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aux
ÉDITION SPÉCIALE
COMMANDES
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 | WWW.LATRIBUNEAFRIQUE.COM 3
LE TEMPS DU MAROC À
L’HEURE DE L’ÉMERGENCE
B
PAR eaucoup de choses ont été dites sur le réinventer la mobilité, l’énergie, ou encore la sécu-
ABDELMALEK rythme et la qualité du développement rité pour absorber ce double choc.
ALAOUI, CEO, marocain au cours des vingt dernières Bien que majeures, ces deux premières ruptures
LA TRIBUNE AFRIQUE années. Pas assez intense pour certains, peuvent être adressées par la panoplie à disposi-
insuffisamment inclusive pour d’autres, la crois- tion de la puissance publique. En planifiant mieux
sance a ainsi été au cœur de la conversation autour le déploiement et l’organisation de son économie,
ÉDITO
du « modèle marocain » et de ses spécificités. le Maroc peut favoriser l’émergence de nouveaux
Or, la question de l’évolution démographique du pôles de prospérité économique dans les terri-
pays, pourtant essentielle pour comprendre la toires. En intensifiant ses efforts pour améliorer
trajectoire marocaine, a été insuffisamment expli- la collecte de l’impôt et la résorption progressive
quée et adressée par les exécutifs qui se sont suc- du tissu informel, les équilibres de ses organismes
cédés depuis l’avènement de Mohammed VI. En sociaux peuvent être restaurés. Enfin, en poursui-
effet, trois ruptures majeures se sont produites au vant sa politique volontariste en matière de mix
cours des deux dernières décennies, transformant énergétique, les besoins du tissu productif pour-
profondément la société marocaine et l’ouverture ront être adressés.
du pays sur le monde. C’est donc au niveau de la troisième rupture que
La première rupture est l’évolution de la pyra- se situent les défis les plus importants : la modifi-
mide des âges du Royaume, qui ressemble de plus cation profonde de la structure de la société maro-
en plus à celles que l’on peut rencontrer dans les caine. Comme souvent, cette dernière est para-
pays développés, avec une augmentation impor- doxale. D’un côté, l’on constate un repli
tante de la population en âge de travailler et un conservateur. De l’autre, avec l’augmentation du
vieillissement mécanique de l’ensemble, qui nombre de femmes entrant dans le marché du
entrainera une baisse progressive de la population travail et la formidable émancipation de la femme
jeune. A tous les niveaux, ce changement de struc- marocaine, un véritable choc culturel est à l’œuvre.
ture d’une population qui devrait compter 45 mil- Ce dernier était attendu, Youssef Courbage et
lions d’âmes en 2050 constitue un défi majeur Emmanuel Todd ayant prévenu dès le milieu des
pour le pays. Le Maroc devra non seulement amé- années 2000 que la très rapide transition démo-
liorer de manière substantielle l’employabilité de graphique du Maroc allait ouvrir la voie à des
son tissu économique, mais également adresser chamboulements profonds.
les questions majeures de la prise en charge du C’est à l’aune de cette troisième rupture qu’il
troisième âge, de l’équilibre de ses caisses sociales, convient d’abord de lire l’appel lancé par Moham-
et de la solidarité intergénérationnelle qui ne med VI pour imaginer un « nouveau modèle de
pourra plus être dévolue uniquement aux struc- développement » en octobre 2018 à travers la créa-
tures sociales préexistantes. tion d’une commission ad hoc. Cette dernière
Cette première rupture est d’autant plus enga- devra donc trouver les voies et moyens pour por-
geante qu’elle est aggravée par une accélération ter la croissance à un niveau supérieur à 5% par
du déséquilibre territorial, et notamment par l’ac- an, mais également appréhender cette nouvelle
croissement de la mégalopole de Casablanca-Set- donne sociétale en y apportant des réponses d’ave-
tat, qui compte pour 26% dans l’accroissement nir. En bref, le Maroc est en passe de tourner la
démographique du pays. Sachant que la zone page du fameux adage de Lyautey « Au Maroc, gou-
compte déjà pour plus d’un tiers de la croissance verner c’est pleuvoir », pour mettre en phase le
du pays, le Royaume devra obligatoirement en temps du Royaume avec l’heure de l’émergence. n
4 SOMMAIRE LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
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Marie-France Réveillard (Paris) 3 ÉDITO L'ARBITRAGE ROYAL
EN DERNIER RECOURS
8 NUANCES EN CARTE
DIRECTION ARTISTIQUE
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16
DIRECTRICE BUSINESS DÉVELOPPEMENT EST UN ÉLÉMENT D’ÉQUILIBRE »
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et de l’image - Delphine Chëne, directrice
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de la rédaction - Philippe Mabille, directeur
de la rédaction - Aziliz de Veyrinas, vice PRÉSIDENT DE LA CGEM 44 TRANSITION ÉCOLOGIQUE
« LE SECTEUR PRIVÉ ADHÈRE LE ROYAUME, VECTEUR D’UNE
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ROYALE ET S’Y ENGAGE » LE CONTINENT
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 SOMMAIRE 5
56 20 ANS DE RÈGNE
VU D’AILLEURS
UNE AMBITION AFRICAINE
70 LE ROI EN FER DE LANCE DE LA DIPLOMATIE
76 LE LEADERSHIP MONARCHIQUE
DE « L’ISLAM DU JUSTE MILIEU »
78 MGR. CRISTOBAL LOPEZ
« ICI, NOUS NE SOMMES PAS PARFAITS, MAIS
NOUS MARCHONS ENSEMBLE »
48 ENTRETIENS
50
CHRISTIAN DE BOISSIEU
« LE MAROC EST PLUS
RÉSILIENT FACE AUX CHOCS »
TÉMOIGNAGES
POLITIQUE MONÉTAIRE DEUX
62 MOUBARAK LO DÉCENNIES DE STABILITÉ
« LE ROYAUME PEUT CRÉER DES PRIX PAR ABDELLATIF JOUAHRI,
L’ÉMULATION PARMI LES PAYS GOUVERNEUR DE BANK AL-MAGHRIB
AFRICAINS »
65 UN SOUVERAIN QUI ALLIE EMPATHIE ET EFFICACITÉ
72 JEAN-PIERRE PAR MOUSSA MARA, ANCIEN PREMIER MINISTRE DU MALI
RAFFARIN
« LE MAROC SAIT
92 THINK TANK
FAIRE VALOIR
SES INTÉRÊTS À
TRAVERS LE MONDE » DIGITAL, LA BELLE HISTOIRE DES VINGT
DERNIÈRES ANNÉES… ET DES VINGT
84
PROCHAINES PAR JEAN-MICHEL HUET
LES CHAMPIONS 95 LE MAROC, UN MODÈLE D’OUVERTURE
DU SUD MAÎTRISÉE PAR CHRISTOPHER DEMBIK
CES CHAMPIONS 96 VINGT ANS DE PARTAGE DU « SOFT POWER »
AFRICAINS VENUS DU MAROC MAROCAIN AVEC L’AFRIQUE PAR KABINE KOMARA
86 L'ÉPOPÉE DES BANQUES MAROCAINES 97 JUSTICE SOCIALE ET ÉGALITÉ DE GENRE
SUR LE CONTINENT AU MAROC PAR NOUZHA SKALLI
88 CES MAJORS PORTÉES PAR 100 DEUX DÉCENNIES QUI ONT CHANGÉ
LA DYNAMIQUE COLLECTIVE LE ROYAUME PAR AZIZ SAÏDI
6 SUR LE VIF LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
Mohammed VI quittant la
mosquée Ahl Fès à Rabat, juste
après la prière du vendredi 30
juillet 1999, jour de son premier
discours de roi du Maroc.
Crédit photo : Getty Images/ AFP / ABDELHAK SENNA
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 SUR LE VIF 7
8 NUANCES EN CARTE LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
Moins de 10 000
Rabat - Salé - Kénitra Oriental et Rif
10 000 à moins de 13 500
13 500 à moins de 17 000
Casablanca - Settat Fès - Meknès
17 000 et plus
Beni Mellal - Khénifra
Marrakech - Safi
Drâa - Tafilalet
Souss - Massa
Moins de 14 000
14 000 à moins de 16 000 Rabat - Salé - Kénitra
Marrakech - Safi
Drâa - Tafilalet
Souss - Massa
Guelmim - Oued Noun aux DCFM. Cette participation a été respectivement de 11,8%,
11,4%, 11,2% et 7,1%.
Le reste des régions ont contribué pour 18,7% des DCFM, avec
des apports compris entre 0,6% pour la région de Dakhla-
Oued-Ed-Dahab et 7% pour la région de l’Oriental.
Laayoune - Sakia El Hamra
Dans ces conditions, les disparités des dépenses de consom-
mation se sont légèrement atténuées. L’écart absolu moyen
entre la DCFM des différentes régions et la DCFM régionale
moyenne a atteint 30,5 milliards de DH en 2016 au lieu de 30,6
milliards de DH en 2015.
Rapportées à la population, les dépenses de consommation
finale des ménages affichent des niveaux supérieurs à la
moyenne nationale (16 974 DH en 2016) dans six régions. Il
s’agit des régions de Dakhla-Oued-Ed-Dahab (24 158 DH), de
Casablanca-Settat (20 769 DH), de Rabat-Salé-Kénitra
Source: HCP, Comptes régionaux
40000 6 %
35000
5 %
30000
20000 3 %
15000
2 %
10000
1 %
5000
0 0 %
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Encours de la dette extérieure publique (En millions $US) Service de la dette (En millions $US) Coût moyen (%)
900 000
800 000
700 000
Source : Direction du Trésor et des Finances Extérieures.
600 000
500 000
400 000
300 000
200 000
100 000
0
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Encours de la dette intérieure du Trésor (En millions DH) Encours de la dette extérieure publique (En millions DH)
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 GOUVERNAIL 13
90 %
80 %
70 %
50 %
40 %
30 %
20 %
10 %
0 %
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
DES EXPORTATIONS EN CONSTANTE ÉVOLUTION, MAIS DISTANCÉES PAR LES IMPORTATIONS (MDS DE DIRHAMS)
600
500
Source : Direction du Trésor et des Finances Extérieures.
400
300
200
100
0
1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Exportations Importations
14 GOUVERNAIL LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
110
100
95
90
* Nombre d’étudiants de la tranche d’âge
correspondant théoriquement à un niveau
85 d’enseignement donné, exprimé en pourcentage de
la population totale de cette tranche d’âge.
80
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
90
85
80
75
70
65
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
16 GOUVERNAIL LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
90
80
70
60
50
30
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
3,5
2,5
1,5
0,5
0
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
10
8
6
4
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
18 ROUND UP LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
LE STYLE « M6 »
Les vingt dernières années, qui ont vu arriver à la tête du
pays en 1999 un jeune monarque de trente-six ans, ont
connu des parcours et des tournants déterminants qui ont
forgé l’identité contemporaine du Royaume. Traversé sans
cesse par des mouvements contradictoires entre racines
conservatrices, ambition réformatrice et tentation de
réinventer son modèle si particulier, le Maroc déçoit
parfois, étonne souvent, mais ne laisse jamais indifférent.
PAR ABDELMALEK ALAOUI
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 ROUND UP 19
A
nalyser le Maroc des deux dernières
décennies sans parler de Mohammed VI
rendrait l’exercice fortement partiel, tant
le trône et son dépositaire sont consubs-
tantiels du chemin marocain. L’exercice n’est pas
aisé, car vingt années après son couronnement,
la personnalité de Mohammed VI conserve une
part d’énigme, qui ne peut être décodée qu’à
l’aune des réalisations à mettre à son crédit depuis
1999.
Dès son avènement, les analystes - notamment
étrangers - brossent un portrait peu flatteur du
SALAHEDDINE MEZOUAR
Président de la CGEM, ancien
ministre et chef de parti.
et les nouveaux Métiers Mondiaux du Maroc – dynamique et des décisions rapides qui ont aidé à
Nous en voyons les résultats aujourd’hui. préserver notre pays des contrecoups de la crise.
Il s’agissait aussi d’adapter le secteur du
Commerce à l’évolution de la société et du
Le roi
«
En 2010, vous prenez la tête du parti du Rassemblement
consommateur, de développer de nouveaux acteurs Moham- National des Indépendants pour ensuite former une coalition
dans le commerce et la distribution, tout en aidant
le commerce de proximité à s’adapter – d’où le
med VI a de 7 partis en vue des législatives de 2011. Au final, c’est le
parti Justice et Développement qui sort vainqueur de ce
Plan Rawaj. tout de scrutin. Comment avez-vous vécu ce passage à l’opposition ?
Après les élections de 2007, vous restez dans l’exécutif mais Votre retour au gouvernement se fait au ministère des Affaires
cette fois dans l’équipe de Abbas El Fassi en tant que ministre étrangères. Un portefeuille que les spécialistes qualifient de
des Finances. Qu’est ce qui marque cette nouvelle étape « ministère de souveraineté ». Comment se passait la
gouvernementale ? collaboration avec le Cabinet royal en matière de politique
Cette nouvelle étape gouvernementale a d’abord internationale du Royaume ?
été marquée par une logique démocratique, le Sa Majesté le Roi Mohammed VI m’a fait l’immense
Premier ministre nommé a été le secrétaire général honneur de me nommer à la tête du Ministère des
du parti arrivé en tête lors des élections législatives Affaires étrangères et de la coopération. Les
de 2007. orientations de la politique extérieure du Maroc
relève, de part la constitution, des prérogatives du
Y’avait-il une continuité stratégique en ce qui concerne les Chef de l’Etat, donc de Sa Majesté le Roi.
plans lancés par le précédent Exécutif ?
Le gouvernement El Fassi s’est inscrit dans la Quelles étaient les lignes directrices énoncées par le
continuité des actions et des plans lancés par le souverain ?
gouvernement Jettou, plusieurs membres de La politique extérieure du Maroc repose sur des
l’équipe gouvernementale ont d’ailleurs été fondamentaux, paix, sécurité, coopération, non-
reconduits. En ce qui concerne ma nouvelle ingérence et respect de la souveraineté des Etats,
mission à l’Economie et aux finances, j’ai veillé à solidarité, résolutions des conflits par voies
donner plus d’impulsion en dotant toutes les pacifiques, respect du droit et des conventions
stratégies des moyens de leur accélération, mais internationales, respects des droits de l’Homme,
aussi à soutenir le développement territorial, co-existence pacifique des religions, engagement
l’éducation et la santé. pour l’environnement… Mais comme tout pays, la
géopolitique et la géoéconomie occupent
Comment avez-vous géré la crise financière et économique également une place de choix – solidarité Arabe,
internationale de 2008 ? Et quels ont été les orientations soutie n à la question palestinie nne,
royales dans ce sens ? constructionsd’un espace de paix et de prospérité
La mise en place du comité de veille stratégique, à travers l’accord d’association, la diversification
décidé par Sa Majesté, a permis une gestion des alliances et ses partenaires stratégiques, la
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 CONFESSIONNAL 27
coopération Sud-Sud, l’ancrage africain, des liens approche se devait de se traduire dans notre
humains et spirituels, la lutte contre l’extrémisme, espace africain à travers deux dimensions : la
la diplomatie économique comme élément de
rapprochement et de renforcement des liens entre
Sa Majesté dimension économique et la dimension
internationale. Les accords de coopération,
les Etats et les peuples, sont autant d’éléments qui n’hésite pas l’investissement et le partenariat économique, le
cimentent la vision et l’approche royale : la
souveraineté nationale et l’intégrité territoriale
à rappeler retour au sein de notre famille Institutionnelle ont
été la traduction des nombreux accords de
constituent les déterminants forts de notre à l’ordre coopération signés, des investissements et des
politique éxtérieure - Ce sont ces fondamentaux,
ces orientations qui ont guidé ma mission -
quand c’est partenariats économiques engagés.
C’était une période riche, intense, et pleine
nécessaire. d’enseignement – la considération portée par les
En 2016, vous présidez la COP22 de Marrakech. Qu’est ce qui chefs d’Etat et les peuples africains à Sa Majesté
a motivé la volonté d’organiser un événement d’une telle est une véritable fierté nationale.
envergure au Maroc ? Quels en étaient les principaux
objectifs ? En marge de la COP22, un sommet africain sur le Vous êtes depuis mai 2018, à la tête de la CGEM, la principale
climat a été organisé à Marrakech. Quelle en était la portée à organisation patronale du royaume. Quelle est l’importance
la fois symbolique et pratique ? de cette vision royale pour les entreprises marocaines
Il s’agit là d’un engagement international du sachant que nombre de celles-ci se sont développées sur le
Maroc, Sa Majesté est très sensible aux questions Continent ces dernières années ?
de l’environnement depuis qu’il était Prince Le secteur privé adhère pleinement à la vision
Héritier. Le Maroc a organisé la COP7 et s’était royale et s’y engage. Les entreprises Marocaines,
porté candidat pour l’organisation de la COP22 – publiques et privées, ont réalisé des partenariats
Je tiens à rappeler la présence de sa majesté à la et des investissements importants sur le
COP 21, Marquée par la signature de l’Accord de Continent, faisant du Maroc le premier
Paris, pour confirmer l’engagement au plus haut investisseur africain en Afrique de l’Ouest et
niveau du Maroc. second sur le Continent – ceci a permis de
Les défis de la COP22 étaient énormes – Sa développer une connaissance et une expertise
Majesté a voulu faire de cette COP une COP de recherchée aujourd’hui par d’autres investisseurs-
l’Afrique, une COP de l’action pour initier la mise la valeur ajoutée de ces investissements pour ces
en œuvre des engagements de l’Accord de Paris- Je pays n’est plus à démontrer. Il s’agit aujourd’hui
tiens à rappeler que l’entrée en vigueur de l’accord d’ancrer encore plus l’entreprise marocaine dans
s’est faite lors de la COP22- Cette COP a formalisé sa profondeur africaine, particulièrement les PME,
le rôle des acteurs non – étatiques. pour contribuer davantage à l’intégration des
Elle a mis l’accent sur les questions de économies et des acteurs africains- Et c’est à cela
financement, le renforcement des capacités et le que nous nous attelons aujourd’hui.
transfert de technologies. La déclaration de
Marrakech a consacré l’engagement des Etats pour Vous avez été témoin de la collaboration du roi Mohammed VI
l’accélération de la Mise en œuvre de l’Accord. avec 3 de ses chefs de gouvernement. Comment décririez-vous
À l’occasion de cette COP, et pour la Première fois, son style de management ?
l’Afrique a parlé de la même voix. Le Sommet Sa Majesté est très attachée au respect des
Africain de l’Action, présidé par Sa Majesté le Roi, institutions et de leurs prérogatives. Il leur a
a arrêté une position africaine commune et a apporté son soutien avec sa bienveillance
affirmé l’engagement du Continent pour le Climat. légendaire- Il a toujours agi dans le cadre des
prérogatives que lui confère la Constitution – Mais
Le roi Mohammed VI a fait de l’Afrique une priorité stratégique Sa Majesté est exigeant pour tout ce qui touche la
du royaume en impulsant des investissements importants sur dignité et le bien être de son peuple, la
le Continent et en réintégrant les instances panafricaines. A souveraineté et la sécurité de son pays, et n’hésite
partir des fonctions officielles que vous avez occupé, pas à rappeler à l’ordre quand c’est nécessaire. La
comment avez-vous vécu cette inflexion stratégique ? preuve en est la teneur de ses discours. n
Je tiens à rappeler que la coopération Sud-Sud Propos recueillis Par Aziz Saidi
constitue un pilier de la vision Royale – cette
28 SUR LE VIF LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
L'ARBITRAGE ROYAL
EN DERNIER
RECOURS
Sous l’effet du « printemps arabe », le Maroc
s’est doté d’une nouvelle Constitution qui
redéfinit les rapports entre les différentes
institutions. Dans cette redéfinition des
rôles, le roi concède une partie de ses
pouvoirs au reste des acteurs. Décryptage.
PAR IBRAHIMA BAYO JR.
L
e ton est sentencieux, la mine est sérieuse. En
plus du timing, le paralangage solennel confère
au rappel royal la force d’une formule exécu-
toire. Nous sommes le 29 juillet 2016, à la
veille de la fête du trône, l’anniversaire de ses 17 ans
de règne. Ce jour-là, Mohammed VI donne à son
discours la tonalité d’un aide-mémoire à destination
des acteurs politiques, alors en pleine préparation de
la bataille pour les législatives du 7 octobre.
« Ayant la charge de veiller au respect de la Constitution,
au bon fonctionnement des institutions et à la protection
du choix démocratique, je ne participe à aucune élection
et n’adhère à aucun parti. Car moi, je suis le roi de tous
les Marocains, candidats, électeurs et aussi ceux qui ne
votent pas. Je suis également le roi de toutes les formations
politiques, sans discrimination ou exclusion. Comme je
l’ai affirmé dans un précédent discours, le seul parti
auquel Je suis fier d’appartenir, c’est le Maroc », assène
le souverain.
Le raisonnement qui sous-tend ce recadrage tire sa
légitimité de la Constitution de 2011 qui fait que,
souligne encore le discours, le « roi jouit d’un statut
particulier dans [le] système politique ». Figure centrale
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 POLITIQUE 31
l’administration, met en œuvre son programme gouvernemental ou en cas d’écart de celui-ci des choix
gouvernemental et supervise les établissements et démocratiques, le Roi dispose de toutes latitudes pour
entreprises publics placés sous sa tutelle. Le remédier à la situation, en actionnant les instruments
gouvernement dispose de beaucoup de pouvoirs, mais constitutionnels à lui reconnus.
tout dépend du leadership du chef de gouvernement et Au fait, le Roi dispose surtout et par-dessus tout d’un
son équipe. Un chef de gouvernement qui prend sa pouvoir symbolique qui opère souvent parallèlement
mission au sérieux, peut faire beaucoup en appliquant aux mécanismes juridiques prévus par la loi. Lors des
son programme, et même constituer une force débats conflictuels en 2003 entre modernistes et
proposition pour une gestion commune du pouvoir dans traditionalistes au sujet de la Moudawana (Code du
ses dimensions politique et économique. statut personnel, NDLR), il avait pris l’initiative
C’est la léthargie gouvernementale qui semble parfois d’instituer une commission nationale mixte qui proposa
donner raison aux tenants de une loi un an plus tard. Lors
la thèse sur l’efficience de la du « blocage » au sujet de la
monarchie exécutive et Constitution du
l’inanité du système
représentatif. Je ne dis pas que
« Cette fonction gouvernement Benkiran-II, il
a exercé ses pouvoirs pour
la tâche est facile, mais tout
dépend de la personnalité du
d’arbitrage est débloquer la situation, en
nommant le numéro 2 du
chef de gouvernement, de la
crédibilité de son parti et du
également un parti arrivé en tête des
élections législatives de 2016.
capital sympathie dont il
dispose auprès de l’opinion
élément d’équilibre En réponse aux
manifestations d’Al-Hoceima,
publique. Résultat, nous avons
un système bicéphale, dont la
dans une société le Roi avait démis de leurs
fonctions plusieurs ministres
monarchie demeure le pivot
central, même si le chef de
multiculturelle, et hauts responsables pour
manquement à leurs missions.
gouvernement dispose d’un
domaine d’action propre,
pluriethnique et de L’ a n c i e n chef
gouvernement, Abdel-Ilah
de
L’INCLUSIVITÉ
trielle planétaire. Pendant cette même temporalité
également, les défis du pays se sont confirmés et
précisés, ne laissant que peu d’incertitude sur les
faiblesses cruciales auxquelles la politique socioéco-
À L’HORIZON
nomique marocaine doit s’attaquer pour assurer ses
vingt prochaines années de développement.
RATTRAPAGE ACCÉLÉRÉ
« Au cours des quinze dernières années, le Maroc a réa-
lisé des avancées incontestables, tant sur le plan écono-
Pendant les deux dernières décennies, le mique et social que sur celui des libertés individuelles et
royaume du Maroc a progressivement imposé des droits civiques et politiques. Ces avancées se sont
notamment traduites par une croissance économique
sa signature sur les radars de l’économie relativement élevée, une augmentation sensible de la
mondiale, de l’investissement international et richesse nationale et du niveau de vie moyen de la popu-
lation, une éradication de l’extrême pauvreté, un accès
de la chaine de valeur industrielle planétaire. universel à l’éducation primaire et, globalement, un
Pendant cette même temporalité, les défis du meilleur accès aux services publics de base et enfin un
développement considérable des infrastructures
pays se sont confirmés et précisés. publiques. Grâce à ces avancées, le Maroc a pu enclen-
cher un processus de rattrapage économique vers les
PAR OTHMANE ZAKARIA pays d’Europe du Sud », synthétise Jean-Pierre Chauf-
four, dernier économiste principal pour les pays du
Maghreb dans la région Moyen-Orient et Afrique du
«
L
es investissements d’aujourd’hui sont les Nord de la Banque mondiale, au sujet des avancées
profits de demain et les emplois d’après-de- socioéconomiques indéniables réalisées par le
main ». En lançant ces mots, l’ancien royaume.
chancelier fédéral d’Allemagne, feu Hel- Dans un rapport (Le Maroc à l’horizon 2040 : inves-
mut Schmidt, n’avait pas fait la trouvaille du siècle tir dans le capital immatériel pour accélérer l’émer-
passé, mais avait simplement rappelé que la trans- gence économique) qu’il a rédigé au terme de sa
mission des effets d’une politique économique est mission en Afrique du Nord et publié en 2018, l'ex-
un mécanisme de long terme. Pour un économiste, pert observe que le revenu par habitant du Maroc a
vingt ans c’est bel et bien du long terme, suffisam- recommencé à croître plus rapidement au début des
ment en tout cas pour évaluer la politique de déve- années 2000 après la mise en œuvre de plusieurs
loppement économique d’un pays, le royaume du réformes institutionnelles importantes visant à
Maroc en l’occurrence. Et il faut dire, toutes propor- ouvrir la société.
tions gardées, que le bilan de vingt ans de réformes Les révisions de la Constitution en 1992 et 1996 ont
économiques au Maroc, sous l’impulsion du roi en effet amorcé un processus de démocratisation et
Mohammed VI, est sans équivoque positif, malgré de modernisation des institutions publiques à tra-
certains points de fragilité qui persistent. Ce même vers la création d’institutions plus représentatives,
bilan devient même providentiel si l’on prend tout en reconnaissant de nouvelles libertés écono-
comme base de comparaison les vingt années pré- miques, telles que la liberté d’entreprise. Dans la
cédentes. Les douloureuses mauvaises passes des foulée de ces changements constitutionnels et de
années 1980 et 1990 avaient en effet acculé le pays l’impulsion donnée aux réformes par le roi Moham-
à s’astreindre à la « diète » sèche du Fonds monétaire med VI lors de son accession au trône en 1999, des
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 MAROC EN MARCHE EN PARTENARIAT AVEC 39
réformes ambitieuses et de nouvelles lois ont été Maroc a pour ambition en 2020 de faire partie des
adoptées pour libéraliser et ouvrir graduellement 20 plus grandes destinations touristiques mondiales
l’économie, privatiser des entreprises publiques, en accueillant 20 millions de touristes. D’autres
restructurer le système financier, renforcer la gou- exemples de réussites spectaculaires et de projets
vernance publique et l’Etat de droit, et pour garantir ambitieux pourraient être cités. À bien des égards,
un nombre croissant de droits humains fondamen- l’évolution du Maroc fait figure d’exception dans une
taux. Les droits des femmes ont été substantielle- région du monde en proie à de très grandes difficul-
ment renforcés avec la révision unanimement saluée tés politiques, économiques et sociales.
du Code de la famille (Moudawana) en 2004.
Ces évolutions sont riches d’enseignements, mais RÉFORMES ET NON-RÉFORMES
également de promesses, compte tenu des change- En vingt années, l’espérance de vie d’un nouveau-né
ments institutionnels qui se sont poursuivis avec la marocain a gagné près de dix ans, le revenu national
révision de la Constitution en 2011. « Fort de ces avan- brut par tête a progressé de 80 %, gagnant plus de
cées, le Maroc a l’ambition légitime d’atteindre le statut 1 000 dollars sur la période et l’inflation est l’une des
d’économie à revenu moyen élevé et d’accélérer son rat- mieux maîtrisées à l’échelle mondiale. Cette période
trapage économique vers les pays avancés », estime a été également marquée par plusieurs de réformes :
l’économiste. À cette fin, de grands projets structu- réformes du système financier, des finances
rants ont été réalisés ou sont en cours de réalisation, publiques et de la compensation, des entreprises
parmi lesquels on peut citer le port de Tanger-Med, publiques et de la privatisation, du commerce exté-
le réseau autoroutier et une série de stratégies sec- rieur, du marché du travail, les réformes sectorielles
torielles ambitieuses couvrant l’ensemble des sec- et celles du cadre réglementaire et du climat des
teurs de l’économie : agriculture et pêche, énergie et affaires. La génération qui a mûri durant cette
mines, bâtiments et travaux publics, industries période retiendra en revanche les réformes man-
manufacturières et services, notamment le tourisme quées (ou les non-réformes) : celles de l’éducation et
et les technologies de l’information et de la commu- de la santé.
nication. Une autre réforme cruciale est pour sa part à un
tournant stratégique en 2019, celle de la fiscalité. Les
LE NOUVEAU PARADIGME INDUSTRIEL
Un réseau d’écosystèmes s’articulant autour de pro-
jets industriels intégrés émerge aujourd’hui autour
de la valorisation de l’exploitation du phosphate, de QUELS SONT LES PROBLÈMES GÉNÉRAUX
l’agroalimentaire, de l’industrie pharmaceutique, de ET LES PRIORITÉS DE DÉVELOPPEMENT DU MAROC ?
l’automobile, de l’aéronautique et des autres nou-
veaux métiers mondiaux du Maroc. En 2016, l’indus- Éducation
Réduction de la pauvreté
trie automobile marocaine avec le groupe Renault a
Croissance économique
assemblé près de 345 000 voitures avec la perspective
Droit et Justice
prochaine d’atteindre 400 000 voitures. Au début de
Santé
2016, le Maroc inaugure la plus grande centrale
Création d'emplois
solaire thermodynamique du monde et s’est fixé
Lutte contre la corruption
pour objectif de produire plus de 52 % d’énergies
Protection sociale
renouvelables d’ici à 2030. En 2019, le pays lance la Le plus important
Gouvernance
première ligne ferroviaire à très grande vitesse du Développement rural Le deuxième plus important
continent africain. En 2018, le port Tanger-Med est Dévelop. du secteur privé
devenu après son extension le plus grand hub de Intégration globale Le troisième plus important
transit maritime en Méditerranée et en Afrique. En Genre
Source : Banque mondiale, 2014.
GARE À L’ESSOUFFLEMENT !
Au-delà de la stabilité macroéconomique, le principal
défi économique du Maroc à moyen terme est essen-
tiellement lié à sa capacité à générer une croissance
plus forte, durable et solidaire. Ce qui soulève des
questions quant à la vulnérabilité et à la durabilité
de la trajectoire de développement actuelle du pays.
Avec un taux d’investissement supérieur à 30 % du
PIB depuis 2008, le modèle économique marocain
fondé sur la demande intérieure risque de s’essouf-
PHOTO DR.
INFRASTRUCTURES
MOHAMMED VI
LE BÂTISSEUR
Les 20 années de règne du roi Mohammed VI
ont été marquées par des chantiers
d'infrastructures aussi titanesques que MARITIME I
TANGER MED,
structurants. Du port de Tanger Med à la ATOUT LOGISTIQUE MAJEUR
LGV en passant par le joyau qu'est la Il s’agit du grand projet d’infrastructure de début de
règne du roi Mohammed VI, et en 2019, il est toujours
centrale thermo-solaire de Ouarzazate, en constante évolution renforçant encore plus sa
contribution à l’essor de l’économie marocaine. C’est
passage en revue des projets les plus en effet en cette année qu’est mis en service la
seconde partie du mégaprojet, le port de Tanger Med
emblématiques de ces deux décennies. II. Véritable catalyseur logistique des écosystèmes
industriels marocains, de plus en plus ouverts au
PAR OTHMANE ZAKARIA reste du monde, l’infrastructure reste le premier port
du continent africain avec plus de 3,3 millions de
conteneurs EVP traités en 2017. La ligne LGV
Tanger-Casablanca, inaugurée le 15 novembre 2018,
accélère de plus belle la connectivité logistique de ce
pôle économique majeur.
FERROVIAIRE I TANGER -
KÉNITRA - CASBLANCA,
L’AXE À GRANDE VITESSE
Lors de son annonce, le projet n’a pas fait l’unanimité
parmi l’opinion publique marocaine quant à son « utilité
prioritaire » à la socioéconomie du pays. Mais après son
inauguration le 15 novembre 2018 par le roi Mohammed VI
et le président français Emmanuel Macron tous ceux qui
l’ont emprunté s’accordaient sur le précieux avantage
qu’il confère au Pays. En mai 2019, ils étaient déjà plus
d’un million de passagers à en avoir fait l’expérience. Pour
cette infrastructure, la première du genre en Afrique, le
Maroc a mobilisé un investissement de 23 milliards de
dirhams. Il faut dire que le pays a commencé à en
récolter le retour sur investissement avant sa mise en
service, à l’image de l’implantation du constructeur
automobile PSA à Kénitra, pour laquelle l’argument LGV a
été déterminant.
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 MAROC EN MARCHE EN PARTENARIAT AVEC 43
ROUTES I UN RÉSEAU
DE PLUS EN PLUS DENSE
Le réseau routier marocain totalise une longueur de
plus de 57 000 km dont 43.000 km revêtus (76%) et
14.000 km aménagés ou à l’état de pistes (26%). Une
couverture routière qui s’est fortement densifiées
pendant les 20 dernières années, notamment grâce à
au Programme national des routes rurales, qui a
fortement contribué à désenclaver les zones reculées
du Maroc. Les autoroutes, pour leur part, sont
étendues sur 1 800 km et jouent un rôle clé dans le
développement du pays, faisant que 60 % de la
population est directement reliée à ce réseau et 85 %
réside à moins d’une heure d’une autoroute. De même,
toutes les villes de plus de 400 000 habitants sont
rattachées au réseau autoroutier et de nouveaux
tronçons sont régulièrement mis en service par
Autoroutes du Maroc.
ENERGIE I LE TOURNANT
DU RENOUVELABLE
L’un des plus grands projets de cette décennie au
Maroc a été sans doute celui du développement des
énergies renouvelables. Les objectifs du Royaume dans
ce domaine sont très ambitieux : 42 % du mix
énergétique d’origine renouvelable à l’horizon 2020, et
52 % d’ici 2030. Un engagement royal qui a été mis en
lumière durant la COP 22 qui s’est tenue à Marrakech.
En avril 2017, le roi Mohammed VI a procédé au
lancement des travaux de réalisation de la Centrale
Noor Ouarzazate IV le plus grand complexe énergétique
thermo-solaire au monde. Etablies sur 3000 hectares,
les quatre centrales solaires de Noor répondent aux
normes internationales, tant au niveau technologique
qu’environnemental, et sont associées à une
plateforme de recherche et développement sur 150
hectares.
MÉTAMORPHOSE URBANI-
STIQUE ET NOUVELLE MOBILITÉ
Durant les vingt dernières années, les villes marocaines
ont connu une véritable métamorphose, tant au niveau
urbanistique que celui de la mobilité. Les capitales
administratives et économiques du Maroc, Rabat et
Casablanca respectivement, ont été dotées d’un réseau
de tramway, en constante extension. Des infrastruc-
tures devenues essentielles, qui ont changé les
habitudes des citadins. En parallèle, ponts à haubans,
trémies et élargissement de voies sont également venus
relativement soulager l’engorgement chronique dont
souffraient les métropoles du pays. Les villes de
Marrakech et de Tanger ont également été l’objet d’une
attention particulière, cette dernière étant devenue
quasiment méconnaissable tant sa métamorphose
urbanistique a été profonde.
44 MAROC EN MARCHE EN PARTENARIAT AVEC LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
TRANSITION ÉCOLOGIQUE
LE ROYAUME, VECTEUR
D’UNE CROISSANCE DURABLE
POUR LE CONTINENT
Sur les dernières années, le royaume du Maroc a entamé un
processus de mise en place d’une stratégie nationale
d’adaptation au changement climatique avec des impacts
probants sur les volets socio-économique et environnemental.
Aujourd’hui, le Maroc est pris comme référence sur le Continent
à travers son modèle résilient de développement.
PAR SAFAE DERJ* ET THIBAULT CHANTEPERDRIX**
La gigantesque centrale
thermodynamique Noor
(près de Ouarzazate, au
sud-est du pays) est
entrée en service en
février 2016.
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 MAROC EN MARCHE EN PARTENARIAT AVEC 45
A
u début du XXe siècle, la population maro-
caine ne dépassait guère les 5 millions d’ha-
bitants. En un siècle, cet effectif a quintuplé
atteignant les 33,4 millions en 2014. La forte
croissance démographique du Continent s’est
accompagnée d’une forte pression sur les ressources
hydriques, le patrimoine forestier, les littoraux et
l’équilibre des milieux naturels. Loin de s’affaiblir
au cours des prochaines décennies, ces perspectives
constituent une source de préoccupations pour la
durabilité du modèle de croissance marocain.
Conscient de ces enjeux liés au changement clima-
tique et de leurs impacts sur le développement éco-
nomique et social, l’Etat marocain a élaboré une
stratégie participant à la protection de l’environne-
ment.
sera dès son exploitation complète le site solaire thermique à concentration (CSP) le
plus puissant du monde (580 MW). D’autres réalisations sont également projetées, à
l’instar des centrales Midelt I et II, affichant ainsi une dynamique sur le long terme
des acteurs marocains du renouvelable.
46 MAROC EN MARCHE EN PARTENARIAT AVEC LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
prise (RSE), les opérateurs privés sont incités à se ser des solutions à la vulnérabilité de l’agriculture
positionner en faveur de la protection de l’environ- africaine au changement climatique. De même, à
nement, vecteur de durabilité dans leurs lieux d’im- Le dévelop- travers ses ambitieux plans solaires et éoliens,
plantation. Cet engagement présuppose pour les pement de MASEN est en mesure d’accompagner ses parte-
acteurs économiques le développement de solides naires africains en matière de gouvernance et de
capacités de collecte de l’information, d’analyse stra-
cette industrie conduite de partenariats public-privé (PPP) dans le
tégique, de cartographie des risques associés aux marocaine secteur des énergies renouvelables. Le développe-
parties prenantes et pour finir de communication. des énergies ment de cette industrie marocaine pourrait dès lors
Ces capacités deviendront autant d’atouts pour une renouvelables accompagner une capacité coordonnée de green
croissance inclusive et durable sur le territoire natio- diplomacy.
nal et continental. Afin de soutenir cette vision par-
pourrait dès Pilotant déjà le déploiement sectoriel sur un péri-
ticipative au sein du secteur privé, l’Etat a mis en lors accompa- mètre national, MASEN pourrait élargir son champ
place une offre de formation liée à la transition éco- gner une d’action à une mission de coordination mobilisant
logique, au sein de l’Université Mohammed VI capacité coor- toutes les green stakeholders du Continent. Aussi,
notamment. De même, la société civile s’est engagée la poursuite de l’intégration du Maroc dans les orga-
sur cette voie. Pour exemple, la Confédération géné-
donnée de nisations expertes du développement durable, de la
rale des entreprises marocaines (CGEM), faisant green diplo- RSE et du renouvelable aurait un effet majeur sur
suite à la création en 2006 de son label RSE, s’est macy. les perspectives de croissance du Royaume.
attachée à former les cadres de ses entreprises Point de convergence des logiques mondialisées de
membres à la question de la Finance Climat en par- développement durable et fort d’une économie
tenariat avec le PNUD. Plusieurs associations et émergente consciente de ses réalisations, le Maroc
centres de réflexion plus ou moins structurés ont réoriente aujourd’hui son modèle de développement
également vu le jour et visent la sensibilisation et sur le chemin d’une croissance durable et résiliente.
l’émergence d’une culture de la RSE au Maroc. Celui-ci, loin d’être un produit sur étagère, est
amené à s’adapter et à proposer des solutions inno-
LA GREEN DIPLOMACY vantes face aux défis de la transition climatique.
Sur l’échiquier géostratégique, l’enjeu mondialisé de L’Etat marocain entend ainsi fédérer toutes les
l’accès à l’énergie reste un challenge au travers forces vives du pays autour d’un projet de société
duquel le Royaume du Maroc tend à créer une troi- commun, générateur d’interactions vertueuses avec
sième voie. Celle-ci se définit par une dépendance ses partenaires continentaux. Dans cette optique, la
de moins en moins structurelle aux marchés des création d’une culture marocaine de la RSE semble
hydrocarbures et par une prise d’autonomie plus un prérequis pertinent quant au rayonnement du
large vis-à-vis de ses partenaires Sud et Nord. Loin pays sur l’échiquier des nations. Elle sera le complé-
d’être autosuffisant sur la question énergétique, mais ment logique de sa green diplomacy déjà engagée :
fort de sa légitimité à développer une stratégie inclu- le Maroc pourra ainsi passer d’une logique de soft
sive envers ses partenaires du Sud, le Maroc s’est power à un smart power éclairant ses potentialités
imposé, par ses réalisations, comme une référence stratégiques et en mesure d’apporter des réponses
sur le Continent à travers ce modèle résilient de tactiques à sa dynamique économique. n
développement.
Afin de contribuer à l’émergence d’une dynamique
de coopération Sud-Sud sur les questions environ-
nementales, le Maroc s’est proposé de partager avec MASEN, LE PILOTE STRATÉGIQUE
ses partenaires continentaux, confrontés à des
Créée en 2010, l’agence MASEN (Moroccan agency for sustainable energy), société
enjeux similaires, son savoir-faire et ses best-practices privée à capitaux publics, a pour vocation le pilotage de la stratégie marocaine dans
en matière de conduite et de pilotage de projets le secteur des énergies renouvelables. Elle endosse sur le périmètre national trois
durables, comme ce fut le cas dans les secteurs agri- missions principales : le développement intégré d’installations d’énergies renouve-
coles et énergétiques. L’Initiative pour l’adaptation lables aux standards internationaux ; la contribution à l’émergence d’une expertise
de l’agriculture africaine (AAA) portée par l’Etat sectorielle ; et le développement territorial des zones d’implantation selon un modèle
durable impliquant l’économique, l’humain et l’environnemental. Cette vocation natio-
marocain a réuni plusieurs entreprises nationales, nale est appuyée par la mise en œuvre de partenariats intra-africains. MASEN favorise
dont l’Office chérifien des phosphates, le Crédit agri- ainsi l’émergence de stratégies continentales pour un développement endogène et
cole du Maroc et la MAMDA, dans le but de propo- durable de l’Afrique.
48 ENTRETIEN LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
CHRISTIAN DE BOISSIEU
Universitaire et économiste
LA TRIBUNE AFRIQUE : En quoi le Maroc est-il concerné par les turbulences d’effets. Les ripostes de la Chine, mais aussi de l’Europe
actuelles dans l’économie mondiale ? sont et seront importantes pour montrer aux Américains
CHRISTIAN DE BOISSIEU – Avec la mondialisation, nous les limites de l’unilatéralisme et de l’extra-territorialité des
sommes tous dans le même bateau ! Aujourd’hui, le Maroc règles américaines. Un conseil : pas d’angélisme, pas trop
est exposé aux conséquences, directes et indirectes - via de naïveté dans le contexte mondial d’aujourd’hui.
l’impact sur ses principaux partenaires - de la guerre L’économie marocaine reste, comme les autres, fortement
commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, de la « guerre dépendante de la croissance mondiale, des prix du pétrole,
des changes » qui semble reprendre avec le recul de la des taux de change au plan mondial, des taux d’intérêt
devise chinoise, avec un Japon prêt à tout pour améliorer mondiaux qui influent sur les mouvements de capitaux
sa compétitivité-prix,… Sans oublier le Brexit et ses entre les pays avancés et les pays émergents, etc. Il s’agit
multiples incertitudes de calendrier, de contenu même. La là, pour elle, d’éléments exogènes. Le point positif est que,
croissance mondiale devrait ralentir un peu en 2019-2020, grâce aux réformes structurelles engagées depuis 35 ans, le
même si, heureusement, les menaces protectionnistes Maroc est plus résilient qu’avant face aux chocs provenant
proférées par Donald Trump ne sont pas toutes suivies de l’économie mondiale. La contrainte externe demeure
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 ENTRETIEN 49
forte, mais les choix de politiques publiques à l’intérieur compris des diplômés). En tant que Français et compte
jouent un rôle croissant. tenu de nos maigres performances sur ce sujet, je me
garderai bien de donner des leçons en l’espèce…
Vous intervenez au Maroc comme économiste depuis 1985. Quels Néanmoins, force est de constater que le chômage de
changements majeurs ? masse nourrit la fragilité sociale, le populisme et les
Ils sont nombreux et vont dans le sens d’une ouverture et extrémismes. Les marges de manœuvre, forcément
d’une concurrence accrues. Je relève les changements limitées, des politiques publiques doivent être, pour une
structurels intervenus dans beaucoup de domaines, y bonne part, dédiées à la politique de l’emploi.
compris dans la formation des prix - réforme du système Enfin, la question des inégalités ne peut pas être éludée.
de compensation - ou dans le secteur bancaire et financier. Presque tous les travaux empiriques montrent que la
Le Maroc est quasiment sur la « frontière technologique », mondialisation a réduit les inégalités entre pays, grâce aux
peu éloigné des pays avancés en ce qui concerne la phénomènes de « rattrapage », mais qu’elle a eu tendance
révolution digitale. Je salue l’implication du pays dans la à accroître les inégalités à l’intérieur de chaque pays. Le
lutte contre le changement climatique et pour la transition défi à relever nous concerne tous, au nord comme au sud
énergétique, avec en particulier l’accent mis sur les énergies de la Méditerranée, comme dans les autres régions du
renouvelables. Par ailleurs, l’offre d’éducation et de monde. C’est l’exigence d’une croissance plus inclusive,
formation s’est à la fois accrue et diversifiée. Sur ces deux laissant le moins possible de gens sur le bord de la route.
domaines cruciaux pour la compétitivité, l’attractivité et On retrouve ici, pour le Maroc comme partout ailleurs, le
la croissance - les technologies et la formation des talents défi des politiques de développement durable, mais aussi
- des investissements sont réalisés, des incitations sont de redistribution ; comment mieux partager le gâteau sans
mises en place, même si la concurrence avec la Chine, les le réduire, mais au contraire en l’augmentant de sorte que
autres pays d’Asie et d’Afrique, les Etats-Unis, l’Europe,… l’objectif de croissance plus inclusive bénéficie d’un large
va être rude. soutien social et politique ?
Quelles sont selon vous les principales forces et faiblesses de l’économie Le Maroc a-t-il raison de se tourner résolument vers l’Afrique ?
marocaine ? Pour le Maroc, il me paraît indispensable de marcher sur
« Il n’est de richesses que d’hommes », disait Jean Bodin il y a les deux jambes, l’Europe et l’Afrique. L’Europe, car les
bien longtemps. Je suis impressionné par les talents, dans nombreux liens existants, économiques, commerciaux,
des domaines très variés, dont regorge le Maroc. Depuis financiers, culturels et éducationnels bien sûr, ne doivent
trente ans, la politique de diversification a porté ses fruits, pas et ne peuvent pas être « détricoté » brutalement, sous
avec la montée en gamme des productions, le renforcement peine de coûts élevés pour tout le monde ! L’Afrique, car
de la filière automobile et de la filière d’équipements c’est déjà et ce sera de plus en plus le « continent du XXIe
aéronautiques, l’essor du digital, la consolidation de l’agro- siècle », y compris sur la question centrale de la culture et
alimentaire, la croissance des banques et autres institutions de l’éducation, et pas seulement en matière économique
financières… Je veux aussi souligner la crédibilité et le ou démographique.
pragmatisme de Bank Al Maghrib [la banque centrale, Je salue l’ambition des responsables publics et privés
NDLR] - on l’a bien vu avec la flexibilité graduelle et marocains d’avoir fait de leur pays un « hub »
raisonnable du taux de change - ainsi que les mesures, incontournable vers l’Afrique subsaharienne dans beaucoup
nécessaires et compliquées, au Maroc comme ailleurs, de de secteurs, en combinant des aspirations positives et des
consolidation des finances publiques. constats négatifs - les difficultés des autres pays du
A mes yeux, trois défis majeurs sont à relever. D’abord, Maghreb à mettre en œuvre une stratégie panafricaine,
malgré la diversification évoquée, la croissance marocaine pour des motifs différents d’un pays à l’autre. Dans cette
demeure trop dépendante de la pluie qui tombe ou ne stratégie panafricaine, qui ne remplace pas, mais vient
tombe pas. Il faut poursuivre les changements structurels plutôt compléter l’ancrage européen, le Maroc, ses
dans la production pour moins dépendre de la météo. entreprises et ses banques disposent d’une longueur
Constater les performances du côté de la production non d’avance sur la Tunisie et l’Algérie. Tout faire pour
agricole, c’est une chose. Mais pour l’emploi, les recettes conserver cette position de leader et d’éclaireur. Le
fiscales, la base des politiques de redistribution, ce qui renforcement de la place financière de Casablanca fait
compte, c’est la croissance totale. partie des conditions nécessaires, sans être suffisantes, au
Ensuite, il faut prendre à bras le corps le problème du service d’une telle ambition. n
chômage, tout spécialement le chômage des jeunes (y Propos recueillis Par Aziz Saidi
50 TÉMOIGNAGE LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
POLITIQUE MONÉTAIRE
DEUX DÉCENNIES
DE STABILITÉ DES PRIX
D
urant les années 2000, le Maroc a lancé LA POLITIQUE MONÉTAIRE À PARTIR DES
plusieurs réformes d’envergure d’ordre ANNÉES 2000 : LA STABILITÉ DES PRIX
institutionnel, économique et sociétal, COMME PRINCIPAL OBJECTIF
de vastes chantiers d’infrastructure et L’année 2006 a été un tournant stratégique, avec l’adop-
de nombreuses stratégies de développement sectoriel. tion d’un nouveau statut de la Banque centrale, renfor-
Il a pu ainsi accélérer sa croissance économique de çant son indépendance et lui assignant la stabilité des
manière significative et résorber une partie de ses défi- prix comme mission fondamentale. Dans son Article 6,
cits sociaux. il est stipulé ainsi que « Dans le but d’assurer la stabilité
S’inscrivant dans cet élan, Bank Al-Maghrib a opéré plu- des prix, la Banque arrête et met en œuvre les instru-
sieurs tournants dans le cadre de la réalisation de ses ments de politique monétaire ... À cet effet, la Banque
missions notamment en matière de politique monétaire. intervient sur le marché monétaire en utilisant les ins-
Ses statuts ont connu deux refontes majeures, renfor- truments appropriés... ».
çant son autonomie et élargissant ses attributions, en Bank Al-Maghrib, a ainsi adopté une nouvelle approche
ligne avec les meilleurs standards internationaux. Pour basée sur l’évaluation des pressions inflationnistes et
mieux appréhender l’ampleur de ces changements, il des risques entourant les prévisions d’inflation à moyen
conviendrait de les contextualiser dans une perspective terme. Ces analyses étaient supportées par un disposi-
historique et dans le cadre des mutations de l’environ- tif de prévisions permettant d’établir des projections
nement national et international. pour l’inflation et des principaux agrégats macroécono-
Après la création de Bank Al-Maghrib en 1959, la conduite miques.
de la politique monétaire était basée essentiellement Pour ramener l’inflation à sa trajectoire compatible avec
sur des instruments directs tels que l’encadrement du PAR ABDELLATIF l’objectif de stabilité des prix, la Banque utilisait deux
crédit et les emplois obligatoires. Avec l’enclenchement JOUAHRI principaux instruments, à savoir le taux directeur, appli-
du processus de libéralisation économique au début des GOUVERNEUR DE qué à ses injections hebdomadaires sur le marché moné-
années 80, les autorités monétaires ont commencé à BANK AL-MAGHRIB taire, et la réserve obligatoire utilisée pour réguler la
s’orienter vers des approches indirectes, instaurant les liquidité bancaire.
interventions sur le marché monétaire et assouplissant Sur le plan de la mise en œuvre, la Banque s’est fixé
graduellement la réglementation des taux d’intérêt, puis comme cible opérationnelle le taux moyen pondéré sur
abandonnant les contraintes quantitatives sur les le marché interbancaire, dont elle a réussi progressive-
concours bancaires. ment à maîtriser le niveau et à réduire la volatilité.
Les années 90 ont constitué une période de transition En termes de gouvernance, l’action sur les deux instru-
importante dans ce processus. Les statuts de la Banque ments de politique monétaire relève des compétences
centrale de 1993 lui assignaient comme mission de veil- du Conseil de la Banque. Ce dernier se réunit trimestriel-
ler à la stabilité de la monnaie et à sa convertibilité et lement selon un calendrier annuel publié à l’avance.
de développer le marché monétaire. La Banque a ainsi Présidé par le Gouverneur, ses membres sont choisis
maintenu la fixation d’une cible de progression moné- parmi des personnalités reconnues pour leurs compé-
taire annuelle et a entrepris plusieurs mesures dans ce tences en matière monétaire, financière et économique.
cadre, instaurant en particulier à partir de 1995, le méca- Bank Al-Maghrib veille dans le cadre de la réalisation de
nisme de gestion de la liquidité à travers les appels ses missions à garantir une transparence totale de son
d’offres. processus de prise de décision à travers la diffusion d’un
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 TÉMOIGNAGE 51
communiqué de presse annonçant la décision de poli- dans cette conjoncture difficile. Elle a ainsi abaissé son
tique monétaire, du rapport sur la politique monétaire, taux directeur à plusieurs reprises pour le ramener à
ainsi que la tenue par le Gouverneur d’un point de presse partir de septembre 2016 à un niveau historiquement
à l’issue de chaque réunion du Conseil. bas de 2,25%. Elle a réduit progressivement le taux de la
réserve obligatoire qui est passé de 16,5% en 2008 à 4%.
LA CRISE FINANCIÈRE INTERNATIONALE : Face à la décélération du crédit et aux difficultés que
ADAPTATION DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE connaissent les très petites, petites et moyennes entre-
ET ÉLARGISSEMENT DES MISSIONS DE LA prises (TPME), la Banque a lancé plusieurs mesures non
BANQUE conventionnelles dont notamment la mise en place en
La dernière décennie a été marquée par la sévère crise 2012 d’un dispositif de prêts garantis à 3 mois, qui per-
financière et économique qui a débuté en 2008, ainsi met aux banques de se refinancer en contrepartie d’un
que par la forte volatilité des prix sur les marchés des collatéral constitué d’effets privés sur la TPME. Ce méca-
matières premières, notamment le pétrole. Si le système nisme a été renforcé à partir de 2014 par un nouveau
financier marocain a pu démontrer une certaine rési- programme permettant aux banques de bénéficier
lience, l’économie réelle a été d’avances pour une durée d’une
impactée à travers plusieurs année à hauteur des montants
canaux, notamment la demande qu’elles prévoient d’octroyer à
étrangère et les transferts des cette catégorie d’entreprises.
Marocains résidant à l’étranger.
Tirant les enseignements de
A partir du début Ces efforts ont produit des
résultats encourageants, la part
cette crise et tenant compte des
mutations de l’économie et du
des années 2000, la des crédits accordés aux TPME
dans l’encours global du crédit
système financier nationaux,
Bank Al-Maghrib a entrepris plu-
pertinence du bancaire ayant atteint 37% en
2014, une proportion parmi les
sieurs réformes majeures. Ainsi,
en 2015, une nouvelle loi ban-
maintien du régime plus élevées dans la région
MENA.
caire est entrée en vigueur, élar-
gissant le périmètre de la super-
de change fixe était Sur le plan de l’évolution des
prix, l’inflation est revenue d’une
vision bancaire, introduisant les
dispositions régissant les
de plus en plus moyenne annuelle de 4,5% au
cours de la décennie 90 à 1,6%
banques participatives, renfor-
çant les règles relatives à la
remise en question. depuis 2000.
UNE AMBITION
AFRICAINE
L
e 31 janvier 2017 a incontestablement été
une journée historique dans les annales
de la diplomatie marocaine, mais aussi
une nouvelle page dans l’histoire de
l’Union africaine (UA). Ce jour-là à Addis
Abeba, le Maroc retrouvait sa place dans
l’organisation continentale, 34 ans après l’avoir quit-
tée. Trois décennies qui ont été vécus par la majorité
des pays africains comme un non-sens, tant le
Royaume qui avait joué un rôle important, pour ne
pas dire décisif, dans la pose des premières pierres de
l’unité africaine et a contribué à la libération de plu-
sieurs autres peuples du joug du colonialisme.
« Il est beau, le jour où l’on rentre chez soi, après une trop
longue absence ! Il est beau, le jour où l’on porte son cœur
vers le foyer aimé ! L’Afrique est mon Continent, et ma
maison. Je rentre enfin chez moi, et vous retrouve avec
bonheur. Vous m’avez tous manqué ». Ce sont les pre-
miers mots empreints d’une solennelle émotion,
prononcés par le roi Mohammed VI à la tribune du
28e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de
l’UA. Dans son discours tout aussi mémorable, le sou-
verain est revenu certes sur les conditions qui ont
conduit le Maroc à quitter l’institution continentale,
un départ assumé du reste, mais il a surtout justifié
les raisons qui ont fait que pour le Maroc, c’était
l’heure de « rentrer à la maison ». « Au moment où le
Royaume compte parmi les nations africaines les plus
développées, et où une majorité de pays-membres aspirent
à notre retour, nous avons choisi de retrouver la famille,
DÈS SON AVÈNEMENT AU TRÔNE, LE ROI une famille que nous n’avions pas véritablement quittée »,
avait souligné le roi du Maroc, qui a rappelé à l’occa-
MOHAMMED VI A FAIT DE L’AFRIQUE UNE sion l’excellence des relations bilatérales entre le
PRIORITÉ POUR LA DIPLOMATIE MAROCAINE. Royaume et les « pays frères africains », avec qui les
ponts n’ont jamais été coupés. Au contraire, et comme
FORTE D’UN ANCRAGE AFRICAIN CONFORTÉ l’a mis en évidence Mohammed VI, malgré d’absence
PAR D’EXCELLENTES RELATIONS DE du Maroc des instances de l’Union africaine, « nos
liens, jamais rompus, sont restés puissants, et les pays
COOPÉRATION, L’IMPULSION ROYALE QUI S’EST africains frères ont toujours pu compter sur nous : les rela-
TRADUITE PAR UNE NOUVELLE VISION A tions bilatérales fortes ont ainsi été développées de manière
significative ».
PERMIS AU MAROC DE CONFIRMER SA PLACE L’acte symbolique du retour du Maroc au sein de l’UA
CONTINENTALE. UNE AMBITION AFRICAINE a certes une portée historique et si pour beaucoup
d’observateurs, il a constitué une consécration de la
PORTÉE PAR LE LEADERSHIP DU SOUVERAIN
AFP FORUM / MINASSE WONDIMU HAILU / ANADOLU AGENCY
un sérieux déficit. A juste titre, les banques maro- Marocains, « c’est aussi une reconnaissance solennelle de
caines accompagnent les Etats africains dans la mobi- la crédibilité dont le Maroc jouit auprès des frères africains
lisation des financements nécessaires à la réalisation LE PRO- et une preuve éloquente de la place privilégiée qu’ils lui
de leurs programmes de développement, ainsi que les CESSUS DE réservent dans leurs cœurs ». Au peuple marocain, le
stratégies d’émergence pour les plus ambitieux. Les COOPÉRA- souverain a aussi tenu à assurer qu’en réalité, l'orien-
investissements marocains en Afrique n’ont pas seu- tation du Maroc vers l'Afrique ne se fera pas au détri-
lement enregistré une notable hausse, avec une valeur
TION SUD- ment des priorités nationales. « A l'inverse, elle appor-
cumulée de 37 milliards de dirhams entre 2003 et SUD tera une plus-value à l'économie nationale et contribuera
2007, mais ont aussi connu une diversification tant ENCLEN- à renforcer les relations de notre pays avec sa profondeur
géographique que sectorielle. Selon les estimations CHÉ PAR africaine », a expliqué le souverain lors du discours
officielles, l’Afrique concentre en moyenne 60 % des qu’il a prononcé à la veille de son 54e anniversaire, le
IDE marocains et ces flux sont adressés principale-
LE MAROC 21 août 2017. À l’occasion de la fête du trône, le roi du
ment aux pays d’Afrique de l’Ouest (55 %), suivis de « N’EST PAS Maroc est également revenu sur les raisons géostra-
l’Afrique du Nord (25 %), de l’Afrique centrale (15 %) PRÊT DE tégiques de ce choix qui « s'est répercuté directement et
et de l’Afrique australe (5 %). S’ARRÊTER. de façon positive sur la question de notre intégrité territo-
riale, comme en témoignent les positions des pays à ce sujet
UNE OUVERTURE ASSUMÉE IL EST, et les décisions de l'Union Africaine y afférentes ».
Le retour du Maroc au sein l'institution continentale HÉLAS L’Afrique dans le discours, mais aussi l’Afrique dans
a constitué certes un tournant diplomatique majeur POUR CER- les actes. Sous les vingt ans de règne de Mohammed
dans la politique extérieure du royaume sous le règne TAINS, IRRÉ- VI, le Continent a été au cœur de la bienveillance
de Mohammed VI. Dans le discours du trône qu’il a royale, mais aussi de la politique gouvernementale
prononcé le 20 août 2017 et qui a été presque exclu-
VERSIBLE ». qui désormais accorde la même attention aux affaires
sivement consacré à ce retour au sein de l’UA, le roi continentales. Ce qui n’a pas été sans rappeler la
du Maroc a affirmé qu’il est « le début d'une nouvelle contribution du royaume à la lutte pour la libération
étape qui sera marquée par un travail conjoint avec tous des peuples africains, mais aussi à l’ébauche du
les pays africains pour donner corps à un véritable par- panafricanisme dont le Maroc a été l’un des pionniers.
tenariat solidaire et œuvrer ensemble à l'essor de notre
continent et à la satisfaction des besoins des citoyens afri- LE PANAFRICANISME EN HÉRITAGE
cains ». À cette occasion, Mohammed VI a assumé Lorsque le roi du Maroc a officialisé l’intention ferme
l’orientation africaine qu’il a insufflée à l’action diplo- du Maroc de revenir dans « sa famille africaine »,
matique marocaine sous son règne, « surtout au regard Mohammed VI avait estimé nécessaire de rappeler à
des obstacles que certains ont tenté de dresser sur notre ses homologues africains un fait historique qui
chemin ». Pour Mohammed VI qui s’adressait aux témoigne du rôle joué par le Royaume dans la réali-
sation de l’unité et de l’intégration africaine. Avec
humilité et émotion et dans un message lu en son
nom lors du 26e sommet de l’UA de Kigali au Rwanda
AMCI : UN OUTIL DE COOPÉRATION, LEADER DANS en juillet 2016, le roi du Maroc a estimé nécessaire de
LA FORMATION DES TALENTS AFRICAINS rappeler qu’il était le petit-fils de Mohammed V, « qui
L’Agence marocaine de coopération internationale (AMCI) a été créée en 1986 afin de développer, fut l’un des puissants symboles de l’épanouissement de la
d’élargir et de renforcer l’ensemble des relations culturelles, scientifiques et techniques du conscience panafricaine et l’un des artisans les plus enga-
royaume avec les pays partenaires, notamment, dans le cadre de la coopération Sud-Sud. Elle gés, aux côtés des présidents Jamal Abdel Nasser, Ferhat
mène ses multiples actions en étroite coordination avec le ministère des Affaires étrangères Abbes, Modibo Keita, Sekou Touré, Kwame N’Krumah,
et de la coopération et en partenariat avec l’ensemble des départements ministériels et les lors de la Conférence historique de Casablanca de 1961,
établissements publics marocains concernés. Sous le règne de Mohammed VI et conformément
aux directives royales, l’agence a intensifié ses activités sur le Continent à travers plusieurs qui a été annonciatrice d’une Afrique émancipée et fonda-
programmes qui visent à renforcer les compétences africaines. Ainsi entre 1999 et 2019, l’AMCI trice de l’intégration africaine ». C’est aussi comme il l’a
a permis la formation de 23 000 étudiants lauréats africains, originaires de 47 pays du Continent, dit à la même occasion, « en tant que fils de Hassan II,
parmi lesquels 20 000 ont été boursiers du Royaume durant leurs cursus au Maroc. Parallèle- qui a réuni, la même année, la Conférence des Mouve-
ment, 4 400 professionnels du secteur public africain originaires de 42 pays ont bénéficié des ments de libération des colonies sous domination portu-
programmes de renforcement des capacités dans plusieurs domaines. Pour l’année académique
2019, ils sont 11 000 étudiants africains originaires de 47 pays qui suivent, grâce à l’AMCI, leurs gaise en Afrique, contribué patiemment à la stabilité de
études dans différents établissements d'enseignement supérieur public, parmi lesquels 10 000 plusieurs régions de notre Continent et permis de renfor-
étudiants sont boursiers du royaume du Maroc. cer les liens d’amitié et de fraternité avec de nombreux
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 20 ANS DE RÈGNE VU D’AILLEURS 61
pays africains ». Ce rappel historique a remis en qui annonçait le retrait du Maroc, le 12 novembre
lumière l’identité africaine du Maroc, un pays selon 1984. Plus de trois décennies plus tard, Mohammed
Mohammed VI dont « l’identité est le fruit d’un détermi- VI a estimé que la promesse est tenue, car « jamais
nisme géographique, d’une histoire commune traversée l’Afrique n’a été autant au cœur de la politique étrangère
d’évènements marquants, d’un brassage humain enrichi et de l’action internationale du Maroc ». La preuve dira
de siècle en siècle et de valeurs culturelles et spirituelles Mohammed VI, « le royaume a développé un modèle
ancestrales », mais aussi dont « l’engagement en faveur unique, authentique et tangible de coopération Sud-Sud,
des justes causes n’est plus à démontrer, car il a toujours qui a permis, non seulement, de consolider les domaines
été et sera toujours, animé par une foi inébranlable en une traditionnels de la formation et de l’assistance technique,
Afrique forte de ses richesses et potentialités économiques, mais également d’investir de nouveaux secteurs straté-
fière de son patrimoine culturel et cultuel et confiante en giques comme la sécurité alimentaire et le développement
son avenir ». des infrastructures ».
L’engagement du Maroc en faveur de l’Afrique aura Selon le roi du Maroc, « ce processus n’est pas prêt de
donc été est une constante malgré son absence de s’arrêter. Il est, hélas pour certains, irréversible ».
plus de trois décennies au sein de l’organisation conti- Quelques mois plus tard, en janvier 2017, le Maroc
nentale, l’ex-OUA dont les fondements ont été posés faisait son grand retour « par la grande porte » dans
à Casablanca, au lendemain des indépendances afri- l’agora continentale, inaugurant ainsi un nouveau
caines. « Africain est le Maroc. Africain, il le demeurera. chapitre de l’ancrage africain du Maroc et confirmant
Et nous tous Marocains restons au service de l’Afrique… l’action constante des rois du Maroc pour la promo-
Nous serons à l’avant- garde pour préserver la dignité du tion du panafricanisme. Un flambeau dont Moham-
citoyen africain et le respect de notre Continent », avaient med VI a hérité et qu’il continue d’entretenir avec un
adressé le défunt Hassan II à ses pairs du Continent engagement personnel et un leadership visionnaire
dans le message royal lu au XXe Sommet de l’OUA et qui conforte le Maroc dans son Afrique. n
62 ENTRETIEN LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
MOUBARAK LO
Économiste
le Maroc soit un Royaume est un gage d’assurance privé. Maintenant, les gouvernements peuvent
pour les investisseurs qui sont conscients que les développer les cadres institutionnels, juridiques,
orientations économiques sont établies sur le long
terme. L’autre point fort du Maroc est le
« Le Maroc les infrastructures, mais également les systèmes
d’information qui permettent de meilleurs
développement de tout un réseau d’infrastructures. peut jouer échanges. Une fois ces éléments mis en place par
UN SOUVERAIN
QUI ALLIE EMPATHIE
ET EFFICACITÉ
L
e roi Mohammed VI va bientôt boucler deux LE TOURNANT AFRICAIN
décennies de pouvoirs au service de son pays Politiquement engagé par le retour du Maroc, pays fonda-
et de ses concitoyens. Deux décennies pen- teur de l’Organisation de l’unité africaine, au sein de l’or-
dant lesquelles le Maroc est devenu un des ganisation politique panafricaine avec le soutien de
pays les plus médiatisés du Continent. Aujourd’hui, il est l’écrasante majorité de ses pays membres, la présence
cité en exemple dans de nombreux domaines, écono- économique du Maroc sur le Continent qui s’est renforcée
miques, mais aussi sociaux, sécuritaires ou encore cultu- ces quinze dernières années porte la marque du souverain
rels. Les observateurs avisés citeraient volontiers le for- chérifien. Chacun se souvient, de Nairobi à Dakar en pas-
midable développement de la ville de Tanger et de son sant par Libreville, Bamako ou Antanarivo, de ces visites
port, parvenu aux avant-postes des plus importants de sa du roi du Maroc, à la tête de délégations impressionnantes
catégorie sur le Continent, en seulement quelques et pour une durée suffisante pour que nous comprenions
années. Ou encore Marrakech, devenue le lieu des ren- que c’est un ami qui vient nous voir.
contres internationales en Afrique, alliant sens de l’hos- Les projets économiques, les investissements dans de
pitalité, efficacité logistique et convivialité traditionnelle. nombreux secteurs, les partenariats entre hommes d’af-
Il y a seulement quelques mois, était inaugurée la ligne de faires succèdent aux actions dans la santé ou encore des
train à grande vitesse reliant Casablanca à Tanger, per- soutiens aux secteurs agricoles, artisanaux ou culturels.
mettant une mobilité significative sur cet axe important Les Africains ont ainsi pris l’habitude de voir le roi au
pour l’économie du Maroc et véritable vitrine d’un pays se volant d’une voiture, dans leur pays ou encore attablé dans
rapprochant à grands pas de ses voisins méditerranéens. un restaurant et se soumettant à des séances de selfies
Il est difficile de citer les réussites économiques du sou- avec le tout-venant. C’est aussi cela Mohammed VI, un
verain marocain, tant elles sont nombreuses et dans la PAR MOUSSA MARA jeune leader, citoyen du monde, à l’aise dans ses baskets
plupart des secteurs. ANCIEN PREMIER et persuadé que la chaleur humaine est aussi indispen-
Sa Majesté a su placer le Maroc en phase avec les trans- MINISTRE DU MALI sable que la rentabilité économique. Le Maroc fait des
formations profondes de son environnement et lui a donné affaires en Afrique, il y gagne de l’argent et son roi y est
une place particulière sur l’agenda international. Il a chez lui !
contribué à renforcer la sécurité du pays face aux Il faut reconnaître que le temps long dont bénéficie un roi
menaces terroristes et ses services ont aidé de nombreux est favorable à la vision et à la cohérence, au-delà de
pays, dont des européens et asiatiques (exemple du Sri simples séquences quinquennales. Cela a sans doute aidé
Lanka, il y a seulement quelques semaines) dans leur lutte au succès du jeune roi marocain. Mais il est tout aussi vrai
contre ce fléau. Que dire de sa gestion du « printemps que la personnalité est le facteur déterminant de l’action
arabe » en 2011, où son sens de l’anticipation et son écoute d’un leader. On peut avoir du temps et ne pas savoir quoi
des aspirations de la jeunesse marocaine lui ont fait enga- en faire ! Il reste à souhaiter à Sa Majesté Mohammed VI,
ger une des plus profondes réformes du système politique que Dieu l’assiste, de continuer à diriger son pays, avec
du pays. Là comme dans d’autres domaines, il s’est montré l’énergie, la vision et la passion démontrées ces vingt
apte à anticiper, orienter, piloter et ajuster les change- dernières années, sans oublier l’empathie envers les
ments nécessaires pour que le royaume puisse poursuivre autres dont il sait faire preuve à chaque occasion. Cela a
sa marche en avant de manière harmonieuse. été la clé du succès et le sera pendant de nombreuses
S’il est un domaine où l’action de Mohammed VI a été déci- décennies encore.n
sive pour son pays, c’est bien celui du tournant africain.
DES PARTENARIATS SUD-SUD
ORIENTÉS BUSINESS
L
a prise de conscience du potentiel le rendre plus compétitif et prospère. membres de la communauté CFC (institutions
économique africain est une financières, services professionnels, sièges
chose, sa concrétisation en est Depuis quelques années, le contexte est donc régionaux et holdings) sont actives dans 46
une autre. La population du conti- particulièrement propice pour le Maroc et pour pays du continent.
nent doublera d’ici 2050 et son PIB sera multi- CFC. Quelques données permettent de s’en
plié par 12 ! Mais le continent africain est un rendre compte. D’une part, 85% des flux d’IDE Environ 200 acteurs économiques et financiers
ensemble divers de marchés, de cultures, du Maroc se dirigent vers l’Afrique, le royaume sont présents à CFC, ce qui en fait la première
d’accords économiques, commerciaux et étant le second investisseur intra-africain en communauté d’affaires du continent. La place
financiers. La connaissance de ces marchés 2018, mais en se basant sur le rapport des financière étant par ailleurs classée au 22ième
passe donc nécessairement par la création de investissements au PIB, le Maroc est le pre- rang mondial selon l’index GFCI 25.
relais locaux permettant de naviguer les mier. Le secteur bancaire marocain (banques
risques politiques, économiques et de gouver- et assurances) est quant à lui présent dans 34 18 PARTENARIATS SUD-SUD
nance qui persistent par endroits. Casablanca pays du continent, offrant de solides relais et DANS UNE LOGIQUE WIN-WIN
Finance City (CFC) s’inscrit dans cette perspec- appuis aux investisseurs. Enfin, CFC joue un Au fil de l’eau, la communauté CFC participe au
tive de moyen à long terme, notamment en rôle pivot à ce niveau, puisque les entreprises développement du continent, tissant des liens,
bâtissant des relations d’avenir avec ses par- multipliant les échanges et rencontres, créant
tenaires africains. PARTENAIRES SUD-SUD des synergies, tout en s’appuyant sur ces nou-
• API-BF • BOI – ILE MAURICE veaux réseaux de partenariats Sud-Sud qui
Depuis la création de CFC en 2011, ces partena- • API CAMEROON • CCIT – TOGO contribuent à fluidifier davantage l’environne-
riats Sud-Sud se sont multipliés et approfon- • API CONGO • CEPICI – CÔTE D’IVOIRE ment des affaires au sein du continent.
dis. Les nombreuses rencontres et visites • API MALI • EDBM – MADAGASCAR
effectuées ces dernières années ont permis • APIEX - BÉNIN • GIPC – GHANA Ces partenariats sont d’autant plus vitaux que
de nouer des liens forts avec diverses institu- • ANPIPS – NIGER • NIPC – NIGERIA le continent africain reste fragmenté, avec des
tions africaines. Les retours ont été positifs, • ANPI GABON • RDB – RWANDA économies et des marchés de petite taille.
et il existe une attente forte pour que le Maroc • APIP – GUINEE • TIC – TANZANIE Cette situation rend parfois difficile l’accès à
soit l’une des locomotives, pas la seule évidem- • APIX – SÉNÉGAL • ZDA - ZAMBIE des informations fiables et pertinentes, soit
ment, du continent.
UNE COOPÉRATION STRATÉGIQUE G2G ÉTROITE
LA GENÈSE DES PARTENARIATS SUD-SUD
L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique, c’était
le message adressé par Sa Majesté le Roi
46
Mohammed VI à Abidjan en 2014. CFC s’inscrit
dans cette vision, dans une approche de co-dé- 42 25 visites royales dans
25
veloppement et de co-émergence. La politique Pays ayant Accords de protection
des Accords des investissements
des partenariats Sud-Sud de CFC est en réalité Coopération pays africains
consubstantielle de la politique africaine depuis 1999
visionnaire menée par Sa Majesté le Roi
Mohammed VI. Fort de ses attaches à travers
le continent, le Maroc entend ainsi jouer un
rôle important en Afrique, dans la continuité
des liens tissés depuis des siècles avec les
pays africains. 19 + 8000 … aux étudiants de
DE LANCE DE
d’accéder à un marché de 500 millions de consom-
mateurs potentiels.
« Le Maroc est un arbre dont les racines sont ancrées
LA DIPLOMATIE
en Afrique mais qui respire par ses feuilles en Europe »
déclarait feu Hassan II en 1986. Un adage suivi par
Mohammed VI, selon une logique verticale de
partenariat euro-africain, fondé sur sa géographie
CONFORTER SON ALLIANCE AVEC SES PARTENAIRES (Tanger est située à 14km des côtes espagnoles)
et sur une relation historique datée du XVème
HISTORIQUES, CONCRÉTISER SON ORIENTATION siècle. « Quelque soit le gouvernement, la France a
AFRICAINE ASSUMÉE ET S’OUVRIR SUR LES NOUVELLES toujours soutenu le Maroc » souligne Charles Saint-
Prot, Directeur de l’Observatoire d’études géopo-
PUISSANCES ÉMERGENTES, TELS SONT LES LIGNES litiques et auteur de « Mohammed VI ou la
DIRECTRICES D’UNE DIPLOMATIE MAROCAINE DONT monarchie visionnaire ».
L’UE est le 1er partenaire commercial du royaume
LES ORIENTATIONS ÉPOUSENT LES CONTOURS DES (l’Espagne en tête) et les exportations marocaines
GRANDS DOSSIERS INTERNATIONAUX TELS LA LUTTE vers l’hexagone ont augmentées de 52 % entre 2012
et 2017. Le Maroc demeure la 1ère destination des
CONTRE LE TERRORISME ET UNE GESTION PLUS investisseurs français en Afrique et le 1er bénéfi-
HUMAINES DES MIGRATIONS. POUR CE FAIRE, LA ciaire de l’Agence française de développement
(AFD) avec 1,5 milliards d’euros reçus entre 2013
DIPLOMATIE MAROCAINE DISPOSE D’UN ATOUT DE et 2017.
CHOIX : LE ROI MOHAMMED VI. UNE RELATION À GÉOMÉTRIE
VARIABLE AVEC WASHINGTON
PAR MARIE-FRANCE REVEILLARD
Après les attentats du 11 septembre 2001, « les rela-
L
tions bilatérales ont laissé place au Grand Moyen-
Orient de George W Bush, intégrant une quarantaine
e roi Mohammed VI manœuvre entre de pays de Casablanca à Karachi, sous un prisme
ouverture géostratégique et realpolitik arabo-musulman (…) le Maroc s’est vite imposé
dans un monde désormais globalisé. comme le partenaire régional le plus solide de
Au niveau régional, le roi a renforcé l’OTAN » explique Emmanuel Dupuy. Dès lors, les
ses relations avec les pays du Golfe à Etats-Unis ont multiplié les collaborations bilaté-
travers son soutien à la coalition saou- rales : achat de matériel militaire (F-16 préférés
dienne au Yémen en 2016 notamment, ou via sa aux rafales), formations de GI’s dans la Nation
participation à la coalition saoudienne de lutte Defense University et participation du Maroc à
contre le terrorisme. Par ailleurs, le royaume a des coalitions internationales : soutien à l’inter-
reçu près de 5 milliards de dollars du Koweït, des vention US en Afghanistan en 2001 et à la mission
EAU, de l’Arabie Saoudite et du Qatar entre 2012 de stabilisation en Irak en 2003-2004… La visite
et 2016, et 11 accords économiques ont été signés du ministre marocain des Affaires étrangères aux
par la Haute commission mixte bilatérale, en mars États-Unis en septembre 2018 et sa rencontre avec
2018. le Secrétaire d’État américain en mai 2018, où il a
Fin stratège, le roi est de « tous les projets d’intégra- réaffirmé l’opposition du Maroc à l’Iran, (accusé
tion, au moment où l’idée d’une Union pour la médi- d’armer le Front Polisario via le Hezbollah),
terranée est relancée » constate Emmanuel Dupuy, témoignent de la vitalité des relations diploma-
consultant sur les questions de défense et de sécu- tiques entre Rabat et Washington.
rité et président de l’Institut Prospective et Sécu- « Les Marocains ont conscience qu’ils peuvent être
rité Europe (IPSE). Le Maroc, bénéficiant de l’in- aidés par les Américains sur la question du Sahara
conditionnel appui de Paris, a obtenu en 2008, un sans s’illusionner sur la permanence de leur amitié.
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 20 ANS DE RÈGNE VU D’AILLEURS 71
JEAN-PIERRE
RAFFARIN
Ancien Premier
ministre français
PHOTO / CLAUDE TRUONG-NGOC
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 ENTRETIEN 73
LA TRIBUNE AFRIQUE : Le Maroc fête cette année le 20e rencontre très régulièrement des Marocains qui font
anniversaire de l’intronisation du roi Mohammed VI. Quel regard exister leur pays à l’international, avec talent. Je
portez-vous sur l’évolution du Maroc depuis son accession au pense que ce qu’il faut retenir de ces dernières
trône ? années, c’est son ouverture vers le Sud, qui
JEAN-PIERRE RAFFARIN – Le royaume du Maroc a positionne le Maroc comme un pays charnière entre
connu un développement considérable sur les deux l’Europe et l’Afrique subsaharienne.
dernières décennies. Les investissements réalisés en Cette orientation me semble l’évènement
matière de transport, notamment dans l’automobile, caractéristique de cette nouvelle donne qui lui
mais aussi dans les infrastructures, les équipements permet d’intervenir sur des questions aussi diverses
touristiques ou encore dans les actions d’éducation que la sécurité régionale ou l’immigration.
ont permis au Maroc de réaliser des progrès très
significatifs. Cette période restera celle où le Maroc Au-delà de ses alliés traditionnels comme la France et de son
a connu des résultats importants. orientation africaine assumée, le Royaume opère une ouverture
vers d'autres puissances comme la Chine ou la Russie. Comment
Lorsque que vous étiez à Matignon, quelle était la nature de vos analysez-vous cette inflexion stratégique ?
relations avec le royaume du Maroc ? De nos jours, on ne peut pas rester indifférent à tous
J’entretenais des relations de confiance avec le les échanges et à tous les partenariats qui se
Maroc, notamment avec mon homologue Driss développent au niveau mondial. Au fond, un pays qui
Jettou, le Premier ministre, aujourd’hui président de cherche à être indépendant a tout intérêt à multiplier
la Cour des comptes. C’est un homme de grande les partenariats pour ne pas se retrouver dans une
compétence et de grande sagesse. J’ai pour lui situation de dépendance. Il est vrai que le Maroc
énormément de respect, car il m’a beaucoup appris. bénéficie aujourd’hui d’une très bonne image en
À cette époque, il disposait d’un peu plus Chine où l’on parle beaucoup du Royaume et de sa
d’expérience que moi et il m’a particulièrement aidé diplomatie très active. C’est un pays qui sait faire
dans la compréhension d’un certain nombre de valoir ses intérêts à travers le monde.
problèmes politiques. C’est la raison pour laquelle La Chine qui a inscrit l’Afrique dans sa Route de la
aujourd’hui, j’ai pour la sagesse marocaine la plus soie nourrit naturellement beaucoup d’intérêt pour
grande considération. le royaume du Maroc et je crois que c’est en partie
réciproque. A partir du moment où les intérêts des
Comment décririez-vous l’orientation du Maroc au sein du concert uns et des autres sont bien défendus, je n’y vois pas
des nations au cours de ces dernières années ? d’inconvénient. D’ailleurs, le gouvernement français
Le Maroc est aujourd’hui doté d’une diplomatie très a également envisagé des coopérations avec les
active et le Royaume peut s’appuyer sur des partenaires chinois pour participer au développement
émissaires de grande qualité qui sont présents un peu du continent africain. n
partout à travers le monde. A titre personnel, je Propos recueillis Par Marie-France Réveillard
74 SUR LE VIF LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
LE LEADERSHIP
MONARCHIQUE
DE « L’ISLAM DU
JUSTE MILIEU »
DANS UN SYSTÈME MONARCHIQUE ANCRÉ TEL QU’IL
EXISTE ACTUELLEMENT AU MAROC, L’IMPORTANCE DE
L’AUTOCRATISME DU ROI EN MATIÈRE RELIGIEUSE EST
INDÉNIABLEMENT LA CLÉ DE RÉUSSITE DE LA
POLITIQUE RELIGIEUSE NATIONALE QUI AUJOURD’HUI,
À TRAVERS SON SUCCÈS, SÉDUIT ET ATTIRE LES PAYS
AFRICAINS FRÈRES.
PHOTO DR
D
ans un objectif de lutte contre gérer au mieux le volet religieux qui est d’une impor-
l’extrémisme religieux et l’igno- tance cruciale au Maroc, une institutionnalisation
rance, le roi Mohammed VI a mis du champ politico-religieux a dû voir le jour à travers
en place plusieurs initiatives la création d’un ministère souverain, les Habous et
contribuant à la création et à la les Affaires islamiques, et c’est à l’initiative du roi
pérennisation d’une identité reli- Mohammed VI que la restructuration du champ reli-
gieuse marocaine immuable basée sur l’islam du gieux a permis une centralisation de la pensée théo-
juste milieu tripartite composé d’une école juridique logique.
malékite qui représente l’orthodoxie sunnite, d’une Le ministère souverain rassemblera l’ensemble des
école théologique Acharite et d’une école de frater- institutions nationales religieuses déjà existantes et
nité, le soufisme. Le roi est le gardien de cet islam s’en inspirera pour créer des institutions à caractère
de tolérance, comme le stipule la Constitution du international : le Conseil marocain des oulémas pour
Royaume : « Le Roi, Amir Al Mouminine, veille au respect l’Europe en 2008 et la Fondation Mohammed VI des
de l’Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes ». oulémas africains en 2016. Deux entités qui ont per-
mis au royaume chérifien de s’imposer en tant que
L’INSTITUTIONNALISATION DE L’ISLAM seul expert en la matière. Toutefois, le coup de
En vertu du contrat d’allégeance qui revêt une signi- maître de cette diplomatie religieuse sera la création
fication canonico-religieuse, la gestion du champ en 2014 de l’Institut Mohammed VI pour la forma-
religieux au Maroc est confiée à la plus haute insti- tion des imams morchidines et morchidates (des
tution, celle de la Commanderie des croyants qui a prédicateurs et des prédicatrices) qui œuvre pour la
pour mission de protéger l’identité de l’orthodoxie lutte contre l’extrémisme religieux et l’ignorance.
sunnite de l’Islam et de veiller à la bonne pratique C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé le roi Mohammed VI
des religions chrétienne et juive au sein du Royaume, dans son discours du 31 mars dernier, à l’occasion de
dans le but de préserver la paix spirituelle. Afin de la visite du pape François au Maroc, lorsqu’il décla-
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 20 ANS DE RÈGNE VU D’AILLEURS 77
Quelle lecture faites-vous de la visite, les 30 et 31 mars dernier, Pensez-vous que le Maroc peut prétendre à offrir « un modèle »
du Saint-Père, le Pape François, au Maroc ? en matière de gestion du religieux ?
Un événement extraordinaire, autant pour l’église, Absolument. C’est un modèle « exportable ». Il est
que pour le pays et pour le monde entier. La fort souhaitable que l’expérience du Maroc soit
présence du Pape François et sa rencontre avec Sa connue et imitée dans d’autres lieux où on vit
Majesté le Roi et son peuple, ainsi qu’avec la encore une ambiance de confrontation, de conflits
communauté chrétienne, a lancé le dialogue et de concurrence. Ici, nous ne sommes pas parfaits,
interreligieux vers une nouvelle étape : il faut déjà mais nous marchons ensemble, nous partageons
laisser en arrière des concepts tels que la notre foi, nous faisons des petits pas vers la
coexistence et la tolérance, qui sont positifs, mais fraternité. Et il est évident que c’est beaucoup plus
très courts, pour commencer à mieux nous ce qui nous unit que ce qui nous sépare. n
connaître et à plus nous respecter et à nous PROPOS RECUEILLIS PAR MOUNIR EL FIGUIGUI
20 ANS
D'ÉMOTION
AVEC LE SPORT
MAROCAIN
2002
Younès El Aynaoui devient le deuxième 2003
Marocain à remporter le Grand prix Jaouad Gharib décroche le titre de champion du monde du marathon
Hassan II après Hicham Arazi. à Paris. Il réitérera son exploit deux ans plus tard à Helsinki.
2004
Le triomphe d’Elguerrouj aux JO
2004
L’équipe nationale de football finaliste de
d’Athènes double médaillé d’or la Coupe d'Afrique des Nations en Tunisie.
LA TRIBUNE AFRIQUE PARTENAIRE
2007 à 2009
Badr Hari, 3 fois champion du monde K1 des poids-lourds −100 kg.
2005
Les lionceaux font fureur à la coupe
du monde en atteignant la demi-finale.
2008 2011
2007
Lahcen Ahansal remporte
À Pékin, Sara El bekri devient la
première nageuse marocaine à
Mohcine Lahssaini remporte le
25e tour du Maroc, 46 ans après
Mohamed Elgourch. Il sera imité
son 10e marathon des sables. prendre part aux jeux olympiques. par Anass Ait Laabdia en 2017.
2013
Le Raja de Casablanca crée l'exploit en atteignant la finale de la coupe du monde des clubs organisée au Maroc.
2015
Mohammed Rabii est sacré 2016
champion du monde de boxe. Mehdi Bennani reporte le grand prix WTCC de Budapest.
2016
Maha Haddioui, première golfeuse marocaine à participer aux JO d’été.
2016
Amine Chentouf, médaillé d’or paralympique au Marathon de Rio.
2016
Abdelkebir Ouadare remporte le Grand prix de saut Hermès. La même année, il sera
le premier cavalier à représenter les couleurs marocaines aux jeux olympiques.
2016
Le Wydad de Casablanca tient son deuxième sacre africain.
2017
L’ASS championne d’Afrique de Basketball.
2018
Le Maroc vice-champion du monde de pétanque au Canada.
2018
2018
20 ans après leur dernière participation, les lions de l'Atlas signent une belle prestation
Yahya Rammah, remporte le titre
de champion du monde de jet-ski
catégorie "Runabout Limited" sur
à la coupe du monde en Russie, et ce malgré leur élimination au premier tour. le Lac Havasu en Arizona (USA).
84 LES CHAMPIONS DU SUD LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
AFRICAINS VENUS
nières années, l’Egypte (20 %) est le premier béné-
ficiaire des fonds injectés par les entreprises maro-
caines en Afrique. Viennent ensuite la Côte
d’Ivoire (19 %) -qui occupe une place de choix dans
DU MAROC
l’agenda d’affaires marocain-, mais aussi le Mali
(13 %), le Burkina Faso (7 %), le Sénégal (7 %) et le
Gabon (6 %). Des choix orientés majoritairement
par « les opportunités qui se présentent, mais également
par l’attractivité du marché, sa facilité d’accès ainsi
En quête de relais de croissance, mais que le contexte politique », résume le DEPF dans son
aussi de marchés porteurs pour étude.
S
ur le continent africain, le business maro- Banque africaine de développement (BAD).
cain n’aura jamais été aussi puissant. La « Les entreprises marocaines ont pris conscience que
région est aujourd’hui la première destina- les enjeux économiques et commerciaux de notre pays
tion des investissements du Royaume à se joueront désormais en Afrique. Elles se lancent dans
l’étranger. Entre 2003 et 2017, soit 14 ans, les entre- des secteurs qui ont déjà bien réussi au Maroc, et qui
prises marocaines ont investi 37 milliards de trouvent un nouveau souffle sur le Continent, lequel,
dirhams (plus de 3,8 milliards de dollars), soit 60 % rappelons-le, présente encore d’énormes besoins,
des IDE sortants, selon l’étude « Développement contrairement à l’Europe, désormais saturée en
des entreprises marocaines en Afrique : réalité et matière d’investissement », explique Laaziz Kadiri,
perspectives » publiée en novembre dernier par la Président de la Commission dédiée à la Diploma-
Direction des Etudes et des prévisions financières tie économique, à l’Afrique et à la Coopération
(DEPF), en collaboration avec l’Agence française sud-sud à la Confédération générale des entre-
de développement (AFD). « A travers son secteur prises du Maroc (CGEM).
privé, le Royaume s’est imposé en tant qu’investisseur
incontournable. Le Maroc est le pays africain dont le STRATEGIQUE GESTION DE LA CONCURRENCE
montant des investissements dans le Continent est le Au moment où les états-majors de ces entreprises
plus important », commente dans un entretien avec avancent stratégiquement leurs pions, souvent
La Tribune Afrique Bouchra Bayed, consultante et avec une vision très panafricaine, ils doivent faire
présidente de Maroc Entrepreneurs. face à une concurrence de plus en plus vive. D’au-
En termes de répartition, 55 % de ces investisse- tant plus l’Afrique vit actuellement l’un des
ments sont directement réalisés à l’Ouest du contextes les plus favorables à l’investissement,
Continent, tandis que le Nord (25 %), le Centre avec sa démographique galopante, sa richesse
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 LES CHAMPIONS DU SUD 85
P
hénomène indéniablement nouveau, l’in- L’analyse de l’évolution chiffrée des trois groupes
ternationalisation des banques marocaines bancaires marocains présents dans l’UEMOA
en Afrique s’inscrit pleinement dans la po- à savoir : Attijariwafabank, BMCE BoA qui de-
litique africaine du Maroc prônée par la vient Bank of Africa en septembre prochain et la
plus haute autorité du pays en faveur du co-dé- Banque Centrale Populaire (BCP) sur la période
veloppement et de la solidarité agissante avec les 2006 – 2017, démontre de leur montée en puis-
pays subsahariens. Figurant au Top 5 des établis- sance dans la sous-région. Dans un pays comme
sements bancaires exerçant dans la zone UEMOA le Burkina Faso, les banques marocaines, qui ne
en 2018, les groupes bancaires marocains consti- détenaient que 6% du total des comptes bancaires
tuent le fer de lance de la présence marocaine en 2006, affichent 28.57 % en 2015 et 29.96 % en
sur le Continent. Selon la commission bancaire 2017, selon les données collectées à partir de la
de l’Union Economique et Monétaire Ouest Afri- base de données de la Commission Bancaire des
caine (UEMOA), en 2018 les banques marocaines Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Paral-
ont concentré 27.8 % de la part de marché dans lèlement, le réseau de ces groupes bancaires est
l’UEMOA, et plus de 30 % de la part du résultat passé de 5 % à 25 % en dix ans, tandis que l’effectif
net global dans la région. employé a quant à lui progresser à 22 % du total
des salariés du secteur bancaire burkinabé, contre
LES MOBILES D’UNE INTERNATIONALISATION 5 % en 2006. Au Mali d’après la même source, les
BANCAIRE groupes bancaires marocains ont totalisé 44.42 %
Réduire cette vague d’internationalisation ban- des crédits en 2015, contre 10 % en 2007. Ils ont
caire à son aspect apparent (motivations managé- couvert 48.21 % des implantations (réseaux) en
riales, choix stratégique de croissance et de rende- 2015 contre 8.4% en 2007, et ont détenu 36 % des
ment) laisse supposer qu’il s’agit d’un phénomène comptes de la clientèle en 2015 contre 8.4 % en
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 LES CHAMPIONS DU SUD 87
2007. Ces banques ont employé 29.5 % des effec- CARTOGRAPHIE D’IMPLANTATION DES BANQUES MAROCAINES
tifs en 2015 contre 9.96 % en 2007. EN AFRIQUE DE L’OUEST-2016
D’un point de vue global, la part des banques
marocaines dans les crédits fournis au sein de
l’UEMOA est évaluée à 29.6 % en 2017 contre 11 % MAROC
TUNIS
SÉNÉGAL
IDE marocains en Afrique. Par crainte de voir Filiales d'ATTIJARI WAFA BANK
leurs clients nouer des liens avec des banques AFRIQUE
40
L’AFRIQUE ANGLOPHONE,
CATALYSEUR POUR L’AVENIR ? 35
Alors que l’activité bancaire marocaine sur le
30
Continent est encore un peu concentrée en
Afrique francophone, l’avenir de la croissance 25
des banques marocaines serait-il en Afrique an-
glophone, particulièrement l’Est qui intéresse de 20
plus en plus ? On serait tenté de répondre par l’af- 15
firmative. En effet, après la BMCE Bank Of Afri-
ca déjà présente en Afrique de l’Est, Attijariwafa 10
bank lorgne de nouvelles acquisitions dans cette 5
région. Ce groupe bancaire envisage de lancer de
nouvelles opérations d’acquisition à la fin de l’an- 0
Source: Calculs de l'auteur
2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
née 2019, en commençant par le Rwanda, le Kenya
et l’Ethiopie. L’expérience en Afrique de l’Ouest Bénin Mali Togo
pourrait être une source d’inspiration pour dupli- Burkina Fasso Niger Crédit banques
marocaine UMOA
quer l’influence financière au Maroc dans la région Cote d'ivoire Sénégal
orientale du Continent. n
88 LES CHAMPIONS DU SUD LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
36 MILLIARDS
de dirhams de CA Groupe en 2018
662 MILLIONS
de dirhams de CA Groupe en 2018
dont l’expertise est désormais de renommée mondiale. Parmi les
plus emblématiques, Hyghtech Payment Systems (HPS), leader dans
l'édition des solutions de paiement électronique et promoteur du
grand rendez-vous annuel des acteurs africains de l’industrie des
Présent dans Actif dans paiements et de l’identification : Africa Pay & ID Expo. Fondé en 1995
10 48
par l’homme d’affaires Mohamed Horani, le groupe fait 662 millions
de dirhams de chiffre d’affaires en 2018, en hausse de 18,3% en glis-
sement annuel et déploie ses services dans 48 pays africains sur 90
pays en Afrique pays africains à travers le monde.
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 LES CHAMPIONS DU SUD 89
UNIMER
2,2 MILLIARDS
de dirhams de CA Groupe en 2018
1,4 MILLIARDS
de dirhams de CA Groupe en 2018
Dans le secteur de l’agroalimentaire marocain, Unimer est proba-
blement l’une des success stories les plus inspirantes. Fondée au
début des années 1900 par des investisseurs français pour l’export
1 USINE
Implanté dans de conserves de cornichon, l’homme d’affaires Said Alj reprend l’en-
6
treprise en 1986, la transforme en géant de l’industrie de produits
de la mer. Groupe ultra discret –à l’image de son propriétaire-, mais
en Mauritanie performant avec un chiffre d’affaires annuel qui frôle le milliard de
pays en Afrique dirhams, les produits d’Unimer -surtout ses fameuses conserves de
sardines- trustent les marchés d’une trentaine de pays africains.
Intelcia Sous l’impulsion de la stratégie économique du Maroc en Afrique,
Né deux ans après l’accession au trône du roi du Mohammed VI, ce le groupe s’est également créé une entité dédiée au Continent : Uni-
spécialiste de l’outsourcing a d’abord pris le temps d’asseoir son mer Africa, qui a déjà réalisé une usine de conserve de poisson de 28
business au niveau local. L’option d’une expansion européenne de- millions de dollars en Mauritanie.
venue évidente face aux ambitions de développement d’une entre-
prise dont toute la clientèle y réside, Intelcia ne concrétisera une
3 MILLIARDS
offensive africaine qu’en 2015 au Cameroun où le groupe s’impose
désormais comme un acteur de l’emploi durable après y avoir ré-
cemment embauché son millième collaborateur. Fort à ce jour de
27 sites en Europe et en Afrique dont 12 au Maroc et six dans cinq de dirhams de CA Groupe en 2018
pays subsahariens (dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, Madagascar et
Maurice), ce spécialiste marocain de l’outsourcing est présent et Investis
se prépare discrètement pour attaquer d’autres marchés. En 2018,
son chiffre d’affaires s’est établi à 200 millions d’euros grâce notam-
ment à la performance des filiales africaines. Il ambitionne déjà de
16
pays africains
franchir la barre des 300 millions d’euros en 2020.
Addoha
D’ici 2022, Anas Sefrioui le patron d’Addoha vise une contribution
de l’Afrique à hauteur de 30% dans le chiffre d’affaires du groupe.
COOPER PHARMA
2 USINES
hors Maroc : en Côte
La santé est un secteur majeur de l’émergence des entre-
prises marocaines en Afrique. En tête de ces champions
Compté parmi les premières fortunes du pays, l’homme d’affaires
multiplie les décentes sur le terrain comme à Abidjan en avril der-
nier où il lançait sa marque d’immobilier haut de gamme Prestigia.
d’Ivoire et au Rwanda nationaux qui domptent l’industrie pharmaceutique à Lorsque les analystes évoquent le cas d’entreprises qui regardent
travers le Continent : Cooper Pharma. Après avoir livré ailleurs sur le Continent en raison d’un essoufflement du marché
à l’export à travers le Continent pendant de longues an- marocain -où le secteur de l’immobilier représente 6,3% du PIB-,
nées, ce groupe fondé en 1933 a récemment fait le grand Addoha en est bien l’exemple. Depuis 2011, ce major tire parti de
saut en implantant deux usines hors-Maroc, en Côte l’éveil des pouvoirs publics du Sud -qui multiplient les projets de
d’Ivoire et au Rwanda. Les deux projets, nés de la tournée logements sociaux-, mais aussi la montée d’une classe moyenne
royale de 2016 en Afrique de l’Est, devraient être opéra- émancipée. Ce contexte a été notamment propice au lancement de
tionnels courant 2019. Ciments de l’Afrique, la filiale du groupe qui détient des usines dans
plusieurs pays dont le Mali. A ce jour, Addoha a déjà investi plus de 3
milliards de dollars dans 16 pays africains.
Groupe OCP
56 MILLIARDS
de dirhams de CA Groupe en 2018
A l’Est de l’Ethiopie, un complexe industriel d’engrais d’un coût de 3,7 milliards de dollars sort de terre pour une mise en
service totale d’ici 2025. Au Nigeria, un accord est en passe d’être conclu cette année pour la construction d’une usine
d’ammoniaque d’une capacité d’un million de tonnes. Au Ghana, un projet d’usine de phosphate pourrait prendre forme
d’ici 2020. Tout cela sachant que courant 2019, ces pays ainsi que la Côte d’Ivoire et le Sénégal abriteront la mise en ex-
200 MILLIARDS
de dirhams de programmes d’in-
ploitation d’un total de 10 usines de mélange de phosphates. Autant de pas stratégiques que pose le géant mondial des
phosphates pour davantage asseoir son leadership sur le marché africain des fertilisants qu’il domine déjà à hauteur
de 65%, selon Reuters. Une offensive qui s’est automatiquement accélérée avec la création en 2016 d’OCP Africa, l’entité
vestissements sur 2008-2027 dédiée au pilotage du développement régional du groupe et la promotion de l’agriculture sur le Continent, ce secteur qui
s’érige désormais comme l’un des plus stratégiques pour l’avenir, dans un contexte de croissance démographique galo-
pante du Continent, couplée à la réalité des changements climatiques. Avec une trentaine de filiales et joint-ventures,
près de 21 000 employés, 55,9 milliards de dirhams de chiffre d’affaires, plus de 160 clients à travers les cinq continents,
près de 200 milliards de dirhams de programmes d’investissements sur 2008-2027, c’est certainement avec fierté que
l’OCP célèbrera son siècle d’existence l’an prochain.
90 LES CHAMPIONS DU SUD LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
Dixit
« Selon un rapport du cabinet Boston Consulting Group publié en avril 2018, 10 des 75 entreprises
africaines qui ouvrent la voie à une Afrique plus intégrée sont marocaines. Le Maroc est classé
deuxième et HPS fait partie de ces champions africains qui constituent les véritables locomotives
de l’intégration africaine.
La performance de ces entreprises marocaines a été possible grâce à l’impulsion royale qui les
a incitées à croire au potentiel du continent africain et à répondre à l’appel royal d’Abidjan en
février 2014 que “l’Afrique doit faire confiance à l’Afrique”.
Mohamed Horani En réponse à l’appel royal, nous nous sommes positionnés en Afrique en tant qu’entreprise
PDG, High-Tech africaine d’origine marocaine qui connait les spécificités africaines et qui donne et partage sa
Payement Systems technologie sans arrogance et de manière solidaire avec ses clients africains.
(HPS)
Nous rappelons que nos solutions de paiement électronique sont utilisées dans 40 pays en
Afrique sur les 90 pays qui nous ont fait confiance dans les 5 continents. Nous sommes présents
directement ou à travers des partenaires dans plusieurs pays en Afrique, afin d’assurer une
proximité géographique, linguistique et culturelle avec nos clients ».
« La dynamique instaurée par Sa Majesté le Roi envers l’Afrique subsaharienne est un catalyseur
certain des investissements marocains dans le Continent à plusieurs titres. La vision royale
a permis de positionner l’Afrique subsaharienne comme une terre pleine de promesses et
d’opportunités créatrices de valeur à la fois pour les investisseurs marocains et les pays d’accueil.
Elle a également permis de donner un élan, de casser la barrière psychologique que pouvaient
avoir les entreprises et de transformer la perception de la complexité en opportunités.
L’implantation de plusieurs entreprises marocaines, suite à cette impulsion, a été aussi pour nous
Karim Bernoussi un facilitateur. Elle a permis de créer un écosystème sur lequel nous nous appuyons ne serait-
PDG, GROUPE INTELCIA ce qu’en termes de retour d’expérience. Et je parlerai aussi, bien entendu, des banques qui sont
aujourd’hui largement présentes en Afrique subsaharienne et qui nous accompagnent dans nos
différentes implantations.
Nous avons également constaté un accueil systématiquement favorable et un soutien important
dans les pays où nous nous implantons, et qui apprécient l’approche continentale du Maroc.
Cela nous encourage à développer notre présence. Nous avons ouvert un premier site Intelcia au
Cameroun en 2016 avec une quarantaine de collaborateurs, nous en comptons aujourd’hui plus
de 1 000. Nous sommes depuis également présents au Sénégal, en Côte d’Ivoire, à Maurice et à
Madagascar avec au global plus de 4 000 collaborateurs. Et nous prévoyons d’autres ouvertures
dès cette année.
Ceci étant dit, en tant qu’entrepreneurs nous avons aussi une responsabilité vis-à-vis de cette
politique royale. Les entreprises qui s’implantent en Afrique subsaharienne doivent être
exemplaires dans leur démarche d’implantation et irréprochables dans leurs pratiques afin d’être
à la hauteur de cette vision. Finalement, nous voyons le développement d’Intelcia sur le Continent
comme une manière de véhiculer une image positive de notre pays. Et nous en sommes fiers ».
92 THINK TANK LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
DIGITAL, LA BELLE
plois, notamment via le réseau de distribution indirect.
Au-delà de la création d’emplois, la téléphonie mobile
DES VINGT PROCHAINES délocalisations pour des prestations tels les centres
d’appel : Webhelp est ainsi devenu le premier employeur
privé du Maroc au cours des deux décennies.
Finalement, le Maroc a en vingt ans connu un double
L
saut quantique via la téléphonie : dans les années 2000
e cas du Maroc dans le domaine du digital est par l’explosion de la téléphonie mobile 2G (GSM) qui
un des bels exemples de l’Afrique et l’indica- a donné accès au téléphone à la majorité de la popula-
teur dans lequel le Royaume affiche une nette tion ; puis depuis les années 2010, avec la 3G (UMTS)
progression ces vingt dernières années est et plus récemment la 4G (LTE), l’accès à Internet, et
certainement celui de l’accès : la pénétration réelle de aux réseaux sociaux (Facebook, Whatsapp, YouTube,
l’usage du téléphone est passée en vingt ans de 5 % à etc.). Si les données micro-économiques montrent ainsi
plus de 80 %. Ce que le Maroc à fait en 15 ans, la France que la téléphonie mobile a contribué à la croissance des
l’a fait en 50 ans ! Il faudrait toutefois faire attention aux dernières années, la dynamique va bien au-delà. Les
chiffres puisque ceux du Maroc sont souvent présentés effets indirects favorisent aussi le développement éco-
à des taux à 130%, mais c’est aussi un pays où le phéno- nomique et social. Ils illustrent le rôle et la responsabi-
mène du « multi-SIM » est significatif. lité sociale des opérateurs qui ne se contentent pas de
développer leur chiffre d’affaires. Les TIC se substi-
QUEL BILAN POUR QUELLES PERFORMANCES ? tuent, en tant que technologies polyvalentes, à certaines
En vingt ans l’usage de la téléphonie a transformé la vie « utilities » défaillantes. C’est le cas des infrastructures
des Marocains. Les prix ont beaucoup baissé - il y a 15 de transports. La téléphonie mobile permet de réaliser
ans le Maroc était le deuxième pays le plus cher au d’importantes économies en termes de coût de dépla-
monde en termes de terminaison d’appel internationale cement.
derrière les Comores. Les voyants du secteur sont Le Royaume est au début de son histoire dans le digital
aujourd’hui au vert, ce qui garantit des investissements et les changements les plus importants sont à venir. Par
futurs (5G, fibre, etc.). D’ailleurs, la force de quelques exemple, même si l’e-commerce au Maroc est depuis
acteurs clés du secteur illustre ce succès : 2015 très en vue dans la presse, il reste cependant lar-
Maroc Télécom est le seul opérateur historique africain gement minoritaire vis-à-vis du retail avec des parts de
qui a pu devenir un grand groupe sur le Continent - la marché n’excédant pas 3 % en 2017. En 2025, il pourrait
LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019 THINK TANK 93
représenter 10 % des ventes au détail. Selon le rapport peut donc réaliser une prouesse dans les prochaines
établi par Kaymu / Jumia Market, site de vente et d’achat années et devenir une référence dans ce domaine si
en ligne leader, les consommateurs sur les plateformes l’essai est transformé. Si cela fonctionne, ce ne serait
d’e-commerce sont plutôt jeunes et urbains. Les qu’une première étape. Le lancement à compter de 2019
consommateurs du site sont en effet des jeunes (plus des services de paiement mobile va constituer un des
de 70 % des acheteurs ont entre 18 et 34 ans au Maroc), challenges clés du Royaume dans les prochaines années
des hommes (58 %) et des urbains (67 % sont effectuées avec l’enjeu de son adoption par les Marocains en géné-
à Casablanca, Rabat et Marrakech). ral et par les marchands en particulier.
L’e-commerce au Maroc est encore « émergent » et qua- Pour y arriver, la pédagogie et l’éducation des futurs
siment aucun site n’est rentable, car tous les canaux de clients et des marchands constituent les premiers fac-
distribution « formels » ont du mal face au poids de l’in- teurs clés pour la croissance des services financiers sur
formel et à ses prix attractifs, souvent non assujettis mobile. La faible connaissance des mécanismes des
aux taxes. Les plateformes ont donc fréquemment banques et une appréhension du digital sont en effet les
recours à des capitaux étrangers pour soutenir les inves- freins majeurs à une première utilisation du service. Ces
tissements marketing : Jumia, Hmizate, Avito, etc. Dif- freins ne peuvent être levés que par cet effort de com-
férents types d’acteurs influencent ou contribuent dans munication et de pédagogie. Cet effort est également le
l’environnement du e-commerce : les retailers clas- principal levier pour accroître le taux d’utilisation réelle
siques, les marques, les opérateurs télécoms et les pure
players de l’e-commerce, pour citer les principaux. Cha-
cun de ces acteurs réussit à créer de la valeur via
l’e-commerce. Ce marché est donc en pleine structura-
La décision politique
tion et constituera aussi un des enjeux de la décennie
des années 2020 au Maroc.
de lancer une
LES CHALLENGES DES VINGT PROCHAINES ANNÉES
plateforme nationale
Déclarée par l’ONU cause prioritaire, l’inclusion finan-
cière constitue un enjeu majeur du développement
de paiement mobile
économique mondial. Il s’agit de rendre accessible
auprès des ménages et des entreprises une gamme éten-
interopérable a été une
due de services financiers, principalement de banque et
d’assurance : tenue de comptes, moyens de paiement,
décision innovante.
produits d’épargne, crédits, assurances, prévoyance, etc.
Le Maroc ne s’est lancé dans ce domaine qu’en 2019.
Fortement bancarisé, le pays demeure cependant un de
ceux qui utilisent le plus l’argent liquide avec tous les (c’est-à-dire le taux d’utilisateurs actifs), enjeu consi-
inconvénients (coût de 0,2% du PIB au Maroc, aide à la dérable.
corruption, etc.) et plusieurs expériences de paiement Un accès plus large au crédit et à l’assurance va consti-
mobile ont été infructueuses depuis 2010 au Maroc. Le tuer une seconde étape clé. Celui-ci aura un impact fort
Maroc est arrivé dans une seconde vague avec une déci- sur le développement économique du Maroc, en favo-
sion de plateforme nationale annoncée lors de la Cop risant aussi bien la consommation et la sécurité des
22 en décembre 2016. ménages (inclusion financière) que le développement
La décision politique de lancer une plateforme nationale du bas de marché entreprise. Le crédit favorisant l’in-
de paiement mobile interopérable a été une décision vestissement dans des biens essentiels (habitation,
innovante. En effet, si une logique de plateforme de véhicules,…) et l’assurance permettant une meilleure
marché interopérable n’est pas une première au monde, gestion des imprévus - notamment la santé - sont en
l’innovation réside dans le fait de prendre l’interopéra- effet deux leviers majeurs pour le développement de la
bilité comme base pour structurer le marché. Défi ambi- classe moyenne marocaine. Le développement des fonc-
tieux, car nécessitant de mettre tous les acteurs (opé- tionnalités de paiement marchand et de crédit repré-
rateurs télécoms, banques, acteurs publics) autour de sente également un formidable levier soutenant l’essor
la table et de créer une appétence à l’usage autant pour des TPE et PME. Le tournant pris en 2019 avec cette
les consommateurs que pour les marchands. Le Maroc plateforme nationale de paiement mobile peut donc
94 THINK TANK LA TRIBUNE AFRIQUE | N° 20 | JUILLET - AOÛT 2019
être le catalyseur des vingt prochaines années en termes approche orientée citoyen (les entreprises, les associa-
de transformation du Royaume. tions) et non focalisée sur ses propres procédures. Bref,
Autre domaine de transformation, l’e-gouvernement. un changement total de paradigme pour l’administra-
80 % du travail d’une administration relève de l’échange tion marocaine.
d’informations (entre départements, avec les citoyens, Mais les grandes entreprises sont aussi concernées.
les entreprises, les associations, etc.). Autant dire que Prenons l’exemple de deux des plus grands acteurs
le digital, et donc la capacité à numériser et diffuser marocains. L’OCP reste principalement un producteur
ainsi une information, est un enjeu essentiel. Là encore, et détenteur d’actifs couvrant l’intégralité de la chaîne
c’est un saut potentiellement fabuleux qui apparait pour de valeur du phosphate. Les opportunités de « platefor-
les Etats africains, car cela permet de franchir des misation » de son métier sont pourtant multiples, du
étapes. Le passage de registres d’état civil en état de fait de l’écosystème d’acteurs intrinsèque à son cœur
décomposition à des registres numérisés et biomé- de métier dans le domaine agricole, mais restent encore
triques l’illustre bien. Le domaine de la santé est aussi peu exploitées. Le géant marocain a cependant placé la
transformation digitale au cœur de sa stratégie de déve-
début de son histoire joint-venture avec IBM confirme ses ambitions digitales
qui consistent également à fournir un ensemble de ser-
LE MAROC, UN MODÈLE
protège de tout regain soudain de la volatilité sur les flux
financiers et lui garantit un flux de capitaux stabilisés
avec le reste du monde. Ce modèle d’ouverture contrôlé
S
LA NÉCESSAIRE RELANCE
ur les quatre dernières années, le Maroc a Ce succès ne permet pas pour autant au Maroc d’être
connu une croissance en dent de scie, mais qui complètement immunisé contre le net ralentissement de
restait en général supérieure à celles des autres la croissance observé ces derniers trimestres au niveau
pays du Maghreb. À l’avenir, le Maroc devrait international et qui intervient alors que des difficultés
être le pays dont la croissance reste la plus soutenue dans domestiques apparaissent pour le secteur agricole du fait
la région, talonné de près par la Tunisie pendant que de l’insuffisance de pluies. Les entreprises sont en pre-
l’Algérie devrait s’enfoncer dans une croissance anémique mière ligne, y compris dans des secteurs qui résistaient
-faute de réformes- qui pourrait atteindre 0,4 % à l'hori- plutôt bien jusque-là au contexte international, comme
zon 2014 selon le FMI. A titre de comparaison, le Maroc l’automobile. Les délais de paiement continuent de s’ac-
pourrait connaître une accélération de croissance en croître, après avoir déjà atteint 84 jours en 2018, et les
direction de 4,5 % et la Tunisie à hauteur de 4,3 % d’ici chefs d’entreprises pointent le risque de la baisse des
cinq ans. Tout cela, sous réserve que les conditions éco- niveaux de consommation sur leur chiffre d’affaires.
nomiques internationales ne se dégradent pas davantage Il y a bien eu des impulsions d’ordre budgétaire ces der-
d’ici là. nières années, mais elles ont eu un impact économique
En effet, l’hypothèse communément admise dans les trop faible et n’ont pas réellement amélioré le climat des
milieux économiques d’une accélération de la croissance affaires. Surtout, elles ont été éclipsées par des mesures
mondiale à partir de l’an prochain est largement tribu- impopulaires consistant en l’augmentation de la fiscalité
taire de l’évolution de l’activité en Chine et aux Etats- sur les plus-values immobilières ou la réglementation du
Unis et des relations commerciales entre ces deux pays. transport routier.
La question qui se pose pour le Maroc est de savoir si le Le gouvernement aurait tort d’attendre de nouveaux
pays est en mesure de faire face à un retournement de signaux rouges pour se lancer dans un programme de
cycle, autrement dit à une nouvelle récession mondiale. relance plus ambitieux qui inclut de nouveaux méca-
nismes pour mieux canaliser le niveau très élevé de
UN PROCESSUS D’OUVERTURE RÉUSSI l’épargne des ménages vers les PME afin d’accroître leur
La réponse est sans ambiguïté : c’est oui ! Le pays est en capacité d’investissement. Une inaction dans ce domaine
meilleure position qu’il y a dix ans pour affronter des se traduirait par des points de croissance en moins si la
vents contraires. Le processus d’ouverture commerciale conjoncture internationale se dégradait encore plus. n
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C
étrangers.
ette année, le Maroc célèbre les vingt ans de D’un point de vue religieux, le Maroc s’est distingué
l’avènement au trône du roi Mohammed VI. contre l’islamisme radical en contribuant à la formation
Son accession au pouvoir a suscité plein d’imams étrangers chargés de prêcher un islam tolérant
d’espoirs aussi bien dans son pays qu’à à leur retour dans leurs pays. Ainsi, la création en 2015 de
l’étranger. En Afrique particulièrement, ce monarque, âgé la Fondation Mohammed VI des oulémas africains est
alors de 36 ans, a été considéré comme porteur de moder- révélatrice de la grande attraction dont ce pays est l’objet
nité et de rénovation des relations avec le Continent. sur le plan de sa pratique religieuse.
En observateur neutre et qui a eu le privilège, en tant que Que dire du sujet économique ? Point n’est besoin dans
Premier ministre de mon pays la Guinée, d’être invité à ce cadre de mentionner le déploiement sans précèdent
la célébration des dix ans de son règne, j’ai trouvé que Sa des investissements d’origine marocaine en Afrique dans
Majesté a su utiliser durant toute cette période tous les les finances, les télécoms, la promotion immobilière et le
atouts du « soft power » pour ancrer son pays dans le cœur BTP au cours des deux dernières décennies. D’ailleurs, au
de dizaines de millions d’Africains. cours de ses multiples déplacements en Afrique subsaha-
Le théoricien américain des relations internationales, rienne, accompagné par de nombreux hommes d’affaires
Joseph Nyea, indiquait qu’un pays peut avoir recours à de son pays, Sa Majesté a toujours eu l’opportunité de
trois types de ressources pour exercer sa puissance : les signer de multiples contrats de coopération avec les pays
ressources militaires, économiques et intangibles. Je dirais visités.
que depuis l’arrivée de Mohammed VI au pouvoir, le Cette volonté d’intégration a trouvé son couronnement
Maroc a fait un usage plus judicieux des ressources intan- dans le retour du Royaume dans la famille continentale,
gibles et économiques pour se hisser au rang d’un pays représentée par l’Union africaine. Un retour qui a permis
qui suscite l’envie d’être pris en exemple et dont beaucoup au Royaume de jouer un rôle important dans le lancement
de valeurs sont admirées. de la Zone de libre-échange continentale acté le 21 mars
Parmi ses différents atouts, citons d’abord l’usage judi- 2018 à Kigali et qui suscite tant d’espoirs. n
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L
seulement 17,8 % pour les femmes urbaines), alors que
a justice sociale fait référence à l’égalité des ce taux était de 30 % en 1999. Elles sont plus vulnérables
droits, aussi bien de genre qu’au niveau ter- au chômage qui frappe plus particulièrement les femmes
ritorial, à la solidarité et bien sûr, à la distri- urbaines, diplômées de l’enseignement supérieur. Elles
bution juste et équitable des richesses au sein gagnent des salaires inférieurs de 17 % à ceux des
de la société. La question de la justice sociale a été cen- hommes. Dans un rapport datant d’octobre 2017,
trale dans la vision, les préoccupations et les discours l’OCDE, considère que les discriminations faites aux
de SM le roi Mohammed VI, depuis son intronisation femmes au travail coûteraient à la région MENA 575
et se trouve placée au cœur du nouveau modèle de déve- milliards de dollars par an. La faiblesse en matière de
loppement que le souverain a appelé de ses vœux. participation économique des femmes constitue un
Les toutes premières années du règne de SM le Roi ont frein à la prospérité de tous. Selon le FMI, le manque à
été marquées par des réformes structurantes en faveur gagner économique de ces discriminations faites aux
des droits des femmes et de l’égalité et en particulier femmes peut atteindre jusqu’à 27 % du PIB.
celle du Code de la famille annoncée dans le discours
royal historique du 10 octobre 2003 devant le Parlement. UNE AUTORITÉ POUR LA PARITÉ
N’eut été le leadership, ainsi que la volonté de fer et ET LA LUTTE CONTRE LA DISCRIMINATION
l’intelligence manifestées par le souverain dans la Le Maroc a réalisé de grands progrès en matière de cou-
conduite de ce chantier de changement très sensible, et verture médicale de base, lancée en 2000, à travers l’As-
malgré les luttes incessantes du mouvement pour les surance maladie obligatoire et plus tard le Régime d’as-
droits des femmes, cette réforme, qualifiée de révolution sistance médicale (RAMED). Cela s’est
tranquille, n’aurait pas vu le jour, tant les forces du incontestablement traduit par une amélioration de la
conservatisme étaient mobilisées et déterminées à lui santé des femmes et une baisse de la mortalité mater-
faire barrage. nelle et infantile. Le grand chantier royal de l’Initiative
L’une des avancées majeures en faveur des droits des nationale pour le développement humain (INDH) a
femmes et de l’égalité est celle de l’accès aux postes de permis également de combattre la pauvreté et de réduire
responsabilité et de décision : avec 81 députées (20,5 % les inégalités territoriales au profit des communes les
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plus pauvres.
Les ressources humaines constituées par les femmes,
mais aussi par les jeunes offrent des opportunités
extraordinaires pour le développement du pays et la
réalisation de la justice sociale. Mais nous avons besoin
pour cela d’une forte volonté politique et de politiques
audacieuses pour une refonte profonde du système édu-
catif en tenant compte des immenses possibilités
offertes par les nouvelles technologies et l’Internet et
d’une mise en œuvre effective des principes d’égalité et
de parité.
Aujourd’hui, le besoin se fait sentir d’une nouvelle
refonte du Code de la famille pour le mettre en adéqua-
tion avec les engagements en terme d’égalité hommes/
femmes de la Constitution de 2011 et ce dans tous les
domaines, y compris dans le droit à la tutelle sur les
enfants et en matière d’héritage. Nous avons besoin
d’affronter avec détermination et fermeté un ensemble
de lois et pratiques discriminatoires, comme le mariage
précoce, la polygamie, la pénalisation des relations
Aujourd’hui, le besoin
se fait sentir d’une
nouvelle refonte du
Code de la famille.
PROFONDEUR CONTINENTALE
Fort de ces acquis et porté par la vision et l’engagement
personnel de son monarque, le Maroc allait se tourner non
PAR AZIZ SAÏDI, sans ambition vers sa profondeur continentale. Une véri-
DIRECTEUR DE LA REDACTION, table épopée qui verra les champions marocains de nom-
LA TRIBUNE AFRIQUE breux secteurs, comme la banque, l’assurance, les techno-
logies de l’information et de la communication ou encore
le BTP devenir des acteurs de premier plan sur le marché
africain. Il suffit de dire que le Maroc est devenu le premier
DEUX DÉCENNIES QUI investisseur africain en Afrique, relativement à son PIB, pour
attester du volontarisme économique de cette orientation
L
dans les instances panafricaines, à travers l’Union africaine.
e 30 juillet 1999, le prince Sidi Mohammed s’ins- Les paroles du roi Mohammed VI emprunts d’émotion
talle sur le trône de ses ancêtres. L’avènement solennelle à cette occasion sont pour le moins édifiants :
du roi Mohammed VI intervient au basculement « L’Afrique est mon Continent, et ma maison. Je rentre enfin chez
du nouveau millénaire et surtout à un moment moi, et vous retrouve avec bonheur. Vous m’avez tous manqué ».
charnière de l’Histoire du Maroc. En effet, son père, feu Plus encore, le monarque a pris le « lead » sur nombre de
Hassan II, avait entamé une transition politique marquée dossiers continentaux à l’importance cruciale, tels que la
par l’alternance et l’arrivée à la primature de l’ancien oppo- transition écologique, avec l’organisation d’un sommet afri-
sant socialiste Abderrahmane Youssoufi. Toutefois, les défis cain en marge de la COP22 organisée en 2016 à Marrakech,
qui se dressaient devant le jeune monarque ne se limitaient ou encore le phénomène migratoire, avec l’installation pro-
pas au domaine politique et étaient peut-être même plus chaine de l’Observatoire africain des migrations.
prégnants dans l’économie et le social. Il faut dire que les Sur le plan international, tout en veillant à consolider ses
attentes étaient immenses et les premiers pas du souverain partenariats historiques, le Royaume, sous la houlette de
allaient multiplier les gages. Cautérisation des plaies des son souverain, s’ouvre aussi sur les nouvelles puissances
« années de plomb » avec les travaux de l’Instance équité et émergentes avec l’ambition de jouer un rôle actif dans la
réconciliation, amélioration de la condition féminine avec coopération Nord-Sud, mais aussi et surtout Sud-Sud.
notamment la réforme du Code de la famille, et plus tard le
lancement de l’Initiative nationale pour le développement DES ACQUIS ET DES DÉFIS
humain sont autant de jalons sur la voie d’un Maroc qui Aujourd’hui, alors que le Royaume célèbre le 20e anniver-
rompt avec les travers de son passé pour se projeter résolu- saire de l’avènement de son monarque, force est de consta-
ment vers la modernité. ter l’ampleur du travail accompli, mais aussi celle des défis
qui se dressent devant lui pour les années à venir. D’abord
UN ROYAUME EN CHANTIER sur le plan interne avec, comme l’a souligné le roi lui-même,
Pour Mohammed VI, cette projection passe indubitablement la nécessité d’implémenter un nouveau modèle de dévelop-
par une mise à niveau des infrastructures du Royaume qui, pement axé sur l’inclusivité pour résorber les disparités
à l’avènement de celui-ci, étaient largement déficientes. En sociales et régionales, et la prise en main de réformes aussi
quelques années, le Maroc allait se transformer en un véri- importantes que celle des secteurs de l’éducation et de la
table chantier géant à ciel ouvert. Deux décennies plus tard, santé. Ensuite sur le plan international, notamment en
le travail accompli est colossal. Le port Tanger-Med et la confirmant les ambitions du Maroc de devenir un hub incon-
Ligne à grande vitesse en représentant la quintessence à tournable vers son Continent. C’est à ce prix que le Royaume
côté des innombrables infrastructures logistiques et pourra s’appuyer sur les réalisations des deux dernières
urbaines qui portent le développement de l’économie maro- décennies et se projeter sereinement vers les prochaines. n
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