Notes Sur J C Pariente-Le Langage Et L'individuel

Télécharger au format doc, pdf ou txt
Télécharger au format doc, pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 14

J C Pariente : Le Langage et l’Individuel

A. Colin, Paris, 1973

12p : il est artificiel de distinguer l’extension de la compréhension puisqu’il


entre dans la compréhension de la notion même de concept de posséder une
extension.

16p : Wittgenstein distingue les propositions vides de sens ou tautologies des


non-sens proprement dits : les premières sont dépourvues de sens parce que leur
universalité les empêche d’être l’image de quoi que soit du réel. Les secondes
visent à énoncer ce qui ne peut, pour diverses raisons, être l’objet d’une image.
Bergson bien qu’il ne la détaille pas, est sensible à cette distinction : les énoncés
qui prétendent à la validité universelle sont vides de sens parce que la
compréhension du prédicat s’exténue à mesure que croît son extension et
disparaît à la limite.

18p : Bergson (Essai) découpe l’être en deux régions, celle du spatial et celle de
la durée : il confine l’individuel uniquement dans la deuxième : tout ce qui est
individuel ressortit à la duré, tout ce qui dure est individuel. Est individuel ce
qui, par essence, diffère, ce qui manque à tout le reste et de tout le reste.

19p : l’individuel est ce qu’on ne verra jamais deux fois : or la durée est l’unique
élément dans lequel soit garantie l’impossibilité de toute répétition., sa
continuité assure l’intégralité de la transmission d’un contenu d’un moment au
moment suivant : elle engendre donc nécessairement l’hétérogénéité de deux de
ses moments successifs puisque le moment suivant « contient toujours, en sus du
précédent, le souvenir que celui-ci a laissé ».

20p : Ethymologiquement, est individu ce qui ne supporte pas la division.


L’espace constitue un principe de division indéfinie et arbitraire. Multiplicité de
fusion, la durée, au contraire, ne se prête pas à une division sans altération. La
localisation de l’individuel dans la région de la durée se manifeste alors
clairement comme responsable de son ineffabilité.

21p : si le rire jaillit à chaque fois que l’individuel se révèle imitable et se prête à
la répétition, comment éviter que l’usage d’un concept ne soit toujours comique
puisqu’il présente comme susceptible de se répéter la réalité à laquelle il est
appliqué ?

23p : si le signifiant est au signifié comme l’espace parcouru est au mouvement,


c’est que l’opération linguistique ne s’explique, ni à l’émission ni à la reception,
par sa référence à la spatialité : la pensée se déploie et s’articule dans les mots,
mais ne se résout pas en eux.

24p : l’individuel est la forme détendue de ce dont le concept est la forme


concentrée.

30p : en 1896, Bergson s’oriente vers une définition formelle de l’individualité :


celle-ci traverse maintenant la distinctions des régions de l’être pour ne plus se
déterminer que par opposition au conceptuel.

31p : Kant situe l’individuel dans un monde phénoménal, parce qu’en dehors de
l’espace et du temps, on ne peut trouver un milieu qui se prête à l’activité de
différenciation par laquelle l’individuel se laisse appréhender.

35p : l’extension d’un concept ne doit pas englober la totalité du réel sous pein
de voir disparaître sa compréhension ; elle ne doit pas non plus se réduire à un
objet unique, car alors le concept n’assurerait plus les fonctions qui sont les
siennes dans l’ordre de l’expression et de la communication : l’extension doit
être comprise entre les deux.

39p : soient un stylo à bille et un stylo à plume : il est indispensable qu’on ait à
la fois appréhendé leurs propriétés communes et leurs caractéristiques
individuelles : la première opération exige qu’on considère les deux objets
comme des échantillons sensibles du même concept et qu’à cette fin, on annule
les différences de taille, couleur, etc,. Mais cette différenciation n’est que
provisoire.

41p : on peut poser que l’individualité n’est pas une donnée de l’expérience,
mais le résultat d’un acte d’individualisation ; celui-ci se réalise à travers une
procédure linguistique qui porte sur l’objet concerné et il faut absolument que
pendant cette procédure l’objet se maintiennet dans son individualité, faute de
quoi il devient impossible d’en parler.

42p : l’enfant sauvage de l’Aveyron refuse d’appliquer le mot livre à un autre


livre : il applique à l’extrème le principe de l’individualité ; si chaque objet est
différent, c’est un non-sens que de lui appliquer la même dénomination, le
même signe, pour deux objets différents, à moins qu’ils ne se reproduisent
exactement. Il passe sitôt la récrimination faite à l’excès inverse.

43p : cela montre qu’il se montre incapable d’ajuster l’individualisation des


objets tant qu’il ne dispose pas de véritables concepts. Ses difficultés
proviennent beaucoup plus du fait que les mots comme « livre » ou « table »
fonctionnent pour lui beaucoup plus comme des noms propres : ils sont des
étiquettes. Le concept ne flotte pas de la même manière au dessus de
l’expérience ; il ne se prête pas à des opérations de dilation et de réduction que
Victor lui fait subir : le concept qui enveloppe une norme judicatoire et
classificatoire, permet de répartir les objets en deux groupes définis et
complémentaires selon qu’ils se conforment ou non aux exigences de cette
norme ; il détient les moyens d’accepter ou non qu’un objet soit compris dans
son extension.

44p : nous ne pouvons individualiser que sur la base d’un concept parce que le
concept, en déterminant les traits communs aux objets auxquels il convient,
circonscrit du même coup la nature des singularités grâce auxquelles nous
individualiserons. Les perturbations aphasiques altèrent l’appréhension des
individualités : l’impuissance à classer va de pair avec des difficultés à
individualiser. Pour l’aphasique, une simple altération de la graphie (boucle,
etc,.) suffit à la rendre totalement méconnaissable.

45p : l’homme ne peut éviter de classer : l’objectivité de cette démarche pour


l’homme normal varie d’une société à l’autre. mais précisément parce qu’elle
bénéficie du consensus d’un groupe, elle favorise largement la communication
entre les membres de ce groupe.

46p : la « transduction », c’est structurer son expérience de proche en proche,


chacun de ses moment recevant sa structuration du moment antérieur qui se
trouve assimilé à lui pour des raisons d’ordre subjectif ou pragmatique. C’est
donc à l’opposé de l’acte conceptuel.

48p : deux objets tombant sous l’extension d’un concept présentent à la fois
plusieurs propriétés communes et au moins une propriété différentielle. Pour les
différencier, il faut donc admettre que leur participation à une même forme
n’entraîne pas leur totale identité, et cette distinction ne les rend pas totalement
différents. Il y a donc corrélation entre l’attitude d’individualiser et celle de
conceptualiser.

49p : Si on admet que le jugement vrai repose sur l’inhérence du prédicat, on


doit penser qu’il est de la nature d’une substance individuelle « d’avoir une
notion si accomplie qu’elle soit suffisante à comprendre et à faire déduire tous
les prédicats du sujet à qui cette notion est attribuée » : toutes les singularités qui
constituent l’individualité doivent pouvoir faire l’objet de prédications. Le
propre du concept est de pouvoir s’appliquer à plusieurs objets et non à un seul
d’entre eux, de sorte que l’emploi d’un concept ne saurait garantir que
l’individualisation a lieu.
50p : chaque concept est un point de vue sur sous lequel on est disposé à
envisager d’un même coup plusieurs objets : c’est accepter de tenir certaines
différences pour non-pertinentes, ne serait-ce que provisoirement (suédois et
espagnols sous le concept « blanc »). La constitution d’un concept et
l’annulation des différences sur tout le domaine qui constitue son extension sont
les deux faces d’une même opération, qui conditionne le fonctionement
ultérieur du concept. Il pourra s’appliquer à tout les objets qui font partie de son
extension précisément parce qu’il n’a rien retenu de leurs différences.

51p : chaque fois que le concept annule ces caractéristiques individuelles, on


s’engage par là même à mettre en marche des procédures d’individualisation qui
pourront seules rétablir les différences annulées : elles sont le prix de la
conceptualisation. Relative à un champ conceptuel, la détermination des
individus est en même temps relative à la culture. Toutes les langues ne
possèdent ainsi pas les mêmes concepts et ne font donc pas commencer
l’individualisation au même niveau de l’expérience (quinze termes pour les
types de neige différents). Le mouvement par lequel une langue met en place les
concepts derniers dans le réseau desquels elle se propose de capter l’expérience
détermine souverainement le niveau au-dessous duquel la conceptualisation fait
place à la désignation, et ce niveau peut varier d’une culture à l’autre.

52p : au sommet on a le concept d’ « être » qui constitue la forme vide du


conceptualisable, et convient à tout ce qu’on peut dire : tout ce qui est objet du
discours et ne garantit pas la réalité effective de ce dont on parle : par rapport à
lui, toute détermination ultérieure possède une compréhension plus grande et
une extension plus restreinte.

53p : par opposition à l’ « individualisation » (contraire de l’abstraction) qui est


le passage de la classe à l’individu, on a l’ « instanciation », qui est le passage de
la classe à l’élément. Une classe renferme dans son extension un ensemble
d’objets qui par rapport à elle, sont autant d’éléments : ils possèdent tous au
même titre, une propriété ou une série de propriété. Celles qu’il possède à titre
d’individu ne sauraient être incompatibles avec celles nécessairement possédées
pour justifier l’appartenance.

54p : l’instantiation se déroule tout entière dans la sphère de l’abstraction : bien


que l’élément qu’elle considère soit différent de tous les autres élément, ce n’est
pas sur sa différence qu’il est choisi. Au contraire, toute individualisation, si elle
enveloppe un instanciation (tout individu appartient automatiquement à une
classe, ne serait-ce que celle des choses), ne saurait se réduire à elle : car cette
fois l’individu n’est pas choisi par hasard, mais guidé par la recherche de
certaines propriétés. Elle reproduit les différences qui avaient été annulées pour
pouvoir le considérer comme un élément de classe : elle représente le processus
inverse de l’abstraction, alors que l’instanciation y opère à l’intérieur.

56p : il existe entre la classe et l’individu un hiatus, une discontinuité


irreconductible au niveau de l’élément. cependant, il est indéniable que si les
concepts sont incabable d’appréhender l’individuel, le langage permet atteindre
l’individu : nous avons les moyens de désigner avec une marge d’ambiguïté
tolérable. Il faut donc qu’existe en lui des constituants non conceptuels, ou
opérateurs susceptibles de pallier les déficiences des concepts.

57p : la fonction de l’article dans la langue est de limiter l’extension à une unité
et assurer ainsi le passage d’une classe à un individu. Il se trouve individualisé
comme le seul être à qui convient le prédicat. L’article indéfini est un opérateur
d’instanciation et l’article indéfini est un opérateur d’individualisation.

58p : les indicateurs et les noms propres d’un côté, les descriptions de l’autre
constituent les trois voies permettant de passer du niveau des classe et des
concept à celui de l’individualisation. l’article défini n’opère pas
l’individualisation par lui-mêmemais en se liant au prédicat tandis que les
indicateurs comme « ceci, ici, maintenant », ou les noms propres individualisent
indirectement mais par eux-mêmes.

59p : la distinction entre termes généraux et termes singuliers est liée à la


référence. Il y a trois groupes de termes censés n’avoir qu’un seul et unique
référent. Les descriptions définies, les noms propres et les indicateurs déictiques.
D’un point de vue logique, les termes singuliers sont ceux susceptibles d’être
remplacés par des variables (« x ») sans violence à la grammaire. (impossible
pour « un article que j’ai lu hier »).

62p : un langage dépourvu de termes singulier réussit à appréhender l’individuel


en manipulant adroitement les variables et les quantificateurs ; on n’a
théoriquement pas besoin de termes singuliers : toutes les propositions, y
compris les singulières, peuvent être réduites soient aux universelles, soient aux
existentielles. L’emploi des noms propres fait souvent obstacle à l’exigence de
valeur de vérité car il arrive que le nom propre s’applique à un objet inexistant :
on hésite alors à déterminer la valeur de vérité, le nom propre semblant
impliquer une existence que l’on sait intangible.

63p : le nom propre s’accorde en quelque sorte à lui-même une référence, c’est
pourquoi il perturbe le fonctionement du langage sitôt qu’il ne possède plus de
référence. Quand le logicien le paraphrase et l’élimine, il reprend le contrôle du
langage car il explicite les présupposés qui restaient à l’état latent avec
l’usage des noms propres. Il constate que la proposition ou figurait ce dernier
ne peut être vraie que s’il existe au moins un et au plus un objet auquel
convienne le prédicat.

64p : le fait qu’un individu porte un nom propre est un prédicat vrai de cet
individu. L’individu résulte de l’assignation à une variable : « être, c’est être une
valeur d’une variable ».

67p : les déictiques assurent la présence de l’homme dans la langue (Benven) en


attestant que le langage est parlé par quelqu’un. Les noms propres assurent une
fonction parallèle, mais du côté de l’objet de discours et non plus de son sujet.
Nommer, c’est en effet récuser la procédure du logicien qui ne veut voir en
l’objet qu’une détermination par une variable anonyme (« x »). En disant
Socrate, nous dissocions d’emblée du statut de variable qui rapproche de Racine,
Bismarck, car elle constitue un pôle de référence autour duquel s’organisent
notre discours et notre univers.

68p : L’expression à variable « le X qui socratise » et « Socrate » sont


interchangeables du point de vue sémantique mais la première expression le
traite comme un échantillon d’une espèce qui en comprend d’autres, tandis que
le nom propre érige sa singularité en donnée primitive. Les indicateurs centre le
discours sur son émetteur, les noms propres le centrent sur leur objet et son
récepteur. Le nom propre est un individualisateur permanent. La description
relative rapporte l’individualité de l’objet à un autre objet, lui-même
individualisé par un indicateur, un nom propre ou une autre description : le nom
propre au contraire, ne met en cause que l’objet auquel il revient en se bornant à
poser sa propre singularité.

69p : outre qu’il pose sa différence, il ne prend pas le risque de spécifier en quoi
elle consiste. La désignation par indicateurs ne convient à personne à titre
permanent, mais seulement en tant que son objet est évoqué dans un acte de
parole effectif : d’un emploi à un autre, elle peut ainsi servir pour désigner deux
individus différents.

72p : même si le contexte est réduit au minimum, de « c’est Pierre », l’auditeur


est toujours en mesure de tirer du contexte des prédicats applicables à l’objet
dénommé : l’homme que l’on me montre. Si lémetteur avait désigné un avion de
tourisme, on en aurait inféré que Pierre savait piloter.

73p : les noms propres ne sont pas dépourvus de sens : le rapport nom propre-
nom commun n’est pas celui de la dénomination-signification : ils sont plus
proches que cela.
74p : si Russel a eu tort de rapprocher nom propre et démonstratif, c’est à la fois
parce que le dernier comporte encore un élément de prédication, contrairement
au nom propre et parce que le démonstratif relève de la pure désignation tandis
que le nom propre demeure toujours du côté de la classification.

75p : le nom propre est utilisé pour désigner par ses sonorités distinctives et non
par ses qualités de classification. L’ignorance de la signification du prénom
étranger n’empêche pas de l’utiliser efficacement : il n’y aurait
vraisemblablement pas de toponymie si on passait par le signifié des noms de
lieux. Mais que le nom propre soit reconnaissable par la sensibilité n’empêche
pas qu’il entretienne quelques rapports avec l’entendement.

76p : quand un nom propre est constitué de termes généraux, il n’attribue pas
(« bison fumeux ») à son porteur les propriétés que lui attribueraient ces termes
généraux , mais seulement la propriété d’être membre unique d’une classe
formée par une expression où on fait mention de ces termes généraux, au lieu
d’en faire usage. Ils n’ont aucun usage classificatoire dans ce cas précis. Et
même s’il y a un code, il est alternatif, -indexé aux normes inhérentes au
contexte d’emploi- et son ignorance n’est pas rédihbitoire comme le serait
l’ignorance du sens « table ».

79p : on est donc conduit à accorder au signifiant en tant que tel une part
essentielle dans le fonctionnement du nom propre comme opérateur
d’individualisation. Même si dans certains emplois, ce signifiant est associé à un
signifié, cette association petrmet au plus d’expliquer les les raisons de
l’assignation, mais pas son mode d’action.

81p : deux noms propres singularisent d’emblée deux individus, sans attendre
l’inventaire des caractéristiques particulières de chacun d’eux. Le nom propre
est la forme (quasi-) vide de la différence. Le nom propre n’est pas un prédicat
comme les autres, puisqu’il est compatible avec (presque) n’importe quel
prédicat. Il est un symbole qui offre une très grande improbabilité a priori :
quelque soit l’étendue des renseignement possédés sur un homme, ils ne
permettent pas de prévoir quel sera sont nom : il faudrait qu’il y ait des règles
d’assignation, mais dans ce cas, les noms propres perdraient leur efficacité
comme opérateurs d’individualisation ; du fait de cette improbabilité a priori, il
apporte une grande quantité d’information. l’information apportée par un
élément du code et son sens varient l’une en fonction de l’autre de façon
inverse : les noms propres sont parmi les éléments les moins signifiants puisque
presque totalement imprévisibles.

83p : c’est cette quasi-insignifiance qui lui confère cette souplesse. Elle est
essentielle à son fonctionement, soit, dans le langage ordinaire, établir une
correspondance bi-univoque entre un individu et une suite de phonèmes. Si les
signifiés véhiculés par le langage ordinaire sont a priori impropres à la
désignation, on peut utiliser à cette fin, s’il le faut, leur signifiant en ne retenant
qu’eux (même s’il s’agit de signifiants de concepts ou de vérité générale). Hors
contexte, il ne saurait être considéré comme un élément de la connaissance de
l’individu, mais au mieux, de reconnaissance.

86p : les démonstratifs peuvent soit être employés comme indicateurs ou comme
représentants

101p : notre présent est le passé de celui qui nous répond. L’individualisation
qui se fait dans le langage se fait donc sur la base d’éléments non-conceptuels.

109p : entre un énoncé qui contient au moins un indicateur et un énoncé qui n’en
contient aucun,, il y a une profonde différence qu’on rapportera à celle du
synthétique et de l’analytique. Tout pour les indicateurs, l’attribution d’un nom
propre est compatible avec n’importe quel prédicat, étant donné sa quasi-
insignifiance. Comme pour les indicateurs, on paie la souplesse au prix du sens

110p : c’est justement l’avantage des indicateurs que de permettre de pallier la


méconnaissance d’un nom propre : il ne resterait alors qu’une seule
solution :accumuler tous les prédicats qui conviennent à ce dont on parle, en
attendant que leur conjonction complète assure la détermination complète de
l’individualité. La présence d’indicateurs conditionne donc la possibilité
d’élargissement du savoir empirique : ils autorise en effet la désignation sans
ambiguïté des objets avant d’être en mesure d’apprendre quoi que ce soit sur
eux, et à prendre connaissance d’une seule de ses propriétés, isolées de toutes les
autres : ils répondent exactement aux besoins d’un être que dépasse la
complexité de l’univers dont il fait partie.

111p : la notion d’individu admet dans son extension les objets au delà desquels
le discernement devient impossible : l’individualité est la discernabilité ultime.
Quand on examine les modalités de l’appréhension linguistique de l’individu, on
est conduit à identifier l’individualité avec l’extra-conceptualité puisque ni les
indicateurs ni les noms propres ne relève de la prédication.la position la plus
courante est donc d’admettre que la discernabilité ultime ne fait qu’un avec
l’extra-conceptualité.

113p : le vocabulaire technique des éleveurs de chevaux est aussi complet que
celui des gauchos : simplement des distinctions qui appartiennent chez un
peuple à la langue courante, ne se retrouvent, chez tel autre qu’au niveau de la
sous-langue technique.
114p : la dénivellation est l’opération servant à extraire un objet de sa classe ;
elle peut s’opérer de deux façons :ou bien on rapporte l’objet à individualiser à
au message même dans lequel on a besoin de parler de lui : un instant qu’on
dissocie des autres en le désignant comme celui où est émis le message, un
homme qu’on singularise en le désignant comme celui à qui s’adresse le
message ; ou bien on a recours à un nom propre afin de réaliser
l’individualisation en s’appuyant sur l’association de tel objet à telle séquence
de phonèmes. On a recours dans le premier cas à une opération individuelle,
dans le second, à une convention sociale.

115p : « ici » ne désigne l’endroit d’où je parle qu’en l’opposant d’un coup à
tous les ailleurs, de même pour « aujourd’hui » on opère une dissociation.

116p : la description apporte un élément de connaissance relatif à l’objet


désigné : « le mois des vendanges » se prête à l’analyse tandis qu’ « octobre »
fonctionne par convention. Les descriptions relatives (définies ou indéfinies)
individualisent leur objet en déterminant un concept à l’aide d’opérateurs « le
(un) député que j’ai rencontré » ; les descriptions absolues y parviennent
uniquement par une combinaison de concepts « le mois des vendanges ».

118p : **si les philosophes depuis le 17ème ont reproché aux mots de nous
éloigner des choses, c’est parce que le langage nous permet de composer des
significations sans retourner aux expériences desquelles nous les avons
éventuellement dégagées. « ici ce n’est plus la Seine » peut se voir rétorquer que
la limite est plus lointaine, mais jamais que l’on n’est pas « ici » :
l’individualisation par indicateur est incontestable.

119p : l’énoncé d’une description contient parce qu’il combine des concepts, des
éléments permettant de savoir si elle individualise ou non, si elle est vraiment la
description définie qu’elle prétend être : une description porte en elle-même, à la
différence des opérateurs, les éléments de la critique qu’il peut y avoir lieu de
faire de sa capacité d’individualiser un objet. La description relève bien de
l’ordre de la prédication. Il faut donc se emander comment un élément de
prédication peut réussir à individualiser.

120p : la description assure qu’un seul objet est le seul à présenter un certain
prédicat. Elle signifie qu’aucun autre objet ne saurait être membre de la classe
associée à ce prédicat. D’un côté, l’objet décrit n’est pas individualisé en ce
qu’il est simplement porteur d’un prédicat quelconque « inventeur de
l’imprimerie », mais en ce qu’il est présenté comme en étant le seul porteur : il
possède l’exclusivité de l’appartenance à une classe donnée, même si l’objet
n’est pas individualisé comme le possesseur exclusif d’un prédicat en général.
La classe reçoit la puuissance d’individualiser car l’objet de la description n’est
pas un membre, mais le membre. La description définie peut transmettre la
singularité car l’élément est le seul membre : l’appartenance à une classe
comprenant plusiers membres les unifie au contraire sous le concept fédérateur.
La différence avec le fonctionnement des opérateurs est que dans ce cas, la
singularité par rapport à laquelle se réalise l’individualisation ne relève pas de la
prédication.

121p : quand je dis « cette rivière » la présence de l’opérateur est liée à,la
pluralité des membres de cette classe [elle la présupose même], dont j’isole un
membre en l’affectant d’une particularité, en l’espèce, en le repérant par une
monstration effective. Du « mois des vendanges » ou de « l’inventeur de
l’imprimerie », j’affirme qu’une certaine classe ne contient qu’un seul élément.
Pour individualiser au sein d’une classe, il faut ajouter des déterminations à
celles que reçoit l’objet du fait de son appartenance. Ces déterminations
supplémentaires peuvent être ou non de nature prédicative « cette X » contre « la
X la plus longue du monde »

123p : du fait qu’il est décrit, un objet est individualisé en tant que lui est
transmise l’individualité de la classe dont il est l’unique élément. Gutenberg est
individualisé soit par rapport aux autres inventeurs, soit par rapport aux
personnes ayant un rapport autre que celui de l’invention avec l’imprimerie.

124p : l’objet d’une description se trouve individualisable sur une multitude de


niveaux (« de tous les inventeurs, ... ; le plus travailleur.. ») qui correspondent
chacune à l’une des classes d’inclusion (relation transitive) de la classe dont il
est l’unique élément.

125p : la capitale de la France peut ainsi être opposée aux autres villes de
France, aux autres capitales, aux autres capitales européenne, ou des pays
industrialisés. Par l’intermédiaire du champ d’individualisation virtuelle, l’objet
d’une description est mis en relation non pas avec la classe unité qui apparaît
dans la description mais avec une de ses classes d’inclusion.

126p : la thèse d’unicité se rapporte à la classe qui est présente dans la


description, et la thèse d’individualité, à toute classe incluant la première. En
tant que membre unique de la classe donnée dans la description, l’objet n’a pas à
être individualisé : mais dans la classe d’inclusion, il perd son unicité et il peut y
être individualisé : c’est justement la propriété qui lui est reconnue que d’être le
seul élément d’une sous-classe déterminée de cette classe d’inclusion.

128p : en tant qu’il est un mois, octobre est reproductible ; en tant qu’il est le
mois des vendanges, il ne souffre pas la reproduction. La dénivellation
descriptive garantit bien l’irreproductibilité de l’objet : elle en garantit donc
également l’indivisibilité.

129p : un objet qui tient son individualité d’une description ne saurait être
décomposé sans altération, puisque toute décomposition résout la classe où il
possède son unicité en ses classes d’inclusion dans lesquelles cette unicité cesse
d’être garantie. Que la division-décomposition soit matérielle ou conceptuelle,
toute division d’un objet de description en altère la nature singulière.

130p : la description est le seul mode d’invidualisation qui dépasse la simple


opposition, qui réussise à la fois à différencier et à justifier la différenciation. La
description repérant son objet dans l’univers des concepts, il est plausible qu’elle
sera moins partielle quand son objet appartiendra à cet univers, plus partielle
quand il ne lui appartiendra pas.

136p : les opérateurs avèrent immédiatement l’ineffabilité de l’individu qu’ils


servent à désigner : le propre des opérateurs, indicateurs ou noms propres, c’est
de pousser la dénivellation jusqu’à l’extra-territorialité : du même mouvement,
ils constituent un objet en individualité et ils en avèrent l’ineffabilité puisqu’ils
l’extraient du champ des concepts en l’affectant d’une singularité qui n’est pas
de nature prédicative.

137p : « l’inventeur de l’imprimerie » ne se rapporte pas par elle-même à


Gutenberg, citoyen de Mayence, vivant au 15ème siècle, orfèvre de son métier ;
elle convient seulement à l’objet x pour lequel se vérifie cette fonction
propositionnelle : ce n’est donc pas Gutenberg mais notre objet X qui est
individualisé. En parlant de l’inventeur de l’imprimerie, la description excite
notre curiosité sans la satisfaire puisqu’elle indique que l’objet sur leque elle
porte présente une infinité de prédicats sur la nature exacte desquels elle se tait.
La thèse de l’ineffabilité de l’individuel trouve sa racine dans ce processus
d’indication par lequel la description invite à chercher autre chose que que ce
qu’elle donne, par lequel elle se met à annoncer au lieu d’énoncer.

140p : ce n’est pas la naissance de Caïn qui fait entrer Adam dans la relation de
paternité, c’est dans la notion même d’Adam que figure à titre de prédicat cette
relation, dont la naissance de Caïn représente seulement l’actualisation. il y a
donc un lien étroit entre la théorie de la notion complète et le principe des
relations internes.

155p : la constitution de l’invariant se fait, dans le cas du langage ordinaire, de


façon contingente : le point de vue par rapport auquel elle a lieu est susceptible
de varier d’un concept à un autre : « masure répond à un classement qui tient
compte de l’état de la construction tandis que « cabane » tient compte du
matériau de construction. Dans le langage scientifique, l’invariant résulte d’un
processus méthodique.

156p : le concept courant ne fournit qu’un moyen de repérage car au dernier


moment, au moment de rejoindre l’individu, il oblige le locuteur à recourir à un
élément qui n’est plus de nature conceptuelle.

159p : pour qu’il y ait connaissance, l’essentiel n’est pas qu’il y ait mesure, mais
que soit découvert l’angle sous lequel on doit observer un phénomène pour le
percevoir comme variable.

176p : le langage des sciences humaines comporte des concepts et des


opérateurs (climat) : mais comme dans tout langage visant à la connaissance, les
opérateurs y sont également des concepts puisqu’ils correspondent aux variables
efficaces du concept : c’est cela même qui permet le passage du repérage à la
connaissance de l’individuel. les opérateurs du langage ordinaires ne sont pas
conceptuels : il permettent de saisir mais non de connaître l’individuel, qui au
moment d’être appréhendé par le langage tombe sous la prise d’un élément non-
conceptuel.

177p : toute production langagière, en tant qu’objet de discours occupe un


position déterminée dans l’univers des concepts. Elle est de plus
automatiquement localisable dans le temps sinon dans l’espace ; c’est pourquoi
l’assignation de l’individualité ne se confond pas, dans le langage ordinaire avec
la connaissance de l’individualité. Dans un langage de connaissance,
l’assignation de l’individualité serait en même temps genèse théorique. Dire
qu’un objet occupe une position singulière équivaut à dire pourquoi il l’occupe.

186p : il est réducteur d’assigner aux rêve la seule expression du désir (crainte,
présentiment, souvenirs, etc,.) ; de même la sexualité n’est pas nécessairement le
terminus symbolique : elle peut être, comme tout le reste, une médiation, une
métaphore.

219p : connaître l’individu, c’est tantôt construire un schéma intelligible qui


rende compte de ses singularités, tantôt le traiter comme un élément d’une classe
ou d’un ensemble de classes valables pour tout individu. Dans le premier cas on
peut parler de connaissance par modèle et dans le second, de connaissance par
système. Le premier ne s’applique qu’à un seul cas tandis que le second est
d’application en principe universelle.

220p : connaître, c’est toujours classer : mais quand on a recours à un système,


on classe l’objet dans une classe constituée indépendamment de lui, et conçue
comme valable pour tout objet comparable. Seuls ses caractères communs avec
les autres éléments de la classe ressortent –on exprime un objet en fonction de ce
qui n’est pas son unicité-. Quand on emploie la méthode du modèle, la classe est
constituée pour l’objet, sur la base même que fournissent ses singularités. Cela
permet donc d’appréhender l’objet dans son individualité même et d’ériger
celle-ci en objet de connaissance. Un individu et non plus un élément.

222p : pour construire le concept de l’individu on fait de la différence une


propriété commune, de l’individualité une propriété générale.

226p : la connaissance implique une distance entre le sujet et l’objet qui ne


saurait être définie comme une coïncidence.

229p : tout individu, même le plus simple est toujours porteur de plusieurs
prédicats qu’il doit au moins aux relations qu’il entretient avec les autres, dans
un monde où il n’est pas isolé. Les propriétés se présentent toujours isolées les
unes des autres, et la première difficulté, si on veut comme un individu, c’est de
reconstituer son unité, de la reconquérir sur la division apparente : cela n’est
possible qu’à condition de découvrir la propriété fondamentale, celle d’où on
pourra, compte tenu des diverses situations dans lesquelles se présente l’objet
étudié, dériver toutes les autres.

LA LEGENDE DES FILS DE NUMA

235p : l’opération de connaissance vise à l’annulation de la singularité de l’objet


pour découvrir en quoi cet objet n’est qu’un élément d’une classe connue par
avance.

237p : dans la mesure où le nom propre, à présent épistémique est devenu


l’abréviation d’une description, il ne garantit plus l’unicité de l’objet auquel on
l’applique que dans l’univers conceptuel au sein duquel cette description a un
sens : il ne la garantit plus dans l’univers empirique comme le faisait le nom
propre dont il a usurpé le signifiant. L’une des démarches inaugurale de la
connaissance consiste à sélectionner les variables efficaces en appliquant un
principe de pertinence. Pour que la connaissance accepte cette prise en charge, il
faudrait que toutes les singularités de l’objet fussent pertinentes en regard du
problème posé.

240p : si le nom propre ordinaire avait pour fonction de véhiculer une


information de nature prédicative sur son porteur, il ne pourrait jamais désigner
un individu déterminé puisqu’il devrait, pour y réussir, rassembler un nombre
infini d’informations. il ne peut désigner que parce qu’il se propose moins
d’énoncer les différences caractéristiques de son porteur que d’en affirmer
l’existence : c’est pourquoi son fonctionement repose sur son signifiant. Le
langage de la connaissance ne saurait se satisfaire de ce dernier, qui exclut la
possibilité d’appréhender par concepts une individualité en tant que telle. Le
nom propre épistémique, au contraire offre cette possibilité, mais uniquement
pour une individualité épistémique, c'est-à-dire constituée de traits choisis dans
l’ensemble de ceux qui sont retenu comme pertinents dans un secteur donné de
la connaissance et dans cet ensemble seulement.

241p : un tel nom propre possède donc un signifié conceptuel : l’abrégé de


description définie qui peut être donnée dans un secteur particulier ; si elle fait à
ce niveau l’objet d’une détermination conceptuelle, c’est que le partage des traits
constitutifs de l’individualité étudiée en « pertinents-non-pertinents » du point
de vue de la connaissance abolit l’infinitude de l’expérience et permet d’épuiser
la description d’unn objet.

242p : Ce nom propre ne possède donc pas le même statut ontologique que le
nom propre ordinaire : celui-ci s’applique à l’espace et au temps et présente un
nombre indéfini de traits distinctifs : seule cette dernière mérite le qualificatif
d’individuel, tandis que la première apparaît comme une classe.aucune
individualité épistémique ne tient compte à elle seule de la totalité des traits qui
constituent une individualité empirique

247p : on voit mal comment la connaissance qui prend pour objet l’homme
pourrait se passer sous un angle ou sous un autre de le rapporter au temps. Il y a
une psychologie génétique, une linguistique diachronique, une psychanalyse qui
étudient elles aussi les comportements dans l’évolution.

272p : on a des « archi-mythes », ossatures donnant lieu à diverses


interprétations (dramatiques, didactiques) c’est la valeur de classe inhérente à
son fonctionnement et qui pourra s’incarner dans différentes individualités.

284p : la description individualise son objet, mais en même temps, annonce un


objet associé sur lequel elle ne dit rien : le contraste entre le nombre toujours
limité des traits énoncés et le nombre incomparablement plus grand de ceux qui
ne le sont pas favorise la croyance à l’ineffabilité de l’individuel : il faut donc
que l’interlocuteur ait la préscience d’une incomplétude

Vous aimerez peut-être aussi