision sociale). betätigte sich als Zukunftsforscher. Er extrapolierte die
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Extrapolant des tendances (trends) structurelles strukturellen Trends, die er in den Vereinigten Staaten
observables aux Etats-Unis, il construit une société beobachtete, und konstruierte einen Idealtyp der
type idéale. Une société caractérisée par la montée künftigen Gesellschaft. Die Macht der aufsteigenden
en puissance d’élites dont le pouvoir réside dans la neuen Eliten beruhe auf einer neuen, der
nouvelle « technologie intellectuelle » tournée vers Entscheidungsfindung zugewandten „geistigen
la prise de décision, par la prééminence de la Technologie“. Fortan gebe die
« communauté de la science », une « communauté „Wissenschaftsgemeinschaft“ den Ton an, eine
charismatique », universaliste et désintéressée, „charismatische Gemeinschaft“, die
« sans idéologie ». Une société hiérarchisée, régie universalistisch orientiert ist, sich weder Interessen
par un Etat-providence, centralisateur et noch Ideologien verpflichtet fühlt und gerade
planificateur du changement (d’où l’insistance sur deswegen rational entscheidet. Der Wohlfahrtsstaat
le rôle des méthodes de monitoring et d'assessment übernehme die Regie, plane den technologischen
des mutations technologiques). Une société Wandel und begleite ihn durch ständiges
allergique à la pensée du réseau et au thème de la „monitoring“ und „assessment“. Die hierarchisch
« démocratie participative », problématique que la und zentralistisch strukturierte Gesellschaft will
télévision par câble a pourtant mise à l’ordre du von Netzwerken und „partizipativer Demokratie“
jour aux Etats-Unis. Dans cette société où nichts wissen, und die Wirtschaft sei bei stetigem,
l’économie glisse vers les « services techniques et exponentiellem Wachstum zunehmend von
professionnels », la croissance est linéaire et „technischen Dienstleistungen und
exponentielle. (Le Monde diplomatique, 2000-08 : 26) Expertentätigkeit“ geprägt. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-08 : 26)
Sa thèse centrale : grâce à leur maîtrise des réseaux Er stellte die These auf, dass die Vereinigten Staaten
mondiaux, les Etats-Unis sont devenus la « première dank ihrer Kontrolle über die internationalen Daten-
société globale de l’histoire », celle qui und Informationsnetze die „erste globale Gesellschaft
« communique le plus » ; le modèle de « société der Geschichte“ seien. Sie „kommunizierten am
globale » qu’ils représentent préfigure le destin des meisten“ und hätten bereits verwirklicht, was den
autres nations ; il est inévitable que les nouvelles anderen Nationen noch bevorstehe. Die neuen
valeurs universelles irradiant depuis l’Amérique Werte würden unweigerlich von Amerika in alle
captivent l'imagination de l’humanité tout entière Welt ausstrahlen und Phantasie und
et suscitent le mimétisme. Conclusion : fini le temps Nachahmungsfreude der gesamten Menschheit
de la « diplomatie de la canonnière » ; caduques les beflügeln. Schlussfolgerung: Die Zeit der
notions d’impérialisme, d’américanisation et de „Kanonenboot-Diplomatie“ sei vorbei, Begriffe wie
Pax americana ; vive la nouvelle « diplomatie des Imperialismus, Amerikanisierung und Pax
réseaux » ! (Le Monde diplomatique, 2000-08 : 26) americana seien hinfällig, die „Netz-Diplomatie“
lebe hoch. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-
08 : 26)
EGALEMENT émigrés aux Etats-Unis, d’autres Andere in die USA emigrierte Intellektuelle wie Ernst
intellectuels allemands, comme Ernst Fraenkel, Fraenkel sahen im NS-System die Koexistenz eines
voyaient dans le nazisme la coexistence d’un « Etat „normativen Staates“ (der das Funktionieren einer
normatif » (nécessaire pour garantir le fonctionnement weiterhin kapitalistischen Wirtschaft zu gewährleisten
d’une économie qui restait capitaliste) et d’un « Etat hatte) und eines „Maßnahmestaates“ (der außerhalb
discrétionnaire » (qui opérait en dehors d’un jeglicher Rechtsordnung allein nach dem
quelconque cadre juridique, sur la base d’un pur Kriterium „politischer Opportunität“ agiere und
critère d’« opportunité politique » visant, en sich in erster Linie gegen die „Feinde des Regimes“
premier lieu, les « ennemis » du régime)(6). richtete).(7)
(6) Ernst Fraenkel, Der Doppelstaat, Frankfort-sur-le- (7) Ernst Fraenkel, „Der Doppelstaat“, Frankfurt
Main-Cologne, Europäische Verlagsanstalt, 1974. (Le (Fischer) 1984. (taz, dans Le Monde diplomatique,
Monde diplomatique, 2000-10 : 26 ; 27) 2000-10 : 26 ; 27)
Dans son œuvre, le camp d’extermination, comme lieu In ihrem Werk wird das Konzentrationslager- als
de suspension du droit et comme lieu de rechtsfreier Raum und Ort der Präparierung des
déstructuration et de reconstruction de l'humain, Menschen- zur prägenden Metapher einer neuartigen
devient la métaphore emblématique d’une forme Form von Politik. Deren Wurzeln sieht sie jedoch im
politique inédite, mais profondément enracinée dans le rationalistischen Konstruktivismus der Moderne, der
constructivisme rationaliste moderne, convaincu que davon ausgehe, dass alles, auch die menschliche
tout peut être modifié par l’idéologie, y compris la Natur, durch Ideologie transformierbar ist.(8)
« condition humaine »(7). (8) Hannah Arendt, „Elemente und Ursprünge totaler
(7) Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism, Herrschaft“, München (Piper), 1996. (taz, dans Le
New York, Hartcourt Brace, 1966 (en français, Les Monde diplomatique, 2000-10 : 26 ; 27)
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origines du totalitarisme, Seuil, Paris, 1995 et 1998).
(Le Monde diplomatique, 2000-10 : 26 ; 27)
Leader de l’Union nationale et démocrate, le député Der Abgeordnete Azmi Bischara, Führer der
Azmi Bishara définit ces affrontements comme une nationaldemokratischen Union, begreift die
« intifada » : il s’agit d’« un soulèvement contre Zusammenstöße als eine „Intifada“: Dies sei „eine
toutes les tentatives d’israélisation des masses Erhebung gegen jeden Versuch einer Israelisierung
arabes palestiniennes vivant en Israël et pour la der in Israel lebenden palästinensisch-arabischen
sauvegarde de leur identité nationale. Plus que Massen, eine Erhebung zur Bewahrung ihrer
jamais, celles-ci entendent se voir reconnaître nationalen Identität. Mehr denn je wollen sie als
comme une minorité nationale au sein de l’Etat ». eine nationale Minderheit innerhalb des Staates
(Le Monde diplomatique, 2000-11 : 14 ; 15) gelten.“ (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-11 :
14 ; 15)
En présentant les villes et villages arabes comme un Die Führer der rechten Parteien gießen Öl ins Feuer,
« cinquième front », les dirigeants des partis de droite indem sie die arabischen Städte und Dörfer als eine
ont versé de l’huile sur le feu. Condamnant „fünfte Kolonne“ darstellen. Ihre Sprecher haben die
officiellement les pogroms, leurs porte-parole les Pogrome zwar offiziell verurteilt, sie aber zugleich am
justifièrent en même temps en les qualifiant, à la 10. und 11. Oktober im Fernsehen als „verständliche
télévision, les 9 et 10 octobre, de « réaction Reaktion besorgter Juden“ gerechtfertigt, die
compréhensible de juifs inquiets face aux émeutes erschrocken seien „über den Aufruhr der
des Arabes d’Israël, qui se sont solidarisés avec les israelischen Araber, die sich mit den
Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza ». (Le Palästinensern aus dem Westjordanland und dem
Monde diplomatique, 2000-11 : 14 ; 15) Gazastreifen solidarisiert haben“. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-11 : 14 ; 15)
Conditionnel
[…] il est toujours mal vu officiellement de dire que Auf offizieller Seite wird immer noch übel vermerkt,
l’annulation des élections de décembre 1991 était en wenn man sagt, dass mit der Annullierung der zweiten
vérité celle d’un processus démocratique prometteur. Runde der Parlamentswahlen im Januar 1992 eine viel
L’armée ne serait intervenue que pour sauver les versprechende demokratische Entwicklung annulliert
institutions et la démocratie, avec le succès que l’on wurde. Die Armee habe damals natürlich nur
sait. (Le Monde diplomatique, 2000-06 : 03) interveniert, um den Staat und die Demokratie zu
retten. Mit dem bekannten Erfolg. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-06 : 03)
Ce déni de la réalité [...] repose sur un postulat Diese Art der Realitätsverleugnung [...] beruht auf
idéologique bien rodé : le football, « le vrai », celui einem gut eingeübten ideologischen Postulat: Der
des gradins populaires et des villes ouvrières (Lens, „wahre“ Fußball, der Fußball der wirklichen Fans,
Calais, Gueugnon...) serait perverti par des brebis der Fußball der Arbeiterstädte (Lens, Calais,
galeuses venues s’infiltrer en lui comme autant de Gueugnon usw.) werde von einigen schwarzen
redoutables parasites. (Le Monde diplomatique, Schafen pervertiert, die sich wie Parasiten in ihm
2000-06 : 26 ; 27) eingenistet hätten. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-06 : 26 ; 27)
En 1973, Bell fait paraître The Coming of Post- In seinem 1973 erschienenen Buch „The Coming of
Industrial Society, où il lie sa thèse antérieure de la fin Post-Industrial Society“ verband Bell seine frühere
de l’idéologie avec le concept de « société These vom Ende der Ideologie mit dem Konzept der
postindustrielle ». Cette dernière, encore appelée „nachindustriellen Gesellschaft“. Letztere, auch
« société de l'information » ou « du savoir », serait Informations- oder Wissensgesellschaft genannt,
dépourvue d’idéologie. Bell fait oeuvre de prévision. kenne keine Ideologie mehr. Der Untertitel des
D’où le sous-titre de l’ouvrage: A Venture of Social Werks - „A Venture of Social Forecasting“ - verrät es:
Forecasting (une tentative de prévision sociale). (Le Bell betätigte sich als Zukunftsforscher. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-08 : 26) Monde diplomatique, 2000-08 : 26)
Dans cette société où l’économie glisse vers les Die hier zu Tage tretende Anschauung von
« services techniques et professionnels », la croissance Geschichte, Moderne und Fortschritt entspricht der
est linéaire et exponentielle. La vision de l’histoire- mathematischen Informationstheorie ebenso wie dem
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modernité-progrès qui prévaut est conforme à la Evolutionsmodell, das Walt W. Rostow 1960 in
théorie mathématique de l’information et au modèle seinem „nichtkommunistischen Manifest“ über die
d'évolution dessiné, dès 1960, par Walt W. Rostow „Etappen des Wirtschaftswachstums“(7) skizzierte.
dans son Manifeste non communiste sur les « étapes Der Fortschritt in den zurückgebliebenen Ländern
de la croissance économique(7) ». Le progrès ergebe sich aus der Diffusion der Werte der so
viendrait aux pays dits attardés à travers la genannten erwachsenen Länder. Die
diffusion des valeurs des pays dits adultes. Ce Modernisierungssoziologie gab diesem
parcours a un nom, forgé par la sociologie de la Entwicklungsweg einen Namen: „westernization“.
modernisation : westernization, occidentalisation. (7) Walt W. Rostow, The Stages of Economic Growth.
(7) Walt W. Rostow, The Stages of Economic Growth. A Non-Communist Manifesto, Cambridge, 1960. (taz,
A Non-Communist Manifesto, Cambridge, Cambridge dans Le Monde diplomatique, 2000-08 : 26)
University Press, 1960. (Le Monde diplomatique,
2000-08 : 26)
Avi Shlaïm reprend la thèse qu’il avait développée Avi Shlaïm wiederum greift eine These auf, die er in
dans l’un de ses ouvrages précédents, Collusion across einem seiner früheren Bücher, „Collusion across the
the Jordan : King Abdullah, the Zionist Movement and Jordan: King Abdullah, the Zionist Movement and the
the partition of Palestine. La victoire d’Israël en 1948 Partition of Palestine“, brillant entwickelt hatte:
n’aurait pas été aussi décisive si l’Agence juive et le Israels Sieg von 1948 wäre nicht so entscheidend
roi Abdallah n’avaient pas procédé à un partage ausgefallen, hätten nicht die Jewish Agency und
secret de la Palestine dès le 17 novembre 1947 et si, König Abdallah seit dem 17. November 1947
en dépit de son entrée en guerre le 15 mai 1948, la insgeheim eine Teilung Palästinas in die Wege
Légion transjordanienne, seule armée arabe geleitet und hätte sich nicht die transjordanische
capable d’affronter efficacement les forces juives, Legion - die einzige arabische Armee, die imstande
ne s’était pas cantonnée au territoire alloué à l’Etat war, den israelischen Truppen wirksam
arabe par le plan de partage de l'ONU. (Le Monde entgegenzutreten - auf das im Teilungsplan der
diplomatique, 2000-08 : 31) UNO dem arabischen Staat eingeräumte Gebiet
zurückgezogen. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-08 : 31)
Tout cela est certainement exact, mais n’apporte pas All dies ist kein wirkliches Argument für die sofortige,
d’argument réel pour la dissémination immédiate, massenhafte und irreversible Aussaat von Gen-
massive et irréversible des plantes transgéniques. C’est Pflanzen. Die Öffentlichkeit bleibt misstrauisch, und
aussi pour échapper à la méfiance du public que les deshalb arbeitet die Industrie seit neuestem an GVOs
industriels s’orientent vers des OGM dits « de der „zweiten Generation“: Induzierte Mutationen
deuxième génération » : il s’agirait de recourir à und die Implantierung von Genen einer
l’avantage conféré par une mutation induite, ou verbesserten Varietät derselben Pflanze böten
par le transfert d’un gène d’intérêt appartenant à durchaus Vorteile und entsprächen eher dem
l’espèce améliorée plutôt que d’un gène étranger, traditionellen Verfahren der Varietätenselektion.
afin de se rapprocher davantage du schéma Angesichts des forcierten Tempos, das solche
traditionnel de la sélection variétale. Or, du fait de la Innovationen der Evolution aufnötigen, angesichts
vitesse imposée à l’évolution du vivant par ces auch der Übermacht des techno-kommerziellen
innovations et de la présence d'un appareil technico- Komplexes wären jedoch auch die Gen-Pflanzen der
commercial surpuissant, ces OGM de deuxième zweiten Generation völlig neuartige Artefakte, die das
génération conserveront le caractère des phénomènes Verhältnis der Menschen zur bezähmten Natur ebenso
nouveaux, influençant de façon irréversible les wie das Verhältnis der Menschen untereinander
rapports des hommes à la nature domestique, et ceux nachhaltig beeinflussen würden. (taz, dans Le Monde
des hommes entre eux. (Le Monde diplomatique, diplomatique, 2000-09 : 1 ; 26 ; 27)
2000-09 : 1 ; 26 ; 27)
LA défense des inégalités au sein de la société a été Zahlreiche ideologische Strömungen schwangen sich
construite par différents courants idéologiques, chacun auf, die Ungleichheiten zu legitimieren, und jede hatte
apportant sa pierre à l'édifice. Elle s’articule autour de ein Schärflein zur Demontage des Gleichheitsideals
trois thèmes principaux. beizutragen. Dabei lassen sich drei Hauptthemenfelder
L’égalité serait tout d’abord synonyme d’uniformité. unterscheiden.
L’inégalité est alors défendue au nom du droit à la Im ersten Typus der Plädoyers für die soziale
différence, au prix d'une double confusion, entre Ungleichheit wird Gleichheit vor allem als
égalité et identité d'une part, entre inégalité et Gleichförmigkeit kritisiert. Ungleichheit wird also im
différence de l'autre. Namen des Rechts auf Differenz verteidigt, freilich
De surcroît, l’égalité serait synonyme d’inefficacité. um den Preis einer doppelten Verwechslung- von
En garantissant à chacun une égale condition Gleichheit mit Uniformität und von Ungleichheit mit
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sociale, elle démotiverait les individus et ruinerait Differenz.
les bases de l’émulation et de la concurrence. Elle Außerdem sei Gleichheit gleichbedeutend mit
serait donc contre-productive, tant pour l’individu Ineffizienz. Die Garantie gleicher sozialer
que pour la collectivité. Les inégalités profiteraient Lebensumstände wirke demotivierend, ruiniere die
en définitive à tout le monde, aussi bien aux Grundlagen des Wettstreits und der Konkurrenz
« perdants » qu’aux « gagnants ». Telle est, par und sei somit für den Einzelnen wie für die
exemple, la position de Friedrich Hayek et de ses Gesellschaft kontraproduktiv. Dagegen komme
épigones. […] Ungleichheit, wie Friedrich A. Hayek und seine
Le discours inégalitariste se replie, en troisième lieu, Epigonen behaupten, letzten Endes allen zugute,
sur son argument majeur : l’égalité serait synonyme de den „Verlierern“ ebenso wie den „Gewinnern“.
contrainte, d’aliénation de la liberté, notamment en […]
portant atteinte au « libre fonctionnement du marché ». Der dritte und wesentliche Strang der
(Le Monde diplomatique, 2000-09 : 32) antiegalitaristischen Ideologie insinuiert, Gleichheit
bedeute Zwang und Verlust an Freiheit, sprich an
„freier Marktwirtschaft“ [...] (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-09 : 32)
Au fond, la Belgique n’échappe plus à un effet de Im Grunde kann sich Belgien nicht mehr der
contamination venu de l’extérieur. Elle n’est plus « un Ansteckung von außen entziehen. Belgien ist nicht
plat pays », mais une succession de « paysages hyper- mehr einfach ein „flaches Land“ („le plat pays“, wie es
fragmentés », selon le sociologue Benoît Scheuer. Qui Jacques Brel in seinem Chanson besungen hat),
ajoute : « Si cette tendance lourde existe partout dans sondern - nach Ansicht von Benoît Scheuer - eine
le monde industrialisé, elle s’exprime peut-être ici de Aneinanderreihung äußerst fragmentierter
manière plus visible parce que l’Etat est faible. La Landschaften. „Auch wenn man diese
société civile peut donc se développer plus vite Fragmentierung“, so Benoît Scheuer, „überall in der
qu’ailleurs. » Au culte de l'individu tout en muscles industrialisierten Welt beobachten kann, wird sie hier
des années 80 succéderait à présent « un vielleicht besonders sichtbar, weil der Staat schwach
individualisme portant en lui les germes d’un ist. Die Zivilgesellschaft kann sich deshalb schneller
nouvel humanisme(11) ». Reste à savoir si les faits entwickeln als anderswo.“ Auf den Kult des
confirmeront les espoirs 196. Individuums der Achtzigerjahre folge nun ein
(11) « Noir, jaune, blues », enquête réalisée par le anderer Individualismus, der den Keim eines neuen
quotidien Le Soir et Survey & Action, Editions Luc Humanismus in sich trage.(11)
Pire, Bruxelles, 1998. (Le Monde diplomatique, 2000- (11) Vgl. „Noir, jaune, blues“, Untersuchung der
12 : 14) Tageszeitung Le Soir in Zusammenarbeit mit Survey
&Action, Verlag Luc Pire, Brüssel 1998. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-12 : 14)
CONTACTER les salariés par courrier électronique IN den meisten Fällen ist die Information der
demeure le plus souvent assez risqué. Certaines Beschäftigten per E-Mail noch immer ein recht
entreprises l’interdisent, d’autres ferment les yeux... riskantes Unterfangen. Manche Unternehmen
jusqu’au moment où elles décident de fermer le verbieten es, andere schließen die Augen - bis zu dem
robinet. Quelques-unes ont même porté plainte. « Le Tag, an dem sie den Zugang schließen. Einige zogen
manque de réglementation en la matière est sogar vor Gericht. „Die Rechtsunsicherheit in diesem
invraisemblable », s’insurge M. Lechat, qui, au nom Bereich ist einfach unglaublich“, empört sich Noël
de son syndicat, propose une nouvelle législation. Les Lechat, der im Namen seiner Gewerkschaft eine
syndicats devraient avoir un libre accès au réseau gesetzliche Regelung anregt. Die Gewerkschaften
interne et aux messageries et devraient connaître la sollten freien Zugang zum Intranet haben und eine
liste des adresses de diffusion pour l’ensemble des Liste der unternehmensinternen E-Mail-Adressen
salariés. A charge, bien sûr, pour eux, de limiter aller Beschäftigten besitzen. Dabei läge es natürlich
leurs envois afin de ne pas submerger les salariés in ihrer Verantwortung, die Zahl der Sendungen
de courriers électroniques. zu begrenzen, um die Beschäftigten nicht mit E-
Du reste, ces derniers eux-mêmes ne l’accepteraient Mails zu überschwemmen. Im Übrigen würden
pas. Quant à la confidentialité des messages reçus Letztere dies kaum akzeptieren.
et envoyés par les salariés, elle devrait être Die Vertraulichkeit der empfangenen und
garantie, clairement inscrite dans le code du abgesandten Nachrichten müsste eigentlich
travail. La décision du tribunal correctionnel de Paris, garantiert und im Arbeitsrecht festgeschrieben
le 2 novembre 2000, est à marquer d’une pierre sein. Im Kalender rot anzustreichen ist in dieser
blanche : pour la première fois, dans un jugement qui Hinsicht die wegweisende Entscheidung des Pariser
devrait faire jurisprudence, la justice affirme que le Tribunal Correctionnel vom 2. November 2000:
196
Ce dernier énoncé, qui conforte la distanciation opérée par le conditionnel, n’est pas traduit en allemand.
- 344 -
courrier électronique sur le lieu de travail constitue Erstmals befand ein Gericht, dass elektronische Post
bien une « correspondance privée ». (Le Monde am Arbeitsplatz als „Privatkorrespondenz“ einzustufen
diplomatique, 2000-12 : 24) ist. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 : 24)
Autres
Verbe voir
Cette affirmation est abondamment illustrée au fil des Die folgenden Seiten des Berichts veranschaulichen
pages, en particulier pour contredire l’argument selon diese Einsicht insbesondere durch die
lequel les organismes génétiquement modifiés (OGM) Gegenargumente, die die Autoren wider die Ansicht
pourraient diminuer la biodiversité : le rapport voit vorbringen, genetisch veränderte Lebewesen könnten
dans cette position « une certaine charge die biologische Vielfalt beeinträchtigen: Solche
idéologique » et souligne que « l’émergence du sida Mutmaßungen seien „ideologisch aufgeladen“,
est une manifestation de la biodiversité ». (Le Monde schließlich sei „die Entstehung von Aids eine
diplomatique, 2000-09 : 1 ; 26 ; 27) Manifestation von Biodiversität“. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-09 : 1 ; 26 ; 27)
Les orientations principales de l’effort militaire Die grundsätzliche Ausrichtung der US-
américain pourraient être ainsi révisées et la priorité Militärplanung könnte also revidiert werden, womit
donnée à la puissance aérospatiale - dont on a vu die Luftwaffe - die ja das Rückgrat der „strategischen
qu’elle est l’instrument essentiel du « contrôle Kontrolle“ bildet - Priorität erlangen könnte. Die
stratégique ». Du même coup, les partisans du NMD Anhänger des NMD-Projekts haben damit ein
y voient un argument supplémentaire et capital weiteres Hauptargument für eine Verteidigung des
pour défendre le sol américain au moyen d’un US-Territoriums durch ein Raketenabwehrsystem,
système antimissile qui en garantisse das dessen Unverwundbarkeit gewährleiste. Dieses
l’invulnérabilité. Certes, celui-ci peut se répartir sur System könnte zwar auch auf See stationiert werden,
mer, à bord de navires de surface ou de sous-marins mit Raketenträgern oder U-Boot-gestützten
lance-missiles, ou encore sur des bases aériennes Raketenabschussanlagen, es könnte auch mit
ailleurs dans le monde, mais il ne s’agit là que de Luftwaffenstützpunkten rund um die Welt
relais : la profondeur stratégique nécessaire à cette funktionieren. Doch all dies wären nur
puissance aérospatiale n’existe, disent-ils, qu’aux Relaisstationen, während die strategische Tiefe, die
Etats-Unis mêmes. (Le Monde diplomatique, 2000-09 : eine solche Raketenabwehr benötige, nur das
6 ; 7) Territorium der USA selbst bieten könne. (taz, dans
Le Monde diplomatique, 2000-09 : 6 ; 7)
L’exercice a donné lieu à deux lectures. Pour M. Diese Ergebnisse lassen sich auf zweierlei Weise
Geoffrey Chandler, « l’enquête montre à quel point les interpretieren. Für Geoffrey Chandler „hat die
droits humains [...] sont ignorés ». Nettement plus Erhebung gezeigt, in welchem Maße die
optimiste, M. Andrew Wilson, le directeur du Centre, Menschenrechte [...] ignoriert werden“. Sehr viel
voit dans l’enquête la preuve que la question des droits optimistischer äußerte sich Andrew Wilson, der
fondamentaux a atteint un niveau sans précédent dans Direktor des Ashridge Center, der in der Studie den
l’élite des milieux d'affaires. Même si elle n’en est Beweis sieht, dass die Frage der Grundrechte bei den
encore qu’à ses débuts. « Pour certaines Managementeliten ein nie dagewesenes Niveau
organisations, souligne-t-il, le seul fait de prendre en erreicht hat. Freilich stehe man damit erst am
compte les questions sociales et éthiques dans leur Beginn: „Für manche Organisationen ist allein die
stratégie d’affaires est un développement Tatsache, dass sie soziale und ethische Aspekte bei
remarquable. » (Le Monde diplomatique, 2000-12 : 4 ; ihrer Geschäftsstrategie in Rechnung stellen, schon
5) ein bemerkenswerter Fortschritt.“ (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-12 : 4 ; 5)
Par rapport à ces contributions, la position de Marcuse Marcuses Position steht quer zu diesen
s’inscrit transversalement mais s’enracine dans une Interpretationen, hält aber an einer marxistischen
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perspective marxiste. Contrairement à la vulgate Perspektive fest. Entgegen der liberalen Überzeugung
libérale, totalitarisme et capitalisme ne sont pas, pour sind für ihn Totalitarismus und Kapitalismus keine
lui, des termes contradictoires, car le capitalisme est unvereinbaren Begriffe, der Kapitalismus sei
un système qui règle la totalité des relations vielmehr ein System, das die Totalität sozialer
sociales. Au cours du XXe siècle, ce caractère invétéré Beziehungen regelt. Im Verlauf des 20. Jahrhunderts
du capital apparaît manifeste, et le système devient, tritt dieses Wesensmerkmal des Kapitals offen zu
selon Marcuse, totalitaire. (Le Monde diplomatique, Tage, und das System wird totalitär. (taz, dans Le
2000-10 : 26 ; 27) Monde diplomatique, 2000-10 : 26 ; 27)
Actuellement, un peu partout en Europe, la question Heute steht die Frage fast überall in Europa wieder auf
resurgit : « Combattue pour des raisons politiques, der Tagesordnung. „Wird die Zuwanderung, nachdem
l’immigration sera-t-elle défendue pour des raisons sie aus politischen Gründen bekämpft wurde, nun aus
économiques ? », demande Le Figaro Economie du 3 wirtschaftlichen Gründen verteidigt?“, räsonniert der
août 2000, pour qui la question « n’est plus Figaro im Wirtschaftsteil seiner Ausgabe vom 3.
taboue ». (Le Monde diplomatique, 2000-11 : 6 ; 7) August 2000: Die Frage sei jedenfalls „nicht mehr
tabu“. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-11 :
6 ; 7)
DEPUIS le déclenchement de l’Intifada d’al-Aqsa, les Seit Beginn der „Al-Aksa-Intifada“ stützen sich die
médias israéliens se fondent sur les affirmations des israelischen Medien auf die Verlautbarungen von
porte-parole militaires et civils. Alors que d’ordinaire Armee- und Regierungssprechern. Doch diese
ces informations sont plutôt exactes et précises, cette Informationen, die üblicherweise zuverlässig und
fois-ci elles s’accompagnèrent d’inexactitudes, de präzise sind, strotzen nunmehr von Ungenauigkeiten,
mensonges et d’omissions. Un exemple : ils laissèrent Unwahrheiten und Lücken. Zum Beispiel gab man den
entendre aux journalistes que l’usage excessif de la Journalisten zu verstehen, das Übermaß an Gewalt bei
force pour disperser les manifestants se révélait der Auflösung der Demonstrationen sei notwendig und
nécessaire et justifié dans la mesure où des soldats et gerechtfertigt gewesen, weil israelische Soldaten und
des civils israéliens se trouvaient en danger. Ainsi le Zivilisten gefährdet gewesen seien: Angeblich hätten
vendredi 29 septembre, lors de la prière à al-Aqsa, aufgebrachte Jugendliche am 29. September
quand - selon leur version - des jeunes surexcités während des Freitagsgebets in der Al-Aksa-
jetèrent des pierres sur les juifs priant devant le Moschee jüdische Gläubige, die an der Klagemauer
mur des Lamentations. (Le Monde diplomatique, beteten, mit Steinen beworfen. (taz, dans Le Monde
2000-11 : 12 ; 13) diplomatique, 2000-11 : 12 ; 13)
Amnesty International a examiné plusieurs aspects de In seiner Untersuchung setzt sich amnesty
la campagne, incluant neuf attaques spécifiques au international mit verschiedenen Aspekten der
cours desquelles des civils furent tués et où le droit de Bombardierungen auseinander, unter anderem auch
la guerre a pu être ou a été violé. Elle n’a pas eu les mit den neun Angriffsaktionen, bei denen
moyens d’analyser d’autres attaques comme celle Zivilpersonen umkamen und womöglich gegen das
des ponts de Novi Sad, peut-être illégale même si Kriegsrecht verstoßen wurde. Es übersteige die
aucun civil ne semble avoir été tué ; elle n’est pas Möglichkeiten von amnesty, Angriffe (wie den auf
non plus en mesure d’évaluer l’impact global des die Brücke von Novi Sad) zu untersuchen, die
bombardements sur la population civile. Sur la base vielleicht illegal waren, dem aber offenbar keine
de faits disponibles, principalement les déclarations Zivilisten zum Opfer fielen. Desgleichen sei
publiques de l’OTAN, et de discussions avec des amnesty außerstande, die globalen Auswirkungen
officiels de haut rang de l'Alliance à Bruxelles en der Bombardierungen auf die Zivilbevölkerung zu
février 2000, il apparaît que l’OTAN n’a pas toujours beurteilen. Aus den vorliegenden Fakten, die in erster
respecté ses obligations légales concernant le choix Linie auf den öffentlichen Nato-Erklärungen und auf
des cibles et des méthodes et moyens de combat. (Le Diskussionen mit hochrangigen Nato-Vertretern in
Monde diplomatique, 2000-07 : 1 ; 18 ; 19) Brüssel vom Februar 2000 beruhen, geht deutlich
hervor, dass bei der Wahl der Angriffsziele und der
Kampfmethoden nicht immer die gesetzlichen
Verpflichtungen eingehalten wurden. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-07 : 1 ; 18 ; 19)
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M. El Douri s’explique longuement, minutieusement. Al-Duri gibt ausführliche und detaillierte Auskunft.
Les dossiers nos 4003197 et 4004439, présentés Die Unterlagen mit den Aktenzeichen 4 003 197
notamment par la Kuwait Petroleum Corporation, und 4 004 439, die die Kuwait Petroleum
pour la somme de 21,6 milliards de dollars, évoqués Corporation mit ihrem Antrag auf
plus haut, sont exemplaires. Ils concernent la Entschädigungsleistungen in Höhe von 21,6
suspension de la production et de la vente de Milliarden Dollar einreichte, seien ein
pétrole koweïtien durant l'occupation irakienne, exemplarisches Beispiel. Sie beziehen sich auf die
ainsi que les pertes dues aux incendies notamment. Verluste, die Kuwait durch die Einstellung der
Les attendus koweïtiens, plusieurs dizaines de milliers Erdölförderung und- ausfuhr sowie durch die
de pages, ont été déposés, les 20 mai et 24 juin 1994, Brände der Förderanlagen während der Besetzung
devant les trois commissaires chargés du dossier. durch den Irak entstanden seien. Die Unterlagen im
Bagdad n’a été informé de leur contenu qu’à travers Umfang von mehreren zehntausend Seiten wurden den
un résumé du secrétariat exécutif le... 2 février 1999, drei Kommissaren, die mit der Bearbeitung des
cinq ans après ! Il a eu jusqu'au 19 septembre pour Dossiers betraut wurden, am 20. Mai und 24. Juni
présenter ses observations. 1994 vorgelegt. Über ihren Inhalt wurde Bagdad nur
Or, explique la délégation irakienne, le 13 juin 2000, durch eine zusammenfassende Darstellung des
au conseil d’administration, « [ces deux demandes] Exekutivsekretariats informiert, und zwar am 2.
touchent trop d’aspects légaux, scientifiques, Februar 1999, mit fünf Jahren Verspätung. Zur
techniques et comptables... Vous devez vous imaginer Stellungnahme setzte man der irakischen Regierung
le temps nécessaire pour transmettre ces volumineux eine Frist bis zum 19. September 2000.
documents, les vérifier, les étudier […]. » (Le Monde Am 13. Juni 2000 erklärte die irakische Delegation auf
diplomatique, 2000-10 : 1 ; 16 ; 17) einer Sitzung des Verwaltungsrats: „... [die
kuwaitischen Anträge] berühren eine Unmenge
rechtlicher, wissenschaftlicher, technischer und
abrechnungstechnischer Fragen. Sie müssen sich vor
Augen halten, wie lange es dauert, diese voluminösen
Unterlagen zu übermitteln, zu verifizieren, zu prüfen
[…].“ (taz, Le Monde diplomatique, 2000-10 : 1 ; 16 ;
17)
L’appropriation du volet sanitaire de la lutte contre le Dass die gesundheitlichen Aspekte des Kampfs gegen
sida dans les pays du Sud par la communauté Aids in den Ländern des Südens von Wissenschaftlern
scientifique des pays riches s’accordait aux principes der reichen Länder vereinnahmt wurden, passte
de solidarité professés par l’Occident. En démontrant durchaus in das vom Westen propagierte
la relation existant entre la précarité sociale et la Solidaritätsprinzip. Als die Epidemiologen einen
dynamique de la transmission du VIH, les Zusammenhang zwischen prekären sozialen
épidémiologistes ont introduit une faille dans les Verhältnissen und der Ausbreitung von HIV
certitudes du « consortium » Onusida, qui regroupe les nachweisen konnten, rüttelten sie an den Gewissheiten
agences des Nations unies et la Banque mondiale. des UN-Aidskonsortiums, das aus den zuständigen
Pour l’intelligentsia des bureaux de New York et de Organisationen und Abteilungen von UNO und
Genève, responsable des stratégies d’endiguement du Weltbank besteht. Die Erkenntnis, dass der
fléau, la prise de conscience que la seule approche biomedizinische Ansatz allein zur Bewältigung des
biomédicale ne permettait pas de surmonter le défi du Aids-Problems nicht ausreicht, stellte für die
sida a été une épreuve. A aucun prix les pays du Sud Chefstrategen, die von New York und Genf aus die
ne devaient lui en renvoyer le reflet tragiquement Krankheit einzudämmen versuchten, eine
amplifié. D’autres facteurs, remis en lumière, lui ont Herausforderung dar. Um keinen Preis wollten sie von
permis de se disculper : la méconnaissance du den Ländern des Südens mit den Folgen dieses Irrtums
comportement sexuel des populations du Sud, dont konfrontiert werden, die mittlerweile dramatische
les représentations étaient faussées par des Ausmaße annahmen. Um für Entlastung zu sorgen,
présupposés culturels, sous-tendait les déficiences wurden weitere Faktoren beleuchtet: Die
observées. (Le Monde diplomatique, 2000-12 : 8 ; 9) beobachteten Schwächen beruhten demnach auf
Unkenntnis über das Sexualverhalten der
Bevölkerung des Südens, das aufgrund kultureller
Voraussetzungen verzerrt wahrgenommen worden
sei. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 : 8 ; 9)
- 347 -
DN
[…] M. Tony Lake, exposait, en mai 1994, devant le Es war im Mai 1994 [...]. Tony Lake [...] legte vor
Washington Institute for Near East Policy [...] les liens dem Washington Institute for Near East Policy [...] die
que les responsables politiques américains avaient Zusammenhänge dar, die von den politischen
établis entre la guerre du Golfe et les accords d’Oslo. Entscheidungsträgern der USA zwischen dem
Il expliquait que la paix entre Israël et ses voisins Golfkrieg und dem Abkommen von Oslo gesehen
arabes était destinée à demeurer une paix armée afin wurden. Lake stellte klar, dass der Frieden zwischen
d’isoler les « Etats voyous » (rogue states) irakien et Israel und seinen arabischen Nachbarn ein bewaffneter
iranien. Le président Saddam Hussein devait continuer Frieden bleiben müsse, um die so genannten
à subir l’ostracisme des régimes arabes. L’Iran devait Schurkenstaaten Irak und Iran zu isolieren. Präsident
être privé de sa relation stratégique avec la Syrie. Il Saddam Hussein müsse weiterhin von den arabischen
fallait également mettre sur pied une coalition israélo- Regierungen geächtet werden, das strategische
arabe contre l’extrémisme islamiste, qu’il définissait Bündnis des Iran mit Syrien solle unterminiert werden.
comme « une menace pour nos intérêts Man müsse außerdem eine israelisch-arabische
nationaux ». Cette stratégie représentait, selon lui, Koalition gegen den islamistischen Extremismus
« un paradigme pour l'entrée de notre nation dans l’ère zustande bringen, der eine Bedrohung der US-
de l’après-guerre froide ». Dans l’affrontement entre amerikanischen Interessen darstelle. Für Lake
« violence ou paix, régression ou liberté, isolement ou bedeutete diese Strategie einen Paradigmenwechsel:
dialogue », les Etats-Unis engageraient leur pouvoir et Die USA würden damit - nach Ende des Kalten
leur prestige. (Le Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; Krieges - in eine neue Ära eintreten. Sie seien bereit,
11) in der Konfrontation zwischen „Gewalt und Frieden,
Rückschritt und Freiheit, Isolation und Dialog“ ihre
ganze Macht und ihr Prestige in die Waagschale zu
werfen. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-07 :
10 ; 11)
Le chœur des pleureuses reprend aujourd’hui ses Heute nun ergeht sich der Chor der Klageweiber
lamentations à propos, cette fois, de l’« euro abermals in Wehgeschrei. Diesmal aber, weil der
faible ». On conspue, entre autres, le Prix Nobel Euro zu schwach sei. Der Nobelpreisträger für
d’économie Robert Mundell, qui qualifie cette Ökonomie Robert Mundell wird verhöhnt, weil er den
« dévaluation compétitive » de « bénédiction cachée ». „Abwertungswettlauf“ als „heimliche Wohltat“
(Le Monde diplomatique, 2000-10 : 1) qualifiziert [...]. (taz, dans Le Monde diplomatique,
2000-10 : 1)
Mais le patronat en fait un casus belli, au nom de la Doch die Arbeitgeberverbände erklärten das Vorhaben
défense de « l’outil de travail » ; pas celui du zum Casus Belli, weil es zu Lasten der
plombier-zingueur, mais la fortune et les milliards „Arbeitsmittel“ gehe, wobei sie aber wohl kaum an
détenus en portefeuille par MM. François Pinault et das Werkzeug des kleinen Klempners dachten,
consorts. (Le Monde diplomatique, 2000-10 : 3) sondern eher an die Milliarden der Herren Pinault und
Konsorten. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-
10 : 3)
La seconde [ligne d’interprétation], soutenue par Franz Demgegenüber beschrieben Autoren wie Franz
Neumann, Arkadji Gurland et Otto Kirchheimer, et Neumann, Arkadij Gurland und Otto Kirchheimer, die
plus conforme au marxisme, préférait décrire le stärker dem Marxismus verhaftet waren, das
régime nazi comme une forme de « capitalisme Naziregime als eine Form von „totalitärem
monopoliste totalitaire », en en soulignant la Monopolkapitalismus“, die voll in der Kontinuität
continuité avec la structure hiérarchique de l’ordre der hierarchischen Struktur des kapitalistischen
capitaliste(5). Systems verankert sei.(6)
(5) Lire Rolf Wiggershaus, Die Frankfurter Schule, (6) Rolf Wiggershaus, „Die Frankfurter Schule“,
Munich-Vienne, Carl Hanser Verlag, 1986. (Le Monde München (Hanser) 1986. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-10 : 26 ; 27) diplomatique, 2000-10 : 26 ; 27)
Lors d’une rencontre, le 18 mai 1896, avec le nonce Bei einer Zusammenkunft mit dem Apostolischen
apostolique à Vienne, Mgr Agliardi, [Herzl] envisage Nuntius in Wien, am 18. Mai 1896, stellt Herzl sogar
même l’exterritorialité pour tout Jérusalem, la capitale Exterritorialität für ganz Jerusalem in Aussicht: Die
du futur Etat juif devant s’installer au nord de la Hauptstadt des künftigen jüdischen Staates solle
ville sainte. Il va jusqu’à donner les mêmes assurances nördlich der Heiligen Stadt errichtet werden. Die
à ses interlocuteurs turcs. (Le Monde diplomatique, gleiche Zusicherung machte er sogar seinen türkischen
- 348 -
2000-11 : 14 ; 15) Gesprächspartnern, die als Herrscher des Osmanischen
Reiches die Oberhoheit über Jerusalem innehatten.
(taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-11 : 14 ; 15)
C’est surtout aux Etats-Unis que les « antiaméricains » „Antiamerikaner“ sind demgegenüber vor allem in den
se déchaînent. Un éditorial du Wall Street Journal a Vereinigten Staaten zu finden. In einem Leitartikel des
sonné le tocsin : « Dans n’importe quelle république Wall Street Journal wird auf die Pauke gehauen: „In
bananière, ce qui se passe en ce moment en Amérique jeder Bananenrepublik würde man die derzeitigen
serait présenté comme une tentative de coup d’Etat de Vorgänge in Amerika als versuchten Staatsstreich
Gore. » Plus mesuré, le Los Angeles Times a Gores bezeichnen.“ Etwas maßvoller formuliert es die
néanmoins évoqué « l’ombre d’illégitimité » qui Los Angeles Times: Der nächste Präsident werde
pèsera sur le prochain président. (Le Monde einen „Schatten von Illegitimität“ wohl nicht mehr
diplomatique, 2000-12 : 1 ; 6 ; 7) loswerden. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-
12 : 1 ; 6 ; 7)
Accusé de refuser de lutter contre la maladie, M. Nachdem man Thabo Mbeki beschuldigt hatte, er
Mbeki a déclaré avoir été extrêmement surpris par wolle die Krankheit gar nicht bekämpfen, setzte sich
« la sorte de tempête » déclenchée par sa volonté de dieser zur Wehr: Er sei äußerst überrascht über
mieux comprendre les causes profondes du „den regelrechten Sturm“, den sein Bemühen
malheur qui ravage le continent africain. Il a ausgelöst habe, die tiefer liegenden Gründe für das
rappelé le plan de bataille en six points mis en oeuvre Unheil zu begreifen, das den afrikanischen
par son gouvernement [...]. (Le Monde diplomatique, Kontinent heimsucht. Er verwies außerdem auf den
2000-12 : 10) Sechsstufenplan, den seine Regierung ausgearbeitet
hat [...]. (taz, dans Le Monde diplomatique, 2000-12 :
10)
M. Fox s’est engagé à respecter la structure laïque de Fox hat sich mit Ehrenwort verpflichtet, die
l’Etat mexicain, mais ses conseillers dans le domaine laizistische Struktur des mexikanischen Staates nicht
de l’éducation y mettent une condition : que la laïcité anzutasten. Doch seine bildungspolitischen Berater
soit redéfinie de façon à ce qu’elle inclue des cours wollen dies nur unter einer Bedingung hinnehmen: der
de religion... (Le Monde diplomatique, 2000-12 : 22) Begriff Laizismus müsse so umdefiniert werden,
dass in Zukunft an staatlichen Schulen
Religionsunterricht stattfinden kann. (taz, dans Le
Monde diplomatique, 2000-12 : 22)
DD introduit
M. Arnaud Lagardère, héritier du principal industriel Arnaud Lagardère, Erbe des größten französischen
français de l’armement, rejoue Fahrenheit 451 dans Rüstungskonzerns, wirbt im Fernsehen mit Szenen aus
des spots télévisés : grâce à son service d’accès au dem Film „Fahrenheit 451“. Die Werbebotschaft:
réseau des réseaux, plus jamais on ne jettera au feu Seine Firma, ein Internet-Provider, sei der Garant
la liberté d’expression, semble promettre la dafür, dass die Freiheit des Wortes nie mehr von
publicité. (Le Monde diplomatique, 2000-06 : 32) den Flammen bedroht werde. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-06 : 32)
Le 20 novembre 1999, M. Barak donnait la vue Am 20. November 1999 schilderte Ehud Barak die
d’ensemble la plus explicite sur les menaces et les Bedrohungen und „Heilmittel“, die dieser
remèdes à la base de ce partenariat stratégique. « La strategischen Partnerschaft zugrunde liegen. Die
prolifération des armes de destruction massive, Ausbreitung der Massenvernichtungswaffen, die
expliquait-il, les programmes nucléaires de régimes Atomwaffenprogramme extremistischer Regime
extrémistes et le développement du terrorisme und der staatlich geförderte Terrorismus seien
sponsorisé par les Etats sont des menaces qui visent Bedrohungen, die direkt gegen Israel, die USA und
directement Israël, les Etats-Unis et, en fait, toutes im Grunde gegen alle Demokratien der Welt
les démocraties du monde. La responsabilité de toute gerichtet seien. Daher sei es die Verantwortung der
la communauté internationale est donc de développer gesamten internationalen Gemeinschaft, gegen diese
une coopération sécuritaire efficace pour faire face Bedrohung eine sicherheitspolitische Kooperation zu
ensemble à ces menaces. Il n’y a pas de plus bel entwickeln. Das beste Beispiel dafür sei die immer
exemple dans ce domaine que les liens stratégiques et stärker werdende strategische Allianz zwischen den
la coopération dans le domaine du renseignement qui USA und Israel und ihre Zusammenarbeit im Bereich
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se sont multipliés entre les Etats-Unis et Israël. der Nachrichtendienste. Das Raketenabwehrsystem
L’Arrow [un système de missile antimissile] a été Arrow sei gemeinsam entwickelt worden, um die
développé par nos deux pays afin de contrer les Boden-Boden-Raketen der extremistischen
missiles sol-sol qui sont aux mains de régimes Schurkenstaaten ausschalten zu können. Israels
scélérats et extrémistes. Nos amis à Washington Freunde in Washington seien sich dessen bewusst,
savent que le soutien à Israël relève de l’intérêt dass die Unterstützung Israels im Interesse der USA
national américain. Notre partenariat se fonde sur une liege; die Partnerschaft der beiden Ländern basiere auf
même compréhension des menaces et des mises en der gleichen Wahrnehmung der Bedrohungen und der
danger de notre mode de vie. » (Le Monde Gefährdung des westlichen Lebensstils. (taz, dans Le
diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11) Monde diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11)
Lors d’un entretien à l’hebdomadaire El Wassat, en In einem Interview mit der Wochenzeitung El Wassat
août 1999, il définit les contours de cette « vieille hat Baschar al-Assad im August 1999 ein Porträt jener
garde » à laquelle il s’attaque : « Ce sont des individus „alten Garde“ gezeichnet, gegen die er antreten will:
d’une certaine génération, qui ont accumulé gains et „Es sind Personen aus einer bestimmten Generation,
pouvoir et qui veillent dessus comme des gardiens. Ils die zu Reichtum und Macht gekommen sind und
ne veulent laisser personne s’en approcher. » Il évite darüber eifersüchtig wachen- niemand soll ihnen das
toutefois de généraliser. Il y a aussi, précise-t-il, des streitig machen.“ Er will jedoch kein pauschales Urteil
vieux qui « ont réalisé des conquêtes majeures pour fällen: Auch unter den Älteren gebe es einige, die
le bien public et qui les défendent ». Et ceux-là, il „Großes für das Gemeinwohl geleistet haben und
faut les respecter. On devine déjà que, contre certains diese Errungenschaften verteidigen“, vor ihnen
barons du régime réticents à la succession dynastique, habe er Respekt. Das lässt bereits ahnen, was auf die
mise à la retraite et accusation de corruption vont être Paladine des Regimes zukommt, die sich gegen die
les deux moyens utilisés. (Le Monde diplomatique, dynastische Erbfolge sperren: erzwungene Abdankung
2000-07 : 10 ; 11) und Anklage wegen Korruption. (taz, dans Le Monde
diplomatique, 2000-07 : 10 ; 11)
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