Sparte
Sparte
Sparte
même auteur
Athènes devant la défaite de 404
Histoire d’une crise idéologique
Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome 225
De Boccard, 1976
La Femme dans les sociétés antiques
Université de Strasbourg, 1983 (épuisé)
Le Système palatial en Orient, en Grèce et à Rome
Travaux du CRPOGA 9, De Boccard, 1987
e
La Grèce au V siècle de Clisthène à Socrate
Seuil, coll. « Points Histoire »
« Nouvelle histoire de l’Antiquité 2 », 1995 réimpr. 2002
La Codification des lois dans l’Antiquité
Travaux du CRPOGA 16
De Boccard, 2000
ISBN 978-2-02-123661-3
www.seuil.com
Du même auteur
Copyright
Avant-propos
1 - Naissance de Sparte
1. La formation de l’État lacédémonien
2 - L’organisation sociale
1. Les Spartiates
Conclusion générale
2. Les Hilotes
3. Les Périèques
4. Catégories marginales
3 - Le système politique
1. Les rois
2. Les éphores
3. La gérousie
4. L’assemblée
Conclusion
Annexes
Chronologie sommaire
Cartes
Orientation bibliographique
Principales sources antiques
Ouvrages généraux
Index
Index des hommes et des dieux
Naissance de Sparte
1. La formation de l’État lacédémonien
LE CADRE GÉOGRAPHIQUE
Les Spartiates ont réussi, dès le VIe siècle, à s’étendre sur près de 8 500
kilomètres carrés 1, soit plus de trois fois la superficie de l’État athénien, déjà
exceptionnelle pour une cité grecque. L’État ainsi constitué correspond plus à
un ethnos 2, voire à deux ethnè qu’à une cité normale, d’autant plus qu’on y
distingue deux régions principales, séparées par une haute chaîne de
montagnes.
La Laconie proprement dite est limitée à l’ouest par le Taygète, qui s’étend
sur 110 kilomètres depuis l’Arcadie jusqu’au cap Ténare et s’élève, dans sa
partie centrale, jusqu’à 2 407 mètres, et, à l’est, par le Parnon, qui, moins
abrupt, culmine à 1 935 mètres et qui, orienté nord-ouest sud-est, permet à la
plaine et au piedmont de s’élargir vers le sud en un vaste triangle. Cette plaine,
qui constitue la région la plus riche de la Laconie, est en partie constituée par
la vallée de l’Eurotas. On y distingue notamment, au centre, la plaine de Sparte,
de 22 kilomètres de long sur 8 à 12 kilomètres de large, couverte d’un limon
de néogène, très fertile, et, au sud, la plaine côtière d’Hélos.
La Messénie, à l’ouest du Taygète, contrairement à la Laconie, ne forme
pas un ensemble homogène. En effet, la vallée du Pamisos, qui unit la plaine de
Stényklaros, au nord, et, au sud, la plaine côtière, significativement appelée
Makaria (la Bienheureuse), est séparée de toute une série de petites plaines
côtières, le long du golfe de Messène ou de la mer de Sicile, par plusieurs
massifs montagneux : les monts de Kyparissia, l’Aigaléon et surtout l’Ithôme,
qui culmine à 805 mètres et forme une sorte de forteresse naturelle.
A ces deux régions s’ajoutent la Kynourie et la Thyréatide à l’est du
Parnon ainsi que l’île de Cythère et, au nord de la Laconie, les régions
montagneuses de Skiritis et de Belminatis.
Le climat est de type méditerranéen, chaud et sec l’été, avec des pluies
d’automne qui peuvent être violentes 3 . Cependant, Sparte elle-même est
rafraîchie par le vent du nord, et la côte occidentale de la Messénie ainsi que
les contreforts occidentaux du Parnon sont bien arrosés.
Les plaines sont très fertiles et aussi bien la plaine de Sparte que la vallée
du Pamisos 4 permettent deux récoltes annuelles.
5
LA SPARTE ACHÉENNE ET L’ARRIVÉE DES DORIENS
Pour les Anciens, la Sparte achéenne évoquée par Homère avait laissé
place à une Sparte dorienne.
La belle Hélène, dont l’enlèvement a suscité la guerre de Troie, et son
ancien époux Ménélas, frère et adjoint, plus courageux qu’efficace, du chef de
l’expédition, Agamemnon, jouent un rôle important dans l’Iliade. Le
Catalogue des vaisseaux, qui, quelle que soit sa date, était considéré comme
une partie intégrante du poème, évoque « la creuse 6 Lacédémone » (III, 581),
où règne Ménélas. Lacédémone désigne ici une région comprenant
9 bourgades, dont Pharis (citée en premier), Sparte, Amyclées, Hélos et Las.
Son importance est suggérée par les 60 navires placés sous le commandement
de Ménélas, encore que ce nombre soit inférieur aux 100 navires
d’Agamemnon, auxquels s’ajoutent les 60 déjà fournis aux Arcadiens, ainsi
qu’aux 90 de Nestor et aux 80 de Diomède. Le terme de Sparte apparaît
rarement dans l’Iliade : en dehors du passage déjà cité du Catalogue des
vaisseaux, on ne le trouve qu’en IV, 52, où Sparte est au nombre des 3 poleis
chères à Héra, alors que Lacédémone, déjà attestée en linéaire B, est
mentionnée quatre fois. Au contraire, dans l’Odyssée, plus récente, Sparte
concurrence Lacédémone (8 exemples contre 7), dont il devient un synonyme,
pour désigner aussi bien la région que son centre.
Pour se donner des lettres de noblesse en maintenant vivant ou, plutôt, en
ressuscitant le souvenir de la Lacédémone achéenne, les Spartiates ont été
tentés de retrouver des personnages homériques dans des cultes traditionnels.
On peut ainsi mentionner, à Sparte même, un sanctuaire d’Hélène et, en
Laconie, un temple de Ménélas, où seraient enterrés Hélène et Ménélas, un
sanctuaire d’Alexandra, dans laquelle les Amycléens ont reconnu Cassandre, la
fille de Priam, tandis qu’Agamemnon est adoré en tant que Zeus Agamemnon
et qu’Achille dispose de deux sanctuaires.
Des ruines ou des objets mycéniens ont pu favoriser ces assimilations. En
effet, même si l’on n’a pas découvert en Laconie de sites aussi prestigieux que
Mycènes, Tirynthe ou Pylos – peut-être parce que le palais royal, s’il a existé,
n’a pas encore été identifié –, les archéologues ont reconnu 21 sites habités 7 au
e
XIII siècle (Helladique récent III B), notamment Amyclées, Vaphio, le
Ménélaion et, plus au nord, Pellana, sites auxquels s’ajoutent une quinzaine
d’autres où on a trouvé de la céramique.
Au Péloponnèse mycénien des archéologues et achéen d’Homère a succédé
un Péloponnèse archaïque qui parle dorien en Messénie, en Laconie, en
Argolide, à Corinthe et à Mégare, et des dialectes voisins en Élide et en Achaïe,
alors que des dialectes issus de l’achéen ne subsistent qu’en Arcadie, à Chypre
et en Pamphylie. Le simple fait que la langue originelle ne se soit conservée
que dans les montagnes de l’intérieur ou à l’étranger suggérerait déjà une
invasion brutale, conformément aux traditions historico-mythiques 8 qui
associent le retour (légitime) des Héraclides et l’arrivée des Doriens.
A la mort d’Héraclès, son fils Hyllos, persécuté par son cousin Eurysthée,
se serait enfui du Péloponnèse, mais il y serait revenu, aidé (au moins dans les
traditions athéniennes) par les Athéniens. Cependant, comme le retour était
prématuré, une « peste » l’obligea à quitter le Péloponnèse. Cherchant à y
rentrer, il fut tué par le roi de Tégée Échémos, après s’être engagé, s’il était
vaincu, à ne pas revenir avant cinquante ans (ou cent ans, dans la version
d’Hérodote).
Le petit-fils d’Hyllos, ayant mal compris l’oracle qui l’invitait à emprunter
« la voie étroite », attaqua par l’isthme de Corinthe et se fit tuer. Ce fut
l’arrière-petit-fils d’Hyllos, Téménos, qui, après un premier échec et guidé par
l’Étolien Oxylos, traversa le golfe de Corinthe là où il est le plus resserré et
occupa le Péloponnèse. Laissant l’Arcadie à ses habitants et donnant l’Élide à
Oxylos, il prit pour lui Argos, tandis que ses frères reçurent, Cresphonte, la
Messénie, et Aristodèmos – ou ses jumeaux, s’il était déjà mort –, la Laconie.
Dans ces récits prédomine Téménos, qui dirige l’expédition et qui est le
seul à donner son nom à une dynastie. D’autre part, comme les Doriens, partis
de Thessalie et passés en Doride (Grèce centrale) (Hdt., I, 56 et VIII, 43), sont
censés avoir fourni les troupes qui ont envahi le Péloponnèse, il a fallu trouver
un moyen de les associer aux Héraclides. Le Dorien Aigimios (ou Aigimos),
père de Pamphylos et de Dymas, est ainsi censé avoir, par reconnaissance
envers Héraclès, adopté Hyllos 9 , ce qui est, bien sûr, une reconstruction à
partir du nom (historique) des trois tribus doriennes : Hylleis, Dymanés et
Pamphyloi.
Ces récits permettent de comprendre comment on imaginait à Sparte et
dans le reste de la Grèce les origines des Spartiates 10 . Si on entendait voir en
eux des envahisseurs et non des autochtones comme se disaient les Athéniens,
on oubliait les Héraclides, c’est ce qu’avec toute la mauvaise foi de la
polémique rhétorique fait Isocrate dans le Panathénaïque (177). Mais ce n’était
pas conforme aux conceptions des Spartiates, dont les rois et sans doute une
partie de l’aristocratie se disaient Héraclides 11. Or, le seul fait de parler du
« retour des Héraclides » suggère que les envahisseurs ont pu se présenter, au
moins au moment où ces récits ont été conçus, comme des restaurateurs et non
comme des destructeurs et, leurs rois (comme par exemple Cléomène Ier)
proclamant leur filiation achéenne 12, il était difficile de considérer les Achéens
comme des inférieurs tout juste bons à fournir des esclaves.
On s’est cependant demandé s’il y avait réellement eu une « invasion
dorienne » et, étant donné le petit nombre de nouveautés apportées par les
envahisseurs, on a pu parler d’une invasion sans envahisseurs. De fait, les
récits résumés plus haut étaient loin d’évoquer le déferlement d’une nouvelle
population 13 ; ils suggéraient au contraire des efforts difficiles, répétés
pendant un siècle, pour arriver finalement à dominer le Péloponnèse.
L’archéologie, qui a pu constater deux grandes vagues de destructions au début
(ou au milieu) du XIIe siècle, puis à la fin du XIIe, voire au début du XIe siècle,
confirmerait sur ce point les récits mythiques. Quant aux faibles changements
culturels apportés par cette « invasion », de longs contacts avec une civilisation
plus développée auraient suffi à « mycéniser » les envahisseurs, sans qu’il soit
besoin de supposer, comme le fait Hooker 14 , que les Doriens étaient déjà là et
qu’ils se seraient contentés de renverser leurs maîtres achéens.
Bien que les sources restent encore très incertaines, on peut essayer de
reconstituer les premiers stades de l’expansion spartiate.
Si la tradition a conservé le souvenir d’une expédition en Belminatis dès le
e
IX siècle, il s’agit sans doute de représailles contre les pillards descendus de
leurs montagnes plutôt que d’une véritable entreprise de conquête, car, avant
de songer à dominer toute la vallée de l’Eurotas, il fallait conquérir la plaine
de Sparte elle-même. Or, on doit attendre le VIIIe siècle (deux générations avant
Polydore) pour que, selon Pausanias (III, 2, 6), les Spartiates conquièrent
Amyclées, Pharis et Géronthrai. Si Géronthrai est déjà à près de 25 kilomètres
(à vol d’oiseau) de Sparte, Amyclées n’est éloignée que de 4 kilomètres et
Pharis, de 7. Or Pausanias évoque la longue résistance d’Amyclées. Selon
certaines traditions, il y aurait eu un accord initial, une sorte de modus vivendi
entre Amyclées et les envahisseurs, mais les Amycléens, assujettis, se seraient
révoltés et, vaincus, se seraient enfuis en Crète (notamment à Gortyne) et à
Chypre. Si c’est là la version qui avait cours à Sparte, il est plus probable
qu’Amyclées, la cité la plus puissante de la région, avait d’abord su rester
indépendante 15, puis qu’une lutte difficile avec Sparte avait dû se terminer par
un compromis permettant aux habitants qui le souhaitaient de rester en
devenant des citoyens à part entière. De fait, Amyclées formera le cinquième
des villages constitutifs de Sparte et conservera, avec les Hyakinthia, un grand
prestige religieux.
Ayant enfin réussi à unifier leur propre plaine, les Spartiates purent se
lancer dans la conquête de l’ensemble de la vallée. Ils seraient ainsi remontés
vers les sources de l’Eurotas sous Charillos, deux générations avant
Théopompe, et descendus vers Hélos, sous Alcamène, le père de Polydore. Si
l’on admet cette chronologie, ils auraient ainsi, au VIIIe siècle, en deux
générations, conquis successivement la plaine de Sparte, puis l’ensemble de la
vallée.
La conquête de la Messénie 16 fut plus difficile. Elle nous est connue par des
allusions de Tyrtée et par les longs développements de Pausanias (IV, 4-24).
Mais celui-ci, qui se fonde sur Myron de Priène pour la première guerre et sur
l’épopée de Rhianos pour la seconde, est sujet à caution, car les Messéniens,
qui ont reconstitué leur État en 370-69, ont entendu se redonner une histoire
héroïque.
La première guerre, qu’on date de la fin du VIIIe siècle 17 , aurait, selon
Pausanias, été suscitée par des griefs réciproques, et les Spartiates, qui avaient
déjà eu des différends avec les Messéniens 18 , ont voulu profiter des
dissensions entre les Messéniens eux-mêmes. Elle témoigne surtout de
l’expansionnisme des Spartiates à la recherche de terre à cultiver : Tyrtée
évoque ainsi la conquête de la Messénie « bonne à labourer, bonne à planter ».
Or, dans les autres directions, les Spartiates sont provisoirement bloqués. Vers
le nord, ils ont échoué à Tégée, deux générations avant Théopompe, et n’ont
pu conquérir que les districts montagneux de Belminatis et de Skiritis. Vers
l’est, ils ont essayé de s’emparer de la Kynourie et de la Thyréatide ; or, s’ils
ont ravagé l’Argolide avec l’aide d’Asinè, Argos, qui reste la cité la plus
puissante du Péloponnèse, a pris sa revanche et interdit toute progression. Vers
le sud, une fois pris Hélos et Gytheion, la région, montagneuse, ne présente
pas un grand intérêt économique. Restaient l’ouest et le sud-ouest, c’est-à-dire
la Messénie, avec la riche vallée du Pamisos.
Il est difficile de discerner ce qui est historique dans le détail des
opérations rapportées par Pausanias. Notons seulement la durée de la guerre,
19 ans selon Tyrtée (élégie 4, Diehl3), qui, presque contemporain, paraît une
source fiable. Cette durée suggère une guerre qui se limite à une série de coups
de main ou de sièges sans grandes batailles décisives. Même si les combattants
peuvent déjà disposer de certains éléments de l’équipement hoplitique, on ne
pratique pas encore, quoi qu’en dise Pausanias (cf. IV, 8), le combat hoplitique
par choc frontal entre deux phalanges, car Tyrtée montre très clairement que
ce type de combat est une nouveauté effrayante pour les combattants de la
deuxième guerre de Messénie. Chaque camp aurait bénéficié d’aides
étrangères : les Messéniens auraient été soutenus par les Arcadiens et par des
troupes d’élite d’Argos et de Sicyone, tandis que les Spartiates, qui auraient
utilisé des mercenaires crétois, auraient été aidés par les Corinthiens. Ces
alliances ne sont pas impossibles, et le souvenir a pu en être gardé, mais, étant
donné le faible niveau d’organisation étatique de l’époque, il pourrait plutôt
s’agir d’interventions privées.
Après leur victoire, les Spartiates rasent les fortifications de l’Ithôme, où
s’étaient réfugiés les Messéniens, s’emparent des autres cités – au moins de
certaines d’entre elles – et consacrent un trépied de bronze au dieu d’Amyclées.
L’élite des Messéniens se réfugie, suivant les liens personnels, à Sicyone, à
Argos, en Arcadie ou en Élide, mais la majorité des gens du peuple reste ou
retourne dans les territoires conquis par les Spartiates. Ils sont obligés de
prêter serment de ne pas faire défection ni de susciter de révolution et, s’ils ne
sont pas soumis au versement d’un tribut (phoros), « ils apportent à leurs
maîtres la moitié de ce que porte la glèbe » (Tyrtée, élégie 5 D3). Les femmes
de Messénie sont obligées d’assister en vêtement noir aux funérailles des rois
et des autres magistrats de Sparte. Ces indications de Pausanias pourraient être
fondées sur Tyrtée, qui est cité, et dont le Périégète ou sa source devait
connaître le reste de l’œuvre 19 .
La domination spartiate en Messénie paraît encore géographiquement
limitée. Le fait que les Lacédémoniens puissent installer 20 au sud-ouest du
golfe de Messénie, dans ce qui est deviendra Asinè, leurs anciens alliés d’Asinè
(d’Argolide) montre cependant que leur influence s’exerçait assez loin des
lieux de combat, mais il semble qu’en général, dans le sud, on se soit contenté
de conclure avec les habitants des accords qui aboutiront à la constitution de
cités périèques, attestées à l’époque classique. C’est au contraire dans le nord,
dans la région de Stényclaros et de l’Ithôme, que les Spartiates se sont le plus
emparés des terres, alors que les cités de la côte occidentale, notamment
Kyparissia, sont restées indépendantes 21.
La Messénie n’est ainsi que partiellement soumise, et le désir de revanche
suscite une deuxième guerre.
La chronologie de celle-ci reste très discutée. Pour Tyrtée (4 D3), deux
générations séparent la deuxième guerre de la première, qui se serait déroulée
sous les « pères de nos pères 22 ». Quant à Pausanias, il a mêlé sans s’en rendre
compte trois chronologies différentes : selon les indications qu’il présente, on
peut dater la guerre de 685 à 672, de 681 à 668 ou de 670 à 657 23 . La première
chronologie construite à partir de la date incertaine de la première guerre
paraît moins convaincante que la troisième, qui se réfère au retour des
Messéniens en 370-69 : il n’est pas invraisemblable que, dans leur diaspora, ils
aient pu compter les années depuis la disparition de leur ancien État 24 . D’autre
part, l’écart ainsi établi avec la première guerre de Messénie serait plus en
accord avec les deux générations suggérées par Tyrtée, alors que les 38 ans
d’écart de la première chronologie paraîtraient au contraire trop courts.
La chronologie la plus récente se concilie bien avec la défaite d’Hysiai
(Paus., II, 4, 7), datée traditionnellement de 669-68, la lutte sur deux fronts
contribuant à la défaite spartiate, et avec la refondation de Messène (en Italie)
en 664 (Paus., IV, 23, 10), donc avant la fin du siège d’Eira.
Certains ont même proposé une date plus récente en se fondant sur un
propos d’Épaminondas rapporté de façon identique par Plutarque (Apopht. des
rois et généraux spartiates, Mor. 194b) et par Élien (13, 42) : le chef béotien se
serait flatté d’« avoir fondé Messène après un intervalle de 230 ans 25 », ce qui
placerait la fin de la deuxième (ou d’une troisième ?) guerre de Messénie en
600. Sans aller nécessairement jusque-là, V. Parker, dans son article de 1991,
a, en se fondant sur les listes de vainqueurs olympiques messéniens et
spartiates et sur le nombre des règnes spartiates, proposé de dater la première
guerre du tout début du VIIe siècle et la deuxième, d’environ 635-25 jusqu’à
environ 610-600. En présentant des dates imprécises et en faisant durer la
guerre 25 ans, il arrive ainsi, à l’extrême limite, à retrouver les dates de
Plutarque-Élien. Mais on ne peut plus, après les travaux de Lenschau 26 , trop se
fonder sur des dates de victoires olympiques du VIIIe siècle et la chronologie
des règnes demeure contestable 27 . Aussi paraît-il préférable d’en rester à une
guerre qui se termine vers le milieu du VIIe siècle ou un peu plus tard 28 .
Pour Pausanias, la guerre aurait été suscitée par le désir de revanche, qui
s’accroît avec le temps, notamment chez les jeunes d’Andana dans la haute
vallée du Pamisos, et facilitée par l’alliance avec Argos et avec les Arcadiens.
Le souvenir se serait conservé de la victoire des Messéniens à Kaprou Sèma
(la tombe du sanglier) et de leur défaite du Grand Fossé 29 . Après cette défaite,
ils se seraient fortifiés sur le mont Eira, où ils auraient résisté onze ans tout en
faisant des razzias en Laconie et en Messénie.
La deuxième guerre de Messénie se caractérise, au moins dans sa première
phase, par le rôle de la tactique hoplitique. Celle-ci aurait d’abord été
défavorable aux Spartiates, battus par les Messéniens comme par les Argiens,
et le rôle de Tyrtée paraît avoir été de redonner courage à des troupes qui
supportaient difficilement le choc hoplitique. Que cet endoctrinement ait été
utile ou que les Spartiates aient profité de la défection des Arcadiens, ils
l’emportent finalement au Grand Fossé et, dès lors, la nouvelle tactique ne peut
plus servir, car la guerre se réduit à un siège et à des raids.
A l’issue de la guerre, la Messénie est absorbée dans l’État lacédémonien,
mais il semble que les Spartiates eux-mêmes se soient contentés de s’emparer
des riches terres de la vallée du Pamisos. Le livre IV (24, 4) de Pausanias
laisse bien croire, à tort, qu’à l’exception du territoire des gens d’Asinè (restés
neutres) et de Mothonè donnée « aux gens de Nauplie, qui venaient d’être
chassés de chez eux par les Argiens, les Lacédémoniens se partagèrent entre
eux le territoire », les Messéniens qui n’avaient pas émigré, mais étaient restés
dans le territoire, étant réduits à l’état d’Hilotes (IV, 24, 5). Mais, dans le
livre III, consacré à la Laconie, l’auteur s’était montré plus précis en indiquant
que les habitants des cités (polismata) côtières avaient échappé à la servitude
(III, 3, 4), entendons à la condition d’Hilotes. Ces cités ont visiblement
bénéficié, alors ou plus tard, du statut de cités périèques.
De toute façon, les problèmes que posaient l’intégration de la Messénie et
les conséquences de la défaite d’Hysiai retardèrent l’expansion de Sparte. Il
fallut attendre le milieu du VIe siècle pour qu’elle l’emportât enfin sur Tégée,
grâce, croyait-on, aux os d’Oreste (Hdt., I, 67-68), et que, victorieuse d’Argos
à l’issue de la bataille des champions (Hdt., I, 82), elle pût s’emparer de la
Thyréatide et assurer sa domination sur Cythère et l’ensemble de la côte
occidentale au sud de la Thyréatide.
L’État lacédémonien a dès lors atteint sa plus grande extension, et Sparte
n’aura plus qu’à constituer une politique d’alliances pour accroître son
influence dans le Péloponnèse et dans l’ensemble de la Grèce.
2. La naissance du régime et de l’idéologie
spartiates
La Sparte mal connue du haut-archaïsme (des VIIIe et VIIe siècles) aurait
légué à la Sparte classique la grande rhètra censée fonder son régime politique
et, avec les poèmes de Tyrtée, une synthèse originale de l’ancienne idéologie
aristocratique et de la nouvelle idéologie civique.
30
LA GRANDE RHÈTRA
La grande rhètra est connue par deux textes, dont nous présentons une
traduction : des distiques élégiaques attribués à Tyrtée, qui, si l’on néglige
l’introduction et la conclusion, comprennent quatre ou sept vers, selon que
l’on adopte la version courte de Plutarque (Lyc., 6, 10 = Tyrtée Diehl 13 3b) ou
la version longue de Diodore (VII, 12, 6 = Tyrtée 3a), et un texte en prose de
cinq lignes (édition Budé), suivi d’un « amendement » de deux lignes, tous
deux cités et commentés par Plutarque, Lyc., 6, 1-9.
• Diodore : Tyrtée 3a
• Plutarque : Tyrtée 3b
Ayant entendu Phoibos, ils ont rapporté de Pytho chez eux les
oracles du dieu et ses paroles infaillibles :
vers 3 à 6 identiques à 3a, sauf le vers 5, où le banal presbutas
remplace presbugeneis.
57
TYRTÉE
L’origine de Tyrtée, le poète officiel de Sparte 58 , était discutée dès
l’Antiquité. La Souda ne sait si c’était un Spartiate ou un Ionien de Milet, et les
Athéniens ont même esssayé de se l’annexer 59 . En fait, il écrit en ionien, ce qui,
quelle que soit l’origine du poète, est normal pour le type de poésie, mais avec
quelques dorismes, qui s’expliqueraient mal chez un Ionien. Aussi, bien qu’à
l’époque archaïque la cité ait été très ouverte aux influences étrangères, Tyrtée
a-t-il toute chance d’être originaire de Sparte. Comme ses élégies paraissent
souvent adressées à des combattants de la deuxième guerre de Messénie, il est
manifestement contemporain de cette guerre, que j’ai proposé de dater du
milieu du VIIe siècle et, même si certains seraient tentés d’abaisser cette date, il
paraît difficile de dépasser la fin du VIIe siècle 60 .
Il ne reste que des fragments de 11 élégies 61, inégalement conservées : un
seul vers pour les élégies 10 ou 11, 44 vers pour l’élégie 9, soit au total
environ 200 vers. La première élégie, très mutilée, est la seule qui ait été
préservée par un papyrus, les autres, transmises par des auteurs anciens,
pourraient poser des problèmes d’authenticité. Mais l’attribution à Tyrtée
paraît aujourd’hui généralement admise et, comme il s’agit de vers, les
citations ont des chances d’être littérales.
L’importance de Tyrtée vient de ce qu’il a su façonner l’idéal spartiate en
conciliant un idéal aristocratique proche du modèle homérique 62 et le nouvel
idéal civique.
Conformément à la tradition aristocratique, le poète insiste sur les
différences fondées sur la valeur guerrière. Il oppose, dans un système binaire,
les courageux et le lâche : alors que les premiers sont glorifiés, le dernier
subit, dans l’élégie 6, le sort malheureux du vagabond réduit à la mendicité,
tandis que, dans l’élégie 8, celui qui a tremblé a perdu toute sa valeur (arétè) et
n’en court que plus de risques de se faire tuer.
Cette différenciation débouche sur deux autres oppositions. Les plaisirs et
les honneurs du vainqueur, évoqués à la fin de l’élégie 9 et, plus brièvement
dans l’élégie 7 (« il suscite l’admiration des hommes et l’amour des
femmes »), s’opposent aux malheurs de vaincus comme les Messéniens
(élégie 5), comparés à des ânes accablés de charges et soumis à une dure
nécessité, entendons à l’esclavage. Mais, voulant avant tout triompher de la
crainte de la mort, Tyrtée évoque beaucoup plus la mort que la victoire et
orchestre le thème de la belle mort du beau jeune homme tué par devant, pour
l’opposer à la mort laide et honteuse (le grec aischron a les deux valeurs) du
vieillard qui « reste étendu devant les jeunes…, tenant dans les mains son sexe
ensanglanté, spectacle horrible qui suscite l’indignation » (élégie 7) ou à celle
du guerrier tué par derrière : « c’est honteux [et laid : aischros], un cadavre
gisant dans la poussière, la pointe d’une lance plantée par derrière dans le
dos » (élégie 8).
Cependant, cet idéal héroïque n’est plus, comme chez Homère, réservé à
quelques êtres d’élite, généralement rois ou fils de rois, voire à des figures
légendaires comme celles qu’évoque le début de l’élégie 9. Il ne s’agit plus
vraiment comme pour Glaucos ou Achille « d’être à chaque fois le meilleur
[aristeuein] et de l’emporter sur les autres 63 », puisque cet idéal est désormais
proposé à tous les citoyens, notamment aux plus jeunes (cf. élégies 7 et 8) :
comme l’affirme la conclusion de l’élégie 9,
Cette élégie, la plus longue que nous ayons, a été conservée par Stobée (4,
9) et avait déjà, ce qui suggère sa célébrité, été citée, résumée et commentée
par Platon (Lois, I, 629-630, et II, 660e-661a). Destinée à encourager les jeunes
combattants, mentionnés au v. 14, elle oppose à une arétè traditionnelle,
insuffisante, une nouvelle arétè civique, dont elle précise le contenu et les
récompenses à en attendre.
L’attaque du poème, dans les 9 premiers vers, surprend par son insistance
négative, où, dans le cadre d’une prétérition, sont énumérés tous les éléments
de l’ancienne arétè, dont l’auteur se refuse à faire l’éloge. Du caractère
traditionnel de celle-ci témoigne le grand nombre 68 de références
« littéraires » ou mythologiques 69 . Les différentes qualités sont ainsi
personnifiées par le géant monstrueux de l’Odyssée (IX, 187-542), capable de
lancer d’énormes rochers, par l’impétueux vent du nord, par le frère de Priam,
aimé de l’Aurore pour sa beauté 70 , par le roi de Phrygie qui transformait en or
tout ce qu’il touchait, par le premier roi de Chypre, qui aurait, grâce à la
découverte de mines de cuivre et à la fabrication du bronze, assuré la richesse
de l’île, par le fils de Tantale, qui, ressuscité, avait régné sur le Péloponnèse,
auquel il laissa son nom, et enfin par le roi d’Argos qui avait, par son
éloquence, obtenu des Thébains la restitution du corps des Sept.
Cette arétè traditionnelle, dont les modèles sont eux-mêmes traditionnels 71,
unit le physique et le social. Sont évoquées en premier les qualités athlétiques :
la vitesse à la course, mentionnée deux fois, la force et la taille du lutteur,
toutes qualités utiles dans le combat homérique 72 et dans les compétitions
olympiques, où les Spartiates brillent dès la quinzième olympiade (720, si l’on
accepte la date traditionnelle). Il s’y ajoute la beauté, liée à la taille 73 . Dans le
domaine social, l’idéal est la grande richesse, liée aux métaux (or ou cuivre),
le grand pouvoir (du roi) et l’éloquence, ce qui est conforme au modèle
homérique, qui incitait à briller à la fois sur le champ de bataille et au conseil.
Ces qualités, qui apportent la gloire (v. 9), sont réservées à une élite dans une
idéologie agonistique qui exalte le champion : il s’agit de « vaincre à la
course », d’être « plus beau », « plus riche », « plus roi ».
Cette idéologie est non condamnée mais dépassée par Tyrtée, qui se place
dans la même perspective quand il évoque « le meilleur et le plus beau prix à
remporter » ou celui qui excelle (aristeuonta) à résister et à combattre. Le rejet
n’est ainsi que conditionnel : cette arétè reste insuffisante, s’il lui manque
l’arétè civique, qualifiée de « véritable arétè ».
Celle-ci paraît proche de l’idéologie homérique, dans la mesure où elle est
fondée sur la valeur guerrière (v. 10 et 20) et où on ne parle que de combat.
Cependant, elle demande non plus les aptitudes exceptionnelles des champions
évoqués au début du passage, mais seulement des qualités morales de courage.
Celui-ci est rendu indispensable par le nouveau type de combat, de près (v. 12),
dont le poète souligne l’aspect redoutable : il faut pouvoir l’emporter sur « des
adversaires les phalanges / hérissées » et arrêter « la vague du combat » (v. 21-
22), ce qui suggère le déferlement de l’armée adverse avec ses lances et ses
boucliers. C’est pourquoi il importe avant tout de triompher de la peur de la
mort, de « supporter de voir la mort sanglante » (v. 11). L’image de la mort est
même de plus en plus présente : on se contente d’abord de la voir, puis on
expose sa vie (v. 18), enfin, on est mort, « tombé au premier rang » (v. 22) et
frappé de face (v. 26), tandis que la fin du texte évoque « le tombeau » (v. 29) et
celui qui est « sous la terre » (v. 32) et « a péri » (v. 34).
Si une attitude offensive est suggérée par « la vaillance impétueuse » (v. 9)
et par le fait de s’attaquer de près aux ennemis (v. 12) et de mettre en déroute
leurs phalanges (v. 21), il s’agit, dès lors, surtout d’apprendre à résister sur
place, c’est-à-dire de ne pas fuir (v. 17), mais de rester bien campé, jambes
écartées (v. 16), continuellement (v. 17), immobile (v. 19), de façon à arrêter le
déferlement (la « vague ») des adversaires et en « excellant à résister sur
place » (v. 33). Aussi, loin d’inviter à se lancer à l’assaut, le texte est-il plutôt,
comme l’indique expressément le dernier vers, une incitation à ne pas
« mollir ».
Cette résistance est une résistance collective : si on lutte (v. 16) et on meurt
(v. 23) au premier rang, c’est, contrairement aux héros homériques, sans sortir
du rang, mais en restant à côté de son camarade de combat et en l’encourageant
par des mots (v. 19), ce qui traduit bien la solidarité de la phalange. D’autre
part, la résistance du guerrier est présentée comme un « bien commun pour la
cité et tout le peuple 74 », et sa mort « couvre de gloire la ville, les troupes et
son père » (v. 24), la gloire familiale ne venant ici qu’en dernier ; de même,
aux vers 33-34, on combat « pour la terre et pour ses enfants ».
Ainsi, faire preuve d’arétè, c’est avant tout avoir le courage d’affronter la
mort en résistant au choc de la phalange ennemie, éventuellement en la
bousculant, cela en combattant pour sa cité et donc pour les siens.
La récompense de l’arétè civique, c’est, comme pour l’arétè héroïque, la
gloire du mort, qui, dans des lamentations publiques, est pleuré par toute la cité
reconnaissante (v. 27-28). Cette gloire rejaillit aussi sur la famille : le père
(v. 24), les enfants et les enfants des enfants et la race à venir (v. 29-30), ce qui
est une manière de se survivre. L’immortalité de la gloire annihile la mort, au
moment où celle-ci est ainsi évoquée avec le moins d’euphémisme : « bien que
sous la terre, il se montre immortel » (v. 32) ; la tombe du guerrier valeureux,
qui, exceptionnellement à Sparte, porte le nom du défunt, suggère même une
sorte d’héroïsation.
Quant au survivant victorieux, il ira, comme les autres, un jour dans
l’Hadès (v. 38), ce qui est une manière de rappeler que la seule immortalité est
celle qu’apporte la gloire, mais il aura auparavant reçu des honneurs et profité
des plaisirs et peut-être, dans sa vieillesse, accédé à la gérousie 75.
Les avantages de la véritable arétè amènent Tyrtée à conclure son poème
en exhortant chacun à s’efforcer « d’atteindre le comble de l’arétè ». Cet idéal
est, dans une perspective démocratique, proposé à tous les citoyens, mais il est
difficile à atteindre et, si tous doivent s’y efforcer, tous n’y réussiront pas, ce
qui en maintient le caractère aristocratique. Il y en aura toujours qui se
distingueront et, quand, au vers 24, le poète assure que la mort du guerrier
couvre de gloire les troupes (laoi), il distingue par là le mort glorieux des
simples laoi. Cependant, même la gloire reste dans le cadre civique avec les
lamentations publiques, l’autorisation d’écrire son nom sur la tombe et, peut-
être, pour les vainqueurs vieillis, l’accès à la gérousie. Et, ce qui matérialise le
mieux la fusion des idéologies aristocratique et civique, c’est le thème
récurrent de la mort au premier rang, leitmotiv des élégies 6, 7, 8 et 9. En
effet, tous ne sont pas au premier rang, ce qui implique ou établit des
distinctions 76 ; mais il faut rester dans le rang, ce qui est démocratique ; en
même temps cette excellence collective contribuera à mettre la cité au premier
rang, ce qui n’est pas encore proclamé, mais qui est annoncé par l’insistance
sur les intérêts de la cité.
D’autre part, l’idéal proposé concilie l’excellence individuelle de l’arétè et
une valeur à la fois esthétique et morale : le kalon. Celui-ci est fondé sur le
souci aristocratique de la forme, dans une conception esthétique de la morale,
incarnée dans le jeune mort, beau non seulement parce qu’il est mort
héroïquement mais aussi parce qu’il est physiquement beau ; et cette beauté
évoque les joies et plaisirs d’une société ouverte, encore aimable, alors que la
mort du vieillard est évoquée avec réalisme, dans toute sa laideur. Mais ce
kalon est aussi un idéal moral proposé à toute la collectivité des hoplites. il ne
s’agit pas seulement, comme chez Homère, de se soucier individuellement de
ce qu’on se doit (aidôs) et des égards qu’on mérite d’obtenir (timè), mais de
tenir compte de ce que la société dans son ensemble estime bon ou mauvais : il
est ainsi beau qu’on soit tué de face ou qu’un jeune le soit devant un vieillard
et, au contraire, laid, de se faire tuer par derrière ou de laisser un vieillard
mourir à votre place. Cet idéal, à la fois individuel et collectif, qui associe
l’arétè et le kalon est, au-delà même de Sparte, ce qui forgera l’idéal grec du
kalos kagathos. C’est un idéal qui n’est pas atteint par tous et qui, en cela, reste
aristocratique, mais qui est aussi visé par tous ou, au moins, proposé à tous, ce
qui en fait un idéal civique, voire démocratique. C’est là une des
caractéristiques de la cité grecque, qui se veut, comme le suggérera Périclès
dans sa célèbre Oraison funèbre, une aristocratie généralisée 77 .
1. Thucydide, I, 10, 2, parle des deux cinquièmes du Péloponnèse ; cf. P. Cartledge, Sparta and
Lakonia, Londres, Routledge et Kegan, 1979, p. 3-12, notamment p. 7, et, en général,
A. Philippson, Die griechischen Landschaften, IV, éd. E. Kirsten, Francfort, 1959, p. 371-523.
2. Voir Platon, Lois, III, 683a, qui, à propos de Sparte, évoque « cette cité ou, si vous voulez, ce
peuple (ethnos) ».
3. Voir Théophraste, De causis plantarum, III, 3, 4.
4 . Pour Euripide, fr. 1068 N 2 = Strabon, VIII, 5, 6, la Messénie est « productrice de belles
récoltes, arrosée de ruisseaux sans nombre, bien pourvue en pâturages pour les bœufs et les
moutons, sans souffrir en hiver des vents hivernaux ni, inversement, de la chaleur excessive sous
le quadrige du soleil », et, pour l’opposer à « la terre laconienne, au sol médiocre », le poète
ajoute même que la Messénie a « une fertilité (arétè) qui passe toute expression ».
5. Cf. D. Musti éd., Le origini dei Greci. Dori e mondo Egeo, Rome, Bari, Laterza, 1985, et
I. Malkin, La Méditerranée spartiate, Paris, Belles Lettres, 1999, p. 50-64.
6. L’expression indique une région en contrebas, entourée de montagnes ; quant à l’adjectif
kètoessa qui s’y ajoute, son sens était discuté dès l’Antiquité, cf. Strabon, VIII, 5, 7 ; de même
2
Euripide, fr. 1068 N = Strabon, VIII, 5, 6, assure que la Laconie a « beaucoup de terre arable
mais difficile à travailler, car formant un creux entouré de montagnes… ».
7. Sparte pourrait s’y ajouter, mais n’y paraît attesté qu’un établissement limité et peut-être
temporaire, cf. P. Cartledge, Sparta and Lakonia, p. 17.
8. Cf. notamment Hdt., IX, 26, Diodore, IV, 58, 1-4, Apollodore, Bibliothèque, II, 169-177, et
Eusèbe, Prép. Evang., V, 20, 210c.
9. Pour Pindare, Pyth., V, 92-97 : Apollon « a établi à Lacédémone, à Argos et dans la très divine
Pylos les descendants d’Héraclès et d’Aigimios ».
10. Le récit des origines se fonde sur des réalités constatables comme le nom des tribus, les liens de
Sparte avec la Doride (en Grèce centrale) ou ceux de l’Élide avec les Étoliens et, en les
expliquant, tend à les renforcer.
11. Cf. U. Huttner, Die politische Rolle der Heraklesgestalt im griechischen Herrschertum,
Historia Einzelschriften 112, Stuttgart, Franz Steiner, 1997, p. 43-64.
12. L’intégration de héros homériques dans les cultes laconiens suggère la même attitude.
13. Pour Isocrate, Panath., XII, 255, l’effectif des premiers Spartiates ne dépassait pas 2 000, ce qui
montre au moins comment, à son époque, on imaginait l’invasion dorienne.
14 . Cf. J. Hooker, « New reflexions on the Dorian invasion », Klio 61 (1979), p. 353-360, et « The
end of Pylos and the linear B evidence », SMEA 23 (1982), p. 209-217.
15. Ce qui ne préjuge en rien de sa population, toujours achéenne ou déjà en partie dorienne, comme
le suggère B. Eder, Argolis, Lakonien, Messenien. Vom Ende der mykenischen Palastzeit bis
zur Einwanderung der Dorier, Vienne, 1998, en rappelant que le mois hyakinthios ne se trouve
que dans le monde dorien, voir notamment p. 128, 137 et 202.
16. F. Kiechle, Messenische Studien, Kallmünz, 1959, L. Pearson, « The Pseudo-History of
Messenia and its authors », Historia 11 (1962), p. 397-4 26, H.T. Wade-Gery, « The Rhianos-
Hypothesis », Mél. Ehrenberg, Oxford, Blackwell, 1966, p. 289-302, W.K. Pritchett, « The
topography of Tyrtaios and the Messenian Wars », Studies in Ancient Topography, V,
Berkeley, Los Angeles, Univ. of California Publications : classical studies, 1985, p. 1-67, et
V. Parker, « The dates of the Messenian wars », Chiron 21 (1991), p. 25-47, et « Some dates in
early Spartan history », Klio 75 (1993), p. 4 5-60, J. Auberger, « Pausanias et les Messéniens :
une histoire d’amour », REA, 1992, p.187-198, S.E. Alcock, « The peculiar Book IV and the
problem of the Messenian past », in S.E. Alcock, J.F. Cherry et J. Elsner, éd., Pausanias :
Travel and Memory in Roman Greece, Londres, Oxford University Press, 2001, p. 142-159.
17. Une date, au moins approximative, paraît assurée par la fondation de Tarente à l’issue de la
guerre.
18. Ceux-ci auraient, entre autres, tué le grand-père de Polydore, Paus., III, 2, 6.
19. Cf. Paus., IV, 15, 2, où, à propos de la deuxième guerre de Messénie, l’auteur assure que Tyrtée
ne donne pas le nom des rois qui régnaient alors à Sparte.
20. Ils installent aussi à Hymia un roi messénien qui leur était favorable, mais on n’a pas localisé
l’endroit.
21. Selon Paus., III, 3, 4 , même après la deuxième guerre de Messénie, les cités (polismata) côtières
ont échappé à la domination spartiate.
22. L’expression pouvant aussi se référer aux ancêtres en général, il est possible d’envisager un
intervalle supérieur (mais en aucun cas inférieur) à deux générations.
23. La guerre durant 13 ans selon Pausanias (les 2 ans de IV, 17, 2 s’ajoutant aux 11 ans du siège
d’Eira, 17, 10 et 20, 1), la première chronologie se déduit de IV, 13, 7 et 15, 1 (début de la
guerre en 685), la deuxième de IV, 23, 4 (fin de la guerre en 668) et la troisième, de IV, 27, 9
(fin de la guerre en 657).
24 . La deuxième chronologie, qui diffère de 11 ans de la troisième, s’expliquerait par une confusion
entre la fin et le début du siège d’Eira.
25. Si l’on veut attacher une valeur historique, qui paraît très douteuse, aux propos imprécis
d’Isocrate, Archidamos, VI, 27, et de Dinarque, Contre Démosthène, 73, pour qui Messène est
rétablie « après un intervalle de quatre cents ans », il ne pourrait s’agir au mieux que d’une
allusion à la première guerre de Messénie.
26. Th. Lenschau, « Forschungen zur griechischen Geschichte im VII. und VI. Jahrhundert v. Chr., IV,
Die Siegerliste von Olympia », Philologus 91 (1936), p. 396-411 ; cf. aussi P.-J. Shaw,
« Olympiad chronography and “Early” Spartan History », in St. Hodkinson et A. Powell,
Sparta. New Perspectives, Londres, Duckworth, 1999, p. 273-309 : article révolutionnaire mais
contestable, car il ne distingue pas les dates dépendant du calendrier olympique (victoires à un
concours) et celles qui ont seulement été traduites dans ce calendrier.
27. Les quatre générations qui séparent Anaxandros, sous le règne duquel aurait éclaté la guerre, de
er
Cléomène I , qui accède au pouvoir vers 520, ne conviennent guère à la chronologie de Parker.
28. Les 53 ans que cette chronologie de Pausanias laisse entre la première et la deuxième guerre
sont un peu courts pour l’écart suggéré par Tyrtée (« les pères de nos pères »).
29. Il y aurait, selon une scholie à Aristote, Éthique à Nicomaque, III, 1116 B = C. Prato, Tyrtaeus,
Rome, Ateneo, 1968, Testimonia 22, une allusion à ce combat chez Tyrtée, ce qui en
3
confirmerait la réalité. Voir aussi la mention probable d’un fossé dans une élégie de Tyrtée (1 D
v. 19 = 10 Prato, v. 40).
30. Voir notamment H.T. Wade-Gery, « The Spartan Rhetra in Plutarch’s Lycurgus VI », in Essays
in Greek History, Oxford, Blackwell, 1958, p. 37-85, Ed. Lévy, « La grande Rhètra »,
Ktèma 2 (1977), p. 85-103, et, parmi les travaux récents, D. Musti, « Regole politiche a Sparta.
Tirteo e la grande rhetra », Rivista di Filologia e di Istruzione Classica 124 (1996), p. 257-
281, G. Liberman, « Plutarque et la Grande Rhètra », Athenaeum 65 (1997), p. 204-207, et
H. Van Wees, « Tyrtaeus’ Eunomia. Nothing to do with the Great Rhetra », in St. Hodkinson et
A. Powell, Sparta. New Perspectives, Londres, The Class. Press of Wales, 1999, p. 1- 41.
31. Le datif du texte peut correspondre soit à un complément d’attribution, soit à un instrumental ;
selon que rhètra désigne une proposition de loi, cf. Plutarque, Agis, 5, 3, 8, 1 et 9, 1, ou la loi
elle-même, voir Plutarque, Lyc., 6, 1 et 7, et 13, 1, on traduira par « à » ou par « par ».
32. Le vers étant corrompu ou incomplet, J.F. Wurm, dans son édition de Diodore, Stuttgart, 1827-
1840, a ajouté skolion en se fondant sur l’« amendement » du texte de Plutarque.
33. C. Prato, Tyrtaeus, p. 64-70, rejette au contraire le texte de Diodore du fait notamment de
l’accumulation des épithètes d’Apollon et du sens donné à ta kala.
34 . Il n’y a aucune raison de supposer que cette expression puisse désigner les éphores et donc, dans
la version de Diodore, s’opposer à « la masse du peuple » évoquée à la dernière ligne.
35. Le verbe délibérer (bouleuein) convient mieux pour la gérousie que pour l’assemblée.
36. Cf. Strabon, VII, 1, 43, et surtout Plutarque, Sur ce que la Pythie ne rend plus maintenant ses
oracles en vers, passim, 19 et surtout 23, où l’auteur assure qu’autrefois la majorité des oracles
étaient en prose.
37. C’est le cas, pour Plutarque, de l’« amendement », qui, peut-être pour paraître authentique, est
formulé en une langue plus archaïque et plus dorienne que le reste du passage.
38. C’est la thèse de L. Ziehen, RE III 2 a (1929), col. 1484.
39. En tout cas, ils ne sont pas attestés ailleurs.
4 0. Tyrtée 1 D3 v. 50-52, où, selon les restitutions adoptées, il s’agit de la première ou, plus
vraisemblablement, de la seconde guerre de Messénie, cf. aussi scholie à Pindare, Pyth., I, 121,
et Hdt., V, 68.
4 1. Cf. la liste in F. Kiechle, Lakonien und Sparta, Vestigia 5,1963, p. 116, n. 1, et D. Roussel,
Tribu et Cité, Paris, 1976, p. 223 sq.
4 2. A.J. Beattie, « An early Laconian lex sacra », CQ 45 (1951), p. 46-58, et SEG XI, 2 (1954),
4 75a.
43. Dans les inscriptions et les papyrus, le terme désigne aussi bien une division territoriale qu’une
section de la population, mais Plutarque paraît préférer le second sens, voir D. Wyttenbach,
Lexicon plutarcheum, 184 3, s.v.
44 . Cf. Plutarque, Lyc., 5, 12.
4 5. Cette intégration n’apparaît pas chez Tyrtée, qui se contente d’évoquer les rois et les Anciens.
4 6. Par exemple Eschyle, Suppl., 184 et 251 ; Sophocle, Œdipe-roi, 751, et voir les sens que
prêtent à archégète Hésychius (archôn) et la Souda (hègémôn).
4 7. Cf. P. Chantraine, Dict. étymol. de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1968, s.v., où
archégète est défini comme « fondateur d’une cité ou d’une famille » ; nombreux exemples in
LSJ, s.v. ἄρχω, auxquels on ajoutera Euripide, Électre, 555.
4 8. Ainsi Xénophon, Rép. Lac., X, 8.
4 9. Sur la dénomination effective de l’assemblée à Sparte, cf. infra.
50. C’est déjà le cas en 432, cf. infra et infra, et cela semble la norme au IVe siècle, cf. infra sq.
51. F. Gianotti, « Note alla rhetra di Licurgo », RFIC 99 (1971), p. 430-434 , avait déjà fait la même
suggestion.
52. Cf. Politique, II, 11, 1273a 9-13, commenté infra, p. 213.
53. D. Butler, « Competence of the Demos in the Spartan Rhetra », Historia 11 (1962), p. 385-396.
54 . Cf. infra.
55. En imposant son veto, la gérousie réaffirme au contraire son monopole de l’initiative, cf. infra sq.
56. Cf. infra.
57. Cf. les éditions d’E. Diehl, Anthologia lyrica graeca, fasc.1 3, Berlin, Teubner, 1949, dont nous
adoptons la numérotation, C. Prato, Tyrtaeus, Rome, Ateneo, 1968 et M.L. West, Iambi et Elegi
2
Graeci ante Alexandrum cantati , Londres, Oxford University Press, 1992.
58. Selon l’orateur athénien Lycurgue, Contre Léocrate, 107, les Spartiates, avant de partir en
expédition, doivent tous se réunir devant la tente royale « pour écouter les poèmes de Tyrtée ».
59. Cf. Platon, Lois, I, 629a, Lycurgue, Contre Léocrate, 106, Philochore, 328 F 215, et Paus., IV,
15, 6.
60. La Souda place l’akmè de Tyrtée en 640-36, chronologie acceptée par C. Prato comme par
e
M.L. West (milieu du VII siècle).
61. Il s’agit de poèmes faisant alterner un hexamètre et un pentamètre et qui n’ont rien de
spécialement « élégiaque » au sens moderne du terme.
62. Cf. B. Snell, Tyrtaios und die Sprache des Epos, Göttingen, Van den Hoeck et Ruprecht, 1969.
63. Homère, Iliade, VI, 208 et XI, 783 ; voir aussi la première élégie de Callinos, qui exalte
l’héroïsme individuel (cf. les derniers mots du poème : mounos éôn).
64 . Une expression voisine se retrouve dans l’élégie 11.
65. Il y a ici, sans doute, une allusion au droit d’avoir son nom inscrit sur la tombe, qui, à Sparte,
était le privilège des hommes morts à la guerre.
66. Cf. W. Jaeger, « Tyrtaios über die wahre Arete », SPAW 23 (1932), Berlin, p. 537-568 = Scripta
minora II, Rome, Edizioni di storia e di letteratura, 1960, p. 75-114 .
67. Ou, peut-être, simplement à bossettes, ce qui conviendrait mieux pour un bouclier hoplitique.
68. Il contraste avec le petit nombre de telles références dans le reste du poème, où on ne trouve
qu’Arès, les Kères et l’Hadès.
69. Si beaucoup de personnages sont en rapport avec l’Orient : la Phrygie pour Midas, Troie pour
Tithonos, la Phénicie et Chypre pour Kinyras, la Phrygie ou la Lydie pour Pélops, cela montre la
culture littéraire de Tyrtée, mais ne donne aucune indication sur son origine, d’autant plus que
Pélops et Adraste suggèrent aussi le Péloponnèse.
70. Le poète néglige ici le vieillissement de Tithonos, important dans le mythe, mais ne convenant
pas à un modèle de beauté.
71. Les allusions supposent que l’histoire de ces personnages était connue.
72. Si la guerre n’est pas un pugilat, la force d’un Cyclope peut servir à lancer les armes de jet.
73. Les aristocrates, comme les dieux, se distinguent par leur stature.
74 . L’expression renouvelle et change le sens d’une vieille formule homérique qui évoquait « la
ville et le territoire ».
75. C’est ce que suggérerait le fait que personne ne blâme sa justice et que tous, même les plus
vieux, se lèvent devant lui.
76. Même si la place des jeunes est institutionnellement au premier rang, cette place suffit à faire de
ceux-ci une élite guerrière.
77. Cf. Ed. Lévy, « Démocratie et aristocratie. Commentaire de deux passages de l’Oraison funèbre
(Thuc., II, 37, 1-3 et 40, 1-2) », Lalies 22 (2002).
2
L’organisation sociale
non seulement ces gens sont exclus de toute magistrature, mais il est
déshonorant de donner à l’un d’eux ou d’en recevoir une épouse ; les
rosse quiconque les rencontre ; ils se résignent à la saleté et à
l’humilité, lorsqu’ils se déplacent ; ils portent des manteaux rapiécés de
couleur sombre et ne se rasent qu’une partie de la barbe.
Sans aller jusque-là, les Spartiates avaient, en 421, imposé aux vaincus de
Sphactérie, dont certains avaient déjà exercé des commandements, une
dégradation (atimia) leur retirant le pouvoir d’exercer des responsabilités
(archè) – mais non de participer à l’assemblée – et d’acheter ou de vendre
(Thuc.,V, 34, 2).
Seuls les Spartiates qui n’ont pas subi de dégradation ont donc droit au titre
d’Homoioi et l’on pourrait déceler les traces d’une structure pyramidale
distinguant successivement les deux dynasties royales 6 , l’ensemble des
Héraclides, les Homoioi, les Spartiates, les Lacédémoniens, voire les
Lacédémoniens au sens large, qui pourraient même comprendre les
Néodamodes.
Le terme Homoioi, sans impliquer une égalité économique et politique,
suggère au moins une ressemblance. Pour Thucydide (I, 6, 4), qui évoque la
simplicité de leur costume, c’est chez les Lacédémoniens que « s’est instaurée
la plus grande égalité dans les genres de vie (isodiaitoi malista) entre les
possédants et le grand nombre ». Platon, Isocrate et Aristote voient même dans
ce genre de vie commun et austère 7 un des éléments démocratiques du régime
lacédémonien.
En fait, le statut de Spartiate de plein droit implique, comme l’avait
souligné V. Ehrenberg, trois conditions : avoir reçu l’éducation collective
qu’on désigne traditionnellement sous le nom d’agôgè (prononcer agogué),
participer aux repas collectifs (les syssities) et posséder un domaine (kléros)
permettant de payer son écot aux syssities.
Ces trois conditions sont nécessaires, puisque celui qui ne supporte pas
l’agôgè, qui n’est pas admis aux syssities ou qui, faute de kléros, ne peut payer
sa part ne saurait être admis parmi les Homoioi.
Il faut aussi être issu de deux Spartiates. En effet, les bâtards (nothoi) 8 sont
distingués des citoyens normaux, tout en étant vraisemblablement au nombre
des Spartiates 9 , et, quelle que soit l’origine exacte des Parthéniai, l’image
qu’on s’en est faite suggère qu’un Spartiate est normalement issu de deux
Spartiates unis par un mariage légitime.
10
L’AGÔGÈ
Les sources
Caractères généraux
La pédérastie
La vie collective des jeunes Spartiates leur permet de nouer des liens en
dehors des simples solidarités familiales et a pu servir de modèle aux Gardiens
de La République, que Platon entend arracher au milieu familial. A Sparte, ces
liens ne sont pas seulement des liens « horizontaux » avec les enfants du même
âge, mais aussi des liens « verticaux » avec des Spartiates plus âgés, noués
grâce à ce qu’on pourrait qualifier de pédérastie éducative 4 2.
Celle-ci pose le problème des relations sexuelles. En effet, Xénophon (Rép.
Lac., II, 13, et cf. Banquet, VIII, 35) insiste, de façon paradoxale 4 3 , sur leur
chasteté en affirmant que, « à Lacédémone, les amants (érastes) n’étaient pas
moins retenus dans leurs amours pour les garçons que les pères à l’égard de
leurs fils 4 4 ou les frères à l’égard de leurs frères ». Plutarque (Inst. Lac. 237b-
c) note que les relations sexuelles avec les jeunes garçons (paidés) étaient
considérées comme honteuses et infligeaient le déshonneur (atimie) pour toute
la vie. Quant à Élien (V.H., 3, 12), il assure que « si un adolescent (meirakion)
osait se laisser faire violence (hubris) ou son amant lui faire violence », ils
n’en tiraient pas profit mais étaient punis de l’exil ou de la mort. Or, d’autres
textes suggèrent que ces relations étaient non seulement pratiquées mais
admises à Sparte. Ainsi Platon, dans les Lois (I, 636b-c et VIII, 836b),
condamne clairement les amours « contre nature » pratiquées à Sparte et en
Crète. D’ailleurs, l’éloge que fait Xénophon lui-même (Agésilas, 5, 4, 7) de la
retenue exceptionnelle d’Agésilas à l’égard du beau Mégabate ne serait pas
justifié si c’était le cas général. Quant à Cicéron (Rép., IV, 4), il propose une
solution moyenne en assurant qu’en face de la licence autorisée en Élide et à
Thèbes « les Lacédémoniens, en autorisant tout dans ce domaine sauf le stupre,
ne dressent qu’une bien faible muraille devant la seule chose qu’ils interdisent :
ils autorisent en effet de s’embrasser 4 5 et de coucher ensemble, pourvu qu’un
manteau sépare les amants ».
On pourrait essayer de concilier ces indications diverses, de valeur
inégale, en opposant la réalité à la théorie ou, si l’on préfère, à l’idéalisation
de Sparte. Mais, bien que La République des Lacédémoniens soit à beaucoup
d’égards plus hagiographique que réellement historique, il est aussi excessif de
tout ramener au « mirage spartiate » que de supposer tous les Spartiates
conformes à l’image qu’ils voulaient donner d’eux-mêmes. Si la « chasteté
pédérastique » n’avait été qu’un mythe, son caractère mensonger aurait trop
facilement été percé à jour. Il faut sans doute, comme pour « la belle mort 4 6 »
ou la thésaurisation, distinguer ici l’idéal spartiate et la façon dont il était
respecté selon les époques 4 7 et les individus. La tolérance qui amène le Platon
des Lois, plus affirmatif à cet égard que celui du Banquet 4 8 , à assurer que les
relations sexuelles entre amants étaient autorisées par la loi, doit parfois – ce
qui expliquerait les indications d’Élien – laisser place à des réactions
brutales 4 9 lorsque ces relations ne se dissimulent plus suffisamment 50 . Les
adversaires de Sparte stigmatiseraient à cet égard l’hypocrisie spartiate, mais
on pourrait aussi évoquer l’aidôs, essentielle dans l’éducation spartiate. Cette
aidôs amenait, au mieux, à sublimer ses désirs, au minimum, à sauver la face
en dissimulant 51, ce que Xénophon qualifie de « très honteux ».
De toute façon, ces relations pédérastiques jouaient un rôle éducatif
important en incitant chacun des deux à se distinguer et en se substituant
quelque peu au modèle parental, c’est pourquoi elles étaient favorisées et
contrôlées par la cité : Élien (V.H., 3, 10) évoque des amendes infligées par des
éphores à un jeune qui avait préféré un éraste riche à un homme de bien
(chrestos) pauvre, à un homme de bien qui n’avait pas voulu avoir d’éromène
et, d’une manière générale, aux érastes quand leur éromène commettait une
faute 52. Quelle que soit la valeur historique de ces anecdotes, elles tendent à
présenter la relation pédérastique correcte (l’orthôs paiderastein du Banquet
de Platon, 211b) comme une sorte de devoir civique.
Celle-ci accroît aussi l’influence des individus ou des familles 53 : ainsi le
lien pédérastique entre Lysandre et Agésilas contribua à l’accession au trône et
à l’envoi en Asie d’Agésilas, tandis que le fils d’Agésilas fit, grâce à son père,
acquitter Sphodrias, le père de son éromène.
La kryptie
LES SYSSITIES
Origine
Dénomination
Ces repas collectifs portent à Sparte des noms variés, qui peuvent eux-
mêmes avoir plusieurs sens.
Le terme, habituel en Grèce, de syssities (en grec, sussition, au pluriel
sussitia) indique étymologiquement le partage d’une nourriture à base de
céréales. A Sparte, à partir du sens de « repas commun », il en est venu à
désigner le groupe de convives qui y participent, le lieu où se déroule ce repas
et enfin une unité militaire 65 (de gens censés manger ensemble).
Le terme phidities, propre à Sparte, est confirmé par l’épigraphie sous les
formes pheideition ou pheidition ; il est employé, lui aussi, pour les convives
et pour le lieu, mais jamais pour une subdivision militaire. L’étymologie du
mot est claire : il vient de pheid-, épargner, et convient bien pour un repas
fondé sur l’épargne, puisque organisé par écot ; mais Plutarque signale que le
mot est en concurrence avec philities, terme formé sur philia (la solidarité
amicale) et convenant pour des repas amicaux.
Andreia (singulier : andreion) serait le terme le plus ancien, déjà attesté
chez Alcman et conservé en Crète, mais, à l’époque classique, il n’est plus
employé que rarement par les Spartiates.
Suskènia (en dorien : suskania), formé sur le mot qui désigne la tente,
indique le partage de la tente où a lieu le repas ; le terme, lié en partie à la vie
de camp, a une connotation institutionnelle, puisque Xénophon évoque la skènè
dèmosia (tente publique) (Rep. Lac., XV, 4).
Participation
La participation aux syssities est obligatoire pour être au nombre des
Homoioi. On y est vraisemblablement admis à partir de 20 ans. La procédure
est décrite par Plutarque (Lyc., 12) ainsi que par un scholiaste (à Platon, Lois
633a) : la cooptation se fait à l’unanimité des membres du sussition, qui votent
au moyen de boulettes de pain jetées dans un grand vase. Il est possible 66 que le
jeune soit parrainé par son éraste.
Chaque convive doit fournir sa quote-part mensuelle, dont le montant a été
indiqué par Dicéarque (FHG, II, 242 = Athénée, IV, 141 b-c) et par Plutarque
(Lyc., 12), soit, transcrits en unités modernes, environ 77 litres d’orge,
39 litres de vin, 3 kilos de fromage et 1,5 kilo de figues, ainsi que 10 oboles
éginétiques, soit l’équivalent de 2,5 drachmes attiques. Il n’est pas fait mention
de l’huile d’olive, pourtant indispensable, et on ne sait si elle était achetée ou
fournie en supplément 67 . Ces quantités, qui dépassent la consommation d’un
individu, devaient permettre de nourrir aussi le personnel des syssities.
Si l’on ne pouvait payer sa part, on cessait d’être citoyen de plein droit, ce
qui, comme l’a souligné Aristote (Pol., II, 9, 1271a 26-37), posait des
problèmes à la fois sociaux et politiques.
On peut cependant s’interroger sur le nombre de convives par sussition. En
effet, Plutarque donne deux indications contradictoires. Selon la Vie de
Lycurgue, 12, « ils se réunissaient par quinze, ou un peu plus ou un peu
moins » ; et les Apophtegmes laconiens (226d) rappellent, à propos des
syssities, que les citoyens en armes étaient répartis en petits groupes
(kat’oligous). Quant à la scholie à Lois 633a, qui donne, sur la cooptation et
sur la nécessité du secret 68 , les mêmes indications que Plutarque, elle indique
que les convives étaient au nombre de 10, ce qui correspond à l’effectif de la
« tente publique », qui, selon Xénophon (Rép. Lac., XIII, 1), pouvait réunir le
roi en campagne, les 6 polémarques et les 3 Homoioi attachés à la tente 69 .
Or, dans la Vie d’Agis, 8, 4, voulant théoriquement revenir à Lycurgue,
tout en divisant ses nombres par deux, puisque Sparte avait perdu la majeure
partie de la Messénie, le roi réformateur entendait répartir les 4 500 citoyens
prévus en 15 phidities de 400 ou 200 membres. Contrairement à la plupart des
commentateurs, je ne crois pas souhaitable de rejeter purement et simplement
ces dernières indications. Même si Phylarque, dont s’inspire ici Plutarque, est
très partial en faveur d’Agis IV, c’est un contemporain, dont les indications ont
des chances d’être mieux fondées que des traditions censées remonter à
Lycurgue. D’autre part, le texte de Plutarque présente une contradiction
apparente, qu’ont bien décelée certains traducteurs 70 : 4 500 n’étant pas
divisible par 200, on ne peut constituer les 15 phidities prévues. Mais, si l’on
constitue 7 phidities de 200 et 7 de 400, il reste une phiditie de 300, qui, bien
que non indiquée par Plutarque, n’est pas faite pour surprendre, car elle
correspond précisément au nombre des Hippeis. Ce simple calcul confirme la
valeur des indications de Plutarque, que lui-même ne comprend plus très bien.
Ainsi, même si l’on peut contester le caractère « lycurguien » de la réforme
d’Agis, le contenu de sa réforme, qui, sur ce point, n’a d’ailleurs pu être
réalisée, ne saurait être mis en doute. La présence d’un nombre identique dans
les deux textes de Plutarque est une simple coïncidence, n’impliquant pas une
tradition unique, qui, dans un cas, aurait été mal interprétée, car les 15 groupes
d’Agis sont censés renvoyer à un système lycurguien de 30 syssities.
Évoquant les subdivisions de l’armée, Polyen, 2, 3, 11, suggère que les
syssities ne formaient qu’un groupe restreint, puisque, à propos de la bataille
de Leuctres, il cite, dans un ordre manifestement décroissant, mores, loches,
énomoties 71 et syssities. Au contraire, le texte d’Hérodote (I, 65) qui évoque
énomoties, trièkades et syssities ne permet pas de conclusions, car on ne sait si
les trièkades sont des groupes de 30, ce qui ne les distinguerait guère des
énomoties, ou des trentièmes de l’armée. Cependant, les syssities de Sparte, qui
associent des personnes d’âge divers, sont volontiers comparées aux banquets
des phratries, qui peuvent réunir plus d’une centaine de participants 72.
Toutefois, quand, par exemple, à la veille de Leuctres, il n’y avait plus que
1 200 Spartiates mobilisables, il était bien évident qu’on ne pouvait plus réunir
30 syssities de plusieurs centaines de convives ; inversement, à une époque où
il y aurait eu 9 000 Spartiates, on imagine mal 600 syssities de 15 convives.
Les diverses indications sont cependant conciliables si l’on distingue le
« lieu de réunion » et le groupe de convives 73 . Dans le premier cas, il peut
s’agir d’un nombre important : Agis IV prévoit 200, 300 ou 400 personnes,
tandis qu’en Crète (voir Dosiadas, FGH 450 F2 = Athénée, IV, 143), où les
citoyens peuvent être répartis en hétairies qualifiées d’andreion, chaque local
de syssitie comporte plusieurs tablées et il est même possible qu’il n’y ait
qu’un local qualifié d’andreion par cité. Au contraire, la tablée elle-même peut
se limiter à 10 ou 15 personnes, voire moins, puisque Alcman évoque de petits
andreia de 7 convives.
Le seul problème concret qui se pose est de savoir si l’on doit être coopté
par toute la « salle » ou seulement par la « tablée ». Bien qu’il soit difficile de
conclure sur ce point, il est plus vraisemblable qu’il s’agit d’être coopté par
l’ensemble. En effet, il ne serait pas difficile d’être admis, s’il suffisait d’être
coopté par 14 ou 9 personnes et il n’y aurait pas besoin d’un grand vase pour y
déposer une dizaine de boulettes de pain.
De toute façon, quand les Spartiates n’étaient plus que de 1 000 à 2 000,
chacune des 30 syssities ne pouvait plus comporter qu’un nombre limité de
convives 74 . Quant à savoir ce qui se passait réellement, quand ils étaient 9 000,
il est difficile de le dire, car nous n’avons aucune assurance que le système
imaginé ou reconstruit par Agis IV ait déjà fonctionné et, notamment, qu’en
dehors des campagnes la participation quotidienne ait déjà été obligatoire.
En tout cas, elle ne l’était pas, au moins à l’origine, pour les rois. Selon
Hérodote (VI, 57), ceux-ci pouvaient librement soit assister aux repas
collectifs, soit manger chez eux, soit se faire inviter par des particuliers, qui,
eux non plus, n’avaient pas ce jour-là participé aux syssities. Il paraît au
contraire normal à Xénophon (Rép. Lac., XV, 4) que les rois mangent hors de
chez eux, puisqu’on leur a affecté à cet effet une « tente publique ». Quant à
Plutarque, il prétend que, même pour eux, cette participation était obligatoire et
rapporte qu’on avait refusé d’envoyer ses portions à un roi qui, au retour
d’une expédition victorieuse, avait voulu dîner avec sa femme (Lyc., 12, 5).
Aussi bien dans les repas publics que lorsqu’ils mangeaient chez eux, les
rois avaient effectivement droit à une double part, ce qui, selon Xénophon, leur
permettait d’honorer qui ils voulaient 75, mais devait initialement, comme chez
Homère, surtout servir à marquer leur prééminence. Les gérontes
nouvellement élus recevaient aussi une double part et pouvaient ainsi honorer
une femme de leur famille. Quant aux éphores, ils avaient un sussition, qui leur
était propre.
La participation des jeunes variait suivant l’âge : les paidés au sens
restreint ne participaient pas aux syssities ; les paidiskoi, sans y participer, y
assistaient en silence, ce qui permettait d’apprécier leur tenue pour, plus tard,
les coopter et obligeait les adultes à un minimum de décence ; les néoi, quant à
eux, à condition d’avoir été cooptés, participaient aux syssities.
L’agôgè, les syssities et les activités militaires, qui duraient jusqu’à 60 ans,
imposaient aux Spartiates une vie collective qui autorisait et favorisait la
chasse, mais ne laissait guère de place aux raffinements de l’art et de la
littérature et a pu contribuer au déclin culturel de Sparte, visible dès la fin du
e e
VI siècle et s’aggravant au milieu du V siècle.
Cependant, les phidities spartiates ne sont pas totalement égalitaires. Les
riches et les bons chasseurs se distinguent et sont incités à le faire en apportant
des suppléments de nourriture (pain blanc, produits agricoles ou gibier) : si
ceux-ci sont bien partagés, les donateurs sont récompensés par des places
d’honneur et voient leurs noms proclamés lors de la distribution des parts
(Épicharme, in Athénée, IV, 139c, et Molpis, ibid., 141e). Mais il y a plus
grave : contrairement à ce qui se passe en Crète, il faut apporter son écot, ce
qui élimine les plus pauvres. Aussi Aristote (Pol., II, 9, 1271a 26-37) peut-il
souligner que les syssities, dont le législateur voulait faire une institution
démocratique, ne se montrent finalement « pas du tout démocratiques ».
C’est justement pour qu’ils puissent payer leur part aux syssities qu’aurait
été alloué un lot de terre (kléros) à chaque citoyen 76 . Dans leur reconstruction
du passé spartiate, les Anciens ont supposé soit que, conformément aux
habitudes des conquérants, la distribution avait été faite lors de la conquête
dorienne 77 , soit que, comme toute l’organisation spartiate, elle était l’œuvre de
Lycurgue, soit enfin que, puisqu’il y avait aussi des lots en Messénie, l’œuvre
de Lycurgue avait été complétée par le roi Polydore, vainqueur des
Messéniens 78 (Plut., Lyc., 8, 5, 6). Il est évident que les Grecs ne pouvaient
avoir de documents sur l’attribution initiale des kléroi et que cette distribution
théoriquement égalitaire ne saurait être qu’une reconstruction tardive.
Mais qu’en est-il du kléros et, en général, du régime de la propriété à
l’époque classique ? Les historiens modernes ou bien ont fait aveuglément
confiance à Plutarque en se contentant de paraphraser ses indications, ou bien
ont rejeté comme une invention tardive tout le système fondé sur l’égalité et
l’insécabilité des kléroi alloués par la cité et associés à une rente fixe payée par
les Hilotes qui cultivaient le domaine.
Il est prudent à cet égard de bien distinguer ce que les auteurs écrivent sur
la Sparte de leur époque et ce qu’ils croient savoir du régime ancien de la
terre. Au IVe siècle, contrairement à ce qui se passe en général dans les autres
cités, la propriété du lot de terre est partagée entre la cité et son détenteur et
l’on peut à cet égard, en reprenant des termes du droit romain, distinguer le
droit d’usage (ius utendi) et le droit d’aliéner (ius abutendi), déjà en germe
dans la Rhétorique d’Aristote (I, 1361a 12-14).
Le détenteur du lot en a, bien sûr, l’usufruit, même si ce droit est, selon
Plutarque 79 , limité par l’interdiction d’en tirer plus que la rente traditionnelle.
Mais il n’avait pas le droit de l’aliéner : l’abréviateur d’Aristote (Hérakleidès
Lembos, Fr. 373,12 Dilts = Aristote, Const. Lacéd., Fr. 611, 12, Rose) affirme
expressément que « vendre de la terre est considéré comme honteux (aischron)
pour les Lacédémoniens 80 , pour un élément de la part ancienne (archaia
moira), ce n’est même pas permis », ce que Plutarque (Inst. lac., 22) paraphrase
en : « Il était interdit de vendre les parts distribuées initialement (archèthen
diatétagménas) 81.» Aristote considère d’ailleurs cette interdiction comme un
usage archaïque, qui avait été assez général : « Dans beaucoup de cités, il était
même interdit par la loi, au moins jadis, de vendre les premiers lots » (Pol., VI,
4, 1319a 10-11) 82.
Cependant, l’abréviateur d’Aristote suggère que le Spartiate peut posséder
de la terre en dehors du lot initial 83 . Cette distinction paraît confirmée par un
passage de Polybe (VI, 45, 3), où, selon des auteurs du IVe siècle, le régime
lacédémonien est caractérisé par le fait que « tous les citoyens doivent avoir
une part égale du territoire civique (politikè chôra) 84 »: si les citoyens
n’avaient possédé que des lots de ce territoire, chôra n’aurait pas eu besoin
d’être précisé. De même, dans la Vie d’Agis, Plutarque évoque à la fois le
patrimoine (oikos) et le klèros (5, 2 et 5, 3) ou la terre (gè) en général et le
klèros (5, 6) 85. Comme, selon Plutarque (Agis, 5, 3), la rhètra d’Épitadeus 86
aurait permis d’aliéner par don ou legs les deux catégories, il apparaît qu’à
cette époque (IVe siècle) le détenteur a acquis, au moins partiellement 87 , le ius
abutendi.
Le renforcement de son droit de propriété est aussi confirmé par le régime
successoral, sur lequel Plutarque a recueilli deux traditions contradictoires.
Dans la Vie de Lycurgue, 16, 1-2, l’auteur rapporte que le père apportait son
nouveau-né 88 « dans un lieu, qualifié de leschè (salle de réunion), où
siégeaient les plus âgés des gens de la tribu 89 . Ceux-ci examinaient l’enfant et,
s’il était bien conformé et robuste, enjoignaient de l’élever, en lui attribuant un
des neuf mille lots » ; sinon, ils le faisaient jeter dans un précipice. Mais, dans
la Vie d’Agis, 5, 2, le même auteur assure qu’avant la rhètra d’Épitadeus « le
père laissait son lot à son fils ».
Les historiens ont vainement tenté de concilier les deux textes. Il ne suffit
pas de supposer que les vieillards accordaient ou confirmaient au fils, pour
l’avenir, le lot du père. Car que se passait-il, lorsque, cas normal, il y avait
plusieurs fils ? On lui donnerait alors, selon P. Oliva, un des autres lots
disponibles, mais, en admettant même qu’il y en eût, ce ne serait plus le lot du
père. Et, surtout, le premier texte ne parle pas d’accorder pour l’avenir, mais
d’assigner immédiatement : s’il s’agit du lot du père, celui-ci s’en trouverait
alors démuni.
Aussi, plutôt que d’essayer de concilier artificiellement les deux modes
d’héritage, vaut-il mieux y reconnaître deux régimes différents.
Il y aurait d’abord eu un régime ancien, évoqué dans la Vie de Lycurgue,
régime dont la réalité a été mise en doute par certains historiens, ne serait-ce
que parce qu’il paraît inapplicable. Pour le rendre applicable, il suffirait
cependant de retirer du texte de Plutarque tout ce qui n’est qu’interprétation
tardive, puisque les seuls faits rapportés sont
1) la sélection des nouveau-nés viables par les vieillards de la tribu 90 ,
2) l’attribution de lots disponibles, ce qui fait problème, s’il n’y a en pas
assez, mais Plutarque, habitué à l’oliganthropie spartiate, n’envisage pas
l’hypothèse et insiste au contraire sur l’obligation pour le père d’élever
l’enfant reconnu viable 91.
En fait, pour que le système marche, même en cas de pénurie, il faut et il
suffit que les anciens de la tribu aient suivi l’ordre inverse et qu’ils aient
sélectionné les enfants à élever en fonction des lots disponibles. Ce système,
s’il a réellement existé, permettait de maintenir constant le nombre des
citoyens en évitant son accroissement, qui était sans doute un des problèmes de
l’époque archaïque.
Mais il ne suffit pas que le système soit viable pour qu’il ait réellement été
mis en œuvre. On a pu l’imaginer pour justifier l’image d’une Sparte
archaïque qu’on se représentait comme longtemps restée égalitaire, ce qui
n’aurait pas été possible si les successions avaient permis la division et la
concentration des biens. Or, ni dans les textes les plus anciens (par exemple
Tyrtée), ni chez Hérodote, Sparte n’apparaît comme une cité où la propriété est
répartie de façon égalitaire.
De toute façon, la tendance à vouloir s’approprier héréditairement le lot
dont on ne serait qu’un détenteur viager est assez universelle. Aussi, même si
le système, normal en Grèce, qu’évoque la Vie d’Agis, n’est pas originel, il a
dû s’imposer assez vite 92.
Il reste cependant un dernier problème. Selon Plutarque « le père laissait
son lot à son fils ». Mais, quand il y a plusieurs enfants, comme aucun texte ne
réserve l’héritage à l’aîné, les biens devaient être partagés 93 , ce qui suscite des
problèmes sociaux, bien soulignés par Aristote et Plutarque. En effet,
contrairement à l’égalité, au moins partielle 94 , qu’aurait permise l’attribution
d’un kléros à tout nouveau-né admis à vivre, le « nouveau » système entraînait
l’appauvrissement, lorsqu’il y avait plusieurs fils 95, qui devaient soit vivre du
même lot, soit le partager 96 . Il permettait aussi l’enrichissement par cumul
lorsqu’on épousait une patrouchos, car, contrairement à ce qui se passait à
Athènes, le mari de la patrouchos ne coupait pas tout lien avec sa famille
d’origine, dont il continuait à hériter. Il est d’autre part possible que, comme à
Gortyne, les filles aient hérité de la moitié de la part de leur frère, soit à la
mort de leur père, soit comme dot dès leur mariage. C’est ce qui, ajouté aux
possessions des patrouchoi, pourrait expliquer comment, au grand scandale
d’Aristote (Pol., II, 9, 1270a 23-26), les femmes en étaient venues à posséder
les deux cinquièmes de tout le territoire 97 .
Le kléros aurait ainsi été détourné de sa fonction originelle, qui aurait été
de fournir les ressources permettant au citoyen de s’adonner aux activités de
l’homme libre (guerre, chasse et vie politique).
De toute façon, l’égalité économique et sociale entre tous les Homoioi,
dont il aurait fourni la base, n’est qu’un mythe, qui ne paraît pas attesté avant le
e
IV siècle : cette égalité n’est jamais mentionnée par Hérodote, et Thucydide (I,
6, 4) évoque seulement « l’égalité dans les genres de vie entre les possédants et
le grand nombre », ce qui suffit à rappeler l’existence des deux catégories.
Même dans son éloge de la Sparte d’avant la décadence, Xénophon (Rép. Lac.,
7) se contente de détailler les moyens utilisés par Lycurgue pour contrarier le
désir de s’enrichir, sans jamais prétendre que les Spartiates auraient tous des
ressources identiques. Quant à Aristote (Pol., II, 6, 1266a 39-40), loin de
supposer une égalité des biens entre les Spartiates, il fait de Phaléas de
Chalcédoine le premier théoricien à avoir proposé une telle égalité entre les
citoyens d’une même cité. En fait, en dehors même des rois, dont la richesse
était proverbiale 98 , on connaît des Spartiates assez riches pour faire courir des
chars à Olympie, comme, au Ve siècle, Anaxandros, Polyclès 99 , Arcésilas et
son fils, Lichas ou Léon, et, de 448 à 420, en 8 concours olympiques, les
Spartiates remportent même 7 fois la course de quadriges 100 . Selon Plutarque
(Agésilas, 20 et Apopht. lac., 212b), Agésilas aurait même dû inciter sa sœur
Kyniska à concourir pour essayer de persuader aux aristocrates spartiates que
de telles victoires attestaient plus la richesse que l’excellence (arétè). De toute
façon, se distinguait une élite sociale constituée de ceux qu’Hérodote qualifie
de dokimoi (gens de renom) et Aristote de prôtoi (les premiers).
Inversement, Xénophon (Rép. Lac., VI, 4) évoque « ceux qui ont peu » et
qui sont heureux d’« avoir part à tout ce qui est dans le pays quand ils ont
besoin de quelque chose » et, notamment, quand ils se sont attardés à la chasse,
à la nourriture laissée par les autres, tandis qu’Aristote mentionne ceux qui, ne
pouvant payer leur part des syssities, perdent leur pleine citoyenneté.
101
LA FEMME À SPARTE
La femme spartiate a trop intéressé les autres Grecs pour pouvoir échapper
à l’idéalisation ou au dénigrement.
L’image traditionnelle
Pour les uns, les mères spartiates, plus spartiates que les Homoioi eux-
mêmes, sont un modèle d’héroïsme, au moins par procuration, puisqu’elles
incitent dans de nombreux apophtegmes, pieusement recueillis par Plutarque,
leurs fils à mourir pour la patrie et se lamentent même de les voir revenir
vivants.
Il est possible qu’elles aient réellement essayé de jouer ce rôle que la cité
leur dictait, comme elle utilisait aussi femmes ou jeunes filles pour faire honte
ou gloire aux jeunes combattants ou honorer le nouveau géronte.
Mais, au-delà de cette façade héroïque, sans doute imposée par les
convenances sociales 102, les femmes spartiates ne se montrent pas plus
courageuses que les autres Grecques : de même que Leuctres avait mis à mal le
mythe de l’invincibilité spartiate, l’invasion thébaine qui lui fit suite porta, au
moins provisoirement, atteinte au mythe de la Spartiate héroïque 103 . Xénophon
(Hell., VI, 5, 28) se contente de noter sobrement que, lors de cette invasion,
« en ville, les femmes ne supportaient même pas la vue de la fumée, parce
qu’elles n’avaient jamais vu d’ennemis ». Mais Aristote (Pol., II, 9, 1269b 34-
39) surenchérit en les accusant d’être les plus nocives (blabérôtatai) dans le
domaine militaire et en assurant que, « lors de l’invasion thébaine, elles ne se
montraient, contrairement 104 aux femmes des autres cités, utiles en rien, mais
causaient plus de troubles que les ennemis ».
Cependant, tout en rejetant l’image héroïque de la femme spartiate,
Aristote sacrifie au mythe inverse, celui de la Spartiate dévergondée. S’il se
contente (Pol., II, 9, 1269b 12-23) d’évoquer, sans entrer dans les détails, le
laisser-aller (anésis) féminin et le dérèglement total (akolastôs pros hapasan
akolasian) des femmes spartiates, c’est qu’il s’agit déjà d’un topos trop connu
pour qu’il soit besoin d’insister. Il suffit de rappeler les propos de Pélée dans
l’Andromaque (595-604) d’Euripide : « Même si elle le voulait, une jeune fille
ne saurait rester chaste (sôphrôn) à Sparte, où, désertant les maisons, avec les
jeunes hommes (néoi), cuisses nues 105 et péplos flottant, elles partagent, chose
intolérable à mes yeux, pistes de course et palestres », et le vieillard d’évoquer,
avec à propos, puisqu’il s’adresse à Ménélas, le thème exemplaire du
dévergondage d’Hélène, « partie avec un jouvenceau faire la fête en terre
étrangère ». S’il est vrai que, contrairement à Athènes, les jeunes filles ne
restaient pas confinées à la maison, avaient des activités sportives et
apparaissaient nues 106 dans des processions (Plut., Lyc., 14, 4), seule la
malveillance pouvait en tirer des conclusions sur leur vertu.
L’éducation
L’éducation des jeunes filles, qui surprenait les autres Grecs, a été évoquée
notamment par Critias (DK II6 B 32), Xénophon (Rép. Lac., 1, 3-4), Platon
(Lois, VII, 806a), Nicolas de Damas (FGH 90 F103,4) et Plutarque, Lyc., 14-
15.
Il est remarquable que la cité se soucie de l’éducation des filles et que cette
éducation soit pour une bonne part un entraînement physique. Critias, dans une
perspective eugénique, se félicitait que celle qui allait un jour être mère
s’entraînât (gumnazoito) et fortifiât son corps. Xénophon, dans la même
perspective, assurait que Lycurgue imposa un entraînement physique
(sômaskein) au sexe féminin tout autant qu’au sexe masculin et organisa à
l’intention des jeunes filles des compétitions de course et de force. Il soulignait
aussi que, contrairement au reste de la Grèce, on ne leur mesurait pas
chichement la nourriture 107 et on ne leur interdisait pas le vin 108 , ce qui
suggère sans doute un régime roboratif. Ainsi s’expliquent sans doute les
réactions admiratives et amusées de Lysistrata (Aristophane, Lys., 79-84)
accueillant la Laconienne Lampito : « Quel corps vigoureux tu as ! tu
étranglerais un taureau », à quoi celle-ci rétorque : « Ma foi ! oui, par les
Dioscures, c’est que je fais du gymnase et saute jusqu’aux fesses. » Plutarque
précise que les jeunes filles pratiquaient la course, la lutte et le lancer de
disques et de javelots, mais le dernier exercice au moins ne devait pas être
pratiqué à l’époque classique, puisque l’Athénien des Lois (VII, 806b) reproche
aux femmes spartiates leur incapacité à lancer avec quelque compétence une
arme de jet.
Cependant, l’éducation des jeunes filles ne se limite pas à l’entraînement
physique : Platon rappelle qu’elles ont aussi part à la mousikè. Celle-ci leur est
enseignée dans le cadre des chœurs 109 , dirigés par des chorèges et des poètes
professionnels, où elles apprennent les valeurs civiques et se préparent à
participer à la vie religieuse de la cité.
L’entraînement physique, la participation aux chœurs de chant et de danse
et, en général, à la vie religieuse de la cité implique une certaine vie collective,
qui amène Pindare (Fr. 112 Snell) à évoquer une « agéla laconienne des jeunes
filles (parthénôn) ». Il s’agit là sans doute d’une simple métaphore rappelant
les agélai de garçons. Il n’empêche que, chez elles aussi, tout est fait pour
développer l’émulation. Outre les concours gymniques, déjà évoqués, la cité
met en concurrence les chœurs de jeunes filles, tandis que celles-ci aspirent à
la gloire d’être au nombre des 12 qui chantent l’épithalame d’Hélène et
Ménélas ; et, au VIIe siècle, le Parthéneion d’Alcman évoquait même comme un
concours de beauté entre elles.
Il semble que, comme pour les garçons, ait joué un certain rôle dans leur
formation l’homosexualité, qu’on peut qualifier d’homoérotisme, si ces
relations restaient « platoniques ». Plutarque (Lyc., 18, 9) signale au passage
que « l’amour était si admis (enkékriménou) chez eux (sc. à Sparte) que les
femmes de bien aimaient (éran) les jeunes filles ». On ne peut trop se fonder
sur la remarque d’Hagnon l’Académique, cité par Athénée (XIII, 602d-e),
« c’était la coutume chez les Spartiates d’avoir des relations sexuelles (omilein)
avec les jeunes filles avant leur mariage comme avec des mignons », car il
pourrait s’agir de relations hétérosexuelles. Mais l’Athénien des Lois (I, 636b-
c) critique, à Sparte comme en Crète, « les amours contre nature » entre
femmes comme entre hommes. Quelle que soit la fréquence des relations
homosexuelles entre femmes, relations dont les Grecs n’aiment guère parler –
d’où l’importance de la critique de Platon et de la remarque incidente de
Plutarque, qui s’efforce de justifier ce qu’il ne peut nier –, il est clair que,
comme la vie collective, elles tendent à libérer la jeune fille et la femme des
relations strictement familiales.
Le mariage 110
donnent les Spartiates, et les anecdotes évoquant des mariages avec des
femmes riches, qui ne sont pas nécessairement des patrouchoi, n’auraient pas
de sens, si la dot, d’ailleurs bien attestée en Crète, n’existait pas.
Le mariage spartiate comporte cependant des rites originaux, décrits par
Plutarque (Lyc., 15, 4-9). Selon cet auteur, les Spartiates « se mariaient par
enlèvement (harpagè) » et la chose est confirmée par Hérodote (VI, 65),
puisque, Démarate, « ayant intrigué, prive Léotychidas du mariage (attendu) en
enlevant (harpasas) avant lui Percalon et en la prenant pour femme ». Dans cet
exemple, ce qui est anormal, c’est non le rapt, mais le fait que le ravisseur soit
Démarate et non Léotychidas. Aussi l’enlèvement ne paraît-il pas contraire à la
procédure normale, mais devait être la matérialisation rituelle de l’ekdosis 115.
Il est d’ailleurs possible, voire probable, que Démarate, profitant de sa
situation de prince héritier, ait « intrigué » auprès du père de la mariée.
Plutarque précise le travesti rituel qui faisait suite à l’enlèvement : la
« marieuse » (numpheutria) rasait la tête de la jeune fille ainsi enlevée,
« l’habillait d’un manteau et de sandales d’homme et la couchait sur une
paillasse, seule et sans lumière. Le jeune marié…, qui avait dîné aux phidities,
se glissant furtivement à l’intérieur, lui déliait la ceinture et, la soulevant, la
transportait sur le lit. Après avoir passé avec elle un temps restreint, il se
retirait décemment pour aller dormir là où il avait l’habitude, avec les autres
jeunes gens ». Comme Plutarque ajoute que le jeune marié continue à vivre
avec ses camarades (jusqu’à l’âge de 30 ans) et ne voit sa femme qu’en
cachette, même si elle est devenue mère, il manque pendant un certain nombre
d’années un élément de ce qui, ailleurs, est constitutif du mariage, à savoir la
cohabitation (sunoikein). L’on peut dire qu’à Sparte le mariage se fait en trois
épisodes : l’enguè, le rapt correspondant à l’ekdosis et enfin la vie commune.
S’intègre difficilement à ce schéma un rite étrange rapporté par un auteur
du IIIe siècle, Hermippos de Smyrne (FHG III, 37 = Athénée, XIII, 555b-c).
« Toutes les jeunes filles (korai) et les jeunes garçons (néaniskoi) non mariés
étaient enfermés dans une salle obscure et chacun emmenait sans dot celle dont
il s’était saisi », et l’auteur ajoute que Lysandre aurait été mis à l’amende pour
avoir voulu remplacer par une plus belle la première dont il s’était saisi. Si ce
type d’union a réellement existé, il est difficile d’y voir un véritable mariage
et, s’il ne s’agit que d’une union sexuelle sans suite, servant d’initiation, il
serait étrange qu’aucun adversaire de Sparte n’en ait tiré parti pour dénoncer
l’immoralisme des Spartiates.
Le fait qu’Anaxandridas, refusant de répudier sa première femme, ait été
autorisé à avoir en même temps deux femmes et deux foyers, est tout à fait
exceptionnel, mais les éphores n’auraient peut-être pas pensé à une telle
solution si Sparte n’avait connu un régime conjugal assez souple permettant à
une femme d’avoir légalement des rapports sexuels avec deux hommes (Xén.,
Rép. Lac., I, 7-9, et Plut., Lyc., 15, 12-13, Comp. Lyc.-Numa, 3, 3 et Mor., 242b).
Un vieillard qui a une jeune femme 116 peut utiliser les services d’un homme
dont il admire les qualités physiques et morales pour l’introduire auprès de sa
femme et en obtenir un enfant. Inversement, « si quelqu’un ne voulait pas se
marier, mais désirait avoir des enfants de valeur », il lui était permis, « s’il
voyait une femme bien née et bien pourvue d’enfants, de persuader son
possesseur et de s’en faire faire un enfant ». On retrouve là, dans un domaine
un peu particulier, cette communauté d’usage dont Aristote faisait l’éloge :
dans le premier cas, il y a prêt du géniteur, dans le second, prêt de la femme,
mais ce qui importe à la famille, comme à la cité, c’est la naissance d’un
enfant. Ces usages particuliers expliquent peut-être pourquoi l’adultère, même
féminin, n’est pas criminalisé à Sparte, ce qui n’implique pas, comme
l’imaginent ses laudateurs, qu’il n’y en ait pas ou que les Spartiates ne soient
pas jaloux : les exemples scandaleux de Timaia, la femme d’Agis II, ou de
Chilonis, la femme de Cléonymos, suffiraient à le montrer.
De vrais cas de polyandrie 117 sont évoqués dans un fragment de Polybe
(XII, 6 b 8). Selon cet historien, « chez les Lacédémoniens, il était à la fois
traditionnel et habituel que la femme eût 118 trois, voire quatre maris et parfois
plus, quand ils étaient frères, et que leurs enfants fussent communs ; et, quand
on avait assez d’enfants, il était beau et habituel de donner en mariage
(ekdosthai) sa femme à un de ses amis ». Le vocabulaire employé pour le
deuxième cas est celui du mariage : il correspond donc plus à un remariage
qu’à la polyandrie et on peut le rapprocher d’un passage d’Isée (II, 7, 9), où, à
Athènes, un vieillard sans enfants entend persuader sa femme de se remarier.
Le premier cas est plus intéressant, car, s’il est fréquent, comme le prétend
Polybe, il supposerait, outre le manque de femmes 119 , un effort pour éviter de
partager le patrimoine. On peut cependant se demander s’il s’agit réellement de
mariage et non pas simplement de phratries se partageant la même concubine.
La propriété
125
LA VIE RELIGIEUSE
La religiosité spartiate
La religion paraît jouer à Sparte un plus grand rôle que dans les autres
cités.
• C’est ce que suggère d’abord le nombre de lieux de culte, surtout
rapporté au faible nombre de citoyens. Si l’on ne prend en compte que le site
même de Sparte en négligeant le reste de la Laconie, on relève chez Pausanias
43 sanctuaires de divinités (hiéron), dont certains sont consacrés à plusieurs
divinités, 22 sanctuaires de héros (héroon), auxquels on peut ajouter une
quinzaine de statues de dieux (agalma) et 4 autels mentionnés à part, soit au
total au moins 90 lieux de culte, sans compter les passages où une divinité est
mentionnée sans qu’on sache s’il s’agit d’une statue, d’un temple ou d’un
sanctuaire. En outre, Pausanias a fait une sélection : comme il le rappelle en III,
11, 1, il s’est refusé à tout dire à la suite, mais a choisi ce qui était le plus digne
de mention.
La sacralité de Sparte est encore accrue par le fait que, comme dans sa
colonie de Tarente, les morts y sont enterrés dans la ville même, alors que les
autres Grecs n’enterrent à l’intérieur de l’enceinte que les morts héroïsés, qui
ont quelque chose de divin. Plutarque (Lyc. 27, 1) fait remonter l’usage à
Lycurgue : « il (s.c Lycurgue) n’interdit pas d’enterrer les morts dans la ville
et d’avoir les monuments funéraires (mnèmata) à proximité des sanctuaires »,
et il y voit un moyen de former les jeunes en leur ôtant toute peur de la mort et
de sa souillure. De fait, dans l’ensemble de la Grèce, l’exclusion des morts ne
s’est réalisée que progressivement 127 en rapport avec la fermeture du site
urbain. Or, Sparte, jusqu’à une date tardive 128 , resta sans enceinte : ce n’est pas
un lieu clos, d’où on peut exclure les morts. Au contraire, Tarente, qui est une
véritable ville et non un agrégat de villages, eut besoin d’un oracle pour
justifier, sur ce point, l’imitation de sa métropole 129 .
Cette particularité de Sparte y accroît le nombre des lieux sacrés. Pausanias
y mentionne 14 monuments funéraires (mnèmata), 7 tombes (taphoi)
mémorables, sans compter les tombes royales des Agiades et des
Eurypontides, situées aux deux extrémités de la ville, le cénotaphe de Brasidas
et la stèle des morts des Thermopyles.
Certaines de ces tombes étaient des lieux de culte. Ainsi celles de Léonidas,
le héros des Thermopyles, et de Pausanias, le vainqueur de Platées, fournissant
tous les ans l’occasion de discours et de concours réservés aux Spartiates,
contribuaient à la religion patriotique. Y contribuaient aussi le sanctuaire de
Maron et Alpheios, qui s’étaient distingués aux Thermopyles, ainsi que le culte
rendu à Lycurgue, adoré comme un dieu dans un sanctuaire où se déroulaient
des sacrifices annuels. Quant aux tombes d’Oreste et d’Épiménide le Crétois,
même si Pausanias ne mentionne pas de rites particuliers, elles devaient aider à
protéger la cité.
La présence des morts dans la cité, même si elle ne résulte pas d’un acte
délibéré, comme se l’imaginait Plutarque, a une conséquence importante : elle
tend à estamper la coupure, traditionnelle en Grèce, entre le monde du sacré et
le monde ordinaire, la notion d’hosios (en règle avec le sacré) permettant
d’habitude d’agir librement une fois délimitée la part du sacré.
• La religiosité des Spartiates a pu aussi accroître le prestige et
l’importance des prêtres, qui, dans les autres cités, ne sont, en général 130 , que
des techniciens au service des magistrats. Outre le devin du navire amiral de
Lysandre, qui a connu la gloire d’une statue dans le « monument des
navarques » de Delphes, deux textes suggèrent qu’à leur mort prêtres et
prêtresses ont bénéficié de privilèges particuliers, mais ils sont tous deux mal
établis et sujets à caution 131. Un passage d’Hérodote (IX, 85) indique qu’après
la victoire de Platées les Lacédémoniens auraient fait trois tombes et enterré,
dans la première, les prêtres (hiréas), dans la deuxième, les autres Spartiates et,
dans la troisième, les Hilotes. Mais les Spartiates enterrés dans la première
tombe dont le texte donne les noms se sont distingués par leur courage, et rien
ne laisse entendre qu’il s’agisse de prêtres. Aussi a-t-on généralement préféré
corriger le texte pour y voir de jeunes Spartiates d’élite (sans doute des
Hippeis, même si Hérodote les a peut-être qualifiés d’irènes). Quant au texte de
Plutarque (Lyc., 27, 3), il n’aurait de sens qu’avec l’adverbe ἱερὡδ en
signifiant : « Il n’était permis en les enterrant d’inscrire (sur les tombeaux) le
nom du mort que s’il s’agissait d’un homme mort à la guerre ou d’une femme
morte saintement », mais l’adverbe ne paraît pas attesté avant l’époque
chrétienne. Aussi les commentateurs ont-ils généralement adopté la correction
de Latte fondée sur l’épigraphie impériale, qui préserve le nom de « femmes
mortes en couches ».
En tout cas, Sparte a l’équivalent des grands prêtres dans la personne des
deux rois, qui, descendants des dieux, ont la charge de tous les sacrifices
publics 132 et ont des liens particuliers avec Delphes : ils s’y font représenter
chacun par deux Pythioi et conservent les oracles qui en proviennent. Or, si
toutes les cités consultent Delphes, notamment sur les problèmes religieux,
Sparte le fait de façon institutionnelle et souvent sur des questions politiques.
Ainsi, la grande rhètra est présentée par Tyrtée et Plutarque comme un oracle
delphique 133 ; c’est Delphes qui incite à renverser la tyrannie des Pisistratides
et qui est consultée avant le déclenchement de la guerre du Péloponnèse ; c’est
aussi à Delphes qu’on fait appel pour destituer Démarate ou nommer roi
Agésilas et c’est elle qui fait restaurer Pleistoanax.
• La religiosité des Spartiates se manifeste avant tout dans le respect des
rites.
Dans La République des Lacédémoniens, XIII, Xénophon insiste beaucoup
sur l’importance des sacrifices en période de guerre, qui doit lui paraître une
originalité de Sparte. En effet, avant le départ de l’expédition, le roi fait à
Sparte même un sacrifice « à Zeus Agètor et à ceux qui lui sont associés » ; si
les présages sont favorables, le porteur de feu prend du feu à l’autel et ouvre la
voie à l’armée jusqu’à la frontière. Le roi fait aussi à la frontière des sacrifices
(diabatèria) 134 à Zeus et à Athéna : si les deux sont favorables, il franchit la
frontière derrière le porteur du feu, qu’on ne laissera jamais s’éteindre.
L’armée est suivie de victimes de toute sorte de façon que le roi puisse
sacrifier, notamment avant la bataille : il le fait avant le lever du jour afin, dans
l’interprétation rationaliste de Xénophon 135, d’être « le premier à obtenir la
faveur divine ». Les sacrifices sont recommencés jusqu’à ce qu’ils deviennent
favorables 136 . En outre, dans leur campement, avant de prendre leur repos, les
troupes « chantent en l’honneur des dieux auxquels ils ont sacrifié en obtenant
de bons présages » (Xén., Rép. Lac., XII, 7).
Ce respect des rites est attesté dans un grand nombre d’épisodes
historiques. En 494, Cléomène, tout en faisant l’esprit fort, renonce à traverser
l’Érasinos, parce que les sacrifices sont défavorables (Hdt., VI, 76). En 419, les
Spartiates veulent aider Épidaure contre Argos, mais comme, lors de deux
expéditions, les sacrifices de la frontière sont défavorables, ils renoncent à
intervenir. Lors du combat lui-même, ils se montrent très respectueux des
signes divins. Ainsi, en 479, à Platées (Hdt., IX, 36), comme les sacrifices ont
indiqué que seule la défensive leur donnerait la victoire, ils évitent d’engager
le combat 137 . Bien plus, en Hérodote IX, 61, comme Lacédémoniens et
Tégéates ne réussissent pas à obtenir des présages favorables pour engager le
combat, ils se laissent massacrer sans réagir. Tandis que le régent Pausanias
continue à implorer Héra, les Tégéates en viennent néanmoins à marcher à
l’ennemi, mais les Lacédémoniens ne se décident à le faire que lorsque les
présages deviennent enfin favorables. En 399, Derkylidas, désireux de
s’emparer de la ville de Kébren, continue à sacrifier pendant quatre jours et
n’intervient que lorsque les gens de la ville se rallient à lui et que les sacrifices
deviennent enfin favorables (Xén., Hell., III, l, 17-19). En 389 (Xén., Hell., IV,
6, 10), Agésilas fut attaqué par l’infanterie légère des Acarnaniens alors qu’il
était encore en train de sacrifier : tant que le sacrifice n’était pas achevé, il
laissa l’ennemi approcher et blesser beaucoup de monde.
Les Spartiates se montrent aussi très sensibles aux prodiges, notamment
aux tremblements de terre 138 , pourtant fréquents dans le Péloponnèse, et
Pausanias (III, 5, 8) souligne qu’ils sont, avec les Athéniens « ceux des Grecs
qui ont le plus peur des signes qui viennent du ciel (diosèmeiai) ». Ainsi, en
426, l’attaque contre l’Attique fut stoppée à l’Isthme à cause d’un tremblement
de terre. Au printemps 414, les Lacédémoniens firent une expédition contre
Argos, mais un tremblement de terre les obligea à faire demi-tour, tandis que
les Argiens, moins soucieux des signes célestes, en profitèrent pour piller la
Thyréatide. Les Spartiates voient aussi dans le terrible tremblement de terre de
464 le châtiment du massacre impie des Hilotes réfugiés dans le sanctuaire du
Ténare.
Ils sont également très respectueux des fêtes religieuses, ce dont leurs
ennemis peuvent tirer profit. La célébration des Karneia explique leur arrivée
tardive à Marathon 139 et retarde l’envoi de renforts aux Thermopyles. C’est
pour participer aux Hyakinthia que les Amycléens de l’armée furent renvoyés
chez eux, ce qui entraîna, en 390, le désastre du Léchaion. En 418, les
Spartiates ayant dû se retirer pour fêter les Karneia, Argiens, Athéniens et
Mantinéens en profitèrent pour investir Épidaure. En 387, les Lacédémoniens
hésitant à entrer en campagne contre les Athéniens et les Béotiens en laissant
Argos sur leurs arrières, les Argiens manipulèrent leur calendrier pour
imposer aux Spartiates une trêve sacrée. Cependant, consultant Olympie et
Delphes, Agésilas obtint l’accord de la divinité pour ne pas respecter cette
trêve illégitime.
Sans doute trouve-t-on quelques exceptions : Cléomène pénètre dans
l’adyton d’Athéna à Athènes malgré l’interdiction de la prêtresse et sacrifie à
Héra d’Argos malgré l’interdiction du prêtre, mais ce roi est plutôt un modèle
négatif pour les Spartiates. Au contraire, Agésilas est exalté par Xénophon et
Plutarque. Or, il viole le droit d’asile comme son accord avec Tissapherne et il
manipule les sacrifices. Enfin, il semble que Lysandre ou des rois comme
Cléomène ou Pleistoanax n’hésitent pas, si besoin est, à corrompre la Pythie.
La piété des Spartiates risque ainsi d’être utilisée aussi bien par leurs dirigeants
que par leurs ennemis.
Elle n’en est pas moins réelle et leur crainte du divin (deisidaimonia) peut,
comme, à Athènes, celle d’un Nicias 14 0 , paraître excessive aux autres Grecs.
Elle s’explique peut-être en partie parce que Sparte est une cité guerrière et que
les rites influent beaucoup sur le moral du combattant et l’issue de la bataille et
parce que la religion, qui, en Grèce est plus collective que personnelle,
convient bien à une cité comme Sparte.
L’archaïsme religieux
Même si les Spartiates ont réussi à assimiler leurs vieilles divinités à des
dieux olympiens ou à des héros homériques, ils se distinguent tant par leur
piété quelque peu superstitieuse que par la persistance de cultes et de rites
archaïques, souvent préhelléniques, qui, montre, au moins dans le domaine
religieux, un syncrétisme entre les envahisseurs et les anciennes populations.
Conclusion générale
Si l’on considère la société spartiate en elle-même, indépendamment des
rapports qu’elle entretient avec les Hilotes et les Périèques, ainsi que les
principes sur lesquels elle repose, elle paraît concilier l’égalité au moins
relative et la discipline avec l’esprit de compétition.
C’est l’égalité sous ses deux formes, quantitative (l’ison) et qualitative
(l’homoion, qu’on retrouve dans la dénomination des Homoioi), qui a permis à
certains, notamment à Aristote 161, de parler de démocratie spartiate. En effet,
pour le philosophe, la démocratie, au sens social du terme, associe égalité et
pauvreté. Or, ces deux caractères se retrouvent à Sparte dans l’éducation des
enfants, les repas collectifs et l’habillement, au point qu’« extérieurement le
riche et le pauvre ne se distinguent aucunement » (Polit., IV, 9, 1294b 26). Il
s’y ajoute la « démocratisation » des funérailles 162, exceptionnelle dans une
société aristocratique : le seul privilège est, pour les Spartiates morts à la
guerre, d’avoir leur nom inscrit sur la tombe. Comme, en outre, chacun peut
accéder, sinon à la gérousie, au moins à l’éphorat et, grâce à son courage et à
ses capacités militaires, progresser dans la société, l’égalité paraît régner entre
les hommes, tandis que les femmes paraissent plus libres et plus égales aux
hommes que dans le reste de la Grèce ou, au moins, qu’à Athènes.
L’égalité des biens reste au contraire un mythe : l’austérité des syssities, où
se distinguent déjà ceux qui peuvent améliorer l’ordinaire, n’empêche pas les
plus riches d’embellir leur maison et surtout de se distinguer en faisant courir
des chars à Olympie. La concentration des terres fait régner une grande
inégalité économique non seulement entre les Homoioi et les autres
Spartiates 163 , mais aussi, malgré la dégradation des trop pauvres, entre les
Homoioi eux-mêmes.
Cependant, vue de l’extérieur par ses admirateurs, Sparte paraît surtout la
société du bon ordre (eunomia, eukosmia), où l’on pratique, dès l’enfance,
l’obéissance (peithô) aux lois et aux magistrats et où la discipline militaire
s’impose à tout âge. Les valeurs communes y sont intériorisées sous la forme
de l’aidôs (le sens de l’honneur), qui incite à l’héroïsme de « la belle mort »,
tandis que les chants patriotiques et la fusion émotive du vote par cris sont
censés unifier la cité. Comme, en outre, tout ou presque doit se faire en public
et que tout se sait et se juge immédiatement (cf. Plut., Apopht. lac. 221b), la
confiance 164 devrait régner entre les Spartiates.
Mais Sparte peut aussi, contrairement à la société de liberté exaltée par
Périclès dans l’Oraison funèbre (Thuc., II, 35-46), apparaître comme la société
de la contrainte (de chacun et de tous sur chacun), de la dissimulation et du
soupçon, où l’on se cache pour thésauriser comme pour pratiquer la pédérastie
et où l’on est obligé de faire bonne figure même dans les malheurs
domestiques. Les contraintes seraient si fortes que les Spartiates, qui se
trouvent à l’étranger, comme le régent Pausanias ou les harmostes du
e
IV siècle, réagiraient en ne respectant même plus les règles habituelles des
Grecs.
Cette tyrannie de la norme commune associée à un genre de vie égalitaire
aurait pu déboucher sur une société bloquée sans le contrepoids de l’émulation
(philotimia) généralisée. Fondée sur la recherche de l’excellence militaire
(arétè), déjà exaltée par Tyrtée, et sur le prestige (timè), c’est elle qui permet à
Platon de parler de timocratie. De fait, l’émulation, qui peut aller jusqu’à
l’affrontement physique, est développée systématiquement dès l’enfance ; les
jeunes adultes aspirent à se faire nommer ou à rester Hippeis et,
éventuellement, à devenir un des 3 hippagrètes ou des 5 agathoergoi ; les
combattants de tout âge s’efforcent d’obtenir le prix de la vaillance et les
hommes âgés de se faire élire à la gérousie. La religion elle-même incite à des
affrontements et à des compétitions, à Platanistas, au sanctuaire d’Artémis
Orthia ou dans divers concours. D’une manière générale, l’intervention de la
communauté par les discussions dans les syssities, les éloges et les quolibets
des jeunes filles, les honneurs et les dégradations publics, suscite un
classement perpétuel de chacun, qui incite à se surpasser tout en imposant un
conformisme qui peut paraître étouffant.
Sparte présente ainsi le paradoxe d’une société conservatrice et
collectiviste qui cultive la valeur individuelle : comme le souligne Xénophon
(Rép. Lac., 10, 4), tous sont forcés de pratiquer publiquement (dèmosia) toutes
les vertus (arétè).
2. Les Hilotes 165
Les Hilotes constituaient l’essentiel de la population servile de Sparte,
même s’il devait y avoir aussi des esclaves-marchandises, du type habituel en
Grèce, notamment à Athènes. En effet, soulignant la richesse des Spartiates,
dans l’Alcibiade majeur, 122d, dont l’authenticité paraît probable 166 , Platon
évoque la possession d’esclaves (andrapoda), notamment mais non
exclusivement « hilotiques », tandis que Plutarque (Compar. de Lycurgue et
Numa, 24, 7) note que les activités économiques et domestiques sont
abandonnées aux esclaves et aux Hilotes. Les textes mentionnent aussi quelques
personnes qui auraient été vendues à l’extérieur ou affranchies par leurs
maîtres 167 , ce qui, pour des Hilotes, était interdit. Les esclaves-marchandises
peuvent provenir du butin, fait par exemple sur les Perses, voire, notamment à
partir du IVe siècle, être achetés au marché. De toute façon, il n’est pas illégal
d’en posséder, puisque l’accord qui mit fin à la révolte de 464 interdisait aux
gens de l’Ithôme de revenir dans le Péloponnèse et prévoyait que « quiconque
s’y ferait prendre serait l’esclave de qui s’en serait saisi » (Thuc., I, 103, 1).
Cependant ces esclaves, très rarement mentionnés, devaient être peu
nombreux 168 .
Au contraire, les Hilotes, dont le sort a suscité des critiques ou, plus
rarement, des éloges dès l’Antiquité, sont fréquemment évoqués. Ils cultivent la
terre, à laquelle ils sont attachés, tandis que les citoyens, contrairement à ceux
des autres cités, dont l’agriculture constitue l’activité essentielle, ne s’adonnent
qu’à des activités politiques, militaires 169 ou cynégétiques, ce qui leur permet
de se dire plus libres que les autres Grecs 170 .
Mais l’opposition n’est peut-être pas originelle, car les poèmes guerriers
de Tyrtée paraissent s’adresser à des soldats-paysans, qui se souciaient de la
conquête d’une « Messénie bonne à labourer, bonne à planter » (fr. 4) 171 et
redoutaient d’avoir à abandonner leurs « champs fertiles » (fr .6). D’ailleurs,
selon Aristote (Pol., V, 7, 1306b 37-1307a 2), qui se fonde sur Tyrtée, et
Pausanias (IV, 18, 2-3), au cours de la seconde guerre de Messénie, des
Spartiates accablés par la guerre, qui les empêchait de cultiver les terres qu’ils
possédaient en Messénie ou dans le voisinage, réclamaient une nouvelle
distribution des terres. De toute façon, avant que le développement du combat
hoplitique ait incité les Spartiates à constituer une armée permanente, les
citoyens restaient des paysans comme les autres.
ORIGINE DE L’HILOTISME
Si les Hilotes n’ont pas toujours existé, quand sont-ils apparus ? Les
Anciens, s’interrogeant sur le mot lui-même, se sont le plus souvent ralliés à
l’interprétation d’Hellanicos (Ve s.), suivi par Éphore, Théopompe et
Pausanias, qui dérive Hilotes de la bourgade d’Hélos, au sud de Sparte. Les
gens d’Hélos auraient été les premiers à être réduits à l’état d’Hilotes, et leur
nom aurait ensuite été généralisé. Mais, comme le souligne P. Chantraine, dans
son Dictionnaire étymologique de la langue grecque, cette dérivation est
« impossible phonétiquement 172 ». L’Etymologicum Magnum propose de faire
venir le terme d’hélos (le marais), ce qui n’est qu’une variante de la même
thèse, car, Hélos étant situé dans une région marécageuse, le nom commun a
servi de toponyme. Le même ouvrage rattache aussi Hilote à heilon, l’aoriste
du verbe « prendre, faire prisonnier », ce qui est étymologiquement plus
satisfaisant, le mot correspondant en fait à un ancien participe parfait à sens
passif de ce verbe et désignant ainsi originellement le prisonnier 173 .
L’étymologie implique donc un hilotisme issu de la conquête, ce qui
correspond bien au sort des Messéniens. En effet, comme nous l’avons vu, une
conquête partielle, à la fin du VIIIe siècle, avait été suivie d’une révolte et d’une
seconde guerre. Ce n’est qu’à la suite de cette guerre que le statut d’Hilotes
aurait été imposé aux Messéniens, qu’Hérodote continue à nommer
Messéniens.
Mais les anciens Hilotes, ceux de Laconie, qui avaient été les premiers à
être ainsi appelés, ont suscité deux hypothèses opposées. Selon l’interprétation
ethnique, proposée par Théopompe (IVe s.), qui a dominé dans l’Antiquité
comme à l’époque moderne, les Hilotes seraient des Achéens soumis par les
envahisseurs doriens. L’aristocratie achéenne se serait enfuie (ou assimilée),
tandis que les paysans, restés sur place, verseraient des redevances à leurs
nouveaux maîtres 174 . Le terme peuple (ethnos), parfois employé à propos des
Hilotes (par exemple, Théopompe, fr. 13), pourrait confirmer cette thèse,
encore que l’appellation s’explique surtout par l’asservissement des
Messéniens.
Mais tous les Achéens n’ont pas été réduits à l’état d’Hilotes, puisque
Amyclées a joui d’un statut particulier et que les Périèques ne descendent pas
nécessairement des envahisseurs 175. En outre, la thèse n’est pas dépourvue de
contradictions : l’hilotisme étant censé commencer avec la prise d’Hélos et non
avec le retour des Héraclides, il y aurait eu, avant cette date, des paysans libres
(doriens ou achéens), qui étaient censés le rester ; or, on trouve des Hilotes
dans des régions de Laconie conquises avant Hélos.
Aussi ne faut-il pas rejeter sans examen les thèses soutenues, dès le
e
V siècle, par Antiochos de Syracuse (fr. 13 = Strabon, VI, 3, 2) ou, au
e
IV siècle, par Éphore (fr. 117 = Strabon VIII, 5, 4). Pour le premier, auraient
été réduits à l’état d’esclaves et nommés Hilotes les Lacédémoniens qui
n’avaient pas participé aux guerres de Messénie. Pour le second, les Spartiates
ayant retiré leurs droits de citoyens aux Périèques, les Périèques d’Hélos se
seraient révoltés et auraient été réduits à la condition d’Hilotes. L’hypothèse
d’une évolution interne pourrait trouver une confirmation dans la comparaison
avec Athènes, où, sans les réformes de Solon, les hectémores auraient pu
devenir des sortes d’Hilotes, et dans les fréquentes allusions aux longs troubles
civils (stasis) qui auraient ravagé Sparte avant l’instauration du bon ordre
lycurguien.
La question a été compliquée par la confusion entre le problème dorien et
le problème paysan. En effet, les prédoriens sont sans doute restés en grand
nombre en Laconie, puisque les Doriens, même s’ils ont imposé leur dialecte,
étaient trop peu nombreux pour peupler le pays, et ces prédoriens ont, bien sûr,
continué à cultiver la terre. Quant aux paysans en général, quelle que fût leur
origine, ils devaient vraisemblablement payer une redevance à l’aristocratie
guerrière. Cependant, la distinction entre les deux catégories était fondée non
seulement sur la naissance, mais aussi sur la fonction. C’est pourquoi, lorsque,
au cours des guerres de Messénie, on a eu besoin de combattants, la possibilité
a été ouverte aux paysans, déjà plus au moins dépendants, de devenir hoplites et
donc d’accéder à la catégorie supérieure. C’est ce que suggère la tradition
attribuant à Tyrtée le conseil de remplacer les morts par des Hilotes. Aussi la
thèse d’Antiochos de Syracuse paraît-elle déjà correcte dans la mesure où les
non-combattants, s’ils ne devenaient pas Hilotes, au moins le restaient, et il est
même possible, comme le suggère l’allusion de Tyrtée (élégie 6) à la
dégradation des lâches 176 , que ceux-ci aient aussi été réduits à la condition
d’Hilotes.
Ainsi, même si les paysans de Laconie sont en très grande part d’origine
prédorienne et les Spartiates, essentiellement d’origine dorienne, la distinction,
au moins en Laconie, n’est pas ethnique 177 mais sociale, ce qui contribue à
faire considérer Sparte comme une oligarchie : on parlerait plutôt
d’impérialisme, si l’on considérait les Hilotes comme un peuple soumis à un
peuple étranger.
Le type de dépendant représenté par les Hilotes a fait problème pour des
sources qui prenaient leurs références dans le modèle athénien. En effet, il
occupe une place intermédiaire entre deux conditions : d’une part, l’esclave-
marchandise (d’Athènes ou de Chios par exemple), en général acheté au
marché plutôt qu’élevé à la maison, qui ne peut mener une vie familiale
qu’avec l’autorisation de son maître et qu’on a tout loisir d’affecter à
n’importe quelle tâche et d’aller revendre n’importe où, et, d’autre part, le
paysan libre, non propriétaire de sa terre, qui doit une redevance au
propriétaire. C’est ce statut intermédiaire qui justifie l’expression du
grammairien Pollux (IIe s. apr. J.-C.) « entre (metaxu) libres et esclaves 178 ».
En fait, ce type de paysan, plus ou moins dépendant, est très fréquent en
Orient et en Égypte, où, à l’époque hellénistique, les Grecs le retrouveront.
Sans doute, dans la Grèce classique, la cité paraît-elle fondée sur le citoyen-
paysan qui, quand c’est nécessaire, combat comme hoplite, tandis que les
travaux les plus pénibles (mine) ou les moins recherchés (service domestique)
sont abandonnés (et imposés) aux esclaves. Mais, même alors, les Hilotes
spartiates ont des parallèles non seulement dans des pays doriens comme la
Crète, Argos, Sicyone ou Héraclée du Pont, mais aussi en Locride et en
Thessalie.
Ces populations dépendantes ont un statut particulier qui limite les droits
de leurs maîtres et que, théorisant la coutume, les historiens hellénistiques
expliquent par une sorte de « contrat originel de servitude 179 ». Ainsi, les
Pénestes 180 sont restés sur place en s’engageant à devenir les esclaves des
Thessaliens, qui ne pourront les expulser, les Mariandyniens seront les
esclaves des Héracléotes, qui ne pourront les expulser ni les vendre à
l’extérieur. Quant aux gens d’Hélos, qui, selon Éphore, dont Strabon reproduit
les théories, avaient été les premiers à être réduits à la condition d’Hilotes,
« ils furent condamnés à l’esclavage à certaines conditions », à savoir que
« leur possesseur (ton ékhonta) ne serait autorisé ni à les affranchir (sic) ni à
les vendre hors des frontières » (Strabon, VIII, 5, 4).
Ces dépendants sont souvent considérés comme une classe dangereuse. En
effet, contrairement aux esclaves-marchandises, que leur diversité ethnique 181
et la variété de leurs occupations empêchent de s’unir, ils sont unis par leur
genre de vie et par leur origine ethnique (réelle ou supposée). En outre, il leur
est d’autant plus facile de se révolter qu’ils ne sont pas entièrement coupés du
reste de la population. Alors qu’à Athènes on n’imagine pas une collusion
entre les plus pauvres des citoyens (les thètes) et les esclaves, à Sparte, on peut
toujours craindre une union de toutes les catégories inférieures contre les
Homoioi. Ainsi, deux cités périèques ont participé à la grande révolte de 464 ;
au début du IVe siècle, la révolte avortée de Cinadon devait associer tous les
inférieurs ; et les hommes libres des autres cités n’ont aucun scrupule à
collaborer avec cette population, formée comme eux de paysans et, sauf dans
certaines cités coloniales, de Grecs ; d’où, en 462, la peur que le corps
expéditionnaire athénien ne sympathise avec les Messéniens révoltés 182. C’est
ce qui explique les révoltes qu’ont connues, outre Sparte, la Thessalie 183
(notamment à la fin du Ve siècle) et même la Crète au IVe siècle, bien que,
comme le souligne Aristote (Pol., II, 9, 1269a 39-b3), les cités crétoises aient
la chance, contrairement aux Spartiates ou aux Thessaliens, d’avoir des voisins
qui, possédant les mêmes dépendants ruraux, n’ont pas intérêt à les inciter à la
révolte.
Le traitement de ces populations est donc considéré en Grèce comme un
problème difficile : selon Aristote (Pol., II, 9, 1269b 7-11), on risque, par le
laxisme, de les inciter à toute sorte d’excès (hubris) et notamment à se vouloir
les égaux de leurs maîtres, et, par la dureté, de les pousser, comme à Sparte, à
la haine et au complot.
Les Hilotes sont, comme les autres, paysans et dépendants, mais ils sont
peut-être plus que les autres maltraités et redoutés, au moins après la grande
révolte de 464.
• Sans doute les Hilotes ne s’adonnent-ils pas tous à l’agriculture. Ils
peuvent aussi fournir le personnel domestique des citoyens. Xénophon (Rép.
Lac., 7, 5), considérant comme une évidence que les Spartiates ont des
serviteurs (oikétès), assure que les femmes spartiates ne travaillent pas la laine,
car les esclaves féminines suffisent à fournir les vêtements, tandis que Douris,
cité par Plutarque (Agésilas, 3, 2), évoque les femmes hilotes au service de
Timaia, la femme d’Agis II. En outre, les Spartiates sont, pendant leur
éducation, secondés par de jeunes Hilotes, appelés mothônés 184 , et, comme les
autres Grecs, partent en expédition avec leurs valets d’armée, en l’occurrence,
des Hilotes. De même rien, semble-t-il, n’interdit aux Hilotes de pratiquer un
métier artisanal, puisque, justement, une telle interdiction les rapprocherait des
citoyens, ce qu’on veut éviter avant tout.
Il n’empêche que l’agriculture est leur activité essentielle. Si l’on accepte
le schéma traditionnel présenté par Plutarque (Vie de Lycurgue, 8, 7, et 24, 2),
qui s’inspire vraisemblablement d’Aristote 185, les Hilotes cultivent la terre
avec leur famille en fournissant aux Spartiates une quantité fixe, appelée
apophora. Celle-ci serait de 70 médimnes d’orge pour un homme, de
12 médimnes pour une femme et d’une quantité équivalente de produits
liquides (huile et vin) (sans doute des métrètes de 40 litres). Si on tient compte
du fait que 70 médimnes éginétiques 186 sont à peu près équivalents à
100 médimnes attiques et qu’il s’y ajoute les produits liquides, on a une
apophora qui correspond pratiquement aux 200 médimnes qu’étaient censés
toucher les clérouques athéniens du Ve siècle, donc un versement normal pour
l’entretien d’un combattant et de sa famille. Il s’y ajoute ici la part de la femme,
qui est sans doute versée à la fois pour la femme mariée et pour la veuve. Cette
apophora devait permettre au Spartiate d’entretenir sa famille et de verser sa
part aux repas collectifs et, dans les Moralia (239e), Plutarque ajoute qu’une
malédiction pesait sur quiconque se ferait payer plus que la rente 187
traditionnelle.
Cette apophora a été contestée. En effet, un passage de Tyrtée (élégie 5),
conservé par Pausanias (IV, 14), évoque les Messéniens, qui, « comme des
ânes accablés de lourdes charges, en proie à une pénible nécessité, portent à
leurs maîtres la moitié de tout ce que porte la glèbe ». Mais Pausanias, qui
indique que ces vers concernent les Messéniens, précise bien qu’il s’agit de
leur sort après la première guerre de Messénie. Il n’y a aucune raison de
récuser son témoignage, car ce partage après conquête, où on laisse sa terre au
vaincu à condition qu’il en partage les revenus avec le vainqueur, est assez
habituel en Grèce. Mais rien n’oblige à supposer que le sort des Messéniens,
vaincus une seconde fois après une guerre difficile et intégrés comme Hilotes
dans l’État lacédémonien 188 , reste le même : on ne peut donc utiliser le texte de
Tyrtée pour infirmer les indications de Plutarque.
On s’est cependant demandé comment un tel système pouvait fonctionner,
lorsque – ce qui, étant donné le grand nombre d’Hilotes, était très probable –
plusieurs familles cultivaient le même domaine : constituaient-elles une
communauté villageoise 189 répartissant entre elles les contributions ?
Plutarque n’en dit rien, mais, à son époque, l’hilotisme n’existe plus depuis
longtemps 190 , aussi beaucoup de choses doivent-elles lui échapper, à lui
comme à nous. Si le système n’était qu’une invention tardive, datant par
exemple des rois réformateurs du IIIe siècle, il serait plus clair. Aussi,
contrairement aux hypercritiques, qui se fondent sur les incohérences et les
difficultés d’application pour rejeter le système, peut-on, tout en reconnaissant
nos ignorances, trouver dans ces difficultés mêmes un motif de confiance.
Cependant, quel que soit le montant de l’apophora, il importe, pour
apprécier le sort de l’Hilote, de voir ce qui lui reste, à lui et à sa famille.
Comme les plaines de Laconie et de Messénie sont très fertiles et
permettent même deux récoltes annuelles et que les Hilotes, fixés à la terre 191,
peuvent l’améliorer et éventuellement pratiquer des cultures arbustives, plus
avantageuses, il est possible qu’économiquement leur sort n’ait pas été trop
mauvais. C’est ce que suggèrent certains textes. Sans doute Plutarque fait-il
preuve d’un angélisme naïf lorsqu’il assure, dans le passage déjà cité (Mor.,
239e), qu’il était interdit sous peine de malédiction de percevoir plus que la
rente traditionnelle « de façon que les uns, faisant des gains (kerdainontes),
aient plaisir à servir et que les autres ne réclament pas plus ». Mais, lorsque
Myron de Priène, dans un texte critique à l’égard de Sparte (Athénée XIV,
657d), note : « S’il en était (parmi les Hilotes) qui s’élevaient au-dessus de
l’aspect physique qui convient aux esclaves, ils étaient punis de mort et leurs
maîtres, frappés d’une amende pour ne pas les avoir empêchés de grossir »
(trad. Ducat modifiée), la sévérité même du châtiment suggère que, sans cette
interdiction, la chose aurait été possible. De même, l’obligation de porter les
vêtements du paysan d’autrefois ne s’explique que parce que certains Hilotes
auraient été à même de se procurer des vêtements moins grossiers. De toute
façon, le fait qu’en 223 6 000 Hilotes aient pu acheter leur liberté en versant
chacun 500 drachmes (Plut., Cléomène, 23) montre bien que certains d’entre
eux avaient pu accéder à une certaine aisance. Enfin, si le sort matériel de
l’Hilote dépend entre autres de l’étendue de sa famille et du nombre de familles
exploitant le même kléros, il est à noter que les textes, qui évoquent volontiers
les mauvais traitements endurés par les Hilotes, ne mentionnent jamais leur
misère.
• Les Hilotes, qui ne sont pas toujours des paysans misérables, sont
toujours des paysans dépendant. La nature de leur esclavage est cependant
sujette à discussion. Si l’on a généralement voulu voir en eux des esclaves de
la communauté, Jean Ducat a bien montré qu’avoir été asservis en bloc ne les
empêchait pas d’être possédés individuellement. Les limites imposées au droit
de propriété ne feraient que confirmer la réalité de ce droit. Ainsi, selon
Xénophon (Rép. Lac., 6, 3), on pouvait, à Sparte, en cas de besoin, employer
aussi les serviteurs des autres (allotriois) et, en invitant les maîtres à la chasse,
utiliser leurs chiens et leurs chevaux, et, selon Aristote (Pol., II, 5, l263a 35-
37), on y utilisait les esclaves les uns des autres « pour ainsi dire comme s’ils
vous appartenaient en propre (idiois) ainsi que les chevaux, les chiens et les
provisions de route ». Les expressions employées par les auteurs du IVe siècle
montrent qu’ils voient dans ces usages non les restes d’une ancienne propriété
collective 192, mais uniquement une pratique communautaire, qui, pour
Aristote, est fondée sur l’amitié (philia).
L’interdiction pour un particulier d’affranchir un Hilote ou de le vendre à
l’étranger limite aussi le droit de propriété, et Ducat note que cette interdiction
n’a de sens que parce que les Spartiates ont individuellement la propriété des
Hilotes : il est inutile d’interdire de vendre ou d’affranchir ce qui ne vous
appartient pas. On pourrait cependant arguer qu’une telle interdiction est aussi
concevable dans le cas où les Hilotes seraient théoriquement la propriété
collective de la cité, mais où la possession de fait qu’en avaient les citoyens les
inciterait à en usurper la propriété.
Mais pourquoi ces deux restrictions ? Pour Ducat (Les Pénestes, p. 23),
elles répondaient au « souci de maintenir dans son intégrité le cheptel servile »,
idée étrange quand on se rappelle les massacres de 425 193 . Il est plus logique
d’expliquer l’interdiction de vente à l’étranger par le droit coutumier, attesté
dans d’autres cités, et qui constitue, pour reprendre l’expression de P. Vidal-
Naquet, comme un « contrat originel de servitude ». Quant à l’interdiction
d’affranchir, qui laissait à la cité le monopole de l’affranchissement, elle
montre que la cité exerçait un certain droit de propriété sur les Hilotes et que
les relations entre les Hilotes et leurs maîtres ne relevaient pas seulement de la
sphère privée 194 . On connaît bien sûr, en dehors de Sparte, des cas
d’affranchissements collectifs pour des raisons militaires sans indemnité pour
les propriétaires, mais, ce qui serait plus surprenant, s’il s’agissait d’un
esclavage entièrement individuel, c’est que, lorsque, en 223, 6 000 Hilotes
achètent leur liberté, ils l’achètent non à leurs maîtres, mais à la cité.
Aussi ne doit-on conclure ni à une propriété totalement privée, ni à une
propriété totalement collective, mais à un partage du droit de propriété : pour
reprendre les distinctions du droit romain, déjà en germe chez Aristote
(Rhétorique, I, 1361a 12-24), on pourrait dire que les individus jouissent du
droit d’usage et la cité, du droit d’aliéner 195. Cette position moyenne
correspond aussi à la formule prudente de Strabon (VIII, 5, 4), qui, résumant
Éphore, note que, « d’une certaine manière, les Lacédémoniens avaient en eux
des esclaves publics, à qui ils avaient assigné des résidences et des tâches
privées 196 ». C’est d’ailleurs ce statut ambigu qui justifie, entre autres, leur
participation aux funérailles royales et aux activités militaires 197 .
• Paysans dépendants comme les autres, les Hilotes paraissent s’en
distinguer en étant particulièrement maltraités, ce que soulignent volontiers
adversaires et partisans de Sparte. L’oligarque athénien Critias (DK II6 88 B
37) note avec admiration que c’est à Lacédémone que les esclaves sont le plus
esclaves et les libres, le plus libres. Pour Isocrate (Archidamos, VI, 96), les
Hilotes (de Messénie) avaient subi un esclavage plus dur (khalépôteron) que les
autres esclaves. Quant à Myron de Priène (Athénée, XIV, 657d), il accuse les
Lacédémoniens d’obliger les Hilotes à subir toutes sortes de vexations
dégradantes, dont il fournit même la liste. Il s’agit de ce que J. Ducat, dans un
article remarquable 198 , a qualifié de « conduites de mépris », conduites
destinées à amener les Hilotes à intérioriser le mépris que leurs maîtres
éprouvent à leur égard de façon à les obliger à rester à leur place ou, comme
dit Myron, « à ne jamais désapprendre leur esclavage ». Myron mentionne
l’obligation de porter une coiffure de cuir (kunéè) et une peau de bête
(diphtéra) 199 , ancien vêtement paysan qui devient en quelque sorte l’uniforme
des Hilotes permettant de les distinguer facilement des Spartiates 200 , et évoque
les coups de fouet que les Hilotes doivent recevoir tous les ans.
Vraisemblablement, seul un petit nombre d’entre eux devaient être fouettés 201,
au titre de l’ensemble, et il en allait de même pour les danses grotesques et
l’ivresse forcée des Hilotes qui, au cours de certaines fêtes, étaient exhibés aux
syssities devant les jeunes Spartiates 202. Ces rituels devaient à la fois renforcer
le sentiment de supériorité des Spartiates et rappeler aux Hilotes leur condition
inférieure. Un épisode, souvent monté en épingle, suggère qu’au moins pour
les Hilotes de Laconie l’opération avait réussi : lors de l’invasion thébaine,
alors que, libérés par les ennemis, ils n’avaient plus à redouter les Spartiates,
ils refusèrent de chanter des chants civiques 203 , car « les maîtres ne le
voulaient pas » (Plut., Lyc., 28, 10, où l’emploi du terme desposunoi, attesté
chez Tyrtée, tend à authentifier l’anecdote).
Mais les Spartiates ne se contentaient pas de conduites de mépris, ils
n’hésitaient pas à employer la violence. Protégés contre la souillure 204 par la
guerre que les éphores déclaraient rituellement tous les ans aux Hilotes, les
Spartiates pouvaient les terroriser au moyen des kryptes 205, chargés de tuer
soit tous les Hilotes qu’ils surprenaient la nuit sur les routes, soit des Hilotes
qui leur avaient été indiqués. Ceux-ci n’avaient aucune protection juridique, et
les éphores pouvaient les faire mettre à mort comme ils l’entendaient, entre
autres, comme le rappelle un passage de Myron, déjà cité, s’ils avaient trop
bonne apparence. C’est ainsi, si l’on en croit Thucydide (IV, 80) que, sans
doute en 425, on aurait massacré en secret environ 2 000 Hilotes qui croyaient
avoir bien mérité de Sparte 206 .
LE « DANGER HILOTE »
Si l’on s’efforce ainsi d’avilir et de terroriser les Hilotes, c’est qu’on les
redoute et qu’on les redoute d’autant plus que la disproportion numérique entre
eux et les Spartiates ne fait que croître. Thucydide (IV, 80) présente comme
une évidence le fait que, « pour les Lacédémoniens, la majorité de leurs
institutions concernant les Hilotes vise avant tout à s’en garder (phulakè) », et
Critias (B 37) détaille les précautions qu’ils utilisent : retirer à la maison la
courroie du bouclier, en campagne garder toujours la lance à portée de la
main, enfin utiliser de bons verrous. Selon Xénophon (Rep. Lac., XII, 4), le fait
que les Spartiates « se déplacent toujours avec leur lance » s’explique par le
même souci de sécurité (asphaleia) que le maintien de leurs esclaves
(entendons bien sûr les Hilotes) à l’écart des armes. Le déplacement en armes
paraît cependant contredit par le récit de la conjuration de Cinadon (Hell., II, 3,
7), où il s’agit d’attaquer des Spartiates désarmés, mais la contradiction
disparaît si l’on tient compte du contexte : le passage cité de La République des
Lacédémoniens concerne expressément l’organisation des camps spartiates, et
Xénophon s’est vraisemblablement contenté de démarquer le texte de Critias.
Si les Spartiates se méfient ainsi des Hilotes, c’est qu’ils sont persuadés
que ceux-ci les détestent. Xénophon, qui, lorsqu’il rédigea les Helléniques,
connaissait bien la situation spartiate, souligne la violence de cette haine en
faisant rapporter par l’informateur des éphores que « chaque fois que chez ces
gens (sc. Hilotes, Néodamodes, Inférieurs et Périèques) on parlait des
Spartiates, personne ne pouvait dissimuler qu’il aurait eu plaisir à en manger
même tout crus » (Hell., III, 3, 6). La haine manifestée par cette expression
proverbiale paraît si forte qu’on ne peut plus la cacher, et le texte de Xénophon
suggère que personne ne la met en doute. La situation au début du IVe siècle
paraît ainsi fondée sur la peur réciproque.
Mais en a-t-il toujours été ainsi, à la fois pour les Hilotes de Laconie et
pour ceux de Messénie ? Pour les Messéniens, la soumission a été difficile.
Affaiblis par leurs deux longues guerres contre les Spartiates et par
l’émigration de leurs élites, après l’intégration des Arcadiens dans la Ligue du
Péloponnèse, ils perdirent sans doute l’espoir d’une aide étrangère 207 . Mais
cela n’empêcha pas une guérilla sporadique. D’après Hérodote (V, 49),
l’Ionien Aristagoras aurait en 499 invité les Spartiates à différer entre autres
leur guerre contre les Messéniens « qui sont de même force qu’eux ». Aussi les
passages de Platon, Lois, III, 692d et 698e, où, parmi les causes du retard
spartiate à Marathon, l’Athénien mentionne « la guerre qu’ils avaient alors
avec Messène », ne sont-ils peut-être pas à rejeter aussi brutalement qu’on le
fait d’ordinaire 208 . Il l’est d’autant moins qu’en décrivant la révolte de 464
Thucydide (I, 101, 2) évoque « les descendants des anciens Messéniens qui
alors (toté) avaient été asservis 209 », expression qui convient mieux à une
domination récente qu’à un phénomène très ancien.
En ce qui concerne les Hilotes de Laconie, jusqu’à cette grande révolte, qui
semble d’ailleurs plutôt le fait des Messéniens, on ne les voit participer à
aucune action importante contre les Spartiates ; certains d’entre eux les
auraient même aidés à combattre les Messéniens au cours de la deuxième
guerre de Messénie.
Si, à Platées, il y a, pour chaque Spartiate, 7 Hilotes armés à la légère (Hdt.,
IX, 10, 1, 28, 2 et 29, 1-2), qui, quoi qu’on en ait dit, ne sont pas tous
nécessairement des Hilotes de Laconie 210 , cela suffit à montrer que les
relations n’étaient pas aussi méfiantes et haineuses que le suggère le passage de
Xénophon. Hérodote (VII, 229) évoque d’ailleurs un Spartiate à demi aveugle
amené aux Thermopyles par son Hilote, qui, s’il s’enfuit, ne pensait
aucunement à le « dévorer tout cru ».
Aussi certains historiens 211 ont-ils contesté l’image d’une Sparte toujours
sur le qui-vive à cause de l’hostilité des Hilotes. Ils se fondent notamment sur
le fait que, malgré des circonstances parfois très favorables à la révolte,
comme la guerre du Péloponnèse avec les Athéniens à Pylos, à Cythère et au
cap Malée, ou la guerre de Corinthe, aucune révolte importante n’est attestée
entre 464 et l’invasion thébaine de 370-69, où les Hilotes de Laconie, sont non
seulement restés fidèles, mais ont même proposé 6 000 hommes aux
Spartiates.
S’il est possible, comme le suggère en passant J. Ducat, que le danger
hilote ait été volontairement exagéré pour justifier l’oppresion, personne ne
conteste l’importance de la révolte de 464 ni la peur des Hilotes que suscite en
425 la chute de Sphactérie. Si les Spartiates renoncent alors à envahir l’Attique,
ce n’est pas seulement pour préserver la vie de leurs prisonniers, c’est aussi
parce qu’ils ne veulent pas dégarnir leur territoire : par peur d’une révolte, ils
envoient des hoplites dans tout le pays et constituent une force de cavaliers et
d’archers (Thuc., IV, 55, 1-2). C’est alors également que, démoralisés par la
reddition des troupes de Sphactérie, les Spartiates auraient massacré en pleine
guerre près de 2 000 Hilotes qui ne demandaient qu’à défendre Sparte. En 421,
lors de l’alliance avec Sparte, dans une clause exceptionnellement unilatérale,
les Athéniens doivent s’engager à aider celle-ci en cas de soulèvement de la
classe servile (douleia) (Thuc., V, 23, 3). Enfin, au début du IVe siècle, le luxe
de précautions utilisé pour réprimer la conspiration de Cinadon (Xén., Hell.,
III, 3) montre la crainte éprouvée par les éphores devant la possibilité d’une
révolution.
On peut donc affirmer qu’au moins à cette époque (de 464 au début du
e
IV siècle) les Spartiates ont eu réellement peur des Hilotes.
Mais cette crainte était-elle justifiée ? Les Hilotes, au moins de Laconie, ne
se révoltaient pas pour différentes raisons. D’abord, comme l’a bien montré
Jean Ducat, parce qu’ils avaient intériorisé l’idéologie de leurs maîtres en
prenant conscience de leur place naturellement inférieure dans la société.
Ensuite, comme l’a souligné G.L. Cawkwell, parce que les Hilotes constituaient
une catégorie moins homogène 212 qu’on ne l’avait pensé et que l’élite des
Hilotes, au lieu de prendre la tête d’une révolte, préférait profiter des
possibilités de promotion individuelle qui la faisaient échapper à sa condition.
Il y a cependant des moments critiques, lorsque les Hilotes ont été utilisés de
façon massive dans la guerre 213 , ce qui à la fois retire aux Spartiates la
justification de leur supériorité et fournit aux mécontents les moyens de se
révolter. Aussi, pour éviter une conspiration comme celle de Cinadon, faut-il,
sinon massacrer des Hilotes comme en 425, au moins en emmener au loin,
comme Brasidas en 424 ou Agésilas, après l’échec de Cinadon 214 .
Pour préciser les relations entre les Spartiates et les Hilotes au cours de la
période considérée, on peut partir de trois moments critiques bien décrits dans
nos sources : la révolte du tremblement de terre 215, les massacres de 425 et la
conspiration de Cinadon.
• En 464, alors que, selon Thucydide (I, 101), les Lacédémoniens allaient
aider secrètement les Thasiens révoltés contre Athènes, « ils en furent
empêchés par le tremblement de terre qui était survenu et au cours duquel
entrèrent en dissidence (apéstèsan) sur l’Ithôme à la fois les Hilotes et, parmi
les Périèques, les gens de Thouria et d’Aithaia 216 ». Ce tremblement de terre 217 ,
dont l’épicentre devait être proche du site de Sparte, fut particulièrement
destructeur : les différentes sources parlent volontiers du « grand tremblement
de terre » ou « des grands tremblements de terre », et évoquent une destruction
presque complète de Sparte (à l’exception de cinq maisons, précise Plutarque),
avec notamment l’écroulement d’un gymnase entraînant la mort des éphèbes
qui s’y entraînaient. Comme, contrairement aux Hilotes et aux Périèques, les
Spartiates habitaient principalement à Sparte, ce sont eux, et notamment leurs
femmes et leurs enfants de moins de 7 ans, qui ont dû subir les pertes les plus
sévères. Bien que le séisme ait affecté aussi la Périoikis, notamment les pentes
du Taygète, les estimations de Diodore, qui parle de 20 000 morts, paraissent
sujettes à caution. Mais, même si l’on réduit ce nombre, les conséquences
démographiques du tremblement de terre et de la révolte hilotique qu’il suscita
ont dû être considérables, puisque les Spartiates, qui pouvaient par eux-mêmes
aligner 8 000 hoplites en 479, n’en ont plus que 3 000 en 425.
La catastrophe fournit aux Hilotes l’occasion de « faire défection »,
expression qui correspond à l’opinion de Thucydide, selon lequel la grande
majorité des Hilotes révoltés était constituée par les Messéniens. Comme
l’historien ne parle que de « la grande majorité », il faut entendre que, pour lui,
des Hilotes de Laconie avaient également participé au mouvement, mais que la
majorité de ces derniers n’avaient pas bougé, que ce soit par loyauté envers
Sparte ou du fait de la réaction rapide du roi Archidamos.
Les Spartiates durent mener une guerre difficile, où ils furent obligés de
faire appel entre autres à leurs alliés d’Égine, de Platées, de Mantinée et même
d’Athènes, et qui fut coûteuse en hommes, surtout si la bataille de Stényclaros,
où, d’après Hérodote (IX, 64), les Spartiates perdirent 300 hommes (sans
doute d’élite) en luttant « contre tous les Messéniens », date bien de cette
guerre. Celle-ci ne s’acheva finalement, d’après Thucydide (I, 103) et Diodore
(XI, 64, 4), qu’au cours de la dixième année, par une paix de compromis 218 ,
par laquelle les gens de l’Ithôme furent contraints – mais on peut aussi
entendre autorisés – à quitter le Péloponnèse.
Les Spartiates avaient eu très peur et ils s’efforcèrent de ne plus jamais se
retrouver dans une situation aussi critique. C’est pourquoi, d’après certaines
sources, l’oppression des Hilotes se serait alors aggravée. Pour Plutarque
(Lyc., 28), les cruautés exercées sur les Hilotes, notamment dans le cadre de la
kryptie, dateraient surtout de la période postérieure « au grand tremblement de
terre », au cours duquel Hilotes et Messéniens avaient mis la cité « dans le plus
grand danger ». Quant à Diodore (XI, 84), il précise que les Spartiates
laissèrent partir sous convention les gens de l’Ithôme, mais que, parmi les
Hilotes, ils châtièrent les responsables de la défection et réduisirent les autres
en esclavage.
• Cette thèse est d’autant plus vraisemblable que, tandis qu’Hérodote
n’évoque aucunement le sort déplorable des Hilotes, Thucydide (IV, 80) 219 , en
présentant les massacres de 425 220 , montre à quels excès la peur des Hilotes
pouvait amener les Spartiates. Voulant suggérer que l’expédition de Brasidas
en Thrace (en 424) s’expliquait en partie par « le désir d’avoir un motif pour
envoyer des Hilotes à l’extérieur », l’historien rappelle un épisode antérieur 221
censé manifester la crainte que les Spartiates éprouvaient devant « la jeunesse
et le nombre » des Hilotes, entendons probablement « leur abondante
jeunesse 222 ». Ils auraient ainsi invité les Hilotes qui « estimaient s’être montrés
les meilleurs à leur égard au milieu des ennemis » à se faire examiner pour
être libérés. Après en avoir sélectionné environ 2 000 et leur avoir fait
célébrer, en une véritable mascarade, les cérémonies de la libération, les
Spartiates « les firent disparaître peu de temps après, sans que personne sût de
quelle façon chacun avait péri ».
Si tels sont les faits dont Thucydide a pu avoir connaissance, on peut
s’interroger sur son interprétation. L’invitation à demander la libération ne
serait qu’un test pour inciter à se désigner eux-mêmes ceux qui, « du fait de
leur fierté, seraient les plus à même de se soulever ». L’historien suppose ainsi
que, dès le départ, les Spartiates avaient décidé de massacrer ces Hilotes, ce qui
serait bien conforme à la « fourberie » que les Athéniens ont coutume de leur
reprocher. Mais, pour que la décision pût rester secrète, il fallait qu’elle ne fût
connue que d’un nombre restreint ; il est donc vraisemblable qu’elle a été prise
par les éphores, éventuellement après consultation des gérontes ou des rois. Il
était donc difficile pour Thucydide de savoir à quel moment précis la décision
avait été prise. Or, libérer des Hilotes qui, notamment en temps de guerre,
avaient bien mérité de Sparte, par exemple en ravitaillant la garnison de
Sphactérie (Thuc., IV, 26, 5), ne comportait rien d’inhabituel. Ce qui, au
contraire, était exceptionnel et avait pu affoler des Spartiates déjà démoralisés
par leur récent désastre, c’était le nombre d’Hilotes demandant à être libérés :
si on en a « sélectionné environ 2 000 », pour que la sélection eût vraiment
l’air d’une sélection, il fallait que le nombre de candidats eût nettement dépassé
ce nombre. On peut dès lors se demander si ce n’est pas cet afflux inattendu qui
aurait amené les Spartiates à prendre la décision de les éliminer, qui n’aurait
pas été envisagée au début. En tout cas, leurs réactions de 370-69 (Xén., Hell.,
VI, 5, 28-29) confortent l’hypothèse, car, ayant alors proposé de libérer les
Hilotes qui combattraient à leurs côtés, les Spartiates en avaient vu arriver
6 000, « nombre excessif 223 » qui, au lieu de les réjouir, les avait effrayés, au
moins jusqu’à l’arrivée de leurs alliés et de leurs mercenaires.
• La peur qu’éprouvaient les Spartiates devant la menace, réelle ou
imaginaire, que représentait pour eux la masse des Hilotes, est confirmée par
le récit que fait Xénophon (Hell., III, 3) 224 de la conspiration de Cinadon. Le
texte, véritable morceau de bravoure, est orchestré en un récit dramatique
évoquant suivant l’ordre chronologique l’avertissement divin 225 (comme au
début d’une tragédie), la crise (la dénonciation) et le dénouement heureux
(l’éloignement de Cinadon et la répression du complot). Comme toujours, sans
avoir l’air d’intervenir, Xénophon, par l’organisation de son récit, impose
insidieusement ses conclusions 226 , à savoir : Cinadon était un homme de
valeur, et la situation à Sparte, très périlleuse à cause de l’hostilité générale
envers les Homoioi, justifiait l’effroi éprouvé par les éphores, qui ont
habilement réagi.
Bien que Xénophon n’ait rien d’un révolutionnaire, il présente Cinadon
avec sympathie en le décrivant comme juvénile d’aspect – sans doute beau, ce
qui a pu favoriser sa promotion et le rapproche plus des Spartiates que des
populations dépendantes – et d’une âme ferme 227 . Il était ainsi tout à fait
qualifié pour être un Spartiate de plein droit, ce qu’il n’était pas, et Xénophon,
comme plus tard Aristote, intervient personnellement pour critiquer la
chose 228 : « Et pourtant (mentoi) il n’était pas au nombre des Homoioi. » Si
cette situation paraît déjà anormale à l’historien et suggère à Aristote que
l’aristocratie spartiate ne respecte pas toujours ses propres principes (l’arétè),
elle paraît encore plus anormale aux yeux de Cinadon lui-même. D’où, quand
on l’interroge sur ses motivations, sa fière réponse à l’allure d’apophtegme,
donc tout à fait digne d’un Spartiate : « Pour n’être à Lacédémone inférieur à
personne. » Bien que le terme utilisé par Xénophon ne soit pas celui qu’il avait
employé plus haut (III, 3, 6) pour désigner la catégorie des Inférieurs, c’est-à-
dire les Spartiates ayant, du fait de leur misère ou de leur lâcheté, perdu leur
qualité de citoyens de plein droit, il est tout à fait vraisemblable que Cinadon a
appartenu à cette catégorie. Il a reçu une certaine éducation, puisqu’il sait
écrire. Il a déjà joué un rôle important comme homme de confiance des
éphores, puisqu’il a opéré des arrestations et a disposé de la scytale 229 , et il
paraît normal qu’envoyé en mission il prenne une escorte de 6 ou 7 membres
de la garde royale, qu’il est ainsi habilité à commander. Il a donc un rôle
d’officier de police, ce qui s’explique par le fait que le petit nombre de
Spartiates de plein droit les oblige à confier des missions importantes à des
gens qui n’ont pas le statut d’Homoioi 230 . Son statut inférieur jure ainsi non
seulement avec ses qualités naturelles, mais aussi avec le rôle qu’il joue à
Sparte.
Quant à son principal complice 231, le devin Teisaménos, il a toute chance
de descendre du fameux devin Teisaménos d’Élis, qui, lors des guerres
médiques, avait reçu la citoyenneté spartiate, pour lui et ses descendants. Si
l’un de ceux-ci n’est pas au nombre des Homoioi, 232 c’est que, peut-être à cause
de ressources insuffisantes, il a été réduit à l’état d’Inférieur.
Les deux meneurs mentionnés par Xénophon n’appartiennent donc pas à
des populations soumises qui entendent se libérer, mais sont plutôt des
déclassés 233 . Ils illustrent ainsi la réflexion de Platon (Rép., VIIII, 555d), pour
qui les révolutions dans les oligarchies proviennent de ce que « des gens bien
nés (ouk agenneis) » ont été réduits à la pauvreté et, pourvus d’aiguillons et
armés, endettés ou frappés d’atimie, se montrent épris de révolution 234 .
Mais, si leur entreprise est si dangereuse, c’est qu’ils peuvent compter sur
l’appui de tous ceux qui ne sont pas des Homoioi et qui l’emportent de
beaucoup par leur nombre : le texte suggère même, de façon imagée, un
rapport de 1 à 100 235 entre les Spartiates et les autres, puisque Cinadon est
censé avoir amené le dénonciateur sur l’agora et lui avoir montré et fait
compter les quelque 40 Spartiates 236 qui y étaient présents – et bien sûr se
distinguaient facilement par leur costume – pour les opposer aux autres, « qui
(étaient) plus de 4 000 ». Ces nombreux « ennemis 237 » peuvent disposer
d’armes normales 238 ou de fortune et sont censés haïr profondément les
Spartiates.
Dans de telles circonstances, il est normal que les éphores soient
épouvantés et que, dans l’immédiat, n’étant pas sûrs de leur force, ils fassent
appel à la ruse en combinant une sorte de contre-complot pour éloigner
Cinadon sans éveiller ses soupçons. Non seulement ils l’envoient le plus loin
possible, à la frontière de l’Élide, mais, en insistant sur les détails, ils
s’efforcent de rendre le plus vraisemblable possible sa mission, qu’ils
entourent aussi d’un luxe de précautions : les jeunes qui l’accompagnent,
théoriquement pris au hasard, sont en fait choisis par le plus âgé des
hippagrètes 239 , et on envoie en renfort un détachement de cavalerie, sans doute
pour le cas où son arrestation, même dans un coin reculé, pourrait susciter de
l’agitation.
Cinadon ayant dénoncé ses complices, sous la torture précise Polyen, ce
que Xénophon préfère laisser dans l’ombre, les principaux conjurés subissent
un châtiment infamant se terminant, bien sûr, par la mort, tandis que les autres,
dont Xénophon ne se soucie pas, auraient, selon Polyen, été éliminés avant
même le retour de Cinadon.
Dans ce texte, Xénophon s’est ainsi efforcé de présenter les Spartiates
comme une petite minorité haïe et menacée : si l’on n’avait eu la chance, grâce
sans doute au dernier sacrifice, enfin favorable, de voir la conspiration
dénoncée, elle aurait, d’après le texte, facilement réussi. Cependant, familier du
roi Agésilas, l’auteur pouvait bien avoir des renseignements de première main
sur les réactions des éphores et sur la répression, mais que pouvait-il savoir
des sentiments des populations soumises ? C’est le dénonciateur qui est censé
avoir dit aux éphores que Cinadon lui avait dit que ses complices lui avaient
dit que les populations sujettes se disaient prêtes « à manger les Spartiates
même tout crus » : on en est ainsi au quatrième degré du style indirect. Et,
même si l’on admet cette hostilité généralisée, il n’est pas sûr que, sans même
parler des Messéniens, qui n’apparaissent pas dans le texte, toutes les
catégories aient des revendications identiques. De toute façon, la conspiration a
échoué.
Si le premier épisode commenté faisait bien apparaître le danger
messénien 24 0 , les deux autres montrent ainsi plus la peur – on pourrait presque
dire la paranoïa – éprouvée par les Spartiates que, au moins en Laconie, un
véritable danger hilote.
3. Les Périèques 241
Si une population dépendante paraît contredire les affirmations de Cinadon
en restant fidèle à Sparte, c’est bien celle des Périèques.
Leur nom (périoikoi), attesté dans de nombreuses cités grecques, désigne
ceux qui habitent autour, à la périphérie, et se trouvent de ce fait dans une
position inférieure par rapport à ceux qui occupent le centre.
Comme pour les Hilotes, on s’est demandé si, à Sparte, l’origine des
Périèques, expliquait leur statut.
Certains historiens ont voulu différencier ethniquement Spartiates et
Périèques, en opposant le peuple conquérant (Herrenvolk) des Doriens, exalté
par l’idéologie nazie, et les peuples soumis, les prédoriens de la plaine
constituant les Hilotes et ceux de la bordure montagneuse, les Périèques. Une
telle thèse a déjà été critiquée par F. Hampl 24 2, qui trouvait étrange de faire
garder les frontières par une population dont on n’était pas sûr et qui
considérait que les cités périèques, au nombre de cent selon la tradition, étaient
trop nombreuses pour correspondre à d’anciennes bourgades achéennes.
Aussi Hampl a-t-il développé au contraire la thèse de la colonisation
dorienne 24 3 . Il s’est fondé sur quelques cas attestés de colonisation spartiate en
Laconie : à Pharis, Géronthrai et Hélos 24 4 , ou à Cythère (Thuc., VII, 57, 6 ;
Plut., Nicias, 6). Il a souligné que, tandis que la Grèce, trop peuplée pour sa
structure agraire, se lançait dans la colonisation, Sparte, sauf dans le cas de
Tarente, n’avait pas participé à ce grand mouvement. Elle se serait contentée de
résorber ses excédents de population en colonisant la Laconie et la bordure de
la Messénie 24 5.
La thèse peut aussi se fonder sur un passage d’Isocrate (Panath., XII, 177-
181) 24 6 . Selon l’auteur athénien, les Spartiates ont été plus que les autres Grecs
en proie à la stasis 24 7 . Une fois vainqueurs, les aristocrates, qu’Isocrate
désigne péjorativement comme « ceux qui l’emportaient en orgueil sur le
peuple », au lieu de continuer à habiter avec leurs adversaires comme on le fait
d’ordinaire, établirent pour eux-mêmes la démocratie 24 8 , tout en transformant
le peuple en Périèques, c’est-à-dire en obligeant ces gens à vivre à la
périphérie, et « en asservissant leurs âmes tout autant que celles de leurs
serviteurs », entendons de leurs Hilotes. Cette thèse devait déjà être répandue
chez les oligarques athéniens de la fin du Ve siècle, puisque c’est ce modèle
d’exil du peuple à l’extérieur de la ville qu’ont appliqué les Trente en 404-
3 24 9 . En tout cas, Isocrate la précise non seulement en assurant que les
Spartiates se sont réservé les terres les meilleures et les plus étendues et n’ont
laissé aux Périèques qu’une petite quantité des terres les plus mauvaises, mais
surtout en suggérant une colonisation imposée et organisée par Sparte :
Les Périèques ont toujours été plus nombreux que les Spartiates. Selon
Plutarque (Lyc., 8, 5), ils auraient reçu 30 000 lots de terre et les Spartiates,
9 000. Si certains historiens ont contesté ces indications en y voyant une
reconstruction rétrospective censée justifier les réformes d’Agis IV entendant,
dans un État lacédémonien réduit de près de la moitié par la perte de la majeure
partie de la Messénie, distribuer 4 500 lots aux Spartiates et 15 000 aux
Périèques, une telle position est difficilement tenable. En effet, de tels nombres
ou des nombres voisins sont déjà attestés à l’époque classique : selon Hérodote
(VII, 234), Démarate aurait affirmé que les Spartiates pouvaient aligner 8 000
hommes, tandis qu’Aristote (Pol., II, 9, 1270a 36-38) note que, selon certains,
à l’époque archaïque, ils auraient même disposé de 10 000 hommes et rappelle
que le pays pourrait nourrir 30 000 hommes.
Dans l’armée, cette disproportion était initialement compensée par le plus
grand engagement des Spartiates et, à la bataille de Platées, par exemple, les
5 000 Spartiates équilibraient les 5 000 Périèques. Mais, avec la diminution
brutale du nombre des Spartiates, les Périèques formeront de plus en plus la
grande majorité de l’armée lacédémonienne 283 .
Aussi importe-t-il qu’ils restent fidèles à Sparte, ce qui, jusqu’en 370, est
généralement le cas. Au cours de la grande révolte du tremblement de terre, ne
firent défection que deux cités périèques (Thuc., I, 101, 2), dont l’une, Thouria,
se trouvait en Messénie, et dont l’autre, dont le nom est incertain, pouvait s’y
trouver aussi. Lors de la guerre du Péloponnèse ou de la guerre de Corinthe, il
n’est jamais question de défection, mais cela peut tenir aussi au fait que le
territoire lacédémonien n’a pas été envahi. Car, lors de l’invasion thébaine de
370-69, beaucoup de cités périèques firent défection 284 , notamment les
Skirites, Caryai et probablement la Belminatis, c’est-à-dire ceux qui pouvaient
se reconnaître des liens ethniques avec les Arcadiens, qui se séparent alors de
Sparte.
La fidélité des Périèques s’explique par des raisons politiques, sociales et
psychologiques. Si les cités périèques ont des gouvernements oligarchiques, la
solidarité des oligarques a pu jouer. Ces cités, autonomes, sont trop petites
pour jouir d’une véritable indépendance : elles ne pourraient mener une
politique étrangère 285 et ne disposent même pas d’une voix au Conseil des
alliés ; or, elles n’ont pas su se regrouper, que ce soit à cause du morcellement
géographique ou, éventuellement, du fait de l’opposition de Sparte.
Socialement, si, comme on l’a supposé, les Périèques disposent d’Hilotes, ils
sont solidaires du système spartiate. Psychologiquement, les Périèques peuvent
être satisfaits de ne pas se trouver en bas de la hiérarchie 286 ; ils sont fiers
d’avoir droit au titre de Lacédémoniens, surtout à des époques comme le
e e e
VI siècle ou les débuts du V et du IV siècle, où Lacédémone est l’État dominant
Les Skirites, qui sont, comme les Périèques, dont ils se distinguent
cependant (cf. Xén., Hell., V, 2, 24), au nombre des Lacédémoniens (Thuc., V,
67, 1), occupent, entre l’Oinous et le haut Eurotas, une région montagneuse,
inhospitalière, qui, présentant pour Sparte un grand intérêt stratégique, car elle
domine la route qui mène vers Tégée et la future Mégalopolis, a été conquise
assez tôt. D’origine arcadienne (cf. Stéphane de Byzance, Hésychius et
Photius), les Skirites sont surtout des bergers et n’ont pas de grosses
bourgades, leurs principaux centres étant Oion et Caryai.
Ils constituent, dans l’armée lacédémonienne, un bataillon (lochos) spécial,
de 600 hommes (cf. Thuc., V, 68, 3, sur la bataille de Mantinée, en 418), qui
ont le privilège de combattre à l’extrême gauche de la ligne de bataille (Thuc.,
V, 67, 1). Troupes d’élite, les Skirites sont placés la nuit en sentinelles en avant
des lignes (Xén., Rep. Lac., 12, 3) et, lors de la progression des troupes,
ouvrent la marche, avec les éclaireurs montés, devant le roi lui-même (Xén.,
Rep. Lac., 13, 6).
Les Skirites restent fidèles à Sparte jusqu’en 370-69, où ils se rappellent
leur origine arcadienne.
4. Catégories marginales
• Sparte a connu des catégories particulières, dont certaines, comme les
Brasideiens ou les Néodamodes 289 , créées pour des raisons conjoncturelles,
notamment des expéditions lointaines, ne durèrent qu’un temps et donnèrent
sans doute naissance à des Périèques et dont d’autres, comme les mothônés, les
mothakés et les trophimoi, furent plus durables.
Si des Hilotes avaient déjà combattu aux côtés des Spartiates 290 , ne serait-
ce qu’à Platées, il était exceptionnel de les envoyer en expédition, sans l’armée
civique et à l’autre bout de la Grèce. C’est ce que fit Brasidas, lorsque, en 424,
il emmena 700 Hilotes en Chalcidique (Thuc., IV, 80, 5) en leur promettant
sans doute la libération. En tout cas, en 421, une fois la paix et l’alliance
conclues avec Athènes et les soldats de Brasidas revenus à Sparte, « les
Lacédémoniens votèrent que les Hilotes qui avaient combattu avec Brasidas
seraient libres et résideraient où ils voudraient ; et, peu de temps après, ils les
installèrent avec les Néodamodes à Lépréon » (Thuc., V, 34, 1). Le fait que
Thucydide emploie « et » (kai) et non pas « mais », montre que, pour lui, il n’y
a pas de contradiction entre la liberté de résider où l’on veut et l’installation à
Lépréon. En fait, les Brasideiens ne sont plus liés aux domaines de leurs
anciens maîtres et, si on leur accorde le droit de résider où ils veulent, cela ne
veut pas dire qu’ils en aient la possibilité matérielle. Ils sont peut-être même
heureux qu’on les installe quelque part. Il est d’ailleurs vraisemblable qu’ils
restent plus ou moins intégrés dans l’armée, puisque, selon Thucydide, on les
installe à Lépréon pour protéger la frontière contre les Éléens et qu’on les
retouve bientôt à Mantinée, où, en 418, ils combattent avec les Néodamodes
aux côtés des Spartiates (V, 67, 1).
Quant aux Néodamodes, le fait même qu’on ait forgé pour eux cette
appellation, suggère une catégorie moins éphémère que celle des
Brasideiens 291, c’est sans doute ce qui explique pourquoi Thucydide n’a pas
pris la peine d’expliquer leur apparition. Certains, comme J. Ducat (Les
Hilotes, p. 160), ont supposé « que leur statut (avait) été largement inspiré par
les mesures que les circonstances avaient dictées concernant les Brasidiens :
« la chose est probable, au moins si les Brasidéiens sont vraiment apparus
avant les Néodamodes ; d’ailleurs, à Lépréon comme à Mantinée, les deux
catégories continuent à être mentionnées séparément. Les Néodamodes sont
attestés de 420 à 369 et participent notamment, sans l’armée civique, aux
opérations d’Agésilas en Asie. Le statut de Néodamode implique
l’affranchissement 292, et Thucydide (VII, 19, 3 et 58, 3) les distingue des
Hilotes envoyés avec eux en expédition en Sicile. Leur nom suggère même un
accès à la citoyenneté 293 ou à la quasi-citoyenneté si, contrairement à
Hésychius qui fait de damôdeis 294 l’équivalent laconien de dèmotai, on est
sensible au suffixe -ôdès, qui marque seulement la ressemblance 295. De toute
façon, il s’agit non de rejoindre les Homoioi, mais seulement le dèmos des
Périèques, ce qui suggère que les Spartiates ne sont pas si éloignés des idées
d’Isocrate 296 sur le rejet du dèmos à la périphérie.
• Les mothônés, les mothakés et les trophimoi constituent, eux, des
catégories permanentes regroupant des gens qui, grâce à l’éducation spartiate
et à des phénomènes de clientélisme, ont pu progresser dans la société
spartiate 297 .
Les mothônés sont de jeunes Hilotes qui servent le fils du maître pendant
son éducation, ce qui les fait qualifier d’« élevés à côté » (paratréphoménoi) ;
ils l’accompagnent aussi à la guerre et aux syssities. L’Etymologicum magnum
voit en eux des esclaves nés à la maison ; c’est sans doute le cas habituel, le
service domestique pouvant rapprocher les Hilotes de leurs maîtres, mais il est
difficile d’y voir une règle institutionnelle. Ces jeunes Hilotes sont affranchis à
l’issue de leur éducation, mais l’une des danses grotesques auxquelles les
Hilotes sont astreints porte le nom de mothôn 298 : les mothônés devaient y
participer (peut-être au moment de leur émancipation ?), ce qui leur rappelait
leur condition inférieure.
Les mothakés sont, eux, initialement libres 299 mais non citoyens. On les dit
élevés non à côté des jeunes Spartiates mais avec eux (suntrophoi) (cf.
Phylarque, in Athénée, VI, 271e-f) : selon les moyens de sa famille, un jeune
Spartiate a un, deux ou trois suntrophoi. A l’issue de l’éducation, les mothakés
peuvent devenir des citoyens de plein droit, au moins si leur protecteur leur
fournit un kléros ou des moyens de payer leur part aux syssities. Élien (12, 43)
prétend même que certains des plus grands chefs spartiates, Callicratidas,
Gylippe et Lysandre, étaient des mothakés. La chose a été contestée, mais elle
n’a rien d’impossible. En effet, Gylippe était le fils d’un exilé condamné à
mort pour trahison et toute une tradition insiste sur la pauvreté de Lysandre,
qui aurait acquis la citoyenneté du fait de sa bravoure (andragathia)
(Phylarque) et de ses liens avec la famille royale. Ainsi, les enfants de gens
déchus de la citoyenneté, du fait par exemple de leur pauvreté, peuvent la
recouvrer en devenant des suntrophoi d’un jeune aristocrate, qui se crée par là
une clientèle. A l’époque hellénistique, ces mothakés peuvent même devenir
des sortes de pages, quand il s’agit d’enfants nobles élevés à la cour avec le
prince héritier 300 . Bien qu’ils ne soient pas qualifiés de mothakés, les bâtards
(nothoi) paraissent avoir avoir un statut proche de ceux-ci ; comme ils forment
des contingents spéciaux (cf. Xén., Hell., V, 3, 9), il semble qu’ils ne jouissent
pas ou pas dès le début du statut d’Homoioi.
• Quant aux trophimoi (ceux qui ont été élevés), ce sont des enfants soit de
Périèques, soit d’étrangers, admirateurs ou protégés de Sparte, comme
Xénophon ou Phocion 301. Ils sont élevés à Sparte, un peu comme des enfants
adoptifs, au moins temporaires, d’un oikos spartiate : Xénophon avait ainsi été
incité par son hôte, le roi Agésilas, à faire élever ses enfants à Sparte. En
général, ces trophimoi retournent ensuite dans leur patrie, où ils accroissent
l’influence de Sparte 302 et celle de l’oikos qui les a accueillis, mais ils peuvent
aussi combattre aux côtés des Lacédémoniens, ainsi dans l’armée qu’en 381
Agésipolis emmène contre Olynthe (Xén., Hell., V, 3, 9).
Le clientélisme qu’impliquent ces trois catégories permet d’établir des
distinctions entre les Spartiates : dans le banquet célébré le deuxième jour des
Hyakinthia, le riche Spartiate réunit ses fils légitimes et ses nothoi, ses
mothakés et ses serviteurs hilotes et leur nombre accroît son prestige, qu’il ne
lui est plus possible de manifester par le luxe du vêtement, des repas ou des
monuments funéraires.
1. Cf. Ed. Lévy, « Astos et politès d’Homère à Hérodote », Ktèma 10 (1985), p. 53-66.
2. La vieille traduction en Égaux, qui a eu l’influence qu’on sait lors de la Révolution française, est
inexacte, car elle correspondrait non à Homoioi, mais à isoi ; si l’on voulait, au contraire, insister
sur le caractère aristocratique de Sparte, on pourrait traduire le terme par Pairs.
3. Cf. Hdt., VII, 103 et 234, et, peut-être, III, 55 et VII, 237 ; cf. Ed. Lévy, « La Sparte
d’Hérodote », Ktèma 24 (1999), p. 123-134 ; cf. aussi Thuc., IV, 4 0, 2 et, peut-être, V, 15, 1,
où le texte, corrompu, a dû être corrigé.
4. Lorsque Aristote (Pol., II, 9, 1271a 35-37) prétend que celui qui ne peut payer son écot aux
syssities perd sa citoyenneté, il se fonde sur sa conception étroitement politique de la citoyenneté,
mais son affirmation n’implique nullement qu’une telle personne n’ait plus eu droit au titre de
Spartiate ; A.Toynbee, Some Problems of Greek History, Londres, Oxford University Press,
1969, p. 161, note que le terme Spartiate peut être utilisé to mean « Homoioi and hypomeiones
together » ; voir aussi p. 229 et 34 6.
5. Le terme, qui apparaît déjà chez Tyrtée (D3 8, 14 ), avait été utilisé au singulier par Hérodote
(VII, 231) à propos d’Aristodèmos le Trembleur, à qui, comme il avait survécu à la bataille des
Thermopyles, personne ne voulait allumer de feu ni adresser la parole ; mais, se faisant ensuite
tuer à la bataille de Platées, il est expressément désigné comme un Spartiate (IX, 71) ; cf. V.
Ehrenberg, RE VI A 2, 1937, s.v., coll. 2292-2297.
6. Voire au sommet les Agiades, puis les deux dynasties, cf. infra.
7. Aristote lie volontiers pauvreté et démocratie, cf. Pol., IV, 9, 1294 b 19-29, où Sparte est
considérée à certains égards comme une démocratie, non seulement parce que pauvres et riches
sont élevés, nourris et vêtus de la même façon, mais aussi parce qu’ils le sont à la façon des
pauvres.
8. Cf. J.Christien-Trégaro, « Les bâtards spartiates », Mélanges Pierre Lévêque 7, Paris, 1993,
p. 33-4 0.
9. Cf. Xénophon, Hell., 5,3, 9, où la construction de la phrase incite à voir un génitif partitif dans tôn
Spartiatôn plutôt qu’à comprendre « les bâtards des Spartiates » ; mais ils se distinguent des
30 Spartiates (de plein droit) évoqués au début de la phrase.
10. Cf. N.M. Kennell, The Gymnasium of Virtue. Education and Culture in Ancient Sparta, Chapel
Hill et Londres, The University of North Carolina Press, 1995 (avec une bibliographie
détaillée), Ed. Lévy, « Remarques préliminaires sur l’éducation spartiate », Ktèma 22 (1997),
p. 151-160, repris en partie ici, J. Ducat, « Perspectives on Spartan education in the classical
Period », in St. Hodkinson et A. Powell éd., Sparta. New Perspectives, Londres, The Class.
Press of Wales, 1999, p. 4 3-64, et N. Birgalias, L’Odyssée de l’éducation spartiate, Athènes,
1999.
11. Selon toute vraisemblance et malgré Kennell, cette décision a dû être prise peu après la parution
de l’ouvrage et non deux cents ans après ; cf., sur Dicéarque, M. Alonso-Nuñez, Athenaeum 85
(1997), p. 53-67.
12. Selon l’aristotélicien Dicéarque (fr. 4 1 Wehrli), Platon aurait combiné dans son État idéal les
idées de Socrate, de Lycurgue et de Pythagore.
13. Cf. notamment Strabon, X, 4 , 20-21 ( = Éphore F 14 9), Hérakleidès Lembos, éd. M.R. Dilts,
(Greek, Roman and Byzantine monographs, 5), Durham, Duke University Press, 1971, fr. 15, et
Nicolas de Damas, FGH 90, fr. 115.
14. Comme nous n’avons pas de document sur l’éducation à l’époque archaïque, nous pouvons soit
nous contenter d’appliquer à cette époque ce que nous savons de l’époque classique,
éventuellement en sélectionnant ce qui a l’air ancien, soit, plus sagement, avouer notre ignorance.
15. Cf. infra et infra.
16. Ceux-ci, généralement des esclaves, servent de « bonnes d’enfants », de répétiteurs et, dans le
meilleur des cas, de précepteurs.
17. Xénophon attribue systématiquement à Lycurgue toutes les institutions spartiates, ce qui, bien sûr,
n’a rien d’historique.
18. Selon Plutarque, Lyc., 17, 2-4 , l’irène, que chaque agéla porte à sa tête, sorti depuis au moins
un an de la classe des enfants (paidés), est âgé de vingt ans.
19. Selon Plutarque, les gens âgés (hoi presbutéroi) surveillaient leurs jeux et suscitaient
volontairement des combats entre eux (Lyc., 16, 9) ; ils contrôlaient aussi la façon dont les
irènes les punissaient (18, 6-7).
20. Cf. cependant P. Cartledge, « Literacy in the Spartan Oligarchy », Journal ot Hellenic Studies
98 (1978), p. 25-37 (repris dans Spartan Reflections, p. 39-54 ), T.A. Boring, Literacy in
Ancient Sparta, Mnemosyne suppl. 54, 1979, et E.G. Millender, « Spartan Literacy Revisited »,
Classical Antiquity 20 (2001), p. 121-164 .
21. Selon Chamailéon le Pontique, cité par Athénée, IV, 184 d, au contraire, tous les Lacédémoniens
apprennent à jouer de l’aulos.
22. Cf. Aristote, Pol., VII, 17, 1336 b 35- 1337 a 1, et (Platon), Axiochos, 366d-e.
23. Considérés comme étant encore en formation, ils n’ont pas le droit de voyager à l’étranger, cf.
Platon, Protagoras, 34 2c-d.
24. Ce terme, qui désigne ordinairement un escadron de cavalerie, est appliqué ici à un groupe
d’enfants, sans que Xénophon ait pris la peine de le définir ; sa forme dorienne, ila, est transcrite
en ilè par les Athéniens.
25. Douze ans est le seul âge évoqué comme coupure dans la Vie de Lycurgue, 16, 12, mais
l’indication mentionnée dans le texte n’apparaît qu’à la phrase suivante et peut être indépendante
de la mention de l’âge.
26. Dans les Institutions laconiennes, 237b, Plutarque donne, mot à mot, les mêmes indications que
dans la Vie de Lycurgue, mais en les appliquant aux jeunes gens (hoi néoi) ; dans l’Oraison
funèbre (Thuc., II, 39,1), Périclès critique les Spartiates, qui « dès la jeunesse (néoi) se livrent à
un entraînement pénible pour accéder au courage » : la critique aurait porté davantage si l’orateur
avait pu parler des paidés ; enfin, des scholies à Hérodote, IX, 85, et à Strabon,, évoquent une
coupure à 14 ans et Photius, s.v. συνέφηβοL, à 15 ou 16 ans.
27. Se refusant à admettre que les familles spartiates se soient ainsi séparées de leurs enfants,
J. Ducat, dans l’article cité supra n.10, p. 45-4 8, suppose que Plutarque a généralisé ce qui
devait se limiter à des « stages » assez brefs ; mais cela implique que Plutarque, qui disposait
pourtant de l’œuvre d’Aristote et connaissait l’agôgè de son époque, se soit gravement mépris
sur la vie quotidienne du jeune Spartiate ; et faut-il supposer que, lorsque des étrangers voulaient
faire bénéficier leurs enfants de l’éducation spartiate, ils devaient trouver un « correspondant »
spartiate pour les prendre en pension?
28. Ila, agéla et boua, désignant sans doute à l’origine des groupes différents, du fait de la réduction
du nombre des Spartiates, en sont vraisemblablement venus à se confondre.
29. De tels détails comme aussi le fait qu’on rasait la tête des adolescents (Lyc., 16, 10) montrent
comment l’éducation spartiate avait intégré des rites archaïques, cf. aussi infra, p.63-66, la
kryptie et p.59, 100 et 109, les combats de Platanistas.
30. Plut., Lyc., 16, 11, note qu’à partir de la douzième année l’entraînement devient plus dur ;
comme Xénophon ne signale aucune distinction de la sorte, il faut supposer soit que Plutarque se
montre plus précis, soit que, conformément au souci accru des enfants attesté à l’époque
hellénistique, l’agôgè cléoménienne et romaine s’efforce de ne pas trop maltraiter les jeunes
enfants.
31. Xénophon, comme tous ceux qui exaltent l’ascétisme de l’agôgè, se garde bien de préciser que,
sauf au cours de la kryptie, les jeunes Spartiates ont des domestiques à leur disposition.
32. Les deux choses sont aussi signalées pour les jeunes Crétois.
33. Il l’a lui-même raillé dans l’Anabase, IV, 6, 14 -16, tout en permettant à son interlocuteur
spartiate de retourner la critique contre le personnel politique athénien ; cf. aussi Isocrate,
Panath., XII, 211-12.
34 . Celui-ci aurait donné un exemple de l’héroïsme spartiate en préférant se laisser dévorer les
entrailles par le renard dissimulé sous son himation plutôt que de révéler le larcin ; cf. aussi
Lyc., 18, 1.
35. Xénophon, Anabase, IV, 6, 14 , précise cependant qu’il existe des choses que la loi interdit de
voler, ce qu’impliquait déjà a contrario Rép. Lac., 2,6.
36. Cf. supra et supra.
37. Ou, plus probablement, « sur les pupilles des yeux », cf. la tradition indirecte, Longin, Sublime,
IV, 4 , et Stobée, Flor., 4 4 , 23, et L. Spina, « L’incomparabile pudore dei giovani Spartani »,
QUCC n.s. 19 (1985), p. 167-181.
38. Ils sont aussi, comme les éphèbes de la Cyropédie (I, 2, 12), utilisés dans des missions de
police, cf. le récit de la conspiration de Cinadon, infra, p.134 -138.
39. Si l’on prend le texte au pied de la lettre, on recruterait à chaque fois 300 Hippeis. La liste
globale est sans doute mise à jour tous les ans, sinon Pédaritos n’aurait pu, après son échec,
affecter de se réjouir qu’il y ait 300 Spartiates qui lui soient supérieurs (Plut., Mor., 191 F, 231 B,
Lyc., 25, 6). Mais il est vraisemblable qu’en dehors des places libérées par les Hippeis décédés
ou exclus on se contentait de nommer chaque année 5 Hippeis en remplacement des 5 plus âgés,
qui devenaient des agathoergoi (ambassadeurs).
4 0. Sans mentionner expressément Sparte, Platon fait aussi l’éloge d’une société où les jeunes se
défendent eux-mêmes contre les gens de leur âge sans encombrer les tribunaux de leurs
plaintes, Rép., IV, 4 64 e, et Lois, IX, 880a.
4 1. Cf.infra et infra.
4 2. Cf. P. Cartledge, « The politics of Spartan pederasty », Proceedings of the Cambridge
Philological Society, 207 (1981), p. 17-36 (repris dans Spartan Reflections, p. 91-105), et
St. Link, « Der geliebte Bürger : Paideia und Paidika in Sparta und auf Kreta », Philologus 14 3
(1999), p. 3-25.
43. Il note lui-même (avec humour ?): «Que certains aient peine à le croire, je ne m’en étonne pas. »
4 4 . On rapprochera Platon, République, III, 4 03b-c, cité infra, n. 4 5.
4 5. Cicéron retrouve ainsi le modèle platonicien de La République (III, 4 03b-c), où il est prévu par
la loi que « l’amant embrasse son mignon, vive avec lui et le touche comme s’il était son fils…
en ne donnant jamais l’impression d’être allé plus loin, s’il ne veut encourir le reproche de
manque d’éducation et de goût » ; voir aussi, en V, 468b-c, les récompenses du guerrier
valeureux, qui peut embrasser qui il veut et s’en faire embrasser.
4 6. Cet idéal n’est pas respecté de la même façon aux Thermopyles qu’à Sphactérie ou à Leuctres.
4 7. Il n’est pas impossible qu’outre Platon lui-même Sparte ait évolué entre la date du Banquet
(autour de 380) et celle du livre I des Lois (dans les années cinquante).
4 8. Dans Le Banquet, 182b (texte des manuscrits, qu’il est absurde de modifier), Platon attribue aux
Athéniens et aux Lacédémoniens une attitude nuancée, qui contraste avec la permissivité des
Éléens et des Béotiens, chez qui « on a décrété (nénomothétètai) sans restriction qu’il était beau
d’accorder ses faveurs aux amants », et la condamnation sans appel de la pédérastie chez les
peuples soumis à l’influence barbare ; cette opposition entre les Lacédémoniens et les Éléens
associés aux Béotiens se retrouve chez Xénophon, Banquet., VIII, 34 -35, et dans le passage de
Cicéron cité supra dans le texte.
4 9. On comparera aux réactions brutales suscitées par l’afflux d’or et d’argent après 404,
auxquelles succéda peut-être un laxisme généralisé, cf. infra sq.
50. Ou mettent en cause des enfants trop jeunes ? Xénophon évoque la pédérastie à propos des
paidés, qui ne sont pas encore des adolescents (néaniskoi), et Plutarque la voit peut-être
apparaître à partir de 12 ans. Il était normal que les relations sexuelles avec ces enfants fussent
condamnées : considérées comme très honteuses (aikhiston) chez Xénophon, voire punies par la
loi (entendons par les éphores) chez Élien. Mais, à Sparte, les liens pédérastiques peuvent durer
assez longtemps, puisque les néoi (de 20 à 30 ans) ont des éromènes, qui se chargent notamment
de faire leurs courses au marché (Plut., Lyc., 25, 1) : avec eux, les relations sexuelles pouvaient
être tolérées comme elles l’étaient avec des non-citoyens.
51. Cf. la confusion d’un adolescent (meirakion) qui avait rencontré quelqu’un alors qu’il se
promenait avec son amant, Plut., Apoptht. lac., 222b.
52. Cf. aussi Plut., Lyc., 18, 8, où un amant aurait été « mis à l’amende par les magistrats parce que
son aimé aurait, au cours d’un combat, laissé échapper un mot inconvenant (agennè). »
53. Il en irait de même de la naissance de frères ou de sœurs utérins favorisée par le prêt des
épouses, cf. Xén., Rép. Lac. 1, 9, et infra, p.87-89.
54 . Ed. Lévy, « La kryptie et ses contradictions », Ktèma 13 (1988), p. 24 5-252 ; la thèse,
approuvée par N.M. Kennell, The Gymnasium of Virtue, p.131 sq., ainsi que par St. Hodkinson,
in L.J. Mitchell et P.J. Rhodes, The Development of the Polis in Archaic Greece, Londres, New
York, Routledge, 1997, p. 92, est rejetée par J. Ducat, « La cryptie en question », in P. Brulé et
J. Oulhen, Esclavage, Guerre, Économie en Grèce ancienne. Hommages à Yvon Garlan,
Presses universitaires de Rennes, 1997, p. 4 3-77 ; cf. aussi, du même auteur, « Crypties »,
Cahiers Glotz 8 (1997), p. 9-38.
55. Cf. Isocrate, Archidamos, VI, 76, où les Spartiates ont une armée « capable de camper à la
belle étoile et de se déplacer à travers le pays », et Xén., Cyropédie, I, 2, 10 et VIII, I, 34 , où
la chasse est aussi présentée comme « un entraînement à la guerre ».
56. Le terme vient de kruptein, cacher.
57. On rapprochera, pour cet emploi d’archontés, Xén., Cyropédie, I, 2, 6 et 8.
58. Hérodote, IV, 14 6, note en passant que « ceux que les Lacédémoniens mettent à mort, ils les
mettent à mort de nuit et jamais de jour ».
59. Si c’était le cas, on s’expliquerait mal le silence de Xénophon.
60. Je ne saurais dire s’ils appartenaient déjà aux Hippeis, s’ils étaient admis dans ce corps à la
réussite de leur épreuve ou s’ils en restaient séparés.
61. Je suis ainsi amené, contrairement à Jean Ducat, à distinguer deux étapes dans la kryptie, à savoir
la sélection et l’utilisation du krypte ; si les textes n’évoquent pas une telle distinction, ils ne
l’interdisent pas, car chacun ne présente que la partie de la kryptie qui l’intéresse.
62. Voir Plutarque, Vie de Cléomène, 28, 4 , à propos de la bataille de Sellasie, en 222.
63. Cf. notamment Xénophon, Rép. Lac., 5, Plutarque, Lyc., 12, schol. Platon, Lois 633a, ainsi que
M. Lavrencic, Spartanische Küche. Das Gemeinschaftsmahl der Männer in Sparta, Vienne,
Cologne et Weimar, Böhlau, 1995, St. Link, « “Durch diese Tür kein Wort hinaus !” (Plut., Lyk.,
12, 8) : Bürgergemeinschaft und Syssitien in Sparta », Laverna 9 (1998), p. 82-112, et
H.W. Singor, « Admission to the syssitia in fifth-century Sparta », in St. Hodkinson et A. Powell,
Sparta. New Perspectives, Londres, Duckworth, 1999, p. 67-89.
64 . P. Schmitt-Pantel, La Cité au banquet : histoire des repas publics dans les cités grecques,
Paris, École française de Rome, 1992, notamment p. 62-76.
65. C’est le seul sens que mentionne Hérodote (I, 65).
66. Il paraît cependant excessif, malgré le parallèle crétois (Éphore, FGH 70 F 14 9), d’y voir, avec
H.W. Singor, une obligation institutionnelle.
67. Quant à la viande, indispensable pour la confection du plat de base, le fameux brouet noir fait de
porc assaisonné de sel, de vinaigre et de sang (cf. Plut., De tuenda sanit. praecep., 128c), elle
était achetée avec les 10 oboles auxquelles s’ajoutait la viande provenant des sacrifices publics
ou privés.
68. « Le plus âgé des convives (tôn sussitôn) emmenait celui qui avait été admis dans le bâtiment
(oikos) où avaient lieu les syssities et, se tenant à l’intérieur le long de la porte, lui disait : « De
cette porte ne sort pas la parole (logos) », en l’invitant ainsi à tenir secrètes toutes leurs affaires ;
de même Plut., Lyc., 12, 8, Quest. conviv ; 697e, où est évoquée l’admission d’un jeune (néos)
ou d’un étranger (xénos) dans le phidition.
69. Si, en temps de paix, on y ajoute l’autre roi et les quatre Pythioi, on retouve le nombre de 15.
70. Ainsi R. Flacelière et E. Chambry, à la suite de Schœmann, pensaient que Plutarque avait voulu
dire qu’« une tablée comportait au moins 200 convives et 4 00 au plus », mais ce n’est pas ce que
dit le texte.
71. Celles-ci comptent au maximum 4 0 membres, voire 4 2, si on y inclut les jeunes de 18 et 19 ans.
72. On rapprochera Xén., Cyropédie, II, 1, 25, où Cyrus fait dresser des tentes assez grandes pour
abriter chacune une compagnie (taxis) de 100 hommes ; quant à Aristote, Polit., II, 5, 1264 a 6-8,
il met en parallèle comme subdivision de la cité, d’une part, les syssities, d’autre part, les
phratries et les tribus.
73. Si Plutarque évoque une répartition par groupes d’environ 15 personnes, il ne dit pas que le
phidition lui-même se limite à 15 personnes. Claude Vatin me suggère de parler d’une unité de
gestion, d’une « popote » ; cf. aussi Platon, Critias, 112b.
74 . Phylarque, FHG I, 34 6 = Athénée IV, 14 2a, critique les phidities hellénistiques, devenues
petites (mikra).
75. Agésilas serait même allé jusqu’à offrir ses deux parts.
76. La question est très discutée et, si Pavel Oliva, Sparta and her Social Problems, Prague,
Academia, 1971, notamment p. 32-38, admet le système du kléros, celui-ci est rejeté par
St. Hodkinson, « Land tenure and inheritance in Classical Sparta », Classical Quarterly, 36
(1986), p. 378-4 06, et Property and Wealth in Classical Sparta, Londres, Duckworth, 2000,
notamment p. 65-112.
77. Cf. Platon, Lois, III, 684 e, et Isocrate, Archidamos, VI, 20.
78. Hdt., I, 66, suggère que, si, au VIe siècle, Sparte avait réussi à conquérir le territoire de Tégée,
elle en aurait alloti « la belle plaine à mesurer au cordeau ».
79. Cf. infra.
80. Thuc., V, 34 , 2, suggère que ce n’était pas interdit, car, sinon, pourquoi retirer aux vaincus de
Sphactérie le droit d’acheter et de vendre ? Mais il pourrait aussi s’agir là uniquement d’une
mesure vexatoire, rappelant le statut des jeunes de moins de 30 ans, qui aurait interdit d’acheter et
de vendre au marché les objets de la vie courante, cf. Hodkinson, Property and Wealth in
Classical Sparta, p. 84 -85.
81. Pour rejeter la deuxième partie de la phrase d’Hérakleidès, certains ont allégué l’asyndète entre
les deux parties de la phrase ou le sens de moira, qui indiquerait le tribut des Hilotes et non un
lot de terre (cf. cependant LSJ, s.v., et Solon in (Aristote), Const. d’Athènes, 12,3), et ils ont
supposé que, comme le texte de Plutarque, il s’inspirerait non d’Aristote mais des révolutions du
e
III siècle (cf. les références in Hodkinson, Property and Wealth, p. 86-90), mais
l’argumentation reste contestable.
82. Cf. aussi, en II, 7, 1266b 19-21, la loi de Locres qui interdisait de vendre de la terre, sauf cas de
force majeure, et veillait à « préserver les lots anciens ».
83. Il en va de même dans la cité des Lois (V, 74 4 e-74 5a), où Platon évoque la possession de terre
en dehors du kléros et entend, peut-être pour éviter les excès inégalitaires de Sparte, limiter cette
possession supplémentaire à quatre fois la valeur du kléros ; cf. aussi infra, n.85.
84 . L’expression est à rapprocher de la région « dépendant (suntélousan) de la ville (astu) de
Sparte », que, selon Plutarque (Lyc., 8, 5), Lycurgue aurait réparti en 9 000 lots.
85. Cf. aussi Platon, Lois, IX, 856d et 857a, où sont distingués le klèros et le reste des biens
(ousia).
86. Son authenticité a été injustement mise en doute, car elle n’est aucunement en contradiction avec
la Politique d’Aristote, cf. Ed. Lévy, « Le régime lacédémonien dans la Politique d’Aristote :
une réflexion sur le pouvoir et l’ordre social chez les Grecs », in M. Mollin éd., Images et
Représentation de l’ordre social dans l’Antiquité, Paris, De Boccard, 2001, p. 57-72 ; cf. aussi
infra, p.266-268.
87. Il n’a toujours pas le droit de vendre son kléros, mais le don ou le legs peut être une vente
déguisée.
88. Bien que le texte ne le précise pas, il s’agit uniquement des garçons, sinon il faudrait admettre
qu’on assigne un lot même aux filles, et, de toute façon, en 16, 7, Plutarque parle expressément
de « fils ».
89. Le grec phulètès désigne les gens de la tribu, de même que dèmotès les gens du dème ; pour
évoquer les gens des tribus, il aurait suffi de parler de citoyens.
90. M. Huys, Ancient Society 27 (1996), p. 4 7-74 , ne veut y voir qu’un mythe.
91. Une telle obligation permettrait de lutter contre l’oliganthropie, cf. Link, St., « Zur Aussetzung
neugeborenen Kinder in Sparta », Tyche 13 (1998), p. 153-164 .
92. L’autre système, s’il a réellement existé, aurait pu subsister marginalement pour les lots tombés
en déshérence du fait de l’oliganthropie.
93. Il est possible qu’à l’origine, dans les partages, on se soit efforcé de ne pas morceler le « lot
originel » (archaia moira) ; sinon, on ne s’expliquerait guère que, contrairement au reste de la
terre, il soit interdit d’en vendre.
94 . Puisque le patrimoine ne se limite pas au kléros.
95. Voire aussi des filles, dont il faut verser la dot, cf. infra et infra.
96. Le partage de l’héritage est impliqué par Xénophon, Rép. Lac., I, 9.
97. Cf. infra.
98. Cf. infra.
99. Sa statue, érigée à Olympie, rappelle qu’il a aussi été vainqueur à Delphes, à l’Isthme et à
Némée, Paus., VI, 2, 7.
100. Cf. L. Moretti, Olympionikai. I vincitori negli antichi agoni olimpici, Ac. naz. dei Lincei, sc.
moral., memorie, 1957, VIII, 2, p. 295-303, « Supplemento al catalogo degli Olympionikai »,
Klio 52 (1970), p. 295-303, et in W. Coulson et H. Kyrieleis éd., Proceedings of an
International Symposium on the Olympic Games, Athènes, 1992, p. 119-128.
101. On se référera, parmi les travaux récents, à J. Redfield, « The women of Sparta », Classical
Journal 73 (1978), p. 14 6-151, P. Cartledge, « Spartan wives : liberation or licence ? »,
Classical Quarterly 31 (1981), p. 17-36 (repris dans Spartan Reflections, p.106-126),
B.L.Kunstler, Women and the Development of the Spartan Polis : A Study of Sex Roles in
Classical Antiquity, diss. Boston University, 1983, D.M. Mc Dowell, Spartan Law, Edimbourg,
Scottish Academic Press, 1986, M.H.Dettenhofer, « Die Frauen von Sparta. Gesellschaftliche
Position und politische Relevanz », Klio 75 (1993), p. 61-75, et « Die Frauen von Sparta.
Ökonomische Kompetenz und politische Relevanz », in M.H.Dettenhofer, éd., Reine
Männersache ? Frauen in Männerdomäne der antiken Welt, Cologne, Weimar, Vienne, 1994 ,
p. 15-40, J.Ducat, « La femme de Sparte et la cité », Ktèma 23 (1998), p. 385-4 06, et « La
femme de Sparte et la guerre », Pallas 51 (1999), p. 159-171, L.Thommen, « Spartanische
Frauen », Museum Helveticum, 56 (1999), p. 129-14 9, M.L. Napolitano, « Le donne spartane e
la guerra. Problemi di tradizione », Aion (archéol.), p. 17-14 4 ), M. Lupi, L’ordine delle
generazioni. Classi di età e costumi matrimoniali nell’antica Sparta, Bari, Edipuglia, 2000, et,
pour l’étude de quelques cas individuels, F.Le Cornu, Plutarque et les femmes dans les « Vies
parallèles », Paris, Belles Lettres, 1981.
102. Cf. l’évocation par Élien (XII, 21) des mères qui, ayant constaté que leurs fils avaient été tués
par derrière, « en s’efforçant le plus possible de ne pas se faire voir, partaient en laissant les
corps à enterrer dans la tombe commune ou emportaient en secret les leurs pour les enterrer dans
les tombes familiales ».
103. J. Ducat, « La femme de Sparte et la cité », p. 399 : « L’invasion de 369 a été un choc pour les
Grecs en leur montrant les femmes spartiates comme des femmes ordinaires et non comme les
héroïnes des apophtegmes. »
104 . Certains, se fondant sur la misogynie d’Aristote, comprennent « de même que les femmes des
autres cités », ce que le texte permet aussi, mais qui affaiblirait la critique spécifique de la femme
spartiate et l’on comprendrait mal le superlatif blabérôtatai ; D. Schaps, « The women of Greece
in war time », Classical Philology 77 (1982), p. 193-213, rappelle comment, dans d’autres cités
ou, plus tard, à Sparte, les femmes avaient pu se rendre utiles.
105. Ce détail, qui rappelle le chiton fendu utilisé lors des courses, devait être un topos dès le VIe s.,
où Ibycos (Fr. 61 = Plut., Compar. Lyc.-Numa, 3,6) évoquait les « montreuses de cuisses »
(phainomèridés).
106. Platon, qui faisait pratiquer la gymnastique aux Gardiennes de la République, condamne à cet
égard la pusillanimité des Grecs qui raillaient la nudité féminine, Rép., V, 54 2a-d.
107. A Sparte, c’étaient les garçons qui étaient mis à la portion congrue.
108. Dans le reste de la Grèce, quand le vin n’était pas interdit aux femmes, il n’était en général toléré
que dilué.
109. Cf. Cl. Calame, Les Chœurs de jeunes filles en Grèce archaïque, Rome, Ateneo, 1977, p. 386-
4 10.
110. Voir, en plus des ouvrages mentionnés supra n. 101, A. Paradiso, « Observazioni sulla
cerimonia nuziale spartana », Quaderni di Storia 24 (1986), p. 137-153, et L. Bogino, « Note
sul matrimonio a Sparta », Sileno 17 (1991), p. 221-233.
111. Sans doute surtout les néoi, voire, comme le suggère la fin de la phrase, uniquement les néoi.
112. Cf. Plut., Lyc., 15, 4 et Compar. Lyc.-Numa, 4 , 1, où Plutarque, oppose, à cet égard, les
Spartiates aux Romains, Apopht. lac., 228b-c, et Xén., Rép. Lac., I, 6.
113. Cf. infra.
114 . C’est peut-être en vertu de cet antique privilège que Léonidas fit épouser à son propre fils la
riche veuve d’Agis IV.
115. De même, le mythe de Perséphone associe le rapt par le futur époux et le don par le père, cf.
Hésiode, Théogonie, 913-14 , et Hymne à Déméter, 3, 30-32 et 77-80.
116. Cela peut être le cas d’une patrouchos qui a épousé son plus proche parent, souvent un oncle
paternel.
117. Cf. S. Perentidis, « Réflexions sur la polyandrie à Sparte dans l’Antiquité », Revue historique de
droit français et étranger 75 (1997), p. 7-31.
118. Ce sens, imposé par la syntaxe, entend surprendre, car, en général, c’étaient les hommes qui
possédaient une épouse.
119. S’il était avéré, il pourrait s’expliquer par le fait qu’on expose plus volontiers une fille et que, le
nombre de citoyens diminuant, la différence d’âge au mariage diminue encore relativement le
nombre des filles à marier.
120. Pausanias (III, 12, 3) s’est aussi fait l’écho d’une tradition selon laquelle, à la mort du roi
Polydore, sa veuve aurait vendu la maison de son mari, ce qui laisse supposer que la femme peut
même hériter de son mari.
121. L’importance des dots ou de l’héritage des filles a contribué à l’endogamie des familles
royales ; ainsi, par exemple, Léotychidas marie sa fille Lampito à son petit-fils Archidamos (Hdt.,
VI, 71), tandis que Léonidas épouse Gorgo, la fille de son frère consanguin (Hdt., VII, 205), cf.
A.Paradiso, « Gorgo la Spartana », in N.Loraux éd., Grecia al femminile, Rome, Bari, 1993,
p.109-122 ; cf. aussi, sur le remariage d’Agiatis, infra, p. 283.
122. Ce serait aussi le cas d’Euryléonis, Pausanias, III, 17, 6.
123. Agésilas, pour complaire à sa femme, a ainsi fait nommer navarque son beau-frère Peisandros.
Xén., Hell., II, 4 , 28, et Plut. Agés., 10, 11.
124 . L’indication paraît venir de la Constitution des Lacédémoniens aristotélicienne.
125. Voir, outre les ouvrages généraux sur la religion grecque, S. Wide, Lakonische Kulte, Leipzig,
Teubner, 1893, L. Ziehen, RE 3 A (1929), s.v. Sparta (Kulte), coll. 14 53-1525, F. Bölte, « Zu
lakonischen Festen », Rheinisches Museum für Philologie n.f. 78 (1929), p. 124-14 3,
A. Brelich, Paides e parthenoi, Rome, Ateneo, 1969, R. Parker, « Spartan Religion », in
A. Powell, Classical Sparta : Techniques Behind Her Success, Londres, Routledge, 1989,
p. 14 2-172, M. Osanna, « Sui culti arcaici di Sparta e Tarento : Afrodite Basilis », Parola di
Passato 251 (1990), p. 81-94 , et A. Hupfloher, Kulte im kaizerzeitlichen Sparta. Eine
Rekonstruktion anhand der Priesterämter, Berlin, Akademie Verlag, 2000.
126. L’expression est employée traditionnellement pour évoquer l’habitude des Grecs de reconnaître
leurs propres divinités dans les divinités étrangères, cf. Ed. Lévy, « Peut-on parler d’une religion
grecque ? », Ktèma 25 (2000), p. 11-18.
127. Par exemple, à Délos, seulement en 4 26.
128. Voir infra, p. 262-263.
129. Cf. Polybe, VIII, 28 : un ancien oracle aurait invité les Tarentins à « cohabiter avec les plus
nombreux ».
130. On fera une exception pour les prêtres du culte éleusinien comme l’hiérophante et le dadouque.
131. Voir D.H. Kelly, GRBS 22 (1981), p. 31-38, et P. Brulé et L. Piolot, « La mémoire des pierres à
Sparte. Mourir au féminin, couches tragiques ou femmes hiérai (Plutarque, Vie de Lycurgue, 27,
3) ? », REG 115 (2002), p. 4 85-517.
132. Cf. infra et infra.
133. Dans la réforme athénienne de Clisthène, le dieu se serait contenté de choisir (et donc de
sanctifier) les éponymes des tribus.
134 . Cf. P.F. Butti de Lima, « Sui sacrifici spartani ai confini », Contributi dell’ istit. di storia antica
Univ. del Sacro Cuore, Milan, 13 (1987), p. 100-116.
135. Il s’agissait plutôt d’obligations religieuses et, avant le combat rituel de Platanistas, le sacrifice à
Ényalios se faisait aussi de nuit ; il en allait de même pour l’exécution des condamnés, qui évitait
de souiller le jour.
136. Il en va de même dans les affaires civiles, cf. infra, la conspiration de Cinadon.
137. Les devins des Perses leur donnaient aussi les mêmes instructions (inspirées des dieux ou de la
nature du terrain ?).
138. Voir aussi les cultes de Poséidon asphalios et dômatitès à Sparte même et celui de Poséidon
gaiaochos à Thérapné et à Gytheion.
139. Selon A.R. Burn, Persia and the Greeks. The Defence of the West, c. 546-478 B.C., Londres,
1962, les Perses se seraient volontairement rembarqués juste avant l’arrivée prévue des
Spartiates.
14 0. Thucydide, VII, 50, 4, le dit « un peu trop porté sur la consultation des dieux (theiasmos) et les
choses semblables » et Plutarque, Vie de Nicias, 23, 7, regrette que Nicias n’ait pas eu auprès
de lui son devin habituel, « qui lui enlevait beaucoup de sa superstition ».
14 1. Cette étiologie repose sur un rapprochement exprès avec le verbe pauomai (cesser), mais le
terme indique plutôt quelque chose qui a volé (radical po) : il s’agirait d’une pierre soit frappée
par la foudre, soit tombée du ciel, c’est-à-dire un météorite.
14 2. Là aussi l’étiologie intègre le culte dans le système olympien, Artémis ayant, au moyen d’un
lièvre se précipitant dans un bosquet de myrte, indiqué l’endroit où fonder la cité.
143. Leur nombre doit encore être accru, car, dans deux cas, Pausanias emploie le pluriel ; il est
supérieur au nombre des xoana mentionnés en Arcadie et n’est dépassé qu’en Corinthie ; en
Messénie ou en Élide, au contraire, Pausanias ne mentionne qu’un xoanon.
14 4. Cette statue, qualifiée quatre fois de xoanon par Pausanias, aurait été volée par Oreste et
Iphigénie, et aurait rendu fous ceux qui l’avaient trouvée ; les Spartiates des différentes ôbai, qui
sacrifiaient à Artémis, se seraient massacrés auprès de l’autel, d’où une épidémie et un oracle, qui
ordonna d’ensanglanter l’autel de sang humain et suscita ainsi des sacrifices par tirage au sort
jusqu’à ce que Lycurgue les fît remplacer par la flagellation d’éphèbes.
14 5. Pour Pausanias, III, 16, 11, le nom s’expliquerait parce que le xoanon « avait été trouvé dans un
buisson d’osier, qui faisait tenir droite la statue ».
14 6. Les termes employés : agalma pour Héraclès et eikôn pour Lycurgue, suggèrent que le premier
est considéré comme un dieu, mais laissent incertain le statut du second.
14 7. Le thème du combat sauvage se retrouve dans le récit hérodotéen (VII, 225) de la dernière
phase de la bataille des Thermopyles.
14 8. Selon une interprétation rapportée par Plutarque, Vie d’Aristide, 17, 10, elle commémorerait
aussi un épisode des guerres médiques ; si c’était bien le cas, cela montrerait comment les
Spartiates ont su unir, dans un esprit patriotique, le récent et le très ancien.
14 9. Selon A. Vegas Sansalvador, « Fορθασία, ’Ορθία y ’Άρτεμις ’Ορθία en Laconia », Emerita 64
(1996), p. 275-288, il y aurait eu confusion de deux racines : *Hrdh <rHdh = (set) straight >
protéger naissance pour Artémis et *werdh = grow = vieille déesse de la fertilité, jamais employé
pour Artémis.
150. Cette flagellation était assez célèbre pour qu’au IIe s. av. J.-C. Hégésandros (Athénée, VIII, 350
c) pût s’en moquer : si, en organisant des concours, Éléens, Corinthiens ou Athéniens font des
fautes, « qu’on fouette les Lacédémoniens ».
151. Une glose introduite dans le texte d’Athénée, IV, 139f, en fait des chariots de bois voûtés, tandis
que Plutarque, Agésilas, 19, 8, ajoute qu’ils imitent des griffons ou des boucs-cerfs ; pour
montrer la simplicité d’Agésilas, Xénophon rappelle qu’il avait chanté le péan là où le chef de
chœur l’avait placé (Agés., 2, 17) et que sa fille descendait à Amyclées dans un kannathron
public (Agésilas, 8, 7).
152. F. Bölte, Rheinisches Museum, n.f. 78 (1929), p. 132- 140, a supposé que, le texte ayant été
abusivement contracté, il s’agirait ici du troisième jour de la fête (qualifié de kopis, le couperet),
qui, sinon, aurait été négligé dans la description.
153. Cf. la glose de κάρνος chez Hésychius.
154. Ce sont, selon Hésychius, des célibataires (sans doute de moins de 30 ans), au nombre de 5 par
(tribu ? ôbè ?, le texte est mutilé), tirés au sort pour s’occuper pendant 4 ans du culte d’Apollon
Karnéios.
155. On pourrait y ajouter le sacrifice à Hélios de chevaux au sommet du Taygète, Paus., III, 20, 4.
156. Cela suffirait à montrer, s’il en était encore besoin, que les « envahisseurs doriens » n’avaient pas
fait table rase du passé.
157. Le terme traduit le grec hiéron, qui indique un espace sacré comprenant généralement un ou
plusieurs édifices sacrés.
158. Cf. R. Martin, « Bathyclès de Magnésie et le “trône” d’Apollon à Amyklae », RA 1976, p. 205-
218, et A. Faustoferri, Il trono di Amyklai e Sparta : Bathykles al servizio del potere, Naples,
Ed. scient. ital., 1996.
159. Il est attesté épigraphiquement sur une stèle inscrite (MDAI 3 (1878), p. 164 -171) présentant
Alexandra assise jouant de la lyre devant 3 éphores en adoration et invitant à dresser une stèle
dans le sanctuaire d’Alexandra.
160. Cf. Hélène dendritis à Rhodes ou l’évocation par Théocrite (Épithalame d’Hélène, XVIII, 4 5-
48) du platane comme « l’arbre d’Hélène ».
161. Ed. Lévy, « Le régime lacédémonien dans La Politique d’Aristote : une réflexion sur le pouvoir
et l’ordre social chez les Grecs », in M. Mollin éd., Images et Représentations…, p. 57-72.
162. Cf. N. Richer, « Aspects des funérailles à Sparte », Cahiers du centre Gustave Glotz, 5 (1994),
p. 51-96.
163. Même si Xénophon, Rép. Lac., 10, 7, prétend que Lycurgue n’a tenu compte ni de la faiblesse
physique ni de la faiblesse financière de ceux qui respectaient les normes.
164. Cf. le discours des Corinthiens à Sparte, Thuc., I, 68.
165. Voir notamment à J. Ducat, Les Hilotes, BCH suppl. XX, Paris, De Boccard, 1990.
166. Cf. N. Benyer, Plato. Alcibiades, Greek and Latine Classics, Cambridge UP, 2001.
167. J. Ducat, Les Hilotes, p. 55, signale les cas d’Alcman, qui aurait été affranchi par son maître
Agésidas, d’un habitant de Cythère réduit en esclavage comme ses compatriotes et vendu à un
Athénien et d’un cuisinier spartiate acheté par Denys de Syracuse ou par un roi du Pont ; on
pourrait y ajouter les nourrices laconiennes qui étaient achetées par certains étrangers selon
Plutarque, Lyc., 16, 5, notamment Amycla, la nourrice d’Alcibiade, ibid. et Alcibiade, 1, 3 (où
l’auteur se réfère au témoignage fiable d’Antisthène).
168. Au moins chez les Spartiates, car, si les Périèques n’ont pas d’Hilotes à leur service, il faut bien
qu’ils aient des esclaves-marchandises, mais cf. infra et infra.
er
Cf. une remarque attribuée à Cléomène I : « Homère est le poète des Lacédémoniens car il dit
169. Cf. une remarque attribuée à Cléomène Ier : « Homère est le poète des Lacédémoniens car il dit
comment il faut faire la guerre et Hésiode, le poète des Hilotes, car il dit comment il faut cultiver
la terre », Élien, XIII, 19, et Plut., Apopht. lac., 223a.
170. Cf. Critias, DK II6 B 37, et Plut., Apopht. lacon., 221c, 234b, f, 235b, 236a, 24 2d.
171. Déjà, lors de la première guerre de Messénie, selon Plutarque, Apopht. lacon., 231e, le roi
Polydore aurait dit s’attaquer à « la partie non encore allotie (aklèrotôn) du territoire ».
172. Les habitants d’Hélos sont d’ailleurs appelés non Heilôtai, mais Héleioi par Éphore (fr.
117 = Strabon, VIII, 5, 4 ) et Héléates par Théopompe (fr. 13 = Athénée VI, 272a).
173. Je dois l’indication à Charles de Lamberterie ; cf. aussi J. Ducat, « Histoire sociale et enquête
linguistique. Le mot “Hilote” et sa famille », Nomina Rerum. Hommage à Jacqueline Manessy-
Guitton, L.A.M.A. 13 (1994), p. 175-182.
174 . Certains sont même allés jusqu’à supposer qu’il s’agissait de pré-Achéens déjà soumis aux
Achéens.
175. Cf. infra et infra.
176. Cf. aussi, dans l’élégie 8, l’allusion aux guerriers qui ont tremblé ; cf. supra.
177. Le cas est différent pour les Messéniens, qui, censés être doriens comme les Spartiates, entendent
recouvrer leur indépendance.
178. Cette expression, qui, comme le note justement J. Ducat, contredit volontairement l’idée de
Critias, selon lequel les Hilotes sont plus esclaves que les autres, a servi de titre à un livre de
D. Lotze ; les menaces pesant sur les Messéniens autorisés à émigrer (Thuc., I, 103, 1, cité
supra, p. 131-132) laissaient aussi supposer que l’esclavage traditionnel était pire que l’hilotisme.
179. Cf. P. Vidal-Naquet, « Réflexions sur l’historiographie de l’esclavage », Actes du colloque
1971 sur l’esclavage, Paris, De Boccard, 1973, p. 25-4 4 = Le Chasseur noir, Paris, Maspero,
1981, p. 223-24 8.
180. Cf. J. Ducat, Les Pénestes de Thessalie, Annales littéraires de l’université de Besançon, Paris,
Belles Lettres, 1994.
181. Au moins depuis la suppression de l’esclavage pour dettes.
182. Selon le pseudo-Xénophon (Rép. Lac., 3, 10-11), le « peuple » athénien aurait, en l’occurrence,
agi contre son intérêt en ne soutenant pas ses semblables.
183. La réalité de ces révoltes a été mise en doute par J. Ducat, Les Pénestes, p. 104 ; cf. cependant
Xén., Hell., II, 3, 36, et Aristote, Pol., II, 5, 1264 a 34-36, et 9, 1269a 36-39.
184 . Cf. infra.
185. Nous n’avons pas la preuve que les indications proviennent d’Aristote, mais il est probable que,
si elles contredisaient expressément Aristote, Plutarque le signalerait.
186. On ne sait cependant s’il s’agit ici de médimnes éginétiques d’environ 77 litres ou si, comme il l’a
fait pour les contributions aux syssities, Plutarque a converti les quantités en médimnes attiques
de 52 litres.
187. Le terme employé (misthôsis) est celui que la Constitution d’Athènes utilise pour évoquer le
sixième que les hectémores versaient au propriétaire de la terre et correspond plus à des
relations entre hommes libres que le terme apophora.
188. La Messénie disparaît et, chez Hérodote par exemple, le terme Laconie désigne l’ensemble de
l’État lacédémonien, Messénie comprise, cf. Hdt., VII, 168 et VIII, 73, et Ed. Lévy, « La Sparte
d’Hérodote », Ktèma 24 (1999), p. 131, n. 43.
189. Si Xénophon, Hell., III, 3, 5, se contente d’évoquer le grand nombre d’Hilotes présents dans
chaque domaine, Tite-Live, 34, 27, 9, qui s’inspire vraisemblablement de Polybe, présente les
e
Hilotes de l’époque de Nabis (début du II siècle av. J.-C.) comme des paysans vivant dans des
hameaux (castellani, vicus), hameaux où ils se font alors massacrer.
190. Cf. infra.
191. S’il est interdit de les vendre à l’extérieur, la vente à l’intérieur n’est pas interdite, mais il est
probable qu’elle se faisait avec la terre qu’ils cultivaient.
192. Si Xénophon parle bien de communauté (koinônia) à propos des chiens et des chevaux, le
contexte montre qu’il s’agit d’usage en commun et non de propriété commune.
193. Cf. infra et infra.
194 . D’où la limitation de l’apophora (supra, p. 120-122), l’amende infligée au maître dont l’Hilote
avait trop bonne apparence (supra, p. 122) et l’autorité que tout Spartiate pouvait exercer sur tout
Hilote.
195. Cf. pour le kléros, supra, p. 74 -75.
196. J. Ducat, Les Pénestes, p. 62-63, a bien souligné comment la deuxième partie de la phrase,
corrigeant la première, montrait que ni pour l’habitat, ni pour les tâches à accomplir, il ne
s’agissait de véritables esclaves publics.
197. Sur l’utilisation militaire des Hilotes ou des anciens Hilotes, cf. infra et infra.
198. J. Ducat, « Le mépris des Hilotes », Annales ESC, 29 (1974 ), p. 14 51-14 64 .
199. Pollux, VII, 70, y voit « un chiton épais à capuchon ».
200. Admirateur de Sparte, le pseudo-Xénophon, Rép. Ath., 1, 10, regrette qu’à Athènes on ne puisse
distinguer un citoyen d’un métèque ou d’un esclave ; au contraire, comme le montre le récit de la
conspiration de Cinadon (infra, p. 134 -138), les Spartiates se distinguaient nettement du reste de
la population.
201. L’exemple des Scythes et des fils révoltés de leurs esclaves (Hdt., IV, 2-3) est censé montrer
comment la seule vue du fouet suffit à rappeler leur condition aux esclaves.
202. Plutarque est revenu plusieurs fois sur cet usage : Lyc., 28, 8 ; Démétrios, 1, 5 ; Mor. 230a et
(simple allusion) 455e.
203. Les Hilotes doivent se distinguer des Spartiates aussi bien par la nature de leurs chants et de
leurs danses que par leur vêtement ou par leur ivresse, mais, comme l’a justement noté
Th.J. Figueira, « The evolution of Messenian identity », in St. Hodkinson et A. Powell, Sparta,
p. 223, l’épisode suggère justement qu’ils connaissaient ces chants civiques.
204 . Ce serait au moins l’interprétation d’Aristote telle qu’elle est rapportée par Plutarque, Lyc., 28,
7, mais les Spartiates ont peut-être simplement conservé une tradition datant d’une époque où il
risquait d’y avoir tous les ans des escarmouches avec les Messéniens ; d’autre part, s’il s’agissait
d’une guerre, elle devrait être du ressort des rois.
205. Sur la kryptie, cf. supra et supra.
206. Cf. infra et infra.
207. C’est ce que l’on peut déduire du traité, très discuté, entre Sparte et Tégée (Aristote, fr. 59
R = Plut., Mor. 292b), qui, selon l’interprétation de F. Jacoby (CR 38 (1944 ), p. 15-16),
interdirait d’accueillir les Hilotes en fuite et non de mettre à mort les partisans de Sparte.
208. Si le retard a des causes religieuses, les problèmes messéniens pourraient, eux, expliquer l’envoi
d’une expédition limitée, sans les rois.
209. L’expression employée suggère la perte de l’indépendance et non l’asservissement individuel ;
pour le sens de toté, cf. Diodore, XI, 84, 8.
210. Il est normal qu’en évoquant les guerres menées contre les Messéniens (3, 4 7, 1, 5, 49, 2, 9,
35, 1 et 9, 64, 2) Hérodote ne parle pas d’Hilotes, mais, si, d’une manière générale, chez lui le
terme Hilote excluait les Messéniens, il faudrait supposer que les Messéniens ne participent pas
aux funérailles royales (VI, 58) et que les Spartiates dont le domaine se trouvait en Messénie
viendraient au combat avec des Hilotes de Laconie ; d’ailleurs, vouloir distinguer les Messéniens
non révoltés et les Hilotes impliquerait la survivance de la Messénie, alors que, pour Hérodote,
tout le territoire a été absorbé dans la Laconie, cf. supra.
211. Voir J. Ducat, « Le mépris des Hilotes », p. 14 51-14 64 , « Aspects de l’hilotisme », Ancient
Society 9 (1978), p. 5-46, et Les Hilotes, Paris, De Boccard, 1990, A. Roobaert, » Le danger
hilote ? », Ktèma 2 (1977), p. 14 1-155, G.L. Cawkwell, « The decline of Sparta », Classical
Quarterly n.s. 33 (1983), p. 385-400, R.J.A. Talbert, « The role of the Helots in the class
struggle at Sparta », Historia 38 (1989), p.22-4 0, et M.Whitby, « Two shadows : Images of
Spartans and Helots », in A. Powell et St. Hodkinson éd., The Shadow of Sparta, Londres et
New York, The Class. Press of Wales, 1994 , p. 87-126.
212. En dehors des Hilotes servant comme hoplites et qui, affranchis, formeront les Brasideiens ou les
Néodamodes, St. Hodkinson, « Servile and free dependants of the classical Spartan oikos », in
M. Moggi et G. Cordiano, Schiavi e dependenti dell « oikos » e della « familia », Pise, ETS,
1997, p. 4 5-71, considère que les Hilotes qui constituent la domesticité des Spartiates sont
favorisés par rapport à ceux qui cultivent la terre et que ce sont eux qui fournisssent les
mothônés destinés à être affranchis, cf. infra.
213. Cf., outre les exemples mentionnés dans le texte, les intrigues éventuelles du régent Pausanias
avec les Hilotes au lendemain des guerres médiques (Thuc., I, 32, 4).
214 . Cf. aussi, en 398, le recrutement massif de Lacédémoniens, sans doute à la fois des Inférieurs et
des Périèques, par Denys de Syracuse, qui avait reçu l’autorisation de lever autant d’hommes
qu’il voudrait (Diodore, XIV, 4 4,2) ; cf. aussi, pour 396, Diodore, XIV, 58.
215. Cf. Thuc., I, 101-103 (avec le commentaire de Gomme), Diodore, XI, 63-64 et 843, 7-8, Plut.,
Lyc., 28, 12, Cimon, 16, 4, et Paus., IV, 24, 6 ; cf. aussi J. Ducat, Les Hilotes, p. 131-135.
216. Ce nom, qui repose sur une correction des manuscrits, n’est pas sûr.
217. Cf. R. Sealey, « The great earthquake in Lacedemon », Historia 6 (1957), p. 368-371 ; J. Ducat,
« Le tremblement de terre de 4 64 et l’histoire de Sparte », Tremblements de terre. Histoire et
es
archéologie. IV rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes, actes du
colloque des 2-4 novembre 1983, p. 73-84 ; L. Wierschowski, « Die demographischen
Auswirkungen des Erdlebens von 464 v. Chr. für Sparta », in E. Olshausen et H. Sonnabend,
éd., Naturkatastrophen in der antiken Welt, Bonn, Habelt, 1998, p. 291-306.
218. Les Spartiates justifient leurs concessions en invoquant un oracle antérieur qui invitait à « laisser
partir le suppliant du Zeus de l’Ithôme ».
219. Diodore, XII, 67, n’étant qu’une paraphrase de Thucydide, trop vite lu, d’où une erreur sur les
nombres, et Plutarque, Lyc., 28, 6, se référant expressément à Thucydide, celui-ci reste la
source unique ; cf. Ed. Lévy, « Diodore de Sicile récrivant Thucydide (D.S., XII, 62, 6-7 et 67,
3-5, versus Thuc., IV, 12, 3 et 80) », Ktèma 26 (2001), p. 333-341.
220. Cf. F. et J. Ducat, « Mise en scène pour un massacre », Mélanges Paul Gonnet, Nice, 1989,
p. 35-4 0, et B. Jordan, « The ceremony of the Helots in Thucydides », Antiquité classique 59
(1990), p. 37-69.
221. Il ne saurait être très antérieur, car 1) Thucydide se contente d’introduire l’épisode en évoquant
« ce que les Spartiates avaient aussi fait », sans insister par un adverbe sur l’antériorité ; 2) si
l’épisode était ancien, il n’aurait pas valeur d’argument pour expliquer l’expédition ; 3) seul le
traumatisme provoqué par la capitulation de Sphactérie pourrait expliquer ce massacre absurde,
qui n’interdit pas, quelques mois plus tard, d’envoyer des Hilotes en expédition.
222. On peut aussi comprendre « devant l’esprit révolutionnaire et le nombre des Hilotes », mais, la
jeunesse étant, pour les Anciens, naturellement révolutionnaire, les deux interprétations ne sont
pas incompatibles.
223. Selon Diodore, XV, 65, 6, ils n’en auraient finalement enrôlé que 1000.
224 . Le récit de Polyen, II, 14 , est moins détaillé et Aristote, Pol., V, 7, 1306b 33-35, se contente
d’une simple allusion ; cf. aussi J.F. Lazenby, « The conspiracy of Cinadon reconsidered »,
Athenaeum 55 (1977), p. 4 37-44 3, E. David, « The conspiracy of Cinadon », Athenaeun 57
(1979), p. 239-259, R. Vattone, « Problemi spartani. La congiura di Cinadone », RSA 12 (1982),
19-52.
225. L’auteur force sans doute les choses en précisant que les dieux révélaient au devin « une
conspiration des plus terribles » : les sacrifices pouvaient être très défavorables, mais on ne voit
pas comment ils auraient pu indiquer qu’il s’agissait d’une conspiration.
226. Cf. Ed. Lévy, « L’art de la déformation historique dans les Helléniques », in H. Verdin,
G. Schepens, E. de Keyser éd., Purposes of History, Louvain, Studia hellenistica 30, 1990,
p. 125-157.
227. Aristote le dit de même andrôdès, c’est-à-dire viril ou courageux.
228. On rapprochera de Cinadon le personnage de Phéraulas, dans la Cyropédie, II, 37, « homme du
peuple » que Xénophon présente comme « physiquement favorisé par la nature et ressemblant
par l’âme à un aristocrate », mais qui, apprécié par Cyrus, est, contrairement à Cinadon, satisfait
de son sort.
229. La scytale est le bâton rond autour duquel les Spartiates enroulaient la bande de papyrus portant
le message officiel, d’où par extension la bande de papyrus elle-même ; le même bâton, à la
disposition du destinataire, facilitait la lecture et authentifiait le message ; cf. notamment Plut.,
Lys., 19, 8, 12, et N. Richer, Les Éphores, p. 483-4 90.
230. Voir le discours des Thébains à Athènes en 395, où, avec quelque exagération, ceux-ci
reprochent aux Spartiates d’utiliser des Hilotes comme harmostes (Xén., Hell., III, 5, 12) ; Jean
Ducat (lettre personnelle) y verrait même une allusion à Lysandre, mothax et harmoste.
231. Xénophon le range parmi les plus dangereux (épikairotatoi).
232. S’il était encore de leur nombre, il aurait bénéficié d’un procès devant la gérousie, les premiers
exemples d’Homoioi exécutés sans jugement ne datant que de 370-69 (cf. Plut., Agésilas,
32,11).
233. Il en va sans doute de même pour les 200 hommes qui, selon Plutarque, Agés., 32, « couvaient
depuis longtemps leur canaillerie » et qui, lors de l’invasion thébaine de 370-69, s’emparent d’un
point fort, car l’auteur les distingue à la fois des Spartiates et des Hilotes et Périèques, évoqués
plus loin dans le même chapitre.
234 . Le tableau, comme l’avait déjà noté E. Chambry dans son édition de La République, correspond
bien à Cinadon, qui a servi sous les armes et dont la condition d’Inférieur se retrouve dans
l’atimie évoquée par Platon.
235. Ce rapport n’est pas invraisemblable, à condition de tricher un peu en comptant, d’un côté,
hommes, femmes et enfants et, de l’autre, seulement les Spartiates mâles et adultes, qui, pouvant
e
mobiliser 1200 hoplites en 379, devaient, au début du IV siècle, être au nombre de 2000 à
3000 ; cf. aussi les 3000 citoyens actifs qu’avaient en 404 prévus leurs admirateurs athéniens.
236. L’expression employée par Xénophon : « ayant compté un roi et des éphores ainsi que des
gérontes et d’autres, au nombre d’environ 4 0 », présente les Spartiates ordinaires comme ne
formant qu’un complément aux magistrats.
237. Si, en ce qui concerne les instigateurs, tels qu’ils sont vus par les Spartiates, le texte mentionne
complot (2 exemples d’épiboulè) et conspiration (3 exemples de suneidein), pour évoquer
l’opposition générale à Sparte, il emploie le vocabulaire de la guerre (4 exemples de polémioi,
3 exemples de summakhoi) plutôt que celui de la stasis.
238. Il est d’ailleurs étrange que, dans une cité qui est censée tant se défier des population sujettes, il
y ait un marché au fer où l’on puisse se procurer, entre autres, « beaucoup de poignards,
beaucoup d’épées ».
239. Ce qui pourrait laisser supposer qu’on n’est pas sûr de l’ensemble des Hippeis.
240. Celui-ci sera diminué, après 404 , par l’expulsion hors de la Grèce propre des Messéniens de
Céphallénie et de Naupacte, cf. Diodore, XIV, 34 et 78.
241. Cf. G. Shipley, « Perioikos : The discovery of Classical Laconia », in J.M. Sanders,
ΦΙΛΟΛΑΚΩΝ, Lakonian Studies in Honour of Hector Catling, Londres, The British School at
Athens, 1992, p. 211-226, et « “The other Lakedaimonians” : The dependent Perioikic Poleis of
Laconia and Messenia », in M.H. Hansen, The Polis as an Urban Centre and as a Political
Community, Acts of the Copenhagen Polis Centre vol. 4 , Copenhague, 1997, p. 189-281, et
J.M. Hall, « Sparta, Lakedaimon and the nature of Perioikic dependency », in P. Flensted-
Jensen, Further Studies in the Ancient Greek Polis, Historia Einzelschriften 138, Stuttgart,
Franz Steiner, 2000, p. 73-89.
242. F. Hampl, « Die lakedämonische Periöken », Hermes 72 (1937), p. 1-49.
24 3. La thèse reste valable si, au lieu de parler de Doriens, on évoque l’essaimage de la population
de Sparte et de la vallée moyenne de l’Eurotas.
244 . Leur conquête est évoquée par Paus., III, 2, 6-7, qui, au moins pour les deux premières
bourgades, mentionne l’éviction de leurs premiers habitants ; quant à Hélos, si ses habitants ont
été réduits à l’état d’Hilotes, il a bien fallu en faire venir d’autres pour constituer une cité
périèque.
245. On comparera le rôle d’Athènes en Attique.
246. On rapprochera Platon, République, VIII, 547b, où l’aristocratie se change en timocratie
(incarnée par le régime spartiate), lorsque les gardiens asservissent ceux qu’ils devaient protéger
et en font des Périèques et des serviteurs.
247. Idée banale, déjà présente chez Thucydide, I, 18, 1, qu’Isocrate ne prend pas la peine de
développer.
248. Il est inutile de souligner l’ironie d’Isocrate envers cette étrange démocratie, qui exclut le
dèmos.
249. Il est probable que, pour critiquer Sparte, Isocrate s’inspire ici de l’anti-modèle que constituait le
régime des Trente.
250. Il est d’ailleurs possible, voire probable, qu’en Messénie des Messéniens ralliés aient pu former
des cités périèques : cela expliquerait pourquoi, en 464, deux cités périèques ont rejoint les
révoltés et pourquoi, en 370-69, les habitants des cités périèques de Messénie ne paraissent pas
s’être opposés à la défection de la Messénie.
251. Milet est bien censée avoir fondé une centaine de colonies, mais il s’agissait d’une cité d’une tout
autre importance que Sparte et de colonies auxquelles participaient des habitants d’autres cités.
252. Cf. J.A.O. Larsen, « Perioikoi », RE XIX, 1, 1937, col. 816-833, et F. Gschnitzer, Abhängige
Orte, Zetemata 17, Munich, Beck, 1958.
253. Le seul exemple allégué par Hampl est celui d’Héraclée Trachinia, fondée par Sparte en Grèce
centrale pendant la guerre du Péloponnèse, mais rien n’indique qu’Héraclée, qui ne disposait au
départ d’aucune autonomie, ait été une cité périèque.
254 . Pour les Anciens, tant qu’on ne s’affronte pas à l’intérieur de son territoire, on n’est pas en
guerre.
255. Les historiens antiques, Hérodote par exemple, ne cherchent pas la plus grande précision
terminologique, et cette confusion n’est pas plus grave que celle qui assimile Hollande et Pays-
Bas ou Angleterre et Grande-Bretagne, voire Royaume-Uni.
256. On ne distinguera jamais, au contraire, les Lacédémoniens et les Périèques, ni pour les associer ni
pour les opposer.
257. Cf. Xén., Hell., IV, 4 , 19, V, 3, 25, 4, 41 et 55, où, à chaque fois, Agésilas « licencia les alliés
et ramena au pays l’armée civique (to politikon ou to politikon strateuma) ».
258. Sparte elle-même a toutes les caractéristiques d’une cité, sauf qu’elle n’est qu’un élément de
l’État lacédémonien, qu’elle domine entièrement.
259. G.L. Cawkwell, « The decline of Sparta », p. 385-400, suppose que les contingents spartiates et
périèques ont été réunis avant la bataille.
260. Quelle que soit l’organisation de l’armée lacédémonienne, mal connue et qui a varié dans le
temps, elle comporte toujours un nombre pair de loches permettant d’associer une unité spartiate
à une unité périèque.
261. Cf., outre le cas de Platées, Xén., Hell., III, 5, 7.
262. Cf. Cinadon, qui évoque « ceux d’entre nous qui sont rangés avec (suntétagménoi) (les
Spartiates) », Xén., Hell., III, 3, 7, et cf. supra et supra ; mais la thèse de J.F. Lazenby, The
Spartan Army, Warminster, Aris et Phillips, 1985, selon laquelle l’armée spartiate aurait surtout
été renforcée par des Inférieurs, n’est pas fondée ; on ne sait même pas si les Spartiates dégradés
en Inférieurs sont comptés parmi les Spartiates ou parmi les autres Lacédémoniens ; en 370, par
exemple, l’armée d’Agésilas paraît constituée uniquement de Spartiates et de Périèques (Xén.,
Hell., VI, 5, 21).
263. Étant donné la nature du combat, non hoplitique, qui s’était déroulé dans l’île, on peut supposer
que la proportion des survivants reflète celle des combattants engagés.
264 . Cf. Xén., Hell., III, 15, 3, V, 2, 24 et V, 3, 9 (où il s’agit de volontaires d’élite).
265. Le fait qu’ils puissent, comme les Spartiates, servir dans la cavalerie (cf. Xén., Hell., V, 4, 39)
n’implique au contraire rien d’honorifique, car la cavalerie reste à Sparte une arme méprisée.
266. Cf. aussi infra, p. 14 7-14 8, la question du tribut royal.
267. Cette suggestion d’U. Kahrstedt, Griechische Staatsrecht. 1. Sparta und seine Symmachie,
Göttingen, 1922, p.73, a éte reprise et développée par H.W. Parke, « The evidence for Harmosts
in Laconia », Hermathena 4 6 (1931), p. 31-38, E. Cavaignac, Sparte, Paris, 194 8, et
G. Bockisch, « Ἁρμοσταί (4 31-387)», Klio 46 (1965), p. 129-239.
268. Il faudrait d’ailleurs, dans cette hypothèse, supposer que les 20 harmostes se répartissaient la
centaine de cités périèques.
269. Cf. Ed. Lévy, « Métèques et droit de résidence », in R. Lonis, L’Étranger dans le monde grec,
Presses universitaires de Nancy, 1988, I, p. 47-67.
270. Ils lui avaient permis de faire son coup d’État, cf. Plut., Cléomène, 7, 5-8, 1.
271. Il s’agit bien sûr des trophimoi, qui ont pu participer à l’agôgè, cf. infra ; on rapprochera
kharientés du superlatif du même mot employé par Cléomène.
272. On rapprochera Xénophon, Hell., V, 3, 9, où, en 381, le roi Agésipolis emmène en expédition à
la fois des volontaires périèques, qualifiés de kaloi kagathoi, « des étrangers appartenant à ceux
qu’on appelle des trophimoi » et des bâtards des Spartiates.
273. B. Niese, « Neue Beiträge zur Geschichte und Landeskunde Lakedämon », Göttingen Gelehrte
Nachrichten, 1906, p. 101-142 ; cf. aussi P. Cartledge, Sparta und Lakonia, p. 185-193 et 325-
334 .
274 . Dans le haut archaïsme, une polis ne se distingue pas encore d’un simple village, cf. Ed. Lévy,
« Apparition en Grèce de l’idée de village », Ktèma 11 (1986), p. 117-127.
275. Ce statut est confirmé par la possibilité, pour un État étranger, d’accorder la proxénie à un
Périèque, de telle cité, expressément mentionnée, par exemple d’Oinous (G. Shipley, « The other
Lakedaimonians », p. 233) ou des cités périèques mentionnées dans un décret de Kéos (IG XII, 5,
1, 54 2), et par la participation de Périèques aux concours olympiques, cf. Paus., III, 22, 5 et IG
V, 1, 1108. Il est significatif, malgré l’ironie d’Isocrate, Panath., XII, 179, que des auteurs
comme Hérodote, VII, 234 , Thucydide, V, 54, 1 ou Xénophon, Hell., VI, 5, 21, Rép. Lac., 15,
3, et Agés., 2, 24 , qualifient tout naturellement les cités périèques de poleis.
276. Quelques inscriptions hellénistisques montrent qu’au moins certaines d’entre elles avaient des
éphores.
277. Hermes 72 (1937), p. 1-49 ; voir aussi J. Ducat, Les Hilotes, p. 189-191, qui mentionne
également Tite-Live, XXXIV, 27, 9 : en 195, Nabis aurait fait massacrer des Hilotes dans les
cités périèques.
278. Alors que les soldats armés à la légère qui gardent les Spartiates sont expressément qualifiés
d’Hilotes (Hdt., IX, 28), ceux des Périèques sont mis sur le même plan que ceux des alliés, qui
ne sont manifestement pas des Hilotes (Hdt., IX, 29) ; cependant, pour Thucydide, IV, 8, 9, les
hoplites, aussi bien spartiates que périèques, envoyés à Sphactérie, étaient accompagnés des
Hilotes à leur service.
279. Cf. R.T. Ridley, « The economic activities of the Perioikoi », Mnemosyne 27 (1974), p. 281-
292.
280. Plut., Apopht. lac., 214a et Vie d’Agésilas, 26, 7-9 ; cf. aussi Polyen, II, 1, 7.
281. Rappelons l’importance des mines de fer du cap Malée, notamment dans la région de Boiai, cf.
J. Christien, « Promenades en Laconie », Dialogues d’Histoire ancienne, 1989, p. 75-105,
notamment p. 89-91.
282. Les xénélasies, c’est-à-dire les expulsions globales des étrangers, suggèrent qu’en temps
normal il y avait des étrangers.
283. Cf. supra.
284. Cf. Xén., Hell., VI, 5, 25 et 32 ; VII, 2, 2, qui distingue les Hilotes, qui font tous défection, les
Périèques, dont beaucoup le font, et les alliés, dont, d’après lui, peu abandonnent Sparte ; et
Agés., 2, 24, 6.
285. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’ont pas de relations avec l’étranger, cf. supra.
286. Pour G. Shipley, « The other Lakedaimonians », p. 203 : « On accède au statut de Périèque par
promotion et non par dégradation » ; cf. cependant supra, p. 140.
287. On peut rapprocher le patriotisme athénien des métèques du Ve siècle.
Le système politique
L’ACCESSION AU POUVOIR
L’accès au trône se fait par l’hérédité. Le fils passe ainsi avant le frère : au
début du IVe siècle, Léotychidas entendait donc être préféré à Agésilas, car,
disait-il « la loi enjoint que ce soit non le frère, mais le fils qui soit roi » (Xén.,
Hell., III, 3, 2). Mais Démarate apporte une précision supplémentaire en
signalant à Darius l’usage (nomizesthai) spartiate : « Si des fils sont nés avant
que leur père soit devenu roi et que survienne un fils né plus tard, alors que le
père règne, c’est le fils né après qui hérite de la royauté » (Hdt., VII, 3).
Cependant, si le second est ainsi favorisé, les premiers ne sont pas éliminés.
Pierre Carlier (La Royauté en Grèce avant Alexandre, p. 247) s’est fondé sur ce
passage, où il reconnaît déjà ce que les Byzantins qualifieront de
porphyrogenèse, ainsi que sur une étude précise des successions royales pour
proposer la règle suivante : le trône revient au « plus proche descendant (je
dirais plutôt parent, car le frère n’est pas un descendant) du plus récent
détenteur du pouvoir le plus royal 9 », entendons qu’un roi est plus royal qu’un
régent, lui-même plus royal qu’un membre ordinaire de la famille royale.
Ce sont là les règles normales de succession, mais il semble que les
Spartiates aient eu leur mot à dire : ils se contentent sans doute d’acclamer le
nouveau roi, qui est nommé même s’il n’est pas encore en âge de régner 10 ;
mais ils doivent aussi trancher en cas de contestation.
La désignation de Cléomène Ier est, à cet égard, éclairante. En effet, dans un
texte assez hostile à Cléomène, Hérodote (V, 42) rapporte que Dorieus 11, qui
avait plus de mérite, espérait obtenir la royauté, mais que les Spartiates ont
respecté la règle (nomos) et nommé roi l’aîné Cléomène. Les espoirs et la
déception de Dorieus suggèrent qu’on aurait pu ne pas la respecter et faire
l’autre choix. Mais il s’agit en fait d’un cas exceptionnel. Le roi Anaxandridas,
père des deux prétendants, avait, de façon anormale, été autorisé à avoir deux
femmes à la fois. On pouvait dès lors se demander si la deuxième femme,
mère de Cléomène, devait vraiment être considérée comme une épouse
légitime, à l’égal de la future mère de Dorieus, ou si elle n’était qu’une épouse
secondaire, simple donneuse d’enfants pour le cas où la première continuerait
à se montrer stérile. C’est d’ailleurs ce qu’impliquent les réactions de la
famille de Cléomène à la nouvelle que la première femme était enceinte : dès
ce moment on devait craindre que l’enfant à naître ne passât avant Cléomène 12.
Ce sont aussi les Spartiates qui tranchent entre Léotychidas et Agésilas,
c’est-à-dire entre le fils à la filiation contestée et le frère. Le choix pourrait
avoir été fait, au moins initialement, par la gérousie, comme le suggèrent les
expressions de Xénophon (Agés., 5) : « Dans la cité la plus puissante jugé par
les meilleurs (aristoi) digne de l’apanage (géras) le plus beau » ; celle-ci aurait
ainsi décidé en fonction de ses pouvoirs judiciaires, mais la phrase des
Helléniques (III, 3, 4) : « Après avoir entendu de tels arguments des deux
parties, la cité choisit Agésilas comme roi » orienterait plutôt vers une
décision de l’assemblée 13 : le plus probable, c’est que, surtout si le roi devait
être proclamé, le choix de la gérousie avait besoin d’être confirmé par
l’assemblée. C’est en tout cas la gérousie, selon Pausanias (III, 6, 2), qui doit
trancher entre Cléonymos et Areus, c’est-à-dire entre le fils cadet et le fils du
fils aîné. Mais, même dans les cas où aucun problème ne se pose, on n’est pas,
au moins théoriquement, assuré d’obtenir la succession. Ainsi, dans un passage
d’Isocrate (VI, Archidamos, 8), favorable à Archidamos, celui-ci se présente
lui-même comme « descendant d’Héraclès, fils du roi actuel et qui peut (lui-
même) s’attendre (épidoxon) à obtenir le même honneur (timè) » : l’expression
surprendrait, si le fils succédait à son père, automatiquement et sans aucune
formalité 14 .
POUVOIR THÉORIQUE
Péloponnèse sans indiquer vers (ou en vue de) quoi, il la réunit » (Hdt., V, 74).
Mais la chose paraît assez anormale pour qu’Hérodote la signale et
l’expédition échoue lamentablement, puisque, à Éleusis, les Corinthiens font
défection, suivis du deuxième roi, Démarate, et finalement de l’ensemble des
alliés. Il est cependant probable qu’à l’époque archaïque, lorsqu’on guerroyait,
tous les ans ou presque, contre les mêmes voisins, l’initiative de la guerre
revenait aux seuls rois.
En tout cas, à l’époque classique, les rois ne décident plus de la guerre, non
seulement parce que, depuis 506, ils ont perdu la direction collégiale des
opérations, mais aussi à cause du rôle dévolu aux alliés de la « ligue du
Péloponnèse ». C’est, entre autres, ce qu’avait négligé Cléomène et qui a
entraîné la défection des Corinthiens. Au contraire, en 432, lors du
déclenchement de la guerre du Péloponnèse, toutes les formalités sont
respectées et, en ce qui concerne Sparte, c’est l’assemblée qui vote la guerre
avant de soumettre la question aux alliés (Thuc., I, 87). De plus, au IVe siècle et,
sans doute, déjà plus tôt, il revenait aux éphores de proclamer la mobilisation
(phrouran phainein) de l’armée civique 18 en indiquant normalement contre qui
elle se faisait.
Si, au cours de la dernière phase de la guerre du Péloponnèse, le roi Agis,
stationné dans la région de Décélie, avait tout pouvoir (kurios), sans en référer
aux autorités spartiates, « d’envoyer une expédition où bon lui semblait, de
réunir des troupes et de lever de l’argent » (Thuc., VIII, 5, 3), la chose est
présentée comme exceptionnelle. Et les Helléniques de Xénophon montrent des
rois en expédition lointaine de plus en plus soumis aux autorités spartiates.
Généralement accompagnés de deux éphores 19 (II, 4, 36) ou d’envoyés des
éphores, les rois obéissent aux instructions qu’on leur transmet ; le roi
Cléombrotos, en expédition en Béotie, fait même demander aux autorités de
Sparte « ce qu’il doit faire » (V, 42), tandis qu’Agésilas, qui, désireux de faire
la guerre aux Perses, a rendu compte aux éphores de sa consultation de
l’oracle de Dodone, se voit inviter par ceux-ci à consulter aussi Delphes (Plut.,
Apopht. lac., 209a) 20 .
Les rois restent néanmoins les commandants en chef. Aristote (Pol., III, 14,
1285a 5-8) les qualifie de stratèges autokrator, et il est impensable qu’ils
soient soumis à un autre chef militaire : dès qu’arrivent les rois Pausanias ou
Agis, Lysandre doit se mettre sous leur commandement.
Hérodote et surtout Xénophon précisent leur rôle militaire. Commandant
l’armée civique 21, le roi avance en tête du corps de troupe, précédé seulement
des Skirites et des éclaireurs montés, qui ouvrent la voie ; il quitte aussi en
dernier le champ de bataille et choisit l’emplacement du camp. Il combat à
l’aile droite, la plus exposée, mais non à l’extrémité, puisqu’il a encore un
corps d’armée (une more) à sa droite, et à l’avant, mais protégé, selon
Hérodote (VI, 56) par une garde d’honneur de 100 hommes d’élite (logadés),
pris vraisemblablement parmi les Hippeis 22. L’organisation pyramidale du
commandement, dont Thucydide (V, 66, 3-4) souligne l’efficacité, permet une
bonne transmission des ordres, et le roi peut, selon Xénophon, se décharger
des affaires judiciaires sur des hellanodiques, des affaires financières, sur des
trésoriers, et des problèmes de butin, sur des vendeurs de butin (Rép. Lac., XIII,
11). Il exerce, comme tout chef militaire, un pouvoir disciplinaire qui lui
donne, sur le champ de bataille, un droit de vie et de mort même sur les
citoyens (Aristote, Pol., III, 14, 1285a 8-10) et peut, bien sûr, envoyer des
ambassades tant aux amis (pour demander par exemple de l’aide) qu’aux
ennemis (pour conclure par exemple une trêve) (Rép. Lac., XIII, 10). Ce droit
d’envoyer des ambassades a été contesté par certains éditeurs de Xénophon,
qui ont imprudemment introduit une négation dans le texte (ou à la place de
au), mais il est confirmé par de nombreux récits d’Hérodote, Thucydide ou
Xénophon 23 .
De fait, le roi exerce une activité diplomatique, plus ou moins liée à ses
fonctions militaires, puisque, en dehors des ambassades demandant une trêve,
on voit Cléomène recevoir des ambassades qui voulaient inciter Sparte à la
guerre : en 516, le Samien Maiandrios, qu’il fait expulser par les éphores, en
514, une ambassade scythe, et, en 499, l’Ionien Aristagoras. En tant que chef
de l’armée, il a sous ses ordres les troupes alliées et est donc en rapport avec
les cités qui les envoie. Enfin, les rois désignent des proxènes 24 : « Il leur
appartient de désigner des proxènes, ceux qu’ils veulent parmi les citoyens de
souche (astoi) » (Hdt., VI, 57). L’indication est étrange, car un proxène
pourrait être soit un Spartiate qui s’occupe des étrangers appartenant à la cité
qui lui a décerné ce titre 25, soit un étranger désigné par Sparte pour accueillir
les Spartiates dans sa propre cité et qui serait alors un « proxène des
Lacédémoniens », comme l’ont été, par exemple, parmi les Athéniens, les
ancêtres d’Alcibiade (Thuc., V, 49, 2 et 89, 2) ou l’exilé Xénophon 26 et, parmi
les Thessaliens, Polydamas de Pharsale (Xén., Hell., VI, 1, 4) et son adversaire
Jason de Phères (Xén., Hell., VI, 4, 24) ; un tel proxène pourrait bien, à
l’époque d’Hérodote, être désigné par les rois. Mais, dans le texte, sont
mélangés les deux types de proxènes, puisqu’il s’agirait de Spartiates désignés
par Sparte. On a donc supposé une institution originale, à savoir des magistrats
spartiates chargés de s’occuper des étrangers 27 , c’est-à-dire en fait de les
surveiller, et on les a rapprochés des polémarques athéniens et surtout des
collèges de proxènes d’Olympie et de Delphes, qui sont formés de gens du cru
nommés par les autorités locales. Mais il s’agit, dans ces derniers cas, de
sanctuaires devant accueillir des pèlerins, ce qui n’est pas le cas de Sparte, et,
d’autre part, Olympie n’est pas une cité.
Il est aussi possible que, dans le texte d’Hérodote, la conjonction et (kai) ait
été déplacée et que l’expression « parmi les astoi » se rapporte non aux
proxènes mais aux Pythioi, évoqués immédiatement après et qui, eux, sont
manifestement des citoyens distingués. Il est cependant toujours périlleux de
corriger un texte attesté par de nombreux manuscrits.
Aussi est-il préférable de supposer, comme me le suggère Claude Vatin,
que les rois se contentaient de confirmer pro forma et en quelque sorte
d’enregistrer la désignation (normale) du proxène par la cité concernée
De toute façon, les rois établissaient volontiers avec les dirigeants
étrangers, au profit de Sparte ou à leur profit personnel, des relations
héréditaires d’hospitalité (xénia), qui facilitaient les relations diplomatiques et
pouvaient, comme en 403 à Athènes ou en 380 à Phlionte, déboucher sur la
constitution de coteries ou de factions.
En tant que « descendants de la divinité », ils ont aussi des prérogatives
religieuses importantes, que souligne Aristote : « Ce qui concerne les dieux est
du ressort des rois » (Polit., III, 1285a 6). Ils exercent les sacerdoces de Zeus
Lacédémon et de Zeus Ouranios, sans que le texte d’Hérodote permette de
savoir si c’est collégialement ou si chacun exerce un des deux sacerdoces. Ils
organisent tous les sacrifices publics, notamment à l’armée, et y reçoivent des
parts d’honneur (la peau et les filets). Ces sacrifices sont si nombreux qu’il
leur a été accordé « de recevoir un porcelet de toutes les portées de truies, de
façon que le roi ne manque jamais de victimes, s’il est quelque besoin de
consulter les dieux » (Xén., Rép. Lac., XV, 5). Les rois ont aussi la maîtrise des
relations avec Delphes, puisque chacun d’eux désigne deux Pythioi, qui seront
leurs commensaux et auront la garde des oracles, ce qui implique des archives
écrites et permet éventuellement des manipulations.
Il ne leur reste plus personnellement qu’un pouvoir judiciaire limité,
concernant le droit familial (attribution des filles épiclères et adoption) et les
chemins publics, qu’il faut préserver des empiétements privés. Mais les rois
sont associés à la gérousie, qu’ils ne président pas (ou plus ?), mais où ils
siègent et ont même le privilège de se faire représenter ; ils participent ainsi à
ses pouvoirs législatifs (initiative et veto) et judiciaires.
PUISSANCE POLITIQUE
E
LA CRISE DE LA ROYAUTÉ AU V SIÈCLE
Les premiers cas attestés datent du tout début du Ve siècle et paraissent liés à
l’opposition de Cléomène et de Démarate, qui avait déjà suscité le divorce
d’Éleusis.
Des menaces voilées auraient sans doute, dès le VIe siècle, été lancées
contre Anaxandridas pour l’inciter à accepter le compromis matrimonial que
lui imposaient éphores et gérontes (Hdt., V, 39-40), mais, pour autant qu’elles
n’aient pas été imaginées en fonction de ce qu’Hérodote connaît des
destitutions à venir des rois de Sparte, elles n’avaient pas été suivies d’effet.
En tout cas, du fait de la bigamie d’Anaxandridas, la cité fut obligée
d’intervenir pour départager Cléomène et Dorieus 39 . Ayant réglé des
problèmes de succession, elle put aussi le faire après coup, quand une filiation
était contestée, même longtemps après l’accession au trône, et Cléomène fit
ainsi, en 491, destituer Démarate. Avec un tel précédent, on n’hésita plus à
s’attaquer à un roi pour toute défaillance politique ou militaire.
• La fréquence des procès de 494 à 395
Dans une première période, 3 procès furent intentés à des Agiades : à
Cléomène en 494 4 0 et au régent Pausanias en 477 et vers 470-465, et 3, à des
Eurypontides : à Démarate en 491 et à Léotychidas II vers 488 et en 476.
Quatre rois ou régents subirent ainsi 6 procès en une trentaine d’années et, au
début de la période, en 6 ans, s’affrontèrent même en 3 procès les partisans et
les adversaires de Cléomène : Cléomène, attaqué en 494, l’emporta en 491,
tandis qu’en 488, après la mort du roi, les Spartiates se retournèrent contre son
acolyte Léotychidas.
Après 465, le tremblement de terre et la révolte messénienne ont dû
amener une « union nationale » qui ne se prêtait guère à des attaques contre les
rois.
Mais les procès, encore que moins fréquents, recommencèrent en 445, où
l’Agiade Pleistoanax fut contraint à l’exil. Furent ensuite soumis à procès
l’Eurypontide Agis II en 418 et l’Agiade Pausanias, en 403 et en 395, tandis
que, vers 397, on avait dû, pour l’accession au trône, choisir entre Léotychidas
et Agésilas.
Ainsi, en un siècle, 7 rois ou régents ont été soumis à 10 procès ou, si l’on
tient compte de l’accession au pouvoir d’Agésilas, 8 rois ou régents l’ont été à
11 procès ; et, chez les Agiades par exemple, le grand-père (le régent
Pausanias), le père (Pleistoanax) et le fils (le roi Pausanias), ont, à eux trois,
subi 5 procès.
Autant dire que de tels procès ont cessé d’être un événement exceptionnel
et que la peur d’un procès peut influer sur l’action des rois. Ainsi, en 418,
Agis II, qui avait précédemment été critiqué et condamné pour sa retraite
devant Argos, était sur le point de se lancer dans une attaque intempestive
contre les Argiens installés sur une position favorable, quand un Spartiate lui
reprocha opportunément de vouloir « guérir un mal par un mal » (Thuc., V,
65, 1-3). Le roi Cléombrotos, dont le père, le grand-père et l’arrière-grand-
père avaient été condamnés et qui lui-même se faisait critiquer pour sa
modération à l’égard de Thèbes (Xén., Hell., V, 4, 16 et 60, VI, 4, 5), se laissa,
lui, influencer par ses amis, qui l’invitaient à attaquer les Thébains, s’il désirait
revoir sa patrie (Hell., VI, 4, 5), c’est-à-dire échapper à une condamnation à
l’exil. Il se rendit ainsi en partie responsable du désastre de Leuctres, où il
trouva la mort.
• Motifs et châtiments
Des procès peuvent être intentés lorsque la filiation du roi est contestée :
Démarate fut démis, tandis que Léotychidas, bien que fils présumé du défunt
Agis, n’obtint pas la royauté.
Il s’agit cependant le plus souvent d’accusations, très graves, de corruption
par l’ennemi expliquant des insuccès à la guerre.
Cléomène, qui, victorieux, ne s’était pas emparé d’Argos, fut accusé de
s’être laissé acheter ; mettant en avant l’oracle trompeur qui lui avait prédit la
prise non de la ville d’Argos, mais du bois sacré du héros Argos, il réussit à se
faire acquitter (Hdt., VI, 82).
Léotychidas II, lors de son deuxième procès, fut accusé d’avoir épargné les
Thessaliens et, comme il avait été pris, dans son camp même, en flagrant délit
de corruption, « assis sur une manche pleine d’argent », il fut exilé et sa
maison, détruite (Hdt., VI, 72).
Le jeune Pleistoanax, soupçonné de s’être laissé acheter pour évacuer
l’Attique, fut condamné à une amende si forte qu’il fut obligé de s’exiler,
tandis que son conseiller Cléandridas était condamné à mort ; sur
l’intervention de Delphes, il fut cependant rétabli, avec tous les honneurs, dix-
huit ans plus tard 4 1.
Dans d’autres cas, sans accuser le roi de corruption, on s’attaqua
directement à son action militaire ou diplomatique.
Dès la mort de Cléomène, les Éginètes, maltraités par Cléomène et
Léotychidas, se retournèrent contre ce dernier et le firent condamner par les
Spartiates à leur être livré comme otage, tout en renonçant finalement à
l’emmener (Hdt., VI, 85).
Le régent Pausanias fut dans un premier procès, condamné à titre privé
pour avoir lésé des particuliers et, bien qu’acquitté du chef de médisme (Thuc.,
I, 95, 5-6 et 128, 3), il ne fut plus envoyé officiellement à l’extérieur. Comme,
selon Thucydide, il continua ses intrigues, on l’accusa de nouveau de médisme,
ainsi que de menées révolutionnaires avec les Hilotes, il fut alors arrêté par les
éphores, relâché et finalement emmuré dans le sanctuaire d’Athéna
Chalkioikos, d’où il ne fut arraché que pour mourir (Thuc., I, 131-134).
Agis II ne fut accusé, lui, ni de corruption ni de trahison, mais les
Lacédémoniens étaient mécontents, parce qu’il avait conclu une trêve avec les
Argiens au lieu de s’emparer d’Argos et qu’en outre Orchomène d’Arcadie
venait de faire défection, et ils le condamnèrent à une amende de
100 000 drachmes ainsi qu’à la destruction de sa maison. Comme il promit de
se racheter par un exploit, on lui accorda le sursis, mais une loi exceptionnelle
lui imposa 10 conseillers (sumbouloi) « sans lesquels il ne serait pas habilité à
emmener une armée hors de la cité » (Thuc., V, 63).
Un premier procès fut intenté en 403 au roi Pausanias parce qu’au lieu de
vaincre les démocrates il avait réconcilié les Athéniens. Il fut acquitté, selon
Pausanias, III, 5, 2, et la chose a dû être d’autant plus facile que Xénophon, qui
ne mentionne même pas ce procès, précise que « les éphores et l’assemblée
avaient envoyé 15 personnes à Athènes et leur avaient enjoint de réaliser, de
concert avec Pausanias, une réconciliation du mieux qu’ils pourraient », c’est-
à-dire avec pleins pouvoirs pour le faire (Hell., II, 4, 38). Il n’y avait donc
aucune faute à reprocher au roi, et ce procès devait seulement témoigner du
mécontentement de Lysandre et de ses partisans, et peut-être d’une rupture avec
l’autre roi. Un second procès lui fut intenté après la défaite d’Haliarte, où
Lysandre avait trouvé la mort : on lui reprocha d’être arrivé en retard à
Haliarte, d’avoir recouvré les morts par convention – ce qui impliquait l’aveu
de la défaite – au lieu d’avoir combattu pour les reprendre et on ressortit la
vieille affaire de 403, pour laquelle il avait pourtant déjà été acquitté, mais qui
était considérée différemment maintenant que les Athéniens étaient devenus les
adversaires de Sparte. Condamné à mort par contumace, il s’exila à Tégée, où
il mourut de maladie (Xén., Hell., III, 25).
On voit ainsi comment, à partir d’interventions légitimes, pour résoudre
un problème de succession ou punir un crime grave, réel ou supposé 4 2, de
corruption par l’ennemi, on en est venu à mettre en jugement des rois qui
n’avaient commis d’autre faute que de mener une politique qui ne plaisait pas
ou ne plaisait plus : le procès est devenu un moyen de contrôler les rois et, si
Agésilas et ses successeurs y échappent, c’est sans doute – pour Agésilas, la
chose est sûre – qu’ils font preuve de la plus grande prudence dans leurs
rapports avec les autres pouvoirs.
• Les juges
Il est d’autant plus important de préciser la procédure et notamment de
déterminer qui est habilité à juger les rois.
Le procès peut être déclenché par un accusateur privé. Ainsi, Cléomène
« est déféré devant les éphores par ses ennemis » (Hdt., VI, 82) ; Léotychidas,
qui aspire à remplacer Démarate, l’accuse sous serment en fournissant des
témoins (Hdt., VI, 65), et les Éginètes viennent se plaindre à Sparte du même
Léotychidas (Hdt., VI, 85). Il semble que les éphores eux-mêmes puissent
prendre l’initiative d’un procès : cela paraît le cas pour les deux procès du
régent Pausanias. De toute façon, ils instruisent l’affaire et soit infligent au roi
une simple amende, soit portent l’affaire devant les juges, qui pourraient être
l’assemblée, la gérousie ou un tribunal ad hoc.
L’assemblée semble être intervenue dans quatre cas. Pour Démarate,
« comme l’affaire suscitait des querelles (neikeôn) (peut-être à la gérousie ?),
il plut aux Spartiates d’interroger l’oracle de Delphes », qui, corrompu par
Cléomène, fit destituer Démarate (Hdt., VI, 66). Cléomène, dont « les paroles
paraissaient dignes de foi et vraisemblables et (qui) fut acquitté à une forte
majorité » (Hdt., VI, 82), n’a pu l’être que par l’assemblée. Quant à Agis II,
quelle que soit l’instance qui l’avait d’abord condamné, le sursis qui lui fut
accordé, assorti d’une loi (nomos) ad hominem, ne peut être le fait que de
l’assemblée. Enfin, même si le choix entre Léotychidas et Agésilas a été fait
par « les meilleurs », entendons les gérontes, il a dû être entériné par « la
cité », c’est-à-dire l’assemblée 4 3 . Un cinquième exemple pourrait être
invoqué : alors qu’Agis IV venait d’être condamné par un tribunal-croupion, sa
mère et sa grand-mère « demandaient en criant que le roi des Spartiates obtînt
de parler et d’être jugé devant les citoyens », c’est-à-dire à l’assemblée (Plut.,
Agis, 19, 10), ce qui suggère la possibilité de cette procédure, au moins en
appel.
Pour le reste, on ne voit jamais la gérousie intervenir en tant que telle,
mais, dans trois cas, est mentionné un tribunal (dikastèrion). Pour juger la
plainte des Éginètes contre Léotychidas, les Lacédémoniens, « ayant réuni un
tribunal », le jugèrent (egnôsan) coupable et le condamnèrent à être livré aux
Éginètes (Hdt., VI, 85) : l’expression, qui suggère un tribunal spécialement
réuni, et peut-être pour la première fois, ne pourrait convenir pour la gérousie.
Pour le deuxième procès de Léotychidas, il est aussi indiqué qu’il avait été
traduit devant un tribunal (Hdt., VI, 72) et, là encore, le mot est employé sans
article. La composition du tribunal est précisée à propos du premier procès du
roi Pausanias, qui, si l’on en croit le Périégète, bien renseigné, puisqu’il
indique même le détail du vote, aurait été jugé par les 28 gérontes, l’autre roi
et les 5 éphores (Paus., III, 5, 2) : c’est, selon l’auteur, le tribunal qui était
habilité à juger les rois et il n’y a pas de raison de récuser son témoignage, au
moins pour tous les cas où il s’agit de tribunal et non d’assemblée. On peut
même trouver une allusion à ce tribunal dans le procès bâclé d’Agis IV, où
l’on voit l’autre roi, Léonidas, les éphores et « les gérontes qui étaient de leur
parti » juger et condamner Agis (Plut., Agis, 19, 5-8).
Que les rois soient déférés devant une gérousie élargie ou devant une
assemblée présidée par les éphores, dans tous les cas ces procès accroissent les
possibilités d’action des autres organes et notamment de l’éphorat à leur égard.
La navarchie 4 4
On ne sait quand ils sont apparus et le problème est compliqué par les
polémiques entre Spartiates et, notamment, les luttes entre rois et éphores.
Ainsi le roi Pausanias, exilé au début du IVe siècle, aurait, selon Aristote (Pol.,
V, 1, 1301b 20-21), voulu abolir l’éphorat et ses écrits polémiques ont dû
exercer une certaine influence sur les historiens antiques. Quant aux rois
révolutionnaires, Agis IV et surtout Cléomène III, tenant à affirmer la
supériorité des rois, ils avaient tout intérêt à suggérer que l’éphorat était une
création relativement récente 63 .
Pour Hérodote, qui n’insiste pas, Xénophon, Satyros, cité par Diogène
Laërce, et l’auteur de la lettre VIII attribuée à Platon, l’éphorat serait, comme
en général toutes les institutions spartiates, une création de Lycurgue. Aristote
(Pol., V, 11, 1313a 26-33), qui devait avoir accès au texte de la grande rhètra,
dans lequel les éphores n’étaient pas mentionnés 64 , y voit au contraire une
création du roi Théopompe, qui a assuré la pérennité du régime ; Platon, sans
mentionner expressément Théopompe, évoque dans les Lois (III, 692a), après
le dieu qui avait fait naître les jumeaux et ainsi donné naissance à la double
royauté et le personnage à la nature à la fois divine et humaine (à savoir
Lycurgue) qui avait créé la gérousie, le troisième sauveur qui introduisit
comme élément modérateur « la puissance des éphores ».
D’autres sources évoquent Chilon, qui aurait, au VIe siècle 65, selon Diogène
Laërce (I, 68), « le premier proposé d’associer (parazeugnunai) des éphores
aux rois », ce qui correspond sans doute plus à un accroissement de leur
importance 66 qu’à leur création. Quant à Astéropos, qui, selon Cléomène III
(Plut., Cléomène, 10, 5), aurait été « le premier à renforcer et à étendre le
pouvoir des éphores, il n’était devenu éphore que de nombreuses générations
après » la création de l’éphorat.
Ces datations ne sont pas innocentes, car, si l’éphorat ne date pas de
Lycurgue, il se réduit à un ajout postérieur, qu’on peut ou même qu’on doit
supprimer pour revenir à la véritable constitution de Lycurgue, de plus en plus
idéalisée.
En fait, l’institution paraît assez ancienne. Déjà attribuée à Lycurgue à
l’époque d’Hérodote, elle saurait d’autant moins être très récente que
l’historien voit, dès le milieu du VIe siècle, les éphores intervenir, avec autorité,
auprès du roi Anaxandridas. Le « procédé trop puéril » utilisé pour les élire,
sans doute le même que celui qui était utilisé pour élire les gérontes 67 et
qu’Aristote qualifie aussi de « puéril », convient bien à une institution
archaïque, mais le conservatisme institutionnel des Spartiates interdit de trop se
fonder là-dessus. On peut davantage s’appuyer sur l’existence d’éphores dans
des colonies de Sparte : on en trouve en effet à Thèra, à Cyrène, fondée vers
630, et, surtout, sinon à Tarente, fondée à la fin du VIIIe siècle, mais dont nous
ne connaissons pas suffisamment les institutions, au moins dans sa colonie
d’Héraclée de Siris, qui a dû en emprunter les institutions. Aussi n’est-il pas
impossible d’admettre les indications antiques, qui font débuter la liste des
éphores en 757 ou 755. Mais, comme ils ne sont pas mentionnés dans la
grande rhètra, il faut admettre que, même s’ils étaient ou étaient devenus
éponymes, ils ne jouaient à l’origine qu’un rôle mineur.
Certains historiens modernes ont, pour leur part, spéculé sur leur
dénomination en se fondant aussi sur quelques survivances archaïques 68 .
Comme leur nom signifie manifestement « ceux qui regardent, observent,
surveillent » et qu’un éphore du nom d’Astéropos aurait joué un rôle important
dans l’histoire de l’éphorat, on a voulu, en utilisant un passage de la Vie d’Agis
(11, 5), voir dans les premiers éphores un collège d’astrologues. Cependant,
comme l’avait déjà souligné V. Ehrenberg 69 , Astéropos signifie non « celui
qui regarde les astres », mais « celui qui a une apparence, un regard, des yeux
semblables aux astres ». Et, surtout, on a attaché une importance démesurée aux
quelques lignes de Plutarque qui signalent que tous les 8 ans les éphores
observent le ciel par une nuit sans lune et que, s’ils aperçoivent une étoile
filante 70 , les rois, considérés comme fautifs à l’égard des dieux, sont
suspendus jusqu’à l’obtention d’un oracle de Delphes ou d’Olympie. Il s’agit
des rois et non d’un roi, ce qui est logique, car comment l’étoile filante
pourrait-elle indiquer lequel des deux a commis une faute, et on se contente de
suspendre provisoirement les rois sans les démettre. Même si, dans une
situation révolutionnaire, ce vieil usage a été utilisé comme moyen d’ébranler
un roi qu’on va démettre sous d’autres prétextes, il est absurde de se fonder sur
le passage de Plutarque pour expliquer toutes les destitutions de l’histoire de
Sparte.
Il est plus raisonnable de rattacher le mot éphore à l’idée, habituelle pour
éphoran, de surveiller les choses (« les affaires de la cité », pour la Souda) ou
les gens (« tout le monde », pour l’Etymologicum magnum).
Selon Aristote (Pol., II, 9, 1270b 6-36), les éphores exercent les plus
grands pouvoirs 71, car leur charge (archè), considérée comme la plus
importante (mégistè), leur donne une autorité souveraine (kuria) sur les plus
grandes affaires, notamment dans les procès. C’est, aux yeux du philosophe, un
pouvoir excessif, qu’il qualifie d’égal à celui des tyrans 72, dans la mesure où il
s’exerce sans contrôle et sans recours, comme le marque le terme kurios
(maître absolu), qui apparaît deux fois dans le passage ; et l’on comprend qu’il
ait pu, à Athènes, servir de modèle aux Trente. Mais ce jugement montre
surtout la surprise des Grecs et même d’un philosophe et politologue aussi
averti qu’Aristote devant ce qui ressemble à un gouvernement, avec un
directoire élu qui décide à la majorité 73 , alors que, dans une cité comme
Athènes, la permanence est bien assurée par les 50 prytanes, qui changent tous
les mois, mais on y chercherait en vain un gouvernement.
• Conformément à leur nom et à ce qui fut sans doute leur rôle initial, les
éphores exercent d’abord une fonction de surveillance générale de la société,
en préservant l’ordre public aussi bien en ce qui concerne les mœurs que dans
le domaine politique, où il s’agit avant tout de veiller à la sûreté de l’État.
Cette surveillance s’exerce sur toutes les catégories de la population et
d’abord sur les Hilotes, qu’il faut maintenir dans leur état de sujétion en ne
laissant jamais disparaître l’écart qui les sépare des citoyens. Les éphores
peuvent aussi intervenir dans les cités périèques, puisque, lors de la
conspiration de Cinadon, ils feignent de charger celui-ci d’arrêter à Aulon,
dans une cité périèque, outre des Hilotes, des Aulonites (donc des Périèques) et
notamment « une femme qui avait la réputation de débaucher tous ceux qui y
arrivaient de Lacédémone » (Xén., Hell., III, 3, 8).
Ils surveillent aussi étroitement les citoyens en les obligeant à respecter les
règles, même dans leur aspect physique : selon Aristote, cité par Plutarque
(Cléomène, 9, 3 et Mor. 550b), « en entrant en charge, les éphores font
ordonner par le héraut de se raser la moustache et d’obéir aux lois, si l’on veut
éviter leurs rigueurs » ; les masques en terre cuite barbus mais sans moustache
semblent indiquer que la première prescription était bien respectée 74 , encore
que, selon Plutarque, cette obligation paraisse concerner surtout les néoi (de 20
à 30 ans) (cf. Plut., Cléomène, 9, 3, et N. Richer, Les Éphores, p. 251-255).
Il est vrai que les éphores contrôlent particulièrement ces jeunes : selon des
sources tardives (Agatharchidès, FGH 86, fr. 10 = Athénée XII, 550c-d, et
Élien, 14, 7), ils leur imposent un examen physique tous les 10 jours et
inspectent tous les jours leur habillement et leur literie. Le pédonome leur
défère aussi ceux qui, malgré l’intervention d’un adulte, ont refusé
d’interrompre leurs combats mutuels (Xen, Rép. Lac., IV, 6).
Ils contrôlent aussi les magistrats et Xénophon (Rép. Lac., VIII, 4), faisant
l’éloge de leur autorité, qui leur permet d’infliger des amendes, de révoquer
sur-le-champ, d’emprisonner ou d’intenter une action capitale, note qu’ils
n’ont pas à attendre (comme à Athènes) une reddition de comptes en fin
d’année, mais que, « dès qu’ils surprennent quelqu’un qui contrevient à la loi,
ils le punissent immédiatement ».
Ce pouvoir de contrôle s’exerce même sur les rois. Les éphores se
soucient d’abord d’assurer la régularité de la succession royale : ils imposent
ainsi une deuxième épouse à Anaxandridas (Hdt., V, 39-40), assistent à
l’accouchement de sa première femme pour éviter toute supposition d’enfants
(Hdt., V, 41) et sont amenés à témoigner à propos de la filiation de Démarate
(Hdt., VI, 63 et 65). Ils en viennent même à contrôler le roi en campagne,
puisque deux d’entre eux accompagnent habituellement le roi 75, sans qu’on
sache s’il s’agit d’une nouveauté suscitée par le « divorce d’Éleusis », les deux
éphores remplaçant le deuxième roi, qui ne participe plus à l’expédition, ou, si
c’est au contraire une survivance, les deux rois ayant initialement été chacun
secondé par un éphore 76 .
• Cette surveillance générale de la société lacédémonienne s’appuie sur un
grand pouvoir de coercition, à la fois pouvoir de police et pouvoir judiciaire.
Les éphores sont habilités à imposer librement, même aux rois 77 , des
amendes, qu’ils perçoivent immédiatement ; il est cependant possible qu’il y ait
un montant maximal, car il semble qu’une amende énorme comme les 100 000
drachmes qu’on voulait imposer à Agis II (Thuc., V, 63) n’aurait pu l’être par
les seuls éphores.
Ils peuvent aussi emprisonner toute personne, même un roi, comme le
régent Pausanias ou le roi Agis IV ; mais, si Thucydide (I, 131, 2) note que
« les éphores ont le droit de traiter ainsi le roi », la chose reste tout à fait
exceptionnelle.
Ils ont un droit de vie et de mort sur les Hilotes, comme le montrent aussi
bien la répression de la conspiration de Cinadon que l’utilisation des kryptes 78 .
Selon Isocrate (Panath., 181), ils auraient même « le droit de mettre à mort
sans jugement autant (de Périèques) qu’ils le désirent » ; mais il s’agit d’un
texte très polémique et, même si la chose est confirmée par le parallèle des
Trente 79 , elle devait rester peu fréquente.
Ce pouvoir de police est complété par un pouvoir judiciaire. A côté des
quelques cas qui relèvent des rois, les éphores jugent eux-mêmes les affaires
de droit civil fondées sur des contrats (ta sumbolaia). Ils le font
individuellement 80 , peut-être en se spécialisant, puisque, comme l’indique
Aristote (Pol., III, 1, 1275b 9-10), de ces affaires, « les éphores jugent, les uns,
les unes et les autres, les autres ». Ils jugent en équité et en dernière instance, ce
que regrette le philosophe (Pol., II, 9, 1270b 28-31) : « Ils décident
souverainement dans des jugements importants, bien qu’ils soient les premiers
venus ; c’est pourquoi il vaudrait mieux qu’ils jugent non de leur propre chef
mais en se fondant sur des textes écrits et sur les lois. » Plutarque (Apopht. lac.,
221b) ajoute que ces jugements ont lieu tous les jours et que, selon
Eurukratidas, le fils d’Anaxandridas (peut-être à corriger en Anaxandros)
(VIe siècle), si les éphores rendent tous les jours des jugements, c’est « pour
que nous ayons confiance les uns dans les autres au milieu des ennemis ».
Quant aux affaires pénales, de meurtre (cf. Pol., III, 1, 1275b 10), de
violence ou d’atteinte à la sûreté de l’État, elles sont, du moins quand il s’agit
de citoyens, du ressort de la gérousie, mais les éphores assurent l’instruction et
mènent l’accusation devant la gérousie, où il semble qu’ils aient obtenu le droit
de vote. C’est au moins ce que suggère le procès du roi Pausanias, acquitté par
un tribunal composé des 28 gérontes, de l’autre roi et des 5 éphores, tribunal
qui aurait voté au grand jour, puisque Pausanias (III, 5, 2) peut détailler le vote
de chaque catégorie.
• Le plus important reste le pouvoir exécutif ou, si l’on préfère,
gouvernemental, exercé collectivement par les éphores, qui décident à la
majorité 81 et dont le bureau (éphoreion) constitue le centre du pouvoir à
Sparte.
Ceux-ci assurent la permanence, alors que les rois sont souvent absents :
ils prennent ainsi toutes les décisions urgentes, comme l’envoi d’une
expédition ou la répression, dans le plus grand secret, de la conspiration de
Cinadon.
Ils gèrent les relations avec l’extérieur et reçoivent les ambassadeurs,
qu’ils introduisent à l’assemblée : ce sont eux, par exemple, qui, en 404, après
les avoir d’abord refoulés, permettent à Théramène et aux autres envoyés
athéniens de venir négocier à Sparte (Xén., Hell., 2, 2, 13 et 19). Ils se
substituent ainsi au roi, qu’au VIe siècle l’envoyé samien ou ionien allait voir
en premier, dans la mesure où la guerre était du ressort des rois.
Enfin, et surtout, ils préparent le travail de l’assemblée, président ses
débats et exécutent ses décisions. La formule de Xénophon (Hell., III, 2, 23 et
IV, 6, 3, et cf. II, 4, 38) : « Il a plu aux éphores et à l’assemblée 82 » leur
reconnaît, au moins au IVe siècle, un pouvoir probouleutique qui rappelle celui
du Conseil des Cinq-Cents à Athènes et qui, dans la grande rhètra, était accordé
aux rois et aux gérontes. L’éphore Sthénélaïdas préside ainsi l’assemblée qui,
en 432, décide de lancer Sparte dans la guerre du Péloponnèse et la façon dont
il organise le vote ainsi que la manière de poser la question n’ont sans doute
pas été sans conséquences pour le vote final 83 . Les éphores proclament la
mobilisation (phrouran phainein) conformément aux décisions de l’assemblée,
désignent le chef de l’expédition, soit librement, soit conformément à ce qui a
été décidé par l’assemblée, affectent les cavaliers à leurs montures et
réunissent le matériel.
Ce pouvoir gouvernemental est justifié dans la mesure où, comme la
Boulè à Athènes, ils sont censés représenter le peuple, ce qui permet à Cicéron
(Rép., II, 3 et Lois, III, 7) de les comparer aux tribuns de la plèbe. Ils sont, en
effet, élus par le peuple et dans le peuple pour un an, à la nouvelle lune qui suit
l’équinoxe d’automne. Si la procédure est la même que pour les gérontes, il
faut supposer qu’ils font acte de candidature, ce qu’Aristote n’indique pas,
alors qu’il critique la chose à propos des gérontes, mais son texte, polémique,
est loin d’être exhaustif. En tout cas, ils se font élire, soit du fait de la politique
qu’ils défendent 84 et, le scrutin étant majoritaire, les 5 éphores risquent d’être
de la même tendance, soit grâce à leur prestige personnel : ainsi Brasidas avait
eu l’occasion de se distinguer et de recevoir un éloge public (épainos) avant de
se faire élire à l’éphorat. L’un d’entre eux est éponyme, mais, même s’il figure
avant ses collègues sur les documents officiels comme la paix de Nicias 85, cela
n’implique pas nécessairement un pouvoir accru, d’autant plus que nous
ignorons si c’est le mieux élu, le plus âgé ou celui qui est désigné par ses
collègues, voire, ce qui est peu vraisemblable, par le tirage au sort.
Représentant la cité, ils sont à égalité avec les rois, comme l’impliquent le
serment mutuel que rois et éphores se prêtent tous les mois ainsi que le droit de
rester assis devant les rois. Cependant, sauf Agésilas, qui ne recule pas devant
une certaine démagogie, les rois non plus ne se lèvent pas devant eux. Si les
rois sont mentionnés avant eux dans les traités, ce sont eux qui convoquent les
rois et non l’inverse, et c’est même un privilège des rois de n’être obligés
d’obéir qu’à la troisième convocation.
Le grand pouvoir des éphores peut être, en fait, limité par des facteurs
politiques et sociaux et par l’opposition éventuelle des rois.
• Certaines limites politiques interdisent de voir en eux de quasi-tyrans.
D’abord, ils sont cinq et les cinq ne sont pas nécessairement unanimes. Ensuite,
ils ne sont élus que pour un an et ne sont pas rééligibles, au moins
immédiatement 86 : il suffit qu’Agésilas, l’oncle d’Agis IV, s’efforce de se
faire proroger pour qu’on l’accuse d’aspirer à la tyrannie. Ils peuvent être
condamnés à leur sortie de charge à l’initiative des nouveaux éphores. Aristote
(Rhét., III, 1419a) évoque ainsi un éphore, dont les collègues ont été
condamnés à mort et qui reconnaît que leur mort était juste, mais cherche à se
dédouaner en affirmant que, s’il avait proposé les mêmes mesures qu’eux,
c’était non pour de l’argent, mais de propos délibéré (gnômèi). On voit de
même l’éphore Lysandre, qui avait soutenu Agis IV, mis en jugement par ses
successeurs (Plut., Agis, 12, 1). Ces deux exemples, où il s’agit d’une action
judiciaire comme les nouveaux éphores pourraient en intenter à tout citoyen,
ne suffisent pas pourtant pour qu’on puisse affirmer, comme certains
historiens, que les éphores sont systématiquement soumis à reddition de
comptes en fin de charge.
• Leur puissance pourrait cependant être limitée par leur origine sociale.
Selon Aristote (Pol., II, 9, 1270b 8-10), les éphores sont pris « dans l’ensemble
du peuple de sorte que souvent sont précipités dans cette charge des hommes
très pauvres, que leur misère (aporia) rendait vénaux ». Cette présentation
polémique, qui veut souligner l’inadéquation entre les hommes et la fonction,
paraît excessive, car un homme très pauvre ne pourrait payer sa part des
syssities et perdrait donc, selon Aristote lui-même, son statut de citoyen de
plein droit. D’autre part, Manfred Clauss 87 a bien montré que, les ambitieux
aspirant à devenir éphores ou navarques, un certain nombre d’éphores
appartenaient aux milieux dirigeants et, de toute façon, une élection, même
« puérile », n’est jamais aussi égalitaire que le tirage au sort.
Quelques cas montrent bien que les éphores ne sont pas nécessairement les
premiers venus. Brasidas, éphore en 431-30, est un chef militaire de grande
valeur : il a été le premier à recevoir un éloge public pendant la guerre du
Péloponnèse et, après son éphorat, il est ensuite lieutenant de navarque,
triérarque et enfin chef de l’expédition qu’on envoie en Thrace. L’éphore de
419-18 est probablement le Léon qui avait triomphé à Olympie avec les
chevaux de son père. Son fils Antalcidas 88 , qui conclut la paix avec les Perses,
a été navarque et éphore. Quant à Endios, éphore en 413-12, il est le fils d’un
Alcibiade que des liens d’hospitalité associaient à la famille de l’Athénien
Alcibiade – d’où, sans doute, le nom de l’Athénien – et appartient donc à la
haute aristocratie.
Cependant, si ces exemples amènent à nuancer l’affirmation d’Aristote et
s’il faut faire la part de l’esprit systématique du philosophe, qui l’incite à
souligner l’aspect démocratique de l’éphorat, il est difficile d’admettre qu’il
aurait pu s’exprimer comme il l’a fait si, à son époque, les éphores étaient le
plus souvent d’origine aristocratique. Aussi peut-on se demander si, après
Leuctres et Chéronée, les couches dirigeantes spartiates ne se sont pas moins
intéressées à la politique et si, de toute façon, étant donné le nombre réduit de
citoyens de plein droit, ceux-ci, quel que fût leur milieu social, n’avaient pas la
plus grande chance, s’ils le souhaitaient, de devenir éphores.
• La puissance des éphores pourrait aussi être affectée par leurs conflits
avec les rois. Ainsi l’éphore Sthénélaïdas et le roi Archidamos s’opposent à
propos de la guerre à faire à Athènes, de même l’éphore Endios et le roi
Agis II, à propos des opérations à mener en Ionie et de la confiance à accorder
à Alcibiade, hôte héréditaire d’Endios mais amant de la femme d’Agis. Dans
les deux cas, c’est la politique défendue par l’éphore qui a triomphé. En 421-
20, deux éphores, Cléoboulos et Xénarès, aidés de leurs amis, essaient de
« torpiller » la paix de Nicias (Thuc., V, 36-38). Enfin, selon Plutarque
(Agésilas, 23, 3), l’ancien éphore Antalcidas aurait conclu la paix qui porte son
nom en s’opposant au roi Agésilas.
Cependant, ces quelques exemples ne permettent pas de parler d’un lutte
continuelle entre rois et éphores, car non seulement les éphores changent tous
les ans, mais ni les uns ni les autres ne sont nécessairement unanimes : le plus
souvent, les cinq éphores ne s’opposent pas aux deux rois, mais chaque roi est
soutenu par une partie des éphores. Ceux-ci ne sont pas les ennemis des rois,
mais leur sont indispensables pour agir. Déjà, au VIe siècle, pour chasser
Maiandrios, Cléomène devait aller voir les éphores et les convaincre qu’il était
de l’intérêt de Sparte d’expulser le Samien du Péloponnèse (Hdt., III, 148). Au
e
IV siècle, Aristote en vient même à dire étrangement que les rois sont obligés
de faire de la « démagogie » à leur égard (Pol., II, 9, 1270b 14-15) 89 ,
entendons de les séduire et éventuellement de les corrompre. D’ailleurs, les
éphores qui soutiennent un roi particulier peuvent se voir entraîner dans la
même disgrâce : ainsi, tandis qu’en 446 le roi Pleistoanax est exilé, son
conseiller Cléandridas, dont il n’est cependant pas sûr qu’il ait été éphore, est
condamné à mort par contumace ; quant à l’éphore Naukleidès, qui avait
soutenu, en 403, la politique athénienne du roi Pausanias (Xén., Hell., II, 4, 36),
il se fait attaquer à l’assemblée par Lysandre, qui lui reproche… son
embonpoint (Agatharchidès, in Athénée, XII, 550d).
3. La gérousie
La gérousie se distingue par son recrutement et ses pouvoirs, mais son
importance réelle reste discutée.
• Elle est constituée de 28 vieillards, d’au moins 60 ans, âge auquel on
cesse d’être astreint au service militaire. Ceux-ci, après avoir fait acte de
candidature, sont élus à vie par acclamation, selon une procédure décrite par
Plutarque (Lyc., 26, 3-8) : les candidats passent dans un ordre tiré au sort
devant les Spartiates réunis en assemblée et des juges, enfermés dans une
maison voisine, d’où ils ne peuvent voir la scène, notent l’intensité des cris au
passage de chacun ; « on proclamait élu celui qui avait obtenu les cris les plus
nombreux et les plus forts. »
L’élection à la gérousie est particulièrement honorifique. Le nouveau
géronte fait le tour des sanctuaires, une couronne sur la tête, suivi de jeunes
gens et de femmes célébrant ses mérites (arétè). Chacun de ses parents lui offre
un repas au nom de la cité et il reçoit une deuxième part aux syssities, prix de
la valeur (aristeion), qu’il offre lui-même à la parente qu’il veut honorer et qui
sera, elle-même, félicitée et escortée par les autres femmes. L’élection à la
gérousie apparaît ainsi comme le plus grand honneur 90 que Sparte puisse
accorder à l’un de ses membres.
Aussi n’est-il pas surprenant que les gérontes soient recrutés dans les
grandes familles. C’est ce que suggère Aristote (Pol., II, 9, 1270b 23-26) : pour
lui, tous les éléments de la cité sont satisfaits du régime, « les gens de bien
(kaloi kagathoi) à cause de la gérousie… et le peuple à cause de l’éphorat, car
il est constitué de gens recrutés parmi l’ensemble (des citoyens) », ce qui
implique, a contrario, que la gérousie n’est pas recrutée parmi l’ensemble des
citoyens. C’est d’ailleurs ce qu’il indique au passage à propos de l’Élide (V, 6,
1306a 18-19), où l’élection des 90 gérontes, dite dunasteutikè, c’est-à-dire se
faisant, selon les normes de l’oligarchie restreinte, dans un nombre limité de
familles, est présentée comme semblable à celle des gérontes lacédémoniens.
De fait, certains gérontes sont des proches des rois, puisque, selon Hérodote
(VI, 57), lorsque les rois sont absents, votent à leur place ceux des gérontes
« qui leur sont les plus proches » et, parmi les gérontes dont le nom nous a été
conservé, figurent le sage Chilon et l’Héraclide Hétoimaridas.
Mais, puisqu’il y a élection et que le régime n’est pas censitaire, pourquoi
les gens du peuple ne se font-ils pas élire gérontes comme ils se font élire
éphores ? Les hypothèses proposées sont plus complémentaires que
contradictoires. Il est d’abord très probable que la tradition impose d’élire
quelqu’un de respectable : étant donné les cérémonies qui suivent l’élection, si
ce n’était le cas, la chose paraîtrait scandaleuse. D’autre part, il est possible que
seules les grandes familles présentent des candidats, éventuellement après
accord entre elles ou entre les gérontes en exercice, voire entre les deux
factions royales, pour susciter ou soutenir telle ou telle candidature : l’élection
à la gérousie reviendrait ainsi à une sorte de cooptation. Enfin, il y avait très
probablement un examen des candidatures. C’est ce que suggèrent Démosthène
(Contre Leptine, XX, 107), en évoquant celui qui « a été sélectionné (enkrithè)
dans ce qu’on appelle la gérousie, après s’être montré tel qu’il fallait », et
Isocrate (Panath., XII, 154), en félicitant Lycurgue d’avoir « imposé par la loi
(nomothétèsantos) de faire le choix des gérontes avec autant de soin »
qu’autrefois à Athènes celui des membres de l’Aréopage.
Ce recrutement des gérontes n’a pas suscité seulement des éloges. Aristote,
en particulier, critique entre autres leur âge, car « l’esprit comme le corps a sa
vieillesse ». Leur mode de désignation, par acclamation, comme il est normal à
Sparte, lui paraît « puéril », tandis que la nécessité d’un acte de candidature ne
peut que développer l’ambition et limiter les possibilités de choisir le meilleur.
Enfin, comme les gérontes, nommés à vie, n’ont pas de comptes à rendre, ils
peuvent s’adonner à la corruption et au favoritisme.
• Ces critiques paraissent d’autant plus graves que la gérousie exerce de
grands pouvoirs, judiciaires et politiques.
Constituant le tribunal suprême, elle juge les crimes les plus graves,
notamment les procès capitaux où sont impliqués des citoyens 91. Elle peut, en
s’associant les éphores, condamner même un roi 92 et elle est amenée à
trancher dans des cas de succession contestée, ainsi entre Agésilas et
Léotychidas ou entre Areus et Cléonymos.
La gérousie aurait pu abuser de ce pouvoir judiciaire pour contrôler l’État,
à la manière de l’Aréopage archaïque, en menaçant les rois ou les éphores en
fin de charge. Elle ne semble pas l’avoir fait, sinon son pouvoir aurait été
contesté, ce qui ne paraît pas le cas, au moins juqu’à Cléomène III.
Dans le domaine proprement politique, elle dispose d’un pouvoir
probouleutique (droit de préparer les décisions), puisque les rhètra doivent
d’abord lui être soumises, et d’un droit de veto, puisqu’elle peut infirmer une
décision de l’assemblée. Ce double pouvoir a surpris, car, si toute proposition
doit d’abord obtenir l’agrément de la gérousie, le veto devient inutile.
Plutarque, qui juge ce droit un ajout introduit dans la grande rhètra 93 , a bien
vu la contradiction. Aussi suppose-t-il qu’il aurait été accordé à la gérousie
pour pouvoir infirmer des amendements intempestifs votés par l’assemblée.
Il est plus vraisemblable, comme je l’avais autrefois indiqué 94 , que cet état
de choses révèle une évolution. La grande rhètra, telle qu’elle a été transmise
par Plutarque et paraphrasée par Tyrtée, accordait l’initiative des lois aux rois
et aux gérontes (ensemble ou peut-être, initialement, en deux étapes), tandis que
le peuple se contentait de « répondre par de droites rhètra ». L’amendement
introduisant le droit de veto est attribué aux rois Polydore et Théopompe, à une
époque où certains, notammment Plutarque, à la suite d’Aristote, plaçaient la
création des éphores. Il est possible que les éphores aient pu, assez tôt, faire
voter des propositions (ou des contre-propositions) qui n’avaient pas
l’agrément de la gérousie et c’est pour contrecarrer de telles initiatives qu’on
aurait accordé à la gérousie le droit de veto.
Cependant, l’exercice de ce droit n’est attesté qu’une fois : les réformes
d’Agis IV, qui, d’abord soumises à la gérousie, n’avaient, semble-t-il, pas
obtenu son agrément sans avoir non plus été formellement rejetées (Plut., Agis,
9, 1), sont, après avoir été votées par l’assemblée, finalement annulées par la
gérousie (Plut., Agis, 11, 1). Or, Plutarque, faisant de cette annulation un
élément du pouvoir probouleutique, suggère que le prétendu « droit de veto »
n’était en fait qu’une extension de ce pouvoir. La gérousie peut en effet laisser
les éphores présenter des projets à l’assemblée, éventuellement après en avoir
discuté avec quelques gérontes. Mais, même après adoption du projet, si elle
décide d’intervenir, on est ramené au cas normal, où ne sont transmis à
l’assemblée que les projets qui ont l’aval de la gérousie.
• On peut dès lors s’interroger sur l’importance réelle de ce conseil. Les
Anciens ont tous insisté sur la gérousie, qui paraissait déjà à Pindare (Fr. 78
Puech) une caractéristique de Sparte. Au milieu du IVe siècle, Platon (Lois, III,
691d-e) lui reconnaissait une puissance égale à celle des rois, tandis que
Démosthène (Contre Leptine, XX, 107) voyait dans la nomination à la gérousie
« la récompense du mérite (arétè) 95», qui, en vous faisant « le maître
(despotès) de la multitude » (sans doute grâce au pouvoir judiciaire), vous
rendait « avec vos pairs (homoioi) 96 maître (kurios) de l’État ». Eschine
(Contre Timarque, I, 180) évoquait les gérontes, qui inspirent aux Spartiates
respect et crainte et dont l’âge 97 leur sert à désigner leur « magistrature la plus
importante (mégistèn) ». Enfin, Isocrate (Panath., XII, 154), soucieux de faire
l’éloge de l’Aréopage, assurait que les gérontes, « placés à la tête de toutes les
affaires », avaient reçu « le même pouvoir » que l’Aréopage athénien, que
Lycurgue aurait voulu imiter. Ces trois textes, tous favorables à Sparte,
relèvent du « mirage spartiate » et montrent surtout qu’il était plus facile de
faire l’éloge de la respectable gérousie que de l’éphorat, quelque peu
inquiétant, ou de la double royauté, difficilement imitable.
Quant aux auteurs tardifs, ils ont pu se laisser influencer par le modèle du
sénat romain, dont le nom même suffit à en faire le parallèle de la gérousie 98 .
Pour Polybe 99 , la gérousie, dont les membres sont choisis selon le mérite
(aristindèn), assure l’équilibre du régime, en se mettant toujours du côté de
l’élément le plus faible et le plus traditionaliste (VI, 10, 9-10), et collabore
avec les rois pour traiter toutes les affaires politiques (VI, 45, 5). Pour
Plutarque (Agésilas, 4, 3), à l’époque d’Agésilas, « les éphores et les gérontes
avaient le plus grand pouvoir (kratos) dans l’État ».
On peut cependant se demander si, en dehors du domaine judiciaire, la
gérousie jouait un rôle important. En effet, Aristote, qui mêle éloges
traditionnels et critiques originales de la gérousie, n’évoque ni son pouvoir
probouleutique ni son droit de veto.
Si celle-ci intervenait souvent dans la vie politique, on la verrait, comme le
sénat romain, fréquemment mentionnée dans les textes. Or, même lorsqu’il
s’agit d’affaires importantes, comme de décider de la paix ou de la guerre, les
historiens anciens évoquent l’assemblée sans aucune allusion à la gérousie 100 .
Ainsi, lors du déclenchement de la guerre du Péloponnèse, alors que
s’affrontent le roi Archidamos et l’éphore Sthénélaïdas, personne ne fait
allusion à une proposition préalable de la gérousie (Thuc., I, 79-83). Celle-ci
n’est pas non plus mentionnée en 414 pour la décision de reprendre les
hostilités (Thuc., VI, 88, 10) ; et, pour la paix de Nicias, Thucydide (V, 17, 2)
n’évoque que le vote des alliés. Quant à la politique étrangère en général, elle
paraît le fait soit des éphores, soit des rois s’appuyant sur la majorité des
éphores et donc soucieux de faire élire des éphores favorables à leur politique.
Dans le domaine législatif, aucune opposition de la gérousie n’est attestée,
sauf, dans le cas d’Agis IV, où celle-ci, d’abord réticente mais poussée par
l’autre roi, annule le vote de l’assemblée. On peut donc se demander si, en
général, ou bien les mesures étaient présentées d’abord à la gérousie, qui, étant
donné le conformisme spartiate, se contentait de les entériner, ou bien même
étaient présentées directement à l’assemblée par les éphores, sans que la
gérousie désire ou ose exercer son droit de veto.
Cependant, si ces remarques incitent à ne pas surestimer le pouvoir des
gérontes, il ne faut pas non plus le sous-estimer 101.
En effet, dans une Grèce qui ne connaît pas encore la simple responsabilité
politique 102, le pouvoir judiciaire a des implications politiques, qu’il s’agisse
de condamner un roi 103 ou un chef militaire comme Sphodrias (cf. Xén., Hell.,
V, 4, 24). C’est aussi parce qu’ils disent le droit que les gérontes ont pu
trancher entre Areus et Cléonymos : « Les gérontes jugent (dikazousin) donc
que la dignité royale (timèn) est le bien ancestral d’Areus, fils d’Acrotatos, et
non de Cléonymos » (Pausanias, III, 6, 2).
D’autre part, la gérousie est en rapport avec les trois autres institutions.
Elle n’est pas mentionnée uniquement à propos des réformes d’Agis IV. Déjà,
au Ve siècle, Hétoimaridas, avant de persuader l’assemblée, avait convaincu la
gérousie d’accepter la constitution de la Ligue de Délos et de renoncer à faire
la guerre à Athènes (Diodore, XI, 50) : si l’on en croit l’historien, il y aurait eu
successivement des discussions à l’assemblée 104 , où la majorité se montrait
favorable à la guerre, puis un vote de la gérousie et, finalement, un vote de
l’assemblée.
Les rois ne négligent pas la gérousie : Agésilas n’hésite pas à offrir « à
tout nouveau géronte un manteau (chlaina) et un bovin » (Plut., Agés., 4, 5, et
De l’amour fraternel, 482d). Même si la chose était assez inhabituelle pour lui
valoir le reproche de « s’approprier à titre privé (idious) les citoyens qui
appartiennent à tous (koinous) 105», elle montrait bien que les gérontes
constituaient une source de pouvoir à ne pas négliger 106 .
Les éphores se sont, semble-t-il, fréquemment appuyés sur les gérontes.
Déjà, au milieu du VIe siècle, lorsqu’ils avaient fait pression sur le roi
Anaxandridas pour l’obliger à prendre une nouvelle épouse, leur dernière
proposition provenait des délibérations (bouleusaménoi) communes des
éphores et des gérontes, ce qui lui permettait d’être particulièrment
comminatoire : le roi doit éviter de s’y opposer « afin que les Spartiates ne
prennent à (son) sujet des décisions autres qu’il ne faudrait » (Hdt., V, 40). Le
récit détaillé de la conspiration de Cinadon suggère que, avant de prendre une
décision importante, les éphores consultaient les gérontes : du fait de l’urgence
et pour éviter d’éveiller les soupçons des conjurés, ils se contentèrent, en
l’occurrence, « chacun de réunir des gérontes en un lieu différent » (Xén.,
Hell., III, 3, 8). On pourrait d’ailleurs supposer, même si aucun autre document
ne permet de l’assurer, que, lorsque les gérontes étaient d’accord et qu’il y
avait urgence, les éphores devaient souvent se dispenser de soumettre l’affaire
à l’assemblée.
Si l’on admet qu’au moins dans certains cas les éphores prennent leurs
décisions en accord avec la gérousie ou une partie des gérontes 107 se pose le
problème du sens précis de deux expressions (hoi en télei et ta télè 108 ) qui
apparaissent souvent dans les textes, notamment chez Thucydide et chez
Xénophon, et qu’on pourrait traduire par « les autorités ». On a coutume d’y
voir, à juste titre, une allusion aux éphores 109 , mais s’agit-il des seuls
éphores ? Quand Thucydide (VI, 88, 10) évoque ce qu’envisageaient à la fois
« les éphores et les autorités », le texte incite à distinguer les deux, même s’il
est probable, contrairement à l’usage habituel de té kai, que les éphores y
soient considérés comme faisant partie des « autorités ». Bien plus, quand
Xénophon (Anabase, II, 6, 3) rapporte que Cléarque, vainement rappelé par les
éphores, est condamné à mort par les autorités (télè) de Sparte 110 , il ne peut
s’agir que de la gérousie, éventuellement complétée des éphores, qui a seule le
pouvoir de condamner à mort un citoyen.
De toute façon, on ne saurait négliger l’influence sociale que leur origine
et leur prestige, à la fois personnel et collectif, assuraient aux gérontes : si la
gérousie, au lieu de se partager, s’était très majoritairement opposée à son
projet, Agis IV aurait-il osé faire voter ses réformes par l’assemblée 111 ? Il est
enfin significatif que le régime, qui prétend imiter le système spartiate, soit un
régime non des Cinq mais des Trente.
Si la gérousie n’apparaît guère, c’est qu’à Sparte comme à Athènes les
historiens antiques évoquent rarement le stade préparatoire et que les Spartiates
cultivent le secret. Mais, même si la gérousie spartiate, ne serait-ce qu’à cause
de l’âge de ses membres, n’aura jamais le poids du sénat romain, elle constitue
l’élément stabilisateur empêchant les autres organes d’outrepasser leur
pouvoir.
4. L’assemblée
Si le rôle de la gérousie a peut-être été surestimé dans l’Antiquité, celui de
l’assemblée a sans doute été sous-estimé.
• En tout cas, celle-ci est si mal connue qu’on ne sait à partir de quel âge on
peut y participer : vraisemblablement à 20 ans, âge auquel on est intégré dans
l’armée et admis aux syssities, mais certains 112 ont aussi proposé 30 ans, âge
auquel on peut mener une vie familiale, aller soi-même au marché et être
nommé magistrat.
On hésite également sur le nom officiel de l’assemblée : peut-être haliè (en
dorien halia), comme l’indique Hérodote (VII, 134) 113 , ou, plus
vraisemblablement, ecclésia, comme le suggèrent Thucydide (I, 87, 1, VI, 88,
10, et surtout V, 77, 1, où est cité un texte spartiate), et Xénophon (Hell., III, 2,
23 ; IV, 6, 3 et V, 2, 11), qui, en outre appelle les membres de l’assemblée
ekklètoi (Hell., II, 4, 38, V, 2, 33 et VI, 3, 3) ; en tout cas, probablement pas
apella (ou, plutôt, apellai) 114 , malgré Plutarque, qui se fonde entre autres sur
le passage de la grande rhètra où apparaît le verbe apellazein 115.
On ne connaît pas non plus avec certitude la fréquence de ses réunions, ce
qui serait pourtant indispensable pour apprécier son rôle. La grande rhètra
prévoit une réunion « de saison en saison » entre le confluent de l’Oinous et de
l’Eurotas et le pont sur l’Eurotas. L’expression a dû correspondre initialement
à une réunion annuelle, au mois apellaios, avant le départ en campagne, mais
son ambiguïté a permis de se réunir plusieurs fois par an, selon les divisions
de l’année en deux, trois ou quatre 116 saisons, voire tous les mois, à la pleine
lune, selon les indications d’une scholie à Thucydide (I, 67).
L’assemblée paraît à Aristote jouer un rôle si limité qu’il la néglige,
lorsqu’il évoque les éléments démocratiques du régime lacédémonien. Il est
vrai qu’à Sparte les décisions se prennent normalement 117 selon la procédure
archaïque du vote par cris et que, les membres de l’assemblée ne jouissant pas
du droit d’initiative, leur rôle paraît se limiter à l’élection des éphores et des
gérontes et à l’approbation ou au rejet des propositions émanant des rois, des
gérontes ou des éphores.
Mais on ne peut passer outre à un rejet par l’assemblée : comme le
proclamait sans doute la fin de la grande rhètra, « à l’assemblée du peuple
victoire et prédominance (kratos) ». Les décisions les plus graves, concernant
la guerre et la paix, sont nécessairement prises par l’assemblée. Ainsi, quand
les Argiens proposent, en 480, une paix de 30 ans, les envoyés spartiates
répondent qu’« ils en feront rapport à ceux qui forment la majorité (tous
pléonas) » (Hdt., VII, 149), expression où l’on a généralement reconnu une
allusion à l’assemblée. C’est elle qui décide de soumettre aux alliés la décision
de se lancer dans la guerre du Péloponnèse (infra, p. 224), qui conclut, en 417,
un traité avec Argos (Thuc., V, 77) et qui, en 371, vote la paix du roi (Xén.,
Hell., VI, 3, 18) et prend la décision de poursuivre la guerre contre les
Thébains (Xén., Hell., VI, 4, 3).
D’autre part, ceux qui jouissent du droit d’initiative ne constituent pas un
bloc monolithique : on peut toujours trouver quelqu’un pour proposer ce que
souhaite l’assemblée. Ainsi, le discours d’Alcibiade, qui n’est pourtant qu’un
étranger invité, influence l’assemblée en l’incitant à reprendre les hostilités
contre Athènes, alors que les « autorités » favorisaient une attitude prudente
(Thuc., VI, 88, 10-93, 1).
Cependant, si l’on veut apprécier l’importance de l’assemblée et son
caractère démocratique, il faut avant tout s’interroger sur le droit de parole.
Or, on se fonde généralement sur deux passages d’Aristote pour assurer que
seules les « autorités » ont le droit de parler à l’assemblée.
Dans le chapitre II, 10 de La Politique, consacré au régime crétois,
Aristote est amené à le comparer au régime lacédémonien, déjà étudié, en
soulignant ressemblances et différences : ainsi, les éphores ont le même
pouvoir que les kosmes, mais ils sont 5 au lieu de 10. Pour l’assemblée, le
philosophe note qu’en Crète « tous (y) participent, mais (qu’) elle n’est
maîtresse de rien, sauf de ratifier par son vote les décisions des gérontes 118 et
des kosmes » (1272a 10-12). Le texte est équivoque, car la fin de la phrase peut
présenter une ressemblance entre les deux régimes – c’est la thèse de
J. Aubonnet dans l’édition des Belles Lettres – ou au contraire, comme pour les
kosmes, souligner une différence.
• Dans le deuxième passage, consacré au régime carthaginois, après avoir
indiqué que, lorsque les rois (entendons les suffètes) sont d’accord, ils ne sont
pas obligés de soumettre l’affaire au peuple, Aristote précise (Pol., II, 11,
1273a 9-13) : « Mais, sur ce qu’ils lui présentent (eisphérein), ils ne
reconnaissent (apodidoasi) pas seulement au peuple le droit d’écouter les
décisions des dirigeants (ta doxanta tois arkhousin), mais ils ( = les gens du
peuple) sont maîtres de décider et il est permis à celui qui le désire (tôi
bouloménôi) de s’opposer par la parole (anteipein) aux propositions, ce qui
n’est pas le cas dans les autres régimes (entendons à Sparte et en Crète). »
Le texte présente trois caractéristiques carthaginoises : le peuple n’a pas
seulement le droit d’écouter ; il est maître de décider ; celui qui le désire peut
anteipein. La structure de la phrase permet à cet égard deux interprétations,
selon que les trois caractéristiques ou seulement la dernière opposent Carthage
aux deux autres régimes. Comme il est clair qu’à Sparte, comme le montrent
aussi bien la grande rhètra que les textes d’Aristote lui-même, c’est le peuple
qui est censé prendre les décisions, seule la troisième caractéristique est ici en
cause.
On peut donc tirer du texte l’idée qu’à Sparte il n’est pas « permis à celui
qui le désire 119 de s’opposer par la parole aux propositions ». Mais tout le
problème vient du sens d’anteipein 120 . Cet infinitif aoriste pourrait signifier
« parler contre », mais cela impliquerait le droit de « parler pour » et il aurait
été plus normal d’interdire tout simplement de parler 121, ce qui aurait eu
l’inconvénient de contredire expressément le texte de Tyrtée (élégie 3a),
consacré à la grande rhètra, au moins dans la version longue, transmise par
Diodore 122. Aussi paraît-il préférable d’adopter une autre interprétation :
eipein ayant constamment dans les inscriptions le sens de « faire une
proposition », il serait interdit non de « parler contre », mais de « faire une
contre-proposition ». C’est précisément l’interprétation que propose Plutarque
(Lyc., 6, 6) dans son commentaire de la grande rhètra : « Il n’était permis à
aucun autre de faire une proposition (eipein gnômèn) mais le peuple était
maître de se prononcer sur la proposition présentée par les gérontes et les
rois. » Il semble d’ailleurs que même le roi Archidamos, qui n’est pourtant pas
le premier venu (ho bouloménos), n’ait pu, en 432, présenter en séance une
contre-proposition et se soit contenté de combattre la proposition de faire la
guerre.
Si l’on accepte ces conclusions, il apparaît qu’à l’assemblée il est interdit
non de parler, pour ou contre, mais de présenter une contre-proposition. Il ne
faudrait pas cependant en conclure que n’importe qui peut prendre la parole
n’importe comment. Sinon, on ne comprendrait pas qu’un oligarque,
admirateur de Sparte, comme le pseudo-Xénophon puisse reprocher aux
Athéniens de « laisser tout le monde parler à la file » et, notamment, « celui qui
le désire », même s’il est un homme de rien (ponèros), se lever pour prendre la
parole (Rép. Ath., I, 6). Il doit être inhabituel, contraire à la décence (aidôs) qui
s’impose fortement à tout Spartiate, qu’un simple citoyen, non magistrat,
intervienne de lui-même, surtout s’il est jeune : même un prince héritier
comme le futur Archidamos III est censé s’excuser de violer les coutumes
(nomima) de la cité en prenant la parole malgré son âge (Isocrate, VI,
Archidamos, 1-6).
De nombreux textes montrent cependant que, contrairement à ce qu’on a
trop souvent répété, l’assemblée spartiate n’était pas muette et que pouvaient
s’y dérouler des débats animés.
Déjà, à l’époque d’Hétoimaridas (Diodore, XI, 50, 3-5), si, lors de
l’assemblée préparatoire, il est vrai que les jeunes et la majorité des autres se
montraient très désireux de recouvrer l’hégémonie au détriment d’Athènes,
cela implique, au moins chez l’historien qui rapporte la chose (sans doute
Éphore), que de nombreux avis s’étaient exprimés. De même, lorsque
Thucydide, en décrivant en détail l’assemblée spartiate qui allait décider la
guerre, note qu’avant les discours du roi et de l’éphore « les avis (gnômai) de
la plupart convergeaient » (I, 79, 2), il suggère que de nombreux avis se sont
exprimés. La décision, après la victoire sur Athènes, de laisser entrer à titre
public de la monnaie d’or et d’argent, mais de punir de mort le particulier qui
en détiendrait, paraît une mesure de compromis adoptée après des débats
animés (Plut., Lyc., 17, 2-6). Enfin, lors de l’assemblée qui devait voter les
réformes d’Agis IV, Plutarque (Agis, 9, 1 et 5) évoque les interventions de
l’éphore Lysandre, de Mandrocléidas, dont on ne sait s’il était éphore, et
d’Agésilas, qui ne sera éphore que l’année suivante, et ne fait intervenir le roi
Agis IV qu’après tous les autres.
Le Prothoos (Xén., Hell., VI, 4, 2, et Plut., Agésilas, 28, 6), qui, en 371, fait
un discours où il invite à licencier l’armée de Béotie, a des chances d’être un
éphore, puisque le texte de Xénophon incite à le placer parmi les autorités
spartiates (ta oikoi télè) consultées par Cléombrotos et qu’il parle comme un
chef. Mais on ne peut dire la même chose de tous ceux qui prennent la parole à
l’assemblée. Isocrate (Archidamos, VI, 2) évoque en effet « ceux qui ont
l’habitude de parler » à l’assemblée et qui sont en l’occurrence divisés et on ne
saurait récuser son témoignage, car il connaît bien les institutions spartiates et
il serait tout à fait maladroit de prêter au prince héritier des propos qui
contrediraient les habitudes spartiates. On peut enfin se référer à un passage
d’Eschine (Contre Timarque, I, 180-181). L’orateur soucieux de montrer qu’on
ne doit pas laisser parler les gens de mauvaise vie, invoque un exemple
spartiate. Les Lacédémoniens allaient voter après le discours et selon l’avis
(gnômè) d’un excellent orateur qui avait mené une vie infâme (aischrôs). Un
géronte monta alors à la tribune et, assurant que « Sparte ne restera pas
longtemps inviolable, si elle utilise de tels conseillers (sumbouloi) dans ses
assemblées », il invita un autre Lacédémonien, « orateur médiocre, mais
brillant guerrier et se distinguant par sa justice et sa tempérance (enkrateia) »,
à faire (eipein) les mêmes propositions, « pour que les Lacédémoniens votent
après le discours d’un homme de bien sans même prêter l’oreille aux paroles
des lâches ou des gens de rien ».
Le géronte, qui a le droit de faire un discours, remplace ainsi, pour faire la
proposition, un orateur par un guerrier. Le texte tend à présenter les deux
comme de simples citoyens et notamment le second, qui, médiocre orateur, ne
serait monté à la tribune, s’il n’y avait été invité par le géronte. Mais, pour
autant que les indications d’Eschine soient exactes, il doit s’agir d’éphores : ils
ont, contrairement peut-être au géronte, le droit de présenter une proposition et
le terme de conseillers (sumbouloi) employé dans le texte pour ces orateurs qui
soutiennnent des propositions pourrait suggérer leurs fonctions. Il est donc
difficile de trop se fonder sur ce texte, dont la valeur historique paraît assez
douteuse.
Il apparaît néanmoins qu’à l’époque classique une assemblée spartiate ne
doit pas être imaginée à la manière des assemblées homériques. On y assiste au
contraire à des discours opposés et, même si le droit de parole n’est pas
accordé aussi libéralement qu’à Athènes, où chaque citoyen est expressément
invité à faire toute proposition utile à la cité, il est vraisemblable que, les
restrictions étant plus du domaine des convenances que de l’interdiction légale,
les aristocrates ambitieux n’avaient pas besoin de se faire élire éphores ou
gérontes pour y prendre la parole.
1. On se référera à B. Sergent, « La représentation spartiate de la royauté », Revue de l’histoire des
religions 189 (1976), p. 3-52, et surtout à P. Carlier, La Royauté en Grèce avant Alexandre,
Strasbourg, AECR, 1984 ; cf. aussi L.G. Iglesias, « La sucesion real en Esparta : Fallas e
paliativos de un sistema » Polis 2 (1990), p. 39-51, J.M. Casillas, « Geras thanonton. Muerte y
funerales en la monarquia lacedemonia », Polis 5 (1993), p. 23-57. P. Cartledge, « Spartan
kingship : Doubly odd ? », Spartan Reflections, Londres, Duckworth, 2001, p. 55-75.
2. Le légendaire Agis, dont les Agiades auraient tiré leur nom, fait exception, puisque le nom ne se
retrouve ensuite que chez les Eurypontides, qui ont aussi repris aux Agiades le nom d’Agésilas ;
parmi les rois ou régents, on note, chez les Agiades, 3 Cléomène, 2 Cléombrotos, 2 Léonidas,
2 Pausanias et 2 Areus et, chez les Eurypontides, 4 Agis, 5 Archidamos, 2 Agésilas,
2 Eudamidas et 2 Léotychidas ; si on y ajoute Zeuxidamos, Anaxidamos et Démarate ainsi que
Charilaos et Anaxilaos, on remarque le grand nombre de rois en damos ou en laos chez les
Eurypontides, alors que de tels noms (à l’exception d’Archélaos) sont absents de la liste des
Agiades ; cf. P. Carlier, La Royauté en Grèce avant Alexandre, p. 316-318.
3. Encore qu’à l’époque hellénistique l’Eurypontide Chilonis épouse successivement les Agiades
Cléonymos et Acrotatos.
4. Le terme d’Héraclides est même parfois appliqué, par extension, à l’ensemble des Spartiates de
plein droit, voir, par exemple, Tyrtée, élégie 8, v. 1, qu’on opposera à l’élégie 2.
5. C’est, bien sûr, la situation effective des deux dynasties qui a donné naissance à la fable,
longuement développée par Hérodote, VI, 52, des jumeaux et de la ruse utilisée pour découvrir
l’aîné. Cette préséance des Agiades a aussi laissé supposer qu’ils avaient commencé à régner
avant les Eurypontides, dont la liste aurait été artificiellement allongée (par exemple, par
l’adjonction des noms de Prutanis et d’Eunomos) pour égaler celle des Agiades.
6. Cf. J.F. Lazenby, The Spartan Army, Warminster, Aris et Phillips Ltd, 1985, p. 66-67.
7. La date est approximative.
8. Le nom de celui-ci, qui, en grec, signifie le « très doux », en fait l’antonyme de Polynice, le
« très querelleur », qui avec Étéocle constitue au contraire le modèle des frères ennemis.
9. Le fils de Dorieus, Euryanax, dont seuls le grand-père et les oncles avaient régné et dont le père
n’avait même pas été prince héritier, passait ainsi après les frères cadets de Dorieus, Léonidas et
Cléombrotos, fils et frères de rois ; voir aussi Polybe, IV, 35, 14, à propos de la nomination
comme roi d’un personnage « dont aucun ancêtre n’avait porté ce titre ».
10. Cf. Thuc., I, 107, 2, où Nicomède, le fils de Cléombrotos, exerce le commandement au nom
(huper) de son neveu, « le roi Pleistoanax, qui était encore jeune », I, 132, 1, où le régent
Pausanias exerce sa tutelle (épétropeuen) sur son cousin, Pleistarchos, « qui était roi et encore
jeune », et III, 26, 2, où Cléomène dirige l’invasion en Attique au nom (huper) de son neveu
Pausanias, « qui était roi et encore trop jeune ».
11. Cf. sur Dorieus, L. Braccesi, L’enigma Dorieo, Rome, L’Erma di Bretschneider, « Hesperia,
11 », 1999.
12. Il s’y ajoute certainement des luttes à l’intérieur de l’aristocratie spartiate et on a pu souligner que
la deuxième femme d’Anaxandridas était une descendante du fameux éphore et sage Chilon.
13. C’est aussi ce que suggère Plutarque, Agés., 12, 3, 8, en notant que Lysandre, partisan
d’Agésilas, avait convaincu un grand nombre de Spartiates.
14. Cf. aussi l’expression de Xénophon, Hell., III, 3, 1, à propos de la désignation d’Agésilas : « La
période de deuil achevée, il fallait nommer (kathistasthai) un roi. »
15. C’est ce qu’il affirme lui-même et ce que suggèrent à la fois la syntaxe (l’infinitif) et le
vocabulaire (notamment les géréa et en tôi agèï).
16. Cf., pour la grande rhètra, supra, p. 31-33.
17. Il semble que les rois n’aient jamais eu le droit de conclure la paix, cf. Plut., Agés., 10, 7, ni
même de déclarer officiellement la guerre, car, comme me le fait remarquer Claude Vatin, on
déclare la guerre à un peuple ou à roi mais non à un territoire.
18. Cf. Xén., Hell., 3, 2, 23 et 25 ; 3, 5, 6 ; 4 , 2, 9 ; 5, 4 , 35, 47 et 59 ; 6, 4 , 17.
19. Il y a déjà des éphores, le pluriel impliquant qu’ils sont au moins deux, auprès du régent
Pausanias, à la bataille de Platées, Hdt., IX, 76 ; cf. aussi Classical Review 17 (1903), p. 99, où
est évoquée une inscription métrique avec un bas relief représentant le régent Pausanias
accompagné de deux éphores, d’une suppliante et de deux enfants.
20. Cf. aussi Plut., Agés., 17, 1, où l’éphore Diphridas venu de Sparte au-devant d’Agésilas de
retour d’Asie, lui donne l’ordre (keleuôn) d’envahir tout de suite la Béotie et, alors que le roi
aurait préféré d’abord accroître ses forces, il n’a garde de « désobéir aux magistrats ».
21. Elle est appelée par Xénophon phroura (Hell., IV, 7, 2 et V, 2, 3) ou, plus souvent, to politikon
ou to politikon strateuma (cf. supra).
22. A Mantinée, en 4 18, selon Thuc., V, 72, 4 , le roi est entouré de « ceux qu’on appelle les trois
cents Hippeis ».
23. Cf., sur ce point, l’excellente analyse de P. Carlier, La Royauté en Grèce avant Alexandre,
p. 264 -265.
24. Cf. P. Monceaux, Les Proxénies grecques, Paris, E. Thorin, 1886, notamment p. 6-12 et 14 6-
160, F. Huybrechts, « Over de proxenie in Lakonië », Revue belge de philologie et d’histoire 37
(1959), p. 5-30, D.J. Mosley, « Spartan kings and proxeny », Athenaeum, n.s. 4 9 (1971),
p. 4 33-35, F. Gschnitzer, RE Supplb. XIII, 1973, s.v. Proxenos, coll. 629-730, notamment
coll. 635 sq., C. Marek, Die Proxenie, Europ. Hochschulschrift. 3 R. 213, Francfort, Lang,
1984 , et L. Porciani, « La prossenia spartana : Note a Erodoto, 6, 57, 2 », Annali della Scuola
Normale Superiore di Pisa 21 (1991), p. 125-136 ; cf. aussi Xén., Rép. Lac., 15, 5, Cicéron, De
div., 1, 4 3, 95, Souda, s.v.
25. Cf. Lichas, proxène d’Argos, Thuc., V, 76, 3, Cléarque, proxène de Byzance, Xén., Hell., I, 1,
35, Pharax, proxène des Béotiens (ou plutôt des Thébains), Xén., Hell, IV, 5, 6, Koroibos, qui,
2
en 367, devient proxène d’Athènes, IG II 106, et, dans les Lois de Platon, I, 642b-c, le
personnage de Mégillos, proxène héréditaire d’Athènes.
26. Cf. aussi, Nicias (de Gortyne), Thuc., II, 85, 5, Lakon (sic) (de Platées), Thuc., III, 52, 5,
Alciphron (d’Argos), Thuc., V, 59, 5, et, à Élis, Xénias, qui, selon Pausanias, III, 8, 4 , était à la
fois « l’hôte personnel d’Agis (II) et le proxène de la communauté des Lacédémoniens ».
27. Mais, s’il s’agissait de magistrats, on s’attendrait à ce que le texte en donnât le nombre, comme
pour les Pythioi, évoqués juste après, et les Spartiates auraient, par le terme proxène, désigné
deux charges différentes.
e
Ed. Will, Le Monde grec et l’Orient. Le V siècle (510-403), Paris, PUF, 1972 (rééd. 1994 ),
28. Ed. Will, Le Monde grec et l’Orient. Le Ve siècle (510-403), Paris, PUF, 1972 (rééd. 1994 ),
p. 4 4 0 : « Les deux rois sont égaux aussi bien dans l’honneur que dans l’impuissance politique. »
29. G.E.M de Sainte-Croix, Origins of the Peloponnesian War, Londres, Duckworth, 1972, p. 125.
30. Ce souci contraste avec la souplesse des relations conjugales à Sparte, où il est permis de prêter
sa femme ou de faire appel à un géniteur extérieur, cf. supra et supra.
31. Voir aussi les funérailles d’Agis II, « d’une solennité plus qu’humaine » selon Xénophon, Hell.,
III, 3, 1.
32. Le terme est d’ailleurs employé par Xénophon au début du chapitre : « Je veux rapporter aussi le
traité (sunthèkas) que Lycurgue a conclu entre le roi et la cité » ; on rapprochera la royauté
démocratique décrite ou imaginée par Xénophon dans la Cyropédie, notamment I, 3, 18, qui
débouche aussi, en VIII, 5, 27, sur un traité (sunthéménoi) entre Cyrus et les Perses.
33. Cf. Plut., Agés., 4 , 5, et De l’amour fraternel, 4 82d, cf. infra et infra.
34 . Voir, en 418, les réactions des Lacédémoniens revenus d’Argos contre Agis II, qui n’avait pas
soumis la grande rivale de Sparte, Thuc., V, 63.
35. Cf. P. Carlier, « La vie politique à Sparte sous le règne de Cléomène Ier. Essai d’interprétation »,
e
Ktèma 2 (1977), p. 65-84 et G.L. Cawkwell, « Cleomenes », Mnemosyne 4 s. 4 6 (1993),
p. 506-527.
36. Cf. P. Cartledge, Agesilaos and the Crisis of Sparta, Londres, Duckworth, 1987, et
D.R. Shipley, Plutarch’s Life of Agesilaos. Reponse to Sources in the Presentation of
Character, Oxford, Clarendon Press, 1997.
37. C’est sans doute à lui que pense Aristote (Pol., II, 9, 1270b 13-16), lorsqu’il prétend que les
rois étaient obligés de dèmagôgein les éphores, cf. Plut., Agés., 4 , 5-6, et 5, 3.
38. Cf. E. David, « The trial of Spartan kings », Revue internationale des droits de l’Antiquité,
e
3 série 32 (1985), p. 131-14 0, qui surestime peut-être le rôle de l’assemblée.
39. Cf. supra.
4 0. Certains placent cette action en 520, mais c’est moins probable.
4 1. Cf. Thuc., II, 21, 1 et V, 16, Plut., Périclès, 22, et Éphore, FGH 70, fr. 193 ( = schol.
Aristophane, Nub., 859), où l’amende s’élève à 15 talents.
4 2. L’accusation de corruption, par exemple contre Pleistoanax, peut viser en fait une politique qui
déplaît, en l’occurrence les tentatives de rapprochement avec Athènes.
43. Cf. supra.
4 4 . Cf. L. Pareti, « Ricerche sulla potenza maritima degli Spartani e sulla cronologia dei nauarchi »,
Mem. dell’Accad. delle Scienze di Torino, 2, 59 (1908-9), p. 71-159 = Studi minori II, 1961,
p. 1-131, R. Sealey, « Die spartanische Nauarchie », Klio 58 (1976), p. 335-358, J.-
F. Bommelaer, Lysandre de Sparte. Histoire et tradition, Paris, De Boccard, 1981, p. 75-79 et
163, et E.F. Bloedow, « Sparta naval command from secretary to “vice-amiral” », Scholia, n.s.
9 (2000), p. 12-19.
4 5. Comme les polémarques sont les adjoints des rois, il est possible qu’il ne s’agisse ici que d’une
délégation de pouvoir, mais ce n’est pas assuré.
4 6. Trois navarques se succèdent avec des interruptions de 4 30 à 4 25, tandis qu’on en trouve tous
les ans à partir de 4 13 jusqu’à la fin de la guerre et de nouveau, avec quelques interruptions,
après la guerre, jusqu’en 372, cf. la liste dans Pareti, « Ricerche… », p. 120-131.
4 7. La nomination, en 395, de Téleutias par Agésilas lui-même est présentée comme exceptionnelle,
car le roi avait reçu, outre son commandement sur terre, le commandement de la flotte avec
pouvoir de nommer qui il voulait comme navarque, Xén., Hell., III, 4 , 27-28.
4 8. Xén., Hell., II, 1, 7, l’affirme expressément ; de même, en 4 03, Lysandre se fait envoyer en
Attique comme harmoste, tandis que son frère Libys y vient en tant que navarque, Xén., Hell., 2,
24 , 28-29.
4 9. Les rois, eux, sont intouchables tant que la campagne n’est pas finie.
50. On rapprochera Plut., Agés., 5, 3, où le même verbe régit pantas ; cf. aussi supra, n. 37.
51. Si Plutarque, Agés., 5, 4 , et Mor., 4 82d, rapporte qu’il aurait été mis à l’amende par les éphores
parce qu’il « s’appropriait des citoyens appartenant à tous », le fait est démenti par Xénophon,
Agés., 6, 8.
52. Donc même à ceux qui ne sont pas de sa tendance.
53. La gérousie était alors partagée entre les partisans d’Agésilas, ceux de Cléombrotos et les
neutres.
54 . Aristote, Polit., II, 9, 1269b 31-32, pensait certainement à Agésilas, lorsqu’il notait que « chez
les Laconiens,… du temps de leur empire, beaucoup d’affaires étaient traitées par les femmes ».
55. Il est possible que, nommé par Agésilas lui-même (Xén., Hell., III, 4 , 28), il ait seulement fait
fonction de navarque, sans en avoir le titre.
56. Il est présenté ainsi comme « celui qui parmi les rois est de beaucoup le mieux accordé
(euarmostaton) à ses sujets », car, par l’agôgè, il a ajouté à ses dons naturels to dèmotikon kai
philanthrôpon, entendons le sens du peuple et de la solidarité humaine ; voir aussi Plut., Agés.,
7, 3, où, en Asie, Agésilas se montre un homme simple, d’abord facile et dèmotikos.
57. Cf. Xén., Agés., 9, et Plut., Agés., 14 (expédition en Asie).
58. Il est inutile de se demander pourquoi il n’a pas été éliminé à la naisssance, car son infirmité
provient d’un accident, cf. Plut., Agés., 3, 8.
59. Surtout depuis qu’en 395 la mort de Lysandre le débarrasse à la fois de son ancien mentor et du
roi Pausanias, bientôt exilé, entre autres, pour n’avoir pas secouru à temps Lysandre.
60. Si nécessaire, il ne recule pas devant la violence, comme le montrent l’exécution de la mère et
de la tante de Lysandridas (Théopompe, FGH 115 F 24 0 = Athénée, XIII, 609b), sans doute
l’harmoste condamné en 379 (Plut., Pélop., 13, 3, où le nom paraît déformé) ou, lors des
troubles de 370-69, la mise à mort sans jugement, avec l’accord des éphores, de Spartiates eux-
mêmes.
61. On trouvera la bibliographie de la question dans l’ouvrage récent de N. Richer, Les Éphores.
e e
Études sur l’histoire et sur l’image de Sparte (VIII -III siècle avant Jésus-Christ), Paris, Public.
de la Sorbonne, Histoire ancienne et médiévale 50, 1998 ; voir aussi St. Sommer, Das Ephorat :
Garant des spartanischen Kosmos (MAS 2), St Katharinen, Scripta Mercaturae Verlag, 2001
(de tendance hypercritique).
62. Cf. D. Whitehead, « Sparta and the Thirty Tyrants », Ancient Society 13-14 (1982-83), p. 105-
130.
63. Cf. notamment le discours devant l’assemblée que Plutarque (Cléomène, 10) prête à Cléomène
et où celui-ci, pour justifier l’abolition de l’éphorat, prétend que, bien après Lycurgue, « la
guerre de Messénie tirant en longueur, les rois, qui n’avaient pas le temps à cause des
expéditions, désignèrent eux-mêmes pour rendre la justice certains de leurs amis et les laissèrent
aux citoyens à leur place sous le nom d’éphores…, mais que, peu à peu et sans qu’on s’en rendît
compte, ceux-ci avaient attiré à eux l’autorité et étaient devenus un pouvoir (archeion)
indépendant ». Mais il est difficile de passer insensiblement et peu à peu de délégués des rois à
des magistrats élus par l’assemblée, encore qu’il soit imaginable que les rois aient d’abord
présenté à l’assemblée ceux qu’ils avaient désignés, pour se contenter, plus tard, de soumettre
e
des candidats au vote de l’assemblée. Un apophtegme attribué au roi Anaxilas (VII s.) (Plut.,
Apopht. lac., 217 B-C) indiquait aussi que les éphores étaient nommés par les rois.
64 . Il faut vraiment forcer le texte pour imaginer comme certains que, dans la version en vers que
Tyrtée (élégie 3) donne de la grande rhètra, l’expression dèmotas andras puisse désigner les
éphores.
65. On date généralement son activité du milieu du VIe siècle, encore qu’Hérodote, I, 59, 2, en en
faisant un contemporain du père de Pisistrate, inciterait à le placer plus tôt dans le siècle, cf.
C.M. Stibbe, « Chilon of Sparta », MNIR 4 6 (1985), p. 7-24 .
66. Cf. les éphores qui, après le « divorce d’Éleusis », accompagnent le roi en campagne.
67. Il est décrit par Plutarque, Lyc., 26, 3-5.
68. On peut se référer, sans en adopter nécessairement les conclusions, au long chapitre que
N. Richer a intitulé : « Les éphores comme observateurs du ciel : l’astéroscopie octannuelle »,
Les Éphores, p. 155-198.
69. Philologische Wochenschrift 4 6 (1927), coll. 27-9 ; P. Chantraine, Dict. étymol. de la langue
grecque, s.v. άστήρ, traduit le mot en « étoilé, brillant comme une étoile ».
70. S’il s’agit non d’une étoile filante mais, comme le suppose N. Richer, Les Éphores, p. 186-192,
du lever héliaque de Sirius, cela ne change rien à l’argumentation.
71. C’est aussi ce qu’affirmait la Constitution des Lacédémoniens aristotélicienne, fr.10 Dilts : « Ils
ont le plus grand pouvoir. »
72. Mégillos, le Spartiate des Lois de Platon, IV, 712d, soulignait déjà que « le pouvoir des éphores
y ( = à Sparte) est extraordinairement tyrannique ».
73. Cf. infra
74 . Même si la moustache est figurée sur certaines coupes laconiennes.
75. Cf. supra.
76. Cf. Diogène Laërce, I, 68 (Chilon), cité supra p. 191.
77. Cf. l’amende infligée à Archidamos II, selon Théophraste, pour avoir épousé une femme trop
petite (Plut., Agés., 2, 6, et De l’éducation des enfants, 1c-d) ; pour Athénée, XIII, 566a-b, il
est reproché au roi d’avoir préféré à une belle femme une femme laide et riche ; les deux textes
ne sont pas contradictoires, car, pour les Grecs, la taille est un élément important de la beauté
féminine.
78. Cf. supra, supra, supra et supra.
79. Cf. supra.
80. On rapprochera le juge unique, fréquemment évoqué dans le Code de Gortyne.
81. Voir Xénophon, Hell., 2, 3, 34 , où l’oligarque athénien Critias assure que, « si un éphore, au lieu
d’obéir à la majorité (des éphores), se mettait à critiquer le collège (des éphores) et à s’opposer
à ses actes…, il serait jugé, par les éphores eux-mêmes et par tout le reste de la cité, mériter le
châtiment le plus grave ».
82. Cf. aussi l’expression de Plutarque, Lyc., 17, 2, « et eux (les éphores) présentèrent (à
l’assemblée) une proposition (gnômè) ».
83. Cf. infra.
84 . C’est le cas notamment lorsque l’opinion est partagée, par exemple à propos de la paix et de
l’alliance avec Athènes, en 4 21, ou des relations avec la Macédoine et l’Étolie, à la fin du
e
III siècle.
85. Cf. aussi IG V, 1, 1564 , où les 4 autres éphores sont mentionnés dans l’ordre alphabétique.
86. Il n’est pas totalement exclu que, comme les kosmes crétois, les éphores puissent se faire réélire
après un délai assez long, mais aucun document ne permet de l’affirmer.
87. M. Clauss, Sparta, Munich, Beck, 1983, p. 136-37 ; cf. aussi N. Richer, Les Éphores, p. 275-
280.
88. Il n’est pas impossible néanmoins qu’il soit, ainsi que le Pédaritos qui commande à Chios en 4 11,
le fils d’un autre Léon.
89. Cf. supra et supra.
90. C’est pour en conserver le souvenir que, par exemple, dans le premier quart du IVe siècle, un
géronte a dédié un siège de marbre à Athéna Aléa, cf. Horos 10-12 (1998), p. 259-276 et
e e
pl. 4 2, où sont aussi mentionnées 4 autres offrandes de gérontes, dont 3 du IV ou du III siècle.
91. De même, dans l’Athènes des Trente, qui entend imiter le modèle spartiate, seul le Conseil peut
condamner les citoyens de plein droit (les Trois Mille).
92. Cf. supra et supra.
93. Cf. supra et supra.
94 . Ed. Lévy, « La grande Rhètra », Ktèma 2 (1977), p. 85-103 ; cf. aussi supra, p. 33-34 .
95. La même expression, sans doute traditionnelle, se retrouve chez Aristote, Pol., II, 9, 1270b 24 -
25.
96. On ne peut y voir une allusion à l’ensemble des citoyens et donc à l’assemblée, car cela
contredirait le propos de Démosthène.
97. Géronte signifie à la fois vieillard et membre de la gérousie.
98. Plutarque, qui, dans la Vie de Romulus, 13, 3, souligne l’équivalence des termes sénat et
gérousie, appelle constamment le sénat gérousie.
99. Cf. Ed. Lévy, « La Sparte de Polybe », Ktèma 12 (1987), p. 63-79.
100. On pourrait objecter que les textes ne mentionnent pas davantage le rôle de la Boulè athénienne,
alors que nous connaissons, par l’épigraphie et par la Constitution d’Athènes aristotélicienne, ses
fonctions probouleutiques ; mais la Boulè, tirée au sort pour un an, ne dispose pas de la durée
permettant de mener une véritable politique, alors que les gérontes, élus à vie, pourraient,
comme le sénat romain, constituer une source de pouvoir autonome.
101. C’est l’erreur que j’avais faite dans mon livre, La Grèce au Ve siècle, de Clisthène à Socrate,
Paris, Seuil, « Nouvelle Histoire de l’Antiquité 2 », 1995, p. 156-157, où j’affirmais, avec
quelque excès, que « si, dans le domaine politique, jusqu’à Agis IV, la gérousie reste sans
histoire, c’est sans doute parce qu’elle était sans pouvoir ».
102. Il faut attendre le régime parlementaire pour pouvoir distinguer la responsabilité politique, qui
entraîne, sans conséquences judiciaires, la chute de l’homme politique dont on condamne la
politique, et la responsabilité pénale, qui faisait condamner le roi de Sparte ou le stratège
athénien pour des opérations malheureuses.
103. Cf. supra et supra.
104 . Il n’est pas sûr, contrairement à ce qui se passera sous Agis IV, que ces discussions aient
débouché sur un vote, mais, en plus de deux siècles, les pouvoirs respectifs de la gérousie, des
éphores et des rois ont pu varier.
105. C’est à partir d’une telle formule, bien spartiate, qu’une source de Plutarque (Agés., 5, 4 ) a
imaginé que les éphores l’avaient mis à l’amende, mais Xénophon, Agés., 6, 8, assure que ses
concitoyens ne lui ont jamais infligé d’amendes.
106. Cf. aussi Xén., Hell., 5, 4, 25 : en 378, lors du procès de Sphodrias, la gérousie était divisée entre
les amis de Cléombrotos, ceux d’Agésilas et les neutres (ceux du « milieu »).
107. Serait-ce là la « petite assemblée » que, lors de la conspiration des Cinadons, les éphores n’ont
même pas pu réunir.
108. Ainsi, en 4 25, dans des circonstances critiques, les Lacédémoniens, entendons l’assemblée,
décidèrent d’envoyer les autorités (ta télè) à l’armée « pour, au vu de la situation, prendre sur-
le-champ les décisions qui leur paraîtraient s’imposer », Thuc., IV, 15, 1 ; cf. C. König, Τά τέλη
et οἱ ἐν τέλει verbis quinam intellegendi sint, Iéna, Phil. Fak., Inaug.-Diss., 1886.
109. Plutarque, Lys., 14 , 7-8, cite textuellement une décision (dogma) des éphores, introduite par
« Voici ce qu’ont décidé les autorités (ta télè) des Lacédémoniens… » ; de même, le terme
archontés se réfère souvent aux éphores.
110. L’expression peut aussi, dans certains cas, désigner les éphores et l’assemblée, cf. Xén., Hell.,
III, 3, 23.
111. Cléomène III, lui, n’hésitera pas à s’attaquer à la gérousie, cf. infra.
112. Par exemple D.M. McDowell, Spartan Law, p. 66. Il serait cependant assez conforme aux
habitudes spartiates de progression selon l’âge que les néoi assistent à l’assemblée en silence et,
comme les votes se faisaient normalement par cris, leur rôle y serait resté très limité ; cf. aussi le
début de l’Archidamos d’Isocrate.
113. Le terme est attesté dans un certain nombre de cités doriennes : en Sicile, notamment à Agrigente,
à Byzance, à Corcyre, à Anaktorion, à Héraclée de Lucanie, en Élide et dans la colonie spartiate
de Tarente ; cf. les références in F.R. Adrados, Diccionario griego-español, Madrid, consejo
superior de investigationes cientificas, 1989, s.v.
114 . Cf. G.E.M. de Sainte-Croix, The Origins of the Peloponnesian War, Appendice XXIII, « The
name of the Spartan Assembly », p. 34 6-34 7, W. Burkert, « Apellai und Apollon », Rh. M 118
(1975), 1-21, et K.-W. Welwei, « Apella oder Ekklesia, Zur Bezeichnung der spartanischen
Volksversammlung », Rh. Mus. für Philologie 14 1 (1998), p. 24 2-24 9, qui défend la
dénomination Apella.
115. On peut aussi mentionner agora, si le mot a bien ce sens chez Hérodote (VI, 58) et si on peut le
restituer dans la dernière ligne (mutilée) de la grande rhètra.
116. Cette division de l’année est déjà attestée chez Alcman.
117. En 4 32, l’éphore Sthénélaïdas a, exceptionnellement, fait voter par déplacement, cf. Thuc., I, 87.
118. Dont Aristote vient de mentionner l’existence en Crète.
119. L’expression suggère déjà qu’il y a des gens qui ne sont pas « les premiers venus » et ont le droit
d’intervenir.
120. Sans en tirer vraiment parti, P. Cartledge, « The peculiar position of Sparta in the development of
the Greek City-State », Proceedings of the Royal Irish Academy, 80 (1980), p. 91-108
( = Spartan Reflections, Londres, Duckworth, 2001, p. 21-38), notait déjà que « no discussion
or at least no alternative proposals were permitted in the assembly ».
121. Le préverbe anti-, qui marque l’opposition est si gênant que certains ont préféré le négliger ;
ainsi, M. Nafissi, La nascita del Kosmos. Studi sulla storia e la società di Sparta, Naples, Ed.
scient. ital., 1991, p. 363, se contente de traduire : « a chi voglia è concesso di prendere la
parola sulle proposte di legge ».
122. Les gens du peuple y sont invités à « dire ce qu’il faut » et, dans la partie commune à Diodore et
à Plutarque, le fait de « répondre par de droites rhètra » peut aussi suggérer l’accès à la parole.
4
ORIGINE
FONCTIONNEMENT
Avant 404
Après 404
58
SPARTE ET LES PERSES
69
SPARTE ET ATHÈNES
1. Cf. surtout P. Cartledge, Sparta and Lakonia. A Regional History 1300-362 B.C., Londres,
Routledge et Keagan, 1979, p. 138-159 et 199-304, et Agesilaos and the Crisis of Sparta,
Londres, Duckworth, 1985.
2. Cf. Hérodote, I, 82, mais Argos ne fut définitivement battue qu’à Sépeia, vers 4 94.
3. En 394, Timolaos de Corinthe, comparant les Lacédémoniens à un fleuve, qui grossit depuis sa
source, notait que « les Lacédémoniens, là où ils sortent [de chez eux] sont réduits à eux-mêmes
mais, en avançant et en recevant l’apport des cités [alliées], deviennent plus nombreux et plus
difficiles à vaincre », Xén., Hell., IV, 2, 11-12.
4. Sur mer, la part relative des Lacédémoniens est encore plus faible, puisque, à la veille de
Salamine, selon Hérodote, VIII, 43-4 8, sur 366 ou 378 navires grecs, outre les 180 navires
athéniens, on ne trouve que 16 navires lacédémoniens en face de 40 corinthiens, 30 éginètes, 20
mégariens, 15 sicyoniens.
5. Sur la question restent fondamentaux les travaux d’U. Kahrstedt, Griechische Staatsrecht I,
Sparta und seine Symmachie, Göttingen, Vandenhœk et Ruprecht, 1922, p. 81-118 et 267-272,
de G. Busolt et M. Swoboda, Griechische Staatskunde II (HdbAW 4 , 1, 1), Munich, Beck,
1926, p. 1320-1337, de J.A.O. Larsen, Classical Philology 27 (1932), p. 136-150, 28 (1933),
p. 257-276, et 29 (1934 ), p. 1-19, de L. Moretti, Ricerche sulle leghi greche (Peloponnesiaca-
Beotica-Licia), Rome, l’Erma di Bretschneider, 1962, p. 1-95, et de K. Wickert, Der
Peloponnesische Bund von seiner Entstehung bis zum Ende des archidamischen Krieges,
inaugural Dissertation der philosophischen Fakultät Erlangen, Erlangen, 1962 ; cf. aussi,
G.E.M. de Sainte-Croix, The Origins of the Peloponnesian War, Londres, Duckworth, 1972,
p. 96-124 et 333-346, F. Gschnitzer, Ein neuer spartanischer Staatsvertrag und die Verfassung
des Peloponnesischen Bundes, Meisenheim am Glan, Hain, 1978, Kl. Tausend, Amphiktyonie
und Symmachie, Historia Einz. 73, 1992, p. 118-123 et 167-180, G.L. Cawkwell, « Sparta and
her allies in the sixth Century », Classical Quarterly 43 (1993), p. 364-376, et J.E. London,
« Thucydides and the “Constitution” of the Peloponnesian League », Greek, Roman and
Byzantine Studies, 35 (1994), p. 159-177.
6. On trouve aussi, notamment dans l’armistice de 4 23 (Thuc., IV, 118,4, 2 exemples), la formule
« les Lacédémoniens et hoi alloi xummachoi », entendons : « les Lacédémoniens et les alliés,
qui forment le reste de l’ensemble », expression qui associe étroitement les deux éléments.
7. Cf. Thuc. V, 62, où, en 418, tout en critiquant Agis, « les alliés suivaient comme ils les menaient,
conformément à la règle (nomos) », et Xén., Hell., II, 2, 20, où, en 404, les Athéniens doivent
s’engager à « suivre les Lacédémoniens à la fois sur terre et sur mer partout où ils les
mèneront », IV, 6, 2, où, en 389, les Achéens affirment : « Nous vous suivons partout où vous
(nous) menez », V, 3, 26, où, en 379, les Olynthiens, vaincus, doivent s’engager à « avoir
mêmes amis et mêmes ennemis que les Lacédémoniens, à les accompagner (akolouthein) partout
où ils les mèneraient et à combattre (summachein) avec eux », et VI, 3, 7, où, en 371,
l’Athénien Autoclès adresse comme reproche aux Lacédémoniens : « La première stipulation des
traités que vous concluez avec les cités alliées, c’est de suivre partout où vous les mènerez. »
8. Cf. ses relations supposées avec le père de Pisistrate lors de la naissance du futur tyran, Hdt., I,
59 ; cf. ausssi C.M. Stibbbe, « Chilon of Sparta », Medelingen Nederl. hist. Inst. Rome 4 6
(1985), p. 7-24.
9. En I, 68, à propos de la victoire sur les Tégéates, Hérodote dit plus justement que « la plus
grande partie du Péloponnèse était soumise » aux Lacédémoniens.
10. La présentation est bien sûr partiale : pour Cléomène, il devait s’agir non de tyrannie, mais de
mise en place d’une oligarchie inféodée à Sparte ; il en ira différemment lorsqu’il s’agira de
rétablir Hippias.
11. Il est habituel qu’une armée prête serment et l’on voit, plus tard, Cléomène employer la même
formule, avec seulement le remplacement des deux rois par le seul Cléomène, lorsqu’il essaie
de soulever les Arcadiens contre Sparte (Hdt., VI, 74).
12. Cf. Thuc., V, 30, 1 (en 421) : « Ce qui serait voté par la majorité des alliés serait exécutoire à
moins qu’il n’y ait un empêchement venant des dieux ou des héros » ; voir aussi l’allusion à la
justice dans le récit d’Hérodote et dans le discours de Soclès, cité un peu plus bas dans le texte.
13. On rapprochera Homère, Iliade, IV, 29, où Héra, contestant les projets de Zeus, achève son
intervention en « Fais, mais nous, l’ensemble des autres dieux, nous n’approuvons pas » et où le
roi des dieux s’incline.
14. A cet égard, on ne voit rien de comparable au congrès qui donna naissance à la Ligue de Délos
en fixant les droits et les devoirs de chacun.
15. Les décisions arbitraires d’une seule cité seront, au moins en théorie, remplacées par des votes à
la majorité.
16. Xén., Hell., V, 2, 37 et 4 , 37, cf. aussi l’emploi du verbe dokein en Thuc., I, 87, 4, IV, 118
(3 exemples), VIII, 8, 2, et Xén., Hell., V, 2, 20, 23, où le terme est précisé par ta psèphismata,
et 24 (en 382).
17. Thuc. V, 30, 1, et cf. V, 30, 3, 31, 1 et 31, 5.
18. Le cas de Platées est particulièrement éclairant, puisque Sparte avait refusé de l’intégrer dans la
Ligue du Péloponnèse ; en 427, les Thébains assureront même que les Platéens n’avaient pas
besoin de l’alliance athénienne, puisque l’alliance contre les Perses conclue avec les
Lacédémoniens aurait suffi à les protéger (Thuc., III, 63, 2).
19. Certains d’entre eux avaient déjà été incités à venir par les Corinthiens.
20. C’était aussi un moyen d’en faire une guerre défensive en évitant ainsi de se parjurer et en
impliquant nécessairement la Ligue.
21. Cf. infra.
22. Cf. Xén., Hell., VI, 5, 46-47, où un délégué corinthien rappelle en 369 aux Athéniens que : « Les
Lacédémoniens vous ont jadis sauvés par un vote sans danger. »
23. Plutarque, Lys., 15, 3, a même conservé le nom du délégué thébain, Érianthès, qui avait fait la
proposition (eisègèsasthai).
24 . Cf. Thuc., I, 69, 2 : « Ce n’est pas sans peine qu’aujourd’hui nous nous sommes réunis » (propos
des Corinthiens).
25. Cf. aussi Xén., Hell., IV, 6, 1-3, où, en 389, les Achéens, attaqués par les Acarnaniens, se
plaignent d’être négligés par les Lacédémoniens et parlent d’abandonner « la guerre qui se
déroule dans le Péloponnèse », ce qui, selon l’historien, serait une manière déguisée de menacer
d’abandonner l’Alliance ; finalement, on envoya Agésilas avec des troupes lacédémoniennes et
alliées.
26. En Thuc., I, 14 1, 6, tous les alliés sont dits isophèphoi, c’est-à-dire ayant un égal droit de vote ;
ils ont probablement chacun un seul représentant, cf. Xén., Hell., III, 5, 8 (discours des Thébains
à Sparte).
27. Sparte s’efforce d’éviter qu’il y ait des cités trop puissantes en s’opposant chaque fois qu’elle le
peut à l’impérialisme régional de cités comme Élis ou Mantinée.
28. Voir infra, p. 231.
29. Sur les cas attestés d’empêchement (respect des serments, donc des traités, trêve sacrée ou
mauvais présages), cf. Sainte-Croix, The Origins of the Peloponnesian War, p. 118-120.
30. Il n’aurait pu disposer des mercenaires de la cité arcadienne de Clètor s’il n’avait interdit à sa
voisine Orchomène d’en profiter pour attaquer Clètor.
31. C’est ce que suggèrent à la fois les expressions de Xénophon, Hell., III, 4, 2 : « Les
Lacédémoniens réunirent les alliés et délibérèrent sur ce qu’il convenait de faire » et la
participation d’un fort contingent allié (suntagma de 6 000 hommes) à l’expédition d’Agésilas.
32. Voir supra, p. 225.
33. L’idée sera reprise dans la Ligue de Corinthe.
34 . On retrouve la même expression dans les Helléniques d’Oxyrhynchos, XII, 4 et XXI, 1 et 2 (à
propos de l’expédition d’Agésilas en Asie), et dans les Helléniques de Xénophon, I, 1, 24.
35. Cf. aussi Thuc., V, 77, 5-7 et 79, 1-2 (alliance avec Argos), mais, en II, 9, 2 et V, 57, 2, la
distinction entre le Péloponnèse et l’extérieur paraît plus géographique qu’institutionnelle.
36. Cela expliquerait comment Sparte avait pu arbitrer entre Athènes et Égine, alors membre de la
Ligue (cf. T.J. Figueira, « Aiginetan membership in the Peloponnesian League », CPh 76 (1981),
p. 1-24), et imposer à cette dernière l’envoi d’otages à Athènes.
37. Il suffit de rappeler les problèmes de la Ligue de Délos une fois qu’eut cessé la guerre contre
les Perses, qui avait suscité sa formation.
38. Le droit pour chaque cité hégémonique, en l’occurrence Athènes mais aussi Sparte, de « châtier
les ressortissants (prosèkontas) de son alliance » (entendons : quand ils font défection) est en
44 0 affirmé publiquement par les Corinthiens dans le discours que leur prête Thucydide, I, 4 0, 5
et 43, 9, l.
39. Seules Mantinée et Phlionte peuvent profiter de leurs murs pour mener une politique
indépendante ; on rapprochera, en 479, la vaine pression exercée sur Athènes pour l’empêcher de
se fortifier.
4 0. Elles sont cependant commandées par des officiers spartiates, les xénagoi, à raison d’un par cité,
cf. Xén., Hell., V, 2, 7, où, après le dioecisme (dissolution) de Mantinée, Sparte en envoie
désormais un par village.
4 1. Cette autonomia, au moins théorique, permettra à Sparte, en profitant aussi des bonnes
dispositions des Perses et sans avoir besoin d’une clause d’exception, d’échapper aux stipulations
de la paix d’Antalcidas imposant de laisser l’autonomia à toutes les cités, petites ou grandes
(Xén., Hell., V, 1, 31) (386). Sur l’autonomia, qui désigne non l’autonomie au sens moderne
mais l’indépendance par rapport à l’État qui la menace, cf. M. Ostwald, Autonomia. Its Genesis
and Early History, Chico, California Scholar Press, 1982, Ed. Lévy, « Autonomia et éleuthéria
e
au V siècle », Revue de philologie, 57 (1983), p. 249-270, T. Figueira, « Autonomoi kata tas
spondas (Thuc., I, 67, 2) », BICS. 37 (1990), p. 63-88, et A.B. Bosworth, « Autonomia : the use
and abuse of political terminology », SFIC 10 (1992), p. 122-152.
4 2. Les Lacédémoniens, qui n’avaient pas réussi à imposer à Athènes un régime oligarchique,
tolérèrent un régime démocratique à Mégare jusqu’en 424 (Thuc., IV, 66 et 74 ), n’imposèrent
qu’en 4 17 un régime plus oligarchique à Sicyone (Thuc., V, 81, 2) et laissèrent à Mantinée son
régime démocratique jusqu’en 385 (Thuc., V, 29, 1, et Xén., Hell., V, 2, 7). Au début du
e
IV siècle, Élis jouit encore d’un régime démocratique, dont le chef est Thrasydaios (Xén., Hell.,
III, 2, 27-29 ; Plut., Mor., 835f), mais on ne sait quand il a été instauré, Aristote (Pol., V, 6,
1306a 12-19) indiquant seulement que l’oligarchie restreinte y avait jadis (poté) été renversée.
Quant à Phlionte, qui avait 5 000 citoyens et qui fut, en 384 , sous la pression spartiate, plus ou
moins obligée de voter le retour des oligarques extrêmes qu’elle avait exilés, elle avait aussi, à
l’époque, un régime démocratique.
43. Cf. R. Bernhardt, « Die Entstehung der Legende von der tyrannenfeindliche Spartas im sechsten
und fünften Jahrhundert v. Chr. », Historia 36 (1987), p. 257-289.
44 . Aristote, Politique, V, 10, 1312b 7-8, résumant sans doute Thucydide, note en passant que « les
Lacédémoniens renversèrent la plupart des tyrannies ».
4 5. Dans des formules qui rappellent l’évocation hérodotéenne des Grecs coalisés contre les Perses,
Xénophon mentionne « ceux qui délibèrent le mieux pour le Péloponnèse », Hell., VII, 4, 35, ou
qui « se soucient du Péloponnèse », VII, 5, 1 ; cf. aussi V, 2, 2, « la proposition la meilleure
pour le Péloponnèse » ; en 362, les Arcadiens demandent aux Lacédémoniens « s’ils veulent
s’opposer en commun à ceux qui viendraient asservir le Péloponnèse » (Hell., VII, 5, 3), alors
qu’Épaminondas entendait laisser à sa patrie Thèbes la domination (archè) du Péloponnèse
(Hell., VII, 5, 18).
4 6. Sparte aurait même promis de contraindre par une action commune avec les Athéniens ceux qui
n’acceptaient pas le traité de paix (Thuc., V, 35, 3 et 42, 2).
4 7. Cf. supra.
4 8. Au contraire, à la fin de la même année, Sparte, vaincue à Leuctres, laisse ses alliés jurer avec
elle la paix commune patronnée par Athènes, Xén, Hell., VI, 5, 1-2 et 37.
4 9. Intervenant personnellement au début de son livre XV, Diodore de Sicile critique à ce sujet les
e
Spartiates du IV siècle : alors que leurs prédécesseurs agissaient correctement et avec humanité
envers leurs sujets (tous hupotétagménous), « les successseurs ont traité leurs alliés de façon
violente et difficile à supporter », folie qui, avec la défaite de Leuctres, a contribué à la perte de
leur empire.
50. Les Agiades Pausanias et Agésipolis se montrèrent au contraire plus modérés, ainsi à Athènes en
4 03 ou à Mantinée, où, en 385, Agésipolis évita aux démocrates de se faire massacrer.
51. Ce qui suggère que, quoi qu’en dise Xénophon, Hell., V, 4, 20, Sphodrias ne s’était pas laissé
acheter par les Thébains pour provoquer les Athéniens et les inciter à la guerre contre Sparte.
52. Sainte-Croix, The Origins of the Péloponnesian War, p. 343-34 6, a bien montré qu’il n’y avait
pas de contradiction entre les politiques de ces cités en 404 (proposition de détruire Athènes) et
en 403 (défense des démocrates athéniens), car, dans les deux cas, il s’agissait d’éviter qu’une
Athènes gouvernée par des séides de Lysandre ne devînt un satellite de Sparte.
53. Certains se mirent même tout de suite à négocier avec Thèbes, Xén., Hell., VI, 4, 24.
54 . Ce n’est cependant sûrement pas le cas pour le traité qu’en 365 Sicyone conclut avec Messène.
55. Lors des luttes intestines en Arcadie, en 361, on ne mentionne aucune intervention spartiate,
Diodore, XV, 94, 1.
56. A. Roobaert, Isolationnisme et Impérialisme spartiates de 520 à 469 avant J.-C., Acad. royale
de Belgique, Cl. des Lettres (Fonds René Draguet 2), Louvain, Peeters, 1985.
57. Pour Cléomène, d’environ 520 à environ 488, pour Agésilas, d’environ 398 à 359-58, cf.
Ch.D. Hamilton, « Étude chronologique sur le règne d’Agésilas », Ktèma 7 (1982), p. 281-296.
58. Pour le détail de la révolte ionienne et celui des guerres médiques, je me permets de renvoyer à
e
mon livre, La Grèce au V siècle de Clisthène à Socrate, Paris, Seuil, « Nouvelle Histoire de
l’Antiquité 2 », 1995, réimpr. 2002, p. 9-44.
59. Cf. ses expéditions aventureuses en Libye et en Sicile.
60. Les alliés ont sans doute ainsi réagi aux excès de l’arbitraire spartiate.
61. Pour Sparte, la réalité de la chose paraît assurée par l’obligation de réparer cet acte sacrilège,
mais il est possible que la même attitude n’ait été prêtée à Athènes que pour la mettre à égalité
avec Sparte.
62. Ce meurtre a dû se passer avant le renversement de Démarate, car celui-ci est postérieur à
l’intervention spartiate à Égine, qui avait accepté de donner « la terre et l’eau », et les hérauts
perses n’ont pas dû venir à Sparte longtemps après être passés à Égine.
63. La préposition pro ne suggère pas seulement le lieu, mais aussi qu’on combattra pour la défense
du Péloponnèse.
64 . Mégare, avec 20 navires, et Égine, avec 30, fournissaient plus du quart des vaisseaux non
athéniens de Salamine.
65. C’était le principe même de la stratégie des Grecs, envisagée à Tempè, mise en pratique aux
Thermopyles, comme, sur mer, à l’Artémision, et prévue à l’Isthme.
66. L’expression employé en VIII, 64 (édoxé) suggère que, si Eurybiadès consulte les alliés, c’est
lui, et lui seul, qui prend les décisions.
67. Cf. A.J. Podlecki, The Life of Themistocles, Montréal et Londres, McGill-Queens University
Press, 1975.
68. C’est le même type d’argumentation que pour le refus de s’allier avec Platées, voir supra,
p. 238-239 ; Thucydide, I, 95, 7, reprendra aussi le thème de l’éloignement, redouté par les
Spartiates pour son influence nocive, pour expliquer leur désir de ne pas continuer la lutte contre
les Perses.
69. Pour le récit des événements, cf. Ed. Lévy, La Grèce au Ve siècle, 1995, réimpr. 2002, p. 73-
119.
70. Ils n’y étaient guère habitués.
71. Si elles sont secrètes, on ne voit pas comment Thucydide, même bien introduit en Grèce du Nord,
aurait pu connaître la teneur exacte des promesses spartiates.
72. Les Athéniens, vaincus à Tanagra, sont vainqueurs à Oinophyta et à Égine, tandis qu’ils subissent
en 454 un grave désastre en Égypte.
73. Bien que le Long Mur central n’ait pas encore été construit, le système de fortifications
d’Athènes était suffisant pour que la seule chose possible eût été de ravager l’Attique.
74 . Il n’est pas évoqué dans les textes, mais, s’il n’avait eu lieu, la question n’aurait pas été soumise
au vote des alliés.
75. Potidée était à la fois une colonie de Corinthe et un membre de la Ligue de Délos.
76. Si l’on voulait se lancer dans la guerre, il aurait été préférable de la faire en 44 0, quand on
pouvait tirer parti de la marine samienne, ou, au moins avant qu’en 4 35 la marine de Corcyre ne
vînt renforcer la prépondérance navale des Athéniens.
77. Cf. Thuc., VII, 28, 3 : « Au début de la guerre, ils (sc. les Grecs) estimaient que les Athéniens, si
les Péloponnésiens envahissaient leur territoire, tiendraient, pour les uns, un an, pour les autres,
deux, mais, pour personne, plus de trois ans. »
78. C’est peut-être elle qui explique aussi le massacre d’environ 2 000 Hilotes qui avaient bien
mérité de Sparte, cf. supra et supra.
79. Thucydide, V, 36, 1 et 38, 2, évoque les intrigues de deux d’entre eux, Cléoboulos et Xénarès.
80. G. Glotz, Histoire grecque. II. La Grèce au Ve siècle, Paris, PUF, 194 8, parle à juste titre de
« Paix fourrée ».
81. Entendons, celle où étaient inscrits les traités de paix et d’alliance avec Sparte.
82. C’était là, selon Xén., Hell., II, 3, 35-49, le régime défendu par Théramène ; cf. aussi les
critiques d’Autoclès, infra, n. 86.
83. Les Trente et leurs partisans se sont, eux, réfugiés à Éleusis.
84 . Cf. outre P. Carlier, Le IVe Siècle grec jusqu’à la mort d’Alexandre, Paris, Seuil, 1995,
« Nouvelle histoire de l’Antiquité 3 », p. 11-73, H.W. Parke, « The development of the Second
Spartan Empire (4 05-371) », Journal of Hellenic Studies 50 (1930), p. 37-79, Ch.D. Hamilton,
Sparta’s Bitter Victories. Politics and Diplomacy in the Corinthian War, Ithaca et Londres,
Cornell Univ. Press, 1979, et Agesilaus and the Failure of Spartan Hegemony, Ithaca, Cornell
Univ. Press, 1991, J.-F. Bommelaer, Lysandre de Sparte. Histoire et tradition, BEFAR 240,
Paris, De Boccard, 1981, P. Cartledge, Agesilaos and the Crisis of Sparta, Londres,
Duckworth, 1987, et D.R. Shipley, Plutarch’s Life of Agesilaos. Response to Sources in the
Presentation of Character, Oxford, Clarendon Press, 1997.
85. Selon Diodore, XIV, 10, 1, celui-ci se monterait à plus de 1 000 talents par an, mais il est
possible que Diodore ait confondu le montant du tribut et les 1 000 talents de butin qu’Agésilas
rapporta d’Asie en 394 .
86. Ces régimes autoritaires sont volontiers qualifiés de tyrannies, cf. Xén., Hell., II, 3, 4 8-49, III, 5,
13 et VI, 3, 8, où l’Athénien Autoclès les oppose aux régimes constitutionnels (politeiai) ; voir
aussi la période suivante, où les oligarques pro-spartiates de Thèbes sont considérés comme des
tyrans, V, 4 , 2, 4, 9, 13, et les oligarchies des cités béotiennes, comme des dunasteiai, V, 4 , 46.
87. Les Samiens vont jusqu’à célébrer en son honneur des Lysandreia ; on lui érige, de son vivant,
sa statue à Delphes (dans le monument dit des navarques) et à Olympie.
88. Cf. Ed. Lévy, « Les trois traités entre Sparte et le Roi », Bulletin de Correspondance hellénique
107 (1983), p. 221-241.
89. La même idéologie, que développe par exemple un Isocrate, sera, dans leur propagande, reprise
par Philippe et par Alexandre.
90. Voir Xén., Hell., III, 1, 3 : en 400, les ambassadeurs ioniens demandent aux Lacédémoniens,
« puisqu’ils sont les chefs (prostatai) de toute la Grèce, de se soucier aussi d’eux, les Grecs
d’Asie ».
91. P. Carlier, Le IVe Siècle grec, p. 26, soulignant le danger que représentaient ces « catégories
intermédiaires », ajoute que « le moyen le plus simple d’éloigner ces soldats indésirables à
Sparte était… de les enrôler dans les expéditions que la cité organisait au loin. En outre, les
Spartiates n’imaginaient pas d’entretenir dans l’inactivité un grand nombre d’inférieurs, ni à titre
privé ni aux frais de la cité : seule la guerre pouvait nourrir ces guerriers sans moyens
d’existence ». La colonisation d’Héraclée Trachinia, fondée en 426, et, en 398, l’envoi de
colons en Chersonèse de Thrace pouvaient aussi être des solutions.
92. Isocrate voyait dans la conquête de l’Asie mineure un moyen de résoudre les problèmes sociaux
de la Grèce.
93. Xénophon, Hell., III, 4, 4 , se contente, avec malveillance, de noter que les béotarques ont
envoyé des cavaliers qui « ont arraché de l’autel et dispersé les victimes qui se trouvaient déjà
sacrifiées », alors que le Béotien Plutarque, Agés., 6, 9-10, 599b, précise qu’Agésilas avait
chargé son propre devin du sacrifice au lieu de le faire pratiquer par le préposé béotien et sans
tenir compte des lois et usages ancestraux des Béotiens : Agésilas entendait donc déjà agir en
Béotie comme en territoire conquis.
94 . Ayant ravagé la Paphlagonie, il prévoyait de s’attaquer à la Cappadoce, Hell. Oxyrh., éd.
Chambers, p. 49, 766-772 ; cf. aussi Xén., Hell., IV, 1, 41.
95. Malgré Xénophon, Agés., I, 8 et 36, mais, en Hell., III, 5, 1, la chose n’est présentée que comme
une supputation du chef perse et, en Hell., IV, 1, 41, il ne s’agit que d’aller le plus loin possible
en Haute-Asie.
96. Selon Xén., Hell., III, 5, 1, Timocratès de Rhodes aurait été chargé de distribuer 50 talents aux
principaux hommes politiques « à condition qu’ils déclenchent la guerre contre Sparte », mais
cette distribution n’aurait servi à rien si Sparte n’avait été aussi impopulaire, cf. Hell. Oxyrh., éd.
Chambers, p. 14, 35-16, 8, et Xén., Hell., III, 5, 10-13 (discours des Thébains à Athènes).
97. Dès 396, Rhodes s’était déjà ralliée à Conon.
98. Il se plaît volontiers à laisser les autres assumer les missions militaires ou civiles embarrassantes.
99. C’est, significativement, à Sparte qu’elle a été jurée.
100. L’expédition d’Agésilas était censée défendre contre les Perses l’autonomia des cités grecques
d’Asie, cf. Xén., Hell., III, 1, 20, 2, 12, 20, 4 , 5 et 25.
101. Cette défense de l’autonomia des cités n’est, bien sûr, qu’à usage externe, comme le montrent
les interventions spartiates à Mantinée ou à Phlionte, la prise de la Cadmée ou, en 378, le raid de
Sphodrias en Attique, cf. supra et supra ; aussi l’Athénien Autoclès peut-il, en 371, reprocher
aux Spartiates d’avoir sans cesse à la bouche le mot d’autonomia et d’être « eux-mêmes le plus
grand obstacle à l’autonomia des cités », Xén, Hell., VI, 3, 7-9.
102. C’est un paradoxe qui, dans la seconde moitié du XXe siècle, n’aurait pas surpris nos
contemporains. Les Spartiates ont ainsi repris, successivement, dans une perspective offensive,
e
leurs deux idéologies défensives du V siècle : la défense de la Grèce (contre les Perses) et
celle de l’autonomia des cités (contre Athènes).
103. L’intérêt pour la Grèce du Nord s’était déjà manifesté par la fondation d’Héraclée Trachinia en
4 26 (aux mains des « alliés » thébains de 419 à 400, de nouveau des Spartiates jusqu’en 395, où
elle est reprise par les Thébains, avant d’être démantelée en 371 par le Thessalien Jason), par
l’expédition de Brasidas en 424 (supra, p. 248-249) et par l’envoi d’un harmoste et d’une
garnison à Pharsale (de 4 00 à 395).
104 . Cf. Ed. Lévy, « L’art de la déformation historique dans les Helléniques de Xénophon », in
H. Verdin, G. Schepens et E. de Keyser, Purposes of History, Studia Hellenistica 30, Louvain,
1990, p. 125-157, notamment p. 138.
105. Les Athéniens, qui vendaient déjà la peau de l’ours, espéraient même obliger les Thébains à
payer la dîme à laquelle ils avaient été condamnés au lendemain des guerres médiques.
106. Elle était déjà en Grèce centrale, où elle devait défendre les alliés phocidiens.
107. Il utilise une phalange oblique avec renforcement de l’aile gauche (au moins 50 hommes de
profondeur à Leuctres, selon Xén., Hell., VI, 4, 12) pour enfoncer l’aile droite adverse, où sont
rangées les meilleures troupes.
108. Plus de 50 000 hommes selon Diodore, XV, 62, 5 ; 4 0 000 hoplites, auxquels s’ajoutent
30 000 hommes armés à la légère ou non armés, selon Plutarque, Agés., 31, 1-2, et cf.
Pélopidas, 24, 2, Comp. Agésilas Pompée, 83 (3), 5, et De gloria Athen. 346b, qui répètent le
nombre de 70 000.
109. Plus de 6 000 se seraient fait enregistrer, selon Xén., Hell., VI, 5, 28, mais il semble, d’après
Diodore, XV, 65, 6, que les Spartiates n’en aient finalement enrôlé que 1 000, qu’ils auraient
préalablement affranchis.
5
« Décadence » et révolutions
e
du IV siècle à 146 av. J.-C.
1. Décadence
Les contemporains, comme le pro-spartiate Xénophon ou le plus critique
Aristote ont eu conscience d’une décadence spartiate au IVe siècle : non
seulement Sparte perd son hégémonie sur la Grèce, mais la diminution brutale
de sa puissance incite à mettre en cause la validité du « modèle spartiate 1 ».
LA CRISE SPARTIATE
L’inégalité
L’oliganthropie 25
47
AGIS IV OU LA RÉVOLUTION PACIFIQUE
Nous n’avons de lui qu’un portrait idéalisé, car Plutarque se fonde sur
Phylarque, tandis que Polybe en parle très peu, puisqu’il est antérieur à la
période qui l’intéresse, et sans se montrer particulièrement hostile à un roi qui
a été un temps l’allié d’Aratos.
Agis est présenté comme un jeune homme, qui accède au pouvoir à vingt
ans. Il aurait rejeté le luxe dans lequel sa mère et sa grand-mère l’avaient élevé
au profit du mode de vie laconien traditionnel et n’aurait pas été animé par
l’ambition personnelle : « Il disait qu’il n’avait aucun besoin de la royauté, s’il
ne pouvait par son moyen restaurer les lois et l’agôgè traditionnelle » (Plut.,
Agis, 4, 2). Bien qu’idéalisé, un tel portrait n’est pas en contradiction avec son
action.
La révolution politique
La révolution sociale
C’est qu’il se souciait moins du pouvoir que de la révolution sociale qui
devait sauver Sparte. Son programme, tel qu’il apparaît dans la rhètra
présentée aux gérontes par l’éphore Lysandre (Plut., Agis, 8), comprenait
4 mesures :
1) l’abolition des dettes ;
2) le partage des terres : 4 500 kléroi (dans la vallée de l’Eurotas) pour les
Spartiates eux-mêmes, et 15 000 (à la périphérie) pour les Périèques « qui ont
les moyens de servir comme hoplites » ;
3) l’accroissement du nombre des Spartiates, dont l’effectif sera complété
(anaplèrôsis) (pour atteindre le nombre de 4 500) par « des Périèques et des
étrangers qui ont eu part à une éducation d’homme libre et, physiquement bien
faits, se trouvent dans la fleur de l’âge » ;
4) la répartition en phidities de 400 ou de 200 des Spartiates, qui devront
observer le mode de vie traditionnel.
Étant donné la perte de la Messénie, les nombres sont réduits de moitié par
rapport aux nombres traditionnels. D’autre part, les réformes paraissent
répondre plus à des préoccupations militaires qu’à un éventuel égalitarisme :
puisqu’on redistribue les terres, on aurait pu, ce qui n’est pas le cas, en donner
à tous les hommes libres.
De ce programme, seul le premier point fut appliqué : on apporta sur
l’agora les reconnaissances de dettes (les klaria) 54 , sans doute écrites sur
papyrus, on en fit un tas et on y mit le feu.
L’échec
Mais le partage des terres, et donc l’anaplèrôsis qui en dépend, s’il a bien
été ordonné par les deux rois, n’a pas été réalisé. Pour Plutarque, le retard
serait imputable à l’éphore Agésilas, grand propriétaire endetté, qui avait
intérêt à une abolition des dettes mais non à un nouveau partage des terres.
Cependant, les sources ont trop tendance, pour idéaliser Agis, à faire
d’Agésilas le « vilain » qui « a tout corrompu par amour de la richesse ». Il est
probable qu’outre les difficultés d’application 55 les 600 Spartiates pauvres,
lorsqu’ils eurent recouvré leurs terres hypothéquées, ne souhaitaient plus une
redistribution, qui, compte tenu du nombre des nouveaux citoyens, ne les aurait
pas nécessairement avantagés.
De toute façon, l’impopularité d’Agésilas et l’absence d’Agis, parti
guerroyer au loin, permirent aux adversaires de la réforme de rappeler
Léonidas, qui chassa son successeur Cléombrotos et nomma de nouveaux
éphores. Finalement, Agis est exécuté après un procès expéditif, tandis que
l’éphore Ampharès fait aussi tuer sa mère et sa grand-mère.
L’échec d’Agis a des causes conjoncturelles. Le refus de la violence a
laissé subsister des ennemis dangereux, tandis que, renvoyé par Aratos sans
avoir combattu, le jeune roi n’a pu acquérir la gloire militaire. L’application
trop lente de la réforme n’a pas permis de désigner les 3 800 nouveaux
citoyens, qui l’auraient certainement soutenu. Quant à Agésilas, il s’est rendu
impopulaire en ajoutant un treizième mois pour accroître les taxes et surtout,
en voulant se faire proroger comme éphore et en s’entourant de gardes du
corps, il commence à apparaître comme un tyran.
Mais l’échec s’explique aussi par des raisons générales. Les appuis dont
disposait Agis se sont montrés insuffisants : il s’agirait des jeunes, dont le fils,
très populaire, d’Agésilas, de sa famille, à savoir son oncle, sa grand-mère, sa
mère et sa femme 56 , et de quelques personnalités comme Lysandre et
Mandrocleidas. En face, on trouverait, selon Plutarque, les riches, la majorité
des gens âgés, encore que la gérousie fût restée partagée 57 , la grande majorité
des femmes, qui détenaient une grande partie des richesses et n’étaient guère
sensibles à l’idéal guerrier d’Agis, enfin, bien sûr, Léonidas, qui n’appréciait
guère son jeune rival, tenait au luxe royal et avait une conception différente de
la Sparte de Lycurgue. Mais, ce qui fit pencher la balance, ce furent les 700
citoyens, dont l’attitude avait varié : Agis avait réussi à faire élire Lysandre et
voter ses projets, mais, l’année suivante, le peuple élut des éphores qui leur
étaient hostiles. La chose peut sans doute s’expliquer par la puissance sociale
des adversaires, qui s’étaient ressaisis. Mais, pour qu’on les suivît, il fallait
qu’il y eût dans la réforme elle-même quelque chose qui ne plaisait pas, même
à la majorité des pauvres.
La discussion entre Léonidas et Agis, développée par Plutarque (Agis, 10)
est à cet égard éclairante. Les rois se réfèrent tous deux à Lycurgue mais en
tirent des leçons contradictoires. Léonidas rappelle que Lycurgue n’avait
jamais aboli les dettes ; Agis, qui se fonde, lui, sur l’esprit des institutions,
assure au contraire que Lycurgue, ayant banni la monnaie, avait du même coup
banni les prêts et les dettes. Mais, il y a plus grave, loin d’accorder la
citoyenneté à des étrangers, Lycurgue avait incité la cité à pratiquer l’expulsion
des étrangers (xénélasie) 58 et Agis a beau répondre que Lycurgue était moins
hostile aux étrangers qu’à l’importation de mœurs étrangères, l’accroissement
du nombre des citoyens posait un problème pour les anciens citoyens, qui
allaient devenir une minorité (700 sur 4 500) et devraient partager les terres
avec les nouveaux venus 59 . Si l’anaplèrôsis paraissait indispensable à Agis
pour retrouver le modèle lycurguien et rendre à Sparte sa puissance, le long
conservatisme spartiate demandait des réformes trop brutales (multiplier par
6,5 le nombre des citoyens) pour être acceptées facilement, d’où l’inquiétude
des uns et la déception des autres.
La chute d’Agis marque une aggravation brutale des luttes civiles : c’est la
première fois depuis le lendemain des guerres médiques qu’un roi est mis à
mort. Elle n’amène pas un rétablissement du régime traditionnel, puisque, Agis
n’ayant pas été remplacé, il n’y a plus qu’un seul roi, qui laisse gouverner les
éphores.
Rien n’indique qu’on soit revenu sur l’abolition des dettes : si, quatorze
ans plus tard, Cléomène prend la même mesure, ce n’est qu’un élément
secondaire de ses réformes et il peut s’agir de nouvelles dettes. De toute façon,
la confiscation des biens d’Agis et de ses partisans en fuite aurait permis
d’indemniser au moins certains créanciers.
Les luttes intestines ont affaibli Sparte au point que, vers 240, une
expédition en masse des Étoliens, censée rétablir les partisans d’Agis, put
ravager impunément la Périoikis en faisant de nombreux esclaves 60 .
CLÉOMÈNE III
Le fils de Léonidas, né vers 257, avait, à l’instigation de son père, épousé,
tout jeune encore, Agiatis, la riche veuve d’Agis. Sous l’influence de sa
femme, dont il était tombé amoureux, et malgré l’attitude de son père 61, il fut
tenté de reprendre l’œuvre d’Agis. Le philosophe stoïcien Sphairos influença
aussi le jeune roi, qui accéda au pouvoir en 235 (ou 237) à environ vingt ans,
au moment où Mégalopolis rejoignait la ligue achéenne.
Contrairement à celui d’Agis, son règne fut marqué par la guerre,
notamment, de 229 à 222, la longue guerre, dite guerre cléoménique, contre la
Ligue achéenne. Ses victoires et le commandement des troupes, notamment de
mercenaires, facilitèrent son coup d’État. La guerre ouvrit aussi à son action
des perspectives différentes : Agis avait en vue une Sparte harmonieuse et
vertueuse à la Lycurgue, Cléomène veut avant tout une Sparte forte, la
révolution devant accroître la puissance de la cité et lui permettre de recouvrer
l’hégémonie sur le Péloponnèse.
Si l’on en croit le programme qu’il aurait exposé à Mégistonous, le mari
de sa mère (Plut., Cléomène, 7, 1), il voulait, après s’être débarrassé des
éphores (condition préalable pour ses réformes), établir l’égalité à Sparte et
lui permettre d’accéder à l’hégémonie sur la Grèce.
La révolution politique
Il lui fallait avant tout écarter les éphores, qui exerçaient l’essentiel du
pouvoir : « lui-même n’avait que le nom de prince régnant (basileuontos),
alors que tout le pouvoir (archè) revenait aux éphores » (Plut., Cléomène, 3, 1),
qu’il avait même dû corrompre pour qu’on lui votât une expédition (6, 1). En
227, il réussit un coup d’État en combinant la ruse et la force. Il profita en effet
de ce que les citoyens qui s’opposaient à lui étaient en expédition pour revenir
avec des mercenaires et assassiner les éphores 62 ainsi qu’une dizaine de leurs
partisans. Il proscrivit aussi 80 citoyens, nombre considérable, si l’on songe
qu’il n’y avait toujours que 700 citoyens et que les proscrits avaient des
chances d’appartenir aux cent plus riches.
L’abolition de l’éphorat est déjà matérialisée par la suppression de 4 de
leurs 5 sièges, Cléomène se réservant le cinquième, en tant que symbole et
centre du pouvoir. C’est aux éphores qu’est consacré presque tout le discours
justificatif que Plutarque (Cléomène, 10, 2-11) lui fait prononcer devant
l’assemblée. Il critique le pouvoir usurpé qui leur a permis d’aller « jusqu’à
chasser des rois et à en tuer d’autres sans jugement », allusion évidente à la
mort d’Agis. Il va ainsi plus loin que celui-ci : pour Agis les deux rois unis
l’emportaient sur les éphores 63 ; pour Cléomène, les éphores ne sont que des
subordonnés des rois, que ceux-ci ont créés et peuvent donc supprimer.
Affectant de revenir au régime de Lycurgue, Cléomène rétablit la double
royauté mais de façon purement nominale, car, au mépris de la règle séparant
les deux dynasties, il nomma roi son propre frère.
Plus durable fut la création des patronomes 64 , terme qui signifie
probablement « ceux qui administrent (et donc protègent) les traditions ». Au
siècle suivant, ces patronomes, dont l’un est éponyme, seront au nombre de 6.
Leur création est connue par Pausanias (II, 9, 1) : Cléomène, « ayant détruit la
puissance (kratos) de la gérousie, établit à leur place ceux qu’on appelle les
patronomes ». On ne sait comment la puissance de la gérousie a été ainsi
détruite : ses attributions ou son recrutement ont pu être modifiés et la
nomination à vie, abolie ; de toute façon, un grand nombre de gérontes
devaient figurer parmi les 80 exilés. Cependant, l’auteur n’évoque pas
expressément la suppression de la gérousie, qu’on retrouvera plus tard sans
qu’il soit jamais fait mention de son rétablissement. Mais, pour que les
patronomes se substituent à elle, il faudrait qu’elle eût été supprimée.
L’expression de Pausanias, « à leur place », peut sans doute, en vertu d’un
accord par le sens, renvoyer à la gérousie, mais comment cinq ou six
patronomes sauraient-ils se substituer à un conseil de 28 membres ? Il est plus
naturel de voir en eux des remplaçants des éphores : ou Pausanias, dans son
rapide résumé, a fait une confusion, ou bien, dans une phrase un peu longue,
« à leur place » renverrait non au singulier « la gérousie » mais au pluriel
employé un peu plus haut « les éphores en fonction » (tôn éphoreuontôn). En
tout cas, pour éviter qu’ils ne soient tentés de jouer le même rôle que les
éphores, on a évité de leur donner le même nom et, étant donné les théories de
Cléomène sur l’origine des éphores, il y a toute chance que les patronomes
aient été nommés par le roi.
La suppression de l’éphorat est un changement assez important par rapport
à la Sparte traditionnelle pour que, s’ajoutant à la prise du pouvoir par la
violence, elle ait valu à Cléomène la réputation de tyran. Pour Polybe (II, 47,
3), Cléomène avait « détruit le régime ancestral (to patrion politeuma) et
changé en tyrannie la royauté fondée sur la loi (ennomon) », tandis qu’à sa
chute Antigone Doson rétablit « le régime ancestral » (II, 70, 1, et IX, 36, 4).
L’historien utilise même l’exemple des rois de Sparte dans un discours où
Philippe V fait la morale à ses fils divisés : « Ils ont conservé à leur patrie
l’hégémonie sur les Grecs aussi longtemps qu’obéissant aux éphores comme à
des pères ils ont accepté de régner conjointement mais, quand, dans la
discorde, ils ont tranformé le régime en pouvoir personnel (monarchia), alors
ils ont fait éprouver à Sparte tous les maux possibles » (XXIII, 11, 4-6). Quant
à Tite-Live, qui s’inspire très probablement de Polybe, il voit en Cléomène « le
premier tyran de Lacédémone 65 » (XXXIV, 26, 14), tandis que Pausanias (II, 9)
fait de lui un émule du régent Pausanias, qui a, contrairement à celui-ci, réussi
à satisfaire son aspiration à la tyrannie.
La révolution sociale
76
DE CLÉOMÈNE À NABIS (222-207)
81
NABIS (207-192)
Politique extérieure
CONCLUSION
1. Pour Aristote, la défaite de Leuctres a servi de révélateur, cf. Politique, VII, 14 , 1333b 21-23 :
« Il est évident, attendu que maintenant le pouvoir impérial (archè) n’est plus aux mains des
Laconiens, qu’ils ne sont pas heureux et que leur législateur n’est pas bon » ; cf. Ed. Lévy, « Le
régime lacédémonien dans La Politique d’Aristote : une réflexion sur le pouvoir et l’ordre social
chez les Grecs », in M. Mollin éd., Images et Représentations du pouvoir et de l’ordre social
dans l’Antiquité, Paris, De Boccard, 2001, p.57-72.
2. Sparte perdit ainsi, au nord, l’Aegytis, la Belminatis, la Skiritis, la Caryatis et la Thyréatide, à
l’ouest, la Denthéliatis et la côte nord-est du golfe de Messène, et, à l’est, la côte orientale de
la Laconie jusqu’à Prasiai.
3. Cf. G. Marasco, Sparta alle inizi dell’età ellenistica : il regno di Areo I (309-265/4), Florence,
Cooperativa Libr. Univ. Studii Fiorentini, 1980.
4 . Cf. Ed. Will, Histoire politique du monde hellénistique (323-30 av. J.-C.), I, Annales de l’Est
2
30, Nancy, 1979 , p. 219-231 (p. 219, la date de 276 n’est qu’une faute d’impression pour 267).
5. On voit ainsi, à l’instar d’Agésilas II en Égypte, servir à l’étranger des rois ou des héritiers
présomptifs comme Archidamos III, à Tarente, Acrotatos, le fils de Cléomène II, à Agrigente et
à Tarente ou Cléonymos, à Tarente.
6. Voir G. Schepens, « L’apogée de l’archè spartiate comme époque historique dans
e
l’historiographie grecque au début du IV siècle », Ancient Society 24 (1993), p. 169-204 .
7. Cf. aussi Plut., Agis, 3, 1, Lyc., 30, 1, Lys., 2, 6, et Paus., IX, 32, 10.
8. Soit 1 000 talents convoyés par Gylippe (Plut., Nicias, 28, 4 ), auxquels s’ajoutent les 4 70
talents du reliquat des tributs de Cyrus et du butin (Xén., Hell., II, 3, 8) ; Diodore, XIII, 106, 8-9,
faisant apporter 1 500 talents par Gylippe, a peut-être additionné à tort les deux nombres ; cf.
aussi E. David, « The influx of money into Sparta at the end of the fifth century », Scripta
classica Israelica 5 (1979-80), p. 30-4 5.
9. Il s’élèverait à plus de 1 000 talents par an selon Diodore XIV, 10, 2, mais aucune autre source
ne confirme ce nombre, qui paraît douteux.
10. La somme se déduit de la dîme consacrée à Delphes, cf. Xén., Agés., I, 34 , et Hell., IV, 3, 21, et
Plut., Agés., 19, 4 .
11. Cf. St. Hodkinson, « Spartan Society in the fourth century : Crisis and continuity », in P. Carlier
e
éd., Le IV Siècle av. J.-C. Approches historiographiques, Paris, De Boccard, 1996, p. 85-101.
12. Ce n’est pas l’argent ni la cupidité qui sont responsables du conservatisme des Spartiates en face
de la tactique révolutionnaire d’Épaminondas ; ils expliquent donc non la défaite de Leuctres,
mais peut-être pourquoi Sparte n’a pas su se réformer en luttant contre l’inégalité qui, selon
Aristote, la mine de l’intérieur.
13. Cf. P.J. Rhodes, « In defence of the Greek historians », Greece and Rome 4 1 (1994 ), p. 157-
158.
14 . Gylippe lui-même y aurait succombé en détournant 30 talents (Plut., Nicias, 28, et Lys., 17) – et
non 300 comme dans le texte de Diodore (XIII, 106, 9) – et aurait été condamné à mort.
15. On trouve un compromis comparable dans les Lois de Platon (V, 74 2a-c), où la possession de
monnaies étrangères est punie d’une amende.
16. Cf. l’interdiction de le faire imposée aux vaincus de Sphactérie, supra, p. 4 9, ou l’allusion au
marché au fer, supra, p. 137.
17. Cf. Thuc., I, 80, 4 , où le roi Archidamos note que ses concitoyens ne sont pas disposés à verser
de l’argent (chrèmata) en le prenant sur leurs biens propres, ce qui montre bien qu’ils en
possédaient ; cf. aussi Aristote, Politique, II, 9, 1271b 10-15.
18. Platon, République, VIII, 54 8a-b ; cf. aussi Alcibiade majeur, 122d-123a.
19. Voir sur cette rhètra, dont l’authenticité est discutée, D. Asheri, « Sulla lege di Epitadeo »,
Athenaeum 39 (1961), p. 4 5-68, J. Christien, « La loi d’Épitadeus : un aspect de l’histoire
économique et sociale de Sparte », Revue historique de droit français et étranger 52 (1974 ),
p. 197-221, G. Marasco, « La retra di Epitadeo e la situazione sociale di Sparta nel IV secolo »,
L’Antiquité classique 4 9 (1980), p. 131-14 5, E. Schütrumpf, « The Rhetra of Epitadeus : A
Platonist fiction », Greek, Roman and Byzantine Studies 28 (1987), p. 4 4 1-4 57 et les articles
d’Ed. Lévy et de St. Hodkinson cités infra, n. 21 et 22.
20. Quand il s’en écarte, par exemple à propos de la kryptie, il le signale expressément, voir supra,
p. 64 .
21. Je me permets de renvoyer à mon article, « Le régime lacédémonien dans La Politique
d’Aristote », p. 57-72, dont je reprends ici les conclusions.
22. Voir St. Hodkinson, « Land tenure and inheritance in Classical Sparta », Classical Quarterly n.s.
36 (1986), p. 378-4 06, et Property and Wealth in Classical Sparta, Londres, Duckworth,
2000, p. 65-112.
23. Cf. supra, supra, supra et supra.
24 . Cf. L. Moretti, Olympionikai. I vincitori negli antichi agoni olimpici, Ac. naz. dei Lincei, sc.
moral., memorie, VIII, 2, Rome, 1957, « Supplemento al catalogo degli Olympionikai », Klio
52 (1970), p. 295-303, et in W. Coulson et H. Kyrieleis éd., Proceedings of an International
Symposium on the Olympic Games, Athènes, 1992, p. 119-128.
25. Le terme indiquait le manque de citoyens.
26. Cf. Aristote, Pol., II, 9, 1270a 33-34 : « La cité n’a pas supporté une seule défaite mais a
succombé à cause de l’oliganhropie. »
27. Il est prédominant pour A. Fuks, « The Spartan citizen-body in Mid-Third Century B.C. and its
enlargement proposed by Agis IV », Athenaeum 40 (1962), p. 24 4 -263.
28. De même, après cette bataille comme après celle de Mégalopolis (Diodore, XIX, 70, 5), les
survivants n’ont pas été dégradés.
29. Par exemple, les 300 morts de Stényclaros, Hdt., IX, 64 .
30. Les autres sont exposés.
31. Voir le mercenaire lacédémonien Xanthippos, qui « avait eu part à l’agôgè laconienne » et à qui,
en 255, les Carthaginois confient le commandement de leurs troupes, Polybe, I, 32.
32. Le luxe n’est pas réservé à la syssitie royale, car Phylarque souligne qu’Areus et Acrotatos ont
été dépassés de beaucoup en magnificence par d’autres Spartiates de leur époque.
33. Si les 4 00 morts comprenaient l’ensemble des 300 Hippeis, sur les 4 00 Spartiates restants, seuls
100 seraient morts à leur poste conformément à l’éthique spartiate.
34 . Xén., Hell., I, 6, 5 : « Envoyé par la cité à la tête de la flotte, que puis-je faire d’autre que
d’exécuter les ordres le mieux que je pourrai ? », ce à quoi, parmi les Lacédémoniens présents,
« personne n’osa rien dire que d’obéir à la patrie et de faire ce pourquoi il était venu », I, 6, 6 ;
de même, en I, 6, 8, il commence son discours aux Milésiens en affirmant : « C’est pour moi,
Milésiens, une nécessité (anangkè) d’obéir aux magistrats de la patrie. »
35. Cf. aussi, chez Plutarque, Lys., 5, 7 - 7,1, le portrait élogieux de Callicratidas : « le meilleur et
le plus juste de tous les hommes », qui « avait des pensées (sc. panhelléniques) dignes de
Lacédémone et pouvait rivaliser en justice, en grandeur d’âme et en courage avec les plus grands
des Grecs ».
36. Comme il est normal pour un éromène.
37. Le terme idios revient plusieurs fois à son propos, cf. Xén., Hell., II, 1, 14 , 3, 8, et 4 , 29.
38. Cf. supra et supra ; il a aussi continué à exercer en fait les fonctions de navarque, malgré la loi
qui l’interdisait, cf. supra et supra.
39. Si Lysandre était effectivement un ancien mothax, cette ambition pourrait constituer une réaction à
sa condition initiale.
4 0. On opposera au « pour moi » d’Anaxibios les poèmes de Tyrtée, où la belle mort était proposée
à tous les Spartiates et notamment aux jeunes, et l’exemple des Thermopyles, où les Spartiates se
l’étaient réservée.
4 1. Cf. respectivement Xén., Hell., V, 4 , 57 ; VI, 2, 19 et IV, 3, 2.
4 2. Un apophtegme attribué au roi Cléomène II (370-309) place les coqs vainqueurs au-dessus de
ceux qui « meurent au combat » (Apopth. lac., 224 B-C).
4 3. Cf. aussi Cornelius Nepos, Agésilas, 6, 2, et E. David, « Revolutionary agitation at Sparta after
Leuctra », Athenaeum, n.s. 57 (1980), p. 299-308.
4 4 . La formule prend modèle sur « Philippe (ou Alexandre) et les Macédoniens » et « oublie »
l’autre roi.
4 5. Voir supra, p. 272.
4 6. Cf. surtout B. Shimron, Late Sparta. The Spartan Revolution 243-146, Arethusa Monographs 3,
Buffalo, 1972, L.J. Piper, The Spartan Twilight, New Rochelle (New York), A.D. Caratzas,
1986, et P. Cartledge et A. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta, Londres, Routledge,
1989.
4 7. On se référera surtout à Plutarque, Vie d’Agis et Cléomène, avec le commentaire détaillé de
G. Marasco, Commento alle biografie plutarchee di Agide e di Cleomene, Rome, Ateneo,
1983.
4 8. Ils comprendraient « beaucoup de champs cultivés et de pâturages, sans compter six cents talents
d’argent monnayé », Plut., Agis, 9, 6.
4 9. Cf. aussi Plut., Agis, 12, 1, où Lysandre et Mandrocleidas sont accusés d’avoir, « contrairement
à la loi, voté (psèphisaménois) (entendons « fait voter ») l’abolition des dettes et le partage des
terres ».
50. Ce qui est, bien sûr, le cas, puisque le deuxième roi, le gendre de Léonidas, Cléombrotos a été
nommé à l’initiative d’Agis.
51. Léonidas, revenu au pouvoir, fera de même.
52. Il s’est, selon Plutarque (derniers mots de la Vie d’Agis, 21, 4 ), « montré le plus doux des
hommes » ; cf. aussi Cléomène, 1, 4 , où Cléomène est dit ne pas avoir sa douceur.
53. Plutarque, Comparaison d’Agis et Cléomène et des Gracques, 4 , 1, lui reproche de « s’être
occupé trop mollement de la politique » ; on peut d’ailleurs se demander si c’était vraiment lui
qui avait agi ou s’il ne s’était pas contenté de laisser agir (Lysandre ou Agésilas) en son nom.
54 . Si elles étaient conservées par le créancier, on ne peut être sûr que tout le monde les ait
apportées.
55. Il était plus facile d’abolir les dettes que de confisquer les terres et de les redistribuer
équitablement.
56. Les trois femmes ont un grand poids social du fait de leur richesse.
57. De même, plus tard, seule une fraction acceptera de condamner Agis.
58. Sur ces expulsions, dont la fréquence a été exagérée par la propagande athénienne, cf.
St. Rebenich, « Fremdfeindlichkeit in Sparta ? Überlegungen zur Tradition der spartanischen
Xenelasie », Klio 80 (1998), p. 336-354 .
59. Pour Léonidas et ses partisans, Agis ne donnait pas à Sparte de nouveaux citoyens mais, par ses
mesures sociales, achetait des gardes du corps (doruphoroi) pour lui-même et sa future
tyrannnie, Plut., Agis, 7, 8.
60. Ils auraient emmené 50 000 esclaves selon Plut., Cléomène, 18, 3, nombre sans doute excessif,
même s’il comprend à la fois des Hilotes et des Périèques ; en tout cas, cette expédition avait dû
frapper les esprits, car, après son coup d’État, Cléomène termine son discours en assurant avoir
agi « pour que nous cessions de voir la Laconie, faute de défenseurs, rester la proie des Étoliens
et des Illyriens » ; cf. aussi Polybe, IV, 34 , 9.
61. Ou à cause d’elle, si son père constituait un exemple négatif.
62. Un seul d’entre eux, blessé, réussit à s’échapper.
63. C’est peut-être en fonction de cette théorie que Cléomène aurait rappelé Archidamos, le frère
d’Agis, et essayé de collaborer avec lui avant de le laisser ou de le faire tuer.
64 . Voir B. Shimron, « The original task of the Spartan Patronomoi. A suggestion », Eranos 63
(1965), p. 155-158, et N.M. Kennell, « The size of the Spartan patronomate », ZPE 85 (1991),
p. 131-137.
65. Ce qui implique que pour Tite-Live, et donc vraisemblablement Polybe, Agis IV n’est pas un
tyran.
66. L’expression évoque le prix placé au milieu des concurrents d’un concours ou le butin placé au
milieu des vainqueurs ; il s’agit donc non de propriété collective, mais de biens à partager.
67. Dans le récit de Plutarque, tout a l’air de se faire tout seul par la simple vertu de l’exemple
royal ; de fait, le meurtre ou l’exil des opposants ne devaient pas inciter à résister.
68. Cf. aussi Plut., Cléomène, 18, 2 : il a imité Solon par la remise des dettes et Lycurgue par
l’égalisation des possessions (ktèmata).
69. Voir Plut., Cléomène, 10, 11, où Cléomène annonce qu’il « fait un examen (dokimasia) et une
sélection des étrangers pour que les plus forts d’entre eux, devenus Spartiates, préservent la cité
par les armes », et 11, 3, où l’auteur lui-même précise que Cléomène « compléta le corps
civique avec l’élite des Périèques » ; si les étrangers évoqués dans le premier texte ne se
confondent pas avec les Périèques évoqués dans le second (cf. supra sq.), il peut s’agir, en
dehors de quelques trophimoi, de mercenaires ayant servi sous le roi.
70. C’est ce qu’on peut déduire des 6 000 Lacédémoniens de Sellasie, Plut., Cléomène, 28, 8.
71. Il est peu probable que ceux qui avaient acheté leur affranchissement aient encore dû servir dans
l’armée.
72. C’est une malchance, car, comme le souligne Plutarque, un peu plus tard, Antigone sera obligé
de retourner en Macédoine.
73. Le texte des manuscrits a été corrigé par l’ajout d’un article ; si l’on refuse cette correction, il
faudrait comprendre seulement « beaucoup », ce qui serait insuffisant, Justin, XXVIII, 4 , ne
mentionnant que 4 000 survivants sur 20 000.
74 . Polybe est obligé, sur ce point, de défendre Aratos.
75. Cf. son opposition à Lydiadas.
76. Cf. F. Pozzi, « Sparta e i partiti politici tra Cleomene III e Nabide », Aevum 42 (1968), p. 383-
4 02.
77. Si Sparte est détruite ou trop affaiblie, les Achéens risquent de ne plus avoir besoin des
Macédoniens.
78. Polybe, qui lui est très hostile, prétend qu’il n’était même pas Héraclide, mais que, « en donnant
un talent à chacun des éphores, il était devenu Héraclide et roi de Sparte » (IV, 35, 14).
79. C’est ce qu’on peut déduire du fait qu’en 211 les Romains ont théoriquement traité avec Pélops,
voir le discours de Flamininus, Tite-Live, XXXIV, 32, 1.
80. Première alliance, qui jouera un grand rôle dans toute la suite de l’histoire de Sparte.
81. Cf. notamment B. Shimron, « Nabis of Sparta and the Helots », CPh 61 (1966), p. 1-7,
C. Mossé, La Tyrannie dans la Grèce antique, Paris, PUF, 1969, p. 179-192, J.G. Texier,
« Nabis et les Hilotes », DHA 1 (1974 ), p. 189-205, et Nabis, Annales litt. Univ. Besançon
169, Paris, 1975, A.M. Eckstein, « Nabis and Flamininus in the Argive Revolutions of 198 and
197 B.C. », GRBS 28 (1987), p. 213-233 ; bibliographie détaillée in H. Berve, Die Tyrannis bei
den Griechen, Munich, Beck, 1967, p. 715.
82. Cf. surtout Polybe, XIII, 6-8, et XVI, 13, ainsi que Tite-Live, XXXIII, 4 4, 8-9.
83. Cf. P. Cartledge et A. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta. A Tale of Two Cities, Londres,
Routledge, 1989, p. 67, où Nabis est qualifié de « one of the most remarkable individuals in all
Sparta’s public history ».
84 . On ne voit pas comment, dans les traités avec Rome, Nabis aurait pu figurer autrement qu’avec
le titre de roi ; cf. aussi l’emploi de « royal » (regium) par Flamininus lui-même dans la paix
qu’il imposa en 195 à Nabis, Tite-Live, XXXIV, 35, 4 .
85. Polybe, XVI, 13, qui résume le passage en notant que Nabis a accordé la citoyenneté aux
esclaves (entendons aux Hilotes) et leur a donné en mariage les femmes et les filles de leurs
maîtres, incite, en XIII, 6, à corriger tôn allôn en tôn doulôn.
86. P. Cartledge, in P. Cartledge et A. Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta, Londres,
Routledge, 1989, p. 70.
87. Il y avait donc encore des Hilotes, et on ne peut se contenter d’y voir seulement d’anciens
Hilotes, car, s’ils ont été libérés et ont reçu la citoyenneté, ils n’ont aucune raison de faire
défection.
88. Théoriquement, si Philippe triomphait des Romains, les Spartiates devraient lui rendre Argos,
Tite-Live, XXXII, 38, 2.
89. Il prétendra plus tard à la fois avoir pris Argos à Philippe et l’avoir reçue librement de ses
habitants.
90. A l’exception du fils de Nabis, ils seront libérés dès 190 ; les otages ne constituaient pas
seulement une protection, ils permettaient aussi de donner une formation « romaine » aux
successeurs éventuels.
91. Cf. Polybe, XXI, 32c, Tite-Live, XXXVIII, 33-34 , et Plutarque, Philop., 16, 4 -8.
92. Ils se sont déjà opposés à Rome aux Achéens, probablement en 185, cf. Polybe, XXII, 11-12.
Conclusion
Sparte a toujours intrigué, car elle paraissait quelque chose d’unique dans
le monde grec, à la fois politiquement, socialement et idéologiquement.
Sans doute en avance dans le haut archaïsme avec son assemblée qui avait
le dernier mot et son conseil élu, elle n’avait pas su transformer ses rois en
simples magistrats ni donner pleins pouvoirs, démocratiquement, à
l’assemblée ou, oligarchiquement, à la gérousie : si l’on néglige les Périèques
et surtout les Hilotes, on ne sait comment caractériser le régime, trop
facilement défini comme oligarchique. Cependant, l’accroissement du pouvoir
de fait des éphores, qui s’appuyaient vraisemblablement sur la gérousie, avait
permis un équilibre dynamique qui paraissait à Platon et à Aristote faire la
synthèse des différents régimes et qui suscita l’admiration d’un Polybe. Cet
équilibre empirique se rompit au IIIe siècle en suscitant des troubles pendant
près d’un siècle.
La nature de l’État restait, elle aussi, incertaine. Jean Ducat affirme
nettement : « Sparte est une cité, et Lacédémone quelque chose comme
l’amorce d’un Empire territorial dirigé par elle 1. » Mais, s’il est évident que
Sparte est une cité et que, comme le rappelle le roi Démarate (Hdt. VII, 234),
les Lacédémoniens avaient beaucoup d’autres cités (entendons les cités
périèques), elle fait éclater la notion de cité-État, car il n’existait pour le monde
extérieur qu’un État, l’État lacédémonien, entièrement contrôlé par Sparte et
seul habilité à faire la guerre ou la paix et à conclure des traités. Là aussi, on se
trouvait à un stade intermédiaire : entre l’unification imparfaite de la Béotie
par Thèbes et la transformation par Athènes de toute l’Attique en une seule cité.
La société spartiate était fondée sur un modèle égalitaire, déjà suggéré par
le terme Homoioi, modèle qui séduira et abusera dans l’Antiquité comme à
l’époque moderne. Mais cette égalité théorique entre les Homoioi reposait sur
une grande inégalité, à la fois réelle et constamment réaffirmée, entre les
Hilotes et eux. Même en leur propre sein, l’égalité n’existait et n’était imposée
qu’extérieurement : il y avait toujours eu des différences entre les riches et les
pauvres, et il y en eut de plus en plus ; et, même extérieurement, si
l’aristocratie avait dû renoncer au luxe des funérailles, elle continua à se
distinguer en faisant courir des quadriges à Olympie.
Et surtout, à ce modèle égalitaire s’opposaient l’idéologie aristocratique
de l’arétè et la compétition permanente, organisée par la cité elle-même, pour
le prestige et le pouvoir, à laquelle s’ajoutait de plus en plus le désir de
s’enrichir. Cet esprit de compétition incitait avant tout à rechercher l’estime de
la communauté, mais, dans une société brutale comme Sparte, débouchait
aussi, tout simplement, sur l’affrontement physique. Dès le plus jeune âge, les
enfants étaient incités à la fois à se distinguer aux yeux des adultes et à lutter les
uns contre les autres 2 ; il leur fallait ensuite se trouver un éraste important,
réussir la difficile épreuve de la kryptie ou devenir l’un des Hippeis et, là
aussi, la « bagarre » continuait, puisque ceux qui n’avaient pas été désignés
s’attaquaient aux heureux élus. La compétition ne cessait pas puisque des
Hippeis pouvaient toujours être exclus ou, au moins, être remplacés lors de la
révision annuelle des listes et que seuls les cinq plus âgés avaient l’honneur de
devenir des agathoergoi. Et il fallait toujours s’efforcer d’obtenir éloges et
distinctions pour enfin terminer sa vie comme géronte.
Les Spartiates étaient ainsi en compétition permanente les uns avec les
autres. Cependant, s’il fallait faire mieux que les autres, il ne fallait pas agir
différemment : il est beau de mourir à son poste, mais non de chercher
témérairement la mort 3 , et notamment de sortir du rang pour affronter
l’ennemi. Si l’on doit supporter stoïquement un échec, il est anormal, et donc
suspect, de montrer alors de la joie 4 . C’est que, comme le soulignait le roi
exilé Démarate (Hdt., VII, 104), régnait avant tout à Sparte le nomos, que les
éphores, comme l’indique déjà leur nom de « surveillants 5 », étaient chargés
de faire respecter. Comme Sparte n’avait pas le culte de la loi écrite 6 , le nomos
correspondait plutôt aux normes, usages et règles collectives traditionnelles,
ce qui laissait un grand pouvoir d’appréciation aux éphores 7 et généralisait le
conformisme. Était suspect, voire considéré comme contraire au nomos, tout
ce qui différait de ce que faisaient les autres : les Homoioi devaient tous se
montrer homoioi (semblables). Ils étaient donc amenés à se surveiller 8 et à se
juger constamment les uns les autres : l’esprit de compétition se mettait ainsi
au service du conformisme.
Société inégalitaire qui prônait contradictoirement l’égalité extérieure et
société conformiste qui cultivait la philotimia, Sparte apparaissait ainsi, au
mieux, comme la cité des tensions, au pis, comme celle de l’hypocrisie. Et,
quand le divorce s’accrut entre le modèle et la réalité, l’idéalisation de la
Sparte du passé ne put qu’accroître les divisions et susciter des révolutions.
A l’égard du monde extérieur, Sparte a aussi hésité, entre le repli, au
moins sur le Péloponnèse, et la domination du monde grec. Comme dans le
domaine politique, l’avance relative dont elle avait pu jouir à la fin de l’époque
archaïque paralysa ensuite toute évolution. Elle avait eu assez tôt, dès le milieu
ou, au moins, la seconde moitié du VIe siècle, la meilleure phalange hoplitique
du monde grec et, avec le système d’alliances qu’elle s’était constituée dans le
Péloponnèse, elle paraissait hors d’atteinte de tout État grec : après l’échec des
Perses, sauf pendant quelques années ou décennies du Ve siècle, il n’y eut plus
de menaces extérieures. Mais le danger vint de l’intérieur : l’irrédentisme
messénien et les risques de dissolution de la Ligue du Péloponnèse firent la
faiblesse d’une Sparte dont le nombre des Homoioi s’était dangereusement
réduit.
La prédominance militaire de Sparte autorisait au VIe siècle
l’interventionnisme, d’ailleurs limité, de Cléomène ; l’erreur fatale fut, après
la victoire difficile et imprévue de 404, de s’être lancée dans un impérialisme
démesuré à un moment où la cité souffrait d’oliganthropie et ne se décidait pas
aux réformes indispensables.
Il ne faudrait pas cependant se montrer trop critique. Si l’on se réfère aux
deux critères qu’utilisaient les Grecs pour juger une cité et son régime, Sparte
a bien réussi. D’une part, elle a échappé aux révolutions et aux coups d’État
jusqu’au IIIe siècle, cela parce que, malgré le développement des inégalités et
les ambitions de certains, les Homoioi avaient su préserver leur cohésion.
Celle-ci reposait à la fois sur leur endoctrinement, sur le danger hilote et sur
l’entrecroisement de solidarités partielles fondées sur les classes d’âge
(notamment au cours de l’agôgè) ou la différence d’âge (dans les relations
pédérastiques, les syssities ou les énomoties). Ces liens sociaux ne diminuaient
pas, mais complétaient le rôle des familles 9 et des alliances matrimoniales
avec leurs problèmes de dots et de patrouchoi et les phénomènes de
clientélisme. Ce réseau très dense permit à la société de subsister même quand,
lors du grand tremblement de terre ou, surtout, après Leuctres, tout paraissait
s’écrouler.
D’autre part, grâce notamment à la Ligue du Péloponnèse, qui a duré près
d’un siècle et demi, Sparte a dominé le Péloponnèse pendant près de
deux siècles et a été plusieurs fois la puissance dominante de la Grèce.
Cependant, une seule défaite suffit à l’abattre et, malgré les efforts
d’Agis III, de Cléomène III ou de Nabis, elle ne put jamais recouvrer sa
puissance. Bien plus, le refus de renoncer à la Messénie et la contemplation
d’un passé idéalisé, pour une grande part imaginaire, l’empêchèrent de
s’intégrer dans le jeu des puissances péloponnésiennes et contribuèrent à
susciter la domination romaine.
C’est peut-être justement cette exaltation du passé, inculquée dès le plus
jeune âge, qui est devenue la plus grande faiblesse de Sparte : faisant de son
archaïsme un motif de fierté et un symbole d’excellence, elle n’a su ni
améliorer ses institutions ni rénover sa structure sociale comme l’imposait la
réduction catastrophique du nombre des citoyens de plein droit. Elle a eu, de
même, du mal à s’adapter aux nouveaux modes de combat et ne s’est résolue
que très tard à s’entourer, comme les autres cités, d’une enceinte fortifiée.
Même les révolutions s’y sont présentées comme un retour au passé : les
modernes ont beaucoup parlé du mirage spartiate ou de la légende de Sparte, il
n’est pas sûr que la première victime n’en ait pas été Sparte elle-même.
e
XII s. ? Arrivée éventuelle des Doriens.
e
VIII s. ? Conquête d’Amyclées, Pharis et Géronthrai.
Première guerre de Messénie.
e
fin VIII s. ? Fondation de Tarente.
Peut-être rédaction de la grande rhètra ?
Deuxième guerre de Messénie : 670-657 dans la
e
VII s. chronologie basse de Pausanias, considérée par certains
comme encore trop haute ; poèmes de Tyrtée.
669-68 Défaite d’Hysiai ?
Bataille des champions contre Argos.
e
milieu du VI s. Défaite, puis victoire en Arcadie.
Formation progressive de la Ligue du Péloponnèse.
510 Renversement des Pisistratides.
508 Intervention à Athènes contre Clisthène.
vers 506 « Divorce d’Éleusis ».
505 Premier congrès de la Ligue.
494 Victoire de Sépeia sur Argos.
491 Renversement de Démarate.
490 Arrivée tardive des Spartiates à Marathon.
480 Défaite des Thermopyles ; victoire de Salamine.
479 Victoires de Platées et de Mycale.
vers 470 Mise à mort du régent Pausanias.
464 Tremblement de terre et révolte des Hilotes.
462 Rupture avec Athènes.
Paix de trente ans avec Argos ; paix de cinq ans avec
451
Athènes.
446 Paix de trente ans avec Athènes.
431 Début de la « guerre du Péloponnèse ».
425 Désastre de Sphactérie.
424 Expédition de Brasidas.
421 Paix de Nicias.
418 Victoire de Mantinée.
404 Défaite d’Athènes.
400 Début de la guerre en Asie.
397 (ou 399) Conspiration de Cinadon.
395-386 Guerre de Corinthe.
395 Défaite et mort de Lysandre à Haliarte.
386 Paix d’Antalcidas.
382-379 Expéditions contre Olynthe.
382 Prise de la Cadmée (citadelle de Thèbes).
379 Libération de Thèbes.
371 Défaite de Leuctres.
370-369 Invasion thébaine ; indépendance de la Messénie.
362 Bataille indécise de Mantinée.
*1. Pour les dates de règne, voir l’index ; les dates antérieures au VIe siècle sont sujettes à caution.
Cartes
Athènes et Sparte en 431
e
Source : Edmond Lévy, La Grèce au V siècle, Paris, Éd. du Seuil, « Nouvelle Histoire de l’Antiquité,
2 », 1995, p. 197.
Orientation bibliographique *1
Principales sources antiques
TYRTÉE
Diehl, E., Anthologia lyrica graeca, fasc. 13, Berlin, Teubner, 1949, dont nous
adoptons la numérotation.
Prato, C., Tirteo, Rome, Ed. dell’Ateneo, 1968.
Snell, B., Tyrtaios und die Sprache des Epos, Göttingen, Van den Hoeck et
Ruprecht, 1969.
West, M.L., Iambi et Elegi Graeci ante Alexandrum cantati2, Oxford University
Press, 1992.
ALCMAN
HÉRODOTE
Voir l’édition des Belles Lettres, due à Ph.E. Legrand, où l’on se rapportera
utilement à l’index analytique (voir Δωριέες, Λάκαινα, Λακεδαιμονίοι,
Λάκων, Λακωνική, Πελοποννήσιοι ainsi que Λακεδαίμων et Σπάρτη, et,
dans les Notabilia, γέροντες, εἵλωτες, ἔφοροι, ἱππέες, ἱρέες, περίοικοι,
σuσσίτια, τριηκάς et οί Τριηκόσιοι), ainsi qu’au nom des principaux
personnages historiques, et l’édition italienne de la Fondation Lorenzo
Valla.
Éd. commentées : Macan, R.W., Londres, Macmillan, 1895, 1908, Stein H.,
Berlin, Weidmannn, 1893-1908.
Commentaire : How, W.W. et Wells, J.A., Oxford, Clarendon Press, 1928 2.
Lexique : Powell, J.E., Cambridge UP, 1938 (réimpr. Olms Paperbacks, 1977).
Voir Cragg, K.M., Herodotus’ Presentation of Sparta, diss. Université du
Michigan, 1976.
Vannicelli, P., Erodoto e la storia dell’alto e medio arcaismo (Sparta,
Tessaglia, Cirene), Incunabula graeca XV, Rome, G.E.I, 1993.
Lévy, Ed., « La Sparte d’Hérodote », Ktèma 24 (1999), p. 123-134.
THUCYDIDE
CRITIAS
Diels, H. et Kranz, W., Die Fragmente der Vorsokratiker, II6, 88, Berlin,
Weidmann, 1952, cité DK (A = vie et écrits, B = fragments).
Battegazzore, A. et Untersteiner, M., Sofisti, Testimonianze e Frammenti, IV,
Florence, La nuova Italia, 1962.
Voir, outre la thèse d’État soutenue le 14 février 1998 à l’université d’Aix-
Marseille-I par Emmanuèle Caire sous le titre Critias d’Athènes, sophiste
et tyran,
Centanni, M., Atene assoluta. Crizia dalla tragedia alla storia, Saggi di
antichità e di tradiz. class. 21, Padoue, Esedra, 1997,
Bultrighini, U., Maledetta democrazia. Studi su Crizia, Alexandrie, Éd.
dell’Orso, 1999.
Nemeth, G., « Kritias und die Utopie der Tyrannen », Act. Ant. Hung. 40
(2000), p. 357-366.
Lévy, Ed., « Critias ou l’intellectuel au pouvoir », in Morel, P.-M. et Pradeau,
J.-F., Les Anciens Savants. Études sur les philosophies préplatoniciennes,
Paris, Vrin, 2002, p. 223-244.
HELLÉNIQUES D’OXYRHYNCHOS
XÉNOPHON
PLATON
ARISTOTE
DIODORE DE SICILE
STRABON
PLUTARQUE
Voir surtout, dans les Vies parallèles, les Vies de Lycurgue, de Lysandre,
d’Agésilas et d’Agis et Cléomène ; mais Sparte est aussi évoquée, entre
autres, dans les Vies de Thémistocle, de Périclès, d’Alcibiade, de Pélopidas,
de Philopoemen, de Flamininus, de Pyrrhus, de Cimon et de Nicias. Dans
les Œuvres morales, voir surtout le tome III de l’éd. des Belles Lettres (dû à
F. Fuhrmann), Paris, 1988 : Apophtegmes de rois et généraux et
Apophtegmes laconiens.
• Vie de Lycurgue
Kessler, E., Plutarchs Leben des Lycurgos, Quellen und Forschungen zur alten
Geschichte und Geographie XXIII, Berlin, 1910.
Manfredini, M. et Piccirilli, L., Plutarco. Le vite di Licurgo e di Numa, Milan,
Fondation Lorenzo Valla, 1980.
• Vie de Lysandre
Smits, J., Plutarchus’ leven van Lysander, diss. Amsterdam, 1939.
Bertinelli, M.G.A., Manfredini, M., Piccirilli, L. et Pisani, G., Plutarco. Le Vite
di Lisandro e di Silla, Milan, Fondation Lorenzo Valla, 1997.
• Vie d’Agésilas
Shipley, D.R., Plutarch’s Life of Agesilas. Response to Sources in the
Presentation of Character, Oxford, Clarendon Press, 1997 (514 pages,
avec bibliographie détaillée).
• Vies d’Agis et Cléomène
Marasco, G., Commento alle biografie plutarchee di Agide e Cleomene, Rome,
Ateneo, 1981.
Powell, A., « Spartan women assertive in politics ? Plutarch Lives of Agis and
Kleomenes », in Hodkinson, St. et Powell, A., Sparta. New Perspectives,
Londres, Duckworth, 1999, p. 393-419.
• Apophtegmes laconiens
Santaniello C., Plutarco, Detti dei Lacedemoni (CPM 20), Naples, M. d’Auria,
1995.
Ducat, J., « Pédaritos ou le bon usage des apophtegmes », Ktèma 27 (2002),
p. 13-34.
PAUSANIAS
ELIEN
Histoire variée.
ATHÉNÉE
LES ORIGINES
LES SYSSITIES
LE KLÉROS
Voir, outre les ouvrages généraux sur Sparte :
Cozzoli, U., Proprietà fondiaria ed esercito nello stato Spartano dell’ età
classica, Rome, Istituto italiano per la storia antica, 1979.
Ducat, J., « Le citoyen et le sol à Sparte à l’époque classique », Hommage à
Maurice Bordes, Annales de la Faculté des lettres et sciences humaines de
Nice 45 (1983), p. 143-166.
Hodkinson, St., Property and Wealth in Classical Sparta, Londres, Duckworth,
2000.
LA FEMME
LA RELIGION
LES HILOTES
LES PÉRIÈQUES
Pareti, L., « Ricerche sulla potenza maritima degli Spartani e sulla cronologia
dei nauarchi », Mem. dell’Accad. delle Scienze di Torino, 2, 59 (1908-
1909), p. 71-159 ( = Studi minori II, 1961, p. 1-131).
Sealey, R., « Die spartanische Nauarchie », Klio 58 (1976), p. 335-358.
Carlier, P., La Royauté en Grèce avant Alexandre, Strasbourg, AECR, 1984
[essentiel].
David, E., « The trial of Spartan kings », Revue internationale des Droits de
l’Antiquité, 3 e série 32 (1985), p. 131-140.
Cartledge, P., Agesilaos and the Crisis of Sparta, Londres, Duckworth, 1987.
Shipley, D.R., Plutarch’s Life of Agesilaos. Reponse to Sources in the
Presentation of Character, Oxford, Clarendon Press, 1997.
LES ÉPHORES
GÉROUSIE ET ASSEMBLÉE
LA LIGUE DU PÉLOPONNÈSE
Voir, outre P. Carlier, Le IVe siècle grec jusqu’à la mort d’Alexandre, Paris,
Seuil, « Nouvelle histoire de l’Antiquité 3 », 1995, p. 11-73,
Parke, H.W., « The development of the Second Spartan Empire (405-371) »,
Journal of Hellenic Studies 50 (1930), p. 37-79.
Hamilton, Ch.D., Sparta’s Bitter Victories. Politics and Diplomacy in the
Corinthian War, Ithaca et Londres, Cornell UP, 1979.
–, Agesilaus and the Failure of Spartan Hegemony, Ithaca, Cornell UP, 1991.
Bommelaer, J.F., Lysandre de Sparte. Histoire et tradition, BEFAR 240, Paris,
De Boccard, 1981.
Cartledge, P., Agesilaos and the crisis of Sparta, Londres, Duckworth, 1987.
Schepens G., « L’apogée de l’archè spartiate comme époque historique dans
l’historiographie grecque au début du IVe siècle », Ancient Society 24
(1993), p. 169-204.
CRISE ET RÉVOLUTIONS
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enlargement proposed by Agis IV », Athenaeum 40 (1962), p. 244-263.
Shimron, B., « Nabis of Sparta and the Helots », Classical Philology 61 (1966),
p. 1-7.
Berve, B., Die Tyrannis bei den Griechen, Munich, Beck, 1967.
Pozzi, F., « Sparta e i partiti politici tra Cleomene III e Nabide », Aevum 42
(1968), p. 383-402.
Mossé, C., La Tyrannie dans la Grèce antique, Paris, PUF, 1969, p. 179-192.
Shimron, B., Late Sparta. The Spartan Revolution 243-146, Buffalo, Arethusa
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Texier, J.G., « Nabis et les Hilotes », Dialogues d’Histoire ancienne 1 (1974),
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–, Nabis, Annales litt. Université de Besançon 169, Paris, 1975.
David, E., « The influx of money into Sparta at the end of the fifth century »,
Scripta classica Israelica 5 (1979-1980), p. 30-45.
–, « Revolutionary agitation at Sparta after Leuctra », Athenaeum, n.s. 57
(1980), p. 299-308.
Marasco, G., Sparta alle inizi dell’età ellenistica : il regno di Areo I (309-
265/4), Florence, Cooperativa Libr. Univ. Studii Fiorentini, 1980.
David, E., Sparta between Empire and Revolution (404-243 B.C.). Internal
Problems and their Impact in Contemporary Greek Consciousness, New
York, Arno Press, 1981.
Marasco, G., Commento alle biografie plutarchee di Agide e Cleomene, Rome,
Ateneo, 1981.
Hodkinson, St., « Spartan society in the fourth century crisis and continuity »,
in Carlier, P., éd., Le IVe Siècle av. J.-C. Approches historiographiques,
Paris, De Boccard, 1996, p. 85-101.
Piper, L.J., The Spartan Twilight, New Rochelle (New York), A.D. Caratzas,
1986.
Eckstein, A.M., « Nabis and Flamininus in the Argive revolutions of 198 and
197 B.C. », Greek, Roman and Byzantine Studies 28 (1987), p. 213-233.
Cartledge, P. et Spawforth, A., Hellenistic and Roman Sparta, Londres,
Routledge, 1989.
*1. Dans chaque rubrique, les études sont présentées dans l’ordre chronologique; une bibliographie
plus détaillée est donnée dans les notes de chaque chapitre.
Index
Index des hommes et des dieux *1
*1. Sauf indication contraire, toutes les dates s’entendent avant Jésus-Christ.
Index des toponymes
et des ethniques
Acarnanie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Achaïe et Ligue achéenne, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12-
13, 14, 15-16.
Achéens (anciens), 1-2, 3, 4, 5, 6.
Aegytis, 1.
Agrigente, 1, 2.
Aigaléon (montagne), 1.
Aigos-potamoi (victoire spartiate), 1, 2.
Aithaia (cité périèque), 1.
Ambracie, 1.
Amphipolis, 1.
Amyclées, 1, 2-3, 4-5, 6, 7, 8-9, 10-11, 12, 13, 14.
Anaktorion, 1.
Andana, 1.
Arcadie et Arcadiens, 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11, 12-13,
14-15, 16, 17-18, 19, 20-21.
Argos, 1-2, 3-4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16-17,
18, 19, 20, 21, 22-23, 24, 25, 26-27, 28-29, 30.
Artémision (cap), 1, 2.
Asie, 1, 2-3, 4.
Asinè, 1-2, 3, 4.
Athènes et Athéniens, 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10, 11, 12-13, 14,
15, 16-17, 18, 19, 20-21, 22, 23, 24, 25-26, 27, 28-29, 30-31,
32-33, 34-35, 36-37, 38-39, 40-41, 42, 43, 44, 45, 46-47, 48-
49, 50, 51-52, 53, 54-55, 56-57, 58, 59, 60, 61, 62-63.
Aulis, 1.
Aulon, 1, 2.
Belminatis (région montagneuse au nord de Sparte), 1, 2, 3, 4, 5, 6,
7, 8.
Béotie et Béotiens, 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-14,
15.
Boiai, 1.
Byzance, 1.
Cadmée (citadelle de Thèbes, voir Thèbes).
Cappadoce, 1.
Carthage, 1, 2.
Caryai (cité périèque) et Caryatis, 1-2, 3.
Céphallénie, 1.
Chalcidique, 1, 2, 3, 4, 5.
Chéronée (en Béotie, victoire macédonienne), 1, 2.
Chersonèse de Thrace, 1.
Chios, 1.
Chypre, 1, 2, 3, 4.
Clazomènes, 1.
Clétor (Arcadie), 1.
Cnide, 1.
Compasion (Arcadie), 1-2.
Corcyre, 1, 2, 3, 4.
Corinthe, 1, 2, 3, 4-5, 6-7, 8-9, 10, 11, 12-13, 14, 15-16, 17,
18, 19, 20, 21, 22, 23.
Coronée (Béotie), 1.
Cranies, 1.
Crète, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18, 19, 20-21, 22, 23-24, 25-26, 27.
Cyrène, 1-2, 3, 4.
Cythère, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Décélie, 1, 2.
Délos, 1, 2, 3.
Delphes, 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17, 18.
Denthéliatis, 1, 2.
Dipaia, 1.
Dodone, 1.
Doriens, 1, 2-3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-12, 13, 14, 15.
Dymanés (tribu dorienne), 1.
Égine, 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9-10, 11-12, 13, 14.
Égypte, 1, 2, 3, 4.
Eira, 1, 2,
Éleusis, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
Éleuthérolaconiens, 1.
Élide et Éléens, 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18-19, 20, 21-22, 23, 24, 25.
Épidaure, 1, 2, 3.
Épidaure Liméra, 1.
Érasinos (fleuve), 1.
Étolie et Étoliens, 1, 2, 3-4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11.
Eubée, 1, 2.
Eurotas (fleuve), 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
Géronthrai, 1, 2,
Gortyne (Crète), 1, 2, 3.
Grand Fossé, 1.
Grande Grèce, 1.
Gytheion, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.
Haliarte, 1.
Hellespont, 1, 2-3, 4.
Hélos, 1, 2, 3-4, 5-6, 7, 8.
Héraclée de Lucanie, 1.
Héraclée de l’Œta, 1.
Héraclée du Pont, 1-2.
Héraclée de Siris (colonie de Tarente), 1, 2.
Héraclée Trachinia, 1, 2, 3.
Hylleis (tribu dorienne), 1, 2.
Hysiai, 1, 2.
Illyriens, 1.
Imbros, 1.
Ionie et Ioniens, 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10.
Isthme de Corinthe, 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10.
Italie, 1-2, 3.
Ithôme, 1, 2-3, 4, 5-6.
Konooura (un des villages de Sparte), 1.
Kynourie, 1, 2.
Kyparissia (cité périèque), 1, 2.
Lacédémone, 1.
Lacédémoniens, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
Laconie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13, 14.
Laconien, 1, 2.
Las (cité périèque), 1, 2, 3.
Léchaion, 1.
Lemnos, 1.
Lépréon, 1-2, 3.
Leucade, 1.
Leuctres (Béotie), 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-12, 13-14,
15, 16-17, 18, 19, 20-21.
Limnai (un des villages de Sparte), 1.
Locres (loi de), 1.
Locride, 1, 2.
Macédoine et Macédoniens, 1, 2-3, 4-5, 6.
Makaria, 1.
Malée (cap), 1, 2-3.
Mantinée (Arcadie), 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11-12, 13-14,
15, 16, 17, 18, 19, 20.
Marathon, 1, 2, 3, 4.
Mégalopolis, 1, 2, 3, 4-5, 6-7, 8, 9-10, 11, 12, 13.
Mégare, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9.
Mélos, 1.
Mésoa, 1.
Messène (Italie), 1.
Messénie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18, 19-20, 21, 22, 23, 24, 25-26.
Messéniens, 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10-11, 12, 13, 14, 15,
16, 17, 18.
Méthonè (Mothonè), 1, 2, 3.
Milet, 1, 2, 3.
Mycale (cap), 1, 2.
Mycéniens, 1, 2.
Mytilène, 1, 2-3, 4.
Naupacte, 1.
Nauplie, 1, 2.
Naxos, 1, 2, 3.
Némée, 1, 2.
Oinophyta, 1.
Oinous, 1, 2, 3, 4, 5.
Oion, 1.
Olympie et concours olympiques, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14.
Olynthe, 1, 2, 3, 4, 5.
Orchomène d’Arcadie, 1, 2, 3, 4.
Pamisos (fleuve), 1, 2, 3-4.
Pamphyloi (tribu dorienne), 1.
Paphlagonie, 1.
Parnon, 1-2, 3.
Pellana, 1, 2.
Péloponnèse et Péloponnésiens, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11,
12, 13, 14-15, 16, 17-18, 19-20, 21-22, 23, 24, 25, 26-27, 28,
29-30.
Pergame, 1.
Perses (voir aussi guerres médiques), 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11-12, 13-14, 15, 16-17, 18, 19, 20, 21, 22.
Pharis, 1, 2, 3.
Pharsale, 1.
Phlionte, 1, 2, 3-4, 5, 6, 7.
Phocide et Phocidiens, 1, 2, 3.
Pirée (le), 1, 2.
Pitana, 1.
Platanistas, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9.
Platées, 1, 2-3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-14, 15, 16,
17-18, 19.
Potidée, 1.
Prasiai, 1, 2, 3.
Pylos, 1, 2, 3-4.
Rhodes, 1, 2.
Rome et Romains, 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8-9, 10.
Salamine, 1, 2, 3-4, 5.
Samos, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.
Scythes, 1.
Sellasie, 1, 2.
Sépeia, 1, 2.
Sicile, 1, 2, 3.
Sicyone, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
Skirites et Skiritis, 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8.
Skyros, 1.
Sparte, 1-2, 3, 4-5, 6, 7-8, 9-10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21-22, 23.
Spartiates, 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15,
16.
Sphactérie, 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11.
Stényclaros, 1, 2, 3, 4.
Syracuse, 1, 2.
Tanagra, 1.
Tarente, 1, 2, 3, 4, 5.
Taygète (montagne), 1-2, 3, 4.
Tégée et Tégéates, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-12, 13,
14, 15.
Tempé, 1, 2.
Ténare (cap), 1, 2.
Thalamai, 1.
Thasos, 1, 2.
Thèbes et Thébains, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
14-15, 16-17, 18-19, 20, 21-22, 23, 24-25, 26, 27, 28, 29.
Théra, 1, 2.
Thérapné, 1, 2, 3-4.
Thermopyles, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11.
Thessalie et Thessaliens, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,
13.
Thouria (cité périèque), 1, 2.
Thourioi (en Grande-Grèce), 1.
Thrace, 1, 2, 3.
Thyréatide, 1, 2, 3, 4, 5, 6.
Trézène, 1.
Vaphio, 1.
Index des notabilia
adultère, 1, 2.
affranchissement, 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10, 11, 12, 13.
agathoergoi (ambassadeurs), 1, 2.
agéla, 1, 2-3.
agôgè (éducation spartiate), 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9-10, 11, 12,
13, 14, 15, 16.
aidôs (respect de ce qu’on se doit, sens de l’honneur, pudeur), 1, 2, 3,
4, 5, 6, 7.
aischron, 1, 2.
alliés (voir Ligue du Péloponnèse et Ligue hellénique), 1, 2, 3-4, 5,
6, 7, 8, 9-10, 11, 12, 13, 14-15, 16, 17-18, 19, 20-21, 22-23,
24, 25, 26.
ambassade, 1-2, 3, 4, 5.
ambition, compétition, émulation, 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10-11,
12, 13-14.
amende, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12.
amendement, 1-2, 3-4.
anaplérôsis (compléter le corps civique), 1, 2-3, 4.
andreion (voir syssities), 1, 2.
apellai (voir assemblée), 1, 2.
apophora (versée par les Hilotes), 1, 2.
apophtegme, 1, 2, 3, 4.
archaïsme, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7-8, 9.
archégète (fondateur), 1, 2.
archers, 1.
archontés (chefs), 1, 2.
Aréopage (conseil aristocratique athénien), 1, 2.
arétè (excellence), 1-2, 3-4, 5, 6-7, 8, 9-10, 11, 12.
aristocrates, aristocratie, 1, 2-3, 4, 5-6, 7, 8-9, 10, 11, 12-13,
14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27.
armée, 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16-
17, 18, 19-20, 21, 22, 23-24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32,
33, 34, 35.
assemblée, 1-2, 3-4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13-14, 15-16,
17-18, 19-20, 21, 22, 23-24, 25, 26-27, 28-29, 30-31, 32-33, 34,
35, 36, 37.
autonomia (indépendance), 1, 2, 3, 4, 5, 6-7.
Barbares, 1, 2.
batards (nothoi), 1, 2, 3.
Brasidéiens (Hilotes affranchis), 1, 2-3.
brutalité, cruauté, 1-2, 3, 4, 5, 6.
butin, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
caricature, 1.
cavaliers, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
célibataires, 1, 2, 3.
champions (bataille des), 1.
chasse, 1, 2-3, 4, 5.
chasteté, 1-2, 3-4.
citoyens (astoi), 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12.
civisme, 1, 2, 3.
clientélisme, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
confédération maritime (seconde), 1.
conformisme, conservatisme, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10.
constitution des ancêtres, 1, 2, 3.
corruption, 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11.
cupidité, 1, 2, 3, 4, 5.
décarchie (oligarchie restreinte), 1.
démagogie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
démocratie, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-14, 15,
16-17, 18, 19-20, 21, 22-23, 24, 25, 26, 27.
dettes, 1, 2, 3, 4-5, 6, 7-8, 9.
devin, 1, 2, 3.
Dix-Mille (les) (expédition en Asie mineure), 1-2.
dot, 1, 2-3, 4.
égalité, inégalité, 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-14,
15, 16, 17-18, 19, 20, 21, 22, 23.
enfants (voir aussi paidés), 1, 2.
éphèbes (voir aussi jeunes), 1-2, 3-4, 5, 6-7, 8.
éphore, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13-14, 15, 16-
17, 18, 19-20, 21-22, 23, 24, 25-26, 27-28, 29-30, 31-32, 33, 34-
35, 36, 37, 38-39, 40-41, 42-43, 44, 45, 46, 47.
épibatès, 1.
épistoleus, 1-2, 3.
esclaves, esclavage (voir aussi Hilotes), 1, 2, 3, 4-5, 6-7, 8, 9-10,
11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20.
ethnos, 1, 2, 3.
étranger (voir aussi xénélasie), 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11,
12, 13, 14, 15, 16-17, 18, 19, 20-21, 22, 23.
exil, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10-11, 12-13.
femme, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17-18, 19, 20.
fille (jeune), 1, 2, 3, 4-5, 6, 7.
flotte, 1, 2-3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11-12, 13, 14, 15.
fortifications, 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14, 15.
gérousie, 1-2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16,
17-18, 19-20, 21, 22, 23-24, 25-26, 27-28, 29, 30, 31-32, 33-34,
35, 36, 37, 38-39.
gloire, 1, 2, 3, 4, 5.
guerre et paix, 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19-20, 21, 22, 23, 24, 25.
guerre cléoménique (229-222), 1.
guerre de Chrémonidès (267-262), 1, 2.
guerre de Corinthe (395-386), 1, 2, 3-4, 5, 6.
guerre du Péloponnèse (431-404), 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19-20, 21-22.
guerre lamiaque (323-322), 1.
guerre sociale (220-217), 1-2.
guerres de Messénie, 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10-11, 12, 13, 14.
guerres médiques, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.
Gymnopédies, 1, 2-3, 4.
harmostes, 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10.
hectémores, 1.
héritage (voir aussi patrouchos), 1-2, 3-4, 5-6.
Hilotes, 1, 2-3, 4-5, 6, 7-8, 9, 10-11, 12-13, 14, 15, 16, 17,
18, 19, 20, 21-22, 23, 24, 25, 26-27, 28, 29-30, 31, 32-33, 34-
35, 36.
hippagrète (chef d’Hippeis), 1, 2, 3.
Hippeis (troupe d’élite), 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12-
13.
Homoioi, 1-2, 3-4, 5-6, 7-8, 9, 10-11, 12, 13, 14, 15, 16, 17-
18.
hoplites, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11, 12, 13, 14, 15-16,
17, 18-19, 20, 21, 22-23, 24, 25, 26, 27, 28.
Hyakinthies, 1, 2, 3-4, 5, 6.
hyakinthios (mois spartiate), 1.
idéalisation, 1.
impérialisme, 1, 2, 3, 4, 5, 6-7, 8, 9, 10-11.
Inférieurs (Hupomeiones), 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10-11.
irènes (jeunes Spartiates), 1, 2.
jeunes (voir néoi), 1, 2-3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15, 16, 17, 18.
judiciaire (pouvoir), 1-2, 3, 4-5, 6-7, 8-9, 10, 11, 12.
kalon, ta kala, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7.
kakoi (les lâches), 1, 2, 3, 4.
Karneia (fête spartiate), 1, 2-3.
kléros, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8.
kômè (village), 1.
kosmes (magistrats crétois), 1, 2, 3-4.
kryptie, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8.
leschè, 1.
liberté, 1, 2, 3.
Ligue de Corinthe, 1, 2.
Ligue de Délos, 1, 2-3, 4, 5-6, 7-8.
Ligue du Péloponnèse, 1, 2, 3-4, 5, 6-7, 8, 9-10, 11-12, 13, 14,
15.
Ligue hellénique (de 480), 1, 2, 3.
Ligue hellénique (de 223-222), 1-2.
loi (nomos), 1, 2, 3, 4, 5-6, 7, 8-9, 10-11, 12, 13, 14-15, 16-
17, 18-19, 20, 21.
malédiction, 1.
mariage, 1-2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12.
mercenaires, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8-9, 10, 11-12, 13, 14-15,
16, 17, 18.
métèques, 1, 2.
militaires (unités) (voir aussi armée), 1, 2, 3, 4, 5, 6.
monnaie (voir aussi or et argent), 1, 2, 3, 4, 5-6.
mort et funérailles, 1-2, 3-4, 5, 6-7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,
15.
mort (belle), 1, 2, 3, 4, 5.
mort (condamnation à), meurtre, massacre, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,
10, 11, 12, 13-14, 15, 16-17.
mothakés, 1, 2-3, 4.
mothônés, 1, 2, 3-4.
murs (voir fortifications).
Murs (Longs), 1.
navarque, 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8, 9-10.
néaniskoi, 1, 2, 3.
Néodamodes, 1, 2, 3, 4-5, 6.
néoi (voir aussi jeunes), 1, 2, 3-4, 5-6, 7, 8-9, 10, 11-12, 13.
nudité, 1, 2.
ôbè, ôbai, 1, 2-3, 4, 5, 6.
oliganthropie, 1, 2, 3, 4-5, 6, 7.
oligarchie, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-10, 11, 12-13, 14, 15-16,
17, 18, 19.
oracle (voir aussi Delphes et Olympie), 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9,
10, 11.
or et argent, 1, 2, 3, 4-5, 6.
paidés (adolescents), 1-2, 3-4, 5, 6, 7-8.
paidiskoi, 1-2, 3.
paix commune, 1, 2, 3, 4-5.
paix d’Antalcidas (386), 1, 2, 3, 4, 5, 6.
paix de 1, 2.
paix de Naupacte (217), 1.
paix de Nicias (421), 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
paix de Phœnikè (205), 1.
paix de 404, 1, 2, 3, 4.
paix de Trente ans (451) (entre Sparte et Argos), 1, 2.
paix de Trente ans (446) (entre Sparte et Athènes), 1, 2.
paix du Roi (371), 1.
panhellénisme, 1, 2-3, 4, 5-6, 7.
partage des terres, 1, 2-3, 4, 5, 6-7.
Parthéniai, 1.
patriotisme, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11.
patronomes, 1-2, 3.
patrouchos, 1, 2, 3-4, 5, 6, 7, 8.
pauvres, 1-2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12-13, 14, 15, 16,
17.
paysans, 1, 2-3, 4.
pédérastie (et homosexualité), 1-2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9-10, 11, 12.
pédonome, 1, 2-3, 4.
peithô (obéissance), 1, 2, 3.
peltastes, 1, 2.
Pénestes, 1.
Périèques, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9-10, 11, 12, 13-14, 15, 16,
17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24-25.
peuple, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9.
phidities (voir aussi syssities), 1, 2-3.
phoros (tribut) et contributions, 1, 2-3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11.
phratries, 1, 2.
polémarques, 1, 2.
prêtres, 1-2, 3, 4.
prison, 1, 2-3, 4.
procès, 1-2, 3, 4, 5, 6.
proxénie, 1, 2-3, 4.
Pythie (voir aussi Delphes), 1, 2.
Pythioi, 1, 2, 3, 4-5.
régent, 1.
religion, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14.
rhètra (voir aussi lois), 1, 2, 3, 4-5, 6, 7-8, 9, 10.
rhètra (grande), 1-2, 3, 4, 5, 6-7, 8-9, 10-11, 12, 13.
révolution (voir stasis), 1-2, 3-4, 5-6, 7.
riches et richesse, 1-2, 3, 4-5, 6-7, 8, 9-10, 11, 12.
romaine (époque), 1, 2, 3, 4, 5.
royauté, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7-8, 9, 10, 11, 12, 13, 14-15, 16,
17-18, 19, 20, 21-22, 23-24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31-32, 33-
34, 35, 36-37, 38, 39-40, 41-42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49-50,
51, 52, 53-54, 55-56, 57-58, 59.
sacrifices, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11.
sanctuaire, 1-2, 3-4, 5, 6, 7, 8.
scytale, 1.
secret, 1, 2, 3, 4, 5.
sélection, 1, 2.
serment, 1-2, 3, 4, 5-6, 7, 8, 9, 10, 11.
stasis, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8.
sumbouloi (conseillers), 1, 2.
syssities ou phidities, 1, 2, 3, 4, 5-6, 7-8, 9, 10, 11-12, 13, 14,
15, 16, 17, 18, 19, 20-21, 22, 23, 24, 25, 26.
tombeau (voir aussi mort), 1, 2, 3-4.
tremblement de terre, 1, 2-3, 4, 5, 6, 7.
tremblement de terre (révolte du) (464), 1, 2-3, 4, 5, 6, 7, 8, 9-
10, 11-12.
trésantes (les) (voir aussi kakoi), 1, 2.
tribunal fédéral, 1.
tribus, 1, 2, 3, 4, 5-6, 7.
trophimoi, 1, 2-3, 4, 5.
truphè (luxe), 1-2, 3, 4, 5, 6.
tyrans et tyrannie, 1, 2, 3, 4, 5-6, 7-8, 9, 10-11, 12, 13, 14,
15-16, 17-18.
veto, 1, 2, 3.
vieillesse, 1, 2, 3, 4-5, 6, 7, 8, 9, 10-11, 12, 13, 14, 15.
vin et ivresse, 1, 2.
vol, 1-2, 3, 4.
vote, 1, 2, 3-4, 5-6, 7, 8-9, 10.
xénagoi, 1.
xénélasie (voir aussi étranger), 1, 2.
xoanon, 1-2.