La Pratique de l'APC
La Pratique de l'APC
La Pratique de l'APC
Revue de recherches
en éducation, supplément
électronique
Mahamat Alhadji. La pratique de l’approche par compétences dans les écoles primaires d’application (EPA) de la ville de
Kousseri (Région de l’Extrême-nord/Cameroun). In: Spiral-E. Revue de recherches en éducation, supplément
électronique au n°47, 2011. Supplément au n° 47 : La culture de l'expression. pp. 33-50 ;
doi : https://doi.org/10.3406/spira.2011.1718
https://www.persee.fr/doc/spira_2118-724x_2011_sup_47_1_1718
Abstract
The present exploratory study aims to show if teachers actually apply approach by competences
since its introduction into curricula of practicing primary schools of Logone and Char division. Four
primary practicing schools are our study population. 352 pupils, 39 teachers and 4 headmasters
have been questioned. The results disclose that more teachers do not practice approach by
competences in their classrooms. For a better sitting in the practice of approach by competences,
we suggest ways of reflexion justly continued training of training map to teachers but also pay to
officers of the basic education attention on the question in the way of let them improved the
practice of approach of competences in the Cameroon’s primary schools.
Alhadji MAHAMAT
INTRODUCTION
L’instruction des enfants constitue une base non négligeable du développe-
ment d’un pays. Toutefois, selon (Roegiers, 2006), très souvent, les enfants vont à
l’école pendant plusieurs années et ne sont pas à mesure d’utiliser leurs connaissances
scolaires dans la vie quotidienne. En fait, les connaissances reçues ne leur permettent
pas de s’insérer socio-économiquement dans leur environnement.
Dans la plupart des pays africains, on peut constater que les systèmes éducatifs
scolaires connaissent des progrès remarquables depuis quelques années (Unesco,
2005). Cette avancée est visible à travers les curricula scolaires, les modes d’évalua-
tion, les apprentissages et la formation des enseignants (Legendre, 1993).
Beaucoup d’efforts sont consentis, tant sur le plan national qu’international
afin d’améliorer de façon quantitative et qualitative les systèmes scolaires. De nom-
breuses mutations ont été proposées afin d’identifier les difficultés et de proposer des
solutions aux problèmes des enseignants (Unesco, 2008). L’école doit faire face au-
jourd’hui à de nouveaux savoirs et des savoir-faire et ceci de façon concomitante dans
l’apprentissage chez les enfants. Elle est surtout confrontée à la nécessité de prendre
en compte les nouvelles visions et compétences de la part des enseignants, en particu-
lier au niveau de nouveaux contenus tels les « life skills » ou compétences transversa-
les (Roegiers, 2007b).
En effet, le vocable d’« approche par compétences » est encore relativement
récent sur le continent africain (Rogiers, 2008). C’est en 1994, lors de la Conférence
des ministres de l’éducation ayant le français en partage (CONFEMEN), que le con-
cept de « compétence » est évoqué pour la première fois de façon explicite (Rogiers,
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LA PRATIQUE DE L’APPROACHE PAR COMPÉTENCES
DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES D’APPLICATION À KOUSERI (CAMEROUN)
tuées par Décret du Premier Ministre en 2005 constituent des écoles phares pour la
formation des futurs maîtres. C’est là que les élèves-maîtres en formation à l’École
Normale d’Instituteurs de l’Enseignement Général (ENIEG) font leurs premiers pas
dans la pratique de l’enseignement. Dans le scénario le plus optimiste, les enseignants
sortis de ces écoles se doivent d’être des modèles dans leur inventivité didactique. Il
est nécessaire aussi construire activement des savoirs et de développer des compéten-
ces pour redorer le blason en appliquant les réformes admises.
L’objectif principal de cet article est de savoir si les enseignants des écoles pri-
maires publiques d’application pratiquent l’APC dans leurs classes. Pour atteindre cet
objectif, nous allons dans une première partie, présenter le cadre théorique de l’étude
qui comprendra les caractéristiques et les spécificités de l’APC et un état des connais-
sances sur la question de l’approche par compétences. Dans la deuxième, nous dé-
blayerons tour à tour le contexte de l’étude en mettant en exergue la carte géographi-
que et scolaire du département et l’approche méthodologique proprement dite (ins-
trument, échantillon, déroulement de l’enquête et traitement des données). La présen-
tation et l’analyse des résultats seront abordées dans la troisième partie. La quatrième
exposera la discussion de nos résultats. Enfin, nous tirerons une conclusion en suggé-
rant des pistes de réflexion aux enseignants et aux élèves pour une meilleure appré-
hension de l’APC.
I. CADRE THEORIQUE
Présentation et caractéristiques de l’approche par compétences (APC)
Nous nous proposons d’abord de définir le concept de « compétences ». Dans
une étude sur l’approche par compétences en Belgique francophone, Romainville
(2006) définit la compétence comme une aptitude qui permet de mettre en œuvre un
ensemble organisé de savoirs, de savoir-faire et d’attitudes susceptibles d’accomplir
un certain nombre de tâches. Delorme (2008) quant à lui, la perçoit comme un sys-
tème de connaissances procédurales favorisant, à l’intérieur d’une classe, l’identifica-
tion d’une tâche problème et sa résolution. Selon le MINEDUB (2004), le Curriculum
de l’enseignement fondamental Niveau 1 distingue trois types de compétences :
- les compétences disciplinaires qui sont liées aux domaines de formation, à
des disciplines ;
- les compétences transversales qui couvrent plusieurs domaines de formation.
Elles sont développées lors de la résolution des situations-problèmes. Elles sont d’or-
dre intellectuel, méthodologique, personnel, social et communicationnel ;
- les compétences de vie qui sont quant à elles liées à la manifestation des atti-
tudes et des comportements essentiels pour s’adapter à la vie et servent de liens entre
les apprentissages scolaires et la vie quotidienne.
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A. MAHAMAT
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LA PRATIQUE DE L’APPROACHE PAR COMPÉTENCES
DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES D’APPLICATION À KOUSERI (CAMEROUN)
dre à une situation complexe. Pour ce faire, l’élève est susceptible de faire appel à des
ressources qui lui sont à la fois propres et extérieures.
Au Cameroun, selon le Ministère de l’Éducation de Base (2004), le Curricu-
lum de l’Enseignement primaire du Niveau 1 présente les caractéristiques suivantes :
- un plan d’action pédagogique large ;
- une approche globale et intégrée de l’apprentissage ;
- un décloisonnement des disciplines et leur regroupement en « domaines » ;
- un apprentissage axé sur la démarche de résolution de problèmes se fondant
sur la liaison entre l’école et la vie afin de donner du sens aux apprentissages scolai-
res ;
- un rôle différent pour le maître qui facilite l’acquisition des compétences
et/ou guide pour créer un environnement favorable à l’apprentissage.
Bosman et al. (2000) et Roegiers (2000) insistent également sur le fait que la
tâche à réaliser pour prouver la compétence de l’élève est spontanée. L’élève doit être
capable de se débrouiller dans des situations nouvelles et inattendues, même si elles
restent évidemment confinées dans le cadre d’un ensemble de tâches déterminées.
Roegiers (2007a) pense que cette approche par compétences se caractérise à
trois niveaux : au niveau des finalités, la pédagogie de l’intégration vise à améliorer à
la fois l’efficacité du système éducatif et son équité. L’APC est particulièrement at-
tentive à fournir des pistes concrètes aux systèmes éducatifs qui voudraient accorder
une place à la fonction d’insertion de l’élève dans la société à travers la scolarité de
base. S’agissant du profil de l’élève, attendu en fin de scolarité, l’APC fait part de
l’importance de définir un profil en termes de familles de situations. Elle permet donc
à chaque élève au terme d’un cycle, en fonction des exigences d’insertion dans la vie
active à maîtriser les exigences de la poursuite des études. Au niveau des contenus, la
pédagogie de l’intégration développe la nécessité de concilier les différents types de
contenus. A côté des savoirs et des savoir-faire, il faut acquérir des savoir-être, des
compétences transversales. L’APC révèle que ces contenus ne sont pas une fin en soi,
mais des ressources que l’élève sera appelé à réintégrer dans des situations com-
plexes.
Revue de la littérature
Selon Hirtt (2000), l’évolution technologique exige des compétences pour as-
surer une continuité dans le temps et dans l’espace. Pour cela, les enseignants ne dis-
posent pas de compétences pour enseigner l’APC. La formation par approche par
compétences doit donc changer le comportement des apprenants et des formateurs.
Selon le Bureau International de l’Éducation (BIE, 2004), l’APC ne peut être mise en
œuvre valablement et de manière durable que par des enseignants qui sont très bien
formés. De plus, elle nécessite des conditions très propices notamment des groupes
d’élèves réduits, des locaux appropriés, du matériel indispensable. Généralement dans
les pays pauvres, ce type de pédagogie ne réussit souvent que là où les organismes in-
ternationaux (Unesco, Unicef,…) et non gouvernementaux interviennent en apportant
un appui consistant en termes d’encadrement, de formation d’enseignants et d’infra-
structures.
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A. MAHAMAT
Pour les auteurs (De Ketele, 1996 ; Roegiers, 2000, 2004 et 2007), les ensei-
gnants éprouvent beaucoup de difficultés à évaluer les acquis de leurs élèves. Pour
eux, une deuxième conséquence est que l’enseignant ne dispose pas de base concrète
pour apporter une remédiation aux élèves en difficulté afin de leur permettre de pro-
gresser. De ce fait, la grande majorité des élèves continuent à quitter l’école tout en
restant incapables d’allier savoir et vie quotidienne.
Scallon (2005), allant dans le même sens que Hirtt (2000) souligne que l’ap-
proche par compétences impose de nouveaux défis selon la pédagogie, l’organisation
scolaire et l’évaluation. Il relève également que le développement de l’APC repose
sur un nombre considérable de savoirs et de savoir-faire en rapport avec l’évaluation
des apprentissages au niveau des enseignants. Pour cet auteur, la pratique de l’APC ne
se réalise pas en toute objectivité comme dans le cas de la pratique des examens tradi-
tionnels. C’est dans cette perspective que Roegiers (2008), quelle que soit la théorie
de l’apprentissage que l’on considère, la recherche en sciences de l’éducation montre
que l’efficacité des apprentissages est essentiellement liée à la mobilisation cognitive
de l’élève, en qualité et en quantité.
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LA PRATIQUE DE L’APPROACHE PAR COMPÉTENCES
DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES D’APPLICATION À KOUSERI (CAMEROUN)
Tableau 1 : Répartition de l’échantillon des enseignants et des élèves selon les écoles
Les données du tableau 1 nous montrent que notre enquête a concerné 39 en-
seignants et 352 élèves des écoles d’Application de la ville de Kousseri. Il apparaît
également que notre échantillon est composé de beaucoup plus de garçons que de fil-
les. Cette sous-représentation des filles pourrait s’expliquer par le fait que, dans cette
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A. MAHAMAT
région du Cameroun, les filles ne vont pas toutes à l’école à cause des pratiques socia-
les très développées (mariages précoces, etc) et des stéréotypes culturels.
Instrument
Étant donné le grand nombre des élèves à interroger simultanément et la né-
cessité d’utiliser une technique simple exigeant peu de temps, le questionnaire a sem-
blé être plus adapté. Avec l’aide d’un groupe d’enseignants, l’instrument a été analysé
pour s’assurer que les aspects choisis cadraient bien avec les réalités socio-éducatives.
Les premières ébauches du questionnaire ont été testées à plusieurs reprises, tant avec
des élèves du CM2 des écoles non retenues qu’avec des enseignants. En fonction des
commentaires émis, un deuxième questionnaire modifié a été retenu après un nouvel
examen fait par des enseignants de l’École Normale d’Instituteurs de l’Enseignement
Général (ENIEG). Les questions posées se présentent sous la forme de questions à
choix multiples et sous forme de questions à réponses libres. Le questionnaire adressé
aux élèves avait pour objectif de déterminer leur avis sur la pratique de l’APC dans
leurs différentes écoles par les enseignants.
Par ailleurs, des entretiens individuels et de groupes semi-directifs ont été ré-
alisés. Ils se sont déroulés dans chaque école. Nous avons interrogé 39 enseignants
pour l’ensemble des 4 écoles d’application. Les enseignants étaient choisis selon leur
régularité. En plus, nous avons fait recours à la recherche documentaire. Ici, nous
avons parcouru un certain nombre de documents notamment le Curriculum de l’ensei-
gnement primaire de tous les niveaux, les activités pédagogiques dans les écoles d’ap-
plication, les documents et rapports annuels de la DDEB du Logone et Chari.
Déroulement de l’enquête
Pour mener notre enquête, une équipe d’enquêteurs a été constituée sur la base
d’entretiens avec les élèves maîtres de l’ENIEG de Kousseri qui ont déjà une expé-
rience dans la recherche. Tous les membres de l’équipe ont participé à la mise au
point des instruments de collecte d’informations, à la sélection des écoles et au recueil
des données. Un total de 400 questionnaires a été administré aux élèves des 4 écoles
d’application retenues. Nous avons en retour récupéré 352 questionnaires. La distribu-
tion s’est faite avec l’aide des enseignants, des inspecteurs et des directeurs d’écoles
concernées.
Traitement des données
Les données recueillies ont été traitées avec le logiciel SPSS afin de calculer la
distribution de fréquences au sein de la population. Nous avons procédé à la confec-
tion des tableaux de fréquences simples qui nous permettraient d’analyser et d’inter-
préter nos résultats. La méthode du « tri à plat » nous a servi dans l’analyse des don-
nées recueillies sur le terrain. Par ailleurs, nous avons aussi recouru au tableau de
contingence et au calcul de Khi2 afin de tirer des enseignements pertinents par rap-
port à nos résultats.
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LA PRATIQUE DE L’APPROACHE PAR COMPÉTENCES
DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES D’APPLICATION À KOUSERI (CAMEROUN)
Tableau 3 : Répartition des élèves selon les écoles et les classes fréquentées
Les données du tableau 3 montrent que l’EPA G I A est l’école la plus repré-
sentée dans notre échantillon avec 26,14 % alors que les classes de CEI ont constitué
le plus grand de notre effectif. Cette surreprésentation pourrait s’expliquer par le fait
que le CEI est la classe charnière entre les niveaux 1 et 2.
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A. MAHAMAT
Il ressort de ce tableau que la tranche d’âge des élèves interrogées est comprise
entre 10 ans et 14 ans soit 45,74 %. Cela s’expliquerait par la quête des repères et de
la personnalité observées chez les adolescents.
Organisation et pratique de l’APC
Nous montrerons à travers les questions posées aux élèves, l’influence de cer-
taines variables telles que l’organisation du cours, les compétences enseignées et l’ad-
hésion des élèves sur la pratique de l’APC.
D’après les données présentées dans le tableau 6, la majorité des élèves inter-
rogés mentionne que les compétences enseignées sont sans rapport avec l’insertion
socio-économique. Peu d’élèves pensent que les compétences ont un lien avec leur in-
sertion socio-économique. Nous constatons que la relation observée entre la pratique
de l’APC et les compétences enseignées est statistiquement non significative puisque
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LA PRATIQUE DE L’APPROACHE PAR COMPÉTENCES
DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES D’APPLICATION À KOUSERI (CAMEROUN)
6,92 ≤ 12,59. Les compétences enseignées n’influencent donc pas de façon très signi-
ficative la pratique de l’APC.
Les résultats du tableau 7 sont très intéressants. 209 élèves adhèrent à l’ensei-
gnement de l’APC contre 143 élèves qui déclarent ne pas adhérer à cette pratique
d’enseignement. Ce qui veut dire que les enseignants des écoles d’application ne dé-
veloppent pas assez l’APC et les élèves y adhérent difficilement. Cela démontre que
les enseignants pratiquent en même temps la méthode traditionnelle plus axée sur les
explications et l’APC qui fait appel aux travaux pratiques de groupes.
En s’en tenant aux statistiques du tableau 7, nous remarquons que la relation
observée entre la pratique de l’APC et l’adhésion des élèves est statistiquement signi-
ficative au seuil de 0,05 (108, 14 ≥ 7,81). Ce qui confirme l’adhésion des élèves à
l’APC influence la pratique de l’APC par les enseignants des écoles d’application de
la ville de Kousseri. Ceci nous permet de supposer que les élèves restent partagés en-
tre l’approche traditionnelle et l’APC. De même, la plupart des programmes des éco-
les primaires sont calqués sur l’environnement de l’enfant ce qui incite les ensei-
gnants à perdre souvent de vue l’enseignement de l’APC. Voilà pourquoi ils ne voient
pas une différence modérément/assez significative entre les deux méthodes d’ensei-
gnement.
Présentation et analyse des résultats
des entretiens semi-directifs avec les enseignants
Caractéristiques des enseignants
Nous avons dans le cadre de cette réflexion porté notre choix sur quelques ca-
ractéristiques des enseignants. Ce sont le sexe, le statut, l’ancienneté dans la fonction
et le niveau d’instruction, la formation à l’APC, les difficultés rencontrées, le temps
consacré aux disciplines et l’organisation des cours en classe.
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A. MAHAMAT
Les données présentées par le tableau 8 montrent que plus de la moitié des en-
seignants des écoles d’application de la ville de Kousseri sont de sexe féminin. Sauf
l’EPA d’Amchidiré où le taux des femmes représente 40 %. Cette surreprésentation
des femmes proviendrait du fait qu’au Cameroun, depuis quelques années, dans les
écoles primaires, les femmes constituent la main d’œuvre locale privilégiée. A travers
les campagnes de sensibilisation menées par les services publics et les associations en
charge des questions d’éducation des femmes, les femmes choisissent de plus en plus
d’enseigner.
Les données du tableau 9 laisse voir que notre échantillon compte plus d’ensei-
gnants contractuels (100 %). Ce taux confirmerait le manque criant d’enseignants
fonctionnaires dans la plupart des établissements primaires en milieu rural.
Le tableau 10 indique que les plus anciens des enseignants ont 3 ans d’expé-
rience. La forte représentation des enseignants ayant entre 1 et 3 années d’expérience
s’explique par la jeunesse des enquêtés, ce qui fait que beaucoup ne sont pas recyclés
à l’APC.
Au regard du tableau 11 (page suivante) nous constatons que les enseignants
des écoles d’application de la ville de Kousseri ont presque tous, le niveau de l’ensei-
gnement secondaire soit 80 % ont le BAC, le probatoire ou le BEPC avec seulement
20 % d’enseignants ayant le CEP. Cette particularité s’expliquerait par le fait que
dans certaines écoles primaires, les parents mobilisent des enseignants sans niveau
d’études très élevé et généralement ce sont les jeunes diplômés chômeurs originaires
des villages qu’on recrute sur le tas pour enseigner.
Tableau 11 : Répartition des enseignants selon leur niveau d’études
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LA PRATIQUE DE L’APPROACHE PAR COMPÉTENCES
DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES D’APPLICATION À KOUSERI (CAMEROUN)
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A. MAHAMAT
La plupart des enseignants interrogés ont mentionné que dans toutes les écoles
d’application, les élèves adhèrent à l’APC. Certains instituteurs ont révélé que « leurs
élèves préfèrent plus des cours en groupes que les explications. Car les cours de
groupes permettent à certains d’entre eux de s’amuser, de communiquer plus en lan-
gues du coin. Bref, le travail de groupes leur permet de jouer aussi. »
Difficultés rencontrées dans la pratique de l’APC
La principale difficulté soulignée par les enseignants est relative au faible ni-
veau de communication en langue française. Certains enseignants ont du mal à
s’approprier l’approche et à maîtriser les termes appropriés à cette approche. Les dif-
ficultés apparaissent également au niveau de la méthodologie et de l’application de
l’APC. Certains enseignants ont relevé des difficultés relatives à l’effectif pléthorique
des classes, l’insuffisance de matériel didactique pour les maîtres et surtout pour les
élèves. Les absences répétées de certains élèves ont été aussi mentionnées. Des ensei-
gnants affirment que les élèves ne veulent pas apprendre en dehors des heures de clas-
ses. La plupart des enseignants interrogés ont également posé le problème de la for-
mation continue, des séminaires de recyclage par rapport à la méthode APC qui, aux
yeux de beaucoup d’enseignants n’est pas bien perçue par eux-mêmes. Ils évoquent
également le manque de suivi pédagogique des enseignants.
Temps consacré aux disciplines de la pratique de l’APC
Nos répondants estiment à ce sujet que la plupart des disciplines ne sont pas
enseignées faute de temps. Ce qui a pour conséquence, la faiblesse des élèves surtout
en lecture, en écriture et en mathématiques. D’autres par contre relèvent que la dé-
marche de la nouvelle approche curriculaire se situe dans une logique de différencia-
tion pédagogique qui permet de respecter le rythme d’apprentissage de chaque élève.
Ce qui n’est pas possible de consacrer un temps à chaque élève.
IV. DISCUSSION
Selon les informations recueillies au cours de cette étude, la pratique de
l’approche par compétences n’est pas effective au niveau des écoles d’application de
la ville de Kousseri, malgré l’adhésion des élèves. Par rapport à la formation des en-
seignants, les résultats des entretiens ont montré qu’ils ont une idée sur la démarche
pédagogique de l’APC. Toutefois, la tendance de ceux qui n’ont pas suivi des forma-
tions en APC influence plus sa pratique dans les écoles retenues. Il est donc évident
que la formation à l’APC influence sa pratique et par ricochet les performances des
élèves. A cela, il convient d’ajouter la perception assez mitigée de la plupart des élè-
ves d’école. Cet avis est confirmé par les études faites par le Bureau International de
l’Éducation (BIE, 2004) sur la qualité de l’apprentissage. Les difficultés des ensei-
gnants ont une influence négative sur la pratique de l’APC dans leurs classes. Les ré-
sultats des entretiens sont aussi confirmés par (Scallon, 2005) qui mentionne que l’ap-
plication de l’APC exige des nouveaux défis tant sur les plans pédagogique que tech-
nologique. En plus, cela demande des compétences dans l’enseignement pour assurer
leur continuité dans le temps.
S’agissant de l’organisation du cours en classe, les résultats du questionnaire
adressé aux élèves montrent que presque tous les instituteurs des écoles d’application
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DANS LES ÉCOLES PRIMAIRES D’APPLICATION À KOUSERI (CAMEROUN)
privilégient l’organisation des cours par des explications. Nous remarquons que les
maîtres utilisent peu l’approche reposant sur les travaux de groupe qui constituent la
base même de l’APC. Au regard de ce résultat, l’on peut dire que les enseignants des
écoles d’application ne pratiquent pas l’APC. De ce fait, ceux des instituteurs qui
n’ont pas des compétences ne pourront pas naturellement la pratiquer notamment sur
les plans de la pédagogie, de l’organisation scolaire et de l’évaluation. Ces résultats
sont confirmés par ceux des études de Roegiers (2008) mentionnant que la pratique de
l’approche par compétences prend en compte l’aptitude de l’enseignant à pouvoir or-
ganiser les élèves en groupes, à transférer et à mobiliser les savoirs scolaires. Nous
notons également dans les entretiens avec les enseignants, un manque d’intérêts des
ceux-ci pour la pratique de l’APC. Ce qui est confirmé selon des études menées par
Le Hirtt (2000) qui trouve un lien significatif entre l’assimilation des préalables à
l’APC et sa pratique par les pédagogues.
Par rapport aux difficultés, nos résultats vont dans le même sens que ceux
mentionnés par De Ketele (1996) et Roegiers, (2000, 2004 et 2007), qui confirment
que de plus en plus, les enseignants éprouvent beaucoup de difficultés à pratiquer
l’APC dans leurs écoles.
CONCLUSION
Les données récoltées au cours de cette recherche ont dévoilé que le change-
ment induit par l’APC n’est pas encore perceptible dans les faits. La plupart des insti-
tuteurs sont encore à la première génération de l’approche par objectifs. Nous confir-
mons qu’effectivement les enseignants des écoles d’application de la ville de Kousse-
ri (Région de l’Extrême-nord/Cameroun) ne recourent pas à l’approche par compé-
tences dans les classes. Nous avons pu relever d’après les différents résultats obtenus
à travers le questionnaire adressé aux élèves et les entretiens avec les maîtres, que ces
derniers ne pratiquent pas l’APC. Nous relevons également que les instituteurs ren-
contrent des difficultés dans la mise en pratique de l’APC, notamment celle de
l’appropriation de l’APC. On est dès lors face à une contradiction entre les intentions
poursuivies, les réalités des écoles et les réalités du terrain. Cette étude nous a permis
de comprendre qu’aujourd’hui, des nouveautés sont introduites dans des systèmes
éducatifs dans nos pays, mais leur application sur le plan pratique ne suit pas. Ce qui
affaiblit nos systèmes éducatifs. Aujourd’hui, la grande majorité des enseignements
au niveau du primaire convergent pour placer l’approche par compétences au cœur
des curricula. En effet, ils estiment qu’il s’agit là d’une des meilleures approches
connues pour répondre aux exigences et aux défis de la société actuelle, tant sur le
plan économique que social.
Par ailleurs, l’analyse du Khi2 montre qu’on peut établir des relations de dé-
pendance statistiquement significative entre la pratique de l’APC et l’adhésion des
élèves. Les autres variables telles que l’organisation des cours et les compétences en-
seignées n’ont pas une influence assez significative sur la pratique de l’APC.
Nous reconnaissons néanmoins, à cette étude, des limites. La principale est liée
à la collecte des données. Il aurait été assez intéressant d’avoir un échantillon suffi-
sant des enseignants autant que d’élèves. La taille de notre échantillon (39 ensei-
gnants et 352 élèves) est à notre avis, très modeste, compte tenu de l’importance de la
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A. MAHAMAT
question de la pratique de l’APC dans une région très attachée aux pratiques religieu-
ses et culturelles ancestrales. Ici, l’éducation des enfants ne semble pas être un trem-
plin pour avoir du travail. Par ailleurs, l’étude n’a pas aussi pris en compte les avis
des parents et surtout des responsables en charge des questions pédagogiques dans
l’enseignement primaire au niveau du département. Au-delà du questionnaire adressé
aux élèves et des entretiens avec les enseignants, une observation systématique des
comportements des enseignants en classe et des interactions entre les élèves serait in-
téressante. Enfin, la prudence quant à la généralisation des résultats s’impose.
Toutefois, la présente recherche pourrait fournir des pistes d’interventions aux
responsables camerounais en charge des questions d’éducation dans l’enseignement
primaire. De façon identique, il est opportun d’attirer l’attention des uns et des autres
sur l’application de cette approche pédagogique dans l’optique de réduire le phéno-
mène d’échec scolaire des élèves. Pour cela, il faudrait que les responsables en charge
des problèmes des curricula ne restent pas dans le carcan de ceux qui considèrent les
nouvelles habitudes comme ayant « la peau dure ». Il importe également de proposer,
à la lumière des opinions des enseignants et des élèves, des démarches, à même de
mieux pratiquer l’approche par compétences dans les écoles primaires du Cameroun
en général, et dans les écoles d’application en particulier à deux niveaux :
a-. Au niveau des responsables de l’éducation de base
Puisque nos résultats ont indiqué une absence de formation au niveau des en-
seignants, nous suggérons l’organisation des formations continues à l’endroit des en-
seignants. Ces rencontres leur permettraient de se remettre en cause et de s’améliorer.
Cela peut se faire grâce au suivi pédagogique régulier des responsables du Ministère
de l’Education de Base. Nous pensons que la non-collaboration entre les responsables
et l’école est un élément compromettant dans le maillon de la pratique de l’APC dans
les établissements. Toute action serait vaine si elle ne s’appuie pas principalement sur
le support et la collaboration de la communauté éducative tout entière. De ce point de
vue, il est raisonnable d’amener les enseignants à s’approprier la méthodologie et les
paradigmes de l’approche par compétences. Il faut aussi doter les écoles de matériel
didactique en nombre suffisant, afin de permettre aux enseignants de réussir la prati-
que de l’approche par compétences au niveau des classes.
b-. Au niveau des enseignants
Nous proposons la nécessité d’impliquer les enseignants en tant qu’acteurs de
la communauté éducative dans leur rôle de soutenir les nouvelles approches pédago-
giques afin d’accompagner les élèves. Les enseignants devraient chercher à compren-
dre plutôt leurs difficultés à pouvoir s’approprier l’APC.
Alhadji MAHAMAT
Université Franche-Comté
Abstract : The present exploratory study aims to show if teachers actually apply ap-
proach by competences since its introduction into curricula of practicing primary schools of
Logone and Char division. Four primary practicing schools are our study population. 352 pu-
pils, 39 teachers and 4 headmasters have been questioned. The results disclose that more teach-
ers do not practice approach by competences in their classrooms. For a better sitting in the
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Bibliographie
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