Projet Khelladi
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Notre problématique s’inscrit dans un contexte global marqué par une finance et un
marché financier ayant expérimenté de profondes mutations engendrant de lourdes
conséquences. En effet, le fonctionnement du marché financier a connu de grands
changements depuis ces 25 dernières années (Léger, 2008), des changements
provoqués par les transformations des économies du monde depuis les années 1970.
Ainsi, la diminution du rôle des états au profit des marchés ; l’accroissement des
transactions économiques entre les pays ; et l’explosion des transactions financières, ont
contribué à la montée de la mondialisation, de la globalisation financière, et de la
financiarisation (Epstein, 2005).
Loin de vouloir trancher dans un débat idéologique sur les maux du capitalisme, dont le
néolibéralisme constitue sa transformation transgénique, notre recherche s’intéresse
essentiellement sur l’impact de la financiarisation sur les agents économiques, plus
précisément sur les changements du comportement financier des ménages, en matière
d’épargne et d’investissement.
Ces 15 dernières années ont été marquées par une épargne globale abondante nourrie
notamment par l’épargne retraite. Cependant, le monde vit une carence de
l’investissement, reflétant l’incapacité de l’économie globalisée à orienter la réserve
mondiale d’épargne vers « […] des investissements de long terme financièrement et
socialement rentables. » (Glachant et alii, 2010, p. 12). Le déséquilibre entre l’épargne et
l’investissement s’explique, entre autres, par la financiarisation, qui en alimentant les
bulles spéculatives et l’endettement public financé par des titres réputés - à une certaine
époque - pas risqués, favorise une épargne financière oisive et improductive (Glachant et
alii, 2010). Par ailleurs, et bien que les marchés financiers soient globalisés, des études
théoriques et empiriques ont montré l’existence d’une réelle concurrence pour attirer
l’épargne mondiale (Glachant et alii, 2010). En effet, une part grandissante de l’épargne
domestique des pays industrialisés est affectée à l’achat de titres financiers étrangers
(Namur, 2010), tandis que l’essentiel des capacités de financement des investissements
se concentrent au niveau des pays émergeants (Fédération Française des Sociétés
d’Assurances, 2012). Néanmoins, les pays émergeants sont appelés à réorienter leur
épargne pour financer leur propre croissance et leur protection sociale, tarissant ainsi
une des importantes sources de financement de la croissance des pays développés.
Quant aux pays développés, ils sont appelés à remobiliser et à accroître l’épargne des
ménages à long terme, afin d’une part, de développer les investissements productifs,
source de croissance et de création d’emplois, et d’autre part, de répondre aux besoins
des ménages en matière de financement de projets à long terme, et de gestion de leur
cycle de vie qui s’allonge de plus en plus (Fédération Française des Sociétés
d’Assurances, 2012). Un autre facteur pouvant fortement impacter la concurrence
autour de l’épargne mondiale est celui du biais domestique. En effet, la fortification de la
globalisation financière a favorisé la diversification géographique des portefeuilles. Par
ailleurs, il est question, surtout actuellement, pour de nombreux pays développés, de la
nécessité de préserver l’appareil de production nationale, notamment en réduisant son
exposition par rapport à des financements étrangers. Aussi, l’intérêt de construire une
capacité d’investissement domestique plus orientée vers les entreprises nationales,
serait un autre élément déterminant de la concurrence en matière d’épargne et
d’investissement (Fédération Française des Sociétés d’Assurances, 2012).
Ainsi, le comportement financier des ménages dans le monde change et les ménages
français n’ont pas été épargnes. En effet, l’épargne financière des ménages français a
crû, en moyenne, de 7,2% par an entre 1995 et 2001 (Bourdin, 2003). Cette épargne est
passée de 61 milliards d’euros en 2008, à plus de 88 milliards d’euros en 2009 (Glachant
et alii, 2010), une évolution qui s’explique par la tendance plus au moins haussière des
marchés boursiers durant cette période et ce malgré la bulle Internet (du moindre
jusqu’à la fin 2007 avec la survenance de la crise des subprimes), et par l’effort constant
des ménages en matière d’épargne (Censi, 2008). Cette évolution traduit aussi le recours
grandissant des ménages français aux placements en fonds de pension et en assurance-
vie (Censi, 2008).
Aussi, les années 1990 marquent la hausse de la participation des ménages sur le
marché des actions en Europe et aux Etats-Unis (Guiso, Haliassos et Jappelli, 2001). En
effet, plus de 27% des ménages européens en moyenne (France, Allemagne, Italie, Pays-
Bas, Royaume-Uni), détenaient des actions (contre près de 50% des ménages
américains), et plus de 17% en direct (Guiso, Haliassos et Jappelli, 2001). Cet élan des
ménages européens envers le marché des actions a été boosté par la vague des
privatisations vécue par le continent, et les divers compagnes d’information lancées par
les gouvernements, ayant permis aux ménages de mieux connaitre le produit action et
ses particularités en matière de risque et la rentabilité (Guiso, Haliassos et Jappelli,
2001).
La détention d’actions des ménages français est souvent considérée comme faible, en
comparaison avec d’autres pays. Cette faiblesse est généralement expliquée par (i) une
forte aversion au risque des ménages français par rapport aux autres ménages ; (ii) un
système de retraite qui, d’une part, ne motive pas les ménages français à épargner dès le
jeune âge, et d’autre part, entrave la diversification des supports en matière de
capitalisation ; et par (iii) une fiscalité contraignante (Garnier, 2002). Par ailleurs, cette
faiblesse peut aussi s’expliquer par les mutations du système financier français, reflétées
notamment à travers l’évolution qu’a connu la structure actionnariale des entreprises en
France (Morin et Rigamonti, 2002). En effet, même si la vague de privatisations est
survenue en 1986, ce n’est qu’à partir de 1996 que le modèle de cœur financier cède sa
place au modèle de marché financier, ayant modifié la structure actionnariale, donnant
naissance à un capitalisme patrimonial (c.-à-d. existence d’un actionnaire de référence),
et un capitalisme de marché financier (c.-à-d. Existence d’un actionnariat dispersé).
1
« Livre blanc pour la promotion de l’actionnariat individuel et salarié en sortie de crise » (2009).
Boolell-Gunesh, 2008). D’ailleurs, ces données permettent aux entreprises de déployer
divers outils, permettant d’assurer une communication de proximité en direction des
actionnaires (Léger, 2010), et de développer la gestion de la relation actionnariale
(Lemoine et Onnée, 2001). Cependant, ces outils soufrant de l’absence de sous-
bassement conceptuels, ayant été essentiellement calqués sur ceux communément
utilisée par le marketing, assimilant ainsi l’actionnaire un client (Lemoine et Onnée,
2001). Par ailleurs, ces outils ne permettent pas d’une part, d’obtenir des informations
sur l’investisseur individuel français car n’étant encore qu’un prospect, et d’autre part
d’analyser son comportement décisionnel en matière d’investissement financier en
général. Plus encore, ces outils n’aident pas à mieux comprendre le comportement
d’achat de l’investisseur individuel français et qu’est-ce qui détermine sa décision
d’acheter des actions.
Le processus décisionnel d’un investisseur a été, plus récemment analysé à travers une
approche descriptive. Pour cette approche, qualifiée aussi d’approche psychologique, les
modèles suggérés par l’approche normative ne considèrent pas les comportements réels
des individus et de leurs environnements, perdant ainsi de leur pouvoir prédictif et
appelant à être révisés (Moureau et Rivaud-Danset, 2004). Aussi, l’approche descriptive
a cherché à décrire comment les individus, considérés plus comme des homo sapiens
que des homo œconomicus (Thaler, 2000), prennent réellement des décisions en
situation de risque et d’incertitude. Appliquée à la finance, cette approche suggère une
orientation des choix d’investissements des individus selon des comportements
constatés. L’étude et la prise en compte de ces comportements constituent l’apport
essentiel de la finance comportementale, dont la pierre angulaire est la théorie des
perspectives et la théorie des perspectives cumulatives, développées par Kahneman et
Tversky (1979) et Tversky et Kahneman (1986, 1992). Cette dernière a été enrichie par
divers travaux ayant mis en évidence l’existence des heuristiques (Tversky et
Kahneman, 1974) ; et des biais comportementaux des individus en général, qu’ils soient
cognitifs (Tversky et Kahneman, 1981 ; Thaler, 1985, 2008), ou émotionnels (Langer,
1975 ; Miller, 1976 ; Lichtenstein, Fischhoff et Phillips, 1982 ; Peterson et Pitz, 1988 ;
Griffin et Tversky, 1992 ; Nickerson, 1998 ; Rabin et Thaler, 2001).
Décider d’acheter un titre financier, c’est renoncer à une consommation présente pour
une consommation future au demeurant incertaine. Aussi, cette décision nécessite de
choisir un titre. Pour la finance standard - adepte de l’approche normative en matière de
décision en situation de risque - le choix suit un processus calculatoire comportant trois
étapes clés, à savoir : (i) estimer la juste valeur du titre financier, en considérant la
rentabilité exigée ou espérée qui varie selon le risque encouru ; (ii) comparer cette
valeur fondamentale avec la valeur de marché déterminée par le marché financier
réputé efficient ; et (iii) s’assurer que le titre choisi vienne améliorer la diversification du
portefeuille de titres. Ainsi, l’investisseur rationnel maximisateur, choisi son action en
estimant sa valeur intrinsèque, calculée suivant le modèle d’actualisation des
dividendes. Ce modèle utilise un taux de rentabilité espérée, calculé à travers le MEDAF
(Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers), issu des travaux de Sharpe (1964), Lintner
(1965) et Mossin (1966). Enfin, cet investisseur compare la valeur intrinsèque de
l’action avec sa valeur de marché (c.-à-d. le prix de l’action sur le marché), marché
réputé d’ailleurs efficient, ou les prix reflètent pleinement les informations disponibles
sur le marché (Fama, 1970, 1991). Ainsi, si la valeur intrinsèque est supérieure à la
valeur de marché, l’action est réputée sous-évaluée, justifiant la décision l’investisseur
de l’acheter. Nonobstant que le choix de l’investisseur, réputé riscophobe, doit se faire
dans une perspective de construction d’un portefeuille diversifié à la Markowitz (1952,
1991), permettant de maîtriser le risque intrinsèque à l’action. Pour la finance
comportementale, le choix d’un titre financier suit un processus comportemental, ou la
valeur du choix et ses composantes (gains et pertes), est déterminée par des facteurs
psychologiques et cognitifs, en prenant en compte des caractéristiques et des
préférences utilitaires et non utilitaires. Aussi, la finance comportementale suggère que
l’investisseur individuel (i) utilise divers critères et confère de multiples attributs aux
actions (Nagy et Obenberger, 1994 ; Clark-Murphy et Soutar, 2004) ; (ii) accorde autant
d’attention aux caractéristiques expressives qu’utilitaires des produits et services
d’investissement (Statman, 2004) ; (iii) repose beaucoup sur ses goûts et préférences
(Fama et French, 2007) ; et (iv) est sensible aux marques (Schoenbachler et al., 2004 ;
Frieder et Subrahmanyam, 2005). Aussi, l’investisseur individuel : (i) n’a pas de
préférences biens définies (Benartzi et Thaler, 2001) ; (ii) a des préférences autres que
le risque et le rendement espéré (Fisher et Statman, 1997) ; et (iii) investi pour
différentes raisons afin de satisfaire des besoins variés (Hoffmann, 2007). Enfin, des
biais cognitifs influencent la manière dont l’investisseur individuel conduit ses
transactions et sa diversification (De Bondt, 1998 ; Odean, 1998, 1999 ; Benartzi et
Thaler, 2001 ; Barber et Odean, 2000, 2002a, 2008).
Introduction
Partie théorique
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Partie empirique
Chapitre 4
Chapitre 6
Nous présentons, dans ce chapitre, le résultat de l’analyse de notre modèle et des tests
des hypothèses.
Conclusion
Nous discuterons des résultats de notre recherche, en spécifiant ses apports, limites,
ainsi que les voies futures de recherche.
Page 3 : Calendrier de la thèse en précisant clairement les échéances