Clouscard - Capitalisme de La Séduction
Clouscard - Capitalisme de La Séduction
Clouscard - Capitalisme de La Séduction
Le capitalisme de la séduction
critique de la social démocratie libertaire
[EXTRAITS]
édition originale (1981, Messidor/Editions sociales)
édition utilisée (2005, Editions Delga)
AVERTISSEMENT
Ces quelques pages proposent un parcours de l’ouvrage
sous forme de citations et de courts extraits. Si elles don-
nent un bonne vue d’ensemble des idées développées par
Clouscard, elles ne sauraient se subtituer à une lecture
intégrale du livre. Nous vous invitons donc à vous procu-
rer cette oeuvre indispensable pour qui veut comprendre
les mécanismes de la récupération capitaliste.
www.egaliteetreconciliation.fr
***
L’éducation consiste à redresser cette nature vouée au « principe de plaisir ». Par l’apprentissage de la
cité et du métier, le corps doit apprendre à se soumettre au procès de production. L’éducation politique du
corps consiste à soumettre le « principe de plaisir » au principe de réalité.
Dans le système capitaliste, ce travail ne doit pas être fait : le droit naturel doit se prolonger en irres-
ponsabilité civique. C’est le dressage à la consommation, l’éducation de la « société de consommation » qui sera
libérale, permissive, libertaire. C’est la toute puissance du « principe de plaisir ».
Le capitalisme veut que nous restions jeunes et que nous soyons comme des enfants ! Le travail des uns
sera l’éternelle adolescence des autres.
Le Plan Marshall est bien l’acte étymologique de notre modernité. […] il a greffé le modèle américain cul-
turel dans une société traditionnelle, rurale.
Le flipper – L’implantation du plan Marshall en France autorise la rupture avec la société traditionnelle. C’est
l’accès au gaspillage, symbolisé par l’offrande faite à la machine ludique, la piécette glissée dans la fente. Il n’y
a ni acte d’achat ni gain possible. Mais dépense ostentatoire pour une consommation exclusivement ludique.
Le blue-jean – Le corps comme silhouette à désirer, pur fantasme phallocratique, invention hollywoodienne,
produit d’importation américain, le corps-image, le corps de série – mais corps sophistiqué – la vulgarisation de
cette sophistication, seront proclamés le corps libéré ! L’uniforme d’époque sera le symbole de l’émancipation.
Alors, jeans, cheveux longs, guitare : la panoplie est au complet. Trois signes fulgurants : l’uniforme de
la liberté. La liberté de l’uniforme.
L’ANIMATION MACHINALE
Le capitalisme va animer le corps de la même manière que s’anime la matière.
Le mannequin est déjà en place ; sur les tréteaux de la scène mondaine, il pose : jeans, cheveux longs,
guitare. Il est le port du corps du prêt-à-porter. Son animation n’est que celle de ces objets : il vit leur vie. […]
Il est vêtu de signes, il s’anime de leur vie.
La bande sonore – L’autre animation : sonore. L’autre initiation à la mondanité : psychédélique. Après la méca-
nique de groupe, voici la mécanique « musicale ». Branchons la sono. Le disc-jockey ouvre les vannes.
La statue accède au rythme. L’automate au déhanchement. Le mannequin s’anime de pul-
sions : gestes saccadés, répétés, figés.
[…]
Vie de machine, corps du désir, corps rythmé. Le désir s’est éveillé. La statue est vivante :
le machinal est son instinct. […] L’être est gestuel.
[…] le yé-yé, le twist. Triomphe du « rythme ». Enorme conditionnement par les médias. […] Récem-
ment : la première internationale musicale et esthétique. La mondialisation du rythme le plus pauvre : le disco.
Il [le leader de la bande – le capitaliste] les [les cultures populaires] utilise pour les snober, en récupé-
rant leurs signes pour trahir leur esprit.
Woodstock – L’apothéose. La bande des bandes, le concert des concerts. La première internationale de l’ani-
mation machinale.
Le rock
Le rock (et ses dérivés) découpe la durée musicale en tranches homogènes, répétitives, similaires. Le
temps devient une durée linéaire débitée en tranches toujours identiques. C’est le temps du Même, du devenir
réduit à la répétition.
[…]
C’est une sécurisation maximale. Total conformisme. Rien ne peut faire intrusion. Le Même garantit le
Même. L’Autre est radicalement interdit. […] La répétition, machinale, mécanique automatique écarte les deux
possibilités s de l’intrusion de l’Autre, de la rencontre. De la vraie vie. Ce rythme empêche – et d’une manière
brutale, sommaire, terroriste, impérialiste – la finalité et l’à-côté : ce vers quoi va le temps et ce qui se passe
en même temps. On ne veut pas savoir. Haine de la mélodie et de la fugue ;
[…]
Boum-boum : c’est toujours pareil. Sécurité machinale. Rien ne se passe. Rien ne se passera. Rien ne doit
se passer. Le temps tourne en rond. Eternel Retour du Même.
La répétition égoïste et sécurisante du Même. La volonté de consommer sans rien produire. Et refus de
l’échange, du partage.
Toutes les figures décrites ne sont que le développement de la même « aptitude » à recevoir sans avoir
eu à produire. A prendre sans rendre. A répéter sans progresser. La passivité, paradoxalement, devient un acte.
L’acte d’utiliser, d’user, de se servir sans avoir élaboré, travaillé.
La passivité de la statue s’avère infinie, définitive. Son « éducation » a consisté à l’abandonner à elle-
même. A sa nature. A son penchant. A sa spontanéité. Tel est le corps modèle que le nouvel éducateur – ou ani-
mateur – devra fabriquer en série.
Car ce qui se dit contestataire n’est qu’initiation mondaine, niveau supérieur de l’intégration au sys-
tème, à la société permissive. Tel est le mensonge du monde. Le grand combat contre l’institutionnel n’est que
la substitution de l’institutionnel de demain à celui d’hier.
La drogue
Le hasch est bien un fléau social : la fétichisation s’une consommation initiatique à la vraie société de
consommation. Il est intronisation au snobisme de masse, initiation mondaine à la civilisation capitaliste. Il est
le plus pur symbole de cette civilisation de la consommation – transgressive.
Osons le mot : le hasch est l’initiation au parasitisme social – de la nouvelle bourgeoisie.
[…]
Le drogué contestataire fait lui-même la publicité et la promotion du système. Et l’honnête homme com-
prendra mieux, maintenant, pourquoi l’idéologie néo-capitaliste le valorise, le propose comme un héros de la
contestation, de l’émancipation, dernier héros romantique. C’est qu’il doit servir de modèle, d’exemple.
Grâce à la drogue, le néo-capitalisme peut imposer et reproduire le rythme infernal du système. L’ani-
mation machinale peut être maximale, paroxystique. Alors la dynamique capitaliste se relance, se répète. Pour
un productivisme du corps, du sensible, de l’existentiel (industrie du plaisir et du loisir). Pour le plus grand pro-
fit.
L’arythmie sociale – Cette modernité a totalement détruit l’harmonie spatio-temporelle inventée par l’histoire
de France (celle de ses modes de production). Si les écologistes étaient sérieux, ils ne diraient pas vouloir pro-
téger la nature, mais le travail de l’homme objectivé, devenu nature, décor naturel : campagne humanisée,
forêt jardinée, déserts ou marécages cultivés, montagnes recouvertes d’arbres, fleuves domestiqués, etc. « Oui
au cantonnier, non à l’écologisme mondain. »
C’est le lieu de l’emploi et non plus le lieu d’origine qui fixe la famille, maintenant. Une
extraordinaire diaspora des régions recouvre l’hexagone.
[…]
Cette désagrégation de la cellule familiale sera récupérée par l’idéologie, comme idéo-
logie de l’émancipation. Le coup de force, de terreur – à la campagne- sera camouflé par tout un discours de la
libération – à la ville.
En même temps, la société industrielle invente le temps de loisir. Temporalité qui sera de
lieu de l’émancipation. Ce temps de loisir va se développer sous la double pression du progrès social (Front Po-
pulaire, Résistance) et de l’industrie du loisir et du plaisir. Pour en venir au ministère du Temps libre.
Ce qui fait que le nouveau rythme social ne dispose plus de l’unité organique famille/vil-
lage, d’une temporalité apaisante, de longue durée, lente, équilibrée. A la place : deux systèmes spatio-tempo-
rels : le temps de travail et le temps de loisir. Et entre les deux ; ce monstrueux cancer spatiotemporel : le
temps de transport.
[…]
Totale désagrégation de l’intimité. A la place, l’intimisme de foule : les bandes de jeunes
et les troupeaux de touristes.
[…]
Encore et toujours la complémentarité du technocrate et du gauchiste. Le technocrate
pour technocratiser le temps de travail. Le gauchiste pour gauchiser le temps de loisir.
La pharmacopée occidentale a volé au secours de l’animation machinale : elle est devenue l’industrie de
la drogue.
De même que le capitalisme fabrique la pollution et l’industrie antipollutive, il fabrique la pathologie mentale
et ses remèdes. C’est encore une double source de profit pour les monopoles.
Féminisme
L’âme machinale va passer à l’acte sexuel machinalement […]. L’acte sexuel n’est plus qu’un geste situé
dans une série. L’acte sexuel est un élément parmi d’autres qui a la nécessité sociologique des gestes à faire et
des mots à dire.
Alors l’initiation sexuelle écarte la culture de la jeune fille, les rituels et les célébrations valorisantes, qui fai-
saient de ce moment un moment privilégié, unique, d’une grande portée symbolique. L’idéologie de la consom-
mation fait de la sexualité une consommation parmi d’autres.
A la place de la psyché, l’initiation de série. L’impératif catégorique de l’opinion libérale. Les adoles-
centes sont pilonnées de slogans, de modèles, de signes, de conseils, de revues émanant de spécialistes, d’édu-
cateurs… Malheur à celle qui n’est pas dans le coup.
[…] Maintenant, les incitations de l’opinion libérale sont telles que la fillette demande « spontanément »
sa pilule. On a tellement bien su la lui dorer.
Une troisième période de l’usage semble même déborder l’initiation intimiste. C’est celle qui s’avoue
franchement revendication d’usager, de consommateur : la pilule du distributeur automatique. Et gratuite. Entre
le flipper et le distributeur de coca-cola et de chewing-gum. Et pourquoi pas dans la salle de classe ?
L’émancipation de la femme passerait par le refus du mariage ? Par l’union libre ? En luttant contre l’ins-
titutionnalisation du fait sexuel ? Mais c’est l’éternel combat du phallo !
Discrète et constante ironie du pouvoir mâle : la femme objet d’usage et sujet d’expérience doit veiller,
d’elle-même, au bon entretien du matériel. « Ton corps est à toi ; sache que les mecs ne veulent plus de risques,
d’ennuis. Sois disponible à leurs désirs sans les importuner de ton corps lorsqu’ils n’en n’ont plus besoin. Sois
fonctionnelle : gère tes ovules comme une bonne femme. Cela fait partie de tes obligations mondaines. C’est ton
problème. Et nous en avons proposé la bonne solution. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes des
hommes possible. Sois féministe et tais-toi. »
[…] « La circulation des femmes » est devenue ce que le phallo n’osait imaginer.
Nous verrons dans la libéralisation des lois du divorce une autre conquête de la phallocratie moderniste,
machiavélique et manipulatrice.
[…] toujours deux destins de femme. Celles qui profitent du système. […] Les bourgeoises nanties de di-
plômes […] Et les femmes d’origine populaire.
Le féminisme est cette idéologie qui consacre une nouvelle et terrible ségrégation dans le sexe féminin.
Ségrégation de classe qui organise deux destins de femme.
[…] on peut proposer cette formule objective : exploitation de la classe dominée >(plus grande) que l’ex-
ploitation de la femme par l’homme dans la classe dominante.
L’antériorité logique, économique, politique – de la lutte des classes – fait de la lutte des sexes une consé-
quence, un effet.
Quel était le pouvoir du charbonnier sur la châtelaine ? Quel est celui du travailleur étranger sur Delphine
Seyrig ?
Résumons en deux propositions les rapports « scientifiques » de la lutte des classes et de la lutte des
sexes :
1. La femme de la classe dominante « exploite » - objectivement – à la fois l’homme et la femme de la
classe dominée.
2. L’homme de la classe dominante « exploite » - objectivement – la femme (de la classe dominante et
de la casse dominée) et l’homme (de la classe dominée).
Alors ce n’est plus la guerre des sexes de l’origine. C’est une nouvelle guerre. D’ordre métaphysique.
Celle de la substance contre l’histoire. La femme est l’anté-prédicatif, la non-détermination, la non-représen-
tation. Elle est ce qui était avant la culture. Elle est l’anti-progrès absolu. Elle est l’humanité d’avant l’histoire.
Histoire décrétée vaine, prétexte à la prise de pouvoir phallocratique.
Le combat féministe se révèle n’être que le combat de l’idéologie réactionnaire contre le sens de l’his-
toire. Et sous une forme moderniste. Le féminisme réactive un archaïsme, le dénature, le falsifie pour en faire
une nouvelle idéologie de la substance : l’Etre sans l’histoire (idéologie commune à tous les penseurs de la mo-
dernité bourgeoise, à partir de Heidegger)
Le vrai débat doit être proposé selon les rapports de production
La farouche guerre des sexes n’est qu’une querelle de consommateurs. Portés par une commune idéolo-
gie, les deux vieux complices se disputent bourgeoisement la plus grosse part du gâteau libidinal.
Il [le libéralisme] occulterait la lutte des classes et proposerait à la place, le révolutionnarisme du sexe
et du jeune.
C’est l’usage du signe qui importe. Et non le signe en tant que tel.
L’usage proposé est l’accession à un genre de vie réellement parasitaire. […] L’objet a été produit par
l’autre : le travailleur de la révolution technologique et scientifique. Et aussi payé, offert par l’autre : le père.
Au sommet du système, trône une consommation mondaine d’une « innocence » parfaite. Et qui signifie la plus
parfaite exploitation de l’homme par l’homme.
[…] entre le père libéral et le fils contestataire […] un véritable contrat social […]
Leur conflit n’était qu’un problème de partage. Un malentendu à propos de l’usage d’une certaine part
de la plus-value. Une fois ce problème résolu un formidable front unitaire se constitue face à la classe ouvrière.
Celui de la social-démocratie libertaire. […] Le système s’est renforcé de son opposition (la contestation).
Ils [les objets de la production de série] sont de l’ordre du divertissement et de la fantaisie. Leur usage
doit justement permettre la « distanciation » avec l’univers du travail et de la subsistance.
Gaspiller, jeter, casser - . Le signe de l’élite du procès de consommation. Marque – anale ? – du consom-
mateur – radical. Elle a une double signification : bafouer le producteur et empêcher la consommation de l’au-
tre.
L’extraordinaire pouvoir du capitalisme a été d’offrir ce luxe suprême [gaspiller, jeter, casser] – l’exac-
tion – au premier venu. Ce qui était la marque d’une aristocratie s’est banalisé, vulgarisé. Le luxe suprême : cas-
ser, gaspiller, jeter, est descendu dans la rue.
Alors […] la fusion de ces nouvelles couches moyennes et des classes moyennes traditionnelles, la fusion
du centre gauche et du centre droit, en une classe unique, nouvelle classe moyenne qui n’aurait même plus
besoin de l’alternance.
Ecarter de l’éducation les conduites d’apprentissage du procès de production. Ainsi que toutes les valeurs
qui s’y rattachent. Ne proposer que les conduites de consommation ludique et marginale, libidinale.
Le nominalisme
[…] Néo-nominalisme de toute l’actuelle culture bourgeoise. C’est le substrat idéologique du discours
des vedettes du discours (Lacan, Foucault, Barthes, et même Althusser).
Ce nominalisme est une double opération. D’abord le passage des objets aux conduites, de celles-ci aux
signes. C’est le passage du signifié au seul signifiant. L’éloignement définitif de la réalité par le signe, le mon-
dain, le pouvoir culturel de la nouvelle bourgeoisie.
Alors que le signifiant mondain est pur artifice, convention. IL n’a de validité que par le pouvoir idéolo-
gique.
Hölderlin et Lénine ont eu le même projet : accéder à la réalité, participer à son être. Et pour cela dé-
noncer et écarter la culture idéaliste, bourgeoise, celle des signifiants, de l’artifice, du pouvoir mondain.
L’inter-subjectivité sera soumise à une sémiologie de l’échange qui écarte à priori tout le procès de pro-
duction.
Mais ce qui caractérise la culture de l’après-guerre, c’est l’investissement de cette logique des signi-
fiants dans deux systèmes, deux domaines qui jusqu’alors savaient résister au mondain : le politique et le cul-
turel.
L’époque sera coupée de toute tradition, de tout modèle historique. […] Tout commencera par les signes
et les formes de la mondanité néo-capitaliste.
Que ce soit pour le duc de Lévis-Mirepoix ou pour l’idéologue social-démocrate (Barthes) la mode est ré-
duite au signe de la mode. L’énorme partie cachée de l’iceberg –la consommation mondaine en tant que pouvoir
de l’idéologie- étant ignorée n’existe pas. On ne retient que le signifiant du mondain.
L’antéprédicatif et le néo-nominalisme sont les deux fondements de l’actuelle idéologie. […] C’est la phi-
losophie-idéologie des adversaires, avoués ou pas, du matérialisme historique. [Pour eux] L’essentiel n’est pas
dans et par le procès de production. Mais avant ou au dessus. Avant l’histoire et dans le signe.
[Selon nous] Le sens n’a pas été, quelque part, donné, fixé. Puis oublié.
Il ne faut donc chercher ni derrière, ni avant. Ni en dessous, ni en dessus. Ni à côté. Mais dans. Dans les
rapports de production. Le sens n’est pas enfoui ou caché. Il s’étale au grand jour […].
« Planètes des jeunes ». Le capitalisme est devenu le grand imagier. L’usine du prêt-à-rêver. Utopies ga-
ranties increvables.
Dès qu’il [le système] atteint la perfection de ses mythes, il tire le pont-levis sur les sensibilités des
époques antérieures. Il ne doit pas y avoir d’autre mémoire que celle du système.
Le disco - Ce moment nous semble avoir été celui du disco. Le pouvoir mondain s’est étendu, étalé
jusqu’à recouvrir le monde. Le disco, radicale vulgarisation du rythme capitaliste, d’un rythme réduit à n’être
plus qu’une scansion binaire mécanique, a eu une audience universelle. Ce fut un phénomène extraordinaire :
la première mondialisation d’un modèle esthétique, d’un canevas musical.
Le rétro – Ces modes, n’ayant pu être liquidées, seront conservées et même « rénovées ». […] Phénomène
classique, banal, celui de la récupération.
Des modes d’antan, ce qui suscite la haine –cachée- de la mode rétro, c’est leur sérieux.
Celui-ci est insupportable à la frivolité de la nouvelle consommation mondaine. Ces modes témoignent d’une li-
bido, ludicité, marginalité non marchandes. Ces choses-là n’étaient pas encore devenues des produits de consom-
mation, la promotion de vente d’un mode de production.
Ces modes d’antan expriment des traditions populaires qui sont des formes de résistance
aux incitations de l’industrie du plaisir.
Quatre élites –Jeunesse, Beauté, Vedette, Argent- se sont sonnées rendez-vous pour refaire l’Olympe.
Celui du capitalisme.
Il [la Vedette] est la réussite même, la perfection des aspirations libidinales, ludiques, marginales.
[…] une esthétique prostitutionnelle. Car la Vedette est bien la grande pute du système. […] elle s’est
vendue au succès, au show-business. […] C’est elle qui conditionne les masses.
Le fric n’est plus qu’un des moyens du mondain. Le potlatch s’est substitué à la thésaurisation.
Fellini est le grand imagier de ce potlatch social-démocrate. Visconti, au contraire, témoigne de l’hé-
roïsme qu’est la résistance progressiste au mondain.
Que l’honnête homme comprenne que le mondain ce n’est ni le pouvoir de l’argent, ni celui du sexe, ni
celui de la jeunesse, ni celui de la beauté. Mais le meilleur système de leurs rapports. Leur promotion réci-
proque. […] La Vedette est le signifiant suprême de cet ensemble. Par lequel chaque terme s’accomplit. A la gloire
du capitalisme.
Le Club Méditerranée – mondain à l’usage des couches moyennes. […] le modèle structural de la circulation des
objets est aussi celui de la circulation des femmes.
La nouvelle civilisation
Le capitalisme a inventé l’innocence. Plus de culpabilité, de péché, d’interdit, de tabou ! Mais le droit
à la jouissance. Tout et tout de suite. L’usage naïf, spontané, péremptoire.
Il semble que plus le procès de production est répressif et plus la consommation libidinale, ludique, mar-
ginale est permissive.
Une part de la plus-value, donc, après extorsion, n’est ni réinvestie, ni capitalisée. Mais dépensée.
Mais alors que le Sauvage, par le potlatch dépense (et gaspille) sa propre production, il s’agit –au niveau
de l’économie capitaliste – de la dépense, de la consommation, du gaspillage de la production de l’Autre : la
classe ouvrière.
Les rejetons –en révolte – des couches moyennes émanciperont les travailleurs. Par l’Eros.
A l’idéologie de la Fête correspond l’austérité sur les travailleurs. Au ministère du Temps libre, le chô-
mage massif.
Le parasitisme social camouflé sous les figures mondaines de la consommation plus ou moins transgres-
sive.
Une nouvelle forme de classe –avec grande, moyenne, petite-bourgeoisie – est apparue. Nouvelle classe
sociale qui est l’essentielle profiteuse du système.
Ayant usé et abusé de toutes les animations, prêt à repartir vers de nouveaux rivages, le nouveau bour-
geois se repose en sa maison de campagne, relais et pivot de sa prodigieuse migration mondaine (reflet inversé
de la migration du travailleur rural qu’il a délogé)
La convivialité
Le capitalisme a viré à gauche –au niveau politco-culturel- et a viré à droite –au niveau économico-social.
Sa dialectique a inversé ses composantes originelles : libéralisme économique et conservatisme politique. Quelle
ruse !