Tihamer Toth - La Communion Des Saints, Rémission Des Péchés, Vie Éternelle
Tihamer Toth - La Communion Des Saints, Rémission Des Péchés, Vie Éternelle
Tihamer Toth - La Communion Des Saints, Rémission Des Péchés, Vie Éternelle
SIXIÈME PAR.T!E
DU M~ME AUTEUR
aux ÉDITIONS SALVATOR. MULHOUSE:
lA COMMUNION DES SAINTS ·1
Le Symbole des Apôtres :
lA RÉMIS S ION DES P ÉCH ÉS
INTRODUCTION : La Foi - L'Existence de Dîeu.
'PREMIÈRE PARTIE: Dieu - La Providence.
LA VIE ÉTERNELLE
DEUXIÈME PARTIE : Jésus-Christ - Le Fils de Dieu -
Le Divin Maître.
TROISIÈME PARTIE : Les Souffrances du Christ - La SERMON S
Passion de Jésus. prononcés dans l'église de l'Unive,·sité de Budapest
QUATRIÈME PARTIE: La Résurrection - L'Ascension - La
par S.Exc. Mgr TiHAMER TOTH
Vierge Marie. . Évêque de Veszprém
CINQUIÈME PARTIE: Le Saint-Esprit - La Sainte Église
Catholique. Traduits ' par l'Abbé Marcel GRAN DCU\ UDO N
Licencié ès Lettres
SIXIÈME PARTIE: La Communion des Saints - La Ré-
mission des péchés - La Vie éternelle.
ËDITIONS S.A.LVATOR
MULH OUSIi.: ( Hau t -Rh in)
1947
1
MES FRÈRES,
autre comparaison : les rapports entre le corps et les Nous prions les uns pour les autres, nous offrons nos
membres: « De même que le corps est un et a plusieurs bonnes œuvres les uns pour les autres. L'enfant peut
membres, et de même que tous les membres du corps, prier, jeûner, aller communier, faire des sacrifices
malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, ,1 • pour ses parents, les parents pour leurs enfants, les
'\
de même en est-il du Christ. Tous, en effet, nous ami~ pour leurs amis.
avons été baptisés dans un seul Esprit, pour former b) M ais il en découle un devoir de charité: nous
un seul corps» (le Corinthiens XII, 12-13).Il en résulte aussi nous devons aider les autres.
que ce qu'un membre fait de bien ou de mal favorise La ' communion des saints entraîne pour conséquence
ou nuit au corps tout entier. Saint Paul dit encore : le devoir de la prière, de la charité et de la solidarité.
« Que les membres aient également soin les uns des Les catholiques du monde entier forment un seul corps
autres. Si un membre souffre, tous les membres et partout où dans ce corps mystique se produit quelque
souffrent avec lui; si un membre est honoré, tous déchirure, il faut que partout tous les membres la
les membres s'en réjouissent avec lui »(Ie Corinthiens ressentent. Si en Russie les chrétiens sont condamnés
XII, 25-26). à mort, je ne peux pas rester indifférent. Et si je ne
B) Quelle sublime indication pour nous qu'en puis pas faire autre chose pour mes frères qui souffrent,
vertu du dogme de la « communion des saints » nous tout au moins je peux prier pour eux, afin qu'aujour- .
ne sommes pas abandonnés à nous-mêmes dans nos luttes, d'hui encore se véritient ces paroles de saint Paul :
mais que nous sommes aidés et que nous aussi nous « Que les membres aient également soin les uns des
pouvons aider les autres. autres. Si un membre souffre, que tous les membres
a) Qui sont ceux qui nous mient? Tout d'abord souffrent avec lui» (le Corinthiens, XII, 25~26).
notre Église. Les sources de grâces, les sacrements, C) Mais le dogme de la communion des saints
toute la liturgie de l'Église, s'es dogmes, ses fêtes, ses est également aussi un grand avertissement que nous
temples, ses prières ... tout cela est pour nous. Les n'avons jamais le droit d'oublier : notre plus grande
humbles prières des religieuses, les mérites des martyrs, force se trouve dans cette « union en Dieu l'.
les vertus des saints, tout cela sert à mon salut. Chaque Comme il est rj,lry aujourd'hui que l~s hommes se
prêtre chaque jour à la messe prie pour nous tous. comprennent entr~eux, comme il est rare qu'il y uit
Songez seulement aux prières de la messe' et des autres entre eux une vraie fraternité et une véritable commu-
offices liturgiques : partout on parle au pluriel, parce nauté d'âme! Elles n'existent pas dans les nations ni
qué l'Église veut englober dans ses prières tous ses dans la société ni même bien souvent dans la famille.
enfants qui luttent. Mais elles existent dans la « communion des saints ».
Jl.1ais nos lreres chrétiens nous viennent aussi en aide.
i
10 LE SYMBOLE DES APÔTnES LA COMMUNION DES SAINTS II
Et puisque ni la langue ni la race ni l'origine ni l'incli': , ce dogme de notre foi que la mort ne rompt pas entre
nation réciproque ne peuvent nous unir dans cette nous les liens de l'amour, que nous pouvons aider
compréhension" idéale... alors que nous reste-t-il nos chers défunts et que nous pouvons continuer à
. comme unique lien ?L'union en Dieu. Les hommes rester en relations avec eux.
qui vivent avec Dieu sont bons, nobles, disciplinés, Nous devons tirer de notre foi en l'Église souffrante
indulgents les uns pour les autres, - ils vivent donc un grand avertissement et une grande consolation.
en union. Quel avertissement pour les époux 1 ils ne A) L'avertissement consiste en ce que nous devons
seront pas unis entre eux, s'ils ne sont pas unis dans venir en aide par nos prieres et le saint sacrifice de la
le service de Dieu. Quel avertissement pour les parents, messe à nos freres qui souffrent dans le purgatoire.
les enfants, la société, les peuples! ils ne seront pas a) Je crois à la communion des saints, c'est-à-dire
remplis d'indulgence, de pardon, de patience, de je confesse qu'entre les membres de l'Église vivant
compréhension, de bonne volonté les uns pour les encore sur la terre et ceux qui sont déjà glorifiés et
autres, tant qu'ils ne seront pas unis en Dieu. arrivés au ciel ainsi qu'entre les membres de l'Église
Voilà les leçons que nous pouvons puiser dans cette qui expient dans le purgatoire existe un lien mystérieux,
idée de l'Église militante. une assistance réciproque. Ce dogme de notre foi est
comme un anneau immense, comme un circuit élec-
trique sans exemple qui réucit l'Église militante,
II l'Église souffrante et l'Église triomphante, et dans
ce circuit circule la plus grande force : la force de
L'ÉGLISE SOUFFRANTE. l'amour, la force de l'amour qui prie les uns pour les
autres, qui aide réciproquement. .
Il Y a trois provinces daos le , royaume de Dieu :
Un jour ma lutte sur la terre prendra :Sn ... La vie ' celle du ciel, celle du purgatoire et celle de la terre.
se termine par la mort, mais après la mort arrive le Mais ces trois contrées ne sont pas séparées les unes
jugement. Les âJlles qui au moment de la mort sont des autres. Entre leurs habitants il existe une commu-
exemptes de péché mortel, mais o~t des péchés véniels nication , radiophonique continuelle et incessante sur,
et n'ont pas encore fait pénitence pour leurs anciens la longueur d'onde éternité. Et quelle est cette onde? ,
.péchés, composent l'Église souffrante,: elles vont dans La ' sainte messe, la prière, l'expiation, l'aumêne, la
le purgatoire, '~jusqu'à ce qu'elles 'soient devenues mortification et toutes 'les bonnes œuvres.
d gnes de la vue de Dieu. Mais quelle sublime doctrine, b) Chez nous, quand quelqu'un meurt, les amis
<-pel avertissement, et aussi quelle consolation dans envoient des CQuronnes pour signifier qu'ils prennent
12 LE SYMBOLE DES APÔTRES LA COMMUNION DES SAINTS 13
part à ce deuil. Quelquefois 40 à 50 couronnes arrivent des prières, des messes, des communions, des mortifications,
pour, un enterrement : toute une montagne de fleurs. des bonnes œuvres. Ces choses arrivent sûrement jQsqu'à
C'est certainement une marque d'attention, une belle elles et elles en tirent très · certainement profit.
participation au deuiL;. mais nous savons bien que Voilà le grand avertissement que nous donne notre
tout cela ne sert en rien au défunt. Comme il est bien foi en'la communion des saints.
plus chrétien l'usage de èertains pays - de la Suisse B) Mais cette doctrine est aussi pour nous une
par exemple - où les amis du défunt envoient en signe magnifique consolation aux heures de deuil : nous
de con doléance une petite carte sur laquelle est indiqué continuons à rester en relations avec nos défunts.
combien ils ont fait dire de messes Olt combien ils ont fait a) La foi en la commùnion des saints ôte une épine
de bonnes œuvres pour ['âme du défunt! Oui, la foi est aux heures les plus douloureuses de notre vie, aux heures
d'aut ant plus vivante qu'on sait mieux ce que c'est de deuil. Qu'il est émouvant le moment de la mort!
que la communion des saints. lorsque meurt une mère, un père chéri, un enfant
Une petite fille avait perdu sa sœur. Lorsque versant aimé. Mais alors arrive la sainte consolation de notre
des larmes elle demanda après la défunte, ses paren ts foi: « Il est mort », c'est-à-dire que l'âme s'est éloignée
pour la consoler lU,i montrèrent le ciel : « Elle est partie de la matière et est partie dans un monde nouveau,
au ciel ». Un jour ils passaient dans une rue où un Comme elle est simple, qu'elle ne se compose pas de
homme vendait de petits ballons de couleur. La petite plusieurs éléments, elle est partie pour un monde
fille supplia sa mère de lui en acheter un. La mère nouveau où il n'y a ni temps ni espace ni corps ni
acquiesça. Mais lorsqu'elle eut mis le ballon dans la màtière. Mais notre foi nous donne l'assurance que
main de la fillette, celle-ci le laissa aussitôt s'envoler nos morts continuent à vivre en Dieu.
et le regarda monter vers le ciel. « Nos morts vivent en Dieu ». 'Savez-vous ce qui en
« Mais comment peux-tu être aussi maladroite? - ! résulte? Cette chose qu'ils sont plus près de nous
lui dit la maman. A présent voilà ton beau ballon que quand ils étaient en vie. Comment? Eh bien!
parti ». parce que Dieu est plus près de nous que n'importe
« Pas du tout, - répondit la fillette. Je l'ai envoyé quelle autre chose, que nos habits, que notre corps,
au ciel à ma sœur Marie ». que notre âme elle-même; nos chers défunts sont donc
Oui, mes frères, il vaut hi peine d'y réfléchir : les plus près de nous qu'ils l'étaient durant leur vie. Ah
âmes de.pos disparus vivent réellement et nous pouvons quelle sublime consolation 1
leur envoyer - non pas des ballons de couleur, ni Mais il y a encore plus ... Lorsque l'heure de notre
des fleurs ni des monuments de marbre, ' ces choses-là propre mort . sera arrivée et qu'il nous faudra quitter
ne leur plairaient pas, - mais nous pouvons leur envoyer ceux que nous aimons, même s'il nous faut laisser sur
,:1
l'
1"
la terre des orphelins ou une épouse, comme elle est victorieusement arrivés dans le royaume de Dieu
réconfortante cette persuasion que les liens ne sont forment l'Église triomphante.
pas rompus entre nous; même de l'autre monde, - A) Qu'il est admirable le sort de ces vainqueurs!
même dès le purgatoire - je pourrai implorer a) Hs sont morts eux aussi, comme les autres
pour eux le secours de Dieu avec plus d'efficacité hommes. Ils ont franchi eux aussi la sombre porte
que je le pouvais pendant ma vie terrestre. qui conduit dans un monde tout autre, dans un monde
b) Faut-il vous parler, mes frères, du spirt'tisme? ou n'existe ni 'temps ni espace, - et chose merveilleuse:
Faut-il vous parler des tables tournantes? De l'évo- ils ne se sont pas éloignés de nous, ils sont même plus
cation des esprits dans une mystérieuse obscurité? près de nous que durant leur vie, nous conversons
1:
, Faut-il en parler à ceux qui sont entwrement catho- - avec eux et nous nous tournons vers eux avec une
liques ? A ceux qui savent ce que leur prêche le dogme intime confiance.
de la communion des saints. A savoir que nous ne Il est mort Alexandre le Grand, il est mort César,
perdons pas les défunts, mais -que nous demeurons il est mort Napoléon, ils sont morts les grands hommes
toujours unis à eux. dans la fidélité, l'amour et leur et l'homme actuel passe rapidement devant leurs
souvenir. Ils ne sont que partis loin des soucis terrestres, tombeaux de marbre aux lettres d'or, sans leur adresser
des désirs terrestres et de la sphère des sentiments la parole. Mais nous nous tournons- vers les saints,
terrestres, mais s'ils ont déposé la matière gr~ssière, des siècles encore après leur mort, avec confiance, et
ils nous relient à Dieu; Dieu auprès de qui ils sont nous leur confions des secrets que nous ne dirions à
déjà arrivés ou auprès de qui ils, arriveront après leur personne sur la terre.
purification et auprès de qui un jour nous, les vivants, b) Les gran'ds de ce monde sont entourés d'honneurs,
nous ambitionnons d'arriver. tant qu'ils sont en vie; mais après leur mort ils sont
Voilà les sublimes pensées qui jaillissent de la consi- vite oubliés. - Som)ent personne ne parlait <;les saints
dération de l'Église souffrante. pendant leur vie, mais après leur mort leurs noms sont
sur des millions de lèvres. Qui con~aissai~ la petite
Thérèse de Lisieux durant sa vie et qui ne la connaît
III pas maintenant qu'elle est morte? Qui parle encore
aujourd'hui de Charlemagne, de Pépin le Bref, d'Alaric,
L'ÉGLISE TRIOMPHANTE. de Gengis-Khan, d'Annibal et de mille autres grands
de çe monde? Et il y a 700 ans mourait un simple
Mais la victoire est le terme de toutes nos luttes et moine franciscain dont des milliers répètent le nom
de toutes nos souffrances purificatrices. Ceux qui sont chàque iour : « Saint Antoine de Padoue, priez pour
:1
j
'1
1.
1
r6 LE SYMBOLE DES APÔTRES LA COMMUNION DES SAINTS
nous ». Qui espère aujourd'hui encore un secours de petit Jésus dans ses bras, l'image de sainte Thérèse de
la mère des Gracques ou de Cléopâtre ou de la Pom- Lisieux entourée de roses.
padour et de tant de femmes fameuses à un titre ou C) « Oui, oui - répondent quelques-uns - nous
à un autre de l'histoire du monde? Qui les salue ? ne vous repl;ochons pas d'honorer des héros de la foi.
"
Qui les invoque? Personne. Mais chaque jour des Mais vous ne faites pas queles honorer, vous demandez
millions et des tnillions adressent leur salutation aussi leur aide. Vous leur adressez des prières, vous
r'
fervente à une vierge qui vivait il y a 19 siècles à les mettez à la place de Dieu. A quoi bon demander
Nazareth: « Je vous salue, Marie! » l'intercession des saints? Pourquoi ne vous adressez-
B) N'avons-nous pas le droit d'être fiers du triomphe vous pas directement à Dieu tout-puissant? »
de tlOS frères dans la foi? ' Nous trouvons ensemble deux objections dans ce
a) L'enfant est fier de la science de son père, - reproche : la première vient d'une interprétation
et personne ne le lui reproche. Les descendants sont erronée, nous n'avons donc pas à nous en défendre;
fiers de leurs ancêtres, - et personne ne leur en fait l'autre est exacte, mais elle nous reproche une chose
,.,
un reproche. Une nation est fière de ses grands hommes, juste et raison1-1able.
- et personne ne lui en fait un reproche. Pourquoi . a) Qu'est-ce qui est erroné dans ce reproche? Ceci
alors certains sont-ils offusqués et nous reprochent-ils que ({ nous mettons les saints à la place de Dieu, que nous
à nous, catholiques, d'être fiers de nos frères et de nos 1 leur faisons des prières comme à' Dieu et qu'à cause d'eux
sœurs qui ont remporté la victoire par leur foi et leur nous oublions Dieu lui-même ».
héroïsme dans leur vie 11lOrale. Car c'est cela la base Qui ne verrait comme 'cette allégation est sans
du culte des saints qui s'épanouit si magnifiquement fondement et de mauvaise foi? Qui ne sait que nous
chez nous et que certains ne veulent pas comprendre. vénérons seulement les saints et .que nous ne les
b) Dans les vieilles · famj11es on accroche aux murs adorons pas et qu'ils ne nous gênent pas dans notre
les portraits des ancêtres et l'on conserve leurs souve- marche vers . Dieu, mais qu'au contraire ils nous
nir!!, - et personne ne s'en scandalise. Mais alors de conduisent vers Dieu. Malheureusement il y a aussi
quel droit certains se scandalisent-ils des statues de la des exagérations et des ,déviations dans le culte des
sainte Vierge et des images saintes dont les familles saints, comme peut se déformer dans le monde tout
catholiques ~rnent leurs chambres? En effet, même ce qui se trouve entre des mains humaines. Mais
du simple point de vue humain, y a:t:i1 plus gracieuse l'Église ... elle-même intervient là où se manifestent
poésie, plus spirituelle fraîcheur que dans nos images ces exagérations et ces déviations à la suite de l'ignorance
de Marie à la lisière des forêts et au bord des chemins, religieuse. En revanche il est vrai que les hommes
les statues de saint Antoine de Padoue portant le ne savent pas facilement s'adapter à l'état d'âme du
Syrnb. d . Ap. - T . VI 2
,
1.,.
LE SYMBOLÈ ÙÊS APÔTRES LA COMMUNION DES SAINTS
\ '
prochain et portent facilement des jugements et se devant Dieu un grand discours en notre faveur,
scandalisent là même où il faudrait plutôt s'efforcer ce serait une conception trop humaine. Il suffit qu'il
de comprendre la pensée d'autrui. élève son regard vers Dieu et ce regard muet Lui dit :
Par exemple un cultivateur vient trouver son curé .« Seigneur, moi, votre saint, je suis un enfant heureux
et lui dit : « Monsieur le curé, ma vache est malade. auprès de vous. Mais venez en aide à tel ou tel de
.
1.
Voulez-vous dire une messe en l'honneur de
saint Antoine de Padoue, pour qu'elle guérisse ».
mes frères qui lutte encore dans la vallée de larmes,
afin qu'il vienne lUI aussi jusqu'ici. »
:Le citadin en joint les mains. « N'est-ce pas là Notre Église a soin également que dans nos prières
une exagération superstitieuse du culte des saints? » adressées aux saints , nous n'oubliions jamais que c'est
Mais celui qui sait ce que signifie une vache pour une Dieu et Dieu seul qui exauce toute prière. Lisez
famille nombreuse ne se scandalise pas età bon droit. n'importe quelle prière; à quelque saint qu'elle soit
li Donnez-nous notre pain quotidi~n » voilà ce que le adressée, elle se termine toujours ainsi: « Par Jésus-
Sauveur nous a ' enseigné, nous avons aussi le droit Christ Notre-Seigneur ».
de prier pour cela. Nous avons aussi le droit de dire: Et nous ne cessons pas non plus d'affirmer que la
« délivrez-nous du mal il, - or n'est-ce pas un mal chose la plus importante du culte des saints, c'est
,pour une· pauvre fami11~ que la maladie de cet animal. l'imitation de leur vie. Nous admirons les saints, -
b) Il n'y a donc de vrai que la seconde partie de et nous faisons bien; nous demandons leur intercession,
l'objection, que nous demandons aux saints de nous - nous faisons bien encore; mais nous marchons sur
servir d'intermédiaires auprès de Dieu? Oui, c'est exact. leurs traces et nous imitons la vie des saints, leurs vertus,
Mais là se cache une vérité d'une psychologie si leur héroïsme, - et c'est ce que nous faisons de mieux, .
.. ~
délicate . que nous devons nous réjouir qu'il en soit c'est là le meilleur « culte des samh ".
aimi. ,
Plu~ l'on sent le vide béant entre la sainteté infinie
"
de Dieu et notre propre vie pécheresse, plus' nous
nous tournons avec raison vers ceux qui se tiennent Voilà, mes frères, la pensée sublime et rassurante,
plus près de Dieu, vers ceux qui se sont' rapp1'Ochés le conseil et le réconfort qui jaillissent de notre foi
de la sainteté de Dieu, vers les « amis de Dieu », vers en la communion des saints. En vérité, c'est le dogme
les saints. Dieu les exauce plus volontiers, parce qu'ils le plus social qui relie par les liens d'un amour généreux,
le méritent plus que no~s et parce qu'ils savent beau- secourable et réciproque les trois provinces du royaume
coup mieux prier que nous. de 'Dieu. Nous qui combattons encore sur la terre,
Ne nous figurons pas que le saint se met à prononcer nous sommes les écoliers du Père céleste : il nous faut
20 ' LE SYMBOLE DES APÔTRES
Mais si ardent que fût le désir de l'âme humaine A) Il me faut tout d'abord répondre à ceux qui
d'obtenir la rémission de ses péchés; en dehors de la nient purement et simplement le péché et en contestent
l , religion révélée, elle n'a eu aucune garantie de .l'avoir l'existence .dans le monde.
réellement,.Jrouvée. Tout est inutile de 'ce que ' nous a) C'est incroyable. Comment peut-il y avoir des
:1 "· faisons, c'est en vain que monte vers le ciel la fumée ' , gens pareils? Malheureusement il y en a. Nous sommes
de nos sacrifices expiatoires, c'est en vain que l'âme entourés de pseudophilosophes qui se trompent eux-
humaine exhale des sentiments de repentir, tant que mêmes, qui se plongent jusqu'au cou dans le péché,
du côté de Dieu ne se fait pas entendre la réponse : avalent l'iniquité comme l'eau et en même tenlPS
j'accepte cette satisfaction et je vous pardonne. , font ce raisonnement orgueilleux : le péché est un mot
La satisfaction humaine finie n'aurait jamais pu qu'on devrait aujourd'hui rayer du dictionnaire. Le
effacer les fautes commises contre Dieu infini. Aussi péché à proprem~nt parler n'existe pas. Tout au plus
nous fallut-il attendre l'Homme-Dieu, Notre-Seigneur pourrait-on dire que l'homme est faible, chancelle,
Jésus-Christ dont la mort expiatrice nous permet est poussé de côté et d'autre par les passions; il y a donc
de dire réellement et avec une absolue certitude: « Je des ' faiblesses, des imperfections, des passions, des
crois à la rémission des péchés. Maintenant je crois défauts, des défectuosités, - mais il n'y a pas de péché.
que Dieu véritablement nous pardonne ». Quelle tragédie que la vie de bien des hommes!
Quelle réconfortante, quelle consolante doctrine! ils sont plongés jusqu'au cou dans le péché et ils nient
Celui qui a, ne fut-ce qu'une fois, ' considéré que l'existence du péché!
1
1. le péché existe réellement, et ensuite a appris que Quelle terrible illusion : le péché fait rage autour
Il. il Y a aussi une rémission des péchés, celui-là n'a pas de nous, comme un brasier ardent, et il y a des gens
besoin qu'on lui certifie que cet article de notre foi pour le nier purement et simplement 1
est réellement l'un de nos dogmes les plus réconfortants Des millions de malades, ·de fous, de malfaiteurs,
et les plus consolants. de dégénérés, de meurtriers rendent témoignage jour
pour jour à la vérité de ces paroles de l'Écriture: « Le
l péché est la ruine des peuples» (Proverbes, XIV, 34) -
et il y a des hommes qui osent en nier l'existence.
LE PÉCHÉ. Que de larmes, que de sang, que de lamentations,
ql!-e de malédictioD,s sont la c()nséquence du péché, -
Qu'est-ce que le péché? - c'est la qU I'>;tiofi que ie et il y a des hommes qui ne veulent pas en tirer de
pose dans la première pa~tie de mon S<:lïllon leçon!
d'aujourd'hui. Aujourd'hui il est de mode d'excuser le péché, de
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA RÉMISSION DES PÉCHÉS 25
l'expliquer et de le rejeter sur autrui. Les anciens Le péché est ,donc une réalité; malheureusement
accusaient les astres et disaient qu'ils étaient nés « sous une indéniable et triste réalité.
une mauvaise étoile ». L'homme actuel accuse « sa
B) Il ne peut pas en être autrement aux yeux de
complexion », « l'atavisme », « s~s ancêtres », « le milieu
)l.
celui qui a une religion et croit en Dieu. Il ne peut
i< C'est ma nature qui est ainsi », « ce sont des penchants
pas nier l'existence du péché, il sait que le péché est
héréditaires », « c'est mon entourage et mes conditions
une affreuse réalité, une chose teniblement tragique.
de vie qui m'ont amené là » voilà les excuses que l'on
entend. a) Lorsqut1 la volonté humaine résiste consciemment
b) Mes frères, nous aussi nous connaissons les lourdes à la volonté de Dieu, c'est un plus grand malheur que
lois de l'hérédité, - mais nous ne leur imputons pas , n'importe quel autre qui puisse frapper l' homme sur la
toute perversité. Le christianisme sait encore que l'édu- terre. Si je me brise un pied, c'est une grande souffrance;
cation faussée ou négligée et un entourage mauvais si je perds ma fortune" c'est une grande épreuve; si ,
peuvent beaucoup amoindrir la liberté de notre volonté, mon ami le plus cher vient à mourir, c'est un grand
donc aussi notre responsabilité, - mais nous ne malheur, - mais tout cela ne touche pas mon âme
pouvons pas nier que nous aussi nous sommes plus dans ses relations avec Dieu. Mais quand arrive le
ou moins responsables de nos actes. péché; il ruine tout, il détruit tout.
En dépit de tout atavisme et de toute prédisposition, Il y a deux volontés en présence: la petite et misérable
en dépit de tout mauvais entourage et de toute éducation volonté humaine en face de la volonté divine infinie.
négligée, elles restent vraies, ces paroles de saint Jean: Deux esprits sont en présence: l'esprit créé de l'homme
,« Si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous en face de l'Esprit créateur infini. Deux royaumes
trompons nous-mêmes, et la vérité n'est point en sont en présence: l'homme révolté lève la main contre
nous» (le S. Jean, l, 8). le Dieu vivant. '
, Et elle reste également vraie, cette réflexion d'un b) Voulez-vous savoir ce que c'est que le péché ? Songez
écrivain autrichien : « Observez seulement quand un seulement à ce qu'est Dieu. Dieu est le soleil vivifiant
adulte regarde un enfant dans les yeux, comme son de l'âme, - et le péché est le nuage qui cache le,soleil
visage s'éclaire tout d'un coup, tandis que quand un à l'âme.
enfant regarde dans le~, yeux une grande'~'personne, Dieu est le centre magnétique de l'âme, - le péché
comme il devient grav( Quelle en est la cause? C'est est le poids qui l'attire en bas, loin de ce centre de vie,
que l'adulte Jette un regard en arrière sur le paradis Dieu est la source de toute joie - « Vous nous avez
qu'il a perdu, tandis que le petit enfant aperçoit un créés pour vous, Seigneur, et notre cœur est inquiet,
monde de tristesse et de péché qui l'effraye» (Rosegger). jusqu'à ce qu'il se repose en vous» (saint Augustin) -
26 LE SYMBOLE DES APôTRES LA HÉlVIlSSION DES PÉCHÉS
1
~~ l '
28 LE SYMBOLE DES APôTRES LA RÉMISSION DES PÉCHÉS 29
'devient devant Dieu aussi juste que l'homme innocent. nous baptiser de nouveau avec les larmes du r~pentir Il
Et dans le passage suivant de l'évangile Notre- . (S. Bernard).
Seigneur décrit le souci d'une femme q'ui cherche Notre grand Pazmany a une comparaison, bien
avec soin la pièce de monnaie perdue dans sa chambre intéressante - peut-être un peu exagérée,'" - par
et qui se réjouit, quand elle la retrouve (8. Luc, xv, 8 laquelle il compare l'homme qui fuit devant la voix
et suiv.). de sa conscience à u~e vieille femme. Auparavant
Une autre fois le Sauveur se désigne sous le nom elle aimait son miroir - dit Pazmany - mais depuis
de médecin : I( Ce ne sont pas ceux qui se portent , qu'elle a découvert de vilaines rides sur son visage,
bien qui ont besoin de médecin, mais les malades; elle l'a cassé et voudrait supprimer tous les miroirs.
je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs Il . Le pécheur non plus n'aime pas regarder dans les
(S. Marc, II, 17). profondeurs de son âme, parce qu'il y verrait la laideur
Puis c'est au paralytique, à Madeleine la pécheresse, de ses propres péchés. Les grands pécheurs n'aiment
à la femme surprise en adultère qu'Il adresse des pas de se confesser, tout comme les personnes laides
paroles de pardon. Il raconte aussi la parabole émou- n'aiment pas de se regarder dans un miroir. Mais la
vante et édifiante de l'enfant prodigue. Et même à, sa réciproque aussi est vraie : celui qui se confesse
mort ses dernières paroles furent un cri de pardon : fréquemment et avec joie ne peut pas être un homme
« En vérité je te le dis, tu seras aujourd'hui avec moi laid et désordonné, parce que la confession est un
dans le paradis Il (S. Luc, XXIII, 43). grand nettoyage.
Après tout cela nous pouvons réellement faire avec b) Mais elle est encore davantage: elle est un réveil
joie cette prière : Je crois à la rémission des péchés. de l'âme après un cauchemar (mais ce n'était pas un rêve,
1
Je crois que je ne suis pas obligé de traîner éternel- c'était une douloureuse réalité), une sensation de déli-
lement avec moi le triste fardeau du péché. t'rance d'un lourd fardeau.
E) Après tout ce que je vien.s de dire, je comprends Sur les montagnes de la vie roulent sans cesse des
déjà ce que c'est que le ~acrement de pénitence. avalanches dévastatrices, des blocs de rochers, des
a) Qu'est-ce que la confession? Un grand nettoyage. éboulements écrasent de leur masse les âmes. Ah!
On ouvre les portes ' et les fenêtres, tous les coins sont quelle bénédiction de pouvoir nous en dégager, de
balayés, o'nr-ôte la boue et les saletés, on reinet tous pouvoir soulever cette masse de pierres, de n'être
les meubles en place et ensuite on respire l'air pur pas obligés de traîner toute une vie avec nous ce qui
et frais. « Les larmes du repentir sont comme le baptême; a roulé sur nous.
et parce qu'on ne peut pas recommencer ' le sacre- On connaît des cas émouvants où l'âme soupire
ment de baptême, nous devons pour ainsi dire - . après le Dieu qu'elle
de toutes ses forces ,
a perdu. J'ai
LE SYMBOLE Dl,S APÔTRES LA RÉMISSION DES PÉCHÉS
entendu parler d'un h.omme qui n'avait pas reçu sûreté, un bureau d'assurance sur la vie, un bain apaisant
l'abs.oluti.on de ses péchés. pour ['âme. Que de d.ouleurs' amères, de décepti.ons,
C'est terrible rien que de le dire: il n'a pas reçu de chutes, de malentendus, de luttes m.orales boule-
l'abs.oluti.on. Quel genre de péché était-ce d.onc qu'il ,versent n.otre vie et nous jettent à terre découragés, -
n'en ait pas .obtenu l'abs.oluti.on? C'est le péché d.ont mais la confessi.on app.orte s.on dérivatif à cette tension
.on ne se repent pas. Le péché qu'.on ne veut pas aban- de l'âme.
d.onner. Si quelqu'un vit dans des c.onditi.ons c.oupables, Qui n'a pas enc.ore senti c.omment après une b.onne
s'il n'est pas marié c.onf.ormément aux l.ois de Dieu c.onfessi.on l'â~e est devenue plus gaie, plus f.orte, plus
et s'il ne veut pas cesser ces relati.ons. P.our celui-là apte à la lutte 1 Que de f.ois il s'est pr.oduit p.our n.ous
il n'y a ni c.onfessi.on ni abs.olution. Et savez-vous quelque ch.ose de semblable à ce qui est arrivé au plus
ce qu'a fait le malheureux, quand il n'a plus pu grand des H.ongr.ois, le c.omte Étienne Széchenyi.
supp.orter les rem.ords de sa c.onscience? Il alla passer C'était en 1819, Széchenyi al.ors âgé de 28 ans, v.oyageait
l'été dans un village serbe et alla c.ommunier dans une en Italie. Il fit sa c.onfessi.on pascale à Catane, puis alla
église schismatique serbe - de manière. à apaiser à la mer p.our s'y baigner et peu s'en fallut qu'il ne
son âme inquiète. Sans d.oute ce n'était qu'une illusi.on, se n.oyât. « L'eau était très f.ortement agitée, écrit-il
de la p.oudre aux yeux, un leurre; mais n'est-ce pas dans s.on J.ournal. Une gr.osse vague me jeta c.ontre
une preuve criante c.omme n.otre âme s.oupire après un r.ocher, si bien que je perdis presque connaissance ...
le pard.on divin 1 Aucune aide dans le v.oisinage. Je tâchai de nager
Quelle j.oie, quel réveil, quelle délivrance, . l.orsque vers la digue, mais le c.ourant me rejetait c.ontre le
n.ous p.ouv.ons dire en confession: C'est vrai, Seigneur, r.ocher avec tant de f.orce que j'aurais eu la tête brisée
je suis un grand pécheur, mais est-ce que le r.oi David si je n'avais pas étendu mes mains en avant. Mes
ne l'était pas aussi et Dieu a pard.onné à ses larmes. .ongles se cassèrent et je fus de n.ouveau précipité dans
Et Mad~leine, l.orsqu'elle se prosternait à vo~ pieds l'eau pr.of.onde. Je voyais nettement le danger de me
et il a été pardonné à son repentir. Et Pierre, et cepen- noyer, mais la pensée qu'une demi-heure auparavant
dant Vous avez pard.onné à ses pleurs. Auj.ourd'hui je m'étais .offert en sacrifice à Dieu me fut une douce
c.ons.olàtion. Je suis donc en règle, pensai-je en moi-'
aussi elles' sont vraies, les paroles dites à v.otre sujet
même et je sentis que ce serait de la lâcheté de me
par le r.oi pénitent : « Seigneur, V.ous ne mépriserez
rendre aussi facilement. Ayant retrouvé entièrement
pas un cœur contrit et humilié» (Psaume L, 19).
ma présence d'esprit, de toutes mes f.orc~s je m'écartai
La c.onfessi.on est réellement une grande délivrance. de ce r.ocher dangereux et je nageai vers la pleine mer
c) Mais elle est enc.ore autre ch.ose : une soupape de .où je fus h.ors ~e péril et pus attendre la petite barque
32 LE' SYMBOLE DES APôTRES LA RÉMISSION DES PÉCHÉS 33
de sauvetage. J'avais déjà été plusieurs fois en danger Voilà les relations indéniables qui existent entre la
de mort, mais jamais je ne serais parti dans l'autre confessIon et la santé.
monde aussi satisfait et aussi heureux » (Friedrich,
e) A celui qui a bien réfléchi sur ces choses on n'est
Vie d'Étienne Széchenyi, l, 71).
pas obligé de lui commander d'aller se confesser,
Un tel état d'esprit met en vive lumière ce passage
on n'est pas obligé de l'encourager davantage à aller
bien connu de la Sainte Écriture : « De même que par
se confesser fréquemment, car c'est avec joie qu'il
un seul homme le péché est entré dans le monde, et
cherchera l'occasion de purifier de ' plus en plus souvent
par le péché la mort ... de même la mort a passé dans
son âme.
tous les hommes, parce que tous ont péché n (Romains, ,-
,:
v, 12). Suivant la Sainte Écriture, la cause de la mort, a) L'Église prescrit, comme minimum, que tous
.'
'" la cause de toutes les souffrances, de tous ' les maux, les fidèles s'approchent du sacrement de pénitence
J de toutes les maladies,' c'est le péché. Mais s'il est vrai ' au moins une fois chaque année.
Quelle douleur de voir qu'il y a encore des hommes
que le péché est la source de la maladie, il doit aussi
être vrai que la rémission des péchés est la source de la pour lesquels c'est encore trop et qui n'observent
santé. C'est le péché qui donne naissance à l'inquiétude pas cet ordrel
qui ronge les âmes, c'est la rémission des péchés qui « Dites-moi, avez-vous fait cette année votre confes-
apaise cette inquiétude. Si le péché est le ver qui ronge sion pascale?
l'arbre de l'âme, la rémission des péchés est la rosée - Sûrement non. Vous savez, la confession m'agite
qui fait fleurir l'arbre de l'âme. Si le péché produit toujours beaucoup. '
une psychose morbide et la neurasthénie, le confes- - Elle vous agite? Et quand vous vous êtes
sionnal est un cabinet de psychothérapie de premier refroidi, qu'est-ce que vous faites?
ordre. S'il est vrai que la neurose n'est essentiellement - En voilà une question. Qu'est-ce qui vous passe
pas autre chose qu'un déséquilibre du système nerveux, par l'esprit? Qu'est-ce que je fais? Je prends une
alors nous comprenons que le pécheur tombe si aisé- tasse de thé bien chaud et j'avale un cachet d'aspirine.
ment dans cè'trouble maladif, car l'Écclésiaste disait , - Dites-moi, cela ne vous agite pas?
déjà: « Craignez Dieu et observez ses commandements, - Et comment?
car c'est là tout l'homme n (XII, 13). Celui qui n'observe - Eh bien, vous voyez! Pour vous débarrasser d'un
pas les commandements de Dieu ' n'est, donc pas un
~
rhume, vous êtes prêt à prendre un excitant; mais
: homme « total Il, un homme « bien portant n; en revanche
1 pour vous débarrasser du péché, vous ne voulez pas ...
'1 celui qui se confesse souvent et joyeusement ne peut Du reste j'ai un moyen sûr pO\lr que la confession
:1 .
pas avoir l'âme aigrie, ne peut pas être pessimiste. ne vous excite pas: n'allez pas vous confesser une seu~e
MES FRÈRES,
i'
Depuis que le premier couple humain est tombé
dans le péché, l'histoire de l'humanité n'est plus que
le désir ardent de l'affranchissement du péché" de la
purification. Quand nous étudions l'histoire de l'anti-
quité, nous avons le cœur se!ré en voyant comment
les païens, les hommes d'avant le Christ cherchaient
cet affranchissement -du péché. Comme ils faisaient
de nombreuses ablutions, comme ils immolaient leurs
plus beaux animaux, comme ils allaient jusqu'à brûler
leurs propres enfants, pour se réconcilier avec la
divinité offensée.
Et ce que l'homme avait toujours èherché, mais
n'avait pu trouver, devint une réalité bénie dans le
christianisme. Le péché est une offense, une révolte
si . monstrueuse contre Dieu que l'homme laissé à
lui~même n'aurait jamais pu le réparer par ses propres
forces; mais \ le Fils de Dieu est venu : parmi nous;
LE SYMBOLE DES APÔTRFS LE SACREMENT DE PÉNI1'liNCE 39
par sa mort Il a vaincu le ,péché et celui qui devient
participant des mérites du Christ est pour ainsi dire
"
1
vainqueur du péché, purifié du péché : Dieu lui a
pard<J,Pné ses péchés.
C'EST LE CHRIST QUI A INSTITUÉ fLA CONFESSION.
Le péché est un malheur si intolérable, un tourment
si torturant, une malédiction si angoissante que l'homme
respire involontairement, lorsqu'il entend parler de La confession est nécessaire pour obtenir le pardon
pardon des péchés et qu'il répète de tout cœur cet du péché, car c'est la volonté de Notre-Seigneur
article de notre foi: « Je crois à la rémission des péchés ». Jésus-Christ qui a institué le sacrement de pénitence.
Mais pour obtenir la rémission des péchés il faut A) Notre-Seigneur Jésus-Christ est mort pour nous
remplir certaines conditions, il faut la réception du il y a 19 siècles et par sa mort Il nous a rachetés du
sacrement de pénitence, - et c'est là que certains péché. Mais immédiatement se pose cette question :
se mettent à critiquer sans comprendre. Pourquoi Comment actuellement puis-je participer au trésor de la
n'admettrais-je pas la rémission des péchés? Seulement rédemption que le Christ a amassé pour le monde par
je voudrais discuter avec Dieu, en tête à tête ses souffrances? Quels sont les moyens qui amèneront
avec Dieu et non , pas me confesser. Non, non; pas dans mon âme les 'mérites de la Rédemption?
cela, me confesser! C'est un devoir malaisé. Un geste a) Le premier de ces moyens est le baptême. Quand
,
l"
,. superflu. Je n'en vois pas la nécessité. nous recevons le baptême, nous devenons d'une
Nous allons donc tâcher dans le sermon d'aujourd'hui manière mystérieuse membres du corps du Christ
de répondre à ces deux questions : La confession est- et en considération de Ses mérites, Dieu nous pardonne
elle réellement nécessaire pour obtenir la rémission tous nos péchés.
de ses péchés? Le Christ a-t-il réellement institué Mais le Sauveur savait bien que l'homme tombe
la confession? Et nous verrons que 1. Notre-Seigneur facilement. Il savait qu'après le baptême nous aurions
Jésus-Christ a réellement instit~é la confession. II La ' de nouveau besoin d'un moyen pour effacer le péché
confession répond éminemment à la nature humaine et et c'est pourquoi Il a donné un autre pouvoir à ses
III. Elle est un véritable bienfait pour, l' humanité~ apôtres: le sacrement de pénitence, où par l'entremise '
du confesseur nous obtenons le pardon de nps péchés.
b) « Mais pourquoi un intermédiaire? - pourrait-on
dire. "Dieu ne pourrait-Il pas aussi bien ' ''pardonner
les péchés, si je m'en repentais en moi-même dans le
silence? Ou bien si nous nous réunissions à l'église et
,.
1 i
,
"II récitio~s des paroles de repentir? Pourquoi l'intermé- 1 B) Celui qui connaît l'Évangile ne peut douter un
diaire d'un prêtre? Pourquoi la confession au prêtre? » seul instant que Notre-Seigneur Jésus-Christ a réellement
Eh bien 1 demandez-le à Notre-Seigneur! C'est institué le sacrement de pénitence pour la rémission des
Lui qui en a ainsi décidé. Demandez-Lui pourquoi! péchés;
N'est-il pa~ tout naturel que la partie offensée décide a) Comme il est émouvant le moment où Notre-
la manière 'dont il faudra lui rendre raison. Seigneur Jésus-Christ le jour de sa résurrection, au soir
Je ne me confesse pas à un prêtre - disait un jour de Pâques, apparut pour la première fois à ses apôtres!
un homme à son épouse qui voulait le décider à se Quelles seront les premières paroles qu'Il leur adres-
confesser. sera? Quel sera l'important message qu'Il va éommu'"
Moi non plus - répondit doucement la femme. niquer à l'humanité après sa résurrection?
Toi non plus? Mais tu vas te confesser tous les mois Les Évangiles décrivent en détail cette scène où
à un prêtre. le Sauveur confère aux apôtres le pouvoir de remettre
Et toi, tu ne vas peut-être pas tous les jours au télé- les péchés. ,
phone? Mais est-ce au téléphone qùe tu parles de « La paix soit avec vous )l - tel est le salut du Màître
tes affaires ou bien à ceux à qui tu téléphones? Je à ses apôtres. « La paix soit avec vous ». La paix que
vais de la même manière me confesser au prêtre : il je veux donner aux âmes, je veux la leur donner par
n'est que le remplaçant, le représentant, l'instrument. la rémission des péchés. Et Il leur montre ses plaies;
Et Dieu a le droit de déterminer cet instrument. Si Il veut par là les avertir de .relever les pécheurs avec
tu ne veux pas avoir ' recours à cet instrument, tu te le même amour qu'Il 'a Inontré par sa mort.
feras du tort à toi-même, exactement comme si tu ne Puis Il leur dit : « Comme mon Père m'a envoyé,
voulais pas te servir du téléphone. moi aussi je vous envoie» (S. Jean, xx, 21).
C'est vrai, Notre-Seigneur Jésus-Christ pourrait Avez-vous entendu, mes frères? De même que le
nous faire participer directement aux mérites de la Père a envoyé le Christ, Lui aussi envoie à présent
Rédemption. Mais Il ne l'a pas voulu. Ni dans la les apôtres. Or nous savons comment et pourquoi le
rémission des péchés ni ailleurs. Et n'est-ce pas un Père L'a envoyé. Notre-Seigneur Jésus-Christ s'est
procédé singulier que quelqu'un ne se confesse pas, en effet appliqué les paroles suivantes d'haïe: « L'Esprit
mais s'arrange « en tête à tête » avec Dieu? alors du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré
pourquoi ne pas se baptiser soi-même? Pourquoi par son onction, pour porter ' la bonne nouvelle aux
faut-il le prêtre? Pourquoi faut-il un ministre de la pauvres, et il m'a envoyé guérir ceux qui ont le cœur
confirmation? Et il n'en faudrait pas pour le sacrement brisé » (S. Luc, IV, 18). Et c'est p'our cela qu'Il envoie
de pénitence? à présent les apôtres.
l,
, 1
'II
LE SYMBOLE DES APôTRES LE SACREMENT DE - PÉNITENCE 43
~
« Après ces paroles, il .soufRa sur eux et leur dit : sur nous: « Ego te absolvo a peccatis tuis », « je t'absous
Recevez le Saint-Esprit. Ceux à qui vous remettrez de tes péchés », retentit comme un écho dans le ciel :
leurs péchés, ils leur seront remis; et ceux à qui vous « Tes péchés te sont remis ».
les retiendrez, ils leur seront retenus» (S. Jean, xx, b) Cependant -:- pourrait-on dire - il n'est nullement
22-23)· question ici de confesser ses péchés, mais seulement de
, Aurait-Il pu parler plus clairement? Il Y a dans la leur pardon. Où est-il ordonné de se confesser?
Sainte Écriture des phrases difficiles à comprendre Or la confession est réellement comprise dans ces
et qu'il faut expliquer, - mais il ne s'y trouve peut-être paroles QU Christ : « Ceux à qui vous remettrez les
pas un passàge plus clair que cel~i-ci. péchés .. : », « ceux à qui vous les retiendrez ... » Cela
Ces paroles sont si connues, on les a si souvent veut dire : examinez les pécheurs pour chaque , cas
entendues, - cependant comme on pourrait' les particulier. Ne leur donnez pas aveuglément l'abso-
méditer 1 Les méditer et - les admirer. Oui, les lution, mais suivant les dispositions d'âme de chacun
admi,rer~ Car - humainement parlant - on ne les en partiéulier. Dans des circonstances extraordinaires,
pouvait vraiment pas attendre du Christ ressuscité. les souverains proclament une amnistie; mais elle
Qu'aurions-nous attendu, humainement parlant, du n'est pas accordée aveuglément à chacun; on · examine
Christ qui avait triomphé de ses ennemis et apparaissait à fond les dossiers des coupables et leurs dispositions
pour la première fois dans l'éclat de sa victoire sur actuelles, leur conduite en prison, leur repentir, leur
la mort au milieu des apôtres craintifs et démoralisés? dessein de s'améliorer ... Notre-Seigneur Jésus-Christ
Qu'aurions-nous attendu? Qu'Il parlât avec un enthou- publie continuellement une amnistie, mais Il confie
siasme de triompllateur, car Il était de nouveau en vie, à ses prêtres le soin d'examiner et de déterminer ceux
car le ,mal ne Uavait pas vaincu. Nous aurions attendu qui en sont dignes.
qu'Il ouvrît la bouche pour prononcer des paroles Et il ne suffirait aucunement de réciter en commun
de vengeance et de châtiment : Maintenant tremblez, et en public le « Je confesse à Dieu» : « Nous recon-
Pilate, Hérode, Caïphe, peuple pervers et vous naissons que nous sommes pécheurs; Seigneur, par-
pécheursJ ... donnez-nous 1 li Ce n'est réellement pas suffisant '
Oui, - c'est àinsi que nous aurions pensé. Et le pour prononcer un jugement. Les apôtres devaient
Christ vainqueur ouvre en effet la bouche et prononce rendre une sentence : ou bien pardonnez les péchés
« sa vengeance » : « Les péchés seront remis à ceux à ou bien ne ,le fai,tes pas. Mais on ne.~ peut le faire
qui vous les remettrez .». Voilà la vengeance sublime consciencieusement"qu'en jetant un coup d'œil dans
du Christ victorieux. Et depuis, chaque fois qu'un les âmes. Si le Christ n'avait donné à ses apôtres que
prêtre lève les mains et fait un signe de croix en disant le pouvoir de pardonner les péchés, alors il aurait suffi
dl
l"'
I
ri
"
i En effet le cœur humain désire soulagement et
apaisement en s'épanchant et en se confiant à d'autres.
conseil d'aller me confesser ». Le 17 février 1817 il fit
devant le curé de Sainte Hedwige à Berlin une confes-
, Quelle chose terrible que de porter en secret un lourd sion générale. Après la confession le prêtre embrassa
fardeau l ,II Y a de quoi en perdre la raison. son péniten~ qui avait les larmes aux yeux et dont la
N'avez-vous pas entendu parler de ce meurtrier confession avait fait un homme nouveau : le désespéré
qui après de longues années s'est présenté de lui-même devenait le chantre enthousiaste des souffrances du
au commissariat de police : « Je suis un assassin. Mais Christ.
je n'en puis pl~s. Faites de moi ce que vous voulez ll. Autrefois on accusait la confession' d'être « un .
A l'occasion d'une visite de malade, Gœthe disait: chevalet de torture ll, urie (( chambre de supplice »,
« Autrefois (c'est-à-dire: au temps du catholicisme) une (( boucherie spirituelle ». Mais aujourd'hui les
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE SACREMENT DE PÉNITENCE 47
constatations psychologiques les plus modernes pren- a) Sans doute, l'aveu de nos péchés est toujours
nent la défense de la confession et louent hautement une tâche difficile et pénible, mais n'oublions pas les
la divine pédagogie de l'Église catholique. nombreux avantages qui en découlent. Ainsi par exemple,
En effet n'est-ce pas l'honneur du catholicisme dans cette confession obligatoire de nos péchés se
d'avoir fait une obligation de confesser au prêtre les trouve une force qui nous détourne du péché. Dans bien
péchés, qui pèsent d'un si grand poids sur nos âmes" des tentations nous trouvons l'énergie de résister, en
et cela des siècles avant que la psychologie moderne nous disant : Je ne le ferai pas, car il me serait pénible
n'ait connu l'existence de ce fait. de le confesser.
Quel fait? Ensuite l'homme est toujours favorablement disposé
Que les événements et les secrets importants com- pour lui-même. Quel bienfait que je puisse découvrir
primés au dedans de nous sont comme des bêtes les plaies de mon âme à quelqu'un - àun père spirituel
féroces enfermées dans une cave qui rugissent dans versé dans les choses de l'âme et obligé . au secret
les profondeurs de notre · âme, la rongent et nous jusqu'à la tombe - , qui sait juger impartialement et
ëonduisent à une dépression nerveuse totale, et que indiquer les défauts qui commencent et peuvent plus
nous ne pouvons pas retrouver le calme, tant que nous tard revêtir un caractère dangereux ou bien m'avertir
,f
ne les avons ,pas communiqués à d'autres. sérieusement de la nocivité de telles habitudes que le
jugement indulgent de l'amour-propre nous montre
entièrement innocentes.
N'oublions pas non plus que l'humiliation qui
III
accompagne l'aveu du péché est une partie de la péni-
tence et de la satisfaction.
LA CONFESSION EST UN GRAND BIENFAIT POUR L'HUMANITÉ
({ Je n'entrerai pas dans la chambre de torture qui
s'appelle le confessionnal» - disent les gens super-
Mais s'il en est ainsi, alors nous avons le droit, en ficiels. Mais n'est-il pas curieux que ceux qui parlent
nous appuyant sur cette constatatioI). de la psychologie ainsi ne vont justement pas se confesser. Or ils ne
la plus moderne, d'affirmer, que la confession est un sont pas 'qualifiés pour juger de ce qu'ils ne connaissent
grand bienfait -pour l'humanité. A) Un bienfait pour pas. Si ceux qui se confessent fréquemment. parlaient
l'individu, et B) ' un bienfait pour la société. ainsi, je pourrais les croire. Mais précisément ceux-ci
A) La confession est d'une telle utilité spirituelle pour jugent autrement. Pour eux, la confession n'est pas
l'individu que nous devons en être profondément un supplice, mais le geste le plus saint, le plus profond,
reconnaissants à notre sainte religion. le plus bienfaisant pour leur âme. Elle est réellement
LE SYMBOLE DES APôTRES LE SACREMENT DE PÉNITENCE 4-9
, '
B) Mais la confession n'est pas seulement un
le renouvellement quotidien de la légende du crucifix
de Würzbourg. bienfait pour l'individu, elle l'est encore pour toute la
b) Il y ' a dans une église de Würzbourg un crucifix société. , '
remarquable. Les bras du Sauveur en croix ne sont a) Le symptôme le plus alarmant qui . se rencontre
pas étendus, mais avancés et joints. Voici ce que la dans l'homme d'aujourd'hui c'est que chez lui la
légende raconte au sujet de ce crucifix. Lorsque les conscience de sa culpabilité s'est obnubilée en même
Suédois prirent Würzbourg et commencèrent le temps que s'est affaibli le dçsir de la purification.
pillage, un soldat pénétra de nuit dans l'église et voulut Depuis qu'a eu lieu le péché du premier couple humain,
enlever de la tête du Sauveur sa couronne d'or. Mais tous les hommes - la Vierge Marie exceptée - ont
qu'arriva-t-il? Les bras du Christ se détachèrent de la péché. Personne parmi nous ne peut dire: ' Je suis pur '
croix, entourèrent le misérable et le tinrent fortement. de tout péché. La question décisive est donc de savoir
Le lendemain matin on trouva le malheureux dans si l'on se sent pécheur, si l'on est convaincu de sa
les bras du Sauveur, le visage baigné de larmes, le culpa,bilité, si l'on s'en inquiète et si l'on voudrait
cœur plein de repentir. Il rentra en lui-même, fit s'en affranchir. 1
pénitence et devint catholique. Et si le monde actuel sait encore ce que c'est que
Mais ce qui n'est qu'une légende se réalise jour le ' péché, ce que c'est que l'examen de conscience,
pour jour dans la confession par la miséricorde de ce que c'est que la contrition, ce que c'est que la
Dieu : Il prend le pécheur dans ses bras et ne le lâche satisfaction, i~ le sait par notre sacrement de pénitence.
pas, tant qu'il ne se convertit pas, tant ' qu'il ne lave pas Le confessionmtl sera un jour ou l'autre le seul rempart
ses péchés dans ses larmes. . de la morale chrétienne, le défenseUr de l'indissolubilité
Il n'y a pas de confesseur qui n'ait vu une fois dans du mariage, du droit de l'enfant à la vie, de la pureté
S;.l vie cet instant grandiose où un homme qui ne se
des mœurs, de l'innocence de la jeunesse. En vérité
confessait plus depuis ' longtemps, depuis des années, il n'y a pas d'exagération à soutenir que l'état, la
des dizaines~d'années, se décide enfin sous le coup de collectivité, la société, la vie humaine doivent leur
la souffrance, à l'occasion d'un deuil ou d'unè-'mission, plus précieuse valeur morale à la force vivifiante et
à se confesser et s'agenouille au confessionnal, le cœur moralisatrice du confessionnal.
battant bien fort ... niais dès que cette bouche longtemps b)"Ah! si tous les hommes allaient à confesse, comme
fermée s'ouvre pour l'aveu de ses fautes, les larmes la société ne serait pas menacée par le bouleversement
de repentir se mettent à couler et quand à la fin de sa . et le désordre des esprits dans lesquels elle se traîne
confession il se relève, il lui ' semble que son cœur va actuellement. L'âme humaine a des profondeurs et
éclater de joie: Dieu soit béni de m'avoir fait cette grâce. des abîmes effrayants, dont l'obscurité et la saleté ne
LA BONNE CONFESS'I ON
MES FRÈRES,
,1
'. ~J. '
,.
58 LE S1'lVIBOLE DES APÔTRES LA BONNE CONFESSION 59
l'histoire, le passé; le présent, des millions de pénitents Songez au Sauveur inondé de sang et dites-Lui au
agenouillés_ avec un cœur bien humble disent le confessionnal: Mon Père, voilà ce que j'ai été jusqu'à
contraire. présent: faible . instable, insupportable, hideux, pécheur
Dites-moi, pouvez-vous maintenant vous' agenouiller - mais maintenant élevez-moi vers Vous pour que
avec foi, avec une foi qui repose sur la miséricorde je puisse être désormais fort, persévérant, patient,
d~ Christ pardonnant les péchés? saint: pour que je puisse être votre enfant à l'âme
Oui, je veux essayer. pure et heureux.
Celui qui sait se confesser ainsi est sûr d'avoir la foi,
d'avoir l'humilité et d'avoir la contrition: car sans la
Il
contrition il n'y a pas de pardon.
B) Et ne craignez Tien de cette attitude humble et
IL FAUT SE CONFESSER AVEC CONTRITION.
repentante pour votre prestige, votr~ situation, votre
dignité.
M ais alors agenouillez-vous au confessionnal avec Le 7 février 1934, après quarante-huit années de
un cœur rempli de contrition. Oui, nous nous confessons fonctions, prenait sa retraite le Dr Victor Westermayer,
à genoux et non pas debout, car la position à genoux président de Chambre àla cour de cassation de Buda-
est un geste de demande du pardon et de contrition. pest. Le discours d'adieu qu'il adressa à ses collègues
Cependant ne craignez pas que la confession soit du tribunal devrait être affiché pour servir d'exemple
A) difficile ou bien B) humiliante. . dlllS tout le pays. Permettez-moi de vous enlire quelques
A) Quand vous allez vous confesser, rappelez-vous phrases.
l'amour et les souffrances du Christ qui nous ont procuré « Aujourd'hui j'ai présidé pour la dernière fois la
le salut et que cette pensée allume en vous la flamme séance du tribunal ... Notre tribunal, au cours dès
} .".
du repentir. huit années que j'ai passées avec v~us a défendu
Quand vous allez vous confesser, songez à la Passion l'institution du mariage et sa dignité ~àcrainentelle,
et au sang du Christ; au sang que les affres Cie l'agonie et partout où il en a été besoin, a puni impitoyablement
ont fait couler sur le visage du Sauveur au jardin des l'immoralité, - placé la dignité de la femme vertueuse
Oliviers; au sang qui a jailli de son front sous la couronne sur le haut piédestal , qui lui convient, fortifié les lois
d'épines; au sang que les coups' de fouet ont fait ruis- divines et humaines qui règlent l'amour des parents
seler sur ses épaules; au sang que les clous ont fait et des enfants, déclaré la guerre aux idées légères et
sortir de ses mains et de ses pîeds; au sang qui s'est frivoles, offert une protection puissante à la femme
échappé comme un torrent de son Cœur grand ouvert. vertueuse contre la séduction. Je remercie le Tout-
",
60 LE SYMBOLE DES APÔTRES
61
LA BONNE CONFESSION
jambe qui vinrent un jour se faire soigper par le médecin. - Tu as dérobé quelque chose? Qu'est-ce que tu
Le traitement n'allait naturellement pas sans douleur. leur as dérobé?
L'un gémissait très fort quand on lui massait sa jambe, - La honte. L,orsqu'ils voulaient commettre le
\
62 LE SYMBOLE DES APÔTRES LA BONNE CONFESSION
péché, je la leur ai ôtée, pour qu'ils n'aient pas honte à voix basse, pour que personne n'entende, et en même
.0 .••• de le fait e; mais à présent, je la leur rends, pour qu'ils temps Il impose au confesseur le secret le plus rigoureux
aient honte de le confesser. tel qu'il ne puisse jamais dire à personne une syllabe des
Mes frères,~ faites attention ce n'est malheu- péchés qu'on lui a accusés.
reusement pas une légende, mais une réalité qui se b) Et Notre-Seigneur veille avec un soin merveilleux
produit facilement. sur l'intégrité du seCret de la confession. Car c'est ainsi
C'est vrai : l'aveu' de ses péchés est réellement un seulement qu'on peut comprendre qu'on n'ait jamais
exercice d'humilité et une tâche désagréable, mais le entendu dire qu'il ait été violé.
confesseur le sait bien et dans son cœllr s'éveille un Les prêtres sont aussi des hommes et ils ne restent
amour qui comprend, lorsqu'il voit la crainte et pas exempts des faiblesses de la nature humaine.
l'angoisse du pénitent. En effet, plus grande est la Lorsqu'on devient vieux, on devient facilement comme
crainte du pénitent, plus grand doit être l'amour du un enfant qui jase et bavarde, - mais personne ne peut
confesseur. Et ce sentiment d'angoisse a aussi Une montrer un prêtre qui dans son grand ,âge aurait
valeur : il est le signe de notre repentir, de ce que blessé le secret de la confession.
maintenant la malignité de nos péchés se manifeste Le prêtre aussi peut être victime du sort, son esprit
clairement enfin à notre conscience. ' peut s'obscurcir et il peut être envoyé dans un asile
B) Mais pour ne pas nous rendre trop difficile la 'd'aliénés, - mais ici aussi on ne peut pas en trouver
sincérité totale, la parfaite franchise qu'exige h con- un seul qui, dans son état de démence, ait blessé le
fession, l'Église par un sentiment de grande délicatesse, secret de la confession.
'.
prescrit ~ confesseur par le sceau du , secret sacra- Un prêtre peut être .victime de la plus épouvantable
m,!nteZ, 'un silence total, un silence de tombe, tel que tragédie : il peut perdre la foi, la moralité et le Christ
le monde n'en connaît pas de semblable. ,\ et comme Je traître Judas devenir apostat; mais même
, a) En effet, si Notre-Seigneur avait déclaré qu'on alors on n'en connaît pas un qui soit tombé assez bas
ne pourrait être absôus de ses péchés qu'après les avoir pour avoi~ abusé des secrets jadi~ confiés en confession.
'confessés à haute 'voix devant les fidèles en pleine église, En vérité, Notre-Seigneur Jésus-Christ veille avec
c'eût été une exigence pénible 'et douloureuse, mais un soin particulier à la sauvegarde du sceau de la
on la comprendrait: il s'agit d'être délivré de ses péchés. confession, afin que nous ayons tous le courage de
Pourtant Notre-Seigneur Jésus-Christ dans sa parler avec franchise.
délicatesse 'n'a pas voulu nous mettre à si lourde
épreuve. Il demande seulement que nous disions tout
avec \ franchise à un seul homme, et cela doucement,
l,
.il
Symb. d. Ap. - T . VI 5
..
66 LE SYMBOLE DES APôTRES
LA BONNE CONFESSION
« Je le veux, sois guéri)). Et à l'instant sa lèpre fut guérie. lave, il brûle, il purifie, il fortifie, il embellit mon âme
Alors Jésus lui dit: «... va te montrer au prêtre)). D'après qui lutt~ . mon âme lasse et déchirée.
la loi de Moïse, on amenait aux prêtres les malades Puis je me lève et j'éprouve une sensation de joie
soupçonnés de lèpre, pour que, s'ils les trouvaiep.t infinie, de soulagement et de bonheur. C'est comme
réellement lépreux, ils les missent à l'écart des gens si un rocher immense s'écartait de moi. .
bien portants; par contre si un de .ces malades guéris- Peut-êl:!e ,qu'au dehors c'est l'hiver rude et glacé, _
sait, le prêtre devait ~galement constater s'il pouvait mais dans mon âme brille un rayon de soleil de mai.
retourner parmi les hommes et après certaines céré- Peut-être qu'au dehors il fait nuit noire - mais
monies, il était rendu à la société des gens en bonne dans mon âme se lève l'aube d'une vie nouvelle.
santé. Je m'agenouille sur un banc de l'église, je plonge
« Va et montre-toi au prêtre Il, - Notre-Seigneur _ mon front dans mes mains et mon âme inondée de
a certainement promulgué cette loi dans un sens plus bonheur ne peut que balbutier ces quelques mots :
,haut, plus noble, plus spirituel dans le Nouveau Je vous remercie, Seigneur, de m'avoir purifié. Je vous
. Testament, lorsqu'Il a institué le sacrement de péni- remercie, Seigneur, de nous avoir donné la sainte C()n-
tence. « Seigneur, si Vous le voulez, Vous pouvez me fession. Amen.
purifier )), - c'est avec une âme pleine de foi et d'humi-
lité que nous nous agenouillons en confession devant
le représentant du Christ. Et le Seigneur a voulu
que nous montrions notre âme malade au prêtre par
un aveu sincère de nos fautes. Et il élève sur nous la
'main, comme le Christ l'a fait sur le malade, mais
. i il ne dit pas ce que Notre-Seigneur a dit: « Je le veux,
soyez purifiés Il, mais après l'aveu des péchés il dit :
« Que Notre-Seigneur Jésus-Christ vous absolv:e et
moi je vous absous en veltu de Ses pouvoirs au nom
du Père et du Fils et du Saint-Esprit »'"
Aussi quand je me confesse, le monde entier disparaît
autour de moi, je ne vois ni l'église ni le confessionnal
ni le prêtre qui y est assis ' - je suis uniquement devant
le Christ : je lui dis mes péchés, j'écoute ses paroles,
. je lui ouvre mon âme et son sang coule sur moi, il
« ET vous, POURQUOI NE vous CONFESSEZ-VOUS PAS? li 6<)
1
~ Ici ou là vit quelqu'un qui occupe une haute situation:
il est père de quatre gentils enfants, c'est un homme
des raisons 'pour ne plus aller seconfesser.
QueUes raisons?
'h d'action éminent, il a une belle vie de famille, tout Celles dont je vais parler à présent. Car -:- malheu-,
le monde le respecte ~omme fonctionnaire distingué, reusement - il n'y a pas qu'une âme aussi glacée
comme patriote enthousiaste et comme père de famille pour vivre parmi nous. Il y a des hommes qui pour rien
dévoué. au monde ne renieraient leur foi catholique, - mais
Toute la famille est catholique, les enfants sont ne vivent pas en conséquence. Des hommes qui '
particulièrement pieux. Le père tient beaucoup à une viennent à l'église, font leurs prières, n'ont peut-être
éducation irréprochable. Le vendredi la viande ne pas de péchés graves, - mais ne se confessent pas,
paraît pas sur la table, le dimanche. on va ense~ble parce qu'ils sont écrasés par le poids de l'atmosphère
à la messe, avant les repas on fait le slgne de la cro.lx .... glaciale d'un monde qui depuis des dizaines d'années
;; mais il y a un mystère que personne n'a encore éclalrcl : se moque de la religion.
~: ce père de famille ne s'est plus confessé depuis 23 ans, Dans les trois sermons précédents il a été question
depuis son ' mariage. C'est un ?on époux, ft< un ~ère de la confession, mais je parlais à ceux qui ont l'habitude
dévoué, un excellent fonctionnalre, un homme lrré- de se confesser. J'adresse l'instruction d'aujourd'hui
prochable, il se dit lui-même catholi~ue, . -: mai~ il . à ceux qui n'ont plus l'habitude de se confesser.
ne s'est pas confessé depuis 23 ans et n a pas 1 mtentlOn
LB SYMBOLE DES APÔTRES « ET VOUS, POURQUOI NE VOUS CONFESSEZ- VOUS PAS? " 71
Je vous en supplie de tout' mon cœur, mes frères années circule en guenilles et avec des souliers crottés
qui m'écoutez à la radio et qui depuis longtemps ne n'éprouve pas le besoin de se donner un coup de brosse.
vous êtes pas confessés, réfléchissez tranquillement oc Pourquoi irais-je à confesse, puisque je n'ai ni tué
avec moi à l'inanité de toutes vos objections, de vos ni volé? )) ,Mais lisez seulement ce que l'Évangile écrit
r
prétextes et de vos excuses. Réfléchissez avec moi à du mauvais riche. Il mangeait, il buvait, il était orgueil-
tout cela, et ,finalement vous aussi vous irez de nouveau leux et impitoyable, - et pas autre chose. Il n'avait
vous confesser. ni tué ni volé; on dirait aujourd'hui: c'était un hono-
rable gentleman. Et finalement? « Le riche mourut
et fut précipité en enfer )) (S. Luc, XVI, 22). Pourtant
1
il n'avait ni tué ni volé. Et l'enfant prodigue d'une
autre parabole de Notre-Seigneur" avait-il tué ou
'! JE N ' AI PAS DE PÉCHÉS ) .
volé? (S. Luc, XV, 11 - 32). Non. Et sont-ils aussi des
assassins ceux qui n'ont pas donné à manger et à boire
Tout 'd'abord il me faut songer aux hommes qui aux pauvres de Jésus-Christ et entendront pourtant
proclament d'eux-mêmes, qu'ils - ne sont pas des ! au jour du Jugement: « Retirez-vous de moi, maudits ))
hommt';s . En effet c'est à peu près ce que signifie ce (S. Matthieu, XXV, 41).
qu'ils disent: « Moi, je ne vais pas me confesser, car B) Le cœur humain se trompe si facilement/ Je me
qu'est-ce que je confesserais, pùisque.le n'ai pas de péchés? flatte, et je rêve que je suis bon. Mais si on s'examine
Je n'ai ni tué ni volé )). sincèrement, alors que de taches, de défauts, d'imper-
A) Mes frères, « Vous n'avez pas de péchés? )) fections, de péchés! Que d'orgueil et de vanité, que
Vous n'êtes donc pas des hommes? Car personne - d'arrogance et de ' manque de cœur, que dé caprices,
sauf la Vierge Marie - pourrait parler ainsi. d'entêtement et de susceptibilité, que de brusquerie
« Pas de péchés?)) Vous n'êtes donc pas des hommes? et d'égoïsme! Peut-être ne faisons-nous pas de péché
Car si vous étiez des hom mes, elle vaudrait aussi pour (grâce à Dieu) par méchanceté, mais combien par
VO US cette constatation d~ saint Jean: « Si nous disons ,faiblesse 1 Que de sautes d'humeur, d'ombrage, de
que nous sommes sans péché, nous nous trompons jugements téméraires, que de coups d'épingle -
nous-mêmes, et la vérité n' est pas en nOUSl) (le S. Jean, c'est-à-dire de péchés de la langue 1
l, 8). « "Je ne · connais pas le cœur d'un scélérat, mais
. « Pas.,de péchés 1 li Sans doute, quand quelqu'un
seulement celui d'un honnête homme, et c'est affreux )),
1
ne s'est pas confessé depuis des années, il croit facile- - a dit quelqu'un et combien il avait raison! Ah!
si nous voulons être sincères, il nous faut dire chaque
1~1
ment qu'il n'a pas de péchés. Celui qui depuis des 1··
r
LE SYMBOL,E DES APôTRES « ET VOUS, POURQUOI NE vous CONFESSEZ- VO US PAS? lt 73
jour: : Mea culpa, mea culpa. Oui, je l'avoue, j'ai A) Qui a inventé la confession, quel est l'homme qui
péché, j'ai beaucoup péché. a fait cette invention? Ne voyez-vous pas que si la
Nous vivons dans une atmosphère délétère, notre confession était une invention humaine, !l y a longtemps
, cœur est une éponge, notre sang est gâté, nos pensées qu'elle aurait disparu? En effet elle est si pénible,
1 sont impures, la flamme de la concupiscence brûle si désagréable, si contraire aux inclinations humaines.
l Et que voyons-nous? Elle existe · depuis dix-neuf
:1 , dans nos veines, - et vous dites que vous n'avez
pas de péché? siècles, en dépit des passions humaines. C'est là un
fait inconcevable, incroyable - comment dirai-je? -
II impossible, humainement parlant. Et cependant c'est
ainsi.
« LA CONFESSION EST UNE INVENTION HUMAINE ». « Un homme a inventé la confession? » Dites-moi
son nom, je vous prie. Un homme aurait eu l'idée
- Eh bien 1 je ne parlerai pas ainsi. Je reconnais d'exiger pareille chose? Imaginez seulement ce qui
devant Dieu que je suis même un grand pécheur. arriverait, si, en ce moment, pour la première fois,
Mais je n'irai pas me confesser. je vous annonçais qu'il faut se confesser. Eh bien!
- Mais vous aviez dit que vous aviez de la religion. je devine quelle serait votre r~ponse. « Ce discours
- J'en ai aussi. Seulement - savez-vous, - pas est dur et qui peut l'entendre? » Et pourtant la con-
au dehors. Je n~err observe pas les rites extérieurs. fession existe et aujourd'hui encore elle est en vigueur.
L'intérieur voilà le principal, et non pas ' les formes « Elle est en vigueur» - non ce n'èst pas le mot qui
extérieures. , convient. Elle est aimée. On se confesse de nos jours
- Vous avez raison : l'intérieur est le principal plus que jamais au cours des dix-neuf siècles d'existence
et non pas les formes extérieures. Mais si vous regardez de l'Église.
comme choses extérieures ce que le Christ a institué Expliquez-moi ce fait, si vous pouvez. Mais si vous
et si vous croyez qu'on peut se sauver sans cela, alors ne le pouvez ' pas, alors , reconnaissez que la simple
pourquoi le Christ est-~i ' venu parmi nous? Or c'est existence de la confession est déjà une certitude qu'elle
Lui qui a institué les sacrements, c'est Lui qui a nous vient du Christ. '.
institué aussi la confession . . « Ce sont les prêtres qui ont inventé la confession )J .
- Non, ce n'est pas Lui qui a institué la confession. Alorseux au moins ne se confessent pas, n'est-ce pas?
Ce sont les pTêtres qui l'ont inventée. - Car ce serait une chose tout 'à fait curieuse que nous
- Ah! Répondez alors à ces deux questions: A) Qui nous prescrivions à nous-mêmes - si cela dépend de
l'a inventée? et B) pourquoi a-t-elle été inventée? nous - un commandement ~ussi pénible. Or les
74 LE SYMBOLE DES APÔ m .ES « ET VOUS, POURQUOI NE VOUS CONFESSEZ-VOUS PAS?» 75
prêtres aussi se confessent. Et les religieux aussi. et pendant des heures l'âme du prêtre est envahie
Et les évêques aussi et les cardinaux également. Le par les flots tumultueux des plus noirs péchés, et il
pape lui-même se confesse comme n'importe quel parle à tous avec charité, il relève ceux qui désespèrent,
autre fidèle de l'Église. il donne des avertissements aux présomptueux, il
B) Mais ici se pose la question suivante : Si les excite les tièdes à se repentir, il écoute d'un cœur patient
prêtres ont inventé la confession, pourquoi l'ont-ils et qui - comprend les lamentations interminables ...
inventée? croyez-moi, mes frères, si cela dépendait des prêtres, .
L'homme d'ordinaire n'invente 'quelque chose que ils n'auraient certainement pas inventé la ~onfession.
pour en tirer profit - c'est clair. Pourquoi ont-ils Je vous en prie de nouveau, ne vous' scandalisez
inventé la confession?, Quel profit en retirent-ils? pas de ce , que je vous dis : si les prêtres avaient dû
Tout d'abord je n'ai pas besoin de vous dire que inventer la confession, il n'yen aurait plus depuis
nous n'en tirons aucun avantage matériel. Jamais longtemps: Oui, ils sacrifient avec joie leur temps et
personne n'a versé même un centime pour se confesser. leur santé à la confession, parce qu'ils savent qu'il
Si la confession n'a pas été inventée pour un profit n'y a pas de tâche sacerdotale plus bienfaisante que
matériel, alors c'est certainement comme « distraction », celle que le Christ leur a confiée dans la confession.
pour « le plaisir » qu'il y a à confesser? Mais certainement il n'yen a pas de plus fatigante.
Ne m'en veuillez pas, mes frères, si je vais vous Et je puis bien dire qu'après quelques heures passées
parler peut-être de façon trop humaine; mais c'est au confessionnal le prêtre n'est pas moins fatigué
s('ulement ainsi qu'on peut montrer clairement l'absur- que le cultivateur qui a labouré un champ.
dité de cette affirmation que la confession a été inventée Et je ne vous ai pas parlé de la confession des malades.
par les prêtres. Que de fois le prêtre catholique est réveillé la nuit
Regardez seulement un confessionnal, peut-il y pour aller confesser un malade 1 Que de refroidis- '
avoir grand plaisir à être assis pendant des heures sements, que ' de maladies chroniques contractées,
d;1ns cette cage 'étroite et mal commode et à écouter pendant les heures de voyage pour aller chez un
pendant des heures avec une attention soutenue malade dans un lointain hameau 1 Que de maladies
le chuchotement de pénitents se confessant à voix contagieuses et que de vies sacrifiées durant ce
basse, quelquefois à peine perceptible, souvent en ministère 1
langue étrangère? Ici dans la capitale, on se confesse (c Ce sont les prêtres qui ont inventé la confession? »
en hongrois, 'en allemand, en français; et ensuite il Ce n~est pas vrai. Ce ne sont pas les prêtres qui l'ont
failt se former une opinion pleine _de respo,nsabilité inventée. Mais quand on dit: « C'est un prêtre qui a
S1.:f les pécves ainsi chuchotés, s'ils sont graves ou non, inventé la confession », c'est la sainte réalité: c'est un
LE SYMBOLE DES APôTRES
« ET VOUS, POURQUOI NE VOUS CONFESSEZ-VOUS PAS?'» 77
prêtre, le seul Grand Prêtre éternel, Notre-Seigneur
pays il y avait un prophète du n;m d'Élie qui faisait
Jésus-Christ qui a pris pitié de nos âmes gémlSsant des miracles et qui certain,ement pourrait guérir la
dans le péché.
maladie de son maître.
Il n'en fallut pas davantage au paavre malade.
III Avec une foule de présents, une nombreuse suite,
des chevaux et des voitures il se mit en route pour
li JE NE ME CONFESSE PAS A UN HOMME ll. aller trouver le prophète. Mais vous pouvez -imaginer
sa déception et son indignation, lorsque le prophète ne /
le fit même pas entrer dans sa demeure, lui, le puissant
' Mais quand quelqu'un commence à s'apercevoir
seigneur devant qui tout le mond~ s'inclinait, mais se
que cet argument est insoutenable, rapidement il a
contenta de lui faire dire: « Va te baigner sept fois
recours à une nouvelle arme : « Je ne vais ' pas me
dans le Jourdain et ton corps retrouvera la santé et
confesser, parce que le prêtre n'est qu'un homme"
sera purifié» (lIe Livre des Rois, V, 10). ,
or moi je ne me confesse pas à un homme. Dieu seul
Naaman, - ainsi s'appelait le général - se fâcha.
peut remettre les péchés, jè ne me confesse donc qu'à
- J'ai eu tort de venir ici. Pour recevoir une
Dieu et non pas à un prêtre qui a peut-être plus de
humiliation pareille. Il n'est même -pas sorti jusqu'à
péchés que moi ».
moi. Et je dois me baigner clans le J ourclain. Comme
A) C'est la Sainte Écriture qui donne la première
s'il n'y avait pas dans mon pays des cours d'eau bien
réponse à celui qui « ne veut pas se confesser à un
plus importants 1 Retournons à la maison.
homme ». Écoutez seulement.
Heureusement que _ses serviteurs furent plus pon-
Il y a des siècles vivait en Syrie un général vaillant
dérés et lui dirent : Maître, si le prophète vous avait
et victorieux, riche, considéré, honoré par tout le
prescrit quelque chose de pénible, ne l'auriez-vous
peuple à cause de ses succès, - mais il fut un jour
pas fait, pour retrouver la santé? Puisqu'il ne vous
atteint d'une horrible maladie : il devint lépreux.
prescrit maintenant que peu de chose, faites-le : allez
Sa richesse ne lui servait de rien, la science des médecins
vous baigner dans le Jourdain.
était -impuissante : personne ne pouvait lui venir en
Le général s'apaisa. Il avait commencé par se moquer
aide.
du remède, recommandé par le prophète; il souffrit
Mais un jour une nouvelle servante entra dan,s sa
dans'- son orgueil d'être-' obligé de s'humilier; mais
maison, c'était une jeune juive qui avait été prise au
finalement il obéit, il se plongea dans le Jourdain et
cours d'une razzia. Lorsque la nouvelle servante vit
"'- il sortit de l'eau complètement guéri.
la maladie de son maître, elle lui dit que dans son
Mes frères, seules les personnes, seuls les noms
LE SYMBOLE DES APÔTRl!S ~ BT VOUS, POURQUOI NE VOUS CONFESSEZ-V(HJS PAS? ))79
ent changé, - mais l'histoire reste la même. C'est puisse me juger. Pourquoi un intermédiaire humain;
nous qui tenons la place du général, le confesseur un juge. Que le roi me juge... '
remplace le prophète Élie et l'eau du Jourdain c'est Mais nous savons bien que dans les tribunaux le ,
le sacrement de pénitence. roi donne le droit de\.;ager à des juges qui proclament
ainsi leur sentence : « Au nom de Sa Majesté, le Roi )).
Allez baigner votre âme dans les flots de grâces de
Or il en est de même dans la confession; ce jugement
la confession et voûs sereZ purifiés - nous dit l'Église
de l'âme qui a été confié par le Fils de Dieu aux juges
aujourd'hui encore.
des âmes, les prêtres. Ceux-ci prononcent ainsi leur
(; AlI ~r nous confesser ? Alors nous serons purifiés? sentence : « Que Notre-Seigneur Jésus-Christ vous
Est-ce que les confesseurs ne sont pas des hommes absolve et moi je vous absous de vos péchés en vertu
ccmme nous? Ne sont-ils pas aussi des pécheurs? de son autorité ». /
et peut-être même de plus grands pécheurs que nous? » Enfin ce n'est pas l'offenseur qui détermine la façon
Mais je demande à celui qui s'indigne ainsi: Dites- dont doit être réglée la satisfaction, mais l'offensé. Et si
moi, est-ce que la miséricorde divine aurait pu instituer Dieu a voulu fixer ainsi le mode de rémission des péchés,
une manière plus facile, plus simple de remettre les tout raisonnement humain contraire est vain.
péchés que celle-ci? Vous devez dire vos péchés d'une C) « Le prêtre aussi n'est qu'un homme, et je ne me
âme contrite à un serviteur de Dieu qui vous écoute confesse pas à u~ homme» - disent certains, ordinaire-
et reste ,muet comme une tombe, sans pouvoir jamais ment ceux qui en dehors du confessionnal - malheu-
dire à personne un seul mot des péchés qui ont été reusement --'- ont l'habitude de se confesser, souvent
accusés, et lorsqu'il a prononcé sur vous la formule même tout haut. Ils auraient honte d'entrer au confes-
de, l'absolution, vous pouvez être tout à fait sûrs que sionnal, mais en revanche, en chemin de fer, ' au
Dieu aussi vous a pardonné. « Allez vous baigner restaurant, en société, ils se glorifient 'avec une , impu-
dans la grâce de la pénitence et votre âme retrouvera dence provocante et à voix haute de leurs actes scanda-
la santé et sera purifiée ». leux et de leurs aventures pécheresses, au poiut d'en
B) « Moi, je ne me confesse qu'à Dieu» - dit;ez-vous rendre malades les gens de bien... Mais ils « ne se
peut-être encore. « Pourquoi un intermédiaire humain? confessent pas à un homme ».
Je dis à Dieu mes péchés : c'es~ Lui qui me jugera ». « Le prêtre aussi n'~st qu'un homme, il a aussi
C'est' un raisonnement plausible en apparence, des péchés, peut-être" même plus que moi. » Est-ce
mais non moins erroné que le précédent. C'est tout vrai? Hélas! il est possible que ce soit vrai. Le prêtre
à fait comme si un malfaiteur protestait contre les aussi est un homme. Il peut être victiIlle de la faiblesse
débats du tribunal' en disant : 'Il n'y a que le roi qui humaine, tout comme Judas en a été victime; lui
80 LE SYMBOLE DES APÔTRES « ET VOUS, POURQUOI NE VOUS CONFESSEZ-VOUS PAS ?,» 81
aw;si aura à répondre pour sa propre vie, mais Eh bien 1 ici nous ne nions pas. Ici nous baissons
qu'est-ce que cela a à faire avec la confession? Le la tête et nous reconnaissons 'avec émotion que la faible
confesseur n'a pas le pouvoir d'absoudre du péché, nature humaine ou une fausse philosophie nous a
parce qu'il est un grand saint, mais parce qu'il est séduits à certains instants, mais à présent nous voyons
devenu par son ordination le canal de la grâce divine. qu'il y a au-dessus de nous un ordre moral. On peut
Que ce canal soit de bois, d'or, de cuivre ou d'argent, agir contre lui, mais il faut ensuite une expiation.
cela n'a pas d'importance; mais bien ce qui y coule. C'est pourquoi la confession est aussi un excellent
Et la grâce du Christ, sa miséricorde qui pardonne, moyen d'intimidation. Le chrétien sait bien qu'il est
je l'obtiens à chaque confession bien faite, indépen- . obligé de confesser tout péché grave. Et ' souvent dans
damment de l'état d'âme du confesseur. la tentation il trouve ' la force de résister par cette
pensée : Je ne le ferai pas, car ce me serait pénible
de le confesser. '
IV B) La confession est encore le plus préciel!x moyen
d'éducation « Connais-toi toi-même » - ordonnait
déjà l'oracle de Delphes. 'En vérit~ la connaissance de
LES BIENFAITS DE LA CONFESSION.
soi-même est de grande valeur. On peut être malade
et ne pas le savoir : voilà le danger. Car celUI qlU
Mais si nous admettons d'un cœur plein d'humilité connaît sa maladie s'en occupe, il cherche le chemin
que Dieu a voulu accorder de cette manière la rémission dela guérison. On peut être jusqu'au cou dans le péché
des péchés, nous avons le droit de nous demander et ne pas le savoir: .c'est la ruine. Car .celui qui connaît
pourquoi Il l'a voulue ainsi et pourquoi Il l'a attachée à la maladie de son âme, ses défauts, ses péchés, tout
la confession. au moins n'y vivra pas tranquillement; or celui qui
Et nous arrivons à ces valeurs grandioses,' à ces s'en rend compte est déjà sur le chemin de
valeurs hautement éducatrices qui proviennent de la l'amélioration.
confession obligatoire du péché. La confession est donc un moyen de premier ordre
A) Tout d'abord la confession est le commencement pour apprendre à se connaître soi-même. L'homme
de l'amendement. Nous sommes obligés de reconnaître est indulgent et bienveillant pour lui-même; nous
nos défauts. II Vous reconnaissez-vous coupable? » - excusons' facilement nos défauts. Mais en confession
telle est la prèînière question d'un juge de la terre à il nous faut tout dire avec franchise au confesseur et
l'accusé. Tant que celui-ci nie, la marche du procès son jugement· expérimenté et impartial nous réveille
ne peut progresser. de notre propre illusion. Où y a-t-il dans le monde
Sym b. d. Ap . - T . VI 6
.,
LÉ SYMBOi..Ë DÉS APÔTRES (\ ET VOUS, POURQUOI NE VOUS CONFESSE Z- VOUS l'AS?» 83
une institution qui enseigne avec autant de succès les vagues de leurs passions? ' Voici le seul remède
le bien, l'honnêteté et l'obéissance au devoir? qui est la source des plus hautes consolations. Voici
C) Mais nous pouvons encore ' dire que la confession l'unique ' endroit où l'âme humaine endolorié peut
est la plus ancienne et la plus utile méthode de psycha- épancher ses chagrins. Mais c'est là l'explication de
nalyse. La science médicale actuelle se sert pour la ce fait indéniable que le nombre des suicides est le
guérison des maladies nerveuses de l'analyse psychique. plus faible chez les catholiques. En réalité, s'il n'y
Elle consiste essentiellement dans ce fait ' que les images avait pas à craindre d'être mal compris, on pourrait
retenues dans le subconscient, comme des fau ves appeler tranquillement la confession le systeme le plus
enfermés dans une cage, se livrent à une tâche de efficace d'assurance SUT la vie.
destruction dans l'âme et que pour leur faire perdre
.leur force nocive il nous faut y faire attention. Bien 01« '*' ...
que de consolations, que de forces vitales et d'élans problème de la mort? - c'est' à la mise en lumière
rayonnent de notre foi 1 . de cette idée que je consacrerai les sermons suivants.
La vie éternelle! S'il y a réelleme~t une vie éternelle, Et à la fin de notre série d'instructions nous tâcherons,
alors il n'y a plus d'anéantissement tragique, même autant qu'il est possible, de jeter un regard sur l'éternité
si ma vic terrestre est une souffrance et unè douleu,r qui nous attend : en ,quoi consiste cette vie éternelle?
continuelles. S'il y a une vie éternelle, alors le malheur Fasse le Roi de la vie éternelle, notre Père du ciel,
n'est pas si terrible, même si je dois passer jusqu'au que dans l'âme de chacun de nol,ls qui allons étudier
bout mon existence terrestre, sans être compris ni ensemble cette question, deviènne inébranlable la foi
aimé. S'il y a une vie éternelle, alors ce n'est pas si en la vie éternelle! Qu'Il nous fasse la grâce de parvenir
affreux, lorsque la mort m'arrache cette vie terrestre. au terme "de notre vie après avoir mérité l'éternité
S'il y a une vie éternelle, alors il n'y a qu'une seule bienheureuse et que l'on puisse écrire sur notre tombe
chose importante dans la vie : assurer par ma vie à tous ce que le grand journaliste catholique Louis
terrestre la vie éternelle bienheureuse ... Oui, s'il y Veuillot (1813-1883) a choisi pour son propre tombeau:
1
durant tout un semestre, il faut examiner s'il s'agit si fort, qui nous touche si profondément, qu'il faut
d'un thème réellement d'une importance !,i capitale avoir perdu tout sentiment pour être dans l'indifférence
qu'il mérite qu'on lui consacre tant de temps. de' savoir ce qui en est. Toutes nos actions et nos pensées
A) Si nous considérons l'histoire de l'âme humaine, doivent prendre \les routes si différentes, selon qu'il
nous -~oyons que, depuis un temps immémo~ial, deux y aura des biens éternels à espérer ou non, qu'il n'est
conceptions du monde <sont en lutte 1"éciproque et que possible de faire une démarche avec sens et jugem.ent,
l'humanité se partage en deux camps. qu'en la réglant par la vue de ce point, qui' doit être
a) En ' deux camps dont les adeptes né se J'éuniront notre dernier objet ».
jamais. En vérité, pour toute vie humaine il n'y a qu'une
Vivre, jouir, s'amuser le plus possible, car la vie seule question décisive : y a-t-il ou non un autre monde?
est si brève et il n'y a plus rien après elle '- telle est Question décisive que l'on ne peut pas esquiver. Je
la devise du premier camp. « Que sert à l'homme de lne peux pas agit comme ce soldat qui - le malheureux
gagner l'univers, s'il vient à perdre son âme? » - avait oublié ses prières, mais au milieu d'une pluie
(S. Matthieu, XVI, 26). - réplique l'autre camp. Et de balles, ne faisait que r~péter : « Mon Dieu (s'il y a
" ,
tous, nous devons décider laquelle de ces deux devises un Dieu), sauvez mon âme (s'il y a une âme), afin
nous voulons choisir. que je n'aille pas en enfer (s'il y a un enfer), mais
Il est clair que, quel que soit votre choix, il sera décisif au ciel (s'il y a un ciel) ». Non, mes frères, nous ne
pour toute votre vie. En effet s'il n'y a ni autre monde pouvons pas agir ainsi. Nous devons tous répondre
ni vie éternelle, alors ce serait une folie que de se à cette question: y a-t-il une vie éternelle ou non?
refuser quoi que ce soit sur la terre. S'il n'y a pas B) En effet, voyez comme mon existence sera toute
d'autre monde, alors c'est très bien: il faut s'abandonner différente si je crois en l'autre vie ou si je n'y crois pas.
à la jouissance effrénée de cette vie terrestre si courte. a) Comme cette vie terrestre sera toute différente!
Sairit Paul dit avec raison: « Si nous n'avons d'espé- Si je crois que cette vie n'est qu'un 'commencement
, , rance dans le Christ que pour cette vie seulement, et qu'elle se continuera devant le trône du Dieu infini-
nous sommes les plus ma~heureux de tous les hommes » ment juste, alors la vie n'est plus pour moi un problème
(le -Corinthiens, xv, 19). Par contre, s'il y a un autre jnsoluble, alors l'injustice terrestre ne m'écrase, plus
monde et une vie éternelle, alors je dois tout faire et je tiens bon même dans les luttes les plus pénibles
pour arriver à la vie éternelle et à la vie éternelle de l'existence. Oui, la vie terrestre n'a un but que si
bienheureuse. 'elle se continue dans la vie éternelle.
b) Pascal, le grand philosophe, a dit avec raison ': Mais qu'arrive-t-il, si je ne crois pas à l'autre monde?
" ,
« l'immortalité de l'âme est une chose qui nous importe Comme des milliers et des milliers de sphinx, ricanent
iF. SYMBOI-lt DES APôTRES JE CROIS EN LA VIE ÉTERNELLE
autour de moi les malheurs de l'existence, la souffrance, saint François d'Assise, lorsqu'on ,lui apprit qu'il allait
la maladie _et la mort. Sans la foi en l'autre mond~ la bientôt mourir. En vérité derrière une telle mort
vie est une torture insupportable. Elle est comme une apparaît déjà la douce lumière de l'autre vie que le
locomotive emballée qui court ~ans but sur la voie, célèbre tableau de Murillo « la mort de s3iinte Claire»
jusqu'à ce qu'elle déraille quelque part et s'enfonce représente de manière si saisissante.
clans le sol. Regardez l'homme comme une créature Dante a écrit (1. la vie est une course à la mort »
immortelle et tout devient grand en lui, tout devient (Purgatoire XXIII, 53). En vérité, la vie est une mort
compréhensible, tout a un but : mais considérez-le continuelle et c'est seulement à la dernière heure de
comme un être mortel et de sombres et noirs nuages notre vie que nous cessons de mourir~ Cette dernière
enveloppent'de leur ombre son voyage sans but. minute arrive aussi pour celui qui ne ' crQit pas en la
b) Mais comme la mort est tout autre aussi, si je vie éternelle, mais - hélas - alors il éprouve « la
crois en la vie éternèlle ou si je n'y crois pas. ,tragédie du lit de mort » dont parle Jean Paul. Car
L'incroyant meurt, le croyant meurt aussi, mais quelle à cette minute il se passe pour cet homme ce qu'éprouve
immense différence entre ces deux morts! L'incroyant le spéculateur qui , après un krach boursier, prend en
se cramponne lamentablement, fiévreusement, déses- main le tableau des cours et s'aperçoit avec épouvante
pérément, convulsivement de ses dix doigts à la vie que tous ses papiers sont sans valeur.
qui s'enfuit peu à peu. ' Et le croyant? A mesure que c) Et comme, au milieu des coups du sort, j'éprOU7Je,
sa vie approche de sa fin, il devient de plus en plus si je crois en la vù éternelle, une tout autre consolation
calme, de plus en plus paisible, dans une dernière que si je n'y crois pas!
confession il se met en règle avec Dieu et atte~d Parfois ces consolations sont si banales, si insigni-
ainsi le dernier et solennel instant. . fiantes! « Moi aussi j'ai eu une mère et elle est morte ».
Lorsque le grand converti anglais, le cardinal Newman Est-ce là une consolation pour moi? Et encore « le
se sentit, en 1890, près de mourir, il fit sor.tir tout le temps guérit les blessures ». Ç( Nous n'oublierons pas
monde dl:! sa chambre en disant : « 1 can meet my end son souvenir ».. . « Il a eu une mort si paisible, il s'ést
al one Il, « je -yeux mourir seul ». Quelle foi, queUe .endormi doucement »... Non, non. Seule la foi en
fo rce, quelle volonté!' C'est la véritable « euthanasie », la vie éternelle est une consolation : il continue à vivre
« la bonne mort », quand on peut dire avec le Psalmiste: et nous nous reverrons. Je comprends le sens de cette
« Quand je marcherais au milieu des ombres de la phrase de l'Évangile: « Bienheureux ceux qui pleurent
mort, je' ne_craindrais aucun mal, car Vous êtes "avec - ceux qui pleurent ainsi - parce qu'ils seront con-
moi » (Psaume XXII, 4). solés )~ (S. Matthieu, V, 5).
« Salut, ma sœur la mort» - s'écria triomphalement Oui, voilà la véritable consolation .. Comme il avait
LE SY ;vIBOLE DES APôTRES JE CROIS EN LA VIE ÉTERNELLE 93
raison d'écrire, l'illustre physicien du siècle dernier, que Jamais n'a vécu sur la terte un peuple qui n'ait pas
Robert lVIayer : « Une foi robuste et basée sur une cru w'us une forme quelconque en une autre vie . .
conviction scientifique en la survivance pers'onnelle A) Si loin qu'on remonte dans les temps préhistoriques,
. : 1
.de l'âme et en la destinée supérieure de la destinée partout où l'on rencontre trace de l'homme, on ren-
humaine _fut ma plus forte consolation, lorsque je . contre aussi la foi en une vie après la mort. Qui a fait
plaçai dans mes mains la main glacée de ma mère surgir dans l'homme cette foi en une vie après la mort?
(.,
Gans aucun d outel a parole de' Dieu résonnant dans
mourante ».
En vérité, la plus grande sagesse de la vie consiste l'âme humaine. Et qu'est-ce qui a nourri cette croyance?
à examiner la vie du point de vue de la mort et à La foule d'imperfections, d'injustices, de misères de
regarder la mort à la lumière de la vie éternelle. Ainsi la vie terrestre, que seule la perfection de la vie éternelle
la mort devient le grand remboursement et la grande , peut compenser.
régulatrice de la vie. Elle dit aux affligés et à ceux Les tombeaux des hommes préhistorz'ques nous parlent
qui souffrent: prenez patience, car cela ne durera plus d~ià de cette croyance. Même pour· l'homme préhis-
1'1 longtemps. A ceux qui s'amusent elle Jit : faites torique le cadavre ne signifiait pas quelque chose
l! '!" 1
attention, tout passe si vite. Aux orgueilleux elle dit : d'affreux à jeter aussitôt dans la rue et à abandonner,
"
1
LE SYMBOLE DES APÔTRES JE CROIS EN LA VIE ÉTERNELLE , 97
1.
sombre Australien, le Hottentot méprisé et le sauvage admettons que les deux affirmations aient la même
habitant de la Terre de Feu - tous croient en une incertitude et qu'on ne soit pas plus sûr de l'existence
vie après la mort et espèrent avec joie se revoir dans de la vie éternelle que du contraire. Je pose cette
l'autre 'monde» (Schneider). question: est-ce que la saine raison humaine n'exigerait
Mais ce que l' humanité a toujours cru et ce sur quoi pas .tue l'on se , range plutôt du côté de la croyance en
1·
elle est toujours d'accord, ce qui prend naissance dans les l'autre monde? N'est-il pas plus prudent d'envisager
profondeurs de l'âme humaine, ce. qui est le résultat de la un danger, même s'il ne se réalise pas, que de ne pas
philosophie primitive et de la raison doit être vrai. s'en soucier, alors qu'il peut survenir.
Personne ne peut répondre que pendant longtemps Les hommes ne contractent-ils pas des assurances
aussi l'humanité a cru que le soleil tournait · autour de toutes sortes. Il contractent des assurances contre
de la terre et cependant il a été établi que ce n'était l'incendie. Est-ce parce que leur maison sera certaine-
pas vrai. En vérité, l'homme le croyait, parce que ment incendiée? Pas du tout. Mais ' c'est parce que
ses sens le lui montraient et que ses sens le trompaient. il se peut qu'elle soit incendiée, - et comme il fera
Mais quand il crbit à une autre vie, il croit contre ses bon en ce cas de s'être assur.é 1 On s'assure contre les
sens : il croit contre eux, parce que ses sens ne lui accidents, cqntre la grêle, contre le vol... - est-il
,,, certain qu'on aura un accident, qu'on sera cambriolé
disent rien de tout cela, et même lui disent le contraire.
ou victime de la grêle? Non pas. Mais il peut se faire
'l ' 1
qu'on le soit.
III . . Eh' bien 1 mes frères, s'il en était ainsi à propos de
l'autre vie? peut-être existe-t-elle, peut-être n'existe-
y A-T-IL UN AUTRE MONDE OU NON? t-elle pas - ce n'est pas le cas, mais admettons que
ce soit le cas - alors la saine raison humaine n'exigerait-
Mais nous pouvons faire un pas de plus dans notre elle pas que nous vivions comme s'il y avait un autre
raisonnement. monde.
Il'' ·
A) Admettons - il n'en est pas ainsi - mais adinet- R) Permettez-moi de tenir un raisonnement purement
tons que nous, ' qui croyons en un autre monde, nous hurnain;car il y a des gens sur qui de tels arguments
ne puissions pas appuyer notre foi sur des preuves surtout font impression.
l, plus fortes que celles qui nient son existence. Nous Mettons les choses au pire " J'ai vécu comme s'il y
verrons dans les sermons qui vont suivre combien avait un autre monde. J'ai observé les lois de la morale
·1 il n'en est rien et de quelles preuves pujssantes nous et de l'honnêteté. Ensuite je suis mort. Et il se trouve
k 1 disposons en fav~ur de notre foi. Mais pourtant, qu'il n'y a plus rien après cette vie. Qu'est-ce que je
I II
LE SYMBOLE DES APÔTRES JE CROIS EN LA VIE ÉTERNELLE
99
perds alors? J'ai perdu les joies douteuses des plaisirs l'attester qu'il fa~drait nier la facuIté de la raison j
terrestres dt,I péché; en revanche j'ai ~prouvé aussi humaine de connaître la vérité, si on mettait en doute
le sentimef\t sublime qui accompagne l'homme sur la réalité de l'autre vie.
le chemiri de l'honnêteté. Mais s'il y a un autre m~mde,
alors j'ai tout gagné. '
Prenons à présent l'autre cas : J'ai vécu, comme
s'il n'y av.ait pas d'autre vie, dans la frivolité, la légèreté, Mes frères. Depuis que l'homme vit sur la terre
. . '
buvant les joies pécheresses de la vie. Je meurs. Et Il a toujours eu au dedans de lui l'ambition de prolonger,
il se trouve qu'en effet il n'y a plus rien après la mort. ne fut-ce que d'ut;l instant, son existence. Avec quelle
Qu'ai-je gagné? les fausses joies depuis longtemps passion avide l'homme n'a-t-il pas cherché l'élixir
disparues des plaisirs mauvais. Mais s'il se trouve qui lui assurerait une vie éternelle 1 On raconte d'un
qu'il y a une autre vie. Qu'ai-je alors perdu ? Tout. empèreur chinois qu'il avait fait construire une tour
Tout. Pour l'éternité. très élevée et fait placer au sommet de cette tour un
t
« Pauvre chrétien, comme tu seras attrapé, si le ciel vase en or sur une perche en or, et la rosée pure comme
n'existe pas » - disait avec moquerie un incroyant à le cristal' qui y était recueillie; il la mélangeait avec
uq croyant. Mais celui-ci répondit : « Pa\lvre athée, la poussière des pierres les plus précieuses et ensuite
",1 1 comme tu seras trompé, s'il y a un enfer )). avalait ce breuvage, - pour ne jamais mourir. Quelle
Oui, mes frères, si je vis honnêtement ce sera la vaine tentative! Quelle folle ambition 1
plus petite perte. et le plus grand gain. Mais-si je vis Que de recherches l'homme a déjà faites pour
dans le péché, ce sera le gain le plus petit et la plus étudier cette question 1 Comme nous sommes obligés
grande perte. Ne faudrait-il pas prendre parti pour de régler notre nourriture, nos vêtements, de construire
l'autre monde; même si on n'avait que des preuves nos maisons, de répartir nos journées - uniquement
aussi faibles que celles qui s'y opposent? pour pouvoir vivre plus longtemps. Et pourtant, après
Mais il en va tout autrement. La mort n'est pas tant d'efforts, nous n~ pouvons pas .arracher notre vie
la dernière'-station de la vie, mais seulement une porte à la tombe et aujourd'hui encore' reste toujours vraie
que nous devons franchir et derrière laquelle nous cette parole-du Livre de Job: <(' L'homme vit ~eu de
attend une vie plus belle, plus éclatante et qui ne jours, comme la fleur,il naît et on-lé coupe» (Job, XIV, 2).
passera pas, voilà ce que nous apprennent - comme Or il 'Y a à la vie une prolongation merveiI1euse et
nous le verrons bientôt - outre la conviction univer- assurée qui ne se limite pas à une paire d'années ni
., 1 selle de l'humanité, la raison humaine et la révélation à des centaines ni à des millions d'années, - une
"
chrétienne; il existe tant et de si f~rtes preuves pour prolongation sans fin, nous assure la foi chrétienne.
' ., '
IOcr LE SYMBOLE DES APÔTRES
l,
1 « Non omnis moriar Il. - « Je nè mourrai pas tout
entier II - écrivait Horace, le grand poète latin, plei~
1. ',
de confiance en sa renommée littéraire. Mais ce qu'~l
entendait seulement de la renommée, nous avons le dr~tt
de l'entendre du désir instinctif de toute - l' humant té
aspirant à l'immortalité et de dire ap.rès cette . vie, " Je
ne mourrai pas t01ft entier. Je vivrat enc.ore apres., ma
mM!.. Je crois en la résurrection de la chmr. Je crotS en VII
la vie éternelle. Amen. .
',,' . : AVONS-NOUS UNE AME?
MES FRÈRES,
'I !
"
a) Est,-ce peut.·ttre le dro/[? Si l'âme est immortelle, ce que l'on ' appelle ordinairement manifestation de
s'il y a une autre vie après la mort, les principes du l'âme n'est pas autre chose qu'une fonction du cerveau.
,droit en sont-ils ébranlés, ne reçoivent-ils pas préci- Mais s'il n'y a pas d'âme, alors il n'y a rien pour
sément par cette croyance leur plus haute cons~cration ? survivre après la mort du corps ».••
Ces hommes « modernes» qui aujourd'hui encore
b) La philosophie? La négation d'une autre vie rend-
soutiennent que la biologie peut expliquer toutes les
elle peut-être plus facile la solution des énigmes de
manifestations de l'âme par notre corps matériel et
l'univers? Il y a en l'homme de ,grandes vérités qu'il
que par conséquent l'homme n'a point d'âme, ces
sent instinctivement, qu'il voit clairement, qu'il tient
hommes ne se doutent pas combien ils ne sont pas
pour certaines, bien qu'il ne puisse pas les prouver.
modernes, mais au contraire tout à fait en retard. En
C'est ainsi qu'il sent aussi l'immortalité. L'humanité
réalité on parlait ainsi, il y a quelques dizaines d'années,
croit avec une conviction' unanime en une vie après
10I'sque le déluge du matérialisme, négateur de l'âme,
la ll10rt, bien qu'elle ne puisse pas le démontrer à la
inondait le monde savant. Mais écoutez ce qu'écrit
manière de deux fois deux font quatre. De fait « deux
une revue médicale hongroise dans une étude sur
fois deux font quatre » est, une vérité fondamentale
« l'âme et le cerveau» (1) :
et nous sommes si convaincus de sa certitude qu'elle
« Imaginons que la science en soit arrivée à pouvoir
est passée en proverbe « aussi sûr que deux fois deux
nous faire regarder dans un cerveau humain en activité,
font quatre » et pourtant on ne peut pas le prouver
non seulement mepurer sa température, mais encore
mathématiquement.
voir ou tout au moins compter les mouvements molé-
En vérité, si la foi en l'immortalité qui est enracinée culaires du cerveau et qu'ainsi nous puissions nous
au fond du cœur humain et qui est, du berceau à la réjouir de leur étonnante régularité et de leur harmonie.
tombe, notre aspiration la plus ardente n'était qu'une Mais même en ce cas il semble tout ~ fait sûr, si merveil-
fantasmagorie, une fable, et non pas la vérité, alors leux que soit ce spectacle, que nous n'arrivons d'aucune
il n'y aurait plus aucune vérité sur la terre. façon à la pensée elle-même. On pourrait voir éventuel-
c) Quelle est donc la science en contradiction avec lement des vibrations, on verrait des déplacements
la foi en la vie éternelle? L' histoire? Les mathématiques? de molécules, un système dans ces divers mouvements,
Où donc et en vertu de quelle loi sont-elles en contra- mais les pensées, les sentiments, les désirs, les projets
diction avec la survivance de l'âme? et la vic de l'âme, mobile et variée, on ne pourrait
d) Mais quelqu'un dira peut-être : « Les sciences pas les voir. On ne verrait ri,en qui lui ressemblât,
naturelles. Les sciences naturelles prouvent que l'homme ,
" se compose seulement d'un corps et n'a pas d'âme; (1) Jo Égészeg. 1931, p. I91-192.
.i
'. même ne très loin. L'anatomie et l'histologie du cerveau il n'y a pas d'âme. Personne n'a encore tenu en main
ne montrent pas trace de la pensée ». une âme. Il n'y a pas d'âme, .)l n'y a que le cerveau.
La même revue poursuit: « D'après les constatations Ce que l'on appelle l'âme est une fonction du cerveau.
de Claude Bernard, le célèbre biologiste, l'affirmation Le ~erveau de l'enfant est petit : ses pensées aussi
que la pensée est une sécrétion du · cerveau . a autant sont mesquines. Si Je ~erveau de l'homme est malade,
de signification que si l'on disait : le temps est le ses, pensées aussi sont maladives. Si le cerveau de
produit de l'horloge. . j'homme est vieux, ses pensées aussi sont vieillottes.
« Si le « moi» n'était pas autre chose que la masse Si le cerveau de l'homme tombe en ruine, son âme
du cerveau, si les pensées, les 'résolutions, les projets, aussi cst ruinée ». - Ainsi raisonnent d'un air supérieur
l , ,, l'enthousiasme, les joies, le repentir, le jugement, la ceux gui nient l'existence de l'âme - et ils ne soup-
sdence, les arts, la poésie n'étaient pas autre chose çonnent pas quelle foule d'impossibilités et d'erreurs
que des mouvements giratoires biologiques des atomes ils accumulent en un instant.
du cerveau, - alors la science devrait incontestablement « Personne encore n'a tenu une âme, dans sa main ».
savoir quel est le groupe de m()lécules du cerveau qui ...:..- Allons! allons! avez-vous déjà tenu entre vos
pense, quel est le groupe d'atomes qui sent, qll~l es~ mains les rayons du soleil? Avez-vous déjà tenu dans
celui qui fait des projets, celui qui juge, CelUl qUl vos mains la vérité? Avez-vous déjà tenu entre vos mains
s'inquiète, celui qui se réjouit. Mais on ne peut d'aucune le courant électrique?
manière démontrer comment une chose aussi· imma- - Sans doute, je n'ai pas tenu en main le courant
térielle que la pensée peut sortir de ,la matière pure électrique, dira-t-on, mais je sens qu'il existe, parce .
ni comment peut e~l sOltir la vie spirituelle si diverse qu'il réchauffe, éclaire et me donne une forte secousse;
et si variée ». je ne vois donc pas le courant électrique, mais je vois
Oui, voilà ce que pense la science actuelle. Et main- qu'il agit.
tenant examinons à fond comment l'homme qui réfiéchit - Eh bien! nous y sommes. On ne voit pas l'âme,
est arrivé à cette constatation. mais on voit qu'elle agit. Le fait que l'homme peut
penser et vouloir est une réfutation parfaite de l'argu-
II mentation des négate'u rs de l'âme.
Voyons seulement en quoi consiste cette réfutation.
LA LOGIQUE EXIGE L'EXISTENCE DE L'AME •. A) Tout d'abord elle s'appuie sur la faculté de penser.
C'e"t le cerveau,qui est l'âme - disent-ils.
« Il n'y a pas d'autre vie par delà la tombe, parce a) Qu'est-ce donc que le cerveau? Une llùantité
qu'il n'y a rien qui puisse survivre à la mort du corps: de matièr~ que l'on peut peser sur une balance. Et
AVONS-NOUS UNE AME?
Que de réflexions ne pourrait-on faire sur ce petit l'ârtle quitte le corps, à cet instant il n'y a plus une
mot de trois lettres! Qu'est-ce que ce « moi » seule pensée, bien que le cerveau soit encore là.
dans ma personne? Est-ce ma têié qui pense ? Non. Voyez-vous au-dessus de ma tête ce cube de marbre
Mais c'est moi qui pense. Est-ce mon cœur qui aime? blanc? C'est le microphone dans lequel jb 'parle en ce
Non. Mais c'est moi qui aime. Qn'est-ce donc que moment. Un courant électrique y circule, prend toutes
ce moi? Quelqu'un l'a-t-il déjà vu? Personne. mes paroles et les disperse dans le monde entier. Le
Quelqu'un l' a-t-il entendu? Personne. Et pourtant il microphone est le cerveau, moi je suis l'âme. Il faut
existe. D'où vient-il? D'où vient dans ma personne ce le cerveau, il faut aussi l'âme. Mais si le microphone
moi mystérieux? Du moi éternel qui a dit de Lui-même : au-dessus de moi est abîmé, alors c'est en vain que je
« Je suis celui qui suis» (Exode III, J4), c'est-à-dire parle, personne en dehors de cette église n'entend
de celui qui est l'Ittre par essence. ma voix. Sans microphone, je ne puis donc pas com-
Ce « moi » est toujours le même au dedans de ma muniquer avec le monde extérieur, je ne puis pas lui
personne, hier, il y a des années et des dizaines d'années; faire connaître mes pensées; mais puis-je dire pour cela
donc tous les phénomènes conscients qui se déroulent que c'est le microphone qui a produit les idées que vous
II.,1 '
', ' ';"1 ','
en moi doivent avoir un fondement réel. Ce sentiment entendez actuellement? Certainement non.
'l " :: du « moi », cette conscience du moi est quelque chose Or de même que sans micrvphone je ne puis pas
qu'on ne peut pas expliquer par le système nerveux communiquer avec les auditeurs de la radio et que si
et le cerveau. le microphone est défectueux, disons le mot, s'il est
d) « Mais sans cerveau il n'y a pas d'activité spirituelle » « malade », alors on n'entend qu'une voix éraillée,
direz-vous peut-être. faible, «. malade )), de même si le cerveau humain est
C'est la vérité, durant la vie terrestre. Le cerveau faible, vieilli ou malade, fllors l'âme ne peut transmettre
jo~e le rôle d'une centrale téléphonique: c'est là que se que des pensées chétjves, vieillottes, malades. Mais en
: .l' réunissent tous les fils (c'est-à-dire les nerfs) et c'est revanche c'est en vain que le - cerveau est en bonne
là qu'est assise la téUphoniste (l'âme) qui reçoit et santé, si l'âme l'abandonne, tout comme c'est en vain
réunit les impressions, or n'est-ce pas, ce n'est pas le fil que serait suspendu ici le meilleur microphone, quand
qui crée les pensées et les conversations qui courent le long je sors de l'église; certainement personne n'entendrait
1
de lui. Mais'si le fil est mauvais, cèrtainement le télé- plus '" rien. Le meilleur sculpteur ne peut · pas bien
phone fonctionnera ruaI aussi, - bien que la téléphoniste travailler avec un mauvais outil; mais sans outil il ne
soit assise au centrnl, on ne peut pas téléphoner. Mais peut pas travailler du tout. Et pourtant qui dirait que
"1'''1, on ne peut pas n(1 n plus; si la téléphoniste quitte la c'est l'outil qui est l'artiste? Or c'est ce que prétend
, I,i
,1 salle, bien que l'appareil y soit resté. De même, quanc~ celui qui soutient ,que l'âme est le cerveau.
",
II2 LE SYMBOLE DES APÔTRr;S AVONS-NOUS UNE AME?
« Mais permettez - pourrait dire quelqu'un - la nature matérielle. Il peut renoncer à des choses que
conduite d'un cerveau enfantin, malade ou vieillot ses sens désirent ardemment et il peut' -aussi faire
me déconcerte toujOl.irs. La manière de penser d'un des', choses contre lesquelles s'insurge tout son être.
..... homme 'au cerveau non développé ou maladif est si Voilà la véritable lettre de franchise et le magnifique
infirme que l'on doit expliquer tout cela en fonction privilège de l'homme. Aussi apprécions-nous particu-
du cerveau. Où est donc l'âme là-dedans? »••• lièrement ceux qui agissent ainsi, parce que c'est là
Pourtant elle est là, mes. frères; il y a là une âme que jaillissent les plus belles vertus de l'humanité :
humaine normale, non pas une âme d'enfant ni une désintéressement, amitié poussée jusqu'au sacrifice,
âme malade, seulement - elle ne peut s'exprimer. amour ,généreux du prochain et de la patrie. Tant que
., ces vertus fleuriront sur la terre" nous aurons toujours
, " Écoutez cette comparaison. Deux hommes ' sont assis
l,: 1 dans la même chambre. L'un porte le casque et l'écou- entre les mains la preuve irréfragable que l'âme n'est
teur d'un simple poste à galène, l'autre a devant lui pas tine chose matérielle, mais bien plus qu'une chose
un poste ' à six lampes. La chambre est pleine de matérielle, tout autre chose que la matière : elle est
centaines et de centaines d'ondes des diverses stations un esprit. En effet si l'âme était une chose matérielle,
d'émission qui s'annoncent, retentissent et sont captées c'est-à-dire si la matière appartenait à l'essence de
dans les deux appareils. Celui qui possède un récepteur l'âme, alors tout cela serait impossible : l'âme ne
puissant entend beaucoup de choses; par contre pourrait pas agir contre sa propre nature.
l'homme au poste à galène n'entend de toutes ces ondes ' Nous le sentons bien: en nous l'âme est une chose,
que tout au plus l'émission du poste local. Pourquoi le corps en est une autre. S'il n'en était pas ainsi,
n'entend-il pas davantage? Parce que son r~cepteur d'où viendrait en moi le remords, quand j'ai mal fait?
' est trop faible. Le ce'rveau enfantin, non développé n'est-ce pas de l'âme? D'où viendrait en moi la tristesse,
ou malade est pareillemént un petit poste à galène. même quand j'ai tout donné à mon corps et que rien
A côté de lui se trouve bien la station émettrice d'une ne lui manque - n'est-ce pas de l'âme?
âme qui n'est ni enfantine ni malade, mais c'est en vain b) « Il n'y a pas q'âme, il n'y a que le cerveau )).
qu'elle émet les plus belles informations, s'il n'y a pas Mais alors il me faudrait croire à cette impossibilité
, '
d'appareil pour les capter. que les idées générales indépendantes de la matiere et les
B) Enfin les négateurs de l'âme sont encore réfutés résolutions morales qui peuvent s'opposer à la matiere
par la spiritualité de l'âme, et cette spiritualité, donc sont toutes en moi d'origine matérielle. Alors il me
son immortalité, est aussi attestée par l'a,ctivité de faudrait croire que 'l'immense force de volonté d'un
sa volonté. César, d'un Charlemagne, d'un Napoléon, que le
, ,, génie d'un Michel-Ange, d'un Raphaël, d'un Léonard
,
a) L'homme peut vouloir même contre les désirs de sa
Symb, d, Ap. - T . VI B
1
de Vinci, que la puissànc~ intellectuelle universelle' 1555, elle avait recouvré sa raison et elle mourut avec
d'un Aristote et d'un saint Thomas; ' que l'amour une prière sur les lèvres. Retrouver la raison, alors '
désintéressé d'un saint François d'Assise et ' d'une que le cerveau est de plus en plus atteint, n'est possible
sainte Élisabeth, - que tout cela n'est pas autre chose que si le cerveau n'est pas tout, mais l'âme, cette âme
que les vibrations moléculaires de notre 'corps. Il me qui au moment de la mort se dégage des liens de la :1
faudrait croire que le patriotisme d'un soldat bravant matièrè et n'est plus réduite à l'activité de la matière.
la mort, que l'abnégation d'une mère qui passe les Il y a une grande vérité d'expérience dans ces' paroles
nuits au chevet d'un malade, que tous les saintsenthou- de Victor Hugo : « Vous dites que l'âme n'est que
siasmes et l'accomplissement du devoitne sont pas l'expression ·de forces physiques, comment se fait-il
autre chose qu'une agitation, une combinaison, une donc que mon âme devienne plus lucide, lorsque mes
vibration électrique des molécules du corps ... forces physiques veulent précisément me quitter? »
c) « Il n'y a pas d'âme, il n'y a que le cerveau »). En vérité, qui pourrait expliquer ce fait fréquent que
Mais qui donc alors produit cette force merveilleuse des malades à l'agonie, dans les derniers instants de
avec laquelle des malades à l'agonie se maintiennent en leur vie et de leurs forces physiques manifestent des
vie pendant des heures et des jours. Qui n'a pas entendu facultés intellectuelles étonnantes, que même peut-être
parler de cas démontrant clairement que l'âme retient ils n'avaient encore jamais montrées auparavant?
la vie dans un corps déjà près de se décomposer. J'ai (par exemple en revoyant toute leur vie en un instant).
lu qu'une mère de famille dont on attendait la mort C'est seulement ainsi que nous comprenons les facultés
à chaque minute ne voulait pas mourir, avant que ses intellectuelles accrues pendant l'hypnose: l'âme aban-
deux fils fussent arrivés : l'un venant de bien loin dans donne , pour ainsi dire le corps et agit sans entraves.
'le nord et l'autre du sud.' Enfin ils arrivèrent et dix Quand Socrate affirmait que le commencement de
minutes plus tard ce cœur maternel cessait de battre. la philosophie était celui-ci: savoir que nous ne savons
Qui peut expliquer cela, s'il n'y a pas d'âme! rien, nous pouvons ajouter aujourd'hui que la fin de
d) « Il n'y a pas d'âme, il n'y a que le cerveau ». la philosophie est cell~-ci : saVOIr qu'il faut croire.
Qui peut alors expliquer ce phénomène assez fréquent
où des hommes qui dej)'uis des années vivaient dans
l'aliénation ' mentale ont retrouvé toute leur lucidité peu
avant leur mort? C'est un fait bien connu de la médecine.
Il me suffira peut-être d'en citer un cas très connu. Mes frères, j'ai consacré le sermon d'aujourd'hui
La mère de Charles-Quint, Jeanne la Folle, était restée d'abord à ceux qui ne croient pas en la vie éternelle.
folle durant 49 ans, mais le jour de sa mort, le 5 avril Mais n'est-il pas intéressant qu'ils ne puissent pas
116 , LE SYMBOLE DES APÔTRES AVONS-NOUS UNE AME?
,l'
la séparation de tout, la mort serait un gain pour les
méchants, car ils se sépareraient ainsi de leur corps,
. .
de leur âme et de leùrs méfaits. Mais comme l'âme \
~' , apparaît immortelle, il n'y a pour échapper au mal
pas autre chose que l'effort pour vivre bien et raison-
nablement, autant que cela est possible. Car l'âme
n'emporte avec elle dans l'autre monde pas d'autre
propriété que sa propre formation et ce dont elle s'est
nourrie et nous affirmons que cela sera de la plus grande
utilité ou nuisance au défunt immédiatement dès
son arrivée )).
Quelles magnifiques paroles dans , la bouche d'un
génie qui ne connaissait pas encore la lumière du Christ 1
Comme elles montrent que la ' raison humaine sage
et. réfléchie est arrivée à reconnaître l'immortalité de
LA RÉPONSE DE LA FOI : IL y A UNE VIE ÉTERNELLE 119
"
122 LE SYMBOLE DES APÔTIŒS LA RÉPONSE DE LA FOI : IL Y A UNE vIE ÉTERNELLE 123
vic éternelle et je le ressusciterai au deI der jour D Une autre fois un homme riche dit à !lnf' intendant:
(S. Jean, _yI, 55)· « Rends compte de ton administ'ration » (S. Luc,
Comme bien des hommes restent sans complcndre XIV, 2). ,
devant ces paroles du Christ 1 Je le ressusciterai. Le Le fiancé dit aux cinq vierges folles: (, Je nt vous
mort revivra. Est~ce possible? N'est-ce pas une auda- connais pas» (S. Matthieu, XXV, 12). •
cieuse exagération? Combien haussent les épaules Le Seigneur dira à SOl\ fidèle serviteu'r : « C'est bien,
avec incrédulité! Combien rient du Christ! serviteur bon et fidèle; ... entre dans la joie de ton
On se moque de lui? Que de fois dans sa vie on ,maître» (S. Matthieu, XXV, 21). 1
, s'est déjà moqué de lui 1 Lorsqu'il se rendit auprès En vérité, quand on rassemble toutes ces paroles,
de la fille de Jaïre qui venait de mourir et qu'il dit aux on est obligé de dire que toute la mission, la vie, la
assistants qui pleuraient et se lamentaient en déchirant p~ssion et la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ
leurs vêtements dans leur désespoir impuissant : reposent sur la foi ,en la vie éternelle. Aussi fait-il si
« Pourquoi tout ce bruit et ces pleurs? L'enfant n'est souvent et si catégor iquement la différence entre la
pas morte, mais elle dort ». Et ils se moquaient de lui » vie terrestre et l'autre vie. Aussi fait-il ressortir que
'!
(S. Marc, v, 40) - dit la Sainte Écriture. Mais Jésus cette dernière est la vraie vie, la seule digne de ce nom,
ne s'en soucia pas. Il prit la main de l'enfant: « Jeune la plus belle. Chacune des par0les prononcées par le
fille, lève-toi, je te le dis» (S. Marc, v, 41) et elle se leva Christ, chacune de ses actions, chacun de ses comman-
et se mit à marcher. dements, chacune de ses interdictions - présupposent
C'est ainsi que le Christ a enseigné tant de fois et une autre vie.
"' i
sous des formes si diverses qu'il y a une suite à la vie E) S'appuyant sur l'enseignement de Notre-Seigneur
terrestre, qu'il y a une vie éternelle. Jésus-Christ, saint Paul aussi a pu décrire magnifiquemel:t
b) Mais c'est le même enseignement que donnent ses la résurrection.
magnifiques paraboles et comparaisons. Écoutez ses paroles :« En un instant, en un clin d'œil,
Les ouvriers veulent arracher l'ivraie du milieu au son de la dernière trompette, car la trompette reten:-
du froment; mais le maître leur dit de ne pas y toucher tira, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous,
à présent: c'est au moment de la récolte qu'on l'arra- nous serons changés. Car il faut que ce corps corrup-
"
chera et la jettera au feu (S. Matthieu, XIII, 30). ) tible J;evête l'incorrul ,tibilité, et que ce corps mortel
" Les pêcheurs trient les poissons dans lC:'7 filet et revête l'immortalité. Lorsque ce corps corruptible
jettent les "mauvaIs. (( Il en sera de même à la fin du aura revêtu l'incorruptibilité et que ce corps mortel
monde: les anges viendront et sépareront les méchants aura revêtù l'immorüllité, alors s'accomplira la parole
d'avec les justes » (8. Matthieu, XIII, 49)' qui est écrite : la mort a été engloutie par la victoire.
II
LE SYMBOLE DES APôTRES LA RÉPONSE DE LA FOI: IL y A UNE VIE ÉTERNELLE 125
o mmt où est ta victoire? Mort, où est ton aiguillon? II victoire aussi définitive et parfaite sur . mon corps,
(le Corinthiens, xv, 52-55). dès maintenant, dès cette vie terrestre, il me faut tout
« La mort a mis le point final à sa vie» -:- entend-on faire en vue de ma résurrection glorieuse.
dire quelquefois après la mort de quelqu'un. Or il Est-ce que nous ressusciterons?
n'en est pas ainsi. La mort n'est pas un point final, Oui, nous ressusciterons tous, mais pas tous pour '
mais seulement une virgule; or après une virgule vient la vie éternelle. Seul ressuscitera pour la vie éternelle
la suite de la phrase. le mort qui à proprement parler n'a jamais cessé de
Les morts dorment dans la · terre, comme la terre vivre. Il en est ainsi dans la nature. Au , printemps
elle-même dort pendant l'hiver; mais elle attend le J'herbe pousse, parce que ses racines vivaient en terre
printemps. dans le grand cimetière de l'hiver. La feuille verdoyante
Les morts gisent immobiles dans leurs cercueils, pousse, parce qu'elle vivait dans le bourgeon. Et
comme la chrysalide reste immobile dans son cocon; J'homme aussi germera et ressuscitera, s'il a gardé
mais elle attend la vie brillante du papillon. dans son âme la vie de la foi et de la grâce. Mais
Les morts sont réduits en poussière dans la tombe, ceux qui ont vécu dàns le péché, qui étaient déjà morts
comme la semence pourrit dans la terre; mais elle pendant leur vie, comment vivraient-ils après leur
attend la vie qui renaît au printemps. . mort?
b) Nous aussi nous ressusciterons, comme le Christ est Oui, telle est l'idée chrétienne de la vie éternelle
ressuscité des morts. que nous puisons dans l'enseignement de Notrc-
L'âme du Christ s'est réunie à son corps, - mais Seigneu r Jésus- Christ.
qu'est devenu maintenant ce corps torturé et mis à
mort? Le corps glorifié par la résurrection n'est plus II
soumis aux lois de la matière. Il traverse les fenêtres
comme le rayon de soleil, sans les briser. Il apparaît L'IDÉE DE DIEU AUSSI PROCLAME LA VIE FTERNELLE.
dans une chambre, sans être obligé d'ouvrir la porte. (
(
l' Il circule autour de nous, les apôtres le voient tantôt Mais si nous réfléchissons à l'idée que notre foi
ici et tantôt là et il n'a pas besoin de ses pieds. Il s'élève chrétienne, donne de Dieu, nous rencontrons, en
\" au ciel et il n'a pas besoin d'une force ascensionnelle. dehors de l'enseignement lumineux du Divin Maître,
~I
"
C'est ainsi qJ"e je serai, moi aussi, après ma résur-
rection, lumineux, rayonnant, exempt de toute douleur,
d'autres arguments qui postulent la réalité d'une autre
vie. S'il y a un Dieu, il faut qu'il y ait aussi une autre
affranchi des barrières du temps et de l'espace. Mais vie, car cette autre vie est exigée par .JA) la majesté,
po~r que mon âme puisse un jour remporter une B) la bonté et C) la justice de Dieu.
126 LE SYMBOLE DES . APÔTRES LA RÉPONSE DE LA FOI; IL Y A UNE VIE ÉTERNELLE 127
A) La majesté divine exige avant tout une vie apres bon Père. En effet aurait-Il seulement créé l'homme
la mort. pour le -rendre malheureux?
a) En effet une autre vie et te Jugement justifieront a) Que de souffrances pour l' homme! Plus que pour
Dieu en toutes choses. Ici-bas sur ta terre, les pécheurs n'importe quelle autre créature vivant sur la terre.
sont si audacieux, ils transgressent avec tant d'impu- L'homme connaît déjà d'avance la douleur, il
dence tes commandements de D ieu que les bons, les ( l'attend et ainsi ne fait que l'augmenter; finalement
justes, gémissent bien souvent: « Seigneur, ne voyez- il désespère et sa douleur le déchire. Les autres 'êtres
vous pas tout cela? Ne les punirèz-vous pas? » Il faut vivants meurent aussi; mais ils ne le savent pas d'avance;
donc qu'il y ait une autre vie où la majesté divine l'homme le sait et tremble.
offensée sera satisfaite et où chacun verra qu'on ne Et - chose encore,plus triste - il ya nos souffrances
peut pas se révolter impunément contre Dieu. morales, les soucis, la tristesse; lorsque d'autres hommes
b) La sagesse de la divine Pro'l)idence qui regte tout - des êtres qui nous sont chers - souffrent ou meurent
pour le mieux éclatera ' alors. Dans les événements et que nous ne pouvons pas les secourir.
embrouillés et douloureux de 'cette vie terrestre il est Et pour que notre amertu;me soit complète, l'homme
si difficile de découvrir les voies de la Providence. souffre, bien qu'il ,ne soit pas né pour la souffrance,
Il y en a tant qui se révoltent wntre les plans et les mais pour la joie. Il cherche la joie, il la désire, mais
ordres de Dieu, car dans les év::nements du monde en vain: ce qu'il éprouve de joie dans la vie ne fait
on aperçoit une confusion semblable au spectacle qu'augmenter sa soif de joie. Il recherche le beau,
d'un grand tapis persan regardé à l'envers. Il faut donc mais il voit que la corruption le saisira aussi; il recherche
qu'il y ait une autre vie, un autre monde où l'on verra la richesse, le bien-être, les honneurs, la gloire - mais
non plus l'envers du tapis gigantesque de Ithistoire en vain.
du monde · - comme précisé ment dans cette vie b) Si je crois en Dieu, il me faut croire aussi à la vie
terrestre - mais l'harmonie des couleurs et avec une éternelle .. Car c'est Dieu qui a mis en moi ce désir
humble recoimaissance nous comprendrons les plans insatiable qui crie sans cesse en moi : « Vivre 1 vivre!
sublimes de la divine Providence qui dispose tout pour Et ne pas mourir 1 )) Comme brûle en nous le désir
le mieux et notre plr.}s grand bien. d'un bonheur parfait, - et en cette vie personne ne
En vérité : ou illl'y a pas de Dieu ou il n'y a pas le trouve. Comme brûle en nous le désir d'une-clarté
de vie éternelle. et d'une lumière parfaites, - et personne ne les trouve
", B) Mais la bonté de Dieu aussi exige une autre vie en cette vie. Nous souhaitons la paix - et il n'y a pas
par delà la tombe. de paix. Le repos - ,et il n'y a pas de repos. La réponse
Il n'y a pas d'autTe vie. Alors Dieu n'est pas notre à tant de questions - et il n'y a pas de réponse. La
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA RÉPONSE DE LA FOI : IL y A UNE VIE ÉTERNELLE 129
justice, et il n'y a pas de justice. Combien nous faisons uns à côté des autres dans les wagons 1Un gros commer-
de projets, et il n'en résulte rien. Combien d'espérance~ çant obèse est assis dans un coin, une lourde chaîne
- et aucune ne se réalise. d'or au gilet, un havane à la bouche, un illustré léger
Est-ce pour cela, Seigneur, que Vous avez créé dans les mains et dont il tourne les pages en riant ...
l'homme? Pour que nous nous combattions ,et nous A côté, un prêtre récite tout bas son bréviaire : « Gloria
dévorions les uns les autres? Si je considère n'importe Patri et Filio et Spiritui Sancto »... Un troisième
" quelle autre créature, ses instincts et les moyens de voyageur, une dame du monde, va dans une ville d'eau,
les satisfaire, je les trouve en rapports mutuels. L'animal cp,aque demi-heure elle dépose son ' roman, tire
se rassasie et est satisfait. Mais moi? J'ai soif et il n'y son miroir et sort ses accessoires de toilette... En
a pas sur la 'terre un breuvage qui puisse l'apaiser. face d'elle est assise une jeune femme avec deux
Il me faut la Vie, il me faut la Beauté parfaite, il me enfants ... Et le train roule à toute vapeur, sans s'arrêter. , 1
faut la Vérité absolue, il me faut le Bonheur sans nuage. 'Tous ces voyageurs vont vers leur destination ':
Et si tout cela n'existe pas? S'il n'y a pas de bonheur chez eux... Mais nous qui sommes emportés tous
sans nuage? S'il n'y a pas de vie éternelle? Alors ensemble par le train de la ' vie, nous , les hommes
pourquoi Pl'avez-Vous donné ces désirs? ~Si je ne suis entassés sur cette terre les uns à côté des autres,
né que pour mourir, alors pourquoi suis-je aussi arriverons-nous aussi de la même façon à une même
épouvanté à la pensée de la mort? Seigneur, si je ne destination : arriverons-nous à la corruption du tombeau,
puis jamais Vous voir, pourquoi permettez-Vousque quelle que soit la maniere dont nous aurons vécu ,sur 'cette
je Vous connaisse? Pourquoi avez-Vous créé dans terre? Alors Dieu' ne serait pas juste. Si tout est fini
mon cœur un vide que personne au monde, sinon avec la mort, où recevront-ils leur récompense ceux
V ous, grand Dieu, peut remplit? qui, au prix d'immenses sacrifices sur la terre, ont tenu
Mais moi je crois que Dieu n'a pas déposé dans bon, pour l'honneur, la fidélité et la vertu? Si tout est
mon âme des images illusoires. Je crois qu'Il me fini avec la mort, où recevront-ils leur châtiment ceux
conduira à travers les épines et les souffrances à la vie qui, durant leur vie terrestre, ont été regardés comme
éternelle, parce qu'Il est infiniment bon. En vérité : bons, honnêtes, ont été loùés et exaltés, alors qu'en
:i
ou bien Dieu n'est pas bon ou bien il y a une vie éternelle. ré3lité leur vie n'était que péché secret et méch~'~ceté?
C) Enfin la justice divine exig~ eize aussi une autre vie. b)Oh oui! il faut qu'il y ait une autre vie où tout
C'est cette- croyance qui donne sa valeur à l'ordre péché trouvera sa punition. Ici-bas sur la terre le péché
moral d~lllS le monde. triomphe'-'et remporte bien souvent la victoire; mais
a) Comme il est intéressant de voyager sur une grande sur les lèvres des hommes remplis d'amertume et
ligne internationale! Les voyageurs sont entassés ,les indignement maltraités on entend sans cesse ces paroles
Symb. d. Ap. - T. VI 9
13 0 tE SYMBOLE DES APôTRES LA RÉPONSE DE LA . FOI : IL Y A UNE VIE ÉTERNELLE 13 1
de consolation : « Tout péché sera puni. Attendez, Mes ennemis me trouvent certainement. Dans mon vin
attendez! Le juste Dieu vous le fera payer ». il y a certainement de l'eau. Dans mes joies il y a
Cette croyance n'est-elle pas lIn~ consolation, quand certainement de l'absinthe. Et si je trempais ma plume
nous-' sommes victimes d'une injustice? dans mon destin, je pourrais écrire comme avec de
«( Le juste Dieu vous punira ». Nous l'avons entendu l'encre noire ...
dire autrefois bien souvent... mais peut-être jamais Combien d'hommes pourraient parler ainsi!
cela n'a été aussi vrai que de nos jours. Autrefois aussi Aussi la justice de Dieu exige-t-elle qu'il y ait un
l'honneur et le péché se sont combattus, mais l'immo- autre monde où Dieu - comme l'a dit Notre,-Seigneur
ralité ne ricanait pas avec un orgueil aussi cynique Jésus-Christ - « rendra à chacun selon ses œuvres»
et l'honneur n'était pas autant traîné ' dans la boue (S. Matthieu, XVI, 27).
que dans les manifestations actuelles. En vérité : ou bien il n'y a pas de Dieu juste ou bien
cc Le juste Dieu vous fera payer tout cela ». Mais où il y a une vie éternelle.
le fera-t-il payer, s'il n'y a pas de suite à cette vie Mais de même que la conscience au dedans de moi,
. terrestre? Si la tombe engloutit pareillement l'innocent chaque étoile du, ciel au-dessus de moi et chaque brin
et le pécheur, celui qui craint Dieu et celui qui le blas- d'herbe dans la prairie autour de moi proclament
phème, le meurtrier et sa victime et si tout est fini qu'il y a un Dieu, de même la sagesse, la bonté et la
avec la tombè, s'il n'y a plus rien? Peut-on supporter justice de Dieu proclament qu'il ya une âme immortelle
cette pensée? et une vie éternelle. La foi en l'existence de Dieu et
Ne faut-il pas qu'il y ait réellement une autre vie la foi en la vie éternelle sont indissolublement unies
JÙ tout péché recevra son châtiment? entre elles, et de même que l'immortelle grimpe après
c) Ne faut-il pas qu'il y ait une autre vie où chaque une colonne de marbre, de même la foi en la vie
vertu recevra aussi sa digne rlcompense? Ici-bas le monde éternelle se nourrit de la foi en l'existence de Dieu.
juge injustement, souvent il humilie indignement les
bons et opprime les gens honnêtes.
Quelle consolation pour nous que le futur royaume . Mes frères, dans le Campo Santo de Gênes on peut
de Dieu dont les jugements seront tout autres! lire sur une vieille croix funéraire cette sublime inscrip-
En-effet combien d'hommes de bien et d'honneur tion : cc Occido cum sole », «je me couche avec le soleil ».
ont pu dire en toute justice de cette vie terrestre : Quelle consolante pensée: Ne pleurez pas avec déses-
Rien ne m'a réussi ici-bas. Si je me mets en route, poir sur ma mort 1Qui pleure sur le soleil qui se couche?
je m'égare certainement. Si je me mets à jouer, je perds Car on sait que le lendemaip. il se lèvera de nouveau
cèrtainement. Mes amis me trompent certainement. avec l'éclat de l'aurore. ;Mais moi aussi, c'est ainsi
LE SYMBOLE DES APÔTRES '
que "ce soù aussi un jour ma récompense. Am<èn • hors de la montagne: A la sortie de la montagne est
134 LE SYMBOLE DES APÔTRES LA RÉPONSE DE LA RAISON: IL Y A UNE VIE ÉTERNELLE 135
notre st>"zmon d'aujourd'hui. Aujourd'hui nous voulons
bâti un établissement de bains, les Bains de Pfaefers,
examiner les preuves qui justifIent devant l'homme qui
où des rhumatisants à peine capables de se mouvoir
r~fléchit ce que les peuples ont toujours cru et le christia-
recommencent à marcher; et lorsque l'eau 's 'est frayé
nisme explicitement enseigné : il y a une âme immortelle,
son chemin, elle arrive enfin en plein air, à la chaude
il y a une vie éternelle.
lumière du soleil et poursuit sa route vers le Rhin.
Nous pouvons classer ces preuves en trois groupes.
Il en est ainsi de la vie humaine. Pendant des dizaines
Il y a une vie au delà de la ·tombe, il y a une vie immor-
d'années nous vivons ici-bas sur la terre; nous nous
telle, c'est ce que prouvent: J. la raison, II. la volonté
heurtons et nous nous brisons contre des pierres et des
et III. le cœur de l' homme.
rochers et nous nous frayons une route à travers une
montagne. Une force irrésistible nous rapproche sans
" cesse ' de la gorge de 'la montagne où nous attend le
bain mystérieux de la mort. C'est là que nous jetons I
tous les fardeaux terrestres, que nous nous débarrassons
de toutes les béquilles àe la vie matérielle et que, LA RAISON HUMAINE PROUVE L'EXISTENCE
avec un nouvel élan, nous nous envolons sur les ailes DE LA VIE ÉTERNEL!.f'.
de l'éternité, à la clarté de la lumière éternelle, vers
le Dieu éternel.
La langue allemande exprime excellemment cette A) Notre vie n'a un but que s'il existe une vie éternelle.
idée, en disant que la mort n'est pas un « Untergang », C'est tout naturel, n'est-ce pas, que dans le monde
inais un « Ubergang », non pas une destruction, mais toute chose doive avoir un but. Aùssi le petit enfant
un passage; c'est comme un passage d'une chambre des qu'il a l'usage de la raison, demande-t-il sans cesse;
dans une autre, lorsqu'on franchit le seuil. Le seuil Pourquoi? Pourquoi? Papa, pourquoi cela? Maman
ainsi franchi c'est la mort. pourquoi cela? Et n'allez pas lui répondre: Pour rien:
Cette foi, la foi en une vie après la mort, la foi en Car alors il demanderait: « Si c'est pour rien, alors
" une autre vie, a toujours été un bien commun \ de pourquoi cela existe-t-il? II
l'humanité, comme nous l'avons vu dans mon dernier Un jour Saint François d'Assise demanda à un maçon:
sermon. C'est ce qu 10nt proclamé clairement Notre- « Que fais-tu, frère? ))
Seigneur Jésus-Christ ainsi que l'idée même de Dieu, Et celui-ci répondit :
'1 comme je l'ai rappelé dim~~che dernier. Mais nous ' cc Je travaille .toute la journée ».
nelles et logiques, c'est ce que nous allons faire dans cc Pour ga~ner de l'argent ».
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA RÉPONSE DE LA RAISON: IL y A UNE VIE ÉTERNELLE 137
« Et pourquoi as-tu besoin d'argent? » Au contraire: il est de plus en plus mécontent, blasé
« Pour avoir du pain ». et sans joie.
« Et pourquoi veux-tu avoir du pain? , Mais quel est donc le but de l'homme? De parvenir
« Eh bien! Pour vivre ». peut-être à la renommée et aux honneurs?
« Et pourquoi vis-tu? »••. Ah oui! ce serait un but plus noble que les précédents,
Certainement, voilà la grande question, la question mais il ne suffirait toujours pas : en ' effet comment
finale: Pourquoi suis-je en vie? Quel est le but de ma vie? atteindraient-ils aussi leur but, ces millions d'hommes
Dans le monde tout a un but, seul l'homme n'en aurait obscurs qui font leur devoir toute leur vie, dans le
pas? Chaque muscle, chaque nerf, chaque veine, chaque silence, sans être connus ni loués de personne?
cheveu, chaque fibre, chaque partie de mon être a un but Quel est donc pourtant le but de la vie? Lutter
important, seul l'ensemble de mon être n'en aurait pas? pendant 60, 70, 80 ans, puis disparaître sans laisser
Il faut donc, n'est-il pas vrai, que j'aie un but quel- de trace - la raison humaine peut-elle s'en contenter?
conque. Quel est donc mon but? Je jette une pierre dans l'eau; l'eau commence à faire
b) S'il n'y a pas 'd'autre monde, c'est que mon but est des cercles, puis sa surface redevient tranquille et
sur la terre, - c'est clair; mais quel est alors ce but? unie, Si j'avais jeté une grosse pierre, l'eau aurait fait
Peut-être la richesse? Est-ce un but digne de la raison plus de cercles, mais peu à peu elle aurait retrouvé
humaine? En effet quelles que soient les richesses son calme . . , Pouvez-vous supporter que la vie humaine
que j'aurai amassées, je laisserai tout à mes héritiers, ne soit pas davantage?
à de joyeux héritiers. Et puis est-ce que chacun peut « On entre, on crie, - c'est la vie. On crie, on
devenir riche? Certainement non. Mais alors celui sort, - c'est la mort 1). Ah! s'il en était ainsi, il y aurait
qui n'a pas pu devenir riche, pourquoi a-t-il vécu? de quoi devenir fou!
D'autre part celui qui a atteint son but doit être Et lorsque l'homme a cherché avec angoisse le but
satisfait, mais celui qui est devenu riche, n'a-t-il plus de la vie, mais ne l'a trouvé nulle part sur la terre,
-,- ,, d'autre désir? Mais si. Il n'est jamais satisfait. En vérité: 17 teve les yeux au-dessus de la vie terrestre et aussitôt
la richesse ne peut pas être le but de la vie. tout devient clair devant lui. Bien sûr, je ne trouve pas'
Est-ce peut-être le plaisir, la jouissance? Non, ce mon but, ma plac~ sur la terre, pourquoi? Parce que
n'est pas cela, car alors la plus grande partie des Dieu ne m'a pas créé pour la terre. Mais -cette vie
hommes n'atteindrait jamais son but, ils ont si peu terrestre n'est qu'une préface au livre de l'éternité;
de plaisir et de jouissance. Plus un être atteint son à la mort le corps se désagrège, le voile tombe et il
but, plus il devient parfait; mais l'homme devient-il reste l'âme immortelle, faite pour l'éternité.
" plus parfait à mesure qu'il a davantage de jouissances?
-" .
"
".
LE SYMBOLE DES APôTRES LA nÉPONSE DE LA RAISON: IL y A UNE VIE ÉTERNELLE 139
B) Mais est-ce pos~ible? Est-îl possible que nous seront complètement inactifs, c'est-à-dire quand tu
vivions encore après la mort de notre corps? mourras, alors tu continueras encore à voir, à entendre,
Saint Augustin, le grand philosophe et théologien à parler et à sentir ».
chrétien, a raconté le rêve curieux d'un médecin de e) En poursuivant toujours cette idée, il nous faut
Carthage: Gennadius - c'était le nom de ce médecin- arriver à reconnaître que non seulement une autre
était assailli de doutes sur cette question : comment forme de vie attend notre âme dans l'autre ·monde,
pourrait-il continuer à vivre après la mort du co~ps .. mais encore que notre corps ne peut pas disparaître
C'est alors qu'un jeune homme rayonnant de lumlère définitivement, mais ressuscitera un jour. Sans doute
lui apparut en songe et lui demanda: notre corps meurt, mais il ne réste pas éternellement
_ « Gennadius, dors-tu maintenant ou es-tu en poussière.
éveillé? » a) Car s'il y restait, la plus belle pensée du Tout-
- « Je ,dors », répondit le médecin. Puissant demew'erait inachevée.
t, _ « Me vois-tu? » poursuivit le jeune homme. Le corps humain ne méri~e-t-il pas que le Créateur
1
Ifl'', - « Je te vois ». le ressuscite de la mort? Parmi les choses matérielles
li' , /
« Avec quoi me vois-tu? Avec les yeux de ton de la création le corps de l'homme est indubitablement
Il: corps? » . le chef-d'œuvre du Créateur. Le soleil de mai brille
i' _ « Non; pas avec eux, car ils sont fermés. Je ne magnifiquement, mais son éclat peut-il se comparer
!1 sais pas avec quoi je te vois )J. au doux sourire d'un homme? Une matinée de prin-
,l,
.1 Mais le jeune homme continua : temps est belle, mais n'est-il pas plus beau le regard
- « Gennadius, m'entends-tu? » angélique d'un jeune homme à l'âme pure? Le ciel
- « Oui». constellé d'étoiles est ravissant, mais qu'est-il en com-
_ « Avec quoi entends-tu? Avec tes oreilles? » paraison des yeux de cristal d'un enfant? Le chant
« Non pas. Je ne sais pas avec quoi j'entends ». des oiseaux est suave, mais qu'est-il auprès de la voix
,l, Et le jeune homme reprit : humaine? Comme l'homme devait être beau, lorsqu'il
:~I
« Gennadius, parles-tu en ce moment avec moi?» sortit des mains du Créateur et que rayonnait en lui la
1
"
- « Oui». ressemblance divine, comme il devait être beau, si
« Avec quoi parles-tu? Avec ta bouche? » maintenant encore, quoique assailli par le péché, il
_ « Non. Je ne sais pas avec quoi je parle ». dépasse autant tout ce qui existe autour de lui! .
_ « Eh bien! tu vois - dit alors l'ange - tes sens b) Eh bien! - dites-m,oi - est-il croyable que Dieu
sont inactifs et cependant tu vois, tu entends et tu détruise ce chef-d'œuvre pour toujours? Les étoiles
parles. Et lorsque un jour l'heure viendra où tes sens brillent depuis des milliers d'années et leur éclat ne
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA RÉPONSE DE LA RAISON: IL y A UNE VIE ~TERNELLE . 141
s'éteint pas. La terre a déjà vu des milliers de printemps Oui, il Y a une grande différence entre l'homme qui
et sa fécondité n'a pas diminué. Les sources jaillissent, s'en va en poussière dans sa tombe et Phomme qui
les chênes verdissent, les montagnes dressent leurs vit éternellement; mais n'y a ~t-il pas aussi une gra nde
cimes, tout, tout serait d'une existence plus longue, différence entre la chrysalide immobile dans son CC-:iCon
1 é
seul l'homme ne durerait que q\lelques ann es et pUIS
. et k papillon aux vives couleurs? Et le papillon
ce serait le tombeau, le silence, les vers, là corruption 1 pourtant était une chrysalide sans mouvement.
Même ses propres œuvres survivraient à l'homme 1 « Il n'y a pas. de résurrection, car on ne conçoit pas
Autour de nous se dressent les vieilles maisons de la comment serait cette autre vie» - disent ceux qui
capitale : elles 'ont été bâties il y a 100, IS0 ans et elles doutent. Comprenez-vous comment s'est réalisée la
sont toujours debout. Mais oil sont leurs const~ucteurs ? première vie? Qui en a une idée? Mais si Dieu a pu
Dans les rues se dressent des statues ,qui ont été donner une 'vie qui n'existait pas, ne peut-Il pas rendre
érigées il y a des dizaines d'années; la statue est toujours celle qui a déjà existé?
debout et celui qui l'a élevée est mort depuis longtemps. En vérité, la raison hu~aine prouve la réalité de la
Mais est-il "disparu définitivement? Un homme peint vie éternelle. Mais la volonté humaine la prouve aussi.
sa propre image et cette reproduction vivrait plus
1·1'
"
, longtemps que l'original que le Tout-Puissant a Lui-
même créé! II
Non! Je ne puis pas le croire!
c) Mais je pense plutôt - si je puis employer une
LA VOLONTÉ HUMAINE PROUVE LA RÉALTTÉ
comparaison - que de même que la chenille qui se
DE LA VIE ÉTERNELLE.
glisse dans la poussière se transforme en chrysalide,
s'enferme dans l'immobilité de la tombe, mais ensuite
s'envole avec une force nouvelle, un curps nouveau " A) De toutes nos forces nous soupirons après la
et plus beau et devient un papillon multicolore ql Ii justice. Ce désir est si vivant dans notre nature que
ne se traîne plus dans la poùssière, mais se pose seule- , déjà le petit enfant de quatre ans s'attriste - sans
ment sur les fleurs, de même le corps sorti de la pous- savoir pourquoi - lorsqu'il entend parler des persé-
sière, lourd, pesant, maladif, doit d'abord descendre dans cutions -,injustes que Blanche-Neige doit supporter
i'
"
la tombe, pour ensuite se _dépouiller de toute pesanteur de sa méchante marâtre.
et lorsqu'il sort du tombeau, il est ennobli, spiritual.is é, a) Mais la justice existe-t-elle sur cette terre? N'y
il ne peut plus souffrir: , il est plus brillant que les voit-on pas sans cesse l'honnêteté foulée aux pieds
étoiles du ciel. et la méchanceté triompher?
LE SYMBOL~ DES APÔTRES LA RÉPONSE DE LA RAISON: IL y A GNE VIE ÉTERNELLE 143
Or nous ne pouvons pas supporter la pensée que l'âme humaine que les ennemis du christianisme eux-
le mal l'emporte sur le bien. La vie terrestre est remplie mêmes ne peuvent pas s'en affranchir. L'histoire est
de dissonances, mais on sent qu'il y a quelque part pleine d'exemples montrant qu'au moment d'un danger
une compensation. Il n'y a pas un dramaturge pour de mort les grandes phrases des athées les plus impu-
'oser terminer .sa pièce sur la victoire du mal. Les dents s'effondrent.
spectateurs diraient - et à juste titre -:- l « La pièce est _ Lorsqu'en 1835 le choléra faisait rage en France, on
inachevée ». Dans la musique moderne on trouve put voir dans les rues de Paris même des « libres
sans doute des dissonances, mais finalement toutes ces penseurs » suivre, pieds nus, cierge en main, les
dissonances doivent se résoudre en harmonie. processions de pénitence, et répéter en se frappant
b)Or c'est précisément cela et même davantage la poitrine : « Parce Domine », « Seigneur, ayez pitié
que nous attendons de la vie. Elle ne doit pas finir sur de nous »).
la victoire du péché. La fraude peut-elle triompher? Et Camille Desmoulins, le fameux révolutionnaire,
La méchanceté peut-elle triompher? Le péché peut-il n'écrivait-il pas à son épouse, peu de temps avant
triompher? Celui qui a foulé aux pieds les comman- son exécution : « Je ne me soucie pas du supplice,
dements de Dieu peut-il triompher? je crois qu'il y a un Dieu ... Lucie, je te reverrai »).
Mais s'il n'y a pas un autre monde, ils triomphent.
S'il n'y a pas une autre vie, alors il Ii'est pas vrai que
« les moulins de Dieu broient lentement, mais
III
sûrement ». S'il n'y a pas un autre monde, alors quelle
que soit la manière dont les hommes ont vécu, leur
LE CŒUR HUMAIN' PROUVE L'EXISTENCE
sort à tous est le même: la corruption de la tombe.
DE LA VIE ÉTERNELLE.
Mais qui pourrait supporter pareille pensée?
Une sœur de charité est à l'agonie. Toute sa vie a
été un sacrifice continuel par amour du 'prochain. Et Mais si nous pouvons établir par une étude purement
maintenant elle meurt. du typhus qu'elle a contracté f humaine de l'activité de la volonté et de la raison,
1. en soignant des contagieux. Et voilà aussi à l'agonie que par delà la tombe il existe une vie éternelle, nous
un vieux débauché qui durant toute sa vie a entassé devons aussi le conclure des diverses manifestations
les péchés -et meurt maintenant après d'abominables du cœur humain.
excès. Et tous les deux auraient le même sort? Peut-on A) Le cœur humain aspire de toutes ses forces au
raisonnablement supporter pareille pensée? bonheur. Nous sommes créés ainsi nous voulons
B) Ce désir de la vie éternelle est si vivant dans être heureux. N'entendez-vous pas ·les cris incessants
[44 LE SYMBOLE 'Dh:; APÔTRES LA RÉPONSE DE LA RAISON: IL Y A UNE VIE ÉTERNELLE 145
de millions d'hommes vers le bonheur? Ne voyez-vous sur la terre d'une autre patrie où habitent la Beauté,
pas les efforts inquiets de millions d'êtres vers le la Bonté et la Vérité parfaites.
bonheur ? c) « Tout est fini avec la mort. C'est la fin de la vie,
a) Mais ou est donc le bonheur sur la terre? Où trouvez- la fin de tout bonheur )). C'est facile à dire. Mais essayez
vous le bonheur parfait, durable, sans trouble? Les de le croire, lorsque vous vous tenez au lit de mort
anciens païens disaient que les dieux jalousaient le d'une épouse chérie, d'un enfant bien-aimé. Essayez
bonheur des hommes. L'homme cherche le bonheur d'y croire aux obsèques de votre mère.
par un travail et des sacrifices de jour et de nuit, tout L'amour maternel! Il n'y a pas sur terre de mot
comme les anciens cherchaient « la pierre philoso- plus doux" de dévouement plus sûr, plus généreux.
phale », et il ne la trouve pas plus que ceux-ci ne l'ont Jamais, jamais je ne pourrais croire que les quelques
trou,vée. ossements qui viennent d'être déposés dans la tombé
En effet il nous faudrait le bonheur parfait. Donnez d~ ma mère représentent tout ce qui reste de cette
à l'homme tous les trésors de la, terre : il sera heureux mère , disparue à jamais. Est-il disparu cet amour avec
',1 pendant un jour, mais après il demandera avec désil- lequel elle m'a soigné dans ma petite enfance, "avec
r '
~ lusion : « C'est tout? )) Alexandre le Grand au faîte lequel elle m'a accompagné dans mon adolescence?
de la gloire se mit à pleurer : « Il y a encore les étoiles. Est-il disparu définitivement? Non. Je ne le croirai
Celles-là je ne 'peux pas les conquérir ». , jamais.
Et puis il nous faut un bonheur qui ne passe pas. B) Mais l'homme ne désire pas seulement le bonheur,
Plus l'homme est héureux, plus est terrible cette il désire aussi la vérité. Depuis que le premier homme
pensée : tout passe, tout passe. a levé vers les étoiles son regard scrutateur et interro-
b) S'il n'y a pas d'autre vie, Dieu ne fait que jouer gateur, la race humaine a une soif inextinguible de la
avec 1'(ous : il a mis en nous un désir, le désir du bonheur, vérité.
mais nous ne pourrons jamais l'atteindre. Pourquoi a) Mais que rencontrons-nous de vérité sur cette terre?
Dieu nous a-t-Il donné le désir dévorant de la vérité Quelques parcelles. Quelques brîbes. Qu'est-ce donc que
parfaite, du bonheur qui ne passe pas, s'il ne , doit cette soif nostalgique de la vérité parfaite qui existe
jamais être apaisé? _ en nous? Où la trouverons-nous, sinon dans le pays
Quand les habitants des hautes montagnes descendent dont parle si magnifiquement l'inscription funéraire
dans la plaine; ils éprouvent la nostalgie de leurs cimes . de Newman : « Ex umbris et imaginibus in veritatem »,
couvertes de neige où ils s9nt nés et où ils habitent; « du pays des ombres et des images il est passé au pays
de même, quand notre âme vibre pour tout ce qui de la vérité parfaite »', .,
est beau, bon et vrai, cela prouve qu'elle est venue L'homme sent toujours son i~perfection, il cherche
Symb, d, Ap , - T , VI 10,
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA RÉPONSE DE LA RAISON: IL Y A UNE VIE ÉTERNELLE 147
toujours le mieux, il cherche quelque chose de plus elle vieillit ... et mourut, et voilà qu'à la porte du ciel
grand. Nous sommes des voyageurs, qu'attend quelque son fils s'avança vers elle et s'écria joyeusement :
, part un but. « IVlaman! maman!)) ,
L'homme cherche la vie. Mais avons-nous la vie? Oui, l'humanité a toujours senti avec une certitude
A ~ pas du tout. 'Ce que nous avons entre les mains instinctive qu'il devait y avoir un lieu où seraient
ici-bas sur la terre n'est qu'une bien petite miette réalisés nos désirs les plus nobles, - désirs qui vivent
de vie. Une ombre de vie. Un bourgeon qui n'est en nous, mais qui ne se réalisent pas ici-bas sur cette
pas encore éclos. Une goutte de nectar dont nous terre.
cherchons avidement la source. c) Mais ce désir de l'éternité n'est-il pas en nous un
b) La vie humaine sur la terre n'est jamais terminée, rêve vain? Ce sentiment instinctif ne nous trompe-t-il pas ?
,nous n'en avons jamais fini avec nous-mêmes, - il Lorsque soufRe pour la première fois le vent plus
faut donc qu'il y .ait une autre vie, une vie d'achevement, froid d'automne, nos hirondelles deviennent plus
de perfection. Comme il est émouvant, cet aveu de inquiètes. Un instinct irrésistible les chasse vers le sud
Michel-Ange, qui, deux jours avant sa mort, après une où elles trouveront un nid bien chaud et une nourriture
vie de 90 ans remplie de magnifiques créations, était assurée, tandis que chez nous une couche de neige
obligé de dire: « Je ne regrette que deux choses: ne couvrira le sol et que les insectes se cacheront. La
pas avoir songé davantage au salut de mon âme et petite hirondelle qui est née chez nous cette année
être obligé de mourir, alors que je commençais à, et n'a encore jamais vu d'hiver, - s'en va aussi.
balbutier les premiers mots de mon art ». L'hirondelle qui a été couvée dans une cage et n'a
Victor Hugo aussi disait : « J'approche de ma fin jamais eu à songer à sa nourriture devient inquiète
et j'entends de plus en plus clairement autour de moi et si on la met en liberté, elle part aussi. Où? Bien loin,
les ~ymphonies immortelles des mondes qui m'appel- dans le sud, qu'elle n'a encore jamais vu, dont elle
lent. Chose si admirable et si simple. Depùis un n'a jamais entendu parler.
demi-siècle je traduis mes pensées en prose et en vers ... Qui les pousse ainsi? L'histoire naturelle répond :
J'ai tout essayé et je sens que je n'ai pas exprimé la l'instinct.
millième partie de ce qui vit en moi )). C'est bien cela. La nature a mis ' en elles l'instinct.
Connaissez-vous la légende de la mère d'un enfant Et si elles se trompaient? Si là-bas ce n'était pas la
sourd et muet? Une lhère avait un fils sourd et muet. chaleur qui les attendait, mais la glace, la neige et la
L"enfant mourut et jamais il n'avait pu prononcer mort ? Est-ce que l'instinct aurait sa signification?
une seule fois le nom de mère. La femme vécut de Non. La nature les aurait trompées. Mais la nature
longues années, portant en elle cette cruelle blessure" ... n'a pas l'habitude de faire des sottises; si l'hirondelle
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA RÉPONSE DE LA RAISON: IL Y A UNE VIE ÉTERNELLE J 49
'.\ . pouvait penser, ell~ parlerait. ainsi. « Il est sûr qu'il ' Alors il écouta les eaux et avec son instrument imita
y a un autre monde, car mon instinct le dit n. le murmure des ruisselets de la montagne, le bruit
Pourtant l'hirondelle ne peut pas penser. Mais moi des vagues écumantes, puis le doux clapotis des
je le puis et je dis: « Il faut qu'il. y ait un autre monde, petites rivières... C'était , délicieux', mais toui~urs
~
car ma raison, ma volonté, mon cœur disent unani- insuffisant pour notre violoniste.
mement que cette vie a une suite, un achèvement, Alors il alla au milieu des hommes. Il joua les airs
qu'il existe une vie éternelle ». joyeux des jeunes gens, des danses allègres et des
«- chants de tristesse, il joua aussi des chants d'église ...
... * De temps en temps son cœur battait plus fort en
Mes frères, les hommes qui savent réfléchir ont sans jouant une mélodie sortant des profondeurs de l'âme
cesse l'impression ' de marcher sur la terre comme humaine ... mais la mélodie qu'il cherchait inlassa-
dans une ombre : tout n'est que commencement, blement toute sa vie, il ne la trouvait toujours pas.
tout est demi-travail, toujours quelque méconten- Entre temps notre homme grisonnait, vieillissait et
tement les poursuit, ils sentent qu'il doit exister un tomba mortellement malade.
lieu où l'éclat du soleil est parfait et où sera parfaite Et comme il était arrivé à sa dernière heure, voilà
la mélodie que nous jouons... comm~ dans le conte que ... tout à cpup ... venant de bien loin .. . une admi-
du violoniste. rable mélodie parvint à ses oreilles. C'était elle. C'était
Il y avait une fois un violoniste qui se mit en tête la mélodie qu'il avait cherchée toute sa vie; la plus
d'apprendre la plus belle lllélodie qu'il y eût sur la belle, la plus sublime des mélodies. Il rassemble ses
terre. Il allait constamment dans la forêt écouter le dernières forces, saisit son violon, sa main vacille,
chant des oiseaux et un jour il put jouer du violon ses doits tremblent, mais cependant il joue la mélodie,
d'une manière si ravissante qu'on croyait entendre la plus belle mélodie, pressentie et cherchée pend:mt
chanter une alouette ou un rossignol. .. C'était très toute sa vie ... et à l'instant où il l'achève, les quatre
beau; mais pas assez beau pour notre violoniste. cordes du violon se brisent et le malade tombe mort.
Il se tint en plein air durant des heures pour entendre Il avait trouvé la plus belle mélodie dans le royaume
le doux murmure du zéphyr. Il écouta les hurlements éternel de Dieu.
sauvages des tempêtes. Et il les apprit. Son violon o mon Dieu, nous vous en supplions, faites que nous
joua tantôt .comme le vent sifflant doucement dans aussi, au terme d'une vie passée fideIemettt à votre service
le feuillage,' tantôt comme l'orage qui fait plier la cime sur la terre, .nous trouvions la plus belle mélodie et puissions
des chênes. C'était sublime; mais pas encore assez la chanter devant Vous durant l'éternité! Amen.
pour notre artiste.
'l' ..
".1 et avec elles il peut s'élever d'un bond à des hauteurs Dès lors qu'à notre avis toute la vie éternelle dépend
vertigineuses au-dessus des mondes. Ce n'est pas en vain de la manière dont nous avons passé cette vie terrestre,
qu'un sociologue américain a nommé la foi ~!ll'immor la valeur de la vie d'ici-bas grandit à nos yeux dans
talité de l'âme c( le plus grand facteur de civilisation des proportions gigantesques. C'est l~. foi en la vie
de toute l'histoire )J, car cette foi parce qu'elle A) donne éternelle qui donne naissance à notre joie inlassable
un but à la vie humaine, B) transforme aussi complète- au travail. C'est apparemment une contradiction.
ment cette vie. Mais le travail écrasant, monotone de la vie de chaque
AY' C'est la foi en la vie éternelle qui donne au jour sur lequel repose toute la civilisation humaine
christianisme son importance, sa valeur, son élan ne peut être exécuté que par une humanité que la foi
sublime et sa magnifique activité : elle est le but que a marquée du sentiment du devoir et de la conviction
nous devons absolument atteindre. que pour gagner la vie éternelle il faut remplir intégra-
a) Celui qui ne vit pas de la vie religieuse d'un pieux lement les obligations de la vie terrestre.
croyant n'a aucune idée de l'immense force morale dont c) D'un autre côté c'est en coré la foi en la vie éternelle
la foi en la vie éternelle est la source. Comme les fidèles qui garde dans de justes limites le travail terrestre et le.
prient, comme ils luttent pour l'obtenir! Que de désir' instinctif de la richesse. Celui qui ne croit pas à
renoncements · ils s'imposent et que de bonnes œuvres une continuation de la vie terrestre s'accroche de ses
ils accomplissent à cause d'elle 1 C'est pour elle qu'exis- dix doigts à l'argent et . foule aux pieds ceux qui l'en
tent les sacrements et les sacramentaux, les sacrifices séparent. Mais pour celui qui croit à la vie éternelle,
et les mortifications, les églises, les cloîtres, les saintes . la vie de ce monde n'est qu'un passage et il ne concentre
images, les crucifix, les pèlerinages. C'est pour elle pas sur elle tous ses désirs et tous ses travaux.
que nous livrons un combat incessant contre notre A un homme de ce genre le monde, quoi qu'il
nature portée au péché. Aussi faut-il prendre extrême- puisse lui donner, ne lui donnera jamais assez: il lui
1 ment au sérieux ces paroles du Sauveur: « Efforcez-vous faut le bonheur éternel, la vie éternelle. Il a le même
d'entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le idéal que Saint Philippe de Néri qui jeta sa barrette
dis, chercheront à entrer et ne le pourront pas » en l'air; lorsqu'on lui apprit que le p:iJ,pe voulait le
(S. Luc, XIII, 24). créer cardinal, et ,s'écria: « Paradiso! C'est le paradis
b) Certains reprochent au christianisme de dégrader qu'il me faut et non pas la pourpre ».
la valeur de la vie terrestre, car il ne parle 'toujours Un tel homme ne se contente pas de la vic « éternelle »
que de l'autre vie, de l'éternité. Or c'est justement promise ~par l'incroyance: « vos atomes tourbillonneront
. le contraire qui est vrai : la foi en la vie éternelle rehausse éternellement dans l'espace )J, « vos pensées resteront
la valeur de la vie terrestre. toujours dans les mémoires' », « vous aurez une belle
154 LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE DONNE LA FOI EN LA VIE ÉTERNELLE? 155
\ statue» '" Cela ne me suffit pas, Quand je serai mort, progrès terrestre, mais dans tous ses efforts il aura
qu'on n~écrive pas l'histoire de ma vie en lettres mortes devant les yeux ces paroles de Notre-Seigneur: « Que
sur du papier mort; qu'on ne m'élève pas de statue, sert à l'homme de gagner l'univers, s'il vient à perdre
pour exposer .au bord d'une rue; ma figure muette son âme? Il (S. Matthieu, xv, 26).
et aveugle taillée dans une pierre inerte ou le fer .. je Il s'efforcera aussi de s'assurer une existence honnête,
veux vivre apres ma mort, vivre une vie véritable, la vie mais quand s'éveillera au dedans de lui la tentation
étemelle. Celui qui m'a créé pour la vie de cette terre, d'acquérir une fortune malhonnête, il se souviendra
me donnera une vie' nouvelle, mais plus belle, plus des paroles du Sauveur : « Insensé! cette nuit même, .
•' 1
heureuse et sans fin. on te redeman,dera ton âme; et ce que tu as mis en
Voilà le but vertigineux que la foi en la vie éternelle réserve, pour qui sera-t-il? Il (S./ Luc, XII, 20).
met devant mès yeux. En un mot, celui qui prend au sérieux la vie éternelle,
B) Mais le christianisme, en nous présentant ce celui qui ne se contente pas d'y croire, mais la prend
'.' 1 but sublime, tran~forme toute notre vie. aussi à cœur, celui-~à jugera toute la vie terrestre du
'>1
C. a) Le philosophe grec Zénon demandait un jour à p()int de vue de l'éternité et vivra en conséquence.
r" 1
un oracle ce qu'il fallait faire pour mener une vie Ses deux pieds sont sur la terre - car il faut bien y
1· vertueuse~ La réponse fut ces quelques mots: Interroge vivre; mais son cœur bat pour le ciel, sa tête regarde
les morts. vers les étoiles et bien souvent il récite cette prière
En vérité, celui qui a l'habitude . d'interroger les réconfortante : ci Une couronne éternelle pour une
i' 'l morts - ce qui veut dire en lang~ge chrétien avoir vie si courte n. La vie éternelle vaut bien qu'on consacre
1
coutume de penser à l'autre vie - verra toute la vie à sa conquête toute la vie d'ici-bas.
terrestre et tous ses évém,ments dans une tout autre b) Mais la vie éternelle mérite-t-elle réellement autant
lumière. « Sub specie aeternitatis n, « à la lumière de de peines, autant de renoncements?
l'éternité n, il mesurera tout, sur tous ses plans, ses Mille fois davantage.
idées, ses désirs passera le souffie de l'éternité et il En effet qu'est-ce que la vie éternelle? Il y a une
les ennoblira et, Jes affinera. phrase dont nous ne pouvons pas épuiser le contenu
Dans sa vie il s'efforcera d'observer les commande- et que nous récitons chaque jour : cc Per omnia saecula
ments de Dieu et de l'Église, car il sait bien que tout saeculorum Il, et personne ne peut comprendre com-
cela : la participation au saint sacrifice de la messe, plètement ce qu'elle signifie. Ici-bas nous sommes
la réception des sacrements, la prière, le jeûne et la sur la terre, dans le temps et l'espace, enfoncés dans
mortification servent pour l'autre vie. la matière, mais dans l'éternité il n'y a ni temps ni i
Il travaillera aussi beaucoup pour favoriser le espace ni matière, et la durée ne se compose pas de
LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE DONNE LA FOr EN LA VIE ÉTERNELLE? I57
secondes. Il n'y a ni passé ni futur, il n'y a que le est en même temps une force contre les tentations
présent. Il n'y a ni hier ni demain, il n'y a qu'aujour- qui voudraient nous détourner de notre but éterneL
d'hui. Il n'y a ni soir ni matin, il n'y a que midi. C'est A) Notre-Seigneur Jésus-Christ rappelle fréquem-
là que la mer n'a pas de rivages, c'est là qu'il y a une ment la sérieuse pensée de la vie éternelle, afin de
ligne sans fin. nous rendre capables des sacrifices ~écessaires.
C'est-à-dire qu'on ne peut pas comparer l'éternité a) Sachez tout sacrifier pour gagner la vie éternelle!
à une ligne, mais plutôt à un cercle. En effet une - voilà l'enseignement et la recommandation du divin
ligne', si longue qu'elle s'étende, a un bout quelque Maître. Même si vous devez perdre votre main et
-part; mais un cercle n'a jamais de fin, chacun de ses votre œil dans la lutte. La faim et la prison, les tortures
points est à la fois un commencement et une extrémité. et le martyre en ce monde, tout cela ne compte pas,
Comme elles sont pleines de clarté, ces paroles de si vous gagnez ,l'autre vie. Tel est l'appel qui tombe
saint Augustin : Que vous manque-t··il, pauvres, si de la croix : combattez à la vie et à la mort; .ici·-bas
vous possédez Dieu? Et vous les riches, qu'avez-vous, vous ne devez pas succomber.
si vous. êtes privés de Dieu? La vie éternelle n'est pas un gros lot, un enjeu,
Et maintenant nous comprenons aussi cet aveu de que l'on reçoit du sort, mais il faut combattre héroïque-
Gardonvi : ({ Si vous avez Dieu, vous· avez tout, mais ment pour l'acquérir, cela se comprend de soi-même.
si vous n'avez pas Dieu, alors vous n'avez rien et ({ Combats le bon combat de la foi, conquiers la vie
n'aurez jamais rien ». éternelle» (le Timothée, VI, 12), ({ garde le comman-
En vérité, la vie étern'elle mérite bien que je consacre dement sans tache et sans reproche' » (le Timothée, VI,
à l'acquérir toute mon existence terrestre. Une couronne 14) - écrit saint Paul à Timothée.
éternelle pour une, vie de quelques instants. b) Garde les commandements, car être bon est si
beau et si reposant - parfois ce raisonnement suffit
déjà. Mais - hélas -- bien souvent nous sommes
Il assaillis par des tentations si Jortes que rien ne peut nous
secourir sinon la foi en La vie éternelle, la crainte de
manquer pour toujours l'autr'i vie.
LA FOI EN LA VIE ÉTERNELLE
Un père de famille conversant à haute voix avec des
DONNE LA FORCE DANS LA TENTATION.
a~nis déclara qu'il ne croyait ni au ciel ni à l'enfer.
Son épouse lui montrant leur petit enfant qui jouait
Mais la foi en la VIe éternelle ne nous offre pas dans un coin lui dit à J'oreille:
seulement un but ' élevé pour notre vie d'ici-bas, elle « Ne parle pas ainsi du moins devant cet enfant ».
LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE DONNE LA FOI EN LA VIE ÉTERNELLE? 159
L es yeux de l'enfant se mirent ,à briller vlctoneu- gouverneur romain, mais encore tous les hommes,
sement et il répondit fièrement b) Puissions-nous y penser souvent! Surtout lorsque
Oui! » la tentation séduisante du Péché s'élance sur nous.
« Eh bien! de quoi donc? » Dans une capitale, le préfet de police sévit d'une,
,1 « Qu'il n'y a plus besoin d'être bon ». manière curieuse contre les ' ivrognes qui faisaient du
Comme cet enfant avait raison! En effet qui retient tapage dans les rues. Il les faisait tout simplement filmer
,'i notre jeunesse - si quelque chose peut encore la et lorsqu'ils étaient dégrisés, il faisait passer le film
retenir - de la perdition, du manque de caractère, devant eq-x. L'effet fut énorme. Revenus à l'état
'. comme la pensée de la vie éternelle? Et celui qui normal, ils avaient honte de leurs gestes gauches,
1
est tombé dans le péché et glisse sur la pente, de quoi des attitudes brutales qu'ils avaient manifestées dans
': ':1 l'ivresse.
"
1
1
1
se débarrasse-t-il tout d'abord : de la foi en la vie
éternelle. Qu'est-ce qui donne la force d'accomplir Un film gigantesque se déroule à travers le monde -
., 1
son devoir, ,quand d'autres défaillent? Qu'est-ce qui c'est l'omniscience de Dieu - , il renferme toutes
donne la force dans la lutte pour conserver notre nos paroles, toutes nos actions, tous nos désirs, tou <;
, l' 1
intégrité morale, même dans la pauvreté, alors qu'il nos projets, tous nos secrets... hélas! quelle honte
l ne faudrait qu'un peu fermer les yeux pour être ce sera, lorsque, le jour du jugement, sera . passé ce
immédiatement heureux sur la terre? Qu'est-ce qui film 'et que nous verrons à l'éclat de la lumière éternelle
donne la force du travail honnête, alors qu'on ce que nous avons fait dans l'ivresse de la vie terrestre.
avancerait par la fraude? La foi en la vie éternelle. ' c) Malheureusement les hommes n'aiment pas d'y
", B) La vie éternelle est un puissant avertissement au , penser. Les soucis terrestres les absorbent entièrement
t::. ',1
moment de la tentation. et au jour du jugement il leur arrivera certainement
1
1
a) Lorsque saint Paul se trouvait à Césarée, le gouver- ce qui est arrivé à un célèbre archéologue qui explorait
neur romain Félix fit venir devant lui l'apôtre prisonnier la région du Nil. Il voulut gagner su~ une barque
"!, pour" entendre sa doctrine. . Toute la puissance de l'autre rive et tandis que le batelier ramait, notre savant
l'empire romain était là derrière Félix, devant lui, engagea la conversation. - « Connais-tu le sanscrit? ~
'iii
entre des soldats se tenait Papôtre captif. Et cependant, - demanda-t-il au batelier.
remarque la Sainte Écriture, lorsque saint Paul se ' - « Non, Monsieur » - fut la réponse.
" "
160 LE SYMBOLE DES APÔTRES QUE DONNE LA FOI EN LA VIE ÉTERNELLE? 161
- « Connais-tu l'astronomie? » existera toujours, quels que puissent être les progrès
- « Non, Monsieur n, de la vie humaine sur cette terre : il y aura toujours
_ « Connais-tu quelque chose de l'histoire du des malheurs et des privations, des maladies et des
monde? » douleurs, il y aura toujours - la mort.
- « Non, Monsieur ». Si la tombe est le dernier acte de la vie, alors la vie
_ « Malheureux - s'écria le savant.- tu as perdu est une grande tragédie et une folie; mais en revanche
la moitié de ta vie ». , où y aura-t-il des souffrances, des catastrophes, des
Tout à coup se déchaîna une grande tempête et l~s malheurs, des peines que je ne puisse pas supporter
v Igues renversèrent la barque. " si je crois en la vie éternelle?
_ « Monsieur, - s'écrie alors le batelIer, - savez- A) « Credo vitam aeternam », « je crais en la vie
vous nager? » éternelle » - quelle immense source d'énergie q~e
- « Non, je ne sais pas )J.
cette conviction dans les combats de la vie 1 QueUe
_ '« 'Alors, Monsieur, vous avez perdu toute votre force dans la souffrance! Avez-vous déjà vu un aveugle?
vie n. Son visage regarde ' toujours vers le ciel. Oui, si le ciel
Le batelier gagna la rive à grand peine, mais le est couvert au-dessus de moi, l'autre est pour moi
savant se noya. . plein de clarté.
De combien de choses l'homme se préoccupe sur En proie à la souffrance, les plus grands hommes'
la terre sauf de la vie éternelle! Que de choses super- ont trouvé la force dans leur foi en la vie éternelle.
, flues il 'apprend durant sa vie, mais il ne se préoccupe C'est ce qu'ont fait ~es deux flambeaux du génie
pas de savoir nager pour le jour où éclatera la tempête humain, saint Augustin et Dante, lorsque la souffrance
du jugement dernier. et la douleur s'abattirent sur ~ux. Savez-vous ce que
Puisse donc la foi en la vie éternelle être pour nous cette lutte fit mûrir dans l'âme de ces deux grands
un salutaire avertissement 1 esprits? Un amour enflammé de l'éternelle patrie,
une vision lumineuse de la vie ét~rnelle, le désir
III d'acquérir cette autre vie et la force que donne cette
pensée.
LA VIE ÉTERNELLE EST UN ENCOURAGEMENT C'est ainsi que fit Thomas Morus, le grand chancelier
DANS LA SOUFFRANCE, d'Angleterre, lorsqu'il n'approuva pas le divorce
d'Henri VIII et pour cette raison fut privé de sa charge
Mais la foi en la vie éternelle est encore un grand et jeté dans un sombre cachot de la Tour de Londres.
encouragement dar;s la souffrance. La souffrance Ni promesses ni menaces ne purent l'ébranler. Fina-
Symb. d. Ap, - T. VI 11
.~ "', !
lement son épouse vint le voir dans son cachot avec rection : « Autre est l'éclat du soleil, autre est l'éclat
ses enfants en pleurs, se jeta à ses pieds et lui demanda de la lune et autre l'éclat des étoiles; même une étoile
d'un ton suppliant : diffère en éclat d'une' autre étoile. Ainsi en est-il pour
, ./ d
la resurrectlOn
r, - « Vois comme nous pourrions encore vivre es morts. Semé dans la corruption,
1 le corps ressuscite incorruptible: Semé dans l'igno-
longtemps heureux ensemble. Pourquoi mourir si
jeune? » 1 minie, il ressuscite dans la gloire. Semé dans la faiblesse,
- « Combien de temps pourrions-n~us vivre il ressuscite plein de force. Semé corps animal, il
encore? » demanda Thomas Morus. ressuscite corps spirituel» (le Corinthiens, xv, 4 1 -44).
- « Vingt ans au moins » - répondit son épouse. , Dites-moi, croyez-vous cela? Savez-vous, au milieu
"
- « Vingt ans? Et pour vingt ans de cette terre , de vos souffrances, vous consoler avec une aussi
je livrerais ma vie étern~lle, mon bonheur éternel? » , joyeuse assurance que saint Paul : « Ne perdons pas
Et après dix-sept mois de captivité, il courba coura- courage ... Notre légère ailliction du moment présent
geusement la tête sous la hache du bourreau, produit pour nous; au delà de toute mesure, un poids
le 6 juillet 1535. éternel de gloire JJ (Ile Corinthiens, IV, 16-17). « Nous
La foi en la vie éternelle est véritablement un 1 savons en effet que si cette tente, notre demeure ter-
encouragement dans la souffrance. restre, vient à être détr~i{e, nous avons une maison
B) Mais seulement si cette foi est vivante en moi. qui est l'ouvrage de Dieu, une demeure éternelle qui
Le Livre de l'Ecclésiaste nous dit :, « Souviens-toi n'est pas faite de main d'homme, dans le ciel J)
de ton Créateur aux jours de ta jeunesse, avant que (Ile Corinthiens, V, 1).
n'arrivent les jours mauvais .... Avant que la poussière, Mais dites-moi, mes frères, croyez-vous cela? Ne
faisant retour à la terre, redevienne ce qu'elle était, le croyez-vous pas seulement en disant « peut-être JJ,
et que l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné» (Ecclé- « c'est possible », « éventuellement JJ , « ce serait beau ,
siaste, XIi, l, 7). Mais dites-moi, mes frères, agissez- ' s'il en était ainsi JJ? non! Croyez-le de telle manière
vous ainsi? que cette foi pénètre et règle toute votre vie, tous vos
..,
1
J Saint Paiîi dit de son côté : « Nous n'avons pas plans, tous vos désirs.
ici-bas de cité permanente, mais nous cherchons celle Q1,lclqu'un adressa un jour à l'illustre Newton
qui est à venir)J (Hébreux, XIII, 14). cette question captk;use : « Le corps de l'homme tombe
Mais dites-moi, mes frères, croyez-vous cela? en poussière. S'il y a réellement une résurrection, qui
.' ',1
Saint Paul a enduré une foule de souffrances et rassemblera, pour donner aux âmes de nouveaux corps,
ces milliards de petites poussières éparses? » Newton
cependant il est inondé de joie ; dans son enthousiasme
"l ,
il trouve à peine ses mots quand il pense à la résur- ne répondit pas. Il prit une poignée de limaille de fer,
i' 11
IL LE SYMBOLE DES APôTRES
., LA
, QUE DONNE LA FOI EN VIE ÉTERNELLE? 165
la mélangea à la poussière de sable et demanda ensuite:
Qui rassemblera de nouveau cette limaille éparse? . ~ous le voyons avec les yeux de la foi. En effet
Et comme personne ne pouvait lui donner de réponse, Il n .y a pa.s une seule action de Notre-Seigneur Jésus-
il prit un gros ~aimant, le tint au-dessus du mélange Chnst qUI ne fasse allusion à l'autre ,monde. Il n'y
et voilà qu'un grand mouvement se fit dans le tas a pas une parole de Notre-Seigneur qui ne sous-
de poussière, et la limaille s'envola comme des flèches enten?e : Cherchez avant tout et par-dessus tout et
vers l'aimant et y demeura attachée. Alors le maître au pnx de tous les sacrifices, la vie éternelle.
dit d'un air grave : « Celui qui a donné cette force à Nous la concevons à l'~ide de notre raison. S'il
,1 une matière inerte, ne peut-il pas donner une force a un Dieu, il faut qu'il y ait aussi une vie éternell:
plus grande à nos âmes, lorsqu'elles auront besoin S'il y a un Dieu, il faut qu'il y ait un lieu où tout;
de tirer une enveloppe de la poussière glorifiée? » b~nn~ action ~achée trouve sa récompense et tout
Oh, oui 1 je le crois. Et cette foi est pour moi un p.eche s~n châtlm~nt. S~il, y a un Dieu, il faut qu'il y
but dan,s la vie, une force dans la tentation et un aIt un heu où SOIt apaIse le désir ardent qui vit en
réconfort dans mes souffrances. tout homme d'une félicité et ,d'une justice parfaites.
L'oiseau vole dans les airs - attiré par une force
d'en haut. L'herbe pousse vers le haut - attirée
.. ,
"",
0' par la force du soleil. La vie humaine aussi veut s'élever
Mes frères, vous connaissez le magnifique courage cherche les hauteurs, « ad majora natus sum ». '
"
~ l' 'l' avec lequel Christophe Colomb alla découvrir un , 0 foi bénie en la vie éternelle 1 A quelles hauteurs
~, "
continent encore inconnu? « Novum desidero mundum» g~ga~tesques nous élèves-tu, nous, pauvres hommes
-s'écria-t-il - , « je cherche un nouveau monde ». redUIts en poussière par la mort! Comme tu nous
. 'fies.1 Comme tu nous consoles! Comme tu nous
VIVI
Et malgré les murmures de ses compagnons de voyage,
malgré leur pusillanimité, malgré les pénibles combats réconfortes!
qu'il lui fallut soutenir, - il tint bon. Il tint bon jusqu'à Aussi allumons-nous des cierges près du lit funèbre
ce qu'il eut atteint cette partie du monde qu'il n'avait d~ nos ~~funts, pour que leur lumière symbolise notre
jamais vue, mais à l'existence de laquelle' il avait eu fOl en 1 eternelle clarté. '
une foi inébranlable. Aussi chaque tombe est-elle ' pour nous un sillon
Nous ne voyons pas l'autre monde, - du moin~ où la semence humaine attend la naissance du grand
avec les yeux de notre corps. Mais nous le voyons , Printemps.
avec les yeux de la foi et le concevons par 1.Q, force de Et voilà pourquoi nous récitons dans la préface
I).otre raison. de la messe des défunts ces magnifiques paroles :
« C'est dans le Christ qu'a brillé pour nous l'espoir
166 LE SYMBOLE DES APôTRES
le sermon prochain seront âustères, car ils' montreront « Tu vas mourir » - avait dit le prophète. Ah! qui
le triomphe de la mort. Mais dans less~rmons suivants de nous n'àurait pas versé aussi des larmes, s'il avait
nous tirerons des leçons au sujet de la mort, et nous entendu ce message! (( Mourir? Non. Je ne' veux pas
apercevrons aussi des traits consolants sur son visage, mourir. Je veux vivre » - vpilà n'est-ce pas ce que
si bien que finalement après avoir contemplé la mort dirait chacun de nous?
chrétienne nous pourrons dire avec vérité : la foi en b) Oui, l'homme veut vi·vre.
la vie éternelle a vaincu la mort. Que n'a pas fait déjà le vieillard pour soutenir la
lutte avec la maladie! Et si la mort a cependant remporté
la victoire, on a du moins élevé des pyramides sur les
1 défunts, des monuments de marbre, des statues, des
stèles, des inscriptions: pour vivre, pour vivre davantage
et ·cependant on mourait.
T, A MORT EST LA PORTE DE LA VIE ÉTERNELLE.
« Quand la maison est finie, il faut mourir », dit un
proverbe arabe; aussi l'arabe n'achève-t-il pas sa
. Cette année notre série de sermons traite de la vie maison, - et néanmoins il meurt .
éternelle; mais la porte ,de la vie éternelle c'est la mort. Les compagnies américaines de pompes funèbres .
170 LE SYMBOLE DES APÔTRES
LA l)ORTE DE LA VIE ÉTERNELLE: LA MORT 171
ont décidé, en leur congrès de Chicago, de ne plus peindre plan ~u-des~u~ d'une. grotte sur une petite colline
en noir les cercueils, mais de leur donner les couleurs est assIs un vlelllard fatIgué qui regarde dans le lointain
de l'arc en ciel, afin d'atténuer l'impression déprimante courbé sur un bâton; il attend la mort qui se gliss;
des funérailles, - et néanmoins là-bas aussi les hommes ~ans être vue derrière son dos. De la gr,Qtte coule
meurent. mlassablement une source, image du temps 'qui passe
On disait autrefois : tous les chemins mènent à ét~rnellem~nt, ~a!s au-dessus de la grotte on peut
Rome. Pourtant c'est uniquement de la mort que l'on V?lr cette mscnptlOn : CI. Vita somnium breve Il, « la
peut dire qu'elle est le point où se croisent tous les VIe est un songe rapide Il.
chemins du monde. Il n'y a rien de sûr, sauf Certai~ement c'est cela: un songe rapide. Comment
la mort. le PsalmIste parle-t-il à Dieu? « A vos yeux mille
Écoutez avec quelle émotion le Livre de l'Ecclésiaste années sont comme le jour d'hier qui n'est plus et
décrit l'inexorable puissance de la mort: « Vanité des c?mme ~ne veille de la nuit. On les compte comme
vanités, tout est vanitè 1 Quel avantage revient-il à nen, VOIlà ce que sont leurs années: c'est comme
l'homme de toute la peine qu'il se donne sous le soleil? )) l'herbe qui passe, un matin elle fleurit et passe le soir
(Ecclésiaste, l, 2-3). Il J'ai examiné tout ce qui se fait elle to~be, se raidit et dessèche Il (Ps., LXXXI~, 4-6).
sous le soleil; oui, tout est vanité et poursuite du vent )) .La VIe est un rêve rapide. Il faut toujours s.ortir
(Ecclésiaste, l, 14). « Tout ce que mes 'yeuxdésiraient d'un rêve. La mort nous fait sortir du rêve de la terre
je ne les en ai pas privés; je n'ai refusé à mon cœur pour la réalité de la vie ,éternelle:
aucune joie. .. Mais quand j'ai considéré tous les B) ~out homme doit passer par la porte de la mort,
ouvrages de mes mains et le labeur que leur exécution car « zl a été arrêté que l'homme mourrait une fois »
m'avait coûté, j'ai vu que tout est vanité et poursuite (Hébreux, IX, 27) - dit· la Sainte Écriture.
du vent et qu'il n'y a aucun profit à retirer de ce qu'on
• fait sous le' soleil)) (Ecclésiaste, II, la- Il).
a) Gérard à Kempis, frère de Thomas à Kempis,
s'était fait bâtir une magnifique , demeure et avait
c) Il existe un tableau fort instructif de Bocklin, « les invité ses amis à venir l'admirer. Tous en faisaient 1
,quatre âges de la vie )). Au premier ' plan on peut voir un éloge enthousiaste, seul l'un d'eux trouva quelque
une . prairie avec un ruisseau murmurant, au bord chose à redire.
duquel <!eux petits enfants jouent avec insouciance. • « Votre maison est magnifique, déclara-t-il, cependant
A droite, au milieu du tableau, se tiennent deux jeunes Je vous conseillerais une chose Il.
femmes avec des bouquets de fleurs dans les mains. « Et quoi donc? » - répondit le propriétaire.
A gauche se trouve un cavalier qui, le visage intrépide, CI De faire murer une porte Il.
s'avance sur son coursier dans la vie. Mais à l'arrière- CI. Laquelle? Il
" (- ' 17 2 LE SYMBOLE DES APÔTRES LA PORTE DE LA VIE ÉTEHNELLE : LA MORT 173
« Celle par laquelle on vous emportera un jour au c) Devant la mort il n'y a ni accept7:on de personne ni
cimetière ». partialité. Quand la m?rt frappe-t-elle l'homme, c'est
",p " C'est vrai, seulement cette porte-là on ne peut pas la Je secret de Dieu que nous ne pourrons j amais
\~ ,. rmuer. comprendre.
" ,
La mort en effet n'est pas simplement un hôte . Il y en a des milliers pour lesquels. la mort serait
désagréable dont on ne peut pas se débarrasser. Ah non! une délivrance, il y en a des milliers dont la mort serait
Elle est aussi un membre de la famille, elle fait partie une délivrance pour leur entourage, - et ce sont ceux-là
de la maison et ne connaît aucune pitié ni pour les qui vivent des dizaines d'années. Un autre dont la
1 jeunes ni pour les vieux. famille aurait encore bien besoin, qui pourrait encore
Il existe dans les stations thermales des hôtels. qui faire tant de bien, qui pourrait encore tant travaÙler
portent sur leurs frontons cette fière , inscription : pour l'Église de Dieu, - est obligé de partîr. Qui
« Qui si sana », « Ici on guérit ». De fait, les malades comprend cela? Seul celui qui lit dans nos Saints
1 s'y guérissent plus ou moins. Mais il n'y a pas un Livres ces paroles divines: ({ Mes ,pènsées ne sont pas
seul sanatorium au monde, pas un seul établissement vos pensées et vos voies ne sont pas mes voies » (Isaïe.
,1... thermal pour oser i~scrire sur sa façade : « Ici on ne LV, 8). « Il a été arrêté que l'homme mourrait une fois»
meurt pas ». Non, il n'yen a pas. (Hébreux, IX, 27), la chose la plus certaine de notre
.. '01'
"
vie est donc celle-ci : nous mourrons .
b) Qui pourrait considérer sans frémir en passant
devant tel ou tel cimetière ou devant les monuments C) Mais s'il en est ainsi, alors - si effrayante que
funéraires d'une antique cathédrale la supériorité domi- soit la réalité - il vaut mieux nous familiariser avec
natrice de la mort! Que de grandeur, que de puissance, cette pensée et nous préparer sérieusement et chrétien-
que de bien-être et de luxe gisent là enterrés sous ces nement à cet instant solennel.
pierres muettes qui cependant semblent crier cet a) Tinsiste particulièrement sur cette façon de
avertissement de la Sainte Écriture: « Vanitas vanitatum penser sérieuse et chrétienne, car le monde frivole actuel
et omnia vanitas », « Vanité des vanités, tout n'est s'amuse même avec la pensée de la mort.
• ,j
que vanité» (Ecclésiaste, l, 2). Il y a quelques années, dans certaines grandes villes,'
Des sou~erains pour qui durant leur vie le monde on trouvait dans les-"magasins des crânes en celluloïd
.l ' entier était trop petit se contentent maintenant de ou en ivoire destinés à orner les tables de toilette :
,.;
cette étroite fosse qui proclame de manière si saisissante les orbites, la bouche et le nez servaient à déposer
la vérité de "la Sainte Écriture : ,« Nous n'avons rien des flacons de parfum, des bâtons de rouge et autres
apporté dans le mondc et sans aucun doute nous n'en accessoires de toilette. On po_uvait également se procurer
pouvons rien emporter » (~e Timothée, VI. 7). des têtes de mort en bois dont le menton s'ouvr t
174 LE SYMBOLE DES APÔTRES
LA PORTE DE LA VIE ÉTERNELLE : LA MORT 175
pO\iilo- 1:"enfermer des aiguilles, des boutons, du fil.
Quel cynisme effrayant devant le moment le plus devant son cercueil, n'échappera pas à la sentence.
douloureux de la vie humaine! Non, non, ce n'est pas En effet nous ne pouvons rien emporter avec nous ...
ainsi que le chrétien se familiarise avec la mort. n.~ dé~orations ni autos ni terres ni carnets de chèques,
b) Le chrétien se familiarise tout autrement avec la nen sm~n ... nos. mérites. Nous n'emportons pas ce que
mort. Il se pose fréquemment ces questions : Quand nous amons, mats seulement ce que nous avons été, _
la mort ' m'atteindra-t-elle ? Quel jour? Comment voilà comment le chrétien se familiarise avec la pensée
viendra-t-elle? Sournoisement comme un ,voleur? de la mort.
A l'Îfuproviste comme un brigand? Chez moi? A un . c) Les Juifs de l'Ancien Testament - d'après le
coin de rue? Je ne sais pas. Soyons donc toujours prêts l~vre du J?eut~ronome - devaient se rendre en pèle-
. et attendons, d'une âme tranquille, à quelque moment nnage trOIS fOlS par an au lieu saint et l'écrivain sacré
qu'elle survienne. ajoute cette recommandation : « Que personne ne se
Chaque jour il meurt environ 120.000 hommes, présente l~s mains vides devant le Seigneur » (Deuté-
chaque jour 120.000 jugements sont prononcés. Parmi ronome, XVI, 16). Nous aussi nous paraîtrons devant le
eux il y a des hommes de toute sorte : des comtes, Seigneur, mais une seule fois, à notre mort : nous aussi
des princes, des lords, des marquis, des balayeurs n'y paraissons pas les mains vides,
de rue, des casseurs de pierres, des bohémiens se C'est donc une manière chrétienne de penser à la
présentent en un immense pêle-mêle pour être jugés. mort en suivant la recommandation de la Sainte
De teml's en temps aussi un roi... un évêque.. . un Écriture : « S'ils étaient sages, ils comprendraient et
pape. Mais il n'y a plus rien en eux qui les distingue considéreraient la fin qui les attend» (Deutéronome,
les uns des autres, sur leurs têtes il n'y a plus ni cou- XXXII, 29).
ronne ni tiare, sur leurs épaules il n'y a plus ni pourpre .L'homme est pass,é maître dans l'art de se tromper
ni hermine ni frac ni smoking ... il n'y a plus qu'un . , lUI-même, il peut s'illusionner de tant de manières
seul habit, un seul habit convenable : le blanc manteau mais jamais plus dangereusement, jamais plus doulou~
de la grâce sanctifiante. C'est le vêtement qui permet reusement que lorsqu'il remet sa conversion au moment
d'entrer dans le royaume du ciel. ~e la ~ort. Il est pour ainsi dire, psychologiquement
A celui. . .qui possède cette « robe nuptiale» (S. Mat- ImpOSSIble à quelqu'un, au milieu des souffrances lanci-
thieu, XXII, 12) peu importe ce qu'il a été durant sa vie nantes dè sa d~rnière maladie, de mettre en-ordre son
terrestre, il voit s'ouvrirdevantlui les portes du royaume âme devant DIeu, alors que du temps qu'il était en
de Dieu. Mais celui qui ne la possède pas, quelles bonne santé, durant toute sa vie, il ne s'est pas soucié
que soient les décorations portées sur un coussin de son. âme. Il n'est pas étonnant que s'accomplisse
pour lUI cette parole de Notre-Seigneur à ses ennemis :
, 1
i ,
,.
:,
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA PORTE DE LA VIE ÉTERNELLE : LA MORT r 77
''( .
.'
"
sous un sombre tunnel, tout disparaît, tout s'assombrit. b) Et que verra l'âme dans eette lumière? ElIe-.même
. Vous êtes-vous déjà vus en ~êve dégringoler au fond tout d'abord: elle sc connaîtra elle-même, ses défauts,
d'un sombre abîme?.. Pieds et mains liés... sans ses fautes, ses qualités, ses ver'tus; elle se cdnll8Îtra
pouvoir remuer ... voulant crier, mais incapables de faire avec une clarté que durant sa vie terrestre elle n'a
sortir un son de ' vos lèvres... et tombant toujours jamais pu atteindre, même dans l'examen de conscience
plus bas. L'instant de la mort est-il pareil? Qui pourrait le plus minutieux. Quelle est sa valeur. véritable,
le dire? comment réussir à faire de cette âme une image du
Vous êtes-vous déjà trouvés sur une table d'opé- Dieu éternel - voilà en effet le but de la vie terrestre!
ration? Le narcotique commence à agir... Le monde - voilà ce qu'elle verra avec une clarté parfaite à la
commence à disparaître devant' nous. Notre tête semble minute même de la mort,
s'en aller ... maintenant c'est comme si nous preniom; e) Et maintenant, mes frères, ne reculons pas avec
notre vol, facilement, sans ailes, bien loin, à une effroi devant ce problème: imaginons notre âme à nous
distance infinie .. . La minute de la mort sera-t-elle dans cette clarté qui pénètre tout; tous les souvenirs
analogue? Qui pourrait le dire? Seul celui qui y a passés, tous les désirs secrets, les méchancetés, tous
pa!)sé. Mais celui-là ne parle plus. les coins et replis les plus cachés. Ce que nous sentirons
B) Il ne parle plus, parce qu'il est déjà devant le en ce moment, c'est ce q'" on appelle le « jugement de Dieu ».
tribunal de Dieu et maintenant arrive le jugement de Dieu . Alors nous nous souvenons' de ' tout... de tout ...
. a) Au moment de la mort surgit devant l'âme « l'autre de tout. Des rêves, des désirs, des vertus et des fautes
monde », - mais comment sera le premier regard de notre enfance ... Des paroles, désirs, actions que
dans le royaume incommensurable de la lumière infiniè ? l'on croyait définitivement oubliés. .
Peut-être comme lorsqu'une rose tombe dans la mer Puis viennent les années d'adolescence et de jeu-
et que ses feuilles blanches sont emportées de côté nesse... les années de fiançailles et de mariage... les
et d'autre par la vague écumante, - peut-être serai-je années d'âge mûr.
ainsi imprégnli, aveuglé au milieu de cet océan de Tous les endroits où nous nous sommes trouvés:
lumière. " l'église comme la salle de concert, le confessionnal
Est-c~ cela la « lumière éternelle» dont' nous souhai- comme la salle de bal, la table de communion comme
tons l'éclat en guise d'adieu à nos chers défunts descen- la table de café ... tout.
dant dans la tombe? Une lumière qui fait vivre. Une Et tout ceux avec qui nous avons été en relations :
lumière qùi donne le bonheur. Une lumière qui nos parents, nos amis, nos enf~nts, notre époux ou
embellit. Une lumière qui est le bonheur éternel, le notre épouse, nos camarades, nos compagnons de
Dieu infiniment beau. péché, les connaissances frivoles nocturnes, les relations
l'
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA PORTE DE LA VIE ÉTERNELLE : LA MORT 181
'( ,
,l '~.,
pécheresses cultivées en secret". Des hommes dont sa collaboration avec elle, a déjà réparé ici-bas sur r,
vous avez été les anges gardiens et des hommes que la terre toutes ses faiblesses et toutes ses fautes, c'est-
vous avez entraînés dans le péché. Ils ne le voulaient à-dire a fait briller sur son ,âme la ressemblanc~~ de
pas, mais c'est vous qui les avez séduits. l'idéal divin, au même instant il est pénétré des rayons
Et chaque parole, lecture, reg;trd : le livre de pri~res béatifiants de la lumière éternelle; de la vue éternelle
comme la revue théâtrale immorale et les magazmes de Dieu, ce que l'on appelle le ciel.
illustrés honteux avec lesquels vous excitiez vos sens; Tout cela se produit en un instant: plus rapidement
les mains jointes pour la prière comme les mains que lorsqu'on ouvre la main pour jeter aux, balayures
concussionnaires .. ' tout. une fleur flétrie ou qu'on étend la main pour attirer
Et sur ce flot fourmillant de millions de pensées, à soi avec amour une rose odorante au mois de mal.
'l' '
l
,
,1
,
1 '1
paroles, actes" regards, lectures, omissions, hommes,
fabriques, bureaux tombe l'éclat de la clarté éternelle
({ Il a, été arrêté que l'homme mourrait une fois,
puis vient le jugement ».
qui met tout dans une lumière inexorable - c'est ce
,1\ ,, '
• ,II
que l'on appelle le ({ jugement de Dieu ».
e) Mais qu'arrive-t-il après le jugement?
Le jugement a été l'œuvre d'un instant. D'un ins~ant
01« '. "
On voit encore sur le tableau des jeunes gens et des ne sait quand. De même qu'il est certain que tous
vieillàrds, des pauvres et des riches, des gens de qualité nous mourrons, de même nous ignorons quand nous
et du peuple, s'avancer escortés d'une troupe de mourrons. Voilà deux vérités dont persoÎme ne peut
corbeaux croassant et suivre sans résistance la mort malheureusement mettre en doute la réalité.
qui agit~ sa clochette ...
Une vieille femme impotente au visage fatigué,
ravagé et ridé tend des mains suppliantes vers la mort, 1
pour qu'elle l'emmène elle aussi; mais elle n'en a pas
,\ ," encore besoin et elle la laisse sur le bord du chemin ... IL EST CERTAIN QUF , TOUS NOUS MOURRONS.
, ',:"
Et au bas de ce tableau émouvant l'inscription :
« Le cortège de la mort ». Tout d;abord personne ne peut mettre en doute
En vérité, mes frères, un tableau qui invite à réfléchir. que tous, sans exception, nous sommes des condamnés à
C'est seulement dans la chaire chrétienne qu'on peu mort. La Sainte Écriture dit Clairement : « La loi de
1 parler de cette vérité douloureuse et effrayante : la ce monde, c'est qu'il faut mourir 1) (Ecclésiastique,
1 ..
mort. Ailleurs, les hommes sursautent à cette idée. XIV, 12). Que nous soyons riches ou pauvres, instruits
Ailleurs ils s'insurgent, quand on leur rappelle la fin mi sans instruction, bien portants ou malades, vieillards
de la vie terrestre. aux cheveux blancs ou enfants au berceau, que nous
Mais notre sainte foi chrétienne révèle ici aussi sa vivions sur le.. continent ou sur l'eau, sous un climat ,
grandiose valeur, en ce que non seulement elle ne se ' chaud ou froid, dans lé travail, ou l'oisiveté, - peu
dérobe pas devant cette question extrêmement sérieuse, importe. Tous nous mourrons « Homme, souviens-toi
en ce que non seulement elle nous fait regarder la que 'tu es pOl,lssière et que tu retourneras en poussière»
terrible réalité de la mort, mais encore en ce qu'elle - nous dit notre sainte religion le mercredi des cendres.
nous fait tirer de ce fait accablant, du cortège triomphal Douloureuse et terrifiànte vérité, mais nous n'y
de la mort, une leçon sublime et apaisante. En effet pouvons rien changer. Que nous y pensions ou non,
,"
le christianisme nous présente sans doute cette vérité que nous nous en occupions ou non, que nous nous
effrayante que 1. le fait de la mort est aussi certain que y préparions ou non, --.: 'un jour le Seigneur frappera
lI. l' heure de la mort , est incertaine; mais en même à notre porte. Vous étiez roi, vous mourrez; vous étiez
te~ps ~)elle ' !le nous brise pas; elle ne nous jette pas pape, vous mourrez; vous étiez un pauvre ho~e ,;
1,< ':, dans le désespoir, au contraire elle nous rassure, nous ayant bien du mal, vous mourrez. Vous aviez beaucoup
réconforte e ~ nous consol e.
1. '
Tout homme arrivera à la fin de sa vie, mais nul
d'argent, vous mourrez. Vous étiez pauvre et dépenaillé,
vous mourrez. !
l'
. ~.
,l,
"
l "
186 LE SYMBOLE DES APôTRES LA VICTOIRE DE LA MORT
A) Il Y a des milliers d'années régnaient en Afrique B) Après les pharaons, parlerai-je encore d'autres
sur les bords du Nil de puissants 'Pharaons. Des millions monarques?
d'hommes se prosternaient devant eux, le front dans Un des plus puissants de ceux qui furent jamais
la poussière. A côté d'eux siégeaient leurs épouses sur le trône c'est Louis XIV, qui, à cause de sa majesté
parées de pierres précieuses et d'or et des armé~s de ' et de sa gloire, est ordinairement appelé le « roi soleil ».
serviteurs épiaient leur moindre signe, leur momdre Il fut un favori de la fortune. Ses armées allèrent
geste. de victoire en victoire. Poètes, courtisans, jolies femmes
Et eux aussi sont morts. le flattaient à l'envi. Il construisit palais sur palais.
Lorsqu'ils moururent, on construisit des tombes Aujoprd'hui encore ses constructions appartiennent
en rapport avec leur splendeur et où ils pourraient aux plus beaux édifices de la France. Quand on visite
poursuivre en paix leur sommeil éternel. le château et le parc de Versailles, près de Paris, on
Ceci se passait il y a 4 ou 5000 ans. en perd la vue et la parole d'admiration. Et il sut tirer
Et après? parti de la vie. Et il ne voulut pas passer une minute
sans en jouir.
Un jour des archéologues découvrirent ces tombes
dçs pharaons, ils enlevèrent leurs trésors et actuellement Mais un jour quelqu'un arriva. Quelqu'un encore
leurs momies sont exposées dans les musées des grandes plus puissant et plus fort que le roi soleil; il le terrassa
avec sa faux à laquelle personne au monde ne peut
villes de tous les pays du monde.
résister. Et il fut déposé dans le tombeau des rois de
.Allez à Budapest au mùsée ' ethnologique. Il y a là
France. Et maintenant amuse-toi, . monarque amuseur.
sous verre une momie royale. On s'arrête devant et
Quoi donc? Tu ne peux plus? Maintenant amuse-toi,
on la regarde avec ~llriosité. Est-ce un roi que vous
toi qui vivais dans les plaisirs. Comment? Tu ne peux
, apercevez? Non. Une poignée de cendres. plus? Tu ne peux même plus bouger?
Et le cadavre ;egarde à son tour aveçses orhites Mais ce n'était pas fini.
vides , comme
, si elles regardaient de loin - de bien La révolution française arriva et l'on ouvrit tes
loin. Et ces lèvres serrées commencent tout à coup sépultures royales. On trouva le corps décomposé de
à raconter, à raconter une vieille et longue histoire Louis XIV; il avait- encore aux pieds les chaussures
dont le début est un hymne à la vie, parle de jouissances, à haut talon qu'il portait durant sa vie pour paraître
de gloire et de faste - et la fin ? La fin est cette simple plus grand qu'il n'était. On prit ses ossements et on
phrase, chuchotée tristement : Souviens-~~i que tu les jeta dans une grande fosse, puis on versa dessus
es poussière et que tu retourneras en pOllsslere. de la chaux' vive et dans le crépitement de la chaux
Mes frères, tous nous mourrons. sur les restes humides on aurait cru entendre ces
1:.
,
t "
i
Ce temps arrivera-t-il? C'est vraisemblable. Y aura-- avons raISon. Seulement en accentuant autrement
t-il encore des hommes frivoles qui mangent et boivent, notre question. De telle sorte que nous ne sommes pas
sans se soucier de leur âme? Certainement. Mais qui tnmquillisés, mais qu'au contraire notre doute devient
ne sera pas là? Ni moi ni vous ni aucun de ceux qui sont plus fort ..· « Qui sait quand nous mourrons! » C'est
actuellement ici. Nous reposerons alors dans le silence vrai, mais il faut le dire avec un point d'interrogation:
de la tombe. « Qui sait quand nous mourrons? »
Nous reposerons? Je ne m'exprime pas bien. Peut- A) Il y a une chose terriblement certaine: c'est. qu'il
être aura-t-on déjà 'déterré nos restes pour faire place faudra mourir. Le reste est terriblement incertain :
à de nouveaux morts. Votre maison est encore là, mais quand, où, comment, dans quel état d'âme, nous l'ignorons.
elle n'est plus à vous: vous êtes poussière; Cette église « lViors certa, ho ra incerta » - dit avec grande raison
est encore debout, elle est pleine de monde,mais vous l'inscription d'un clocher de Leipzig.
n'y êtes pas : vous êtes retournés en poussière. Quel- a) Quand mourrai-je ? Peut-être UI1 jour de printemps,
qu'un prêche ici, mais ce n'est pas moi : je suis en alors que les arbres sont couverts de fleurs, fermerai-je
poussière. Quelqu'un dit la messe, mais ce n'est pas les yeux. Ou bien sera-ce par une lourde journée d'été
celui qui l'a dite aujourd'hui. De jeunes garçons servent que je partirai comme un fruit mûr qùi tombe de
la messe, mais ce ne sont pas ceux d'aujourd'hui : ils l'arbre? Je ne sais pas. Serai-je déposé dans la tombe
's ont devenus .poussière. en automne à la chute des feuilles? Ou peut-être par
« 0 mort, que ton souvenir est amer! » (Ecclésiastique, un après-midi glacial d'hiver où au bout de quelques
XLI, 1) - pouvons~nous nbus écrier avec la Sainte minutes ma tombe toute fraîche sera recouverte d'un
Écriture. Pensée poignante et annihilante! ... L'homme blanc manteau de neige ? Je ne sais pas, je ne sais pas.
se sent mal à l'aise et il cherche une issue et il se met b) Où mourrai-je? Un commerçant demandait un
à raisonner : « Pourquoi cette angoisse? C'est vrai, jour à un matelot :
il faudra mounr un jour. Mais 'qui sait quand cela - « Où votre père est-il mort? »
arrivera? » - « Sur mer ».
- « Et votre grand-père? 9
II - « Sur mer aussi ».
- « Et vous n'avez pas peur de naviguer! » - dit
Nous IGNORONS QUAND NOUS MOURRONS. le négociant avec étonnement.
Mais le matelot répondit :
Mais quand nous voulons tranquilliser notre âme - « Où est mort votre père? »
ainsi, nous ne pensons peut-être pas combien nom - « Dans son lit ».
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA VICTOIRE DE LA MORT 193
,, 1
et ne faudrait-il pas auparavant que vous restituiez mort et nous mourrons comme nous aurons vécu.
telle ou telle chose à ceux à qui vous avez fait du tort?
Pourriez-vous paraître avec une âme pure devant
Dieu et' votre cœur ne se serrait-il pas à cause de
nombreux péchés anciens non encore confessés?
Pourriez-vous vous approcher de Dieu : « Père,
LE SYMBOLE DES APÔTRES ,
LA VICTÙIRE DE LA MORT I99
quelqu'un qui arrêta le convoi, s'approcha du jeune
homme couché dans son cercueil et lui dit : « Jeune
Mes frères, dans le célèbre Campo Santo de Gênes homme, je te le commande, lève-toi» (S. Luc, VII, 14)
se trouve un monument de marbre qui représente - ... et à l'instant même, ce fut comme si une terribL'
un père 'de famille étendu dans un cercueil ouvert, explosion avait retenti dans le monde : la puissenc
au pied du mort est agenouillée sa fille les mains jointes. de la mort était brisée.
Mais entre le père mort et la jeune fille en larmes se Depuis, les années se succèdent. Depuis, les doches
dresse le Christ qui étend sur eux ses mains bénissantes, font encore entendre leur glas sur la terre. Mais depuis
et derrière les trois personnages resplendissent comme aussi, la certitude déprimante de la mort ne nous
un rayon de soleil venant de l'autre monde ces tr,ois écrase plus. Depuis nous savons que la vie humaine -
mots de Notre-Seigneur : « Ego sum resurrectio n, quelle que soit sa durée - ne se termine pas dans les
« Je suis la résurrection ». ténèbres du néant, mais dans l'océan infini de Celui
Mes frères, ' nous nous faisons des salutfltions, nous que nous appelons Dieu.
nous faisons des courbettes, nous nous redoutons Mes freres, vivons donc comme ceux qui sœvent qu'ils
mutuellement, - pourtant il n'y a dans le monde mourront un jour, mais qu'ils peuvent mourir comme
que deux grandes puissances véritables" deux maîtres ceux qui savent qu'ils vivront éternellement.
souverains : la mort et le Christ. Vivons dans l'amour de Dieu pour pouvoir mourir
La mort qui ne dort jamais, qui ne se repose jamais, dans la grâce divine. Amen.
mais fauche chaque jour parmi les hommes une grande
portion :120.000 hommes par jour. Et partout où,passe
ce convoi funèbre de 120.000 personnes, - au VIllage,
dans les hameaux, dans les villes, sur terre, sur mer - ,
à sa vue , dans le vaste monde les hommes s'émeuvent,.
se découvrent, les conversations s'arrêtent, les Visages
heureux' :de vivre pâlissent... Partout où passe Sa
Majesté la mort. '
C'est ainsi que depuis des milliers d'années la mort
régnait en maîtresse absolue et poursuivait sa marc~e
triomphale, lorsque, il y a 19 siècles, près de la petite
ville de Naïm un convoi funèbre rencontra quelqu'un,
'1
i:,
•
LES LEÇONS DE LA MORT 201
: ••< .~' , •
~ ...
au monde où il n'y ait pas de tombeaux? Partout où
.( se trouve une tombe, se trouve une chaire d'où la
mort fait entendre ses leçons aux vivant;:' Elle résume ,!
son enseignement en, trois points : hommes apprenez
de moi 1. que la vie est un néant, II. que la vie est un
trésor et III. que la vie est une responsabilité. il
XIII Nous allons nous efforcer, mes frères, dans le sermon 1
Un des plus grands penseurs du christianisme est Sa première leçon est celle-ci : Comme la VIe est
incontestablement saint Augustin. Nous lui devons peu de chose!
une foul~ d'expressions caractéristiques et pleines de A) ( Sta viator )), ( Voyageur, arrête-toi )) - lisait-on
sens. Souvent · deux ou trois mots lui suffisent pour sur les anciens tombeaux. Pèlerin de la terre, arrête-toi
expliqU:er les vérités complexes. Comme ils paraissent - nous dit aussi la mort; arrête-toi et songe combien tout
simples par exemple, ces quelques mots qu'il a pro- est éphémère, absolument tout : seul Dieu tout, puissant
noncés un jour au sujet de la mort : « Sit mors pro est éternel. f.
doctore », « soyez les élèves de la mort )). Paroles bien a) La vie est une fuite incessante, elle glisse entre nos
simples et cependant elles renferment un avertissement doigts, malgré tous les efforts de nos mains crispées. ·
qui équivaut à tout un sermon. Elle part comme une flèche. Elle s'envole comme un
Dans notre sermon. d'aujourd'hui je veux conduire
mes chers' auditeurs au pied de la chaire où la mort
nous donne ses leçons Écoutons donc avec attention
oiseau. Quand vous habiteriez un palais de marbre,
quand vous auriez chaque jour devant vous la table la 1
mieux servie, quand v,ous seriez soignés par les meilleurs ..
ce que nous enseigne la mort. Elle parle dans toutes les médecins et avec les plus chers médicaments - tout
langues du monde, et dans tous les pays du monde cela ne servirait à rien.
dIe a licence d'enseigner. Y a-t-il en effet un seul lieu b) Et comme cette vie est incertaine! En 1933, un
202 LE SYMBOLE DES APÔTRES LES LEÇONS DE LA MORT
avion allant de Vienne à Venise s'écrasa sur le sol. délivrance. Et les riches répondent: toute notre fortune
Parmi les voyageurs se trouvait un jeune écrivain qu. a été incapable de nous tirer de la tombe.
succomba le soir même à ,sés terribles blessures. Il Il avait raison Alexandre le Grand, le riche et puissant
était arrivé le même jour de Berlin à Vienne et après monarque macédonien, lorsqu'il ordonna de laisser
deux heures de repos repartait pour Venise en avion. , pendre .hors de son cercueil une de ses mains desséchée
Il avait passé ces deux heures à Vienne avec un ami. et vi~e, afin que les gens vissent avec épouvante que
Au cours de leur promenade en auto ils s'arrêtèrent le pmssant souverain s'en allait les mains vides sans
. .
pOUV01r l'len emporter avec lui ...
'
dans un grand hôtel et le jeune écrivain se mit à parler
avec enthousiasme des Immenses progrès de la Voilà ce que nous disent les défunts.
technique. La mort nous apprend la vérité.
- Comme l'esprit humain est puissant! - disait-il. B) Si. se~lement ils entendaient les leçons de la mort,
Aujourd'hui matin j'ai déjeuné à Berlin, maintenant ceux qUI vIvent attachés à cette terre avec toutes les
à midi je dîne à Vienne et ce soir je souperai et écouterai fibres, tous les projets et tous les désirs de lem: être!
la musique dans un restaurant de la place S~int-Marc ... a) Quel dommage que l'homnie d'auiourd'hui évite
Le soir ... il comparaissait devant le trône du Juge avec tant de soin de penser à la mo~t! Il n'ai~e pas de
, éternel au lieu de s'asseoir dans un restaurant de la rencontrer la mort.
place Saint-Màrc. , 1 Les an~iens Romains n'avaient pas peur de la mort.
t:,
c) Et la mort descend de sa chaire, circule au milieu Ils rangeaIent leurs tombeaux en longues files au bord
des tombes, les ouvre et engage la conversation avec des routes les plus fréquentées, afin que ceux qui 1~l'
'.1.'
les défunts qui s'y trouvent. ' passaient devant, les vissent chaque jour.
Ceux qui sont morts en pleine jeunesse disent :
Comme nous nous sommes trompés en comptant sur
Les premiers chrétiens n'en 'avaient pas peur non
plus. i',j
une longue existence! Ceux qui sont morts dans un Ne soyez pas surpris de m'entendre dire: il vaudrait k
âge avancé déclarent à leur tour : Comme notre vie
d'ici-bas a été bien peu de chose! ~es dizaines d:années
mieux pour l'homme d'aujourd'hui de songer quelque-
fois aux tombeaux, à la maladie, àla misère et de ~;
ont passé avec la rapidité de J'ombre et de la fumée regarder la mort. En effet, à tous les coins de rue ne !~
et maintenant nous voyons combien elle est vraie cette s'offre que le plaisir : théâtre, cinéma, salle de danse, fi
., inscription funéraire : « Homo .)lUmus, fama fumus, conce~!, bar. Tous les illustrés ne parlent que de la vie lI;
finis cinis », « l'homme n'est que terre, la gloire une facile. A tous les étalages des pâtisseries, aux vitrines
fumée et la fin de toute chose n'est que cendre ». des tailleurs, dans les autos de luxe,' c'est le monde,
L
Les pauvres disent : la mort a été pour nous une le monde du plaisir qui se montre. Quoi d'étonnant si
LE SYMBOLE DES APÔTRES LES LEÇONS DE LA MORT 2°5
l'homme oublie qu'il y a aussi une autre existence, une Dans un journal paru il y a pius d'un siècle (le
existence de privations, de souffrances et de maladies 1 ' Warendorfer Wochenblatt du 25 juillet 1835) j'ai lu
Quoi d'étonnant, si.la mort est obligée de nous apprendre ce fait curieux. Il y est question d'un procédé destiné
tout.es ces choses, puisque l'on ne veut pas apprendre à permettre à un mort apparent de se faire- délivrer,
autrement que cette vie qui passe si rapidement n'est s'il revient à lui dans sa tombe. A l'aide d'un tuyau,
pas la véritable vie! une ficelle est mise entre les mains du mort - écrit .
b) Et la mort enseigne tout cela. • le journal - à l'autre extrémité de la ficelle, au-dessus
Elle nous apprend à être bien humbles et en me me du sol est attachée une clochette. Si le mort se réveille,
temps à avoir grande confiance. Elle nous apprend il n'a qu'à tirer la ficelle et le gardien du cimetière
que notre vie est peu de chose, mais en ~ême temps vient vite le tirer du tombeau ...
un précieux trésor. Ne soyons pas o~'guetlleux, par~e Les hommes ne sont-ils pas étranges, mes frères?
que la vie terrestre est bien courte; malS soyons remphs Le fait que quelqu'un ait été enterré étant en léthargie
de joie, parce que la vie éternelle n'a pas ~e fin. se présente à peine. Et cependant on y songe: qu'arrive-
Elle nous apprend que nous sommes cItoyens de t-il quand il se réveille? Par contre il est absolument
deux mondes, mais que nous ne resterons pas indéfi- certain que tout homme à l'instant même de sa mort
niment dans les deux. Pour cette terre, nous n'avons se réveille devant le tribunal de Dieu - et pourtant
qu'un simple « passeport », c'est là-haut. que nous il y en a beaucoup qui ne s'en soucient aucunement
aurons un permis de séjour permanent. Ici-bas nous et ne songent pas à s'assurer pour ce cas.
sommes des voyageurs,' là-haut nous attend la demeure Écoutons donc les leçons de la mort et n'oublions
d éfi~itive. Ici-bas c'est un songe, là-haut c'est la réalité. jamais ce que nous sommes et ce que nous deviendrons.
Ici-bas c'est l'ombre, là-haut la clarté totalé. Notre cœur est à Dieu et non pas au monde; ne permet-
c) Et voici que la mort prend de n9uveau la parole: tons pas qu'il reste attaché au péché. Notre âme
Hommes, s'il ,en est réellement ainsi, comment pouvez- est à Dieu et non pas au monde; ne permettons , pas
vous vivre, comme si c'était précisément le contraire? qu'elle reste captive de ses charmes trompeurs. Nous
Comment pouvez-vous vivre avec l'uni~ue et excl~~if n'emporterons. pas devant Dieu notre or ni nos trésors,
souci de cette terre, du manger et du boue, du plalslf, ni nos~'palais ni nos autos. Quoi donc? Uniquement
,des théâtres et des amusements ... Voilà votre _}mique , et simplement notre âme.
désir, vos seuls ' projets, ,vos seules craintes, quant à Le seul trésor, les seules richesses, les seules valeurs
,ce qui viendra après, à ce qui suivra la chute des mottes que nous emporterons là-haut - ce sont nos œuvres :
o .
de terre sur votre cercueil, la seule chose vraiment le bien ou le màl que nous avons fait.
importante et décisive, vous n'y pensez guère. '
206 LE SYMBOLE DES APÔTRES LES LEÇONS DE LA MORT
r
deux le présent, une seconde, qui nous glisse des
mains à l'instant même où nous voulions le saisir.
II
Nos yeux s'efforcent de percer les ténèbres, nos
regards s'efforcent de pénétrer dans la première minute
QUEL TRÉSOR QUE LA VIE! de la nouvelle année, dans les secrets de l'avenir; _
mais nous ne voyons rien.
Après ces pensées austères, la mort nous donn.e une B) Nous ne voyons rien, parce que l'avenir n'est pas
encore à nous.
autre leçon. Elle nous dit : la vie est courte, malS elle
est également un immense trésor. Le passé ne vous a) Comme l'homme se rassure: l'année passée a été
appartient plus, l'avenir n'est pas encore à vous, certainement pénible, rp.ais voici la nouvelle. Il y aura
utilisez donc ce qui vous appartient uti~isez le jour une amélioration, il y aura un miracle. Mais le temps
présent. , passe et ne se soucie pas des hommes; ni de ceux
A) Le passé ne vous appartient plus. . ' qui voudraient accélérer sa marche ni de ceux qui
voudraient l'empêcher.,
a) Il n'est certainement ,personne qm, après un an
, écoulé à l'anniversaire de sa naissance ou le 31 décem- Les jeunes gens disent avec impatience : Ah! si
bre n~ se sente envahi par la tristesse, quand il jette seulement j'avais cinq années de plus ...... Si j'avais
un ~egard sur son existence qui passe avec rapidité. Avec passé mes examens ... si j'avais mon diplôme ... si j'avais
quelle rapidité les années se sont envolées! Comme une , place... Les vieux disent d'un ton résigné : Ah!
elles ont emporté nos joies et nos peines, nos œuvres si seulement j'avais cinq années de moins, quand j'étais
et nos divertissements, nos succès et nos échecs! Toute plus alerte ... quand mon souffie n'était pas si difficile ...
notre ' vie semble enveloppée comme dans un nuage, et quand mes mains ne tremblaient pas... Mais le
lorsque nous jetons ~os regards en arr~ère. On p~rle temps ne se soucie pas de tout cela et poursuit rapide-
ment sa route .
. encore de l'été dernier, de notre dermère excurSlOn
du printemps, de tel ou tel événement, ~ais ens~ite b) « Ah! si je connaissais les secrets de l'avenir! Si je
tout tombe irrémédiablement dans l'pubh; tout s es- pouvais voir ce qui m'attend encore dans la vie! Si
tompe, tout disparaît, on ne sait plus si les choses se je savais les dangers, le sort, les défaites qui m'attendent!
sont réellement passées ou si nous ne les avons vues Pourquoi Dieu ne nous permet-Il pas de lire dans
l'avenir? »
qu'en songe. ~
b) Le temps est un grand mystère. Derrière nous il C'est ainsi que parlent bien des gens et il ne leur
yale passé qui ne nous appartient plus; devant nous vient pas à l'idée quelle chose effroyable ce serait de '
c'est l'avenir qui n'est pas encore à nous; et entre les connaître l'avenir. Comme on serait épouvanté, paralysé
208 LE SYMBOLE DES APôTRES LES LEÇONS DE LA MORT 2°9
dans son activité, peul-être pris de folie, si l'on con- épreuve de patience qui peut durer 30, 40, 50 ans et
naissait de l'avenir plus de choses que Dieu n'a trouvé l'éternité tout entière dépend de la manière dont on
bonde nous communiquer 1 a soutenu ce combat.
Il est sans exemple le tact psychologique et pédago-
gique avec lequel le christianisme traite cette question. III
Il nous apprend relativement à notre destinée future
juste ce qu'il nous faut, pour aller au travail avec une LA vm EST UNE RESPONSABILITi.
âme pleine d'espérance. Ce ne sont pas les coups de
poing d'une fortune aveugle qui façonnent notre avenir,
- proclame-t-il - mais la main paternelle de la divine Et voici la troisième leçon que nous donne la mort:
Providence. Dans son cœur de Père, Dieu a voulu que cette vie est une responsabilité.
nous ne connaissions pas en détail l'avenir qui A) C'est cette immense responsabilité qui rend si difficile
nous attend, afin que notre ardeur au travail ne soit le moment de la mort.
pas paralysée et que notre courage ne faiblisse pas. a) Qu'est-ce qui nous sera le plus pénible à la mort?
Nous voyons le but final où aboutit tout chemin, Sera-ce le fait d'être obligés de nous séparer de ce que
mais nous ne voyons pas le chemin que nous devrons nous aiJzons, de notre cercle d'activité, de nos projets,
suivre. Nous ne voyons clairement qu'une seule cliose, de nos désirs?
c'est que nous pouvons gagner la vie éternelle, si nous Oui, sans doute.
savons mener une vie honnête. Si vous laissez des petits enfants ou une veuve, le
. Le passé est disparu bien vite, l'avenir n'est pas sort de ces orphelins est pour vous un sujet de chagrin;
encore entre mes mains, mais aujourd'hui est à moi. si vous laissez de vieux parents, l'insécurité de leur
Aujourd'hui je puis aimer Dieu, - mais je ne sais avenir vous fait mal. Si vous laissez des plans hardis
p~s jusqu'à quand. Aujourd'hui je puis se.rvir Dieu à p~ine commencés, vous regrettez le champ d'action
- mais je ne sais pas jusqu'à quand. Aujourd'hui je que vous quittez. Si vous laissez une grande situation
peux encore réparer le passé, - mais je ne sais pas ou une fortune amassée péniblement, vous vous deman-
jusqu'à quand. Aujourd'hui encore je peux faire péni- dez avec douleur ce qu'il en adviendra... Tout cela
tence pour mes anciens péchés, - mais je ne sais pas est pour vous un chagrin, - mais ce n'est pas lè plus
jusqu'à quand. pénible.
La mort tout en nous faisant voir que la vie est bien b) Qu'est-ce donc qui vous set:a le plus pénible à
peu de chose nous montre également qu'elle est un votre mort? Le dernier et douloureux effort contre la
immense trésor. Elle est un champ de bataille, une disparition? Cette séparation violente du corps et. de
l'âme qui étaient si unis ertre eux? Oh oui! c'est N'entendez-vous pas l'avertissement de Notre-Seigneur
douloureux, c'est pour cela aussi que la mort est Jésus-,Christ : « Vous aussi, tenez-vous prêts, car le \
pénible. Mais ce n'est pas encore ce qu'il y a de plus r
, Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne pensez
pénible dans la mort. pas» (S, Luc, XII, 40).
c) Savez-vous ce qu'il y a de plus pénible? Le bilan
de l'existence qu'il faut clore maintenqnt. Le règlement
B) Et maintenant, mes frères, répondez à ma question:
Avez-vous conscience de cette responsabilité? , Vos
1
de comptes qui va avoir lieu. Le tribunal qui nous affaires sont-elles en ordre? lltes-vous toujours prêts
attend. Notre responsabilité devant Dieu pour chaque pour mourir?
parole et chaque , action de not1'e vie terrestre - voilà Depuis des siècles les hommes ne font pas autre
ce qui rend la mort si amère. , Cette question qui se chose que mourir - et cependant la mort les atteint
dresse devant nous: Qu'allons-nous devenir à présent? toujours à l'improviste. Ebv bien! s'il vous fallait rendre
Où allons-nous maintenant? compte aujourd'hui de votre vie, seriez-vous prêts?
Oui, où allons-nous? C'est ce que demandait un Dites-moi, tout est-il en ordre?
jour une dame un peu nerveuse, tandis que le tram a) Vos affaires matérielles sont-elles en ordre? N'y
électrique descendait une pente abrupte. aura-t-il pas de bataille autour de votre cercueil?
- « Ah, monsieur le conducteur, qu'estllce que N'avez-vous pas chez vous des choses appartenant à
nous deviendrions, si le frein se brisait? » autrui? N'y a-t-il pas quelque désordre dans vos
- « N'ayez aucune crainte : il y a un frein à air affaires professionnelles? A votre mort l'aspect extérieur
comprimé dans la voiture ». ' de 'toute votre existence ne s'çffondrera-t-il pas et les
- « Mais où irions-nous, si le frein à air comprimé vôtres ne seront-ils pas obligés de dire près de votre
aussi ne marchait pas? » poursuivit la voyageuse tombe : « Ah! pourquoi nous avez-vous fait cela? »
effrayée. b) N'avez-vous rien d'important à dire à quelqu'un?
- « Oh! il n'y aurait pas grand mal: il y a encore Ne pourriez-vous pas aujourd'hui encore écrire
un frein à main ». ' telle lettre, telle lettre, d'explication, telle lettre de
- « Mais où irions-nous, si le frein à mam aussi réconciliation? '
ne' fonctionnait pas? » Ah! comme les hommes se querellent entre eux 1
Le conducteur releva la tête : Pour quelles futilités ils se rendent réciproquement
« Où irions-nous alors? Eh bien 1... les uns en enfer, la vie amère : deux chauves peuvent se disputer à
les autres au ciel ». propos d'un peigne. Deux frères , se querellent pour
Cet homme avait raison. Mais au fond de cette des riens, des enfants et des parents peuvent être
réponse n'entendez-vous pas l'immense responsabilité? brouillés pendant des années.
2I2 LE SYMBOLE DES APôTRES LES LEÇONS DE LA MORT 21 3
Mais un jour la mort dit son mot et la raison leur Faites un retour sur votre vie entière et écriez-'vous :
revient, quand il est trop tard. Ma pauvre âme, que vas-tu devenir?
On vient d'enterrer un vieillard; en revenant du Dans cette autre vie mystérieuse, dans cette tombe
cimetière les parents déclarent avec attendrissement : de deux mètres de long et d'un mètre de large, nous
c'était un brave homme qui n'a jamais fait de mal à n'emportons rien avec nous. Personne ne nous accom-
personne . . Mais pourquoi faut-il découv~ir la chose pagn,e au delà de la tombe. ,Ni notre livret de caisse
seulement après l'enterrement? PourquOI seulement d'épargne. Ni notre auto. Ni nos habits de soie. Ni
'après sa mort, tandis que durant sa vie il a été l'objet nos objets de toilette. Ni nos amis, ni nos parents,
de tant d'amertumes et de contradictions? ni nos frères et sœurs.
« C'était pourtant un brave homme» - quel domm~ge Chose terrible! Qui jll'accompagnera sur cette route
que tant de gens ne s'en aijerçoivent et le proclament incertaine? Ce n'est ni ma science, ni ma beauté, ni
que quand il est trop tard. Combien seraie~t plus d~ux, mes muscles d'athlète. Vais-je paraître les mains vides
plus conciliants, plus indulgents, combIen seraIent devant Dieu? Me tènir devant Lui les mains vides?
plus aimables, quand il est trop tard, quand cela n'est Non, mes frères, il y a quelque chose qui vous
plus possible. . accompagne. Il y a quelque chose qui vous accompagne
Dites-moi, mes frères, êtes-vous en règle sur ce polOt? jusqu'au tombeau, par delà la tombe jusqu'à Dieu,
c) Mais voici une autre question plus importante quelque chose .qui parlera pour vous et sera votre
encore : Votre lime est-elle en ordre? Pensez-vous avocat.
fréquemment à l'avertissement de saint Paul: « Vous Qu'est-ce donc?
savez très bien que le jour du Seigneur viendra comme « Opera enim illorum sequuntur illos » dit la Sainte
un voleur pendant la nuit. Quand les hommes diront: Écriture à propos des défunts. « Leurs œuvres les suivent»
paix et sécurité, - c'est alors qu'une ruine soudaine (Apocalypse, XIV, 13).
fondra sur vous» (le Thessaloniciens, v, 2-3)· Nous emportons nos œuvres avec nous.
Mazarin, le puissant ministre de Louis XIV, fut Oui, ce que vous faites vous accompagne dans l'au-
frappé d'une attaque en jouant aux cartes. « Eh! c'est delà. Le verre d'eau donné à celui qui a soif vous
peut-être un léger malaise» - pensa-t-il. Il ordon~a accompagnera et sera votre avocat. Le morceau de pain,
à un de ses serviteurs de lui tèilir les cartes, pour pOUVOIr la pièce de vêtement que vous avez donnés à votre
continuer à jouer. Ce fut en vam, les cartes lui glissèrent prochain dans la détresse, vous accompagneront et
des . mains' et il tomba à la renverse. Ses dernières parleront pour vous. Et chaque parole miséricordieuse,
paroles furent celles-ci: « Ma pauvre âme, que vas-tu chaque acte de compassion, chaque regard de pitié,
devenir à présent? Il chaque sentiment généreux, chaque renoncement pour
Il
1
LE SYMBOLE DES APÔTRES LES LEÇONS DE LA MORT 2I5
lutter contre la tentation et le péché .. . tout cela vous après la mort? Est-ce possible qu'eux aussi aient peur
accompagnera et restera votre seul trésor. « Leurs de la mort?
œ~vres les suivent ». Oui, c'est possible. Car la mort n'est pas chose
naturelle. L'instinct de conservation est très fort dans
toute créature et il est le bouclier protecteur de la vie.
Le corps se défend instinctivement contre la disso-
lution et quelles que soient les réflexions que qùelqu'un
Mes frères, quand on circule dans les rues de Rome, se fasse au' sujet de la mort, si pieux et si religieux
on est ' entouré par le tourbillon de la circulation, que soit un homme, il ne peut pas se débarrasser ' de
on est ébloui par le rythme de cette vie brillante et cette crainte naturelle. Ce n'est pas Dieu qui a créé ,
luxueuse. Quelle agitation, quel éclat, quelle beauté! la mort; c'est le péché qui l'a apportée avec lui. Notre
Mais quand on gagne une hauteur, une des .sept nature humaine en a peur et essaye de lui échapper.
collines et que l'on contemple la ville, on ne voit plus Il est donc compréhensible que l'instinct vital, même
rien de cette grande circulation, on n'entend plus chez les croyants pieux et fervents, proteste contre la
aucun bruit, on n'aperçoit plus cette agitation. Les mort et frissonne en y pensant.
maisons de cette grande ville sont alignées les unes à Mais notre foi est encore plus forte que cet instinct
côté des autres comme de petites boîtes d'allumettes, vital: la mort n'est qu'un passage d'une forme d'exis-
_ mais au-dessus d'elles se dresse majestueusement tence à une autre, tout comme on ôte un vêtement
la gigantesque coupole de la basilique Saint-Pierre. usagé pour en mettre un neuf, « afin que ce qu'il y a
C'est sur une hauteur de ce genre que nous a conduits de mortel soit englouti par la vie» (Ile Corinthiens, v, 4).
le sermoi! d'aujourd'hui : sur la hauteur où se dresse La mort n'est pas une descente dans le néant, dans
la chaire~ de la mort, sur la hauteur du cimetière. Si le nirvana, mais le début de la véritable vie. Ici-bas
de là nous contemplons la vie, nous voyons l'agitation, nous marchons dans l'ombre, là-haut nous marcherons
la puiSsance, l'activité humaine,s devenir comme des au soleil; ici-bas nous sommes dans la lutte, là-haut
boîtes d'allumettes - et il convient dès lors de remar- nous serons dansla paix de Dieu; ici-bas nous sommes
quer la coupole de notre foi qui se dresse av~c un calme en pays étranger, là-haut nous serons dans la maison
plein de consolations au-dessus du royaume de la mort. paternelle; ici- bas nous croyons, là-haut nous verrons.
La pensée de la mOlt est une vérité effrayante et Cette foi ne nous laisse pas tomber dans le désespoir,
il n'y a personne qui ne tremble devant elle. mais nous apprend à faire cette prière :
Les croyants aussi? Mon Dieu, je Vous en prie, faites, s'il Vous plaît,
Oui, ceux-là aussi qui espèrent en une vie éternelle que mon agonie soit douce. Faites, si c'est votre bon
216 LE SYMBOLE DES APôTRES
des choses humaines. Nous apercevons plus clairement s'écrie-t-on, lorsqu'on rencontre telle ou telle connais-
que jamais la vérité de ces paroles du Psaume CI : sance que l'on n'a pas vue depuis plusieurs mois.
« Seigneur, vous avez fondé la terre dès le commen- « Où êtes-vous donc allé dans ce costume? II
cement et les cieux sont l'ouvrage de vos mains .. Ils - demande-t-on encore.
périront, mais vous, vous demeurerez; ils vieilliront - « Au mariage de mon Charlot ll.
tous comme . ~.lll vêtement : vous les changerez comme - « Ah! il est déjà marié? Je me rappelle encore
un manteau et ils seront changés. Mais vous, vous êtes le temps où je le faisais sauter sur mes genoux. Comme
toujours le même et vos années n'auront pas de fin » on vieillit 1 »
(Psaume CI, 26-28). - Certainement on vieillit... Tout passe et vieillit
Ah, comme 'le Psalmiste a raison 1 comme un vêtement.
220 LE SYMBOLE DES APÔTRES , LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (r) 22J
r.l'
B) Mais , Vous, mon Dieu, vous demeurez le même . et celle du devoir; de notre responsabilité envers la vie
et vos années n'auront pas de fin. terrestre et de nos devoirs envers Dieu.
a) Seul, Dieu ne vieillit point.
En Dieu, « il n'y a aucune vicissitude ni ombre de
changement» (S. Jacques, l, 17). II
« Avant que les montagnes n'eussent été créées, que LA MORT NOUS FAIT PRENDRE CONSCIENCE
la terre et le monde n'eussent été formés, vous êtes DE NOTRE RESPONSABILITÉ.
Dieu de toute éternité et à jamais » (Psaume LXXXIX, 2).
« A vos yeux, mille aimées sont comme le jour d'hier La prt(mière pensée qui s'empare de nous à la vue
qui n'est plus » (Psaume LXXXIX, 4). de la fragilité des choses humaines, c~est le sentiment
C'est donc une belle coutume, lorsqu'on passe en de notre responsabilité à cause des comptes que nous
auto ou en tramway, devant une église, de devenir aurons à rendre un jour.
un instant plus grave, d'ôter son chapeau ou de faire . A) Ma vie est un livre ... chaque année en est une
le signe de la croix : l'homme éphémère rend ainsi page... Et un jour, quand j'aurai achevé ma vie sur
hommage au seul être éternel, Dieu. la terre, ce livre sera ouvert dans le . ciel. Ce livre,
b) En effet, tandis qu'autour de moi la dent du temps c'est te « livre de vie » (Apocalypse, x.x, 12) - où tout
exerce ses ravages et que retentit le cri luguQre des est inscrit.
oiseaux de mort, moi, pauvre homme, à l'existence si a) Tout 1 C'est terrible d'y penser. Là sont inscrites
, courte, je me cramponne au Dieu éternel. J'ai confiance chaque parole, chaque action, chaque pensée dont peut-être
en ce Dieu « qui est toujours le même et dont les années je ne me souviens plus depuis longtemps.
n'auront pas de fin ». J'ai confiance en ce Dieu qui a Or c'est ainsi. Notre-Seigneur Jésus-Christ nous
été assez fort pour tirer le monde du néant. J'ai confiance avertit inlassablement qu'il nous demandera des
en ce Dieu qui a/ été assez fort pour le conserver depuis comptes.
des siècles et des milliers d'années. J'ai confiance en Un homme riche forgeait de grands projets pour
ce Dieu sans la permission de qui pas un cheveu ne l'avenir : boire, manger, jouir de la vie. Mais Dieu
tombe de , notre tête ni un petit oiseau du toit. lui dit : « Insensé, cette nuit même, on te redemandera
Mais en présence de la puissance de la mort nous ne ton âme » (S. Luc, XII, 20):' « Rends-moi compte de
pouvons . nous contenter d'un attendriss~ment senti- ton administration » (S. Luc, XVI, 2) dit Dieu dans sa
mental. La caducité des choses humaines doit nou" parabole de l'intendant infidèle. Une autre fois le
inspirer surtout deux idées: celle de notre responsabilité divin Maître parle des talents qu'il réclamera avec les
222 LE SYMBOLE _ DES APôTRES LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (I) 223
".
intérêts (8. Matthieu, xxv, 14- et suiv.). Dans une debout devant le trône; des livres furent ouverts. _.
autre circonstance il parle d'un figuier stérile : son Et les morts furent jugés d'après ce qui était écrit dans
,propriétaire attend encore un an, mais s'il ne produit ces li."res, selon leurs œuvres » (Apocalypse, xx, 12).
pas de ffuit, alors il le fera arracher et jeter au feu Je faIS un retour sur ma vie passée; faut-il trembler
(8. Luc, xm, 6 et suiv.). en songeant à cette comptabilité minutieuse de l'autre
b) Si je prends conscience de cette responsabilité je monde?
réglerai ma 'vie terrestl'e tout différemment. Je prendrai b) Un visiteur se promenait dans une grande galerie
tout à fait à cœur 1~ réponse adressée par un mission- de tableaux, il circulait ennuyé, sans trouver rien
naire anglais à un riche Américain. d'~ntéressant,. car les plus beaux tableaux ne produi-
·Cethomme avait invité le missionnaire à dîner, mais saIent en lUI aucune impression. Mais comme il se
pendant le repas le téléphone sonnait constamment plaignait auprès d'un artiste du manque d'intérêt de
et le maître de la maison traitait des affaires. cett~ expositio~, l'artiste se contenta de lui répondre:
« Vous voyez, mon Père - dit l'Américain - en «. Sr seulement Je pou-vais vous prêter mes yeux! »
'Amérique on ne perd pas de temps ». Oh, oui! comme nous verrions tout autrement une
« C'est vrai, on ne perd pas le/temps - répondit le galerie de tableaux, si nous pouvions emprunter les
missionnaire - mais, j'en ai peur, on perd l'éternité ... » yeux d'un peintre! Mais comme nous verrions aussi
B) Eh bien! si j'ai conscience qu'un jour il me t?ut autremen: le monde, la vie, nos luttes et nos projets,
fauàra rendre compte de tout ce que j'aurai fait durant SI nous pOUVIOllS emprunter les yeux d'un saint! Par
ma vie, si je considère sérieusement si le talent qui ex.emple l~s yeux d'un saint Louis de Gonzague, de
m'avait été confié par Dieu a produit des intérêts, si samt. LoUIS d,e Gonzague qui, avant chaque action, se
je cherche les fruits sur l'arbre de ma vie, quel sera pOSait cette question : « A quoi cela me servira-t-il
le résultat du bilan à la fin de -m a vie? pour l'éternité? » Ou bien si n~us pouvions emprunter
a) Vous connaissez ces c~isses enregistreuses en les yeux de saint Paul qui a écrit : (( Les souffrances
usage dans les grands magasins. Le moindre encais- du t~mps. présent s.ont ~ans proportion avec la gloire
sement fait dans la journée est inscrit mécaniquement à vemr qUI sera mamfestee en nous» (Romains, VIII, 18).
sur un ruban et le soir il suffit de presser sur un bouton Ou encore si nous pouvions emprunter les yeux du
et l'on trouve très exactement la somme des recettes Sauveur lui-même qui a dit: (( Que sert à l'homme de
de toute la journée. ga?ner l~univers, s'il vient à perdre son âme? » (8. Mat-
Mais qu'est-ce qu'une caisse enregistreuse à côté thIeu, XVI, 26). .
de la comptabilité divine, à côté du livre dont pade Voilà la responsabilité que la mort éveille en nous.
la Sainte .Écriture : « Je vis les morts, grands et petits, Ai-je façonné la précieuse matière de mon âme qui
224 LE SYMBOLE DES APôTRES LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (1)
m'a été confiée de telle sorte que l'œil de Dieu, mon nous a fait jusqu'à présent, comme aussi pOUt toutes
Juge, puisse se reposer avec plaisir sur sa beauté? les épreuves qu'Il nous a envoyées.
Cela ne dépe'nd pas de moi que cette image représente a) Rendre griices pour tout le ,bien reçu!
'l un vieillard ou un ·jeune homme, une vieille femme Avant tout je rends grâces à Dieu pour les nombreux
ridée ou une jeune fille - c'est le secret de Dieu (lui bz'enfaits"-spirituels dont Il m'a fait part par mes prières,
règle les années de chaque être sur la terre. Mais il la célébration de la, sainte messe et la réception des
dépend de moi, et c'est pourquoi j'en suis responsable, sacrements. Pour tant de pardons ' qu'Il m'a accordés
que l'âme de ce vieillard ou de ce jeune homme, l'âme après mes chutes. Pour l'amour immense.qu'Il a déposé
de cette vieille femme ou de cette jeune fille en fleur dans mon cœur dans la sainte communion. Pour cette
soit belle, lorsque je la présenterai un jour devant Dieu. foule de grâces et de lumières que je ne connais pas
et qui m'apparaîtront seulement dans la vie éternelle,
et par lesquelles Il m'a préservé de tant de chutes.
III Pour tout cela je Le remercie avec reconnaissance.
Mais je veux aussi Lui rendre grâces pour lesbiens
LA MORT NOUS RAPPELLE NOS DEVOIRS.
du corps : pour ma santé et ma subsistance, pour ma
famille et mes bons amis, pour mes succèv, pour ma
guérison ... Oh oui 1· nous devons Lui montrer notre
La conscience de cette grande responsabilité éveille reconnaissance pour tous ses bienfaits, c'est" un senti-
en nous aussi le sentiment du devoir. D'un double ment instinctif et naturel.
devoir : A) manifester envers Dieu une gratitude b) Mais nous ne devons pas témoigner notre recon-
d'enfant pour l'amour qu'Il nous a montré jusqu'ici naissance seulement pour les bienfaits obtenus, il faut
et B) prendre une résolution virile pour l'avenir. encore la témoigner pour les souffrances et les· épreuves
A) La pensée de la mort nous fait penser aussi à la que Dieu nous a envoyées jusqu'ici dans la vie.
reconnaissance envers Dieu. Jamais peut-être on ne Ah 1 c'est si difficile à comprendre pour beaucoup
peut réciter d'une âme aussi émue les paroles du de gensl '
début de la préface de la messe qu'aux instants émou- Il y a quelques années, une sorte d'épidémie intel-
vants où l'on pense à la mort: « Vere dignum et justum lectuelle s'était abattue sur l'humanité, la' fièvre des
est »... « Vraiment il est digne et juste, équitable et mots croisés. L'homme et la femme s'y livraient en ·.
salutaire, de vous rendre grâces en tout temps et ' en déjeunant et en dînant, les employés et les commerçants
tout lieu, ' Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu sur leur bureau et leur comptoir, les étudiants, petits
éternel ». Rendons-Lui grâces pour tout le bien qu'Il et grands, abandonnaient leurs devoirs - paltout on
faisait des mots croisés. Pour celui qui n'y entendait mais la vie éternelle qui doit être tout pour moi; la
rien, le problème se présentait sous l'aspect. d'une terre et ses biens ne doivent être pour moi que des
série de lettres disposées verticalement et hOrizonta- moyens d'atteindre la vie éternelle.
lement et d'un mélange désordonné de cases noires ~) Lorsque Dante, au cours de son voyage imaginaire,
et blanches; Pour celui qui n'y eritendait rien. Mais arriva à la porte du paradis, avant d'entrer, il regarda
derrière ces lignes apparemment disllosées sans ordre encore une fois vers la terre. « Je jetai un regard en
et au hasard se cachait une solution intéressante et arrière sur les sept sphères - écrit-il. Je vis la terre ,.
raisonnable pour celui qui savait résoudre le problème. elle était si petite que je ne pus m'empêcher de sourire en
La vie terrestre .place tout homme devant de difficiles la voyant. Voilà donc ce globe minuscule dont nous
mots croisés : si seulement il y en avait beaucoup pour sommes souvent si fiers! »
connaître la solution de ces mots croisés 1 Si seulement N'est-ce pas le même sentiment qui s'empare de nous
tous ' avaient l'adresse et la patience nécessaires! Car aussi, lorsque à la dernière minute ae l'année finissante
pour celui qui n'y comprend rien, les lignes sombres nous jetons un , coup d'œil en arrière sur cette année
des malheurs et des épreuves se croisent sans but dans qui descend dans la tombe? Comme les 12 mois
sa ~ie; par contre celui qui comprend sait que, aux les 52 semaines, les 365 jours de l'année écoulée s~
yeux de la divine Providence, chacune' de ces lignes réduisent à un tout petit point 1 C'était donc cela
noires a un sens, un but, une signification cachée. l'année qui nous a rendus souvent si fiers, si aveugles
Quel dommage que tant de gens ne veuillent pas le si pécheurs 1 . '
comprendre 1 C'est cela , cependant 'le véritable esprit Ah 1 comme la terre est tout pour bien des hommes 1
chrétien: dire le «Te Deum» même dans les insuccès, La terre et ses jouissances, son or, ses trésors, son
dans les maladies, dans les privations. Car c'est surtout argent. « Celui qui a de l'argent a tout» - répète-t-on.
à eux que s'adresse cet avertissement de saint Paul: Or il n'en est rien. Avec de l'argent vous pouvez
« Rendez continuellement grâces pour toutes choses acheter des aliments, mais non pas l'appétit. Avec de
à Dieu le Père, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ» l'argent vous pouvez acheter des médicaments, mais
(Éphésiens;-<v, 20). . . non pas la ' santé. y ous pouvez acheter un lit bien
B) La pensée de la caducité des choses humatnes doux, mais non pas un sommeil paisible. Vous pouvez
nous apprend, outre la reconnaissance, encore un autre acheter une demeure splendide, mais non pas une
devoir: le devoir d'une résolution virile. Si tout passe bo~ne conscience. Vous pouvez acheter des relations,
avec une telle rapidité, si tôt ou tard tout glisse de mes maIs non - pas des amis. Vous pouvez acheter vdes
mains - santé, beauté, argent, plaisir, fortune, situation, serviteurs, mais non pas le dévouement. Et surtout,
réputation - alors désormais ce n'est plus la terre, surtout : avec de l'argent vous pouvez acheter une
228 LE SYMBOLE DES APôTRES LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (1) 229
belle sépulture pour votre corps au c~metière, mais de détériorer par un barbouillage maladroit un chef-
une place pour votre âme dans le ciel, vous ne le pouvez d'œuvre. Mais le christianisme aussi a gravé un chef-
,pas, non, mille fois non. d'œuvre sur nos âmes: le divin visage du Christ; ne
1 S~ons donc raisonnables, mes frères. Connaissez- souffrons donc pas que la poussière de la vie continue
vous le reproche adressé un jour par son cocher au à voler sur cette image et . que la barbarie dG""'péché
célèbre astronome Tycho Brahé? « Monsieur, vous vous vienne souiller sur nos âmes les traits divins de Notre-
con~aissez bien dans le ciel, mais sur la tèrre vous ' Seigneur Jésus-Christ. Mais au contraire, quand bien
n'êtes pas adroit ». même des tragédies spirituelles et des chutes morales
A combien d'hommes d'aujourd'hui ne pourrait-on viendraient assombrir cette image, que la considération
pas adresser ce rep~oche, mais en renversant les termes: de la fuite du temps hâte d'autant plus sa restauration
« Vous vous connaissez fort bien aux choses de la terre, en nous.
mais vous n'êtes guère adroits dans les choses du ciel, Et si après nos meilleures résolutions, il nous fallait
vous ne ' vous souciez pas de votre demeure éternelle constater avec douleur que nous avons fait de nouvelles
ni de votre destinée ». chutes et si nous sommes obligés à la suite de ces
b) En ce moment, nous avons encore le temps, Dieu nouvelles fautes de lever nos mains pour demander
, 1
nous laisse encore la vie entre nos mains, seulement pardon, - même alors nous devons pe'rsévérer et
ne la gaspillons pas! Savez-vous ce que disait saint recommencer mille fois s'il le faut. Consolons-nous
Augustin sur la valeur du temps : Les moments sont dans la conviction que lorsque nous paraîtrons devant
les semences de l'éternité (semina aeternitatis). Le le Dieu qui sait tout, Il ne connaîtra pas seulement
temps est aussi précieux, a autant de valeur que l'éter- nos fautes, mais aussi les nombreux efforts et combats
nité, et même que Dieu, car c'est par le bon usage du avec lesquels nous voulions les éviter. Il ne connaît
temps qu'on peut acquérir l'éternité et Dieu. pas seulement nos déréglements, mais aussi nos bonnes
Les années passent et s'enfuient, elles disparaissent intentions et nos efforts. Il a vu non seulement nos
les unes après les autres et! quelle tristesse si, à la fin chutes, mais encore les larmes que nous avons versées
d'une vie humaine si vite passée, il nous fallait nous à cause d'elles.
écrier avec Hebbel: « Tel que je suis, je salue avec
tristesse celui que j'aurais di.\ être ».
Dans la description de certaines vieilles églises, * '*' '*
le guide Baedecker fait cette remarque : « Malheu-
reusement les fresques ont été plus tard recouvertes Mes frères, chaque jour sort de nos lèvres cette
d'un enduit ». Assurément, c'est une barbarie que prière à la Bienheureuse Vierge Marie: « Nous soupirons
LE SYMBOLE DES APÔTRES
LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (1) 23 1
23°
vers vous en gémissant et en pleurant dans cette vallée habite sous l'aile du Très-Haut demeurera sous la
, de larmes ». Certainement, c'est vrai : cette ·terre est ~rotection du Dieu du ciel, il dira au Seigneur ~i Vous .
pour nous tous une vallée de larmes. Comme une etes mon 'protecteur et mon refuge, mon Dieu, en qui
troupe immense de pèlerins, l'humanité chemine à Je mettra! ma ~onfiance » (Psaume xc, 1-2). Amen.
travers la vie et chacun de ces pèlerins - petit ou
grand, pauvre ou riche, jeune ou vieux, homme ou
femme - porte sur son épaule sa propre croix. Il passe
ainsi devant toutes les stations de la vie, jusqu'à ce
qu'un jour il arrive au but.
Car finalement on arrive.
Si en ce monde tout passe, n'est-ce pas une folie
de bâtir notre existence sur cette fragilité?
N'entendez-vous pas dans votre chambre le temps
scier inlassablement l'arbre de votre vie? Vous entendez
les tic tac, tic tac de votre pendule, ce sont autant
de coup de scies sous vos pieds.
y aurait-il un homme 'assez fou pour vouloir faire
construire une haute maison, une magnifique demeure
sur du sable mouvant ou sur un terrain marécageux?
En effet on bâtit sur du béton, et même du béton
armé. L'éternité - voilà du béton armé. L'éternité -
oui, voilà le fondement sur lequel on peut construire
tranquillement.
Mes frères, l'océan du temps pousse sans cesse les
blocs de glace au-dessous de nous, - mais nous avons
un parapet solide auquel nous pouvons nous cram-
ponner pour ne pas avoir le vertige : notre foi en
l'éternité.
Et si ces pensées me font entendre les avertissements
de la mort, alors au moment du départ se réalisera
aussi en moi la promesse du psalmiste : « Celui qui
,'
I!'
1
, LE SYMBOLE DES APÔTRES LES AvERTISSEMENTS DE LA MORT (n) 235
234
que le cierge brûle, qu'il diminue de plus en plus dans campagne. Un vent soufRe et elle se sèche, et il n'en
sa main et qu'un jour il s'éteindra; mais personne ne reste plus de trace )) (Psaume CIl, 15-16).
sait combien de temps durera le cierge. B) Malgré cette brièveté de notre vie, nous n'aimons
Quand l'homme vient au monde, il se met en route - pas y penser; c'est même un sentiment curieusement
mais il ignore la longueur de cette route. Il sait qu'elle désagréable et pénible qu'ép~ouve l'homme, enfoncé
monte et)lescend, qu'elle est tantôt 'au soleil tantôt à jusqu'au cou dans.,Jes soucis quotidiens, lorsqu'il se
l'ombre et qu'un jour il arrivera au bout de la route; rencontre un jour avec la mort.
mais personne ne sait à quel moment il y parviendra. ' a) Pourtant que de fois nous rencont1'Ons la mort!
Comme la vie est courte 1 C'est un peu comme une Absorbé dans vos pensées, roulant des projets dans
extraction dentaire bien faite : on s'énerve, on se prépare, votre tête, vous marchez rapidement dans les rues
on arrive et - on a à peine le temps de s'apercevoir populeuses d'une grande ville - et tout à coup vous
que la dent est déjà arrachée. Une grande partie de vous trouvez en présence d'un enterrement. On
notre vie est déjà enlevée, sans que nous nous en soyons enterre quelqu'un qui, il y a quelques jours, passait
rendu compte. « Vraiment ai-je donc déjà tant vécu? » dans cette rue avec les mêmes pensées, les mêmes
_ s'écrie-t-on quelquefois avec étonnement. Les projets que vous en ce momenr.. Quelle désagréable
petits enfants disent coptinuellement : « Quand je rencontre 1
serai grand ... » Les jeunes gens font encore des rêves, Vous vous promenez dans une prairie en fleurs, un
construisent des châteaux en Espagne. Les personnes matin du mois de mai, par un gai soleil. Partout ce
d'âge mûr sont de plus en plus modestes, d'année en n'est que parfum, beauté et joie. Soudain vous faites
année, elles renoncent à un nouvel étage de leur château. un geste de recul : le corps inanimé d'un petit, oiseau
Et un jour on se surprend à dire: « Quand j'étais encore est là devant vous sur le sol. La mort vous accompagne
jeune ... » , donc jusqu'ici.
Comme la vie est courte 1 La Sainte Écriture ne fait A la fin du repas on vous offre une belle pomme
que le répéter avec insistance : ' « Les jours de l'homme bien rouge. Vous l'ouvrez avec un couteau: il y a un
sont comptés. Vous avez fixé le nombre de' ses mois. ver à l'intérieur. Là encore c'est la corruption de la
Vous avez posé un terme qu'il ne doit pas franchir )) mort.
(Job, XIV, 5). , « Tout mon être est comme un néant b) Mais si nous rencontrons partout la mort, çe
devant Vous. Certes, tout homme vivant n'est que n'est jamais de façon aussi émouvante, aussi poignante,
vanité. En-'vérité, l'homme passe comme l'ombre » aussi sensible que le dernier jour de l'année, le soir du
(Psaume XXXVIII, 6-7). « La vie de l'homme passe 31 décembre. Alors on peut voir comment le présent
comme l'herbe et ' il fleurit comme une fleur de la est devenu le passé; on peut pour ainsi dire voir le
LE SYMBOLE DES APÔTRES LES AVERTISSEMENTS DELA MORT (II) 237
fleuve de l'année qui finit se jeter dans l'océan sans année. Le visage de celui qui a regardé un jour profon-
rivage du temp!?-_, . dément la brièveté de la vie terrestre et l'infinité de
Pendant l'année il en est de l'homme absorbé par l'éternité, reçoit une expression toute particulière et
son travail comme de l'étudiant plongé dans un livre qui ne disparaît jamais.
intéressant : il ne voit plus rien en dehors dè son livre. _C'est ce qui se pa~sa pour saint François d'Assise,
C'est ainsi que les combats, les obligations et les lorsqu'il tomba gravement malade à l'âge de 23 aIlS
travaux de la vie nous absorbent et nous retiennent et vit la mort devant ses yeux. Il guérit, mais dès lors
nous aussi, les grandes personnes, au cours d'une le mon,de entier devint pour lui sans couleur; il enten-
année. Nous ne faisons que travailler, nous épuiser, dait encote les chants de ses anciens amis, mais seule-
poursuivre la vie; Mais ce soir - lorsque nous enten- ment d'une oreille; il voyait le monde, mais il le perçait
dons pour ainsi dire le grincement des rouages de comme avec des rayons X: ses yeux illuminés de l'éclat
l'horloge du temps, lorsque pour ainsi dire nous de l'éternité apercevaient derrière toutes les pompes
entendons la fuite des heures, alors ce soir-là nous et toutes les vanités terrestres le squelette de leur
nous posons cette question : Pourquoi, pourquoi donc? caducité. Cette caducité dont parle saint Paul :« Nous
Chaque fleur se flétrira un jour. Chaque enfan(vieillira n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous
un jour. Chaque matin sera suivi d'une nuit. Chaque cherchons cel~e qui est à venir» (Hébreux, XIII, 14).
printemps aura aussi son hiver tin jour. « Mais pour celui qui pense ainsi, la vie terrestre
Et alors surgit en nous une question douloureuse. perd tout but et toute signification?» .
Une question qui vit toujours au fond de notre âme, Pas du tout! Au contraire; grâce à ces pensées hi vie
mais qui, à cette heure précisément, nous inflige une terrestre reçoit un but nouveau et une signification
brûlure particulièrement douloureuse : Est-ce que nous plus haute. C'est vrai, tout passe, mais tout retourne
aussi nous disparaîtrons défi:nJtivement? L'homme n'est-il dans les mains de Dieu. En ce sens la vie est réellement
pas davantage que 1'année qui descend actuellement ' un cercle éternel : elle sort des mains di~ines pour
dans la tombe: un petit remous, un cercle sur l'eau- retourner entre les mains de Dieu.
et puis le silence, la disparition définitive? Et nous voici arrivés au second avertissement de
C) Et après avoir évoqué tout cela, après nous être la mort: notre vie terrestre est courte, mais ellé n'cst
sentis écrasés par cette sensation de la disparition pas seulement courte, elle est aussi très importante,
finale, après nous être sentis annihilés véritablement d'une importance capitale.
sous le poids_.immense de la mort, nous faisons le
r'.
premzerpas vers la vraie grandeur, la vraie vie, les vraies
valeurs - vers la véritablement heureuse nouvelle
L
l,
:,1
LE SYMBOLE DES APÔTRES LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (II) 239
actuels. Il n'y a personne parmi vous pour soutenir
. II que la vie n'est qu'une recherche de la jouissance et
des plaisirs.
Mais peut-être y en a-t-il auxquels s'applique cette
L'TMPOR:rANCE DE LA VIE.
autre constatation: la vie n'est pas seulement le travail.
Elle est aussi un travail, mais pas seulement cela. '
Heureux l'homme qui prend à cœur cet avertissement Elle est la recherche du pain quotidien - mais pas
de notre foi: Prenez garde: A) la vie n'est pas seule- seulement cela. Elle est aussi , un dur combat pour
ment la jouissance, B) la vie n'est pas seulement le trouver des moyens d'existence, - mais pas seulement
travail, C) -mais encore quelque chose de plus, D) elle cela. ,
est aussi le service de Dieu. L'homme d'aujourd'hui travaille beaucoup. Quand
A) La vie n'est pas seulement la jouissance. On a le on suit pas à pas le travail d'un honnête père de famille
cœur serré, lorsqu'on lit dans les journaux tantôt ici au cour/) d'une journée, qu'il s'agisse d'un médecin,
tantôt là des faits incroyables de gaspillage frivole d'un avocat, d'un professeur, d'un commerçant ou
de la vie. Avec quelle légèreté, quelle insouciance, d'un ouvrier - quelle fièvre, quelle hâte 1 Et s'il s'agit
certains peuvent dilapider la vie terrestre 1 d'une mère de . famille, d'une employée de bureau,
Et quand on leur fait des observations, ils se révoltent: d'une ouvrière ou d'une institutrice, quelle tâche
« Laissez-moi tranquille 1 on ne vit qu'une fois 1) - écrasante et énervante! Mais ce n'est toujours pas là
disent-ils d'un air supérieur. l'idéal parfait de la vie chrétienne. Ce n'est toujours
Oh oui 1 S'ils comprenaient à fond ce qu'ils viennent pas là la « bonne et heureuse année Il que nous souhaite
de dire : « on ne vit qu'une fois Il. Si vous ne vivez notre sainte religion.
qu'une fois, alors il est d'autant plus important que C) Si la vie n'est pas seulement le plaisir, n'est pas
vous passiez bien cette vie unique. En effet si vous seulement le travail, qu'est-ce douc alors? Qu'est-ce
aviez deux vies, alors je ne dis pas, vous pourriez en qu'une vie heureuse et harmonieuse? -
risquer une. Mais il n'y a pas deux vies, il n'yen a ' La plupart des gens seraient assurément dans l'em-
qu'une. Il faut donc que vous la passiez bien. La vie bal_~as, si on leur demandait le ' jour du nouvel an ;
n'est pas seulement une jouissance. Ce n'est pas cela - Vous venez de me souhaiter une bonne et heureuse
la « bonne et heureuse année Il que nous souhaite notre année;-" Qu'est-ce que vous entendez par une bonne
sainte religion. _ . et heureuse année?
B) La vie n'est pas seulement un travail. Ce que je - Qu'est-ce qùe j'entends? Eh bien 1 que vous
disais précédemment ne s'appliquait pas li mes auditeurs demeuriez en bonne santé.
LE SYMBOLE DES APôTRES LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (u) 24 1
Eh oui! la santé est un grand bien. Mais ce n'est en nous un désir que n'apaisent pas toutes les jouis-
qu'une partie dt! bonheur. Car si le ?onheur n'étai~ sances du monde. Il y a en nous une nostalgie que
" , que cela, alors tant de gens resplendtssant de sante tous les trésors du monde ne peuvent guérir.
ne se lamenteraient pas de leurs malheurs. Aurai-je donc une bonne et heureuse année, une
- Une bonne et heureuse année? Eh bien 1 Je vous vie heureuse, si j'entends cette voix et suis ses conseils?
souhaite d'avoir beaucoup d'argent; voilà ce qui vous Ma vie sera heureuse, si je sais apaiser ce désir qui
est en moi.
procurera une bonne et heureuse année. '
Mais l'argent ne peut pas donner le bonheur. Sans La vie sera heureuse, si je sais guérir cette nostalgie.
',' Cal' à mesure que passent les années, toute autre voix
doute il faut de l'argent pour vivre, mais l'argent seul
ne suffit pas pour une vie heureuse. Ne voit-on pas se tait peu à peu en nous, tout autre désir s'affaiblit
précisément tomber dans les désordres les plus honteux de plus en plus en nous, toute autre route est de plus
en plus enveloppée d'un brouillard, mais la voix de
ceux qui ont beaucoup d'argent? Ne voit-on pas que
la vie éternelle se fait entendre avec éclat, le désir
. ceux qui s'ôtent l'existence à eux-mêmes ne sont pas
de la vie éternelle s'allume et la route de la vie éternelle
toujours ceux qui vivaient dans la pauvreté? L'argent
s'illumine devant nous.
divise les parents, l'argent amène la brouille dans les
D) Je sens maintenant ce que c'est que la: vie. La vie
familles, l'argent pousse aux passions et aux péchés ...
n'est pas seulement le plaisir, la vie n'est' pas seulement
l'argent ne suffit pas pour être heureux.
l'II le travail, elle est beaucoup plus que tout cela : la vie
- Alors je vous souhaite beaucoup de distractions
c'est le service de Düu. Qui que vous soyez, où que
pour la nouvelle année : cinéma, théâtre, bal et société
vous soyez, quel que soit votre âge, quelle que soit
amusante, une auto, un beau manteau de fourrure, -
votre situation, votre vie doit être au service de Dieu.
cela suffira peut-être?
Comment sera-t-elle au service de Dieu? - deman-
. Cela suffira? Oh pas du tout 1 Il Y-a quelque chose
dez-vous. Sera-ce en faisant ma prière matin et soir?
en l'homme qui élève la voix après le vide des nuits
Oui. Sera-ce en allant à la messe le dimanche . et en
de dissipation. Il y a en nous une voix que l'on peut
, observant les jours d'abstinence? Oui encore. Sera-ce
étouffer pendant des jours et des heures, mais qui
en allant avec joie me confesser et communier? Qui
un jour parlera d'une manière ou d'une autre en nous. aussi.
D'une manière ou d'une autre! Vous revenez d'un
Faut-il encore quelque chose en plus? Oh oui! Il
enterrement .. '... ou bien un grand malheur vient de
faut remplir loyalement votre devoir là où la Providence
vous frapper ... ou bien vous êtes assis seul dans votre
vous a placé. Il faut être sévère envers vous-même,
chambt;e et vous entendez dans le silence le tic-tac
et indulgent pour les autres. Il faut dompter d'une main
de l'horlo~e; et alors vous percevez cette voix. Il y a
....
Symb. d. Ap. - T. VI 16
'i
LE SYMBOLE DES APÔTRES LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (II)
'"
243
ferme les mauvais instincts cachés en chacun de nous
et ne pas trouver trop durs les pavés de ·granit d~
III
sacrifice avec lesquels sont pavées les routes qUI
conduis~~t à Dieu. Il faut que vous regardiez toute
la vie seulement comme un passage, comme un voyage, UTILISEZ LA VIL 1
comme un intermède et que vous cherchiez à la lumière
de l'éternité la réponse à toutes les questions. Et voici que retentit à notre oreille un troisième
Mes frères voilà la clé du bonheur. Que vous soyez avertissement de la mort: La vie est Courte, la vie est
enfants, jeu~es hommes, pères ou ~ères. de famil~e, importante, utilisez donc bien cette vie, utilisyz les
célibataires peu importe; que votre vu SOlt. au servz~e années futures.
de Dieu! Vous pouvez aussi jouir de la vie - ma~s Nos ancêtres aimaient envelopper les vérités reli-
honnêtement. Vous pouvez travailler durant la VIe gieuses abstraites dans des récits expressifs. C'est de
terrestre - et même énormément. Mais par-dessus là que tire son origine cette vieille histoire d'un pauvre
tout cela, par-dessus le plaisir et le travail,. n:oubliez homme qui, le soir du 31 décembre, est assis tout seul
pas que le cierge qui est dans votre ~ain dl1nmue d.e dans sa cabane, et lorsque sonne minuit, un ange
plus en plus, que la route que vous SUIvez se raccourcit apparaît tout à coup et dépose devant lui un sac plein
sous vos. pas, que la vie s'échappe de plus en plus de d'or en disant: « Tout cela est pQur toi. Fais-en bon
vos mains; songez donc à ne pas être obligés de paraître usage et sois heureux! » L'ange disparaît. Notre homme
les mains vides devant le tribunal de Dieu. d'abord reste stupéfait, dort-il ou est-il éveillé, finale-
Votre vie sera heureuse, si - à côté de vos nombreux ment, quand il voit que la chose n'est pas une plaisan-
travaux d'ici-bas - vous accomplissez aussi le travail terie, il se dit : avec cet argent je vais d'abord payer
qui vous ouvrira l'éternité. Votre vie se~a heure~se, mes dettes, et de ce qui me restera je ferai un usage
.'! si vous travaillez à rendre plus belle de Jour en JOur ,raisonnable.
l'image de Dieu qui est en vous. Car, v?yez-vous, Ne pensez-vous pas, mes frères, que ce pauvrè
c'est le devoir de chacun de nous : embelhr en nous homme qui reçoit un sac d'argent le soir du
l'image de Dieu. Peu importe que cette image r~présente 3 1 décembre, c'est justement nous? La vie que la
un enfant ou un jeune homme, un homme mur ou un divine Providence continue à nous accorder a une grande
vieillard, pourvu qu'elle plaise au Dieu éternel. valeur, c'est un immense trésor. Qu'en ferons-nous?
L'important, c'est que Dieu puisse s'y reconnaître. Payons nos dettes et de ce qui nous restera faisons un
usage raisonnable.
A) J'emploierai tout d'abord ce qui m'est encore
LE SYMBOLE DES APôTRES LES AVERTISSEMENT~ DE LA MORT (Il) 24-5
IL.
donné de vie à payer mes dettes; les nombreuses dettes B) Et que ferai-je du reste de ma vie, du trésor que
que j'ai contractées auprès de Dieu dans ma vie passée. Dieu m'a mis entre les mains?
« Souvent on paye par des maladies chroniques dans Je ne me contenterai pas d'avoir soldé les dettes
la seconde moitié de sa vie les fautes commises pendant du passé, mais je ferai bon usage de la vie.
la première moitié » a dit un médecin expérimenté. Jetez un regard sur votre vie passée, simplement
Mais le christianisme complète cette idée en nous disant: sur l'année dernière et je vous pose cette question :
les hommes paient durant la vie qui suit leur mort Pouvez-vous en être satisfaits? Mais faites attention
les fautes qu'ils ont commises durant la vie qui a précédé à ce que vous allez répondre.
leur mort. Il y en a qui répondront précipitamment : Je Slm:
Comme nous devons rendre grâces à Dieu de nous content. C'est cette année que j'ai passé mon bacca-
donner l'occasion de payer nos dettes, de nous convertir, lauréat ... que je me suis marié ... que j'ai eu ma nomi ~
de nous · confesser, de faire pénitence ici bas, pendant . nation ... que j'ai acheté une petite maison ... que j'ai
notre vie terref'.tre! Comme je n'ai pas le droit de dire: arrondi mon compte en banque ...
cr Oh! j'ai encore bien le temps ». Ah! faites attention. Tout cela vous ne l'emporterez
Vous avez le temps? mes frères. Nos pendules nous pas avec vous. Et quand vous paraîtrez devant le divin
trompent : elles marquent les heures chaque jour, Juge, il vous demandera :
mai8 les minutes disparues ne reviendront plus jamais. cc Est-ce là tout ce que tu apportes? »)
Le temps ne s'arrête jamais: « Autant de jours écoulés, - cc C'est tout », répondrez-vous. Et vous ouvrirez
autant de pas qui nous rapprochent du terme; plus vos mains - vides, mortellement vides.
nous sommes avancés en âge, plus diminue ce qui Ah! ce n'est pas ainsi que je veux faire usage du
nous reste à vivre .)) (S. Grégoire). « Ayez donc soin, temps qui m'est encore donné. Je veux en user raison-
mes frères, de vous conduire avec prudence, non en nablement. Pour que le soir venu je puisse dire dans ma
insensés mais comme des hommes sages, en faisant . prière: Mon Dieu, aujourd'hui je ne suis pas seulement
bon usage du temps)) (Éphésiens, v, 15)· devenu plus âgé, je ne me suis pas seulement rapproché
Vous avez le temps? Savez-vous ce que les morts de la mort, mais j'ai fait aussi un pas de plus vers Vous.
souhaiteraient s'ils pouvaient revenir? De l'or? Des Je suis devenu meilleur d'un degré. J'ai extirpé un
autos? Aller au théâtre? Du champagne? Non. Seule- défaut. L'image de Notre-Sèigneur a été embellie d'un .
ment un peu de temps. Pas une année, pas même un nouveau trait dans mon âme. C'est-à-dire je suis devenu
mois.'·'« Si seulement nous ·avions encore une semaine plus mûr et plus digne de la vie éternelle.
pour pouvoir payer nos dettes à Dieu! )) Mes . frères,
payez vo~ dettes au plus tôt par une sincère confession.
LE SYMBOLE DES APÔTlU:S
l '~. LES AVERTISSEMENTS DE LA MORT (II) 247
"
i' i·
"
, , '
,"
LE SYMBOLE DES APÔTRE." LES INDICATIONS DE LA MORT
257
-- le christianisme peut encore chanter le triomphe de l'histoire avec la naissance de Notre-Seigneur Jésus-
la vie éternelle. Christ. Or Beethoven arrivé au faîte de la gloire devi'n t
, Tout homme, dès la première minute de sa naissance, sourd. En ;r822 il voulut diriger lui-même l'exécution
combat avec la ~ort. L'un passe d'un travail à un de son seul opéra « Fidelio »~- Lors d'une répétition '
autre, un autre va de plaisir en plaisir. L'un après , un désaccord se produisit entre l'orchestre et les chan-
une journée de tristesse se réveille pour une nouvelle teurs ... II recommence de nouveau .. . de nouveau
journée de tristesse, un autre après une nuit passée , désaccord ... Comme un éclair il fut saisi alors d'un
à danser se lève pour une journée de distractions, - terrible pressentiment : je suis sourd.
mais peu importe; les uns et les autres marchent à Un coup plus terrible aurait-il pu l'atteindre? Et
la mort. quelle fut sa réponse?
Et pourtant 1 Le Christ est plus grand que la mort S'effondra-t-il? Prit-il du poison? Se tira-t-il une
et c'est pour cela qu'II nous donne la force de supporter balle dans la tête? Non. « Je saisirai la destinée à la
même la vie la plus pénible. Avez-vous perdu toute gorge 'fi - écrit-il.
votre fortune? Avez-vous perdu vos petites rentes? , D'où venait cette énergie surhumaine? De ce que
Tous ceux que vous aimiez sont-ils morts? Votre vie tombait sur lui un rayon de soleil venu de l'autre
est-elle pleine d'amertume? De déceptions? Peu monde, de sa foi en la vie éternelle. '
importe. , c) Mais pourquoi citer des exemples aussi anciens?
Voyez donc: si vous étiez plus riche que n'importe Je vais en donner un tout moderne.
quel millionnaire américain, à quoi cela vous servirait-il ' Voici deux lettres. Ce ne sont pas des exposés
à la minute où il vous faudra quitter cette vie? Et philosophiques ni des cas 'fictifs, mais des lettres
quand votre existence aurait été plus pauvre que celle réellement écrites et ce qui s'y trouve s'est passé
du pauvre Lazare et quand vous auriez plus souffeFt véritablement de nos jours.
'que le saint homme Job, - si vous avez vécu confor- Marguerite et Marie, deux excellentes filles, avaient
mément à la volonté de Dieu, quelle valeur tout cela perdu leur mère. Ensuite la vie avait séparé l'une de
aura dans l'autre monde 1 l'autre les deux sœurs. Or voici les deux lettres qu'elles
b) Cette foi en l'autre vie a toujours été une source s'écrivirent l'une à l'autre: je le répète, ce sont des
merveilleuse'-de forces et le demeure encore dans les lettres réellement écrites, ce n'est pas moi qui les ai
,moments d'épreuves. Le 26 mars 1827 mourait un des composées.
plus grands musiciens du monde, dont la Ille Sym-
phonie a ouvert une ère nouvelle dans la musique,
tout comme une ère nouvelle s'est ouverte dans
"l'; ,
'i,
"
, , '
' l',
~, LE SYMBOl.E Dl;.8 APÔTRES LES INDICATIONS DE LA MORT 259
~I ,1
Je suis «morte» depuis longtemps, en ce sens que déverse sur les âmes qui 's ouffrent? Dois-je répéter
j'ai humblement abandonné mes anciennes appré- qu'il n'aura pas peur du monde à venir, celui qui a
ciations, mes ambitions, mes imaginations, . mes désirs sur son_tombeau la croix du Christ?
~~.
et mes exigences, au pied de Celui qui m'a- appelée Le grand apôtre des nations, saint Paul, dans son
à la vie et qui peut à tout insrant redemander ma vie. épître aux Roma,ins, parle 57 fois de la terrible réalité
l, : Et je suis ressuscitée pour remplir mes devoirs et je de la mort et cependant il peut prononcer ces magni-
Le supplie de savoir bien élever mes enfants,'" de ne fiques paroles qui expriment l'égalité d'âme et le calme:
i 1 .'
faire de mal à personne, de reconnaître ce qu{! chaque « Nul de nous ne vit pour soi-même, et nul ne meurt
'1 situation exige de moi et de pouvoir y faire , face. Il pour soi-même. Si nous vivons, c'est pour le Seigneur;
'. val.l t mieux que mes enfant~ soient élevés dans la si nou's mourons, c'est pour le Seigneur. Soit que,nous
'l" ~,
pauvreté et l'amour du travail que dans l'aisance et vivions, soit que nous mourions, nous appartenons
le plaisir. J'accepte avec une paix intérieure ce qui au Seigl'leur » (Romains, XIV, 7-8).
arrivera et je suis reconnaissante pour chaque petite Et main1'~nailt je comprends pourquoi partout dans
éclaircie. Et en fin de compte je· suis beaucoup plus le monde, près de la couche funèbre des chrétiens,
heureusé que lorsque je pouvais imposer «ma volonté » brûlent des cierges. C'est pour que leur douce lumière
ou lorsque je voulais prescrire au bon Dieu comment perce les ténèbres de la mort et les conduise, comme
Il devait régler ma destinée, m'aider «immédiatement» une étoile, sur les routes de l'éternité. Amen.
et de quelle manière. Pour 'me faire oublier ma bron-
chite, Il m'a envoyé une maladie d'estomac. Comment
pourrais-je me plaindre? Il m'a envoyé la pauvreté,
il a fallu que je gagne de l'argent. Le travail continuel
à la maison guenra peut-être mes maùx d'estomac, .
ou bien il servira pour l'avenir de mes enfants. Mais
il est sûr que Dieu tirera de tout cela ce qui est bon
pour nous ».
. !l" .
de « l'ange de la mort ». Je voudrais que le sermon saire de dire ce que signifie cette exclamation de la
d'aujourd'hui fût une réponse aux nombreuses lettres Sainte Écriture : « 0 mort, ta sentence est agréable
qui m'ont été adressées. Depuis que j'ai commencé à l'indigent et à celui dont les force~ sont épuisées,
cette "érie de sermons sur la vie éternelle;-' je reçois au vieillard accablé, d'années et de mille soucis »
un nombre toujours croissant de lettres relatives à de (Ecclésiastique, XLI, 3-4). Et un saint Ambroise n'hési-
pénibles et douloureux problèmes. Ceux qui les écrivent tait pas à dire : « La vie est pleine de tant de maux
me demandent de répondre, ne fût-ce qu'en quelques que la mort semble plutôt un remède qu'un châtiment».
mots, à leurs questions et en m'entendant à 1a r!ldio, , Que de souffrances accompagnent l'homme durant
, .. ils sentiraient dans le sermon ce qui convient à leur cas. sa vie sur la terre! Que de douleurs et que de larmes!
Eh bien! le sermon d'aujourd'hui sera une réponse Mais dans la vie éternelle tout cela est fini. « Ils n'auront
aux questions de tant d'auditeurs aux prises àvec la plus faim, ils , n'auront plus soif; l'ardeur du soleil ne
'" souffrance. Car certainement les angoisses, la tristesse ' les accablera plus ni aucune chaleur brûlante, car
f ••• ;
et la douleur de beaucoup seront adoucies, si nous l'Agneau qui est au milieu du trône sera leur pasteur
considérons l'autre visage de la mort, les traits conso- et les conduira aux sources de la vie et Dieu essuiera
lants de l'ange de la mort. toute larme de' leurs yeux» (Apocalypse, vu" 16- 1 7).
Qui peut donc transformer la mort, la mort cruelle Est-il étonnant que certains malades saluent avec
et terrifiante en ange de consolation et de réconfort? tant de joie la mort, lorsqu'elle s'approche de leur lit
'1 ,.
Qui peut le faire? Ces deux pensées : 1: La mort est la et qu'ils perçoivent le message du Seigneur: Voici
fin de la vie présente et II, la mort est Le commencement le moment venu pour eux (( de se reposer de leurs
de la vie éternelle. travaux» (Apocalypse, XIV, 13). En vérité, la mort est
Je grand apaisement après la souffrance.
B) Mais de plus la mort est aussi la grande justicière.
.~ , 1
Dans la vie de cette terre il y a tant d'injustices, le
péché triomphe si souvent et l'honnêteté,--est si souvent
J.A MORT EST LA FIN DE LA VIE PRESENTE. vaincue. Que de fois_ on en éprouve une grande amer-
tume! Mais lorsque l les nombreuses injusttces de la
La première consolation de l'ange de la mort, c'est terre nous font tant de peine, allons dans un cimetière, .
qu'il met fin à la vie présente et à toutes les souffrances au milieu des morts silencieux et aussitôt notre cœur '
et injustices qui vont de pair avec . cette vie . . révolté s'apaisera. Oui, la mort est une grande justicière.
A) La mort met fin à toutes les souffrances terrestres. Devant elle, rang et situation ne comptent pas, on
Est-il nécessaire d'en parler davantage? Est-il néces- ne peut la corrompre ni avec des richesses ni avec des
266 ' LE SYMBOLE DES APÔTRES LES CONSOLATIONS DE LA MORT
'1 t":
. !III .
sourires; devant ' elle ni protection ni courbettes nI de l'église des Capucins à Vienne lors de l'enterrement
beauté n'entrent en ligne de compte. du puissant souverain, l'empereur François-Joseph l,
Peut-être connaissez··vous la ballade allemande des en 1916.
cloches de Spire. Un pauvre était mort - dit la ballade Le grand maréchal de la cour frappe à la porte de la
- etevoilà que retentit' dans le clocher la grosse cloche crypte.
,: ' impériale qui ne sonnait qu'à la mort d'un empereur. - « Qui demande à entrer? » interroge des profon-
Et le peuple répétait partout : « L'empereur est mort, deurs de la crypte un Père Capucin.
l'empereur est mort )J. Peu après l'empereur Henri V .- « François-Joseph l, empereur et roi », - répond
mourut véritablement, mais ce jour-là on n'entendit le grand maréchal.
que la petite cloche des trépassés et les gens se deman- - « Je ne connais pas ».
daient réciproquement : « Quel est donc le pauvre Le grand maréchal frappe à nouveau.
pécheur qui est appelé aujourd'hui devant le divin - « Qui demande à entrer? »
Juge? » - « François-Joseph de Habsbourg. »
Ne sentez-vous pas, mes frères, le délicat symbolisme - « Je ne connais pas » - répond-on de nouveau.
de cette ballade: comme la mort est la grande justicière 1 On frappe une troisième fois.
Elle fait disparaître toutes les différences terrestres, - « Qui demande à entrer?»
mais elle fait apparaître les véritables' différences - « Un pauvre mort. »
sociales, les valeurs spirituelles. Alors la porte de la crypte s'ouvre et laisse entrer
C) Et par là la mort aplanit les grandes inégalités le cercueil.
sociales de la vie présente. « Rendez compte de votre Oh oui 1 ici il ne s'agit plus de ce que vous avez été
administration » (S. Luc, XVI, 6). Vous voilà devant un ni du rang que vous avez occupé. A la mort disparaissent
Juge que vous ne pouve~ pas corrompre. Que vous toutes les différences terrestres et apparaissent en même
soyez du peuple ou de la noblesse, riches ou pauvres, temps toutes les véritables ,différences.
issus de vieille souche ou d'une famille inconnue, Quels traits consolants, n'est-ce pas, sur le visage
empereur ou mendiant - tout cela ne compte plus de l'ange de la mort 1
maintenant. « Nous n'avons rien apporté dans le monde D) Mais il y en a encore un autre : la mort solde nos
et sans aucun doute, nous n'en pouvons rien emporter» dettes devant Dieu. La mort, comme la souffrance,
(le Timothée, VI, 7). peut être pour l'homme pécheur l'occasion de payer ses
Certaine~ent il y a encore parmi mes chers auditeurs dettes envers Dieu, de réparer, de faire pénitence.
un certain nombre pour se rappeler l'émouvante et Ah 1 qui pourrait affirmer, ..qu'il n'a rien à réparer
symbolique cérémonie qui se déroula dans la crypte devant Dieu? Quand nous songeons à notre vie passée
LES CONSOLATI?NS DE LA MORT
268 LE SYMBOLE DES APôTRES
et à ses nombreux péchés, comment nos yeux ne se notre vie, mais elle est le commencement de la véritable '()ie.
a) Dans tous les édifices la toiture joue un rôle tn}s
rempliraient-ils pas de larmes de douleur et de craInte?
Et même si 1nolis avons confessé nos péchés, en avons- important, dans tout travail c'est la jin qui -couronne
l'œuvre. Les derniers mots du « Credo » sont aussi
nous fait _suffisamment pénitence?
Comme elle est belle, précieuse et méritoire la prière d'une importance fondamentale. Otez à notre foi ces
par laquelle les pieux chrétiens offrent à Dieu, étant der.nières pierres et tout s'écroulera. S'il n'y a pas de
« :,e éternelle », à quoi bon tout le reste; pourquoi un
encore en bonne santé, leur mort en sacrifice, avec
entière soumission à sa sainte volonté :« Seigneur, Dieu, le Christ, l'Église? A quoi bon cette vie terrestre
s'il n'y a pas. de vie éternelle? Quelle tragédie, queÎ
par amour pour ·Vous et en expiation de mes péchés,
combat sans but? .
j'accepte le genre de mort qu'il Vous plaira et à l'heure
Par contre si je suis chrétien, « je crois en la vie
où Vous jugerez bon de .me l'envoyer ».
C'est ainsi que se réalisent en nous ces paroles de éternelle». Je crois que je n'ai en mains qu'un petit
saint Paul: « Pour moi ... la mort est un gain » (Philip- morceau de ma vie sur la terre; sa partie la plus grande,
piens, I, 21). Comment n'en serait-il pas ainsi, puisque la plus longue, celle qui n'a pas de fin, est entre les
la mort met un terme aux souffrances de cette terre, . . de Dieu. Et ce qui paraît ici-bas sombre ' incertain,
mains
en supprime les inégalités et solde nos dettes envers Injuste et cruel, s'expliquera et s'éclairera dans l'autre
monde. Avec quelle psychologie procède le christia-
Dieu.
nisme, en appelant « dies natalis », « jour de nai~sance »
le jour de la mort des saints. Oui, la mort n'est pas la
II
destruction et l'homme ne demeurera pas éternel-
lement prisonnier de la tombe.
LA MORT EST LE COMMENCEMENT DE LA VIE ÉTERNELLE.
Il se passera pour toutes les tombes ce qui est arrivé
pour l'une d'elles à H~pnovre. Il y a là un vieux cime-
Mais il Y a encore sur le visage de la tnort un autre
tière où se trouve la tombe d'une femme distinguée
trait encore plus consolant et plus encourageant. Car
morte en 1782. Sur .la pierre tombale on peut lire
en même temps que la mort nous ôte notré croix, elle
èette curieuse et fière insçription : « Cette tombe achetée
la plante pour la consolation des fidèles , sur notre
à perpétuité ne devra jamais être ou~erte ».
tombe et cette ·croix proclame que A) avec la mort
« N'perpétuité - jamais ». Quels bien grands mots 1
commence la vie éternelle et par suite que B) la mort
, Et cependant la tombe a été ouverte. Mais ce n'est
est le retour auprès du Père céleste. C'est ce qui fait
ni un tremblement de terre ni des mains humaines
réellement de la mort un ange consolateur.
qui l'ont ouverte'. 'Au pied du monument, un petit
A) Non seulement la mort n'est pas le terme de
LE SYMBOLE DES APôTRES
LES CONSOLATIONS DE LA MORT 27 1
bouleau sortit de terre. Varbuste ,devint un arbre et appelons la mort, n'est pas autre chose qu'un passage
avec le temps éèarta tout ce qui faisait obstacle à sa d'une vie à une autre. Un passage dans une autre vié
pousse. Les barres de fer- cédèrent, les pierres furent où le Père céleste attend ses enfants rentrant au foyer.
descellées et l'arbre se dresse à présent au milieu de Peut-il y avoir des hommes pour refuser de le croire?
la tombe. Il ne s'est pas beaucoup soucié du « à perpé- Car que de fois Notre-Seigneur a parlé ouvertement
tuité - jamais » ••• Mais c'est ainsi aussi que Notre- ou en paraboles de l'autre monde 1 Là ceux qui sont
Seigneur Jésus-Christ a ouvert, dans le jardin de Joseph dans la tristesse seront consolés, là les cœurs purs
d'Arimathie, le tombeau dans lequel on aurait voulu verront Dieu (S. Matthieu, chap. V). C'est là que sera
l'enfermer pour l'éternité; et depuis, la croix du Ressus- célébré le banquet nuptial où l'on doit paraître en
cité annonce sur nos tombes que le dernier mot n'est habit de fête (S. Jean, VI, 37). C'est là que l'on .fera
pas à la mort, mais à la vie ... le tri des bons et des mauvais poissons et que ceux-ci
b) Depuis la venue de Notre-Seigneur Jésus-Christ seront jetés hors du filet (S. Matthieu, XIII, 49). C'est
en ce monde nous savons donc que la mort est la grande là que le froment sera ' purifié de l'ivraie (S. Matthieu,
semeuse et que les cimetières sont les champs de Dieu, XIII, 30). C'est là que se trouve la maison dont le
« Gottesacker », comme on les appelle en allemand. Sauveur a dit : « Il y a beaucoup de demeures dans la
C'est une expression biblique. Vous connaissez les maisqn de mon Père » (S. Jean, XIV, 2). La mort n'est
paroles de Notre-Seigneur : « Si le grain de blé tombé donc pas la fin de la viè, mais le commencement d'une
en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s'il meurt, vie plus haute, la seule véritable.
il porte beaucoup de fruit » (S. Jean, XII, 24-25). c) Comment sera notre mort? assurément personne
Selon le divin Maître, il faut que nous mourions pour ne peut le dire. Mais j'imagine que la chambre où je
pouvoir vivre. Voilà pourquoi saint Paul aussi déclare serai couché sur mon lit de mort s'obscurcira tout
que dans le baptême on est déjà baptisé pour la mort : d'un coup ... c'est en vain que brûlera la lampe élec-
« Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été,
trique, je ne la verrai plus ... à côté de moi brûle le cierge
baptisés en Jésus-Christ, c'est en sa mort que nous des mourants, mais je ne le vois plus ... je vais à tâtons
avons été baptisés? » (Romains, VI, 3). dans un couloir obscur ... mais cela ne dure pas long-
Que voit-on bien souvent sur les tombes? Que temps et au bout dli couloir s'ouvre une porte et je me
de représentations païennes ou incroyantes 1 Des trouve dans un flot aveuglant de lumière, je suis dans
colonnes brisées, des veuves courbées sous le poids l'autre monde. A peine le médecin a-t-il dit « il est
du désespoir, des blocs de granit •.• tout cela est insensé. mort » que mon âme se trouve dans l'éclat de la lumière
C'est une croix qu'il faut avec cette inscription: « Je éternelle. Avez-vous déjà vu les yeux grands ouverts
croIs en la vie éternelle ». Je crois que ce que nous d'un petit enfant que sa mère, le soir de Noël; co.nduit
27 2 LE SYMBOLE DES APÔTRES LES CONSOLATIONS DE LA MORT 273
pour la première fois dans la chambre où le sapin rutile si. Seulement l'espérance, le désir de Dieu étaient
de lumières\ après le passage du Petit Jésus ?Eh bien! plus forts en eux.
ce sera la même attitude que- nous aurons, lorsque, Ne regrettaient-ils donc pas de quitter cette terre?
revenant de notre lointain pèlerinage dans la « vallée Mais si. Seulement ils désiraient encore plus posséder
des larmes », nous entrerons dans la maison où le le ciel.
Petit Jésus ne fait pas que passer, mais où Il est chez lui. N'avaient-ils pas peur de mourir? Mais si. Seulement
En vérité, il n'a pas une idée juste de la mort, celui ils désiraient beaucoup plus la 'vie éternelle.
qui croit 'q ue la mort disperse, infiniment loin les Ulis N'apercevaient-ils pas l'ange de hl mort? Mais si.
-des autres, les membres d'une même famille.' Au con- Seulement iIs apercevaient aussi sur son visage la
tx:aire " la mort supprime toute distance entre e~x, parc~ consolation et la beauté.
qu'elle affranchit l'âme des liens de la matIère qUi Et cette idée d'une « heureuse mortll est notre plus
la contraignait à demeurer en un lieu. La mort ne grande consolation à l'heure de notre mort. En effet
brise pas les familles, nos parents défunts nous sont est-ce que l'entrepreneur est chagriné de voir achevée
toujours étroitement unis, seulement ils vivent dans la maison? Est-ce que le peintre est chagriné d'avoir
une autre maison. Et ils nous y attendent. terminé son tableau? Le soldat, après un combat
Voyez _comme les traits terribles du visage de la . victorieux? Le voyageur, quand il est arrivé au but?
mort s'adoucissent, s'apaisent, . encouragent et con- Le marin, quand il est parvenu au port? Est-ce qu'un
soient! Oh oui 1 la mort est un grand mystère. « Mys- enfant est triste, quand il rentre chez son père?
teriuql iniquitatis », le mystère du péché, car c'est B) C'est cette pensée qui fait apparaître sur le visage
par le péché que la mort est entrée dans le monde. , de la mort lé trait le plus consolant: la mort est le retour
Mais elle est aussi un « mysterium caritatis », un auprès de notre Père du ciel. « Je quitte le monde et je
« mystère d'amour », car une autre mort est venue ôter vais chez moI). Père II (S. Jean, XVI, 28).
à la nôtre ses traits de désespoir, c'est la mort rédemp ~ a) « Un chrétien est un homme de désir II a dit l'écrivain
trice de Notre-Seigneur Jésus-Christ. , français Vinet. De fait une sainte nostalgie nous pousse
d) Mais celui qui sait tout cela et y réfléchit comprend tous vers l'éternelle patrie, tout comme le ruisseau
aussi le mystère\:. d'zlne « heureuse mort ll. est attiré vers l'immense océan, le voyageur vers sa
Une heureuse mort? Est-ce possible? Est-il vrai, patrie, raiguille aimantée vers le pôle. Au dedans
ce que nous lisons quelquefois, que des hommes sont de nous-mêmes, no.u s sommes sans cesse tourmentés
morts « le sourire sur les lèvres ll, « avec une parfaite par cettè ' éternelle nostalgie. Jamais nous ne sommes
résignation à la volonté de Dieu »? satisfaits du présent, mais nous attendons ce qu'appor-
La maladie ne les aurait-elle pas fait souffrir? Mais tera demain. Jamais l'année écoulée n'a été Ibonne,
Rymh . n. Ap _ - '1' VT lA
-
274 LE SYMBOLE DES APÔTRES LES CONSOLATIO NS DE LA MORT 275
mais nous souhaitons une bonne et heureuse nouvelle b) Mais c'est précisément pour cela que la mort est
année. C'est qu'en effet tous nous sentons que « nous le grand four de la -récompense. Le couronnement de
n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous toutes nos mortifications) de toutes nos luttes, de tous
cherchons celle qui est à venir» (Hébreux, XIII, 14)' nos renoncements.
C'est ce désir qui faisait dire à saint Paul: « Je désire Lorsque saint Hilarion arriva au terme de sa Îongue
mourir et . être avec le Christ » (Philippiens, l, 23)· vie d'austérité et ' de pénitence et qu'il ress.e ntit forte-
C'est la mort qui fait tomber le mur de la matière qui ment la crainte de la mort, il rassura son âme en disant:
nous çache le visage de Dieu. « Allons) sors, pourquoi as-tu peur? Va-t-en, mon âme,
La mort apaise ce désir mystérieux qui fait de pourquoi hésites-tu ? Voici presque 70 ans que tu
l'homme sur la terre un voyageur inquiet. « Tant que sers le Christ et tu aurais peur de la mort? » Quelle
nous habitons dans ce corps, nous sommes loin du grande consolation pour celui qui peut répéter l~s
Seigneur» (Ile Corinthiens, v, 6), - gémit saint Paul. mêmes paroles!
Ici-bas nous habitons dans une chambre d'hôtel; qui « Ma sœur la mort! » s'écriait saint Fra1?fois d'Assise '
voudrait s'installer définitivement à l'hôtel? dans son « Hynme au soleil », ce cantique qu'il écrivit
Le but final de tous nos désirs, c'est Dieu seul; notre peu avant <;le mourir. En vérité, la mort du juste est
seule patrie, c'est le royaume de Dieu. Ce royaume aussi paisible, tranquille, lumineuse qu'un beau coucher
où se trouve réalisée la parole de l'Écriture : « Voici de soleil. Au-dessus d'elle plane cette parole de la
le tabernacle de Dieu avec les hommes : -il habitera Sainte, Écriture que l'Eglise utilise en cette circon- '
avec eux, et ils seront son peuple; et lui-même sera stance : « La mort des saints est précieuse aux yeux de
le Dieu avec eux, il sera leur Dieu» (Apocalypse, XXI, 3)' Dieu» (Psaume, exv, 15).
Et maintenant nous saisissons pourquoi notre cœur c) Toutefois il est vrai que la pensée de 'la mort n'est
se /remplit d'une joie indicible, lorsque Notre-Seigneur pas seulement une consolation, mais encore un grand
Jésus-Christ appelle la mort: le retour chez son Père. ' a7Jertissement pour nous.
A):J.! qui ne se réjouirait, après un long séjour à On demandait un jour à Epaminondos : « Dis-moi,
l'étranger, de pouvoir enfin rentrer à la maison pater- Epaminondas! qui estimes-tu le plus : Chabrias,
neJle! Et pour l'homme ' exténué de pouvoir déposer Iphicrate ou toi-même? » Il se contenta de répondre
ses'-outils, sa plume, de jetér à bas de ses épaules le modestement : « Attendez de voir comment nous
lourd sac qui l'écrase et de pouvoir se reposer en un mourrons; c'est seulement après qu'on pourra juger )).
lieu où « Dieu essuiera toute larme de leurs yeux, et ~'est bien cela, mes frères: comment nous mourrons.
la mort n'existera plus et il n'y aura plus ni deuil 111 Mais voulez-vous savoir comment on meurt? Il est
cri ni douletir » (,Apocalypse, XXI, 4). facile de répondre : on meurt comme on a vécu. En'
LE SYMBOLE DES APÔTRLS LES CONSOLATIONS DE LA MORT
effet elles demeurent vraies ces paroles de Dante devoir à tous, quellcs que soient la situation et les
(Enfer, XIV, 51): ({ Tel j'ai vécu, tel je serai à ma mort )). conditions d'existence dans lesquelles nous passons
Celui qui a pensé à son âme, quand il était en bonne notre vie sur la terre. Que votre champ d'activité soit
santé, à là'vie éternelle, à Dieu, sera aussi près de Dieu, une cuisine ou une fabrique, un atelier ou un bureau, ,
quand le grand moment approchera. Il pourra regarder une administration ou un hôpital, peu importe ...
la mort en face, comme l'a fait saint François d'Assise. ce devoir nous attend tous : construire dans notre âme.
d) Et c'est en cela que consiste la dernière consolation C'est ainsi que la vie de notre âme se rencontre dans
de la mort : maintenant arrive l'inauguration solennelle la mort; mais celui qui trouve la vie dans la mort cesse
de l'édifice. La vie terrestre n'est que l'échafaudage de la crain'dre.
d'un édifice en construction . Mais quand le travail de {( Toute chair est comme l'herbe - a dit le prophète
l'âme est terminé, on enlève l'échafaudage et l'édifice Isaïe. L'herbe se dessèche, la fleur se flétrit » (Isaïe,
apparaît: maintenant a lieu l'inauguration. XL, 7). Si les choses en restaient là, ce serait accablant.
Est-ce que tout disparaît, est· ce que tout est engloùti Mais il y a une suite sublime à cette vérité : l'herbe
par j'océan du temps? Oh non! Il Y a quelque chose fanée verdira de nouveau. Cette vérité n'est terrifiante
qui .lutte victorieusement avec la destruction. Et quoi que pour ceux qui se sont écartés de Dieu, du ten'ain
donc? Chaque pierre, si petite sQit-elle, qui a servi à vivifiant de l'âme. ({ Si vous vivez selon la chair, vous
l'édifice de notre âme. Chacune de nos pensées, mourrez; mais si par ,l'Esprit vous faites mourir les
chacune de nos paroles, chacune de nos actions qui œuvres du corps, vous vivrez » (Romains, VIII, 13).
sont en rapport avec Dieu. Chacune de nos peines ({ Ce qu'on aura semé, on le moissonnera. Celui qui
et de nos souffrances, chaque acte de charité désin·· sème dans sa chair ffiqissonnera de la chair; celui qui
téressé, chaque acte de patience et de fidélité, chacune sème dans l'esprit moissonnera de l'esprit, la vie
de nos victoires morales - tout cela demeure éternel- éternelle » (Galates, VI, 8).
lement. Il est vrai que chaque instant de faiblesse et C'est vrai : les ' méchants ({ se dessècheront aussi
chacune de nos chutes, chacune de nos infidélités et rapidement que l'herbe et tomberont bientôt comme
de nos faiblesses, chacune de nos lâchetés et chacun les tiges des plantes)) (Psaume, XXXVI, 2), mais il est
de nos mensonges, chacune de nos heures de ténèbres vrai également que {{ le juste fleurira comme le palmier,
demeurent également. il se multipliera comme le cèdre du Liban » (Psaume
Voilà donc la sublime et sainte tâche vitale de XCI, 13).
l'humanité: construire en nous-mêmes, affiner, embellir Écoutons donc l'ultime avertissement de la mort :
notre âme, tant que l'ange de la mort n'est pas encore Lorsque vous êtes venu au monde, vous avez pleuré
venu nous chercher. Ce travail de construction est notre amèrement, mais autour de vous tous se réjouissaient;
LE SYMBOLE. DES APÔTRES LF,S CONSOLATIONS DE LA MORT 279
vivez de manière que, lorsque vous quitterez ce monde, le Christ. Ce qui est affreux, ce n'est pas d'être enseve'i,
quand tous pleureront autour de vous, vous puissiez mais d'être enseveli sans l'espérance d'une résurr~ction.
vous, vous réjouir ... vous réjouir du bonheur éternel Seigneur Jésus, aidez-nous, nous vos fidèles, pour
qui s'uuvre devant vous à ce moment. que nos souffrances, si nous souffrons durant cette vie,
puissent être"adoucies par la foi en la vie éternelle.
'*' "" ""
Seigneur Jésus, aidez-nous, nous vos fidèles, pour
que la consolation du retour dans la maison paternelle
Mes frères , deux lignes à crémaillère montent au nous réconforte à notre mort.
Rigi, la fameuse montagne suisse. L'une part de Seigneur Jésus, aidez-nous, nous vos fidèles, pour
Vitznau, sur la rive du lac des Quatre-Cantons, l'autre que, avant de mourir, nous puissions recevoir encore
part du côté opposé de la rAontagne, de . Goldau. une fois la Sainte Communion et que nous ' soyons
A la station de la ligne de Goldau une plaque avec ensevelis avec vous dans la tombe, et qu'ainsi rayonne
une · inscription douloureuse à lire rappelle qu'au au-dessus de nous l'espérance dont saint Paul au bord
dessous de la station sont ensevelies 500 personnes de la tombe s'encourageait lui-même et nous encou-
avec IlO maisons et l'église. rageait tous :
Le 2 septembre 1806 le Rossberg qui se dressait « J'ai combattu le b,on combat, j'ai achevé ma course,
près de Goldau descendit et les masses de rochers j'ai gardé la foi; il ne ,me reste ,plus qu'à recevoir la
ainsi détachées ensevelirent au pied de la montagne coumnne de justice que me donnera en ce four-là le
500 habitants. Près du chemin de fer à crémaillère, Seigneur, le juste Juge / (lle Timothée, IV, 7-8). Amen
on voit encore avec effroi les restes des blocs de rochers
et le cœur du voyageur ~e serre, en pensant que sous
le sol se trouve un village entier enseveli avec tous
ses habitants et ses maisons.
Mais l'église du village est là aussi ensevelie et le
jour de, la catastrophe Notre-Seigneur Jésus-Christ
présent dans cette église au tabernacle est descendu
lui aussi dans la tombe souterrain~.
Quelle consolante pensée: le Christ aussi est descendu
dans la ,tombe au milieu de ses fidèles morts soudaine-
ment! Quelle consolante .pensée! ' Car ce qu'il y a
d'affreux, ce n'est pas de souffrir, c'est de souffrir sans
LA DÉFAITE DE LA MORT 28I
la mort. Nous mangeons et nous buvons, nous nous c'est le Maître de la vie. Et ils sont plus forts que la
reposons et nous distrayons, nous nous soignons et ' mort aussi tqus ceux qui Savent se cramponner au
nous faisons soigner, - tout cela n'est qu'un minime Christ vainqueur de la mort.
avantage, un petit répit arraché à la mort. Un vieux médecin disait un jour: (f. Au cours de
Et quand finalement meurt quelqu'un de nos proches mes cinquante années de pratique médicale, j'ai vu
nous disons en sanglotant amèrement : C'est donc mourir des milliers de personnes. Il y en avait qui
cela la vie? Comme tout passe! Comme tout disparaît 1 attendaient la mort avec une résignation bestiale,
Assurément, mes frères, tout disparaît. « Nous d'autres avec une rage impuissante, avec des sursauts
sommes voués à la mort, nous et tout ce qui nous désespérés. Une seule catégorie de mourants regardait
appartient » - « debemus morti nos nostraque » la mort en face tranquillemelü, paisiblement, les catho-
disait le poète I~tin Horace. ' liques pratiquants ».
Quel effroi pour celui qui sent ses forces s'en aller, Est-ce vrai? Est-ce ' possible? Est-il possible que
qui sent que la mort arrive et qui ne sait rien lui dire! l'homme meure et en même temps triomphe de la mort?
Malheur à celui qui est sans patrie lorsque la nuit du Comment l'expliquer? Qu'est-ce qui nous donne la
tombeau l'enveloppe au crépuscule de la ' vie! Celui force, à nous, pauvres mortels de pouvoir vaincre
qui ne croit à rien. . . l'cffroyable tyrannie de la mort?
Seul celui-là, seul l'incroyant est vaincu par la mort.
B) En effet, quoi que nous fassions pour prolonger
notre vie, la mort, in apparence, remporte cependant II
la victoire. Il ~xiste une esquisse de Dürer qui, en
CELUI QUI TRIOMPHE DE LA MORT.
quelques traits remarquables, nous montre ,de façon
saisissante la mort: elle est assise sur un cheval squelet-
tique, une couronne fantômatique brille sur sa tête, . A) La réponse ne saurait être douteuse: Celui qui
elle a en main une faux avec laquelle elle jette à terre croit en la vie éternelle est vainqueur de la mort.
tout ce qui existe dans le monde. L'image porte comme a) Presque tout le monde connaît les pre~iers mot's
inscription : « Sa Majesté la mort ». de la Sainte Écriture : « Au commencement Dieu créa
Cette image a raison et a tort. Elle a raison, en ce le ciel et la terre » (G~nèse, I, 1). Voilà les premiers
sens qu'il n'existe sur ,la terre aucun être vivant qui mots du premier livre de l'Ancien Testament. Paroles
puisse échapper à la puissance de la mort. Mais elle graves et sublimes.
a tort en ce sens qu'il y a Quelqu'un qui a été plus Mais si maintenant je demandais quels sont les
fort que la mort: c'est le Christ victorieux de la mort, de1'lliers mots du dernier livre du Nouveau Testament,
LE SYMBOLE DES APÔTR ES LA DÉFAITE DE LA MORT
je crois que beaucoup seraient incapa?les de ~é~ondre. avant sa mort, pour la remercier de « la guérison"de la
Pourtant ce sont aussi des paroles sublnnes et ViVifiantes. maladie de la vie)), c'est-à-dire la mort, combien plus
« Venez, Seigneur Jésus » (Apocalypse, XXII, 20) - devons-nous regarder avec confiance la porte largement
'dit l'apôtre saint Jean à la dernière lig~e de l' ~po ouverte de l'éternelle patrie!
calypse, livre qui clôt le recueil des LiVres, Sal?ts. c) Je' regarde les tombes de nos cimetières et mes
« Venez, Seigneur Jésus )). Serait-il possible ~e t~rmmer yeux se fixent sur un grand symbole : la croix quz se
sur une plus belle expression la Sainte Ecnture et dresse au~ dessus de ces tombes. Sur nos tombes la croix
aussi la vie d'un homme? nous montre le ciel et cette croix qui regarde vers
b) En effet, qu'est-ce que la vie? Une crainte contjn~lCl1e l'autre monde exprime la consolante vérité: la tombe
de la mort. Cette crainte pèse sur toute notre ViC et n'est pas la dernière station, la tombe n'est pas la
brise Ses forces. forme définitive, la corruption ,n'a pas le dernier mot,
Pourtant comme la vie humaine aurait plus d'élan la tombe n'est pas capable d'anéantir la vie, la vie ne
si elle ne craignait pas la' mort. fait que se transformer avec la mort, mais elle n'est
En effet celui qui s'est habitué à envisager la vie pas perdue. « Obdormivit in Domino )), - dit l'Église
terrestre sous l'angle d~ la vie éternelle écoutera en parlant des défunts, « il s'est endormi dans le
paisiblement à son heure dernière la consolante prière Seigneur )).
de notre sainte religion que le prêtre récite près des S'endormir dans le Seigneur! Qu'est-ce que cela
agonisants : « Proficiscere anima christ!ana )), « pa~te~, \ veut dire pour celui qui toute sa vie s'est efforcé de
âme chrétienne ». Allons, partez. La Vie terrestre etatt servir Dieu? La fin de la course, le couronnement
un voyage, maintenant voici le retour dans la patrie. du combat, j'issue d'une bataille, la victoire sur la
La vie terrestre était un combat, maintenant . c'est mort. Pour celui qui a vaincu la mort le glas des
la victoire. La vie terrestre était une épreuve, main- funérailles annonce la fête pascale de la vie éternelle.
tenant voici la récompense. La vie terrestre était une. Le glas funèbre sonne le lever du Soleil qui ne se
traversée, maintenant voici le port. La vie te~restre couchera plus jamais.
) était la nuit, maintenant se lève le soleil, la 'clarté B) Mais celui qui pense ainsi portera autrement le
. éternelle ... Proficiscere .. . pars, âme chrétienne ... La deuil de 'ses chers défunts .
mort d\::..-.. l'incroyant est un saut dans les tene
"b res :
a) Ne portons pas le deuil de nos défunts, comme le5
terrible saut dans la mort, la mort du croyant est une incroyants - nous dit saint Paul. (( Ne vous affligez
porte qui s'ouvre sur la vie. pa~, comme les autres hommes qui n'ont pas d'espé-
Et si déjà l'âme d'un Socrate était assez forte pour rance. Car si nous croyons que Jés~ . est ~~~i~:::::::_
offrir un coq en sacrifice à la divinité, immédiatement est ressuscité, croyons aussi que(" Die~~~~rM <ave€rnl/;'<~'\
, :~"0'0\ '10(~ '\" ,
G.) -;,::, ) i ,1
~ p"OlNTE BLEUE ~. "/
/
FJ _
enslOnnat ,"',
1 (\ \ \~,(\
~/
-"--::..::-.::=::::-.,:~:..":----
/ -",, /
.~.
286 LE SYMBOLE DES APôTRES LA DÉFAITE DE LA MORT
Jésus ceux qui se sont endormis en lui» (le Thessa- . Et . mainte~ant ,la. mort est-elle encore le tyran
lonicicns, IV, 13- 14). vIctOrIeux qu elle etaIt avant Notre-Seigneur, à présent
Mais comment? Ne nous est-il plus permis de que nous savons qu'elle ne détruit - en nous que la
porter le deuil? Ne nous est-il plus permis de pleurer? partie périssable? Aujourd'hui la mort est-elle encore
Mais si. Nous aussi, nous pouvons pleurer sur nos la terrible moissonneuse, pour nous qui savons qu'elle
chers défunts. Y a-t-il en effet une image plus répandue nous conduit des ténèbres à la lumière, de la maladie
et qui nous soit plus chère que l'image de la Vierge à l:.sant.é, d~ la soif à la source, de l'espace et du temps
des douleurs pleurant son divin Fils mort? Et notre . à 1 mfim qUI ne connaît pas de limites?
grande sainte Élisabeth de Hongrie n'a-t-elle pas Le Christ a vaincu la mort, quand Il a proclamé
1. '1•• éclaté en sanglots, quand on lui apprit la mort de son qu'elle n'était qu'un passage à une vie nouvelle et
époux? p~us b~lle. De même que dans la nature des espèces
Donc nous aussi, nous portons le deuil, mais pas dls~a:alssent pour faire place à des espèces plus
à la manière païenne. Pas « comme ceux qui n'ont pas parfaItes, de même à la fin de notre vie nous sortirons
d'espérance », mais comme ceux qui savent que le de notre cadre étroit pour entrer dan~ l'infini divin.
Christ a vaincu la mort. Comme ceux aux oreilles L~ Chri~t a vaincu. la mort, quand Il a proclamé que
desquels retentissent const'<lmment ces paroles enthou- la dISsolutIOn de notre corps qui nous fait frissonner
siastes de saint Paul: « Il faut què ce corps corruptible n'est pas autre chose que le renversement de ces bar-
revête l'incorruptibilité . et que ce corps mortel revête rières qui nous empêchaient d'entrer dans notre véri-
l'immortalité. Lorsque ce corps corruptible aura revêtu table patrie.
l'incorruptibilité et que ce corps mortel aura revêtu Le Christ a vaincu la mort, quand Il a enseigné à
l'immortalité, alors s'accomplira la parole qui a été la regarder courageusement en face. La grande majorité
é~rite :. La mort a été engloutie dans sa victoire. l\:'Iort, de~ hommes tourne le dos avec épouvante et voudrait
où est ta victoire? Mort, où est ton aiguillon? » la fuir, - mais elle ne le peut pas et c'est ainsi qu'elle
(le Corinthiens, XV, 53-55). devient la proie de la mort. Car plus quelqu'un s'efforce
b) Nous aussi nous pouvons vaincre, parce que . d'échapper ' à la mort, plus il tombe impuissant entre
le Christ avant nous a déjà vaincu la mort. ses mains.
Sans" doute, même après le Christ, nous mourons Et qu'advient-il de celui qui la regarde en face,
comme les hommes mouraient auparavant, mais depui s la tête haute et s'avance vers elle? Sans doute ; lui aussi
le Christ nous savons clairement et avec certitude que la rencontre, mais librement, consciemment, fièrement,
notre âme appelée à une vie éternelle continue à vivre fortifié par l'espérance d'un grand avenir: la victoire. ·
même après nos funérailles. Et ce mortel triomphe de la mort, car en ce grand et
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA DÉFArrE DE LA MORT
288
dernier instant le Christ, le Christ qui ' a vaincu la De même qu'aux premières heures de notre vie l'Église
mort, se tient près ' de lui et lui prend la main. se tenait à côté de nous, de même elle se rend près
de nous à nos derniers moments. On nous avait remis
alors un cierge allumé symbole de la foi,'" de même
maintenant; on nous avait alors purifiés par le saint
lB' baptême, à présent elle nous purifie par le sacrement
de pénitence, la sainte communion et l'extrême-onction.
b) La mort et la sainte communion. La mort et le
mémorial éternel de la mort du Christ. La mort et le
Et maintenant nous arrivons à la dernière source sacrement de l'autel, - quelle réunion 1 La mort de
de notre victoire : à l'instànt décisif de notre dernier l'homme et . le mémorial de la mort du Christ. Les
combat le Christ paraîtra près de nous. Ce' n'est pas, pasteurs d'âmes seuls pourraient dire quel soulagement
mes frères, une expression figurée, ce n'est pas une la réception des sacrements a apporté à tant de malades.
image oratoire, - c'est la vérité littérale. Les infirmiers et les médecins pourraient attester
A) Quelle magnifique consolation trouvons-nous comment la réconciliation avec Dieu a allégé pour
dans notre sainte religion! A notre entrée en ce monde, tant de . grands 'malades des souffrances qu'aucun
au saint baptême, ell~ nous met en main un derge narcotique du monde n'avait pu soulager. Tout prêtre
allumé et nous revêt d'un vêtement blanc; à notre sortie un peu âgé pourrait dire d'une âme émue comment
de la vie elle allume de nouveau ce cierge et s'efforce tant .de malades ont retrouvé à leur lit de mort par
de recouvrir de nouveau notre âme du vêtement blanc une bonne confession et une sainte communion le
de la grâce sanctifiante, en apportant à notre lit de mort Sauveur qu'ils avaient perdu dans le tumulte de la vie,
le Christ dans la Sainte Communion. mais qui n'avait pas eu de repos, tant qu'Il n'avait
a) ({ Prenez cette robe blanche - nous a dit le prêtre pas pu glisser à l'oreille de cette brebis perdue dans
qui nous baptisait, aux premières heures de notre vie - le dur combat de l'agonie : « Je suis le pain de vie ...
et conservez-la sans tache devant le tribunal de Dieu, Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement»
afin que vous ayez la vie éternelle ». (S. Jean; VI, 48-52).
{( Recevez ce cierge allumé, gardez sans reproche Voilà la défaite finale de la mort. Lorsque tous les
votre baptême,' afin que le Seigneur vienne vers vous mensonges et toutes les , tromperies du monde se
et vous introduise dans la vie éternelle ». di~loquent, lorsque la vie touche à sa fin- comme au
Préparons-nous donc à paraître devant le tribunal dernier éclat du soleil couchant - la foi de l'enfance
de Dieu, car voici venue l'heure du banquet céleste. brille de nouveau et avec des larmes de repentir uu
Notre-Seigneur Jésus-Christ a dit un jour qu'il y leurs m~rts. Tertullien rappelle déjà au Ile siècle que ·
a des péchés qui ne peuvent être remis « ni dans ce les chrétIens, au jour anniversaire de la mort de leurs
monde ni dans le monde à venir» (S. Matthieu, XII, 32), parents, faisaient célébrer la messe pour le salut de
le divin Maître enseigne donc par là .qu'après la mort leurs âmes. En vérité celui qui connaît ces inscriptions
il y a un lieu où certains péchés sont pardonnéjl. des catacombes, ses invocations, ces vœux et ces prières
Mais saint Paul parle clairement du purgatoire; ne peut mettre en doute que ·les premiers chrétiens
selon lui entrent dans le ciel non seulement ceux avaient la sainte conviction de pouvoi;"'venir en aide
qui peuvent y entrer directement après leur mort, à leurs défunts; en d'autres termes qu'il y a un
1
mais encore ceux dont l'ouvrage terrestre « a été purgatoire.
éprouvé par le feu» (le Corinthiens, III, 13) et si leur Bl Mais la foi au purgatoire n'est pas seulement
f
ouvrage est jugé acceptable ils seront sauvés, « mais un Joyau consolant du christianisme, elle est aussi une
comme au travers du feu » (le Corinthiens, III, 15). conviction enracinée dans les profondeurs de l'âme
b) Mais si après la Sainte Écriture nous interrogeons ' humaine .et c'est pourquoi nous· /a rencontrons sous une
la Tradition, nous voyons que la Tradition chrétienne forme ou sous une autre, même · avant le christianisme
dans les religions païennes. •
a toujours professé l'existence du . purgatoire.
Dans les plus anciennes liturgies la mémoire des a) Certains livres liturgiques ·du paganisme sont par-
défunts « memento mortuorum )) occupe une place venus ju~qu' à nous, par exemple les Livres des morts
importante, mais sans la foi au purgatoire, sans la pour l'Egypte et eux aussi parlent des souffrances
possibilité d'une purification pour les âmes des défunts, expiatoires par lesquelles doivent passer les âmes des
cette prière n'aurait eu aucun ·sens. bons avant d'obtenir l'entrée du royaume céleste
Elles n'auraient eu aussi aucun sens toutes ces d'Osiris. Les Perses croyaient que les âmes des défunts
nombreuses inscriptions fUnéraires des catacombes où devaient faire un pénible voyage à travers les douze
le mort qui repose dans la tombe supplie ceux qui signes du zodiaque avant de parvenir au bonheur.
liront l'inscription de prier pour sa pauvre âme 1 En Grèce les Stoïciens parlent des sphères de feu,
{( Priez pour moi ». Mais pour qui prier? On ne peut de l' « empyrée » où l~s âmes sont purifiées de leurs
plus prier pour celui qui est en enfer; on n'a plus fautes. A peine y a-t-il une liturgie païenne pour ne
besoin de prier pour celui qui est au ciel. Reste donc pas connaîtré des prières et des sacrifices pour les âmes
le purgatoire. Sans la foi au purgatoire, elles n'auraient qui ~rrent dans l'au-delà. En fait, o.q., peut dire que
aucun -sens les nombreuses prières et messes des la fOl au purgatoire .était déjà, sous une forme ou sous
défunts dans lesquelles les parents et les amis encore une autre, un bien' commun de l'humanité, même
vivants s'adressent à Dieu pour le salut de l'âme de avant le christianisme. Cela montre aussi qu'elle est
3°0 LE SYMBOLE DES APÔTHES
LE PURGATOIRE 3°1
issue du désir le plus noble de l'âme humaine et51u'elle
A) Le purgatoire, comme son nom l'indique, est un
répond à ses plus profondes aspirations. .
lieu de purification et d'expiation.
1 b) Mais elle montre encore autre chose. Elle ~ontre
a) Au moment du jugement Dieu montre à, l'âme
cette chose -singulière que ceux-là même qUI ont
quelle aurait dû être son attitude d'après ses plans ,
théoriquement rayé cet article de foi de leur symbole
éternels et combien elle est demeurée loin de la réalité.
le reconnaùsent néanmoins eux aussi dans la vie, dans la
Très certainement l'âme qui est partie de ce monde
,'éalité. Car eux aussi prient pour leurs défunts et ·
en état de grâce, m'ais avec de nombreuses fautes et
font de bonnes œuvres en leur nom et pour eux; cette
imperfections, à cet instant dira d'elle-même avec
attitude n'a de sens que s'il y a une possibilité de
.honte : Non, Seigneur, je ne puis réellement pas entrer
purification, que s'il y a un purgatoire. .
dans votre royaume avec tant d'imperfections. Je ne
La raison elle-même démontre que pour ceux qUI
pourrais pas vivre éternellement avec tant de taches
ne sont pas morts en état de péché mortel, donc qui
dans ce royaume dont il est écrit : « la gloire de Dieu
ne sont pas séparés de Dieu, il doit y avoir un lieu de
l'illumine et l'Agneau est son flambeau » (Apocalypse,
transition pour réparer, pour se purifier. Tout péché
XXI, 23).
réclame déjà ici-bas sur cette terre une expiation; les
b) Oh oui 1 ces imperfections, ces défectuosités,
manquements aux lois de Dieu exigent une satisfaction '
l'homme les sentira devant le tribunal de Dieu. Com-
pour l'offense faite aux lois de Dieu. Dieu sans doute
ment ne les sentirait-il pas, lorsque déjà sur cette terre
est miséricordieux, pourtant sa miséricorde ne .'consiste
toute âme délicate les sent profondément.
pas dans le fait de ne pas se soucier du péché .et. ~: Que sent-elle?
fermer les yeux sur lui, mais à lui donner la pOSSIbIlIte
Que jamais nous ne sommes réellement au point.
de réparer. Et si nous n'avons pas utilisé suffisamm~nt
Nous n'en avons jamais fini avec nous-mêmes; ni
sur la terre cette possibilité par une pénitence volontaIre,
avec notre âme, ni avec ·notre éducation morale. Qui
une pénitence forcée et une réparation douloureuse
pourrait par exemple, au cours de sa vie terrestre, se
nous attendent dans le purgatoire. '
conformer à la volonté de Dieu de manière que « nous
soyons conformes à l'image de son Fils »? (Romains,
II
VIII, 29).
Mais nous n'en avons jamais fini non plus avec nos
EN QUOI CONSISTE LE PURGATOIRE?
travaux terrestres. L'artiste ne peut jamais dire qu'il
a'fini, ni le maître, nile savant, ni l'écrivain, ni l'éducateur.
Et voici que nous pouvons donner réponse à ' cette
Eh bien 1 le purgatoire sera le lieu du grand achève-
seconde question : en quoi consiste le purgatoire?
ment : c'est là que nous recevrons ce qui manque
302 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE PURGATOIRE
3°3
encore à notre âme pour être l'image de Dieu. Le QUaI'ld donc chacun comprendra~t-il ces paroles
purgatoire sera le lieu du grand finissage : c'est là que du Psalmiste : (( Vous êtes juste, Seigneur, et vos
nous poserons la dernière pierre à l'édifice auquel jugements sont droits )) (Psaume, CXVIII, 137)? Quand
nous aurons travaillé durant toute notre vie. Le purga- donc se réaliseront ces paroles· du divin Maître-': CI En
toire sera le lieu de la, grande restauration : c'est là vérité je te le dis, tu n'en sortiras pas que tu n'aies '
." que nous ferons disparaître les difformités, c'est là payé jusqu'à la dernière obole )) (S. Matthieu, v, 26)?
, 1 ~ ',
que nous couvrirons les plaies dont notre âme aura Les deux attributs divins contradictoires en appa-
supporté le déluge sur la terre. Et dans , la mesure où rence, sa justice et sa miséricorde, sont merveilleu-
le feu purificateur de 1\1 souffrance aura brûlé la pous- sement mis d'accord par la foi au purgatoire, suivant
sière, la boue, les souillures de ma vie, l'image de Dieu laquelle la justice exige sans doute une èxpiation,
rayonnera dans mon âme. Et dès que cette image tandis que la miséricorde permet que ce châtiment
sera nettoyée, le purgatoire sera fini : je pourrai entrer soit adouci et abrégé par la sollicitude charitable. des
dans la béatitude éternelle. vivants.
B) Mais si je conçois ainsi le but du purgatoire, h) ' Ainsi comprenons-nous la double par#cularité du.
je verrai aussitôt comme ils jugent superficiellement ceux purgatoire : son côté pénible et son côté consofant.
quz· regardent les peines du purgatoire comme indignes En quoi consistent les souffrances du purgatoire?
de Dieu. (( Que Dieu nous pardonne gracieusement Elles sont semblables à celles de l'enfer, mais elles
le péché, disent-ils. Voilà qui répond à sa bonté. Mais ne sont pas éternelles.
non pas le châtiment et la satisfaction ». La première consiste donc dans le désir non satisfait
a) Quelle idée superficielle ils se font de Dieu ceux de voir Dieu. A ce moment nous savons ce qu'est Dieu.
qui parlent ainsi! Celui qui a réfléchi à fond une bonne A ce moment notre âme séparée du corps voudrait
jois sur la majesté de Dieu sait bien qu'il ne seràit pas de toutes ses forces s'élancer vers Dieu, mais ses péchés
conforme à cette majesté divine, à son infinie justice non expiés lui barrent la route. En dehors de ce désir
et au respect de l'ordre moral éternel, que l'homme non satisfait, elle est torturée par une douleur si réelle
pût se révolter impunément contre Dieu, sans en subir qu'il n'en existe pas de plus grande sur la terre:- Voilà
les conséquences. , . l'un des aspects du purgatoire: son côté douloureux.
En ce monde en effet, on admet avec une si effrayante Si ce lieu est un lieu de grandes souffrances, il n'est·
légèreté, en haussant les épaules, le péché, l'offense à cependant -pas un enfer, ni un vestibule de l'enfer,
Dieu. Regardez seulement autour de vous aVeC quelle mais le vestibule du ciel. , Ceux qui s'y trouvent ne
frivolité inouïe, avec quel cynisme insultant le péché sont pas entre les mains du démon mais entre les
se propage aujourd'hui parmi les hommes. mains de Dieu, c'est-à-dire en état d~ grâce. Ils sont
LE SYMBOLE DES APÔTRES LE PURGATOIRE
même certains que cet état de grâce est définitivemen t des ~ens, elle en pousse même quelques-uns à renier
hors de danger, qu'ils ne peuvent plus le perdre, tandis la fOI. « Est-ce que Dieu est réellement bon et miséri-
que nous les vivants, nous pouvons encore le perdre. cordieux, puisqu'il a pu créer l'enfer éternel? » entend-
, Ils sont donc déjà assurés de leur salut. Voilà l'autre on sur leurs lèvres. Et sans aucun doute c'est là ' le
aspect du purgatoire : son côté rassurant et consolant. dogme le plus difficile à comprendrè et le plus émouvant
Qu'est~ce donc que le purgatoire? Un enfer où de notre foi.
l'on est dans la joie, un ciel où l'on souffre. Les âmes Mais il devient plus compréhensible, il devient plus
y sont dans la joie, car elles sont certaines qu'un jour sU~'portable, dès qu:on sait qu-'il y a un purgatoire,
elles verront Dieu; mais elles souffrent aussi, parce qu Il y a pour les pechés regrettés et confessés, même
qu'elles ne peuvent ,pas encore voir Dieu. De même les plus grands, une occasion d'en faire pénitence.
que c'est la possession de Dieu qui fait le bonheur La pensée de l'enfer ne serait intolérable que s'il
du ciel et que la privation de Dieu fait l'enfer, de même n'y avait pas de purgatoire. Alors il aurait eu raison
le purgatoire 'reçoit son caractère de lieu de passage Massillon, l'illustre prédicateur du roi Louis XIV'
du fait qu'il est l'intermédiaire entre la possession lorsqu'il prêchait à Saint-Eustache de Paris sur l~
future et la privation présente de Dieu. petit nombre des élus. A la fin de son sermon les
auditeurs sursautèrent épouvantés sur leurs ~h;ises.
La plus grande partie de l'humanité serait damnée?
III Idée épouvantable. Idée intolérable. C'étaient les
assistants qui avaient raison et non pas le prédicateur.
QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES
Le prérlicateur n'aurait eu raison que s'il n'y avait
DE L'EXISTENCE DU PURGATOIRE? pas de purgatoire .
. b) ,La foi au pu~?atoire nous rapproche du ciel. Il y
Je crois, mes frères, que ce que je vais dire maintenànt a de~ "gens pour qUI les conditions exigées pour entrer
est chose encore inconnue pour beaucoup de mes chers au CIel sembJent trop rigoureuses. « Ah 1 comme nous
uaditeurs. On parle si rarement du purgatoire et on y en .sommes loin 1 Comme c'est difficile d'y arriver 1
pense si peu. Pourtant quelles magnifiques leçons QUI peut satisfa}re à de si rigoureuses exigences? »
ct quels avertissements nous donne cet article de foi. Mais. voici la foi au purgatoire qui nous rapproche
A) Écoutez donc les leçons que nous pouvons tirer de du CIel et nous permet de l'atteindre plus facilement.
ce dogme. . L'image que nous nous faisions de la miséricorde
a) La foi au purgatoire nous éloigne de l'enfer. divine y trouve son achèvement, car Dieu n'est pas
La pensée de l'enfer éternel trouble et émeut bien seulement bon, comme en témoigne l'existence du ciel,
Symb. d . Ap, - T , VI 20
LE SYMBOLE DES APÔTRF.8 LE PURGATOIRE
il n'est pas seulement juste, comme le prouve l'existence coutume de séparer l'ivraie du bon grain, puis
de l'enfer, il est encore miséricordieux, comme le admettez-moi dans votre royaume éternel.
démontre l'existence du purgatoire. . . Le christianisme prêchait déjà la réalité de l~ « souf-
Le purgatoire est également une réponse à ceux qui france purificatrice» avant que la nébuleuse philosophie
estiment trop sévère notre doctrine morale, parce de l'Orient ait répandu dans l'âme de l'homme ~oderne
qu' « il n'est 'pas permis d'en ôter. un iota )" ?arce ses erreurs, qui ne reposent s,ur aucune preuve, de la
qu' « elle ne tient pas compte de la faiblesse humame n, « réincarnation des âmes n.
parce qu' « elle demande plus que ne peut tenir" malgré Et vous, mes frères, qùi peut-être considérez avec
toute sa bonne volonté, l'homme chancelant et pecheur». faveur ces théori~s fallacieuses, les trouvant « si apai-
Et voici la réponse : Il est impossible de touçher santes n, «. si consolantes )), dites-vous' bien que nous
en quoi que ce soit à notre idéal moral, m~is. si quel .. auSsi nous croyons à « une purifi~ation n après la mort.
qu'un, avec sa bonne volonté, tombe victime des Nous aussi nous proclamons qu'il faut « expier »,
imperfections de la nature humaine, il lui reste toujours qu'il faut « réparer» tout péché commis. Mais nous
le purgatoire comme vqie d'accès au ciel. Sans dou~e n'avons pas besoin pour cela de la métempsycose qui
ce n'est pas la voie principale ni la grande porte, mais fourmille de tant de contradictions et ôte le sérieux
_ cependant, c'est une porte du ciel. à la vie terrestre, il nous $uffit amplement du purgatoire,
c) Le purgatoire est également la meilleure réponse au."C de ses souffrances et de ses expiations silencieuses.
erreurs de la métempsycose. _Et précisément ce fait attristant que le spiritisme,
Comme l'Église comprend magnifiquement les désirs l'évocation des esprits, la métempsycose et autres
les plus secrets de l'âme humaine 1 Qui en effet ne théories nébuleuses analogues - avec lesquelles on
soupirerait après un heu . de pUrI' fcatIOn.
i ' ~ N' est -ce veut remplacer le dogme du purgatoire - trouvent
pas la plus forte consolation pour" quiconque cOI~bat faveur auprès des hOIl1mes privés de la foi catholique,
loyalement, lutte pour accomplir la volonté de Dieu, montre que la foi au purgatoire répond parfaitement
veut être bon, pur et fidèle, - mais que la ' nature aux aspirations de l'âme humaine et que l'homme
humaine portée au péché fait tomber sans cesse ?..,.Que~le ne peut supporter la pensée qu'il sera séparé défini-
consolation<--pour nous, si un jour nous pouvons dl:e tivement'- de ses chers , défunts et qu'il ne peut plus
. devant le tribunal de Dieu: C'est vrai, Seigneur, Je manifester sa gratitude, sa reconnaissance et son amour
ne suis pas assez bon pour pouvoir entrer immédia- après leur mort.
tement au ciel. Mais je ne suis pas non plus - grâce B) Nous voici arrivés à une autre idée: le pUt'gatoire
à Vous - assez méchant pour que Vous me précipitiez n'est pas seul~ment une leçon pour nous, mais aussi un
en enfer. Purifiez-moi donc auparavant, comme on a avertissement.
LE SYMBOLE DES APôTRES ' LE PURGATOIRE
a) Le purgatoire en effet donne à notre amour la chevet de leur mère. , Navigius soupire: si seulement
possibilité d'être plus fort que la mort et de se mani- leur mère pouvait quitter cette vie dans sa patrie et
fester au -delà du tombeau, le purgatoire permet aux non pas ~ur une terre étrangère. Mais sainte Monique
vivants de venir en aide aux âmes de leurs morts. leur répo~d : « Enterrez mon corps n'import~ où.
Comme elle est consolante, la doctrinè chrétieime Ne vous faItes aucun souci pour lui. Je ne vous demande
suivant laquelle la mort est incapable de déchirer les qu'une seule chose, de vous souvenir de moi à l'autel
liens de parenté et d'amitié, tandis que nous pouvons du Seigneur, partout où vous vous trouverez » (Con-
par nos prières, par le saint sacrifice de la messe, par fessions, IX, II). _
nos mortifications, par nos bonnes œuvres, venir en Paroles profondément chrétiennes. Si seulement
aide à nos défunts et abréger la durée de leurs nous. pensions ainsi à l'égard de nos défunts, si nous
souffrances. songIOns à eux à l'autel du Seigneur! Que de fleurs,
C'est un triste aspect de la nature humaine que que de couronnes on dépose sur les tombes - et c'est
souvent durant leur vie les gens se querellent, se blessent trè~ bien - mais c'est plutôt une consolation-pour ceux
mutuellement, se montrent - insupportables et ingrats qUI pleurent et un geste inutile pour les défunts. En
pour leurs bienfaiteurs - et c'est seulement lorsque revanche nos prières, notre assistance à la messe, nos
la mort les a séparés qu'ils se disent, trop tard, qu'ils bonnes œuvres leur sont vraiment utiles.
ont perdu un être cher. Que de fois ils se lamentent Les Trappistes ont coutume de se saluer par ces
avec désespoir: « J'ai perdu ma mère ... mon épouse ... mots : « Memento mori », « souviens-toi de la mort »'
mon frère ... et j'ai été si souvent brutal et égoïste à le purgatoire nous dit : « Memento mortuorum ».
son regard. Comme je le regrette maintenant 1 Mais « souviens-toi des morts. La mort n'est que le term;
que faire pour réparer? » Mais voici la consolante de la ~ie terres~re, mais non pas le terme de l'amour,
leçon de notre foi : par nos prières et nos bonnes « termmus vitae, non amoris » - lit-on sur un~ pierre
œuvres nous pouvons maintenant après leur mort, tombale à Stettin. -
réparer notre ingratitude et notre égoïsme. Tel est le premier avertissement de la foi au
C'est là l'origine de cette pieuse coutume des bons purgatoire.,
chrétiens de travailler par leurs prières, leurs bonnes b) Mais cette foi au purgatoire renferme encore un
œuvres, leurs communions à abréger l'expiation des autre grand avertissement pour chacun de nous : '
âmes du Purgatoire. efforçons-nous durant cette vie de satisfaire le plus
On ne peut lire sans émotion les lignes de saint possible pour nos péchés.
Augustin qui rappellent la mort de sa mère sainte La vie humaine est remplie de souffrances, de maux
Monique. Augustin et son frère Navigius sont au et de peines; mais le chrétien s'efforce d'y découvrir
3 10 LE SYMBOLE DES APÔTRES LE PURGATOIRE
l'amour du Dieu des miséricordes. La miséricorde purgatoire est un encouragement à ne pas perdre
divine nous fournit l'occasion de faire pénitence déjà confiance.
en ce monde. La souffrance est le lot de tous les hommes, Si austère que soit ce dogme, il est en même temps
comme il est donc raisonnable d'accepter to"Us nos une source de joie. S'il est un avertissement sérieux
deuils, toutes nos maladies, toutes nos privations, à ne pas demeurer tranquillement dans nos péchés,
tous les mauvais traitements des hommes, toutes nos il est aussi un encouragement à ne pas désespérer à
humiliations et toutes nos fatigues dans cet état d'esprit: cause de nos faiblesses. .
« Seigneur, acceptez en réparation de mes péchés Sans doute nous ne connaissons pas encore au sujet
toutes ces souffrances patiemment endurées li. du purgatoire tout ce que nous voudrions savoir,
Le deuil et la souffrance continueront sans doute à mais nous ne savoris pas tout non plus de la mort et
exister, mais comme il sera plus facile et plus méritoire de l'autre ·vie.
de les supporter 1 Mais nous en savons tout ce que Dieu a jugé néces-
. saire de nous apprendre et nous voyons clairement
••• qu'à la tombe ce n'est pas l'obscurité désespérante
d'une nuit sans étoiles qui descend sur nous.
Les jours passent, les aimées se succèdent, l'ombre
Mes frères, le roi d'Espagne, Charles-Quint, que du tombeau grandit... les ombres de la fragilité et de
l'histoire appelle le Sage, plaça un jour son fils devant la caducité des choses nous épouvantent... mais je
un choix singulier. Il mit sur une table une couronn<f relève courageusement la tête et je leur dis en face :
et sur une autre table un glaive, puis il appela l'enfant Non, non! vous ne pouvez rien sur moi. Car je suis
et lui demanda de choisir entre ces deux objets. Le le fils, la fille de Celui contre lequel vous n'avez rien
duc saisit le glaive et dit en souriant: « Avec celui-ci pu : le Christ qui a vaincu la mort.
f'aurais celle-là ». ' Et me cramponnant au Christ vainqueur je dis
La couronne pal' le glaive. En vérité, une. pensée chaque jour :
chrétienne où se trouve le programme entier d'une vie Je crois en la vie éternelle. Ici-bas je ne suis qu'un
chrétienne. La couronne par le glaive. Par la victoire voyageur, la patrie m'attend. Ici-bas je ne suis que sur
sur soi-même, par la lutte courageuse et résolue contre )a route, l'arrivée ,est auprès de Dieu. Ici-bas je soupire
me~ mauvais penchants, contre mes instincts désor- . après le bonheur, près de Dieu j'en trouverai la source
donnés et . l~s tentations, arriver en possession de la vie rafraîchissante.
éternelle. Dans la lutte il y aura bien des blessures, Seigneur, nous tous qui avons entendu cette instruction,
dans le combat la chute est possible; mais la foi au nous vous demandons, avec une confiance d'enfant, de
/
312 LE SYMBOLE DES APÔTRES
MES FRÈRES,
I~
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA DAMNATION ÉTERNELLE.
Tartare, était 'attaché à une roue qui lui brisait sans pourtant n'ont guère l'habitude de prêcher des vérités
cesse les os, sans jamais s'arrêter. religieuses - écrivirènt sur un ton - scandalisé que
Vous avez entendu parler de Titye dont le cœur était « l'enfer lui-même refuserait de receyoir » de pareils
dévoré par des vautours qui n'étaient jamais ra!1sasiés. criminels.
Vous avez _~tendu parler de Thésée assis éternelle- Il y a un lieu où - comme l'enseigne notre foi _
ment dans la plus profonde obscurité. les anges révoltés contre Dieu, les démons, subissent
N'est-il p~s curieux que l'homme s'insurge contre la un terrible châtiment, et le diable n'est~pas une figure
pensée de la damnation et cherche à échapper à cette imaginaire inventée pour faire peur aux petits enfants,
vérité terrifiante, mais que pourtant on rencontre mais une triste réalité - c'est ce que nous prouve
cette idée d'un châtiment éternel dans les religions l'immense flot de péchés de la vie actuelle. Car qui
des différents peuples: le védisme c~mnaît l'enfer tout comprendrait cette perversité diabolique, cette cor-
comme le boudhisme, la religion de Zoroastre comme ruption insondable, cet athéisme raffiné dont nous
celle de Mahomet. sommes journellement témoins, ' si on n'y voyait pas
On péut donc dire que la croyance à la damnation le travail du démon, si ce n'était pas la réalité que le
éternelle était une croyance générale de l'humanité feu terrible de l'enfer fait rage sur la terre?
déjà avant le christianisme. " B) Mais ce que l'humanité sentait déjà si fortement
b) Du reste, la raison elle-même mène l'homme à cette avant Jésus-Christ, la religion chrétienne l'a élevé au
croyance. Qu'il y ait réellement un enfer, que doive rang d'une certitude absolue."
exister un lieu où tout péché trouvera son châtiment, Oui, m~s frères, je ne le sens que trop et je tremble
c'est la conviction même des hommes sans religion, " à , cette pensée, la damnation éternelle est quelque
à la vue de l'épouvant~ble méchanceté qui sévit dans chose de terrible. Moi-même je me réjouirais de pouvoir
le monde. aire: il n'y a pas d'enfer, il n'y a que le ciel.
Quand on lit constamment les atrocités dont certains Mais ce n'est pas possible. Les ,sources de notre foi
hommes sont capables sur cette terre, ces crimes le proclament si souvent et de tant de manières,
horribles à faire dresser les cheveux sur la tête, ces qu'il ne saurait y avoir le moindre dout~ ' sur sa réalité.
vols, ces désordres moraux, ces violences faites à la a) Vous dites: il n'y a pas d'enfer? Mais est-ce que
vérité et à l'honneur ... qui ne se me~~rait pas à douter, saint "Jean Baptiste, le Précurseur de Notre-Seigneur,
qui ne chancel1erait pas dans sa foi;' s'il n'y avait pas n'a pas affirmé :-;« Tout arbre qui ne porte pas de
un enfer où toute monstruosité rencontre sa puni~ion? bOI1s fruits sera coupé et jeté au feu » (S. Matthieu,
Lorsqu'il y a deux ans le petit enfant du célèbre III, 10). Et le même saint jean n'enseigne-t-il pas aussi
Lorsque le petit enfant du célèbre aviateur Lindberg qu'au jugement Dieu « amassera le froment dans le
fut enlevé ec LUé, de grands journaux américains - qui
,
,
LE SYMBOLE DES APÔTRES LA DAMNATI0N ÉTERNELLE
grenier et brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint l'âme et le corps dans l'enfer» (S. Matthieu, X, 28).
point )) (S. Matthieu, III, 12)? S'il n'y a pas d'enfer que signifient alors ces paroles
b) Vous dites qu'il n'y a pas d'enfer? Mais allez-vous de Notre-Seigneur qu'au Jugement les uns seront à
regarder comme mensonger l'enseignement clair et formel sa droite et les autres à sa gauche? (S. Matthieu, XXV,
de Notre-Seigneur? Que de fois en effet et de combien 4 1) et alors « ceux-ci s'en iront au supplice éternel Il
de manières Il a parlé de l'enfer' (S. Matthieu, XXV, 4 6).
Personne ne peut dire du divin Maître qu'il ait voulu c) Vous dites qu'il n'y a pas d'enfer? Alors vous
inquiéter et épouvanter les hommes. Mais quand Il vous inscrivez en faux contre l'apôtre . saint Paul?
parle de l'enfer et de ses supplices, ses paroles sont « Nous ressusciterons tous Il écrit saint Paul. Nous
pleines de solennité. Le pauvre Lazare entre dans tous qui aurons vécu sur cette terre. Ils ressusciteront ,
une éternité, le mauvais riche entre dans une autre; ceux qui sont morts au bout de quelques jours d'exis-
les cinq vierges sages entrent dans l'une, les ' cinq tence comme ceux qui auront vécu 90 ou 100 ans.
vierges folles dans l'autre; la voie étroite conduit à Ils ressusciteront, ceux qui auront été déposés dans
l'une, la voie large à l'autre; le Christ dit du bon larron des tombeaux, ceux que la mer aura engloutis, ceux
qu'il entrera dans son royaume, le paradis, mais Il qu'une explosion aura déchirés en morceaux, ceux
dit de Judas qu'il eût mieux valu pour lui de n'être qui auront été consumés par le feu. Ils ressusciteront,
point né. ce)lx qui allaient à l'église, se confessaient, priaient,
Et si le péché mortel n'a pas l'enfer pour châtiment, vivaient honnêtement; mais ils entendront aussi le son
alors elles ne sont pas vraies les paroles du Christ des trompettes et ils ressusciteront aussi, ceux qui
d'après lesquelles la perte de l'âme est plus grande pendant leur vie ne voulaient pas écouter le son des
que le gain de l'univers entier (S. Matthieu, XVI, 26). c~oches les appelant à la messe. « Nous ressusciterons
Vous dites qu'il n'y a pas' d'enfer? Mais Notre- tous - écrit saint Paul - mais nous ne serons pas tous
Seigneur n'a-t-Il pas dit que les méchants iraient en un changés )), (le Corinthiens, XV, 51). Qu'est-ce à dire?
lieu où « le ver ne meurt point et l~ feu ne s'éteint point)) Seuls les corps des bienheureux seront glorifiés, par
(S. Marc, IX, 45)? Et le même Sauveur qui dans son contre ceux des damnés seront · hideux.
sermon sur la montagne a prononcé les huit béatitudes, Vous dites qu'il n'y a pas d'enfer? Mais alors vous
a parlé aussi du « feu de l'enfer ;j' (S. Matthieu, v, 22), avez de Dieu une idée puérile. Si terrible que soit l'enfer,
« où il y aura des pleurs et des grincements de dents Il on le comprend cependant, si on a une idée exacte des
(S. Luc, XIII, 28). Et c'est encore le Christ qui disait: , at~ributs divins.
« Ne craignez pas ceux' qui tuent le corps, et ne peuvent Ici-bas il y a autour de nous l'univers : sa grandeur
tuer l'âme, mais craignez plutôt celui qui peut perdre surhumaine , proclame la toute-puissance de Dieu.
320 LE SYMBOLE DES APôTRES LA DAMNATION ÉTERNELLE
Ici-bas se dresse devant nous la croix du Christ : le frances et de privations qui dépasse l'imagination de
Christ qui l'inonde de son sang 'proclame l'infinie Dante et qui se déverse éternellement sur la tête des
miséricorde de Dieu. Ici-bas se présente devant nous damnés : « Retirez-vous loin de moi, maudits 1 Il
le bonheur éternel: il proclame l'infinie bonté d J Dieu. (S. Matthieu, xxv, 41).
Mais il y a aussi l'enfer et que proclame-t-il? Il Songeons à leur soif éternelle de la Beauté infinie,
proclame l'infinie justice de Dieu; à leur soif de Dieu - et il n'y a pas une goutte pour
II faut que l'enfer, c'est-à-dire la justice de Dieu, l'apaiser.
soit aussi sévère, parce que sa toute-puissance s'est Songeons à leur faim éternelle de la Bonté infinie,
montrée si grande dans le monde, sa miséricorde sur à la faim de Dieu - et il n'y a pas une miette pour
la croix et sa bonté dans le ciel. Si tout cela ne suffit l'apaiser.
pas à notre conversion, que reste-t-il alors? Rien que la Songeons au désir éternel de la Perfection infinie,
justice infinie dans l'enfer. au désir de Dieu - et il n'y a rien pour le satisfaire.
Et de même que le monde est plus grand que tous Il n'y a ni amitié ni amour ni consolation ni adoucis-
nos calculs, que la croix est plus miséricordieuse que sement ni espérance - mais il y a l'amertume et le
toutes nos espérances, que les joies du ciel dépassent remords, les reproches et les supplices, il yale dégoût
toutes nos prévisions, de même l'enfer est plus terrible et le repentir, mais un repentir tardif. Ah! où y a-t-il
que toutes nos imaginations. Et s'il est vrai, comme un feu qui pourrait brûler comme celui-là? Lorsque
saint Paul l'écrit à propos du bonheur des justes, que les damnés voient l'erreur de to~te leur vie manquée
cc l'œil n'a pas vu, l'oreille n'a pas entendu, le cœur de - mais tout cela ils le voient trop tard 1
l'homme n'a pas senti ce que Dieu a préparé pour ceux
qui l'aiment » (le Corinthiens, II, 9), il est également
\
vrai des souffrances des damnés que l'œil n'a pas vu, II
l'oreille n'a pas entendu, l'imagination humaine n'a
pas inventé la peine qu'II a préparée pour ceux qui L'ENFER EST ÉTERNEL.
ne L'aiment pas.
Oh! maintenant jé comprends combien saint Augustin
avait raison de dire qu'être ~éparé de Dieu est une peine Mais nous arrivons à la partie la plus difficile de là
aussi grande que Dieu Lui-même. c( Separari a Deo question. Le christianisme enseigne en effet non seule-
haec est tanta poena, quantus ipsemet Deus » (De ment qu'il ' y a un enfer, mais encore qu'il durera
civitate Dei, II , 4). éternellement, qu'il n'aura jamais de fin. C'est le point
Oh! maintenant je comprends la somme de souf- le plus épineux de toute notre foi, la plus grosse pierre
ramollissement sénile. Dieu est réellement bon; - Et l'âme qui au moment de la mort. est en état de
mais Il est aussi saint et ; juste. péché grave - on pourrait dire aussi qu'elle meurt
« Dieu est bon ». Oui, bon et miséricordieux, tant en tournant le dos à Dieu - demeurera certainement
que nous sommes en vie et que nous nous efforçons éloignée de Dieu durant des milliers, des millions
d'aller à Lui. Il a dit en effet: « Quand vos péchés d'années, durant toute l'éternité.
seraient comme de l'écarlate, ils deviendront blancs Le péché mortel est ·écarté de Dieu par un angle
comme la neige; s'ils sont rouges comme la pourpre, de 180 degrés. Celui qui meurt dans cet état, qui a
ils deviendront blancs comme la laine)) (Isaïe, 1, 18). adopté cette position, y demeurera éternellement; il
Mais cela seulement tant que nous sommes en vie. vivra éternellement séparé de Dieu- c'est cela la
Car finalement la bonté de Dieu ne peut pas être damnation.
de la faiblesse ni une débonnaireté sentimentale. Mystère terrifiant" doctrine angoissante, mais _
Et celui qui sait ce que c'est que le bonheur éternel, hélas! - douloureùse réalité.
- à savoir l'achèvement de la maturité de notre âme B) Mais nous pouvons adoucir l' horreur du dogme de
et la participation à la vie divine - celui-là sait. aussi l'enfer, - on pourrait dire aussi qu'on en ôte le fiel -
qu'il est absolument impossible d'y parvenir pour celui et notre âme peut retrouver la tranquillité, si nous nous
qui a passé sa vie terrestre à tourner le dos à Dieu. rappelons que non seulement il est sûr qu'il y a un
« Donc ' pour un péché d'un instant un châtiment enfer, mais aussi qu'il est également certain que le
éteJ nû? » L'importance du péché ne dépend pas de Dieu , infiniment juste ne condamne personne qui ne
sa durée. Il ne faut qu'un instant aussi à l'assassin l'ait mérité.
pour presser la détente de .son fusil. Il ne faut aussi . a) Die,u ne juge pas avec précipitation, sous l'influence
qu'un instant pour commettre le péché grave par des passions ni à l'instant même où le péché a été
lequel on perd son bonheur éternel. . commis. Il ne condamne personne avant de lui avoir
Ne serait-il pas plus logique de faire ce raisonnement: donné la grâce et la possibilité ,de se convertir. Mais celui
c'est justement parce que Dieu est saint, parce que le qui ne veut pas se convertir, qui ne veut pas aller
péché est son ennemi que l'enfer doit être épouvantable. lui-même à Dieu, - qu'est-ce que Dieu peut en faire?
Vous aimez la vérité? Alors vous haïssez le mensonge. On appelle la guerre l' « ultima ratio ». Elle est la
Vous avei"le cœur pur? Alors vous vous détournez dernière arme d'un peuple. Mais on n'ouvre pas les
de l'immoralité. Vous êtes honnête?' Alors vous fuyez hO,stilités avant d'avoir(_épuisé tous les autres moyens.
la inalhonnêteté. Parce que Dieu est infiniment saint, Eh .bien! l'enfer est une semblable, « ultima ratio ))
le péché est devant Lui infiniment affreux et il est entre les mains de Dieu; Il n'y recourt pas avant d'avoir
tout naturel qu'Il s'en détourne éternellement. employé tous les autres moyens.
LE SYMBOLE DES APÔTRES
LA DAMNATION ÉTERNELLE
Et Dieu exige si peu de chose - si incroyablement Qui est en enfer? A part les anges déchus et Judas,
peu -..,pour pardonner. Je me repens d'avoir fait on ne sait d'aucun homme qu'il se trouve en enfer.
le mal, je promets de ne plus recommencer et je vais Il y a eu des monstres, des bêtes fauves dans l'histoire
aussitôt que possible me confesser - et c'est tout. du monde - et cependant nous ne savons pas où ils
Aurait-Il pu demander moins? sont; au contraire il existe un malfaiteur - le bon
b) L'enfer - c'est la vérité - est une des plus larron - dont nous savons que le jour mêmtde sa
terrifiantes vérités de notre foi. Mais son horreur mort il est entré au ciel. Or nous, selon notre justice
s'adoucit, si nous considérons qui sont ceux qui vont en humaine, rious l'aurions condamné à l'enfer. Car nous
enfer. . . ne jugeons que suivant les appa~ences, mais quand
Ceux qui meurent en état de péché mortel sans Dieu prononce une sentence, Il met tout dans la balance,
. s'être confessés, ou bien -- s'ils n'avaient pas l'occasion tous les faits invisibles pour nous et inconnus de nous,
de se confesser - sans avoir tout au moins la contrition l'hérédité, les mauvais penchants, l'éducation négligée,
' parfaite. le mauvais milieu ... Dieu met tout cela dans la balance,
Le péché mortel 1 Qui commet un péché mortd? quand Il juge. Et c'est pourquoi nous ne savons pas
« Celui qui transgresse volontairement, sciemment et qui est en enfer.
"
en chose grave la loi divine » - répond la théologie. C) Du reste, ne nous cassons pas la tête à chercher
Nous savons donc théoriquement et objectivement qui est en enfer, mais bien plutôt comment nous pouvons
ce qui constitue le péché mortel. éviter l'enfer. On évite l'enfer en évitant le péché
Mais nous ne savons pas, et en dehors de Dieu nul mortel, ou bien - si nous avons été assez malheureux
ne sait, si dans tel cas concret déterminé, il y a eu pour l'avoir commis - , en chassant de notre âme le
réellement péché mortel, bien qu'il apparaisse extérieu- péché par une bonne confession.
rement comme tel. Nous ne savons pas si l'hérédité, a) Il est intéressant d'observer la foule dans une grande
urie mauvaise éducation, un mauvais milieu et autres gare: quelle agitation, quelle nervosité, quelle préci-
circonstances atténuantes que nous ne pouvons pas pitation! Dès .que s'ouvre la porte de la salle d'attente,
connaître ne viennent pas modifier le jugement de tous se hâtent vers le train, les voyageurs traînent de
Dieu qui sait tout. grosses valises, ils se heurtent, se poussent mutuel-
Ahl c'est là une grande consolation, quand il est lement. Tous n'ont qu'une seule pensée: ne pas rester
question de l'enfer . sur le quai.
. c) C'est vrai, la pensée de l'enfer est effrayante, Le chef de train donne le signal, la locomotive siffle,
mais on peut se rassurer en se disant : qui est en enfer? le convoi se met en marche ... et au même instant
Que nous enseigne sur ce point notre sainte religion? accourt un voyageur en retard ... il est tout échevelé,
LE SYMBOLE DES APÔ,TRl\S LA DAMNATION ÉTERNELLE
son froPt ruisselle de sueur, il est là haletant, suffoquant balance, s'il n'y avait pas le jour du jugement dont la
et il répète d'un ton lamentable, en regardant dispa- lumière mettra dans leur vrai jour l'héroïsme · d'une
raître le train : trop tard 1 .
Mes frères, lorsque nous pc s ns à la vie étern~lle,
.
vie de vertu et la légèreté d'une existence
....,
frivole, -
si tout cela n'existait pas, qui pourrait "alors parler :
disons-nous aussi: un jour le train partira pour le ciel, encore de la justice, de la bonté, de la sainteté de Dieu?
malheur à moi si je suis en retard. Car si nous sommes Si terrible que soit le dogme de l'enfer, n'y pensons
en retard, il n'y a pas d'autre ~rain ... il sera trop tard pas pour nous épouvanter, mais pour en tirer une
pour l'éternité. grande leçon. Écoutons tous l'avertissement qu'il fait
, b) Pour l'éternité? Encore ce mot terrible! Ah! je ne le retentir si fortement à nos oreilles: Tenez bon 1 tene'.l
comprends pas, il me fait trembler, - mais il faut que bon! Même s'il fallait verser votre sang ... s'il fallait
j'y croie. Il ne cadre pas avec le cercle visuel humain lutter chaque jour ... s'il fallait vous vaincre sans cesse.
si borné; je ne le comprends pas, mais j'y crois et' je Tenir bon pres de Dieu. Se tourner vers Dieu. Vivre
confesse que Dieu n'est pas plus sévère pour nous que tourné vers Dieu. Et mourir en se tournant vers Dieu.
nous ne le méritons. Je confesse que Dieu a dû créer
l'enfer pour ne pas. dégrader sa miséricorde en une
faiblesse impuissante, pour ne pas livrer les efforts .. .. ..
moraux des bons aux plaisanteries des frivoles et des
méchants.
Mes frères, lorsque le peuple juif eut occupé la terre
Si l'enfer prenait fin un jour, alors ce serait aussi
de Chanaan, il jura solennellement d'observer les lois
la fin de tout l'ordre moral. Les efforts pour mener
du Seigneur, comme Moïse le rapporte en termes
une vie morale sérieuse ici-bas disparaîtraient en même
émouvants et suggestifs au xxvn e chapitre du Deuté-
temps. Pourquoi être honnête, pourquoi' observer la
ronome. La moitié du peuple, six tribus, prit position
loi morale à la sueur de mon front, si au fond ce n'est
sur le mont Hébal aride et couvert de ruines, les six
pas un si grand mal, si je viens à tomber: tout rentrera
aut;es tribus se placèrent surIe mont Garizim situé
un jour dans l'ordre.
en face et couvert de prairies en fleurs et de forêts ,
Reconnaissez-le vous-mêmes, mes frères, s'il n'y
Entre les deux mo,ntagnes, dans la vallée, s'étendait
avait pas un Juge tout-puissant, qui un jour demandera
la ville de Sichem, là se tenaient les prêtres et les
compte même des pensées les plus secrètes des . cœurs,
lévites à côté de l'arche d'alliance. Alors commença
s'il n'y avait pas un tribunal où toutes nos bonnes
un émouvant dialogue.
actions, nos paroles, nos luttes héroïques demeurées
« Maudit soit l'homme qui fait une image taillée
dans le silence et l'obscurité seront mises dans la
ou une image de fonte, abomination du Seigneur) ...
•
LE SYMBOLE DES APôTRES LA DAMNATION ÉTERNELLE
33° 33 1
et qui la place en un lieu secret )J - dirent les prêtres Mais qu'est-ce que cela en comparaison du coup de
.à haute voix. tonnerre du jugement dernier, où ce ne seront pas les
Et le peuple répondit d'une VOlX de tonnerre : prêtres juifs qui prononceront les paroles de malédiction
« Amen». et de bénédiction, mais le Fils de Dieu et où ce ne
« Maudit soit celui qui traite avec mépris son père sera pas le peuple qui répondra « amen )J, mais les anges
et sa mère ». de Dieu.
« Amen )J répondit le peuple. {( Retirez-vous de moi» - dira le Christ d'une voix
« Maudit soit celui qui déplace la borne de son terrible. Et les anges répondront d'une voix de ton-
prochain )J. nerre : « Amen )J.
« Amen »" « Maudits' )J Et les anges répondront ': « Amen ».
« Maudit soit celui qui viole le droit de l'étranger, (( Allez au feu éternel ». - « Amen ». .
de l'orphelin et de la veuve ». « Qui a été préparé pour le , diable et ses anges ».
« Amen». ' - « Amen ».
« Maudit soit celui qui mène une vie immorale ». Mais ensuite la colère disparaîtra du visage du Christ
« Amen». et avec une douceur infinie il se tournera vers les bons.
« Maudit soit celui qui tue Secrètement son prochain ». « Venez, les bénis' de mon Père » - et des millions
« Amen». et des milliards de cœurs répondront joyeusement
(1 Amen)J.
« Maudit soit celui qui se laisse corrompre )J.
« Amen » - cria le peuple. (C Prenez possession du royaume ». - 0, Amen ».
~nsuite . Moïse prit de nouveau la parole pour dire « Q,ui vous a été préparé dès le commencement du
ce qui attend ceux qui observent les lois du Seigneur. monde ». - « Amen ».
« Mais si vous écoutez la voix du Seigneur, votre
Dieu, si vous observez et gardez tous ses comman- . . Sei;ne~r, ;'e ;ro~ q~'il'y ~ u~ ~fe;, ;'ais'je ~rois ~us~'
dements, vous serez bénis à la ville et dans les champs, qu'~l y a .un c~el. Faites que je ne voie jamais l'enfer, .
vos enfants, vos terrains seront bénis... vous serez mats que Je VOte et possede éterneLLement le ciel. Amen.
bénis à l'entrée et à la sortie ... vous serez bénis par Amen.
Dieu ».
Et des monts Hébal et Garizim retentit la réponse
du peuple : « AIp.en, amen )J.
Fasse le ciel que tous ceux qui ont suivi mes sermons
avec tant d'attention puissent se convaincre un jour
personnell~ment, combien toutes mes explications sont
demeurées loin de la beauté de la vie éternelle 1
Fasse le ciel que chacun de nous ait la joie de voir TABLE DES MATIERES
un jour s'ouvrir la porte du paradis et d'entendre le
Sèigneur nous dire : « C'est bien, serviteur bon et
fidèle; parce que tu as été fidèle en peu de choses,
je t'établirai sur beaucoup; entre dans la joie de ton I. - La Communion des Saints .. ... ........ .... 5
maître» (S. Matthieu, xxv, 21)1 II. - La Rémission des péchés ..... ...... ........ 21
Fasse le ciel qu'au dernier jour nous prenions place III. - Le Sacrement de Pénitence ........ ...... . 37
à la droite du Souverain Juge et que nous puissions IV. - La bonne confession... .............. ........ 53
V. - « Et vous, pourquoi ne vous confessez-
entendre cette invitation : « Venez, les bénis de mon vous pas? » ............. . ................... 68
Père, prenez possession du royaume qui vous a été VI. - Je crois en la vie éternelle ............... 85
préparé dès le commencement du monde )) (S. Mat- VII. - Avons-nous une âme? ....................... 101
thieu, xxv, 34) 1 VIII. - La réponse de la foi ; Il Y a une vie
Et c'est ce qui arrivera. Ce qui arrivera très certaine- éternelle ....................................... 118
ment, si non seulement nous croyons à la vie éternelle, IX. - La ,rép,onse de la raison ; Il Y a une
vie eternelle ................. ...... .... ...... 133
mais aussi si nous vivons en conséquence. Si nous vivons 'X. - Que donne la foi en la vie éternelle?... 15 0
dans la conviction que cette vie n'est qu'une préparation XI. - La porte de la vie éternelle; la mort..... . 16 7
à la vie éternelle, que toutes nos actions entraînent XII. - La victoire de la mort ...................... 18 3
des conséquences, que cette vie est une « préface )) XIII. - Les leçons de la mort.. ... ................... 200
et que le livre sera tel qu'aura été la préface. Seigneur, XIV. - Les avertissements de la mort (1) ...... 21 7
XV. - Les avertissements de la mort (II) ...... 23 2
je veux vivre honnêtement, pieusement, avec une foi XVI. - Les indications de la mort ................ 24 8
entiere en Vous, afin de pouvoir être un jour éternellement XVII. - Les consolations de la mort ............... 262
heureux dans l'autre monde. XVIII. - La défaite de la' mort.. ..... ................. 280
Oh oui! Je crois en Dieu ... je crois en Jésus-Christ ... XIX. - Le purgatoire ...................... ............ 295
XX. - La damnation éternelle ..................... 31 3
ie crois à la sainte Église catholique ... je crois à la résur-
XXI. - Le bonheur p.ternel ........................... 33 2
rection de la chair et à la vze éternelle. Amen.
ImprImé en Belgique Prin,,,d III Holgium <Dl34)