Diasporas: Pathways To Investment, Entrepreneurship and Innovation in The Mediterranean
Diasporas: Pathways To Investment, Entrepreneurship and Innovation in The Mediterranean
Diasporas: Pathways To Investment, Entrepreneurship and Innovation in The Mediterranean
Diasporas : passerelles pour
l’investissement, l’entrepreneuriat
et l’innovation en Méditerranée
goog
E t u d e N ° 2 0
Décembre 2010
Références
Ce rapport a été préparé par l’équipe ANIMA dans le cadre du contrat
Invest in Med. ANIMA Investment Network est une plateforme multi‐pays
de développement économique de la Méditerranée. Le réseau réunit plus de
70 agences de promotion des investissements (API), réseaux internationaux
et acteurs du développement territorial en Méditerranée.
ISBN 978‐2‐915719‐58‐1
Photo de couverture : iStockphoto.com
Auteurs
Etude réalisée par Samir Abdelkrim (rédaction, recherche des données,
interviews), avec des contributions de Zoé Luçon (rédaction du profil‐pays
Israël), Sébastien Dagault (conseils et partie recommandation), Emmanuel
Noutary (partie recommandation) et Bénédict de Saint‐Laurent (avant‐
propos, recommandation et révision). L’annuaire MedDiasporas a été réalisé
par Samir Abdelkrim, assisté de Maïa Thomine‐Desmazures, Landri Maré et
Oulfa Gazhouani (veille et collecte des données sur les réseaux). Tous sont
employés d’ANIMA. Traduction vers lʹanglais de Michael Boweren.
Les diverses Agences de Promotion de l’Investissement (API) de la
région MED, les membres dʹANIMA, ainsi que les diverses personnes
interviewées dans le cadre de l’étude (cf. annexe 1) et qui sont ici
chaleureusement remerciées
ANIMA et tous les partenaires impliqués ne peuvent être tenus
responsables des données fournies. Toute erreur ou imprécision mérite être
signalée à [email protected]. ANIMA est intéressé par vos commentaires,
compléments d’information et mises à jour. Merci.
1
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Acronymes
AFII : Agence Française pour les Investissements Internationaux
ANIMA : Réseau euro‐méditerranéen d’acteurs du développement
économique
API : Agence de Promotion de l’Investissement
CNUCED (UNCTAD en anglais) : Conférence des Nations Unies sur le
Commerce et le Développement
IDE : Investissement Direct Etranger
MED‐11 : Ensemble de 11 pays du voisinage européen, soit 9 pays
partenaires méditerranéens de lʹUE (Algérie, Egypte, Israël, Jordanie,
Liban, Maroc, Autorité Palestinienne, Syrie, Tunisie), un pays avec le
statut d’observateur (Libye) et un pays en voie d’adhésion, la Turquie.
Malte et Chypre ont rejoint l’Union en mai 2004.
MED‐10 : les mêmes sans la Libye
MENA : Middle East ‐ North Africa = MED‐10 + Mauritanie, Libye,
Soudan, pays du GCC + Yemen, Iran, Irak, Afghanistan, Pakistan
(géométrie parfois variable)
MIPO : Mediterranean Investment and Partnership Observatory
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
OSE : Organisme de Soutien aux Entreprises
PIB : Produit Intérieur Brut
PPM : Pays Partenaire Méditerranéen de l’UE
R&D : Recherche et Développement
TIC : Technologies de l’Information et de la Communication
UE : Union européenne (on distingue souvent UE‐15, ou anciens
membres, UE‐10, ou nouveaux membres et UE‐27)
WIR : World Investment Report (rapport CNUCED sur l’investissement
dans le monde)
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
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Il serait naïf de croire quʹune mobilisation ʺorganiséeʺ des diasporas
économiques est chose aisée. Habitués à se débrouiller en dehors des circuits
officiels, les entrepreneurs expatriés ne sont pas des clients faciles. Les
spécificités du ʺfonctionnementʺ des diasporas expliquent certains écueils. Il
est intéressant, avant de passer à l’analyse démontrant la contribution des
réseaux de diasporas en faveur du développement de leur pays d’origine
puis aux recommandations et à lʹaction, de présenter les expériences
antérieures menées en Méditerranée et dʹen présenter un bilan rapide.
Un autre élément de complexité tient à la dualité qui sʹinstalle vite quand on
peut émigrer dans un pays plus riche que le sien. Certes, on ne se sent pas
totalement chez soi, mais on bénéficie de revenus et dʹun cadre de vie
appréciables, souvent de plus grandes libertés quʹà la maison (libertés
démocratiques, moindres contraintes familiales ou sociales, relations plus
anonymes réglées par contrat plus que par coutume), et dʹune expérience
auto‐valorisante de réussite sociale (quand tout se passe bien...). La mère
patrie manque indubitablement et, avec elle, tout un mélange de sensations,
de souvenirs positifs, de besoins relationnels ou affectifs. Mais le retour au
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
pays est le plus souvent difficile, car ceux qui sont restés ne valorisent guère
lʹexpérience des expatriés et peuvent parfois même les traiter comme des
sortes de ʺtraîtresʺ à la nation... Un sentiment paradoxal survient alors
souvent ‐ sentiment dʹécartèlement (on est chez soi partout, ou nulle part),
vague culpabilité par rapport aux origines, envies contradictoires. Le cinéma
ou la chanson ont popularisé cette confusion des sentiments, sur laquelle
jouent dʹailleurs certaines campagnes dʹincitation au retour au pays ou au
réinvestissement.
Quoi quʹil en soit, si les diasporas économiques ont un rapport compliqué à
leur pays dʹorigine, elles sont rarement opposées à lʹidée de jouer un rôle
positif. La question est de savoir sʹil sʹagit dʹune simple bonne volonté (ʺje
nʹai rien contre aider mon paysʺ) ou si un passage effectif à lʹacte est
envisageable. Les rapports de citoyenneté quʹentretiennent les
méditerranéens avec leur territoire semble souvent plus locaux, plus de
lʹordre du ʺclanʺ (la famille, les cousins, les marseillais, les rifains, les kabyles
etc.) que véritablement nationaux. Chacun essaiera dʹabord, et cʹest normal,
de favoriser les siens, son propre intérêt, puis sa famille, son quartier, son
village. Plus que les asiatiques, les méditerranéens sont assez individualistes
et croient peu aux actions collectives. Cela peut tenir à la confiance, qui
risque vite dʹêtre déçue quand on sort du cercle de la famille ou des
partenaires proches. Le lien humain est essentiel en Méditerranée dans la
relation dʹaffaires. Lʹindividualisation, la personnalisation de ces relations
rend plus délicate la mise en place de dispositifs de réinvestissement.
A partir dʹun concept dʹoffre dʹassistance pour un retour ou un deuxième
investissement en Provence, sʹadressant à des entrepreneurs dʹorigine
francophone de la Silicon Valley, de Nouvelle‐Angleterre et, plus tard de la
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Figure 1. Home Sweet Home ou la Provence, retour vers votre avenir
Lʹargumentaire de Provence Promotion sʹadresse aux cadres expatriés
(ʺVous êtes originaire de Provence ? Vous êtes Français, francophone,
francophile, attiré par les atouts de la France ?ʺ etc.) et joue sur les atouts de
Marseille et sa région : connexion haut débit avec le reste du monde (17 TGV
par jour vers Paris et à moins de 2 heures d’avion de 25 métropoles
européennes et méditerranéennes), coûts immobiliers et salariaux de 25 à 60
% inférieurs à ceux des capitales européennes comme Londres ou Paris,
aides ciblées comme le Crédit d’Impôt Recherche ou le Prêt Régional à la
Création d’Entreprise, qualité de la vie et des ressources humaines.
Il insiste sur lʹaccompagnement à toutes les étapes du projet :
Appui à l’élaboration du business plan ;
Aide au développement de partenariats technologiques ou
commerciaux;
Intégration dans l’un des 8 pôles de compétitivité de la Région;
Réseau constitué de plus de 100 partenaires privés et publics :
incubateurs, pépinières, Etat et collectivités locales, banques, capitaux‐
risqueurs, business‐angels, cabinets conseils, centres de recherche, pôles
de compétitivité, industriels, structures d’accompagnement des
familles…
En 2005, Home Sweet Home a reçu le prix des Initiatives de l’Economie
décerné par la presse économique française. En 2006, le programme était
finaliste français du Prix Européen de l’Esprit d’Entreprise. Entre 2003 et
2009, Home Sweet Home a accompagné l’implantation en Provence de 46
entreprises venues d’autres régions du monde, dont 70% des Etats‐Unis.
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Figure 2. Exemples de slogans imaginés (Turquie, Jordanie, Palestine et Tunisie)
Pour promouvoir la création d’entreprises par des nationaux, MEDA‐
Entrepreneurs sʹest concentré sur la définition dʹune stratégie de marketing
adaptée à chaque pays. Un fort ciblage était conseillé par Home Sweet Home
comme condition de succès :
Recueillir les données de base sur lʹexpatriation de cadres (effectifs, pays
de destination, métiers exercés);
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Préparer un argumentaire en anglais donnant de bonnes raisons pour
investir au pays;
Trouver un slogan original pouvant motiver lʹexpatrié (repris en titres
de slide show, voir Figure 2. Par exemple, ʺla Tunisie verteʺ a une
connotation de prospérité agricole, liée aux pluies abondantes);
Définir un package attractif pour les candidats au retour (bureaux et
logistique de type ʺhôtel dʹentrepriseʺ, assistance ʺbusinessʺ, aides
financières et prêts bancaires, recherche de partenaires, aide à lʹemploi
du conjoint, accueil de la famille etc.)
Imaginer un plan dʹactions modeste pour lʹannée 1 (pour tenter de
convaincre les autorités concernées) et rassembler les moyens financiers
nécessaires (estimés, pour un premier test pilote, à 50 k€)
Les résultats ont été très inégaux, et à vrai dire, souvent décevants :
Seule Malte (pays alors intégré à lʹespace MED) a pu aller véritablement
au bout de lʹexercice, Malta Entreprise ayant monté une mission en
Australie (1ère terre dʹémigration maltaise), ciblée sur 2 secteurs
prometteurs (les médicaments génériques et le fret maritime) et
débouchant sur la création dʹentreprises à la Valette;
En Egypte, une unité dédiée à la diaspora a pu être créé au sein de lʹAPI
(le GAFI), avec certains résultats (quelques entreprises individuelles
attirées);
En Turquie, une opération limitée a été réalisée pendant 2 mois dʹété,
auprès des expatriés turcs installés en Allemagne, au moment de leur
retour dans leur ville ou village dʹorigine (un dépliant leur était remis);
mais lʹopération nʹa pu être suivie, la Direction des Investissements
Etrangers (GDFI) ayant été remplacée par la nouvelle agence Invest in
Turkey (qui, elle, a lancé des campagnes efficaces, mais centrées sur les
grands groupes);
LʹEgypte, lʹAlgérie et le Liban ont participé à un séminaire associant
leur consulat et leurs expatriés à Palo Alto (Etats‐Unis), fin 2005; 13
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
prospects en ont découlé, dont un au Liban; mais même les
entrepreneurs dʹorigine sud‐méditerranéenne se sont orientés vers une
implantation en rive nord, laquelle était également représentée
(Marseille); dans les autres pays intéressés, les tentatives ont avorté :
ainsi la Jordanie (Jordan Investment Board) a pu définir un budget, mais
la personne formée par ANIMA ayant été mutée, ce budget nʹa pu être
utilisé;
Une étude faisant le point (en anglais) sur la question des migrants
économiques a été publiée par ANIMA en décembre 2005 (Re‐
investment by Native Entrepreneurs in their Home Countries: World &
MEDA Context Study N°7, Jean‐Paul Debrinski1),
Un réseau piloté par la Caisse dʹEpargne (France) et comprenant 11
banques euro‐méditerranéennes (Al Amana, Bank of Alexandria,
Banque Internationale Arabe de Tunisie, Banque Tuniso‐Koweitienne,
Caisse Nationale des Caisses dʹépargne, Confédération nationale des
caisses dʹépargne, Crédit Immobilier et Hôtelier, Groupe Attijariwafa
Bank, Intesa San Paolo, Agence Française de Développement, Banque
Européenne dʹinvestissement) travaille sur des transferts simplifiés
(carte à carte, transferts électroniques moins coûteux), un concept de
livret dʹépargne européen permettant dʹinvestir au sud (avec les mêmes
avantages en monnaie locale convertible), et des produits pour les PME
(crédit‐export, assurance, leasing...); le récent rapport Milhaud sur le
financement du codéveloppement en Méditerranée évoque lʹépargne
des migrants, canalisée sur des supports très liquides et à court terme,
et rarement transformée en épargne longue, donc en investissement
pour les entreprises; il suggère de développer des incitations pour des
produits susceptibles dʹallonger cet horizon dʹépargne (livret pour le
développement durable, épargne logement, assurance‐vie etc.).
Téléchargeable sur:
1
http://www.animaweb.org/uploads/bases/document/medaentrepreneur2_FR_EN.pdf
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Un autre réseau de banques privées, créé en 1996, est animé depuis
Malte, le Mediterranean Bank Network (MBN). Il comprend Banco
Sabadell (Espagne), Banco Popolare (Italie) Bank of Jordan, Bank of
Valletta (Malte), Commercial International Bank (Egypte), Hellenic
Bank (Chypre), Israel Discount Bank, Nova Ljubljanska Banka
(Slovénie) et la Banque Fédérale des Banques Populaires (France).
Lʹobjectif est surtout dʹagir comme ʺvoix de la communauté bancaireʺ
auprès des instances Euromed et UpM, mais MBN sʹintéresse aussi aux
transferts des migrants et à des solutions innovantes dʹencouragement
à lʹentrepreneuriat;
Le réseau Euromed Postal, soutenu par Invest in Med et ANIMA, a été
lancé par La Poste (France) en 2007 et associe les établissements
postaux de 18 pays (Algérie, Chypre, Egypte, Espagne, France, Italie,
Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Malte, Monaco, Portugal, Palestine,
Slovénie, Syrie, Tunisie et Turquie), désireux de travailler sur les
projets communs, en particulier destinés aux migrants. Parmi ces pays,
14 postes ont décidé en octobre 2010 de créer une communauté postale
(Union des Postes pour la Méditerranée) qui étudie la possibilité de
comptes jumeaux (même compte en euros en France, en dinars en
Algérie), des transferts moins coûteux, et de produits financiers ou de
messagerie appuyé sur un hub envisagé à Tunis.
La BEI a publié en 2006 une étude sur ʺles transferts de fonds des migrants
méditerranéens d’Europeʺ2, qui sʹintéresse aux grands ʺcorridorsʺ de
transferts de fonds entre Europe et pays MED. Quelques 7,1 milliards
d’euros sont transférés « officiellement » tous les ans d’Europe vers 8 pays
méditerranéens (de 12 à 14 milliards, si l’on tient compte des transferts «
informels »). Ces transferts de fonds revêtent donc une grande importance
économique pour les pays MED (entre 2 et plus de 20 % du PIB selon le pays
concerné). Selon la BEI, ʺles sociétés de transfert d’argent constituent souvent le
canal d’acheminement officiel dominant car elles sont accessibles, rapides et efficaces
; toutefois, elles sont extrêmement coûteuses pour les expéditeurs. Les frais de
transaction peuvent en effet atteindre jusqu’à 16 % du montant transféré. Enfin, les
fonds sont essentiellement destinés à la consommation. Ils servent à améliorer
l’éducation, la santé et les conditions de logement, et seule une faible part s’oriente
2 Téléchargeable sur : http://www.bei.org/attachments/country/femip_migrants_fr.pdf
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En définitive, il est probablement nécessaire de constater la difficulté de
lʹexercice, dʹimaginer une nouvelle logique, et de recentrer lʹambition sur
quelques objectifs concrets :
Difficulté de lʹexercice : a. lʹargent des diasporas sert surtout à la
consommation et à la survie des ménages laissés au pays; b. une très
faible part peut donc concerner la création dʹentreprise; c. les projets
envisagés ne sont que très rarement dʹenvergure (mais cela ne signifie
pas quʹils ne soient pas importants ‐un spécialiste en biotechs ou en
cryptographie qui revient, cela peut être déterminant); d. donc, ils
demandent beaucoup de suivi et intéressent peu les responsables (ils
impliquent beaucoup de moyens pour des résultats dont lʹimpact sera
focalisé et à long terme...);
Nouvelle logique : même si les flux migratoires sont planétaires, une
approche globale nʹest pas nécessairement efficiente; offrir des
perspectives de réinvestissement aux migrants relève dʹune logique du
local au local; la dimension euro‐méditerranéenne (un programme
régional) nʹa de sens que pour entraîner, donner des exemples, diffuser
les principaux résultats acquis;
Le cas dʹIsraël, souvent cité en contre‐exemple, est un cas particulier. Tout
dʹabord lʹimmigration y représente un enjeu intrinsèque. Ensuite, certains
événements, comme le retour du million de juifs russes, ont permis un
traitement ʺmacro‐économiqueʺ du problème, avec des économies dʹéchelle
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Dans les autres pays de la région (sauf peut‐être la Palestine), la
problématique des migrants entrepreneurs est plus difficile et implique une
approche décentralisée, mettant en valeur les réussites locales et mobilisant
des ressources proches du terrain. Cʹest à ces conditions que MedDiasporas
pourra fructifier ‐lʹétymologie y conduit dʹailleurs, car en grec dia‐sporein
(‐) signifie semer, disperser, à travers lʹespace, ou à profusion, des
petites graines... La diaspora, cʹest la dispersion, avec tous les enjeux que cela
engendre...
15
Introduction et cadrage
L’enjeu
Globalisés et vivant à l’heure de l’Internet, les expatriés hautement qualifiés
parlent plusieurs langues et possèdent des moyens financiers et une solide
expertise acquise dans le monde professionnel à lʹétranger, dans lequel ils
sont souvent parfaitement intégrés, tout en conservant des affinités très
fortes avec leur pays d’origine. Auto‐organisés sous forme de réseaux
professionnels au Nord, conscients de leur valeur ajoutée au Sud, les réseaux
de compétences sont un levier puissant pour accompagner la modernisation
et le rattrapage économique de la région MED.
Les objectifs
Dans les pays MED s’opère, depuis quelques années, une prise de
conscience, tardive mais salutaire, de l’énorme potentiel économique des
compétences installées à l’étranger :
Pour relever le défi de la création d’emplois, les pays MED ont besoin
d’un écosystème favorisant tout à la fois la création d’entreprises locales
compétitives, l’apport de capitaux privés (investissement et/ou
financement) et l’innovation technologique. Quels rôles les diasporas
très qualifiées peuvent‐elles jouer pour accélérer la modernisation des
économies de la région ?
Quelles sont les principales actions menées par les talents de la
diaspora pour participer au développement économique et
technologique de leur pays d’origine ? Parmi l’ensemble des réseaux
détectés, quels sont les plus actifs et opérationnels sur le terrain ?
Comment faciliter les interactions entre les réseaux de compétences et
les principales institutions publiques et privées MED en charge du
développement économique ?
L’objectif de l’étude est de comprendre dans un premier temps les différents
ressorts de la mobilisation des réseaux de talents MED qui agissent en
faveur du développement économique de la région, et d’analyser les
diverses formes que peuvent prendre ces contributions, en en proposant
notamment une typologie. Dans un second temps, un survol plus détaillé,
pays par pays, est effectué sur la base d’interviews réalisées afin de mettre
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
en lumière les principaux besoins exprimés par les pays d’origine dans les
domaines du développement économique et du transfert de savoir‐faire,
ainsi que des exemples d’initiatives réussies portées par des réseaux de
diaspora qualifiées. Seront mis en avant les initiatives à dominante
économique portés par les talents de la diaspora MED (actions contribuant à
l’investissement, à l’entrepreneuriat et à l’innovation).
Le périmètre de l’étude
La littérature sur les diasporas fournit de nombreuses définitions qui
peuvent couvrir un très large spectre. Dans cette étude, seront
principalement ciblés et analysés les réseaux d’expatriés qualifiés à vocation
économiques, scientifiques ou techniques et originaires des pays MED. Par
réseaux de talents, il faut entendre un groupement auto‐organisé composé
principalement d’expatriés qualifiés et très qualifiés, partageant des intérêts
professionnels communs et un fort sentiment d’appartenance à un pays ou
une communauté d’origine. Pour un réseau de diaspora, le maintien de liens
étroits (socioculturels, économiques, affectifs) avec le pays d’origine et la
volonté d’agir en sa faveur constituent l’affectio societatis des membres du
réseau et le carburant dynamisant son activité. De façon synonyme, nous
utiliserons les termes « talents » et « compétences » pour parler des expatriés
qualifiés.
Cette étude s’appuie sur un travail de recherche sur la littérature (voir la
bibliographie en Annexe 3), complétée par plusieurs dizaines d’interviews
réalisées auprès d’acteurs de terrain entre janvier et octobre 2010 (voir la liste
des interviews en Annexe 1). La recherche systématique de réseaux de
diasporas MED à travers la toile, a permis de constituer l’annuaire des
réseaux de compétences MedDiasporas, présenté en annexe 2, qui recense
470 réseaux de diasporas originaires des rives Sud et Est de la Méditerranée.
18
Figure 3. Comment les immigrés se répartissent‐ils à l’échelle de la planète ?
Dans un rapport publié fin novembre, lʹINED analyse la répartition des immigrés
dans le monde. Pour le démographe Gilles Pinson, il faut classer les pays les plus
attractifs en plusieurs catégories :
Un premier groupe de pays, caractérisé par leurs richesses en hydrocarbures, où
les immigrés (définis par l’INED comme les individus nés dans un autre pays
3 Ivan Martin, Executive Summary ‐ Labour Markets and Migration in Arab
Mediterranean Countries, CARIM, 2009
4 Françoise De Bel Air, Highly‐skilled migration from Jordan: a response to socio‐
political challenges, CARIM, 2010
5 Hocine Khelfaoui, La diaspora algérienne en Amérique du Nord : une ressource
pour son pays d’origine ? CARIM, 2006
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
que celui où ils résident) sont parfois majoritaires. : Qatar (86%), Émirats arabes
unis (70%), Koweït (69%), Arabie saoudite, Bahreïn, Oman et Brunei (28 à 40%).
Un second groupe est constitué par les micro‐États dotés dʹun statut fiscal
avantageux, qui possèdent également une population fortement
internationalisée, comme Monaco (72%), Macao (55%) ou Singapour (41%).
Un troisième groupe est constitué par les ex‐pays «neufs», dotés de grands
espaces peu habités : Australie (22%), Canada (21%).
Un quatrième groupe regroupe les démocraties industrielles occidentales, où la
proportion d’immigrés rapportée à la population totale du pays est comprise
entre 7% et 16% : Autriche (16%), Suède (14%), Espagne (14%), États‐Unis (13%,
le pays accueille également le plus grand nombre d’immigrés dans le monde,
avec 40 millions d’individus), Allemagne (13%), France (11%), Pays‐Bas (10%),
Royaume‐Uni (10%), Belgique (9%), Italie (7%).
Enfin un dernier groupe est constitué par les pays accueillant des flux massifs de
réfugiés en provence dʹÉtats voisins. On compte notamment dans ce groupe la
Syrie, où vivent environ un million de réfugiés irakiens (5% de sa population).
Source : « Le nombre et la part des immigrés dans la population : comparaisons
internationales », Gilles Pinson, INED, Novembre 2010
La géographie des migrations dans la région euro‐méditerranéenne est très
liée à l’héritage historique (liens entre le Maghreb et la France, entre le
Maroc et l’Espagne, entre la Turquie et l’Allemagne, etc.).
Figure 4. Géolocalisation des expatriés MED dans les principaux pays de l’UE
(Source: Mediterranean Migration Report 2006‐2007)
168 504
24 705
80 602 11 131
2 833
Algeria
10 454 4 126
Egypt
3 888
Belgium
69 926 Jordan
UK
39 380
23 217 Lebanon
728 782
685 558 13 555
10 645 7 981
Morocco
511 294 Germany Tunisia
Source : Mediterranean
319 537 Migration Report 2006-2007,
CARIM, European University
260 622 Institute Florence
33 278
46 278 15 974
83 564
58 879
2 501 France 20 202
3
317
2 652
Spain Italy
La figure 4 présente la répartition des plus larges communautés d’expatriés
originaires des pays MED en Europe. Lʹorigine de ces diasporas est liée à la
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Malgré la perte en capital humain, les pays MED ont compris que cette
émigration des cerveaux était un moyen permettant de soulager les tensions
sociales liées au chômage et de s’assurer des retombées économiques
indirectes, au premier rang desquelles les transferts de fonds effectuées par
les migrants à leur famille. « À partir des années 1960 (Turquie, Maroc, Tunisie,
Algérie) et 1970 (Égypte, Jordanie), les gouvernements de plusieurs pays ont facilité
l’émigration de leurs ressortissants, et certains en ont fait une partie intégrante des
stratégies de croissance énoncées dans leurs plans de développement. »6.
Figure 5. Principaux couloirs de transferts de fonds dans l’espace Euro‐Med
(Source: Banque mondiale, rapport CVA‐Euromed Postal pour Invest in Med, seules les
valeurs au dessus de 100 millions d’US$ sont représentées)
Au Maroc, où l’incitation au départ des travailleurs qualifiés fut parmi la
plus forte au nom de la lutte contre le chômage, il était alors question
« d’exporter » vers l’étranger le plus de travailleurs et de cadres possibles,
6 Migrants et migrations dans le bassin de la Méditerranée, Philippe Fargues et Hervé
Le Bras, Les Notes IPEMED, 2009
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
ceux que l’on appellera par la suite les MRE (Marocain Résidant à
l’Etranger), afin de réduire une pression sociale intérieure très forte.
Figure 6. Principales sources de revenus extérieurs, pays MED‐10, en millions
d’US$ Sources: IDE: UNCTAD, UN/ANIMA estimations pour 2009; Tourisme: WTO,
ANIMA; Transferts: Banque mondiale; PDA: OECD (estimation ANIMA pour 2009);
Exportations: UN ComTrade (CIA WFB pour 2009)
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
en ces temps de ralentissement économique mondial, des ballons d’oxygène
indispensables au maintien de la stabilité socio‐économique des pays MED.
En pourcentage du PIB, les transferts de fonds opérés par les travailleurs
jordaniens, dont 80 à 90% sont utilisés pour la consommation courante des
ménages, devraient représenter en 2009 plus du double des flux d’IDE nets
reçus la même année.
Figure 7. Transferts des migrants, revenus touristiques et investissements directs
étrangers (IDE) dans quelques pays MED (Source : Banque mondiale, U.N.
Organisation Mondiale du Tourisme, CNUCED, Banque Centrale d’Egypte)
Transferts Revenus touristiques Flux d'IDE nets
Pays 2007 2008 2009 2007 2008 2009 2007 2008 2009
(est.) (est.) (est.)
Egypte
en dollars (milliards) 6,3 8,4 7,6 8,2 10,8 10,5 11,1 13,2 8,1
En pourcentage du PIB 4,8% 4,7% 3,9% 6,3% 6,1% 5,4% 8,5% 7,5% 4,2%
Jordanie
en dollars (milliards) 3,4 3,8 3,6 2,3 2,9 2,5 1,9 2 1,5
En pourcentage du PIB 20,8% 18,5% 15,4% 14,0% 14,4% 10,7% 11,5% 9,5% 6,4%
Maroc
en dollars (milliards) 6,7 6,8 6,3 7,2 7,2 6,6 2,2 2 1,3
En pourcentage du PIB 8,9% 7,7% 6,9% 9,5% 8,1% 7,3% 2,9% 2,3% 1,4%
Tunisie
en dollars (milliards) 1,7 2 2 2,6 2,9 2,4 1,6 2,7 2
En pourcentage du PIB 4,9% 4,9% 5,0% 7,4% 7,3% 6,1% 2,1% 3,2% 2,2%
De plus, dans leur grande majorité, les membres de la diaspora qualifiée
MED ont bâti leur vie professionnelle et familiale dans le pays d’accueil, ce
qui exclut pour le plus grand nombre l’éventualité d’un retour ferme et
définitif. Paradoxalement, ce double attachement favorise la multiplication
d’autres formes d’engagement plus indirecte en faveur du développement
23
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
du pays, de la région ou de la ville d’origine, notamment par la création de
réseaux organisés.
Pour les acteurs publics du Sud comme du Nord, il devient dès lors
important de privilégier d’autres formes de mobilisation de la diaspora au
service du développement, en encourageant la circulation des compétences
expatriées, ou « option diaspora »7, dans une logique de codéveloppement
facilitant les échanges et les mouvements réguliers entre le pays d’accueil et
le pays d’origine, sans préjuger de leurs retours définitifs. Les réseaux de
diasporas qualifiés constituent un vecteur adéquat pour les pays MED mais
aussi les pays d’accueil désireux d’encourager les initiatives facilitant le
transfert de technologies, de savoir‐faire et de compétences, dans une
logique circulatoire et sans que cela implique de retours définitifs de la part
des compétences expatriées.
Selon cette approche, les migrants qualifiés du Sud qui s’installent au Nord
contribuent non seulement à la création de richesse dans le pays hôte
(création d’entreprises locales et donc d’emplois) mais également dans leurs
pays d’origine, en servant notamment de passerelle dans les domaines du
7 Rémi Barré, Valeria Hernandez, Jean‐Baptiste Meyer, Dominique Vinck, « Diasporas
Scientifiques », IRD éditions, 2003.
8 Brain circulation: How high‐skilled immigration makes everyone better off, AnnaLee
Saxenian, The Brookings Institution, 2002. Voir aussi The New Argonauts: Regional
Advantage in a Global Economy, AnnaLee Saxenian, Harvard University Press, 2006
24
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Figure 8. Option du retour vs « Option diaspora » (Source : Jean Baptiste Meyer, IRD,
2008)
DIASPORAS DIASPORAS
Pays de Pays de
c
c
résidence c
c
résidence
Pays d’origine Pays d’origine
En décidant de se regrouper en réseau, à la fois pour servir leurs propres
intérêts professionnels et pour mutualiser leur savoir‐faire, leur expérience
et leurs carnets d’adresse au service du développement du pays d’origine,
les talents de la diaspora deviennent peu à peu des partenaires privilégiés
pour les pays d’origine, chaque partie étant animé par un « désir de
relation »9.
Figure 9. Les réseaux dʹéchanges de migrants qualifiés se multiplient sur Internet
« Tirer profit de la fuite des cerveaux plutôt que la subir, tous les pays qui connaissent
un exode massif de leurs diplômés en rêvent... A lʹheure du virtuel, lʹidée nʹa rien
dʹextravagant. ʺOn assiste, aujourdʹhui, à une prolifération de réseaux de diasporas
hautement qualifiés visant au développement de leurs pays dʹorigine. Ceux dʹAsie
représentent la moitié du total contre près dʹun tiers pour lʹAfrique et un peu moins
dʹun quart pour lʹAmérique latineʺ, explique Jean‐Baptiste Meyer, chercheur à
lʹInstitut de recherche pour le développement (IRD). (…) LʹInde et ses ʺIndUs
entrepreneursʺ, du nom de lʹassociation qui a permis le boom informatique du pays
grâce à lʹapport des Indiens expatriés dans la Silicon Valley, et la Chine avec son
million de professionnels à lʹétranger, selon lʹOverseas Chinese Professionals, ont
ouvert la voie.
9 Jean‐Baptiste Meyer, « La circulation des compétences, un enjeu pour le
développement », Annuairesuisse de politique de développement [En ligne], Vol. 27,
n°2 | 2008, mis en ligne le 19 mars 2010. URL : http://aspd.revues.org/167
25
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Un changement de perspective qui devient possible car les pays émergents sont de
plus en plus attrayants. Cʹest le cas du Maroc, par exemple, où les étudiants et les
cadres expatriés sont à lʹaffût dʹoccasions et de liens avec leur pays dʹorigine. ʺLes
réseaux de professionnels qualifiés marocains sont plus visibles aux Etats‐Unis quʹen France,
où cette communauté est noyée dans la grande immigration marocaineʺ, explique Sabrina
Marchandise, doctorante en géographie à lʹuniversité de Montpellier‐III (Hérault).
Sur son site, lʹassociation Biomatec, qui réunit la communauté scientifique nord‐
américaine des sciences de la vie, affiche sa volonté de resserrer les liens entre
scientifiques marocains de lʹAtlantique et ceux restés sur les rives de la Méditerranée.
Même objectif pour Marocentrepreneurs, qui se revendique ʺle plus grand réseau de
cadres supérieurs et dʹétudiants en Europeʺ, avec 10 000 membres. »
Tiré de « Les réseaux dʹéchanges de migrants qualifiés se multiplient sur Internet » par
Brigitte Perucca, Le Monde, 30/03/2010
L’exemple du réseau Indus Entrepreneurs, une success story modèle pour
les talents de la diaspora MED
Les recherches menées auprès des expatriés très qualifiés d’origine asiatique
installés dans la Silicon Valley ont mis en lumière la multiplication des
réseaux d’entraide professionnels poursuivant une double mission10 : la
création de richesses dans les pays d’accueil (entrepreneuriat, réseautage,
opportunités d’affaires) mais aussi dans le pays d’origine (transfert de
savoir‐faire et mentorat, externalisation de la production vers le pays
d’origine, promotion du pays d’origine auprès des investisseurs du pays
d’accueil, etc.). L’installation dans la Silicon Valley californienne de dizaines
de milliers de migrants très qualifiée en provenance d’Inde à permis à ce
pays de tisser des liens technologiques très fructueux avec l’une des régions
économiques parmi les plus innovantes et dynamiques du monde (à la fin
des années 90 près d’un tiers des entreprises technologiques de la Silicon
Valley ‐soit près de 73 000 emplois‐ étaient détenus par des entrepreneur
indiens et chinois).
C’est dans ce contexte que fut créé en 1994 le réseau IndUS Entrepreneurs11,
qui regroupe plusieurs milliers de professionnels de très haut niveau
d’origine indienne (dirigeants de start‐ups, entrepreneurs, ingénieurs, etc.).
Indus Entrepreneurs s’est donné pour mission de promouvoir
l’entrepreneuriat et l’investissement entre la Silicon Valley et l’Inde sur trois
10 Brain circulation: How high‐skilled immigration makes everyone better off,
AnnaLee Saxenian, The Brookings Institution, 2002
11 IndUS Entrepreneurs : www.tie.org
26
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Avec le décollage économique de la région, stimulé par l’appétit des
investisseurs étrangers, les talents de la diaspora, qui sont animés par des
sentiments affectifs tout en conservant intact le goût d’entreprendre
perçoivent désormais la région MED comme une terre d’opportunités, de
plus en plus intégrée au commerce mondial (accords de coopération avec
l’Union Européenne ou les Etats‐Unis, intégration à l’OMC, etc.) et où «tout
reste à faire» selon la formule consacrée.
27
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Les opportunités d’affaires se multiplient sur la rive Sud
«Les opportunités sont là et il ne faut plus attendre aujourd’hui pour investir.
Comme de nombreux pays dans la région, le Maroc émerge fortement. Pour un
expatrié, s’installer aujourd’hui permet, en plus de profiter de ce développement, de
se positionner à moyen et long terme sur un marché en forte croissance. » A l’instar
de l’entrepreneur franco‐marocain Hakim Kharrat, patron de Protenia12, de
plus en plus d’hommes d’affaires de la diaspora ont décidé de traverser la
Méditerranée pour y créer de la valeur ajoutée. La rive Sud de la
Méditerranée apparaît en effet aujourd’hui comme une base de production
compétitive pour l’industrie et les services, jouissant d’un emplacement
géoéconomique privilégié (proximité avec l’Union européenne,
multiplication des infrastructures logistiques et portuaires puissantes,
compétitivité de la main d’œuvre, etc.). A force de réformes et de politiques
publiques ambitieuses, la région MED a émergé sur la carte des opérateurs
internationaux toujours en quête, malgré la crise, d’opportunités de
développement et de réservoirs de croissance économique (Figure 10).
Figure 10. Croissance du PIB dans quelques pays de la région MED en % (Source :
Banque mondiale. Estimations pour 2010 et 2011)
Pays 1996-2005 2006 2007 2008 2009 2010 (e) 2011 (e)
Algérie 4,0 2,0 3,0 3,0 2,1 3,9 4,0
Égypte 4,4 6,8 7,1 7,2 4,7 5,2 6,0
Jordanie 4,7 8,0 8,9 7,9 3,2 3,9 4,5
Liban 3,3 0,6 7,5 8,5 7,0 7,0 7,0
Maroc 4,5 7,8 2,7 5,6 5,0 3,0 4,4
Syrie 3,3 5,1 4,2 5,2 3,0 4,0 5,5
Tunisie 5,0 5,7 6,3 4,5 3,3 3,8 5,0
Protenia est une entreprise de biotechnologie dédiée à lʹingénierie et à la production
12
des protéines recombinantes.. http://www.protenia.net/
28
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Figure 11. Maroc, Algérie, Tunisie : 3 success stories d’entrepreneurs de la diaspora
Hakim Kharrat et Abdesslam Choua, le Maroc version biotech
« Rien ne destinait Hakim Kharrat (45 ans) et Abdesslam Choua (46 ans), les cofondateurs
de Protenia, la première entreprise de biotechnologies marocaine, à l’aventure
entrepreneuriale dans le royaume chérifien. Ces deux scientifiques quadragénaires avaient
en effet parfaitement réussi leur intégration professionnelle en qualité d’ingénieur R & D et
chercheur dans des pôles d’excellence en France et en Allemagne. En outre, Hakim Kharrat
était à la tête de MilleGen, une société toulousaine spécialisée en ingénierie des anticorps
thérapeutiques. En 2004 pourtant, lors d’un séjour au Maroc, Hakim Kharrat prend la
mesure des mutations économiques à l’oeuvre dans son pays. Son idée est faite. Il convainc
son ami Abdesslam Choua d’investir et de développer son activité de l’autre côté de la
Méditerranée. « L’idée a été de créer une plate‐forme technologique de production sur
place. (…) Protenia était née. Dédiée à l’ingénierie et à la production de protéines
thérapeutiques recombinantes pour la recherche, le monde médical et l’industrie, la jeune
entreprise s’installe à Ifrane, au cœur du Technopark de l’université marocaine Al‐
Akhawayn. La société, qui a développé aussi une forte activité de services, emploie
aujourd’hui une dizaine de chercheurs, ingénieurs et techniciens. Elle exporte en France et
en Europe et prévoit de se déployer aux Etats‐Unis.(…) »
Tiré de l’Usine Nouvelle,Véronique T. Narame, n° 3108, 3 juillet 2008
29
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Khalil Charfi, sa petite SSII deviendra grande
« C’est lors de leurs études en France il y a quinze ans que Khalil Charfi et Samir Zghal,
aujourd’hui quadragénaires, se sont croisés. Pour le diplômé de l’Institut national des
télécommunications et le centralien de Lyon, pas de doute : c’est dans leur pays qu’ils vont
se consacrer à leur passion pour les nouvelles technologies de l’information. De retour à
Tunis, avec trois autres associés, ils créent en 1998, avec le soutien de la société de capital
investissement Tuninvest, Oxia, une SSII spécialisée en ingénierie logicielle. Après des
premiers contrats avec des clients tunisiens, la petite société se déploie à l’international.
« Aujourd’hui, 40 % de notre chiffre d’affaires se fait avec des SSII, des banques et des
éditeurs de logiciels français comme Cegid, 40 % avec des Tunisiens et 20 % avec des
Africains et des Algériens », précise Khalil Charfi, qui met son développement rapide au
crédit d’une réelle proximité avec ses clients. (…) Avec une équipe de 120 ingénieurs et
consultants (dont 40 % de femmes), Oxia est optimiste pour l’avenir. « De gros efforts ont
été faits sur le secteur des NTIC en Tunisie. Le niveau des étudiants est bon. Depuis deux
ans, beaucoup d’entreprises étrangères viennent s’installer pour profiter de nos
compétences », se réjouit le dirigeant. (…)»
Tiré de l’Usine Nouvelle,Véronique T. Narame, n° 3108, 3 juillet 2008
Depuis le début de la décennie, les infrastructures se sont développées à
vive allure (autoroute Est‐Ouest en Algérie, pôle logistique à vocation
mondiale de Tanger Med, essor de la zone économique spéciale d’Aqaba en
Jordanie, etc.). Des secteurs clés comme le tourisme (Maroc), l’agriculture
(Algérie) ou l’énergie (Egypte, Libye) bénéficient d’un fort soutien public.
Figure 12. Evolution des flux investis et nombre de projets sur la région MED
(Sources : observatoire ANIMA‐MIPO, montants en millions €, CNUCED en mln
US$, 2003‐2009)
Nombre de projets
102 618
637 112 686 700
100 000
519 600
80 000
65 226
500
62 997 63 086 63 642
59 934
Flux d'IDE
30
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
L’offre TIC a également explosé : la plupart des pays MED disposent
aujourd’hui d’infrastructures solides (rattrapage de la couverture
numérique, clusters et parcs technologiques) attirant de nombreux leaders
mondiaux du segment (IBM en Egypte, Mentor Graphics et Gemalto au
Maroc, Microsoft en Tunisie et en Jordanie, etc.).L’attractivité de la région
MED s’est traduite sur le terrain par une forte hausse des IDE, avec près de
5000 projets d’investissements portés par des opérateurs étrangers entre
2003 et 2010 selon l’observatoire des IDE en Méditerranée ANIMA‐MIPO.
Au plus fort de la crise, les annonces dʹIDE bruts se sont maintenues au‐delà
du seuil de 60 milliards d’euros, soit 3% des IDE mondiaux.
Un écosystème MED de plus en plus favorable à l’innovation et
l’entrepreneuriat
Pour relever le défi de la création d’emploi, les pays MED multiplient les
politiques d’encouragement à la création d’entreprises innovantes et à la
prise de risques.
Figure 13. Les diasporas participent à la mise en place d’un écosystème
méditerranéen favorable à lʹentrepreneuriat et lʹinnovation (Source : ANIMA)
Ecosystème favorable
Investissements, Innovation,
Contributions amorçage & capital entreprenariat, Besoins
des diasporas risque, Business emplois, stratégies des pays
qualifiées angels, expertise, sectorielles,
mentorat, relais formation, besoin en MED
MED
commerciaux, etc. expertise, etc.
Les projets et dispositifs stimulant l’innovation se renforcent par exemple en
Tunisie et au Maroc (projet de Tunis Telecom City, stratégie « e‐Maroc » en
faveur de la généralisation du numérique), tandis que des fonds de soutien
aux PME locales se développent en Algérie et en Libye et que des parcs
technologiques abritant incubateurs et centres de R&D continuent de voir le
jour en Egypte, en Jordanie, en Israël ou dans les territoires palestiniens. Et
31
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
même si les dispositifs de financement public et privé de l’innovation restent
encore insuffisamment développés, plusieurs mesures incitatives ont été
adoptées dans des pays comme le Liban où le fonds de garantie Kafalat
accorde des prêts aux PME et aux start‐ups innovantes.
En revenant créer des start‐ups locales, les talents de la diaspora de retour au
pays apportent et diffusent des standards internationaux, plus exigeants
(sensibilisation aux nouvelles tendances technologiques, besoin de
transparence, vision nouvelle), qui viennent stimuler les efforts publics
déployés pour améliorer la compétitivité des tissus économiques locaux. Sur
le terrain de l’accompagnement, les actions menées par les réseaux de
diaspora en faveur des étudiants et des jeunes entrepreneurs augmentent
considérablement : sensibilisation à l’entrepreneuriat, missions de coaching
et de mentorat, concours de business plans, mise en place de « couloirs
technologiques » Nord‐Sud (ex : partenariats inter‐clusters entre la France et
la Tunisie, lancement du premier incubateur PlugandPlay en Egypte en
partenariat avec des expatriés basés dans la Silicon Valley, etc.).
32
Que ce soit à distance ou à travers des allers retours plus ou moins
temporaires, les talents de la diaspora MED sont aujourd’hui de plus en plus
nombreux à se mobiliser sous formes de réseaux afin de contribuer le plus
concrètement possible au développement économique de la région via des
actions d’accompagnement, du transfert d’expertise et de l’investissement.
Lancé en 2010 pour mesurer le potentiel des talents de la diaspora MED,
l’annuaire MedDiasporas (qui a permis de détecter 470 réseaux entre janvier
et septembre 2010) a pour but de faciliter la mise en contact des réseaux de
compétences avec les décideurs économiques et politiques souhaitant mettre
en place des dispositifs pro‐diasporas, établir des partenariats d’affaires
privilégiés ou tout simplement identifier des réseaux de compatriotes
qualifiés à l’étranger.
Figure 14. Top 10 des pays accueillant le plus grand nombre de réseaux de diasporas
qualifiés (Source : ANIMA‐MedDiasporas)
Belgique/11
Allemagne/29
Royaume-
Uni/32
États-Unis/155
Canada/45
France/47
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Un audit mesurant la réalité opérationnelle des réseaux de talents MED
Pour mesurer la représentativité et le degré d’activité des 470 réseaux de
diasporas identifiés, ANIMA a réalisé entre mars et septembre 2010 un mini
audit de l’ensemble des sites internet des réseaux de compétences MED
répertoriés. L’annuaire MedDiasporas propose donc, outre des informations
quantitatives (nombre de réseaux, pays d’origine et d’accueil, catégorie
d’appartenance), de nombreuses informations qualitatives permettant
d’évaluer le degré d’activité du réseau (les principaux indicateurs du degré
d’activité sont la fréquence des mises à jour du site web ainsi que la
régularité des évènements et/ou actions réalisées). Il s’agit ainsi de
distinguer efficacement les réseaux de compétences réellement actifs, et donc
rapidement mobilisables, de ce que la littérature qualifie d’« étoiles mortes »13,
sites internet peu ou plus du tout actifs ou peu représentatifs (souvent crées
à l’initiative d’un seul individu, sans réelle communauté en appui), mais qui
disposent encore d’une visibilité sur la toile.
Figure 15. Classement des réseaux de diasporas par pays d’origine selon le niveau
dʹactivité opérationnel (mises à jour du site internet, organisation d’évènements,
etc.) Source : ANIMA‐MedDiasporas
60
51
42 40
40
24
20 17
12
10
5
0
Maroc Liban Algérie Egypte Israël Syrie Jordanie Palestine Tunisie Libye
13 Jean‐Baptiste Meyer, « La circulation des compétences, un enjeu pour le
développement », Annuairesuisse de politique de développement [En ligne], Vol. 27, n°2 |
2008, mis en ligne le 19 mars 2010.URL : http://aspd.revues.org/167
34
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
50%
Soit indirectement : c’est par exemple le cas des cadres supérieurs
travaillant au sein d’entreprises étrangères et disposant des capacités
hiérarchiques et organisationnelles de peser sur la stratégie
d’internationalisation de l’entreprise, cela au profit de leur pays ou
région d’origine (exemple : responsable de la supply chain, membre du
conseil d’administration, responsable stratégie d’expansion, etc.). On
parlera alors d’intra‐entrepreneurs.
35
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Exemple : le réseau californien TechWadi14 créé par des américains originaires de la
région MENA, organise vers leurs pays d’origine des transferts d’innovation ainsi que
des actions de sensibilisation à l’entrepreneuriat. TechWadi sert également de
plateforme d’échanges entre entrepreneurs, incubateurs et investisseurs américains et
arabes.
TechWadi : http://www.techwadi.org
14
NOSSTIA : The Network of Syrian Scientists, Technologists and Innovators Abroad :
15
http://www.nosstia.ca/
36
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Maghreb : volontariat et missions de solidarité, création d’une banque de compétences
de migrants algériens, ateliers de sensibilisation et d’aide à la création de projets dans
les pays du Sud.
Figure 17. Répartition des réseaux de compétences MED par catégorie
d’appartenance (Source : ANIMA‐MedDiasporas, 2010)
Quels types de réseaux ? Réseaux d’affaires et de commerce
entre les pays d’accueil et ceux d’origine, réseaux
professionnels, fédérations d’entrepreneurs, réseaux de jeunes
diplômés d’écoles de commerce, etc.
Exemples de réseaux recensés dans MedDiasporas :
Algerian Start up Initiative, Maroc Entrepreneurs, The Arab‐American
Monde des Business & Professional Association, US‐Algeria Business Council,
affaires Réseau des Experts France Maghreb, New England‐Israel Business
Council, Algerian Talent Network, TechWadi, Association of
Moroccans Professionals in America, Lebanon Business Network,
Algerian Talents & Leaders Association,, Convention France Maghreb,
Association des Compétences Tunisiennes Innovantes de France, etc.
Quels types de réseaux ? Réseaux universitaires, associations de
chercheurs, réseaux scientifiques, Alumni & associations
grandes écoles, associations de coopération dans le domaine
de la santé, fédérations étudiantes, etc.
Monde Exemples de réseaux recensés dans MedDiasporas :
scientifique The Network of Syrian Scientists, Technologists and Innovators
Abroad, Association Marocaine des Professionnels et des Scientifiques
et technique de Québec, SoliMed Algérie, Canada‐Israel Cleantech Alliance,
Association Universitaire des Libanais de France, Moroccan American
Society for Life Sciences, The Syrian American Medical Society, etc.
http://amsed.fr/
37
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Focus sur la propagation des réseaux virtuels de diasporas : les exemples
de Linkedin et Facebook
L’annuaire MedDiasporas a permis de détecter à ce jour 71 réseaux virtuels
(ou e‐réseaux) principalement sur Facebook et Linkedin, parmi lesquels 53
appartiennent à la catégorie « Monde des affaires » et 6 à la catégorie
« Monde scientifique & technique ». L’expansion rapide des réseaux sociaux
sur Internet a permis l’instauration de nouveaux canaux de communication
privilégiés entre les compétences expatriées et le pays d’origine. Chaque
mois se créent de nouveaux réseaux professionnels en ligne exclusivement
dédiés au développement des affaires entre talents de la diaspora MED et les
entrepreneurs et les scientifiques du pays d’origine. Simple d’utilisation et
dynamiques, ces réseaux virtuels sont rapidement devenus des Agoras de
l’investissement et de l’entrepreneuriat en Méditerranée, où porteurs de projets
et investisseurs viennent diffuser de l’information sur l’environnement des
affaires, se rencontrer et échanger.
L’exemple du groupe Jordan Brain’s Gain (JBG) est emblématique de la
nouvelle vague des « e‐diasporas ». Fondé sur la plateforme Linkedin, ce
réseau très actif réunit aujourd’hui plus de 1 300 membres, parmi lesquels de
nombreux entrepreneurs de la diaspora jordanienne. Devant la richesse des
échanges, souvent complétés par des vidéoconférences, les membres «
virtuels » de JBG se sont physiquement réunis à Amman en 2008 et 2009
pour promouvoir le projet « The Jordan Edge », qui vise à accélérer la
contribution des jordaniens qualifiés de la Silicon Valley au développement
technologique du pays.
Exemples de e‐réseaux détectés sur Linkedin et Facebook : Jordan Brain’s Gain, Algeria
Business Innovators, Algerian Professionals in North America, Egyptian Expatriate
Professionals, Israeli IT Professionals Network, Jordanian Professional Overseas, Syrian
Engineers in Europe and North America, Moroccans Overseas Group, Arab MBAs, TechAviv,
Outsourcing and offshoring to Syria, US‐Israeli Life Sciences Association, Moroccan
Intellectual Capital, etc.
38
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
3. Coaching et mentorat : le projet TechWadi100 permet aux membres du
réseau TechWadi établis dans la Silicon Valley, de mentorer des jeunes
créateurs d’entreprises résidant dans les pays du Maghreb et du Proche
Orient, en leur fournissant un accompagnement sur mesure incluant des
conseils, du financement et des contacts à l’international.
39
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
plusieurs mesures d’accompagnement furent proposés côté algérien, comme le projet
de création de succursales de banques publiques à l’étranger, afin d’accompagner les
jeunes porteurs de projets de la diaspora algérienne. Pour Abderahmane Benkhalfa,
délégué général de l’association algérienne des banques et établissements financiers,
«nous visons une réelle installation de l’activité en Algérie et une délocalisation qui apporte
une valeur ajoutée. Nous ne voyons pas l’émigré comme une source d’épargne mais comme
porteurs d’investissements directs. » Plusieurs projets portés par les participants sont
aujourd’hui en voie de concrétisation notamment dans le tourisme, la pêche et la
certification.
2. Partenariat universitaire et interclusters : l’initiative MedClusters portée
par des talents de la diaspora marocaine et qui traite, via un cycle de
séminaires, des problématiques liées à l’innovation et à
l’entrepreneuriat à l’échelle méditerranéenne en insistant notamment
sur le rôle que peuvent jouer les diasporas pour favoriser les
partenariats entre clusters de la rive Nord et Sud de la Méditerranée.
1. C’est le rôle du réseau (relativement élitiste) des Young Mediterranean
Leaders créé en 2008 au moment du lancement de l’Union pour la
40
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
17 On peut noter qu’à l’instar d’AFAEMME, plusieurs réseaux sont membres
dʹANIMA ou font partie la MedAlliance et à ce titre coopèrent au programme Invest
in Med, qui joue un rôle fédérateur. Avec par exemple l’organisation de B2B
euroméditerranéens associant des membres de la diaspora à travers la création,
amorcée par le programme Invest in Med, du CJD Maghreb , ou encore la
mobilisation de la diaspora technique et scientifique au travers de l’initiative PACEIM
, portée par l’Institut de Recherche pour le Développement et financée par Invest in
Med, pour la création et l’accompagnement d’entreprises innovantes en Méditerranée,
etc.
41
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Figure 19. Exemples de contributions portées par des réseaux de compétences MED
- Promotion de
l’investissement:
forum d’affaires, - Appui à la mise en Actions de
délégation œuvre de projets promotion du pays
Investissement & d’entrepreneurs entrepreunariaux d’origine en tant que
création zone d’opportunité
- Accompagnement: - Sensibilisation des économique :
d’entreprise coaching et réseaux scientifiques événements,
mentoring, et universitaires conférences, etc.
compétition busines
plan
42
Une population algérienne totale estimée à 34,9 millions d’habitants en 2010. Le
nombre des algériens expatriés s’élevait à 1,21 millions en 2010.
Des transferts de fonds de la diaspora atteignant 16,1 milliards d’US$ entre 2001 et
2009 (1,3% du PIB en 2008).
Principaux pays d’expatriation de la diaspora algérienne : France, Espagne, Italie,
Allemagne, Canada, Tunisie, Etats‐Unis, Belgique, Royaume‐Uni.
Sources : FMI, Banque mondiale, ANIMA‐MedDiasporas
Un gisement de compétences encore inexploité
Longtemps négligée, la question de la mobilisation des réseaux de
compétences algériens a commencé à émerger dans le débat public local à
partir des années 1990, avec notamment l’organisation en 1995 d’une grande
conférence consacrée à la communauté nationale installée à l’étranger,
expérience qui se renouvellera en 1996. C’est en 2009 que se crée en Algérie
le premier Conseil consultatif de la communauté nationale à l’étranger,
chargé entre autres de mobiliser les compétences algériennes expatriées pour
les inciter à contribuer au développement du pays d’origine, par
l’investissement et le transfert de savoir‐faire notamment. Selon Abdelkrim
Mansouri, directeur général de l’ANDI18, « à travers ce nouvel conseil
consultatif, lʹAlgérie veut se rapprocher de sa diaspora en essayant de mieux
satisfaire ses attentes et ses besoins.» Pour la communauté des affaires en
Algérie, le transfert d’expertise de la diaspora algérienne qualifiée est
ANDI : Agence Nationale pour le Développement des Investissements :
18
http://www.andi.dz/fr/
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
clairement recherché sougline ainsi le DG de l’ANDI. « Nous nʹattendons pas
tellement des financements de notre diaspora mais plutôt un véritable transfert
dʹexpertise, de lʹexpérience internationale. Ce qui nous intéresse vraiment, cʹest
apprendre de nouvelles méthodes de travail, du nouveau management, de nouveaux
procédés ». Un point de vue partagé par Réda Hamiani, président du FCE19 :
« notre diaspora est bien formée, active et acquise à la gestion moderne de
lʹentreprise. Ils sont pragmatiques, ouverts, se sont frottés à lʹinternational. Le
patronat algérien souhaite tirer profit de la diaspora algérienne, de sa vision
nouvelle, de son savoir‐faire et de son expérience. ».
Pour rattraper son retard économique et mettre à niveau ses infrastructures,
l’Algérie a lancé entre 2002 et 2009 deux plans d’appui à la croissance d’une
valeur globale de 180 milliards d’euros. 70% de cette somme considérable fut
consacré aux infrastructures de base, aux logements et aux équipements
publics. De nouveaux plans de modernisation sont annoncés dont un
programme de financement des infrastructures de base et de services
collectifs, qui se chiffre là encore, en centaines de milliards de dollars. Ce qui
pousse Bachir Mazouz, le président du RAUC20, à déclarer que « le problème
de la qualité des infrastructures ne se pose plus comme il y a 10 ans, ce n’est pas un
obstacle au retour au pays des universitaires et experts établis dans les pays de
l’OCDE. Le vrai problème c’est le manque d’organisation au niveau des
administrations et des structures académiques et universitaires d’accueil. Ici les
besoins en savoir‐faire professionnel sont immenses. Aujourd’hui et pour les deux
décennies à venir, il est important d’offrir à nos universitaires et experts un espace
d’échange et de valorisation leur permettant de promouvoir en réseaux des échanges
professionnels ».
Saisir les opportunités sectorielles : l’exemple de l’agriculture
A l’heure où la modernisation et la valorisation de l’agriculture algérienne
redevient une priorité nationale, le savoir‐faire technique des compétences
expatriées peut faire la différence aux yeux des décideurs économiques
algériens. Pour le secrétaire général de la CGEA21, Mahfoud Megatelli, la
diaspora algérienne peut apporter conseils et expertise : « l’Algérie prévoit par
exemple de planter un million dʹhectares dʹoliviers d’ici 2014. Je suis sûr qu’il existe
19 FCE : Forum des Chefs d’Entreprises : www.fce.dz
20 RAUC : Rassemblement des Algériens Universitaires du Canada : http://www.rauc‐
dz.ca
21 CGEA : Confédération Générale des Entreprises Algériennes : www.cgea‐dz.org
44
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
des techniques nouvelles et innovantes de plantation qui pourraient être apportées
par les ingénieurs agronomes de notre diaspora. Idem pour la valorisation de notre
agriculture biologique, où tout reste à faire en matière de marketing et de promotion
de nos produits à l’international».
Miser sur l’entrepreneuriat pour accélérer les transferts de compétences
C’est en 2010 que s’est tenu en Algérie le premier concours de business plan
organisé par le réseau Algerian Start up Initiative (ASI)22, qui rassemble des
talents de la diaspora algérienne résidant dans la Silicon Valley. ASI affiche
une double ambition : développer l’esprit d’entreprise en Algérie via des
actions de sensibilisation et contribuer à la dynamisation du secteur des TIC,
en plein développement. S’appuyant sur plusieurs dizaines d’universités
algériennes et bénéficiant du soutien du Conseil consultatif de la
communauté nationale à l’étranger, la compétition lancée à l’automne 2009
par ASI a recueilli 143 business plans d’algériens souhaitant démarrer une
activité dans leur pays. Avec à la clef, pour les 3 vainqueurs, un prix de
10 000 euros, 150 000 dollars de licences Microsoft gratuites, des séances de
coaching assurées par les membres du réseau, et 1 an de location de bureaux
intelligents au sein du technopôle de Sidi Abdallah. Pour Brahim
Embouazza, membre du réseau ASI, « pour les expatriés qualifiés, les formations
et la sensibilisation à l’entrepreneuriat sont une bonne porte d’entrée et un bon
vecteur car il s’agit de transfert net de compétence et connaissances dans un court
laps de temps. Contrairement aux idées reçues, les besoins locaux en entrepreneuriat
sont très forts et sur place les jeunes professionnels gagnent en maturité, ils savent
déjà où ils veulent aller, et quels marchés viser.». Preuve du succès de cette
première édition, l’édition 2011 de la compétition de business plans ASI est
d’ores et déjà prévue.
22 Algerian Start up Initiative : www.algerianstartupinitiative.com/
45
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Des transferts de fonds de la diaspora atteignant 4,7 milliards d’US$ entre 2001 et
2009
Sources : PIPA, FMI, Banque mondiale,ANIMA‐MedDiasporas
Dans un contexte de grandes difficultés sociales, économiques et politiques,
les besoins en investissement privés sont immenses, en plus de l’aide
internationale, pour moderniser les infrastructures et poursuivre la
reconstruction du pays. Depuis le déclenchement de la seconde Intifada en
2000, la détérioration de la situation politique et sécuritaire a accéléré le
départ vers l’étranger des Palestiniens très qualifiés. C’est ainsi qu’en 2006
par exemple, la quasi‐totalité des 10 000 demandes d’émigration déposées
par des Palestiniens auprès des ambassades étrangères concernait des jeunes
diplômés23.
Un pays ouvert au business malgré un contexte géopolitique tendu
En dépit des incertitudes, l’économie montre des signes de résilience
encourageants, avec un taux de croissance du PIB de 6,8% en 2009 selon la
PIPA, et les investissements de la diaspora sont appelés à croître. Pour
beaucoup, malgré les conflits politiques, la Palestine reste une terre où il faut
investir. Un allègement des restrictions sur le commerce pourrait
rapidement avoir des effets multiplicateurs sur la croissance du pays
(augmentation des exportations, ouverture de nouveaux débouchés) et donc
sur l’emploi. L’économie nationale, largement tournée vers l’exportation,
repose sur un tissu de PME très dynamiques (109 000 PME palestiniennes
Dealing with Highly‐Skilled Migration: The Case of the Palestinian Authority, Asem
23
Khalil, CARIM, 2010
46
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
recensées en 2009, dont 71% sont basées en Cisjordanie) mais dont la
compétitivité reste contrariée, selon la PIPA24, par l’occupation israélienne
(couvre‐feu, check points militaires), l’insuffisance des sources de
financements ainsi qu’un manque de savoir‐faire technique en matière de
marketing à l’international.
Promulguée en 1998 par l’Autorité palestinienne pour attirer du capital
étranger, la loi d’encouragement de l’investissement visait également à faire
revenir les porteurs de projets de la diaspora à travers un certain nombre de
mesures en faveur de l’entrepreneuriat. Les hommes d’affaires étrangers
comme ceux de la diaspora palestinienne peuvent ainsi bénéficier de
nombreux avantages comme les franchises de droits de douane pour les
biens importés dans les zones franches et industrielles, des exonérations
d’impôts pour les sociétés réalisant des investissements supérieurs à 100 000
USD, ou encore des avantages spéciaux pour les investissements dans les
secteurs de la santé et de l’hôtellerie.
Organisée durant l’été 2010, la seconde édition de la Palestinian Investment
Conference25 a rencontré un vif succès en attirant plus de 1000
entrepreneurs, investisseurs et porteurs de projets en provenance du monde
entier dont plusieurs centaines d’investisseurs de la diaspora. A l’issue de la
conférence, sur les 500 millions d’USD d’investissements levés pour financer
environ 125 projets, près de 30% des financements promis provenaient
d’investisseurs de la diaspora palestinienne.
La diaspora peut apporter beaucoup dans le secteur des TIC
Contrairement aux idées reçues, la volonté des Palestiniens d’aller de l’avant
face aux difficultés et l’importance de l’aide internationale ont permis au
pays de se doter de pôles technologiques performants, qui incubent chaque
année plusieurs dizaines de nouvelles start‐ups : lancement en 2005 du
24 PIPA : Palestinian Investment Promotion Agency : http://www.pipa.gov.ps
25 Palestine Investment Conference : www.pic‐palestine.ps
26 Palestine Securities Exchange : www.p‐s‐e.com
47
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Palestine Information and Communications Technology Incubator (PICTI)27
sponsorisé par Intel à Ramallah, création à Gaza en 2006 du premier
Business and Technology Incubator28 financé par la Banque mondiale. La
compétitivité des ingénieurs locaux (haut niveau de formation et coûts peu
élevés) ainsi que la proximité avec Israël, géant technologique de la région,
sont mises en avant pour attirer les entreprises technologiques souhaitant
externaliser des processus métiers. C’est dans cette optique que Cisco a
annoncé durant l’été 2010 son projet de renforcer, en partenariat avec
l’USAID, la capacité des start‐ups palestiniennes à exécuter des contrats
d’externalisation informatique pour le compte de clients américains29.
D’autres grands noms ont récemment franchis le pas comme Microsoft, Intel
ou encore Alcatel‐Lucent qui a trouvé dans le palestinien EXALT, une start‐
up basée à Ramallah et fondée par un membre de la diaspora, un partenaire
stratégique pour développer une partie de ses logiciels.
Pour les jeunes pousses locales, la diaspora palestinienne qualifiée peut
accélérer le mouvement, en apportant savoir‐technique, financement, mais
aussi des débouchés internationaux. Pour Laith Kassis, directeur du PICTI,
la diaspora palestinienne très qualifiée, présente en nombre dans la Silicon
Valley ainsi que dans les pays du Golfe, peut aider les entreprises
technologiques palestiniennes à se développer et à gagner des parts de
marchés à l’international. « Beaucoup de nos expatriés globalisés connaissent
parfaitement le monde de la finance et du capital risque. Ils possèdent d’excellentes
connaissances en marketing international, et dans leurs carnets d’adresses figurent
de nombreux clients potentiels pour nos sociétés. Cependant, si les possibilités de
synergies avec la diaspora sont nombreuses, elles demeurent encore sous‐exploitées.
Il nous manque des outils, des mécanismes facilitant les mises en relation, le
transfert de technologie et le partage des idées entre la diaspora et nos start‐ups. »
Le directeur du PICTI, met également en avant le rôle de mentor que peut
jouer la diaspora qualifiée palestinienne : « Nous sommes demandeur d’actions
de mentorat en faveur de nos entreprises incubées. Grace à son expérience, un
mentor peut aider un ʺmentoréʺ à développer son sens des affaires, son esprit
27 Palestine Information and Communications Technology Incubator :
http://www.picti.ps
28 Gaza Business and Technology Incubator : http://www.iugi.ps
29http://www.globalservicesmedia.com/Destinations/Africa‐and‐Middle‐
East/Outsourcing‐Boost‐in‐Palestine/25/23/0/GS100702578519
48
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
critique et à élargir son réseau. Mais en l’absence d’outils de communication et de
financement, il est très difficile d’amorcer de genre de coopération puis de les
maintenir sur le long terme. Il ne faut pas oublier l’existence des problèmes
politiques qui rendent la libre circulation des personnes très difficile sur le terrain.»
Booster l’entrepreneuriat en Palestine par le mentorat en ligne
Du fait des grandes difficultés de déplacement dans les territoires, la mise en
place d’une plate‐forme de mentorat en ligne, mettant en contact les talents
de la diaspora et les professionnels TIC palestiniens apparaît comme étant
une solution particulièrement adaptée au contexte palestinien et
techniquement simple à mettre en place.
Dans ce registre, la Palestine peut particulièrement bénéficier des récentes
initiatives prises par les Etats‐Unis pour stimuler l’entrepreneuriat et la
création d’entreprise dans les pays de la région MENA, avec notamment le
lancement de l’initiative E‐Mentors Corps30. Annoncée en avril 2010 à
Washington durant le sommet présidentiel sur l’entrepreneuriat, l’initiative
E‐Mentors Corps encourage les professionnels arabes américains à fournir
conseils, expertise et réseau aux jeunes créateurs d’entreprise de la région
MENA en passant par une plate‐forme en ligne nouvellement créée, et très
remarquable, ImagineNations31.
30 http://www.entrepreneurship.gov/summit/
31 http://www.imagine‐network.org/
49
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Une population égyptienne totale estimée à 83 millions d’habitants en 2010.
Des transferts de fonds de la diaspora atteignant 45,9 milliards d’US$ entre 2001 et
2009 (5,3% du PIB en 2008)
Principaux pays d’expatriation de la diaspora égyptienne : Canada, Oman, Italie,
Canada, Etats‐Unis, Libye, Belgique, Grèce, Arabie Saoudite
Sources : FMI, Banque mondiale ANIMA‐MedDiasporas
Selon le CAPMAS32, l’institut officiel égyptien des statistiques, le nombre
d’expatriés égyptiens atteindrait 2,7 millions d’individus en 2010, parmi
lesquels environ 70% résideraient dans les pays arabes (les pays du GCC + la
Libye), et 30% dans les pays de l’OCDE.
Figure 20. Répartition des expatriés égyptiens par pays de résidence (Source : OIM)
C’est à partir des années 70 que, devant les difficultés rencontrées par les
jeunes diplômés arrivant sur un marché du travail saturé, le gouvernement
égyptien a largement facilité l’expatriation de ses travailleurs vers les pays
CAPMAS : Central Agency
32 for Public Mobilization And Statistics :
http://www.capmas.gov.eg/
50
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
voisins où la demande de bras a explosé à partir du choc pétrolier de 1973.
L’émigration des travailleurs égyptiens a ensuite connu une accélération très
rapide jusqu’en 1984. En 1981 a été créé le premier département ministériel
chargé des relations avec les expatriés, qui deviendra en 1996 le ministère du
travail et de l’émigration33.
Les transferts de la diaspora, nouvelle rente économique de l’Egypte
Malgré la distance, la diaspora égyptienne a toujours maintenu des liens très
forts avec le pays d’origine. Cet attachement se mesure depuis 2000 par une
forte augmentation des transferts de fonds, avec un pic de 8,7 milliards
d’USD en 2008, faisant de la diaspora égyptienne la quatrième source de
revenus exogène du pays avec les revenus du canal de Suez, le tourisme et
l’investissement étranger.
Figure 21. Transferts de fonds de la diaspora vers l’Egypte entre 1999 et 2009, en
millions d’USD (Source : Banque mondiale, OIM, 2010)
D’après l’OIM, si 80% des remises effectuées au profit des ménages
égyptiens servent d’abord à satisfaire les besoins de la vie quotidienne, une
part croissante des transferts est directement utilisée pour effectuer des
investissements productifs créateurs d’emplois dans le secteur formel,
principalement via la création de TPE/PME (notamment dans la
construction, l’industrie et les services)34.
Ministry of Manpower and Emigration : http://www.emigration.gov.eg/
33
A Study on the Dynamics of the Egyptian Diaspora: Strengthening Development
34
Linkages, Ayman Zohry & Priyanka Debnath, IOM, 2010
51
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Une cible importante pour le GAFI
Disposant d’une culture entreprenariale acquise à l’étranger, les talents de la
diaspora égyptienne sont appelés à renforcer la compétitivité de l’économie
locale estime Neveen El Shafei, vice‐présidente du conseil d’administration
du GAFI35. « Entre 2006 et 2009, le GAFI a organisé plusieurs séminaires à
l’étranger ciblant les entrepreneurs, les scientifiques et les Egyptiens des deuxième
et troisième générations. L’objectif était de présenter directement au public les
nouvelles opportunités offertes par l’Egypte. En effet, depuis 2004, d’importantes
réformes en faveur de l’investissement et du secteur privé ont été accomplies par le
gouvernement, mais dans le détail, ces mesures restent méconnues de la majorité de
notre diaspora, par manque d’information et de communication ciblées. »
Pour renforcer sa communication institutionnelle vers les diasporas, l’agence
en charge des investissements prévoit, en plus d’augmenter le nombre de
conférences à l’étranger, de mettre en place sur son site internet un espace
réservé aux investisseurs de la diaspora (informations juridiques,
présentation des zones d’attractivité et des opportunités sectorielles, etc.). Le
GAFI prévoit également de renforcer les partenariats d’affaires entre les
Egyptiens de l’intérieur et de l’étranger en renforçant notamment son service
chargé de la mise en relation.
Un climat d’affaires de plus en plus propice à l’innovation
Secteur très intensif en main d’œuvre, les TIC, qui représentaient déjà 15%
du PIB égyptien en 2009, revêtent une importance stratégique aux yeux des
autorités, qui multiplient les infrastructures d’accueil de l’investissement. En
2010, 8 nouvelles zones commerciales et 21 zones franches viennent s’ajouter
aux 47 zones industrielles existantes dans le pays. S’étendant sur plusieurs
centaines d’hectares, plusieurs Smart Villages36 sont sortis de terre depuis
2003 (Le Caire, Alexandrie, Damiette), offrant infrastructures et services de
qualité ainsi qu’un accès privilégié à des laboratoires de R&D ouverts aux
PME.
Cet effort particulier est bien perçu à l’étranger, le Caire s’étant par exemple
vu décerner en 2010 le titre de la destination offshoring de l’année par
l’European Outsourcing Association37. Porté par les capitaux privés
35 GAFI : General Authority for Investment : www.gafinet.org
36 Smart Villages Egypt : http://www.smart‐villages.com/docs/front.aspx
37 European Outsourcing Association : www.e‐oa.net/
52
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
étrangers, le dynamisme de l’industrie TIC fait naître des vocations
d’entrepreneurs dans le pays, fait savoir Ahmed Laiali, le responsable des
programmes d’incubation à l’ITIDA38, l’agence égyptienne chargée de la
promotion et du développement technologique. «L’esprit d’initiative
commence à se diffuser en Egypte, notamment parmi les jeunes diplômés qui ont de
l’énergie et des idées, mais qui manquent d’encadrement et de business models pour
monter des start‐ups innovantes. ». Même si d’importants efforts restent à
accomplir pour démocratiser l’accès au financement des entreprises privées
égyptiennes, Ahmed Laiali estime que « grâce aux réformes et à la qualité des
infrastructures, l’écosystème égyptien attire chaque année des groupes étrangers qui
nous apportent des technologies, mais ce n’est pas notre cible unique. Nous voulons
favoriser l’émergence de champions technologiques régionaux ‘Made in Egypt’. Pour
cela nous nous appuyons sur l’expérience de la diaspora qualifiée pour créer des
entreprises durables pouvant se frotter à l’international ».
C’est ainsi qu’en septembre 2010 a été inauguré, en partenariat avec l’ITIDA,
le premier centre technologique pour l’innovation et l’entrepreneuriat dans
le Smart Village du Caire. Ce centre, dont le directeur est un ancien
entrepreneur de la Silicon Valley, sera piloté par plusieurs expatriés de très
haut niveau dont un responsable de la recherche du groupe Microsoft, un
des dirigeants de Google pour la zone Europe ou encore un professeur à
l’Imperial College de Londres.
Figure 22. Le réseau TechWadi aide l’Egypte à lancer son premier incubateur
« PlugandPlay » sur le modèle de la Silicon Valley
Lancé à l’origine dans les années 80, le PlugandPlayTechCenter39 est aujourd’hui
l’incubateur le plus performant de la Silicon Valley. Il a aidé plus de 500 start‐ups
locales, parmi lesquelles plusieurs success stories dont PayPal, à lever plus de 750
millions d’USD. Partis de la Silicon Valley, plusieurs membres du réseau TechWadi
d’origine égyptienne se sont rendus au Caire en octobre 2010 pour lancer le premier
PlugandPlay Cairo (PnP Cairo), qui a vocation à couvrir l’ensemble de la région. PnP
Cairo, dont l’objectif sera d’accueillir plusieurs centaines d’entrepreneurs d’ici 2013,
servira de plate‐forme d’échanges et de rencontres entre entrepreneurs locaux et
mentors de la diaspora. En plus d’un coaching personnalisé, chaque entrepreneur
incubé pourra bénéficier de la proximité des grands comptes mondiaux présents en
Egypte, ainsi que d’un accès privilégié au financement via du capital‐investissement et
du crédit bancaire.
38 ITIDA : Information Technology Industry Development Agency : www.itida.gov.eg
39 PlugandPlayTechCenter : http://www.plugandplaytechcenter.com
53
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Une population israélienne totale de 7,3 millions d’habitants en 2009
Une diaspora israélienne peu nombreuse mais très active, et une diaspora juive,
non israélienne mais liée à Israël, de 7,6 millions de personnes
Principaux pays de résidence des diasporas israélienne et juive : Etats‐Unis
(Silicon Valley) et Canada, et dans une moindre mesure Europe (France,
Royaume‐Uni, Allemagne), Russie et Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Chili)
Sources : :FMI, American Jewish Year Book 2008, ANIMA‐MedDiasporas
Israël, paradigme de la circulation des cerveaux
Israël fait figure d’exception dans les pays MED. A la fois terre d’émigration
et d’immigration, il est aujourd’hui le 6ème pays au monde à recevoir le plus
grand nombre de migrants rapporté à sa population globale (41%), juste
devant la Jordanie40. En vertu de la « loi du retour », le pays accorde en effet
la nationalité aux Juifs voulant sʹinstaller en Israël. Il a ainsi bénéficié au
cours du vingtième siècle d’importantes vagues de migration (plus de 3
millions de personnes ont émigré en Israël depuis 1948), venues de l’ex‐
URSS notamment (plus d’un million de personnes), qui ont fait de lui le pays
doté du plus fort taux d’ingénieurs au monde.
Les réseaux de diaspora juive, généralement regroupés par ville, région,
pays, et parfois par type de profession, sont souvent très structurés et
dynamiques. Bien que rarement issus d’Israël, les membres de la diaspora
juive sont, pour des raisons identitaires, culturelles et politiques, souvent
40 Source : World Bank, 2008, Migration and Remittances Factbook
54
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
très attachés à Israël. A l’instar de la diaspora israélienne, qui rentre souvent
en Israël après une période d’expatriation, les membres de la diaspora juive
émigrent en Israël pour y faire leur « alya ».
Figure 23. Dov Frohman, ou la fondation d’Intel Israël par un israélien d’origine
néerlandaise formé dans la Silicon Valley
Dov Frohman, né en 1939 à Amsterdam, rejoint Israël après la deuxième guerre
mondiale. Il acquiert la nationalité israélienne et étudie l’électronique dans la célèbre
université Technion de Haifa. En 1963, il émigre aux Etats‐Unis pour poursuivre sa
formation à lʹuniversité de Californie, Berkeley. Il rejoint en 1969 l’entreprise Intel, qui
a alors un an d’existence. Il invente l’année suivante l’EPROM (Erasable
Programmable Read‐Only Memory), la première mémoire morte reprogrammable.
Il effectue son retour en Israël en 1974, et contribue à la mise en place d’un centre de
recherche et développement à Haïfa, le premier site d’Intel hors des Etats‐Unis. En
1985, après plusieurs années d’enseignement, il devient le Directeur général d’Intel
Israël et met en place la première usine non américaine du groupe à Kiriyat Gat.
Aujourd’hui, Intel est doté de 4 centres de recherche à Haïfa, Petah Tikva, Jérusalem et
Yakum, et de 2 usines à Jérusalem et Kiryat Gat. Intel s’est engagé en octobre 2010, en
contrepartie d’une aide publique, à investir 10 milliards de shekels, soit près de 2
milliards d’euros, pour agrandir son usine de Kiriyat Gat et recruter 500 salariés
supplémentaires, ainsi que 50 nouveaux ingénieurs dans le centre de Jérusalem.
Les diasporas israélienne et juive, moteurs de l’investissement mais
surtout des transferts de technologie
Les transferts des diasporas israélienne et juive vers Israël sont énormes : 25
milliards de dollars au cours des dernières décennies d’après la Banque
mondiale. Au‐delà de ces flux financiers, la richesse que tire Israël de ses
diasporas réside dans l’investissement mais surtout dans l’accélération des
transferts de technologie et la mise en place d’une économie du savoir.
55
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Si Israël est attentif depuis des décennies au rôle de la diaspora dans
l’investissement41, celui‐ci n’est toutefois pas majeur : les investissements de
la diaspora n’ont ainsi représenté que 6% de la formation brute de capital
fixe entre 1948 and 199542. Longtemps mus par des motifs affectifs et
philanthropiques, les membres de la diaspora choisissent désormais
d’investir en Israël par pragmatisme économique avant tout. Depuis la fin
des années 1990, Israël est devenu une « start‐up nation »43 et constitue l’un
des pôles mondiaux les plus attractifs pour l’entreprenariat dans les secteurs
high tech.
La contribution des diasporas israélienne et juive porte ainsi non seulement
sur la création d’entreprise mais aussi et surtout sur le processus de mise en
place d’une économie du savoir en Israël. Les diasporas sont au cœur d’un
cercle vertueux entre recherche et implication directe, qui a pesé dans la
croissance remarquable des industries high tech.
L’innovation et le climat des affaires, principaux facteurs d’attractivité
pour les diasporas
Figure 24. Partnership 2000 (P2K), un exemple de dispositif institutionnel à mi‐
chemin entre solidarité et développement économique
Le programme P2K, mis en œuvre par des agences juives non israéliennes (Jewish
Agency for Israel, United Jewish Appeal et Keren Hayesod), vise à jumeler des
communautés de la diaspora juive avec 27 régions israéliennes en mettant en place
des mécanismes communs de gouvernance et de financement sur des sujets variés.
Le volet « développement économique » du P2K s’appuie sur des mesures portant sur
la création d’emplois. Elles prévoient notamment la mise en place de cellules pour le
41 The Foreign Investment Decision Process, Yair Aharoni Cambridge, Mass., Harvard
University Press, 1966
42 Kleiman 1996
43 Dan Senor & Saul Singer : Start‐Up Nation, The Story of Israelʹs Economic Miracle,
2009
56
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
développement économique dans les municipalités, l’appui aux PME, la création
d’incubateurs technologiques et scientifiques, des formations à l’entrepreneuriat et des
rencontres business.
Source : Jewish Agency for Israel, http://www.jafi.org.il/
Les Israéliens sont également dotés d’une vraie culture du risque et d’un fort
sentiment d’appartenance. Dans le pays du « bagel phenomenon », tout le
monde se connait. Les liens forts qui se nouent au sein des promotions
universitaires, pendant le service militaire et lors des périodes de réserve
notamment, sont propices à la création de projets d’investissement. Les
initiatives des diasporas israélienne et juive sont ainsi avant tout spontanées,
et n’ont pas été suscitées par un dispositif institutionnel spécifique.
44 Yoni Abittan rédige actuellement une thèse de doctorat portant sur la dynamique
relationnelle des clusters en France et un benchmark des pratiques relationnelles en
Israël, dans la Silicon Valley et au Maroc
45 Voir le Global Competitiveness Index 2009‐2010
46 Voir le Global Investment Promotion Benchmarking 2009
57
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Une population jordanienne totale estimée 6 millions d’habitants en 2010.
Des transferts de fonds de la diaspora atteignant 24,9 milliards d’US$ entre 2001 et
2009 (19% du PIB en 2008).
Principaux pays d’accueil de la diaspora jordanienne : Arabie Saoudite, Etats‐
Unis, Oman, Qatar, Bahreïn, Allemagne Venezuela, Australie, Canada, Suède,
Espagne.
Source : FMI, Banque mondiale, ANIMA‐MedDiasporas
La diaspora jordanienne est dans sa majorité très bien formée (dans les
années 80, 32% des expatriés jordaniens étaient titulaires d’un diplôme
universitaire) et occupe souvent des postes d’encadrement, principalement
dans les pays du Golfe et de plus en plus en Amérique du Nord et en
Australie. Le système jordanien d’enseignement supérieur gagne en
réputation à l’étranger et ses diplômés suscitent un intérêt grandissant sur
les marchés du travail des pays du GCC.
Pour soulager la pression sociale (le chômage touche plus de 13% de la
population et les niveaux de rémunération sont peu attractifs – le revenu par
tête ne dépassait pas 3 704 US$ en 2009 selon la Banque mondiale), les
autorités jordaniennes ont longtemps encouragé l’expatriation des
travailleurs les plus qualifiés vers l’étranger, ce qui a en parallèle permis au
pays de bénéficier de transferts de devises croissants et réguliers, la
quatrième source de revenus extérieurs aux côtés du tourisme, des IDE et de
l’aide financière internationale.
Pour relever le défi de l’emploi, les autorités mettent aujourd’hui tout en
œuvre pour faire du Royaume, privé de ressources d’hydrocarbures, une
plate‐forme exportatrice tournée vers les marchés prospères du Golfe. C’est
surtout pour améliorer la compétitivité du secteur tertiaire, qui représente
aujourd’hui 66% du PIB et emploie 77% de la main d’œuvre locale47, que la
Jordanie cherche à mettre en place des dispositifs publics favorisant
47 Atlaséco 2011
58
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
l’investissement et surtout les transferts de technologies opérés par les
talents de la diaspora.
Identifier les diasporas qualifiés, une étape cruciale pour la Jordanie
Avec ses nombreuses zones industrielles dédiées aux PME (par exemple à
Irbid qui accueille le Cyber City Park) et zones franches (Amman, Sahab,
Karak, Zarqa, Mafraq), la Jordanie cherche à se positionner comme un hub
régional privilégié, ouvert aux investissements étrangers. Crée en 1995 pour
attirer et accompagner les investisseurs étrangers sur le territoire jordanien,
le Jordan Investment Board (JIB)48 a expérimenté dès 2004 dans le cadre du
programme ANIMA le dispositif « Your Home is Your Castle » (YHYC), qui
ciblait précisemment les investisseurs de la diaspora jordanienne.
Directement inspiré du projet Home Sweet Home, développé par Provence
Promotion depuis 2002 et dont l’objet est de faire revenir en Provence des
entrepreneurs Français expatriés en Californie, le projet YHYC proposait aux
hommes d’affaires de la diaspora jordanienne un accompagnement
juridique (obtention de licences) et financier personnalisé (garanties
bancaires, exemptions fiscales, etc.). Or faute de moyens humains et en
l’absence de données suffisamment fiables sur les diasporas, le projet YHYC
fut finalement abandonné peu après son lancement.
Le JIB refonde aujourd’hui sa stratégie en faveur des diasporas qualifiées en
mettant l’accent sur la nécessité de mieux identifier les principaux réseaux
d’entrepreneurs jordaniens installés à l’étranger. «Nous essayons de mieux
sensibiliser les réseaux sur les opportunités d’affaires en Jordanie, leur faire
comprendre que les choses ont beaucoup changé et continuent de bouger au niveau
du business. L’environnement des affaires a profondément évolué et de nombreux
secteurs bénéficient d’exonérations fiscales et d’exemptions de droit de douanes. Par
ailleurs plusieurs accords de libre‐échange ont été signés notamment entre la
Jordanie et des pays étrangers où réside notre diaspora » explique Bashar Al‐
Zu’bi, un des responsable du JIB. « Le JIB a élaboré un plan général de promotion
de l’investissement, qui cible 14 pays. Parmi ces pays nous nous adressons autant
que possible à la diaspora, à travers des campagnes de sensibilisation (roadshows,
48 Jordan Investment Board : http://www.jordaninvestment.com
59
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
ateliers, conférences), via nos missions diplomatiques et les représentations du JIB à
l’étranger49.»
Détecter la diaspora qualifiée fait également partie des objectifs de la Royal
Scientific Society50 (RSS), une institution parapublique jordanienne
spécialisée dans la recherche scientifique, l’innovation et l’incubation
d’entreprises innovantes. Comme le JIB, la RSS rencontre des difficultés dans
l’identification des réseaux de compétences expatriés. Pour Nizar Al‐
Halasah responsable de l’innovation et de l’incubation au sein de la RSS,
«nous essayons de faire revenir des scientifiques et des ingénieurs jordaniens, par
exemple pour accompagner et conseiller des entreprises que nous incubons. Mais
nous sommes souvent ralentis par le manque de données sur nos diasporas : il nous
est difficile d’identifier les jordaniens qualifiés à l’étranger et donc de les encourager
à contribuer au développement du pays. Nous avons besoin de voies de
communication spécifiques qui nous permettent de rester en contact permanent avec
notre diaspora. Les réseaux d’expatriés ou les organisations professionnelles
panarabes pourraient jouer ce rôle ».
Investissement : l’accent est mis sur les nouvelles technologies
Les TIC représentent en effet près de 10% du PIB jordanien et déjà 25% des
recettes provenant de l’exportation en 2006. C’est en grande partie grâce aux
transferts de technologies déjà réalisés par la diaspora qualifiée (médias,
webdesign, arabisation des logiciels, application mobiles, etc.) que la
Jordanie est en train de monter en gamme dans le secteur. Elle a aussi attiré
plusieurs grands comptes mondiaux, comme par exemple France Télécom
qui dispose en Jordanie d’un centre de R&D Orange Labs, Yahoo! qui a
49 Le JIB dispose de 5 bureaux de représentations à l’étranger : Koweït, Qatar, Emirats
Arabes Unis, Chine, Etats‐Unis
50 Royal Scientific Society : www.rss.gov.jo
60
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
racheté en 2009 le portail jordanien Maktoob.com pour renforcer ses contenus
en langue arabe, ou encore d’Intel qui a récemment multiplié les prises de
participations dans des start‐ups jordaniennes (ShooFee TV, Jeeran).
Du côté des professionnels jordaniens basés dans la Silicon Valley, les
initiatives se propagent pour accompagner l’essor technologique du pays.
C’est par exemple au travers du réseau californien TechWadi qu’une mission
de mentorat et de coaching a été organisée à travers le pays en juin 2010
pour rencontrer et coacher des jeunes entrepreneurs jordaniens. La mission
composée de professionnels de la diaspora mais comprenant aussi des
capitaux risqueurs américains, a multiplié les contacts avec les organisations
locales, comme Int@j (réseaux de professionnels TIC jordaniens) ou le
technoparc Hassan Science City.
Autre réseau de diaspora en vogue, Jordan’s Brain Gain a été créé sur le
réseau social Linkedin et rassemble aujourd’hui plusieurs milliers de
professionnels TIC, travaillant souvent pour le compte de grands groupes
mondiaux. Lieu d’échanges et de débat entre investisseurs et professionnels
expérimentés, Jordan’s Brain Gain pourrait servir de première base de
contacts pour les agences de développement économique et
technologiquedu Royaume souhaitant impliquer les diasporas dans le
développement du pays.
61
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Une population libanaise totale estimée à 4,2 millions d’habitants en 2010.
Des transferts de fonds de la diaspora atteignant 45,2 milliards d’US$ entre 2001 et
2009 (25% du PIB en 2008)
Principaux pays d’accueil de la diaspora libanaise : Brésil (n°1), France, Etats‐Unis,
Canada, Australie, Arabie Saoudite, Suède
Source : FMI, CARIM, Banque mondiale, ANIMA‐MedDiasporas
Cas exceptionnel pour la région MED, la diaspora d’origine libanaise est
aujourd’hui trois fois plus nombreuse que la population résidant au Liban
(12 millions de personnes de descendance libanaise contre 3,9 millions de
nationaux). Le départ à grande échelle des libanais vers l’étranger a débuté à
partir du milieu du 19ème siècle avec les première vagues de migration de
paysans pauvres vers l’Afrique, l’Amérique latine et l’Océanie. Ils seront
bientôt suivis par des compatriotes bien formés et multilingues qui iront
tenter leur chance sur les marchés du travail nord‐américain et européen.
Les conflits régionaux et la guerre civile libanaise (1975‐1990) ont accéléré le
départ de familles entières, entraînant un véritable exode des élites
(diplômés universitaires, entrepreneurs, intellectuels) au profit d’autres
régions, notamment celle du Golfe (Figure 21). Comme dans dʹautres pays
arabes de la région, les chrétiens forment un contingent particulièrement
important des émigrés.
62
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Figure 25. Une diaspora pléthorique disséminée à travers le monde (source :
Iloubnan.info)
Des expatriés très qualifiés et de plus en plus jeunes
En dépit du retour progressif de la paix civile dans le pays, le départ des
jeunes diplômés libanais a continué à progresser après 2005, selon une étude
de l’Université Saint Joseph (Beyrouth), passant de 466 000 en 1992 à 640 000
en 2007 (77% ayant entre 18 et 35 ans).
Figure 26. Répartition des diplômés universitaires hommes et femmes ayant émigré
entre 1997 et 2007 suivant le pays de destination en % (Source : L’émigration des
jeunes libanais hautement qualifiés, Choghig Kasparian, CARIM, 2010)
Le premier facteur aujourd’hui avancé pour expliquer cette fuite des talents
locaux est le manque d’offres d’emploi et la faiblesse des salaires locaux, peu
63
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
adaptés au niveau de qualification des jeunes diplômés libanais. Les riches
pays du GCC sont les plus prisés par les expatriés libanais, comme le montre
la Figure.
Des flux financiers considérables
Les transferts effectués chaque année par les expatriés libanais ont une
importance vitale pour le développement économique et social du pays,
représentant 25% du PIB en 2008. Patrick Laurent, chef de la délégation de
l’Union européenne au Liban précise que «le total des flux financiers de la
diaspora représente plus que le total des investissements étrangers associé au total
des dépenses touristiques dans le pays. »51. Un excès de liquidité qui gagnerait à
être réinvesti dans la mise à niveau de l’économie libanaise (infrastructures,
énergie, pôles de développement), ce qui permettrait de renforcer la fois la
compétitivité du tissu industriel et la croissance économique, drainant du
même coup davantage de flux d’investissements productifs de la diaspora
(création d’entreprises, partenariats d’affaires, co‐financement) et davantage
de savoir‐faire (médias, TIC, etc.).
Figure 27. Mobiliser la diaspora à travers une fondation pour le Liban
« (…) Après avoir provoqué la fuite de ses fils pendant la guerre, le pays du Cèdre est
aujourdʹhui incapable de les garder à défaut dʹemplois en nombre suffisant. Mais cette
émigration a aussi un côté positif. La génération des enfants de la guerre, cʹest‐à‐dire
ceux qui sont nés dans les années 1970 et sont aujourdʹhui dans la force de lʹâge,
entièrement éduqués en Europe ou aux États‐Unis tout en conservant un lien viscéral
avec leur pays, est un vivier extraordinaire pour le Liban. (…)
Je suggère par exemple de créer une fondation pour le Liban qui, à lʹinstar des
multiples comités consultatifs dont se dotent les gouvernements du monde entier,
aurait vocation à conseiller le président de la République et, à travers lui, tout le
gouvernement sur les principales problématiques économiques et sociales du Liban.
(…) Le statut juridique de la fondation serait celui dʹune association à but non lucratif
tout en laissant la porte ouverte à la création ultérieure dʹun fonds dʹinvestissement
indépendant. (…) »
Tiré de « Mobiliser la diaspora à travers une fondation pour le Liban », par Robert Fadel, député et
directeur de Bader Young Entrepreneurs Program, 04/10/2010, L’Orient le Jour.com
« Le Liban espère endiguer la fuite des cerveaux », Jenny Saleh, 30/05/2010,
51
Econostrum.info
64
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
L’IDAL veut se mettre à l’écoute des investisseurs de la diaspora
Depuis le retour de la paix civile, le Liban a retrouvé une forte attractivité
aux yeux de la communauté internationale, et les investissements étrangers
(notamment arabes) affluent de nouveau sur le pays. Pour l’agence de
promotion des investissements du Liban, IDAL52, les investissements de la
diaspora peuvent bonifier plusieurs secteurs générateurs d’emplois mais
trop peu valorisés comme l’agriculture, l’industrie, la santé ou encore les
médias. Selon Nada Helou, chef de projet chargée des diasporas au sein de
l’IDAL, il manque actuellement une réelle stratégie de communication en
direction des expatriés libanais, notamment pour les informer sur les
opportunités d’investissement au Liban.
En phase de finalisation, le projet « Targeting Lebanese Expatriates » (TLE)
fournira un dispositif de promotion et d’accompagnement piloté par l’IDAL
au service des expatriés libanais souhaitant revenir en tant qu’investisseur et
non plus comme simple touriste : « Le projet inclut plusieurs étapes dont la
collecte de données fiables sur les expatriés économiques de haut niveau (grands
patrons, cadres supérieurs) et sur les réseaux d’affaires de la diaspora. Nous
souhaitons ouvrir le dialogue avec ces acteurs pour identifier avec eux quels sont les
principaux obstacles à l’investissement et proposer les reformes nécessaires pour
renforcer l’attractivité du pays. Via ce projet, l’IDAL souhaite également diffuser au
plus grand nombre d’expatriés toutes les informations sur les opportunités d’affaires
sectorielles existants aujourd’hui au Liban ».
Service d’accompagnement proposé aux talents de la diaspora, le projet TLE
a été présenté durant l’été 2010 durant l’évènement d’affaires Planet
Lebanon53, organisé par le réseau LIBC54. « Ce forum, sponsorisé par l’IDAL, a
rassemblé plusieurs centaines d’entrepreneurs de la diaspora à Beyrouth, ce qui a
permis au gouvernement de réaffirmer sa volonté de mieux associer les expatriés au
développement économique du pays » ajoute Nada Helou.
52 IDAL : Investment Development Authority of Lebanon :
http://www.idal.com.lb/MoreNews.aspx?ID=143
53 L’évènement a pour mission de promouvoir le développement économique et
financier du Liban en promouvant les opportunités d’investissement auprès des
hommes d’affaires libanais et arabes du monde entier. www.planetlebanon.net
54 Lebanese International Business Council : www.libc.net
65
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Une population marocaine totale estimée à 32 millions d’habitants en 2010. La
population expatriée s’élevait 3,29 millions d’individus en 2007.
Des transferts de fonds de la diaspora atteignant 43,9 milliards d’US$ entre 2001 et
2009 (8% du PIB en 2008).
Principaux pays d’expatriation de la diaspora marocaine : France, Espagne, Italie,
Canada, Etats‐Unis, Belgique, Pays‐Bas, Arabie Saoudite
Sources : FMI, Ministère marocain des affaires étrangères et de la coopération, ANIMA‐MedDiasporas
« Force est de le constater : aujourd’hui, le potentiel de l’entrepreneuriat au Maroc
commence à décoller à une vitesse impressionnante ». Pour Mohamed Bouzidi le
président de Maroc Entrepreneurs, une association regroupant plus de
10 000 chefs d’entreprises d’origine marocaine installés en France, le constat
est clair. « La promotion de l’investissement devient le cœur de la politique
économique marocaine et les MRE ont un rôle à jouer dans ce développement
économique. On sent clairement une incitation de la part des autorités. » C’est à
partir de la libéralisation progressive de la vie politique, amplifiée sous
Mohamed VI, qu’à la politique de surveillance des « Amicales des Marocains
de l’étranger»55 sont venues se substituer des politiques publiques prônant
ouvertement, sur la base d’un discours volontariste, la réintégration
progressive des MRE dans le jeu politique et économique national,
notamment via la création en 1990 de la fondation Hassan II pour les MRE56,
puis celle en 2007 du Conseil de la Communauté Marocaine à l’étranger57,
dont l’une des missions consiste à renforcer la participation des MRE dans le
développement économique du pays. C’est pour favoriser le transfert
d’expertise mais aussi pour stimuler les partenariats d’affaires que le
gouvernement a créé en 2006 un Forum international des compétences
55 Conseil de la Communauté Marocaine à l’étranger : http://www.ccme.org.ma/fr/
56 La fondation Hassan II pour les MRE : www.alwatan.ma
66
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
marocaines à l’étranger (FINCOM), chargé de faire le lien entre les talents de
la diaspora et les acteurs publics et privés marocains (à travers notamment la
constitution d’une base de données sur les compétences des MRE).
Accélerer le développement, secteur par secteur
On dénombrait en 2007 près de 3,29 millions de Marocains vivant à
l’étranger –soit un Marocain sur 10‐ selon le Ministère marocain des affaires
étrangères et de la coopération. Le Royaume, entré dans une phase de
modernisation économique avancée dans tous les domaines, souhaite
aujourd’hui faire fructifier ce capital humain en misant notamment sur la
circulation des entrepreneurs de sa diaspora. Comme l’explique Amar
Kaddouri, chargé de la coopération à l’AMDI58, les talents de la diaspora
marocaine sont désormais fortement valorisés. Ils sont présentés comme des
« Ambassadeurs » à double culture, dont la position professionnelle et le
degré de réussite social dans le pays d’accueil a vocation à être « réinvesti »
directement au Maroc. « Pour l’AMDI, l’enjeu est d’associer les MRE à l’essor
des niches sectorielles dans le cadre des grands plans de développement nationaux
du type Maroc Vert pour l’agriculture ou Vision 2010 pour le tourisme. En 2007, la
Direction des Investissements (devenue AMDI) a consacré sa dernière conférence
sur l’investissement aux MRE. Cela afin de mettre en lumière les opportunités
d’investissements et de partenariats secteurs par secteurs pour les MRE ».
A l’image du pôle multimodal de Tanger Med, le Maroc vise aujourd’hui à
se positionner comme un hub commercial et logistique clé, point de passage
stratégique entre la Méditerranée et l’Atlantique et entre l’Europe et
l’Afrique. Lancé en 2006, le plan Emergence met en avant des secteurs
prioritaire à développer d’ici 2015, parmi lesquels figurent plusieurs métiers
très demandeurs en expérience et capitaux étrangers (comme l’automobile,
l’aéronautique, les activités de nearshoring) et des filières plus
traditionnelles comme le textile et l’agro‐industrie. Autre grand chantier,
l’agriculture, au travers du plan Maroc Vert (10,6 milliards d’euros
d’investissement global), dont les actions visent à favoriser la modernisation
et la mise à niveau de l’agriculture, dans le respect des standards
environnementaux et sociaux internationaux.
AMDI : Agence
58 Marocaine de Développement des Investissements :
www.invest.gov.ma
67
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
La volonté d’associer la diaspora qualifiée aux stratégies nationales de
développement sectoriel est relayée par les institutions financières locales,
qui mettent en place des dispositifs d’aide à la création d’entreprises
innovantes et à haute valeur ajoutée par des MRE. C’est le cas du groupe
marocain Banque Populaire59 qui a dressé une liste de secteurs cibles,
s’inscrivant dans les différents programmes en cours au Maroc et pouvant
bénéficier de l’expérience des MRE. Comme l’explique son secrétaire général
Abdelhak Marsli, la Banque Populaire est « en train d’élaborer un dispositif
d’accompagnement de haute qualité au profit d’ingénieurs, professionnels et des
porteurs de capitaux MRE souhaitant investir dans l’aéronautique, l’automobile ou
encore l’agroalimentaire. Un site internet dédié à ce dispositif donnera de
l’information sur les opportunités d’affaires dans ces secteurs, ainsi que sur les
montages de dossiers d’investissements. Un numéro vert spécial MRE est également
prévu. ».
Toujours pour encourager le retour des MRE investisseurs, l’Etat marocain a
annoncé en 2009 la création du fonds « MDM Invest », instrument financier
qui appuie les investissements effectués par la diaspora au Maroc. A
condition que le porteur de projet qui bénéficie du dispositif puisse apporter
25% en fonds propres en devises, le co‐financement est apporté par l’Etat et
des banques partenaires.
Figure 28. Tapis rouge déroulé aux MRE
« Le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à lʹétranger prend soin
de sa cible. Il a adopté des mesures concrètes pour promouvoir l’investissement des
MRE dans leur pays dʹorigine. Il a procédé en effet à la mise en place dʹun Fonds
dénommé «MDM Invest». Objectifs : «promouvoir les investissements des Marocains
résidant à lʹétranger au Maroc et contribuer ainsi au développement économique et
social du Royaume, notamment au niveau local et régional», précise‐t‐on auprès du
département de tutelle. (…)
La deuxième mesure cible uniquement les ressortissants marocains en France. Il s’agit
d’un programme visant à créer 1000 petites et moyennes entreprises (PME) au Maroc
à lʹhorizon 2013. Initié dans le cadre dʹune coopération maroco‐française, ce
programme garantit aux Marocains résidant en France un accompagnement de qualité
quʹil soit en France ou au Maroc. »
Article publié le 25/06/2010 dans Le Matin.ma
59 Groupe Banque Populaire du Maroc : www.gbp.ma
68
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Mobiliser les MRE pour développer la région de l’Oriental : le pari de la
Coopération technique allemande (GTZ)
Selon la GTZ60, 102 000 MRE ont été recensés sur le sol allemand en 2004,
pour beaucoup originaires du Rif, région rurale et densément peuplée du
Nord du Maroc. Dans le cadre de la politique allemande de coopération et
de développement, la GTZ a mis en place en 2008 le programme MIDEO61
au profit des MRE qualifiés résidant en Europe, en particulier en Allemagne,
et originaires de la région de l’Oriental. En concertation avec les Chambres
de Commerce et d’Industries de Nador, Al Hoceima, Oujda et le Centre
Régional d’Investissement de l’Oriental, MIDEO cible les MRE qui veulent
revenir investir au Maroc, dans des secteurs à haut potentiel (dont les
énergies vertes, le tourisme, l’agroalimentaire et la santé), ou qui souhaitent
simplement mettre leur expertise à disposition des PME locales.
Pour Torsten Striepke, conseiller technique de la GTZ en charge du projet
MIDEO, « dans l’Oriental, les MRE peuvent beaucoup apporter dans le
développement de niches comme l’écotourisme. Les MRE connaissent très bien la vie
en Europe, les goûts, les attentes et les besoins spécifiques des touristes européens.
C’est aussi le cas pour les énergies vertes : je rencontre beaucoup d’ingénieurs de la
diaspora souhaitant venir dynamiser ce secteur, pour lequel la demande locale est
réelle ». Pour mener à bien le projet MIDEO, la GTZ a privilégié une
approche terrain en s’associant au réseau des compétences maroco‐
allemandes DMK62, qui compte entre 250 et 300 membres très qualifiés. Avec
un objectif concret : organiser régulièrement dans l’Oriental des rencontres
d’affaires. « La collaboration avec des réseaux de diaspora représentatifs et
opérationnels est très précieuse car elle permet de mieux sensibiliser les compétences,
qui souvent prises isolément sont difficilement atteignables» reconnait Torsten
Striepke qui ajoute par ailleurs que « pour répondre au besoin d’expertise qui est
énorme ici, le réseau DMK nous a proposé des experts MRE parmi leurs ingénieurs,
pour mettre en place ici une plate‐forme de rencontres entre PME‐PMI locales et
experts de la diaspora ».
60 GTZ : Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH :
http://www.gtz.de
61 MIDEO : Migration & Développement Economique dans l’Oriental :
http://www.mideo.ma
62 DMK : Deutsch‐Marokkanischen Kompetenznetzwerkes e.V. : http://www.dmk‐
online.org/
69
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Une population syrienne totale estimée à 21,1 millions d’habitants en 2009.
Des transferts de fonds de la diaspora atteignant 6,3 milliards d’US$ entre 2001 et
2009 (1,5% du PIB en 2008).
Principaux pays d’accueil de la diaspora syrienne : Arabie Saoudite, Etats‐Unis,
Allemagne Venezuela, Canada, France, Suède, Libye.
Sources : FMI, Banque mondiale, ANIMA‐MedDiasporas
Avec 76% de ses médecins et 54% de ses ingénieurs travaillant à l’étranger,
la Syrie est l’un des pays de la région MED qui peut attendre le plus de sa
diaspora qualifiée, notamment pour accompagner la politique d’ouverture
inaugurée au milieu des années 200063. Le pays a connu plusieurs vagues de
migration vers les Amériques et l’Europe (les migrants syriens en Amérique
du Nord et en Europe seraient composés à 75% de travailleurs hautement
qualifiés64), ainsi que vers les pays arabes voisins avec le boom pétrolier des
années 70. Si ces mouvements de population ont pu avoir, via les transferts
réguliers de devises (850 millions de dollars tranférés en 2008 selon la
Banque mondiale), des effets bénéfiques sur le développement d’un pays
économiquement affaibli et politiquement isolé, les besoins immenses en
investissement et en nouvelles technologie ont poussé les autorités à mettre
en place des politiques publiques favorisant la contribution des diasporas
qualifiées.
Le tournant de l’ouverture économique
L’encouragement du secteur privé et la diversification de l’économie sont
désormais au cœur de la politique du gouvernement syrien. Le
gouvernement réformateur de Naji Otri, a progressivement libéralisé le
secteur des banques et assurances (le pays a inauguré sa première bourse
63 « L’émigration syrienne hautement qualifiée : les enjeux sociopolitiques », Nabil
Marzouk, CARIM, 2010
64 « La migration hautement qualifiée en Syrie, aspects juridiques », Amal Yazji‐
Yakoub, CARIM, 2010
70
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
des valeurs en 2008) et favorisé les partenariats publics‐privés. En faisant
voter en 2007 une loi novatrice sur l’investissement, la Syrie accorde
désormais la part belle aux investisseurs étrangers : meilleures garanties sur
le rapatriement des dividendes, création de la première API nationale pour
l’accompagnement de projets, meilleure sécurité juridique dans l’acquisition
du foncier, etc.
Pour accélérer le mouvement, le gouvernement s’appuie de plus en plus sur
des réseaux de compétences, notamment via le ministère en charge des
expatriés syriens65 créé en 2002. C’est le cas du Syrian Young Entrepreneurs
Association66 qui rassemble des entrepreneurs syriens ayant acquis de
l’expérience à l’international et organise plusieurs actions de sensibilisation à
l’entrepreneuriat en Syrie (compétition de business plans, valorisation de
l’entrepreneuriat féminin, rencontres d’affaires) ou du réseau NOSSTIA, qui
regroupe au niveau mondial des professionnels des nouvelles technologies
d’origine syrienne installés à l’étranger. « Les expatriés syriens peuvent apporter
de l’expérience technique et du savoir‐faire acquis à l’international dont nous avons
vraiment besoin ici» explique Georges Catinis, directeur de l’antenne alépine
du Syrian European Business Council67, une organisation dédiée au
développement du secteur privé et des PME en Syrie. « L’avantage de la
diaspora syrienne par rapport aux investisseurs étrangers est qu’elle connaît la
réalité du terrain, et sait comment y faire face avec pragmatisme. Ce qui nous pousse
parfois à penser que les investissements et les transferts d’innovation effectués par
des entrepreneurs issus de la diaspora peuvent être, dans certains cas, plus réalistes
et durables que s’ils étaient le fruit d’entreprises étrangères ».
Figure 29. La diaspora syrienne participe au redressement économique du pays
Lorsque le développeur d’affaires Fuad Lahham entendit pour la première fois le
discours prononcé il y a 3 ans par le président syrien Bachar al‐Assad en faveur de la
diaspora, c’est avec optimisme et enthousiasme qu’il envisagea de revenir au
pays. Originaire de Damas, Lahham a passé 41 années de sa vie à observer son pays
natal, la Syrie, depuis lʹétranger. Lahham est diplômé de lʹUniversité de Purdue, aux
États‐Unis, avec un diplôme en génie industriel décroché en 1963, lʹannée même de
l’accession au pouvoir du parti Baath en Syrie. Laham pensait alors qu’il n’y aurait pas
d’avenir professionnel viable pour lui en Syrie, et écarta dès lors l’hypothèse d’un
retour. Après avoir passé la majorité de sa vie adulte à l’étranger, vivant
65 Ministry of Expatriates : http://ministryofexpatriates.gov.sy
66 Syrian Young Entrepreneurs Association : www.syea.org/en/
67 Syrian European Business Council : www.sebcsyria.org/
71
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
successivement dans 8 pays différents, Lahham est retourné vivre en Syrie il y a 2 ans
et demi. « Je me suis dit intérieurement : si je ne reviens pas maintenant, je ne le ferai
jamais ».
Beaucoup d’expatriés sont, comme Lahham, retournés en Syrie pour contribuer au
développement économique de leur pays d’origine, mais aussi pour se positionner sur
un marché nouvellement libéralisé, comportant de nombreuses opportunités. Lahham
travaille actuellement en partenariat avec le secteur public et privé dans la création, le
développement et la gestion de « zones économiques spéciales » en Syrie.
Tiré de “Syrian expatriates return to take part in promising economy” par Brooke
Anderson, 08/11/2009, The Daily Star Lebanon
L’apport de la diaspora technique et scientifique : l’exemple du réseau
NOSSTIA
« Nous avons rapidement eu comme interlocuteur privilégié le ministère des
télécommunications, car la Syrie a exprimé le besoin de mettre le cap sur l’économie
de la connaissance pour rattraper son retard et mettre fin à un certain isolement »
explique la responsable du réseau NOSSTIA Ayssar Midani. « Nous avons
initié de nombreuses actions de formation en Syrie afin d’augmenter la qualité des
cadres syriens notamment dans le domaine des TIC mais aussi dans le secteur de la
santé. Nous organisons ainsi en 2010 un e‐workshops consacré à la modernisation
du système de santé syrien». NOSSTIA a participé aussi à l’organisation en
Syrie de plusieurs éditions du forum ICCTA68, la plus grande conférence
régionale consacrée aux nouvelles technologies de l’information. « Nous
essayons également de faire bouger les choses au niveau académique en favorisant du
transfert de savoir‐faire technique. Au niveau universitaire, nous avons ainsi par
exemple fortement contribué à la création de Masters télécommunication conjoints
entre la France et la Syrie. ».
ICCTA : International Conference on Computer Theory and Applications :
68
http://iccta.aast.edu/index.php
72
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Une population tunisienne totale estimée à 10,5 millions d’habitants en 2010. La
population expatriée en 2008 s’élevait à environ 1 million d’individus.
Des transferts de fonds de la diaspora atteignant 13,2 milliards d’US$ entre 2001 et
2009 (4,9% du PIB en 2008).
Principaux pays d’expatriation de la diaspora tunisienne : France, Libye, Italie,
Arabie Saoudite, Allemagne, Etats‐Unis, Suisse, Belgique, Canada.
Sources : FMI, CARIM, Banque mondiale, ANIMA‐MedDiasporas
La Tunisie, qui dispose d’un système d’enseignement supérieur parmi les
plus performants de la région, n’est pas parvenue par des créations
d’emplois suffisantes à compenser la forte augmentation du nombre de
demandeurs d’emplois titulaires de diplômes universitaires. Il en résulte une
émigration importante des compétences vers l’étranger. C’est en Europe que
réside la majeure partie de la diaspora tunisienne, qui représente un peu
plus d’un million individus, soit un peu plus de 10% de la population totale
du pays.
Figure 30. Nombre de Tunisiens résidant à l’étranger par région de destination,
2001‐2008 (Source : données consulaires, CARIM)
73
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Orientée vers l’Europe, la Tunisie convainc les investisseurs de la
diaspora
Tourné vers l’exportation, le développement industriel du pays s’est accéléré
à grand pas à partir du milieu des années 90, grâce notamment à la
compétitivité‐coûts de la main d’œuvre, aux investissements publics massifs
(amélioration des infrastructures routières et de la logistique, multiplication
des zones industrielles : 122 en 2008) et aux nombreuses politiques
incitatives mises en œuvre, comme l’exonération totale de l’impôt sur les
bénéfices pour les entreprises exportatrices. Depuis l’entrée de la Tunisie en
2008 dans la zone de libre‐échange de l’Union européenne, les expatriés
tunisiens installés sur le Vieux continent sont de plus en plus courtisés par
les autorités tunisiennes, qui les incitent à soutenir les efforts de l’Etat dans
ses politiques d’attraction de l’investissement et de mise en valeur de
nouvelles niches à haute valeur ajoutée (agriculture biologique, TIC,
aéronautique, etc.).
Profitant d’un écosystème de plus en plus favorable à l’investissement privé
et à la prise de risques, la création, par des expatriés, de start‐ups orientées
vers l’Europe et l’offshoring s’accélère en Tunisie, à l’image de Talan, une
société de consulting travaillant pour de nombreux clients européens comme
EDF ou Groupama, ou de Medisys Consulting, spécialisé dans les systèmes
VoIP. Pour les dirigeants de ces entreprises, le retour en Tunisie a été guidé à
la fois par des raisons affectives (proximité avec la famille) et par les fortes
perspectives de croissance offertes sur place : climat d’affaires incitatif, base
de nearshoring compétitive à proximité de l’UE, qualité des infrastructures69.
Figure 31. Naissance d’une banque dédiée à la diaspora tunisienne en Europe
Une banque dédiée aux Tunisiens résidents en Europe a été officiellement créée le 5
février 2010, sur les cendres de l’Union Tunisienne des Banques (UTB). Baptisé
Tunisian Foreign Bank (TFB), le nouvel établissement a obtenu fin janvier, l’agrément
de la Banque de France, selon un communiqué de la Banque centrale de Tunisie
(BCT). (…) La première mission de la Tunisian Foreign Bank, qui sera dirigée par
Habib Sfar, ancien directeur général des finances extérieures à la BCT, est de mobiliser
l’épargne des Tunisiens résidents en Europe et de canaliser leurs transferts vers des
projets de développement. « L’établissement jouera le rôle d’un pont financier
permanent entre la Tunisie et l’Europe en matière de financement du développement.
Qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, tous les Tunisiens sont aujourd’hui
69 Tunisia’s Diaspora Policies, Katharina Katterbach, GTZ / Invest in Med, 2010
74
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
appelés à conjuguer leurs efforts pour consolider nos acquis économiques et sociaux
par ces temps de crise », a précisé Taoufik Baccar, gouverneur de la BCT, lors d’une
récente conférence nationale sur la contribution des Tunisiens résidents à l’étranger
(TRE) au développement, indiquant que la diaspora tunisienne compte actuellement 1
057 797 personnes, dont 82,6% sont établis en Europe. (…) Pour être plus proche de sa
clientèle cible, la Tunisian Foreign Bank compte ouvrir une dizaine d’agences dans les
principales capitales européennes, d’ici 2011.
Tiré de « Naissance d’une banque dédiée à la diaspora tunisienne en Europe » par Walid
Kéfi, 01/03/2010, Les Afriques
Des réseaux de diasporas très actifs
Installé en Tunisie après un parcours professionnel effectué en France,
Amine Aloulou, aujourd’hui directeur commercial chez Oxia, estime que
« l’effet réseau est très important pour bien se préparer à investir en Tunisie : il faut
rencontrer des gens, se renseigner, garder le contact, être à l’écoute des opportunités.
Les réseaux de diasporas peuvent notamment permettre à des jeunes diplômés ou à
des salariés de se projeter autrement, de réfléchir et d’obtenir des conseils sur la
création d’entreprises en Tunisie». Des réseaux de compétences comme
l’ATUGE (réseau de diplômés tunisiens des grandes écoles) jouent
aujourd’hui ce rôle moteur pour promouvoir les opportunités d’affaires en
Tunisie parmi les cercles de diasporas installés en France et ailleurs. Selon
Mhamed Lahmar, un des membres du conseil d’administration de l’ATUGE
en charge de l’entrepreneuriat, la culture de l’entreprise qui se développe
actuellement en Tunisie (rapidité de création, incitations fiscales, accès à
l’internet haut débit) a permis d’instaurer un climat propice au retour.
« Notre réseau est international et nous essayons de le mettre au service de la
Tunisie. Nous organisons chaque année le concours de business plan At’Ventures à
destination en particulier des Tunisiens à l’étranger souhaitant créer une entreprise
en Tunisie. En parallèle nous envisageons aussi d’accompagner des projets
d’entreprises tunisiens qui envisagent de coopérer avec l’étranger».
Figure 32. Un incubateur franco‐maghrébin pour préparer le « soft‐landing » des
porteurs de projets de la diaspora
Pour encourager la création de start‐ups innovantes au Maghreb, l’ATUGE propose
aux acteurs économiques français et maghrébins d’expérimenter la mise en place
d’incubateurs franco‐maghrébins s’adressant aux jeunes professionnels originaires du
Maghreb et résidant en France « afin d’éviter que la rupture ne soit trop brutale pour les
porteur de projets qui souhaitent préparer sereinement leurs retour au Maghreb sans perdre
leurs contacts d’affaires en France » avance Mhamed Lahmar, membre du réseau. « L’idée
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
serait, sur le modèle des pépinières, de mettre à disposition des porteurs de projets originaires
du Maghreb des locaux ici en France avec des structures d’accompagnement, du conseil
juridique et fiscal, etc. » Ces structures, qui seraient adossées aux grandes écoles de
commerce ou sur des structures associatives actives dans le monde de la coopération
Nord Sud permettraient aux incubés d’obtenir durant 6 mois des données sur les
marchés maghrébins ciblés et des contacts privilégiés avec des structures d’accueil
(par exemple le cyberparc de Sidi Abdallah en Algérie, Casanearshore au Maroc, le
technopôle d’El Ghazala en Tunisie) tout en gardant une présence en France, ce qui
permettrait en amont, de nouer les premiers partenariats d’affaires avant le retour
effectif au pays.
76
parce que cʹest un potentiel relativement inexploité dʹentrepreneurs et de
talents, pour des projets dʹinvestissement, pour du conseil ou pour de
lʹaccompagnement.
parce que les synergies sont nombreuses entre les deux rives de la
Méditerranée (élargissement des opportunités sectorielles au Sud, forte
capacité entrepreneuriale et innovante des talents de la diaspora au
Nord) et ne demandent qu’à être stimulées;
parce que les diasporas peuvent faire passer dans leur pays dʹorigine un
message original, qui tient à leur connaissance des meilleures pratiques à
lʹétranger; ceci, tout en respectant la fibre nationale, ce qui nʹest pas
forcément le cas des IDE portés par les firmes étrangères;
parce que les projets des diasporas peuvent constituer des succès
exemplaires et didactiques, venant de la base (ʺbottom‐upʺ) : comment une
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Il convient de répondre de façon pragmatique aux besoins concrets exprimés
par les acteurs de terrain. Ainsi, plus de 50 opérateurs de la base (réseaux de
diasporas et de femmes chefs d’entreprises, incubateurs, fédérations
d’entreprises, réseaux postaux et bancaires, professionnels de
l’accompagnement, API, etc.) ont été mobilisés dans le cadre du programme
Invest in Med. Ce dernier a, depuis 2008, cofinancé et organisé sur la rive
Sud plusieurs actions de concertation sur la thématique des diasporas :
atelier sur la mobilisation des élites de la diaspora qui s’est tenu en 2008 à
Tunis en partenariat avec les YML, séminaire sur l’investissement de la
diaspora algérienne organisée en 2009 à Alger, initiative du réseau Euromed
Postal (en partenariat avec Planet Finance) pour répondre aux attentes des
diasporas en matière de transferts d’argent dans l’espace Euromed70, etc.
Conditions externes
Au préalable, mais cela dépasse le cadre de ce rapport le traitement de
certains obstacles est une condition nécessaire pour faciliter la mobilisation
des diasporas :
en tout premier lieu, faciliter la mobilité. Lʹobtention de visas constitue
dans la plupart des cas une démarche pénible, voire un frein total à la
circulation des compétences entre pays d’accueil et d’origine. A l’instar
du Royaume‐Uni, qui prépare la mise en place dʹun « visa
entrepreneur » pour attirer en Grande‐Bretagne les étrangers qui ont de
« bonnes idées » et disposent dʹun « investissement conséquent », les
pays européens pourraient réfléchir à la mise en place de visas qui
70 http://www.invest‐in‐med.eu/en/agenda/fiche‐novel‐euromed‐postal‐workshop‐55.html
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
au même titre, assurer une couverture Internet large bande sur
lʹensemble des territoires, car cela constitue le plus souvent une requête
de base pour toute petite entreprise fonctionnant de façon moderne à
lʹéchelle internationale.
Plus que dʹun ʺobservatoireʺ, il sʹagit plus modestement dʹun ʺméta‐réseauʺ
(réseau de réseaux), mais cela implique déjà certains moyens (site web ou
espace sur site web, modalités de partenariat, animation, modération,
gestion dʹun centre de ressources).
De façon concrète, ANIMA ou Invest in Med peuvent ouvrir une rubrique
provisoire sur leurs sites. Aller au‐delà impliquerait de travailler sur le
business model du méta‐réseau : quelle offre, quelles cibles, quelles
ressources financières, quelle tarification ?
79
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
Recherche de success stories exemplaires;
Il est souhaitable que ces actions associent au maximum les réseaux de
diasporas existants, qui constituent les premiers intéressés.
Actions de courtage via une plateforme web plus élaborée (forum,
petites annonces, appairage de projets et de financeurs etc.);
Ateliers BtoB sur tel ou tel secteur ou sous‐région, permettant soit de
rechercher des partenariats, soit de mettre en présence porteurs de
projets et investisseurs (cf. MedVentures en 2010, qui regroupe
71 En tirant des leçons utiles de l’expérience Home Sweet Home : pour mobiliser
efficacement les élites de la diaspora, il faut « labourer » le terrain, en multipliant les
évènements de sensibilisation dans les zones géographiques pilotes, à fort potentiel
(ex : Abu Dhabi et Doha pour la région du Golfe, Paris, Londres et Berlin pour
l’Europe, la Silicon Valley pour les Etats‐Unis, etc.).
72 Agenda Med : http://www.agendamed.biz/
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
plusieurs dizaines d’acteurs institutionnels européens et méditerranéens
de l’innovation et de l’investissement, et permet de valoriser 100 start‐
ups MED à fort potentiel de croissance, dont un tiers environ associe
des partenaires de la diaspora;
Accompagnement juridique, logistique, financier, fiscal, etc. à lʹinstar
de Home Sweet Home73 ou de GlobalScot74, qui réalise des missions de
promotion et met en place des campagnes d’image pour attirer
davantage d’investisseurs écossais de la diaspora;
73 Provence Promotion /Home Sweet Home :
http://www.investinprovence.com/en_US/returning‐to‐france.html
74 GlobalScot : http://www.globalscot.com/
75 Grâce à son module en ligne TechWadi100, ce dernier donne la possibilité à des centaines de
jeunes entrepreneurs originaires de la région MENA de bénéficier gratuitement, à travers des
vidéoconférences, de conseils, de suivis et d’expertise de la part d’entrepreneurs de la Silicon
Valley. TechWadi bénéficie notamment du soutien du gouvernement américain pour mener à bien
ses actions.
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Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
l’étude ont souligné le besoin exprimé par les jeunes entrepreneurs
locaux, notamment dans le secteur des TIC, de pouvoir disposer d’un
service de coaching en ligne afin de développer leurs projets
d’entreprise à domicile, à la fois pour des raisons de coûts et de
distance. Le jeune entrepreneur « téléincubé » peut participer à des
réunions collectives de formation en ligne, participer à des « classes
virtuelles » sur l’entrepreneuriat, de réaliser des démonstrations de
produits et de promouvoir ses services, etc.
Toutes ces actions supposent une volonté politique dans le pays ou territoire
dʹorigine, ainsi que des moyens dʹintervention à lʹétranger (budget, appui
sur les réseaux consulaires officiels).
Pour aller plus avant, il est indispensable de mobiliser des moyens financiers
et humains, ce qui semble possible dans trois directions :
82
Diasporas : passerelles pour l’investissement, l’entrepreneuriat et l’innovation en Méditerranée
CBC; ANIMA et ses partenaires ont dans leurs cartons une offre
ʺMedGenerationʺ qui correspond assez bien aux intentions présentées
dans cette étude;
Inscription de ce sujet dans les priorités du programme économique
pour la Méditerranée avec une double approche possible : lʹintégrer à
lʹinitiative de développement des PME que pilote la BEI (projet MBDI78
de lʹUnion pour la Méditerranée); en faire un des projets gérés par le
Centre dʹIntégration Méditerranéen (Banque Mondiale et autres
bailleurs de fonds) et/ou lʹOCEMO (Office de Coopération Economique
pour la Méditerranée et lʹOrient).
Recherche de sponsors privés, qui pourraient être soit des banques (cf.
les réseaux intéressés aux transferts de migrants, présentés dans ce
rapport), soit des entreprises technologiques, soit des associations
professionnelles ou encore des incubateurs qui sont souvent parmi les
plus intéressées à utiliser les talents des diasporas. Aux côtés des TIC,
d’autres secteurs à fort potentiel en Méditerranée pourraient être ciblés
comme la santé, l’environnement ou les médias.
Une proposition technique et financière a été élaborée par ANIMA et ses
partenaires sur ces bases.
78 Mediterranean Business Development Initiative, 6ème priorité de lʹUpM
83
Annexes
Annexe 1. Listes des personnes interviewées dans le
cadre de l’étude
Nom Fonction, organisme Pays
Réda Hamiani Président, Forum des Chefs d’Entreprises Algérie
Mahfoud Megatelli Secretaire Général, Confédération Générale des Entreprises Algérie
Algériennes
Abdeljellil Bouzidi Président, Algerian Talent Network France, Algérie
Abdelkrim Directeur Général, Agence Nationale pour de Développement Algérie
Mansouri des Investissements
Brahim Embouazza Algerian Start‐up Initiative Algérie
Ayssar Midani Présidente, Network of Syrian Scientists Technologists and. France, Syrie
Innovators Abroad
Bachir Mazouz Président, Rassemblement des Universitaires Algériens du Canada,
Canada Algérie
Yacine Rahmoune Algerian Start‐up Initiative USA, Algérie
Hakim Kharrat PDG Millegen‐Protenia France, Maroc
Zaak Challal PDG Red Fabriq France, Algérie
Amine Aloulou Directeur commercial Europe, Oxia France, Tunisie
Mohamed Bouzidi Président, Maroc Entrepreneurs France, Maroc
Ahmed Laiali Technology Incubation Program Manager, ITIDA Egypte
Laith Kassis General Manager, Palestinian Information and Palestine
Communication Technology Incubator
Yoni Abittan Doctorant, porteur du projet MedClusters Maroc, France,
Israël
Abdelhak Marsli Secretaire Général, Fondation Banques Populaires Maroc Maroc
Amar Kaddourri Chef de projet coopération, Agence Marocaine pour le Maroc
Développement des Investissements
Georges Catinis Syrian Enterprise and Business Centre Syrie
Eva Seddik General Authority for Investment (GAFI) Egypte
Muhamad Syrian Enterprise and Business Centre Syrie
Shubarak
Torsten Striepke Conseiller technique sur le projet MIDEO, GTZ Allemagne
Katharina Katterbach German‐Tunisian Chamber of Industry and Commerce Allemagne
Marika Huber Coordinatrice, Mediterranean Bank Network Malte
Bashar Al‐Zu’bi Conseiller, Jordan Investment Board Jordanie
Nada Helou Chef de projet, IDAL Liban
Nizar Al‐Halasah Responsable incubation, Royal Scientific Society Jordanie
Neveen El Shafei Vice‐Président, General Authority for Investment (GAFI) Egypte
Antoine Abou Samra Managing Director, Bader Young Entrepreneurs Programme Liban
Douja Gharbi Chambre Nationale des Femmes Chefs dʹEntreprises Tunisie / Tunisie
CJD Maghreb
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Le programme Invest in Med vise à développer durablement les relations dʹaffaires, les investissements et
les partenariats dʹentreprises entre les 2 rives de la Méditerranée. Financé à 75% par lʹUnion européenne sur
la période 2008‐2011, il est piloté par le consortium MedAlliance, qui réunit des agences de développement
économique (ANIMA, leader du programme), des CCI (ASCAME, EUROCHAMBRES) et des fédérations
dʹentreprises (BUSINESSMED). Avec les membres de ces réseaux et leurs partenaires associés (ONUDI,
GTZ, EPA Euroméditerranée, Banque mondiale, etc.), un millier dʹacteurs économiques sont ainsi mobilisés
au travers dʹinitiatives pilotes centrées sur des filières méditerranéennes dʹavenir. Chaque année, une
centaine dʹopérations de terrain associent les 27 pays de lʹUnion européenne et leurs 9 partenaires du sud :
Algérie, Autorité Palestinienne, Égypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie et Tunisie.
www.invest-in-med.eu