Rétrospective Greco Au Grand Palais, Paris
Rétrospective Greco Au Grand Palais, Paris
Rétrospective Greco Au Grand Palais, Paris
GRECO
16 octobre 2019 - 10 février 2020
Grand Palais
Galerie sud-est
sommaire
communiqué de presse p. 3
press release p. 5
comunicado p. 7
plan de l’exposition et principe scénographique p. 9
textes des salles p.10
Greco, un drame en cinq actes p.14
portrait chinois de Greco par Guillaume Kientz p.16
liste des œuvres exposées p.17
liste des prêteurs p.30
ils ont dit, ils ont écrit p.32
on retrouve aussi Greco au cinéma p.33
chronologie p.34
extraits du catalogue p.40
notices d’œuvres p.48
catalogue de l’exposition p.58
autres publications p.60
programmation culturelle p.61
activités pédagogiques p.64
informations pratiques p.66
visuels disponibles pour la presse p.67
mécènes p.79
partenaires médias p.85
Greco (dit), Theotokopoulos Domenico, L’Assomption de la Vierge (détail), 1577-1579, huile sur toile, 403,2 x 211,8 cm,
Etats-Unis, Chicago, Art Institute of Chicago, don de Nancy Atwood Sprague en mémoire d’Albert Arnold Sprague, 1906 /
Photo © Art Institute of Chicago, Dist. RMN-Grand Palais / image Art Institute of Chicago
communiqué
Greco
16 octobre 2019 - 10 février 2020
Grand Palais
Galeries nationales
Galerie sud-est
Cette rétrospective est la première grande exposition jamais consacrée en France à cet artiste.
Né en 1541 en Crète, Doménikos Theotokópoulos, dit Greco, fait son premier apprentissage dans la
tradition byzantine avant de parfaire sa formation à Venise puis à Rome.
C’est cependant en Espagne que son art s’épanouit et s’implante durablement à partir de la décennie
1577. Attiré par les mirifiques promesses du chantier de l’Escorial, l’artiste importe dans la péninsule la
couleur du Titien, les audaces du Tintoret et le style héroïque de Michel-Ange. Cette éloquente synthèse,
originale mais cohérente par rapport à son itinéraire, donne à Greco, mort quatre ans après Caravage,
une place particulière dans l’histoire de la peinture : celle du dernier grand maître de la Renaissance et du
premier grand peintre du Siècle d’Or.
Redécouvert à la fin du XIXe siècle, célébré par les écrivains, reconnu et adopté par les avant-gardes du
début du XXe, l’artiste jouit ainsi du double prestige de la tradition et de la modernité, reliant le Titien aux
Fauves, le maniérisme au cubisme, à l’expressionnisme, au vorticisme, à l’abstraction jusqu’à l’action
painting.
Greco est également un insatiable inventeur de formes, mettant au point des compositions innovantes et
audacieuses sur lesquelles il n’aura de cesse de revenir tout au long de sa carrière, variant les effets, les
moyens plastiques, les intentions de son discours. L’indépendance assurée de son approche n’a alors
d’égal que la liberté électrique de sa palette et de son pinceau.
Parmi les angles scientifiques particuliers qui sont développés : la mue impressionnante du peintre à ses
débuts, de l’art d’icône à son adhésion esthétique au courant vénitien ; ses inventions et variations, qui
permettent, sur un même thème, de mesurer le caractère novateur de son art et de suivre le cheminement
de son style de Venise à Tolède ; sa sensibilité, plus humaniste que mystique, son tempérament spirituel,
fougueux et littéraire.
Greco (dit), Theotokopoulos Domenico, L’Assomption de la Vierge (détail), 1577-1579, huile sur toile, 403,2 x 211,8 cm, Etats-Unis,
Chicago, Art Institute of Chicago, Gift of Nancy Atwood Sprague in memory of Albert Arnold Sprague, 1906.99 / Photo © Art Institute
of Chicago, Dist. RMN-Grand Palais / image Art Institute of Chicago
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Sa production abondante et le spectacle que donnent chaque fois ses compositions garantissent de
pouvoir retracer l’ensemble de la carrière du peintre, articulée par des œuvres fortes et décisives, pour
restituer au public une image juste, puissante mais aussi inattendue d’un artiste qu’on croit connaître à
travers une dizaine d’œuvres, mais qu’une rétrospective complète contribuera à éclairer d’une lumière
nouvelle, favorisant émotions, découvertes et redécouvertes autour d’un artiste intemporel frappé du
sceau de la modernité.
.......................................
commissaire : Guillaume Kientz, conservateur de l’art européen, Kimbell Art Museum, Fort Worth, USA
commissaire de l’exposition à l’Art Institute of Chicago : Rebecca Long, Patrick G. and Shirley W.
Ryan Associate Curator of European Painting and Sculpture before 1750, The Art Institute of Chicago,
Chicago, USA
.......................................
ouverture : jeudi, dimanche et lundi publications aux éditions de la Réunion contacts presse :
de 10h à 20h. Nocturne mercredi, des musées nationaux - Grand Palais,
vendredi et samedi de 10h à 22h. en coédition avec le musée du Louvre, Réunion des musées nationaux -
Fermeture hebdomadaire le mardi. Grand Palais
Paris 2019 :
Fermeture anticipée le vendredi 18 254-256 rue de Bercy
octobre à 20h. 75 577 Paris cedex 12
Fermeture le 25 décembre 2019 - catalogue de l’exposition, relié,
22,5 x 31 cm, 248 pages, 200 illustrations,
Florence Le Moing
tarifs : 13 €, TR 9 € (16-25 ans, 45 €
[email protected]
demandeurs d’emploi et famille 01 40 13 47 62
nombreuse), gratuit pour les moins - journal de l’exposition,
de 16 ans, bénéficiaires des minima 28 x 43 cm, 24 pages, 45 illustrations, 6 € Svetlana Stojanovic
sociaux
[email protected]
accès : métro ligne 1 et 13 :
«Champs Elysées-Clemenceau» #ExpoGreco
ou ligne 9 : «Franklin D. Roosevelt» presse.rmngp.fr
Art Institute of Chicago Identity
submission 05-05-2008
@Presse_RmnGP
informations et réservations :
www.grandpalais.fr
Cette exposition bénéficie du soutien d’Aurel BGC, de Sanef et de la Stavros Niarchos Foundation
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press release
Greco
16 october 2019 - 10 february 2020
Grand Palais
Galeries nationales
Galerie sud-est
This retrospective is the first major exhibition in France ever to be dedicated to this artist.
Born in Crete in 1541, Doménikos Theotokópoulos, known as Greco, undertook his initial apprenticeship
in the Byzantine tradition before refining his training in Venice and then Rome.
However, it was in Spain that his art flourished, firmly taking root from the 1577s. Attracted by the incredible
promise of the El Escorial site, the artist brought Titian’s colour, Tintoretto’s audacity and Michelangelo’s
heroic style. This eloquent combination, original yet consistent with his own way, gave to Greco (who
died four years after Caravaggio) a unique place in the history of painting, as the last grand master of the
Renaissance and the first great painter of the Golden Age.
Rediscovered in the late 19th century, celebrated by authors, acknowledged and embraced by the 20th
century avant-garde, the artist has enjoyed the dual prestige of tradition and modernity, linking Titian
to the Fauvists and Mannerism to Cubism, Expressionism, Vorticism and Abstraction up to the Action
painting.
Greco was also an insatiable inventor of forms, developing bold and innovative compositions to which
he ceaselessly returned throughout his career, varying the effects, graphic means and intentions of his
discourse. His resolutely independent approach was matched only by the electric freedom of his palette
and brush.
Among the unique scientific angles that emerged was the painter’s impressive early transformation, from
iconic art to an aesthetic adherence to the Venetian movement; his inventions and variations which,
within a single theme, demonstrated the innovative character of his art and chronicled the progression of
his style from Venice to Toledo; and both his sensitivity – more humanist than mystic – and his spiritual,
ardent and literary temperament.
Greco (dit), Theotokopoulos Domenico, L’Assomption de la Vierge (détail), 1577-1579, oil on canvas, 403,2 x 211,8 cm, Etats-Unis,
Chicago, Art Institute of Chicago, don de Nancy Atwood Sprague en mémoire d’Albert Arnold Sprague, 1906 / Photo © Art Institute
of Chicago, Dist. RMN-Grand Palais / image Art Institute of Chicago
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His prolific production and the spectacle created by each of his compositions allow us to map out the
painter’s entire career, built on strong and decisive works, to give visitors a true, powerful yet unexpected
image of an artist who we think we know through a dozen of his paintings, but on whom a complete
retrospective will help shed new light, bringing about emotion, discovery and rediscovery around a timeless
artist imbued with modernity.
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curator : Guillaume Kientz, Curator of European Art, Kimbell Art Museum, Fort Worth, USA
associate curator : Charlotte Chastel-Rousseau, Curator of Spanish and Portuguese painting, musée
du Louvre, Painting Department
curator of the exhibition at the Art Institute of Chicago : Rebecca Long, Patrick G. and Shirley W.
Ryan Associate Curator of European Painting and Sculpture before 1750, The Art Institute of Chicago,
Chicago, USA
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opening hours : Thursday, Sunday published by the Réunion des musées press contacts:
and Monday from 10 am to 8 pm. nationaux - Grand Palais, in coedition
Wednesday, Friday, Saturday from 10 with Musée du Louvre, 2019 : Réunion des musées nationaux -
am to 10 pm. Grand Palais
Closed on Tuesdays - exhibition catalog, 22,5 x 31 cm, 248 254-256 rue de Bercy
Closed on 25 december 2019 pages, 200 illustrations, 45 € 75 577 Paris cedex 12
This exhibition is organized with the support of Aurel BGC, Sanef and the Stavros Niarchos Foundation
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comunicado
Greco
16 de octubre 2019 - 10 de febrero 2020
Grand Palais
Galeries nationales
Galerie sud-est
Nacido en 1541 en Creta, Doménikos Theotokópoulos conocido como Greco, inicia su aprendizaje
siguiendo la tradición bizantina, y perfeccionará su formación en Venecia y más tarde en Roma.
Sin embargo, es en España, donde se instala definitivamente en 1577, donde su arte alcanza su máximo
esplendor. Atraído por las miríficas promesas de la obra de El Escorial, importa a la península el color
de Tiziano, la audacia de Tintoretto y el estilo heroico de Miguel Ángel. Esta síntesis elocuente, original
y coherente con su trayectoria, sitúa al Greco, fallecido cuatro años después de Caravaggio, en un lugar
muy destacado en la historia de la pintura: es el último gran maestro del Renacimiento y el primer gran
pintor del Siglo de Oro.
Redescubierto a finales del siglo XIX, alabado por los escritores, reconocido y adoptado por las vanguar-
dias de principios del siglo XX, alcanza así el doble prestigio de la tradición y de la modernidad, vincu-
lando a Tiziano con el fauvismo, el manierismo con el cubismo, el expresionismo, el vorticismo, la pintura
abstracta e incluso con el action painting.
Entre las particulares perspectivas científicas desarrolladas: la impresionante transformación del pintor
en sus inicios, del arte de los iconos a su adhesión estética a la corriente veneciana; sus invenciones y
variaciones, permitiendo, en un mismo tema, medir el carácter innovador de su arte y seguir la evolución
de su estilo desde Venecia hasta Toledo; su sensibilidad, más humanista que mística, su temperamento
espiritual, fogoso y literario.
Greco (dit), Theotokopoulos Domenico, L’Assomption de la Vierge (détail), 1577-1579, oil on canvas, 403,2 x 211,8 cm, Etats-Unis,
Chicago, Art Institute of Chicago, Gift of Nancy Atwood Sprague in memory of Albert Arnold Sprague, 1906.99 / Photo © Art Institute
of Chicago, Dist. RMN-Grand Palais / image Art Institute of Chicago
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Su abundante producción y el espectáculo ofrecido por cada una de sus composiciones garantizan que
se pueda mostrar toda la carrera del pintor, articulada por obras fuertes y decisivas, para devolver al púb-
lico una imagen justa, potente pero a la vez inesperada, de un artista al que creemos conocer a través
de una decena de obras, pero al que una retrospectiva completa contribuirá a dar un nuevo enfoque,
despertando emociones, descubrimientos y redescubrimientos de un artista intemporal embargado por
la modernidad.
.......................................
comisario : Guillaume Kientz, curador de arte europeo, Kimbell Art Museum, Fort Worth, USA
comisaria de la exposición en el Art Institute of Chicago : Rebecca Long, Patrick G. and Shirley W.
Ryan Associate Curator of European Painting and Sculpture before 1750, The Art Institute of Chicago,
Chicago, USA
informaciones / reservaciónes:
www.grandpalais.fr
This exhibition is organized with the support of Aurel BGC, Sanef and the Stavros Niarchos Foundation
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plan de l’exposition
entrée / sortie
et principe scénographique
GRECO
scénographe : Véronique Dollfus,
conceptrice lumière : Sarah Scouarnec
6
Mise en espace
La mise en espace est puissante, frontale, théâtrale.
Elle joue des proportions imposantes de la galerie, haute et
1.1
longue.
5.3
5.1
5.2
1.2
amplifient la perspective.
Les espaces plus intimes, au plafond surbaissé, qui
introduisent et ferment cette perspective font valoir la
monumentalité de la nef.
2
confrontations autour d’une figure.
5.2 L’atelier
Blanc
Résolument blanche, la mise en espace célèbre la modernité
du Greco. Elle soutient le regard contemporain que porte le
3. Les premières grandes commandes
4.3
Le style et l’image
Doménikos Theotokópoulos, dit Greco, est incontestablement l’un des talents les plus originaux de
l’histoire de l’art. Sa peinture si singulière a suscité de nombreuses théories, souvent farfelues.
On a fait de lui un fou, tantôt hérétique, tantôt mystique. Certains même, pour justifier les audaces de sa
palette, l’ont imaginé astigmate. La vérité est moins romanesque... encore que ! De Crète à Venise, de
Venise à Rome et de Rome à Tolède, son itinéraire hors du commun et son obstination à défendre sa
vision de l’art l’ont élevé, à la force du pinceau, parmi les grands maîtres de la Renaissance, avant de
faire de lui, bien plus tard, le prophète de la modernité.
La scène artistique qu’il découvre en Italie lorsqu’il s’y installe vers 1567 est partagée entre Titien dont le
pinceau règne dans la cité des Doges, et Michel-Ange (mort en 1564) dont l’art domine toujours Rome
et Florence. Greco doit trouver sa voie. Il épouse la couleur de l’école vénitienne, mais lui concilie la
force du dessin et de la forme michelangélesque. Parallèlement, alors que l’Eglise cherche de nouvelles
images pour répondre à l’iconoclasme protestant et reconquérir les âmes, il met à profit sa grande
imagination pour proposer de nouvelles solutions figuratives. Les temps semblent favorables à celui qui
veut se faire une place et un nom. Les images et le style : tout est à réinventer. C’est le défi que se lance
Greco.
Les quelques 75 oeuvres rassemblées dans cette exposition entendent rendre hommage au génie
inclassable et sauvage que fut Greco. Avec ses cimaises blanches et simples, la scénographie veut laisser
à l’artiste le monopole de la couleur et recréer la modernité de regard qui accompagna sa redécouverte
par les avant-gardes.
Les portraits
Parmi les nombreuses facettes du talent de Greco, celle de portraitiste n’est pas la moindre. Dès sa
période romaine (1570-1576), il semble jouir d’une solide réputation dans ce genre. Ainsi, dans sa lettre
de recommandation au cardinal Farnèse, l’artiste miniaturiste Giulio Clovio mentionne un autoportrait de
Greco qui suscite l’admiration de tous les peintres de Rome. Si ce tableau est aujourd’hui perdu, d’autres
toiles témoignent de son succès dans le genre du portrait. Comme dans l’ensemble de sa production, il
évolue d’un style fortement vénitien à une manière puissante et plus personnelle.
Sa fréquentation des cercles humanistes du palais Farnèse lui permet en outre d’accéder à la société
érudite de son temps. Sa vie durant, il y trouvera ses amis, ses soutiens et ses commanditaires. Comme
une galerie d’illustres, ses portraits fixent les traits et l’intelligence des brillants personnages, profonds
ou puissants, qui posent pour lui, à Rome d’abord, à Tolède ensuite.
Greco et Tolède
Tolède rayonne dans toute l’Europe comme l’un des grands centres artistiques et culturels. Quand Greco
s’y installe, il se trouve à son aise parmi une clientèle lettrée qui partage l’esprit humaniste découvert lors
de ses années italiennes. La vieille cité impériale devient dès lors le cadre - et presque le personnage
secondaire - de nombre de ses compositions dont les arrière-plans laissent voir les monuments
emblématiques : la cathédrale, l’Alcazar, le pont d’Alcántara… C’est notamment le cas du Saint Martin et
le mendiant [cat. 32]. Le développement de la dévotion privée amène de nombreuses familles tolédanes
Greco et le dessin
Greco place la peinture au-dessus de tous les autres arts. Dans le débat entre tenants de la ligne et
tenants de la couleur, il prend clairement le parti de ces derniers. Rarement conservé, le dessin, qu’il
pratique de façon marginale, est une simple modalité fonctionnelle dans son processus de création.
Seules sept feuilles peuvent aujourd’hui être attribuées à Greco avec un certain degré de certitude :
deux, de sa période italienne, sont des méditations d’après Michel-Ange [cat. 43, présentées au début
de l’exposition] ; trois sont préparatoires au grand retable de Santo Domingo el Antiguo à Tolède [cat. 41,
42] ; deux enfin sont liées à l’importante commande passée pour le collège de Doña Maria de Aragón à
Madrid [cat. 44].
Greco et L’atelier
En 1585, Greco installe sa famille et son atelier dans trois appartements qu’il loue au palais du marquis
de Villena.
L’atelier lui permet de développer le versant commercial de sa production en multipliant les exemplaires
d’une même composition, qu’il peut à l’occasion retoucher et même signer. Cette organisation rend
possible une activité soutenue dont le rythme s’intensifie significativement à partir des années 1600.
La tentation est grande d’attribuer une partie de ces oeuvres au propre fils de l’artiste, [cat. 72] mais
les faits sont moins conciliants. Les documents laissent à penser que ce dernier aurait préféré devenir
architecte ; il le devient d’ailleurs à la mort de son père. À partir de 1603 cependant, il figure dans les
contrats aux côtés de Greco. Sa présence sert notamment à garantir l’achèvement des commandes en
cas de décès du maître. Cette précaution devait viser à rassurer les clients inquiets de la capacité de
Greco à honorer ses nombreux marchés.
« De l’inconnu, des noces qui s’y consomment et qui nous valent les chefs-
d’oeuvre, Greco tire la pourriture divine de ses couleurs, et son jaune et
son rouge qu’il est le seul à connaître. Il en use comme de la trompette des
anges. Le jaune et le rouge réveillent les morts qui gesticulent et déchirent
leur linceul […]. Les créatures de Greco, neles verrait-on pas souvent
déshabillées par la foudre ? Elles restent nues sur place, immobilisées
dans l’attitude où elles furent surprises par la mort.
Et leurs linges s’envolent, se tordent, s’arrachent au loin, figurent les
nuages auxquels on ne peut pas ne plus revenir dès qu’on s’occupe
de Greco […]. Un jour nous verrons ce limon sculpté de la terre devenir
les Baigneurs de Cézanne, et de croisement en croisement, aboutir à
l’effrayante race d’hommes sauterelles, d’hommes chiens, d’ogres à tête
de bouquet de fleurs dont Salvador Dali peuple ses solitudes. »
Le rideau s’ouvre : c’est la Crète, ses murs blancs, son soleil franc, sa nature arcadienne et
intemporelle. Là, le jeune Domenigo Theotokópoulos apprend le métier de peintre d’icône, suivant
l’ancienne et noble tradition de ses ancêtres byzantin. Mais déjà l’adolescent rêve aux grands maîtres
italiens dont il entend parler et dont il voit peut-être quelques tableaux ou gravures. Venise est loin, mais
Venise est proche : c’est la Sérénissime qui gouverne son île et les contacts entre les deux mondes,
grec et latin, sont nombreux. Une importante communauté candiote y est même installée et prospère.
Il la rejoindrait !
Venise, un dock, ce qu’on appelle ici une darsena. Greco pose son premier pied en Italie. Gothique,
orientale, Renaissante, la ville est mille choses aux yeux du peintre tout juste débarqué. Il craint de
regarder où il marche de peur de perdre une seule de ses beautés. Soudain, il se trouve au milieu
de l’agitation d’une foule et d’un chaos d’étals. Il s’en souviendrait au moment de peindre son Christ
chassant les marchands du Temple. Car dès lors tout ce qu’il voit, tout ce qu’il sent, tout ce qu’il touche,
se grave dans sa mémoire pour former un répertoire de formes et d’émotions qui habiterait son âme et
son œuvre jusqu’à la fin de sa vie. Peut-être cherche-t-il à rejoindre l’atelier du Grand Titien. Peut-être
y parvient-il. Il l’admire en tout cas et s’empresse en l’imitant d’apprendre le langage, nouveau pour
lui, de la Renaissance italienne. Il rencontre Tintoret aussi. Voilà le peintre qu’il voudrait être ! Arrive-
t-il trop tard ? Sera-t-il jamais capable de se faire une place auprès des Véronèse, Bassano, Palma
et tant d’autres, du reste peu partageurs? Alors pourquoi pas Rome ? La cité des papes est moins
exigües que celle des doges et c’est là-bas qu’on peut voir les œuvres de celui dont tout le monde parle
désormais : Michel-Ange !
Rome. Le Palais Farnèse. Greco ne pensait pas être impressionné par Rome, au fond, elle n’était
qu’une imitation de la Grande Grèce et le Grec c’était lui ! Mais au cœur du plus prestigieux palais de
la ville, où grâce à l’amitié du miniaturiste Clovio il a eu la chance de trouver l’hospitalité, il découvre
une collection d’antiques presque sans pareil, une bibliothèque riche de milliers de volumes précieux,
une galerie de peinture à couper le souffle et une cour humaniste rassemblant les plus brillants esprits.
La Renaissance tient toutes ses promesses. Il comprend qu’il vient de trouver ce qu’il cherchait.
Cependant, par un malentendu propre aux étrangers enthousiastes qui parlent sans prudence et se
sentent à l’aise un peu trop vite, il se croit lui aussi autorisé à donner son avis sur tout. Erreur fatal. S’il
est de bon ton alors de critiquer Michel-Ange, si sa voix n’ajoute rien aux commentaires acerbes, qui
est-il ce jeune Grec pour prétendre qu’il pourrait faire mieux et proposer même, tout de go, de repeindre
le Jugement dernier de la Sixtine ? Greco a oublié qu’à Rome il n’était rien, et Rome, sèchement, le lui
rappelle. En 1572 il est brusquement mis à la porte du Palais Farnèse. Un temps inscrit à l’académie
des peintres de Saint-Luc, il cherche des clients. Inconnu, il ne peut prétendre à la commande d’un
tableau d’autel dans une église. Le marché est par ailleurs verrouillé par des réseaux et dynasties
d’artistes bien installés. Ne maîtrisant pas la technique de la fresque, il ne peut rejoindre les grands
ateliers occupés aux larges cycles décoratifs qui fleurissent un peu partout. Il peint donc des portraits.
Il ronge sans doute son frein quand il entend pour la première fois parler d’un roi, en Espagne, grand
amateur de Titien, qui cherche des artistes et paye généreusement. L’information vient de Luis de
Castilla, un Espagnol, dont le père, Diego, est le doyen du chapitre de la primatiale de Tolède, la plus
puissante cathédrale de la péninsule ibérique. Les astres, enfin, semblent tous alignés.
Monastère de l‘Escorial. Greco attend, nerveux mais à vrai dire surtout frigorifié, dans l’ombre des
voûtes de la basilique San Lorenzo. Son tableau plaira-t-il ? Il y a mis toute sa science, toute sa
fougue, toute son invention. C’est une allégorie. On y voit au centre le souverain agenouillé, le doge,
le pape, en adoration devant l’apparition du nom de Jésus dans un ciel d’or peuplé d’anges. Tout
autour, on prie, on souffre, on hurle : c’est le Triomphe de l’Eglise sur les hérésies. Philippe II semble
satisfait de la toile que lui apporte cet étonnant artiste, qui ne parle pas l’Espagnol et mélange encore
un peu le Grec à l’Italien. Il lui passe même une commande pour un Martyre de saint Maurice, destiné
l’une des chapelles de son nouveau sanctuaire. Une fois encore, le peintre pèche par imprudence.
Trop rapidement convaincu de son succès il livre une toile ambitieuse, complexe, magistrale oubliant
d’écouter le roi qui n’attend qu’une composition claire, simple et pieuse. Se faire chasser du palais
Tolède. Eglise de Santo Tomé. Tolède serait donc sa ville, son paysage, son univers, son royaume
bientôt. Ses premières œuvres y ont rencontré le succès : L’Expolio à la cathédrale et surtout
l’Assomption à Santo Domingo El Antiguo. De toute façon, il n’est plus prêt à négocier sa valeur, ni son
génie, ni son prix. Gare à qui cherche à s’opposer à lui, les longs procès ne lui font pas peur. Tolède
serait son horizon peut-être, mais il y règnerait en maître et sa peinture en tyran, imposant ses canons,
son style, ses couleurs, ses formules. Hors de Greco l’art n’aurait point de salut. L’Enterrement du
comte d’Orgaz avait été le théâtre de son coup d’état, proclamation froide assurée et menaçante de
sa supériorité. Après cela les commandes plurent et l’artiste, indiscuté, créait chaque jour davantage
un monde pictural plus clos et un imaginaire propre formant une cosmogonie artistique, insulaire et
sans partage.
Epilogue. Tolède. Palais du marquis de Villena. A 73 ans, le vieux despote s’est éteint. Le silence
est assourdissant dans le large espace de son atelier installé au palais du marquis de Villena. Ses
pinceaux, laissés sur de lourdes palettes pleines de couleurs coagulées, semblent peser des tonnes,
le poids du génie disparu. Son fils, Jorge Manuel, dresse l’inventaire, compte les tableaux, les dessins,
les livres, prépare la suite. Cette suite n’arriverait que des siècles plus tard, quand les premiers curieux,
esthètes, poètes et peintres d’avant-garde pousseraient à nouveau la porte de son art et laisseraient
le jour redonner vie à ces grandes silhouettes oubliées et jugées bizarres. Protégée par une pyramide
d’indifférence et d’incompréhension, la peinture de Greco leur paru soudain si fraîche et si neuve qu’ils
l’adoptèrent, le prirent par le bras et l’émancipèrent de la Renaissance pour inscrire son nom à côté du
leur dans le grand livre naissant de la modernité.
L’histoire de cette redécouverte se passa plus à Paris qu’en Espagne, plus dans les ateliers d’artistes
et les cafés littéraires que dans les musées. 111 ans après la première présentation d’une poignée de
toiles du maître au Salon d’Automne, il était temps de réparer l’injustice, de ramener Greco au Grand
Palais et de lui consacrer l’exposition qu’il mérite.
Guillaume Kientz
Si Greco était une ville : trop facile de dire Tolède, il est New York avec ses verticalités de gratte-ciels,
son énergie électrique et son ambition de créer un nouveau monde, sa prétention d’en être le centre.
Si Greco était un paysage : Tolède cette fois ! Sans nul doute. Une personnalité escarpée, protégée
par une armure, avec ses monuments blancs comme des accents qui crient entre un ciel bleu sombre
agité et un vert strident.
Si Greco était une plante : l’agave. Imposante, ample, blessante à qui s’y frotte, et qui, dans une
poussée de vie, fleurit quand elle meurt.
Si Greco était un cinéaste : Eisenstein qui s’en est beaucoup inspiré et lui a même consacré un essai.
Si Greco était un écrivain : Ils sont nombreux à s’être pris de passion pour le peintre, mais si le
peintre avait dû se prendre de passion pour l’un d’eux ça aurait été Cocteau. Le livre qu’il consacre à
l’artiste est plein de fulgurances, voyant clair en lui avec des années d’avance sur les historiens. C’est
le privilège des poètes de se retrouver dans une dimension que nous ignorons et qu’avec générosité ils
nous laissent entrevoir.
Si Greco était un groupe de Rock : Queen ! Indiscipliné, imprudent, sûr de soi, cherchant à inventer
un nouveau style. Une chanson ? Don’t stop me now
Si Greco était une créature légendaire : évidemment un phénix, renaissant et renaissant toujours.
Si Greco était une catastrophe : un incendie, comme ceux qui animent son pinceau et parsèment ses
toiles.
Sainte Véronique
Vers 1580
Huile sur toile
91 × 84 cm
Tolède, Museo de Santa Cruz, Gobierno de la Junta de Comunidades
de Castilla – La Mancha
L’Annonciation
1569-1570
huile sur panneau
36,4 x 44 cm
Madrid, Fondo Cultural Villar-Mir
Giorgio VASARI
Le Vite de’ piu eccelenti pittori, scultori e architettorii, in Fiorenza, ap-
presso i Giunti,
vol. 2, annoté par Greco - pages 10 et 11
1568
imprimé
25 x 17,2 x 3,3 cm
Biblioteca Nacional de España, Madrid
Buste du Christ
Vers 1585-1595
Huile sur papier, marouflé sur toile
15 × 9 cm
Collection particulière
Pietà
1570-1575
Huile sur panneau
28,9 × 20 cm
Philadelphie, Philadelphia Museum of Art, John G. Johnson
Collection 1917
• LES PORTRAITS
L’Annonciation
Vers 1576
Huile sur toile
117 × 98 cm
Madrid, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza
Greco et atelier
Le partage de la tunique (El Expolio)
Vers 1580-1585
Huile sur toile
165 × 98,8 cm
Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen München –
Alte Pinakothek
L’Assomption de la Vierge
1577-1579
Huile sur toile
403,2 × 211,8 cm
Chicago, The Art Institute of Chicago, don de Nancy Atwood Sprague
en mémoire d’Albert Arnold Sprague
La Sainte Face
1579-1584
Huile sur panneau
67 × 46 cm
Collection particulière
Le Christ en croix
Vers 1600
Huile sur toile
193 × 116 cm
Cleveland, The Cleveland Museum of Art
La Fable
vers 1585
huile sur toile
65 x 90 cm
Leeds, 8th Earl of Harewood, Harewood House Trust
Saint Joseph
Vers 1576-1577
Huile sur toile
68 × 56 cm
Collection particulière
La Sainte Famille
Vers 1580-1585
Huile sur toile
106 × 87,5 cm
New York, The Hispanic Society of America
Saint Paul
Vers 1585
Huile sur toile
120 × 92 cm
Collection particulière
Pietà
1580-1590
Huile sur toile
121 × 155,8 × 2,5 cm
Collection particulière
La Vierge Marie
Vers 1590
Huile sur toile
53 × 37 cm
Strasbourg, musée des Beaux-Arts
Le Christ ressuscité
Tabernacle
Vers 1595-1598
Bois polychrome et bois doré
47 × 12,5 × 24 cm
200 × 134 × 134 cm
Tolède, Fundación Casa Ducal de Medinaceli
Vitruve
I Dieci Libri dell’Architectura, libro VI, édité par Daniele de Barbaro,
Vinegia, annoté par Greco - pages 170-171
1556
41 x 29 x 3,4 cm
Madrid, Biblioteca Nacional de España
• L’ATELIER
Atelier de Greco
Le Repas dans la maison de Simon
Vers 1615-1625
Huile sur toile
150 × 104,5 cm
New York, The Hispanic Society of America
Greco et atelier
Le Repas chez Simon
Vers 1610-1614
Huile sur toile
143,3 × 100,4 cm
Chicago, The Art Institute of Chicago, inv. 1949.397 ; don de Joseph
Winterbotham 1949
Annonciation
Vers 1600-1605
Huile sur toile
91 × 66,5 cm
Budapest, Szépművészeti Múzeum; achat, 1907
Le Mariage de la Vierge
Vers 1600
Huile sur toile
110 × 83 cm
Bucarest, Muzeul Naţional de Artă al României; collection de Charles
Ier de Hohenzollern, roi de Roumanie
Canada
Montréal
Musée des Beaux-Arts de Montréal
Ottawa
Musée des Beaux-Arts du Canada
Danemark
Copenhague
Statens Museum for Kunst
Espagne
Barcelone
Museu Nacional d’Art de Catalunya
Madrid
Biblioteca nacional de Espaňa
Museo Lázaro Galdiano
Museo Nacional Thyssen-Bornemisza
Real Parroquia de San Ginés de Arles – Achidiocesis Metropolitana de Madrid
Colecciones Reales, Patrimonio Nacional, Real Monasterio de San Lorenzo de El Escorial
Santander
Fundación Botín
Séville
Museo de Bellas Artes de Sevilla
Tolède
Cabildo Catedral Primada
Museo del Greco
Museo de Santa Cruz de Toledo, Gobierno de la Junta de Comunicades de Castilla-La Mancha
États-Unis
Baltimore, Maryland
The Walters Art Museum
Boston
Museum of Fine Arts
Chicago
The Art Institute of Chicago
Cleveland
The Cleveland Museum of Art
Kansas City, Missouri
The Nelson-Atkins Museum of Art
Minneapolis
Minneapolis Institute of Art
New York
The Hispanic Society of America
The Metropolitan Museum of Ar
France
Paris
Musée du Louvre, département des Peintures
Strasbourg
Musée des Beaux-Arts
Grèce
Athènes
Musée Benaki
Pinacothèque nationale – Musée Alexandros Soutsos
Hongrie
Budapest
Szépművészeti Múzeum
Italie
Bergame
Fondazione Accademia Carrara
Bologne
Pinacoteca Nazionale di Bologna – Polo Museale Emilia Romagna
Modène
Gallerie Estensi
Roumanie
Bucarest
Muzeul Naţional de Artă al României
Royaume-Uni
Banbury
National Trust Collections, Upton House
Harewood
Harewood House Trust
Londres
The National Gallery
Suède
Stockholm
Nationalmuseum
Il y a des abus de blanc et de noir, des oppositions violentes, des teintes singulières, strapassées, des
draperies cassées et chiffonnées à plaisir : mais dans tout cela règnent une énergie dépravée, une puissance
maladive qui trahissent le grand peintre et le fou de génie. Peu de tableaux m’ont autant intéressé que ceux
du Greco, car les plus mauvais ont toujours quelque chose d’inattendu et de chevauchant hors du possible,
qui vous surprend et vous fait rêver.
Théophile Gautier, Voyage en Espagne, 1843
Pour moi, dès ce premier abord, je me sentis devant une âme forte et singulière, qu’il est raisonnable de
tenir en suspicion, mais plus raisonnable encore d’écouter attentivement. Je me promis d’étudier ce beau
problème espagnol, en me faisant raconter sa vie et en poursuivant au fond des églises toute la série de ses
tableaux.
Maurice Barrès, Greco ou le secret de Tolède, 1910
Pourtant des coins de la terre, au ras des maisons s’éclairaient et je dis à Saint-Loup que s’il avait été à
la maison la veille, il aurait pu, tout en contemplant l’apocalypse dans le ciel, voir sur la terre comme dans
l’enterrement du comte d’Orgaz du Greco où ces différents plans sont parallèles, un vrai vaudeville joué
par des personnages en chemise de nuit, lesquels à cause de leurs noms célèbres eussent mérité d’être
envoyés à quelque successeur de ce Ferrari dont les notes mondaines nous avaient si souvent amusés,
Saint-Loup et moi, que nous nous amusions pour nous-mêmes à en inventer.
Les créatures de Greco, ne les croirait-on pas, souvent, déshabillées par la foudre? Elles restent nues sur
place, immobiles, dans l’attitude où elles furent surprises par la mort.
Et leurs linges s’envolent, se tordent, s’arrachent au loin, figurant les nuages auxquels on ne peut pas ne plus
revenir dès qu’on s’occupe de Greco.
Nuages, blanc de l’oeuf, oeuf bondé de circonvolutions vivantes, ventre de la mère, ventre de l’homme,
méandre du labyrinthe des entrailles, tripes qui s’enchevêtrent, sexes qui se dressent ou qui s’écartent,
veines qui s’enroulent, artères qui battent, épaules qui pointent, biceps qui se gonflent, dos qui se creusent,
hirondelles qui nichent sous le bras des chefs aux cuirasses peintes sur le corps, pages dont la chevelure
hirsute hérisse l’aisselle de ce général nu qui se reflète trois fois sous trois angles comme il arrive par le jeu
subtil des miroirs, voilà, une fois pour toutes, et nous n’en reparlerons pas, cette sensibilité érotique appa-
rentant notre homme, quoi qu’il en dise, à celle de Michel-ange et qui le distingue des peintres de tout repos.
[...] en 1966 Picasso pregunto a Otero: «Que es lo que ve todo el mundo en Velasquez hoy dia?», y res-
pondia: «Preferio mil veces al Greco. El si que era un pintor»
Picasso, El Greco y la pintura moderna, sous la direction scientifique de Javier Barón, 2014
Plusieurs films mettent en scène Greco comme personnage historique ou dans lesquels apparaissent
et jouent un rôle important des œuvres du peintre ou bien dont l’esthétique s’inspire de la plastique des
toiles du maître, parmi lesquels :
Crète (1541-1567)
1541
Doménikos Theotokópoulos naît à Candia (aujourd’hui Héraklion), en Crète, dans une famille de cittadini grecs
orthodoxes, fonctionnaires de l’État vénitien. Il est le fils de Georgios, marchand et marin, qui meurt probablement
avant novembre 1566 ; Doménikos est alors confié aux soins de son frère, Manoussos, qui a au moins dix ans de
plus que lui. Marchand prospère et, plus tard, collecteur des impôts, Manoussos peut subvenir aux besoins de son
jeune frère durant ses années d’apprentissage.
1556
16 janvier. Mort de Charles Ier d’Espagne ; son fils, Philippe II, lui succède sur le trône.
1561
Philippe II déplace la capitale de l’Espagne de Tolède à Madrid.
1563
Dernière session du concile de Trente. Pendant cette période de Contre-Réforme, le concile de Trente publie des
listes d’hérésies commises par les partisans du protestantisme et redéfinit strictement la doctrine, la liturgie et les
pratiques de l’Église catholique.
23 avril. Début de la construction du monastère et du site royal de San Lorenzo de El Escorial (l’Escurial). Situé à
une centaine de kilomètres de Madrid et financé par l’or et l’argent des Amériques espagnoles, ce vaste complexe
de bâtiments est destiné à être tout à la fois un palais royal et une bibliothèque, un séminaire, une église et un
monastère, et un lieu de repos pour les membres âgés de la famille royale, à commencer par Charles Ier.
28 septembre. Le commandeur Giorgi Abramo mentionne Greco sous le titre de « maître » dans une ordonnance
demandant à Manea Ballestra, à son fils Constantin et à sa belle-fille de ne pas «harceler le maestro Domenego»,
son frère Manoussos et leur famille. Cette référence à Greco en tant que maître peintre indique qu’il a terminé
sa formation et décidé d’ouvrir un atelier plutôt que de travailler comme ouvrier ou de rejoindre une guilde. Ce
document laisse penser aussi que Greco était marié et vivait chez Manoussos en 1563. Dans la mesure où il n’est
plus fait mention de la femme de Greco par la suite, il se peut qu’elle soit morte avant 1567, ou qu’elle soit restée
en Crète quand lui-même est parti pour Venise.
1566
6 juin. Témoin de la vente d’une maison, Greco signe « Maistro Ménegos Theotokópoulos sgourafos », c’est-à-
dire « Maître Menegos [diminutif de Doménikos] Theotokópoulos, maître-peintre ».
5 novembre. Greco est impliqué dans un litige contre le noble vénitien Luca Miani, gendre de Demitrio Coressi di
Bartolomeo, commerçant et l’un des hommes les plus riches des colonies vénitiennes. La raison et l’issue du litige
nous sont inconnues, mais il est probable que Miani avait commandé un tableau au peintre, qui n’a pas respecté
les clauses du contrat. On peut penser en tout cas que Greco avait déjà établi des relations avec les élites sociales
de l’île, y compris avec la noblesse vénitienne.
26 décembre. Avec l’autorisation du gouvernement vénitien de Crète, Greco accepte de vendre à la loterie une
icône de la Passion pour 70 ducats. L’artiste Georgio Klontzas et le peintre et prêtre orthodoxe Ioannis de Frogresso
avaient évalué l’œuvre respectivement à 70 et 80 ducats, sommes relativement importantes qui témoignent des
talents du peintre.
Venise (1567-1570)
1567
Greco s’installe à Venise au début de 1567. La capitale de la Sérénissime est une grande puissance maritime qui
contrôle les territoires et les routes commerciales de la Méditerranée et attire les ambitieux. C’est notamment une
destination évidente pour les artistes crétois désireux de produire des icônes pour la clientèle vénitienne ou de
travailler à la construction de la confrérie de San Giorgio dei Greci, associée à la communauté grecque de la ville.
La seule documentation connue concernant la présence de Greco à Venise est une lettre datée du 18 août
1568 par laquelle le duc de Crète, Fanurios Sclentzas, demande à Manolis Dacypris de réunir pour sa collection
des dessins du cartographe crétois Georgios Sideros, qui les a achetés à Venise auprès du maître « Menego
Theotocopulo ».
1570
Après un voyage d’étude en Italie, durant lequel il continue de s’imprégner des styles occidentaux pour trouver des
commandes, Greco arrive à Rome.
16 novembre. Peintre de miniatures et ami proche de Greco, Giulio Clovio intercède auprès de son mécène, le
cardinal Alexandre Farnèse, pour obtenir au palais Farnèse un hébergement temporaire pour le « jeune Candiot,
disciple de Titien », qu’il qualifie de « peintre exceptionnel ».
1571
Le pape Pie V, Philippe II d’Espagne et Alvise Ier Mocenigo, doge de Venise, forment la Sainte Ligue, alliance des
forces chrétiennes contre les raids des Turcs ottomans en Méditerranée à la suite des récentes attaques contre
Malte (1565) et Chypre (1570). Conformément à l’accord conclu le 20 mai, l’Espagne fournira la moitié des fonds,
des hommes et des navires, Venise un tiers et la papauté un sixième.
1572
6 juillet. Dans une lettre, Greco demande à être disculpé pour une infraction (dont on ignore la nature) qui l’a
contraint à quitter le palais Farnèse.
18 septembre. Il rejoint la Compagnia di San Luca (plus tard l’Accademia di San Luca) sous le nom de « Dominico
Greco ». En tant que membre, il est autorisé à travailler comme peintre à Rome. À la fin de l’année, il ouvre un
atelier et engage comme assistant Lattanzio Bonastri de Licignano.
Vers 1574
Le peintre italien Francesco Preboste rejoint l’atelier de Greco ; il y restera jusqu’à la fin de sa vie.
1575
Achève un portrait de Vincenzo Anastagi pour commémorer la nomination de ce dernier au poste de sergente
maggiore du château Saint-Ange, à Rome.
Vers 1576
Greco quitte Rome en compagnie de Preboste. Bien qu’il ait exécuté plusieurs œuvres durant son séjour au palais
Farnèse, il semble qu’il n’ait pas trouvé de client régulier ni obtenu de commandes publiques.
Tolède (1577-1614)
1577
Dès juin et août, Greco se déplace entre Madrid et Tolède en quête de mécènes. Ses brefs séjours à Madrid
semblent avoir été improductifs. Il est possible qu’il ait peint à cette époque l’Allégorie du Saint Nom de Jésus
(aussi appelée Le Songe de Philippe II et Allégorie de la Sainte Ligue, 1577-1579, monastère de San Lorenzo del
Escorial), qui célèbre la victoire de Philippe II à la bataille de Lépante (1571). Cette œuvre a peut-être été conçue
comme un appel du pied lancé au roi, mais elle ne débouchera sur aucune commande royale.
2 juillet. À la demande de Diego de Castilla, Greco peint Le Partage de la tunique du Christ pour la cathédrale de
Tolède.
8 août. Signe un contrat avec Castilla pour six toiles et quelques sculptures pour le maître-autel, ainsi que deux
autres toiles pour les autels latéraux de l’église du couvent cistercien de Santo Domingo de Silos, connu sous le
nom d’el Antiguo, à Tolède. Selon les clauses de l’accord, Greco doit résider à Tolède pendant la durée du projet
et avoir achevé son travail pour la fin mars 1579. Le sculpteur et architecte tolédan Juan Bautista de Monegro est
chargé d’exécuter le travail d’architecture des retables d’après les plans de Greco.
1578
Naissance de Jorge Manuel, fils de Greco et de Jerónima de las Cuevas. Le couple ne se mariera jamais.
1579
15 juin. Greco et García de Loaysa y Girón, chanoine et responsable des travaux de la cathédrale de Tolède,
conviennent que Le Partage de la tunique du Christ est achevé ; ils choisissent des experts pour procéder à
l’évaluation (tasación).
5-11 juillet. L’équipe d’experts de la cathédrale évalue l’œuvre à 227 ducats, une valeur peu élevée qu’elle
explique par certaines irrégularité. Pour leur part, les experts de Greco évaluent le travail à 900 ducats en raison
du caractère grandiose de l’œuvre et de l’habileté du peintre.
15 juillet. L’arbitre Alejo de Montaya évalue Le Partage de la tunique du Christ à 318 ducats, mais refuse de se
prononcer sur les reproches de la cathédrale concernant l’imagerie.
22 septembre. Les huit tableaux de Greco sont installés à temps pour l’inauguration de l’église Santo Domingo
el Antiguo.
1580
Avril. Philippe II ordonne au prieur de l’Escurial de donner à Greco des fournitures, « surtout de l’outremer »,
l’artiste ayant indiqué dans une lettre qu’il n’avait pas les moyens de se payer le matériel.
L’incapacité de Greco à trouver un garant pour couvrir ses frais laisse penser qu’il n’est pas en mesure d’assumer
de dépenses importantes et qu’il n’a pas encore trouvé la clientèle qui, plus tard dans sa carrière, lui offrira ce
type de soutien.
1582
5 mars. Greco accepte le paiement final pour Le Partage de la tunique du Christ et met fin au différend sans avoir
modifié aucun élément du tableau. Vient s’ajouter un montant supplémentaire de 118 ducats pour le cadre, qu’il
achèvera en 1587, sans autre contentieux concernant le paiement. La bataille judiciaire de quatre ans autour de
cette œuvre a probablement empêché Greco d’obtenir d’autres commandes de la part du clergé de la cathédrale
de Tolède.
Mai. Fait office d’interprète pour l’Inquisition lors du procès de Michel Rizo Calcandil, un jeune Athénien accusé
d’hérésie. Calcandil est innocenté.
16 novembre. Achève Le Martyre de saint Maurice, qui est remis à l’Escurial.
1583
Avril. Début du processus d’évaluation du Martyre de saint Maurice. Les experts ne parvenant pas à un accord,
l’artiste Rómulo Cincinnato est consulté et fixe le prix à 800 ducats. Philippe II note la grande qualité de l’œuvre,
mais celle-ci ne sera jamais installée à l’endroit prévu à l’Escorial. En revanche, le roi commande à Cincinnato une
autre version sur le même sujet, qui sera terminée l’année suivante.
1585
10 septembre. Signe un bail pour louer trois appartements dans le palais du marquis de Villena, pour y loger sa
famille et y aménager un atelier.
1586
18 mars. Andres Núñez de Madrid, curé de l’église Santo Tomé, commande L’Enterrement du comte d’Orgaz, qui
doit être achevé pour Noël de la même année. Le contrat stipule que si les évaluateurs ne parviennent pas à se
mettre d’accord sur un prix, Pedro de Salazar de Mendoza officiera en qualité d’arbitre.
1587
26 avril. Les reliques de sainte Léocadie, une importante sainte de Tolède, sont exposées dans les rues et
installées dans la cathédrale. Pour l’occasion, le parcours de la procession est bordé d’arcs décoratifs temporaires
commandés par le conseil municipal de Tolède (Ayuntamiento). Greco exécute deux arcs complexes, aujourd’hui
perdus.
1588
Printemps. Achève L’Enterrement du comte d’Orgaz. L’évaluation initiale fixe le prix à 1 200 ducats, mais la
paroisse juge le prix exorbitant et demande une nouvelle expertise. La seconde évaluation estimant le travail à
1 600 ducats, la paroisse fait appel au conseil (Consejo) de l’archevêché de Tolède.
30 mai. Le conseil de l’archevêché décide que la première évaluation de 1 200 ducats doit être acceptée. Greco
fait appel au nonce apostolique, mais abandonne sa plainte pour éviter un long et coûteux litige. En juin, l’église
Santo Tomé accepte de payer L’Enterrement du comte d’Orgaz en réglant une partie des dettes contractées par
Greco chez un drapier et un apothicaire.
Le différend concernant le paiement de cette commande ne semble pas mettre fin aux relations entre Greco
et Núñez de Madrid. Dans son testament, ce dernier (1601) mentionne deux œuvres de l’artiste et exprime
l’admiration qu’il lui porte. En tant que membre d’une grande famille de marchands proche d’autres familles
tolédanes, Núñez de Madrid constitue sans doute un lien entre le peintre et la grande famille De la Fuente, pour
laquelle Greco peint des portraits et des œuvres dévotionnelles et qui, en retour, passe des commandes au
peintre et lui accorde une aide financière et juridique.
1er juillet. Greco et Preboste autorisent deux agents à collecter l’argent pour leurs peintures de saint Pierre et de
saint François envoyées à Don Diego de Velasco, à Séville. En 1597, ils engagent de nouveau un agent pour
percevoir l’argent de toutes les toiles et des autres objets envoyés au dessinateur Pedro de Mesa pour qu’il les
1589
27 décembre. Greco signe un nouveau bail dans le palais du marquis de Villena et accepte de payer 50 ducats
pour la prochaine année de loyer. Dans le document, il est qualifié de vecino, ou résident de Tolède, ce qui laisse
penser qu’il prévoyait de rester dans la ville.
Vers 1590
Le frère de Greco, Manoussos, arrive à Tolède.
1591
14 février. Greco est chargé de l’exécution d’un autel latéral pour l’église San Andrés à Talavera la Vieja (Cáceres),
avec plusieurs peintures et une sculpture de Notre-Dame du Rosaire. Le travail est achevé et installé en 1592.
26 novembre. En tant qu’agent de Greco, Preboste discute d’une éventuelle commande de retable pour le Real
Monasterio de Nuestra Señora de Guadalupe, dans l’Estrémadure.
1595
Été [juin-juillet]. Est chargé par Pedro de Salazar de Mendoza, désormais administrateur de l’Hospital San Juan
Bautista (Hospital Tavera), d’exécuter un tabernacle décoré de statues du Christ ressuscité et des quatre grands
Pères de l’Église.
1596
Décembre. Commande d’un retable pour le maître-autel du Colegio de la Encarnación, connu sous le nom de
Colegio de Doña María de Aragón, à Madrid.
1597
16 avril. La commande pour le Real Monasterio de Nuestra Señora de Guadalupe est confirmée. Le contrat
stipule que l’œuvre sera achevée en huit ans et que l’artiste recevra 16 000 ducats. Pour des raisons inconnues,
le retable a été achevé par le fils de Greco, Jorge Manuel, et par le sculpteur flamand Giraldo de Merlo.
9 novembre. Martín Ramírez de Zayas, professeur de théologie à l’université de Tolède et membre de la famille
Fuente, commande trois retables pour la chapelle San José. Le maître-autel doit inclure des toiles de saint Joseph
et l’Enfant Jésus et du Couronnement de la Vierge dans des cadres conçus et dorés par les artistes. La commande
porte également sur la création d’autels latéraux présentant des scènes de saint Martin et du mendiant et d’une
Vierge à l’Enfant avec sainte Martine et sainte Agnès. Le travail doit être terminé pour août 1598.
Hiver. N’ayant pas reçu l’avance de 1 000 ducats du Colegio de Doña María de Aragón, Greco dépose une
injonction à payer ; il perçoit la somme à la fin de l’année.
1598
Des experts sont désignés pour évaluer le tabernacle de l’Hospital Tavera, bien qu’il manque les quatre sculptures
des Pères de l’Église. Les représentants de l’artiste et de Mendoza évaluant l’œuvre respectivement à 1 973,8
et à 813,6 ducats, un arbitre est consulté : il s’agit de Francisco Merino, qui, en août, l’évalue à 2 272,7 ducats,
expliquant qu’il aurait proposé plus en raison de la qualité du travail mais qu’il a baissé le prix après avoir examiné
des œuvres comparables par d’autres artistes. En décembre, Greco confirme qu’il a reçu 1 454,5 ducats et
renonce au reste du paiement en raison de sa « dévotion pour l’hôpital », et pour son ami Salazar de Mendoza.
13 septembre. Philippe II meurt et est enterré à l’Escurial en septembre. Le travail sur l’Escurial se poursuit sous
la houlette de son successeur, Philippe III ; les générations ultérieures y apporteront encore des ajouts et des
rénovations.
1599
22 juin. Abandonne une injonction de paiement complémentaire contre la succession de Doña María de Aragon,
peut-être pour apaiser les tensions quand il se rend compte qu’il ne terminera pas le travail à temps.
13 décembre. Une tasación évalue les retables de la chapelle San José à 2 848 ducats d’or. Ramírez de Zayas
accepte de payer le montant après une seconde évaluation, mais refuse un ostensoir que Greco a exécuté pour
l’autel. Sur ce montant, 636 ducats sont versés directement aux créanciers de Greco, dont 500 ducats, pour un
motif inconnu, au peintre Juan Sánchez Cotán.
1600
12 juillet. Les tableaux achevés pour le Colegio de Doña María de Aragón sont emportés à Madrid.
23 août. Le retable du Colegio est évalué par deux peintres, Juan Pantoja de la Cruz pour le collège et Bartolomé
Carducho pour le peintre. Ils estiment le travail à près de 6 000 ducats. Greco reçoit le paiement final à l’automne
1601.
Décembre. Règle une dette de 230 ducats envers Juan Suárez de Toledo, seigneur de Gálvez y Jumela, pour la
location de chambres depuis l’année précédente.
1604
Naissance de Gabriel Theotokópoulos, fils de Jorge Manuel et Alfonsa de los Morales. Son parrain est Gregorio
de Angulo, ami et mécène de Greco et de Jorge Manuel.
Le frère de Greco, Manoussos Theotokópoulos, meurt à Tolède.
Août. Loue vingt-quatre pièces dans le palais du marquis de Villena pour y habiter et y installer ses ateliers, au
prix de 175 ducats par an. Greco et Jorge Manuel y resteront jusqu’à la mort de Greco, ajoutant d’autres pièces
au fur et à mesure que s’agrandissent l’atelier du peintre et la famille de Jorge Manuel ; à partir de 1608, ils paient
l’énorme somme de 700 ducats. En 1611, Greco et Jorge Manuel ont plus de 400 ducats d’impayé de loyer ; ils
doivent négocier avec les agents du marquis pour différer le paiement.
1605
4 août. Le retable de l’Hospital de la Caridad est évalué à 2 430 ducats seulement. Cette faible estimation
s’explique principalement par la présence (dans le panneau central de Notre-Dame de la Charité) de figures de
l’époque (dont celle du fils de Greco, Jorge Manuel) portant des fraises extravagantes distrait le spectateur du
contexte religieux de la peinture.
20 septembre. Après une série d’appels interjetés par les administrateurs de Greco et ceux de l’Hospital de la
Caridad, le conseil de l’archevêché choisit deux nouveaux arbitres pour réévaluer le retable. Cette deuxième
estimation en fixe le prix à 4 437 ducats.
19 novembre. L’Hospital de la Caridad dépose une série de réclamations contre Greco, notamment pour
non-respect des délais et pour les « imperfections et omissions » mentionnées plus haut.
14 décembre. Greco adresse une requête au conseil de l’archevêché concernant l’évaluation du retable de
l’Hospital de la Caridad. Le conseil décide de s’en tenir à la deuxième évaluation, mais l’hôpital porte l’affaire
devant la chancellerie royale de Valladolid. Le conseil de l’archevêque annule la deuxième estimation et décide
de procéder à une troisième évaluation.
1606
26 janvier. La troisième évaluation du retable d’Illescas, par le peintre Hernando de Nuncibay et le sculpteur
Juan de Ruiz de Elvira, fixe un montant de 4 835 ducats.
Mars. L’hôpital rejetant la troisième évaluation, le conseil de l’archevêché décide de faire la moyenne des trois
évaluations, soit 3 818,2 ducats. Il élit également un représentant chargé de confisquer des biens de l’hôpital afin
de payer Greco.
Été. L’hôpital fait appel à la fois à la chancellerie royale et au nonce papal de Madrid, qui annulent la décision
du conseil. La chancellerie royale tient une audience en juin, pour laquelle Greco choisit d’être représenté par
Francisco Preboste.
25 août. L’oncle de Gregorio de Angulo, Juan Bautista de Úbeda, charge Greco et Jorge Manuel d’ajouter des
décorations sculpturales et des peintures dans la chapelle familiale, dans l’église San Ginés à Tolède.
Octobre. La chancellerie royale autorise l’hôpital à choisir des représentants pour procéder à une quatrième
évaluation, mais déclare qu’il sera tenu de payer la somme ainsi fixée.
1607
17 mars. La quatrième évaluation, effectuée par Martín Gomez, peintre de Cuenca, fixe la valeur du retable
d’Illescas à 2 093 ducats.
29 avril. Greco, âgé d’environ soixante-six ans, donne délégation à Preboste de convenir en son nom de toute
« commande de retable, peinture ou travail d’architecture en tout genre, et de facturer et recevoir ce qui lui est dû
en argent, biens et peintures et de suivre les procès passés ou en cours ». Ce document démontre la confiance
qu’a Greco en son élève et assistant de longue date, qui prend ainsi le premier rang après l’artiste. C’est la
dernière fois que Preboste est mentionné dans un document, ce qui laisse penser qu’il est mort entre le 29 avril
et le 29 mai, date à laquelle Greco produit un document semblable donnant à Jorge Manuel le pouvoir de le
représenter dans des procès, et la capacité de « prendre à sa charge et à la mienne, ou seulement à la mienne,
tout ce qu’il veut, retables, peintures [et] commandes d’architecture, et de négocier leur prix […] et de recevoir et
facturer tout montant qui m’est dû jusqu’à aujourd’hui […] aussi bien par des administrateurs, des membres de la
confrérie de l’hôpital et de la confrérie Nuestra Señora de la Caridad, à Illescas, que par toute autre personne ».
27 mai. Greco et l’Hospital de la Caridad conviennent d’un arrangement à l’amiable. Jorge Manuel et Angulo
signent un accord qui assure au peintre la somme de 2 666,6 ducats. Les fraises des figures de Notre-Dame de
la Charité ne sont pas modifiées.
28 novembre. Après la mort de l’artiste Alessandro Semini, Angulo et le juriste Juan Langayo sont nommés par
1608
16 novembre. Pedro Salazar de Mendoza confie à nouveau à El Greco la réalisation des éléments architecturaux
et sculpturaux de l’Hospital Tavera. Le nouveau projet comprend l’exécution de retables pour l’autel principal et
les autels latéraux de la chapelle, l’ajout de douze nouvelles sculptures et le traitement polychrome de la statue
du Christ ressuscité, déjà achevée par Greco. Le contact stipule que Greco est responsable de la fabrication, de
l’assemblage, de la sculpture et de la dorure des œuvres, ainsi que de toutes les réparations nécessaires pendant
les dix ans qui suivront leur installation. Le projet est prévu pour durer cinq ans. Gregorio de Angulo est l’un des
garants de Greco.
1610
Les difficultés rencontrées dans la réception des paiements obligent Greco et Jorge Manuel à poursuivre en
justice les garants de l’Hospital Tavera et à ralentir leur travail sur la commande au profit d’autres projets.
1611
Luis de Castilla obtient des religieuses cisterciennes de Santo Domingo el Antiguo le don d’un caveau funéraire
pour Greco.
L’écrivain et peintre Francisco Pacheco (1564-1644) visite l’atelier de Greco, qu’il décrit plus tard dans son livre
Arte de la pintura: su antiguedad y grandezas (1649) : « Dominico Greco m’a montré […] un buffet plein de
maquettes en terre cuite faites à la main, qu’il utilisait dans ses œuvres et, ce qui dépassait toute admiration, les
originaux de tout ce qu’il avait peint dans sa vie, à l’huile, sur de petites toiles que, à sa demande, son fils m’a
montré. »
1612
26 août. L’abbesse et la prieure de l’église Santo Domingo el Antiguo offrent à Greco et à Manuel Jorge un
caveau funéraire familial plus grand que le précédent, à condition que Jorge Manuel le décore à ses frais et
fasse un monument pour le monastère. Jorge Manuel achève le monument en février 1618, mais l’intendante
du monastère considère qu’il ne respecte pas les termes du contrat. Le monument est aujourd’hui perdu. Greco
commence à travailler sur l’Adoration des bergers, la dernière de ses œuvres exécutées sans l’aide de son atelier
ni de Jorge Manuel.
1613
17 avril. Greco annonce avoir achevé le travail pour la chapelle Oballe et demande une évaluation.
1614
Installation de l’Adoration des bergers dans le caveau familial.
31 mars. Cloué au lit, Greco donne à Jorge Manuel et à sa mère, Doña Jerónima de las Cuevas, le pouvoir de
rédiger son testament, de payer ses dettes et d’organiser son enterrement. Greco nomme comme exécuteurs
testamentaires Luis de Castilla et Fray Domingo Banegas.
7 avril. Greco meurt à Tolède à l’âge de soixante-treize ans et est enterré dans le caveau familial à Santo Domingo
el Antiguo. Jorge Manuel hérite des commandes non achevées pour la chapelle Oballe et l’Hospital Tavera.
12 avril et 7 juillet. Jorge Manuel fait l’inventaire des biens de son père.
1615
13 mars. Jorge Manuel déclare que la commande de la chapelle Oballe est achevée.
31 décembre. Première évaluation des peintures de la chapelle. Les experts de l’Ayuntamiento évaluent le travail
à 775 escudos. Le 2 janvier, ceux de Jorge Manuel l’évaluent à 1 300 escudos. On ignore s’il y eut une troisième
évaluation ou si Jorge Manuel est parvenu à un accord avec l’Ayuntamiento.
1616
20 janvier. Jorge Manuel rédige le dernier testament de Greco.
Fou, excentrique, astigmate, mystique, hérétique… Ni les adjectifs, ni les théories - farfelues souvent -
n’ont manqué pour expliquer l’originalité de l’art de Greco. Car original il l’est bien, original et singulier,
à telle enseigne qu’un tableau de Greco, même de loin, se reconnait au premier coup d’œil. Ce fut à
l’évidence l’une des raisons de son succès et de sa célébrité jusqu’à aujourd’hui.
Mais si Greco n’était pas fou, s’il ne voyait pas plus mal qu’un autre, ne croyait pas plus fort, pas moins
fort non plus, bref, si Greco doit avant tout être considéré pour ce qu’il est, un peintre de son temps,
la Renaissance, dans ce cas, et sur ce terrain seulement, en quoi se différencie-t-il des autres ? Où
résideson originalité ? Quelle en est la nature ? Et comment s’explique-t-elle ?
C’est, nous le croyons, plus que tout autre chose sa trajectoire qui est originale, les surimpressions de
langues, de cultures, d’idées et d’aspirations qu’elle impliqua et les conséquences de ces dernières sur
son art et la conception qu’il en développa. Si beaucoup a été écrit sur la formation crétoise de l’artiste,
sur le contexte humaniste de ses années italiennes et sur les milieux lettrés qu’il fréquentait à Tolède,
peu d’historiens de l’art se sont en revanche intéressés à la nature de son processus créatif, intellectuel
comme technique, dont l’originalité nous semble néanmoins découler directement de la singularité de cet
itinéraire et se polariser autour la tension persistante dans son art entre invention et variation sur fond
d’une profonde crise de l’image.
Or ces deux termes associés entretiennent une relation pour le moins paradoxale avec la notion
d’originalité. L’invention semble nécessairement l’impliquer, quand la variation, en ce qu’elle sous-entend
la répétition ou la dérivation, parait clairement l’exclure ou du moins l’affaiblir.
Pourtant chez Greco, c’est précisément la corrélation de ces deux pratiques au cœur de son art qui fut
en grande partie à l’origine de la vitalité si prolifique et originale de son œuvre comme de sa conception
de la peintre et du rôle de l’artiste.
Domenikos Theotokópoulos est né en Crète, probablement en 1541, dans la ville de Candie, aujourd’hui
nommée Héraklion . Formé dans la tradition post-byzantine, il est peintre d’icônes, un art qui suppose
une fidélité formelle à des prototypes anciens et établis. La valeur de l’« iconographe » se mesurait dès
lors à sa capacité à respecter scrupuleusement les modèles qu’il reproduisait, dans l’image comme
dans le style, sans jamais chercher à marquer visuellement son identité artistique. Il n’y a là rien de plus
contraire aux ambitions des peintres de la Renaissance italienne, hantés par les questions d’individualité,
de manière et d’invention. A cette même époque cependant, la situation de la Crète, possession de la
République de Venise depuis 1204, permettait de nuancer quelque peu cette apparente étanchéité.
Non seulement, une communauté « latine » coexistait dans ce monde grec, mais nombre d’œuvres
vénitiennes s’y trouvaient, entrainant un marché local pour l’art occidental et favorisant l’émergence
d’œuvres hybrides, parfois rapidement appelées vénéto-crétoises, nourries tout à la fois d’une technique
byzantine et d’emprunts à des gravures européennes, vénitiennes et d’au-delà. Deux conceptions de
l’image cohabitaient.
[...]
Peintre de la Renaissance et cependant artiste grec, il forma ses propres prototypes, édicta ses propres
canons, imposa ses propres formules et les répéta, pratiquant l’autoréférence, l’autocitation, générant en
quelque sorte un auto-maniérisme dans un style si personnel qu’il aurait vite valeur de signature et d’une
certaine manière d’image.
Comble de l’originalité - et de la prétention - il alla jusqu’à détruire et réinventer le Laocoon, refusant de
se soumettre à la sculpture du Vatican, comme il avait avec insolence proposer de repeindre le Jugement
Greco en Italie
par Keith Christiansen
[...]
Nous ne savons pratiquement rien des deux ans et demi à trois ans que Greco a passés à Venise. À son
arrivée à Rome, son confrère, le miniaturiste d’origine croate Giulio Clovio (1498-1578), le qualifie de
« disciple de Titien », mais rien ne prouve qu’il ait travaillé dans l’atelier très animé du peintre vénitien.
Trois artistes ont cependant joué un rôle particulièrement important dans la métamorphose de Greco,
même si, curieusement, leur influence n’apparaît pleinement que dans les premières oeuvres qu’il peint en
Espagne, et notamment dans la grande Assomption de la Vierge de Chicago. Le premier est Titien, avec
sa touche libre – faite de couches multiples et néanmoins diaphanes (au point que certains considèrent
son travail comme non finito). Il avait récemment ouvert de nouvelles voies au rendu des expressions avec
son nocturne Martyre de saint Laurent, exécuté pour l’église Santa Maria dei Crociferi (aujourd’hui aux
Gesuiti), et avec sa sublime Annonciation dans l’église San Salvador. Dans cette dernière, le contraste
entre les figures presque palpables de Gabriel et de la Vierge et l’apparition divine d’un ange qui se dissout
dans un éclat de lumière eut sur Greco une impression indélébile.
Le deuxième peintre est Tintoret. Dans ses toiles pour la Chiesa et la Scuola di San Rocco et la Scuola
di San Marco, il avait créé de véritables dramaturgies, avec des personnages aux poses audacieuses et
un infaillible sens visionnaire. Il n’est pas surprenant que, dans ses commentaires manuscrits aux Vite de
Giorgio Vasari – ouvrage que Federico Zuccaro lui offrit en 1586 –, Greco considère que les peintures de
Tintoret sur la vie de saint Roch figurent parmi les plus belles au monde. C’est d’après son exemple que
Greco retient la pratique de fabriquer des figurines en cire et en argile à partir desquelles il peut étudier
des poses et des raccourcis complexes (comme dans l’Assomption). Le troisième et dernier artiste est
Jacopo Bassano dont le retable pour l’église de l’Umiltà, où les apôtres Pierre et Paul apparaissent sur
fond d’une falaise rocheuse et d’un ciel balayé par les nuages, a été pour Greco le catalyseur de ses plus
grandes peintures dévotionnelles – des oeuvres dans lesquelles le rendu naturel des détails cohabite
avec un artifice extrême – et de sa préférence pour la palette légèrement mordante qui, là encore, est une
caractéristique frappante de l’Assomption de la Vierge de Chicago. [...]
À l’instar d’autres peintres crétois qui ont résidé temporairement à Venise, Greco semble avoir d’abord
gagné sa vie en peignant de petites oeuvres dévotionnelles très génériques, dans un style populaire qui
s’adressait peut-être surtout à une clientèle grecque locale. Par leur ambition et leur qualité, elles semblent
si différentes du reste de la production de l’artiste que leur autographie a été longtemps contestée.
Pourtant, la plus belle d’entre elles – un triptyque portable signé en grec « de la main de Doménikos » – fait
le lien avec les oeuvres plus ambitieuses de Greco tout en témoignant des réalités économiques de son
entrée dans le monde cosmopolite de Venise. À Rome aussi, c’est le marché des tableaux de dévotion
qui lui permet de subvenir à ses besoins alors qu’il tente, sans succès, de pénétrer le réseau concurrentiel
des mécènes qui règnent sur les commandes publiques. [...]
Greco comprend très vite que, dans une ville dominée par le triumvirat de Titien, Tintoret et Véronèse,
auxquels s’ajoute une foule d’autres peintres de talent, il n’y a pas de place pour un novice comme lui.
En 1570, il prend donc la décision courageuse de s’installer à Rome, capitale artistique de l’Europe. [...]
À son arrivée dans la ville pontificale, Greco trouve un logement temporaire au palais Farnèse grâce à
l’entremise de Giulio Clovio, autre artiste au service du cardinal. Peut-être est-ce par l’intermédiaire de
quelque membre de la famille vénitienne des Grimani que Greco a rencontré Giulio, originaire comme
lui d’un avant-poste de l’État vénitien, quoique déjà établi et particulièrement bien placé pour l’aider
à partir du bon pied. Le fait que Greco n’obtienne pas la reconnaissance qu’il désire au cours des six
années suivantes (et malgré son adhésion à la guilde de Saint-Luc en 1572) contraste toutefois avec le
succès d’un autre étranger qui, comme lui, avait été présenté au cardinal Alexandre Farnèse par Clovio:
le peintre du Nord Bartolomeus Spranger (1546-1611). Actif à Rome en même temps que Greco mais
bénéficiant des bonnes grâces du cardinal, Spranger terminera sa carrière comme peintre de cour de
l’empereur Rodolphe II à Prague. L’échec de Greco à Rome doit être attribué, en partie du moins, à son
caractère querelleur et arrogant qui le met constamment en porte-à-faux avec les personnes à même de
promouvoir sa carrière. Ce problème de comportement, qui remontait à la Crète, lui vaudra encore des
déconvenues à Tolède. [...]
Le projet privé le plus important du cardinal Farnèse pendant les années romaines de Greco est la
décoration de sa villa de Caprarola. Nous savons que Greco visita les lieux, mais il n’avait aucune
expérience de ce genre de commandes décoratives. Pour les mêmes raisons, sa participation à la
décoration intérieure de l’oratoire de la confrérie du Gonfalon – peut être le plus grand projet religieux
du début des années 1570 – était hors de question. Greco a dû voir progresser ce chantier avec un
sentiment croissant d’exclusion.
C’est ce sentiment d’injustice qu’il exprime, des années plus tard, dans ses annotations, souvent
venimeuses, aposées sur l’exemplaire des Vite que lui avait donné Zuccaro. Voir ce dernier à Tolède au
service du roi ne put que lui rappeler des souvenirs amers de ses ambitions de jeunesse avortées, et le
chemin parcouru depuis qu’il avait quitté le centre du monde artistique. [...]
Leçons picturales
Il est pourtant facile de voir quelles leçons Greco tira d’une oeuvre comme la fresque de la Flagellation
du Christ de Zuccaro dans l’Oratorio del Gonfalone, pas tant pour son style quelque peu emphatique et
classicisant – la maîtrise de figures anatomiquement correctes dans des poses sculpturales – que pour
la façon dont l’artiste utilisait des moyens rhétoriques pour s’adresser au public. C’est le cas de ce soldat
qui, appuyé sur le cadre du tableau, fixe le spectateur, tandis qu’une autre figure gesticule en direction du
Christ. À Tolède, Greco a recours à un procédé similaire dans les deux retables latéraux qu’il peint pour
l’église Santo Domingo el Antiguo. Dans l’Adoration des bergers, c’est un saint Jérôme à mi-corps qui se
retourne vers le spectateur ; dans la Résurrection, c’est saint Ildefonse qui, par son regard et son geste,
attire l’attention sur la scène qui se déroule derrière lui. [...]
Ce que Greco a appris en Italie se retrouve finalement dans ses deux premières commandes à Tolède :
l’Assomption de la Vierge de Chicago pour le retable monumental de l’église Santo Domingo el Antiguo,
et l’Expolio (le Partage de la tunique du Christ) pour la sacristie de la cathédrale de Tolède. Les deux
oeuvres combinent une touche libre faite de couleurs vives contrastées et une composition dense
utilisant des poses élégantes, des contrapposti et des points de vue changeants (dans l’Assomption, le
sarcophage, placé sur une diagonale déstabilisante, est vu en plongée tandis que la Vierge qui s’élève,
inclinée en arrière, apparaît en contreplongée). La couleur vénitienne -qui rappelle la palette de Bassano-
est associée au disegno romain.
Dans l’Expolio, le Christ adopte une attitude d’une élégance rhétorique, dont l’artifice manifeste est
destiné à exprimer sa divinité. Cette extrême raffinement contraste avec le raitement réaliste du demi-
cercle des accusateurs, dont les visages expriment la méchanceté. Le groupe de trois femmes à mi-
Dès lors, le peintre centra son activité et sa vie personnelle à Tolède, où son fils Jorge Manuel était né
en 1578. Après la livraison de la toile de l’Escorial, le peintre obtint une série de commandes dans la
ville, où il jouissait de relations qui pouvaient l’aider à accroître ses perspectives de travail. En dehors de
la Cour, le marché artistique reposait sur la production de retables et aussi d’oeuvres religieuses de
taille moyenne pour des chapelles de couvents, d’églises et de maisons particulières. Les différents
chantiers exigeaient une organisation logistique et spatiale qui, au moins à partir de septembre 1585,
avec la location d’un groupe de maisons appartenant au marquis de Villena et situées dans le quartier
du Tránsito, permit à Greco de disposer d’un vaste espace qui lui servait d’habitation, de magasin et
d’atelier.
En juillet 1585, il s’engagea à exécuter pour la cathédrale « l’ornement en bois » de l’Expolio, un cadre
monumental pour lequel il reçut 525 ducats, une somme largement supérieure aux 318 ducats perçus
pour le tableau. La fabrication du cadre se prolongea jusqu’en février 1587 et nécessita certainement
l’intervention d’un certain nombre de collaborateurs – au moins un sculpteur, un doreur et peintre de
statuaire et des menuisiers. Les sources documentaires ne nous fournissent que les noms de ces
derniers : Julián de Montoya et Miguel González. Ce sont peut-être eux qui confectionnèrent à la même
époque les arches conçues par Greco pour la décoration de la ville à l’occasion de l’entrée solennelle
des reliques de sainte Léocadie à la cathédrale.
Pendant qu’il s’attelait à ces tâches, Greco reçut une autre commande importante, l’Enterrement du
comte d’Orgaz (1586-1588). De grande taille (480 × 360 cm) et de composition complexe, la toile lui fut
commandée par le curé de Santo Tomé pour son église, dans la paroisse où étaient situés la nouvelle
résidence et l’atelier du peintre. Tout indique que, jusqu’à cette date, l’atelier de Greco avait été très
actif mais que par la suite les commandes de retables et de grands tableaux d’autel se firent plus
rares. Si l’on tient le compte de celles qui se sont concrétisées jusqu’à la mort du peintre, on constate
que ces oeuvres de premier plan sont peu nombreuses et certainement insuffisantes pour rentabiliser
l’entretien d’un atelier de grande taille, surtout celui d’un maître comme Greco. Le peintre s’est toujours
tenu à l’écart des associations traditionnelles entre ateliers locaux et il ne s’est pas non plus intéressé
à d’autres travaux que les artistes tolédans ne dédaignaient pas, comme les peintures murales, les
monuments de la semaine sainte, les portes d’orgues, la peinture et la dorure de grilles, de tabernacles
et de reliquaires et la restauration de tableaux.
À partir de 1585, Greco multiplia les tableaux destinés à de petites chapelles privées. Il adapta ses
capacités artistiques au marché local, une façon de travailler qui se traduisit par un renouvellement de
l’iconographie religieuse au service des exigences spirituelles de l’époque.
Aujourd’hui encore, la première idée que les Français se font du Siècle d’or espagnol repose souvent
sur deux personnalités : le romancier Cervantes avec son Don Quichotte (1605) et Greco avec ses
portraits ou ses tableaux religieux. Si la première traduction française de Don Quichotte parut dès 1614,
il fallut attendre le milieu du XIXe siècle pour que Greco commence à être connu en France, pays qui
joua ensuite un rôle non négligeable dans les divers aspects que prit alors la fortune du peintre : à la
légende romantique du peintre « fou », qui eut la vie dure – les pathologies oculaires qu’on se plaît
encore à diagnostiquer chez Greco en sont un dernier avatar –, se juxtaposa peu à peu, à partir des
années 1860, l’enthousiasme de quelques collectionneurs, français et étrangers, aux personnalités
souvent anticonformistes, et ce malgré l’indifférence des historiens de l’art. La redécouverte de son
œuvre en Espagne conduisit ensuite les artistes hispaniques installés à Paris à jouer un rôle important
dans son tardif succès français. À l’orée du XXe siècle, Paris, où le marché de l’art était beaucoup plus
actif qu’en Espagne, devint la plaque tournante du commerce de tableaux de Greco, mais aussi une
place privilégiée pour le développement de l’aspect le plus spectaculaire de sa fortune : le rôle que son
œuvre joua dans la révolution moderniste que connaissait alors la peinture, étudié dans cet ouvrage par
Javier Barón .
Dans sa chronique préliminaire à l’ouverture en janvier 1838 de la Galerie espagnole au Louvre, le jeune
critique Théophile Gautier (1811-1872) élargissait avec raison son ignorance personnelle au pays entier:
« Nous avons remarqué une tête d’un peintre dont le nom n’est même pas connu en France. C’est un
artiste d’origine grecque, nommé Theotocopouli dit El Greco. » À la différence de l’œuvre de nombreux
artistes espagnols, celle de Greco, principalement conservée dans les établissements religieux tolédans
ou dans des demeures ancestrales de Castille, avait échappé durant la guerre d’Espagne (1808-1813)
aux acquisitions illicites de l’armée napoléonienne d’occupation pour des raisons plus pragmatiques
qu’esthétiques. [...]
Les critiques – pour la plupart de jeunes écrivains romantiques ne connaissant guère l’Espagne –
tombèrent sous le charme du Portrait de la fille du Greco, aujourd’hui La Dame à la fourrure, dont
l’attribution est actuellement discutée. Ils cachèrent leur désarroi devant l’audace stylistique de ses
peintures religieuses en reprenant et amplifiant la théorie de la folie du peintre, apparue en 1829 sous
la plume de l’historien espagnol d’obédience néoclassique Juan Agustín Ceán Bermúdez (1749-1829).
Elle lui permettait d’accepter les œuvres « classiques » et de rejeter les œuvres « abominables »,
d’obédience plus maniériste. Le jeune chartiste Achille Jubinal (1810-1875) – qui publiait alors, sans
être allé en Espagne, un catalogue de la collection de l’Armurerie royale de Madrid – semble avoir été le
premier à reprendre cette thèse en développant l’idée du « lumineux flambeau de la raison qui s’éteint
par intervalles » ; il trouvait aussi que la manière dont Greco avait peint le Jugement dernier / Adoration
du nom de Jésus ressemblait à celle de Rabelais racontant la descente aux Enfers d’Épistémon dans
Pantagruel… Après cela, Théophile Gautier, fasciné par La Fille de l’artiste, ne sut comment justifier le
topique apparu dans la presse et s’en tira par une pirouette : cette fille est si belle que Greco aurait voulu
être son amant plus que son père, d’où sa folie ! Sa vie durant, Gautier ne remit jamais en question ce
poncif de la folie de Greco, reprenant de Ceán l’idée de sa jalousie envers Titien. Aujourd’hui encore,
elle masque l’admiration évidente qu’il ressentit pour l’artiste lors de son voyage d’Espagne en 1840. En
septembre 1865, Zacharie Astruc (1833-1907) s’en plaignait dans une lettre à Édouard Manet (1832-
1883) qui rentrait d’Espagne : « Mais pourrez vous croire maintenant à cette absurdité propagée encore
par Gautier, que Greco devint fou, désespéré de sa ressemblance avec Titien ? » Le commentaire
d’Ernest Prarond sur son ami Baudelaire (1821-1867) – « Il avait des toquades, était très attiré par un
certain Theotocopuli, entrait [au musée espagnol] pour deux ou trois tableaux et s’en allait » – souligne
cette fascination qu’au-delà de la légende qu’ils colportèrent, Greco exerça sur la génération romantique.
[...]
Ce n’est finalement que vers 1890 que la France connut enfin une explosion d’intérêt pour l’artiste. Elle
fut le fait de collectionneurs parisiens très avertis, les peintres Edgar Degas (1834-1917) – il acquit en
1894 Saint Ildefonse et en 1896 Saint Dominique – et Henri Rouart (1833-1912), l’avocat Paul Cheramy
[...] Cézanne fut l’artiste dont le nom a été le plus fréquemment et le plus intensément associé à la
peinture de Greco de sorte qu’à la création du mythe fondateur de l’art moderne, la figure de Greco
fut associée à celle de son représentant principal. D’où les témoignages éloquents, affirmant que l’on
percevait mieux la profonde originalité de La vue de Tolède de Greco si on la regardait auprès d’une des
versions de la Montagne Sainte-Victoire, chez les Havemeyer qui possédaient les deux tableaux. On sait
que Cézanne n’est jamais allé en Espagne et il n’est pas certain qu’il ait vu des toiles de Greco même
si dans son atelier des reproductions d’œuvres de l’artiste côtoyaient celles de maîtres anciens. Les
propos bien connus tenus par Cézanne à Joachim Gasquet lors d’une conversation au Louvre devant
l’esquisse du Paradis de Tintoret sont révélateurs: « J’ai très peu vu Tintoret, mais, comme le Greco, plus
puissamment, parce qu’il est plus sain, il m’attire. Ce Greco, toujours on m’en parle, et je ne le connais
pas. Je voudrais en voir… ». Gasquet lui-même a aussi signalé qu’il y avait une similitude entre les
figures de Cézanne et les nus étirés de Greco.
La copie (collection particulière) de la Dame à l’Hermine (Glasgow, Polok House) datée de 1885-1886, a
été réalisée d’après une gravure sur bois de J. B. Laurens. Dans son schématisme, la gravure éliminait
la subtile finesse des surfaces de fourrure, augmentait la taille des yeux, donnait plus de dureté au visage
et, en raccourcissant le cou, faisait paraître la tête comme le prolongement du corps, ce qui donnait à
l’ensemble une forme pyramidale. Ces réductions facilitèrent la tâche du peintre qui, à son tour, prit
le parti de la simplification. Ainsi, il a escamoté le poignet de dentelle qui a disparu de la composition
On a fait remarquer que dans ses copies faites à partir de reproductions plutôt que d’originaux, Cézanne
a choisi des portraits ou des scènes privées de la vie des maîtres anciens. La Dame à l’Hermine était
considérée comme le portrait d’une fille de Greco. Il est significatif que la copie de Cézanne ait été
regardée par Antoine Vollard comme « le portrait d’une sœur de Cézanne qui ressemble si étrangement
à Greco », comme si l’artiste français avait ajouté sa propre référence familiale à un portrait ancien
d’une personne aussi intimement liée au peintre que l’était sa fille. L’original qui avait fasciné Gautier,
Baudelaire et Stirling Maxwell et, longtemps après, Montesquiou et Maurice Barrès, intéressa plus tard les
critiques qui continuèrent à le rapprocher de Cézanne. Roger Fry, qui connaissait la copie de Cézanne,
la reproduisit dans sa traduction du texte de Maurice Denis sur l’artiste et suggéra une interprétation
différente : la matrice byzantine de l’art du crétois pouvait confluer avec le désir de simplification propre à
Cézanne et à d’autres artistes postimpressionnistes qui auraient agi par rapport à l’art antérieur comme
l’ont fait les protobyzantins avec l’art romain décadent. La confrontation de la copie de Cézanne à côté
de l’original, rendue possible pour la première fois lors de l’exposition du Musée du Prado en 2014, a
permis de constater la façon radicale dont l’artiste français a simplifié et structuré l’image provenant du
passé bien que celle-ci ait déjà été réduite à un schéma par l’effet de la xylographie.
Les interprétations faites après la mort de Cézanne, non seulement par Maurice Denis mais aussi
par Rainer Maria Rilke, Hugo von Tschudi et surtout, Julius Meier-Graefe, confirmaient cette relation
et voyaient en elle, justement, une sorte d’acte fondateur de la modernité. Pour Meier-Graefe, c’était
précisément la connaissance de Cézanne qui permettait de mieux comprendre Greco mais de plus il
existait une interaction entre les deux à tel point que Cézanne, à l’inverse, rendait possible la connaissance
de Greco.
D’autres articles postérieurs témoignent de la survivance de cette interprétation qui liait l’œuvre de
Cézanne à l’influence de Greco, parmi eux un texte de Roger Fry dans lequel il affirmait que le peintre
français avait adopté de Greco « sa grande découverte de l’imprégnation de toutes les parties du dessin
avec un sujet plastique uniforme et continu ».
Certaines des versions des Baigneurs peintes vers 1890, en particulier celles qui présentent des nus
masculins (Paris, Musée d’Orsay et Saint Louis, Saint Louis Art Museum), pourraient mettre en évidence
la prééminence d’un sens de la construction fondé sur la couleur ainsi que d’une monumentalité
sculpturale qui rappellent les formes sculpturales des nus de Christ dans les Résurrections de Greco,
dont l’un d’entre eux, le Christ ressuscité (Fundación Casa Ducal de Medinaceli) est, de plus, une œuvre
sculptée. En 1937, un article de Jean Babelon qui approfondissait la thèse des origines byzantines de
l’art de Greco, déjà démontrées entre autres par Roger Fry et David Talbot Rice, reproduisait précisément
cette œuvre de Cézanne et la comparait à des œuvres de Greco, parmi lesquelles les nus de la Vision
de Saint Jean, le Laocoon et la Résurrection du Prado, car à son avis, elles partageaient une même
structure et un même rythme.
En Espagne, la prise de conscience des liens existant entre Cézanne et Greco se fit à partir de 1908,
lors du voyage de Meier-Graefe qui fut immédiatement accueilli dans les milieux intellectuels espagnols.
José Ortega y Gasset se fit l’écho de cette visite dans un article où il mentionnait déjà l’idée que Cézanne
constituait « une introduction à Greco ». Il regrettait que n’ait pas été organisée en Espagne « une
exposition rétrospective de la peinture étrangère au cours du siècle précédent » qui eût mis en valeur
ce que ces grands peintres avaient appris des maîtres espagnols. Longtemps après, la Guerre Civile
espagnole terminée, le peintre José María Sert (1874-1945) tenta de faire organiser au Louvre une
exposition de peintures du Prado qui se trouvaient alors à Genève où elles avaient été évacuées, à
condition qu’ensuite, les peintures françaises du XIXe siècle inspirées des maîtres anciens espagnols
seraient exposées à Madrid. José María Sert pensait que le lieu le plus indiqué serait le Palais Royal et
que l’on pourrait y exposer, outre des paires comme Goya-Manet, Velázquez-Degas, « certains Greco
à côté de Cézanne ».
De plus, les deux artistes partageaient une certaine conception de l’espace et une prédilection pour les
tons rougeâtres des fonds. Chez Greco, ce procédé devint plus visible à la maturité, à une époque où lui
et son atelier utilisèrent le minium à profusion . Enfin, Greco allait devenir, dans ses tableaux inachevés,
un précurseur du concept de non finito qui parcourt l’art moderne et dont les principaux jalons seraient,
parmi les peintres du XIXe siècle qui apprécièrent son œuvre, Goya, Delacroix, Manet et Cézanne. En
effet, les ultimes œuvres de ce dernier présentent, à travers une élaboration en plans brefs avec de
légères transitions de ton, le meilleur exemple de rejet définitif de l’exécution achevée prônée par la
peinture académique, pour laisser au spectateur un rôle actif dans l’interprétation complète de l’œuvre.
L’Assomption de la Vierge
1577-1579
huile sur toile
403,2 x 211,8 cm
Etats-Unis, Chicago, The Art Institute of Chicago
Photo © Art Institute of Chicago, Dist. RMN-Grand Palais / image The Art
Institute of Chicago
Le 2 juillet 1577, Greco reçoit la commande de l’Expolio de la cathédrale de Tolède, un mois plus tard, le 8
août, il signe un marché comprenant huit toiles, cinq statues et trois architectures de retables destinées à
l’église du couvent Santo Domingo el Antiguo. Il s’agissait de la première entreprise de grande envergure
confiée à l’artiste, arrivé en Espagne quelques mois plus tôt. Une même personne était à l’origine de ces
deux projets : Diego de Castilla. Doyen du chapitre de Tolède, Don Diego avait dû entendre parler de
Greco par son fils naturel, Luis, avec lequel le peintre s’était lié à Rome. Si, à la cathédrale, il agissait en
qualité de chanoine, à Santo Domingo c’est au titre d’exécuteur testamentaire de Doña Maria de Silva
qu’il eut recours au service du Candiote. On a dit de celle-ci, dame de compagnie de l’impératrice Isabel,
qu’elle avait été la maîtresse de l’homme d’Église, et la mère de Luis. Veuve en 1537, elle prit en tout
cas le voile dans cet ancien couvent dominicain, et à sa mort confia ses dernières volontés à Don Diego.
Pour Greco, cette vaste commande est l’occasion de faire montre de l’étendue de sa maîtrise et de la
multiplicité de ses aptitudes. Il intervient en effet à la fois en tant que peintre, dessinateur – sur ses sept
dessins connus, trois concernent les figures de Saint Jean et Saint Jean Baptiste pour Santo Domingo
–, architecte pour le tracé des retables et, d’une certaine manière, sculpteur, même s’il ne fournit que
les dessins des statues, dont l’exécution est confiée à Juan Bautista Monegro. Surtout, conscient que,
bien plus que l’Expolio, c’est cet ensemble qui servirait à mesurer son talent et serait jugé par la critique,
Greco se livre à une démonstration éloquente de virtuosité tant technique que rhétorique, marquant
l’aboutissement et le triomphe de ses années d’apprentissage de la Renaissance en Italie.
Le projet se compose d’un autel majeur, dédié à la Vierge, dont l’Assomption occupe la travée centrale.
La critique en a souvent rapproché la composition de la toile de Titien exécutée pour les Frari (Venise,
1516-1518). À la différence de son aîné, Greco ne représente pas la Trinité dans le même espace mais lui
consacre un compartiment distinct, au registre supérieur du retable. De même, aux gesticulations agitées
des apôtres, il préfère une articulation plus pondérée des attitudes, mettant les figures en discussion les
unes avec les autres. Enfin, la palette fraîche, claire et lumineuse, ainsi que la plasticité appuyée des
corps rompent avec la douceur du coloris et l’harmonie tonale chères au Vénitien. Ces choix témoignent
de la méditation par Greco des grands exemples romains, à commencer par ceux de Michel-Ange, auquel
1580-1590
huile sur toile
121 x 155,8 x 2,5 cm
collection particulière
© collection particulière
1560 - 1567
tempera et or sur toile marouflée sur panneau
41,6 x 33 cm
Musée Benaki, Athènes
© Benaki Museum, Athens, Greece / Gift of Dimitrios Sicilianos / Bridgeman
Images
On demeure peu renseigné sur l’activité de Greco en Crète. Il y naît sans doute en 1541, y est documenté
la première fois en tant que peintre – « maistro Domenego Theotocopuli » – en 1563, puis deux fois en
1566, d’abord dans le cas d’un arbitrage, puis pour une icône de la Passion du Christ qui est estimée
70 ducats. Cette dernière, que d’aucuns ont tenté – sans convaincre – d’identifier avec le Christ supporté
par trois anges de la collection Velimezis (Athènes), est ainsi la seule œuvre attestée du peintre sur son
île natale. En 1934 cependant, le musée Benaki acquit une Adoration des Mages portant la signature (en
grec) « Cheir Domenikou » (c’est-à-dire : de la main de Doménikos), qui fut également déchiffrée trois ans
plus tard sur un triptyque portatif retrouvé dans les réserves de la Galleria Estense de Modène en Italie et
que l’on observe sur près d’une vingtaine d’autres œuvres autographes de Greco au long de sa carrière.
En 1959, à l’occasion d’un nettoyage, la même signature apparut encore sur cette icône représentant
Saint Luc peignant la Vierge acquise trois ans plus tôt par le musée athénien.
La grande diversité de style et de typologie entre ces différentes œuvres fit longtemps régner le scepticisme
parmi les experts considérant qu’il s’agissait probablement de plusieurs peintres de culture vénéto-crétoise
partageant le même prénom et ce bien que les archives ne mentionnent qu’un seul Domenigo peintre en
Crète au XVIe siècle. La découverte en 1983 d’une icône de la Dormition de la Vierge dans la cathédrale
d’Ermoupolis (île de Syros), dûment signée « Doménikos Theotokópoulos o deixa » (c’est-à-dire : exécuté
par Doménikos Theotokópoulos) mit un terme au débat et donna dès lors un visage à la première activité
byzantine de Greco en Crète.
En dépit du fond or et d’une technique caractéristique du travail de l’iconographe, la Dormition témoigne
de perméabilités à l’art occidentale et notamment italien. Le contrapposto de la Vierge dans les cieux
et la pose contorsionnée de l’ange de gauche, que certains observateurs ont rapproché de la figure
de la Nuit de Michel-Ange dans la sacristie médicéenne de San Lorenzo à Florence, en sont les plus
visibles flagrances. Ce caractère hybride se manifeste plus clairement encore dans l’icône de Saint Luc
où la figure en raccourci de l’ange semble reprise d’une gravure de Giovanni Battista del Moro d’après
Bernardino Campi et celle de l’apôtre inspirée tout à la fois d’un personnage de la Dernière Cène gravée
par Marcantonio Raimondi, de la déesse Athéna peignant François Ier gravée par Giulio Bonasone (in
Achille Bocchi, Symbolicarum quaestionum libri quinque, Bologne, 1555) et enfin de la Fama gravée en
1561 par Nicoletto da Modena.
On aurait trop vite fait de penser que ces emprunts sont purement formels. Le thème lui-même, rare en
Crète et dans la tradition byzantine, porte en lui un discours novateur sur le rôle et la place de l’artiste,
la noblesse de son métier et le caractère « extraordinaire » de ses créations, en parfaite adéquation au
contraire avec les idéaux de la Renaissance. Dans ce contexte, l’usage de la perspective dans la mise
en espace du chevalet, du banc et de la boîte à pigments, est significatif. Elle emphatise le contraste
entre l’icône peinte par Greco et l’icône dans l’icône, strictement fidèle aux canons de la Vierge de
l’Hodigitria. L’œuvre a ainsi non seulement une dimension sociale et intellectuelle, mais aussi un caractère
autoréférentiel et culturel dévoilant les ambitions et les centres d’intérêt d’un peintre qui déjà regarde vers
l’Italie.
vers 1600
huile sur toile
171 x 108 cm
The Metropolitan Museum of Art, New York
© the MET
La rigueur des faits malmène les légendes noires, et celles qui ont tenté de faire de Greco un artiste
hérétique ou en prise violente avec l’Inquisition espagnole résistent mal à la réalité historique. En effet,
si l’artiste avait échoué à convaincre le roi, non pas de son talent mais de son aptitude à créer des
images pieuses, son art plut au clergé érudit et les conflits qui l’opposèrent souvent à l’Église n’étaient
d’autre nature que financière. Ainsi, reconnu pour sa grande maîtrise du genre du portrait, Greco fut
sollicité pour immortaliser les traits de deux figures religieuses majeures de son temps : le cardinal et
Grand Inquisiteur Fernando Niño de Guevara et le Frère Hortensio Félix Paravicino, futur prédicateur
de Philippe IV.
Assis sur un imposant fauteuil tapissé de velours pourpre, le prélat, les mains sur les accotoirs, l’une
serrée l’autre non, regarde légèrement sur sa gauche. Le sol de la pièce dans laquelle il est installé est
revêtu de marbre, alternant sur fond blanc des losanges et des cercles rouges. Au mur, un panneau
de cuir de Cordoue damassé et doré est interrompu par une porte, ou un lambris de bois à caissons,
dans une formule qui rappelle le Portrait de Vicenzo Anastagi. Fort habilement, Greco a placé l’axe
du corps du cardinal à la jonction des deux matériaux conférant au siège le rôle d’organiser et de
distribuer l’espace. La perspective semble inversée, à la manière des icônes byzantines, et l’avancée
de la forme vers le spectateur, ajoutée au cadrage serré de l’image, donne à la scène un aspect
presque claustrophobique. L’équilibre parfait des tonalités rouge moiré, jaune doré, blanc grisé et
brun terreux apaise cependant la représentation, tout comme la main relâchée contrebalance l’autre,
crispée, symboles de la disposition tantôt ferme, tantôt magnanime du modèle. Le regard, souligné
par des bésicles rondes, maintient une intensité, entretient une tension. À l’extrême premier plan, un
papier, au sol, se détache sur le pourpre du marbre et laisse lire la signature du peintre. Ce détail a
longtemps interrogé. Le cardinal a-t-il laissé échapper une lettre. Cette dernière joue en fait le rôle d’un
cartellino ou d’un cartouche comme si le cadre de la scène était le cadre du tableau. L’idée sera reprise
par Velázquez. Placée à terre cependant, littéralement aux pieds du prince de l’Église, la missive porte
un autre discours, plus implicite, un geste même, in abstentia, établissant un rapport de domination,
supposant la révérence de l’artiste qui l’y a déposée et annonçant celle du serviteur qui la ramassera.
Cette image « pantocratique » du cardinal de Guevara – car il semble désormais définitivement
abandonné qu’il puisse s’agit du cardinal Bernardo de Sandoval y Rojas (Brown et Carr, 1982) – a
longtemps fait corps avec la fascination moderne pour l’Inquisition espagnole. Dans ce contexte, les
yeux chaussés de lunettes pouvaient être compris comme le désir d’omniscience, l’attitude scrutatrice
et l’intransigeance de jugement de la terrible institution. Né d’une famille aristocratique de Tolède,
Guevara fut en effet un membre puissant du clergé espagnol. Créé cardinal en 1596 et nommé Grand
Inquisiteur par Philippe III de 1599 à 1601, il fût ensuite archevêque de Séville. C’est probablement
juste avant son départ de Castille que Greco fit son portrait, peut-être sur une commande d’un neveu
sien, Pedro Laso de la Vega.
1600-1605
huile sur toile
116 x 91,8 cm
Museu Naciolal d’Art de Catalunya, Barcelone
© Photo © Fine Art Images/Bridgeman Images
Si la critique s’accorde sur le caractère indiscutablement autographe des Saint Pierre et saint Paul
des musées de Stockholm, Saint-Pétersbourg et Barcelone, la question de leur chronologie demeure
confuse et débattue. Mayer, Camon Aznar, Wethey et Jordan placent la toile catalane avant la version
suédoise, et avant même celle de l’Ermitage, la situant respectivement dans les années 1577-1579,
1585, 1590-1595. Cette situation témoigne autant de leur profonde divergence sur le fond – car le Greco
de 1577 n’est pas le même que celui de 1585 ou de 1595 – que de la grande difficulté dans la datation
du corpus d’un artiste qui déroute par ses écarts stylistiques et brouille les pistes par la constante
reformulation de ses propres inventions. Il est ainsi sans doute plus juste et plus efficace de procéder par
séquences et de tenir compte pour la chronologie des quelques repaires fiables que la documentation
de l’activité de Greco permet, par exemple : les commandes de l’Expolio et de l’Assomption (entre 1577
et 1579), du Martyre de saint Maurice (entre 1580 et 1582), de l’Enterrement du comte d’Orgaz (entre
1586 et 1590) et du retable du collège de Doña Maria de Aragon (entre 1596 et 1600). Comparant
ensuite les deux variantes iconographiques, celle de Saint-Pétersbourg et Stockholm d’un côté, celle de
Barcelone de l’autre, il semble que la solution mise au point pour la toile catalane soit la moins heureuse.
Certes plus équilibrées dans leur rapport, les deux figures y enchevêtrent cependant leurs deux mains
dans une formule peu satisfaisante qui déçoit par rapport à la noble articulation des apôtres des autres
versions. Cet insuccès doit expliquer la tentation d’y voir une première pensée, encore imparfaite, et
donc de le placer en amont de l’autre composition. Ce raisonnement bute toutefois sur l’analyse du style
et il semble difficile de situer l’œuvre de l’Ermitage au-delà de 1585 (Alvarez Lopera propose autour de
1586) en raison de sa proximité avec le Saint Maurice de l’Escorial et le Comte d’Orgaz de Santo Tomé.
Ce sentiment est renforcé par l’existence, en motif isolé, d’un Saint Paul qui reprend la formule de la
toile russe. Son exécution, solide et pleine, est typique des premières années tolédanes de Greco. S’il
est peu crédible, contrairement à ce que suggère Kagané, que l’apôtre seul précède la représentation
du couple de laquelle il parait plutôt un « tiré à part », il est probable que leur datation soit très voisine.
Dans ce contexte, le tableau pétersbourgeois serait la version princeps de cette invention initiale, le
Saint Paul une première variation, la toile de Stockholm une réplique autographe, sans doute vers 1595
– en tout cas avant 1608, date de la gravure qu’en tira Diego de Astor –, et la composition de Barcelone
une reformulation, moins réussie certes, qu’à la suite de Soehner il semble logique de situer autour de
1600-1605.
L’étude iconographique peut en outre aider à la compréhension de cette séquence. La représentation
« en couple » des deux apôtres s’inscrit en effet dans le contexte d’un discours politique d’unité de l’Église
catholique qui, au moment des révoltes protestantes, prenait une acuité particulière. Les divergences
entre Pierre et Paul, leurs oppositions même, voire leur rivalité, est célèbre. Ce dernier, volontiers qualifié
de colérique ou d’atrabilaire, incarne une inflexibilité morale et une puissance intellectuelle supérieure.
Nouveau converti, il est d’autant plus zélé qu’il ne compte pas parmi les disciples du vivant du Christ.
1610-1614
huile sur toile
222,3 x 193 cm
The Metropolitan Museum of Art, New York
Photo © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN-Grand Palais / image
of the MMA
l’apôtre ceux de l’artiste lui-même, et d’imaginer que la main droite du modèle ait pu tenir une palette.
[...]
À l’« horror vacui » propre au maniérisme, Greco ajoute dans son tout dernier style un « horror immobilis
». Sa peinture électrique ne laisse aucun répit aux formes, que ce soit par sa touche enfiévrée ou par
les accords chromatiques à la musicalité heurtée. Le Mariage de la Vierge du musée de Bucarest, qui
pourrait correspondre au « despojo pequeño » listé dans son inventaire après décès en 1614, séduit
par la force plastique des plis tranchants des vêtements de Marie et de Joseph et l’agitation froissée des
drapés de l’arrière-plan. Au point qu’on a pu suggérer que l’œuvre fût demeurée inachevée à l’instar de
la Visitation de la Dumbarton Oaks Library qui partage ce puissant équilibre de valeurs sculpturales et
picturales. L’une et l’autre de ces tendances culminent dans la célèbre toile de l’Ouverture du cinquième
sceau, dit aussi la Vision de saint Jean.
L’œuvre fut d’abord connu sous le nom d’Amour divin et amour profane, sans doute né de l’opposition
entre la figure agenouillée du saint et la présence des corps nus à l’arrière, interprétés comme autant de
tentations sensuelles, à l’image du tableau éponyme de Titien à la galerie Borghèse. La composition se
réfère en fait à un passage du récit de l’Apocalypse de Jean, plus précisément à l’épisode de l’ouverture
du cinquième sceau : « Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui
avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et à cause du témoignage qu’ils avaient rendu. Ils
crièrent d’une voix forte, en disant : Jusques à quand, Maître saint et véritable, tardes-tu à juger, et à
tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ? » (Apocalypse selon saint Jean, 6 : 9-10).
Comme l’a suggéré Mann (1982), cette iconographie, traitant de la fin des Temps – donc des souffrances
et de la résurrection de la chair désormais apaisée –, ne doit pas surprendre dans le contexte d’un
hôpital. La commande des trois retables de l’église de Tavera (Tolède) constituait la dernière entreprise
importante de l’artiste avant sa mort. Le lieu lui était familier pour y avoir travaillé depuis 1595 à l’occasion
d’un tabernacle monumental et d’une sculpture du Christ ressuscité. L’administrateur, Pedro Salazar
de Mendoza, était un grand admirateur de l’art de Greco et fut probablement à l’origine du programme
de la commande de 1608. Celle-ci, interrompue par le décès du maître, ne fut pas menée à son terme.
Seul le Baptême, achevé par l’atelier, fut mis en place au transept sud de l’église.
Probablement plus grande à l’origine et aujourd’hui fragmentaire, la toile du Metropolitan Museum
procède, comme souvent dans le dernier style de Greco, d’une combinaison d’inventions qui tirent
leurs origines loin dans la mémoire du peintre pour réapparaître plus ou moins discrètement, comme
une persistance rétienne, au gré de ses compositions. La formule du saint les bras au ciel s’observe
déjà dans le fond du Songe de Philippe II ou à l’arrière-plan de l’Adoration des Bergers du Patriarcat
de Valence et encore dans la Purification du Temple de San Ginès. Les personnages masculins nus
ISBN 978-2-7118-7159-9
EK19 7159 45 €
sommaire
essais :
Greco et l’image. Invention et variation par Guillaume Kientz
Greco en Italie par Keith Christiansen
Tolède, Urbs sacra. Le peintre et ses commanditaires par Richard Kagan
Dans l’atelier de Greco par Leticia Ruiz Gómez
Greco et la France par Véronique Gerard Powell
Greco et la naissance de la peinture moderne en France par Javier Barón Thaidigsmann
catalogue :
De Crète en Italie
« Que les maîtres du dessin rejoignent les sages. » par Jaime García-Máiquez
Les apostilles de Greco aux Vite de Vasari par Michel Hochmann
Portraits
Greco et Tolède
Greco peintre de retables. Ambitions et frustrations (1577-1582) par Rebecca Long
Greco face à la sculpture par Fernando Loffredo
Greco. Théorie et pratique du dessin par Furio Rinaldi
La firmitas de la venustas. La culture architecturale de Greco révélée par les détails par Adrián Almoguera
Réinventer le sacré
L’atelier
Adrián Fernandez Almoguera : Historien de l’art, Sorbonne Université / École française de Rome,
Paris
Javier Bavier Barón Thaidigmann : Jefe de Conservación de Pintura del Siglo XIX, Museo Nacional
del Prado, Madrid
Jena K.Carvana : Research Associate of European Painting and Sculpture at the Art Institute of
Chicago
Michel Hochmann : Directeur d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE, PSL), Paris
Richard L.Kagan : Academy Professor and Arthur O. Lovejoy, Professor Emeritus of History at Johns
Hopkins University Krieger School of Arts and Sciences, Baltimore
Guillaume Kientz : Curator of European Art, Kimbell Art Museum, Fort Worth
Rebecca J.Long : Patrick G. and Shirley Ryan Associate Curator of European Painting and Sculpture
before 1750 at the Art Institute of Chicago
Leticia Ruiz Gómez : Jefa del Departamento de Pintura española del Renacimiento, Museo Nacional
del Prado, Madrid
G R E C O
par Charlotte Chastel-Rousseau, commissaire associée 6€
par
Charlotte
Chastel-Rousseau
On ne regarde pas du tout Greco comme on regarde Tintoret, mais bien plus comme on va voir
Kandinsky, Chagall ou Picasso. Les avant-gardes du XXe siècle ne s’y étaient pas trompées.
Des auteurs aussi différents que Apollinaire, Hemingway, Malraux, Cocteau ou encore Théophile
Gautier le tenaient pour un artiste génial et ont écrit sur son œuvre novatrice.
Car Greco jouit effectivement du double prestige de la tradition et de la modernité : capable
d’une synthèse éloquente et originale, il importa dans l’Espagne des années 1570 les audaces
de Tintoret et la force plastique de Michel-Ange. Il est considéré comme le dernier maître de la
Renaissance et le premier grand peintre du Siècle d’Or. En abordant Greco sous l’angle de la
modernité et par le biais de la littérature, ce journal insiste sur l’indépendance d’approche du
peintre, sur sa liberté électrique et sur le renouvellement des moyens plastiques qu’il proposa à
Tolède – manière de souligner l’intemporalité de cet artiste génial.
***
Conférences
8 janvier : Tolède impériale, Tolède érudite, Tolède sacrée. La ville-refuge du Greco à la fin du
XVIe siècle.
par Cécile Vincent-Cassy, hispaniste et historienne de l’art, Université Paris 13
Les élèves du Conservatoire national supérieur d’Art dramatique, classe de Robin Renucci ”Dire et lire le
vers et la prose” évoquent à travers une sélection de textes la vie et le travail de Greco « le peintre des
écrivains ».
15 novembre
Arènes sanglantes (Blood and Sand)
de Rouben Mamoulian, 1947, avec Tyrone Power, Linda Darnell et Rita Hayworth, 2h05, VOSTF
20 décembre
Passion
de Jean-Luc Godard, 1982, avec Isabelle Huppert, Hanna Schygulla et Michel Piccoli, 1h30
10 janvier
Ne dis rien (Te doy mis ojos)
d’Icíar Bollaín, 2004, avec Laia Marull, Luis Tosar et Candela Peña, 1h25, VOSTF (tous droits réservés)
En première partie : Fuego in Castilla de José Val del Omar, 1961, 11’
la musique
les documentaires
jeudi 17 octobre
à 18h30
Viva El Greco : Eisenstein et le maître de Tolède
Table ronde avec Guillaume Kientz et Charlotte Chastel, commissaires de l’exposition « Greco »,
Ada Ackerman, CNRS/THALIM, et Philippe-Alain Michaud, Mnam, commissaires de l’exposition
« L’Œil extatique. Sergueï Eisenstein à la croisée des arts » au Centre Pompidou-Metz
à 20h30
Ivan le Terrible
Film de S. M. Eisenstein, 1943, musique de Sergueï Prokofiev, 3h06
au cinéma Le Balzac
http://www.cinemabalzac.com/public/index/index.php
adultes
visite guidée
Grâce à la première grande exposition monographique consacrée à l’artiste jamais organisée en France,
découvrez ou re-découvrez Greco. Des prêts exceptionnels favoriseront la compréhension de son style
inimitable comme de son parcours de la Crète à Tolède, en passant par Venise, Rome et Madrid.
Accompagnés d’un conférencier, explorez la vie et l’œuvre d’un des génies de la Renaissance.
Durée : 1h30
Tarif : 23€. Tarif réduit : 16€
Offre tarifaire Tribu (billet pour groupe de 4 payants composé de 2 jeunes de 16 à 25 ans) : 62€
Pendant les vacances scolaires l’exposition restera ouverte tous les jours de 10h à 22h
(sauf le mardi / et le dimanche 3 novembre fermeture à 20h / le dimanche 5 janvier fermeture à 20h)
tarifs:
13 €, TR 9 € (16-25 ans, demandeurs d’emploi et famille nombreuse), gratuit pour les moins de 16 ans,
bénéficiaires des minima sociaux
accès :
Grand Palais, galeries nationales
entrée galerie sud est
métro ligne 1 et 13: «Champs Elysées-Clemenceau»
ou ligne 9 : «Franklin D. Roosevelt»
l’Application de l’exposition :
l’application mobile « tout en une » du Grand Palais est un outil pour suivre l’actualité, préparer sa venue,
vivre pleinement les expositions et les événements et conserver en souvenir ses œuvres préférées, ses
plus belles photographies et ses meilleurs moments de visite. L’utilisateur se l’approprie par une mise à
jour à chaque nouvelle visite.
accès gratuit : un parcours découverte LES COULEURS DE GRECO : une dizaine d’œuvres emblématiques
pour comprendre les palettes de Gréco, le parcours de l’exposition salle par salle, programmation culturelle,
visite en audiodescription (en français), activités-jeux pour les enfants (nouveau)
accès payant aux audioguides adultes et enfants : sur Google Play et l’Appstore :
https://tinyurl.com/appligrandpalais
réseaux sociaux
Game of Greco: jouez avec les fonctionnalités sur les stories Instagram pour comprendre
les œuvres autrement.
nouvelles vidéos sur la chaine YouTube
informations et réservations :
www.grandpalais.fr ou par téléphone au 01 44 13 17 17
https://www.grandpalais.fr/fr/evenement/greco
#ExpoGreco
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