Cours 5 Voyelles 2 PDF

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 4

Phonétique

– contenu théorique 5

Les VOYELLES du français : cas particuliers



1. Les voyelles nasales
Dans l’API, une voyelle nasale est surmontée d’un tilde :
Voyelles antérieures Voyelles postérieures
Non- [ɛ̃ ] (vin) [ɔ̃ ] (vont)
arrondies
Arrondies [œ̃] (un) [ɑ̃ ] (vent)
Tableau 1. Représentation schématique du système vocalique nasal français, cf. Léon 1992.

La voyelle [œ̃] est en train de disparaître en français ; la seule occurrence fréquente est
dans l’article un, qui se trouve toujours en position inaccentuée. Donc, plus d’opposition
dans la paire brun vs. brin => tendance à prononcer [ɛ̃ ] dans les deux mots de cette
paire.

Erreurs fréquentes chez les apprenants roumains :
- dénasalisation : voyelle orale + consonne nasale au lieu d’une voyelle nasale
- double nasalité : voyelle nasale + consonne nasale
- perte des distinctions entre les différentes nasales, et en particulier entre [ɑ̃ ]
et [ɔ̃ ].

Une voyelle est nasale dans trois cas seulement :
(i) Voyelle + n/m + Consonne : sympathique, envolé, honteux, lundi
(ii) Voyelle + n/m + Consonne non prononcée et finale : teint, champ, pont, défunt
(iii) Voyelle + n/m en finale : faim, l’an, bon, parfum
Par contre, une voyelle + n/m + voyelle n’est pas nasale et le n ou le m est prononcé :
timide, fané, immobile, année.

Opposition voyelle nasale vs. voyelle orale : dénasalisation (transfert de nasalité de la
voyelle à la consonne sous l’influence d’une autre voyelle)
- passage du masculin au féminin : grand – grande
- passage de la 3e personne du singulier à la 3e personne du pluriel pour les verbes
à l’indicatif présent : il vient – ils viennent
- dérivation par suffixation : prison – prisonnier, soupçon - soupçonner

Graphies correspondant aux voyelles nasales :
La nasale [ɑ̃ ] s’écrit le plus souvent :
- <an> sans, <am> champ, <aen> Caen, <aon> paon
- <en> vent, <em> membre
- <(i)en(t)> dans les noms et adjectifs comme client, patient
Remarque : les graphèmes <enn> <emm> se prononcent [an] et [am] dans les mots
solennel [solanεl] et femme [fam].

La nasale [ɛ̃ ] s’écrit le plus souvent :
- <in> vin, <im> timbre, <yn> syndicat, <ym> symbole
- <ein> plein, <eim> Reims, <ain> pain, <aim> faim
- <(i)en> mien, <(y)en> moyen, <(é)en> européen

1
- + 2 cas particuliers : examen ; <(i)ent> dans les formes du verbe tenir et venir
(tient, vient)

La nasale [ɔ̃ ] s’écrit le plus souvent :
- <on> mon, <om> ombre, nom

La nasale [œ̃] correspond à :
- <un> un, lundi ; <um> parfum
Le graphème final <um> ne représente la voyelle [œ̃] que dans le mot parfum. Dans le
reste des cas, il se prononce [ɔm] : rhum, maximum, sanatorium

2. Les voyelles à double timbre
Le timbre des voyelles est généralement déterminé par la structure syllabique.
Les voyelles E, EU et O peuvent avoir deux timbres différents, déterminés par la loi de
distribution complémentaire (c.-à-d. les phonèmes n’apparaissent pas dans le même
contexte), dite aussi loi de position :
- la voyelle a un timbre ouvert dans une syllabe accentuée fermée
- la voyelle a un timbre fermé dans une syllabe accentuée ouverte

E EU O
Syllabe ouverte 1. E fermé [e] 3. EU fermé [ø] 5. O fermé [o]
ces [se] ceux [sø] seau [so]
Syllabe fermée 2. E ouvert [ɛ] 4. EU ouvert [œ] 6. O ouvert [ɔ]
sel [sɛl] seul [sœl] sol [sɔl]
Tableau 2. Lois générales de la prononciation des 3 voyelles à double timbre

Exemples d’opposition :
- ces, thé, chez vs. sel, père, tête, aime ;
- ceux, peu, nœud vs. seul, peur, cœur ;
- seau, pot, mot vs. sol, port, corps.

Remarques :
(i) Les cas 2, 3 et 5 appliquent sans exception la loi phonétique de distribution
complémentaire pour le français standard.
(ii) Exceptions courantes à la loi de distribution complémentaire : les cas 1, 4, 6
(explicables par l’étymologie, la graphie, etc.)
- Le cas 1 :
E, en syllabe accentuée ouverte, se prononce souvent de manière ouverte
[ɛ] avec les graphies -AI, -AIE, -AIS, -AIT, -AID, -AIX, -AIENT, -ET, -È ; p.ex. mai,
(j’)aie, frais, lait, laid, paix, chantaient, valet, grès.
Opposition phonologique (commutation de voyelles amenant un changement de
sens) dans les paires minimales : gré/grès, dé/dais, poignée/poignet,
vallée/valet + opposition phonologique dans la morphologie des verbes : j’ai/j’aie,
j’irai/j’irais, serai/serais, aller/allais, allé/allaient, etc. N.B. Cette opposition n’est
pas toujours réalisée par tout le monde (elle est instable). L’opposition entre les
deux timbres est de moins en moins perçue aujourd’hui en France (dans une
syllabe accentuée ouverte), même pour les distinctions morphologiques =>
quand cette opposition disparaît, il s’agit d’une opposition neutralisée. Donc, la

2
plupart des Français prononcent de la même façon fée et fait, poignée et poignet,
les et lait, etc.
- Le cas 4 : EU, en syllabe accentuée fermée, se prononce avec le timbre fermé
[ø] dans les finales en –EUSE ; p.ex. danseuse, chanteuse. Opposition
phonologique dans deux paires minimales peu courantes jeûne/jeune et
veule/veulent, mais souvent opposition neutralisée au profit de [œ].
- Le cas 6 : les finales en –OSE, -AUSE, -AU et -Ô se prononcent avec le O fermé
[o] ; p.ex. rose/pose/chose, pause, haute/chaude, hôte/côte ; de même, pour les
mots savants d’origine grecque atome, zone, hexagone, chrome ; pôle, arôme, etc.
Opposition phonologique dans les paires minimales : Aude/ode, saule/sol,
saute/sotte, rauque/roc, côte/cotte, nôtre/notre.
=> Beaucoup d’instabilité dans les oppositions des voyelles à double timbre. En position
non-accentuée, en syllabe ouverte, flottement entre les deux timbres, avec préférence
pour [e], [ø] et [ɔ] (ex. obéir, orthographe => [ɔ]). Parfois, on garde le timbre du radical
dans les dérivés : fête [fɛt] – fêtard [fɛta:ʁ].

3. Le schwa [ə] – le E caduc / instable / muet
- appelé aussi E muet (notion qu’on ne doit pas utiliser en phonétique !)
- appelé « caduc », car élidable dans de nombreux cas (petit, fenêtre), mais pas toujours
(prenons) ou joue parfois un rôle morphologique/distinctif (ex. dehors / dors ; singulier
vs. pluriel : le livre vs. les livres ; présent vs. passé composé : je finis vs. j’ai fini)

En français moderne, à l’oral, le E caduc en fin de mot (pote) sert à marquer la
prononciation de la consonne finale, alors que celle-ci ne se prononce généralement pas
si elle est en finale (pot).
Actuellement, le E caduc n’apparaît qu’en syllabe ouverte ; il n’apparaît jamais en syllabe
fermée (Je le redemande, ce repportage.).
+ les préfixes (ou anciens préfixes) devant une consonne redoublée (ressembler,
ressentir ; dessus, dessous)
+ quelques mots présentant l’ancienne orthographe (monsieur, faisan, faisant, faisait).

Caractéristiques de E caduc :
- critère 1 : E caduc se prononce comme un [ø] ou comme un [œ], mais on ne peut pas
l'accentuer => il est atone/non accentué (un sapin, deux Noëls vs. un sapin de Noël)
- critère 2 : E caduc tombe devant une autre voyelle, cf. l’élision à l’écrit (Je sais que tu es
là vs. Je sais qu'il est là ; une patte de chien vs. une patte d'animal) ; mots
monosyllabiques touchés par l’élision de la voyelle E : ce, de, je, le, me, ne, te, se, que
- critère 3 : E caduc tombe souvent dans une prononciation rapide. Exemple 1 : On y va
demain. => Dans une prononciation lente, on prononce le schwa: [ɔnivadəmε̃ ]. Par
contre, le schwa tombe dans une prononciation rapide: [ɔnivadmε̃ ]. Exemple 2 : Je ne
sais pas. => prononcé [ʒənəsεpa] ou bien [ʒənsεpa] ou [ʃεpa]. En fait, dans le parler de
tous les jours, on prononce assez peu de schwas. Par contre, dans les chansons, et dans
certains parlers soignés, on en prononce beaucoup.

La structure phonique joue un rôle : il faut distinguer entre E caduc en position finale du
groupe rythmique, à l’initiale ou à l’intérieur.

3
Règles distributionnelles générales :
a) L’E caduc final de groupe rythmique tombe généralement : il m’aim(e),
act(e), qu’il part(e). Si l’E caduc suit deux consonnes dont la deuxième est [R] ou [l], on
entend un chuchotement (sorte de petit souffle) comme dans litre ou livre.
b) précédé d’une seule consonne prononcée, l’E caduc tombe généralement,
quelle que soit sa position dans le groupe rythmique :
- initiale : j(e) vois ; que ça [ksa] dans il faut qu(e) ça sèche ; que tu
[kty] dans il dit qu(e) tu mens !; que vous [kvu] dans je crois qu(e) vous vous
trompez => C([ə])C
- médiale : la p(e)tite, trois s(e)maines, six f(e)nêtres
c) précédé de plus d’une consonne prononcée, l’E caduc se prononce, en
position initiale et médiale de groupe rythmique :
- initiale : prenez ça
- médiale : un(e) petite, trent(e) semaines, sept fenêtres => CC[ə]C

Variations contextuelles :
- Maintien du E caduc :
• devant un h aspiré (le héros, le homard, le hall, le hamac)
• quand le pronom le suit le verbe (prends-le, mets-le là) => le [ə] devient tonique
(accentué) dans ce cas
• devant un, huit, onze (je joue le un, le huit et le onze)
• dans les mots pouvant créer une confusion phonologique (dehors/dors).
- En cas de plusieurs E caducs à la suite, on prononce un [ə] sur deux. On tend
généralement à garder le premier et à supprimer le second. P.ex. Je n(e) vois pas, Ne
m(e) dis rien.

Remarque : ces principes généraux peuvent ne pas être respectés (selon le style
employé) !
! style familier => beaucoup de [ə] qui tombent, même précédés de deux
consonnes ;
! style plus soutenu => plus de [ə] qui sont maintenus, même précédés d’une seule
consonne ;
! lecture poétique => tous les [ə] devant consonne sont maintenus.

Conséquences phonétiques de la chute du E caduc :
- réduction du nombre de syllabes dans le groupe : petit (2 syllabes => 1 syllabe ; Je
n(e) vois pas (4 syllabes => 3 syllabes)
- modification de la structure syllabique (syllabe ouverte vs. syllabe fermée) :
médecin [medəsɛ̃ ] devient [mεtsɛ̃ ]
- assourdissement de la consonne précédente ou suivante : cheval [ʃəval] devient
[ʃfal] ; je ne sais pas [ʒənəsεpa] devient [ʃεpa] ; médecin [medəsɛ̃ ] devient [mεtsɛ̃ ].


Vous aimerez peut-être aussi