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La Terre (moins l'Europe),

géographie et statistique : la
planète et son atmosphère,
l'Océan, les découvertes, [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Levasseur, Émile (1828-1911). La Terre (moins l'Europe),
géographie et statistique : la planète et son atmosphère, l'Océan,
les découvertes, l'Afrique, l'Asie, l'Océanie, l'Amérique du nord,
l'Amérique du sud (2e édition) / par É. Levasseur,.... 1874.

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LA TERRE
(MOINS L'EUROPE)
COURS COMPLET DE GÉOGRAPHIE
Par M. E. LEVASSEUR
Membre de l'Institut, Professeur au Collège de France.

I. La France avec ses colonies. (Climat, sol, politique, agricul-


ture, industrie, commerce, grandes villes, revue des provinces, colo-
nies, administration, population.) 1 vol. in-12, avec fig....... 3 »

ration de CH. PLRIGOT). In-12, cart.


Atlas correspondant. (27 cartes coloriées, dressées avec la collabo-
3 »

.
Vade-mecum du statisticien,
et ses colonies. In-12, br. 150 92 tableaux concernant la France
1 50

II. L'Europe (moins la France). — (Géographie physique, révo-


lutions de l'Europe, îles Britanniques, Pays-Bas, Europe centrale, Eu-
rope méridionale, Russie, États scandinaves, comparaison des forces
(productives.) In-12, cart., avec fig 4 »

Atlas correspondant (34 cartes coloriées, dressées avec la collabo-


ration de Ch. PERIGOT). In-12, cart 4 »
III. La Terre (moins l'Europe). — (La Planète et son atmo-

fig.
sphère, l'Océan, les découvertes, l'Afrique, l'Asie, l'Océanie, l'Amé-
rique du Nord, l'Amérique du Sud, la nature et l'homme.) In-12,
cart., avec
Atlas correspondant(32 cartes coloriées, dressées avec la collabo-
ration de Ch. PÉRIGOT). In-12, cart.....
4 »

4 »

Ces trois ouvrages sont réunis sous le titre de


:
Géographie physique, politique, économique. 1 très-fort
vol. in-12, cart. 10 »
Atlas correspondant (93 cartes). 1 vol. in-12, cart..... 10 »

Géographie physique extraite des ouvrages précédents, 1 vol.


in-12, cart 250
Atlas correspondant. 1 vol. in-12, cart.. 2 »

Carte murale de la France à 1/1,000,000, collée sur toile, vernie,


montée sur gorge et rouleau.. 20 »

CORBIAL.
— Typ et stei, de Creteins
LA TERRE
(MOINS L'EUROPE)
GÉOGRAPHIE ET STATISTIQUE

LA PLANETE ET SON ATMOSPHÈRE


L'OCÉAN — LES DÉCOUVERTES — L'AFRIQUE — L'ASIE
L'OCÉANIE — L'AMERIQUE DU NORD
L'AMERIQUE DU SUD

PAR

E. LEVASSEUR
MEMBRE DE L'INSTITUT

Deuxième édition entièrement refondue.

PARIS
CH. DELAGRAVE
Éditeur de la Société de Géographie
58, ROI DES ÉCOLES, 58

1874
Tout exemplaire de cet ouvrage non revêtu de ma griffe
sera réputé contrefait.
LA TERRE

PREMIÈRE PARTIE
LES NOTIONS GÉNÉRALES.

1re Section.
LA PLANÈTE.
1. La forme de la terre. — Ainsi que la plupart des corps
célestes, la terre est ronde : on peut du moins la considérer
comme telle, quoiqu'elle soit légèrement renflée à l'équa-
teur et aplatie aux deux pôles : les globes terrestres en
donnent en petit une image exacte. Nous ne pouvons pas
reconnaître à première vue la rotondité de notre planète,
parce que les moindres ondulations du terrain suffisent,
même dans une plaine unie, pour modifier l'horizon vi-
suel. Mais elle est très-appréciable sur le bord de la mer,
quand un navire s'approche de la côte : c'est le haut des
mâts que l'on voit d'abord de loin ; peu à peu on distingue
les voiles basses, puis la carène du navire. Si la mer était
une surface absolument plane, on verrait, de la côte, aussi
loin que le regard peut porter, le navire très-petit, mais
tout entier, comme on voit un ballon dans l'air : c'est la
courbure de la terre qui nous cache de loin les parties
inférieures. Autre exemple : au bord de la mer (S), on voit
le navire D tout entier (fig. 1) ; mais on n'aperçoit que le
pavillon du navire D" ; d'une éminence (éminence très-
exagérée sur la figure) on voit la voilure de celui-ci ; d'un
point plus élevé encore (S") on voit sa carène ; enfin du haut
d'une tour (S") on distingue complètement, non-seulement
le troisième, mais le quatrième navire : c'est la courbure de
la terre qui arrête la vue et qui dissimule les objets loin-
tains lorsque l'observateur est placé près du niveau de la
mer.

L'expérience démontre qu'il est impossible d'attribuer à


notre planète une forme autre que la forme ronde. Un na-
vigateur parti d'Europe, et faisant route constamment dans
la direction de l'occident, en contournant les continents, a
tous les jours autour de lui le même horizon circulaire, et
finit par rentrer au port du côté de l'orient : il a fait évi-
demment le tour d'un corps dont toutes les parties sont
semblables entre elles, c'est-à-dire d'un corps rond, d'une
sphère. Avant même qu'on eût fait le tour du monde, et
qu'on eût ainsi une démonstration expérimentale (expé-
rience qu'on peut faire aujourd'hui dans un voyage de
trois mois, partie en bateau à vapeur et partie en chemin
de fer), l'observation des astres avait conduit à calculer la
sphéricité de la terre et à déterminer avec une certaine
précision sa forme et ses dimensions.
La rondeur de la terre, néanmoins, comme nous l'avons
dit, n'est pas parfaite. Par l'effet de la force centrifuge, la
terre est légèrement renflée vers l'équateur et aplatie vers les
pôles : différence peu sensible d'ailleurs,puisque son diamè-
tre à l'équateur n'est que de 1/300 plus long que le diamè-
tre allant d'un pôle à l'autre.
2. Les dimensions de la terre. — Le diamètre moyen de
la terre est de 12 732 kilomètres ; sa circonférence, passant
par les pôles, mesure 40 000 kilomètres ; SA SUPERFICIE est de
510 MILLIONS DE KILOMÈTRES CARRÉS.
Si l'aplatissement des pôles altère peu la rondeur de la
terre, les accidents du terrain ne sauraient l'altérer d'une
façon appréciable. La plus haute montagne d'Europe, le
mont Blanc, mesure 4 810 mètres, soit environ 5 kilomè-
tres ; la plus haute montagne du globe, le mont Gaurisankar
dans l'Himalaya, n'atteint pas 9 kilomètres, et n'équivaut
guère qu'à 1/1500 du diamètre terrestre. Par conséquent,
si l'on fabriquait un globe terrestre ayant 1m,50 de diamè-
tre, c'est-à-dire presque la hauteur d'un homme, et qu'on
voulût y représenter la hauteur proportionnelle du Gauri-
sankar, on ne pourrait donner à cette montagne qu'un
relief tout à fait insensible à l'oeil, celui d'un millimètre.
3. Les cercles et les zones. — Pour faciliter l'étude du
globe terrestre et de ses rapports avec les autres corps cé-
lestes, les astronomes ont été amenés à y tracer un certain
nombre de cercles (fig 2).
Le premier et le plus important est l'ÉQUATEUR, nommé
aussi ligne équinoxiale, qui, précisément à l'endroit du plus
grand renflement de la sphère, la coupe en deux parties
égales, autrement dit, en deux hémisphères ou calottes,
l'hémisphère boréal ou HÉMISPHÈRE DU NORD, et l'hémisphère
austral ou HÉMISPHÈRE DU SUD. Au sommet de chacun de
ces deux hémisphères, à égale distance de tous les points de
l'équateur, est un point central qu'on nomme PÔLE : PÔLE

NORD ouarclique, dans l'hémisphère nord ; PÔLE SUD ou an-


tarctique, dans l'hémisphère sud.
Le diamètre qui réunit un pôle à l'autre, en passant
par le centre de la terre et, par conséquent aussi, par le cen-
tre du cercle de l'équaleur, s'appelle l'AXE DE LA TERRE.
Au quart environ de la distance qui sépare l'équateur de
chacun des pôles 1, deux cercles, un peu plus petits que
l'équateur, et parallèles à ce dernier, l'un dans l'hémisphère
nord, l'autre dans l'hémisphère sud, portent le nom de TRO-
PIQUES : TROPIQUE DU CANCER au nord, et TROPIQUE DU CAPRI-
CORNE au sud. Aux trois quarts de la même distance, deux
autres cercles, également parallèles à l'équateur, mais beau-
coup plus petits, parce qu'ils sont beaucoup plus voisins des
sommets de la sphère, et situés aussi, l'un dans l'hémi-
sphère nord, l'autre dans l'hémisphère sud, sont appelés
CERCLES POLAIRES : CERCLE POLAIRE DU NORD, ou cercle po-
laire arctique dans l'hémisphère nord ; et CERCLE POLAIRE DU
SUD, ou antarctique dans l'hémisphère sud. Les intervalles
formés par ces cinq cercles constituent cinq zones
(Voir la figure 2, sur laquelle les zones sont distinguées par des hachures
en sens divers) :
1° Dans l'intervalle situé entre les deux tropiques et
coupé en deux parties égales par l'équateur, est la ZONE
TORRIDE, ainsi appelée parce que la chaleur y est plus
grande que partout ailleurs ;
2° et 3°. Les deux calottes sphériques, qui ont chacune
un pôle pour sommet et un cercle polaire pour limites,
constituent les ZONES GLACIALES, ainsi désignées à cause de
la rigueur du froid : ZONE GLACIALE DU NORD, dans l'hémi-
sphère nord ; ZONE GLACIALE DU SUD, dans l'hémisphère
sud ;
4° et 5°. Entre les cercles polaires et les tropiques, sont
les ZONES TEMPÉRÉES, occupant à peu près la moitié de cha-
que hémisphère : ZONE TEMPÉRÉE BORÉALE, dans l'hémi-
sphère nord ; et ZONE TEMPÉRÉE AUSTRALE, dans l'hémisphère
sud.
Comme, à mesure qu'on s'éloigne de l'équateur, la surface
de la sphère se rétrécit, les deux zones glaciales occupent un
peu moins de la dixième partie de cette surface, tandis que la

1. Le quart de 90 degrés est de 22° 30' ; or les tropiques sont par 23°
28, et les cercles polaires par 66° 32', c'est-à-dire à 23° 28' du pôle.
zone torride en occupe presque les quatre dixièmes, et les
zones tempérées un peu plus de la moitié1.
On sait que les géomètres partagent le cercle en 360 par-
ties égales ou degrés, chaque degré en 60 minutes, cha-
que minute en 60 secondes. Si donc on coupe une sphère
par la moitié du haut en bas, c'est-à-dire du pôle nord au

[texte manquant]

pôle sud, et qu'on applique sur la section un cercle muni


de ses 360 divisions, un rapporteur par exemple, on aura,
du pôle nord au pôle sud, 180 intervalles égaux d'un côté
et 180 de l'autre, ou, pour prendre un espace plus restreint,
90 intervalles égaux de l'équateur à chaque pôle : chacun de

1. Zones glaciales = 0.082 )


Zone torride = 0.398 } 1.000
0.520)
Zones tempérées =
Ces divisions de la sphère terrestre ont été faites d'après la manière
dont les rayons du soleil éclairent la terre. Ils tombent verticalement à
certaines époques sur chacun des lieux situés entre les tropiques ; et
restent, à certaines époques, 24 heures et plus, sans atteindreles régions
situées au delà des cercles polaires. Il existe d'autres divisions fondées
sur la géométrie.
ces intervalles est un DEGRÉ DE LATITUDE (fig. 3), ainsi nommé
parce que ces degrés mesurent la terre dans sa largeur, du
nord au sud. Rapprochez maintenant les deux moitiés et,
de l'équateur au pôle nord, faites autant de sections qu'il y
a de degrés, vous aurez, à partir de l'équateur, qui est un
grand cercle et qu'on désigne par 0 degré, 89 petits cercles
équidistants, parallèles à l'équateur et désignés, pour cette
raison, sous le nom de PARALLÈLES, ayant tous leur centre
sur l'axe terrestre et décroissant de grandeur jusqu'au
pôle qui est la limite du 90e degré (voir la figure 3). La dis-
tance de l'équateur au pôle étant le quart de la circonfé-

rence, les quatre quarts de la terre font bien les 360 degrés
(90 X 4 = 360) du cercle. C'est en comparant la, position
des tropiques aux degrés de latitude, qu'on dit qu'ils sont
par 23 degrés 28 minutes.
On distingue ces degrés par les noms de latitude boréale
dans l'hémisphère nord, et de latitude australe dans l'hé-
misphère sud.
Si vous placez votre rapporteur sur le grand cercle de
l'équateur, vous partagerez également ce cercle en 360
degrés : ce sont les DEGRÉS DE LONGITUDE (fig. 4), lesquels me-
surenlla terre dans le sens de sa longueur, de l'est à l'ouest.
Par le point où chacun de ces degrés touche la circonférence
de l'équateur, menez un demi-cercle allant jusqu'au pôle
nord et au pôle sud, vous obtiendrez ainsi 360 demi-cercles
formant 180 grands cercles, tous parfaitement égaux et pas-
sant tous par les deux pôles : on les nomme des MÉRIDIENS,
parce que, lorsque le soleil traverse le plan d'un de ces
grands cercles, il est midi dans tous les lieux qui se trou-
vent sur son tracé (voir la figure 8).
On peut prendre comme point de départ des degrés de
longitude n'importe quel méridien : en France, c'est le
méridien de l'Observatoire de Paris qui est le 0° 1. On
compte, à l'est de ce méridien, par degrés de longitude orien-
tale, jusqu'au 180e degré ; et, à l'ouest, par degrés de longi-
tude occidentale, également jusqu'au 180e.
L'intersection de deux lignes détermine un point géogra-
phique : lors donc qu'on veut déterminer l'emplacement
d'un lieu sur le globe, il suffit de chercher sa longitude
et sa latitude. Exemple : Marseille est par 43°17' de lati-
tude boréale et par 3°2' de longitude orientale.
La distance entre deux degrés de latitude, laquelle se me-
sure du nord au sud, est en moyenne de 111 kilomètres ;
la distance entre deux degrés de longitude est variable : elle
décroît à mesure que de l'équateur, où elle est de 111 kil.,
on s'avance vers le pôle, où elle est nulle ; sous le 45e de-
gré de latitude, elle est de 78 kilomètres.
4. Les cartes. — Sur un globe, on peut représenter
très-exactement la terre et la position relative de tous les
lieux. Mais il est impossible de reproduire d'une manière

1. Les Anglais comptent la longitude à partir du méridien de leur ob-


servatoire de Greenwich qui est 2°20'O du méridien de Paris ; les Alle-
mands à partir du méridien de l'île de Fer, dans les Canaries (en réa-
lité le méridien est un peu à l'ouest de l'île, en mer) qui est à 26° à
l'ouest du méridien de Paris.
parfaite une surface courbe sur une surface plane. On doit
se contenter d'une simple approximation, que l'on obtient
par divers procédés mathématiques et on dresse une map-
pemonde ou planisphère, c'est-à-dire la sphère représentée
sur un plan. Ce planisphère peut avoir la forme de deux
cercles, dont chacun représenteun hémisphère, comme dans
la figure ci-dessous qui donne une mappemonde divisée en
hémisphère oriental et hémisphère occidental (figure 5). Cette
sorte de mappemonde est dressée d'après la projection sté-

réographique : l'observateur est censé placé à la surface de


la terre : de là il aperçoit, à travers toute l'épaisseur de la
sphère, la surface de l'hémisphère opposé, dont chacun des
points et des contours se projette sur une glace passant par
le milieu de la sphère, entre lui et l'hémisphère qu'il ob-
serve ; cette glace est le plan sur lequel est représenté l'hé-
misphère, avec les parallèles elles méridiens figurés par
des arcs de cercle, sauf l'équateur et le méridien central.
Ce mode de projection rapetisse les parties voisines du
centre.
On peut aussi imaginer que de tous les points d'un hémi-
sphère on fait tomber des fils à plomb sur un plan passant,
comme la glace, par le milieu de la terre ; c'est ainsi qu'on
obtient la projection orthographique, dans laquelle les par-
allèles sont des lignes droites et les méridiens des arcs
d'ellipse. Ce mode de projection rapetisse les parties voi-
sines de la circonférence.
Le planisphère peut aussi avoir la forme d'un rectangle,
comme dans les cartes de notre atlas et dans quelques-unes
des figures suivantes. Pour obtenir cette forme (voir la figure
n° 6), on projette les degrés sur un cylindre enveloppant la

terre comme l'âme du canon enveloppe le boulet, et on


déroule ensuite le cylindre à plat. Les planisphères dressés
d'après cette méthode, dite projection de Mercator modifiée,
ont l'avantage de présenter, comme dans la réalité, les
degrés de longitude et de latitude se coupant à angle droit,
disposition très-commode pour les marins. Mais ils ont
l'inconvénient d'agrandir considérablement les régions voi-
sines des pôles, en donnant aux degrés de longitude dans
ces contrées le même écartement qu'a l'équateur ; ce qui
oblige, pour conserver la forme relative, d'écarter aussi pro-
gressivement les degrés de latitude, à mesure qu'on appro-
che des pôles.
Quand il s'agit de reproduire seulement une petite partie
de la sphère, un État par exemple, c'est-à-dire une surface
dont la courbure est légère, on use de procédés particuliers,
par exemple du développement conique, qui donne une
représentation des lieux très-peu différente de la réalité :
c'est par la méthode du développement conique, que sont
dressées en général les cartes topographiques d'État-major.
5. Le système solaire. — La TERRE est une dépendance
du SYSTÈME SOLAIRE, lequel n'est lui-même qu'une très-
petite partie de l'UNIVERS. Le centre du système est le
SOLEIL, qui nous donne la lumière et la chaleur, et qui
est près d'un million et demi de fois plus gros que la terre
de sorte qu'on pourrait à peu près représenter la relation de
grandeur des deux corps célestes, en plaçant un très-petit
grain de groseille à côté d'un très-gros potiron ; ou, à côté
de notre globe terrestre, qui a un mètre de circonférence
et 32 centimètres de diamètre, une petite boule d'en-
viron 3 millimètres de diamètre. Autour de cette masse
énorme, attirées vers elle et maintenues par l'attraction dans
des orbites ellipsoïdaux, circulent sans cesse, avec des
vitesses diverses et variables, huit planètes principales et un
nombre très-grand de petites planètes. La plus grosse est
Jupiter, qui a 11 fois le diamètre et 1414 fois le volume de la
terre ; la plus éloignée des planètes connues est Neptune,
qu'on n'aperçoit qu'au télescope et qui, 30 fois plus éloi-
gnée du soleil que la terre, se trouve à plus de 4 milliards
de kilomètres du soleil. La terre est dans l'ordre de gros-
seur la cinquième des planètes ; elle est la troisième dans
l'ordre de proximité du soleil, dont elle est distante de 152

1. Exactement 1 407 124 fois : son diamètre égale 112 diamètres 1/16
comme celui de la terre.
millions de kilomètres (ou 38 millions de lieues kilométriques).
Plusieurs planètes ont des satellites. La terre en a un, la
LUNE, dont le diamètre est environ 4 fois moindre et le vo-
lume environ 35 fois moindre que ceux de la terre, et qui cir-
cule autour d'elle en vertu de la même loi d'attraction qui
fait circuler la terre autourdu soleil (voir le tab. de stat. n° 1).
Ce vaste système solaire, dans lequel la terre n'apparaît
que comme un point mathématique, n'est lui-même qu'un
point dans l'immensité des mondes. Chaque étoile que
nous apercevons est un soleil, qui est très-probablement
lui-même le centre d'un système d'attraction. Observez
le ciel avec un télescope puissant : et aux quelques milliers
d'étoiles visibles à l'oeil nu 1, s'ajouteront, par centaines de
mille et par millions, d'autres étoiles. La plupart sont trop
éloignées de nous pour que nous puissions nous faire une
idée quelconque de leur distance ; la plus voisine est
200,000 fois plus éloignée du soleil que le soleil ne l'est
de la terre ; aussi sa lumière (bien que la lumière parcoure
77,000 lieues par seconde et nous arrive du soleil en 8 mi-
nutes environ) met trois ans et demi à nous parvenir. Les
astronomes estiment que la lumière de l'étoile polaire met
31 ans à franchir l'espace qui la sépare de la terre ; et cepen-
dant cette étoile est au nombre des plus rapprochées, étant
une de celles dont on a pu évaluer la distance. On conjecture
qu'il en est dont la lumière met plus de 27 siècles à venir jus-
qu'à nous. De pareilles étendues confondent l'imagination.
Elles sont pourtant loin d'épuiser l'univers. On conjec-
ture aussi, non sans vraisemblance, que dans ce pro-
digieux système stellaire, les millions d'étoiles, centres
d'attraction, sont soumises de leur côté à des attractions
réciproques : on a même commencé à mesurer leur mouve-
ment à l'aide de l'analyse spectrale. L'ensemble du sys-
tème, qui paraît avoir la forme d'une lentille, dont la voie

1. Les étoiles visibles à l'oeil nu dans les deux hémisphères ne sont


guère qu'au nombre de 5,000.
lactée indiquerait et dessinerait la circonférence, ne serait
lui-même qu'une des parties d'un tout immense, dont quel-
ques autres groupes nous apparaissent, dans le plus loin-
tain des cieux, sous la forme indécise de nébuleuses. Vu de
ce lointain qui donne une idée de l'infini, notre système stel-
laire tout entier n'aurait à son tour que l'apparence d'une
nébuleuse.
6. Le mouvement de la terre.
— La terre circulant dans
son orbite ellipsoïdal, avec une vitesse d'environ 30 kilomè-
tres 1/2 par seconde, accomplit une révolution complète dans
l'espace de 365 jours 6 heures moins 9 minutes : d'où l'an-
née civile, qui est de 365 jours, avec addition d'un 366e jour
tous les quatre ans (6 heures + 4 24) dans l'année dite
=
bissextile, et suppression de trois années bissextiles tous les
quatre siècles, afin de compenser le retard des 9 minutes 1.
Pendant qu'elle fait sa révolution annuelle autour du
soleil, la terre accomplit sur elle-même un mouvement de
rotation, comme une toupie qui, tout en décrivant sur
le sable une grande circonférence, tourne rapidement sur
son axe.
L'axe terrestre étant le pivot de la rotation, les pôles de-
meurent étrangers à ce mouvement, tandis que le déplace-
ment est très-rapide à l'équateur où il est d'environ 476
mètres à la seconde, et il s'ajoute au déplacement produit
par la révolution autour du soleil : de là le renflement de
la terre, conséquence de la force centrifuge.
La durée de cette rotation constitue le jour. Pour
l'astronome, il y a deux jours distincts : le jour sidéral, qui
mesure l'intervalle de temps entre deux passages consécu-
tifs d'une même étoile au méridien d'un même lieu ; et le
jour solaire, qui mesure l'intervalle de temps entre deux
passages consécutifs du soleil au méridien d'un même lieu.

1. Les années bissextiles sont celles qui sont divisibles par 4, comme
1872. Les années séculaires dont les 2 premiers chiffres sont divisibles
par 4 comme 1600,2000, sont seules bissextiles.
Ces deux jours n'ont pas la même durée. Le premier, qui
exprime simplement le temps nécessaire pour la rotation

de la terre autour de son axe, est constamment de 23 heu-


res 56 minutes ; le second, qui exprime une relation de la
terre avec le soleil, est au contraire variable. En effet, la
terre décrit une ellipse dont le soleil occupe un des foyers.
Ainsi, dans sa révolution annuelle, elle roule, à certaines
époques, sur une courbe plus prononcée et, à d'autres épo-
ques, étant plus rapprochée de son centre d'attraction, elle
est animée d'un mouvement de translation plus rapide.
C'est pourquoi, entre deux passages consécutifs du soleil
au méridien, il s'écoule tantôt moins de 24 heures, ce qu'on
exprime en disant que le soleil avance (sur le midi moyen),
tantôt plus, ce qu'on exprime en disant que le soleil re-
tarde. Le jour de 24 heures est le jour moyen solaire, celui
qu'indiquent nos horloges. On peut se rendre compte de la
différence entre le jour sidéral et le jour solaire par la figure
ci-jointe (voir la figure 7 : S figuie le soleil, les distances CA' et DA"
marquent la différence croissante du jour solaire avec le jour sidéral qui
revient, sans changement, en B,B' et B" par rapport à l'étoile placée en
E,E et E"). Or, 4 minutes par jour faisant un jour dans l'an-

née, on comprend comment, dans l'année, le ciel se mon-


tre à nous successivement sous tous ses aspects, à chaque
heure de la nuit.
La terre roule dans l'espace que le soleil illumine ; mais la
moitié seule de notre globe, celle qui est tournée du côté
de l'astre, reçoit ses rayons, lesquels, à cause de l'énorme
volume du corps lumineux, nous arrivent partout parallè-
les ; l'autre moitié est dans les ténèbres. A mesure que la
rotation a lieu, une portion de la terre émerge à chaque
instant de la région ténébreuse pour entrer dans la région
de la lumière, pendant que, de l'autre côté, une portion
précisément égale entre à sou tour dans les ténèbres
(voir la figure 8). La portion émergée reçoit les premiers
rayons comme une tangente à la sphère, c'est-à-dire que
le soleil se lève à l'horizon et que ses rayons rasent le sol.
Dans tous les lieux situés sous le méridien émergeant, du
pôle nord au pôle sud, il est la même heure : 6 heures
du matin, si à cette époque les deux pôles, comme le
représente la figure, sont placés sur la limite même de
la région de la lumière et de la région des ténèbres, ce
qui a lieu aux équinoxes (voir § 8). La terre continuant à
tourner, les rayons forment avec ces mêmes lieux 1 un
angle de plus en plus ouvert, et le soleil paraît monter sur
l'horizon, jusqu'à ce que l'angle soit droit, c'est-à-dire
jusqu'à ce que les rayons tombent d'aplomb, autrement dit
que le soleil passe au méridien 2 ; c'est alors le milieu du
jour : il est midi 3. Le phénomène contraire commence ; le
soleil qui montait à la gauche du spectateur, si celui-ci avait
la face tournée vers le pôle sud, descend à sa droite, jusqu'à
ce que le dernier rayon rase le sol et que le méridien rentre
dans la région ténébreuse. On dit alors que le soleil se cou-
che ; et le JOUR qui, à l'époque des équinoxes, a duré 12 heu-
res, fait place à la NUIT qui durera également 12 heures.
Les heures du jour et de la nuit sont donc réglées non
par la latitude, mais par la longitude. Deux lieux placés
sous le même méridien, à quelque distance qu'ils soient,
ont toujours la même heure ; deux lieux placés sous des
1. Ou, plus exactement, avec le plan tangent à la sphère en ce lieu.
2. En réalité, les rayons solaires ne peuvent tomber d'aplomb, c'est-
à-dire verticalement, que pour les lieux situés dans la zone torride ; mais,
pour tous les lieux du globe, ils sont, a midi, dans le plan de ce méri-
dieu.
3. Pour se rendre bien compte de ces mouvements et de leurs effets,
il faut les reproduire à l'aide de notre globe terrestre et de l'appareil
cosmographique qui l'accompagne.
longitudes différentes, quelque proches ou quelque dis-
tants qu'ils soient, ont des heures différentes. A tout
instant, donc, il est des lieux pour lesquels sonnent cha-
cune des 24 heures du jour ou de la nuit (voir la figure 8).
Le côté où le soleil se lève s'appelle EST, orient, ou le-
vant ; le côté où le soleil se couche, OUEST, occident ou cou-
chant. Le soleil paraît donc, comme on l'a cru longtemps,
se mouvoir d'orient en occident ; en réalité, c'est la terre
qui tourne d'occident en orient. Les deux pôles auxquels
aboutissent tous les méridiens marquent, l'un le NORD ou

septentrion1 l'autre le SUD OU midi. Est, ouest, nord et sud


,
sont les QUATRE POINTS CARDINAUX ou points fondamentaux
servant à s'orienter et à indiquer la position relative des lieux.
Entre ces quatre points cardinaux on a placé des directions
intermédiaires : en premier lieu, nord-est entre le nord et
l'est, nord-ouest entre le nord et l'ouest, sud-ouest entre le
sud et l'ouest, sud-est entre le sud et l'est ; en second lieu, nord-
nord-est entre le nord et le nord-est, est-nord-est entre le
1. Nom tiré des sept étoiles de la constellation polaire.
nord-est et l'est, sud-sud-est entre le sud et le sud-est ; en
troisième lieu, nord 1/4 nord-ouest entre le nord-nord-ouest
et le nord, etc. ; la configuration de l'ensemble forme la rose
des vents (voir la figure 9). Exemple de position relative :
Londres est au nord-nord-ouest de Paris.
Les lignes qui joignent les quatre points cardinaux se
coupent à angle droit : il suffit donc de déterminer un de
ces points pour connaître les autres. Pour obtenir cette
détermination, tout observateur peut se régler sur la posi-
tion du soleil, pendant la journée, surtout le matin et le
soir, où il donne avec précision, aux équinoxes, l'est et
l'ouest, et à midi, où il donne la direction du sud. On peut
aussi se régler sur celle de l'étoile polaire qui, par les nuits
claires, donne le nord.
7. La boussole. — Les marins ont encore un moyen de
trouver le nord : c'est la boussole ou aiguille aimantée, la-
quelle, convenablement suspendue, se dirige toujours vers
le pôle nord, ou du moins vers un point peu éloigné du pôle
nord, lequel, variant légèrement avec les années, est situé au-
jourd'hui environ par 101° de longitude occidentale et 84° de
latitude septentrionale (voir la carte n° 1). La direction de l'ai-
guille aimantée varie donc selon les lieux ; elle est nord-
ouest dans l'océan Atlantique, nord-est dans le Pacifique,
ouest et même sud-ouest dans les mers polaires de l'hémi-
sphère boréal. La boussole et, à l'aide de tables dressées
par les astronomes, les étoiles et les planètes servent
à déterminer la latitude d'un lieu quelconque. Les mon-
tres marines bien réglées servent à déterminer la longi-
tude.

2e Section.
LES CLIMATS.
(Voir la catte n° 1.)

8. Les saisons. — La plus ou moins grande chaleur d'un


lieu dépend principalement de la manièreplus ou moins directe,
c'est-à-dire plus ou moins rapprochée de la verticale, dont ce
lieu reçoit les rayons du soleil. Les rayons tous parallèles,
arrivant sur la surface sphérique de la terre, tombent verti-
calement à certaines époques de l'année, et à peu près verti-
calement aux autres époques dans la partie centrale com-
prise entre les tropiques (voir plus loin les figures 11 et 12) : d'où
la grande chaleur et le nom de zone torride. Ils glissent très-
obliquement sur les deux parties extrêmes et ne font pour
ainsi dire que raser le sol : d'où le grand froid et le nom de
zones glaciales. Dans les parties intermédiaires, ils tombent
avec une certaine obliquité : d'où la température moyenne de
ces parties et le nom de zones tempérées. C'est à cause de
leur position dans la zone tempérée, que les habitants de
l'Europe n'ont jamais le soleil précisément au-dessus de
leur tôle.
Si la terre était vis-à-vis du soleil dans une position telle,
que la limite entre l'hémisphère ténébreux et l'hémisphère
éclairé passât toujours par les deux pôles, les jours et les
nuits auraient toujours une égale durée ; dès lors il n'y
aurait pas de variation de saisons. Il n'en est pas ainsi. La
terre tourne, comme ferait une toupie inclinée et conser-
vant constamment 1 dans son déplacement la même incli-
naisondirigée dans le même sens 2 ; c'est-à-dire, conservant
toujours son axe dans des directions parallèles. En considé-
rant le sol comme étant le plan de l'orbite terrestre ou plan
de l'écliptique, l'axe de la toupie devra former avec ce plan
un angle de 66° 32', c'est-à-dire que l'axe est incliné de 23
degrés 28 minutes 3, relativement à la perpendiculaire. Cette
inclinaison de la terre change suivant les saisons, comme
la position de la terre à l'égard du soleil (fig. 10).

1. En faisant abstraction de la nutation.


2. Il serait très-difficile d'effectuer réellement l'expérience avec une
toupie, parce que la toupie, ayant son point d'appui à son extrémité
inférieure, tendrait toujours à incliner son extrémité supérieure en de-
hors de son cercle de révolution.
3. 66° 32' + 23° 28°= 90 on l'angle droit.
Lorsque l'inclinaison de l'axe se présente de telle façon
que les deux pôles soient à la limite de l'hémisphère obscur
et de l'hémisphère éclairé, les jours, avons-nous dit, sont
égaux aux nuits pour tous les lieux de la terre : c'est pour-
quoi on nomme cette époque l'ÉQUINOXE : équinoxe de prin-
temps aux 19,20 ou 21 mars, et équinoxe d'automne au 22 ou
23 septembre. C'est aussi l'époque des chaleurs moyennes ;
alors l'équateur seul reçoit perpendiculairement les rayons
solaires1

Lorsque l'inclinaison est telle que le pôle nord soit dans


la région éclairée (fig. 11) et que l'axe terrestre (AB) fasse
avec la limite de la région ténébreuse un angle de 23° 28',
alors l'hémisphère boréal reçoit beaucoup plus abondam-
ment et plus directement les rayons solaires ; les jours sont
beaucoup plus longs que les nuits et même, au nord du cer-
cle polaire (P), la révolution ayant lieu tout entière dans la
région lumineuse, le soleil reste des jours entiers au-dessus de
1. Pour se rendre bien compte de ces phénomènes, il faut se servir
de notre globe terrestre de 32 centimètres de circonférence et de son ap-
pareil cosmographique.
l'horizon. Le tropique du Cancer (T) reçoit perpendiculaire-
ment les rayons ; la région tempérée boréale les reçoit plus
directement ; elle est dans la saison d'été. C'est au 23 juin
qu'a lieu le solstice d'été, qui représente la plus grande in-
clinaison de l'hémisphère boréal vers la région lumineuse.

Lorsqu'au contraire l'inclinaison est telle que le pôle nord


.
et sa zone glaciale se trouvent dans la région ténébreuse
(voir la fig. 12), l'hémisphère boréal ne reçoit plus que des

rayons très-obliques ; les nuits sont plus longues que les jours
et durent, au nord du cercle polaire, de 24 heures à 6 mois.
C'est la saison d'hiver, et la plus grande inclinaison de cet
hémisphère vers la région ténébreuse, ainsi que la plus
courte durée des jours qui en est la conséquence, se
produit au 21 ou 22 décembre, époque du solstice d'hiver.
Par les mêmes causes, les phénomènes se produisent à
l'inverse dans l'hémisphère austral, qui a son solstice d'été
au 21 décembre (voir fig. 12 l'incidence perpendiculaire des rayons
au tropique du Capricorne S) et son solstice d'hiver au 21 juin.
Mais, comme durant l'hiver de l'hémisphère nord, la
terre, dans l'ellipse qu'elle décrit, se trouve plus rappro-
chée du soleil que durant les autres saisons, le froid est
moins intense ; et la terre marchant plus vite à cause de
cette proximité même, l'hiver dure quelques jours de moins
que celui de l'hémisphère sud : de là une plus grande ri-
gueur du climat dans ce dernier hémisphère.
9. La température. — La terre, dont l'intérieur paraît
être une masse incandescente, a une chaleur qui lui
est propre et qui, du moins jusqu'à une certaine profon-
deur, se fait sentir d'autant plus qu'on s'éloigne de la sur-
face. On en peut faire aisément l'expérience en prenant
l'eau qui sort d'un puits artésien, ou en descendant dans
une mine, même dans une cave en hiver. Mais, à la sur-
face, le soleil est à peu près la seule source appréciable de
chaleur.
Il la répand diversement selon les zones, selon les saisons
dans une même zone, et selon les heures en un même lieu
dans une même journée. Ces trois causes de diversité sont
subordonnées elles-mêmes à la LATITUDE : si la latitude agis-
sait seule, les degrés de latitude détermineraient mathéma-
tiquement la température de chaque lieu.
Mais il y a encore d'autres influences. En seconde ligne est
celle de l'ALTITUDE,c'est-à-dire de l'élévation d'un lieu au-des-
sus du niveau de la mer : à mesure que cette élévation est
plus grande, l'air ambiant est plus raréfié, et la déperdition
de la chaleur par le rayonnement est plus grande ; il suffit de
monter jusqu'à 2,700 mètres dans les Alpes, pour voir des
neiges éternelles ; on en trouve à 5,000 mètres d'altitude
dans la zone torride, tandis qu'au niveau de la mer, et sous la
seule influence de la latitude, on n'en rencontre que dans les
régions polaires. Ainsi, dans la partie équatoriale de l'A-
mérique du Sud, Cumana, sur les bords de la mer, a une
température moyenne de 27° ; Antisana, sur un plateau des
Andes élevé de 4,000 mètres, a une température de 3° et demi ;
et au-dessus d'Antisana, à 4,500 mètres, commencent les
neiges perpétuelles. Aussi change-t-on rapidement de climat
et, par suite, de zone de végétation (voir § 29), en gravissant
une montagne ; et avant d'atteindre les neiges perpétuelles,
on passe par une variété de zones d'autant plus grande,
que la montagne est à une latitude plus voisine de l'équateur.
En troisième ligne est la PROXIMITÉ DE LA MER. On sait
que l'eau s'échauffe et se refroidit lentement, c'est-à-dire
qu'elle absorbe beaucoup de chaleur pour s'élever d'un
petit nombre de degrés, et réciproquement qu'elle émet
une grande quantité de chaleur, tout en ne s'abaissant que
d'un petit nombre de degrés. On peut donc comparer la
mer à un immense réservoir, dans lequel la chaleur solaire
emmagasinéel'été, comme la force est emmagasinée dans le
volant d'une machine à vapeur, est distribuée durant l'hiver
aux terres voisines. Autres considérations : la mer émet
beaucoup de vapeurs, et les nuages, dont elle couvre les ter-
res voisines, sont comme des écrans qui, d'une part, modè-
rent l'action des rayons solaires sur ces terres et, d'autre part,
diminuent le rayonnement, c'est-à-dire la déperdition de
chaleur, de ces mêmes terres vers les espaces célestes. Il
pleut d'ailleurs beaucoup dans le voisinage de la mer ; et la
pluie, en dégageant la chaleur latente contenue dans la va-
peur d'eau, tend à élever la température des lieux où elle
tombe.
En quatrième ligne est la DIRECTION DES VENTS ET DES
COURANTS MARITIMES. Suivant que ces vents et ces courants
viennent de régions froides ou de régions chaudes, ils por-
tent au loin le froid ou le chaud et modifient, d'une ma-
nière quelquefois considérable, l'influence de la latitude.
Telle est l'action réchauffante du Gulf-stream, coruant ma¬
ritime qui, venu du golfe du Mexique, donne à la côte occi-
dentale de l'Europe une température moyenne beaucoup
plus élevée que n'est celle de la côte orientale de l'Amérique
du Nord, située de l'autre côté de l'Atlantique (voir § 40) ;
telle est aussi l'influence du vent de nord-est qui, venu
des régions polaires, refroidit la plaine de Russie.
En cinquième ligne se présentent les influences locales
particulières à chaque contrée, telles que la composition géo-
logique du sol, l'exposition au nord, au levant, au sud ou au
couchant, la nature des cultures, le voisinage des marais,
des forêts, des montagnes, etc., qui modifient la tempéra-
ture des régions voisines. Citons comme exemple le voisi-
nage des Alpes qui envoient des vents glacés à. Lyon, et qui
forment un abri et une sorte d'espalier pour Nice et Menton.
10. Les lignes isothermes. — En ne tenant compte que
des causes principales, et en réunissant sur une carte les
lieux pour lesquels l'observation a donné une même tempé-
rature moyenne durant l'année entière, on obtient des cour-
bes qui font le tour du globe et qu'on appelle lignes iso-
thermes ou lignes de température moyenne égale. (Voir les
fig 13 et 14 et la carte n° 1.)
L'équateur thermal, ou ligne sous laquelle la chaleur est
la plus intense, ne correspond pas exactement à l'équateur
terrestre. Il est placé à quelques degrés au sud de l'équa-
teur dans la partie occidentale de l'océan Pacifique, avec
une température moyenne de 29° 3 ; à quelques degrés au
nord dans la partie orientale et dans l'Atlantique. Il forme
une courbe très-prononcée vers le nord dans la mer des
Antilles, en enveloppant la côte septentrionale de l'Améri-
que du Sud, et une autre plus prononcée encore en traver-
sant l'Afrique, où la chaleur dépasse 31 degrés, et le midi
de l'Ilindoustan ; puis il se porte assez rapidement au sud
de l'équateur, en suivant la côte des îles de la Sonde.
Les lignes isothermes de 20 degrés passent dans les deux
hémisphères à quelques degrés des tropiques, enveloppant
ainsi toute la région tropicale et au delà. Elles s'en écar¬
tent sensiblement cependant sur deux points : la ligne du
sud sur la côte occidentale d'Amérique, à cause des eaux
froides venues du pôle, et dans l'océan Indien à cause de
la chaude influence des moussons ; la ligne du nord sur une
beaucoup plus grande étendue, par la chaude influence du
Gulf-stream dans l'Atlantique, du Sahara en Afrique et des
moussons en Asie. Le Gulf stream manifeste mieux encore
sonaction sur les lignesde 10u et de 0° qu'il recourbe vers le
nord, parce qu'il éleve notablement la température des con-
trées septentrionales qu'il côtoie, en se faisant sentir jus-
qu'au cap Nord, à l'extrémité de la Norvège et même au
delà (voir § 40).
L'éloignement de la mer et l'influence réfrigérante des
vastes continents se font surtout remarquer dans la région
tempérée, sur les lignes de 10° et de 0° dans la traver-
sée de l'Amérique du Nord et de l'Asie.
L'examen de la carte fait aisément reconnaître les faits
suivants :
1° Les lignes isothermes de l'hémisphère nord sont plus si-
nueuses que celles de l'hémisphère sud, précisément à cause
de la présence du Gulf-stream et de la plus vaste étendue des
continents ;
2° A latitude égale, la température est généralement plus
basse dans l'hémisphère sud que dans l'hémisphère nord ;
3° Dans l'hémisphère nord qui a été jusqu'ici le mieux
exploré, la plus grande intensité du froid n'est pas au pôle,
mais sur certains points qui ne paraissent pas très-éloignés
du 80e degré de tatilude : ce fait semble, du reste, ôlre con-
firmé par la découverte,très-hypothétique il est vrai, faite par
Kane en 1853, d'une mer polaire libre de glaces, au delà
du 80° degré et par les voyages faits en 1871 à l'est de la
Nouvelle-Zemble.
11. Les lignes isothères et les lignes isochimènes. —
La connaissance de la température moyenne de l'année ne
suffit pas pour déterminer le climat d'un lieu ; car elle peut
résulter aussi bien d'un été et d'un hiver tempérés, que d'un
été très-chaud et d'un hiver très-froid. Il importe pourtant
d'étudier ces différences au point de vue de l'hygiène des
habitants et des productions du sol. Les plantes qui, comme
les oliviers, craignent la gelée, ne réussissent pas là où
les hivers sont rigoureux, quelle que soit la moyenne tem-
pérature de l'année ; leur culture s'arrête aux points qui
ont une certaine température moyenne de l'hiver, c'est-

à-dire qui sont sur une même ligne isochimène. Les céréales
de printemps, au contraire, qui ne poussent que pendant
le printemps et l'été, peuvent généralement être cultivées
sur tous les points qui ont une certaine température
moyenne de l'été, c'est-à-dire qui sont sur une même ligne
isothère, quelle que soit la rigueur de l'hiver. C'est surtout sur
ces lignes que se fait remarquer l'influence de l'Océan : en
modérant, en effet, la chaleur des étés et le froid des hivers, il
produit dans les contrées qui l'avoisinent les CLIMATS MA-
RITIMES jouissant d'étés et d'hivers relativement tempérés, tan-
dis que, loin de lui, au milieu des continents, règnent les
CLIMATS CONTINENTAUX, qui ont des étés brûlants et des hi-
vers rigoureux.
On peut s'en rendre compte en suivant sur la carte de l'A-
tlas la ligne isochimène de + 5° qui descend beaucoup plus
au sud dans le centre de l'Amérique (jusqu'au 35e degré) et
en Asie (jusqu'au 30e degré au Tibet), que sur les bords de

l'Atlantique, où elle atteint le 53° degré en Irlande; d'autre


+
part, la ligne isothère de 20°, qui s'élève au contraire
vers le nord jusqu'au 53e degré au centre de l'Amérique,
ne dépasse guère le 43e degré sur les bords de l'Atlantique,
et descend dans le Pacifique jusque vers le 35e degré.
La température varie suivant les mois et les saisons ;
par conséquent les lignes isothermes, isothères et isochi-
mènesse déplacent. Les cartes générales donnent les lignes
moyennes pour l'année entière. Les figures ci-jointes (voir
les fig. 13 et 14) donnent les lignes isothermes, l'une au mois
de janvier, lorsque l'été commence, dans l'hémisphère sud ;
l'autre au mois de juillet, lorsqu'il commence dans l'hémi-
sphère nord.
12. L'atmosphère et le vent. — La terre est enveloppée
par une ATMOSPHÈRE ou masse d'air, dont on évalue l'épais-
seur à 50 ou 60 kilomètres. Cet air qui, à cause de son
oxygène, est, après le soleil, source de chaleur, la pre-
mière condition de la vie dans la nature, est un fluide
extrêmement mobile, très-compressible et très-dilatable :
aussi est-il sans cesse en mouvement, et sans cesse tra-
versé par des courants qu'on appelle VENTS.
La moindre inégalité de température sur deux points suf-
fit pour déterminer un courant de ce genre. La brise de mer,
qui souffle de la pleine mer dans une direction perpendi-
culaire à la côte depuis la matinée jusqu'au soir, et la brise
de terre qui lui succède pendant la nuit dans une direction
opposée, en sont la preuve ; car elles proviennent de l'iné-
galité d'échauffement et de refroidissement de la mer et de
la terre sous l'action de la chaleur solaire et par l'effet du
rayonnement nocturne (voir les fig. 15 et 10). Quand le soleil
darde ses rayons, le sol atteint une température supé-
rieure à celle de la mer (soit 20° pour l'un et 15° pour
l'autre) ; il se produit alors, comme au-dessus d'un réchaud
ou de la plaque
d'un poêle, un
courant d'air as-
cendant ; par suite
il s'établit pour,
remplir le vide,
un courant d'air
venant de la mer
à la surface du
sol, pendant que, dans les régions supérieures de l'atmo-
sphère, l'air échauffé retourne, par un contre-courant, dans
la direction de la mer. La nuit, le sol perd sa chaleur plus
rapidement que la mer ; l'état relatif de leur température
devient inverse (soit 6° pour l'un et 12° pour l'autre) ; et les
courants d'air prennent, pour les mêmes raisons, une direc-
tion inverse. Ce phé-
nomène, qui contri-
bue à adoucir la
température des cô-
tes, est naturellement
plus sensible dans les
pays chauds et sous
les tropiques. Exem-
ple : le « virazon »
des côtes de la Plata. Il se fait sentir aussi sur la plupart
des rivages de la zone tempérée.
13. Les vents alizés. — C'est entre les pôles et l'équa-
teur que l'inégalité de température est la plus grande ; c'est
aussi des pôles à l'équateur et de l'équateur aux pôles que se
produisent les plus grands courants d'air. La force centri-
fuge accumule à l'équateur une masse d'air plus profonde
qu'aux pôles ; les parties inférieures de cette masse, échauf-
fées par un sol brûlant, s'élèvent dans les régions supé-
rieures. L'équilibre étant ainsi continuellement rompu, l'air
froid des pôles afflue sans cesse de toutes parts, se diri-
geant du sud au nord dans l'hémisphère sud, du nord
au sud dans l'hémisphère nord. Mais la terre tourne
d'occident en orient avec une vitesse un peu plus grande
que l'atmosphère qu'elle entraîne, surtout dans la région
intertropicale, où le déplacement par la rotation est le plus
considérable. Cette différence de vitesse produit des effets
tout semblables à ceux d'un vent soufflant de l'est à l'ouest
et fait dévier les courants d'air venus des pôles, lesquels, en
réalité, soufflent du nord-est dans l'hémisphère nord, et du
sud-est dans l'hémisphère sud : on les nomme VENTS ALIZÉS
ou vents constants. Ils inclinent d'autant plus à l'est qu'on
se rapproche de l'équateur ; sous l'équateur même
régne le grand alizé, qui souffle directement de l'est.
La région des vents alizés, légèrement variable suivant les
saisons et suivant les océans, s'étend de 30° de latitude nord
à 23° de latitude sud, c'est-à-dire sur toute la région inter-
tropicale et au delà.
La zone des vents du nord-est, ou zone boréale, est sé-
parée de la zone des vents du sud-est, ou zone australe, par
la zone des calmes, qui se trouve dans l'hémisphère boréal

et qui s'étend du 3° au 9° degré, variant aussi selon les sai-


sons. C'est la partie du globe où, la chaleur étant le plus
intense, grâce à l'équateur thermal qui la traverse, la force
d'ascension neutralise toutes les autres causes de courants
et produit tantôt un calme absolu, tantôt des ouragans souf-
flantavec impétuosité dans les directions les plus diverses
(voir la fig. 17). L'air qui, dans la région des calmes, s'élève
pour ainsi dire perpendiculairementen ondes bouillonnan¬
tes, produit des remous, des tourbillons ; ceux-ci s'échappent
dans les autres parties de l'atmosphère, en suivant certaines
directions constantes, comme les petits tourbillons d'eau
qu'on voit se former à la surface d'une rivière. Ces tourbil-
lons d'air portent le ravage partout où ils passent. Tels sont
les ouragans ou cyclones 1, qui sévissent fréquemment aux
Antilles durant l'été et qui, en suivant le cours du Gulf-
stream, viennent parfois, le long de la côte de l'Amérique,
jusqu'en Europe apporter les orages ; ils se produisent égale-
mentau sud, sur la côte du Brésil. Tels sont aussi les typhons
ou ouragans mêlés de trombes d'eau, qui sévissent
sur la côte occidentale du Pacifique, dans la mer de
Chine.
14. Les moussons. — Les MOUSSONS, mot qui en arabe si-
gnifie saison, sont des vents qui soufflent en général du sud-
ouest pendant une moitié de l'année, d'avril en septembre ; et
du nord-est, dans la direction tout opposée, pendant l'autre
moitié, d'octobre à mars. Ces différences proviennent encore
de l'inégalité de température. De l'équinoxe du printemps
à l'équinoxe d'automne, quand l'hémisphère nord reçoit
directement les rayons solaires, le vaste plateau central de
l'Asie, fortement échauffé, produit un continuel appel
d'air et comme une vaste et constante brise de mer : mous-
son soufflant du sud-ouest au nord-est. De l'équinoxe d'au-
tomne à l'équinoxe de printemps, au contraire, le plus
grand échauffement est dans l'hémisphère sud, et c'est
le plateau de l'Afrique australe qui produit l'appel d'air :
mousson du nord-est au sud-ouest. Aussi est-ce dans la
partie septentrionale de l'océan Indien, resserrée entre deux
grands continents, que se font surtout sentir ces vents dont
l'intensité, la durée et la direction absolue varient suivant
les accidents du terrain. Les moussons soufflent aussi, mais

1. La vitesse d'un vent frais, convenable aux navires à voiles, est d'en-
viron 6 mètres par seconde ; celle d'un ouragan, à la circonférence du
cyclone, atteint 40 mètres.
d'une manière différente, dans la mer de Chine et entre
Java et l'Australie 1.
15. Les vents des zones tempérées. — Un courant d'air
produit toujours un contre-courant : la brise de mer et la
brise de terre en sont des exemples. Pendant qu'au niveau
du sol, les alizés envoient du nord-est et du sud-est un air
frais, l'air échauffé s'écoule dans les régions supérieures de
l'atmosphère vers le nord-est et vers le sud-est ; il s'alourdit
peu à peu, ou,pour mieux dire, il se condense en se refroi-
dissant. Un peu au delà des tropiques, vers le 30e degré, il
retombe au niveau du sol, en se heurtant contre les cou-
rants venus du pôle. Il se produit ainsi, par la neutralisation
des forces, deux nouvelles zones de calmes, celle du tropique
du Cancer et celle du tropique du Capricorne. Au delà de
ces deux zones, les courants tièdes, venus de l'équateur,
prédominent à la surface du sol, sans avoir en aucune
façon la régularité des vents alizés, et produisent les vents
du sud-ouest dans la zone tempérée du nord, et les vents du
nord-ouest dans la zone tempérée du sud. Leur souffle se
fait sentir jusque dans les régions polaires dont ils réchauf-
fent quelquefois le sol, pendant que l'air froid appelé vers
l'équateur leur fait place et s'écoule, tantôt dans les ré-
gions supérieures, tantôt au niveau du sol, en donnant
naissance aux vents froids du nord et du nord-est dans l'hé-
misphère nord ; du sud et sud-est dans l'hémisphère sud (voir,
pour la marche générale de ces vents, la figure 17 et le carton de la
carte n° 1.) Dans la zone tempérée du nord, la prédominance
des vents d'ouest est telle qu'on compte, en moyenne, pour
aller à la voile d'Amérique en Europe, 20 jours, et d'Eu-
rope en Amérique, 35 jours 2.

1. La mousson de la mer de Chine souffle du S.-O. du printemps à


l'automne, puis du N.-E. de l'automne au printemps ; celle de l'Austra-
lie du S.-E, puis du N.-O.
2. Dans cette différence, le Gulf-stream entra pour une part consi-
dérable.
16. Quelques vents particuliers. — Les grands déserts
privés d'eau et de nuages s'échauffent et se refroidissent
facilement : aussi sont-ils la cause de certains vents vio-
lents. Le Sahara donne naissance au terrible simoun qui,
en charriant la poussière brûlante du désert, dessèche les
plantes, accable d'une chaleur étouffante les êtres animés
et quelquefois les engloutit sous les sables amoncelés. En
Egypte, où il souffle régulièrement de mai en juin, on le
nomme khamsin ; on lui donne le nom de harmattan
sur la côte occidentale d'Afrique, où il souffle en mars.
Le solano d'Espagne et le sirocco d'Algérie et d'Italie,
qui devient le fohn en traversant les Alpes, sont des
vents brûlants et desséchants du sud-est, qui soufflent aussi
du Sahara ou de la Méditerranée. Des contre-courants
d'air froid venus du nord et particulièrement du massif
alpestré, produisent dans le midi de l'Europe la bise qui
souffle du nord, le mistral qui souffle du nord-ouest, etc.
Les vents étésiens qui, l'été, soufflent du Sahara sur la
Méditerranée et, l'hiver, de la Méditerranée vers le Sa-
hara, sont des phénomènes dus aux mêmes causes. Les
plaines de la Russie sont balayées par les redoutables ou-
ragans connus sous le nom de bouranns.
Les déserts de l'Asie ont aussi leur simoun ; les pampas
de la Plata ont leur pampeiro, etc.
17. La pluie. — L'Océan est la source première de toute
humidité sur notre globe. Le soleil produit à la surface des
eaux une évaporation constante, d'autant plus grande que
la chaleur est plus forte, et élève dans l'atmosphère des
masses énormes de vapeur d'eau. Vienne le moindre re-
froidissement, la vapeur invisible commence à se con-
denser en petits globules à demi transparents : voilà un
nuage que charrie le vent. Si ce vent l'emporte dans des
régions plus froides, ou si un autre vent parti lui-même
des régions froides vient à souffler, si le soleil se couche,
en un mot, si une cause quelconque abaisse la température
du nuage, l'eau ne peut plus se soutenir à l'état de va¬
peur ; elle se condense tout à fait en lourdes gouttes et
tombe : c'est la rosée ou la pluie.
L'évaporation et la condensation sont donc les deux causes
de la pluie ; l'importance du phénomène est en raison
directe de l'intensité des causes, et le vent est l'agent ordi-
naire du changement de température qui produit la con-
densation.
Les régions où l'évaporation est la plus grande doivent être
celles où les pluies sont le plus abondantes : c'est en effet ce

qui a lieu dans la zone torride. Mais, dans cette zone, la


pluie ne se répartit pas uniformément partout. La zone des
calmes équatoriaux, avec sa très-grande évaporation, est
sujette à de subits refroidissements : la pluie y tombe par
torrents, presque toujours accompagnée d'éclairs et de
tonnerre ; les marins la redoutent et l'appellent le « pot au
noir ».
La région maritime des vents alizés, où souffle constam-
ment un air frais, pénétrant successivement dans des ré-
gions plus chaudes et plus capables de contenir la vapeur
d'eau, jouit d'une sérénité constante. Il en est autrement
sur les continents : les accidents de terrain paralysent le
souffle des alizés, et ce sont les relations de température
enfre la terre et la mer qui font la loi. En hiver, la terre
se refroidissant plus vite que l'eau, et les vapeurs qu'ap-
portent les courants supérieurs se condensant, les pluies
sont presque continues durant cinq ou six mois, et les contrées
intertropicales ont leur hivernage ; en été, la terre s'échauf-
fant plus vite que l'eau, les vapeurs ne se condensent ja-
mais, et la pluie est inconnue durant la saison d'été. Les ré-
gions intertropicales n'ont ainsi que deux saisons : la saison
humide et la saison sèche ; jamais de gelées.
La région des moussons a aussi des pluies périodiques :
au nord de l'équateur, la mousson du sud-ouest, venant
de la mer, est pluvieuse, et celle du nord-est, venant du
plateau asiatique, est sèche. (Voir la figure 18.)
Dans la zone tempérée du nord, ce sont les vents du sud-
ouest qui, charriant les vapeurs tièdes des tropiques, ap-
portent le plus souvent la pluie dans la portion occidentale
de l'ancien et du nouveau continent ; les vents du sud-est
l'apportent dans la portion orientale. Mais ils la déversent
inégalement : les premières côtes qu'ils rencontrent, c'est-
à-dire l'occident de l'Europe et de l'Amérique, produisent
tout d'abord la condensation, et les vents arrivent secs ou
presque secs dans les parties centrales : aussi les pluies
sont-elles fréquentes sous les climats maritimes qu'elles ser-
vent à caractériser ; elles sont rares, quelquefois presque
nulles, sous les climats continentaux, c'est-à-dire dans les
régions placées au centre d'un continent.
3e Section,
LA TERRE ET L'EAU.

(Voir les cartes nos 2 et 3 )

18. Les grandes révolutions géologiques. — On sait


imparfaitement quelles ont été les premières révolutions
géologiques de notre globe. Cependant les faits connus
permettent de supposer que le globe était dans le principe
une masse incandescente, dont la surface se serait peu à
peu refroidie et aurait formé une croûte solide ; l'épaisseur

de cette croûte ne paraît guère dépasser une cinquantaine


de kilomètres, ce qui donnerait, relativement au diamètre
terrestre, une épaisseur bien inférieure à celle de la peau
d'une orange, comparée à l'orange entière. Cette croûte,
d'abord à demi fluide, aurait subi aisément l'action de la
force centrifuge : d'où le renflement à l'équateur. A me-
sure qu'elle se serait refroidie, l'atmosphère serait devenue
plus dense ; et l'eau qui devait être d'abord toute en va-
peur, aurait pu, après de longues alternatives, demeurer,
pour la plus grande partie, à l'état liquide.
(Voir la carte n° 2 et la fig. 19 qui donne, pour l'Europe, l'Amérique
et quelques régions des trois autres parties du monde, les grandes for-
mations géologiques.)
Des ROCHES, dites IGNÉES, granit et autres, ont formé la
première croûte solide : le granit, solidifié durant cette
période initiale, reste encore aujourd'hui à la surface du
sol sur les plateaux du Brésil et de la Guyane, dans la
région du Grand-Bassin et une partie de celle des grands
lacs en Amérique ; sur les plateaux de l'Asie Mineure, du
Dekhan, etc., en Asie ; au centre de la France, dans la
péninsule Scandinave, la Finlande, etc., en Europe ; et il
constitue, par suite d'éruptions postérieures et successives,
l'arête de la plupart des grandes chaînes de montagnes.
C'est pourquoi on trouve le granit au sommet des terrains
les plus récemment soulevés comme les Alpes, ainsi que
sur les plateaux les plus anciennement émergés, comme
la Bretagne ou le Labrador.
La mer, dont les eaux devaient être à une température
beaucoup plus élevée qu'aujourd'hui, couvrait la majeure
partie du globe et, battant ses rivages, en détachait une
poussière qui se déposait au fond, comme un limon, et
qui forma les premières couches stratifiées (gneiss, schistes
micacés ou talqueux), et qui constitue aujourd'hui, avec
les roches granitiques, la masse énorme des TERRAINS PRI-
MAIRES ou AZOÏQUES, c'est-à-dire des terrains dans lesquels
on ne trouve aucune trace de vie animale : c'est la première
et probablement la plus épaisse assise de la croûte ter-
restre.
Au-dessus apparaissent les couches d'argile, d'ar¬
doise, de grès ou de calcaires très-durs, qu'on comprend
sous le nom de TERRAINS DE TRANSITION SUPÉRIEURS (ter-
rains silurien et devonien, noms qui viennent du pays de
Galles, ancien pays des Silures, et du comté de Devon).
La chaleur ayant encore une très-puissante énergie, la plu-
part de ces terrains furent, après leur stratification sous
les eaux, comme métamorphosés en terrains cristallins :
d'où le nom de terrains métamorphiques qui leur est
aussi donné ; les marbres y abondent. C'est surtout dans
les premiers que sont infiltrés, fondus par la haute tempé-
rature, les filons métalliques ; c'est dans les seconds que
commencent à apparaître, en assez grand nombre, les êtres
organisés, végétaux et animaux, ayant tous une organisa-
tion rudimentaire, et presque tous conformés pour vivre
dans des eaux salées. Le pétrole du terrain devonien pro-
vient de la décomposition de certains végétaux.
Immédiatement après les terrains de transition supé-
ieurs, se sont déposées les couches du TERRAIN CARBONIFÈRE,
qui renferment les mines de houille. Elles attestent, durant
cette période, une puissante végétation ; car on sait que la
houille est formée de débris de végétaux, surtout de
fougères et de quelques conifères, accumulés pendant des
siècles dans des savanes marécageuses ou dans des lagu-
nes, près de l'embouchure des fleuves, et fortement com-
primés par la superposition des couches postérieures.
Le terrain permien, rangé quelquefois dans les terrains
secondaires, peut se rattacher aux terrains carbonifères
et vient immédiatement au-dessus.
Ces premiers terrains stratifiés, désignés souvent dans leur
ensemble sous le nom de terrains de transition, ou de TER-
RAINS PALÉOZOÏQUES, parce qu'ils renferment les plus anciens
animaux connus, sont le plus souvent cristallisés. En maint
endroit, on les trouve recouverts de masses considérables de
roches éruptives, surtout de porphyres ; ils forment de très-
vastes couches à la surface du sol dans l'île de Ceylan
(gneiss, etc.), dans le Brésil méridional et le Mexique (por¬
phyre, etc.), dans la haute Égypte (syénite, etc.), dans la
péninsule hellénique (trapp, etc.), sur les bords du Rhin
et dans l'Asie Mineure (trachyte, etc.), en Bohême et en
Islande (basalte, etc.), dans l'Ardenne (grauwacke, etc.),
dans les Vosges (vieux grès rouge, etc.), dans la chaîne des
Alleghanys (calcaire carbonifère., etc.), etc.
On désigne sous le nom de TERRAINS SECONDAIRES ceux
qui se sont déposés ensuite, soit par l'effet des mers ron-
geant leurs rivages et formant sur leur fond des couches
d'argile, de marne, de grès ou de sable, soit par l'effet des
mollusques qui vivaient dans les eaux et dont les dé-
pouilles accumulées ont constitué, après de longues séries
de siècles, les couches du calcaire et de la craie. On les di-
vise en plusieurs époques dont chacune compte elle-même
plusieurs étages : époque du trias, qui doit lui-même son
nom à sa subdivision en trois étages ; époque jurassique,
qui doit son nom au Jura ; époque crétacée, qui doit
son nom à la craie. Durant ces époques, les mollusques,
surtout les ammonites, les gryphées arquées du lias, les
bélemnites, les crustacés, les poissons abondent ; la vie
se développe ; de gigantesques sauriens nagent dans les
mers, comme aujourd'hui la salamandre dans nos étangs,
ou volent dans l'air (ptérodactyles); les insectes sont nom-
breux et quelques échassiers apparaissent sur les rivages ;
mais la mer reste encore le principal foyer de la vie. Dans
la Thuringe (grès bigarré), l'Angleterre centrale (calcaire
conchylien), le Harz, le Jura et les Vosges, dominent les
terrains secondaires.
Les TERRAINS TERTIAIRES sont également composés de
couches alternatives de grès, d'argile, de calcaire, etc.
Mais, durant la longue période de leur formation, les con-
tinents se sont agrandis ; les eaux douces sont plus abon-
dantes et la température est moins élevée : la faune et la
flore se ressentent de ces influences, et la terre partage
avec la mer l'empire de la vie. Il y a encore beaucoup de
mollusques(nummulites) ; leurs dépouilles ont formé les as¬
sises calcaires de tous les terrains ; mais de grands mam-
mifères herbivores (anoplothérium, palaeothérium, méga-
thérium, mastodonte, etc.), des girafes, des éléphants et
des carnivores (ours, hyène, etc.) errent dans les plaines,
pendant que les baleines parcourent les mers.
A la fin de la période tertiaire, nos chaînes de montagnes
actuelles se dessinèrent ; nos grandes plaines se formèrent :
c'est l'époque des TERRAINS QUATERNAIRES, celle pendant la-
quelle on commence à constater, avec certitude, la pré-
sence de l'homme sur le globe terrestre. L'Europe et
l'Amérique, qui paraissent avoir été réunies au début, se
séparèrent pour laisser passage à l'Atlantique ; le Sahara,
qui était sans doute une portion de la Méditerranée, se des-
sécha ; la vaste mer Caspienne, qui s'étendait sur les
steppes asiatiques, tarit en grande partie. La crotite terres-
tre acquit alors, à très-peu près, sa forme actuelle.
L'Europe a eu, pendant une partie de cette époque géo-
logique, un climat beaucoup plus froid qu'aujourd'hui et
plus froid même qu'il n'est à latitude égale dans l'hémi-
sphère sud. De vastes glaciers descendaient des chaînes de
montagnes : le Valais et le lac de Genève tout entier n'étaient
qu'une masse de glace, ainsi que les lacs de l'Italie septen-
trionale. Vint un temps où ces glaces fondirent : peut-être
coincida-t-il avec le temps ou le Gulf-stream commença à
envoyer à nos contrées ses tièdes émanations, et où le Sahara
émergé fit souffler le sirocco ; peut-être, et plus probable-
ment encore, est-ce une conséquence logique du déplace-
ment de l'axe delà terre, qui donne lieu au phénomène connu
en astronomie sous le nom de précession des équinoxes.
D'immenses écoulements d'eau, des déluges se produisirent
et ravinèrent le sol, enlevant les couches supérieures sur
certains points (dans la direction du nord-ouest par exem-
ple à l'occident des Alpes) et mettant à nu les cou-
,
ches inférieures. Pendant la période glaciaire, certains ani-
maux, tels que l'hyène et l'éléphant, qui vivaient dans nos
contrées, durent les abandonner pour se renfermer dans
les régions intertropicales : ils ne revinrent plus. D'autres,
comme le mégathérium, le plus grand des mammifères,ont
complètement disparu. On a retrouvé plusieurs squelettes
humains datant de l'époque quaternaire et
un grand nombre d'instruments fabriqués
par les hommes, surtout des haches, haches
de pierre brute, haches de pierre polie et
haches de bronze.
La succession des dépôts marins ou lacu-
stres sur le fond-des terrains primaires n'a-
vait pas seule donné aux continents leur
forme et leur relief actuels. Les soulève-
ments lents et les brusques éruptions vol-
caniques avaient, à maintes reprises, altéré
le parallélisme des stratifications, tordu, re-
levé, renversé même les couches,,fait sail-
lir le granit et couvert çà et là le sol de lave
et de basalte : c'est surtout aux soulèvements
que sont dus les chaînes de montagnes et le
relief général du sol (voir la fig. 20 qui donne une
idée de cette altération du parallélisme des couches).
19. Les modifications de la période ac-
tuelle. — Aujourd'hui même encore, la sé-
rie des phénomènes géologiques continue
à se produire. Au fond de l'Océan, s'amas-
sent des dépôts marins qui ajoutent de nou-
velles couches à l'écorce terrestre. Les fleu-
ves exhaussent leur lit et modifient leur val-
lée ; à leur embouchure, l'accumulation du
limon qu'ils charrient, et qu'arrête le flot
de la mer, forme, sous nos yeux, des del-
tas, comme les deux vastes deltas du Missis-
sipi et du Gange (Sunderbund), ceux du Nil,
du Rhône, etc. Dans les régions intertropi-
cales et surtout dans la Polynésie au
, ,
nord-est de l'Australie, aux Maldives et dans les Antilles,
s'élèvent du fond des mers des récifs de madrépores qui de-
viennent des îles. Les volcans vomissent la lave, comme le
Vésuve, l'Etna et l'Hékla en Europe, comme la chaîne des
volcans des Andes (Antisana, Cotopaxi, Aconcagua, etc.)
et du Mexique (Popocatepetl, etc.), la longue chaîne de
volcans des îles Aléoutiennes, du Kamtchatka, des Kou-
riles et du Japon, la chaîne des volcans des îles de la Sonde,
le groupe des volcans des îles Hawaii, etc. Les tremble-
ments de terre et les éboulements renversent des montagnes
ou changent le cours des eaux. Des terres s'élèvent lentement
au-dessus du niveau des mers, comme au fond du golfe de
Bothnie, sur toute la côte du Chili, sur la côte du Labrador,
de Sumatra et du Pégou ; d'autres s'abaissent, comme sur la
côte occidentale du Groenland entre le 62e et le 67e degré,
sur la côte de la baie de Saint-Malo, sur la côte du Brésil,
dans plusieurs archipels de l'Océanie, sur la côte orientale
des États-Unis, etc. Les courants maritimes rongent et dé-
truisent les côtes, comme à l'embouchure du fleuve des
Amazones.
20. La terre et la mer. — Malgré l'étendue des terres sou-
levées durant les dernières époques géologiques, la mer oc-
cupe près des trois quarts de la superficie du globe (375 mil-
lions de kilomètres carrés) et la terre un peu plus d'un quart
(135 millions de kilomètres carrés).
La répartition est très-inégale entre l'hémisphère nord et
l'hémisphère sud. Le premier, où les terres occupent envi-
ron le tiers de la superficie, peut s'appeler HÉMISPHÈRE CON-
TINENTAL ; le second, où elles en occupent à peine un
douzième, est, par excellence, l'HEMISPHÈRE MARITIME (voir la
fig. n° 21). La différence est beaucoup plus sensible encore
si, comme l'a indiqué le géographe Ritter, on coupe la
terre par un grand cercle passant au sud de la presqu'île de
Malacca et de l'Afrique et à travers le Brésil ; on obtient
ainsi un hémisphère maritime, qui est presque entièrement
composé d'eau (voir la fig. n° 22).
21. Les continents. — La croûte terrestre présente une sur¬
face accidentée que le niveau de la mer coupe en deux parties
par la courbe régulière de sa surface. La partie qui est au-
dessous du niveau et qui forme le lit de l'Océan, est la plus

étendue. Les îles sont les sommets de ses montagnes : elles


sont dues en général à l'action des volcans qui ont réelle-

ment soulevé le sol, à l'action des madrépores et des coraux


qui ont élevé des môles et des cirques sous-marins, ou à
l'action de l'Océan et des affaissements qui ont détaché les
îles des continents voisins. Les profondeurs, que l'on a
sondées jusqu'à 5,000 mètres sur divers points et dans les-
quelles un navigateur, au sud de l'Atlantique, a déroulé plus
de 14,000 mètres de sonde sans rencontrer le fond, en sont
les vallées et les plaines. Mais, en général, le fond de l'Océan
est beaucoup plus uni que les plaines et les vallées émergées.
Les grandes masses de terre qui sont au-dessus du niveau
de la mer constituent les continents. Les continents, avec
les îles qui en dépendent et qui mesurent toutes ensemble
à peu près 9 millions de kilomètres carrés, ou la quinzième
partie des terres, forment les CINQ PARTIES DU MONDE et
comprennent trois massifs distincts et inégaux en étendue :
1° L'ANCIEN CONTINENT, le plus vaste et le plus ancienne-
ment connu, est situé presque entièrement dans l'hémi-
sphère nord et comprend trois parties du monde : au nord-
ouest, l'EUROPE, dont l'étendue est d'environ 10 millions de
kilomètres carrés ; à l'est, l'ASIE, avec plus de 42 millions de
kilomètres carrés, par conséquent plus de quatre fois grande
comme l'Europe ; au sud-ouest, l'AFRIQUE, avec environ
30 millions de kilomètres carrés, trois fois grande comme
l'Europe.
2° Le NOUVEAU CONTINENT, qui forme une seule partie du
monde, l'AMÉRIQUE, mesure près de 41 millions de kilomètres
carrés d se divise en AMÉRIQUE DU NORD, plus de deux fois
grande comme l'Europe (22 millions de kilomètres carrés),
située dans l'hémisphère nord, et en AMÉRIQUE DU SUD,
presque deux fois grande comme l'Europe (18 millions de
kilomètres carrés) et dont la majeure partie appartient à
l'hémisphère sud.
3° Le CONTINENT AUSTRAL, le plus petit (plus de 7 mil-
lions de kilomètres carrés) et le plus récemment connu, est
situé dans l'hémisphère sud. Il dépend de la cinquième
partie du monde, l'OCÉANIE (13 millions de kilomètres carrés),
laquelle comprend en outre les nombreuses îles semées au
milieu de l'océan Pacifique dans les deux hémisphères au
nord-ouest et à l'est de ce continent, et est grande une fois
et un tiers comme l'Europe. (Voir la fig. 23 qui donne la grandeur
relative de chacune des parties du monde et de chacun des Océans.)
Comme l'Afrique ne tient à l'Asie que par un isthme étroit
que le génie du commerce vient de percer, on peut, avec
d'illustres géographes, grouper deux à deux les parties du
monde de la manière suivante :
1er groupe : l'Amérique, qui comprend un continent boréal
et un continent austral réunis par un isthme et par une chaîne
d'îles volcaniques, les Antilles, que les courants maritimes
ont peut-être récemment détachées de la terre ferme.
2e groupe : l'Europe, continent boréal, et l'Afrique, conti-
nent austral, que rejoignent presque et que rejoignaient
très-probablement, à des époques géologiques antérieures,
l'Espagne au détroit de Gibraltar, et la Sicile en face du
cap Bon, sur une ligne où la Méditerranée n'a aujourd'hui
qu'une médiocre profondeur.
3e groupe : l'Asie, continent boréal, et l'Australie, continent
austral, reliées par une chaîne d'îles volcaniques (Malaisie),
détachées peut-être aussi par les courants marins.
Dans ce groupement, les trois continents de l'hémisphère
austral paraissent avoir une certaine uniformité : une
pointe terminale au sud (en faisant de la Tasmanie la pointe
du continent austral, dont elle n'est séparée que par un
détroit, celui de Bass, peu profond et jalonné d'îles) ; une
masse compacte de terres ; des côtes très-peu découpées
et, par suite, une conformation médiocrement propice au
commerce maritime. L'Afrique, par exemple, ne compte que
1 kilomètre de côtes pour 1,470 kilomètres carrés de superficie.

Les continents de l'hémisphère nord, qui ne forment que


deux groupes, sont séparés par des étendues d'océan moins
vastes ; ils sont semés d'îles et pénétrés par des mers inté-
rieures, des baies, des détroits qui semblent y solliciter la
navigation. Cette disposition est particulièrement sensible
pour l'Europe, qui compte l kilomètre de côtes pour 22!) kilo-
mètres carrés de superficie. Ces continents opposent à l'océan
Glacial un front beaucoup plus large ; l'hémisphèrenord dans
lequel ils sont situés, l'hiver un peu moins long que l'hémis-
phère sud ; et c'est vers lui que se dirigent les plus grands
courants chauds venus des régions tropicales de l'Océan.
Envisagées dans leur ensemble, non-seulement les terres
présentent une étendue plus considérable dans l'hémi-
sphère nord, mais elles semblent s'y grouper en masses
serrées autour du pôle, ne laissant aux eaux glaciales du
nord que quelques passages. Dans l'hémisphère sud, au
contraire, elles ne s'avancent pas au delà du 40e degré dans
l'ancien continent et le continent austral, pas au delà du
55e dans le continent américain, et elles s'y effilent en
pointes étroites (cap Horn, cap de Bonne-Espérance, Tas-
manie), comme si elles avaient peine à disputer la place
aux Ilots de l'Océan. (Voir la carte n° 3).
Toutefois, dans la direction du pôle sud, des naviga-
teurs ont pu, à travers les barrières de glaces qui rendent
ces parages presque inaccessibles, toucher sur quelques
points des terres dites Terres australes, telles que la terre
Sandwich, les nouvelles Orcades méiidionales, la terre
Louis-Philippe, etc., situées au sud de l'Amérique, à une
distance d'environ 800 kilomètres ; la terre d'Enderby,
au sud de l'Afrique, à environ 1,600 kilomètres ; la terre
Adélie, la terre Victoria, etc., au sud de l'Australie, à en-
viron 1,200 kilomètres. Ce sont en général des terres gra-
nitiques, montueuses, couvertes de glaces et inhabitables.
L'une d'elles, la terre Victoria, a deux volcans en activité.
Jusqu'où s'étendeut-elles ? forment-elles une sorte de vaste
archipel ou une nouvelle masse continentale ? C'est ce qu'on
ignore encore.
22. Le relief du sol. — Les trois continents habités pré-
sentent des accidents alternatifs de terrain, qu'on peut rat-
tacher à quatre grandes séries (voir la carte n° 2) : ce sont les
montagnes, les plateaux, les plaines, les vallées et les côtes.
23. Les montagnes. — LES MONTAGNES presque tou-
,
jours disposées en chaînes, forment les grandes nervures
du sol. Elles sont dues à diverses causes. La plus facile à
constater et à comprendre consiste dans les soulèvements
partiels de la croûte terrestre (voir § 18), dont elles indiquent
encore de nos jours les directions. Ces soulèvement ont eu
lieu sans doute à tous les âges géologiques et, lorsqu'ils se
sont produits, ils ont le plus souvent mis à nu sur divers
points, principalement dans la région centrale du soulè-
vement, les roches primitives poussées des entrailles de la
terre jusqu'à la surface du sol et au-dessus ; ils ont brisé,
tordu, relevé sur les flancs de la chaîne toutes les couches
sédimentaires qui faisaient obstacle à l'éruption. Pour se
rendre compte de l'âge auquel appartient un soulèvement,
il faut examiner la nature des couches de terrain relevées,
et celle des couches qui ont conservé leur stratification ho-
rizontale : on peut affirmer que ce soulèvement est pos-
térieur aux stratifications déformées, antérieur aux stra-
tifications horizontales (voir, dans la carte n° 2 de l'Europe, les
couches inclinées et les couches horizontales du mont Perdu et du
mont Blanc). Quelques-uns de ces soulèvements se sont pro-
duits sur un espace restreint, d'autres se sont peut-être
étendus sur une grande partie du globe ; la science les
reconnaît non-seulement à la nature, mais à la direction
des couches soulevées : c'est une des grandes lois de la géo-
logie que M. Élie de Beaumont a mise en lumière. Les plus
anciens soulèvements sont en général peu élevés : le temps
en a émoussé en quelque sorte les sommets ; les variations
de température, les pluies, les cours d'eau, en ont détaché
ou usé les parties saillantes et ont, avec les débris des mon-
tagnes, comblé la profondeur des vallées. Les plus hautes
chaînes du globe appartiennent, dans leur forme actuelle,
aux derniers âges géologiques, particulièrement les Alpes
et les Andes.
D'autres causes, plus générales peut-être, quoique moins
faciles à saisir au premier abord, sont le plissement de la
croûte terrestre par suite du refroidissement, phénomène sem-
blable à celui qui se produit sur une nèfle mûre ; l'influence
lente des agents chimiques, de l'atmosphère et des eaux qui
ont décomposé les roches, modifié le rapport de poids des
masses qui se faisaient équilibre et, en rompant cet équi-
libre, amené peu à peu des changements de niveau et des
contractions du sol. Les rangées de collines et de coteaux
sont souvent produites par des érosions, les eaux, à l'époque
diluvienne, ayant rongé et enlevé de longues bandes de ter-
rains et mis à nu au fond des vallées les couches plus dures
du terrain inférieur : c'est ce qui se rencontre en maint en-
droit dans le bassin de la Seine.
Les chaînes sont généralement orientées de l'ouest à l'est dans
l'ancien continent, au nord du tropique du Cancer : tels sont
les monts Pyrénées, le système alpestre, les monts d'Ar-
ménie et le Caucase, l'Altaï, l'Himalaya, les îles de la Sonde,
l'Atlas, les Kong, etc.) ; elles forment, de l'extrémité occi-
dentale des Pyrénées au détroit de Behring, une longue
ligne de faite établissant une séparation entre les terres bas-
ses au nord, et la région montueuse qui avoisine la Médi-
terranée, l'océan Indien et l'océan Pacifique au sud. La
même direction se remarque dans les îles rnadréporiques
de l'Océanie, rangées sup deux lignes principales, que l'on
regarde comme les sommets de la double cordillère d'un
continent effondré. Les chaînes sont, au contraire, géné-
ralement orientées du nord au sud dans les deux nouveaux
continents (montagnes. Rocheuses, Andes, Alpes austra-
liennes1), dans l'Afrique australe et dans les péninsules de
l'Asie, situées au sud du tropique 2.
L'Asie possède, dans la chaîne de l'Himalaya les plus hau-
tes montagnes du globe ; car elle renferme plus de 200 som-
mets dépassant 7,000 mètres, dont les plus élevés sont le
GAURISANKAR (8,840 mètres) ou mont Everest, le Kitsckin-

1. On peut y ajouter la Nom elle-Zélande, que beaucoup de géographes


regardent, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, comme les restes d'une chaîne
bordant le continent austral, jadis plus étendu.
2. Il faudrait ajouter aussi en Europe les péninsules scandinave, ita-
lique, hellénique et l'Oural.
Djounga (8,580 m.), et le Dhawalagiri (8,170 m.) ; le Dapsang
(8,630 m.) dans le Karakoroum est presque aussi élevé. En
Amérique, les plus grands pics des Andes dépassent 6 et
7,000 mètres, tels que le pic de Sorata (7,694 m.), le pic
Illimani (7,134 m.) et le Sajama (6,930 m.) en Bolivie ; l'A-
concagua (6,834 m.) et le Chimborazo (6,427 m.) ; et quel-
ques sommets au Mexique approchent de 5,400 mètres
(Popocatepetl, 5,345 mètres). — Dans l'Afrique orientale, le
Kilima-Ndjaro atteint 6,100 mètres. — Les principales
montagnes des îles de l'Océanie ont environ 4,000 mètres :
Sémérou (4,300 m.), Mauna-Loa, (1,250 in.), Indra-Poura
(3,800 m ). — La plus haute montagne de l'Europe, le mont
Blanc mesure 4,810 mètres. La figure ci-contre (voir la fi-
gure 24) donne une idée de la hauteur comparée des montagnes
et des principaux plateaux dans les cinq parties du monde.
Une partie de ces chaînes de montagnes sont des masses
de roc soulevées, comme l'Himalaya, le Caucase, les Alpes.
D'autres sont des volcans éteints ou actifs, vomissant les uns
de la lave et des pierres, les autres de la boue, quelques-
uns de l'eau. Le plus haut volcan de l'Europe est l'Etna
(3,180 mètres). L'Asie en a de beaucoup plus élevés :
le Klioutcheff dans le Kamtchatka a 4,900 mètres, le mont
Ararat atteint presque 5,000 mètres. L'Amérique en a de
plus élevés encore : car le Popocatepetl a 5,345 mètres ;
l'Antisana, 5,660 ; le Gualatieri, 6,590 ; et l'Aconcagua, le plus
haut volcan du monde, 6,834 mètres. Les plus nombreux
volcans du globe sont rangés autour de l'océan Pacifique
qu'ils enceignent d'une vaste ceinture de feu, sur la côte
des deux Amériques, dans le Kamtchatka, le Japon, les îles
de la Sonde : au centre de ce cercle bouillonnent les vol-
cans des îles Hawaii, dans lesquelles le Mauna-Loa se dresse
à une hauteur de 4,250 mètres.
Les lignes de hauteurs se trouvent souvent sur les limites
de deux couches géologiques, comme dans le Jura et dans
le bassin de la Seine.
Les chaînes qui ont une pente rapide sur le bord de la
mer, comme la Sierra Nevada, les Andes, les Ghats occi-
dentales, les Alpes australiennes, servent presque toujours
de talus et de support à des plateaux. Il en est de même
pour certaines chaînes situées dans l'intérieur des terres,
comme l'Himalaya : mais la plaine de l'Hindoustan était
autrefois une mer.
Les montagnes sont d'ailleurs très-rarement une simple
muraille, comme il arrive pour certaines parties de l'Oural.
Elles forment généralement une masse de crêtes, de pics, de
vallées, s'étendant sur une vaste surface, comme les Alpes ;
ou une arête principale étayée de longs contre-forts, comme
les Pyrénées ; ou la bordure d'un plateau comme l'Himalaya,
les montagnes Rocheuses, la Sierra Morena en Espagne ;
ou une série de gradins, séparés comme les marches d'un
escalier par de brusques coupures, comme le Jura.
Les montagnes séparent et diversifient les climats ; leurs
pitons neigeux et leurs flancs boisés condensent les nuées
et donnent naissance à la plupart des grands cours d'eau ;
leurs glaciers sont les réservoirs dans lesquels s'emmaga-
sine, à l'état solide, l'eau que charrient les nuages et que
le soleil fait couler à l'état liquide, durant l'été, quand les
plaines ont le plus besoin d'être arrosées.
Les chaînes de montagnes servent souvent de séparation
aux bassins des fleuves ; mais il faut se garder de croire que
les bassins soient tous et de tous côtés limités par des
montagnes. Des plateaux, de simples collines, quelquefois
une différence de niveau tout à fait insensible dans une
plaine, séparent deux bassins fluviaux. Quelquefois, sur la
pente uniforme d'une terrasse inclinée vers la mer, les
cours d'eau descendent parallèlement vers la côte, sans li-
gne de démarcation. D'autres fois, les cours d'eau tra-
versent les chaînes et les massifs, soit par des défilés qu'ils
ont percés eux-mêmes, soit, le plus souvent, par des cre-
vasses qu'il ont rencontrées ; ils se frayent ainsi un passage
jusque dans les plaines inférieures. D'autres fois ils con-
tournent et enveloppent les massifs, au lieu d'en être enve¬
loppés. Quelquefois, quand une chaîne est crevassée, des
cours d'eau prennent leur source sur les plateaux situés au
delà de la ligne de faîte et traversent ensuite cette ligne par
les fissures : c'est ce qui a lieu particulièrement dans la
Transylvanie et dans le Schwarzwald.
24. Les plateaux. — Les PLATEAUX sont de hautes plaines
qui présentent un relief sensible au-dessus de la mer.
Comme les montagnes, ils exercent une grande influence
sur les climats ; ils rendent, dans la zone torride, la cha-
leur plus tolérable : aussi sont-ils, en général, les parties,
les plus peuplées de cette zone.
L'Amérique possède, faisant partie de son arête longitu-
dinale, le plateau du GRAND-BASSIN, auquel fait suite le
PLATEAU D'ANAHUAC, ou plateau du Mexique ; puis, séparés
par des dépressions de l'arête, le plateau du Guatemala,
dont l'altitude varie entre 1,200 et 1,700 mètres ; les hauts
PLATEAUX DE QUITO ET DE LA BOLIVIE, dont l'altitude varie
de 3,000 à 4,000 mètres ; elle possède aussi, à l'est, les
plateaux peu élevés du Canada et du Brésil.
L'Asie offre les plateaux de l'Arabie, de l'Asie Mineure, de
l'Arménie, de l'Iran, dont l'altitude varie de 900 à 2,000 mè-
tres ; puis le haut PLATEAU DU TIBET, élevé de 4 à 5,000
mètres ; et le plateau de Mongolie, qui mesure 1,000 mètres.
Ces deux derniers plateaux réunis forment un vaste massif
de terres hautes, enveloppé de montagnes, et paraissent
avoir été le berceau des populations de l'ancien continent,
d'où maintes fois les invasions ont descendu dans les plai-
nes de l'Asie orientale et méridionale et jusqu'en Europe.
On le nomme le GRAND PLATEAU CENTRAL DE L'ASIE : il a une
superficie de 5 millions de kilomètres carrés.
Dans l'Afrique on remarque le plateau d'Abyssinie qui dé-
passe 2,000 mètres ; le GRAND PLATEAU DE L'AFRIQUE CEN-
TRALE et de l'Afrique australe, qui dépasse 1.000 mètres. En
général, l'Afrique intérieure est une sorte de grand plateau
bordé de montagnes dans le voisinage des côtes et surtout
de la côte orientale.
L'Europe, plus petite et plus découpée, n'a que des pla-
teaux de médiocre dimension, tels que les plateaux de la
Norvège méridionale et de la Croatie, qui seuls dépassent
1,000 mètres ; les plateaux de la Souabe, de la péninsule
hellénique, de la Bavière et de la Castille.
Les plateaux présentent quelquefois de grandes surfaces
à peu près unies, comme le désert de Gobi dans le grand
plateau central de l'Asie ; plus souvent des surfaces ru-
gueuses et sillonnées de chaînes, comme le Grand-Bassin ;
quelquefois des plans inclinés et une succession de terras-
ses, comme le Dekhan.
25. Les plaines. — Les grandes PLAINES, ou terres basses,
lorsqu'elles sont bien arrosées, sont généralement propres
au développement de la civilisation, agreste ou pastorale.
La Hongrie, la basse Allemagne, la Russie sont les princi-
pales plaines de l'Europe.
L'Asie a la plaine glaciale, marécageuse et inculte de la
Sibérie ; le steppe du Turkestan, sablonneux, aride, et situé
en partie au-dessous du niveau de la mer ; la plaine fertile
de la Chine septentrionale et centrale ; la plaine du Gange ; la
plaine de Syrie, dont la plus grande partie est un désert.
L'Afrique renferme le Sahara, plaine basse située sur
quelques points au-dessous du niveau de la mer, désert
aride et brûlé par le soleil.
L'intérieur de l'Australie forme une vaste plaine, presque
déserte et encore peu explorée.
L'Amérique possède la grande plaine du sud qui comprend
le désert de la Patagonie et les vastes pampas, tantôt her-
beux et marécageux, tantôt arides, de la Plata ; la grande
plaine forestière du bassin de l'Amazone, dans laquelle s'é-
tale, avec tout l'éclat de sa luxuriante fécondité, la végé-
tation des tropiques ; les llanos de l'Orénoque qui lui font
suite, mais que caractérise la stérilité : toutes trois formant
à l'est des Andes, sur une longueur de plus de 7,000 kilo-
mètres, l'immense PLAINE DE L'AMÉRIQUE DU SUD, plaine
continue, qu'aucune montagne ne sépare ; la grande plaine
du Mississipi, désignée sons le nom de prairies dans le nord,
de plaines ou de savanes dans le sud, et qui n'est séparée
que par un rideau de forêts de la plaine glaciale et stérile
de la baie d'Hudson, et que la chaîne des Alleghanys sé-
pare plus complètement de la plaine de l'Atlantique.
En général, toute la partie de l'ancien continent au nord
d'une ligne de faîte qui s'étend des Ardennes, des Carpathes et
du Caucase, au Kamtchatka et au détroit de Behring, consti-
tue une immense plaine basse à pente très-douce s'inclinant vers
le nord (excepté pour la partie de la Russie située au sud
du plateau de Valdai) et se terminant du côté de l'océan
Glacial par des marécages. Cette PLAINE QUI COMPREND LES
PAYS-BAS, L 'ALLEMAGNE DU NORD, LA RUSSIE, LE TOURAN ET
LA SIBÉRIE, ne mesure pas moins de 20 millions de kilo-
mètres carrés ; elle n'a de comparable que la longue plaine
de l'Amérique du Sud, qui mesure environ 12 millions de
kilom. carrés. L'Asie orientale présente aussi, à l'est du
Grand Plateau central, les vastes plaines de la Chine, in-
clinées vers le Pacifique. Dans le nouveau continent, l'in-
clinaison générale des plaines est vers le sud-est, dans la
direction de l'Atlantique.
26. Les vallées et les côtes. — Grâce au voisinage des
fleuves, qui sont des routes naturelles de commerce et qui
fertilisent les terres ; grâce au voisinage de la mer, qui relie
les peuples par la navigation ; grâce à la facilité de la dé-
fense, à la fécondité d'un sol bien arrosé, les VALLÉES et les
CÔTES ont de bonne heure attiré les hommes et créé des
groupes de population nombreuse : ce sont encore de nos
jours les principaux foyers de la civilisation. On en trouve
dans les cinq parties du monde, et elles se confondent
quelquefois avec les grandes plaines. Relativement à sa su-
perficie, l'Europe, qui possède plus de côtes qu'aucune
autre partie du monde (voir § 21), possède aussi plus de val-
lées riches et bien défendues par la nature contre les inva-
sions.
Si la mer dessine les côtes (voir § 44), les fleuves dessinent
et nivellent les vallées. De toutes parts, les filets d'eau qui
descendent des montagnes et des flancs des plateaux, en-
traînent en fine poussière le silex et l'argile, y mêlent des
débris organiques et déposent ce limon dans les parties in-
férieures du bassin ; les filets se réunissent, les rivières se
forment, et, au centre à peu près de la vallée ; se réunissent
en un large cours d'eau que l'on nomme le fleuve et qui a
l'honneur de donner son nom au bassin. Fleuve et rivières
modifient sans cesse leur cours à travers les âges, rongeant
toujours les flancs du bassin, exhaussant le fond, créant
ces terres d'alluvion qui sont les plus propices à l'agricul-
ture. Ce motif, joint à la facilité des communications, soit
par les cours d'eau, « ces chemins qui marchent », soit le
long des cours d'eau, sur les routes que l'homme y trace
aisément, parce que ceux-ci ont d'avance nivelé le terrain,
expliquent suffisamment l'importance économique des
vallées.
27. Les agents de la production. — La chaleur dont le
soleil est la source, l'air qui forme notre atmosphère, l'eau
dont la mer est le grand réservoir et que les courants at-
mosphériques charrient à l'état de nuages pour la distri-
buer aux continents, la terre qui renferme les minéraux et
la plupart des sels nourriciers des plantes, dont se nourris-
sent à leur tour les animaux, sont les agents de toute pro-
duction : ils sont les conditions nécessaires de la vie végétale
ou animale sur le globe. Les anciens les nommaient « les
quatre éléments ». Bien que la chimie ait constaté qu'ils ne
sont rien moins qu'élémentaires, étant tous les quatre des
phénomènes ou des substances complexes, ils doivent être
regardés comme les forces cardinales, d'où résultent toutes les
harmonies physiques du globe ; et c'est parleur connaissance
que doit commencer l'élude raisonnée de la géographie.
4e Section.
LES TROIS RÈGNES DE LA NATURE.
(Voir la carte n° 4.)

28. Le règne minéral. — La croûte solide du globe étant


composée tout entière de substancesminérales, il est des mi-
néraux qui abondent dans toutes les contrées : tels sont les
matériaux de construction, granits dans les terrains primai-
res, marbres communs et ardoises dans les terrainsde transi-
tion, calcaires et argiles dans les terrains secondaires et ter-
tiaires. Quelques autres sont plus rares : le kaolin qui se ren-
contre en Chine (province de Kiang-si), en France (Haute-
Vienne), etc. ; le marbre statuaire dans les Pyrénées, en Italie,
en Grèce, etc. ; la pierre lithographique en Bavière, etc. ; le
graphite dans la Sibérie, le Cumberland, la Californie, etc.
Les pierres précieuses se trouvent, le diamant au Brésil et au
Cap ; le rubis à Ceylan, en Chine et dans l'Inde ; l'émeraude
au Pérou ; la topaze dans l'Inde et au Brésil ; la turquoise
dans l'Inde, la Perse et la Sibérie ; le grenat dans l'Inde et la
Hongrie ; l'améthyste à Ceylan, etc.
Parmi les substances minérales les plus utiles, dans l'état
actuel de la civilisation, il faut mentionner en premier lieu
la HOUILLE qui fournit aux travaux de l'homme la chaleur
et le mouvement : cette substance est très-exploitée en
Angleterre, aux États-Unis, dans la légion située entre
l'Escaut et le Weser, dans la France centrale, en Bohème,
en Silésie, etc.
Il faut compter aussi le métal qui fournit les outils et
les machines ; nous voulons parler du FER, lequel se trouve
abondamment en Angleterre, aux États-Unis, en France,
en Belgique, en Prusse, en Autriche, en Suède, en Russie, etc.
Les autres métaux importants sont : l'OR qui se trouve en
Californie, en Australie, dans l'Asie russe, l'Amérique cen-
trale, le Mexique, le Brésil, etc. ; l'ARGENT, au Mexique, au
Pérou, en Espagne, etc. ; le platine, en Russie et dans l'Amé-
rique du Sud ; le CUIVRE, en Angleterre, au Chili, en Russie,
en Hongrie, en Toscane, etc. ; le PLOMB, en Angleterre, en
Prusse, aux États-Unis, en France, etc. ; l'étain à Ceylan,
dans les îles de la Sonde, en Angleterre, etc. ; le zinc, en
Prusse, en Belgique, etc. ; le mercure, en Espagne, en Cali-
fornie, au Pérou, etc.
Le soufre, se trouve en Sicile, etc. ; le salpêtre, dans
l'Inde, au Chili, au Pérou, etc. ; le SEL, en Autriche, en
France, etc., et sur les rivages de la mer ; le PÉTROLE aux
États-Unis, au Canada, etc.
Les minéraux, étant des substances inorganiques, n'ont
aucun rapport avec le climat ; la constitution géologique dé-
termine seule leur présence dans un terrain. Ce sont, en gé-
néral, dans les régions montagneuses et dans les roches très-
anciennes, qu'on rencontre en plus grande abondance les
filons métalliques.
29. Le règne végétal. — Les végétaux, au contraire,
obéissent à la loi des climats 1. Or les climats, dépendant
eux-mêmes de la latitude, de l'altitude, de la distance à la
mer, des vents, des pluies, etc. (voir § 9), c'est-à-dire d'un
ensemble de circonstances très-diverses, les régions botani-
ques doivent être nombreuses et ne sauraient avoir de li-
mites précises. Chaque plante a, pour ainsi dire, son do-
maine particulier, dont les frontières ne coincident pas avec
celle des autres plantes de la même région ; quelques-unes,
comme l'algue dans la mer, comme divers cryptogames et
l'ortie sur la terre, s'étendent sur la plupart des régions ;
d'autres, poussant dans les îles éloignées de tout continent,

1. Mais leurs limites ne sont pas réglées par les lignes isothermes,
beaucoup de végétaux ne pouvant supporter un certain froid, quelle
que soit la moyenne température de l'année, d'autres craignant la sé-
cheresse, la plupart ayant besoin seulement, pendant la période de la
végétation, d'une certaine somme de chaleur. Les lignes isochimènes
déterminent, mieux que les lignes isothermes, la limite septentrionale
de certains végétaux.
comme Sainte-Hélène, s'arrêtent aux rivages de cette île 1.
Les plantes se propageant, en général, de proche en proche,
peuvent en effet couvrir une plus vaste superficie quand rien
ne les arrête, ce qui a lieu pour l'ancien continent, et n'oc-
cupent qu'un espace restreint, quand la mer leur fait obs-
tacle. C'est ce qui explique la diversité, sous une même la-
titude, de la flore et de la faune des trois continents ou
portions de continent de l'hémisphère austral. C'est ce qui
fait également que la flore et la faune des îles sont un peu
plus pauvres que celle des continents.
Les plantes occupent, en général, une surface d'autant
plus étendue que leur organisation est moins compliquée : c'est
ainsi que certains genres de cryptogames se rencontrent
sous la zone torride, comme sous la zone glaciale, tandis
que beaucoup de plantes dicotylédones ne peuvent vivre
qu'entre les tropiques. Quand les botanistes essayent de
tracer sur la carte les limites du domaine propre à chaque
plante, ils trouvent presque toujours, pour les plantes de
la zone tempérée, une vaste bande allongée de l'est à l'ouest
et resserrée du nord au sud, parce que le froid et le chaud
sont ordinairement les barrières qui, dans cette zone, arrê-
tent la végétation ; et, pour les plantes de la zone torride,
une bande allongée du nord au sud. D'autre part, la tem-
pérature s'abaissant très-rapidement à mesure qu'on s'élève,
on peut en quelques kilomètres, sur la pente d'une mon-
tagne, passer d'un climat tropical à un climat glacial, et
voir superposée une série presque complète de flores,
analogues à celles qui se succèdent de l'équateur au pôle :
cette diversité, due à l'élévation, est d'autant plus grande
que la région est plus accidentée. C'est ce qu'indique la
figure ci-contre (fig. 25), représentant les zones de végétation
du Chimborazo, situé par 0° de latitude ; du Popocatepetl,
1. Il est à remarquer d'ailleurs que, grâce aux courants et au passage
des navires, la flore de Sainte-Helène, aussi bien que celle de l'Ascen-
sion, situées toutes deux dans la zone torride, ressemblent moins à la
flore de l'Afrique équatoriale qu'à celle du Cap.
par 19° ; du mont Perdu par 43°, du mont Blanc, par 46°
et du mont Sulitjelma, en Laponie, par 64°.
Avec les réserves que font faire ces considérations et
d'autres encore, telles que la constitution géologique du
sol actuel et sa disposition dans les époques géologiques
antérieures, l'intensité de la lumière solaire, qui est distincte

de la quantité de chaleur et qui atteint son maximum sous


les tropiques, on peut diviser la flore du globe en quatre
grandes zones :
1° La ZONE ARCTIQUE (région n° 1), est la plus pauvre,
parce que la rigueur du climat ne permet qu'à un petit
nombre de plantes de s'y développer. Elle commence entre
le 60e et le 70e degré, plongeant plus au sud dans le nou-
veau que dans l'ancien continent. Les cryptogames, mousses
et lichens, les saxifrages, qui poussent sous la neige, y
dominent ; la végétation y devient de plus en plus rare et
chétive à mesure qu'on s'avance vers le nord ; toute cette
grande zone est presque entièrement dépourvue d'arbres.
2° La ZONE TEMPÉRÉE BORÉALE est la plus remarquable
par la diversité des familles et des espèces, parce qu'elle s'é-
tend, dans les deux mondes, sur une grande surface et sur
des climats très-divers, depuis le voisinage des glaces du
nord jusqu'aux contrées brûlantes des tropiques. C'est par
excellence la zone des céréales, dont l'Asie centrale paraît
avoir été la première patrie : l'orge, la plus septentrionale
des céréales, et l'avoine s'arrêtent, au nord, entre le 52e et
le 70e degré ; le seigle, entre le 48e et le 65e ; le froment,
entre le 48° et le 37°; le maïs, vers le 45e ; le riz, entre le
30e et le 40e. C'est aussi la zone des prairies, partout où il y
a une suffisante humidité. Les forêts y couvrent de grandes
surfaces, surtout dans les régions montagneuses, et pro-
duisent les conifères (sapins, pins, etc.) et le bouleau, dans
le nord et sur les hauteurs, le chêne, le hêtre, le frêne, le
châtaignier, l'orme, le peuplier, etc. ; la vigne et la plupart
des arbres fruitiers s'y plaisent. On peut la subdiviser en
sept régions.
Quatre d'entre elles appartiennent à l'ancien continent :
La région européo-sibérienne (région 2), s'étendant des lieux
où poussent les premières céréales et les premiers arbres
jusqu'à la limite de l'oranger et de l'olivier, comprend elle-
même, lorsqu'on descend dans le détail, des régions clima-
tériques et, par suite, des régions végétales diverses (voir
notre volume de l'EUROPE) ; elle est riche en céréales et en forêts.
La régions des steppes (rég. 3), formée de plateaux bas ou
élevés, est presque entièrement dépourvue de végétation
arborescente : l'absence d'arbres caractérise le steppe.
La région chinoise et japonaise (rég. 4), est caractérisée
par le thé et le mûrier.
La région méditerranéenne (région 5), par le blé dur, le
mais, l'olivier et l'oranger.
Trois se trouvent dans le nouveau continent :
La région des forêts du nord (rég. 6), où dominent les sa-
pins et les pins, s'étend sur les côtes de l'Atlantique ; aussi
voit-elle, au pied des forêts des Alleghanys, s'étaler des
plaines d'orge, de seigle, de froment ; et, vers le sud, des
champs de mais, de riz et de coton.
La région des prairies (rég. 7), est une vaste plaine unie,
occupée par le bassin du Mississipi, où les prairies et les
savanes remplacent les forêts de la région septentrionale ;
l'humidité y est insuffisante pour entretenir une végétation
arborescente spontanée, ailleurs qu'au bord des cours d'eau.
La région californienne (rég. 8), que la proximité du Paci-
fique a dotée d'une flore particulière, voit croître, sur les
montagnes qui la limitent à l'est, un des plus beaux coni-
fères du globe, le sequioa, dont le faîte atteint 100 mètres.
3° La ZONE TROPICALE, la plus remarquablepar la puissance
de sa végétation luxuriante, est la patrie des tubercules fari-
neux, propres à l'alimentation de l'homme (patate, manioc,
igname, etc.) 1 ; de la banane, de plusieurs céréales, mais,
riz, millet, sorgho, qui se sont propagées au delà de leur
domaine primitif ; des épices, du café, de la canne à sucre,
et d'une foule de drogues tinctoriales et médicinales. Sur
les points où l'eau s'unit au soleil pour engendrer la fécon-
dité, c'est une zone caractérisée par d'immenses forêts, où
les arbres les plus divers se pressent les uns à côté des au-
tres et s'étagent en quelque sorte, de manière à former plu-
sieurs dômes superposés d'une verdure si touffue, que les
rayons du soleil tropical ne les traversent pas, tandis que le
sol est couvert de hautes herbes et que des milliers de lia-
nes entrelacées grimpent autour des troncs, les relient

1. La pomme de terre elle-même paraît originaire des hautes terres


de l'Amérique intrtropicale.
entre eux, retombent des branches jusqu'à terre et com-
posent un inextricable réseau : on y trouve des légumineu-
ses gigantesques, des fougères arborescentes, des arbres de
la famille des palmiers, des lauriers, des figuiers, etc. On
peut subdiviser cette zone en dix régions.
Six appartiennent au nouveau continent :
La région de l'Amérique centrale (région 9), que les cac-
tus, l'acajou, le cacaoyer, le quinoa, le nopal peuvent ser-
vir à caractériser.
La région des Antilles (rég. 10) donne, naturellement
ou par importation, le café, le sucre et le tabac, le manioc,
le plantain, l'arrow-root,
La région de la Colombie (rég. 11) est caractérisée par
ses llanos stériles, ses forêts et ses côtes fertiles, mais mal-
saines.
La région du fleuve des Amazones (rég. 12), où l'on trouve
les plus vastes forêts de la région intertropicale, produit,
entre autres essences, le bois de Brésil, recherché pour la
teinture, le caoutchouc, le figuier des banians, l'ébénier,
le palissandre, le bois de rose et d'autres bois précieux pour
l'ébénisterie.
La région du Brésil méridional (rég. 13), dans laquelle les
forêts se mêlent à d'immenses plaines herbeuses, souvent
marécageuses, offre, entre autres produits caractéristiques,
le maté ou thé du Paraguay et le maïs.
La région du Pérou (rég. 14), qui donne du café, du fro-
ment, est surtout caractérisée par la chaîne des Andes,
présentant, comme les régions montagneuses, une succes-
sion de climats et de flores superposés jusqu'aux neiges
éternelles.
Quatre à l'ancien continent :
La région du Sahara (rég. 15), qui se prolonge à travers
l'Arabie jusque dans l'Inde, est une région généralement
aride, que caractérise le dattier, « la providence du dé-
sert », et dans laquelle est enveloppée la vallée du Nil,
fertile en sorgho, en froment, en coton.
La région de l'Afrique australe (région 16), prolongée jus-
que sur l'Arabie méridionale, est la plus chaude peut-être
des régions végétales du globe : elle donne en abondance dans
ses champs le manioc, le millet, le plantain, le riz, le café,
le maïs et l'arachide ; elle est caractérisée dans les forêts du
Soudan par l'acacia gommier, par le gigantesque baobab dont
le tronc atteint 40 mètres de circonférence, et par le cocotier.
La région indienne (rég. 17), ou région des moussons,
s'étend sur l'Inde, l'Indo-Chine et la Malaisie : elle produit,
le sagou, le millet, le riz, le plantain, l'arbre à pain, les épi-
ces, le coton, l'opium, l'indigo, le bambou, le palétuvier
dans les lagunes, le cèdre déodara dans l'Himalaya, le bois
de teck ; et renferme les « jungles », forêts d'une végéta-
tion non moins luxuriante que les forêts du Brésil.
La région des îles (rég. 48) comprend l'Océanie équato-
riale, les îles de la mer des Indes et de l'Atlantique in-
tertropical : elle est caractérisée par le cocotier, le taro, sub-
stance alimentaire, l'arbre à pain, et la plupart des pro-
duits des pays chauds.
4° La ZONE TEMPÉRÉE AUSTRALE, la moins uniforme dans
ses productions, présente trois types tout à fait distincts et
pour ainsi dire trois créations, en Amérique, en Afrique et
Océanie ; elle comprend sept régions :
En Amérique, la région du Chili (rég. 19), comme la ré-
gion du Pérou, doit aux Andes sa caractéristique et donne
le froment en assez grande abondance.
La région de la côte occidentale de Patagonie (rég. 20)
montagneuse aussi, est beaucoup plus froide, à cause de la
latitude et du courant de Humboldt.
La région des pampas (rég. 21) est une immense plaine,
souvent marécageuse, couverte de hautes graminées.
En Afrique, la région du désert de Kalahari (rég. 22) est
généralement aride.
La région du Cap (rég. 23) possède, comme l'Europe,
le froment, la vigne et les prairies.
En Océanie, la région australienne (rég. 24) est caracté¬
risée par le phormium tenax et par un bel arbre, l'euca-
lyptus. En général, par la singularité de sa flore et de sa
faune, cette région rappelle la vie du globe, telle à peu
près qu'elle devait être à une des précédentes époques
géologiques.
La région de la Nouvelle-Zélande (rég. 25) offre une végé-
tation plus riche que celle de l'Australie.
La végétation marine n'a pas de zones, parce que, sous
presque toutes les latitudes, on rencontre les mêmes fa-
milles, l'algue principalement ; le sargasse ou raisin de
mer abonde entre l'Afrique et l'Amérique septentrionale.
Ces grandes régions végétales peuvent se subdiviser en
un grand nombre de régions secondaires, dont les carac-
tères différents tiennent, comme nous l'avons fait observer
précédemment, aux différences d'altitude, d'exposition, de
constitution géologique du sol, etc. Ce sont surtout les
mers et les montagnes qui servent de limite à des régions
de ce genre. Ainsi les Alpes sont une limite importante
au sud, sont les arbres à feuilles persistantes et luisantes,
le myrte, l'oranger, l'olivier ; au nord, certains arbres
à feuilles caduques,
comme le hêtre, le tilleul. La direction
des vents et des pluies détermine aussi certaines régions ;
c'est parce que le vent du nord-est, avec son souffle sec et
froid, prédomine entre le désert de Gobi et l'embouchure
du Sénégal, qu'on voit régner sur cette longue étendue de
terres une suite de déserts et de steppes sans arbres, dé-
sert de Gobi, steppe du Turkestan, déserts de l'Iran, de la
Syrie et de l'Arabie, Sahara ; les graminées seules peuvent
se contenter du peu d'humidité qui, pendant quelques mois
de l'année, vient rafraîchir ce sol peu favorisé.
30. Le règne animal.— Les animaux, comme les végé-
taux, peuplent le globe en nombre incommensurable. Les
botanistes en comptent environ 300,000 espèces distinctes,
et leur liste est loin d'être complète. C'est surtout dans les
rangs inférieurs de l'échelle vitale que les variétés sont
nombreuses : pour l'ortie commune, on ne compte pas
moins de 40 espèces d'insectes. Les animaux se nourris-
sent de végétaux ou d'animaux nourris eux-mêmes de
végétaux ; et d'ailleurs, comme ces derniers, ils ont une
organisation propre aux climats froids, tempérés ou
chauds : de là les rapports étroits qui existent entre les
régions zoologiques et les régions botaniques. Mais les ani-
maux qui ne sont pas d'ordre tout à fait inférieur ont la
facilité de se déplacer et d'étendre ou de restreindre leur
domaine, selon les circonstances ; plusieurs même voyagent
et ont, suivant les saisons, des migrations régulières qui
leur permettent de trouver une température à peu près
uniforme et la subsistance sous des climats très-divers : de
là l'étendue, en général plus grande, qu'occupent les espè-
ces animales, et l'impossibilité d'assimiler complètement
les régions zoologiques aux régions botaniques.
1° La ZONE ou RÉGION ARCTIQUE(région 1), pauvre en animaux
comme en végétaux, nourrit cependant, avec ses poissons,
des quantités considérables de phoques, de morses, de pin-
gouins, de plongeons, d'eiders au léger duvet ; elle possède
des mammifères dont l'épaisse et fine fourrure est très-
recherchée, l'ours blanc, la gerboise, le lièvre polaire et,
à où commençent les forêts, la martre et le renard au fin
pelage ; le renne et le chien en sont les animaux domestiques.
2° La ZONE TEMPERÉE BORÉALE, dans l'ancien continent,
divise, pour le règne animal, à peu près comme pour le
règne végétali : elle comprend cinq régions :
La région de l'Europe moyenne et de la Sibérie (rég. 2) est
beaucoup plus riche à l'ouest qu'à l'est : les insectes et les
oiseaux, à l'exception toutefois des oiseaux nageurs, cygnes,
oies, etc., sont, en effet, très-rares dans les forêts et dans les
plaines de la Russie et de la Sibérie, tandis qu'à l'ouest vi-
vent l'abeille, la poule, le canard, l'oie, la caille, la per-
drix, le pigeon, le corbeau, la pie, le geai, le pic, le moi-
neau, l'aigle, etc. Les principaux mammifères de cette
région sont l'ours brun, la martre, le blaireau, le musc, le
castor, le loup, le renard ; qui sont nombreux, surtout dans
la partie orientale ; le porc, le cerf, le boeuf, le mouton
dans la partie occidentale ; le cheval presque partout ;
l'aurochs de la Lithuanie et du Caucase, l'antilope saiga des
steppes de la Caspienne.
La région des steppes asiatiques ou de l'Asie centrale
(région 3), ayant peu d'eau et peu d'arbres, a très-peu d'in-
sectes et peu d'oiseaux, mais un assez grand nombre de
mammifères, le chameau à deux bosses, le cheval, proba-
blement originaire de cette contrée, l'hémione, l'onagre, le
yack, la gerboise.
La région de la Chine et du Japon (rég. 4) rappelle beau-
coup la faune européenne, et se distingue par ses vers à
soie, ses sarcelles, ses poules, ses faisans, ses grues, ses
pangolins, ses tapirs.
La région méditerranéenne (rég. 5) est caractérisée par les
scorpions, les petites tortues de terre, la caille, la perdrix,
la pintade, le lièvre ; par le chacal, l'hyène et le mouflon
en Afrique.
Le nouveau continent présente la région de l'Amérique
septentrionale (rég. 6, 7, 8), où l'on trouve les corbeaux, les
geais, les pigeons de nos contrées, des pics d'espèce par-
ticulière, les dindons, les écureuils, les marmotes, les
chiens des prairies, les lièvres, les bisons, etc.
3° La ZONE TROPICALE, où la vie animale surabonde
comme la vie végétale, peut être également partagée en cinq
grandes régions :
Dans la région américaine (rég. 9, 10, 11, 12, 13, 14)
pullulent les insectes, les araignées monstrueuses, ca-
pables de prendre de petits oiseaux ; là vivent les caïmans,
les plus grosses tortues de terre, entre autres la tortue
indienne des îles Gallapagos, dont le poids dépasse
200 kilogrammes, les tortues de mer, si abondantes dans
le voisinage des Antilles. Les forêts sont hantées par des
légions innombrables de moustiques, par des crapauds,
par de nombreux reptiles, boa, serpent à sonnettes, etc.,
et animées par le plumage éclatant et par le ramage d'une
variété pour ainsi dire infinie d'oiseaux, tangaras, cotingas,
oiseaux-mouches, colibris, passereaux de tout genre, tou-
cans, perroquets aux couleurs les plus variées, agamis, fla-
mants, etc. En général, le nombre des oiseaux et l'éclat de
leurs couleurs diminuent à mesure qu'on s'éloigne de l'é-
quateur. Sur les sommets des Andes qui séparent deux faunes
bien distinctes,celle des versants orientaux (régions 11, 12, 13)
et celle des versants occidentaux (rég. 14), plane le condor,
le plus grand des oiseaux de proie, et, bien au-dessous de
lui, le caracara qui abonde au Brésil ; dans les plaines vit
le ñandou qui rappelle l'autruche. Les mammifères, moins
remarquables, sont représentés par de monstrueuses
chauves-souris, par d'innombrables tribus de petits singes,
par des animaux féroces tels que le couguar et le jaguar ;
par des rongeurs, tets que le cabiais et l'agouti ; par le pares-
seux, te tatou, le tapir, le lama, l'alpaca, la vigogne, etc.
La région africaine (régions 15 et 16) est caractérisée par le
termite, le crocodile, l'autruche, le marabout, le secrétaire,
le canari, l'ibis, le flamant, le pélican ; par le singe et particu-
lièrement par le gorille, le plus fort, et par le chimpanzé et
le nschiégo, les plus intelligents des singes ; par le buffle, le
zébu, la gazelle, l'antilope, la girafe, le zèbre, l'éléphant, le
rhinocéros, l'hippopotame, le dromadaire, le lion, la hyène.
La région indienne (rég. 17) est caractérisée par le gavial,
animal voisin du crocodile ; par le perroquet et le paon ; par
une espèce d'éléphant moins grosse, mais plus intelligente
que celle d'Afrique ; par le tapir, le zèbre et le buffle ; par le
tigre, le lion, l'ours ; par diverses espèces de singes, surtout
par celle qui est connue sous le nom de semnopithèque, et
par l'écureuil volant,
La région malaise (rég. 17) est caractérisée par ses arai-
gnées et ses chauves-souris monstrueuses, par de très-nom-
breux reptiles, par ses beaux perroquets, par ses oiseaux de
tout genre, dont Java seule possède une variété plus grande
que l'Europe entière ; par le casoar, par les singes gibbons,
semnopithèques, orangs-outangs et autres.
La région océanique (région 18), séparée de la précédente
par une énorme faille sous-marine (§ 127) qui passe entre
les îles de Bali et de Lombock, est bien moins riche en
général, surtout en insectes et en mammifères, que la Ma-
laisie et l'Amérique tropicale, entre lesquelles elle est
placée. Elle est caractérisée par ses perroquets et par l'oi-
seau de paradis de la Nouvelle-Guinée.
4° La ZONE TEMPÉRÉE AUSTRALE, dont les animaux, comme
les végétaux, rappellent en partie ceux de la zone tempérée
boréale, comprend cinq régions :
La région du sud de l'Amérique (rég. 19, 22, 21), région
peu riche, est caractérisée surtout par le mara, animal
analogue au lièvre, et par le grison.
La région de l'Afrique méridionale (rég. 22, 23) est carac-
térisée par le zèbre el le boeuf de Cafrerie.
La région de Madagascar (rég. 18), qui semble, avec les
îles de l'océan Indien, un débris d'un continent disparu,
a pour caractères zoologiques spéciaux les makis, la ci-
vette, etc.
La région de l'Australie (rég. 24) possède une faune sans
analogie avec la faune actuelle des autres continents, rap-
pelant celle de l'époquetertiaire et assez pauvre en variétés.
Sur les 131 espèces de mammifères qu'elle possède, 102
appartiennent à l'ordre de marsupiaux, entre autres le kan-
gourou. Les autres animaux caractéristiques sont le cygne
noir, le casoar, le dinornis, l'échidné, l'ornithorynque
qui tient à la fois de l'oiseau el du mammifère, etc. La
faune tasmanienne est plus pauvre et plus ancienne en-
core. Du reste, la colonisation a rapidement acclimaté dans
ces régions les animaux domestiques de l'Europe (§ 136).
La région de la Nouvelle-Zélande (rég. 25) présente une
faune également ancienne et peu variée : ses forêts silen-
cieuses ont très-peu d'insectes et d'oiseaux. Les animaux
caractéristiques sont l'aptéryx, sorte d'autruche qu'on ren-
contre dans une grande partie de l'Océanie, et le lui, celui de
tous les oiseaux qui reproduit le mieux la parole de l'homme.
L'OCÉAN a aussi sa faune ; et cette faune, comme celle des
continents, peut se diviser en plusieurs régions : les régions
polaires fréquentées par les baleines, les phoques et les
morses ; les régions tempérées, où vivent le saumon, l'alose,
le hareng, la sardine, la morue, le maquereau, le turbot, le
thon, la sole, la raie, etc., chaque espèce ayant sa zone par-
ticulière ; la région tropicale, où les coraux elles madrépores
construisent leurs immenses bancs, servant d'assises à une
partie des îles du Pacifique et des abords du golfe du
Mexique ; où se trouvent le poisson volant, la torpille, la
gymnote, le cachalot, le lamantin, etc., et où volent, au-des-
sus des vagues, les frégates. Il en est de la mer comme de
la terre, mais dans l'ordre inverse. A mesure qu'on descend
dans les profondeurs, la faune se modifie ; elle devient plus
rare et prend un caractère plus boréal, jusqu'à quelles
limites trouve-t-on la vie ? Sur des fonds de plus de
2,000 mètres, bien au delà des limites que le raisonnement
avait assignées à la possibilité d'un organisme vivant, la
sonde a puisé des crustacés, des étoiles de mer et surtout
des infusoires microscopiques, analogues à ceux dont les
débris composent nos couches calcaires et qui sont, avec la
silice et l'argile des roches inorganiques, les principaux
matériaux de la croûte terrestre.
31. L'équilibre des forces. — Entre les trois règnes de la
nature, il y a un transport et comme un commerce inces-
sant de matière, d'où résultent l'harmonie et l'équilibre du
globe terrestre. Le règne inorganique fournit, par l'air, la
terre et l'eau, les substances gazeuses, solides et liquides
qui, assimilées par les plantes, sous l'influence fécondante
de la chaleur, entrent dans le règne végétal. Une notable
partie du règne végétal passe à son tour dans le règne
animal ; avec l'air, l'eau et quelques autres substances
empruntées au règne inorganique, la matière organisée
devient animal herbivore, puis carnivore. Mais la mort dé-
compose sans cesse et déjoue en quelque sorte les combi-
naisons de la vie. Plantes et animaux rejettent continuel¬
lement dans le grand réservoir inorganique ce qu'elles ne
se sont pas assimilé, jusqu'à ce qu'ils y soient rejetés eux-
mêmes après la cessation de la vie. Alors leurs restes se dis-
séminent, partie en gaz dans l'atmosphère ; partie en molé-
cules liquides et solides, soit sur la terre où ils ne lardent
pas à rentrer dans la grande circulation de la vie, soit au
fond des mers, ou ils élèvent aujourd'hui des couches nou-
velles de terrains semblables aux couches qui constituent
nos continents actuels.
DEUXIÈME PARTIE

L'OCÉAN.
(Voir les cartes no 2 et no 3.)

32. Les grandes divisions de la mer. — Nous savons que


la mer occupe près des trois quarts de la superficie du globe.
Cette immense nappe d'eau salée, de 375 millions de kilo-
mètres carrés, au milieu de laquelle les continents n'appa-
raissent que comme des lies, repose sur un fond que les
sondages n'ont encore fait connaître que d'une manière très-
imparfaite : on estime à 3 ou 4 kilomètres sa profondeur
moyenne ; ce qui donnerait un volume d'eau de 1,300 mil-
liards de kilomètres cubes. Cette profondeur n'est pas partout
la même. Les continents reposent en général sur une base
plus ou moins étendue, servant également de support aux
îles voisines et de fond aux mers intérieures. Au large, la
profondeur s'accroît jusqu'à ce qu'on atteigne la plaine peu
ondulée qui forme le véritable fond de la mer 1. On la trouve
au centre de l'Atlantique, à une profondeur de plus de
4,000 mètres dans la partie septentrionale, et probablement
de plus de 6,000 mètres dans la partie méridionale. En gé-
néral, les profondeurs de l'hémisphère austral paraissent
être plus grandes que celles de l'hémisphère boréal, où les
continents occupent beaucoup plus d'espace ; et les profon-
deurs du Pacifique, plus grandes que celles de l'Atlantique.
1. Le fond des mers est, en général, beaucoup plus uni que la sur-
face des terres, exposées à diverses causes de dégradation, telles que
les variations de l'atmosphère, les pluies, les cours d'eau, etc. Il est le
plus souvent disposé sous forme de terrasses et de plaines, dont les
débris des corps organiques et autres tendent journellement à unifor-
miser la superficie.
Néanmoins, ces profondeurs qui étonnent ne sont rien rela-
tivement à la superficie. Sur un globe terrestre qui aurait
5 mètres de diamètre, et où l'Atlantique aurait, par consé-
quent, une largeur d'environ 2m, 50, la plus grande profon-
deur indiquée par un sondage, mais peut-être erronée
(13,000 mètres), ne serait guère représentée que par 5 mil-
limètres. (Voir le carton 1 de la carte n° 2.)
LA MER se divise en cinq OCÉANS : deux d'entre eux,
situés dans les zones glaciales, forment les calottes du
globe, enveloppent les pôles et ont pour limites les cercles
polaires, à savoir :
L'OCÉAN GLACIAL DU NORD ou océan Glacial arctique ;
L'OCÉAN GLACIAL DU SUD, ou océan Glacial antarctique.
Les trois autres sont situées dans les zones tempérées et
intertropicales, à savoir :
L'OCÉAN ATLANTIQUE, entre l'ancien continent (Europe ec
Afrique) et le nouveau continent ;
L'OCÉAN PACIFIQUE, entre le nouveau continent, d'une
part et, d'autre part, l'ancien continent (Asie), les îles de la
Sonde et le continent austral ;
L'OCÉAN INDIEN, entre le continent austral, les îles de la
Sonde et l'ancien continent (Asie et Afrique) (Voir la carte
n° 3 et, pour la grandeur relative, la fig. 23.)
Ces océans forment de nombreuses mers secondaires, si-
tuées, très-peu dans l'hémisphère sud (mer de Corail et
mer de l'Archipel indien), presque toutes dans l'hémisphère
nord, où les terres interceptent et découpent l'Océan.
Ils reçoivent la plus grande partie des eaux qui, sorties
de leur sein et transformées en pluie, sont devenues rivières
et fleuves. Toutefois quelques contrées sont privées de toute
communication apparente avec l'Océan. Telles sont une par-
tie de l'Afrique septentrionale et centrale, avec les « chots »
Sahara et le lac Tchad comme réservoir ; les parties
de l'Afrique australe qui dépendent des lacs Ngami et
Tanganyika ; l'Arabie centrale ; la région de l'Asie cen-
trale et de l'Europe orientale avec la Caspienne, la mer
d'Aral, les lacs Balkach, Lob, Tengri, etc., pour réser-
voirs ; celle de l'Australie avec le lac Eyre ; celle du Grand-
Bassin de l'Amérique septentrionale avec le grand lac Salé ;
celle du haut pluteau de l'Amérique méridionale avec le
lac Titicaca.
33. L'océan Glacial du Nord. — L'OCÉAN GLACIAL, à peu
près grand comme l'Europe (environ 10 millions de kilo-
mètres carrés), est en quelque sorte enveloppé par l'an-
cien et le nouveau continent dont il baigne les côtes
septentrionales. C'est une vaste surface toute de glace l'hi-
ver, où la terre et l'eau, durcies par les frimas, se con-
fondent sous la neige et au milieu des brouillards. Même
durant l'été, cet océan est encore en grande partie gelé
ou couvert de montagnes de glaces que la chaleur a déta-
chées et qui flottent à la dérive en amas innombrables.
Ses eaux sont le refuge des baleines ; ses côtes inhospita-
lières ne sont guère hantées que par les phoques, les
morses, les pingouins et les ours blancs. Plusieurs grands
fleuves y versent leurs eaux, quand elles ne sont pas gla-
cées : le Mackensie, le Nelson, la Dwina, la Petchora, l'Obi,
l'IÉNISSÉI, l'Olonck, la LÉNA, l'Indigirka, la Kolyma. Il est
arrosé par les pluies et les brouillards qui, durant six mois
de l'année, viennent s'y condenser en neige et en glace,
et qui y forment en été un volume d'eau toujours surabon-
dant.
Une grande et haute terre, presque toute glacée, décou-
pée sur les côtes par des fiords, au fond desquels descendent
de longs glaciers, et habitable seulement dans quelques
anses de la région occidentale, le GROENLAND, divise en deux
parties l'océan Glacial.
Dans la partie orientale, c'est-à-dire deans la partie située
au nord de l'ancien continent, la mer est plus accessible
à la navigation que dans la partie occidentale, grâce à
l'influence du Gulf-stream. Les îles y sont peu nombreuses :
île Jean-Mayen au nord de l'Islande ; groupe des ÎLES LOFO-
DEN sur la côte de Norvège ; groupe du SPITZBERG (Spitzberg
occidental, terre Nord-Est, etc.), le groupe d'îles le plus sep-
tentrional que l'on connaisse sur la terre, s'étendant au delà
du 80e degré), et encore incomplètement exploré ; l'île Kal-
gouew ; l'île Waigatz ; la NOUVELLE-ZEMBLE, séparée de la
précédente par le détroit de Kara et coupée elle-même par
une ou plusieurs passes ; le groupe de la Nouvelle-Sibérie
ou île Liakow. Les caps sont : le CAP NORD, au nord de la

Norvège, dans l'île Mageroe, le point le plus septentrional


de l'Europe, et le cap Nord-kin, tout voisin, sur la terre
ferme ; le cap Kanin, le cap Taymourski, le cap Chelious-
kin ou promontoire Sacré en Sibérie, formant la pointe
la plus septentrionale de l'ancien continent (par 76°) et le
cap Sviator. La côte de l'ancien continent, généralement
basse et marécageuse, est cependant découpée par des
mers et des baies profondes : la MER BLANCHE, enveloppée
par la côte d'Europe; la MER DE KARA entre la Nouvelle-
Zemble et le continent ; le golfe de l'Obi ; les baies Borchon
et Tchaoun.
La partie occidentale, située au nord du nouveau conti-
nent, est en partie couverte par un vaste archipel d'îles gla-
cées, désertes, très-imparfaitement connues, qu'on désigne
sous le nom de TERRES ARCTIQUES : île de Southampton à
l'entrée de la baie d'Hudson, terre de Cumberland, terre
de Fox, Nouvelle-Ayr, terre de Cockburn, terre Victoria,
terre Wollaston, terre du Prinee-Albert, île de Banks, Nord-
Devon, archipel Parry, île Melville, etc.,). De nombreux
détroits et bras de mer séparent ces îles : détroit de Davis,
MER DE BAFFIN, détroits de Smith et canal de Kennedy, par
les quels les navigateurs se sont le plus avancés vers le pôle
de ce côté ; détroits de Lancastre, de Barrow, etc., qui
constituent le principal passage nord-ouest ; détroits d'Hud-
son et de Fox, golfe de Boothia, détroits de Francklin et de
Mac-Clintock, qui constituent aussi un passage nord-ouest.
Les caps sont : le cap Chudleigh à l'entrée du détroit d'Hud-
son, le cap Barrow et le cap Hope non loin du détroit de
Behring. La côte, profondément découpée, enveloppe une
vaste mer intérieure, la BAIE D'HUDSON ; à l'ouest de cette
baie, projette les deux presqu'îles de Melville et de Boothia,
la pointe la plus septentrionale du nouveau continent (par
71° 30).
Cette partie de l'Océan ne communique avec les autres
que par quatre issues : 1° entre l'Asie et l'Amérique, par
le détroit de Behring, qui débouche dans le Pacifique,
entre le cap Oriental (côte asiatique) et le cap du Prince-de-
Galles (côte américaine) ; 2° entre les terres de Baffin et le
Groenland, par le détroit de Davis, qui débouche dans
l'Atlantique ; 3» et 4°, entre le Groenland et la Scandinavie,
par deux larges ouvertures que sépare l'Islande et qui dé-
bouchent également dans l'Atlantique.
34. Le passage nord-ouest et le pôle nord. — Si l'océan
Glacial était navigable, c'est lui qui présenterait le chemin
le plus court entre l'Europe et la Chine. Les peuples mar-
chands ont tenté, dès la fin du XVIe siècle, de se frayer ce
chemin, les Hollandais d'abord par la côte asiatique, ce qui
les conduisit à la découverte de la mer Blanche et du Spitz-
berg ; les Anglais ensuite par la côle américaine, ce qui con-
duisit successivement à la découverte des nombreuses terres
arctiques et du labyrinthe de détroits qui les séparent. Enfin,
de 1848 à 1854, on constata sur plusieurs points, principa-
lement par le détroit de Davis, la mer de Baffin, les détroits
de Lancastre, de Barrow, de Melville, de Banks, l'existence
du passage nord-ouest, c'est-à-dire du passage dans le Paci-
fique en naviguant au nord-ouest ; mais ce passage qu'au-
cun navire n'a franchi, et que les explorateurs tels qu'Ingle-
field, Mac-Clure, Mac-Clintock, etc., venus de l'orient ou de
l'occident, n'ont pu reconnaître qu'en traîneau, est absolu-
ment impraticable à la navigation.
Les mêmes recherches ont conduit à tenter l'accès du
pôle. Parry a essayé d'y aborder par le Spitzberg ; il s'est
avancé en traîneau sur la glace jusqu'au delà du 82°. Kane
et Hayes l'ont tenté par le canal Kennedy : après avoir
laissé leur navire pendant l'hivernage, ils se sont avan¬
cés, le dernier jusqu'au 82°, et ils ont cru pouvoir affir-
mer l'existence, encore très-problématique, d'une mer
libre de glaces par laquelle plusieurs navigateurs ont espéré
atteindre le pôle.
35. L'océan Atlantique. — Entre le cercle polaire du
nord et le cercle polaire du sud, d'une part, et, d'autre
part, entre l'Europe et l'Afrique à l'est, et l'Amérique à
l'ouest, s'étend l'OCÉAN ATLANTIQUE, vaste fleuve océanique,
reposant sur un fond sensiblement uniforme, sans chaînes
ni vallées sous-marines, faisant communiquer les eaux des
deux régions polaires, bordé de rives gigantesques qui pré-
sentent des sinuosités régulières : la courbe de la presqu'île
Scandinave correspond en effet à la courbe du Groenland ;
la proéminence de l'Afrique, à l'enfoncement de la mer
des Antilles ; et la pointe avancée du Brésil, au brusque
retrait du golfe de Guinée. Cet océan doit son nom à la
chaîne de l'Atlas qui, pour les anciens, paraissait s'enfon-
cer dans cette direction. Sa superficie est d'environ 90 mil-
lions de kilomètres carrés ; on le divise quelquefois, mais
sans raison suffisante, en Atlantique boréal, Atlantique in-
tertropical et Atlantique austral : cette dernière partie est
la plus large et la plus profonde.
De grands fleuves lui apportent le tribut de leurs eaux :
la Vistule, l'Elbe, le Rhin, la Loire, le Rhône, le DANUBE, le
Dniester, le Dniéper, le Don, le NIL, le Sénégal, la Gambie,
le NIGER ou Djoliba, le Congo, le fleuve Orange, le Saint-
Laurent, le MISSISSIPI, le Rio Grande del Norte, le Colorado,
la Magdalena, l'Orénoque, l'AMAZONE, le Paranahyba, le San-
Francisco, LA PLATA, le Rio Negro; 'de tous les océans,
c'est celui dont le bassin fluvial est le plus étendu.
L'Atlantique est parsemé d'îles nombreuses, placées ce-
pendant de manière à laisser libres les grands courants de ses
eaux : 1° au nord, l'ISLANDE sur les limites de l'océan Gla-
cial ; 2° à l'est, sur la côte européenne, les ÎLES BRITANNIQUES
et leurs satellites ; sur la côte africaine, le vaste groupe com-
posé de Madère et des Canaries, et plus loin, en pleine mer,
les Açores, le groupe des îles du Cap-Vert et îles voisines,
les îles du golfe de Guinée (Fernando-Po, Annobon), etc. ;
3° à l'ouest, sur la côte américaine, l'extrémité méridio-
nale des terres arctiques, les îles du golfe Saint-Laurent,
Terre-Neuve, etc., les Bermudes isolées, la longue chaîne
des GRANDES et des PETITES ANTILLES et îles voisines, les
groupes du sud de l'Amérique, îles Falkland, Terre de feu,
à l'est de laquelle sont l'île Géorgie et la terre de Sandwich,
commencement de la longue bande glacée des terres antar-
ctiques, etc. ; 4° dans la partie centrale, et comme perdue,
au milieu des eaux, les îles de l'Ascension, de Sainte-Hé-
lène et de Tristan da Cunha ; 5° les îles de la Méditerranée,
Baléares, CORSE, SARDAIGNE, SICILE, îles Ioniennes, Candie,
Cyclades, Négrepont, Rhodes, Chypre, etc.
Les principaux caps sont les caps Clear (Irlande), Land's-
end (Angleterre), pointe de Saint-Mathieu (France), Finis-
terre (Espagne), Saint-Vincent (Portugal), Vert et des
Palmes (Alrique), Farewell (Groenland), Race (Terre-Neuve),
Hatteras et Sable (États-Unis), San Roque (Brésil). Au
sud, deux caps, formant les pointes extrêmes des deux
continents, séparent l'océan Atlantique des deux autres
océans de la zone intermédiaire : le CAP DE BONNE-ESPERANCE
(et, un peu plus à l'est, le cap des Aiguilles), à l'extrémité
de l'Afrique ; elle CAP HORN, dans une île, il l'extrémité
de l'Amérique.
Les mers secondaires et les grands golfes de l'Atlantique
sont : 1° la mer du Nord, la Baltique, la mer d'Irlande, la
Manche, le golfe de Gascogne, qui s'enfoncent dans les con-
tours de la côte européenne, si capricieux et si favorables
au commerce ; 2° entre l'Europe et l'Afrique, la MEDITER-
RANÉE, la plus grande des mers formées par les océans, et
formant elle-même un grand nombre de mers et de golfes
sur ses bords septentrionaux, c'est-à-dire sur la rive euro-
péenne ; 3° le golfe de Guinée, la seule échancrure profonde
que présente la côte uniforme et peu hospitalière de l'A-
frique ; 4° sur la côte américaine, le golfe Saint-Laurent,
vaste estuaire d'un grand fleuve, la baie de Fandy, la baie
de Chesapeake, le golfe du Mexique, fermé par deux pres-
qu'îles et par la plus grande des Antdles, la mer des Antilles
entre les îles Antilles et l'Amérique du Sud.
Les principaux détroits sont : 1° les deux détroits qui font
communiquer l'Atlantique avec d'autres océans : au nord
le détroit de Davis, conduisant dans l'océan Glacial dont il
est une dépendance ; ausudle DÉTROIT DE MAGELLAN, longue
passe tortueuse de 500 kilomètres, conduisant dans l'océan
Pacifique ; 2° les détroits des mers européennes, tels que la
série des détroits de la Baltique, le Pas-de-Calais, les deux
détroits entre l'Irlande et la Grande-Bretagne, le détroit de
Gibraltar, et les détroits intérieurs de la Méditerranée ;
3° les détroits des mers américaines, détroit de Belle-Isle,
servant de débouché au golfe Saint-Laurent, canal de la
Floride, principal débouché du golfe du Mexique, détroit
de Lemaire entre la Terre de feu et l'île des États, fréquenté
par les marins qui doublent le cap Horn.
A l'orient, vers le 30° de latitude, l'Atlantique touche
presque, par la Méditerranée, à l'océan Indien dont le sé-
pare seulement une plage sablonneuse de 120 kilomètres,
l'isthme de Suez ; à l'occident, vers le 10e, il touche presque,
par la mer des Antilles, à l'océan Pacifique dont le sépare
seulement une arête montagneuse de 65 kilomètres, l'isthme
de Panama, dont l'élévation au-dessus du niveau de la mer
ne dépasse pas 130 mètres au point de dépression. Sans
ces deux obstacles, la communication maritime existerait
ininterrompue et facile autour de la partie centrale du
globe, comme elle existerait, dans la partie septentrionale,
si malheureusement les glaces ne la rendaient pas impra-
ticable, et comme elle a lieu dans la partie méridionale, où
les terres sont le plus rares et d'où les grands foyers de l'ac-
tivité commerciale sont très éloignés. Le canal de Suez, en
coupant l'isthme de ce nom, a déjà supprimé (1869) le pre-
mier de ces obstacles ; la communication à travers l'isthme
de Panama n'a lieu encore que par un chemin de fer.
36. L'océan Pacifique. — Entre le détroit de Behring et
le cercle polaire du sud, d'une part ; et, d'autre part, entre
l'Amérique, à l'est, l'Asie, les îles de la Sonde et l'Australie,
à l'ouest, s'étend en forme d'ovale le plus vaste des océans.
C'est l'OCEAN PACIFIQUE, qui mesure plus de 180 millions
de kilomètres carrés, c'est-à-dire à peu près la moitié de
la surface totale des mers et qu'on nomme avec raison le
Grand océan. Il doit son nom de Pacifique aux vents et aux
courants réguliers qui ont conduit presque sans effort, d'A-
mérique en Asie, les premiers explorateurs. A peu près
fermé au nord et largement ouvert du côté du sud, c'est
du sud qu'il reçoit la grande poussée des eaux polaires ;
aussi, sur le flanc de l'Amérique, a-t-il rongé sa côte jusqu'au
pied des montagnes récemment soulevées des Andes, effilé
le continent en une longue pointe et dessiné du sud-est au
nord-est la direction générale des côtes ; sur la rive occi-
dentale, il a également effilé du nord au sud la grande île
de la Nouvelle-Zélande, et creusé le continent austral.
Il a une particularité remarquable, c'est d'être bordé par
de hauts rivages et par une chaîne presque non interrompue de
volcans éteints ou en activité : les nombreux volcans des
Andes et de la Californie, le chapelet des volcans des îles
Aléoutiennes, du Kamtchatka, des Kouriles, du Japon et
de l'archipel Indien, ceux des îles de l'Australasie et de la
Nouvelle-Zélande ; le centre est occupé par les volcans des
îles Hawaii.
Il ne reçoit qu'un petit nombre de grands fleuves de la
côte américaine, le Fraser, le Columbia, le Colorado ; mais
l'Asie lui verse l'AMOUR, le Hoang-Ho, le YANG-TSE-KIANG,
le Si-kiang, le Song-hoi, le Cambodge et le Mé-nam. Il re-
çoit en somme beaucoup moins de tributaires impor-
tants que l'Atlantique.
Il est tout parsemé d'îles : 1° dans la région intertropi-
cale, se pressent les archipels, la plupart de formation ma-
dréporique, de la Polynésie (îles Hawaii et groupes au sud
de l'équateur) ; la Micronésie, partie de la Polynésie ; ceux de
l'Australasie; les grandes îles volcaniques de la Malaisie
comprenant BORNPO, la plus grande île du monde, les îles
de la Sonde, etc. : ces groupes constituent, avec le continent
austral et les îles qui l'avoisinent, une des cinq parties du
monde, l'OCEANIE ; 2° sur la côte asiatique, Hainan, Formose
et la longue chaîne des ÎLES DU JAPON, continuée jusqu'au
Kamtchatka par les îles Kouriles ; 3° au nord, la chaîne
volcanique des Aléoutiennes, qui relie l'Asie à l'Amérique ;
4° sur la côte américaine, la longue suite d'archipels qui
se termine par l'île de Vancouver, les îles Révillagigédo,
Gallapagos, Clunclta, etc. ; 5° dans la région tempérée
australe, l'île de Juan Fernandez, le long archipel de la
Patagonie, la NOUVELLE-ZÉLANDE et groupes voisins, la
Tasmanie, etc.
L'océan Pacifique est limité, au sud-est, par le CAP HORN
qui le sépare de l'Atlantique et, au sud-ouest, par le CAP
SUD qui le sépare de l'océan Indien ; d'ailleurs il a moins de
caps importants que l'océan Atlantique ; le cap Romania,
au sud de la presqu'île de Malacca ; le cap Lopatka au sud
du Kamtchatka ; la presqu'île d'Alaska, le cap Mendocino, le
cap San Lucas, le cap Agouja, sur la côte américaine ; le
cap Otou, au nord de la Nouvelle-Zélande ; le cap York, au
nord de l'Australie ; le cap Howe, au sud-est du même con-
tinent.
Les mers secondaires et les grands golfes du Pacifique
sont : 1° sur la côte asiatique, la MER DE CHINE entre la Ma-
laisie et l'Asie, la mer Bleue, la mer Jaune, la mer du Ja-
pon, la mer d'Okhotsk, fermée par le Kamtchatka et les Kou-
riles ; 2° au nord, entre l'Asie et l'Amérique, la mer de
Behring, fermée au sud par les îles Aléoutiennes; 3° sur la
côte américaine, beaucoup moins découpée et moins garnie
d'îles que la côte asiatique, le golfe de Californie, le golfe
de Panama, le golfe de Guayaquil ; 4° au milieu des îles de
l'Océanie, la MER DE CORAIL, occupée par des récifs madré-
poriques qui lui ont valu son nom, le golfe de Carpentarie
et la mer de Harafoura, au nord de l'Australie, la mer des
Moluques, la mer de Banda, la mer de la Sonde, entre les
iles de la Malaisie.
Plusieurs détroits font communiquer cet océan avec les
autres : le DÉTROIT DE BEHRING, avec l'océan Glacial arcti-
que, entre le cap du Prince-de-Galles et le cap Oriental ; le
DÉTROIT DE MAGELLAN, avec l'océan Atlantique ; le DÉTROIT
DE MALACCA, les DÉTROITS DE LA SONDE, DE BALI, etc., et le
DÉTROIT DE BASS, avec l'océan Indien. Les principaux dé-
troits intérieurs sont : les détroits de la Boussole, de la Pé-
rouse, de Sangar, de Simonosaki entre les îles japonaises ;
la Manche de l'arrakaï, entre l'île de ce nom et le continent;
le détroit de Macassar, entre Bornéo et Célèbes ; le détroit
de Torrès, presque entièrement obstrué par des récifs ma-
dréporiques, au nord de l'Australie ; le détroit de Cook,
entre les deux îles de la Nouvelle-Zélande.
37. L'océan Indien. — Entre la côte méridionale de l'Asie
et le cercle polaire du sud, d'une part, et, d'autre part, en-
tre les côtes occidentales de l'Océanie (îles de la Sonde et
Australie) et la côte d'Afrique, s'étend l'OCÉAN INDIEN qui
mesure 70 millions de kilomètres carrés. Il a une forme à
peu près triangulaire, la base au sud, ouverte du côté de
l'océan Glacial, le sommet au nord, dans la direction où se
porte l'effort des flots qui ont dessiné les conlinents. De ce
côté, la presqu'île indienne leur faisait obstacle : ils l'ont
effilée en pointe, comme l'Afrique et l'Amérique ; ils ont
effilé de même sur leur passage l'île de Madagascar, ainsi
que la Nouvelle-Zélande. Au sud-est et au sud-ouest, il
communique librement, sur une étendue de 3.000 kilomè-
tres, avec le Pacifique et l'Atlantique. De trois côtés, c'est
presque une mer secondaire, et on l'a longtemps consi-
déré comme une simple dépendance du Pacifique.
Il ne reçoit qu'un petit nombre de grands cours d'eau ;
le Murray-Durling,l'Iraouadly, le BRAHMA POUTRA, le GANGE,
le Godavery, la Krichnah, la Nerbuddah, l'INDUS, le Chatt-
el-Arab, le Zambèze et le Limpopo.
Ila peu d'îles ; une longue bande d'îles sur la côte de Su¬
matra ; les îles Andaman, Nicobar, les archipels des Laque-
dives et des Maldives des deux côtés de la presqu'île in-
dienne ; CEYLAN au sud de la presqu'île ; Socotora, la grande
île de MADAGASCAR et les groupes voisins, Seychelles, Co-
mores, Mascareignes, etc. ; enfin plusieurs îles perdues dans
la région méridionale, l'île d'Amsterdam, l'île Kergue-
len, etc.
Deux caps le séparent des deux océans voisins, le CAP
SUD du Pacifique, et le CAP DE BONNE-ESPÉRANCE de l'Atlan-
tique. Les autres caps importants sont : le cap d'Ambre au
nord de Madagascar, le cap GUARDAFUI à l'est de l'Afrique ;
le Ras-el-Hâd et le cap COMORIN en Asie ; le cap Batou à
l'extrémité de Sumatra ; les caps Nord-Ouest et Leeuwin en
Australie.
Les mers secondaires et les grands golfes sont tous au
nord, sur la côte asiatique : GOLFE DU BENGALE, entre
l'Indo-Chine et l'Inde ; MER D'OMAN, entre l'Inde et l'Ara-
bie ; GOLFE PERSIQUE, s'enfonçant profondément dans les
teires, entre la Perse et l'Arabie ; MER ROUGE, s'enfon-
çant plus profondément encore et séparant l'Asie de l'Afri-
que. Les côtes d'Afrique et d'Océanie, limées par les eaux,
présentent une surface à peu près unie, sans golfes ni
mers secondaires.
Les principaux détroits, outre les détroits de Malacca, de
la Sonde, de Bali, de Bass, etc., qui le mettent en commu
nication avec le Pacifique, sont : le détroit de Palk, bordé
par des récifs qui font de l'intervalle entre Ceylan et l'Inde
un golfe (golfe de Manaar) ; le détroit d'Ormuz, qui donne
entrée dans le golfe Persique ; le détroit de BAB-EL-MANDEB,
qui donne entrée dans la mer Rouge, et que les Arabes
avaient nommé de ce nom, qui signifie « portes de la
mort », à cause des périls de la navigation dans la mer
Rouge ; et le CANAL DE MOZAMBIQUE qui coule entre Mada-
gascar et le continent.
38. L'océan Glacial du Sud. — Au cercle polaire antar-
ctique commence l'OCÉAN GLACIAL DU SUD, limite tout idéale
d'ailleurs, parce qu'en réalité les glaces, plus étendues et
plus compactes au sud qu'au nord du globe, s'avancent
beaucoup au delà du cercle. A l'époque de la débâcle, les
glaces flottantes vont quelquefois jusqu'à la hauteur de la
Plata et du Cap, vers le 35e degré de latitude. Cet océan est
le grand réservoir des eaux marines, comme les glaciers
des montagnes sont les grands réservoirs des eaux fluviales.
C'est aussi la partie du globe terrestre que l'homme con-
naît le moins : à peine quelques rares navigateurs ont-ils
pu, au milieu des brouillards et des masses de glaces flot-
tantes, s'aventurer au delà du cercle polaire. Le plus heu-
reux, James Ross, est parvenu, sous la longitude de la
Nouvelle-Zélande, jusqu'au 78e degré, en longeant une côte
qu'il a nommée terre Victoria, et qui est dominée par
deux volcans, dont un en activité ; il leur a donné le nom
de ses navires Erebus (3,627 mètres) et Terror. D'autres
ont découvert à peu près sur la ligne du cercle polaire,
mais déjà au delà de la banquise ou barrière de glaces, les
terres Graham et Louis-Philippe avec l'île Joinville, les
groupes des Orcades et des Shetland, au sud de l'Amé-
rique ; les terres Adélie, Clarie et de Wilkes au sud de
l'Australie; la terre de Kemp et d'Enderby au sud-est de
l'Afrique : indices probables de l'existence d'un continent
antarctique. Néanmoins la masse des eaux est assurément
beaucoup plus grande dans la zone glaciale du sud que
dans la zone glaciale du nord.
39. Les marées. — Cette immense nappe liquide qui en-
veloppe la terre est sans cesse agitée de mouvements divers.
Le plus général et le plus régulier est le mouvement des
MAREES, qui est dû à l'attraction de la lune et du soleil.
On sait que tous les corps célestes s'attirent réciproque-
ment : c'est pourquoi la terre tourne autour du soleil, et la
lune autour de la terre. La lune, qui, même sur le mouve-
ment général de la terre, a une certaine action, bien moin-
dre assurément que celle du soleil, exerce sur les molécules
isolées et libres, une attraction plus grande que le soleil,
parce qu'elle est beaucoup plus voisine de nous : c'est
pourquoi l'influence lunaire est plus de deux fois plus consi-
dérable que l'influence solaire dans le phénomène des ma-
rées. Dans l'hémisphère qui régarde la lune, et surtout au
moment où elle passe au zénith d'un lieu, les molécules
liquides, sollicitées en sens contraire par l'attraction ter-
restre ou pesanteur et par l'attraction lunaire, subissent
fortement l'influence de la lune, s'amoncellent de ce côté,
et la mer se gonfle. Mais la masse solide delà terre est atti-
rée aussi, quoique moins fortement : elle se rapproche de
la lune ; et, comme à l'autre extrémité du globe, la partie
de la mer, éloignée de l'attraction lunaire, ne suit pas
ce mouvement, il se forme entre le sol et la surface des
eaux une différence de niveau toute semblable. De cette fa-
çon se manifestent, d'une part, un double renflement de
l'Océan, l'un au zénith, l'autre au nadir ; et, d'autre part,
une double dépression, très-marquée sur les deux côtés
intermédiaires où, la double action de la lune sur l'Océan
et sur la terre se neutralisant entièrement, la pesanteur agit
seule et déprime la surface des mers. Si l'on supposait la
terre également enveloppée de toutes parts par l'Océan, on
pourrait représenter cet état des marées, à un moment
donné, par une circonférence figurant la croûte terrestre
et par une sorte d'ellipse figurant la surface liquide, et en-
veloppant exactement la circonférence avec son plus grand
diamètre dirigé vers le centre de la lune (voir la fig. 26).
Si maintenant l'on se rappelle que la terre tourne en 24
heures, on conçoit aisément que le point qui à un moment
donné est au zénith et qui, par conséquent, a la mer tumé-
fiée, aura, 6 heures environ après, la mer à sa plus grande
dépression ; que, 6 heures encore après, il sera au nadir et
verra la mer de nouveau gonflée, pour la voir, après une
autre révolution de 6 heures, déprimée de nouveau ; de
sorte que, pour chaque lieu, dans l'espace de 24 heures 50
minutes, la mer monte et descend deux fois. On appelle pleine
mer, le moment où la mer atteint son niveau le plus élevé,
et mer basse, le moment où elle est à son niveau le plus bas.
Ce moment change et retarde chaque jour d'une ma-
nière régulière (de 50 minutes), comme le passage de la
lune au zénith auquel il est subordonné.
Le soleil, autour duquel la terre fait sa révolution dans
les 24 heures, produit un effet analogue ; mais cet effet est
moins sensible et paraît se confondre avec la marée lu-
naire. Toutefois, lorsque le soleil et la lune contrarient
leurs efforts, ce qui arrive au premier et au dernier quar-
tier de la lune, parce que le soleil exerce alors son attrac-

tion sur les points de la plus grande dépression, les marées


sont moins fortes ; c'est ce que les astronomes appellent
marée de quadrature et les marins morte-eau. Lorsqu'au
contraire le soleil et la lune combinent leurs efforts, ce qui
arrive à la nouvelle et à la pleine lune, le soleil exerçant
alors son attraction sur les points de la plus grande intu-
mescence, les marées, dites marées de syzygie (c'est-à-dire,
de jonction), sont très-fortes.
On comprend aisément que la marée soit insensible dans
un lac, et à peine sensible dans une mer intérieure,
comme la Baltique et la Méditerranée.
La marée, étant une intumescence de la mer, se produit,
en général, par un simple mouvement vertical de soulève-
ment et d'affaissement de la surface des eaux, sans courant
et sans déplacement : c'est ce qui a lieu sur les étendues,
pour ainsi dire sans limites, de l'Atlantique et du Paci-
fique. Mais, près des terres, l'étroitesse des bassins, le re-
lief des côtes altèrent la marche régulière du flot montant,
le retardent toujours et souvent, en l'enfermant comme
dans un entonnoir, l'irritent et le forcent à s'élever plus
haut en vagues écumeuses. C'est ainsi que le large flot
de l'Atlantique, qui vient frapper les côtes occidentales des
îles Britanniques, ne parvient que sept heures après au
fond de la mer d'Irlande, par un double flot parti du canal
Saint-Georges et du canal du Nord ; que ce même flot met
également sept heures à remonter la Manche jusqu'au Pas-
de-Calais, où il se heurte contre un flot venant en sens
contraire qui a mis dix-neuf heures à franchir la mer du
Nord (voir le carton 2 de la carte n° 2). C'est peut-être à ce choc
de deux flots contraires, que sont dus les nombreux bancs
de sable de ces parages. On nomme établissement du port,
le nombre d'heures et minutes dont la marée, à un point
donné d'une côte, retarde sur le passage de la lune au
méridien.
Dans la Manche, par exemple, le flot de la marée mon-
tante est très-fort, surtout sur la côte de France ; et dans
l'entonnoir sans issue qu'on appelle la baie du mont Saint-
Michel, il s'élève à 15 mètres. Dans un autre entonnoir,
plus long et plus étroit qu'on nomme baie de Fundy, sur
la côte d'Amérique, et qui s'ouvre pour recevoir tout
l'effort du flot venu du sud, la marée monte de 2m,70 à
l'entrée et de 21 mètres au fond, tandis qu'elle ne dépasse
pas 70 centimètres à Sainte-Hélène et à Taiti. L'inspection
de la carte montre que, pour la même raison, le flot doit
être fort dans le golfe de Panama, dans la mer d'Oman,
dans le golfe du Bengale.
Dans ces étranglements de la marée, il se produit de vé¬
ritables courants, changeant selon que le flot monte ou
descend, et parfois très-violents ; on les nomme des raz.
Le raz Blanchard sur la côte du Cotentin en France, le
Coirebreacain dans les îles Hébrides, le Maëlstrom sur la
côte de Norvège, sont au nombre des plus connus parmi
ces courants ; quelques-uns atteignent, au moment de la
pleine mer, une vitesse de 15 à 20 kilomètres à l'heure, vi-
tesse dont aucun fleuve n'approche.
Quand, d'autre part, le flot montant rencontre l'embou-
chure d'un fleuve, il se heurte contre l'eau qui descend,
l'arrête et roule par-dessus en montagne d'écume : c'est
ce qu'on nomme barre, mascaret, etc., et ee qui s'observe
dans presque tous les tributaires de l'Océan, particulière-
ment dans la Seine et la Gironde. Quelquefois ces cou-
rants, se contrariant, empêchent la mer de descendre, et
la maintiennent une heure et plus « étale », comme au
Havre.
Quand le flot, après s'être largement développé dans une
mer profonde, rencontre tout à coup un bas-fond, la vague
se brise avec fracas et se redresse en grondant : c'est ce
qu'on appelle le ressac. On l'observe, en particulier, sur la
côte de Coromandel, dans l'Inde.
40. Les principaux courants.
— La marée n'est pas
la seule cause du mouvement et n'est que la moindre
cause du déplacement des eaux de l'Océan. Il existe dans
la masse liquide, comme dans la masse gazeuse de l'atmo-
sphère, des courants, les uns réguliers, les autres irrégu-
liers, qui sont la conséquence de l'inégale répartition de la
chaleur. La zone intertropicale, sans cesse échauffée par
les rayons d'un soleil ardent qui tombent d'aplomb et
qu'interceptent rarement les nuages, est le siège d'une
constante et active évaporation ; c'est là que le soleil
pompe la majeure partie de l'humidité avec laquelle il
féconde le sol des continents ; et l'on n'estime pas à
moins de 120 millions de mètres cubes la quantité d'eau
transformée en vapeur dans cette, zone durant le cours
d'une année. Donc, il y a dans la zone intertropicale, la
plus large de toutes, un continuel abaissement du niveau de
la mer. Ce n'est pas tout. Comme nous l'avons vu pour l'air
(§ 13), l'eau obéit moins promptement que la masse so-
lide au mouvement de rotation : elle éprouve un retard, et
ce retard produit, sur toute la périphérie du globe, un grand
courant équaiorial d'est en ouest. Si les continents n'exis-
taient pas, ce courant serait partout régulier ; mais l'Amé-
rique l'arrête dans l'Atlantique, l'Asie dans le Pacifique, et
elles le font dévier.
Dans l'Atlantique, le COURANT ÉOUATORIAL, venu des
côtes de Guinée, se heurte vers le cap San Roque à la côte
du Brésil. Une partie de ce large fleuve marin dérive vers
le sud et prend le nom de courant du Brésil; la majeure
partie glisse sur la côte des Guyanes, ronge le littoral de
l'Amazone où, aux marées de syzygie, elle contribue à
pousser jusqu'à 800 kilomètres dans l'intérieur du fleuve
la terrible barre connue sous le nom de pororoca ; elle con-
trarie l'embouchure de l'Orénoque, et pénètre au sud des
Antilles, entre le Yucatan et Cuba, dans le golfe du
Mexique dont elle suit la courbe. Là, ses eaux fortement
échauffées par un long parcours sous l'équateur thermal,
s'échauffent encore sous l'action d'un soleil ardent ; elles
se pressent, en quelque sorte, dans cet espace resserré,
où elles se grossissent des eaux d'un grand fleuve, le Mis-
sissipi. Aussi, en s'échappant par l'étroit passage du canal
de la Floride, forment-elles un nouveau courant très-ra-
pide, qui prend le nom de GULF-STREAM, c'est-à-dire, cou-
rant du golfe.
Ce courant, comme le dit le commodore Maury qui, le
premier, l'a décrit avec précision, est une sorte de grand
fleuve dans l'Océan. Large de 59 kilomètres au début, il
roule, sur une profondeur de 400 mètres et avec une vitesse
initiale de 8 kilomètres à l'heure, vitesse supérieure à celle
de l'Amazone et du Mississipi, une masse d'eau de 33 mil-
lions de mètres cubes par seconde, masse plusieurs cen¬
taines de fois plus considérable que celle de ces deux
fleuves réunis. Ses eaux chaudes, d'un bleu azuré, coulent
entre des rives d'eau froide reconnaissables à leurs sillons
d'écume. Son lit s'élargit à mesure qu'd s'éloigne de son
point de départ. A la hauteur du 35° parallèle environ,
le courant, qui a suivi jusque-là la côte américaine, se di-
vise en deux branches. L'une d'elles, orientée à l'est,
traverse l'Atlantique en 38 jours, arrive dans les parages
des Açores et, après avoir envoyé le long des côtes d'Afri-
que un embranchement qui forme le courant de Guinée,
lequel va se perdre dans le courant équatorial, elle se
replie vers l'ouest parallèlement à ce dernier, dont un
contre-courant le sépare, et le rejoint dans la mer des An-
tilles. Ainsi se trouve formé un circuit complet qu'une
goutte d'eau accomplit, paraît-il, en 35 mois environ ; il
enferme une vaste plaine d'eau dormante, où poussent et
où sont refoulés des bancs immenses de fucus gigantesques,
formant, à perte de vue, sur une surface de 4 millions de
kilomètres carrés, une prairie marine, dite mer de Sargasse,
c'est-à-dire de raisin de mer, à cause des grains noirs dont
ces fucus sont couverts. L'autre branche, véritable trait
d'union entre le nouveau continent et l'Europe, suit la di-
rection du nord-est. Elle envoie, malgré les courants froids
et les banquises de l'océan Glacial, lesquels descendent jus-
qu'à Terre-Neuve, un jet par le détroit de Davis sur la
côte occidentale du Groenland, qu'elle rend plus habitable
que la côte orientale ; elle adoucit par sa bienfaisante cha-
leur les hivers des îles Britanniques, des îles Foeroe, de
l'Islande et de la Norvège ; elle procure à Fruholm, au
nord de cette dernière contrée, une température hiémale
presque aussidouce en moyenne que celle de Toulouse ; elle
pénètre jusqu'à la côte occidentale du Spitzberg, où elle
favorise les hivernages et où, par un froid atmosphérique
de 20 degrés, elle rend encore la mer libre de glaces, diffé-
rence de température qui occasionne, il est vrai, les brouil-
lards intenses de ces parages ; enfin elle paraît perdre toute
son influence au pied des barrières de glace, qui se dressent
sur les côtes septentrionales de cette contrée.
Le même phénomène se reproduit à peu près de la
même manière dans le Pacifique. Le COURANT ÉQUATORIAL
parti des côtes de la Colombie, en Amérique, se divise en
plusieurs branches au milieu des récifs madréporiques
de l'Océanie. Pendant que la branche méridionale con-
tourne l'Australie, et se replie sur la Nouvelle-Zélande au
contact du courant froid venu du sud, la branche septen-
trionale poursuit son cours jusqu'à la Malaisie, s'y recourbe
vers le nord et, infléchie par les îles Japonaises qu'elle
longe, devient le courant du Japon, ou, suivant l'expres-
sion des habitants, le KURO-SIWO, c'est-à-dire le fleuve noir,
ainsi nommé à cause de la couleur foncée de ses eaux. Le
Kuro-Sixvo, roulant une masse énorme d'eau chaude, tra-
verse le Pacifique, à peu près sous le 40° degré. Comme
le Gulf-stream, il projette une branche vers le nord dans
la direction du détroit de Behring, se recourbe au contact
de la côte américaine, permet à la Colombie britannique
réchauffée la culture du mais, et retourne, mêlé à des eaux
plus froides, venues de la mer de Behring, se confondre
dans le courant équatorial. Là encore le circuit est complet,
et une mer de varech occupe, comme dams l'Atlantique, la
partie centrale ; mais il y a des remons imparfaitement
connus, et souvent on observe, au nord du courant équatorial,
un contre-courant dirigé vers l'est, sous l'influence du
contre-alizé ; d'ailleurs le même phénomène s'observe
dans l'Atlantique.
Dans l'océan Indien, les eaux venues du sud-est, le long
de la côte d'Australie, s'unissent aux eaux équatoriales qui
traversent les détroits de l'Océanie, et le mouvement géné-
ral, quelque peu modifié par les moussons, se continue
vers l'ouest. Parvenu à la côte d'Afrique, il dérive au sud-
ouest et forme, entre Madagascar et le continent, le ra-
pide courant de Mozambique, pendantqu'une autre branche
passe à l'est de cette île. Au-dessous de ce demi-cercle,
est une mer d'herbes qui rappelle la mer de Sargasse.
Cet échappement des eaux équatoriales contribue à
abaisser encore le niveau déjà réduit par l'évaporation.
Pour rétablir l'équilibre sans cesse rompu, sans cesse
affluent les eaux froides des régions polaires. Si l'on pou-
vait considérer le phénomène dans son ensemble, voici le
spectacle qu'on aurait sous les yeux : en premier lieu, des
deux océans Glacials, un écoulement constant vers l'équa-
teur, d'une eau froide, terne, verdâtre, et médiocrement
salée, écoulement se produisant sur toute la largeur des
mers pour l'océan du sud, et par tous les passages ou-
verts pour l'océan du nord ; en second lieu, dans la zone
torride, d'une part, un écoulement constant, secondé par
le souffle des vents alizés, et dirigé vers l'ouest, d'une eau
chaude, très-salée par suite de l'évaporation, fortement co-
lorée en bleu, se repliant en immenses remous au choc
des continents ; d'autre part, une formation incessante de
vapeur d'eau pure, que les vents reportent vers les pôles
et qui s'y condense en brouillards et en neiges pour se
fondre ensuite et retourner de nouveau à l'équateur, d'où
le soleil les a tirés.
C'est une circulation continue, comparable à celle du
sang dans les animaux ; mais une circulation qui n'est pas
toujours uniforme : de l'équinoxe d'avril à celui de sep-
tembre, c'est au pôle nord, alors tourné vers le soleil, que
la fonte des glaces a lieu et que se produisent les plus forts
courants vers l'équateur, pendant qu'au pôle sud les
brouillards emmagasinent en neiges les provisions des six
autres mois ; de l'équinoxe de septembre à celui d'avril,
c'est le pôle sud qui regarde le soleil, et c'est de cette ré-
gion que partent les plus grands courants.
Les courants du sud sont les moins sensibles, parce que
nulle part ils ne sont resserrés dans un étroit espace. En
réalité, ils apportent une masse d'eau bien plus considéra-
ble. Au voisinage des continents, ils ont une direction et
une vitesse très-appréciables : tel est le courant de Hum¬
boldt qui longe, dans le Pacifique, la côte américaine et
tempère, par une brise fraîche, les lourdes chaleurs du
Pérou ; tels sont aussi le courant du cap Horn et celui du
cap de Bonne-Espérance qui apporte, en quantité considé-
rable, des blocs de glace au sud de l'Afrique et quelquefois
jusqu'en vue de la ville du Cap ; tels sont enfin ceux qui
pénètrent par le sud dans l'océan Indien ou dans le Paci-
fique, et particulièrement celui qui passe entre l'Australie
et la Nouvelle-Zélande. C'est en partie à leur poussée vers
le nord dans un espace où rien ne les arrête, qu'est dû le
reflux vers le nord-est, plutôt que vers le sud-est, des cou-
rants de retour, Gulf-stream et Kuro-Siwo.
Les courants du nord, avec leurs eaux froides et ternes,
sont mieux connus. L'un débouche par le détroit de Beh-
ring, se mêle, à l'est, avec les derniers effluves du Kuro-
Siwo et va, à l'ouest, passer entre le Japon et la Chine. Un
autre glisse entre le Spitzberg, l'Islande et le Groenland
dont il rend la côte orientale inhospitalière. Un troisième,
désigné sous le nom de courant de la baie d'Hudson, débou-
che par tous les passages des terres arctiques, par la mer de
Baffin et le détroit de Davis, enveloppe Terre-Neuve et se
glisse, dans un lit rétréci, entre le Gulf-stream et la côte des
États-Unis. A l'époque de la débâcle, quand le soleil d'été
a détaché des glaciers polaires des montagnes de glace
(icebergs), mesurant jusqu'à 500 mètres de hauteur; ou
quand se brise, avec de formidables détonations, le vaste
champ de glace étendu sur la surface de la mer et dési-
gné sous le nom de « banquise », le courant charrie et
les montagnes et des fragments de banquise d'une étendue
parfois de 100 kilomètres. Ces derniers ne tardent pas à se
briser en morceaux, à s'émietter, pour ainsi dire, au choc
des vagues ; les montagnes flottent plus longtemps et vien-
nent jusqu'au banc de Terre-Neuve, parfois même jusqu'à
la hauteur de New York, fondre au contact du Gulf-stream.
C'est même aux amas de sable et de roches que les gla-
çons précipitent en se liquéfiant, qu'on attribue la forma¬
tion du vaste et profond banc de Terre-Neuve, situé à la
rencontre des deux courants.
41 Les courants secondaires. — Sur les bords d'un
fleuve dont la rive est sinueuse, il se forme des remous et
des courants rétrogrades. Il en est de même pour l'Océan.
Tel est le courant de Bennell, qui, détaché du Gulf-stream,
suit la courbe du golfe de Gascogne, traverse la Manche
de la Bretagne aux îles Britanniques et retourne, dans la
direction de l'ouest, se confondre avec le Gulf-stream ; tel
encore le contre-courant de la mer des Antilles, qui porte
de l'isthme de Panama vers le Venezuela.
La plupart des détroits ont aussi leur courant. Les dé-
troits de la Baltique déversent le trop-plein d'eau douce
que reçoit de ses nombreux tributaires cette mer peu pro-
fonde et peu susceptible, à cause de sa latitude, de retrou-
ver son niveau par l'évaporation ; toutefois, pendant que
les eaux peu salées, et partant légères, s'échappent par un
courant de la surface, les eaux salées et partant plus lour-
des de la mer du Nord entrent par un contre-courant du
fond. La même raison pousse à la surface du détroit de Gi-
braltar un large courant d'eau venu de l'Océan, qui remplace
le vide fait par une active évaporation ; mais l'évaporation
a rendu les eaux plus salées, et un contre-courant de fond
fait sortir une petite partie de ces eaux. C'est exactement
le phénomène qui se produit, avec plus d'intensité, dans
le courant du détroit de Bab-el-Mandeb, parce que la mer
Rouge ne reçoit aucun apport d'eau douce et que l'évapo-
ration y est très-active : aussi l'eau de la mer Rouge con-
tient-elle une proportion de sel plus grande que l'eau
d'aucune autre mer.
Les grands fleuves produisent quelquefois il leur em-
bouchure un courant qui se fait sentir au loin dans la mer ;
tel est, par exemple, le courant de la Plata.
42. Les grands fleuves. — Les cours d'eau n'alimentent
pas l'Océan ; ils ne lui apportent qu'un très-faible tribut.
Si son lit était à sec et que les fleuves continuassent à
couler, il leur faudrait 50 millions d'années pour le rem-
plir. C'est l'Océan qui alimente les cours d'eau ; il fournit
l'eau des nuages qui donnent la pluie, et il est la source de
toute humidité sur les continents. Quand cette pluie pre-
mière tombe sur un terrain imperméable, granit, ar-
gile, etc., l'eau glisse immédiatement et s'écoule par de
nombreux ruisseaux au cours variable, maigres filets d'eau
en temps de sécheresse, impétueux torrents après les
orages. Quand elle tombe sur un terrain perméable, cal-
caire, sable, etc., la terre l'absorbe et l'emmagasine comme
ferait une éponge ; les ruisseaux sont plus rares, mais plus
forts ot d'un débit plus régulier ; les sources, par lesquelles
suinte l'eau qui a pénétré dans le sol, sourdent d'or-
dinaire au point où la couche perméable repose sur une
couche imperméable, et elles marquent cette limite. Sur
une carte détaillée, on distingue aisément au nombre et
à la nature des petits cours d'eau, un terrain imperméable
d'un terrain perméable. Dans les terrains perméables, les
cours d'eau ne sont souvent que la partie apparente d'une
large nappe d'eau souterraine qui s'élève et s'abaisse
comme le cours d'eau lui-même, et le nourrit pendant la
sécheresse.
Les ruisseaux, suivant leur pente, se réunissent pour
former des rivières ; les rivières aboutissent à un chenal
principal qui occupe la partie la plus basse du bassin et
qui est le FLEUVE.
Sur un plan à peu près uniformément incliné vers la
mer, comme dans une partie de la région entre les Alle-
ghanys et la côte de l'Atlantique, les cours d'eau sont pa-
rallèles, lorsqu'un accident particulier du terrain ne les fait
pas dévier, et aboutissent directement à la mer, sans avoir,
à proprement parler, de bassin ni de fleuve collecteur.
Quand deux plans sont inclinés l'un vers l'autre comme
les feuillets d'un livre ouvert, la rigole médiane parallèle
à la double crête du bassin et éloignée de l'une et de
l'autre, marque l'emplacement du cours d'eau collecteur
(voir la figure 27) qui, de chaque côté, reçoit de longs af-
fluents. C'est une des conditions les plus favorables à la
formation des grands fleuves ; et c'est celle où se trouvent
le Mississipi, l'Amazone, la Seine, etc.
Quand le plan incliné est bordé par une brusque arête,
le cours d'eau collecteur n'est pas au milieu de la vallée,
et c'est un chenal latéral qui constitue le fleuve (voir la
figure 28) : c'est le cas du Rhône de Lyon à la mer.
Rarement d'ailleurs un cours d'eau conserve une même
allure pendant tout son cours ; il a le plus souvent divers
bassins. Ainsi le Danube coule dans un chenal latéral
jusque vers Vienne, dans un chenal médial à travers la

basse Autriche et la Hongrie. Les principales lignes du


relief du sol existaient avant que les fleuves ne coulassent ;
ils ont coulé comme ils ont pu, suivant toujours leur pente,
tournant les obstacles, passant par les crevasses du sol, et
parcourant souvent, avant d'atteindre la mer, des ré-
gions très-différentes par l'aspect comme par la constitu-
tion géologique.
Les plus grands fleuves du monde sont : L'AMAZONE (plus
de 6,200 kilomètres), dont le bassin est évalué à 5 mil-
lions 1/2 de kilomètres carrés) ; le MISSISSIPI, qui, en le
prenant depuis la source de son grand affluent le Missouri,
mesure 6,900 kilomètres, et dont le bassin a plus de
3,300.000 kilomètres carrés ; le NIL, qui a plus de 6,100 ki¬
lomètres de cours connu, depuis l'extrémité méridio-
nale du Victoria-Nyanza, et dont on ignore l'étendue du
bassin ; l'IÉNISSÉI (environ 5,500 kilomètres, bassin 2,700,000
kilomètres carrés) ; le YANG-TSÉ-KIANG (environ 5,000 kilo-
mètres, bassin 1,900,000 kilomètres carrés) ; le Niger (en-
viron 4,800 kilomètres) ; l'Amour (4,470 kilomètres) ; l'Obi
(4,430 kilomètres, bassin plus de 3 millions de kilomètres
carrés) ; le Mackensie (environ 4,000 kilomètres) ; le Mé-Kong,
qui a plus de 4,000 kilomètres ; le Rio de la Plata qui,
jusqu'à la source principale du Parana, mesure environ
4,000 kilomètres, et dont le bassin a 3,300,000 kilomètres
carrés.
Les fleuves tributaires de l'Océan qui mesurent moins de
4,000 et plus de 3,500 kilomètres sont : la Lena, le St-Lau-
rent, le Zambèze, l'Indus, le Gange, le Brahmapoutra, le
Hoang-Ho. Le plus grand fleuve de France, la Loire n'a que
1000 kilomètres, et son bassin ne mesure que 140,000 ki-
lomètres carrés. (Voir la figure 29 qui donne, par bassin océanique,
la longueur comparée des fleuves ayant au moins 1,000 kilomètres de
cours, et celle de leurs principaux affluents.)
Parmi les fleuves qui n'aboutissent pas à l'Océan, et qui
se perdent dans des bassins intérieurs, le plus important
est le Volga (3,960 kilomètres).
quent par des cascades qui usent peu à peu le roc, et sem-
blent préparer la pente uniforme sur laquelle descendront
plus tard les fleures destinés à vider en partie les lacs, et
à transformer leur lit en fertiles vallées cultivables : ainsi
ont dû se former une grande partie des cours d'eau de
l'époque actuelle.
La plus grande étendue d'eau dans l'intérieur des terres
n'est pas un lac, mais une véritable mer d'eau salée, la MER
CASPIENNE (340,000 kilomètres carrés), qui est plus grande
que les îles Britanniques : cette mer, qui paraît avoir eu
une beaucoup plus grande étendue et dont le lac d'Aral,
cinq fois plus petit, a été très-probablement une dépen-
dance, continue à diminuer par l'évaporation ; elle est peu
profonde et son niveau est à 25 mètres au-dessous du ni-
veau de l'Océan.
La plus grande étendue d'eau douce formant de vérita-
bles lacs est le groupe des CINQ GRANDS LACS DE L'AMÉRIQUE
DU NORD, dont le plus grand, le lac Supérieur, a 83,000 kilo-
mètres carrés, et le plus petit, le lac Ontario, 16,000. Après
viennent le lac Tchad en Afrique, qui est marécageux ; le
lac Barkal (38,000 kilom.) en Sibérie, qui parait avoir
été autrefois un golfe de l'océan Glacial, et qui est au-
jourd'hui le plus profond des lacs de la terre (plus de 1000
mètres) ; le grand lac de l'Esclave, le lac Winnipeg et le grand
lac de l'Ours, les plus grands parmi les nombreux lacs du
territoire de la baie d'Hudson ; le lac Maracaïbo (20,000
kilom. carrés). Le lac Ladoga (17,000 kilom. carrés) ne
vient qu'au treizième rang parmi les lacs ou mers inté-
rieures, quoiqu il soit le plus grand de l'Europe.
La plupart des lacs sont situés dans des régions monta-
gneuses et élevées ; le plus élevé de tous, le Siri Koul sur le
plateau de Pamir, est à 4,800 mètres d'altitude ; le lac Titi-
caca est à 4,800 mètres environ.
Les lacs des régions granitiques du nord de l'ancien et
du nouveau continent sont au contraire à une faible alti-
tude. Quelques lacs sont dans des dépressions inférieures
au niveau de la mer ; le plus bas est le lac Asphaltite, qui
est à près de 400 mètres au-dessous du niveau de la Méditer-
ranée.
44. L'équilibre des climats et la forme générale des
continents. — L'analogie entre les courants atmosphé-
riques et les courants marins est frappante : il ne faut pas
s'en étonner, puisque la chaleur solaire est la cause des
uns et des autres. Aussi, est-ce la ligne du Gulf-stream
que, dans l'océan Atlantique, suivent le plus souvent les
cyclones, et la ligne du Kuro-Siwo sur laquelle sévissent
ordinairement les typhons du Pacifique. Dans les zones
septentrionales, ces deux courants, convoyant au-dessus
de leurs eaux des vapeurs chaudes et humides, devien-
nent, au contact du froid, des régions de brouillards pres-
que permanents.
Les vents et courants n'ont pas seulement pour effet ces
phénomènes terribles ou tristes. L'air et l'eau, constituant
les parties mobiles de notre globe, ont, par leur déplace-
ment, la vertu de régulariser les climats, de les adoucir
et de les fondre, pour ainsi dire, par des échanges continuels
qui sont une des plus remarquables harmonies terrestres.
L'air et l'eau qui affluent des pôles tempèrent les ardeurs de la
zone intertropicale ; l'air et l'eau qui refluent des tropiques ré-
chauffent, sinon les deux zones glaciales, du moins les zones
tempérées et même une partie de la zone glaciale du nord.
Ces divers courants se croisent et se superposent dans les
hauteurs de l'atmosphère ou dans les profondeurs de l'O-
céan.
Les vents sont aussi les « porteurs d'eau » du globe ; ils
transportent les nuées et humectent les continents qui,
sans eux, seraient tous réduits à l'aridité du Sahara.
Cette eau, que l'Oéan fournit, rentre par les fleuves
dans le sein de l'Océan, après avoir fécondé les conti-
nents, comme rentre au coeur le sang veineux, après avoir
porté la vie jusqu'aux extrémités des membres. Durant
son passage sur le continent, l'eau a non-seulement fé-
condé le sol, mais elle a travaillé et elle travaille con-
stamment à en modifier le modelé. La pluie, la gelée, la
neige, les glaciers, les brouillards, dégradent les montagnes,
produisent quelquefois des éboulements, enlèvent les sables
avec lesquels les cours d'eau exhaussent leurs vallées, les
nivellent et forment des deltas à leur embouchure.
Une petite partie, il est vrai, échappe à cette circulation ;
c'est celle qui va arroser les bassins sans communication
avec l'Océan (voir la carte n° 4), Mais ces bassins sont préci-
sément ceux où la pluie est le plus rare, et, tôt ou tard, le
soleil se charge d'en ramener l'humidité dans le courant
général.
Si les cours d'eau nivellent l'intérieur des continents,
l'Océan en sculpte les côtes, et ce sont surtout les courants
qui accomplissent cette besogne. C'est peut-être par cette
raison que les continents de la zone torride sont profondément
échancrés sur leur flanc oriental : car c'est là que se porte
l'effort du courant équatorial ; les îles dont ce flanc est
semé, l'archipel Indien, devant la mer de Chine, et les Antil-
les, devant le golfe du Mexique, qui sont principalement
alignées du sud-est au nord-ouest dans le sens du courant,
paraissent être les jalons ou, comme dirait un terrassier,
les « témoins » qui marquent la profondeur des brèches
faites par le bélier hydraulique. C'est aussi pourquoi les
continents ont presque toutes leurs pointes dirigées vers le sud ;
car, l'hémisphère austral ou hémisphère marin versant à
l'équateur une beaucoup plus grande masse d'eau et obli-
geant ainsi les courants équatoriaux à se replier vers le
nord (Gulf-stream, Kuro-Srwo), les continents se trouvent
rongés et effilés dans la direction du sud au nord.
C'est ce qu'on voit dans l'hémisphère austral, à la pointe
de l'Amérique (cap Ilorn), où le dédale des lies de la
Terre de feu témoigne de la grande bataille livrée au con-
tinent et des nombreuses blessures de la terre ; à la pointe
de l'Afrique (cap de Bonne-Espérance), où le grand banc
des Arguilles est encore une preuve des ruines faites par
les courants polaires ; au cap Sud, qui forme l'extrémité de
la Tasmanie, laquelle peut être considérée comme la pointe
de l'Australie ; Madagascar, la Nouvelle-Zélande sont, pour
les mêmes raisons sans doute, orientées du sud au nord.
Dans l'hémisphère boréal, il en est de même des Maldives,
des îles Nicobar, de la pointe de l'Inde (cap Comorin), là
où le dernier effort des eaux polaires est arrêté par la bar-
rière de l'Asie ; de la pointe du Groenland (cap Farewell).
Il est remarquable que toutes ces pointes et les caps qui
les terminent sont des roches très-élevées, comme s'il n'y
avait eu que les hautes et fortes digues qui aient pu tenir
contre le choc incessant des flots. C'est ce qu'on voit encore
dans la Vieille-Californie, le Kamtchatka, les Kouriles, les
îles Japonaises, la Floride, la Nouvelle-Écosse ; autres ef-
fets des courants venus du sud.
Ce mode de sculpture explique les courbes symétriques
que dessinent en général les côtes. Les cours d'eau com-
pliquent ce dessin, en formant des deltas avec une partie
de leur limon.
Les eaux ne travaillent pas seules à la configuration des
continents. Des causes encore inconnues soulèvent ou abais-
sent diverses parties de la croûte solide et font émerger des
couches de terrains formés sous les eaux ou rentrer dans
le domaine de l'Océan des terrains depuis longtemps émer-
gés. Des soulèvements de ce genre, avons-nous dit, se mani-
festent sur presque toute la presqu'île Scandinave, sur les
côtes des États Barbaresques et de l'Asie Mineure, dans les
îles Japonaises et lesKoui iles, sur la côte de l'Amérique mé-
ridionale du côté du Pacifique, dans les Antilles ; des affais-
sements, sur la côte méridionale de la Baltique et de la mer
du Nord, sur la côte méridionale du Groenland, sur la côte
des États-Unis (Atlantique, etc.). Mais ces mouvements
sont très-lents ; et, au fond du golfe de Bothnie où l'éléva-
tion du sol est peut-être plus sensible que partout ailleurs,
elle n'excède pas 1m,60 par siècle.
TROISIÈME PARTIE

LES DÉCOUVERTES
(Voir la carte n° 5 )

45. Le monde connu des anciens, Grecs et Romains. —


Il n'y a pas longtemps que l'homme connaît dans son en-
semble ce vaste Océan et les terres qu'il baigne. Durant un
grand nombre de siècles, diverses branches de la famille
humaine ont vécu, les unes dans la barbarie, les autres
dans un état de civilisation plus ou moins avancé, s'igno-
rant entièrement les unes les autres, ou n'ayant entre elles
que des relations très-rares, et se faisant, par suite, une
idée très-inexacte de l'étendue de la terre, de la forme de
ses continents et de leurs habitants.
Au temps d'Homère, les Grecs considéraient la terre
comme un disque ayant la Grèce pour centre et entouré par
l'Océan, dans lequel se plongeait chaque soir le soleil
(Voir le carton n° 1 de la carte n°5). Mais, dès cette époque, les
Chinois, dont la science resta inconnue à toute l'antiquité,
les Chaldéens et les Égyptiens, que les conquêtes d'Alexan-
dre mirent plus tard on rapport avec les Grecs, étaient plus
instruits.
Au sixième siècle, Anaximandre dressa, dit-on, la pre-
mière mappemonde; au cinquième, Hérodote donna des
descriptions exactes de l'Égypte, de l'Asie antérieure et de
l'Europe orientale. Les connaissances s'accrurent, à l'occi-
dent, grâce aux Carthaginois qui explorèrent avec Hannon
la côte d'Afrique jusqu'au Sénégal ; avec Himilcon, la côte
d'Europe jusqu'au rivage de la Baltique. L'Orient s'en-
tr'ouvrit, grâce à l'expédition d'Alexandre qui conduisit
les Grecs jusqu'à l'Indus. Aristole enseignait déjà que la
terre était ronde et qu'on pouvait se rendre aux Indes par
les colonnes d'Hercule ; Ératosthènes d'Alexandrie, au troi-
sième siècle, mesurait avec exactitude la circonférence
du globe et dressait une mappemonde d'après les longi-
tudes et les latitudes ; Hipparque, le plus grand des astro-
nomes de l'antiquité, divisa le globe terrestre en 360 degrés,
construisit une sphère en tenant compte du rétrécis-
sement des degrés de longitude, à mesure qu'on approche
des pôles, et imagina la projection stéréographique.
Strabon, qui écrivait au commencement de l'ère chré-
tienne, sous Auguste, et qui a laissé l'ouvrage le plus inté-
ressant que l'antiquité ait produit sur la géographie, n'a-
outa rien aux connaissances mathématiques sur cette
matière ; il croyait, avec Ératosthènes et tout son siècle,
que la terre habitée était-circonscrite dans la moitié de la
zone tempérée de l'hémisphère boréal ; les colonnes d'Her-
cule et l'embouchure du Gange en formaient les extrémités
à l'ouest et à l'est ; au nord, il ne connaissait que par oui-
dire le rivage méridional de la Baltique, et il pensait que la
mer Caspienne communiquait encore avec l'Océan dans
sa partie septentrionale ; au sud, il ne connaissait rien au
delà de la Corne du Notus (cap Guardafui) et de la Tapro-
bane (île de Ceylan),
Sous l'Empire romain, les conquêtes des légions au
nord, le commerce avec l'Inde à l'est, reculèrent les limi-
tes du monde connu. Ptolémée, qui vivait à Alexandrie au
deuxième siècle de l'ère chrétienne, suivit les traditions
d'Hipparque et résuma la science géographique de l'anti-
quité. (Voir le carton 4 de la carte n° 5.)
Pour lui, la Méditerranée demeurait toujours le centre, si-
non du monde connu, du moins de la civilisation. L'Europe
n'était que très-imparfaitement connue dans sa portion
nord-ouest, c'est-à-dire le Sarmatie, et on soupçonnait à
peine, sous le nom de Thulé, l'Islande (?) et la Scandinavie
que l'on considérait comme une île. L'Afrique ou Libye
n'avait vu explorer ses côtes que jusque vers l'équateur, à
l'ouest, et jusqu'au cap Prasum (cap Delgado ?), à l'est.
Quant à l'intérieur de l'Asie, à l'est de la Caspienne et au
nord des monts Imaüs (l'Himalaya ?), on n'en avait que des
idées très-vagues et on dessinait assez grossièrement ses
côtes méridionales jusqu'à la Chersonèse d'or (Indo-Chine)
et aux îles de la Malaisie. On avait cependant quelque notion
du pays des Sines (Chinois) ; et un navigateur était même
allé par le grand golfe (mer de Chine ?) jusqu'à Cattigara
(probablement Canton). Mais par une erreur qui retarda
peut-être les découvertes du moyen âge, Ptolémée crut que
la côte de l'Afrique, se prolongeant à l'est, se rattachait à
l'extrémité méridionale de l'Asie, enfermant au midi la mer
Érythrée (océan Indien) au milieu de terres brûlantes et
inhabitables.
46. La géographie au moyen âge. — Dans les premiers
siècles du moyen âge, les ténèbres de la barbarie obscur-
cirent la géographie comme les autres sciences ; et les
hommes s'imaginèrent de nouveau, comme au temps d'Ho-
mère, que la terre était une surface plane dont la Médi-
terranée, enveloppée de terres, formait le centre. Cepen-
dant les Arabes conservaient le dépôt de la science grecque,
traduisaient Ptolémée et, par leurs conquêtes et leur
propagande, ils apprenaient à mieux connaître l'Asie orien-
tale et l'Afrique. Les croisades et les écoles d'Espagne ini-
tièrent les Européens à la science des Arabes, et renouèrent
la chaîne des connaissances brisée depuis l'invasion des
barbares, pendant que le commerce maritime ramenait à
des notions plus exactes sur le bassin de la Méditerranée.
Des voyageurs et des négociants visitèrent l'Asie ; Asce-
lin (1243) et Rubruquis (1233), la Tartarie; le Vénitien
Marco-Polo (1271-1295), la Chine ou empire du Cathay, le
Japon et les îles de la Sonde.
Au nord, les Norvégiens, sur leurs barques légères, s'é¬
taient aventurés de bonne heure dans l'océan Atlantique.
Pendant que quelques-unes de leurs bandes, sous le nom
de Normands, pillaient les côtes de l'Europe, d'autres
exploraient la Baltique et la mer Blanche, colonisaient
les Foeroé, découvraient, à la suite d'une tempête, l'Is-
lande (875) et le Groenland, et s'avançaient même, au on-
zième siècle, sur le continent de l'Amérique, jusqu'à une
côte située vers 49° de latitude nord, qu'ils nommèrent
Vinland, et où ils fondèrent quelques établissements :
toutefois ces découvertes restèrent jusqu'au seizième siècle
à peu près inconnues de l'Europe.
Au sud, les Portugais, exciLês par l'infant don Henri,
poussèrent leurs reconnaissances sur les côtes d'Afrique
et, dans la première moitié du quatorzième siècle, prirent
possession de certaines îles (Açores, Madère, Canaries) que
les Dieppois et les Catalans avaient explorées avant eux.
Ils pénétrèrent dans le golfe de Guinée, franchirent
l'équateur, détruisant ainsi les deux hypothèses de Ptolé-
mée qui supposait que l'Afrique se prolongeait vers l'occi-
dent comme vers l'orient, et que la région équatoriale était
inhabitable. En 1486, Barthélemy Diuz doubla le cap méri-
dional de l'Afrique, qu'il appela le cap des Tourmentes ;
mais le roi de Portugal changea ce nom en celui de cap de
Bonne-Espérance, persuadé qu'on avait enfin trouvé ce pas-
sage aux Indes par le sud de l'Afrique, que les Portugais
cherchaient depuis 80 ans. La relation de deux Portugais
(Covilham et Payva) qui, à peu près à la même époque, s'étaient
rendus par terre en Abyssinie, confirma cette espérance.
Un globe édité par un célèbre pilote, Martin Behaim, au
commencement de 1492, l'année même où la plus grande
découverte géographique qui ait jamais été faite allait re-
nouveler la science, nous montre le grand progrès qui avait
été accompli depuis Ptolémée et surtout depuis les croisa-
des, époque à laquelle l'Europe était entrée en possession
des connaissances géographiques de l'antiquité et avait
commencé à les étendre. Ce globe (voir le carton 3 de la carte n° 5)
montre l'Europe assez exactement dessinée, excepté en La-
ponie. L'Afrique terminée en pointe au sud, est mieux repré-
sentés dans la partie occidentale que l'on venait d'explorer
tout entière, que dans la partie encore inconnue de l'est ; sur
le tracé de cette dernière l'influence de Ptolémée est encore
manifeste, ainsi que sur tout le dessin de l'océan Indien.
Mais au delà des limites où s'arrêtait Ptolémée, l'Asie est
prolongée sur tout l'empire du Cathay, sur le royaume de
Cipangu ou Japon et sur les nombreuses îles de l'Océanie.
Entre les îles des Açores et du Cap-Vert, une faible étendue
de mer sépare de l'Asie orientale les récentes découvertesdes
Portugais ; l'île imaginaire d'Antilia est au milieu de cette
mer. Enfin le Groenland figure au nord-ouest de l'Islande.
47. Les découvertes du seizième siècle. — Vascode Gama
fut chargé de commander l'expédition qui devait se rendre
aux Indes ; avec quatre vaisseaux, il doubla le cap de Bonne-
Espérance (1497), aborda à Mozambique, à Mélinde et en-
fin à Calicut (mai 1498) : le passage aux Indes était trouvé.
Les Portugais étendirent leurs découvertes et leur com-
merce sur toute l'Inde, sur la mer d'Oman, le golfe du
Bengale, s'avancèrent jusqu'à Malacca et aux Moliiques
(1511), jusqu'à Canton en Chine (1517) et jusqu'au Japon.
Ils fondèrent en orient un vaste empire colonial qui sub-
sista pendant tout le seizième siècle.
Cependant, à l'occident, une découverte bien plus im-
portante avait été faite. Un marin génois, CHRISTOPHE CO-
LOMB, qui avait voyagé en Islande, obtenait, après de lon-
gues instances, trois vaisseaux espagnols pour chercher,
en naviguant directement à l'occident, une route plus
courte vers les Indes. Au lieu de cette route, Colomb trouva
un NOUVEAU MONDE. Il aborda à Guanakan, une des îles Lucayes
(12 oct. 1492), qu'il appela San Salvador, puis à Cuba et à
Haïti, îles auxquelles il donna le nom d'Antilles (Antilia).
Dans trois autres voyages, il acheva la découverte des An-
tilles, et toucha même le continent vers les bouches de l'Oré-
noque et à la côte de Honduras (1493-1502). Améric Vespuce
(1499) en explora les eûtes depuis l'Orénoque jusqu'au
fleuve des Amazones et, par sa relation (1507), fit connaître
le premier en Europe ce nouveau continent, qui prit ainsi
le nom d'Amérique.
Vers la même époque, Jean Cabot, citoyen de Venise,
omicilié à Bristol en Angleterre, entreprenait, sur la foi
des mêmes autorités géographiques que Colomb, plusieurs
voyages dans le but de trouver par l'ouest une route ma-
ritime vers le Cathay. Ses premiers voyages sont probable-
ment antérieurs à l'année 1492 ; en 1494, il découvrait
une terre qui doit être située dans la région du Canada.
En 1497, il reconnaissait, avec son fils Sébastien Cabot,
une longue étendue de côtes dans la même région; et son
fils l'explora deux fois encore en 1498 et en 1517.
Vers la même époque aussi, un Portugais, Alvarez Ca-
bral, le premier qui, après Vasco de Gama, se rendit avec
une flotte aux Indes, fut poussé par la tempête et par le
courant équatorial sur une côte qu'on appela d'abord
Sainte-Croix, puis Brésil, nom qu'on avait longtemps donné,
comme celui d'Antilia, à des pays imaginaires. Trois ans
après, un marin parti d'Honfleur, le sieur de Gonneville,
qui paraît n'avoir pas été le premier Français qui ait fait ce
voyage, y abordait également.
L'Amérique, visitée ainsi au centre, au nord et au sud, ne
pouvait manquer d'être bientôt entièrement reconnue.
Dès le commencement du seizième siècle, Nunez de Balboa,
gouverneur de la colonie du golfe Darien, traversa l'isthme
de Panama sur l'indication des sauvages, et découvrit la
mer du Sud (1513) ; Cortez conquit le Mexique (1520) ; Pi-
zarre, le Pérou (1527-1533) ; Orellana, lieutenant de Pizarre,
explora, depuis le cours supérieur jusqu'à l'embouchure, le
grand cours d'eau qu'il nomma fleuve des Amazones (1541) ;
Almagro s'avança au sud jusque dans le Chili (1536) ; déjà,
par mer, au sud-est, Diaz de Solis avait reconnu les côtes
de la Plata ; et, au nord-ouest, Cabrillo et son pilote s'a-
vançaient jusqu'à l'île de Vancouver.
Le nord-est de l'Amérique était exploré par des Français
ou des marins au service de la France : Verazzani (1524) et
Jacques Cartier (1534) complétaient la découverte du Ca-
nada, que Champlain colonisa plus tard (1608). D'un autre
côté, les Anglais, avec Walter Raleigh, reconnaissaient la
côte à laquelle, en l'honneur de leur reine Élisabeth, ils
donnaient le nom de Virginie.
Quelques années après la découverte de Balboa, Magel-
lan (1519), Portugais au service de l'Espagne, entrepre-
nait de pénétrer dans le nouvel océan, découvrait le détroit
de Magellan, et traversait la mer du Sud, qu'il nommait
Grand Océan Pacifique. Il abordait ensuite aux îles Marian-
nes, puis aux Philippines où il était tué (1521) ; mais ses vais-
seaux rentraient en Espagne par Malacca et le cap de Bonne-
Espérance ; le TOUR DU MONDE était fait, et la sphéricité de
la terre démontrée expérimentalement. Vers la fin du siècle
(1577 et 1586), les marins anglais Drake et Cavendish re-
nouvelèrent la même expérience ; et un Espagnol, Mendana,
parti de Lima, fit dans l'Océanie, encore très-peu explorée,
plusieurs découvertes importantes, celle des îles Salomon,
en 1568, des îles Marquises en 1595, etc.
Le désir de trouver une route maritime vers les Indes
avait été le principal mobile des Portugais. Les Hollandais,
qui servaient en Europe de facteurs au commerce du Por-
tugal et de l'Espagne, tentèrent de leur côté de s'ouvrir à
eux-mêmes une route directe et plus courte par le nord:
ils ne la trouvèrent pas ; mais ils découvrirent la Nouvelle-
Zemble et le détroit de Waigatz (1536), la mer Blanche
et Arkhangel (1577), le Spitzberg (1597).
Le seizième siècle avait fait avancer, plus qu'aucun au-
tre siècle, la science de la géographie. Depuis 1492, une
nouvelle partie du monde, l'Amérique, avait été décou-
verte et, en 1600, toutes les côtes méridionales, et la ma-
jeure partie des côtes septentrionales étaient relevées ;
l'intérieur avait été plus ou moins exploré sur un grand
nombre de points ; le passage aux Indes était trouvé ; la
forme et la mesure de la terre étaient connues ; l'Océanie
commençait à se révéler, et la division des mers tropicales
et tempérées en trois océans, Atlantique, Indien, Pacifi-
que, était désormais un fait acquis à la science ; l'océan
Glacial du Nord avait été visité sur divers points. L'usage
de la boussole, invention qui, des Chinois, avait probable-
ment passé aux Arabes, et des Arabes aux marins de la
Méditerranée (avant le treizième siècle), et celui de l'astro-
labe, instrument employé pour mesurer la hauteur des as-
tres, avaient rendu possibles ces grandes découvertes. Elles
avaient été commencées, du reste, par le peuple le mieux
en mesure, grâce à sa situation géographique, pour tenter
des explorations sur la côte d'Afrique et dans l'Atlantique,
le peuple portugais ; l'Espagne les continua, moins par une
vocation naturelle, que grâce à la fortune qui avait envoyé
Christophe Colomb à la reine Isabelle. Le Portugal et
l'Espagne furent donc les deux grands foyers de décou-
vertes maritimes et de colonisation au seizième siècle.
48. Les découvertes du dix-septième et du dix-huitième
siècle. — Au dix-septième siècle, la puissance du Portugal
n'est plus ; celle de l'Espagne s'éclipse : aussi les grandes
découvertes appartiennent pour la plupart aux deux pays
qui les remplacent dans la domination des mers, la Hol-
lande et l'Angleterre.
Les Hollandais avaient échoué dans la recherche du pas-
sage aux Indes par le nord-est ; les Anglais espérèrent arriver
plus facilement au but par le nord-ouest ; Forbisher avait
retrouvé (1576) le Groenland depuis longtemps oublié ;
Davis, Hudson, Baffin parcoururent les Terres arctiques et
donnèrent leurs noms aux baies et aux détroits qu'ils vi-
sitèrent (1585-1610-1616). Les Russes, entrant à leur tour
dans le concert de la civilisation et maîtres de l'Asie sep-
tentrionale, firent des explorations qui amenèrent, sous la
conduite du Danois Behring, la découverte de la mer et du
détroit de Behring (1728).
Sur le continent de l'Amérique, Mackensie, vers la fin du
dix-huitième siècle (1786), relevait une partie de la côte
septentrionale ; longtemps avant lui, un Français, Cavelier
de la Salle, parti de notre colonie du Canada, dont les chas-
seurs s'avançaient déjà à l'ouest de la région des grands
lacs, découvrit le Mississipi non loin de sa source, et en
explora tout le bassin (1676-1682), auquel il donna, en
l'honneur de Louis XIV, le nom de Louisiane.
Les voyages autour du monde se multiplièrent. Deux Hol-
landais, Lemaire et Schouten (1616), découvrirentle détroit
auquel Lemaire donna son nom, ainsi que le cap Horn (c'est-
à-dire le cap Corne), et ouvrirent ainsi, pour pénétrerdans
le Pacifique, une route plus facile que celle du détroit de
Magellan ; l'Anglais Dampier (1673-1711) visita la Nouvelle-
Bretagne et d'autres terres de l'Océanie. Le plus petit des
trois continents, entrevu par les Portugais, fut exploré
par les Hollandais, alors maîtres des mers de l'Orient (1616-
1650). Ils donnèrent à la contrée le nom de leur patrie (Nou-
velle-Hollande) ; à ses côtes et à ses caps le nom de leurs navi-
gateurs ou de leurs hommes d'État (terre d'Endracht, terre
de Nuyts, terre de Witt, cap Leeuwin, golfe de Carpenta-
rie, etc.) ; mais ils n'y formèrent pas d'établissement. Tasman
(1642-1644) découvrit les Nouvelles-Hébrides, la Nouvelle-
Irlande et la terre de Van-Diémen, à laquelle les Anglais,
par un juste hommage, ont donné le nom de Tasmanie.
A la fin du dix-huitième siècle, les côtes des continents
à l'exception de la côte septentrionale de l'Asie, de la côte
nord-ouest de l'Amérique et de la côte orientale de l'Aus-
tralie, étaient connues ; les îles de l'Océanie commençaient
à l'être ; les Hollandais ne jouent plus dans l'histoire mari-
time qu'un rôle secondaire ; mais les Anglais, devenus tout
puissants sur mer, prennent le premier rang et ont les
Français pour émules.
Au dix-huitième siècle, les Anglais Anson (1740), Wallis
(1767), Cook, Vancouver (1792), Bass (1798), les Français
Bougainville (1766-1769), la Pérouse (1785) qui périt dans
un naufrage aux îles Vanikoro (1788), attachent leur nom à
diverses découvertes et apprennent à l'Europe à connaître,
d'une manière à peu près complète, les îles de la cinquième
partie du monde, l'Océanie. Cook est le plus célèbre : dans
trois voyages successifs (1768-1776), il découvrit ou explora,
avec plus d'exactitude que ses prédécesseurs, Taïti, la Nou-
velle-Zélande, les îles Viti, les Nouvelles-Hébrides, la
Nouvelle-Calédonie et les îles Sandwich (Hawaii), où il fut
assassiné par les sauvages.
Cependant de savants voyageurs étudiaient l'Asie, Char-
din, Tavernier, Tournefort en Perse, Niebuhr en Arabie,
Pallas en Sibérie.
En même temps, la connaissance mathématique de la
terre qui avait été déjà puissamment aidée par les travaux
d'astronomes comme Kepler, de physiciens comme Galilée,
devenait plus étendue, plus précise, par les grandes décou-
vertes scientifiques de Newton, de Huyghens ; la cartogra-
phie s'améliorait avec Mercator, Sanson, etc. ; plus tard
elle arriva à un haut degré de perfection avec les Gassini,
avec Danville ; et la mesure d'un arc du méridien fit mieux
connaître la forme et la dimension du globe.
49. Les découvertes du dix-neuvième siècle. — Il ne res-
tait plus au dix-neuvième siècle qu'à glaner sur les côtes de
l'Océan, dans les régions tempérées et intertropicales, à
pénétrer dans les océans glacials et à fouiller l'intérieur
des continents. Le mouvement des découvertes, inter-
rompu par les guerres de la Révolution et de l'Empire, re-
prit une nouvelle activité après le rétablissement de la paix.
Quelques grands voyages autour du monde furent ac-
complis, par les Français Freycinet (1817), Duperrey (1822),
Dumont-d'Urville (1826 1840), Dupetit-Thouars (1837), par
une commission de savants autrichiens à bord de la No-
vara(1857).
Enderby (1831) et Balleny (1839) touchèrent des côtes in-
connues au sud de l'océan Indien, dans l'océan Glacial du
Sud; Smith découvrit (1819) les Shetland et les Orcades
du Sud ; Dumont-d'Urville (1838-1840), la terre Louis-
Philippe, la terre Clarie, la terre Adélie ; James Ross (1841)
pénétra au delà du cerclepolaire, trouva une mer en partie
libre de glaces et releva, sur une étendue de plus de 800 ki-
lomètres, la terre Victoria, jusqu'aux volcans Erebus et
Terror, situés par 78° de latitude australe. Ces investigations,
encore très-incomplètes, semblent indiquer l'existence d'un
continent polaire du Sud.
Dans l'océan Glacial du Nord, John Rosa (1816) explora
la mer de Baffin et la presqu'île Boothia ; Parry fit dans
le dédale d'îles et de détroits qui se trouvent au nord de
l'Amérique cinq voyages (1811-1824), dans le but d'attein-
dre le pôle el de trouver le passage nord-ouest ; il ne
réussit pas, mais il découvrit l'archipel Parry, reconnut
exactement le détroit de Barrow, et s'avança jusque par 76°
de latitude. En 1827, dans une nouvelle tentative pour at-
teindre le pôle par le Spitzberg en traîneau sur la glace, il
s'avança par delà le 82e degré de latitude boréale (82° 45').
Francklin, ayant débarqué dans la baie d'Hudson, explora
dans deux expéditions la côte septentrionale de l'Amérique,
de l'embouchure du Mackensie à la terre du roi Guillaume
(1820-1826); il reconnut qu'elle était séparée des terres arc-
tiques par la mer, et démontra ainsi le premier l'existence
d'un passage nord-ouest mais il disparut (1845) dans un troi-
sième voyage entrepris ;par mer pour franchir ce passage. De
nombreux navigateurs ont été à sa recherche : Mac-Clure,
venant par les détroits de Behring et de Melville et pris par
les glaces, s'avança en traîneau sur la mer gelée et rencon-
tra Inglefield venant par les détroits de Davis, de Lancastre
et de Barrow : le passage nord-ouest était trouvé (1853),
sans que ce passage, obstrué par les glaces, puisse du reste
jamais servir au commerce. Plus au nord, les navigateurs
américains Kane et Hayes (1853-1859) se sont avancés par
les détroits de Smith et de Kennedy, à l'ouest du Groenland,
jusqu'à une mer libre de glace (par 82°), qu'ils ont atteinte
en traîneau, après avoir laissé leur navire plus au sud : ce
qui fait espérer à quelques marins de pouvoir atteindre par
mer le pôle nord. D'un autre côté, le Russe Wrangell re-
connaissait les côtes septentrionales de la Sibérie.
Les autres océans ont été à plusieurs reprises explorés
scientifiquement; aussi, grâce aux travaux de Rennell et de
Maury, on a pu faire la théorie des courants maritimes.
Sur terre, de nombreux voyageurs ont éLudié la topogra-
phie, la géologie, la faune, la flore des quatre parties du
monde dont l'intérieur était ou inconnu ou mal connu.
Le plus célèbre de tous est Alexandre de Humboldt, l'au-
teur du Cosmos, un des savants qui, avec Ritter, ont le plus
contribué à faire de la géographie la science de la nature :
vers le commencement du siècle, Humboldt explora les
deux Amériques et particulièrement la chaîne des Andes.
Bonpland, compagnon de Humboldt, Boussingault, Alcide
d'Orbigny, Agassiz dans l'Amérique méridionale, Pike,
Long, le colonel Fremont et les pionniers, dans l'Amérique
septentrionale, ont ajouté beauconp à la connaissance to-
pographique de ce continent.
L'Asie a été explorée au nord, par Humboldt, Castren,
Mourawieff Maak, etc., et par le gouvernement russe, qui
a fait relever le cours de l'Amour et dresser la carte de
certaines portions de la Sibérie ; à l'est, en Chine et sur le
plateau central, par des voyageurs et des missionnaires,
l'abbé Huc, le P. Palladius, le baron de Richtoffen, Vam-
béry, Prjevalski, etc. ; au sud par Palgrave en Arabie, Jac-
quemont, Everest, les frères Schlagmtweit, dans l'Inde et
l'Himalaya, Lagrée et F. Garnier, dans le Laos, etc.
En Afrique, à la suite des explorations faites à la fin du
dernier siècle par Bruce à la source du Nil bleu et par Mun-
go-Park dans le Soudan, Denhamet Clapperton reconnurent
le lac Tchad, en 1823 ; Caillé fut le premier européen qui
pénétra à Timbouctou (1830) ; les frères Lander explorèrent
le Niger inférieur ; Richardson, Overweg, Barth et Vogel
(1851-1836) firent connaître diverses autres parties du
Soudan ; Mage et Quentin le Fouta-Djalon. Livinystone,
depuis 1849, parcourt l'Afrique australe qu'il a le premier
fait connaître avec quelque précision à l'Europe (lac Nga-
mi, Zambèze, lac Nyassi, etc.) ; les frères d'Abbadie, Guil-
laume Lejean et l'expédition des Anglais contre Théodoros
ont fait connaître l'Abyssinie ; Krapf, Rebmann et Von der
Decken, le Kilima-Ndjaro ; Ladislas Magyar, le Congo ;
Grandidier, Madagascar ; Grant, Speke, Burton, Baker,
Nachtigal, etc., ont parcouru ou parcoururent encore la ré-
gion du haut Nil (Nil blanc) et ont découvert, sous l'équa-
teur, les grands lacs qui donnent naissance à un des plus
importants fleuves du monde.
Le jour se fait aussi sur les vastes solitudes de l'Australie,
grâce à des explorations de plus en plus nombreuses. Eyre
(1842) reconnut quelques lacs du sud ; les frères Grégory
(1855) ont parcouru la partie occidentale et centrale ; Burke
et Wils (1861) l'ont traversée de Melbourne au golfe de Car-
pentarie ; Mac-Donall Stuart (1866), d'Adelaïde au golfe de
Van-Diémen, sur la côte la plus septentrionale de l'Austra-
lie : cet itinéraire qui coupe l'Australie par le centre dans
sa plus grande largeur est aujourd'hui suivi par une ligne
télégraphique en relation avec celles de l'archipel Malais.
Grâce à la science moderne, aux nombreuses relations
que la civilisation et le commerce ont créés, le globe,
domaine de l'homme, est presque entièrement connu au-
jourd'hui, à l'exception de deux extrémités voisines des
pôles. Dans l'intérieur des continents, il reste encore à
explorer une notable partie de l'Australie, la Nouvelle-
Guinée, Bornéo, et plusieurs autres grandes îles de l'O-
céanie, l'Afrique équatoriale entre le Soudan et le Zam-
bèze ; à relever avec plus de soin la topographie d'un
grand nombre d'autres régions. Sur l'Océan, il reste à
pénétrer dans les régions polaires, à compléter l'étude de
l'océan Glacial du Nord et à tenter l'étude plus difficile de
l'océan Glacial du Sud. Il reste aussi à mieux approfondir
les connaissances acquises et à bien pénétrer le secret des
harmonies qui existent entre les lois physiques du globe et le
développement de la civilisation dans les sociétés humaines.
QUATRIÈME PARTIE

L'AFRIQUE

1re section.

LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.

(Voir la carte n° 6.)

50. La situation et les dimensions. — L'AFRIQUE est une


des trois parties de l'ancien continent ; elle y est rattachée
en réalité beaucoup moins par l'isthme étroit et sablonneux
de Suez, que par la Méditerranéequi est le lien commercial
de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique.L'Afrique, coupée par
l'équatcur en deux parties inégales, dont la plus grande ap-
partient à l'hémisphère boréal, s'étend de 37° 30' de latitude
nord (côte de Bizerte), à 34° 38' de latitude sud (cap des
A iguilles), sur une longueur de 7,850 kilomètres, et de 19° 35'
de longitude occidentale (cap Vert), à 49° de longitude
orientale (cap Guardafui), sur une largeur d'environ 7,300
kilomètres; elle a une SUPERFICIE d'environ 30 MILLIONS DE
KILOMÈTRES CARRÉS, le triple de l'Europe.
Elle présente à peu près la forme d'un triangle dont le
sommet est tourné vers le sud, ou plus exactement d'une
figure irrégulière ci six côtés, de Yistkme de Suez au détroit
de Gibraltar, du détroit de Gibraltar au cap Vert, du cap
Vert à l'île Fernando-Po, de l'île Fernando-Po au cap des
Aiguilles, du cap des Aiguilles au cap Guardafui, du cap
Guardafui à l'isthme de Suez. La base du triangle, au
nord, est formée par la MÉDITERRANÉE, avec deux golfes, le
golfe de la Sidre et le golfe de Kabès et le détroit de Gibral-
tar ; le côté oriental, fortement échancré par la ligne que
forment, au nord-est, l'isthme de Suez, la MER ROUGE, le dé-
troit de Bab-el-Mandeb et le golfe d'Aden, est borné, au
sud-est par l'OCÉAN INDIEN ; le côté occidental, dans lequel
le golfe de Guinée forme un profond enfoncement et le
massif de Sénégambie une grande proéminence, est borné
par l'Océan Atlantique.
51 Les côtes et les îles.
— Les côtes de l'Afrique se di-
visent en trois parties :
1° La côte de la Méditerranée ne présente, à l'est, qu'une
plage déserte, sablonneuse, inhospitalière, assez élevée,
avec quelques rares vallées fertiles, quelques ports et deux
grands golfes,le GOLFE DE LA SIDRE, semé de bas-fonds sur la
côte, et le GOLFE DE KABÈS, dans lequel sont les îles Kerke-
"nali et Djerba. A l'ouestdu golfe de Kabès, la côte se dirige
droit au nord et forme, entre le golfe Hammamet et le
golfe de Tunis, le cap Bon (Raz-Addar, en arabe) qui est,
avec la pointe occidenlale de la Sicile, la limite du bassin
postérieur et du bassin antérieur de la Méditerranée. A
l'ouest du golfe de Tunis, la côte est généralement mon-
tueuse et présente un grand nombre de caps (cap Blanc,
cap Tres-Forcas, etc.) et de petites baies (baie de Bizerte,
baie de Stora, baie d'Arzew, etc.) ; dans le Maroc, elle est
rocheuse, escarpée et s'appelle le Rif, c'est-à-dire « le ri-
vage » ; elle se termine par un large promontoire qui borde
le DÉTROIT DE GIBRALTAR et dont la POINTE DE CEUTA et le
cap Spartel forment les deux extrémités.
2° La côte de l'Atlantique ou côte occidentale de l'Afrique
se subdivise en trois parties :
La première partie, du cap Spartel au cap des Palmes, est
peu hospitalière dans sa partie septentrionale, mais acciden-
tée, avec quelques caps célèbres, le cap Blanc du nord, le cap
Cantin, le cap Gheer et le cap Noun. Elle est toute bordée de
dunes le long du Sahara ; et le vent qui pousse les sables du
désert dans la mer y a formé, au sud du cap Blanc, le grand
banc d'Arguin sur lequel, à 100 kilom. du rivage, la sonde
ne donne encore qu'une profondeur inférieure à 10 mètres :
c'est la qu'a eu lieu le naufrage de la Méduse. Dans la Sé-
négambie, la côte devient basse et présente quelques dunes
et de larges estuaires sur une mer ayant très-peu de fond ;
on y trouve le CAP VERT abritant la petite île de Gorée, puis
l'archipel des îles Bissagos. La côte, plus au sud, continue
à être basse, avec des marécages, des bancs de sable et des
récifs ; on y trouve les îles de Loss et le cap Sierra-Leone.
En plein océan Atlantique sont les groupes volcaniques
des AÇORES, de MADÈRE et des CANARIES, dont le sol est gé-
néralement montueux (le pic de Ténériffe a 3,700 mètres)
et fertile, et dont le climat est sain ; les ÎLES DU CAP-YERT,
également volcaniques, sont peu fertiles et peu salubres.
La seconde partie, du cap des Palmes au cap Lopez, est
une côte plate, marécageuse, toute bordée de lagunes,'
d'estuaires à demi ensablés, souvent boisée, partout très-
malsaine pour les Européens. A l'orient, du côté où se
trouve le massif montagneux du Cameroun, elle est beau-
coup plus élevée. Elle est bordée par le grand GOLFE DE
GUINEE, et porte différents noms qui lui ont été donnés
par les trafiquants européens : côte des Graines, côte d'I-
voire, côte d'Or, côte des Esclaves, côte de Benin, laquelle
fait partie du vaste delta du Niger situé entre le golfe de
Benin et le golfe de Biafra ; côte de Calabar et côte du Gabon.
Les ÎLES DU GOLFE DE GUINÉE, FERNANDO-PO, île du Prince,
Saint-Thomas, Annobon, sont montueuses et boisées,
comme le massif du Cameroun, dont elles semblent être
le prolongement, mais très-malsaines comme toute la côte.
La troisième partie, du cap Lopez au CARDES AIGUILLES,
a une direction du nord au sud-est. C'est une côte qui pré-
sente peu d'accidents, cap Negro, cap Frio, etc. ; généra-
lement aride même dans l'Angola et le Benguela, elle est,
à partir du cap Negro, absolument déserte, inhospitalière et
même dangereuse pour les navires à voile, à cause des
calmes presque continus de la zone du Capricorne ; mais
elle devient hospitalière au sud, avec un rivage élevé, de
bonnes baies, telles que celles de Sainte-Hélène, et de
Saldanha, la baie de la Table où se trouve la ville du CAP,
False-bay, très-sûre dans sa partie occidentale, dite Si-
mon's-bay, qu'abrite la longue digue du CAP DE BONNE-
ESFÉRANCE. Là se trouve un banc de sable très-grand, mais
profond, qui sert de glacis au sud du continent africain.
Au milieu de l'Atlantique, sont deux îles, ou plutôt deux
rochers volcaniques : l'Ascension et SAINTE-HELÈNE, célèbre
par la captivité de Napoléon.
3° La côte de l'océan Indien se divise en deux parties :
La côte de l'océan Indien proprement dit, du cap des
Aiguilles au CAP GUARDAFUI, est dirigée assez uniformément
vers le nord-est, avec quelques grandes courbes et quelques
baies, baie d'Algoa, baie Delagoa, baic de Sofala, etc. ; le cap
Corrientès et le cap Delgado sont aux deux extrémités du
canal de Mozambique ; un grand nombre de petites îles
sont semées sur la côte, Zanzibar, Pemba, etc.
En plein océan Indien, PL à 450 kilomètres de la terre
ferme, dont elle est séparée par le CANAL DE MOZAMBIQUE,
est la grande île de MADAGASCAR, d'une étendue supérieure
à celle de la France (690,000 kilom. carrés). Médiocrement
salubre et fertile, cette île a des côtes en général peu hospi-
talières, coupées de lagunes, et ne présente quelques
bonnes rades que dans sa partie septentrionale. Le nord de
l'île est généralement élevé, ainsi que presque tout l'inté-
rieur : l'altitude moyenne est de 800 mètres ; mais c'est
moins un plateau, qu'un amas confus de montagnes d'ar-
gile rougeâtre, nues et stériles, flanquées à l'est par une
chaîne granitique, quelquefois double, et qui atteint jusqu'à
2,000 mètres. La partie occidentale est une plaine basse ; le
sud est un plateau boisé et peu élevé.
A l'est de Madagascar, se trouve le groupe des îles Mas-
careignes, comprenant LA REUNION ou île Bourbon, et MAU-
RICE ou île de France, îles volcaniques, montagneuses (le
Piton des Neiges dépasse 3,000 mètres), et généralement
fertiles dans les vallons ; et l'île Rodrigue, qui est grani-
tique. Au nord-ouest, sont les COMORES, la grande Comore,
Mayotte, Nossi-Bé, etc., situées à l'extrémité du canal de
Mozambique ; les Amirantes et les Seychelles, petits grou-
pes volcaniques enveloppés de récifs de corail ; enfin l'île
SOCOTORA, à l'est du cap Guardafui.
La seconde partie, du cap Guardafui à Suez, est bordée
par le golfe d'Aden, le DÉTROIT DE BAB-EL-MANDEB, et la MER
ROUGE ; côte déserte n'offrant que deux ou trois lieux de
débarquement dans le golfe d'Aden ; parages également
déserts et dangereux dans la mer Rouge, tout hérissés de
récifs construits par les coraux, surtout autour des îles
Dahlac, et accessibles sur un très-petit nombre de points.
51. Le relief du sol. — Vue à vol d'oiseau, l'Afrique
apparaîtrait comme un VASTE PLATEAU TRIANGULAIRE, ayant
la pointe au sud ; les deux côtés adjacents au sommet
mesurant environ 5,000 kilomètres ; la base au nord, à
peu près sous le 10e de latitude, mesurant une longueur de
plus de 6,000 kilomètres, et flanquée à ses deux extrémités
de deux massifs de montagnes. A l'est et à l'ouest, le sol
du plateau est bordé par un bourrelet également monta-
gneux qui descend en pente plus ou moins accidentée jus-
qu'à la mer. Au nord, il s'abaisse doucement pour former
la GRANDE PLAINE DU SOUDAN et la PLAINE ARIDE DU SAHARA :
celle-ci, interrompue seulement par quelques oasis et par
la vallée du Nil, coupe l'Afrique de l'ouest à l'est, avec une
légère inclinaison est-nord-est ; au delà du Sahara, de l'A-
tlantique à la Méditerranée, se relève le massif de l'Atlas.
De cet ensemble il résulte huit régions distinctes :
1° La RÉGION DU CAP qui forme, au sud du fleuve Orange,
la pointe extrême du continent, est montagneuse à l'est.
Là se dresse jusqu'à une hauteur de plus de 3,000 mètres
la chaîne dite Kallamba ou Drakenberg ; orientée vers le
nord-est, elle descend par des pentes rapides sur la côte
orientale, et se prolonge vers l'ouest en longs plateaux.
Ces plateaux forment à leur tour une suite de terrasses,
par lesquelles on descend jusqu'au cap des Aiguilles, et
dont chaque gradin est sillonné par une chaîne de mon-
tagnes, les monts Karree, les monts Nieuweveld, les monts
Zwarte, etc.
2° LE GRAND PLATEAU AUSTRAL. Il y a trente ans, ce plateau
était presque entièrement inconnu. C'est le docteur Li-
vingstone qui, ayant consacré sa vie à explorer ces régions,
a découvert, en 1849, le lac Ngami, puis le cours supérieur
du Zambèze, et fait connaître par des explorations succes-
sives une notable portion de cette région. D'autres ont
courageusement suivi ses traces et la plus grande partie de
ce large plateau est aujourd'hui à peu près connue. L'alti-
tude moyenne parait être de 900 à 1,000 mètres environ,
s'accroissant légèrement vers le nord-est jusqu'à l'équa-
teur, au delà duquel elle commence à décroître. C'est en
général une succession de hautes plaines, coupées ça et là
par de petites chaînes, ou par les gradins des terrasses,
couvertes, sur un grand nombre de points, de broussailles
et d'une riche végétation herbacée dans la saison pluvieuse,
portant de belles forêts dans les parties arrosées, peuplées
d'antilopes et de bêtes féroces. La partie méridionale
nommée désert de Kalahari, au sud du lac Ngami, est
plutôt une steppe herbeuse qu'un désert. La partie cen-
trale est caractérisée par une dépression qui forme le bassin
du Zambèze. Au nord de ce bassin, imparfaitement connu, la
pente générale paraît être dirigée vers le nord-ouest. Le
plateau a pour support et pour limite, au nord-ouest, une
chaîne volcanique qui s'élève du voisinage du lac Tchad
jusqu'au fond du golfe de Guinée et dont les îles du golfe
de Guinée ne sont que la continuation : c'est la région de
l'Adamaona ; quelques sommets, comme le mont Alantika,
et les monts Cameroun, visibles de loin en mer, y dépassent
3,000 mètres. Ces hauteurs sont cependant moins impor-
tantes que celles de la partie nord-est, où le plateau a une
altitude de 1,200 à 2,000 mètres et où les montagnes de
l'Ounyamouézi (pays de la Lune) et de l'Ouganda donnent
naissance à une foule de cours d'eau descendant vers le
nord-ouest et vers le nord et particulièrement au Nil.
3° Les TERRASSES OCCIDENTALES, qui s'étendent du fleuve
Orange jusqu'au golfe de Guinée, sont une succession de
terrasses et de gradins, à travers les crevasses desquels
les cours d'eau du plateau se sont frayé un passage. Les
terres basses y sont en général malsaines ; les plateux sont
fertiles, surtout dans les hautes régions de l'Angola ; au
sud du cap Negro, les terrasses sont moins élevées, mais
entièrement arides.
4° Les TERRASSES ORIENTALES s'étendent de la baie De-
lagoa jusqu'au cap Guardafui ; c'est un long et épais
bourrelet de gradins et de montagnes que percent plu-
sieurs fleuves. On appelle Lupata la gorge montagneuse,
mais médiocrement élevée, qui sert d'issue au Zambèze;
on avait longtemps donné ce nom, ou le nom plus pompeux
d'Épine du monde, à tout cet ensemble de chaînes. C'est
tout récemment qu'on y a découvert, à 3 et à 4 degrés de
latitude australe, les deux plus hautes montagnes, non-seu-
lement de cette région, mais de l'Afrique entière, le KILIMA-
NDJARO (6,100 mètres) et le Kénia, dont les cimes, bien
que situées presque sous l'équateur, portent des neiges
éternelles. Au nord de l'équateur, les terrasses, très-peu
explorées, semblent se perdre vers la mer en pentes beau-
coup plus douces, et sont coupées vers leur extrémité par
une longue vallée.
5° L'ABYSSINIE ET LA CHAÎNE ARABIQUE. Le grand pla-
teau est flanqué au nord-est et au nord-ouest de deux
grands massifs montagneux. Celui du nord-est est le
massif abyssin, formé par le plateau d'Abyssinie, graniti-
que et volcanique, haut de 2,000 à 2,500 mètres, sillonné
de profondes crevasses et de failles au fond desquelles
coulent les torrents, présentant à l'est des murailles de
rocs à pic, s'inclinant plus doucement en terrasses vers
l'ouest et vers le nord et surmonté de lignes de sommets,
dont le plus élevé dépasse 4,500 mètres. Les parties
hautes de ce plateau, celles qui dépassent 3,000 mètres et
qu'on appelle « degas », sont en général couvertes de gras
pâturages ; les cultures, orge, blé, mil, etc., occupent les
hauteurs moyennes qui sont les plus peuplées (Gondar, etc.) ;
dans les fonds humides et chauds dits « kollas », formés de
sol alluvionnaire, s'étendent, à côté du café, du coton et
des bananes, de vastes forêts de gommiers, de mimosas et
de sycomores.
Au pied du plateau abyssin, coupé brusquement du côté
de l'est, s'étend, jusqu'à la mer Rouge, la plaine sablon-
neuse et aride du Samhara. Au nord, les nervures du
plateau atteignent la mer Rouge ; les îles Dahlac en sont,
en quelque sorte, la continuation. Elles se lient au long
môle de roches granitiques, nues et stériles, qui séparent
le Nil de la mer Rouge et que l'on nomme CHAÎNE ARABIQUE ;
c'est dans sa partie centrale, vers le mont Kamerab, qu'elle
atteint sa plus grande élévation (2,000 mètres), projetant
sur la mer Rouge le Raz-Elbe et forçant le Nil à décrire sa
plus grande courbe vers le sud-ouest.
6° Le MASSIF DU FOUTA-DJALON peut être considéré comme
le contrefort nord-ouest du grand plateau, quoiqu'il en soit
séparé par la région montueuse qui s'élève entre le Bénoué
et le Niger, et par une suite de terrasses, désignées sous le
nom de Kong, lesquelles sont très-peu connues et paraissent
médiocrement élevées. Le Fouta-Djalon est, au contraire,
un faisceau de montagnes importantes où plusieurs grands
fleuves, le Sénégal, la Gambie, le Niger prennent nais-
sance ; malgré les explorations de René Cailhé, des frères
Lander, des lieutenants de vaisseau Mage et Quentin, cette
région est encore mal connue. Au sud des Kong, est la
plaine de Guinée, basse, parsemée de marécages et bordée
de lagunes ; à l'ouest du Fouta-Djalon, est la plaine du
Sénégal et de la Gambie.
T" Le SOUDAN et le SAHAHA, très-distincts par suite du
régime différent des pluies et des cours d'eau, peuvent être
considérés comme formant une même région au point de
vue du relief du sol. La PLAINE DU SOUDAN est située au pied
septentrional du grand plateau et des Kong ; elle est géné-
ralement fertile, surtout dans le bassin du Niger et du lac
Tchad. Le terrain n'a plus qu'une altitude de 500 à 300 mè-
tres, et même moins sur les bords du lac Tchad ; les forêts
de sycomores, de mimosas, de tamarins alternent avec les
steppes et les cultures. A l'est du lac, les cours d'eau sont
plus rares, et on ne trouve plus que de grands oasis,
l'Ouadaï, le Darfour, le Kordofan, séparés par des déserts.
Le désert ou SAHARA (fig. 30) s'étend, au nord du Sénégal

et du Soudan, de l'océan Atlantique à la mer Rouge, sur une


longueur de 5,500 kil. et sur une largeur de 1,500 à 2,200 kil.
C'est une région généralement basse, située même sur di-
vers points, au chott Melrir par exemple, au-dessous du ni-
veau de la mer. Elle est composée tantôt de roches calcaires,
coupées à pic par de profondes et nombreuses anfractuo-
sités ; tantôt et le plus souvent, de sables fins et légers.
Le vent les amoncelle en rangées de dunes mobiles attei-
gnant parfois 100 mètres d'élévation et orientées du nord-
est au sud-ouest, suivant la direction où souffle l'alizé ;
il chasse sans cesse les poussières du Sahara vers l'Atlan-
tique ; c'est lui qui a prolongé en quelque sorte le désert
jusque dans l'Océan, en formant, au pied du cap Blanc, le
vaste banc d'Arguin. Dans la partie centrale qui est une
des plus déprimées et des plus sablonneuses, s'élèvent quel-
ques plateaux montueux, le plateau Tedmait qui abrite
le Touat ; le Djebel Hoggar dont les sommets atteignent
1,000 mètres ; l'Asben ou Aïr, etc. Plus abrités contre les
sables, ces plateaux sont susceptibles de quelques culture :
ce sont des oasis. A l'est, sous le méridien de Tunis, sans
cesser d'être sablonneux, le sol se relève pour former un
vaste plateau d'une altitude égale à celle du Soudan, le
plateau de Hammada dont les monts du Ghounan sont le
talus septentrional. Au delà de ce plateau saharien, le sol
s'abaisse de nouveau vers l'est et se termine par le désert
de Libye que borde, comme un long et étroit ruban d'eau et
de végétation, la vallée du Nil. Le nom de Sahara signifie
désert : c'est en effet un désert de 7 millions 1/2 de kil.
carrés, sans eau, excepté dans les oasis. Des périodes de dix
ans et plus s'écoulent sans que les nuages y apportent la
pluie; et, quand il a plu, aucune des rivières dont on
retrouve le lit dans le sable desséché, ne peut porter jusqu'à
la mer ses eaux promptement absorbées par la terre aride.
Cependant, en hiver, les parties hautes du Sahara se cou-
vrent d'herbes dont vivent les troupeaux.
8° La RÉGION DE L'ATLAS. L'ATLAS est une chaîne de mon-
tagnes orientée vers l'est-nord-est et longue de 2,000 kilo-
mètres, depuis le cap Noun jusqu'au cap Bon. Elle s'élève,
à partir du désert, par une suite de terrasses doucement
inclinées, quelquefois, comme au Djebel-Aurès, par des
pentes rapides, et présente une suite de plateaux de 700 à
1,200 mètres d'élévation, que sillonnent des chaînes longi¬
tudinales. La partie occidentale de cette région est le MA-
GHREB ; sa ligne de faîte, nommée par les habitants du pays
Drar N'deren est la plus élevée de l'atlas et renferme le mont
Miltsin (3,500 mètres). Le Djebel-Amour et le Djebel-Aurès
font, au centre et à l'est, partie du talus méridional du
plateau ; le Rif et le Djurjura sur la côte méditerranéenne,
sont des massifs détachés du talus septentrional. Sur les ter-
rasses méridionales de l'Atlas, on est dans le Sahara, c'est-
à-dire le désert, brûlant, aride, habitable seulement dans
quelques oasis ; sur les plateaux, on rencontre quelques cul-
tures et de vastes pâturages ; les vallées et les plaines du nord
(Metidja, etc.), avec leurs forêts, leurs pâturages et leurs
champs, constituent le Tell : c'est la partie vraiment fertile
et habitée par la population agricole.
53. Les eaux. — Les eaux forment six groupes distincts
et dépendant, comme partout, du relief du sol :
1° Le groupe de l Atlas envoie vers le nord à la Médi-
terranée et à l'Océan de nombreux cours d'eau ; mais
aucun n'est navigable. Ce sont pendant l'hiver des torrents
impétueux, pendant l'été de minces filets, de simples
flaques d'eau ou même des lits de gravier entièrement à sec.
Les plus considérables sont le Medjerda en Tunisie, le Che-
liff en Algérie, le Sebou et le Tensift au Maroc.
Sur les plateaux de l'Atlas, s'étend une longue suite de
« chotts », lacs desséchés ou à demi remplis d'eau saumâtre,
le Chottel-Gharbi, le Chott-el-Chargui, la Sebka-el-Hodna, etc.
Des flancs méridionaux de la chaîne descendent des cours
d'eau intermittents, restant à sec, pour la plupart, durant des
années entières ; aux rares époques de pluie, ils deviennent
de grands torrents qui se perdent dans les chotts du sud,
tels que le Chott-Melrir et la Sebka-el-Gharnès au pied de
l'Aurès, qui disparaissent dans les sables, comme l'Ouad-
Ghir lequel fertilise l'oasis du Touat, ou qui, plus rarement,
se rendent à la mer, comme l'Ouad-Drâa.
2° Le groupe du Fouta-Djalon donne naissance à de nom-
breux cours d'eau, parmi lesquels sont trois grands fleuves.
Le SÉNÉGAL (2,840 kilom.) prend sa source près deTembo,
vers le sud du massif qui lui envoie de nombreux affluents,
entre autres la Falemé, et coule vers le nord-ouest, jus-
qu'à ce qu'il débouche dans la plaine où il prend la direction
de l'ouest, séparant le Sahara des régions cultivables qu'ha-
bitent les nègres ; il a plus d'un kilomètre et demi de
largeur dans son cours inférieur, sans compter les nombreux
canaux ou « marigots » qui, selon les saisons, lui apportent
leurs eaux ou reçoivent les siennes ; son embouchure, qui
se replie vers le sud, est obstruée par les sables du désert,
autant que par ceux que charrient ses eaux.
La GAMBIE (1,430 kilom.) coule presque directement à
l'ouest et forme un long estuaire, bordé de marécages.
Les autres cours d'eau, moins importants, le Casamancc,
le rio San-Domingo, le rio Grande, etc., ont aussi de larges
estuaires.
Le NIGER (environ 4,800 kilom.), un des quatre plus
grands fleuves de l'Afrique, sort des versants orientaux du
massifqui lui envoiede nombreux tributaires.Il coule d'abord
vers le nord-est, puis arrêté, comme le Sénégal, par le Sahara,
il se replie vers le sud-est en décrivant un immense arc de
cercle : c'est vers la partie la plus septentrionale de la
courbe qu'esl situé Timbouctou. Après avoir reçu dans
le Soudan divers affluents dont le principal est le Bénoué,
venu de l'Adamaoua, il traverse une série de défilés, s'é-
pand ensuite en un large delta dans la plaine de Guinée, et
va se perdre dans la mer à travers d'immenses lagunes. A
l'époque des pluies, le Niger mesure jusqu'à 15 kilo-
mètres de largeur ; dans la saison sèche, il se resserre dans
un espace beaucoup plus étroit, et la partie desséchée de
son lit se change en de gras pâturages.
3° Le bassin intérieur du Soudan, sans communication
connue avec l'Océan, a des pentes généralement faibles ;
aussi ses cours d'eau, le Komadougou, le Bourroum, le
Chary, etc., sont-ils presque entièrement stagnants pendant
la saison sèche. Ils s'écoulent pendant la saison humide dans
une vaste dépression centrale, dite LAC TCHAD (41,850 kilo-
mètres carrés), située à 250 mètres au-dessus du niveau de
la mer, toute bordée de marais et de roseaux et hantée par
les hippopotames et les éléphants ; le plus important de
ses tributaires est le Chary, venu du sud-est, où il paraît
recueillir une grande partie des eaux qui descendent du
talus septentrional du grand plateau.
4° Le versant occidental du plateau central envoie ses eaux
à l'Atlantique.
L'Ogowé, dans la partie connue de son cours, est presque
entièrement sous l'équateur.
Le CONGO ou Zaïre, peu connu, paraît devoir prendre
place parmi les quatre plus grands fleuves d'Afrique, s'il est
vrai qu'il faille lui attribuer comme affluents, de larges et
nombreux cours d'eau alimentés par de vastes lacs récem-
ment reconnus sur le plateau austral, lac Bangweolo, lac
jlloèro, etc.; il franchit les terrasses par une série de cas-
cades et roule à la mer une grande masse d'eau.
Le Coanza et le Kéméné ont leurs sources voisines et
situées sur les terrasses supérieures de ce versant.
Le fleuve ORANGE OU Kai-Guriep, qui dans son cours
supérieur s'appelle Vaal et se grossit du Nu-Gariep, reçoit
aussi, mais seulement dans la saison des pluies, de nom-
breux affluents; son lit est trop peu profond pour per-
mettre la navigation.
5° Le versant oriental du plateau central envoie ses eaux à
l'océan Indien.
Le Limpopo (environ 1,600 kilom.), contourne le massi
du Drakenberg.
Le ZAMBÈZE dont le nom signifie « la grande rivière »
est un des quatre plus grands fleuves de l'Afrique. Son cours
d'environ 3,500 kilomètres n'était connu que dans sa partie
inférieure, avant les explorations de Livingstone. Le célèbre
voyageur a constaté que ce fleuve, qui recueille une grande
partie des eaux du plateau austral, se compose pour ainsi dire
rie deux sections distinctes dans deux bassins très-différents
de régime, la saison des crues dans le bassin supérieur ré-
pondant à la saison des basses eaux dans le bassin infé-
rieur et réciproquement. Les deux sections sont séparées
par une grande faille du plateau : le fleuve, en s'y précipi-
tant, forme la chute Victoria, haute de plus de 30 mètres,
et appelée par les indigènes « fumée tonnante », à cause
du bruit qu'elle fait entendre et des colonnes de pous-
sière liquide qu'elle fait rejaillir vers le ciel. (Voir fig. 31.)
Au-dessus de cette cataracte, le fleuve porte le nom de
Liambye et se forme de deux branches, dont l'une sort
du lac Dilolo (altitude 1,100 mètres environ), qui lui-

même, à l'époque des crues, fournit une partie de ses eaux


à un affluent du Congo. Le Zambèze propre, au sortir de la
chute Victoria, traverse la région montagneuse du Lupata
au fond d'une gorge de 300 mètres ; il reçoit le Chiré qui
sert de déversoir au lac Nyassi, situé sur l'une des terrasses
supérieures du versant oriental, et se rend à la mer à tra-
vers un vaste delta marécageux.
Le lac Ngami (390 mètres d'altitude), lac peu profond
situé au sud du bassin de Zambèze, et qui reçoit le Tiogé,
est sans communication avec la mer, et paraît s'écouler seu-
lement jusqu'à des marécages situés plus à l'est.
Il en est de même du LAC TANGANYIKA (853 mètres) et du
lac Liemba, lacs contigus, situés dans une autre dépression
du plateau austral, au nord du bassin de Zambèze. Toutefois
quelques voyageurs croient à une communication du Tan-
ganyika avec l'Albert-Nyanza.
6° Au nord du lac Tanganyika, et séparé de lui par l'Ou-
niamouézi, est le groupe des grands lacs proprement dits

situés sur le grand plateau ; on y compte jusqu'ici trois lacs


principaux, le VICTORIA-NYANZA ou lac Oukéréwé, l'ALBERT-
NYANZA ou lac Mwoutan et le lac Baringo, encore inex-
ploré, tous trois traversés par la ligne équinoxale. Le pre-
mier, situé à plus de 1,000 mètres au-dessus du niveau de la
mer, reçoit, ainsi que le lac Baringo, les eaux descendues
des hautes régions neigeuses du Kenia et du Kilima-Ndjaro ;
il se déverse par un canal à plusieurs branches, le Kira,
dans le second lac, vers son extrémité septentrionale.
Le fleuve qui sort du second lac sous le nom de Kiri, et
qui reçoit bientôt le trop plein du lac Baringo, est le NIL
(fig. 32), dont on peut évaluer aujourd'hui la longueur à 6,100
kilomètres, depuis la pointe méridionale du Victoria-Nyanza
et qui EST UN DES TROIS PLUS GRANDS FLEUVES DU MONDE. C'est
à Burton qui a découvert le lac Tanganyika, à Speke et
à Grant qui ont découvert et nommé le Victoria-Nyanza, à
Baker qui a exploré et nommé l'Albert-Nyanza, qu'est due
la connaissance de ces régions, tout à fait ignorées des
Européens avant 1857, et que revient l'honneur d'avoir à
peu près trouvé les sources si longtemps mystérieuses d'un
si grand fleuve. Le Nil descend d'abord de terrasse en ter-
rasse, par une série de cascades, tantôt au milieu des sa-
vanes, tantôt au milieu des bois de tamariniers et de syco-
mores, ou de marécages hérissés de bambous ; il parvient au
pied des terrasses septentrionales du grand plateau dans une
région plate, toute marécageuse et malsaine, où se trouve
le lac JVô et où confluent les eaux qu'il apporte du sud, avec
celles que le Sobat apporte de l'est et le Bahr-el Ghazal de
l'ouest. C'est là que le Nil commence à porter le nom de
Bahr-el-Abiah, c'est-à-dire fleuve Blanc que lui donnent les
Arabes. Puis, grossi de plusieurs autres tributaires encore
peu connus, il reçoit, par 378 mètres d'altitude au-dessus
du niveau de la mer, et à 3,000 kilomètres de ses embou-
chures, le Bahr-el-Azrek, c'est-à-dire fleuve Bleu, qui, tra-
verse le lac Tzana et descend des hauts plateaux d'Abyssinie.
Après son confluent avec le fleuve Bleu, le Nil qui reçoit
encore l'Atbara, venu aussi du plateau abyssin avec de nom-
breux affluents, coule profondément encaissé entre de hautes
falaises et des roches à pic et franchit une longue suite de ra-
pides dont aucun n'est une véritable cataracte ; à Syène, il
fait son entrée en Egypte entre deux murailles de basalte que
ses eaux ont tranchées. Là, sa vallée s'élargit, surtout sur la
rive gauche, beaucoup moins escarpée que la rive droite, et
atteint de 6 à 12 kilomètres. Le fleuve a lui-même, à Syène,
une largeur de 1,200 mètres. Or, il est à remarquer que
bien avant son entrée en Égypte, depuis la région du lac Nô,
il ne reçoit plus aucun affluent sur la rive droite, et que
depuis l'Atbara, il cesse aussi d'en recevoir sur la rive
gauche, parce qu'il coule entre des déserts où il ne pleut
jamais. Aussi, n'en recevant pas davantage en Égypte,
et faisant des pertes continuelles par l'évaporation, n'a-t-il
plus que 600 mètres de largeur au Caire. Les pluies abon-
dantes, comme toutes celles des régions tropicales, qui
tombent d'avril en octobre dans la région des grands lacs,
gonflent le fleuve ; ses eaux, vers le solstice d'été, com-
mencent à s'épandre précisément à l'endroit où la vallée
s'élargit ; elles montent jusqu'à l'équinoxe d'automne et
présentent, dans toute l'étendue de l'Égypte, l'aspect d'une
vaste inondation d'eau rougie par les particules de sable et
de granit qu'elle charrie. Après l'équinoxe, le fleuve dé-
croît, rentre dans son lit et, à la mi-mai, les eaux sont à
leur niveau le plus bas. C'est uniquement à cette inonda-
tion périodique, dont la hauteur moyenne est de 7 mètres au
Caire, quel'Égypte doit sa fertilité, on peut même dire son
existence, puisque le sol tout entier de l'Égypte est unique-
ment composé du limon du Nil, déposé sur un fond de gra-
nit ou de calcaire ; partout où l'eau n'atteint pas, il n'y a
plus que le désert. Le Nil, au sortir du Caire, se sépare en
plusieurs branches, serpentant à travers un vaste delta,
célèbre dans la géographie comme dans l'histoire ; ses
eaux, qui ne montent guère plus que de 2 mètres dans
cette partie de son cours, se jettent à la mer par plusieurs
bouches, dont deux seulement ont quelque importance,
celle de Damiette et celle de Rosette.
54. Le climat. — Le climat de l'Afrique est généralement
chaud et sec ; aussi l'Afrique a-t-elle, relativement à sa super-
ficie, moins de cours d'eau que n'en ont l'Europe, l'Asie et
l'Amérique. On y distingue plusieurs zones climatériques :
1° La zone méditerranéenne, située au nord de l'Atlas,
appartient encore à la grande zone tempérée et rappelle
beaucoup, par sa température comme par ses productions
végétales, le midi de l'Europe. Elle est cependant un peu
plus chaude dans les parties basses ; mais, sur les plateaux
de l'Atlas, elle est exposée à des froids plus grands à me-
sure qu'on s'élève : la neige y tombe en février.
2° La zone saharienne est située au sud de la précédente.
N'étant rafraîchie ni par les pluies, ni par l'évaporation
des rivières, ni par la végétation, elle est une des parties
du globe terrestre où la chaleur est le plus insupportable ;
comme, d'autre part, aucune couche de nuages ni de
brouillards n'y arrête le rayonnement nocturne, le froid des
nuits y est quelquefois assez grand pour produire la con-
gélation de l'eau. L'Égypte, excepté le Delta, placée entre
le Sahara et les déserts de l'Asie, participe de ce climat :
le thermomètre monte à 40° au Caire, en été, et descend à
2° ou 3° en hiver ; dans toute l'année, on ne compte guère
plus d'une douzaine de jours où il pleuve.
3° La zone du Soudan et du grand-plateau s'étend du 16° de-
gré de latitude septentrionale environ jusqu'au tropique
du Capricorne ; elle aie climat des régions intertropicales,
un hivernage avec pluies torrentielles, et une saison sèche,
généralement plus chaude que dans les autres parties du
monde traversées par l'équateur. Dans le Soudan, les mois
qui suivent l'équinoxe de printemps sont souvent desséchés
par le vent du désert ; sur le plateau d'Abyssinie où, à cause
de l'altitude, la chaleur est tempérée, la saison des pluies,
qui s'étend de mai à septembre, est marquée chaque jour
par de violents orages.
4° Les zones côtières, situées entre les deux tropiques, ont
aussi la température et les saisons des régions équato-
riales ; mais le voisinage de la mer et les lagunes rendent
le climat moins excessif et beaucoup plus humide que sur
le plateau ; elles sont aussi beaucoup moins saines. La
chaleur est plus lourde sur la côte occidentale, dans le golfe
de Guinée, que sur la côte orientale, quelque peu rafraîchie
par la mousson ; mais sur l'une et l'autre les pluies d'orage
sont abondantes, fréquentes, presque continuelles même
sur la côte de Mozambique.
5° La zone du climat austral commence au sud du tro-
pique et rappelle le climat méditerranéen des États bar-
baresques. La température cependant y est plus douce et
plus uniforme à cause du voisinage de la mer ; mais le
climat est sujet à de grandes irrégularités dans le régime
des pluies, et les sécheresses y sont quelquefois funestes à
la culture.

2e section.

LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE.
(Voir la carte n° 7.)

55. Les révolutions. — L'Afrique n'a participé au mou-


vement de la civilisation dont l'Europe est aujourd'hui le
foyer le plus actif, que par le bassin de la Méditerranée,
durant toute l'antiquité et le moyen âge, et par quelques
points de ses côtes occidentale et orientale depuis le seizième
siècle.
La vallée du Nil a été, dans l'antiquité, un des premiers
berceaux de la civilisation, peut-être le premier, parce que
nulle part les hommes n'ont trouvé un sol plus naturelle-
ment fertile et plus propre à faciliter la vie sédentaire du
laboureur, laquelle conduit, mieux que la vie pastorale, à
la constitution d'une société policée. L'Égypte a été flo-
rissante plusieurs milliers d'années avant l'ère chrétienne :
aussi sa richesse l'a-t-elle exposée à des invasions venues
du sud (Éthiopiens) et de l'est par l'isthme (Hycsos). Con-
quise par les Perses, au sixième siècle avant l'ère chré-
tienne, elle a suivi, depuis ce temps, les destinées de l'Asie
à laquelle les anciens géographes la rattachaient : elle a
fait partie de l'empire d'Alexandre ; elle a formé, sous la
famille d'un de ses généraux (les Lagides), un royaume par-
ticulier, et elle est devenue, au premier siècle avant l'ère
chrétienne, une province de l'empire Romain. Conquise par
les Arabes, au septième siècle après l'ère chrétienne, et
devenue musulmane, elle fut soumise à plusieurs dynasties
successives, jusqu'au jour où elle fut assujettie à l'empire
Ottoman, au commencement du seizième siècle. C'est au-
jourd'hui un État particulier, tributaire de l'empire Otto-
man et gouverné héréditairement par une famille de princes
qui ont le titre de vice-roi ou Khédive.
A l'ouest de l'Égypte, la côte de la Méditerranée reçut
dans l'antiquité quelques colonies grecques et une colonie
phénicienne, Carthage, qui devint un des plus puissants
empires de la Méditerranée. Les Romains la détruisirent
et soumirent à leur empire toute la région de l'Atlas,
dans les deux siècles qui précédèrent et dans le premier
siècle qui suivit l'ère chrétienne. Au sixième siècle, les
Vandales y fondèrent un empire éphémère ; plus tard, au
septième siècle, les Arabes enlevèrent définitivement cette
contrée à l'empire Romain et y implantèrent la religion
musulmane, refoulant dans les montagnes (Djurjura, etc.) ou
dans le désert les Berbères, anciens habitants du pays. De
nombreuses dynasties musulmanes se succédèrent sur cette
terre, jusqu'au commencement du seizième siècle, où toute
la partie orientale, comprenant les régences de Tripoli, de
Tunis et d'Alger, fut rattachée, comme tributaire, à l'empire
Ottoman. L'Algérie, conquise de 1830 à 1857, est devenue
colonie française. La partie occidentale, constituée comme
royaume de Fez ou empire du Maroc, depuis le huitième
siècle, est demeurée État indépendant.
Les Portugais, marchant sur les traces des Dieppois,
doublèrent, à la fin du quinzième siècle, le cap de Bonne-
Espérance et découvrirent la route maritime des Indes. Ils
s'établirent dans les îles de Madère, des Açores et du Cap-Vert,
et jetèrent sur les côtes d'Afrique parcourues par leurs
flottes, des comptoirs en Guinée, au Congo, au Mozambique ;
plusieurs de ces comptoirs furent très-florissants au seizième
siècle. Quand leur grandeur se fut éclipsée, d'autres puis-
sances européennes vinrent à leur tour : les Hollandais en
Guinée et au Cap, les Français au Sénégal, les Anglais en Gui-
née, à l'île Ste-Hélône, à l'Ascension, etc. Ces derniers,pen-
dant les guerres de la Révolution et de l'Empire, prirent aux
Hollandais la colonie du Cap, et aux Français l'île de France,
à. laquelle ils rendirent son ancien nom d'île Maurice.
L'intérieur de l'Afrique, habité par des hommes de
race noire, auxquels se trouvent mêlés un certain nom-
bre d'hommes de race berbère dans la région septen-
trionale, et de race éthiopienne dans la région orientale, est
encore entièrement barbare, et présente très-rarement
le spectacle d'un État constitué. Ce ne sont que des
tribus, les unes sédentaires, les autres nomades, com-
mandées en général par de petits despotes et exposées
à toutes les révolutions résultant des émigrations des
tribus, de la guerre, du pillage et surtout de la chasse
à l'homme qui est dans ces contrées le butin le plus
recherché, quoiqu'on y fasse bien peu de cas de la vie
de l'homme et qu'on tire fort peu parti de son apti-
tude au travail. C'est dans la vaste région qui s'étend
du 10® de latitude nord jusqu'à la colonie du Cap,
que cette barbarie est la plus grossière et qu'elle s'étale,
pour ainsi dire, sans aucun mélange de civilisation ; les
arts manuels les plus nécessaires à la vie y sont encore
dans l'état où les représentaient les bas-reliefs égyptiens,
il y a 5,000 ans. Les Arabes, que la mousson portait natu-
rellement sur la côte orientale et à Madagascar, y ont
fondé quelques établissements, tels que Zanzibar, et con-
tinuent à pénétrer par le commerce dans l'intérieur.
La même mousson paraît avoir conduit une race d'ori-
gine malaise, les Ouas, dans l'île de Madagascar, dont
la population nègre indigène paraît analogue à celle de
l'Océanie. D'autres races venues probablement d'Ethiopie,
moins noires que les nègres proprement dits, et présen¬
tant un type un peu supérieur et quelque trace d'une civi-
lisation meilleure, quoique très-barbares encore, sont repré-
sentées par les Gallas, les Cafres, etc. Elles se sont, avec
les siècles, avancées dés bords de la mer Rouge jusque
vers la pointe méridionale de l'Afrique, où elles paraissent
avoir refoulé les Hottentots, race plus jaune que noire et
une des plus disgraciées de la nature.
Le nord est un peu mieux partagé. Les Abyssins
sont, nominalement au moins, des chrétiens et ont formé
un royaume, autrefois uni, aujourd'hui en dissolution.
Le Soudan ou Nigritie deux noms qui signifient pays
des noirs, a subi aussi l'influence des invasions éthio-
piennes ou arabes venues de l'est ; les habitants se
sont en grande partie convertis, nominalement au moins,
à l'islamisme, ce qui a fait donner à leur pays le nom de
Belad-el-Takrour (pays des convertis) ; les Fellatahs ou
Foulbe, race de sang mélangé, plutôt cuivrée que noire et
menant une vie pastorale, ont fondé dans la vallée du Niger
(Haoussa, etc.) et du Bénoué un empire qui semble être
aujourd'hui livré à l'anarchie. Autour du lac Tchad, subsis-
tent, agités par de fréquentes révolutions, plusieurs petits
États nègres : les principaux sont le Ouaday et le Bornou,
qui a dominé longtemps sur le Soudan et dans le désert.
Le désert lui-même a ses peuplades et a eu ses révolutions ;
les nègres Tibbous dominent sur le plateau oriental ;
des Berbères refoulés du Maghreb par l'invasion arabe ont,
sous le nom d'Imohagh, ou, comme les nomment les Ara-
bes, de Touaregs (apostals), pris possession de la partie cen-
trale ; les Maures, moitié berbères, moitié arabes mêlés à
des noirs, sont maîtres de la partie occidentale.
56. Les États. — Les États de l'Afrique se divisent en
trois groupes :
I. Les États riverains de la Méditerranée : ce sont à peu
près les seuls, parmi les États indigènes, qui appartiennent
au mouvement de la civilisation européenne ; ils sont au
nombre de quatre.
1° L'ÉGYPTE, capitale LE CAIRE, est située entre le 28e et
le 9e degré de latitude septentrionale et entre le 24e et
le 37e degré de longitude orientale. Elle est bornée
au nord par la Méditerranée, à l'ouest par le désert de
Libye, au sud par les contrées barbares du Nil supérieur,
à l'est par l'Abyssinie, la mer Rouge et l'isthme de Suez.
Elle comprend deux parties distinctes : au nord, est l'E-
gypte proprement dite, subdivisée naturellement en Basse,
Moyenne et Haute-Égypte, administrativement en 13 mou-
dyriehs gouvernés par des préfets et en 9 mohafzas ou villes
ayant des gouverneurs spéciaux ; au sud est le Soudan
égyptien, dont le chef-lieu est Khartoum et qui renferme la
Nubie, le Sennaar, le Kordofan, le Haut-Nil, etc. ; à l'est, la
côte de la mer Rouge, avec Massaouah, Souakin, etc. Ce vaste
territoire mesure environ 2,200 kil. de longueur sur plus
de 700 de largeur, c'est-à-dire une superficie de plus d'un
million 1/2 de kilomètres carrés (1,700,000 kil. c.) ; mais la
majeure partie n'est qu'un désert : l'étroite vallée du Nil,
quelques oasis et quelques points de la côte sont les seules
parties habitables et comprennent 7 millions 1/2 d'habitants ;
sur ce nombre, plus de 5 millions vivent dans l'Egypte pro-
prement dite, sur une surface cultivée de 21,000 kil. carrés,
ce qui donnerait pour cette partie 249 hab. au kil. carré.
2° Le VILAYET DE TUIROLI, chef-lieu Tripoli, dépendance
de l'empire Ottoman, est un vaste territoire situé à l'ouest
de l'Égypte, mesurant près d'un million de kilomètres carrés
(892,000 kil. c.), mais habitable seulement dans quelques
rares oasis, tels que ceux de Tripoli, de Ghadamès, et le Fez-
zan composé du plateau de Hammada et du plateau de
Mourzouk. Il est à peine peuplée de 750,000 habitants.
3" La RÉGENCE DE TUNIS, cap. Tunis gouverné par un bey,
placée sous la suzeraineté de l'empire Ottoman et beaucoup
plus petite que l'État précédent (118,000 kil. carrés), est
plus fertile et plus peuplée : elle s'étend, au nord-ouest du
vilayet de Tripoli, entre le golfe de Kabès et l'Algérie fian-
çaise, et compte 1.200,000 hab.
4° L'EMPIRE DU MAROC, cap. Fez, située entre l'Algérie
française, la Méditerranée et le Sahara, mesure plus de
700,000 kil. c., et compte probablement 3 millions d'ha-
bitants.
II. Les colonies européennes, semées sur les côtes,
appartiennent à quatre nations :
1° COLONIES FRANÇAISES : sur la côte septentrionale,
l'ALGÉRIE, chef-lieu Alger ; sur la côte occidentale, le SÉ-
NÉGAL, chef-lieu St-Louis, et l'établissement du Gabon ; dans
l'océan Indien, Mayotte et ses dépendances, Ste-Marie de
Madagascar et l'île de LA RÉUNION, chef-lieu St-Denis.
(Voir pour plus de détails la France avec ses colonies.)
2° COLONIES ANGLAISES : sur la côte occidentale, les éta-
blissements de la Gambie, chef-lieu Ste-Marie de-Bathurst,
de Sierra Leone, de la côte d'Or, Cape Coast, de Lagos, El-
mina, etc., dont la population totale est d'environ 550,000
individus ; dans l'océan Atlantique, l'île de Ste-Hélène et l'île
de l'Ascension ; au sud, la COLONIE DU CAP (573,000 kilomè-
tres carrés et 680,000 hab.), qui s'ctend au sud du fleuve
Orange jusqu'au cap de Bonne-Espérance ; cette dernière
comprend la Cafrerie anglaise, et se divise en deux pro-
vinces, celle de l'est, chef-lieu LE GAP, et celle de l'ouest,
chef-lieu Graham's-town ; Natal (46,000 k. c. et environ
270,000 hab.). Dans l'océan Indien, l'ÎLE MAURICE (1,830 kil.
et 322,000 hab.), cap. Port-Louis.
3° COLONIES PORTUGAISES. Outre Madère (870 kil. c. et
181,000 hab.) et les Açores (près de 3,000 kilom. carrés et
250,000 hab.), considérées par le gouvernement portugais et
administrées comme des provinces du royaume, ces colonies
sont : sur la côte occidentale, les îles du Cap-Vert (4,200
kil. c. et 84,000 hab.) ; les possessions de Sénégambie, îles
Bissagos, etc. (près de 100,000 kil. c. et 8,000 hab.) ; les
îles du Prince et de St-Thomas (1,100 kil. c. et 23,000 hab.);
l'Angola et le Benguela, vaste territoire auquel les Portu-
gais attribuent plus de 800,000 kil. carrés, et de 2 mil-
lions d'habitants : mais leur autorité n'est effective que sur
quelques villes, telles que les deux chefs-lieux St-Paul de
Loanda (environ 12,000 hab. dont 800 blancs) et St-Philippe
de Benguela. Sur la côte orientale, on attribue à Mozambique
près de 1 million de kil. carrés et 300,000 hab. ; mais l'au-
torité des Portugais y est encore moindre que sur la côte
occidentale.
4° COLONIES ESPAGNOLES : au nord-ouest, les îles Canaries
considérées comme une province de la monarchie ; sur la
côte septentrionale, les Présides, Geuta, Mélilla, etc., et Té-
touan ; près de la côte occidentale,Fernando-Pô et Annobon.
III. Les États indigènes de l'Afrique centrale et australe,
presque entièrement barbares, ne se composent en général
que de tribus et de peuplades ne méritant pas le nom d'État
et dont très-peu sont dignes d'une mention.
Le Sahara n'est occupé que par des tribus nomades de
Maures, à l'ouest ; de Touaregs appartenant à la race ber-
bère, au centre ; de Tibbous appartenant à la race noire, à
l'est.
Dans le Soudan, on remarque le Ouaday, cap. Ouarah,
qui est aujourd'hui le plus puissant des États du centre ;
le Borgou, le Kanem, le Bornov, cap. Kouka, le Haoussa,
cap. Kano, centre de la domination des Fellatahs, etc.
Dans la Guinée, outre le royaume des Ashanties, le
royaume de Dahomey, etc., il faut citer la petite république
de Libéria, cap. Monrovia, fondée pour servir de patrie aux
nègres affranchis d'Amérique, et qui compte aujourd'hui
23,000 kilom. carrés et 720,000 habitants.
Dans l'intérieur de l'Afrique australe, sont des peuplaples
nègres encore peu connues, comme la peuplade des Maka-
lolos, et celle de l'Ouiyamouezi.
Près de la Cafrerie, on trouve deux États indépendants,
d'origine européenne, fondés par des colons hollandais du
Cap fuyant la domination anglaise : l'ÉTAT LIBRE DE LA RI-
VIÈRE ORANGE (environ 110,000 kil. c. et 40,000 hab.), bor-
née au nord parle Vaal, cap Bloemfontein et la RÉPUBLIQUE
TRANSVAAL (env. 300,000 kil. c. et 300,000 hab.), cap. Pot¬
chefstrom, située au nord de la même rivière. Une grande
partie de l'île de Madagascar forme un État, celui des Hovas,
dont Tanarivo est la capitale.
Dans l'est, la sultanie de Zanzibar est un État arabe qui
domine, nominalement au moins, sur une partie de la
côte du Zanguebar ; l'ABYSSINIE, dont les divers États, Gon-
dar, Choa, Tigré, etc., avaient été réunis sous un même
sceptre, est de nouveau en dissolution depuis la défaite et
la mort de Théodoros.

3e section.

LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE.
(Voir les cartes nos 8 et 9.)

ËGYPTB, BASSIN DU NIL ET MER ROUGE

57. Les productions. — Toute cette contrée du nord-


est de l'Afrique comprend trois régions distinctes :
1° L'ÉGYPTE n'est en réalité que la vallée du Nil inférieur,
bordée à l'est par la chaîne arabique, granitique et nue, à
l'ouest par les collines sablonneuses du désert. Comprise
dans cette vaste zone climatérique, qui du 17e degré de lati-
tude nord aux rives de la Méditerranée, ne reçoit pour ainsi
dire jamais de pluies, elle serait, sans son fleuve, une por-
tion du Sahara : c'est le Nil qui l'a créée par ses inonda-
tions (voir § 53). Elle se divise en deux parties (voir le carton de la
carte n° 8) : 1° le Delta, vaste plaine à peu près triangulaire,
formée par des alluvions et arrosée par les canaux du fleuve,
s'étendant au sud jusqu'auprès du Caire ; 2° l'Égypte
moyenne et haute, étroite vallée qui s'étend du Caire à
Syène. C'est une région tout agricole et la contrée de
l'Afrique qui produit le plus de CÉRÉALES, sans fumure et
presque sans labour : l'orge que l'on cultive partout et qui
est la nourriture à peu près exclusive des chevaux ; le blé,
abondant surtout dans la Haute-Égyple et très-propre à la
fabrication des pilles (surtout le saïdi, c'est-à-dire le fro-
ment de la Haute-Égypte), mais peu estimé à cause de l'o-
deur ammoniacale que le manque de soin des cultivateurs
dans le déquipage lui fait contracter ; le dourah, maïs, sor-
gho et millet et le riz que l'on cultive surtout dans le Delta, à
Zagazig, à Mansourah, à Damiette. Ces grains, concassés à
la meule, donnent le couscoussou : c'est la principale nour-
riture des indigènes avec les fèves, surtout celles de la
plaine de Coptos, de Couz dans la Haute-Égypte et celles de
Minieh, du Fayoum, de Giseh, dans la moyenne Égypte,
avec les lentilles des mêmes contrées et les pois chiches. Il
faut y ajouter les dattes, aliment des populations de la Haute-
Égypte. On estime, d'une manière très-vague, la produc-
tion de toutes ces denrées alimentaires à plus de 15 millions
d'hectolitres, soit 2 hectolitres par tête, pour une population
de 7 millions 1/2 d'habitants. Non-seulement cette produc-
tion suffit à leur subsistance, mais elle leur permet l'expor-
tation, très-considérable surtout avant le développement de
la culture du coton. Comme substances propres à la fabri-
cation de la fécule ou à l'alimentation, on peut encore citer
la colocase qui se plaît dans les terrains bas, l'oignon et le
topinambour.
Parmi les autres produits agricoles, le plus important est
le COTON, culture propre surtout au Delta et au Fayoum, et
dont les débuts, datant de 1851, sont dus à un négociant
français, M. Jumel, d'où le nom de coton Jurnel donné au
colon d'Égypte, fort estimé à cause de sa soie longue et
fine ; il produit aujourd'hui plus de 100,000 tonnes, la ma-
jeure partie sur les terres du vice-roi. Le lin vient surtout
dans la Haute-Égypte ; le SUCRE DE CANNE est cultivé dans
la Haute-Égypte et raffiné au Caire. Viennent ensuite les
graines oléagineuses, sésame et colza ; diverses drogues tinc-
toriales, le henneh avec lequel les femmes se teignent les
ongles, l'indigo, la cochenille du Fayoum ; l'opium et le
tabac ; les roses du Fayoum, le séné du cassia-senna qui est
plus abondant encore dans le Sud.
2° Au sud de l'Égyple est le Soudan égyptien qui com-
prend lui-même deux parties distinctes : 1° la Nubie rappelle
par son climat sec et, quoique moins bien cultivée, par ses
productions, la Haute-Égypte; 2° le Sennaar, le Kordafan
et le Darfour, situés sous le climat du plateau et largement
arrosés dans la saison des pluies, ne sont qu'une steppe
aride durant la sécheresse, mais offrent de verdoyantes prai-
ries pendant l'hivernage. De nombreux arbrisseaux, surtout
des acacias qui donnent la gomme, couvrent le sol sur les
points où se forment des rivières temporaires, particuliè-
rement dans le Kordofan et le Samhara. Là aussi poussent
le liguier, le dattier et, sur les parties élevées, le tamari-
nier ; presque partout le cassia-senna, arbrisseau dont la
feuille et le fruit poussent en grande abondance durant la
saison des pluies et constituent le séné.
3° Au sud-est du Sennaar est l'Abyssinie, plus accidentée,
ayant des pâturages sur ses hauteurs et produisant, dans
les cultures de ses plaines basses, le café estimé du Godjam,
le coton, etc.
Les produits animaux de l'Égypte ont bien moins d'im-
portance que les produits végétaux ; le principal est la laine,
laine noire consommée dans le pays ; et laine blanche,
principalement celle du Fayoum, destinée à l'exportation
et recherchée pour la fabrication des matelas. On voit des
buffles et des boeufs employés aux transports, un petit
nombre de beaux chevaux, de très-beaux ânes, des chèvres
et des chameaux. Le Soudan égyptien entretient plus de bé-
tait que l'Egypte, entièrement dépourvue de fourrage, et
l'Abyssinie plus que le Soudan égyptien ; aussi l'Abyssime
fait-elle un certain commerce de peaux et de beurre.
Les ruches, surtout dans l'Abyssinie, et la volaille, sur-
tout en Egypte, sont en assez grande quantité.
Les seules productions minérales dignes de remarque
sont le natron d'Egypte, soude brune mélangée de sel et
de sulfate de soude, qui cristallise naturellement dans
les petits lacs de la vallée de Natron, située dans le
désert de Thiat, et les émeraudes du mont Zabarat en Nubie.
Dans le sud, le Darfour possède du cuivre, mais n'en
exporte pas ; et le Fazozl exploite des terrains aurifères.
L'industrie manufacturière est presque nulle. L'Égypte
n'ayant ni bois ni houille, les filatures et tissages qu'avait
établis Méhémet-Ali sont abandonnés ; les raffineries qui
subsistent sont la propriété du vice-roi.
58. Les villes principales. — L'Égypte compte deux villes
de plus de 100,000 âmes (voir les cartons des cartes n° 7 et 8) :

Alexandrie (212,000 hab.), première place maritime de


l'Égypte, est située sur la limite du désert, à environ 80 kilo-
mètres du bras le plus occidental du Nil, avec lequel la ville
communique par le canal de Mahmoudieh ; elle est dotée
d'un double port avec une rade vaste, mais mal abritée des
vents, le vieux port, amélioré par d'importants travaux, est
aujourd'hui le seul fréquenté. Fondée par Alexandre le
Grand, cette ville a été la capitale de l'Égypte sous les
Ptolémées et sous la domination romaine.
LE CAIRE (350,000 hab.), la ville la plus peuplée de l'A-
frique, capitale de l'Égypte, est située près de la rive droite
du fleuve, à une vingtaine de kilomètres au-dessus du
point où commence le Delta ; le faubourg de Boulak lui
sert de port. Ville mal bâtie, comme la plupart des villes de
l'Orient, elle présente un dédale de rues étroites et tor-
tueuses, de très-nombreuses mosquées flanquées de leurs
minarets. (Voir la fig. 33.) Quelques grands bazars et quelques
palais, des constructions nouvelles et de grands travaux de
voirie commencent à la transformer ; c'est le plus important
marché de l'Égypte.
Les autres localités remarquables de l'Égypte sont : Da-
miette, Tantah, Syout (3000 hab.), ch. 1. de la Haute-
Égypte, Suez et Pord-Saïd, dont nous parlons plus bas ;
Gizeh, sur la rive gauche du Nil, petite ville industrieuse,
connue surtout par le voisinage des pyramides et par une
victoire de Bonaparte ; Héliopolis, jadis ville sainte et sa-
vante, illustrée par une victoire de Kléber en 1800 ; Man-
sourah, qui vit Saint-Louis prisonnier ; Louqsor et Kar-
nak, petits villages au milieu des ruines de l'ancienne
Thèbes ; Syouah, dans l'oasis de ce nom, où était le temple
de Jupiter Ammon.
Dans la Nubie, on trouve Khartoum (voir plus bas) et Sen-
naar, sur le Nil Bleu, ville déchue, capitale d'un État flo-
rissant au XVIIIe siècle.
En Abyssinie : Axoum, ville sainte et ancienne capitale
du Tigré ; Antalo, capitale moderne ; Gondar (10,000 hab.),
capitale de l'Amhara et centre commercial de l'Abyssinie.
59. Les routes de terre. — L'Égypte, placée sur la lisière
orientale du Sahara, comme Alep et Damas sur la lisière du
désert de Syrie, a de tout temps servi de tête de ligne à
plusieurs grandes routes de caravanes, et forme, pour ainsi
dire le trait d'union entre l'Afrique et l'Asie. Les routes
de terre peuvent se diviser en quatre groupes :
1° Les routes des caravanes du Sahara et du Soudan, dont
les principales sont : celle qui, de Mourzoyk. atteint l'oasis
de Siouah et de là, par un long pli de terrain dans le dé-
sert de Libye, gagne Alexandrie, le Caire ou, plus au
sud, la Petite-Oasis ; celles qui, du Ouaday ou du Darfour,
traversent du sud au nord plusieurs oasis, l'oasis Selimeh,
la grande oasis (Ouad-el-Khardjed), pour aboutir à Syout
ou, en continuant par la Petite-Oasis et le Fayoum, pour
aboutir au Caire ; celles qui du Darfour et du Kordofan ga-
gnent le Nilmoyen à Khartoum ou dans le Dongola et, de
là, suivent le fleuve ou se dirigent sur la Grande-Oasis.
Les caravanes du nord, par l'oasis de Siouah, nombreuses
surtout à l'époque du pèlerinage de la Mecque, apportent
du maroquin, des tapis grossiers, des burnous et même des
esclaves. Celles du sud amènent des esclaves, commerce
qui, malgré l'interdiction officielle dont il est frappé, sub-
siste encore clandestinement ; de l'ivoire d'hippopotame,
d'éléphant et de rhinocéros ; de la gomme, des tamarins, des
plumes d'autruche, etc. Les unes et les autres remportent
en échange des colonnades, des verroteries de Venise dites
conterie, des parfums, du café, des armes, etc.
2° Les routes du sud ont pour tête de ligne Khartoum
(45,000 hab.), chef-lieu du Soudan égyptien, grande ville
moderne, fondée par Méhémet-Ali à 1 kilom. 1/2 environ
du confluent du Nil Blanc et du Nil Bleu, à l'extrémité
d'une immense plaine ; c'est le grand marché de l'ivoire
que les négociants de Khartoum se procurent, soit par la
chasse, soit par des échanges avec les sauvages, en allant
jusque dans la région du haut Nil Blanc ; c'est aussi un
marché d'esclaves que certains trafiquantsvendent en même
temps que l'ivoire. Khartoum est à plus de 1,600 kilomè-
tres au sud du Caire ; Gondokoro bâtie près du Nil, au point
actuellement le plus reculé de la navigation de ce fleuve,
est à peu près à 1,200 kilomètres au sud de Khartoum et
lui sert en quelque sorte d'avant-poste pour le trafic de l'i-
voire et des esclaves. Indépendamment de ces deux sortes
de marchandises, on importe à Khartoum et dans les autres
marchés du sud, de la gomme, de l'écaille, des plumes d'au-
truche, des bois, etc.
3° Les routes de l'Asie. La première va de Gondar, prin-
cipal marché de l'Abyssinie, à Massaouah (10,000 hab.),
île dont le commerce est entre les mains des Arabes et des
Banians de l'Inde ; la seconde va de Khartoum à l'île de
Souakin, port de la mer Rouge en communication avec
Djeddah, le port de la Mecque, avec l'Inde et quelque peu
avec l'Abyssinie ; la troisième se détache du Nil à un autre
coude que fait le fleuve vers la mer Rouge et aboutit au
port de Kosseir ; la quatrième part du Caire et, traversant
l'isthme de Suez, gagne au sud l'Arabie et la Mecque, au
nord Damas et la Syrie. Massaouah et Souakin exportent la
cire, le miel, les esclaves, l'or, l'ivoire, le beurre, en
échange des étoffes de coton, du drap rouge, de l'encens,
du mais, etc. ; Kosseir, les denrées alimentaires, en échange
du café et des esclaves de Djeddah ; par la dernière roule, on
exporte le riz et les fèves, en échange du café, des pelle-
teries, des armes et autres produits de l'Orient.
4° Les routes intérieures de l'Égypte sont le Nil, que
:
des barques remontent jusqu'à Gondokoro, à l'aide du vent
soufflant presque constamment du nord, mais dont la na-
vigation, lente, est peu active ; les canaux du Delta dont les
plus importants sont le canal Mahmoudieh, allant d'Afteh à
Alexandrie (77 kil.), et le canal de l'Ouady, allant de Boulak
au canal maritime de Suez ; les digues, qui servent de rou-
tes, principalement pendant l'inondation ; la route postale
qui, tantôt en suivant le Nil, tantôt en coupant à travers le
désert, gagne Khartoum ; le chemin de fer qui va d'Alexan-
drie sur la Méditerranée au Caire par Tantah, du Caire à
Suez sur la mer Rouge, et qui envoie divers embranchements
sur les principales villes du Delta et sur le Fayoum ; la lon-
gueur totale est de plus de 1200 kilomètres, une ligne est
projetée du Caire à Khartoum.
Les principaux marchés intérieui s sont le Caire, dont les
foires approvisionnent de produits asiatiques et européens
toutes les caravanes de la région du sud ; Tantah (55,000 hab.),
dont les foires donnent lieu à d'importantes ventes de bé-
tail ; Damanhour et Zagazig.
60. Le commerce maritime. — En laissant de côté Mas-
saouah, Souakin et Kosseir, qui ne sont que des étapes de
caravanes, le commerce maritime de l'Egypte est concen-
tré dans quatre ports :
ALEXANDRIE, le plus important, est le marché ordinaire
et, pour ainsi dire, l'unique marché de l'Égypte avec l'Eu-
rope ; le mouvement de son port, entrées et sorties réu-
nies, dépasse 2,500,000 tonnes. Les importations, dont la
valeur dépasse 130 millions de francs, consistent surtout
en tissus de coton, de soie ou de laine, objets de mode,
vêtements, bijoux, vins, principalement destinés à la colo-
nie européenne et aux grands personnages ; en tissus de
coton communs et en toiles peintes pour les habitants ;
en charbon de terre, en bois, en machines, en numé-
raire, etc. Les exportations, dont la valeur dépasse 300 mil-
lions, consistent en COTON (200,000 tonnes en 1871), en
graines de coton propres à la fabrication de l'huile, en sucre,
en laines, en natron, en gomme dite gomme arabique, pro-
venant des régions du sud et principalement du Kordofan ;
en séné, le plus estimé en Europe, venant aussi des ré-
gions du sud par les marchés d'Esné et de Boulak et dési-
gné sous le nom de séné de Palthe ; en ivoire, en café
d'Arabie, en sésame, en dattes, en écaille de tortue venant
de la mer Rouge ; en cire d'Abyssinie, en encens d'Ara-
bie, etc. Ces produits sont expédiés en Angleterre, en
France, en Autriche, et un peu en Italie ; la Syrie et la
Turquie tirent d'Alexandrie des céréales, du riz, quelque-
fois du blé, et des produits manufacturés.
Dans le commerce d'Alexandrie et, par conséquent, dans
le commerce de l'Égypte, l'Angleterre est au premier rang
et figure pour plus de moitié ; la France et la Turquie sont
au second rang ; l'Autriche, au troisième. La France vend à
l'Égypte pour 15 à 20 millions de soieries, de draps et loi-
nages, de tarbouches ou bonnets rouges, de cotonnades, de
modes, de vins, de quincaillerie, etc. ; elle lui achète du

coton, du sésame, de la gomme arabique ; le total du com-


merce français arec l'Egypte dépasse 60 millions.
Damiette (57,000 hab.), petit port sur la branche orien-
tale du fleuve, fait quelque peu de commerce avec les échel-
les du Levant.
Port-Said (10,000 hab.), ville de création toute récente,
sert de tête de ligne sur la Méditerranée au CANAL MARITIME
DE SUEZ. Ce canal, qui doit être compté au nombre des tra-
vaux d'utilité publique les plus importants de notre siècle,
a été commencé en 1856 et terminé en 1869 par les soins
d'un Français, M. Ferdinand de Lesseps ; il parcourt du
nord au sud tout l'isthme de Suez, qui n'est qu'une bande
de sables salins de 117 kilomètres de longueur. La lon-
gueur du canal est de 160 kilomètres, depuis Port-Saïd sur
la Méditerranée jusqu'à Suez sur la mer Rouge ; il traverse
le lac Menzaleh, le lac Ballah, le seuil d'El-Guisr, où il s'en-
fonce dans une tranchée de 18 mètres de profondeur, le
lac Timsah où aboutit un embranchement du canal d'eau
douce, et où a été bâtie la ville d'Ismaïlia, et par la longue
dépression des lacs amers atteint la mer Rouge. Sa largeur
est de 58 à 100 mètres ; sa profondeur de plus de 8 mètres.
Plus de 1,000 navires jaugeant près d'un million et demi
de tonnes ont passé en 1872 par ce canal ; plus des deux
tiers appartiennent au pavillon anglais ; un dixième au
pavillon français. (Voir le carton n° 2 de la carte n° 8 et la figure
n° 34.)
SUEZ (15,000 hab.), dont l'importance s'accroît de jour
en jour, était déjà, avant l'ouverture du canal, la tête de
ligne des paquebots anglais et français qui font le service
de l'océan Indien et de l'océan Pacifique. Aujourd'hui une
partie notable de la navigation de l'Europe dans l'extrême
Orient prend cette voie qui deviendra la voie ordinaire des
communications de l'Europe méditerranéenne avec l'Orient
et le mouvement total du port, lequel diffère du mouvement
du canal, dépasse 1 million de tonnes.
L'Égypte tout entière, en comptant le canal qui est un
lieu de transit tout à fait indépendant, a un MOUVEMENT
MARITIME d'entrée et de sortie qui dépasse 4 MILLIONS DE
TONNEAUX et un COMMERCE EXTÉHIEUR dont la somme est
près de 500 MILLIONS DE FRANCS.

ÉTATS BARBARESQUES ET SOUDAN :

61. Les productions. — Le vaste espace qui s'étend de


la Méditerranée aux Kong et qui comprend tout le nord-
ouest de l'Afrique, se divise en trois régions distinctes :
1° La région des États barbaresques ou MAGHREB s'é-
tend de l'océan Atlantique au golfe de Kabès et comprend
plusieurs contrées :
Le Maroc, pays montagneux, dénudé sur les hauts pla-
teaux qui produisent cependant l'alfa, recherché aujour-
d'hui pour la fabrication des cordages et du papier, est
couvert d'herbages ou de genets dans les parties infé-
rieures. Généralement fertile et propice aux céréales dans
les vallées et dans les campagnes irriguées dites huertas, il
produit l'orge, surtout dans le sud, le mais, le riz, les fèves,
les poids chiches, un peu de coton, du tabac renommé.
Ses principaux arbres sont l'amandier, dont les fruits sont
estimés, surtout ceux du pays de Sous, le dattier dans les
oasis du sud à Tafilet, etc., l'olivier, la vigne, l'oranger.
Il nourrit un nombreux bétail : dromadaires employés au
transport et objets d'un grand commerce ; chevaux de
selle, de race barbe pour la plupart ; ânes et mulets, boeufs,
chèvres et moutons qui fournissent au commerce des cuirs
et des peaux, du beurre fondu, des laines en abondance et
d'une assez grande finesse ; abeilles qui donnent du miel et
de la cire,
L'Algérie (voir la France avec ses colonies).
La Tunisie possède un sol d'une grande fertilité, mais
très-peu cultivé et donne les mêmes produits que l'Algé-
rie : froment, orge et maïs, fèves, pois chiches, haricots,
coton, olives, amandes, figues, raisins, dattes ; elle nourrit
les mêmes animaux domestiques, moutons dont la laine
vendue à Sousse et à Sfax est d'une assez grande finesse
quoique mal soignée, chameaux, chevaux, mulets, etc.
Dans les ruisseaux du Maroc et de l'Algérie, on trouve
beaucoup de sangsues. Sur la côte de la Tunisie et de l'Algé-
rie, on pêche le corail.
Le Maroc a des richesses minérales qu'il exploite peu, à
l'exception du sel de ses lacs et des bords de la mer.
L'industrie de ces pays est très-médiocre. Tunis fait des
bonnets de laine, des burnous, des vêtements brodés d'or
et d'argent ; prépare, mais en petite quantité, des peaux de
maroquin ; fabrique de l'essence de rose et de jasmin, etc.
Dans le Maroc, les deux villes d'industrie sont Fez et Rabat ;
elles fabriquent les bonnets de laine rouge, connus sous le
nom de fez, des haïcks1, des burnous, des couvertures
de laine, des étoffes de soie, taffetas, draps, ceintures, des
tapis très-renommés dans tous les pays musulmans, des
maroquins, fabrication pour laquelle Fez est sans rivale 2,
des poteries et des bijoux.
2° Le Sahara, ou grand désert, est une région de sable
et de roche nue, granitique ou calcaire, habitée dans quel-
ques rares oasis qui sont généralement les vallées des par-
ties montagneuses, comme le Touat, l'Adrar, le Fezzan,
Ghat, Asben, Bilma, et sur quelques points de la côte
comme Tripoli. Dans ces oasis poussent le palmier-dat-
tier, qui fournit aux habitants par ses régimes de DAT-
TES leur principal aliment végétal, et qui a fait donner
à cette contrée par les Arabes le nom de « pays des
dattes » (Beled-el-Djérid). A l'ombre des dattiers, vien-
nent l'orge, le blé, le millet, les pastèques, etc., toute-
fois en quantité insuffisante pour la population, quelque
clair-semée qu'elle soit. La principale richesse animale

1. Le haick est une pièce d'étoffe, ordinairement ornée et de cou-


leurs brillantes, qui constitue, par-dessus la chemise, le vêtement prin-
cipal de l'Arabe et qui le couvre de la tête aux pieds ; par-dessus le haïck
on met le burnous.
2. Fez fait les maroquins rouges ; Maroc, les maroquins jaunes ; Tafilet,
les maroquins verts.
consiste dans les DROMADAIRES employés au transport, les
méharis, dromadaires rapides employés comme monture,
et dans le bétail, composé surtout de chèvres et de mou-
tons qui vont paître l'herbe des steppes, quand la pluie, un

peu moins rare à l'occident qu'à l'orient, a permis à


l'herbe d'y pousser. Dans le désert, on chasse l'autruche
(von la fig. 35), dont les plumes, objet de parure, sont très-
recherchées.
Les lacs desséchés des oasis d'Asben et de Bilma four-
nissent du sel.
3° Le Soudan est un pays de plaines situées dans la ré-
gion des pluies tropicales, largement arrosées, généra-
lement fertiles cl nourrissant une assez nombreuse popu-
lation. La plupart des céréales, le dourah qui sert à faire
une sorte de bouillie, le millet, particulièrement le douqn,
le maïs, le blé, le sarrasin, le riz qui croît spontanément
dans toutes les parties irriguées, y viennent ainsi que
l'igname, la patate, les pastèques, les fèves, le sésame, l'ara-
chide et le tabac. Parmi les arbres et arbrisseaux, les princi-
pales essences sont le cotonnier, le dattier, le baobab, le
figuier, le tamarinier qui compose une grande partie des
vastes forêts de la contrée, l'acacia à gomme qui abonde
sur les bords du Niger, l'arbre qui donne la noix de
gouro t, l'arbre à beurre.
Les animaux domestiques sont te zébu ou boeuf à bosse,
la chèvre, le mouton, la volaille ; les chevaux sont beau-
coup moins nombreux que les ânes ; presque partout on
trouve des ruches. Parmi les animaux sauvages, les élé-
phants, les hippopotames, les rhinocéros, les lions, les pan-
thères, les girafes, les autruches fournissent au commerce
de la contrée l'ivoire, les peaux, les fourrures et les
plumes.
Les minéraux sont très-abondants ; mais les seuls qui
paraissent exploités sont l'or du Bambara et le fer du
Bornou.
Quoique la population soit nombreuse, l'industrie est
très-médiocre et se borne à la fabrication de nattes, de
vases en bois et en terre, d'armes blanches, de bijoux, de
sandales, d'objets en cuir avec broderies, et surtout d'étof-
fes de coton, grossièrement tissées avec des métiers tout
primitifs, teintes en bleu et constituant la principale pièce
du costume des hommes et presque l'unique costume des
femmes.
Kano, qui compte 30,000 habitants et même 60,000 à
l'époque des foires et qui n'est qu'un amas de huttes et de
maisons d'argile, est le principal centre de ces industries
du Soudan.
1. La noix du gouro est une sorte de châtaigne, employée comme
café ou comme condiment acidulé, recherché dans le Soudan comme
l'est chez nous le citron.
62. Les villes principales. — Cette partie de l'Afrique
n'a qu'une ville dont la population atteigne 100,000 habi-
tants ;
TUNIS (150,000 habitants) qui a hérité à peu près de la
position de Carthage, sans hériter de sa puissance com-
merciale. Bâtie au fond d'une lagune à l'entrée de laquelle
est la Goulette, le port de Tunis, elle est la résidence du
bey et la place de commerce la plus importante de la ré-
gion.
Les autres villes de la Tunisie sont : Kabès (20,000
habitants), port sur le golfe de son nom, et Kairwan
(50,000 habitants), ville commerçante et industrielle de
l'intérieur, ancienne capitale des possessions arabes en
Afrique.
Dans la régence de Tripoli, on remarque : Tripoli capi-
tale (30,000 habitants), port de commerce ; Benghazi, petit
port assez fréquenté, au pied du plateau de Barcah,
l'ancienne Cyrénaïque ; Mourzouk, capital du Fezzan, cen-
tre important du commerce par caravanes.
En Algérie, ALGER (voir la France avec ses colonies).
Dans le Maroc, Fez (90,000 habitants), la ville la plus
commerçante, la plus industrieuse et la plus savante de
de l'empire ; Maroc (50,000 habitants), cité déchue qui n'est
plus que le centre de l'industrie de la maroquinerie ; Me-
quinez (40,000 habitants), résidence du souverain ; Salé, an-
cien repaire de corsaires ; Mogador, la première place ma-
ritime de l'empire.
Dans le Sahara, Aghadès et In-Salah.
Dans le Soudan, Timbouctou (20,000 habitants), cité long-
temps mytérieuse, connue des Européens depuis le voyage
de Réné Caillié (1830) ; Sakatou et Kano, villes de commerce.
63. Les routes de terre.
— Le Soudan, situé au centre
de l'Afrique et bordé au sud par une région montagneuse
qui le sépare de la côte peu hospitalière de Guinée, n'en-
tretient guère de relations commerciales avec le reste du
monde que par le Sahara ; ces relations sont très-bornées,
tant à cause du peu de richesse des populations nègres du Sou-
dan qu'à cause de la difficulté des communications. Pour se
rendre de Tripoli à Kano, il ne faut pas moins de 70 jours :
le transport se fait à dos de chameau ; la charge d'un cha-
meau est de 3 à 4 cantars, 150 ou 200 kilogrammes, et le
prix de transport revient en général à plus de 1 franc par
kilogramme.
Les principales marchandises que fournit le Soudan
dans ce commerce sont les esclaves, l'ivoire, la gomme
arabique, la cire, l'indigo, la poudre et les anneaux d'or,
les plumes d'autruche, le séné, la noix de gouro, la civette,
les peaux préparées, des vêtements, blouses, chemises,
haicks, etc., teints en bleu ou rayés de bleu, et des voiles
noirs à l'usage des Touaregs. Il achète en échange des co-
tonnades grossières, de la conterie, moins recherchée au-
jourd'hui qu'autrefois, du vieux cuivre, des lames de sa-
bres, des aiguilles, de la bourre de soie, du sel, de petits
miroirs, un peu de sucre et de thé.
Ce commerce auquel les Européens ne prennent aucune
part directe, et dont le total paraît loin d'atteindre la
somme de 10 millions de francs, est entre les mains des
habitants du désert, Arabes à l'ouest, Touaregs au centre,
Tibbous à l'est, qui conduisent les CARAVANES. Leurs prin-
cipales roules sont :
1° Celles qui de l'Ouaday et de Kouka au Bornou ga-
gnent Mourzouk dans le Fezzan, et, de là, la côte à Tripoli
ou à Benghazi : c'est la route la plus courte.
2° Celle qui, par l'oasis d'Asben, conduit de Katsena ou
de Kano à Ghat, puis à Mourzouk ou à Ghadamès, enfin à la
côte, et qui est aujourd'hui la plus fréquentée.
3° Celles qui partent de Timbouctou, le principal marché
du Soudan occidental ; l'une gagne In-Salah, puis de là se
dirige, soit sur Fez par le Touat, soit sur la Tunisie par
El-Ouad, dans l'oasis du Souf, soit sur Ghadamès ; l'autre
gagne directement le Maroc par Mogador ou par Tafilet,
4° Une quatrième direction très-importante des cara¬
vanes est celle qui, du Maroc, va de l'ouest à l'est par le
Touat ou le Sahara algérien à Ghadamès et, de là, dans le
désert de Libye pour atteindre Le Caire ; c'est par là que
passe la grande caravane des pèlerins d'Afrique, allant faire
les dévotions du Rhadaman à la Mecque.
Ghadamès est le point où se rencontrent et se croisent la
plupart des caravanes et le grand marché du désert ; aussi
les habitants de Ghadamès sont-ils les principaux facteurs
du commerce du Soudan avec la côte.
64. Les routes demer. — Les Européens ne participent à ce
trafic que par les marchandises qu'ils achètent ou qu'ils ven-
dent dans les ports et sur quelques marchés voisins des côtes.
Les principaux ports de la Méditerranée sont :
Benghazi qui reçoit de Malte, de la Turquie et de l'Ita-
lie des cotonnades, quelques draps grossiers et de la ver-
roterie en échange des céréales, de l'ivoire, etc.
Tripoli, plus important, quoique son commerce dépasse
à peine 10 millions, reçoit à peu près les mêmes produits
en échange de plumes d'autruche, d'huile d'olive, de cé-
réales, d'ivoire et de beurre.
Sfax et Sousse, petits ports de la Tunisie.
Tunis entretient à peu près les mêmes relations que
Tripoli avec Malte, la France, l'Italie, Gibraltar et l'Égypte.
Son commerce, dépassant 30 millions, consiste en impor-
tation de soieries, devins, de métaux ouvrés, et en expor-
tation de laine, d'huile, de fer, de bestiaux et de céréales.
Philippeville, Alger et Oran sont les principaux ports de
l'Algérie dont le commerce extérieur dépasse 270 mil-
lions. (Voir la Fiance avec ses colonies.)
Mélilla et Ceuta, présides espagnoles, font un très-petit
commerce avec Gibraltar et la côte méridionale de l'Es-
pagne.
Ceux de l'Atlantique sont :
Tanger dont le commerce dépasse 20 millions, El-Arich,
Rabat-Salé, Casa-Blanca, Maragan, Saffi, Mogador qui fait
un commerce de près de 20 millions ; tous ces ports du
Maroc échangent leurs produits agricoles, amandes, huile
d'olives, fèves, pois chiches, mais, leur laine, leurs sangsues,
l'alfa des plateaux et quelques marchandises du Soudan,
comme les plumes d'autruche et la gomme, contre les
cotonnades, les lainages, le sucre, la quincaillerie d'Angle-
terre, de France, d'Espagne et de Portugal ; la plupart
des navires qui trafiquent dans ces parages font escale à
Gibraltar.
Le commerce maritime des côtes barbaresques est d'envi-
ron 370 millions, dont 270 pour l'Algérie, 50 pour le Maroc,
35 pour Tunis, 12 pour Tripoli ; ce commerce qui est
entre les mains des Européens a lieu presque exclusi-
vement avec les ports de la Méditerranée : Marseille, pour
la France; Gibraltar et Malte, pour l'Angleterre ; Cons-
tantinople, pour la Turquie. Une très-petite partie de ce
commerce passe, par les caravanes, jusqu'au Soudan.

CÔTE OCCIDENTALE :

65. Les productions. — La côte occidentale d'Afrique,


fréquentée par le commerce européen depuis la limite du
Sahara jusqu'au cap Negro, se compose de plusieurs par-
ties distinctes : le Sénégal et la Gambie, la Guinée, l'An-
gola et le Benguela. Elle est tout entière située dans la
zone intertropicale ; elle en a les productions : le dourah,
le millet, le riz, le manioc et l'igname qui forment, avec
le fruit du baobab et les bananes, la nourriture végétale
des nègres, et auxquels il faut joindre, dans les parties
hautes, l'orge et le blé ; le cotonnier qui pousse à l'état
sauvage ; le poivrier, l'acacia qui donne de la gomme ara-
bique et qui se trouve surtout au Sénégal ; le lichen qui
donne la teinture rouge ou violette connue sous le nom
d'orseille ; les graines ou fruits oléagineux, tels que l'ara-
chide ou « pistache de terre » ainsi nommée parce que le
fruit à demi formé, s'enfonce en terre pour y achever sa
maturation (figure 36), le béref, la noix de coco, le fruit
du palmier elais qui donne l'huile de palme (figure 37) ; la
noix de touloucouna, le bois de teck que l'on trouve surtout
dans le voisinage de Sierra Leone ; divers bois d'ébénisterie
et de teinture, la gomme fossile dite gomme topai. Dans
toute l'Afrique centrale, on chasse L'ÉLÉPHANT qui peu-
ple les forêts et les vastes savanes de l'intérieur et qui,

en Afrique, est plus grand et plus gros qu'en Asie (voir la


figure n° 38) ; le rhinocéros et l'hippopotame qui, comme l'élé-
phant, fournissent de l'ivoire. Mais le climat très-insalubre
n'a pas permis aux Européens de s'établir ailleurs que sur
quelques points de la côte, et les nègres sont trop peu civi-
lisés et trop peu énergiques pour tirer parti de la fertilité
de leur sol.
Sur divers points du massif montagneux où le Sénégal
et le Niger prennent leur source, on trouve de l'or ; l'An-
gola a du fer, le Benguela, du cuivre ; mais ces richesses
ne sont pour ainsi dire pas exploitées.
L'industrie qui consiste presque exclusivement dans le
tissage des cotonnades bleues destinées à la confection des
pagnes, dans la fabrication de nattes de jonc ou de paille,

d'un peu de fer et de quelques outils, est pour ainsi dire


nulle.
Dans les îles, Madère est renommée pour son vin, ainsi
que les Canaries, qui produisent en outre de la cochenille,
culture récente (750,000kilogrammes); les tles du Cap-Vert
donnent de l'huile de ricin et de l'orseille de bonne qualité ;
l'île Saint-Thomas et l'île du Prince qui donnent du café.
66. Le commerce. — Le commerce est médiocre et ne
se fait guère que dans les comptoirs européens ; on le dé-
signe sous le nom de troque, parce qu'il consiste à troquer
avec les indigènes des marchandises, toujours de qualité
très-commune, cotonnades, et surtout cotonnades ordinai-
rement bleues, dites guinées, poudre, eau-de-vie et vin,
armes, quincaillerie, verroterie, sel, tabac, contre l'ara-

chide dont on exprime en Europe de l'huile comestible,


la noix de touloucouna et la noix de coco qui fournissent
aussi de l'huile, l'huile de palme, la cire, l'ivoire, la poudre
d'or, la gomme arabique, la gomme copal, le caoutchouc
et la gutta-percha, la cire, les bois de construction et de
teinture, l'orseille, etc.
Les esclaves qu'on portail en Amérique ont été long-
temps le principal objet de commerce d'exportation dans
ces parages ; malgré la répression de la traite, cet odieux
commerce n'est pas encore entièrement anéanti.
Les noirs viennent faire la troque dans les comptoirs,
ou sur la côte ou à bord des navires européens et reven-
dent à gros bénéfice dans les marchés de l'intérieur les pro-
duits qu'ils se sont procurés ; le défaut de sécurité, hors
des côtes, la pauvreté, la paresse et le peu de bonne foi des
indigènes font que ce commerce est très-limité. Il atteint à
peine, importation et exportation réunies, 150 millions de
francs dont environ moitié pour l'Angleterre. Le reste est
partagé entre la France et les États-Unis qui sont au second
rang ; l'Espagne et le Portugal, les Pays-Bas qui sont au
troisième rang. Les principaux lieux de commerce sont :
Saint-Louis et Gorée, colonies françaises. (Voir la France avec
ses colonies.)
Sainte-Marie de Bathurst et Free-town, chefs-lieux des
colonies anglaises de la Gambie et de Sierra Leone :
la dernière ville, la plus importante, fait un trafic d'envi-
ron 15 millions de francs qui consiste surtout en bois
de teck, en bois de teinture, en huile de palme et en cuirs.
Monrovia, capitale du petit État nègre de Liberia.
Grand-Bassam et Assinie, comptoirs jadis occupés par les
Français. (Voir la France avec ses colonies.)
.
Saint-Georges d'Elmina, ancien comptoir hollandais,
Cap-Coast, chef-lieu des comptoirs anglais de la côte de
Guinée, Whydah et Lagos qui fait un commerce d'environ
15 millions, le Vieux-Calabar où sont également établis les
Anglais.
Le Gabon, comptoir français. (Voir la France avec ses colonies.)
Ambriz, Saint-Paul de Loanda, Saint-Philippe de Ben-
guela et Mossamèdes, principaux ports des possessions por-
tugaises sur la côte occidentale, exportent de l'orseille, du
coton, de l'ivoire, etc., et font certain commerce avec le
Brésil.
Funchal, malgré les vins de Madère, Punta-Delgada dans
les Açores, Sainte-Croix dans les Canaries, Jamestown à
Sainte-Hélène, sont plutôt des ports de relâche que des
marchés de produits indigènes ; les navires s'y ravitaillent,
y font de l'eau et du charbon.
Toutefois Madère, les Canaries, Fernando-Po et les
ports anglais de la côte sont desservis régulièrement par
des paquebots partant de Liverpool quatre fois par mois.
Deux fois par mois, ces paquebots poussent jusqu'à
Loanda, en desservant le Gabon et les ports de la colonie
portugaise.
LE CAP.

(Voir la carte n° 9).

67. Les productions. — Toute la pointe méridionale de


l'Afrique se compose d'une suite de terrasses qui descen-
dent du plateau austral et que sillonnent plusieurs chaînes
dont quelques-unes ont des sommets assez élevés, surtout
celles de l'est. Dans les parties inférieures, on cultive le
blé et toutes les céréales de l'Europe, quoique le sol soit
sur beaucoup de points trop sablonneux pour être mis en
culture. La vigne, importée par des protestants fuyant la
France après la révocation de l'édit de Nantes, prospère et
donne de gros raisins, peu juteux, mais fournissant des vins
dont quelques-uns sont très-estimés : Pontac et Fronti-
gnan de Constance, Madère du cap Sontac, de Stellen-
bosch, etc. Dans les plaines du littoral de Natal échauffées
par les courants équatoriaux, poussent la canne à sucre, le
cotonnier, le caféier, l'arrow-root. Mais la principale pro-
duction agricole, grâce aux vastes pâturages de la colonie
du Cap et des colonies ou États voisins, est le bétail : les
chèvres, les boeufs, et surtout les MOUTONS à grosse queue,
améliorés par le mélange avec les moutons anglais et les
moutons mérinos ; dans les colonies du Cap et de Natal
on compte plus de 7 millions de moutons, qui, dans cer-
taines fermes, forment des troupeaux de plus de 20,000
têtes ; la majorité appartient cependant à la petite culture.
L'élevage pourrait se développer beaucoup plus rapidement
sans la sécheresse qui y apporte de fréquents obstacles. La
chasse de l'éléphant et de l'hippopotame procure de l'ivoire ;
dans quelques fermes, on élève des autruches pour en avoir
les plumes.
Les mines du pays des petits Namaquas fournissent du
cuivre ; on a découvert de la houille dans la colonie de
Natal.
Dans le pays des Bassoutos, au nord-est de la colonie du
Cap, on a commencé à exploiter récemment et avec beau-
coup de succès de riches mines de DIAMANTS qui, malgré
leur teinte légèrement jaune, ont une grande valeur et qui
ont souvent une grosseur remarquable.
68. Le commerce. — L'Angleterre qui possède le Cap, la
Cafrerie anglaise et Natal, c'est-à-dire tous les ports de la
région méridionale, a presque le monopole du commerce
maritime de cette région, lequel s'élève à environ 130 mil-
lions de francs. Il consiste, à l'importation, en vêtements et
mercerie, en cotonnades, en fer, en cuirs ouvrés, en tissus
divers, en houille, en quincaillerie et produits manufac-
turés de tout genre ; à l'exportation en LAINES assez
,
fines qui se cotent sur le marché de Londres après les
laines d'Allemagne et d'Australie, et dont la valeur est
d'environ 50 millions de francs, en coton brut, en bestiaux
pour les îles de l'Afrique, Sainte-Hélène, Maurice, etc., en
minerai de cuivre, en plumes et autruche, en ivoire, en sucre,
en peaux et aussi, mais en plus petite quantité, en vin, en
café, en arrow-root. Dans ces 150 millions, la France ne
figure guère que pour 1 ou 2 millions. Les ports de cette
région sont :
LE CAP (40,000 hab.), point de relâche très-important
pour les bâtiments qui passent de l'océan Atlantique dans
l'océan Indien ; cette ville est située presque à l'extrémité
du continent africain, au fond de la baie de la Table et au
pied de la montagne du même nom (figure 39), qui se dresse
presque à pic à une hauteur de plus de 1,000 mètres. L'été,
les navires y sont à l'abri des vents du sud-est qui ré-
gnent dans ces parages, ou se réfugient au nord dans la baie
de Saldanha, quand surviennent de violentes raffales de
l'ouest ; l'hiver, à l'époque des vents de nord-ouest, ils
vont chercher leur abri de l'autre côté du cap de Bonne-
Espérance dans Mossel-bay ou Simon's-bay. (Voirie carton de
la carte n° 8.)
Port-Élisabeth, le port de Uitenhagen, capitale de la pro-
vince de l'est, a moins d'importance que le Cap, comme
port de relâche ; mais il occupe le premier rang sous le
rapport du trafic et fait un commerce de prés de 70 mil-
lions de francs, consistant surtout en laines, peaux, plumes
d'autruche.
East-London, le port de la Cafrerie anglaise.
D'Urban, situé sur la vaste baie ou, pour mieux dire,
sur le lac nommé Port-Natal ; son commerce atteint déjà
15 millions de francs. Il communique avec Aden et de là
avec l'Europe, par des paquebots qui font escale à Quiloa
et à Zanzibar.

CÔTE ORIENTALE ET ÎLES.

69. Les productions. — La côte orientale de l'Afrique


offre aux échanges encore moins de ressources que la côte
occidentale ; sa population toute sauvage est sans aucune
culture régulière, sinon dans quelques petites îles de la côte,
Mozambique, Zanzibar, etc. Les indigènes se nourrissent
de millet, de riz, de manioc, d'igname, de patates et de
noix de coco ; ils cultivent pour le commerce un peu de
tabac et de sésame, des clous de girofle à Zanzibar ; et ils
récoltent sans aucune culture le fruit du tamarinier et l'or-
seille dans les forêts, la gomme copal dans la terre où elle
se trouvé enfouie.
L'île de MADAGASCAR, mieux douée ou du moins habitée
par une population moins barbare, donne, à part le bois
qui est rare, des produits assez variés : ceux des régions tro¬
picales, riz, coton, canne à sucre, café, indigo, cacao,
dans ses plaines basses et ordinairement malsaines ; ceux
des régions tempérées, blé, mais, orge, raisin, sur les pla-
teaux. Le bétail, boeufs à bossse, moutons et porcs, vit en
assez grand nombre dans les vastes pâturages des parties
supérieures de l'île. Les abeilles y donnent un miel vert
estimé. Les montagnes renferment des métaux dont plu-
sieurs sont exploités, du fer particulièrement, et certaines
pierres précieuses, telles que le rubis.
Les deux principales îles du groupe des MASCAREIGNES
sont LA RÉUNION, colonie française (voir la France avec ses colo-
nies) et MAURICE, devenue colonie anglaise depuis le com-
mencement du siècle. Ce sont des pays civilisés, cultivés prin-
cipalement par des propriétaires d'origine européenne qui
ont sous leurs ordres des ouvriers nègres ou des coolies in-
diens, et produisant en abondance, indépendamment des
vivres qu'on ne cultive qu'en quantité insuffisante, le SUCRE,
le coton, le rhum et le CAFE.
70. Le commerce. — Le commerce de la région orien-
tale de l'Afrique peut se diviser en deux catégories bien
distinctes : le commerce des contrées civilisées, c'est-à-dire
des colonies anglaises et françaises situées dans quelques
petites îles, lequel s'élève à environ 190 millions de francs et
se trouve principalement entre les mains des Anglais et des
Français ; le commerce des contrées barbares, c'est-à-dire de
Madagascar et de la côte, qui est en grande partie aux
mains des Arabes et des Banians venus de l'Inde, et qui ne
paraît guère dépasser 35 à 45 millions de francs,. Ces Bamans,
établis à Zanzibar et dans les petits ports, font eux-mêmes
directement une partie du trafic entre la côte et l'Inde,
avec des boutres montés par des Hindous ou des Arabes
et naviguant toujours vent arrière au gré des moussons ;
pour l'autre partie, ils servent d'intermédianes entre
les Européens et les indigènes ou les Arabes qui, presque
seuls, s'aventurent loin de la côte et vont faire la troque
avec les tribus de l'intérieur jusque dans la région des
grands lacs. Outre l'ivoire et les plumes d'autruche, princi-
pales marchandisesqu'on tire de l'intérieur, les Arabes ra-
mènent un grand nombre d'esclaves, qui sont encore l'objet
d'un trafic journalier dans l'Afrique orientale.
Les principaux ports de la région civilisée sont :
Mayotte, Sainte-Marie, Saint-Denis, Saint-Pierre, dans
les possessions françaises. (Voir la France et ses colonies.)
PORT-LOUIS (75,000 hab.), chef-lieu de l'île Maurice, le
seul bon port existant dans la portion méridionale de l'o-
céan Indien. Il reçoit des boeufs de Madagascar, des mou-
tons du Cap, du riz et des coolies de l'Inde, des produits de
toute espèce de l'Angleterre, des vins et divers autres pro-
duits de la France ; il exporte plus de 100,000 tonnes de SUCRE
pour l'Angleterre, l'Australie, et une quantité relativement
minime de rhum, etc. Son commerce est de plus de
120 millions de francs : l'Angleterre y figure pour le tiers
environ ; l'Australie et l'Inde, chacune pour un sixième ; la
France, pour un huitième ; le reste se partage entre l'A-
frique, l'Espagne et l'Amérique. Un service régulier de
bateaux à vapeur relie Maurice et la Réunion à la malle
de Suez.
Les principaux ports de la région barbare sont :
Inhambane, Quilimane, Mozambique, colonies portu-
gaises de la côte du Mozambique, qui ont depuis longtemps
perdu toute activité commerciale ; cependant Mozambique,
situé dans une île, fait avec la côte, surtout à la foire de
Moussouril, un certain commerce de poudre d'or, d'ivoire,
d'orseille, de peaux et d'écaillé.
Quiloa, Zanzibar, Pemba, Monbaz sur la côte du Zan-
guebar ; Zanzibar (80,000 hab.), situé dans l'île de ce nom,
capitale d'un petit État indigène qui était naguère sous la
même autorité que Mascate, entretient avec l'Arabie et
l'Inde, à l'aide des moussons, et avec l'Europe, à l'aide des
paquebots d'Aden à Port-Natal, de fréquentes relations.
C'est le centre des affaires de cette région ; il s'y fait un
commerce d'environ 22 millions de francs.
Berbera, qui n'est qu'un village à peine habité pendant
la plus grande partie de l'année, devient à l'époque où la
mousson y amène les boutres de l'Inde et de l'Arabie, la
foire la plus animée de toute la côte de Somal. Il s'y fait un
trafic de poudre d'or, d'ivoire, de plumes d'autruche, de
nacre, de parfums, de bestiaux, contre des cotonnades, des
tissus, des métaux, des armes, etc., trafic évalué à plus de
12 millions.
Tamatave (3000 hab.), ville fortifiée, la baie Majaugaie et
la baie de Saint-Augustin sont les ports de Madagascar.
71. Le résumé des forces productives de l'Afrique. —
L'Afrique est pauvre. La faute en est d'abord à la nature
qui l'a coupée au nord par un immense désert, qui lui a
donné, relativement à son étendue, très-peu de côtes, qui
a donné à ses côtes un climat malsain, qui les a séparées
du plateau central par une barrière continue de montagnes ;
la faute en est ensuite à l'homme, qui vit presque partout
dans la plus grossière barbarie.
La POPULATION de cette partie du monde est évaluée,
d'une façon tout hypothétique, entre SOIXANTE et CENT
MILLIONS d'individus. Elle se compose d'environ 1 million
d'Européens ou de descendants d'Européens, habitant les
colonies ; de 18 à 20 millions d'indigènes plus ou moins civi-
lisés, formant la population des États de la côte méditerra-
néenne et des possessions européennes ; enfin d'indigènes,
formant la population de l'intérieur, population presque
toute de noirs, n'ayant au nord qu'une civilisation très-
rudimentaire, et vivant, au sud du Soudan, à l'état sauvage.
Grâce à la chaleur du climat, cette population éprouve peu
de besoins ; et en raison de son ignorance, elle n'en peut
satisfaire qu'un très-petit nombre ; ses villages ne sont que
des amas de huttes, appelés « kraals », ayant, dans l'Afrique
australe principalement, la forme de meules de foin ou de
nids de termites. (Voir la fig. 40).
L'industrie, hors des États barbaresques, peut être con-
sidérée comme absolument nulle. L'agriculture prospère
dans quelques-unes des colonies européennes, comme. Ma-
dère, la Réunion, Maurice, le Cap, l'Algérie, et dans l'É-
gyple ; elle fournit au commerce du COTON, du SUCRE, du
vin, du café, du bétail el de là LAINE ; mais elle est à l'état
le plus primitif dans tout le reste de l'Afrique, excepté peut-
être au Soudan, et, à part. l'ARACHIDE et le sésame, elle ne
donne rien au commerce. Les autres produits, la gomme
arabique, la gomme copal, l'HUILE DE PALME ou de coco, le
tamarin, l'orseille, le séné, viennent dans les bois ou sur la

terre, sans que l'homme ait à prendre d'autre peine que


de récolter ; il en est de même de l'IVOIRE, des plumes d'au-
truche et de l'or.
Le commerce intérieur est très-médiocre, comme en
témoigne celui des caravanes du Sahara le seul qu'on
puisse apprécier et qui est au-dessous de 10 millions ;
le commerce extérieur par terre, qui passe par l'isthme de
Suez, est assez peu important pour être négligé dans une
statistique.
Le commerce maritime atteint à peine 1 milliard 1/2 de
francs, tandis que celui de l'Europe, dont la population
n'est probablement pas quadruple de celle de l'Afrique et
dont la superficie est trois fois moindre, dépasse 30 mil-
liards. Sur ces 1,450 millions, le tiers (500 millions) re-
vient à l'Égypte, le sixième à peu près à l'Algérie (250
millions), 1/8 à Maurice et à la Réunion (190 millions) et
1/10 aux colonies anglaises du Cap (130 millions), le reste,
c'est-à-dire environ 300 millions, se partage entre les trois
côtes du nord (États barbaresques, 117 millions), de l'oc-
cident (150 millions) et de l'orient (40 millions). Les pays
étrangers qui y prennent la plus grande part sont, en pre-
mier lieu, les nations maritimes de l'EUROPE, et par ordre
d'importance l'ANGLETERRE, la France, l'Espagne, l'Alle-
magne, l'Italie, l'Autriche, le Portugal et la Turquie ; en se-
cond lieu les États-Unis ; en troisièmelieu l'Inde et l'Arabie.
CINQUIÈME PARTIE.
.

L'ASIE

1re section.

LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.

(Voir la carte n° 10.)

72. La situation et les dimensions. — L'ASIE est la plus


grande des cinq parties du monde. Elle est située à l'est de
l'ancien continent, d'une part, entre le 78e et le 1er degré de
latitude septentrionale, d'autre part, entre 23° 45' et 178° de
longitude orientale. Sa forme générale pourrait être repré-
sentée par un hexagone irrégulier dont les deux côtés orien-
taux, bornés par l'OCÉAN PACIFIQUE et formant presque le
prolongement de la même ligne, iraient, le premier du cap
Tchoukotzkoi à l'entrée du détroit de Behring, au cap King
dans le Japon, le second, du cap King au cap Romania en
Indo-Chine ; le côté méridional, borné, par l'OCÉAN INDIEN
et profondément échancré par le golfe du Bengale et la
mer d'Oman irait du cap Romania au détroit de Bab-el-
Mandeb ; le côté sud-ouest, borné par la mer Rouge, par
l'isthme de Suez qui la rattache à l'AFRIQUE, et par la MÉ-
DITERRANÉE, irait du détroit de Bab-el-Mandeb au détroit
des Dardanelles ; le côté nord-ouest, borné par l'EUROPE
(mer Noire, Caspienne, Russie), irait du détroit des Darda-
nelles à l'embouchure de la Kara, en enfermant la Russie
orientale, qui a précisément un caractère asiatique très-ac¬
centué ; le côté septentrional, borné par l'OCÉAN GLACIAL, de
l'embouchure de la Kara au cap Tchoukotzkoi. Et, comme
les deux côtés du nord et du nord-ouest forment à peu près
une même ligne droite, ainsi que les deux côtés de l'est,
on peut se représenter l'Asie comme un immense quadrilatère,
dont les détroits de Behring, de Malacca, de Bab-el-Mandeb
et des Dardanelles sont les sommets. Dans sa plus grande lon-
gueur du nord au sud, du promontoire Sacré au cap Romania,
elle mesure environ 8,500 kilomètres ; dans sa plus grande
largeur, du détroit des Dardanelles au cap King, environ,
9,800 kilomètres, ou de l'isthme de Suez au détroit de Beh-
ring, 10,630 kilomètres. Sa SUPERFICIE est de PLUS DE 42 MIL-
LIONS DE KILOMÈTRES CARRÉS (environ 42 millions 1/2 avec
les îles).
73. Les côtes et les îles. — Les côtes de l'Asie se divisent
en quatre parties, correspondant aux océans ou mers qui
les baignent :
1° La côte de l'océan Glacial est, en général, très-basse,
plate, bordée par ces immenses marécages qu'on nomme
« toundras », et ne présente que rarement des rochers ou
des écueils. Les seuls points où la côte se dresse à pic sont
la pointe septentrionale du cap Taymer et celle du cap
Chéliouskine. Elle est cependant découpée par un certain
nombre de golfes, dont les principaux sont les estuaires de
ses grands fleuves, golfe de l'Obi, golfe de l'Iénisséï, etc.,
et projette plusieurs longs promontoires, dont le principal
est le promontoire Sacré ou cap Sévero-Vostokhnoi, la
pointe la plus avancée (78° de lat. nord) des deux continents
vers le pôle nord. A son extrémité orientale, cette côte tourne
au sud, devient élevée et rocheuse et s'ouvre pour laisser
passage au DÉTROIT DE BEHRING ; elle y projette le cap
Oriental qui fait face au cap du Prince de Galles en Amé-
rique et le cap Tchoukotzkoi. Dans la saison froide qui
dure près des trois quarts de l'année, la glace forme de ce
côté, entre les deux continents, un pont par lequel ont passé
et repassé les peuplades des régions boréales.
Le seul groupe d'îles à citer dans l'océan Glacial est
celui des îles Liakhow, terres glacées et absolument dé-
sertes.
2° La côte de l'océan Pacifique se divise elle-même en
trois parties. La côte nord-est est en général élevée, ro-
cheuse, mais glacée et peu habitée. Le KAMTCHATKA y pro-
jette sa longue et haute presqu'île volcanique, terminée
par le cap Lopatka. A l'est du Kamtchatka, est la mer de
Behring ; à l'ouest, la MER D'OKHOTSK qui reçoit un très-
grand nombre de petits cours d'eau ; puis en se dirigeant
vers le sud, la Manche de Tarrakai, la MER DU JAPON, le dé-
troit de Corée, région très-poissonneuse. Au delà, de la pres-
qu'île de CORÉE qui ferme, à l'est, la MER JAUNE terminée
par le golfe de Pé-tchi-li, commence la partie centrale,
c'est-à-dire la côte de Chine. Cette côte est généralement
basse, monotone, excepté dans la presqu'île assez élévée et
abrupte du Chan-toung (montagne de l'est) ; au Sud, le long
des deltas formés par l'ancien estuaire du Hoang-ho et par
les bouches du Yang-tsé-kiang, la rive est particulièrement
très-basse et rappelle celles des Pays-Bas ; la mer est sans
profondeur et vaseuse. La côte se relève au sud du Yang-
tsé-kiang dans la MER ORIENTALE OÙ elle est découpée en
une multitude de petites baies et d'estuaires, toute bordée
de petites îles rocheuses et longée par des courants qui
partent du sud ; le plus important des estuaires est la Bou-
che du Tigre 1 qui conduit à Canton. Dans la partie mé-
ridionale, le long de la MER DE CHINE, la côte est peu hos-
pitalière ; elle forme toutefois les grands GOLFES DE TONKIN
et DE SIAM, avec un assez grand nombre de petites baies,
telles que celle de Tourane, etc., et possède quelques em-
bouchures de fleuves capables d'abriter des ports, entre
autres celles du Cambodge et du Mé-nam ; elle se termine
1. C'est la principale embouchure du Chou-Kiang ou rivière de
Canton, ainsi nommée à cause d'une île qui se trouve au milieu et
qui, de la haute mer, offre une certaine ressemblance avec un tigre
accroupi.
par la longue et aride PRESQU'ÎLE DE MALACCA, dont le cap
Romania et la petite île de Singapore qu'il abrite forment
l'extrémité.
Les îles de l'océan Pacifique font partie de la charpente
du continent asiatique ; elles sont le prolongement de ses
chaînes, ou la digue qui le défend contre les flots de l'O-
céan et que l'Océan a peut-être autrefois détachées de la
terre ferme (voir § 127). Ces îles, presque toutes volcaniques,
sont les Kouriles ; Tarrakaï ; les ÎLES JAPONAISES, Yéso, Nip-
pon, Sikof, Kiou-siou, dont les côtes, en général élevées,
rocheuses, très-profondément découpées par une multitude
de petites baies et de ports naturels, sont toutes bordées
au sud d'îles et d'îlots volcaniques ; les îles Liéou-kiéou ; près
de la côte chinoise, Formose (Taiwan en chinois) où s'étale
avec une luxuriante richesse la végétation des tropiques,
qui l'a fait nommer « la Belle » par les Portugais et où
abondent des oiseaux d'espèces très-variées, et Haïnan.
3° La côte de l'océan Indien peut être divisée en trois
parties :
La côte du GOLFE DU BENGALE commence au sud-est,
à l'entrée du DÉTROIT DE MALACCA, principale jonction du
Pacifique avec l'océan Indien ; elle longe d'abord la pres-
qu'île de Malacca, est bordée de quelques îles, Poulo-
Pinang, l'archipel Merghi, etc., et forme à l'embouchure
de l'Iraouaddy, un promontoire avancé de terres basses 1

qui borne à l'ouest le golfe de Martaban. Elle s'enfonce


vers le nord-ouest, jusqu'au vaste delta du Brahmapoutra
et du Gange où elle est bordée de bas-fonds, d'îles basses,
marécageuses, couvertes de roseaux ou d'arbres, sillonnées
par les nombreux canaux des deux fleuves. A l'ouest du
delta, la côte prend la direction du sud-ouest : ce sont d'a-
bord des rives basses, des plages avec une mer sans pro-
fondeur sur la côte d'Orissa et des bancs de sable ; puis, sur
la côte de Coromandel, des falaises. Mais la mer reste tou-

1. Excepté à l'ouest.
jours sans profondenr et l'accès du rivage est rendu dange-
reux par le ressac (voir § 39) : aussi cette côte est-elle complé-
tement dénuée de bons ports. Une chaîne de récifs, nommée
le Pont d'Adam, qui empêche toute grande navigation dans
le détroit de Palk et dans le golfe de Manaar, relie la côte
méridionale à la grande ÎLE DE CEYLAN, bordée de lagunes,
mais montueuse au centre et parée d'une végétation lu-
xuriante, A l'extrémité de l'Inde, est le CAT COMORIN, pro-
montoire élevé (1,400 mètres) qui sépare le golfe du Ben-
gale de la mer d'Oman.
La côte occidentale de l'Inde, baignée par la MER D'OMAN,
et élevée à cause du voisinage des Ghats, est rocheuse et
peu hospitalière sur la côte de Malabar ; plus découpée
par des estuaires favorables au commerce sur la côte
de Concan, avec quelques îles, entre autres l'île Salsette
où est Bombay ; généralement basse et marécageuse et
exposée aux coups de mer, au nord, sur les bords du golfe
de Cambaye, de la presqu'île de Guzerate, du golfe de
Koutch et du delta de l'Indus.
1

La côte de l'Iran et de l'Arabie est sablonneuse, brû-


lante, sans eau, sans port et presque sans habitants, depuis
le delta de l'Indus jusqu'au détroit d'Ormuz qui donne en-
trée dans le GOLFE PERSIQUE. Le golfe Persique, princi-
palement sur la côte arabique, est tout parsemé d'îles :
îles Bahreïn, île Kischm, etc., d'îlots et de récifs de corail ;
ses côtes, arides et inhospitalières, n'offrent à la navigation
qu'un très-petit nombre d'anses et de ports médiocres.
La côte de l'Arabie sur la mer d'Oman est presque partout
haute, beaucoup plus inhospitalière encore que la précé-
dente, avec quelques îles et un seul bon port abrité par
un long promontoire, le portd'Aden.
La côte de l'Arabie sur la MER ROUGE est aussi une côte
inhospitalière, toute bordée de récifs de corail et dont les

1. En 1819, le Runn de Koutch fut envahi par la mer sur une sur-
face de plus de 5000 kilom. carrés.
navires ont soin de se tenir éloignés ; on y entre par le DÉ-
TROIT DE BAB-EL-MANDEB, dans lequel est la petite île Périm ;
quelques rares ports, comme celui de Djeddah, se trouvent
sur les parties accessibles de la côte ; au nord, le massif
montagneux du Sinaï sépare le golfe d'Akaba du golfe de
Suez.
Les principales îles de l'océan Indien, sont : dans le
golfe de Bengale, la chaîne des îles montueuses et boisées
d'Andaman et de Nicobar ; dans la mer d'Oman, la longue
chaîne madréporique dés îles Laquedives et Maldives, îles
basses, couvertes de cocotiers et enveloppées de récifs,
comme toutes les formations madréporiques.
4° La côte de la Méditerranée se divise en deux par-
ties :
La côte de la MÉDITERRANÉE proprement dite, est en
général élevée et peu préparée par la nature à abriter le
commerce ; mais placée au point de contact maritime de
l'Asie avec l'Europe, elle a conduit les hommes à profiter
des moindres accidents du rivage pour établir des ports.
Basse et perdue en quelque sorte dans les roseaux au fond
du golfe d'Alexandrette, et du golfe de Tarsous, elle se
relève et devient accidentée au sud de l'Asie Mineure, sans
être beaucoup plus hospitalière ; elle dessine le golfe d'An-
talie. A l'ouest, où l'ARCHIPEL la baigne, elle se découpe
profondément avec des côtes hautes et de profondes baies,
comme celles de Skala-Nova, de Smyrne, etc., qui malheu-
reusement sont en partie ensablées, mais où néanmoins le
commerce a pu, de tout temps, facilement embarquer et
débarquer ses marchandises.
La côte de la MER DE MARMARA et de la MER NOIRE est
élevée, comme presque toutes les côtes de l'Asie mineure.
Deux détroits qui sont, pour ainsi dire, des canaux mariti-
mes, le DÉTROIT DES DARDANELLES et le BOSPHORE séparent
par un étroit intervalle la côte asiatique de la côte euro-
péenne. Sur la mer Noire, il y a plusieurs caps qui abritent
des ports, cap Indehé, etc., mais aucune baie profonde.
Dans la Méditerranée, se trouvent en grand nombre des
îles fertiles et célèbres : CHYPRE (plus de 14,000 kil. c.)
est hérissée de deux massifs montagneux dont le principal,
le mont Olympe, est au sud-ouest ; ils donnent naissance à
de nombreux torrents et séparent de belles plaines, entre
autres la Messaorée. Une longue rangée d'îles, Rhodes, Cos,
Samo, Chio, Métélin, l'ancienne Lemnos, borde la côte oc-
cidentale de l'Asie Mineure, îles montueuses, assez boisées
sur les hauteurs et fertiles dans les vallées.
74. Le relief du sol. — Vu à vol d'oiseau, le relief de
l'Asie présente un dessin compliqué. Au CENTRE, c'est un
VASTE PLATEAU, ou plutôt une succession de plateaux,
s'abaissant graduellement vers le nord, coupés de hautes
arêtes montagneuses, dont la directiongénérale est de l'ouest
à l'est, et s'appuyant au sud sur ceinture de montagnes
très-élevées. AU NORD et au nord-ouest de ce plateau, une
PLAINE BASSE, d'immense étendue, se confond, à son extré-
mité, avec l'océan Glacial. A L'EST, une grande plaine
aboutit à l'océan Pacifique en face d'un rideau d'îles. Au
sud-est, une longue suite de chaînes semblent être les
contre-forts avancés et les étais du plateau. AU SUD et à
l'OUEST sont quatre plateaux distincts : deux d'entre eux
sont isolés et chacun d'eux forme une des TROIS GRANDES
PÉNINSULES asiatiques ; deux sont réunis au plateau central
par des massifs montagneux qui sont comme les ponts des
terres hautes, l'Hindou-kouch entre le grand plateau et
l'Iran, le massif arménien entre l'Iran et le plateau d'Asie
mineure. Ces plateaux séparent eux-mêmes de larges plai-
nes ou des vallées et sont bordées en général de montagnes
ou de terrasses montagneuses, qui relient les terres hautes
aux terres basses et qui descendent, pour la plupart, jusque
sur le rivage de la mer. De cet ensemble, il résulte quatorze
régions :
1°La RÉGION DE L'HIMALAYA est en quelque sorte le noeud
principal du système asiatique tout entier et renferme les
plus hautes montagnes du globe.
La CHAÎNE DE L'HIMALAYA forme un grand arc de cercle
de 2,500 kilomètres de longueur, ouvert du côté du nord
et légèrement incliné vers le sud-est. Elle s'élève brusque-
ment au-dessus de la plaine unie de l'Hindostan, comme
un gigantesque entassement de montagnes aux sommets
arrondis, étagées en amphithéâtre, les unes derrière les
autres, sur une largeur de plus de 200 kilomètres. Au pied
de la chaîne, règne en général une bande de terres sa-
blonneuses et marécageuses, région très-insalubre, dite
Terai. Sur les premières montagnes, disposées comme un
espalier pour recevoir les rayons du soleil, la végétation
est celle des tropiques : les bambous, les palmiers y abon-
dent. A mesure qu'on s'élève, les plantes de la zone tem-
pérée les remplacent et, jusque vers une altitude de
3,000 mètres, on trouve quelques cultures et de vastes
herbages parsemés de saules, de tilleuls, de sycomotes, d'é-
rables, de chênes, de genévriers, de magnolias, de rhodo-
dendrons, de mélèzes, de pins, et de cèdres, au milieu des-
quels se distingue le gracieux cèdre déodara ; là se trouvent
de belles et fertiles vallées, dont quelques-unes, comme la
vallée de Cachemire, sont renommées. Au delà, rien que des
herbes au milieu des rochers ; puis, au-dessus de 4,000 m.,
toute verdure cesse : on ne voit plus que la roche nue, les
glaciers, et vers 5,300 mètres, les neiges éternelles qui ont
valu à la chaîne le nom d'Himalaya, c'est-à-dire « séjour
de la neige » : certains glaciers y ont plus de 50 kil. de
longueur.
Aucun système de montagnes ne présente un aussi grand
nombre de pics élevés (voir le carton de la carte n° 10 et la fi-
gure n° 41), le GAURISANKAH 1 OU mont Everest (8,832 MÈTRES),
LA PLUS HAUTE MONTAGNE DU GLOBE ; le Katschin-Djinga
(S.380 m.), dans le Sikkim; le Dhaivala-Gin (8.170 m.)
et près de deux cents autres sommets dépassant 6,000 mè-

1. Gaurisankar est le nom que lui donnent les Hindous ; les Tibétains
le nomment Chingo-Pamari; Everest est le nom d'un officier anglais.
très et que nul homme n'a jamais gravis Des gorges
étroites et tortueuses contournent les divers étages de ces
sommets et conduisent les eaux dans la vallée du Gange.
Les hautes montagnes du faîte ne dominent que de 4
à 5,000 mètres le sol du côté du nord ; aussi, en descen-

dant sur le revers septentrional, on atteint promptement,


vers 4,000 mètres d'altitude, les premières terrasses du
plateau tibétain ; de sorte qu'à proprement parler l'Hima-
laya est le talus méridional, talus rugueux et rapide, du
grand plateau central.
1. On a fait l'ascension d'une montagne du Karaforam (Ibï-Gamin),
haute de 6,700 mètres.
2° La RÉGION DU GRAND PLATEAU CENTRAL est, comme son
nom l'indique, un immense plateau formant un quadrila-
tère de 5 millions de kit. carrés, dont le sommet est dirigé
vers le nord-est. La partie la plus élevée est le côté sud-
ouest, c'est-à-dire le PLATEAU TIBÉTAIN dont l'altitude est
de 4 à 5,000 mètres : c'est donc le plus haut plateau du globe.
Il est encore peu connu. Il est traversé de l'ouest à l'est par
une profonde et étroite vallée à double pente, et formant
deux plans doucement inclinés, l'un à l'ouest, par la vallée
de l'Indus ; l'autre à l'est, par la vallée du Dzang-bo. C'est
une région froide et sauvage ; dans la partie orientale du
Ladak, le terrain est plus accidenté et les vallées sont plus
riantes; au nord se trouve la haute chaîne du KARAKORAM
dont le principal sommet, le Dapsang (8,630 m.), égale
presque les géants de l'Himalaya et dont les cols sont à une
altitude de plus de 5,000 mètres. A son extrémité orientale,
le Karakoram se continue par la chaîne dite Kouen-loun.
très-peu connue et dont l'importance et même l'existence
est contestée par plusieurs géographes.
Les pentes septentrionales du Kouen-loun descendent
jusqu'à un plateau de 1,200 mètres d'altitude environ qui se
prolonge sous la forme d'une immense steppe en grande
partie déserte : c'est le plateau du Turkestan chinois ou
Thian-chan-nan-lou, c'est-à-dire pays au sud des Thian-
chan ; à l'est, est le massif montagneux du Khou-khou-noor,
dont les principales chaînes, les monts Baian-khara et les
monts Kihen-chan ou « monts neigeux » ont des neiges
éternelles. Au pied de ces derniers et d'une portion du
Kouen-loun, s'étend un troisième et vaste plateau de plus
d'un million de kilomètres carrés, qui ne mesure guère en
moyenne que 800 à 1,000 mètres d'altitude ; mais il est
presque partout sablonneux, sans eau, à peine recouvert,
sur quelques points, d'herbe et de maigres buissons, balayé
par des vents terribles et généralement très-froids : c'est le
DÉSERT DE GOBI.
An nord du Turkestan chinois et au nord-ouest du désert
de Gobi commencent les talus septentrionaux du plateau
qui descendent vers la grande plaine du nord. Les MONTS
CÉLESTES (THIAN-CHAN en chinois), haute muraille aux cols
élevés, en partie couverte de neiges perpétuelles, renfer-
mant un grand nombre d'anciens volcans et contenant
même encore des puits de feu, et les monts Ala-tau et Tur-
bagatai forment, après l'Himalaya et le Kouen-loun, deux
nouveaux étages consécutifs de cet escalier gigantesque,
conduisant au pied du versant septentrional. Sur une troi-
sième ligne viennent les MONTS ALTAÏ, ou « monts d'or »,
ainsi appelés à cause de leurs mines et composés de hauts
plateaux marécageux avec quelques sommets dont un des
plus élevés, le Belouka, atteint 3,000 mètres ; les monts
Sayansk, et les monts Kentei qui constituent pour ainsi dire
la pointe nord-est de ce dernier gradin du talus du plateau.
Les chaînes se prolongent au nord-est par les monts Iablon-
noi, c'est-à-dire en russe « monts des pommes », qui sont
de simples plateaux, s'étendant au nord par une série de
monticules boisés, et par les monts Stanovoi « monts nei-
geux », ou monts Djoukjour qui semblent se prolonger par
des plateaux jusqu'au cap Oriental, sans se rattacher direc-
tement au chapelet des hauts volcans du Kamtchatka. Toute
cette ligne dont l'altitude varie entre 2,000 et 1,000 mètres
est désignée quelquefois sous le nom de système Daurique
par les géographes ; ce système enveloppe le lac Baïkal et
projette de longs plateaux de 4 à 600 mètres d'altitude, et
même quelques chaînons plus élevés, à travers le bassin de
la Léna et jusqu'aux bords de l'Lenisséi.
Enfin, à l'ouest du grand plateau et à l'extrémité septen-
trionale de la chaîne himalayenne, une longue terrasse,
sillonnée de plusieurs rangées de hautes collines, relie le
grand plateau à la plaine du Turkestan, et constitue en
grande partie le PLATEAU DE PAMIR. C'est là que les géo-
graphes plaçaient naguère encore une grande chaîne
transversale, le Bolor-Dagh qui, en réalité, n'existe pas. Ce
n'en est pas moins un noeud orographique fort important:
puisqu'il réunit, comme par un môle gigantesque les deux,
principaux plateaux de l'Asie, le plateau central à son extré-
mité sud-ouest et le plateau de l'Iran à son extrémité nord-
est ; et qu'il sépare en même temps deux des principa-
les plaines, celles du Turkestan au nord-ouest et celle
de l'Hindostan au sud-est. Aussi n'y a-t-il peut-être pas
d'endroit au monde par où aient passé autant d'invasions
et de migrations de peuples ; et une opinion très-recom-
mandable y place même le berceau primitif du genre hu-
main.
3° LA REGION DE LA GRANDE PLAINE DU NORD ET DU NORD-
OUEST, aussi grande que l'Europe entière, et que l'étroite
muraille des monts Ourals sépare à peine de la plaine de
Russie, se compose de deux parties, le Touran et la Sibérie,
Le TOURAN ou plaine du Turkestan et des Kirghises est une
plaine généralement basse, inférieure même, sur certains
points, au niveau de l'Océan ; elle se relève peu à peu à l'est
vers le plateau de Pamir jusqu'au plateau central sur lequel
s'étend encore le Turkestan (Turkestan chinois) et à l'ouest
sur le plateau d'Oust Ourt qui sépare la mer d'Aral de la
mer Caspienne. Le Touran est une steppe presque partout
nue, stérile, sauf sur le bord de quelques rares cours d'eau,
ondulée de dunes sablonneuses dans le sud, et d'une multi-
tude de collines pierreuses dans le nord-est.
LA PLAINE DE SIBERIE, formée de terrains tertiaires et
alluvionnaires, descend par une pente insensible vers l'o-
céan Glacial, et se confond en quelque sorte avec lui dans
d'immenses marécages saumâtres, dits toundras : ceux-ci
ne sont, durant la plus grande partie de l'année, qu'un
champ de glace et de neige ; durant l'été, ils présentent pour
toute végétation, à côté des lagunes, quelques rares prairies,
des mousses et des lichens ; les toundras d'Europe en sont
une dépendance.
4° LA RÉGION DE LA CHINE aux plaines renommées pré-
sente cependant des parties élevées et accidentées par les
contreforts orientaux du plateau central. Au nord une
première région montagneuse et généralement stérile est
formée par les monts In-chan ou « monts d'argent et par
»

les KHIN-GHAN dont la crête a de 1,000 à 2,600 mètres ;


c'est le talus oriental du désert de Gobi qui projette dans
la Chine septentrionale, jusque dans la Corée et le long
de la côte de la mer du Japon, de nombreuses ramifica-
tions. Dans les montagnes du sud, surtout dans le Yun-nan
et le Ssé-tchouen, on trouve beaucoup de puits de feu,
émissions de gaz hydrocarburé, qui brûle continuellement
et que les habitants emploient à divers usages. De ce côté,
le talus du grand plateau donne naissance à un enchevê-
trement de montagnes mal connues, qu'on nomme quel-
quefois Pé-ling au nord du Yang-tsé-kiang, Nan-ling au
sud, mais qui porte quelquefois aussi le nom général de
Nan-chan ou « monts du sud » et qui projette de nombreux
rameaux, dont quelques-uns, sous le nom de Mei-ling, et
Yu-ling, s'étendent jusqu'à la côte. C'est au pied et même
entre les pentes des collines et des montagnes, et enfin sur
toute la partie nord-est de la Chine propre, que s'étend la
plaine proprement dite, fertile, bien arrosée et bien cul-
tivée, très-basse dans le delta du Hoang-ho et du Yang-tsé-
kiang.
5° La RÉGION DE L'INDO-CHINE, généralement monta-
gneuse, se compose d'un grand plateau, le LAOS, tout
hérissé de montagnes de granit ou de marbre et qui se
rattache par les monts Lang-tan à l'Himalaya. Il est pro-
fondément sillonné d'étroites vallées séparées par plu-
sieurs chaînes boisées qui se détachent du plateau vers le
sud et dont la plus longue s'étend, mais avec une très-mé-
diocre altitude et une dépression au centre, jusqu'à la
pointe de la presqu'île de Malacca, dans le voisinage de
l'équateur. De basses plaines d'alluvion sont formées par
les fleuves près de leurs embouchures.
6° La RÉGION DU KAMTCHATKA ET DES ÎLES JAPONAISES est
un long cordon d'origine volcanique, qui' s'étend du cercle
polaire arctique au tropique et forme, pour ainsi dire, le
brise-lames de l'ancien continent contre l'effort des cou-
rants de l'océan Pacifique. Le Kamtchatka, dont le principal
sommet, le Kliou-tchef (4,900 m.), est un volcan égal en hau-
leur au mont Blanc d'Europe, en est la partie septentrio-
nale ; les îles Kouriles, les ILES DU JAPON ; Yéso, Nippon, où
se trouve le grand volcan de Fusiyama (3,800 m.), Sikokf
et Kiou-Siou, en forment la partie centrale ; les îles Lieou-
Khieou et Formose la partie méridionale. L'île de Turrakai, la
longue chaîne qui borde la côte de la Mandchourie et de la
Corée, celle qui, sur la côte sud-est de la Chine, est le pro-
longement de la chaîne Yu-ling et a formé l'île de Haïnan,
apparaissent comme la seconde ligne des brise-lames et le
rempart du continent.
7° La RÉGION DU DEKHAN est composée d'un vaste pla-
teau de forme triangulaire nommé le DEKHAN, qui occupe
la plus grande partie de la péninsule indienne, et dont l'al-
titude moyenne est de 600 mètres, avec une inclinaison gé-
nérale vers le sud-est : la partie occidentale a une altitude de
plus de 1,000 mètres. Ce plateau énéralement volcanique
est stérile au nord-ouest, et fertile dans les parties formées
de « terre noire ». Trois terrasses montagneuses lui servent
de bordure et forment les trois côtés du triangle ; au nord-
ouest, ce sont les monts Satpoura, les monts VINDHYA,
chaîne d'origine volcanique, et les monts Aravalli, qui par
une série de plateaux secondaires, tels que celui du Malwa,
etc., descendent dans la plaine dé l'Hindostan. A l'ouest,
ce sont les GHATS OCCIDENTALES, c'est-à-dire « l'escalier »
de l'occident, talus granitique et volcanique, assez acci-
denté et boisé, dont quelques sommets dépassent 1,500 m.,
et qui s'étend presque jusqu'au bord de la mer ; le Travan-
core, haute terre qui forme la partie sud-ouest de la pénin-
sule, en est un appendice. A l'est, les Ghats orientales sont
beaucoup moins élevées (500 mètres à peine) et beaucoup
plus éloignées de la mer, que l'on gagne en traversant une
plaine fertile. La partie méridionale du plateau est coupée
transversalement par une profonde vallée, le Gap, et cette
vallée est bordée au nord par les Neilgherries dont le prin-
cipal sommet, le Dodabelta, dépasse 2,800 mètres. — Le
Pedrotallagallas, dans l'île de Ceylan, n'est que d'une ving-
taine de mètres moins élevé.
8° La pLAINE DE L'HINDOSTAN ET DU BENGALE s'étend entre
les dernières terrasses des monts Satpoura et le pied de
l'Himalaya ; grande plaine de terrain tertiaire, mesurant
environ 1,300,000 kil. carrés, peu boisée et fertile quand
elle n'est pas envahie par les sables, comme au désert de
Thurr, ou par les marécages, comme dans le delta du
Gange à l'est, dans le Runn à l'ouest (1), dans une partie
du Pendjab, etc.
9° La RÉGION DE L'IRAN est un plateau argileux ou sablon-
neux, ayant la forme d'un trapèze et une altitude moyenne
d'environ 1,000 mètres et plus. Il a une étendue d'environ
2,200,000 kil. carrés. Déprimé au centre, il est marécageux
l'hiver, aride et brûlant l'été, généralement stérile et par-
semé de déserts à efflorescences salines, entre autres ceux
de Dechti-Kouvir, c'est-à-dire « grand désert salé », de
Kerman ou désert de Lout, situé dans la partie la plus
basse du plateau, avec une altitude inférieure à 300 mè-
tres, etc. On y trouve toutefois des vallées étroites et pro-
fondes qui sont fertiles. C'est surtout dans les régions
montagneuses qui forment les talus du plateau, que sont
ces vallées. Le talus méridional, qui descend vers la mer
d'Oman et le golfe Persique, et qui porte les noms de monts
du Meckran, sablonneux et arides comme presque tout le
Béloutchistan et de monts du Farsistan, n'en possède qu'un
petit nombre, en particulier la vallée renommée de Schiraz.
Ou en trouve davantage dans le talus oriental qui porte
le nom de MONTS SOLIMAN, et dont les gorges étroites et
sauvages, comme le défilé de Khaiber, etc., conduisent dans
la plaine de l'Hindostan. L'angle nord-est du plateau est

(1) Selon les saisons le Runn est un désert sablonneux ou un marais


saumâtre.
une contrée toute montagneuse et froide, où les pâturages
dominent et dont l'altitude dépasse 1,800 mètres : c'est
l'Afghanistan.
Le talus septentrional comprend de très-hautes chaînes :
l'HINDOU-KOUCH l'une d'elles, peut être considérée comme
le prolongement du Karakoram ; ses sommets, glacés et
arides, dépassent 5,000 mètres ; mais ses vallées, par exem-
ple celle de Hérat, sont fertiles ; elles conduisent dans la
plaine du Turkestan par de hauts cols, comme celui de
Kalou sur la route de Caboul à Boukhara (4,000 m.), et par
des pentes naturellement plus rapides et plus prononcées au
nord qu'au sud. Viennent ensuite les monts boisés du Kho-
rassan, les MONTS ELBOURZ qui vont rejoindre le massif ar-
ménien, le pic de Demavend, volcan incomplètementéteint,
dressant son cratère neigeux à une hauteur de plus de
5,850 mètres au-dessus de la mer Caspienne.
Le talus occidental se compose : 1° du massif, tout
alpestre, de l'Aderbeidjan, qui relie l'Elbourz à l'Arménie et
qui forme l'extrémité nord-ouest du plateau, comme l'Af-
ghanistan en forme l'extrémité nord-est : son plus haut
sommet, le Shend, a environ 3,400 mètres ; 2° d'une série
de chaînes parallèles, dont quelques-unes sont de granit
et qui de Sihiraz jusqu'au Kourdistan s'allongent dans la
direction du nord-ouest, au-dessus de la plaine du Tigre,
abritant quelques fertiles vallées entre leurs crêtes ; on peut
les désigner sous le nom de monts de Louristan ; au nord de
leurs crêtes et au sud de la ville d'Hamadan, se dresse leur
plus haut sommet, le mont Elvend.
10° La RÉGION DES MONTS D'ARMÉNIE est un massif com-
posé de plateaux de 1,500 à 2,000 mètres, de hautes plaines
ayant 1,000 mètres d'altitude moyenne, de fertiles vallées,
et de montagnes de trachyte et de porphyre, vêtues de pâtu-
rages et de bois sur les flancs, hérissées de roches éruptives
et couvertes de neige sur les sommets : le grand Ararat (env.
5,000 m.), ancien volcan en forme de dôme, situé sur la
frontière de trois États, en est le point le plus élevé (voir la
figure 42). Au massif arménien se rattachent, par l'Ader-
beïdjan, les bourrelets septentrional et occidental du pla-
teau de l'Iran et, par les montagnes de Trébizonde, le
plateau d'Asie mineure. La vallée de l'Aras coupe en deux
le massif arménien ; celle du Kour, fertile et cultivée, en
est la limite septentrionale. Au nord de cette vallée et de
celle de du Rion, tributaire de la mer Noire, se dresse, sur
la limite de l'Asie et de l'Europe, la grande chaîne du

CAUCASE. Ses principales montagnes, le mont Elbrouz


(5,840 m.), situé sur le territoire européen, et le mont Kas-
bek ( 5,220 m.) sont des volcans éteints ; à l'est de la chaîne
le Schah-dagh, situé dans une contrée dont le sous-sol est
tout imprégné de dépôts de pétrole, est couronné d'une
flamme éternelle.
11° Le PLATEAU DE L'ASIE MINEURE est
un ensemble de
plusieurs plateaux montueux et de vastes steppes, d'une
altitude moyenne de plus de 1,000. mètres plateau de
:
Konieh, haut de 900 à 1,200 mètres, stérile et semé d'efflores-
cences salines ; plateau de Cappadoce (1,200m.), dominé par
les trois sommets volcaniques et couronnés de neige du mont
Argée (3,840 m.) ; plateau de Galatie et plateau du haut
Halys (1,800 m.). Cet ensemble de plateaux, tout hérissé de
roches éruptives, profondément sillonné par les vallées des
cours d'eau, descend, du côté du nord, sur la mer Noire
par une succession de terrasses médiocrement accidentées ;
)sur l'archipel, à l'ouest, par une suite de crêtes parallèles,
formées de schistes, de marbre et de craie, qui, orientées
vers l'ouest, encaissent des vallées fertiles et forment à leur
extrémité les nombreux golfes de l'Archipel : l'Olympe
(1,930 m.) en est un des plus hauts sommets ; au sud, sur la
Méditerranée, par la chaîne boisée du TAURUS, Taurus de
Lycie, Taurus de Cilicie, dont les sommets hauts de 2,500
à 3,400 mètres et même de 3,477 mètres au Metdesis, ne
laissent, pour descendre dans la plaine de Cilicie, que
quelques étroites ouvertures appelées portes Ciliciennes,
etc. ; au sud-est, par l'Anli-Tnurus, du pied duquel une
succession de terrasses conduit dans la région suivante.
12° La RÉGION DES PLAINES DE MÉSOPOTAMIE ET DE SYRIE,
bornée par les terrasses du plateau de l'Iran, par le massif
arménien, par l'Anti-Taurus, le massif du Liban et les
dernières pentes du plateau d'Arabie, est fertile dans quel-
ques parties pourvues de cours d'eau ; partout ailleurs elle
se compose d'herbages ou de vastes déserts tantôt sablon-
neux, tantôt pierreux : le désert de Syrie en occupe la ma-
jeure partie.
13° La RÉGION DES MONTAGNES DE SYRIE se rattache au pla-
teau d'Asie mineure et court vers le sud, entre la côte de
la Méditerranée, où elle laisse à peine çà et là une étroite
plaine, et le désert de Syrie dans lequel elle se perd par une
longue terrasse doucement inclinée ; elle comprend le
mont Amanus des anciens, la montagne des Ansariehs
au sud de l'Oronte, puis deux chaînes parallèles, le LIBAN
dont un seul sommet,le Cholib, atteint 3,000 mètres et
l'Anti-Liban qui, moins élevé en général, renferme cepen-
dant le grand Hermon (2,850 mètres). Au sud du Liban le
plateau de la Palestine s'étend jusqu'au delà de la mer Morte.
Entre les deux chaînes est une longue vallée, la Bekaa, que
les anciens nommaient la Syrie Creuse (Coelé-Syrie).
14° Le PLATEAU D'ARABIE qui se lie par une transition
insensible au désert de Syrie, n'est lui-même d'abord qu'un
désert plat et caillouteux. Il s'élève vers le centre et vers
l'ouest à plus de 1,000 mètres. Il devient accidenté et coupé
de chaînes transversales dans le Nedjed ; le sol y est assez
fertile dans les parties que le sable n'a pas envahies, parce
que les montagnes, en arrêtant les nuées, déterminent la
formation de torrents temporaires dans la saison des pluies,
de couches d'eau souterraines en tout temps. Mais le pla-
teau devient de nouveau, au sud du Nedjed, un désert aride
et sablonneux, surmonté çà et là de quelques roches grani-
tiques : ce sont les Nefoud. La côte occidentale est partout
élevée : au nord, entre les deux golfes de la mer Rouge, est
le massif du Sinai (2,600 m.) ; puis, le long de la mer
Rouge, une suite de terrasses montagneuses, abritant çà et
là des vallées fertiles, et qu'on peut nommer les montagnes
de l'Hedjaz et de l'Yemen. Au sud-ouest, l'Hadramaut, éga-
lement montagneux, a un sommet qui atteint 2,400 mètres ;
au sud-est, l'Oman dont les vallées sont, comme celles de
l'Yemen, peuplées et fertiles, a quelques sommets dépas-
sant 2,000 mètres.
75. Les eaux. — D'après le relief du sol, on peut diviser
le système des eaux de l'Asie en sept groupes, à savoir :
1° Bassin de l'océan Glacial. Ses eaux qui descendent du
versant septentrional du grand plateau coulent en général
lentement vers le nord au milieu de marécages. Glacées une
partie de l'année, elles sont, malgré la longueur des fleuves,
d'une médiocre utilité pour la navigation ; mais, sujettes
à des crues subites sur une plaine basse, elles occasionnent
souvent de grandes inondations.
Parmi les fleuves qui en dépendent, l'OBI (4,300 kil., avec
un bassin d'environ 3,200,000 kil. c.) sort des monts Altaï
par deux petits cours d'eau dont l'un a sa source au mont
Belouka et qui se réunissent au pied des montagnes ; il coule
dans une plaine uniforme, dominé, sur sa rive gauche,
par une assez haute falaise, et enveloppe de nombreuses
îles boisées dans son lit qui atteint, au confluent de l'Ir-
tysch, une largeur de 2 kil. 1/2 ; d'octobre à avril il reste
gelé. L'Irtysch (3,930 kil.), aux eaux jaunâtres, est son prin-
cipal affluent et le surpasse en longueur, au confluent des
deux cours d'eau, il a traversé le lac Dsaisang (4,300 kil. c.)
et il est grossi de l'Ischim et du Tobol qui lui apporte les
eaux des monts Ourals. L'Obi, après le confluent, se divise
en plusieurs branches parallèles et occupe ainsi une lar-
geur de 50 kil. et plus ; il se jette dans l'Océan par un
estuaire à peu près aussi grand que l'Adriatique.
L'LÉNISSÉÏ (env. 5,500 kil. avec un bassin de 2,700,000 kil.
c.) prend naissance, sous le nom de Kern, sur le grand pla-
teau à l'ouest du lac Kosso-gol, franchit par une gorge étroite
les dernières terrasses du plateau, et roule ensuite vers le
nord ses eaux adondantes et limpides ; la largeur de son lit
dépasse sur certains points 20 kilomètres. C'est sur la rive
droite que sont ses principaux affluents : l'Angara ou Toun-
gouska supérieure sort du LAC BAÏKAL, grande nappe d'eau
de plus de 39,000 kil. carrés, très-profonde, entièrement
couverte l'hiver d'une couche de glace de 2 mètres d'épais-
seur, nourrissant des phoques, comme l'océan Glacial avec
lequel il paraît avoir communiqué autrefois, et grossie elle-
même de la Selenga qui apporte du grand plateau le tribut
des eaux du lac Kosso-gol ; la Toungouska moyenne et la
Toungouska inférieure viennent des plateaux de la Sibérie.
La Chatanga a un cours de 550 kilomètres et l'Olonek un
cours de 1,850 kilomètres.
La LÉNA (4,250 kil.) est, comme l'Iénisséi un large cours
d'eau que les habitants désignent par un nom qui signifie
le grand fleuve ; elle sort d'un glacier situé dans la chaîne
qui est à l'occident du lac Baïkal, et coule vers le nord-
est jusqu'à Yakoutsk, vers le nord nord-ouest de Yakoutsk
à la mer où elle se jette par 19 bouches. Le Wiljoui est son
principal affluent de gauche ; l'Olekma et l'Aldan sont ses
principaux affluents de droite.
Viennent ensuite la Jana, l'Indighirka (1,680 kil.) et le
Kolima (1,060 kit.)
2° Bassin de l'océan Pacifique. Il reçoit les eaux du ver-
sant oriental du grand plateau. Les fleuves ont un cours
aussi considérable que ceux du versant précédent : mais,
comme au lieu de se perdre, à travers des régions désertes,
dans un océan glacé, ils arrosent, excepté ceux du nord, de
riches plaines très-peuplées, ce sont les plus importants au
point de vue de la navigation :
L'Anadyr qui coule vers l'est dans une région accidentée,
se jette au fond du golfe d'Anadyl.
L'AMOUR (environ 4,420 kil.) ou Saghalien se forme de
plusieurs cours d'eau : l'Ingodie et l'Onon qui viennent des
monts Kenteï et prennent le nom de Shilka après leur
confluent ; le Kerouloun qui naît sur le plateau de Mon-
golie et qui, au sortir du lac sacré, le Dalai-Nor, prend le
nom d'Argoun. L'Amour ou Karamourin, c'est-à-dire fleuve
noir, coule à l'extrémité du flanc septrentrional du grand
plateau, qu'il longe pendant une partie de son cours, au
milieu de magnifiques forêts et dans un paysage sauvage,
pittoresque et varié, pour se replier ensuite vers le nord et
se jeter à la mer dans la Manche de Tarrakai, après avoir
reçu sur sa rive gauche le Soungari et l'Oussouri ; ses rives
sont peu habitées, et son embouchure reste gelée pendant
six mois de l'année.
Le Pei-ho, c'est-à-dire le fleuve blanc, fleuve d'une éten-
due médiocre, est important comme débouché du canal
Impérial, et comme communiquant par canal avec Péking.
Le HOANG-HO, « le fleuve Jaune », ainsi nommé à cause de
ses eaux limoneuses, prend paissance sur le flanc oriental
du grand plateau, au pied des Baian-khara, dans une vallée
toute semée de lacs ; il se replie vers le nord-est, puis vers
le sud en descendant les terrasses montagneuses du pla-
teau, reçoit le Wei-ho, et arrose ensuite une partie de la
plaine de la Chine qu'il a formée lui-même, qu'il fertilise
de ses immenses alluvions, et qu'il dévaste quelquefois par
ses débordements : à la suite de l'un d'eux, en 1851, le Hoang-
ho, qui se rendait dans la mer Jaune, au sud du Chan-
toung, s'est détourné vers le nord-est, à partir de Khaï-
foung et va se jeter dans le golfe de Pé-tchi-li, après un
cours d'environ 3,700 kilomètres, arrosant un bassin de
1,850,000 kilomètres carrés.
Le YANG-TSE-KIANG paraît mesurer de 5,000 à 5,500 kilo-
mètres, avec un bassin au moins égal à celui du fleuve précé-
dent. Sa source toutefois est encore inconnue aux Euro-
péens. Né dans le Tibet, au sud des monts Kouen-loun, il
coule d'abord au sud-est, dans une profonde et étroite
vallée, sous le nom de Kin-cha-kiang, « rivière aux sables
d'or », et reçoit sur la frontière du Yun-nan une rivière, le Ya-
toung-kiang, regardée comme une des deux branches prin-
cipales qui forment le grand fleuve. Désigné alors sous le
nom de Ta-kiang « le grand fleuve », il tourne brusquement
au nord est, puis à l'est ; c'est alors, grâce aux nombreux
tributaires que le plateau lui envoie, un fleuve qui, à 1,750
kilomètres (1) de son embouchure, mesure déjà plusieurs
kilomètres de largeur ; en toute saison il peut porter des
navires. Il coule tantôt dans une plaine bordée de lointaines
collines, tantôt d'un cours tumultueux entre de hautes
roches, principalement au passage de Ma-tsé-chan. Dans
son cours inférieur, il envoie au milieu des plaines basses
de la Chine une multitude de canaux grands et petits, qui
donnent à son vaste delta un aspect semblable à celui de
la Hollande ; il se jette lui-même dans la mer Orientale par
un large estuaire qu'un groupe d'îles sépare en deux bou-
ches. Il charrie une immense quantité de limon, qui se
dépose en bancs variant de forme et de grandeur à chaque

(1) Des navires européens l'ont remonté jusqu'à I-chang.


saison, mais promptement tranformés en îles ou en côtes.
Il reçoit les eaux de plusieurs grands lacs, le lac Tong-ting,
le lac Po-yang, que lui amènent ses affluents de droite, et
lui-même forme dans son delta de nombreux lacs, le lac
Ta-ho, etc. Le Han-kiang est, en Chine, son principal affluent
de gauche : c'est au confluent de cette rivière qu'est la ville
de Han-keou. De la fin de mars au mois d'août, le niveau
de ses eaux s'élève ; la portion inférieure de son cours est
alors comme un grand lac, où naviguent les jonques au
milieu des arbres et des toitures des maisons, tandis que les
habitants vont se réfugier Sur les collines ; et, sur plusieurs
points, entre Nan-king et Han-keou, on ne saurait d'un
navire en apercevoir les deux rives, distantes l'une de l'autre
de plus de 30 kilomètres. Le fleuve rentre dans son lit en
hiver, et la différence du niveau de ses plus hautes et de ses
plus basses eaux est, en moyenne, de 10 à 15 mètres à
Han-keou.
Au sud de la Chine, est le Si-kiang ou « rivière de
l'Ouest « (1,780 kil.), qui descend des hauteurs du Yun-
nan ; il reçoit la rivière du Nord (Pé-kiang) et la rivière de
l'Est, entre le confluent desquelles est bâti Canton ; il s'é-
tend alors en un vaste delta dont le principal canal, celui
de l'Est, est désigné sous le nom de Tchou-kiang, « rivière
des perles » ou rivière de Canton, et à partir de la bouche du
Tigre, il se rend par un large estuaire dans la mer de Chine.
Les fleuves de l'Indo-Chine sont également considérables
mais bien moins importants pour la navigation, parce qu'ils
traversent des pays moins peuplés :
Le Song-koi (1,400 kil.) qui se jette dans le golfe de Ton-
kin, en face de l'île de Haman, parait cependant appelé à un
certain avenir commercial, comme débouché de la Chine
méridionale et du Tonkin.
Le CAMBODGE (3,500 kil. envron), désigné aussi par les
noms de Mé-kong, dans son cours intérieur, de Nam-kong,
de Kieou-long, de Kiang, etc., est le plus grand fleuve de
l'Indo-Chine. Il descend, par des sources inconnues, de
l'extrémité orientale du grand plateau, franchit les ter-
rasses dans des gorges profondes, court vers le sud à tra-
vers le Yun-nan et le Laos où son cours a été relevé avec
exactitude par l'expédition de MM. Lagrée et Garnier,
forme deux grands crochets vers l'est et, par une suite de
rapides dont les plus importants sont les cataractes de
Khong, gagne la plaine de Cochinchine où il reçoit les eaux
du Grand Lac, et où il se jette dans la mer, après avoir
formé un des plus vastes deltas de l'Asie, tout sillonné de
ses canaux, dits « arroyos ».
Le Mé-nam (env. 1,500 kil.) débouche dans le golfe de
Siam, après avoir parcouru une plaine où abondent les
marécages et les forêts et qu'il fertilise chaque année par
ses débordements.
3° Groupe des fleuves de l'Inde et de l'Indo-Chine tributaires
de l'océan Indien. Il est formé par les eaux du versant mé-
ridional du grand plateau, et par celles du plateau du
Dekhan, et se subdivise lui-même en trois groupes secon-
daires :
Celui de l'Indo-Chine avec le Salouen (1,600 kil.) qui se
jette dans le golfe de Martaban ;
Et l'Iraouaddy (3,400 kil.), grand fleuve qui, par un
double torrents, descend, comme le précédent, des monts
Lang-tan et qui forme à son embouchure un vaste delta.
Celui de l'Himalaya, dont le système hydrographique
très-simple a son noeud principal dans le massif des monts
Gangri.
A l'est de ces monts, les eaux du versant septentrional
se rendent dans la grande vallée du Tibet, coulent d'abord
à l'est sous le nom tibétain de Dzang-bo, puis arrêtées par
le massif des monts Lang-tan qui forcent le fleuve à se re-
plier vers l'ouest, elles se rencontrent entre ces montagnes
et l'extrémité orientale de l'Himalaya. Au sortir de la gorge,
le fleuve prend son cours vers le sud-ouest, dans l'Assam ;
puis, parvenu dans la plaine du Bengale, il se dirige vers
le sud, en enveloppant de ses bras multipliés un nombre
considérable d'îles grandes et petites. Depuis son entrée
dans l'Assam, il est désigné sous le nom de BRAHMAPOU-
TRA (1) ; il va, après un cours total de 3,900 kilomètres,
confondre ses embouchures avec celles du Gange, dont il
agrandit le delta ; ses inondations couvrent une grande
partie du pays d'Assam.
Les eaux du versant méridional coulent par une mul-
titude de torrents dans les longues gorges de la chaîne et,
parvenues dans la plaine de l'Hindostan, versent leurs eaux
dans le GANGE (3,110 kil.) dont le nom signifie « le fleuve ».
Il sort, comme la Djamna, de la région du Garwal, où trois
ou quatre torrents, dont le plus vénéré est le Bhagirathi, se
disputent l'honneur d'être sa source principale, située à une
altitude de 4,350 mètres ; parvenu dans la plaine, il coule
majestueusement vers le sud-est. Son plus grand affluent
de la rive gauche est le Gogra, dont le nom sanscrit signifie
« la passe des montagnes » ; le plus grand affluent de la rive
droite est la Djamna (1,600 kil.) qui reçoit le Tchambal et
un grand nombre d'autres rivières descendant du plateau
de Dekhan dans la plaine de l'Hindostan. Le fleuve dont
les crues, en septembre, élèvent le niveau de plus de
15 mètres à Allahabad et font d'une partie du Bengale un
lac, porte alors plus de 150,000 mètres cubes d'eau par
seconde à la mer; à l'époque des eaux moyennes, il a du
côté de Benarès une largeur d'environ 7 kilomètres. Il
forme à son embouchure un très-vaste delta, en partie ma-
récageux, en partie boisé (d'où le nom de Sunderbunds),
sillonné par de nombreuses branches dont la principale,
la plus occidentale, se nomme Hougly et terminé par vingt
estuaires.
A l'ouest des monts Gangri, le Sind ou INDUS (2,800 kil.)
prend sa source sur le versant septentrional de l'Himalaya.
(1) On n'a pas encore visité le passage par où le Brahmapoutra sort
des montagnes ; mais tout fait supposer que c'est le même cours d'eau
que le Dzang-bo, bien que plusieurs géographes persistent à croire que
le Dzang-be s'écoule par l'Iraouaddy.
dans une contrée sauvage, à une altitude d'environ 6,000
mètres, coule vers le nord-ouest, puis franchit dans des
gorges étroites la chaîne de l'Himalaya à son extrémité
occidentale où il reçoit, sur la rive droite, le Caboul venu
de l'Hindou-kouch ; puis, de terrasse en terrasse, il descend
dans la plaine du Pendjab (pays des cinq rivières), où il re-
çoit sur la rive gauche le Pandjnad qui lui amène par le
Ghelam, le Chinab, le Rawi et le Sutledje, les eaux du ver-
sant méridional de l'Himalaya, et vase jeter au sud dans la
mer d'Oman par plusieurs bouches, toutes ensablées par
ses alluvions.
Le groupe du Dekhan a deux versants :
Le versant de l'est dont les fleuves, à cause de l'inclinai-
son générale du terrain, traversent tout le plateau et en
recueillent les eaux :
Le Mahanady (850 kil.) qui forme à son embouchure
un très-large delta ;
Le Godavéry (1,380 kil.) dont la source, située dans les
Ghats occidentales, est sacrée pour les Hindous, reçoit la
Wenwa et forme aussi un vaste delta ;
La Krichnah (1,270 kil.) qui prend aussi sa source dans
les Ghats occidentales, reçoit à droite la Toumboudra, tra-
verse par une chute les Ghats orientales et se rend dans la
mer par plusieurs branches ;
Le Cavéry (700 kil.) qui prend sa source au milieu de
vastes forêts des Ghats occidentales, traverse les Ghats
orientales par une chute de plus de 100 mètres de hauteur
et forme aussi un delta à son embouchure.
Le versant du nord dont les cours d'eau coulent de l'est à
l'ouest entre les terrasses du plateau :
Le Tapty (plus de 700 kil.) passe au sud des monts Sat-
poura ;
La Nerbudda ou Narmada (1,180 kil.) passe entre les Sat-
poura et les monts Vindhya dans un lit embarrassé de rochers.
Groupe des bassins intérieurs.Il se subdivise aussi en trois
groupes secondaires.
En premier lieu sont les lacs et les cours d'eau du grand
plateau même qui sont sans communication avec l'Océan,
le TARIM (2,000 kil.) qui, formé de la réunion de plusieurs
cours d'eau, dont le principal est la rivière de Kachgar, se
jette dans le LAC LOB, lac salé dont le nom signilie « lac des
étoiles » et qui, sur son parcours, change la steppe en une
vallée fertile. Au sud, le lac Tengri dans le Tibet ; à l'est,
le Khou-khou-noor, c'est-à-dire le lac Bleu ; au nord, les
nombreux lacs de la Mongolie et de la Dzoungarie, le lac
Oubsa, etc., reçoivent les eaux des montagnes avoisinantes.
En second lieu sont les deux autres groupes composés
des cours d'eau du versant occidental du grand plateau
dont aucun ne se rend à l'Océan. Celui de la plaine du Tur-
kestan comprend :
Le SYR-DARIA (2,250 kil.), que les Arabes appellent Schoun
et que les anciens nommaient Yaxartis, prend sa source au
sud-ouest du lac Issi-koul dans la région des Thian-Chan ;
au sortir de la région montagneuse, il parcourt dans la
direction du nord-ouest une steppe saline ou marécageuse
presque partout désolée, et se jette dans la mer d'Aral ;
La MER D'ARAL (environ 70,000 kil. carrés) est une vaste
étendue d'eau peu salée, peu profonde (68 mètres au plus),
et située à 11 mètres environ au-dessous du niveau de
l'Océan ; elle paraît avoir été réunie autrefois, ainsi que
plusieurs petits lacs du Turkestan, à la mer Caspienne,
située à un niveau de 13 mètres plus bas.
L'AMOU-DARIA (2,600 kil,), le Djihoun des Arabes et l'Oxus
des anciens, sort du lac Siri-kol, ou lac Victoria, le lac le
plus élevé du globe (env. 5,000 mètres), situé sur le plateau
de Pamir, coule vers le nord-ouest entre des rives un peu
plus fertiles que celles du Syr-Daria et se perd à l'extrémité
méridionale de la mer d'Aral ; autrefois il continuait son
cours jusqu'à la mer Caspienne.
Le Tchoui prend sa source dans l'Ala-tau, communique
par un petit canal avec le LAC ISSI-KOUL et va se perdre, au
milieu d'une steppe sablonneuse, dans le Saumal-koul.
L'Ili, sorti du flanc septentrional de Thian-chan, tombe
presque au pied de la région montagneuse, dans le LAC
BALKASCH (22,000 kil. carrés).
Le groupe de l'Iran n'a de cours d'eau importants que dans
sa partie nord-ouest, celle qui touche au massif du plateau
de Pamir, d'où les eaux se dirigent vers les quatre points de
l'horizon, par l'Amou-Daria, le Tarim, les affluents de
l'indus et l'Hilmend. Ce sont :
L'Hilmend (1,000 kil. de cours, bassin 260,000 kil. c.) qui
descend des hauteurs de l'Hindou-kouch dans l'Afghanis-
tan, parcourt une vallée fertile et se jette dans le lac Ha-
moun ;
5° Groupe du massif Arménien. Ses eaux sont tributaires
de trois mers :
La Caspienne reçoit le Kour (860 kil.) grossi de l'Aras,
qui coule entre le massif arménien et le Caucase et le
Sefid, venu de l'Aderbeidjan.
La mer Noire reçoit le Rioni et autres torrents sans
importance ;
Le golfe Persique reçoit le TIGRE (1,780 kil.) qui descend
rapidement des montagnes d'Arménie, rase le pied de la
terrasse occidentale de l'Iran qui lui envoie entre autre
affluents, le grand Zab et la Kercha, et par deux longs bras,
il se confond avec l'EUPHRATE (2,800 kil. de cours ; bassin
675,000 kil. c.). Ce dernier prend naissance sur le flanc
occidental du massif, par deux rivières que sépare le massif
du Bengal-dagh, le Phrat au nord d'Erzeroum et le Murad
sorti de l'Ala-dagh et coulant dans une gorge accidentée ;
réunis à une altitude d'environ 80O mètres, ils forment le
Phrat ou Euphrate, lequel descend les gradins du plateau
arménien en se dirigeant vers le sud, puis promène ses eaux
profondes dans la grande plaine de la Mésopotamie et, réun.
au Tigre, sous le nom de fleuve des Arabes, Chatt-el-Arab,
il se jette par deux canaux dans le golfe, après avoir reçu
le Karoun.
Le massif arménien enferme en outre dans ses montagnes
plusieurs grands lacs sans communication avec la mer :
le LAC D'OURMIAH (4,460 kil. c.), dont les eaux sont bitu-
mineuses et très salées ; le lac de Van (3,640 kil. c. ), dont
les eaux chargées de sulfate de soude sont, en été, mor-
telles aux poissons.
6° Groupe de l'Asie mineure. Sans compter les torrents tom-
bant dans l'Euphrate du revers oriental de son plateau, l'Asie
mineure a des eaux tributaires de trois mers ; comme elles
ont en général un cours torrentueux, un lit étroit et peu
profond, elles ne servent pas à la navigation. Les tributaires
de la mer Noire sont :
Le Kisil-Irmak (890 kil.), c'est-à-dire « fleuve rouge », et
le Sakaria ;
Ceux de l'Archipel, l'Hermus (Kedis-Tchai) et le Méandre
dont les eaux chargées de limon envasent l'embouchure ;
Ceux de la Méditerranée, le Gok, le Sihoun, etc.
Sur le plateau et au pied du plateau sont de nombreux
lacs, le lac de Nicée, le Touz-gol, etc.
7° Groupe de la région du Liban. Ses eaux coulent en-
tre les vallées longitudinales du massif. Vers le nord, l'O-
ronte (475 kil.) contourne la chaîne à son extrémité septen-
trionale pour se jeter dans la Méditerranée. Vers le sud,
le Jourdam coule à travers une région désolée, entre des
rives abruptes, dans la dépression du sol la plus pro-
fonde que l'on connaisse, en dehors du fond des lacs et des
mers intérieures ; il forme le lac de Tibériade et se perd
dans le lac Asphaltite ou MER MORTE (1,270 kil. c ), dont le
niveau est environ à 400 mètres et le fond à 700 mètres
au-dessous du niveau de la Méditerranée ; ce lac doit ses
noms à la stérilité de ses rives et à ses eaux chargées de
sel de brome, de chlorure de magnésium et de bitume,
et impropres à nourrir des poissons.
76. Le climat. — On peut diviser l'Asie, sous le rapport
du climat, en cinq grandes zones :
1° La zone sibérienne comprend toute la partie de l'Asie
située au nord du 50° parallèle, et même au nord du 45e, du
côté de la mer d'Aral. C'est une des parties les plus froides
du globe habité ; climat continental, glacé par le vent du
nord qui souffle du pôle sans obstacle dans les plaines
basses ; glacé aussi par le vent du sud qui n'y parvient
qu'api'ès avoir traversé le plateau central et ses sommets
neigeux. L'hiver y dure en moyenne dix mois et, à Ya-
koutsk, le thermomètre descend à 54 degrés au-dessous de
zéro ; les « bouranns » ou tourbillons de neige y sont aussi
redoutables que le simoun des déserts sablonneux. L'été y
est court et généralement sec, excepté sur la côte du Pacifi-
que ; il est brûlant dans la steppe des Kirghiz et même jus-
qu'au nord du 60e parallèle où la température, à l'ombre,
dépasse quelquefois 30°. Le changement de la saison froide
à la saison chaude se fait brusquement, sans transition.
2° La zone du plateau central est sous la latitude de Va-
lence, de Naples, de Smyrne ; mais, à cause de son altitude
et de sa situation au milieu d'un vaste continent, elle a un
climat bien différent : neuf mois d'hiver et parfois plus,
des vents sans pluie, des variations extrêmes de 35° au-
dessous de zéro à 40° au-dessus. C'est peut être, de tous les
climats, celui qui a le caractère continental le plus accentué.
3° La zone tempérée du Pacifique, à l'est du plateau, com-
prend le Japon et la plus grande partie de la Chine et de-
vient plus chaude à mesure que du nord on s'avance vers
le midi. Malgré la proximité de l'Océan, c'est en général
un climat excessif, très-chaud en été, ce qui permet à une
assez haute latitude la culture du riz ; mais plus froid en
hiver que le climat des côtes d'Europe sous la même
latitude. Cela tient à ce que le courant chaud, le Kuro-
Siwo, est emporté au loin vers l'est ; que les courants froids
rasent la côte ; et que les vents dominants du sud-ouest
et du nord sont loin d'y amener autant de chaleur et d'hu-
midité : le même phénomène se produit sur la côte orien-
tale de l'Amérique du Nord. Sous le 41e parallèle, c'est-à-
dire sous la latitude de Naples, l'embouchure du Liao
reste plus de quatre mois encombrée de glaces ; à Pé-king,
qui est d'un degré plus au sud, les rivières sont gelées l'hi-
ver ; et cependant, l'été, la chaleur y est plus forte qu'à
Naples. A Shang-haï, sous le parallèle d'Alexandrie, il y a
des gelées et de la neige en décembre et en janvier (— 3°) ;
mais la pluie est abondante (plus d'un mètre par an). A
mesure qu'on s'éloigne de la côte, le climat est plus sec :
à Han-keou, l'hiver est plus froid et l'été plus chaud qu'à
Shang-haï : c'est l'influence continentale ; dans le Ssé-
tchouen, à cause de l'altitude, le climat est tempéré.
Le Japon, tout entouré d'eau et baigné à l'est par le
Kuro-Siwo, jouit d'une température plus douce et plus
égale que la Chine, principalement sur la côte orientale.
Cependant il est à peu près chaud comme le midi de
l'Europe, dans l'île la plus méridionale ; froid comme le
nord de la Norvége, dans la plus septentrionale.
Toute cette région est exposée aux ravages des typhons.
La zone intertropicale, ou région de la mer de Chine
et de l'océan Indien, a deux saisons, comme toutes les ré-
gions placées sous les tropiques : la saison des pluies, saison
chaude, d'avril à septembre, et la saison sèche, d'octobre
à avril. Certaines contrées de la partie orientale, comme
le Tonkin, où il gèle quelquefois, sont beaucoup moins
chaudes que leur latitude ne le ferait supposer. D'autres,
au contraire, comme les déserts de l'Arabie et les côtes
de la mer Rouge, où, sous le souffle du simoun, le ther-
momètre monte au delà de 50 degrés, sont très-chaudes ;
et l'Arabie tout entière appartient, par l'intensité de la
chaleur, aux climats intertropicaux, excepté sur les hauts
plateaux, où la température est moins élevée, quelque-
fois même froide. On peut placer aussi dans cette zone
toute la plaine de l'Hindostan, parce que, bien que les sai-
sons n'y soient plus tout à fait celles des tropiques, la posi-
tion de la grande vallée du Gange, abritée au nord (1) par

(1) Cependant, en décembre, le vent du nord-ouest fait descendre


parfois le thermomètre presque à 0°.
la haute chaîne de l'Himalaya, y entretient une tempéra-
ture tropicale.
Les côtes de la mer de Chine sont exposées aux typhons ;
les déserts de l'Arabie, surtout de la partie septentrio-
nale, au simoun ; les saisons de l'Inde et de l'Indo-Chine
sont réglées par les moussons ; dans l'océan Indien, la
mousson du sud-ouest est celle qui apporte la pluie, et
elle la verse en très-grande abondance sur les premières
côtes qu'elle rencontre, principalement sur la côte de
Malabar ; dans le nord de la mer de Chine sur la côte de
la Chine méridionale, c'est principalement au changement
de la mousson, en mai et septembre, que la pluie tombe en
abondance.
5° La zone de l'Asie antérieure présente de très-grandes
diversités de climat, selon l'altitude et la configuration du
sol. Le climat est extrême, c'est-à-dire successivement sou-
mis à des étés très-chauds et à des hivers très-froids sur le
plateau de l'Iran, que balayent parfois des vents terribles
et que désole en maint endroit l'absence complète de
pluie. Il est chaud au pied des talus de ce plateau, avec
beaucoup d'humidité sur les bords de la Caspienne, et
beaucoup de sécheresse sur les bords du golte Persique.
De même pour le plateau d'Asie mineure : climat extrême,
très-sec et malsain sur la plateau même, où le thermomè-
tre descend presque à 0° en hiver ; climat chaud et hu-
mide au pied du plateau, surtout dans les plaines de la
côte occidentale et de la côte méridionale. Le sud de la
Syrie a un climat sec et presque tropical. Dans les ré-
gions montagneuses, comme l'Afghanistan et l'Arménie, le
climat est tempéré et généralement assez humide. Il en est
à peu près de même du Liban : climat tempéré, mais non
humide, séparant le climat très-chaud, humide et malsain
de la côte de Syrie et le climat très-chaud et très-sec du
désert.
2me section.

LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE.

(Voir la carte n° 11.)

77. Les révolutions dans l'antiquité. — L'Asie a été,


avec l'Égypte, le berceau de la civilisation du monde. Son
histoire est entièrement liée à sa configuration géogra-
phique ; le plateau central et les montagnes qui l'avoisi-
nent ont été le centre d'où les peuples, nomades au dé-
but, se sont pour la plupart écoulés par des émigrations
fréquentes dans les plaines subjacentes et sur les plateaux
secondaires. Le grand plateau lui-même, séjour primitif
des races jaunes, a partagé l'Asie en quatre parties qui ont
eu des destinées distinctes : la plaine du nord où vécut
obscure la race finnoise, en partie refoulée vers le nord et
mêlée de sang mongol par suite des émigrations ; la Chine,
où la race chinoise, malgré les fréquentes incursions et les
conquêtes des hommes du plateau, s'est élevée à un assez
haut degré, de civilisation ; l'Inde où la race aryenne
triompha de bonne heure de la race dravidienne (l'Indo-
Chine offre un mélange de race jaune et de race malaise) ;
l'Asie antérieure que se partagèrent ou se disputèrent les
Aryens et les Sémites. Entre ces quatre parties de l'Asie,
pas de rapports suivis, rien que des contacts accidentels
par l'intermédiaire du plateau ou par les cols de la région
montagneuse : l'Inde avec la Chine par le Tibet ; l'Inde
avec l'Asie antérieure (Iran) et la plaine du nord (Touran),
par les défilés de l'Afghanistan et de l'Hindou-Kouch et le
plateau de Pamir ; le Touran avec l'Iran, par l'Hindou-
Kouch et les monts du Khorassan.
L'Asie est la patrie des Aryens et des Sémites, les deux
familles les plus importantes de la RACE BLANCHE, laquelle
domine aujourd'hui sur le globe.
Les SÉMITES, peuples pasteurs, confinés dans le sud-ouest
de l'Asie, brillent d'un vif éclat dans l'histoire des origines de
la civilisation. Ils paraissent d'abord, comme fondateurs des
empires d'Assyrie et de Babylone, établis dans la seule grande
plaine fertile que la nature eût préparée de ce côté de l'A-
sie, entre le desert de Syrie et les talus du plateau de l'Iran,
c'est-à-dire la plaine de la Mésopotamie. A la même race
appartenaient les Hébreux qui fondèrent sur la limite du
désert un petit royaume, où ils substituèrent la vie agri-
cole à la vie pastorale et apportèrent au monde la religion
juive. Enfin les Phéniciens (Sidon et Tyr), placés sur la côte
au pied du Liban, furent, comme par nécessité de posi-
tion, les premiers à exercer le grand commerce maritime.
C'est parmi les Juifs qu'est né LE CHRIST et que la religion
chrétienne a eu, par conséquent, ses apôtres et ses premiers
disciples.
LES ARYENS, souche de nombreux peuples de la famille
indo-européenne, ont longtemps mené la vie pastorale dans
la région élevée de l'Hindou-Kouch et du plateau de Pamir.
De là, traversant l'Afghanistan, ils se sont portés, au sud-
est, dans l'Inde, soumettant en partie les habitants de race
jaune (branche dravidienne), formant des empires plus ou
moins éphémères, mais donnant à la péninsule son unité
morale par la religion brahmanique. Se portant au sud-ouest
dans l'Iran, ils ont occupé les régions montagneuses de la Mé-
die et de la Perse, où ils trouvaient de meilleurs pâturages et
des terres plus fertiles que dans les déserts du plateau. Ils y
ont atteint de bonne heure, sous les noms de Mèdes et de
Perses, un certain degré de civilisation, en fondant la religion
de Zoroastre ; puis ils se sont étendus jusque dans la plaine
de Mésopotamie, en se mêlant par la conquête aux Sémites
dans les antiques empires de Ninive et de Babylone. A l'ouest,
en suivant sans doute les pentes de la terrasse septentrio-
nale du plateau, garnies de pâturages et entrecoupées de
belles vallées, ils se sont portés dans le massif Arménien, où
la fertilité de la nature les a fixés : c'est dans cette région,
entre le Tigre, l'Euphrate, le Phase et un quatrième fleuve
qui serait l'Araxe, que la Bible semble placer le paradis
terrestre (d'autres cependant le mettent sur le plateau de
Pamir) ; et c'est sur le mont Ararat qu'elle nous apprend
que s'est arrêtée l'arche de Noé. De là les Aryens passèrent
jusqu'en Asie mineure, où le royaume de Lydie fut long-
temps florissant ; d'autre part, ils pénétrèrent en Europe
par le Caucase : d'où le nom de race caucasique qu'on y
donne à la race indo-européenne.
Au VIe siècle avant l'ère chrétienne, l'Asie antérieure,
c'est-à-dire à l'ouest de l'Indus, tomba presque tout entière
sous la domination de l'EMPIRE DES PERSES, lequel s'avança
même par la conquête jusque dans le Touran barbare,
c'est-à-dire la Sogdiane et la Bactriane. Mais, après deux
siècles et demi d'existence, il fut détruit par Alexandre le
Grand, roi de Macédoine. Alexandre mourut au milieu de
son triomphe, et ses généraux se partagèrent son empire :
les Séleucides qui régnèrent sur l'Asie antérieure, durent
bientôt céder en grande partie l'Asie mineure aux royaumes
de Pont, de Cappadoce, de Bithynie, de Pergame ; et les
uns et les autres, un demi-siècle avant l'ère chrétienne,
furent réduits en provinces romaines. L'empire Romain s'a-
vança jusqu'à la Mésopotamie, une des limites naturelles
les plus nettement marquées de l'Asie antérieure, pous-
sant tantôt jusqu'à l'Euphrate, tantôt jusqu'au Tigre ; et,
pendant ce temps l'Iran, disputé toujours entre les grandes
peuplades septentrionales du Touran et les peuples du Midi,
devenait d'abord le royaume des Parthes, envahisseurs
venus du Nord, puis le second royaume des Perses ou
empire des Sassanides.
L'Asie est aussi et surtout la patrie de la RACE JAUNE,
dont les destinées ont été presque toujours distinctes de
celles de la race blanche et à laquelle se rattachent la plu-
part des autres familles asiatiques. La famille turque, d'où
sont sortis les Hioung-nou ou Huns, a donné son nom au
Turkestan, où séjournent encore plusieurs de ses principales
tribus, les Uzbeks, les Turcomans et les Kirghiz. La fa¬
mille mongolique, si puissante au moyen âge, compte encore
sur le plateau trois branches principales, les Khalkhas, les
Bourrates et les Eleuths ou Kalmoucks. La famille toun-
gouse-mandchoue s'est surtout répandue au nord-est et
forme, depuis 1644, la caste militaire dominante en Chine.
Ces trois premières familles sont réunies assez souvent sous
le nom générique de race tartare. La famille tibétaine a été
moins nomade, selon l'usage des tribus montagnardes
;
mais on rattache à cette souche les Si-fan de la Chine mé-
ridionale, les Birmans, etc., de l'Indo-Chine et même les
Draviriens de l'Inde. Enfin la famille chinoise elle-même,
la plus nombreuse de toutes, se rattache aussi à la race
jaune par le type ; mais elle forme une branche toute par-
ticulière, devenue agricole et sédentaire dans la plaine du
Hoang-ho et du Yang-tsé-kiang, et cela plus de 2,000 ans
avant l'ère chrétienne. Dans l'Indo-Chine, vivent divers
rameaux de cette race, le rameau siamois, le rameau anna-
mite, etc.
La religion bouddhique, née dans l'Inde, vers le VIe siècle
avant l'ère chrétienne, comme une épuration du brahma-
nisme aristocratique, mais bientôt proscrite par lui, pénétra
par le Tibet, deux ou trois siècles après, parmi les hommes
de la race jaune, dont elle devint la religion principale.
78. Les révolutions au moyen âge. — L'Asie mineure et
la Syrie faisaient encore, au VIIIe siècle, partie de l'empire
romain d'Orient, nommé aussi empire Byzantin ou Grec,
lequel était continuellement en guerre avec les Perses. A
cette époque, les ARABES, de race sémitique, venus du sud
et animés par la religion nouvelle, l'Islamisme, que venait
de fonder Mahomet, conquirent, au VIIe siècle de l'ère
chrétienne, et convertirent presque toute l'Asie antérieure
qui devint, avec Damas, puis avec Bagdad pour capitale,
le centre de l'empire des Khalifes. Au IXe siècle, cet empire
était déjà en décadence, et diverses dynasties de barbares
musulmans, originaires du Touran et de race jaune, les
Turcs Seldjoucides et autres, s'en partageaient les dépouilles.
Au XIVesiècle, les Turcs Ottomans s'emparèrent de l'Asie
mineure dont ils expulsèrent définitivement les Grecs. Puis,
après avoir failli être emportés par le flot des Tartares de
Tamerlan, ils reprirent l'Asie mineure, devinrent maîtres
de Constantinople et, au commencement du XVIe siècle, con-
quirent toute l'Asie antérieure jusqu'au pied du plateau de
l'Iran.
L'Iran, après avoir été, comme l'Asie mineure, la posses-
sion de plusieurs dynasties sorties du Turkestan, s'était
trouvé englobé dans l'empire du grand conquérant et des-
tructeur Gengis-Khan, chef des Tartares (XIIIe siècle), puis,
un siècle et demi après, dans l'empire d'un autre conqué-
rant non moins farouche, Tamerlan, chef des hordes no-
mades du Turkestan. Ce n'est qu'à la veille du XVIe siè-
cle (1499), qu'une dynastie nationale, celle des Sophis, res-
taura l'empire des Perses et enleva le pays à la domination
de la race mongole.
L'Inde avait senti le contre-coup des révolutions de
l'Asie antérieure. L'Islamisme y avait pénétré au VIIIe siè-
cle ; au Xe, les Ghaznévides y avaient fondé un empire qui,
sous leurs successeurs, s'étendit sur presque toute l'Inde.
Les Mongols, sous les descendants de Gengis-Khan et sous
Tamerlan, y pénétrèrent, y régnèrent et couvrirent le pays
de ruines. Les Arabes, liés avec l'Inde par la religion, y
avaient noué des relations commerciales très-suivies et s'é-
taient faits, à l'aide des caravanes et des moussons, les in-
termédiaires du commerce de cette contrée avec Alexan-
drie et avec l'Europe.
A l'Orient, la Chine, après de longues discordes, était
redevenue, du VIIe au Xe siècle, sous la dynastie des Tang,
un grand empire, l'empire du Milieu, qui s'était étendu jus-
que sur le Turkestan, le Japon, la Mandchourie et l'Indo-
Chine ; mais les discordes avaient recommencé et, après
Gengis-Khan (1229), la Chine retombait, pour un siècle,
sous la domination des Mongols ; une dynastie nationale l'en
délivra en 1368.
Les Mongols avaient joué, comme on voit, un grand rôle
dans cette période ; et le Turkestan ou Touran, avec Samar-
kande pour capitale, avait été le centre d'une grande puis-
sance et d'un grand commerce.
79. Les révolutions dans les temps modernes. — L'Asie
mineure et la Syrie, conquises par les Turcs du XIVe au
XVIe siècle, ont continué à faire partie de l'empire Ottoman ;
mais la plus grande partie de l'Arabie s'en est détachée,
au XVIIIe siècle, par la révolte des Wahabites. Dans la
Perse, la dynastie des Sophis, conquérante au XVIe siècle,
attaquée au XVIIe par les montagnards Afghans, fut détrô-
née par le conquérant Nadir-Shah, remplacé lui-même
(1794) par la dynastie turcomane des Kadjars.
L'empire Rusée, au XVIe siècle, avait mis le pied en
Asie par l'occupation de la Sibérie, peuplée de tribus de
race finnoise et de race boréale et jusque-là dominée par
les Tartares ; elle s'était avancée jusqu'aux rives de l'A-
mour. Profitant de la faiblesse de ses voisins, elle occupa
les provinces transcaucasiennes jusqu'à l'Aras (1800-1828) et
fit reconnaître son autorité sur toute la steppe des Kirgkises
(XVIIIe et XIXe siècles), sur le Turkestan occidental jus-
qu'à Boukhara (1865) et sur une partie de la Dzoungarie
(1868-1870).
Avant que les Russes eussent pénétré en Asie par
terre, les Portugais, avec Vasco de Gama, avaient décou-
vert le passage aux Indes par mer et fondé dans l'Inde,
sur les principaux détroits de l'océan Indien et à Macao
en Chine, des établissements et des comptoirs de com-
merce. Quand leur puissance, à la fin du XVIe siècle, se fut
éclipsée, les Hollandais les remplacèrent surtout à Ceylan
et au Japon (Nagasaki) ; puis les Anglais et les Français éta-
blirent des comptoirs dans la presqu'île indienne. Au
milieu du XVIIIe siècle, ces derniers, grâce à Dupleix, com-
mençaient à y fonder un empire, lorsque les revers de
la guerre de Sept ans assurèrent définitivement la prépon-
dérance des Anglais.
Au commencement du XVIe siècle (1525), un descendant
de Tamerlan avait fondé dans l'Inde, l'empire du Grand-
Mogol, très-florissant durant deux siècles ; mais, après la
prise de Delhi par Nadir-Shah, il était tombé en pleine disso-
lution. C'est sur ses ruines que les Anglais établirent leur
empire colonial, conquérant successivement le Bengale, le
Carnatic, réduisant le Mysore, le Nizam, le pays des
Mahrattes, le Pendjab, etc. (1765-1856), faisant de tout le
pays jusqu'à l'Himalaya un territoire anglais ou tributaire
de l'Angleterre, s'étendant sur la côte de l'indo-Chine
jusqu'à l'entrée du détroit de Malacca et occupant les prin-
cipales positions maritimes à l'entrée des détroits.
Dans l'Indo-Chine, les Français ont obtenu par la vic-
toire la cession de la basse Cochinchine (1869).
Au commencement du XVIIe siècle (1654), la Chine était
retombée sous le joug de la race tartare, et une dynastie
mandchoue, qui règne encore, s'était établie à Pé-king. Le
commerce européen, longtemps confiné à Macao et à
Canton, s'étendit au XIXe siècle, quand les marines eu-
ropéennes, devenues prépondérantes dans ces parages, eu-
rent forcé la Chine à ouvrir ses ports, cinq en 1842, treize en
1860.
Il en a été de même du Japon qui, longtemps fermé par
ses institutions religieuses et féodales, a, depuis 1854, ou-
vert au commerce de l'Amérique et de l'Europe plusieurs
de ses ports, et qui se transforme complètement depuis quel-
ques années, en adoptant nos usages et notre civilisation.
Aujourd'hui, comme dans l'antiquité et au moyen âge,
l'Asie se partage, au point de vue politique et ethnographi-
que, en cinq régions correspondant aux régions naturelles :
Au centre, le grand plateau central, avec ses déserts,
ses nomades et sa région particulière du Tibet ;
A l'ouest, l'Asie antérieure avec l'Arabie, partagée en une
foule de tribus pastorales, quelques-unes nomades, et deux
empires auxquels, dans presque tous les temps, le massif
arménien et la plaine de Mésopotamie ont servi de lion¬
tière : l'empire Ottoman et la Perse (avec Hérat, Afgha-
nistan et Béloutchistan) : ces empires, composés de con-
trées très-diverses, n'ont jamais pu, ni l'un ni l'autre,
arriver à une complète unité morale ;
Au nord, la plaine du Touran et de la Sibérie où domi-
nent les Russes ;
A l'est, l'empire Chinois et, au delà de la mer, le Japon ;
Au sud, les deux péninsules de l'Indo-Chine et de l'Inde,
où dominent aujourd'hui les Européens et surtout les An-
glais.
80. Les États. — Les États asiatiques, quelle que soit
leur organisation intérieure, peuvent être ramenés à trois
grands groupes.
I. Le groupe de l'Asie occidentale qui, de tout temps,
a entretenu des relations avec l'Europe. Il comprend sept
contrées :
1° La partie asiatique de L'EMPIRE OTTOMAN (env. 1,800,000
kil. c., et 17 millions d'hab.). Elle se divise en dix-huit
gouvernements généraux désignés sous le nom d'eyalet ou
de vilayet.
Huit dans l'Asie mineure, Djézair-Bahr-Yesid ou îles de
la Méditerranée, ch.-l. Rhodes, avec le kaimakamlik de
Samos et le mutessariflik de Chypre, Paphlagonie, ch.-l.
Kastamouni, Khodavendoghiar ou Bithyme, ch.-l. Brousse,
Aidin ou Lydie, ch.-l. Smyrne, Komeh, Angora, Swas,
Trébizonde;
Trois dans l'Arménie et le Kourdistan, les vilayets, d'Er-
zeroum, de Karprout et de Kourdistan, ch.-l. Diarbekir ;
Un dans la Babylonie ou Irak-Arabi, l'eyalet de Bagdad;
Quatre en Syrie, les vilayets d'Alep, de Sourie, ch.-l. Da-
mas, de Beyrouth et le mutessariflik du Liban, ch.-l. Deir-
el-kamar ;
Deux dans l'Arabie, dont la soumission, purement nomi-
nale, ne concerne qu'une partie du littoral de la mer
Rouge, l'eyalet de l'Hedjaz, ch.-l. Djeddah, et celui de
l'Yémen, ch.-l. Moka.
2° L'ARABIE (2,000,000 kil. c., et 8 millions d'hab. ?), en
dehors des parties nominalement vassales de la Porte-Otto-
mane, est occupée par des tribus à demi sédentaires ou no-
mades, mais ne forme pas un état constitué ; cependant
presque tout le Nedjed reconnaît l'autorité des Waha-
bites, et l'Oman est sous la domination de l'Iman de Mas-
cate, qui possède également une partie de la côte de l'Iran
et qui, avant 1856, étendait son pouvoir sur une partie de
la côte occidentale de l'Afrique jusqu'à Zanzibar.
3° Le ROYAUME DE PERSE (1,000,000 et demi de kil. c., et
5 millions d'hab. ?), cap. TÉHÉRAN, est borné au nord par
la Russie dont l'Aras forme la frontière, par la Caspienne
et les steppes du Turkestan ; à l'est, par l'empire des
Afghans et le Beloutchistan ; au sud, par la mer d'Oman
et le golfe Persique ; à l'ouest, par la Turquie. Il comprend
onze provinces : Aderbeidjan, Irak-Adjemi, Kourdistan,
Kousistan, Ghilan, Mazandéran, Tabaristan, Khorassan,
Kouhistan, Kerman, Farsistan. Il s'étend, en outre, sur la
partie occidentale du Béloutchistan.
4° et 5° L'AFGHANISTAN (environ 400,000 kil. c., et 4 à 5
millions d'hab. ?) est une région habitée par des tribus, les
unes nomades, les autres sédentaires, réunies aujourd'hui
sous l'autorité du sultan de CABOUL : ses États comprennent
le royaume de Caboul, le royaume de Kandahar, le Seistan
et le royaume d'Hérat.
6° Le BELOUTCHISTAN (env. 350,000 kil. c., et 1 million
d'hab.?) n'est pas un État, mais une région habitée par
quelques tribus de pasteurs, parmi lesquels dominent les
Beloulchis ; le shah de Perse occupe le Beloutchistan
occidental et les Anglais ont des garnisons dans l'est ; ville
principale, Kélat.
1° Le TURICESTAN (3,000,000 de kil. c., et 9 millions d'hab.?)
peut être rattaché à l'Asie occidentale, quoiqu'il s'étende
aussi sur une partie du plateau central. Ce n'est pas non
plus un État unique, mais une agglomération de peuplades
turques et boukhares, en partie nomades, en partie séden¬
taires. Ces dernières forment un grand nombre de petits
États distincts. Ils sont désignés sous le nom de khanats
dans le Touran, qui comprend ceux de Khiva, de Khoun-
douz, de Khokhand et de Boukhara; sous le nom de prin-
cipautés dans le Thian-chan-nan-lou, c'est-à-dire « pays
au sud des monts Célestes », où l'on trouve celles de Kas-
chgar, d'Yarkand, de Khotan, de Tourfan, de Khamil, etc.
Le Thian-chan-nan-lou est l'ancien Turkestan chinois qui,
sous l'influence musulmane, s'est émancipé par suite des
derniers troubles civils de la Chine et sur lequel domine
aujourd'hui Yakoub-bey.
II. Le groupe de l'Asie centrale et orientale, qui est
le domaine propre de la race jaune, et dont le dévelop-
pement de civilisation a été, jusqu'à ces années dernières,
tout à fait distinct du développement de la race blanche,
comprend cinq États indépendants :
1° L'EMPIRE CHINOIS (env. 9,000,000 et demi de kil. c.,
et plus de 520 millions d'hab. ?), qui s'étend, au nord, jus-
qu'à l'Amour et jusqu'au versant septentrional du grand
plateau ; au sud, jusqu'à l'Himalaya et jusqu'au golfe de
Tonkin ; à l'est, jusqu'à l'océan Pacifique, a pour capitale
PÉ-KING ; il est composé de deux parties bien distinctes ;
La CHINE PROPREMENT DITE a pour limite septentrionale
la grande muraille de Chine construite 200 ans avant l'ère
chrétienne, pour protéger la Chine contre les incursions
des nomades du plateau, et qui s'élend elle-même sur une
partie du plateau qu'elle coupe en deux ; elle a pour limite
occidentale les terrasses du plateau,sur lesquelles s'étagent
trois de ses provinces ; pour limite orientale, la mer. Elle a
env. 3,360,000 kil. c., et 500 millions d'hab. (?), et com-
prend 18 provinces (tseng), grandes divisions qui ont existé,
à peu près telles qu'elles sont aujourd'hui, sous les diffé-
rentes dynasties, depuis des milliers d'années, et qui sont
gouvernées par des vice-rois, résidant dans la capitale
de la province. Chaque province, dont l'étendue est en
moyenne aussi grande et la population aussi considérable
que celle d'un grand État européen, est subdivisé en dé-
partements ou fou, dont le nombre total est de 187. Le
même mot « fou », ajouté à la fin des noms de villes, dé-
signe les chefs-lieux de province ou de département.
Les provinces sont :
1° Sur le bord de la mer :
Pé-tchi-li, cap. Pé-king ;
Chan-toung (c'est-à-dire, montagnes de l'Orient), cap.
Tsi-nan-fou.
Kiang-sou, cap. Nan-king ;
Tché-kiang, cap. Ilan-tcheou ;
Fo-kien, cap. Fou-Lcheou ;
Kouang-toung, cap. Kouang-tcheou-fou, ou Canton.
2° Dans l'intérieur :
Chan-si (c'est-à-dire montagnes de l'Occident), cap Thaï-
youen-fou ;
Chen-si, cap. Si-ngan-fou ;
Kan-sou cap. Lang-tcheou ;
Ho-nan (c'est-à-dire midi du fleuve Hoang-ho), cap.
Khaï-foung-fou ;
N'gan-houéi, cap. N'gan-king ;
Hou-pé (c'est-à-dire nord du lac : lac Tong-ling), cap.
Wou-tchang ;
Hou-nan (c'est-à-dire midi du lac), cap. Tchang-cha-fou ;
Ssé-tchouen (c'est-à-dire les quatre rivières, à cause des
quatre grands affluents qu'y reçoit le Yang-tsé-kiang), cap.
Tching-tou-fou ;
Kiang-si (c'est-à-dire l'occident du fleuve : Yang-tsé-
kiang), cap. Nan-tchang ;
Kouei-tcheou, cap. Koueï-yang ;
Kouang-si, cap Kouei-an ;
Yun-nan, cap. Yun-nan-fou.
Les PAYS TRIBUTAIRES comprennent 5 régions principales,
à savoir : la Mandchourie (près de 2,000,000 de kil. c., et
3,000,000 d'hab. ?), chef-lieu Moukden ; la Mongolie (près
de 3 millions et demi de kil. c., et env. 3 millions d'hab.?),
habitée par des tribus nomades, Khalkhas, Kalmoucks,
Ordous ; le TIBET (plus de 1,000,000 et demi de kil. c., et
de 7 à 11 millions d'hab.), État constitué, capitale Lhassa
où réside le grand Lama ; la CORÉE (env. 200,000 kil. c., et
8 à 9 millions d'hab.). État constitué et qui n'a que très-
peu de rapports avec les Chinois, cap. Han-yang ; les îles
Liéou-khiéou (env. 1 demi-million d'hab. ?), habitées par
une population presque sauvage.
Par suite des derniers troubles de la Chine, deux pays
autrefois dépendant de cet empire en ont été détachés : le
Turkestan chinois devenu indépendant; et la Bzoungarie,
qui, après quelques années d'indépendance, a été assujettie
par la Russie.
2° L'EMPIRE DU JAPON (env. 380,000 kil. c., et 35 millions
d'hab.), cap. Yédo, résidence actuelle du souverain, com-
prend le Japon proprement dit, formé de trois grandes îles,
Nippon, Sikok fet Kiou-siou, entourées de plusieurs petites ;
et un grand nombre d'îles dépendantes, telles que Yéso,
les Kouriles qu'il partage avec la Russie, les îles Bonin,
dans l'Océame, et les îles Liéou-khiéou dont il dispute la
suzeraineté à la Chine. Le Japon se divise en 72 « Ken »
ou districts provinciaux et trois districts urbains, ceux
d'Yédo, de Kioto et d'Osaka, appelés « fou », c'est-à-dire
capitale.
3° Le ROYAUME D'ANNAM (env. 600,000 kil. c., et 11 mil-
lions d'hab.?), capitale Hué: le royaume indépendant du
Cambodge, capitale Oudong, qui s'est placé sous le protec-
torat de la France, en était naguère une dépendance.
4° Le ROYAUME DE SIAM (env. 650,000 kil. c., et 5 à 6 mil-
lions d'hab. ?), a pour capitaleBang-kok : au sud, se trouvent
les tribus sauvages et indépendantes de la presqu'île de
Malacca.
5° L'EMPIRE DES BIRMANS (env. 475,000 kil. c., et 4 mil-
lions d'hab. ?), capitale Mandalé qui ne forme pour ainsi
dire, qu'une seule ville avec Ava et Amarapoura anciennes
capitales.
III. Le groupe des possessions et des colonies euro-
péennes se divise en deux parties très-distinctes.
Au nord sont les POSSESSIONS RUSSES qui s'étendent sur
plus du tiers de l'Asie et sont réparties entre trois régions :
1° Les provinces Transcaucasiennes qui constituent la ma-
jeure partie de la lieutenance du Caucase, s'étendent jus-
qu'à l'Aras, sur 180,000 kil. c., avec plus de 2 millions et
demi d'hab. Elles comprennent les gouvernements de Tiflis,
de Bakou, d'Erivan, de Koutaiss, d'Elisabethpol, et les ter-
ritoires de Mingrélie et d'Abkhasie ;
2° L'Asie centrale (1,778,000 kil. c., et 2,750,000 hab.),
comprend les steppes des Kirghiz avec les provinces de
Semipalatinsk, d'Akmollinsk, de Tourgai, d'Ouralsk (1) ;
et le Turkestan russe avec les provinces du SyrDaria, de
Semiretchinsk et de Kouldja.
3° La Sibérie (env. 12 millions de kil. c., et près de 3
millions et demi d'bab.) comprend les gouvernements de
Tabolsk, de Tomsk, d'Iénisséïsk, d'Irkoutsk, d'Yakoutsk, et les
provinces de Transbaïkalie, de l'Amour et du Littoral.
Au sud et à l'est, sur les côtes de l'océan Indien et de
l'océan Pacifique, sont les possessions de diverses puis-
sances maritimes de l'Europe.
1° Les POSSESSIONS ANGLAISES, dont la plus importante est
l'INDE ANGLAISE, capitale CALCUTTA, divisée en 11 prési-
dences ou provinces : 3 dans le bassin du Gange, Bengale,
cap. Calcutta, la plus grande et la plus peuplée des prési-
dences, Provinces nord-est, cap. Allahabad, Onde, cap.
Lucknow ; 2 dans le bassin de l'Indus, Pendjab, cap. La-
hore, Sind, cap. Hayderabad ; 5 dans le Dekhan, Bombay,
Madras, Provinces centrales, cap. Nagpore, Coorg-et-Mysore,
cap. Bangalore et Mercara, Hayderabad, cap. Oomrattée et
Akohah ; une dans l'Indo-Chine, la Birmaniebritannique,cap.

(1) Une partie du revers oriental de l'Oural, lequel appartient à l'Asie,


est comprise dans les gouvernements de la Russie d'Europe.
Rangoun. L'Inde anglaise a une superficie de 2,360,000
kil. c, et une population de 160 millions d'individus. Il faut
y ajouter les États indigènes, vassaux de l'Angleterre et qui
lui sont étroitement subordonnés : royaume du Nizam,
États Radjepoutes, États du Bundelkund, principauté de
Scindiah, rajahs d'Orissa, royaume de Mysore, royaume de
Guykowar, Guzerate, royaume de Travancore, royaume de
Holkar, etc., en tout 1,673,000 kil. c., et 46 millions
d'habitants.
Dans l'Inde, deux royaumes indépendants, liés à l'Angle-
terre par des traités, subsistent encore dans la région de
l'Himalaya : Népaul, cap. Katmandou, et le Boutan, cap.
le

Tassissudon.
Hors de l'Inde proprement dite et de la Birmanie, les
Anglais possèdent encore : 1° la grande île de Ceylan (64,000
kil. c., et 2,000,000 hab.), ch.-l. Colombo : 2° les établisse-
ments du détroit, l'île Poulo-Pinang avec la province de
Wellesley, Malacca et Singapore (env. 2,800 kil. c., et
300,000 hab.) ; 3° en Chine, l'île Hong-Kong (83 kil. c., et
115,000 hab.), à l'embouchure de la rivière de Canton ; 4° à
l'ouest, sur la côte d'Arabie, les îles Kouria-Mouria, Aden
et l'îlot de Périm qui commande le détroit de Bab-el-
Mandeb.
En tout, près de 208 millions d'Asiatiques sont, directement
on indirectement, soumis à l'Angleterre.
2° Les POSSESSIONS FRANÇAISES : Chandernagor, Yanaon,
PONDICHÉRY, Karikal, Mahé, dans l'Inde (en tout 510 kil. c.,
et 220,000 hab.), et la COCHINCHINE FRANÇAISE (56,000 kil. c.,
et un peu plus de 1 million d'hab.), ch.-l. Saïgon.
(Voir, pour plus de détails, la France avec ses colonies).
3° Les possessions portugaises, Goa, Damaun, Diu, etc.,
dans l'Inde (env. 4,200 kil. c., et 525,000 hab.) ; Macao en
Chine (31 kil. c., et 100,000 hab.).
3e section

LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE.

(Von la carte n° 12.

ASIE OCCIDENTALE.

(Voir La carte n° 13.)


81. La production agricole. — L'Asie occidentale, avec
sa surface accidentée et presque égale à la superficie de
l'Europe, doit évidemment renfermer un certain nombre
de régions agricoles différentes au point de vue de l'aspect
et des produits. On peut les rattacher à six groupes princi-
paux :
1° L'Anatolie, ou Asie Mineure des anciens, comprend
deux parties très-distinctes, les plateaux et les vallées : les
plateaux généralement dénués d'arbres, médiocrement fer-
tiles et mal peuplés, produisent cependant des céréales,
ainsi que quelques plantes industrielles, le djerih ou
;
graine de Perse, qui fournit une belle couleur jaune ; le
pavot blanc, dont on extrait l'opium et dont la récolte la plus
abondante a lieu aux environs d'Afium-Kara-Hissar. Les
vallées et les petites plaines inférieures sont les parties les
plus fertiles. Elles produisent les céréales, surtout le maïs
de Samsoun, etc., l'orge, le blé, le riz, dont le plus estimé
est le riz rouge de kastamouni; les plantes industrielles,
telles que le tabac de Trébizonde, de Samsoun, de Magnésie,
de Pergame, d'Adalie, etc., le sésame, dont la graine donne
une huile estimée, le chanvre, la garance de Chypre, etc.,
le pavot blanc de l'Anatolie occidentale, de Smyrne, etc.,
le safran et quelques autres plantes tinctoriales, le téré-
binthe, enfin le coton dont l'île de Chypre et l'Anatolie
occidentale fournissent, en plus grande abondance, les
meilleures qualités.
Parmi les arbres les plus utiles, la vigne donne en abon-
dance des RAISINS SECS et du raisiné fabriqué principalement
sur la côte occidentale de l'Anatolie ; elle fournit aussi
des vins muscats et autres très-renommés, tels que ceux
de Ténédos et de Samos, et les vins de Chypre dons les plus
estimés sont ceux de Commanderie, dans le district d'Orini :
ces vins sont conservés encore, comme aux temps antiques,
dans de grandes amphores de grès à fond pointu, fichées
dans le sable et enduites de poix. Viennent ensuite l'olivier
des environs de Brousse, de Chypre, de Syrie, etc., qui
donne des fruits et de l'huile ; le figuier d'Aidin, etc., et
divers autres arbres fruitiers ; le mûrier qui nourrit beau-
coup de vers à soie, dans les îles et sur la côte nord-ouest, à
Brousse, à Smyrne, en Chypre, etc., et dans les environs de
Trébizonde. Les parties montagneuses, comme le mont
Olympe en Troade, le mont Olympe dans l'île de Chypre,
les montagnes de Cilicie et d'Isaurie, etc., ont des forêts qui
donnent la vallonée, la noix de galle et de belles planches
de sapin.
Au résumé, grâce à son magnifique climat, l'Asie Mi-
neure devrait être une des plus riches contrées du monde,
si le travail de l'homme venait en aide à son sol qui, natu-
rellement ingrat, est néanmoins très-susceptible d'amen-
dement. Mais, grâce à l'incurie des habitants, l'agriculture
est dans un état misérable.
L'Anatolie a peu de chevaux, mais elle a de bons mulets
et des chameaux pour le transport ; les boeufs et les buffles
y sont de médiocre espèce. Le principal bétail, qu'on
nourrit surtout dans les landes immenses du plateau, con-
siste en moutons de Cilicie, de Cappadoce, etc., et en chèvres.
la chèvre d'Angora, au poil long et soyeux, élevée sur les
bords du Kisil-Ermak, est particulièrement renommée. Sur
le plateau, les abeilles donnent un miel abondant.
2° L'Arménie, ainsi que la Transcaucasie russe, sont des
régions toutes montagneuses, ayant sur les hauteurs des
pâturages qui nourrissent beaucoup de bétail, moutons,
chèvres, etc. Leurs vallées présentent des champs qui pour-
raient être mieux cultivés et qui donnent les mêmes pro-
duits que l'Europe méridionale, les céréales, froment, orge,
maïs, et riz ; les plantes tinctoriales safran et garance ; le
chanvre, le tabac et un peu de coton.
3° La Mésopotamie, ou région de l'Euphrate et du Tigre,
possède, d'une part, au milieu de déserts sablonneux, de
vastes pâturages et de grasses prairies, où les Arabes élè-
vent des moutons en grand nombre, de bons chevaux et
quelques chameaux; d'autre part, dans les parties mon-
tueuses du nord et de l'est, des céréales, et, dans le sud,
sur le bord des cours d'eau, du lin, du riz et des dattes.
4° La Syrie, pierreuse et déserte sur une grande partie
de son étendue, est fertile dans les vallées encaissées et
arrosées, comme celle du Haouran et de la Bekaa (Coelé-
Syrie), et généralement dans toutes celles du Liban et de
l'Anti-Liban : on y cultive les céréales, blé, orge, riz,
mais, sorgho, etc. ; les plantes industrielles, le tabac et,
entre autres espèces, le tabac dit de Latakié et d'Abou-
Relia (1), le plus renommé du Levant, le coton, le sé-
same, etc., et les arbres fruitiers, olivier, vigne, figuier (2),
mûrier, pistachier d'Alep. Le Liban possède, débris de ses
antiques forêts, quelques beaux cèdres clair-semés sur ses
flancs. Le gros bétail est rare ; mais les moutons, les chèvres,
les ruches sont en grand nombre ; les chevaux arabes, les
chameaux et les ânes sont employés pour les transports.

(1) Le tabac Abou-Reha est nn tabac noirâtre, très-estimé, cultivé à


Sémer-Kilé. On raconte que les paysans, appelés par une guerre au
moment de la récolte, furent obligés de laisser leurs feuilles suspen-
dues dans leurs maisons. A leur retour, ils les trouvèrent noircies et
hors d'état d'être vendues. Ils les fumèrent eux-mêmes ; elles étaient
devenues de qualité supérieure. De ce temps date le nouveau mode de
préparation.
(2) L'agriculture de la Syrie a très-peu changé depuis la plus haute
antiquité. La Bible (Deutéronome, ch. VIII), la décrit ainsi ; « Terre de
froment, d'orge et de vignes, où poussent les figues, les grenades et les
olives : terre de l'huile et du miel. »
5° L'Arabie n'est en grande partie qu'un désert de sable,
parsemé de quelques oasis où les palmiers donnent la DATTE,
un des principaux aliments de l'Arabe nomade ; mais elle
est cultivée dans les régions où le sol est accidenté, dans le
Nedjed qui donne des céréales, surtout de l'orge ; dans l'Yé-
men qui fournit, entre autre produits, le café et les dattes,
la myrrhe et quelques autres parfums. Elle nourrit aussi une
des plus belles espèces de chevaux, le CHEVAL ARABE, surtout
dans l'Yémen et l'Oman. Cette dernière contrée élève en
outre de très-bons ânes et des dromadaires renommés. Le
mouton est le bétail dominant dos pâturages du désert.
6° L'Iran a, comme l'Arabie, de vastes déserts ; ses ré-
gions productives sont situées aux extrémités, dans les
districts montagneux, comme le Farsistan au sud-ouest,
le Ghilan, le Manzandéran et le Khorassan au nord, la val-
lée d'Hérat et l'Afghanistan au nord-est, la vallée de Gon-
dova au sud-est. Toutes les céréales y poussent, froment,
orge, mais, sorgho, riz du Ghilan, du Farsistan, etc. On y
récolte également la rhubarbe, un des aliments des habi-
tants de l'Afghanistan ; le tabac des vallées de Schiraz, de
Kandahar, etc. ; les plantes tinctoriales, garance, safran,
indigo ; l'opium cultivé surtout dans l'Irak-Adjemi. Le coton
réussit dans le Farsistan, dans la vallée de Gondova et le
Ghilan : la vigne donne les vins estimés de Schiraz, etc. ;
le mûrier, qui nourrit le ver à soie, est cultivé surtout dans
le Ghilan ; les fleurs du rosier servent à fabriquer l'eau de
rose ; les arbres à fruits, amandiers, marronniers, etc.,
abondent dans les vallées septentrionales. L'Iran a de beaux
chevaux qui tiennent du cheval arabe et du cheval fartare,
beaucoup de moutons surtout de l'espèce à large queue, et
de chèvres.
82. La pêche. — Dans l'Asie antérieure, la pêche est une
grande ressource pour les habitants des côtes, principale-
ment sur les bords du golfe Persique et de la Caspienne.
Dans la Méditerranée, on pêche en grande quantité des
éponges. Dans la mer Rouge, près de la côte de l'Yémen et
dans le golfe Persique, surtout aux environs des îles Bah-
rein et de Biddah, des plongeurs exploitent des bancs
d'huîtres perlières et rapportent du fond de la mer les co-
quillages dont on laisse pourrir les mollusques et dont on
vend ensuite les perles et la nacre.
83. La production minérale. — L'Asie occidentale a cer-
taines richesses minérales, mais elle n'en exploite qu'une
très-petite partie : un peu de houille dans l'Anatolie, à Hé-
raclée (Erekli), à Brousse et auprès du Taurus ; du pétrole
dans la Transcaucasie, surtout sur le bord de la Caspienne
où il abonde, dans le Kourdistan persan, etc. ; un peu de
fer grossièrement exploité près d'Adana, en Arménie et
dans la Perse ; du cuivre à Tokat et à Éléon dans l'Anatolie,
et un peu aussi dans la Perse ; de l'argent et du plomb dans
l'Anatolie, près de Trébizonde et d'Adana, et dans la Perse
près de Meschehed ; de l'or en Perse, etc. Le sel se trouve
aux environs de Smyrne, où est la saline de Foglieri, dans
les lacs et les mines des environs de Konieh, aux salines de
Djeboul, dans la province d'Alep ; le lac d'Ourmiah fournit
du borax ; l'Anatolie de l'émeri, près d'Éphèse, et des
pierres à aiguiser ; on trouve des turquoises à la pointe Akaba,
dans le Sinaï en Arabie et à Nichabour en Perse.
84. La production manufacturière. — L'industrie est
très-peu avancée ; elle se borne en général à la fabrication
d'un petit nombre d'ustensiles de ménage, tels que les po-
teries de Djeddah, de Bagdad, d'Ispahan, etc., et les objets
en papier mâché d'Ispahan, au tissage des étoffes, à la fa-
brication des bijoux. L'Anatolie, surtout aux environs de
Smyrne, et le Kerman fabriquent des tapis ; Brousse et
d'autres villes de la Turquie d'Asie filent la soie que l'on
tisse à Damas, à Alep, à Diarbekir, etc. La Perse fait de
belles soieries et des soieries à bon marché, comme les taf-
fetas de Yezd et de Kaschan, des cotonnades communes à
Boroudzird, des toiles peintes ou teintes en rouge, des lai-
nages dans le Kerman. DAMAS, Erzeroum, Cazbin et d'autres
villes de la Perse fabriquent des armes blanches renommées.
85. Les villes principales. — L'Asie occidentale compte
sept villes, dont la population paraît atteindre ou dépasser
400,000 âmes. (Voir les plans de la carte n° 13.)
Alep (100,000 hab.), capitale de la Syrie : cette belle ville
est située à 380 m. d'altitude entre la vallée de l'Oronte et
la vallée de l'Euphrate, dans une oasis d'une végétation
luxuriante, fertilisée par un petit cours d'eau qui va se
perdre à 40 kilomètres de là dans les sables. Placée sur la
limite du désert dont elle reçoit les caravanes, et en com-
munication avec la Méditerranée, par les échelles d'Alexan-
drette et de Latakié, elle est comme un entrepôt créé par
la nature entre l'Occident et l'Orient ; l'appauvrissement de
la Mésopotamie et le terrible tremblement de terre de
1822 l'ont atteinte elle-même dans sa prospérité.
Beyrouth (plus de 100,000 hab.), une des principales
échelles du Levant et le port de Damas.
Meschehed (100,000 hab.), capitale du Khorassan persan
et ville sainte des Perses, possède des fabriques importantes
de soie et de coton.
Tauris (110,000 hab. ?) a été plus importante qu'elle
n'est aujourd'hui ; mais, placée au nord-ouest de l'Iran, elle
sert d'entrepôt au commerce de cette région avec l'Occident
par Tiflis et Trébizonde.
Téhéran (85 à 120,000 hab.), capitale de la Perse, située
à 1,490 m. d'altitude : sa population varie selon le séjour
du Shah, qui, pendant l'été, se transporte avec toute sa
cour dans la plaine de Sultanieh.
Smyrne (130,000 hab.), bâtie en amphithéâtre au fond
d'un golfe qui s'ouvre entre l'île Mételin et le cap Karo-
Dearoum (voir le carton de la carte n° 12), est le grand entre-
1

pôt maritime de l'Anatolie.


Damas (150,000 hab.), El Sham en arabe, est situé,
comme Alep, sur la limite du désert, an pied de l'Anti-
Liban, dans une oasis occupée par des jardins fertiles
qu'arrosent le Barada et ses affluents, l'Abana et le Phar-
pbar aux eaux profondes. Elle est en communication avec
la Méditerranée par Beyrouth : c'est une ville sainte et un
grand marché où se rencontrent les produits de l'Ana-
tolie, de l'Arménie, de l'Iran, de l'Arabie avec ceux de
l'Europe.
Un grand nombre d'autres villes de l'Asie occidentale
sont remarquables par leur importance économique, leurs
souvenirs historiques ou par leur population qui, pour plus
de cinquante d'entre elles, paraît atteindre ou dépasser
20,000 habitants'(1).
Dans l'Anatolie, Brousse (60,000 hab.), dans une fertile et
délicieuse vallée, première capitale de l'empire Ottoman ;
Aïdin (30,000 hab.), sur la rive droite du Méandre, au
pied d'une colline où se trouvent les ruines de Tralles ;
Afium-Kara-Hissar (50,000 hab.), ancienne Apamée, im-
portante par la culture de l'opium ; Uschak (25,000 hab.),
à l'ouest d'Afium, ancienne Trajanopolis ; Koutaieh (25,000
hab.), ancienne Cotvoeum,' a des marchés considérables :
les Turcs y furent défaits par Ibrahim-Pacha en 1833 ;
Bourdour (23,000 hab.), dans l'ancienne Pisidie; Koniek
(36,000 hab.), capitale de l'empire turc sous les Seldjou-
cides, ville importante au point de vue stratégique et
commercial ; Kaisarieh (25,000 hab.), ancienne Césarée,
qui comptait 400,000 hab. à l'époque de sa destruction par
Sapor, au IIIe siècle ; Angora (50,000 hab.), ancienne Ancyre,
dont il reste des débris remarquables, et où Tamerlan défit
Bajazet en 1402, renommée aujourd'hui pour les étoffes
faites avec le poil des chèvres particulières à son district ;
Isnik., l'ancienne Nicée et Ismid, l'ancienne Nicomédie,villes
historiques bien déchues; Sinopc, sur h mer Noire, port
de commerce et port militaire, où les Russes incendièrent
la flotte turque en 1853 ; Trébizonde (60,000 hab.), capitale
d'un empire grec au moyen âge, première place commer-

(1) Le chiffre de la population, bien que puisé aux sources les plus
récentes et les plus sûres, ne doit être regardé que comme appro-
ximatif.
çante de l'Asie ottomane sur la mer Noire ; Siwas (25,000
hab.), ancienne Sébaste, ville bien bâtie sur le cours su-
périeur du Kizil-Ermak ; Tokat (45,000 hab.), ville com-
merçante : aux environs est la ville de Zileh, avec une
foire importante en novembre ; Amasiafi (23,000 hab.),
ancienne Amasée, résidence des rois de Pont, et patrie du
géographe Strabon ; Adana (40,000 hab.), sur le Sihoun ;
Tarsous (25,000 hab.), ancienne Tarse, sur le Kara-sou,
ancien Cydnus.
Dans la région arménienne, Tiflis (70,000 hab.), capitale
delà Géorgie, ville commerçante avec d'immenses bazars;
Schemacha (29,000 hab.), dans le Chirwan, plus importante
que Bakou la capitale, célèbre elle-même par ses puits de
feu ; Erivan, capitale de l'Arménie russe ; Erzeroum (60,000
hab.), capitale de l'Arménie ottomane, boulevard de
l'empire Turc au nord-est, entrepôt du commerce entre la
Turquie, la Russie eL la Perse, grande fabrique d'armes
blanches; Tan (43,000 hab.), ville de commerce, sur le
lac de son nom ; Mossoul (50,000 hab.), autre grande place
de commerce, avec des fabriques de maroquins et d'étoffes
légères de coton, appelées de son nom mousselines ; Khor-
sabad, simple village au nord de Mossoul, est sur les ruines
de l'antique Ninive qui occupent une superficie presque
aussi grande que celle de Londres ; Arbil, petite ville au
sud-est, rappelle le nom de l'ancienne Arbclles ; Diar-
bekir (40,000 hab,), capitale du Kourdistan, sur le Tigre,
au centre d'une des plus riches plaines de l'Orient ; Nizib,
ancienne Nisibe, au milieu de riches pâturages et de jardins
renommés par leurs roses blanches, ancienne frontière de
l'empire Romain du côté des Perses, théâtre, en 1839, d'une
victoire de Méhémet-Ali, qui assura l'autonomie de l'É-
gypte ; Malatia (20,000 hab.), ancienne Mélitène sur l'Eu-
phrate.
Dans la Mésopotamie, Hillalt (30,000 hab.), sur la rive
gauche de l'Euphrate, au milieu des ruines de Babylone ;
Bagdad (60,000 hab.), ancienne capitale des Khalifes, près
des ruines de Séleucie et de Clésiphon, est située sur le
Tigre, large, en cet endroit, comme le Rhin à Mayence :
elle possède des fabriques de velours et de coton et de
riches bazars; Bassorah (00,000 hab.), dans une contrée
malsaine, port de commerce sur le ChaU-el-Arab, au-des-
sous du confluent de l'Euphrate et du Tigre.
En Syrie, Antaldeh (20,000 hab.), dans une position dé-
licieuse sur l'Oronte, débris de l'ancienne Antioche, capi-

tale des Séleucides ; Aïn-Tab (20,000 hab.), au nord d'Alecp,


ancienne Antioche du Taurus ; Marasch (20,000 hab.), an-
cienne Germanica, dans la Comagène; Homs (20,000 hab.),
ancienne Émèse sur l'Oronte ; et Ramah (50,000 hab.), an-
cienne Epiphanie, sur le même fleuve, sont deux villes
commerçantes et industrielles, entrepôts (les laines du
désert ; St-Jean-d'Acre, place forte célèbre à l'époque des
croisades et de nos jours, près du golfe de son nom, que
domine le mont Garmel, et non loin du mont Thabor; JÉ-
RUSALEM (20,000 hab.), berceau du judaïsme et du christia-
nisme et second sanctuaire de l'islamisme, capitale de la
Palestine, sur le sol de laquelle se pressent les souvenirs
historiques et religieux (fig. 43).
En Arabie, Médine (20,000 liab.), ville sainte et savante
des Arabes, possédant le tombeau de Mahomet et de nom-
breux collèges ; la Mecque (45,000 hab.), autre ville sainte,
dont la mosquée est le premier temple de l'islamisme : elle
attire tous les ans de 100 à 200,000 pèlerins, dont les cara-
vanes occasionnent le plus fort mouvement commercial de
cette partie de l'Orient ; Sana (40,000 hab.), dans une des
hautes vallées du plateau de l'Yémen (1,700 mètres), an-
cienne capitale de l'Yémen dont le territoire produit le café
le plus estimé ; Mascate (50,000 hab.), port et capitale d'un
État indépendant sur la côte d'Oman ; Manama (40,000 hab.),
dans l'île principale de l'archipel Bahreïn, au centre des
pêcheries du golfe Persique ; Aden (50,000 hab.), dont la
population s'accroît en raison de l'importance de son port ;
Riadh ou Derreyeh (30,000 hab.), au centre de l'Arabie,
capitale du royaume des Wahabites.
Dans la région iranienne, Ispahan (80,000 hab.), à 1,624
mètres d'altitude, ancienne capitale de la Perse, en partie
ruinée, avait 600,000 hab., à l'époque du voyageur Chardin
au XVIIe siècle ; Hamadan (70,000 hab.), ancienne Ecbatane,
capitale de la Médie ; Kaschan (30,000 hab.), ville indus-
trieuse de l'Irak-Adjemi ; Kaswin ou Cazbin (70,000 hab.),
autre ville de l'Irak. Adjemi, avec des manufactures d'armes
importantes; Maragha (20,000 hab.), dans l'Adcrbeidjun,
au sud de Tauris, avec le tombeau d'Houlagou, destructeur
du Khalifat de Bagdad ; Ourmiah ou Urumia (35,000 hab.),
sur le lac du même nom ; Balfrouch (50,000 hab.), capitale
du Mazanderan, entrepôt considérable du commerce avec
la Russie ; Recht (50,000 hab.), dans le Ghilan, autre ville
commerçante et dont les environs produisent la meilleure
soie ; Kirmanchak (30,000 hab.), capitale du Kourdistan
persan, soumis nominalement seulement à la Perse, fa-
brique de tapis ; Sihna (25,000 hab.) ; Schiraz (30,000 hab.),
capitale du Farsistan, berceau de l'empire perse, ville
déchue, mais importante encore par ses fabriques d'es-
sence de roses, de tabac, de joailleries, etc., à 50 kilo-
mètres nord-nord-est de Schiraz, dans la plaine de Mer-
dacht sont les ruines de Persepolis, capitale de Aché-
ménides ; celles de Pasargades, leur ville sainte, sont à
75 kilomètres nord-est dans la plaine de Mourghab ; à 25
kilomètres plus loin sont celles de Shahpour, ancienne
capitale des Sassanides ; Nichabour, capitale de la Perse
sous les Seldjoucides, dans une région où abondent les
turquoises.
Caboul(60,000 hab.), capitale de l'Afghanistan, dansune
plaine très-élevée (2,000 mètres) et cependant très-fertile,
sur la rive gauche du Caboul, au confluent de Logar ;
Ghaznah sur un plateau plus élevé encore, ancienne capi-
tale del'empire des Ghaznevides; Kandahar(30,000 hab.),
sur un affluent de l'Helmind, dans une plaine fertile, place
forte, industrieuse et commerçante, ancienne capitale de
l'Afghanistan.
Hérat (50,000 hab.), capitale de l'ancien État de ce nom,
à 670 kilomètres ouest de Caboul, ville immense, aux
nombreux bazars, point commercial et stratégique le plus
important de l'Asie centrale, ancienne capitale de l'empire
de Tamerlan, longtemps disputée par les Perses et les
Afghans, objet de l'envie des Anglais et des Russes.
86. Les routes de terre. — L'Asie occidentale ne possède
pour ainsi dire aucune route : les transports se font à dos
d'âne, de mulet ou de chameau, soit à travers le désert,
soit par les gorges des montagnes ; et les directions que
suivent les caravanes, tracées d'avance par la nature qui a
fait les cols et les oasis, sont demeurées à peu près inva-
riables depuis l'antiquité la plus reculée. Les plus impor-
tantes lignes de caravanes sont :
1° Celles qui font communiquer le Pendjab et l'Indus et,
par conséquent, toute l'Inde avec l'Iran, en gagnant, à tra-
vers les montagnes, Gondova, Kandahar ou Caboul et, de
là, Hérat : ces routes très-suivies au moyen âge, à l'épo-
que de la prospérité de Samarcande, sont presque entière-
ment délaissées de nos jours ;
2° Celles qui, par Caboul, Hérat, Meschehed, gagnent
Boukhara, routes également peu fréquentées aujourd'hui ;
3° Celles qui réunissent le sud et le nord de la Perse par
Bender-Abassi, Schiraz, Yezd, Ispahan, Kaschan, Hamadan,
Téhéran, Tauriss et la Caspienne ;
4° Celles qui, de Tauris, gagnent la mer Noire par Tiflis
ou par Erzeroum et Trébizonde, et la Caspienne par Bakou :
entre Erzeroum et Trébizonde on travaille depuis long-
temps, mais fort lentement, à construire une route pré-
férable au chemin montueux de caravane qui existe ; les
Russes, de leur côté, cherchent à attirer le commerce vers
Tillis ;
5° Celles qui, venant d'Arabie ou de Bagdad, gagnent
Damas, Homs, Haraah, Alep, c'esl-à-dire les oasis qu'on
peut considérer comme les échelles du désert, placées au
pied du Liban, et, de là, les échelles maritimes du Levant.
Au départ soit de l'Euphrate, soit de l'Arabie, ces routes sont
d'abord des chemins de caravanes à travers des déserts nus ;
à partir de la région du Liban, ce sont des routes ou plutôt
des sentiers de montagnes ; une seule route carrossable y a
été pratiquée : c'est celle de Damas à Beyrouth. Peu de temps
avant et après les fêtes du Bairam, DAMAS est le théâtre de
foires très-importantes, fréquentées par tous les pèlerins
qui, de tous les points de l'Asie, se rendent à la Mecque ou
qui retournent dans leurs foyers ; le pacha de Damas a le
titre de prince des pèlerins et protège la grande caravane ;
6° Celles qui d'Arménie, à travers toute l'Asie Mineure,
gagnent Smyrne et Scutari par Césarée, Konieh, Kara-
hissar. Depuis l'antiquité, Césarce est un des grands
marchés de l'Asie Mineure; son commerce est surtout en-
tre les mains des Arméniens et ses foires réunissent plus de
80,000 personnes, venant depuis Diarbekir et Mossoul ; mais
de Césarée à Smyrne, la route est encore de 45 jours. Le
port de Mersina est plus voisin ; cependant le Taurus et la
douane en ont écarté le commerce de Césarée.
Les transports par caravanes sont très-lents et très-
dispendieux (I). Les Européens n'y prennent aucune part
directe ; et, à mesure que les facilités du commerce par
mer se développent, les routes de caravanes, surtout les
grandes routes qui reliaient l'Orient à l'Europe, comme
celle de l'Indus à la Caspienne et à la mer Noire, perdent
de leur importance.
Smyrne communique aujourd'hui par chemin de fer avec
Aïdin et Manisa.
En somme, trois grands courants commerciaux traver-
sent l'Asie en deçà du Tigre : l'un, montant de la Perse vers
le nord à travers les monts d'Arménie, se termine à Redout-
Kalé par Tiflis, ou à Trébizonde par Érivan et Erzeroum ;
un autre, venu aussi de la Perse et des rives de l'Euphrate,
traverse par Césarée toute l'Asie Mineure, et, grossi de
quelques produits de la Syrie et de tous ceux de l'Anatolie,
se rend à Scutari ou à Smyrne, c'est-à-dire à la mer ; le
troisième, partant de directions diverses, de Diarbekir, de
Mossoul, de Bagdad ou de l'Arabie, aboutit à Alep et à
Damas, d'où une partie des marchandises, franchissant les
monts, se met en communication sur la côte avec les na-
vires européens. Si ces courants ont suivi de temps immé-
morial les mêmes routes, il faut ajouter que les siècles n'y
ont apporté aucune amélioration; loin do là, les routes
d'Asie Mineure et'de Syrie n'ont pas encore recouvré la
prospérité dont elles ont joui dans l'antiquité sous les Per-
ses, sous les successeurs d'Alexandre, sous les Romains, et
au moyen âge sous les Arabes. La domination des Otto-
(1) De Trébizonde à Téhéran, pour un trajet de 1,200 kilomètres,c'est-à-
dire à peu près la traversée de la France en chemin de fer de Dunkerque
à Marseille, on met de 1 à 2 mois, et la charge d'un cheval (175 kilo-
grammes) coûte environ 100 francs de transport.
mans, au quinzième siècle, avait tout à coup fermé leurs
marchés à l'Europe, au moment où la grande navigation par
le cap de Bonne-Espérance leur créait une concurrence. La
France cependant parvint à se frayer de nouveau, au
seizième siècle, le chemin du Levant, et sa marine y en-
tretint un riche commerce au dix-septième siècle. L'An-
gleterre l'a supplantée en grande partie, à la suite de nos
désastres maritimes du dix-huitième siècle. Néanmoins le
commerce est resté languissant, jusqu'au moment où la
paix générale a permis à la marine de créer dans ces con-
trées des relations suivies. Depuis 40 ans, les grands ports
de l'Asie Mineure et de la Syrie, Trébizonde, Smyrne,
Beyrouth, ont fait de rapides progrès.
87. Le commerce de la mer Caspienne. — La Russie est
maîtresse de la mer Caspienne et de son commerce ; mais
ce commerce, dont le port d'Asterabad, en Perse, au fond de
la mer Caspienne, et celui de Bakou, dans l'Asie russe, sont
les principaux entrepôts asiatiques, et Astrakhan, en Europe,
l'unique entrepôt européen, ne paraît pas dépasser 12 mil-
lions de francs : il consiste en une importation de métaux
et de toile, de draps, de coutellerie, de thé, de samovars,
et en une exportation, toujours supérieure h l'importa-
tion, de coton, de fruits secs, de caviar, etc.
88. Les échelles du Levant. — C'est seulement sur les
côtes du bassin de la Méditerranée que sont établis les rap-
ports directs suivis des Européens avec les Asiatiques, de
la marine avec les caravanes. Un certain nombre de ports,
qui sont les têtes de lignes des routes de l'intérieur, ser-
vent à ces échanges. Dans la Méditerranée et dans la mer
Noire, on nomme ces ports ÉCHELLES DU LEVANT, parce
que les navires d'Europe qui trafiquent dans ces parages
font successivement escale dans plusieurs d'entre eux.
Voici les plus importants :
1° Ports de la mer Noire :
TRÉBIZONDE. Son commerce, qui n'atteignait pas 30 mil-
lions il y a quarante ans, dépasse aujourd'hui, importa¬
tions et exportations réunies, 200 millions. Cette ville doit
à sa position géographique d'être le grand débouché de
l'Iran septentrional et de l'Arménie : elle reçoit de l'inté-
rieur les soies du Ghilan, les peaux et les laines de l'Arménie
et du Kourdistan, le coton, le cuivre des mines ottomanes.
Elle les échange contre les marchandises d'Europe : coton-

nades d'Angleterre, sucre et autres denrées coloniales, draps,


soieries de Lyon et de Zurich, vêtements, chaussures, cris-
taux, armes, etc. ; les paquebots de toutes les grandes na-
tions maritimes y font escale.
Sinope, Samsoun, Batoum sont des échelles de second
ordre sur la mer Noire.
2° Ports la mer de Marmara :
Scuiari, le faubourg asiatique de Conslanlinople, ayanl
de beaux bazars ; Ismid, port peu considérable.
3° Ports de l'Archipel :
voit affluer la
SMYRNE (voir la fig. 44 et le carton de la carte n° 13)
plupart des produits de l'Anatolie, la racine de garance con-
nue sous le nom d'alizari, la vallonée, espèce de gland qui four-
nit du tannin et une teinture en noir, les figues, les raisins
secs, la soie, l'opium, le coton, la laine ; puis les céréales, blé,
maïs et orge, les peaux, les pins, la cire, les graines oléagi-
neuses, les éponges, les tapis, les sangsues. L'Europefournit
en échange ses produits manufacturés, surtout les coton-
nades d'Angleterre et des denrées coloniales. Le mouvement
total des échanges (importations et exportations) est d'en-
viron 120 millions de francs. Cette ville qui, malgré les
révolutions et les tremblements de terre, est, depuis l'an-
tiquité, un des grands ports de cette région, doit un pareil
avantage à sa situation, à son mouillage excellent, malgré
quelques bas-fonds de la côte septentrionale, et à la brise de
la mer qui conduit presque sans pilote les navires au port.
Tous les services de paquebots y relâchent.
Scala-Nova, voisine de Smyrne.
4° Ports de la Méditerranée proprement dite :
Larnaca, principal port de l'île de Chypre (1), fournit à
l'exportation de la soie, du coton, du vin.
Mersina sert de port à Tarsous et à Adana et exporte
du coton, du sésame, de la laine.
5° Ports de la côte de Syrie : généralementpeu hospitalière,
cette côte est devenue par la force même des choses, dans
tous les temps, le siège d'un important commerce maritime,
parce que c'est là et au fond de la mer Noire que les navires
de la Méditerranée peuvent, pour ainsi parler, plonger le
plus avant dans l'Asie, pour relier l'Occident à l'Orient :
Alexandrette et Latakié, petites bourgades en commu-
nication avec Alep, exportent du tabac, un peu de laine et
d'orge ;

(1) La rade d'embarquement en réalité est à la Scala, à 1 kil de Lar-


naca.
Tripoli, échelle de Hama et de Homs, fournit à la Tur-
quie et à l'Égypte les bois du Liban, de la soie, des éponges
et du tabac.
BEYROUTH (fig. 45), dont le commerce dépasse 80 mil-
lions, sert d'échelle à Damas ; c'est aussi,, malgré le peu de
sûreté de son port, le centre de la navigation de caravane,

sorte de cabotage pratiqué avec de petits bâtiments entre


les échelles du Levant : il exporte surtout l'huile d'olive et le
sésame, les bois, les céréales, la cire, la gomme, le coton,
la laine, l'alizari et les fruits secs.
Caïffa sert de port à St-Jean d'Acre.
Jaffa est le port le plus rapproché de Jérusalem.
Malgré les obstacles que créent le défaut de moyens de
communication intérieure et les vices de l'administration
le commerce des Échelles du Levant, qui avait décru, s'est
bien relevé depuis quarante ans, et principalement depuis
que des compagnies autrichiennes comme le Lloyd, fran-
çaises telles que les Messageries nationales, anglaises,
russes, etc., ont établi dans ces parages des services régu-
liers de bateaux à vapeur. Le commerce total des échelles avec
l'Europe et l'Egypte (importations et exportations réunies)
dépasse un demi-milliard. L'Angleterre y tient le premier
rang ; la France n'y vient, excepté à Larnaca, qu'au troi-
sième ou au quatrième rang, après la Turquie d'Europe et
l'Autriche.
89. Le canal de Suez. — La Méditerranée et la mer Rouge
communiquent aujourd'hui directement par le CANAL MARI-
TIME DE SUEZ (voir § 60 et le carton de la carte n° 8) qui s'étend,
entre l'Afrique et l'Asie, sur une longueur de 160 kilomè-
tres, de Port-Saïd sur la Méditerranée, à Suez sur la mer
Rouge, et qui permet aux navires d'Europe se rendant dans
l'Asie méridionale ou orientale, d'éviter le long trajet autour
de l'Afrique.
90. La mer Rouge, le golfe d'Oman et le golfe Persique.
— La mer Rouge, long golfe étroit, dangereux pour la na-
vigation à cause de ses nombreux récifs de madrépores,
désagréable par sa brûlante chaleur, est bordée de côtes
généralement inhospitalières et désertes. L'Anglerre, pré-
voyant l'importance que prendrait, au point de vue mili-
taire, la mer Rouge après le percement de l'isthme, s'est
fait céder, en 1837, l'îlot sablonneux de Périm, situé dans la
passe de Bab-el-Mandeb et sur lequel elle a construit un fort.
Les principaux ports de la mer Rouge sont :
Djeddah, port de la Mecque, rendez-vous comme Damas
d'un très-grand nombre de pèlerins à l'époque des fêtes du
Bairam : il importe des cotonnades grossières, surtout d'An-
gleterre, quelques tissus fins comme les mousselines de
Dacca achetées de riches pèlerins, du café, des céréales, etc. ;
Hodeida, qui a attiré à elle une partie du commerce de
Moka ;
Moka, autrefois le principal port de l'Yémen, aujourd'hui
entièrement déchu.
La mer d'Oman n'offre qu'un petit nombre de ports :
A 190 kilomètres du détroit de Bab-el-Mandeb, ADEN
qui, depuis 1839, appartient à l'Angleterre, est situé à la
pointe orientale d'un cap volcanique, haut de 675 mètres,
qui forme le seul abri naturel de cette côte et qui a fait
donner à la position, déjà célèbre du temps des Romains,
le surnom de Gibraltar : le port, formé par la baie dite

Steamer Point, est le lieu de relâche de tous les bâtiments


qui se rendent de Suez dans les mers de l'Orient (voir fig. 46
et le carton dota carte n° 13). Les navires s'y approvisionnent
de charbon apporté d'Angleterre et d'eau conservée dans
les immenses citernes de la montagne. Les marchands y
achètent le café de l'Yémen, la gomme, le baume, l'encens
d'Arabie, un peu de bétail. Ils apportent, le plus souvent de
Bombay, du riz, des tissus et des meubles : le mouvement
de la navigation y dépasse 200,000 tonneaux.
Mascate, à l'autre extrémité de l'Arabie, non loin du détroit
d'Ormuz, est la capitale d'un sultan qui domine sur une
partie de l'Oman et des côtes de la Perse, et qui partage
avec les Anglais le cabotage du golfe Persique et de la mer
d'Oman. Cette ville rassemble dans ses bazars la gomme,
le coton et la soie de Perse, les perles du golfe, l'é-
caille et les plumes d'Afrique, l'indigo et les châles de
l'Inde, les cotonnades et les draps d'Angleterre et d'A-
mérique ; elle fait également un grand commerce d'es-
claves qu'on tire de Zanzibar et dont beaucoup sont diri-
gés vers l'intérieur de l'Arabie dans le Nedjed et le
Schammar.
Au fond du golfe Persique, sur le Chatt-el-Arab, se trou-
vent Bassora, port ottoman, autrefois florissant, aujour-
d'hui très-délaissé, malgré le service régulier qu'y ont éta-
bli les Anglais; et Mohammera, poit persan, qui sert de
débouché au Khousistan.
Sur la côte du golfe Persique :
Bouschir, port très-mauvais, sert cependant de débouché
au Farsistan. Il importe du sucre de Batavia, des blés et
du riz de Bombay, des draps, du thé, etc. ; il exporte, en
petite quantité, des chevaux, de la soie, de la laine, du
tabac, particulièrement le toumbéki, espèce de tabac re-
cherché pour le narghilé. Son commerce d'emiron la
millions a lieu surtout avec Bombay.
Bender-Abassi, à l'entrée du détroit d'Ormuz.
La côte du Mekran est, aujourd'hui comme dans l'anti-
quité, très-peu peuplée, sans ports et sans aucun com-
merce.
La France a de l'importance dans la mer Rouge, grâce
surtout aux paquebots des Messageries nationales ; mais,
dans le golfe Persique, elle ne fait pour ainsi dire aucun
commerce.
PLATEAU CENTRAL ET TURKESTAN.

91. Les productions. — L'intérieur de l'Asie, immense


région mesurant plus de 8 millions de kilomètres carrés,
c'est-à-dire une superficie égale aux 4/5 de l'Europe, pré-
sente une suite de plateaux et de hautes plaines bordées
de montagnes avec de vastes déserts et des steppes. A part
le Tibet, cette région est en général très-peu cultivée et
très-peu peuplée et compte à peine deux habitants par
kilomètre carré. Elle se divise en trois parties :
1° Le Tibet, haute vallée entourée de montagnes, très-
froide à cause de sa grande altitude (3 à 4,000 mètres),
est appelée par ses habitants d'un nom qui signifie « pays
de neige ». Il est bordé au sud par l'Himalaya et possède les
sources de trois des principaux cours d'eau de l'Asie, le
Yang-tsé-kiang, le Brahmapoutra et l'Indus. Il produit l'orge
noire ou « tsing-kou », aliment ordinaire des habitants, et,
comme le nord de la Chine, les fèves, les pois et la rhularbe
qui croît sans culture. Le Tibet, ayant beaucoup de pâtu-
rages, est beaucoup plus riche en bétail, toute proportion
gardée, que la Chine ; le petit Tibet ou Ladak nourrit ces
chèvres renommées qui, vivant sous un climat rigoureux à
cause de l'altitude, bien que la latitude soit celle du Delta
de l'Égypte, ont été pourvues par la nature d'un fin duvet :
c'est ce duvet qui est employé à la fabrication des châles.
On y trouve aussi en grande quantité diverses espèces de
yaks, des moutons et des chevaux de montagne d'une grande
agilité. Dans toutes les montagnes voisines de l'Himalaya,
on chasse le daim musqué, dont on vend le musc en Chine
et surtout à Canton.
Le Tibet renferme dans ses montagnes de l'or et de l'ar-
gent, que les habitants emploient à leur parure.
La fabrication des draps, des écuelles vernissées et des
cierges odoriférants sont les industries caractéristiques du
Tibet.
2° La Mongolie, que les Chinois nomment Tsaoti, c'est-
à-dire « terre des herbes », est un immense plateau dont l'al-
titude varie de 1,200 à 800 mètres, et qui présente au cen-
tre et au sud le grand désert de Cobi. Habité seulement
dans les régions montagneuses de l'ouest, du nord et de
l'est ; glacial en hiver, surtout au nord, brûlant en été, il est
très-peu propre en général à la culture des céréales ; il pos-
sède, dans le nord, de très-vastes forêts de pins et de sapins
à peu près inexploitées et manque de bois partout ailleurs.
Quelques,points favorisés de la nature,'comme leToumet,
ou cultivés par de laborieux colons chinois, comme le pays
de Gecheklen et le pays des Ordous, produisent du sorgho,
du sarrasin, du chanvre, de la rhubarbe : cette dernière
plante vient surtout dans le Khou-khou-noor. La Mongolie
possède surtout beaucoup de troupeaux, errant avec le
nomade sur le steppe, ou vivant dans les beaux pâturages
du pays de Tchakhar, du Khou-khou-noor, etc., chameaux,
boeufs, moutons et chevaux. Le bétail, les peaux et la laine
sont pour ainsi dire les seules richesses des Mongols des
steppes.
3° Le Turkestan n'est en grande partie que déserts et
steppes propres seulement à la vie du nomade ; il est assez
fertile dans les lieux arrosés, comme la vallée du Tarim, et
les campagnes de certaines villes, où le jardinage est très-
développé et qui produisent des céréales, blé, orge, millet,
maïs et même riz dans les lieux bas, des melons, des fruits
et du coton.
La principale richesse, comme dans tous les pays de
steppes, consiste dans le BÉTAIL ; et les habitants ne vivent
guère que de viande de cheval et de mouton, de lait et de
fromage. Les chevaux d'espèces diverses, tels que le cheval
vigoureux de Khokand, le petit cheval ousbeek, le grand
cheval turcoman, etc., ont toutes de précieuses qualités ;
les ânes sont en grand nombre et de très-bonne race ; les
chameaux sont également nombreux : il en est de même
des MOUTONS, surtout dans le steppe des Kirghises : la plupart
appartiennent à la race kirghise à grosse queue graisseuse ;
beaucoup aussi ont une toison noire et frisée qui est em-
ployée à faire des « talbaks » ou bonnets d'Astrakhan ; le
fin duvet des chèvres rivalise presque avec celui des chèvres
du Tibet. Dans les rivières du Turkestan chinois, on trouve
Au jade ; Yarkand en fait des parures et tisse le coton et
la soie.
92. Les routes de commerce. — Ce vaste territoire est
trop mal peuplé et trop peu riche pour avoir un com-
merce important ; celui qu'il fait a lieu exclusivement par
caravanes. Une seule nation européenne, la Russie, y prend
une certaine part sur quelques routes de la frontière sep-
tentrionale et occidentale ; les indigènes et les Chinois y ont
les premiers rôles. Les principaux objets d'échange sont la
laine et le bétail que vendent les habitants du pays ; le co-
ton du Turkestan et de la Perse, les soieries de la Perse,
quelques produits de l'Inde, le thé en briques, formé de
feuilles et de tiges pilées que consomment les Mongols et
les Tartares, et qui est très-inférieur au thé en poudre.
Il faut y joindre aussi le commerce des esclaves avec la Perse
et l'Afghanistan, commerce que l'inlluence russe tend à
faire disparaître.
Dans l'antiquité et surtout au moyen âge, les routes
de caravanes qui, à travers le plaleau central de l'Asie,
relient la Chine, l'Inde et l'Europe, c'est-à-dire les trois
groupes de population les plus considérables du globe,
étaient très-fréquentées ; et de très-grandes villes, comme
Samarcande, y florissaient. Depuis que le commerce mari-
time a relié directement la Chine et l'Inde, l'Asie et l'Eu-
rope, les avantages de la voie de mer, beaucoup moins
longue, beaucoup moins coûteuse et beaucoup plus sûre,
ont fait peu à peu délaisser les routes de terre. Parmi ces
routes, les principales sont :
1° La roule de Pé-king à Kiachta: au départ de Pé-king,
elle se dirige au nord-ouest ; franchit la grande muraille,
monte, au delà de Chalgan, par des cols difficiles et sau¬
vages sur le plateau de la Mongolie ; traverse le désert de
Cobi jusqu'à Ourga ; puis gagne Kiachta, à travers d'épais-
ses forêts de sapins. Kiachta comprend, d'un côté, la
ville russe, et de l'autre, sur le tenitoire mongol, le
« Maimatchin », c'est à-dire l'entrepôt chinois.
2° Les routes qui relient les districts cultivés et, par con-
séquent, les marchés de bétail de la Mongolie méridionale,
situés dans la vallée du Hoang-ho, aux provinces chinoises
du Chen-si, du Chan-si, du Kan-sou, d'une part ; et, d'au-
tre part, à Ourga et à la Mongolie occidentale, et même à
Sémipalatinsk, par le désert de Gobi.
3° Les routes qui relient la Chine occidentale, c'est-à-dire
les entrepôts de Ngan-si fan, etc., au Turkestan : partant de
l'extrémité du Kan-sou, elles se rendent, les unes par le
nord des monts Thian-chan dans la Dzoungarie à Ili, à
Tarbagatai, et de là dans la Sibérie à Sémipalatinsk, etc. ;
les autres, par le sud des monts Thian-chan, dans la vallée
du Tarim jusqu'à Yarkand et à Kaschgar, les deux prin-
cipaux entrepôts du Turkestan oriental.
4° Les routes du Turkestan, contrée que l'on peut consi-
dérer comme le grand carrefour des caravanes de la haute
Asie et où se rencontrent, avec les Tartares, des Chinois,
des Mongols, des Hindous, des Afghans, des Persans et des
Russes. Les principaux marchés de cette région sont :
Kouldja sur l'Ili, dont les Russes aujourd'hui sont maîtres ;
Yarkand où se rendent non-seulement les caravanes de la
Chine, mais celles du Tibet ; le Kaschgar à l'est du plateau
de Pamir ; Khoband au nord du même plateau ; Taschkend
dans le Turkestan russe ; et plus au sud, Boukkara et Khiva.
Ils communiquent entre eux et avec les pays étrangers par
des routes de caravanes : avec la Chine et le Tibet à l'est,
par Kaschgar et Yarkand ; avec l'Inde et la Perse au sud par
Boukhara ; avec la Sibérie au nord par Taschkend ; avec la
Russie à l'ouest par Khiva, en passant au sud du lac d'Aral,
et par Boukhara ou Taschkend en passant au nord et en -
aboutissant à Orenbourg et, beaucoup plus rarement (le
voyage étant beaucoup moins praticable), à Astrakhan. Les
Kirghises nomades du steppe viennent vendre, à chaque
printemps, leur laine et une partie de leurs troupeaux à
Orenbourg. La Russie est aujourd'hui maîtresse d'une partie
de ces marchés et en possession des seuls débouchés qu'ils
aient sur l'Europe ; mais, quelque effort qu'elle fasse pour
ranimer ces routes et disputer à l'Angleterre, maîtresse de
la mer, le tratic de l'Asie orientale avec l'Occident, elle ne
parvient qu'à un chiffre très-médiocre d'affaires : l'impor-
tation et l'exportation d'Orenbourg, où aboutit presque tout
le trafic avec l'Europe, n'ont qu'une valeur de 40 à 50 mil-
lions de francs.
93. Les villes principales. — La Mongolie, depuis la
ruine de Karakoram, résidence de la dynastie de Gengis-
Khan, n'a pas de villes importantes. Ourga, la capitale, at-
teint à peine 10, 000 habitants.
Lhassa, capitale du Tibet et métropole de la religion
bouddhique, en compte peut-être 80,000.
Une seule ville du Turkestan paraît avoir une population
supérieure à 100,000 hab.
Boukhara (150,000 hab. ?), la ville la plus importante
du Touran indépendant. C'est une place de commerce, où
les marchands russes viennent échanger leurs draps, leur
sucre et autres produits contre les soies et les cotons de la
Perse. Les trois grands bazars de Boukhara sont occupés,
l'un par les changeurs et banquiers, presque tous hindous ;
un second par les marchands d'étoffes, draps communs de
Russie, cotonnades d'Asie, de Moscou et d'Angleterre, soie-
ries de Perse, nankins de Chine, châles de l'Inde ; un troi-
sième, par les marchands de bonnets d'Astrakhan, de robes,
de selles brodées, de brides, de thé, de quincaillerie, etc.
Boukhara a remplacé, comme importance, Samarcande,
une des plus brillantes cités de l'Asie au moyen âge, et qui
n'est plus recommandable que par son industrie des papiers
de soie, et ses écoles musulmanes. Une autre ville déchue
est Balkh, l'ancienne Bactres, capitale du royaume de
Bactriane et située au sud-est de Boukhara. Au nord-est se
trouve Khiva, sur une dérivation de l'Amou-Daria, capitale
d'un khanat considérable et naguère le plus grand marché
d'esclaves de l'Asie centrale.
Plusieurs autres villes du Turkestan ont une population
de 20,000 à 100,000 habitants. On en connaît environ dix
ou douze.
Dans le Turkestan oriental , ou Thian-chan-nanlou,
Yarkand (50,000 hab. ?), située à 1,200 ou 1,400 mètres
d'altitude, sur un affluent du Tarim, ville commerçante et
industrieuse ; elle exploite sur son territoire la pierre de
jade, dont les Chinois font un si grand cas. Au nord-ouest
de Yarkand est Kaschgar, autre ville commerçante et place
forte, dont la population atteint 40,000 bab. ; au sud-est
est Ilitschi (40,000 hab.), à 1,300 mètres d'altitude sur le
Khoten.
Dans le Turkestan occidental, Kerki (25,000 hab.), à 100
kilomètres au sud de Boukhara, place forte, fait un com-
merce important de fourrures.
Dans le Turkestan russe, Ili ou Kouldja (80,000 hab.),
chef-lieu d'une province formée de la Dzoungarie ;
Taschkend (45,000 hab.), dans la province de Sir-Daria ;
Chodskend (45,000 hab.), sur le Sir-Daria, au sud de Tas-
chkend.
Khokand (40, 000 hab. ?), capitale d'un khanat vassal
de la Russie, fabrique des cotonnades et des soieries bro-
chées d'or et d'argent, Elle a été la capitale des États de
Gengis-Khan. Dans la même région se trouvent Marghilân
(20,000 hab.) ; Namengân (30,000 hab.) ; Audidjân (40,000
hab.).

SIBÉRIE.

94. La production agricole. — La Sibérie est une vaste


contrée de 14 millions de kil. carrés, beaucoup plus grande
que l'Europe entière, mais à peine peuplée, puisqu'on n'y
compte en moyenne qu'un habitant pour 3 kilomètres
carrés. Elle est impropre à toute culture, à cause de la
rigueur du froid en hiver, dans la plaine basse qui s'étend
au nord du 60° parallèle ; très-froide encore au sud de ce
parallèle, à cause de l'altitude, elle permet cependant la
culture de l'avoine, de l'orge et du sarrasin, et possède
même dans les environs d'Omsk des « terres noires » très-

fertiles en céréales,et de très-vastes étendues de forêts dans


les parties montagneuses.
Les nomades du nord, tribus misérables, vivent de
poisson séché, de quelques fruits sauvages et de racines ;
ils vont le plus souvent déterrer les racines dans les terriers
d'une espèce de souris qui en fait provision pour l'hiver ;
et ils n'ont d'autre bétail que le renne (voir la figure 47) et
le chien qui est leur compagnon ordinaire et qu'ils attellent
à leurs traîneaux. (Voir la figure 48.)
Les habitants du sud ont peu de bétail ; cependant ils ont
quelques boeufs et une assez grande quantité de moutons
et de chevaux, peu élégants de forme, et très-vigoureux :
c'est surtout au sud-ouest, dans le steppe des Kirghises de
Sibérie, que le bétail, composé de petits chevaux vifs, à
tête forte et à jambe fine, et de gros moutons à queue
graisseuse, est nombreux. Le gouvernement de Tobolsk
fournit au commerce des cuirs et du suif.
95. La chasse et la pêche. — La chasse et la pcche sont

la grande ressource des nomades du nord. La chasse leur


fournit des FOURRURES, peaux d'ours blanc, de renards
bleus, de zibelines, d'hermines, de martres, d'écureuils, de
loutres de mer, etc. ; et c'est avec des fourrures qu'ils
payent l'impôt. C'est dans l'est, où le froid est le plus rigou-
reux, dans le bassin de la Léna et du Kolyma, qu'on
trouve les fourrures les plus estimées. En mer, la pêche
des morues est très-productive dans le voisinage de l'île de
Tarrakaï.
96. Les mines. — Les produits des mines sont, avec
ceux de la chasse, la seule richesse que la Sibérie apporte
dans le commerce des nations. Elle produit environ 24 ton-
nes d'or, valant plus de 75 millions de francs et provenant
des lavages d'Iénisseisk, d'Olekminsk, dans la province de
Yakoutsk, de Bargoutinsk. en Transbaïkalie, de l'Altai, des
gouvernements de Perm et d'Orenhourg ; de l'argent (envi-
viron 18 tonnes) et du plomb dans les districts de Nert-
chinsk et de l'Altaï ; du cuivre dans l'Altaï et l'Oural ; du fer
dans les districts de Nertchinsk et de l'Altaï et dans le gou-
vernement de Perm. Elle produit aussi un peu de houille
dans l'Altaï et du sel dans la Transbaïkalie et dans les
steppes du sud-ouest.
Parmi les richesses minérales, on doit compter aussi
l'ivoire fossile provenant d'animaux antédiluviens que l'on
recueille dans le bassin inférieur de l'Obi, de l'Ienisséï et
aux îles Liakhow.
97. Les routes du commerce intérieur et les villes. — La
Sibérie ne possède pour ainsi dire qu'une seule route : ses
autres voies de communication sont les fleuves sur lesquels
on voyage en bateau l'été, en traîneau l'hiver.
Le plus important est le fleure Amour, qui, débouchant
de l'ouest à l'est clans l'océan Pacifique, c'est-à-dire dans
un océan où la navigation est active, a un certain avenir
commercial ; déjà les Russes, qui le convoitaient depuis
longtemps et qui le possèdent depuis 1858, y ont établi
des postes, un service de bateaux à vapeur et y ont con-
struit deux ports, Nicolaievsk à l'embouchure et Alexan-
drovsk un peu plus au sud; ces deux ports reçoivent une
certaine quantité de produits de la Californie.
Les autres fleuves, coulant dans l'océan Glacial, sont
sans débouché ; mais ils servent à amener vers les marchés
du sud l'ivoire et les fourrures du Nord : l'Obi et l'Ir-
tysch vers Tomsk et Tobolsk ; l'Iénisséï vers Iénisseisk ; la
Lena et la Kolima vers Yakoutsk : c'est là qu'au printemps,
après la chasse d'hiver, les caravanes vont troquer les
belles fourrures contre des draps, des cotonnades, de la
quincaillerie et de l'épicerie.
La véritable route commerciale de la Sibérie est celle
qui relie la Chine à l'Europe, la route de Kiachta à Ekate-
rinenbourg, route de poste gardée par des détachements de
Cosaques. Kiachta est situé au delà du lac Baikal, à 7,000
kilom. environ de Saint-Pétersbourg, sur la frontière de
la Chine ; c'est la tête de la route de Pé-king et le prin-
cipal marché international des Chinois et des Russes ; ce
n'est d'ailleurs qu'un petit village dans lequel les échanges
ont lieu toute l'année, mais sont actifs surtout à l'époque
de la foire de décembre, dans la saison du traînage. Les Si-
bériens y vendent leurs pelleteries, les Russes leurs draps
et leurs cotonnades, les Chinois leur thé ; et les marchands,
qui déploient un grand luxe de table, y boivent les vins de
France, principalement le Champagne. Toutefois le com-
merce de Kiachta n'est pas en progrès et ne dépasse guère
une dizaine de millions. De Kiachta, après avoir traversé le
lac Baikal (ce qu'on fait le plus souvent sur la glace), on
atteint Irkoutsk (env. 30,000 hab.), ville assez grande et de
belle apparence, quoique bâtie en bois comme toutes les
villes de Sibérie, à l'exception de Tobolsk.
On n'atteint cette dernière ville, peuplée de 20,000 ha-
bitants, qu'à 2,200 kilomètres de là, à travers des terres
d'alluvion où souvent on ne trouve que des fascines pour
établir une chaussée résistante. Irkoutsk et Tobolsk, qui sont
les grands marchés de la Sibérie, font plus d'affaires que
Kiachta. De Tobolsk, la route gagne Irbitt, foire assez im-
portante au pied de l'Oural, ou directement Ekaterinen-
bourg, à la traversée de la chaîne de l'Oural, et de là, Nijni-
Novgorod dont les foires sont le débouché européen de
tous les produits venus de la Sibérie. On n'évalue pas à
plus de 4 ou 5 millions le commerce qui passe en Europe
par cotte voie.
Entre le Turkestan et la Sibérie occidentale, plusieurs
routes de caravanes existent de Taschkend et d'Ili à Omsk
(27,000 hab.), et à Pétropavlosk ; à Semipalatinsk et à Tomsk
(25,000 hab.).

CHINE.

(Voir la carte n° 15.)

98. Les régions agricoles. — La Chine proprement dite


est une vaste contrée, plus grande que le tiers de l'Europe,
moins grande par conséquent que la Russie ; c'est un pays
tout agricole et dont le sol, occupé par une très-nombreuse
population, est plus complètement cultivé qu'aucune autre
surface de même étendue sur le globe. Les Chinois dépensent
sur la terre beaucoup de travail et beaucoup d'engrais, et
ils en tirent une grande quantité de produits divers ; aucun
peuple ne les égale pour les cultures inondées, telles que
celles du riz ; pour les cultures sèches, ils n'ont pas tou-
jours l'art des Européens et leurs machines agricoles sont
tout à fait rudimentaires. Bien que la production ait un
certain caractère d'uniformité sur toute cette étendue, et
que la culture du riz, par exemple, s'étende depuis le Pé-
tchi-li jusqu'à l'extrême sud, on peut diviser la Chine en
trois régions agricoles :
1° La Chine méridionale comprend la région tropicale
et les montagnes qui la bordent au nord, c'est-à-dire les
provinces de Yun-nan, de Kouang-si, de Kouang-toung,
de Fo-kien et les îles de Hainan et de Formose. C'est une
région très-accidentée, médiocrement fertile et incomplè-
tement cultivée sur ses hauts plateaux de granit, de grès
ou d'argile rougeâtre ; mais dans ses plaines, générale-
ment basses et argileuses, il n'y a pas de lorrain perdu et le
sol produit en abondance le Riz, la canne à sucre, dont les
Chinois ne tirent guère que de la cassonade, le gingem-
bre, le tabac, la plante à papier (Aralia papyrifera), dont
la moelle sert à fabriquer ce qu'on appelle, par compa-
raison, à cause de sa blancheur, le papier de riz. Le riz
est le principal aliment de ces contrées : il vient dans des
champs préalablement inondés, puis légèrement labourés
par des buffles et fumés ; on y repique, au printemps, les
jeunes tiges de riz qui ont levé dans un autre champ ; et,
au mois de juillet, on fait la moisson, ce qui permet de
repiquer d'autres tiges et d'obtenir en novembre une se-
conde récolte, à condition d'inonder suffisamment la terre,

soit à l'aide de rigoles de dérivation, soif plus souvent, dans


les terres basses, à l'aide de roues à auge. Le riz donne
en moyenne 50 hectolitres à l'hectare, ce qui fait un ren-
dement annuel de 100 hectolitres pour les champs à dou-
ble récolte. Sur les terres plus élevées, viennent les patates,
les arachides, les châtaignes et même le riz dans les val-
lées où les montagnes fournissent de l'eau. On cultive aussi
diverses plantes potagères : en été, le taro, le nénuphar
dont on mange la graine et la racine ; en hiver, l'oignon,
le chou, etc. ; et des plantes tinctoriales, surtout l'indigo.
Sur les collines, viennent le camphrier, principalement
dans l'île de Formose, le bambou (fig. 49) ; ce dernier est
un des végétaux les plus précieux de l'Orient : sa tige, lon-
gue de 15 à 20 mètres, sert à faire des meubles, des tuyaux,
des cordages, des paniers, des chapeaux, de petits mâts, etc. ;
sa feuille, des vêtements ; et ses jeunes pousses sont un ali-
ment. Sur les hauteurs de 6 à 900 mètres, dans les lieux
bien exposés, vient l'arbre à TUE dont les habitants du
Kouang-toung et du Fo-kien préparent d'ordinaire, sous
forme de thé vert, les feuilles destinées à l'exportation.
2° La Chine centrale, c'est-à-dire la grande vallée du
Yang-tsé-kiang ou plaine centrale, comprend les provin-
ces de Tché-kiang, de Kiang-sou, de Ngan-hoei, de Kiang-
si, de Ilou-nan, de Hou-pé, de Ho-nan, de Kouei-tchéou,
de Ssé-tchouen. Cette vaste région est à elle seule trois fois
grande comme la France (1), et, par conséquent, a des cli-
mats et des productions très-variés, depuis les côtes basses
du Kiang-sou jusqu'aux plaines élevées et aux montagnes
du Ssé-tchouen. La terre y est beaucoup plus fertile en
général que dans la Chine méridionale. Dans la partie
orientale, plaine très-basse formée par le delta du Yang-
tsé-kiang, où le sol est riche, viennent les céréales, surtout
le FROMENT et le niz, obtenu par une méthode peu diffé-
rente de celle du sud.
Une culture plus importante, au point de vue du com-
merce extérieur, est celle du MÛRIER, qui nourrit le ver à
soie ; on cultive à cet effet, sur les terrains en pente, un
mûrier à basse tige, à peu près comme on cultive la vigne
en France, parce que les Chinois pensent que la feuille
(1)La France a 528,000 kilom. carrés, et les 9 provinces de cette ré-
gion en ont 1,669,000. Le Ssé-tchouen à lui seul mesure 431,300 kilo-
mètres carrés.
ainsi obtenue est de meilleure qualité. C'est la région située
entre le cours inférieur du Tsien-tang et du Yang-tsé-kiang
dans le Tché-kiang et le Kiang sou, qui nourrit le plus de
VERS A qui, par conséquent, produit
SOIE (voir la fig. n. 50), et
le plus de SOIE et les meilleurs soies, la soie Tsa-tlée la plus
recherchée en Europe et qui vient près de Hou-tcheou ; la
soie de Taysam, la plus recherchée en Chine, venant près de
Kia-ching, etc. A l'ouest, le Ssé-tchouen et le Kouei-tcheou

produisent aussi beaucoup de soie ; le Ho-nan en moins


grande quantité.
La Chine fournissait des soieries à l'Europe dès l'anti-
quité et, à cette époque, ce tissu sevendait au poids de l'or ;
c'est de Chine qu'ont été importés les vers à soie.
C'est aussi cette région qui produit le THÉ le meilleur et
en plus grande abondance, particulièrement le Tché-kiang,
le Kiang-sou et le Ngan-hoei, qui ont Fou-tcheou pour débou-
ché ; cependant ces provinces le cèdent aux provinces de
l'intérieur, et surtout au Hou-nan et au HOU-PÉ. L'arbre à
thé est un arbrisseau de la famille des rosacées (voir fig. 51)
qui, sans cesse fatigué par les feuilles qu'on lui enlève, ne
croît que dans un sol riche, sur la pente d'un coteau bien
exposé, d'autant moins élevé que la région est située plus au
nord, mais qui ne pousse jamais dans les vallées. Il est cultivé
par une foule de petits fermiers, dans les districts propices,
comme l'est en France la vigne qui, exigeant beaucoup de
main-d'oeuvre, est, en général, aux mains des petits culti-
vateurs. Le thé est le vin des Chinois : c'est la boisson de
toutes les classes de la soeiété ; et la quantité que le com¬
merce exporte n'est qu'une très-petite partie de celle que
les Chinois consomment eux-mêmes. Au mois d'avril, on
fait une première cueillette des jeunes pousses ; c'est la
qualité supérieure, dite par les Anglais Young-Hyson (jeune
Hyson) ; puis, quand les feuilles ont repoussé, on continue,

dans la saison, jusqu'à quatre cueillettes, donnant des


qualités toujours décroissantes. Les feuilles (voir fig. 52)
séchées, roulées, donnent le thé noir, le plus en usage chez
les Chinois, et le thé vert destiné surtout à l'exportation en
vue de plaire, comme ils disent, anx « barbares » (1) : la
(1) C'est ainsi que les Chinois désignent les Européens et les Améri-
cains.
différence provient, entre autres préparations, d'une plus
grande fermentation subie par le thé noir. On prépare
aussi des thés parfumés.
Les autres cultures sont : le coton, blanc et jaune, d'assez

bonne qualité, cultivé partout, principalement dans la


grande plaine de Shang-haï et et dans le Hou-pé ; le maïs,
le china-grass (mâ), sorte d'ortie qui fournit une fibre tex-
tile propre à faire des tissus et surtout des filets, parce
qu'elle durcit dans l'eau ; le tabac, que les Chinois consom-
ment en grande quantité ; la plante à huile (Brassica
sinensis), qui pousse en hiver sur les terres après la récolte
du riz en été ; le sésame ; la patate et l'arachide qui viennent
principalement sur les terrasses, partout cultivées avec le

plus grand soin ; le ricin ; la rhubarbe (fig. 53) qui est très-
cultivée en Chine, surtout dans les provinces de l'ouest,
pour sa racine, médicament purgatif, pour ses jeunes feuil-
les tendres ou pour la pulpe de ses tiges, aliment es-
timé des Orientaux et des Anglais ; l'aubergine, le safran,
l'indigo, le chanvre des provinces occidentales, etc.
Parmi les arbres, il faut citer le palmier des plaines
inférieures ; le sapin ; le chêne des montagnes de l'ouest ;
l'arbre à vernis qui donne le vernis avec lequel on fait les
laques ; l'arbre à cire, espèce de frêne abondant surtout au
Tché-kiang et qui nourrit un insecte donnant de la cire ; l'ar-
bre à savon qui fournit un savon végétal très-usité ; le mû-
rier à papier ; l'arbre à suif, très-abondant surtout dans
le sud-ouest, ressemblant par son port au cerisier et
fournissant par les enveloppes de ses fruits une cire
végétale d'un grand usage en Chine, et récoltée en no-
vembre.
Dans cette partie, il n'y a pour ainsi dire pas un hectare
perdu pour la culture ; et, comme la terre semble insuffi-
sante, on voit sur les cours d'eau des radeaux recouverts
d'une couche de terre et portant des récoltes flottantes.
3° La Chine septentrionale comprend le Chan-toung, le
Pé-tchi-li, le Chan-si, le Chen-si, le Kan-sou et par exten-
sion la Mandchourie et la Corée. Une notable partie de
cette région, principalement dans le voisinage de la Mongo-
lie, présente de vastes steppes et des plaines sablonneuses
sans culture ; le sorgho, l'avoine, le millet, l'orge, le sarrasin,
le froment sont les céréales principalement cultivées ; les
pois et les fèves le sont dans le Chan-toung, dans le Pé-
tchi-li et surtout dans le Chin-king (partie maritime de la
Mandchourie qui dépend de la province de Pé-tchi-li).
Dans le Chan-toung, on élève le ver à soie du chêne, dans
presque toutes les provinces pousse le coton ; dans le nord,
les sapins et les pins dominent ; dans les forêts de la
Mandchourie et de la Corée, on recueille le ginseng, sorte
d'herbe très-employée en médecine et à laquelle les Chi-
nois attribuent des propriétés merveilleuses. La région
septentrionale de la Mandchourie et de la Corée est favora-
ble au jujubier et aux arbres à fruits, pruniers, pommiers
et poiriers. Elle fournit en outre le raisin, utilisé comme
raisin sec, surtout dans l'est et dans la Corée ; les melons ;
le chanvre, surtout dans l'ouest ; le lin et l'isatis dont on
extrait une teinture bleue
La Chine n'a pas de pâturages ni de prairies, sinon dans
la région du nord. La Chine proprement dite (méridionale,
centrale et septentrionale) n'a pour ainsi dire pas de forêts:
aussi y ménage-t-on beaucoup le combustible, et c'est
ordinairement avec des herbes sèches qu'on fait cuire les
aliments.
9!b Les animaux. — La Chine a très-peu de bétail; cette
nombreuse population, adonnée à la petite culture, fait en

effet par ses mains presque tous les travaux des champs et
pratique précisément des cultures qui exigent beaucoup de
main-d'oeuvre : thé, riz et coton. Cependant on trouve le
buffle partout dans le sud ; le yak dans le nord ; un fort
petit nombre de chevaux, les animaux de race bovine étant
employés, non-seulement comme bêtes de somme pour les
fardeaux, mais comme monture pour les hommes. On
trouve des troupeaux au nord ; mais on trouve surtout des
moutons isolés dans chaque ferme de la Chine proprement
dite; des ânes au centre et au sud; partout beaucoup de
PORCS et des chèvres, compagnons de la petite culture ; par-
tout aussi de la volaille et principalement des CANARDS
(voir la fig. 54), qu'on élève en très-grande quantité dans
les rizières du sud et du centre et dont la viande, séchée et
battue, est un important objet de commerce. Parmi les ani-
maux utiles, il faut mentionner l'abeille ; le ver à soie du
mûrier (voir plus liant § 98), et celuidel'ailanteoudu chêne :
le premier se trouve surtout dans le sud ; le second dans
le nord et dans les régions montagneuses de l'ouest ; enfin
la salangane ou hirondelle de mer, dont le nid, fait avec
une sorte de fucus, est comestible.
100. La pêche. — Plus que dans aucun autre pays, la
PÊCHE est en Chine une des sources de l'alimentation pu-
blique : une partie assez considérable de la population vit
en effet sur les rivières et n'a pas d'autre domicile que
le sampan, sorte de jonque. Les poissons abondent non-
seulement dans les cours d'eau, dans les lacs et les étangs,
mais jusque sur le terrain inondé des rizières : beaucoup
de carpes de diverses espèces et certains poissons appelés
« lo-iou » mesurent jusqu'à 2 mètres et pèsent jusqu'à 100
kilogrammes. Le poisson est, avec le riz et le porc, l'aliment
ordinaire des Chinois. On le pêche de beaucoup de ma-
nières, avec des filets, avec des lignes, ou avec des cormo-
rans, oiseaux pêcheurs.
101. La production minérale. — La Chine, pays plus
agricole qu'industriel, ne tire encore qu'un faible parti
de ses richesses minérales : elle exploite cependant de la
houille de qualité médiocre, dans le Ho-nan, dans le Hou-
nan, dans le Ssé-thouen, c'est-à-dire autour de Han-keou,
qui est le port d'exportation de cette marchandise, et de la
houille de bonne qualité, au nord-ouest de Pé-king. Elle fa-
brique du fer dans un grand nombre de provinces, particu-
lièrement dans le Chan-si, le Chen-si, le Ssé-tchouen, c'est-
à-dire dans la région montagneuse du nord-ouest. Les autres
métaux sont le cuivre du Chan-si, du Tché-kiang, etc. ;
l'étain du Ssé-tchouen, du Yun-nan, etc. ; l'argent au nord
de Pé-king ; le mercure du Kouang-si, etc. Parmi les autres
substances minérales importantes, le KAOLIN, argile blanche
qui sert à fabriquer la porcelaine, se trouve abondamment
dans le Kiang-si, dans le Kiang-sou, le Chan-si, etc. ; les
pierres précieuses, grenat, opale, émeraude, saphir, jade, etc.,
se trouvent surtout au Yun-nan et Ta-li-fou en est le prin-
cipal marché ; le SEL est extrait, dans le Ssé-tchouen, de
nappes souterraines d'eau salée, en creusant des puits ar-
tésiens et en faisant évaporer l'eau à l'aide de la chaleur
des puits à gaz ; on l'exploite aussi dans les salines du lit-
toral et dans les mines de sel gemme du Pé-tchi-li.
102. La production industrielle. — Les Chinois se ser-
vent d'outils très-simples et emploient peu de machines :
aussi les industries mécaniques sont-elles peu développées
chez eux. Cependant ils font beaucoup d'ustensiles en mé-
tal, des bassines, des armes dans le Ssé-tchouen et le
Chen-si, des cloches, des coffres dans les provinces du
nord, de la quincaillerie à Sou-tcheou-fou, à Ning-po, à
Fou-tcheou. Les principales industries chimiques sont la
fabrication de l'huile de graine ou de fruit, la fabrication
des couleurs pour la teinture à Canton, à Sou-tcheou-fou,
au Ssé-tchouen, c'est-à-dire dans les centres de tissage.
La Chine fabrique et consomme du vermicelle en grande
quantité, de la liqueur de riz dans le centre et le sud, de
la liqueur de sorgho dans le nord, une sorte de bière et
de cidre de riz.
Le travail de la laine comprenant draps, tapis de feutre
ou riches tapis ouvrés, ceintures, velours de laine, cou-
vertures, cordages en poil de chameaux, chapeaux, bonnets
et bas de feutre à très-bon marché, occupe un grand nom-
bre de bras dans les provinces voisines de la Mongolie et du
Tibet, c'est-à-dire Chen-si, Chan-si, Kan-sou et Ssé-tchouen,
où les moutons sont nombreux. Le tissage du coton, du
chanvre, du china-grass et de la fibre du pois comprenant la
toile, le velours de coton, les toiles peintes, les tapis imitant
l'astrakhan ; et le tissage du chanvre de palmier, dont on fait
des filets, des cordages, des limousines, des nattes, occu¬
pent aussi un grand nombre de bras dans toutes les provinces.
Le tissage de la soie, soierie unie, foulard, satin, crêpe, gaze,
velours, peluche, passementerie, chaussures brochées, est
pratiqué presque partout, principalement à Sou tcheou fou
et à Song-kiang, dans le Kiang-sou, centre de la produc-
tion de la belle soie ; à Ning-po, à Canton, à Tching-tou-
fou, à Kia-ting et à Chuen-king-fou, au Ssé-tchouen.
L'ébénisterie est une industrie très-importante en Chine :
elle fait des chaises, des tables, des coffres, surtout des
lits à armoire, la principale pièce du mobilier chinois, et
des cercucils, pour lesquels les Chinois déploient un grand
luxe et qu'ils font faire ordinairement de leur vivant ; le
bambou est le bois le plus employé eu ébénisterie, et c'est
dans le sud, à Ning-po, à Canton, à Fou-tcheou, que sont les
artisans les plus renommés. Les maisons riches dans quel-
ques villes sont en pierre, plus souvent en briques ; les
maisons ordinaires et les habitations des campagnes sont
en bois, ordinairement en bambou, avec couverture de
chaume. La Chine fabrique dans toutes ses provinces beau-
coup de poteries ; mais ses plus belles PORCELAINES viennent
du Kiang-si et suitoutde KiNG-TÉ-TCniN, du Chen-siot du
Tché-kiang. Les bronzes d'ornement, arlistement fondus,
viennent de Sou-tcheou fou, de Hung-tcheou-fou, etc. ; les
sapèques de Ning-po et de Fou-tchéou sont renommées.
Les jonques et les chaises à porteur sont des articles dont
la fabrication est très-importante : Fou-tcheou et Han-keou
y ont une réputation particulière.
La Chine fabrique du PAPIER en très-grande quantité,
surtout le genre dit « papier de riz », qu'on fait avec la
moelle d'une certaine plante ; le bambou, le mûrier à pa-
pier, l'ortie sont également employés à cet usage ; c'est
dans le sud et surtout dans les environs de Fou-teheou,
qu'on en fait le plus. Elle fabrique aussi en grande quan-
tité les instruments de musique, tamtams, gongs, tambours,
à Sou-tcheou-fou, à Fou-tcheou, etc. ; l'encre à Pé-king,
dans le Ngan-hoei, le Chen-si, etc.
103. La population et les grandes villes de la Chine.

La population de la Chine mérite une attention toute parti-
culière, par ce double motif que la Chine est de tous les États
du globe terrestre, celui dont LA POPULATION est LA PLUS NOM-
BREUSE ET LA PLUS DENSE. La Chine proprement dite, c'est-
à dire indépendamment des pays tributaires, paraît compter
environ UN DEMI MILLIARD D'HABITANTS (1), c'est-à-dire environ
2/5 du genre humain, tandis que l'Europe entière n'en
compte que 300 millions ; et, comme ces 500 millions d'ha-
bitants vivent sur un territoire de 3,361,000 kilom. carrés,
équivalent à un peu plus du tiers de la superficie de l'Eu-
rope, c'est une densité moyenne de 145 habitants au kilom.
carré, ou 1 HABITANT 1/2 PAR HECTARE, densité qu'arrive à
atteindre un seul petit État de l'Europe, la Belgique (2).
Cette densité, qui est bien moins forte dans les provinces
montagneuses de l'ouest, où la moyenne n'est guère que
de 83 hab. par kilom. carré (à peu près la densité de
l'Italie), est beaucoup plus -grande dans les provinces
maritimes et particulièrement dans le bassin du Yang-tsé-
kiang. La densité dans la province du Kiang-sou est de

(1) Cette population s'accroît, ou du moins s'accroissait avant la


guerre civile, assez rapidement, un peu moins rapidement cependant
que la population britannique et beaucoup moins que la population des
États-Unis. Elle était estimée à 100 millions au commencement du dix-
huitième siècle ; à 367 millions au commencement du dix-neuvième ; à
530 au recensement de 1852. Ces recensements, dont les premiers sont
de date très-ancienne et qui se font régulièrement, paraissent aussi
dignes de confiance que beaucoup de recensements de l'Europe. Cepen-
dant il faut reconnaître que leur exactitude, confirmée par quelques
voyageurs (entre autres le père David), est contestée par des auto-
rités sérieuses, qui pensent devoir réduire d'un cinquième environ le
dernier recensement et le ramener au chiffre de 400 millions.
(2) En admettant même que le chiffre de 530 millions, qui est de na-
ture à étonner les Européens, soit exagéré, et en se tenant au chiffre
de 400 millions, qui n'est pas contesté, on a une densité d'environ
120 hab. au kil. carré, densité que la Belgique dépasse seule encore.
Il ne faut pas oublier que la France, avec ses 36 millions d'habitants,
compte 68 habitants au kilom, carré.
473 habitants au kilom. carré, chiffre qui, en Europe,
n'est égalé (1) que par le comté le plus manufacturier de
l'Angleterre, le Lancashire (492 hab. au kilom. carré) :
mais la densité du Lancashire n'est relative qu'à 2 mil-
lions 1/2 d'individus ; celle du Kiang-sou porte sur 54 mil-
lions 1/2, et les deux provinces voisines pïgan-koei et
Tché-kiang) ayant une densité d'environ 385 individus
au kilom. carré, on peut dire que le bassin inférieur du
Yang-tsé-kiang possède une population de plus de 140 millions
d'individus, groupés à raison d'environ 420 habitants au kilom.
carré, sur une étendue plus grande que celle des îles Bri-
tanniques.
Cette population habite, en général, ou d'assez petits ha-
meaux semés en foule au milieu des campagnes, ou de très-
grandes villes. Aussi n'est-il pas étonnant qu'avec un pareil
chiffre d'habitants et une telle densité, la Chine compte un
nombre considérable de villes au-dessus de 100,000 âmes.
Gelles que les Européens ont visitées jusqu'à ce jour, ou sur
lesquelles ils ont des renseignements plus ou moins précis,
sont au nombre d'environ 27, à savoir (voir les cartons de la
carte n° 14) :
Kioung-tcheou-fou(100,000 hab.), capitale de l'île Hainan
et Han-yang, capitale de la Corée.
Moukden (200,000 hab.), cap. de la Mandchourie, berceau
de la famille régnante et le lieu de sépulture des empereurs.
Ghirin-oula (150,000 hab.), autre ville dans la Mandchou-
rie, très-mal bâtie, au nord-est de Moukden.
Oumimfsi(150,000 hab.), dans une partie de la Mongolie,
rattachée à la province de Kan-sou, au milieu d'une petite
plaine froide, mais fertile, sur le versant septentrional des
Thian-chan.
Ta-tsien, dans le Ssé-tchouen, grand entrepôt du com-
merce de la Chine avec le Tibet.
(1) On pout dire qu'il n'est égalé dans aucune grande circonscription
administrative de l'Europe, hormis le département de la Seine en
France, le Middlesex et le Lancashire en Angleterre.
Si-ngan-fou, capitale de la province de Chan-si, rési-
dence du commandant de l'armée mandchoue.
Kiou-kiang-fou, chef-lieu de département dans le
Kiang si, sur la rive droite du Yang-tsé-kiang.
Tsi-nan, capitale du Chan-toung, fait le commerce de
soie brute.
Teng-tcheou (120,000 hab.), sur le flanc septentrional des
contreforts du Chan-toung, en face de l'île Miaou-taou.
Ka-hing, dans un des plus riches districts de la soie du
Telié-kiang, un des grands marchés de ce produit et une
des grandes fabriques de soieries.
Ning-po (250,000 hab.), ville murée, au confluent des
deux rivières Ta-kia et Ta-tsie, et communiquantpar le grand
canal avec Hang-tcheou-fou, est située dans une plaine
vaste, fertile et très-peuplée, avec des rues larges et bien
pavées, de beaux monuments, une population active et
industrieuse, des fabriques renommées de meubles, de
tissus, de confitures, etc. ; parmi les objets d'ébénisterie
les plus renommés de Ning-po, sont les cercueils, pour les-
quels les Chinois déploient un grand luxe.
Amoy (215,000 hab.), port dans le Fo-kien, composé de
deux villes, l'une dans l'île, l'autre sur la terre ferme ;
celle-ci, la plus considérable, a 200,000 hab.
Tang-tcheou-fou (350,000 hab.), ville industrielle du
Fokien, voisine d'Amoy,
Tien-tiin (env. 400,000 bab. avec les faubourgs), ville
murée, ayant la forme d'un rectangle, entourée de vastes
faubourgs qui s'étendent jusqu'au Pei-ho et au delà et bâtie
au point où le grand canal débouche dans le fleuve : de là,
il se poursuit jusqu'à 20 kilomètres de Pé-king, par le canal
de Toung-tcheou. Tien-tsin est un des entrepôts naturels
du commerce chinois, et ses faubourgs sont animés par de
nombreuses industries. Près de Tien-tsin, sont des collines
de sel gemme, qui fournissent par an la charge de 500 jon-
ques. Les Français et les Anglais semparèrent de cette ville
en 1858 et y conclurent avec la Chine un traité ouvrant
plusieurs ports au commerce européen.
Hoei-ngan-fou, grande ville dont les murailles n'ont pas
moins de 8 kilomètres de tour, est bâtie sur le grand canal,
dans une plaine basse formée par l'ancien estuaire du
Hoang-ho ; le changement de cours de ee fleuve a ruiné
son commerce ; près de la ville, est un magnifique palais
d'été de l'empereur.
Hou-tcheou-fou, situé à peu de distance au sud du lac
Ta-ho, est en communication par des canaux avec les cam-
pagnes et les bourgades voisines; cette ville, bâtie au
centre du district qui donne les plus belles soies, est elle-
même le plus important marché de soie qui existe en
Chine et une des plus grandes fabriques de soieries.
Shang haï (4 à 500,000 hab. avec les faubourgs), ville
de la province de Kiang-sou, bâtie dans la plaine basse,
toute coupée de canauxet peu salubre, que le Yang-tsé-
kiang a formée de ses alluvions et qu'il agrandit tous les
ans. C'est sur la rive gauche du Hoang-pou, entre deux ca-
naux, qu'est construite la ville, murée comme toutes les
villes chinoises, allongée en forme d'ovale à quelque dis-
tance du fleuve, et entourée de vastes faubourgs ; une mul-
titude de jonques, beaucoup moins élégantes et moins
confortables que celles de Canton, encombrent la rivière ;
au nord de la ville murée, en suivant le cours de la rivière,
se trouve la concession française, où, à l'exception des
Messageries nationales, on ne rencontre pas d'établisse-
ment français ; puis, en traversant un petit canal, la con-
cession anglaise, peuplée de 60,000 habitants (dont 1,200
Européens) ; puis, au delà d'un large canal (Sou-tcheou
creek), la concession américaine. A 8 kilom. à l'ouest de
Shang-hai est le célèbre collège de Sikawey, fondé par les
Jésuites.
Fou-tcheou ou Fou-tcheou-fou (600,000 hab.), capitale de
la province de Fo-kien, grande ville murée, mal bâtie,
mais enveloppant dans son enceinte des collines boisées
qui lui donnent un aspect pittoresque, se prolonge par
ses faubourgs jusqu'à la rive du Min, le principal cours
d'eau de la contrée ; elle renferme (à l'est), comme presque
toutes les grandes villes, un quartier tartare occupé par la
garnison et possède, en outre, une rue souvent visitée par
les étrangers, où sont groupés les marchands de laque, de
vases, de statuettes et de fleurs artificielles.
Han-keou (env. 600,000 hab.), place de commerce im-
portante, située au confluent du Yang-tsé-kiang et du Han
(le nom signifie bouche du Han), est considérée par les
Chinois comme une sorte de faubourg de Han-yang, chef-
lieu de district situé à l'ouest, de l'autre côté du Han,
mais beaucoup moins grand que Han-keou ; en face, sur
la rive droite du Yang-tsé-kiang, est Tchang-fou, capitale
de la province de Hou-pé : ces trois villes réunies forment
une agglomération d'environ 1 million d'individus, groupés
dans des maisons pressées les unes à côté des autres et sur
un espace qui serait très-étroit, si deux grands cours d'eau
ne circulaient au travers ; dans cette réunion de villes,
comme dans la plupart des cités chinoises, une partie de
la population n'a d'autre domicile que les jonques.
Tching-tou-fou (env. 800,000 hab.), capitale du Ssé-
tchouen, grande ville bien bâtie, et centre d'un commerce
important entre le Tibet et l'intérieur de la Chine.
Nan-king (1 million d'hab. naguère), c.-à-d. « capitale
du sud », bâtie, comme la plupart des villes chinoises, à peu
de distance d'un fleuve, le Yang-tsé-kiang. Ville autrefois
très-florissante par les lettres, l'industrie, le commerce,
résidence des empereurs de la dynastie des Ming, vrai cen-
tre national de l'empire ; mais, depuis longtemps déchue du
premier rang, elle a été ruinée dernièrement par la guerre
des Taï-ping. La tour de porcelaine (qui n'élait pas en porce-
laine, mais en briques vernies), un des monuments les plus
célèbres de la Chine, a été détruite durant cette guerre.
King-té-tchin (1 million d'hab. ?), dans le Kiang-si, n'é-
tant chef-lieu ni de province ni de département, est consi¬
dérée, par les Chinois, comme une simple bourgade; mais
elle est le centre le plus important de la fabrication des
porcelaines en Chine, et tire précisément son nom de la
manufacture impériale établie en cet endroit, il y a un mil-
lier d'années.
Hang-tcheou-fou (1 million d'hab. ?), capitale de la pro-
vince de Tché-kiang, est située à 3 kilomètres de la rive du
Tsien-tang, le principal cours d'eau de la contrée, et à
80 kilomètres de son embouchure. C'est sur le Tsien-tang,
à Hang-tcheou, que commence le grand canal, creusé, il y
a six cents ans, pour conduire vers Pé-king les denrées des
fertiles provinces du centre. La ville, située dans le district
de la soie, est célèbre par ses fabriques de soieries, foulards,
satins, crêpes, brocarts, de broderies, d'éventails, de lapis,
de bronzes, etc. Elle a été longtemps une des plus floris-
santes cités de la Chine : Marco-Polo, qui la visita au XIIIe
siècle, déclare qu'elle surpasse toutes les autres villes du
monde en grandeur, en beauté et en délices, à tel point que
ses habitants peuvent s'imaginer qu'ils sont dans le paradis ;
mais cette ville de luxe et de fabriques a été entièrement
dévastée par les rebelles en 1861, et ne s'est pas encore
relevée de ses ruines.
CANTON (de 1 million à 1 million et demi d'hab., avec les
faubourgs), ainsi appelé par les Européens, du nom de la
province dont cette ville est la capitale, le Kouang-toung,
se nomme réellement en chinois Kouang-tcheou-fou (1).
C'est une grande ville bâtie sur la rive gauche du Tchou-
kiang, entourée de murailles et même d'une double en-
ceinte du côté du fleuve, avec un quartier particulier,
l'ouest, pour la garnison tartare. Les rues sont étroites ;
mais la ville présente un aspect animé par une popula-
tion nombreuse et bruyante, principalement sur le fleuve
tout couvert de bateaux, bateaux de transport, qui amè-

(1) Les Chinois la nomment plus souvent encore Sheng-cheng, c'est-


à-dire la Capitale.
nent les marchandises et les voyageurs des diverses par-
ties de la province ou qui font le service intérieur de la
ville ; bateaux de pêche ; « bateaux de fleurs », qui sont les
maisons à thé de Canton et correspondent à peu près à nos
cafés. Elle compte trois faubourgs, un sur la rive droite,
le faubourg d'Honan, et sur la rive gauche, un de chaque

côté de la ville ; dans le faubourg de l'ouest est la con-


cession européenne, dite Shamien.
A une quinzaine de kilomètres de Canton, sur la rivière
des Perles, est la populeuse bourgade de Fa-tchan, qui
tisse la soie et le coton.
TANG-TCHEOU-FOU (2 millions d'hab,), grande ville bâtie
sur les bords du grand canal, à peu de distance au nord du
Yang-tsé-kiang, chef-lieu de département dans la po-
puleuse province de Kiang-sou, cultive les fleurs et fabri-
brique des crêpes et des soieries.
PE-KING (env. 2 millions d'hab., avec les faubourgs), est la
capitale de l'empire Chinois (voir fig. 5h) : son nom signifie
capitale du nord (1). Elle est située dans une plaine sablon-
neuse, à peu près sous la même latitude que Naples, à 20 ki-
lomètres nord-ouest du Pei-ho, avec lequel elle communi-
que par le canal de Toung-tcheou. Elle mesure, du nord au
sud, 9 kilomètres et demi et se divise en deux villes (voir le
carton de la carte n° 12) : 1° au nord, la ville Tartare comprend
elle-même trois enceintes fortifiées, faites de hautes et
épaisses murailles de briques avec fossé, et ayant chacune
à peu près la forme d'un carré : au centre, le palais de l'Em-
pereur où aucun étranger ne pénètre ; autour, la cité impé-
riale avec des collines boisées, des parcs, de beaux lacs ar-
tificiels, un pont de marbre renommé, de grandes pagodes
et les maisons des officiers du palais et de la garde impé-
riale ; autour de la cité impériale la cité tartare, avec ses
larges et beaux boulevards, ses maisons de bois si basses
que partout le rempart les domine, ses temples nombreux
et les légations européennnes ; 2° au sud, la ville Chinoise,
également murée, est la ville du commerce et de l'indus-
trie, bien que le travail manufacturier soit peu développé
à Pé-king ; hors de la double ville sont de vastes faubourgs,
surtout au sud, dans la direction du Pei-ho.
SOU-TCHEOU-FOU (3 millions d'hab. ?), dans le Kiang-sou,
la ville la plus peuplée de l'Asie, et la plus peuplée du monde
après Londres: c'est une ville ayant la forme d'un carré, dont
chaque côté mesure environ 8 kilomètres : le grand canal
la traverse, et plusieurs canaux plus petits y servent aux
transports et la font communiquer d'une part avec le lac
Ta-ho, d'autre part avec Shang-hai qui lui sert de port ; le
canal est tout couvert de longues files de jonques. Ville d'é-
légance, de plaisirs et de luxe, elle possède de beaux mo-

(1) Les Chinois, supprimant le mot Pé (Nord), disent ordinairement


King-cheng, « la ville capitale, » surtout pour désigner la cité tar-
tare.
numents, de riches quartiers à l'ouest ; et à l'est une popu-
lation très-nombreuse d'artisans, tisserands en soie, bro-
deurs, ébénistes, bronziers, etc. ; on y fait un grand
commerce de porcelaines et de fleurs. « Au ciel, il y a un
paradis ; sur terre il y en a deux, Sou-tcheou-fou et Han-
tcheou-fou, » dit un proverbe chinois. Sou-tcheou-fou, si-
tuée au milieu d'une des plaines les plus fertiles et les
mieux cultivées de la Chine, au centre de la région dont la
population est la plus dense, a, principalement le long du
grand canal, de nombreux faubourgs dont plusieurs pa-
raissent avoir plus de 100,000 habitants.
104. Les grandes routes du commerce intérieur. — Le
commerce de la Chine avec l'Indo-Chine orientale par terre
est très-médiocre, le plateau du Laos se prêtant peu au
trafic et les transports ne se faisant guère que par les
canaux.
Dans le sud de la Chine, il existe, par le Yun-nan, un cer-
tain commerce avec la Birmanie et même avec l'Inde, com-
merce de contrebande qui paraît se borner à l'importation
de l'opium ; à l'ouest se trouvent, dans le Ssé-tchouen, la
route du Tibet, route fréquentée, qui débouche par Ta-
tsien et Tching tou-fou ; et, dans le Kan-sou, une route
venant également du Tibet par le plateau central et dé-
bouchant sur le Hoang-ho, près de Lang-tcheou. Au nord
la route de Mongolie débouche du plateau central à Chal-
gan, après avoir traversé la grande muraille (fig. 56), laquelle
forme de ce côté une double ligne, au milieu d'un pays
très-accidenté, et conduit à Pé-lung; à l'est de celle-ci, est
la route de Mandchourie.
Dans l'intérieur, la Chine a peu de grandes routes ; la
plus importante est celle qui conduit de Tching-tau-fou
à Pé-king, reliant ainsi le Tibet à la capitale de l'Empire ;
la plupart des autres voies de communication par terre
sont de simples sentiers, de 1 ou 2 mètres de largeur, bien
entretenus d'ailleurs, macadamisés ou dallés.
C'est par eau que se fait la majeure partie des transports.
Les fleuves, rivières et canaux servent à cet usage : les ca-
naux sorti très-nombreux, surtout dans le bassin inférieur
du Yang-tsé-kiang. Les deux principales voies de commu-
nication par eau sont le Yang tsé-hang, que les Chinois
appellent souvent le Kiang « le fleuve » par excellence,
avec ses affluents ; et le grand canal impérial, qui du Yun-
ho, affluent du Pei-ho, conduit à Hang-tcheou-fou, à l'em-
bouchure du Tsien-tchang, mesurant une longueur de
i ,040 kilomètres. Par le Pei-ho, le canal, le Yang-tsé-kiang,
le lac Po-yang, et le Kia qui s'y jette, les Chinois ont une
ligne de navigation intérieure de plus de 2,000 kilomètres ;
de l'extrémité du Kia un portage conduit dans la rivière de
l'est, affluent du Tchou kiang, et permet, entre Pé-king et
Canton, un transport par eau qui n'est interrompu qu'à la
traversée de la chaîne des Nan-ling : c'est la grande voie
qui relie le nord et le sud.
105. Le commerce maritime. —Le commerce maritime
de la Chine s'étend sur une côte ayant plus de 5,000 kilo-
mètres de développement et qui présente, depuis les cha-
leurs tropicales de Macao, jusqu'à la rivière Liao fermée
par les glaces quatre mois et demi de l'année, une diversité
de climats et de productions assez grande, quoique hien
moindre qu'elle ne le serait sur un même espace en Eu-
rope; comme, d'un antre côté, la population de la Chine
proprement dite est estimée à plus de 500 millions d'indivi-
dus, vivant dans un état de civilisation assez avancée ; et
qu'elle est plus pressée sur le sol que les populations les
plus denses de l'Europe occidentale, il est impossible que
la somme des échanges ne soit pas considérable. Dans les
seize ports de la côte, des îles ou des fleuves, ouverts aux
Européens par les traités de 1842 et de 1858 et par les con-
ventions qui les ont complétés, le MOUVEMENT GENLBAL DU
COMMERCE MARIIIMË fait par les Chinois ou par les Euro-
péens, dans les ports où les Européens sont admis, est D'EN-
RON 2 MILLIARDS ET DEMI DE FRANCS. Il comprend :
1° L'importation de produits étrangers à la Chine : OPIUM
de l'Inde, et quelque peu de la Perse et de la Turquie dont
on importe, presque toujours par Hong-kong, environ
80,000 caisses, soit 5 millions de kilogrammes, valant
près de 300 millions de francs ; sucre des îles Philippines
et de l'Indo-Chine ; cotonnades d'Angleterre ou d'Amé-
rique, calicots (désignés par le nom anglais shirtings) gris
et blancs ou teints, mouchoirs, etc. ; lainages d'Angleterre,
camelots, laslings, Orléans, etc. ; coton brut de l'Inde ; riz
de l'Inde et de l'Indo-Chine, importation variable selon les
récoltes : métaux, fer d'Angleterre, plomb, mercure, étain ;
herbes marines du Japon, employées par les Chinois comme
aliment pour les basses classes ; houille d'Angleterre, d'A-
mérique, d'Australie, du Japon ; bois de l'Orégon et du Ja-
pon ; allumettes, aiguilles, montres, boîtes à musique, etc. ;
2° Vexportation de produits chinois : raÉ, thé noir en'
plus grande quantité, venant surtout des ports du Yang-
tsé-kiang, thé vert en bien moindre quantité, venant
surtout de Ning-po et des ports du sud, en tout environ
75 millions de kilogrammes (1), à destination de l'Angle-
terre, des États-Unis, de Hong-kong, de l'Australie, etc. ;
SOIE (près de 1 million 1/2 de kilogrammes), venant surtout
des campagnes de Shang-hai et de Ning-po, à destination de
l'Angleterre, de la France, de l'Inde, de Hong-kong, etc. ;
houille provenant de Han-keou et de Formose ; rhubarbe
de l'ouest exportée, soit pour ses jeunes pousses servant
à faire des tartes et des confitures, soit pour sa racine qui
donne la rhubarbe la plus estimée en médecine ; papier,
tabac, suif végétal, produits manufacturés de la Chine
(porcelaine, nankin, etc.) ; colon venant de la région du
Yang-tsé-kiang et du nord ;
3° Le cabotage, consistant soit en produits étrangers ex-
pédiés d'un des seize ports pour un port quelconque de la
Chine ; soit en produits indigènes importés dans un de ces

(1) Sans compter le thé de caravane qui arrive à Kiachta, et le thé en


brique qu'on vend au Tibet et en Mongolie.
seize ports, ou exportés de ces mêmes ports pour un autre
port chinois. La réexportation porte sur tous les articles
de l'importation étrangère. Les principaux produits indi-
gènes sont les tourteaux, les pois et les fèves du nord, le coton,
le thé, la cire, le tabac et l'huile du centre, le sucre du sud.
Ce triple commerce donne lieu à un mouvement de ME-
TAUX PRECIEUX, mouvement
variable d'année en année, sui-
vant les fluctuations du commerce, mais toujours considé-
rable, et presque toujours à l'avantage de la Chine qui
reçoit plus de numéraire qu'elle n'en rend. Presque tout le
grand commerce, surtout le commerce d'exportation, se con-
centre pour les Européens sur les deux places de Hong-kong
et de Shang-hai, où affluent des autres ports les produits
indigènes et d'où ont lieu les réexportations.
Les 2 milliards 1/2 (sans compter le numéraire) se dé-
composent à peu près ainsi : 600 millions à l'importation,
venant surtout de Hong-kong, de l'Inde, d'Angleterre, du
Japon, de Singapore ; 450 millions à l'exportation, se diri-
geant principalement sur l'Angleterre, sur Hong-kong, sur
les États-Unis, sur l'Australie : près de 1 million 1/2 au
cabotage entre les ports chinois, cabotage effectué en grande
partie par la marine européenne ou américaine. Les pays
dont la marine prend le plus de part à ce commerce sont,
sans compter Hong-kong et Macao : L'ANGLETERRE, dont le
mouvement est de près de 4 millions de tonneaux, et qui,
importation, exportation et cabotage compris, transporte
une valeur d'environ 1,600 millions de francs ; les États-
Unis, dont le tonnage est de plus de 3 millions, et le com-

merce d'environ 600 millions de francs ; l'Allemagne avec


430,000 tonneaux, la France avec 135,000 tonneaux et un
commerce d'environ 30 millions, le Danemark (60,000), la
Hollande (50,000), Siam (45,000), la Chine (30,000), l'Es-
pagne, etc.
L'Angleterre et la France font surtout leurs affaires avec
la Chine par Southampton et Marseille, ports d'attache de
leurs grands services à vapeur.
106. Les principaux ports de .la Chine. — Les ports ou-
verts au commerce européen sont (Voir les cartons de la carte
n° 15) :
Macao, situé sur la pointe méridionale d'une des îles du
delta du Tchou-kiang, est un comptoir possédé par les
Portugais depuis 1557 et qui, après avoir été très-florissant,
n'est plus qu'un port de quatrième ordre, dépendant de
Hong-kong, auquel il est relié par un service de bateaux à

vapeur : il importe de l'opium et exporte du thé et des


coolies, mercenaires destinés à remplacer les esclaves au
Pérou, à Cuba, etc.
HONG-KONG, colonie anglaise, est une île volcanique,
d'une superficie d'environ 70 kilomètres carrés, située à
l'est de l'estuaire du Tchou-kiang, allongéede l'est à l'ouest,
près de la côte, et surmontée de quelques pics dépas-
sant 300 mètres d'altitude. Les Anglais la possèdent depuis
4 el ont bâti sur la rive septentrionale la ville de Vic-
84-1
toria (fig. 57), dont les maisons s'élèvent, étagées les unes au-
dessus des autres, sur le flanc du roc ; le détroit qui sépare
l'île du continent lui sert de port ; c'est un port franc qui
n'a rien à exporter, sinon du granit, mais qui reçoit tous
les navires allant dans les ports méridionaux de la Chine
ou venant de ces ports et une grande partie de ceux qui se
rendent à Shang-hai ; c'est le grand entrepôt du commerce
maritime dans les mers de C/une: l'opium, le riz, le sucre, le
thé, les cotonnadesanglaises, la soie y affluent ; et le mou-
vement total de sa navigation dépasse 2 millions de ton-
neaux. Des services réguliers de bateaux à vapeur mettent
Hong-kong en communication journalière avec Macao et
Canton, en communication très-fréquente (3 fois par se-
maine) avec Swatao, Amoy et Fou-tcheou, sans compter
les grandes lignes qui le rattachent au reste de l'Asie, à
l'Europe et à l'Amérique.
CANTON a été longtemps le seul port chinois où fussent
admis les Européens ; mais la guerre des rebelles et la con-
currence de Shang-hai, débouché d'une contrée beaucoup
plus vaste et plus riche que les provinces du sud, l'ont fait
tomber au second rang. Canton, situé sur la rive gauche du
Tchou-kiang, nommé aussi rivière de Canton, à 64 kilo-
mètres du Bogue el à environ 130 kil. de la pleine mer,
ne reçoit, pour ainsi dire, aucun navire qui n'ait fait escale
à Hong-kong. De Hong-kong, on s'y rend par vapeur en
six heures, en suivant d'abord une côte granitique et dé-
serte, semée de grandes îles, puis en remontant le vaste
estuaire du Tchou-kiang jusqu'au Bogue (corruption du
mot Bocca Tigris), où le fleuve se resserre, et en conti-
nuant jusqu'à Canton entre deux rives bien cultivées, où
se trouvent Whampoa et plusieurs pagodes, au milieu de
jonques qui deviennent plus nombreuses à mesure qu'on
avance. Le thé et la soie sont demeurés les principaux arti-
cles de l'exportation de Canton ; et l'importation consiste
surtout en opium, en coton et en calicots anglais. Les Eu¬
ropéens n'ont pas aujourd'hui la part la plus forte dans le
trafic maritime de Canton ; ce sont surtout des marchands
chinois qui vont s'approvisionner à Hong-kong, mais sur
des bâtiments européens et américains.
Swatao, port situé, sur la rivière Han, avec une bonne
rade, à 15 ou 20 heures de Hong-kong par vapeur, et ouvert
aux Européens depuis 1858, importe de l'opium, des pois,
du coton, et exporte du sucre et du tabac; mais ce com-
merce est fait presque entièrement par des négociants
chinois.
Amoy, ville située dans une petite île volcanique, au fond
d'une large baie, sur la côte du Fo-kien, port ouvert aux
Européens depuis 1842 : l'opium, le coton, les pois, le riz
s'y échangent contre le thé, le sucre, le papier, le nan-
kin, etc..
Fou-tcheou, situé sur le Min, à 54 kilomètres de son em-
bouchure, ville importante par sa population (v. § 103) et par
sa position ; la résidence des Européens est sur la rive droite
du Min, en face de la ville. Le thé que la province produit
en grande abondance est le principal article de l'exporta-
tion ; le chiffre total du commerce de Fou-tcheou égale
presque celui de Canton.
Ning-po, situé sur la rivière Yung, qui de son embou-
chure jusqu'à la ville est couverte de jonques, a été quelque
temps le plus fréquenté des ports ouverts dans la Chine
centrale par le traité de 1842 ; mais la fortune de Shang-hai,
situé à 13 heures de navigation à vapeur, l'a éclipsé. En
face de l'embouchure du Yung est le groupe des îles Chu-
san. Un service régulier îelie King-po à S han g-h ai ; le thé
et l'opium sont, à l'exportation et à l'importation, les deux
principaux articles du trafic.
SHANG-HAÏ, situé sur la rive gauche de la rivière Hoang-
pou, à 20 kilomètres de l'endroit où cette rivière, coulant
au milieu d'un terrain plat et si bas que la côte est invisible
à quelque distance en mer, débouché près du village de
Woosung dans l'estuaire du Yang-tsé-kiang, aux eaux char¬
gées d'un épais limon jaunâtre (voir le carton de la carte n° 15).
Shang-haï est, par son avantageuse situation, le débouché
naturel et l'entrepôt de la grande et fertile vallée du Yang-
tsé-kiang, et particulièrement de la province du Kiang-sou
qui produit les plus belles soies. Le traité de 1842 l'a
ouvert aux Européens, qui y ont une concession (voir § 103) ;
et ce port n'a pas lardé à effacer Canton. Aujourd'hui,
Shang-haï est, avec Hong-kong, le grand marché du com-
merce de la Chine, trafiquant avec l'Angleterre, les États-
Unis, la France, l'Allemagne, Singapore, l'Australie, les
Philippines, l'Inde, le Japon ; mais il y a cette différence
que Hong-kong n'est qu'un lieu de transit, tandis que
Shang-haï, qui sert d'entrepôt pour tous les ports du
centre et du nord, achète et revend directement, pour le
compte de sa province, une grande quantité de produits.
L'importation étrangère à Shang-haï consiste en opium,
pour une valeur d'environ 120 millions, en cotonnades,
en lainages, en riz, etc. ; l'exportation en soie, laquelle est
un produit de la province et dont Shang-haï, indépendam-
ment des soies du Japon qu'on réexporte, vend 1,300 à 1,400
tonnes, pour une valeur d'environ 80 millions (1,200 tonnes
à l'Angleterre, 150 environ à la France) ; en thé pour une
valeur de plus de 100 millions ; en coton, etc. Il se fait
aussi un grand mouvement de métaux précieux, plus de 100
millions, importés d'Europe et réexportés dans l'Inde. Le
mouvement total de la navigation dépasse 1,800,000 ton-
neaux : le pavillon anglais et le pavillon américain domi-
nent ; le pavillon français vient au troisième rang. Sans
compter les métaux précieux, on évalue à 400 millions
l'importation de produits étrangers, dont 16 environ sont
réexportés, et à 300 millions l'exportation de produits étran-
gers. Les bateaux à vapeur conduisent en 5 jours de Hong-
kong à Shang-haï.
Quatre ports sont situés dans l'intérieur des terres, sur la
rive du Yang-tsé-kiang : Chin-kiang (c'est-à-dire le gardien
du fleuve), bâti à l'endroit où le grand canal traverse le
Yang-tsé-kiang, entrepôt autrefois très-important du com-
merce avec les provinces du nord, aujourd'hui en partie
ruiné par les Tai-ping ; Nan-king, ancienne capitale, rui-
née aussi par les Taï-ping, et où le commerce européen ne
s'est pas encore installé ; Kiou-kiang, le débouché de la
riche contrée du lac Po-yang, qui fournit surtout à l'exporta-
tion du thé ; Han-keou à 930 kilomètres de l'embouchure
du fleuve, au confluent de la rivière Han et, par suite, le
grand marché du Hou-pé (voir § 103). C'est le seul point
par lequel le commerce européen pénètre directement
jusqu'au coeur de la Chine ; le mouvement du commerce
y est d'environ 275 millions de francs : il ne se fait guère
que par le service régulier de bateaux à vapeur américains
qui, dans l'espace de 3 à 5 jours, avec relâche à Chin-kiang
et à Kiou-kiang, conduisent de Shang-haï à Han-keou.
L'importation consiste d'abord en tissus, cotonnades et
lainages, puis en opium et en sapèques (monnaies de cui-
vre), en soieries, sncre, etc. ; l'exportation, en thé, que la
province de Hou-pé fournit en grande quantité et de bonne
qualité, en huile de bois, en tabac, en soie, en rhubarbe,
etc.
Ché-fou (1), que les Chinois nomment en réalité Yen-
T'ai, grand village mal bâti dans une anse sablonneuse,
sert de débouché à la province de Chan-toung et, en hi-
ver, quand le Pei-ho est gelé, de communication maritime
pour Pé-king. Il importe, comme la plupart des places de
la Chine, de l'opium, du sucre, des cotonnades ; et exporte
des pois et des tourteaux faits avec les déchets des pois qui
sont achetés par les Chinois du centre et du sud, pour l'ali-
mentation des habitants et pour la fumure des terres.
Ché-fou est, par bateau à vapeur, à trois journées de
Shang haï.
Tien-tsin, bâti au lieu où le grand canal débouche dans le

(1) Le nom de Ché-fou ou Chi-fou, que les Européens ont consacré,


est celui d'une anse voisine, située dans la même baie.
Pei-ho, est, pour les Européens, le marché de Pé-king. On
y importe l'opium de l'Inde, les cotonnades et les lainages
de l'Europe, le thé et le sucre de la Chine centrale et mé-
ridionale, les herbes marines et autres substances alimen-
taires du Japon ; on en exporte du coton, des grains, des
fruits, dattes, poires, pommes, etc., du savon, de la rhu-
barbe, du tabac, des laines de Mongolie, etc.
Niou-chouang, ou plutôt Ying-tsé, situé près de l'em-
bouchure du Liao, à 48 kilomètres de Niou-chouang auquel
il sert de port ; c'est la place de commerce la plus septen-
trionale dans laquelle les Européens soient admis en Chine.
On y porte de l'opium, du sucre, des colonnades, etc. ;
on en tire des fèves et des pois, des tourteaux de pois, etc.;
mais le trafic n'y a jusqu'ici qu'une médiocre importance.
Les ports ouverts dans les îles de la Chine en ont moins
encore : Ké-lung et Tam-tsoui, dans le nord de l'île For-
mose, exportent la houille, le riz qui croît en abondance
et qui a fait donner à l'île le surnom de grenier de la Chine,
l'indigo, le jute, le camphre, le papier de riz ; Tai ounng
et Ta-kao, dans le sud de la même île, exportent du sucre,
du safran et du sésame ; Kioung-tcheou, dans l'île d'Hainan,
ne fait encore aucun commerce avec l'Europe.

LE JAPON.

(Von la carte n° 15.)

107. Les produits. — Le Japon a des productions diverses,


comme son climat, aussi chaud à Nagasaki que celui de
Naples, plus froid dans l'île de Yéso que celui de la Nor-
vège. Peu productif dans cette dernière île, qui est habi-
tée par une population peu nombreuse et à demi civilisée,
le sol est extrêmement fertile dans les îles du sud : le
travail des habitants y tire parti des moindres parcelles de
terrain ; le flanc des montagnes y est façonné en terrasses
jusqu'aux limites naturelles de la végétation ; au besoin
la terre végétale y est transportée à dos d'homme, et l'eau
d'arrosage amenée par des canaux. Les principales cé-
réales sont le niz, nourriture ordinaire des habitants, l'orge
et le blé. La PATATE, comparable à la pomme de terre,
quoiqu'elle ait une saveur plus sucrée et qu'elle appar-
tienne (voir la figure 58) à une tout autre famille botanique,
celle des convolvulus, et qui, probablement originaire de
l'Inde, est très-cultivée dans toute l'Asie orientale ; l'igna-
me, le sagou et le navet servent aussi à l'alimentation pu-
blique ; la canne à sucre du sud et les algues et varechs
ou herbes marines de l'île de Yéso, nourriture des classes

pauvres, ainsi que le THÉ, qui est presque aussi estimé que
celui de la Chine, doivent être, rangés aussi parmi les
végétaux alimentaires.
Les plantes industrielles sont le coton qui est de bonne
qualité, le mûrier qui nourrit le ver à SOIE, le chanvre, le
sésame, le tabac de qualité médiocre, l'indigo, le camphre
de Kiou-siou, l'arbrisseau (rhus vernix) qui donne le venus
particulier du Japon, le bambou, le ko-zo, arbrisseau dont
les filaments servent à fabriquer un très-beau papier, l'ortie
qui est employée à la fabrication du papier commun, l'arbre
à cire de Kiou-siou et de Sikokf. Le Japon, dans ses parties
montueuses, et surtout dans l'île de Yéso, a de belles forêts
de pins qui rappellent celles de l'Écosse.
Mais, quoique l'agriculture y soit, comme en Chine, pra-
tiquée avec beaucoup de soin, le Japon n'a, pour ainsi dire,
aucun bétail : rien que des buffles et des zébus pour les
transports ; mais de beaux chevaux de selle et beaucoup de
volaille. Le POISSON et particulièrement la morue que l'on
pêche sur les côtes, est pour la population une très-impor-
tante ressource.
Le Japon a des mines d'or, de cuivre et d'argent, mais dont
on ignore le produit, parce que la plupart appartiennent à
l'empereur. Le soufre et surtout la terre à porcelaine
(kaolin) sont aussi des productions importantes du sol japon-
nais. L'Ile de Yéso fournit un peu de houille.
108. L'industrie. — Le Japon a une industrie assez déve-
loppée, quoique mal connue jusqu'ici. Il fabrique des étoffes
et surtout de très-riches soieries, art qu'il a reçu, il y a
quatorze ou quinze siècles, des Chinois ; il fabrique des
laques, des armes, des bronzes, plus artistement travaillés
encore que ceux des Chinois, et surtout des porcelaines
dont la plus estimée est celle de l'île de Kiou-siou, supé-
rieure à celle de la Chine, bien que les procédés viennent
de cette dernière contrée,
109. Les voies de communication. — Le Japon a de très-
belles routes, entretenues avec grand soin et bordées d'arbres,
principalement la grande route de Nagasaki à Hakodadé
par Yédo. Un chemin de fer, dont une section est déjà ex-
ploitée, unira Yédo à Osaka et Yédo à Yokohama. Des
services réguliers de paquebots unissent cette dernière
ville à l'Amérique, à l'Inde et à l'Europe. Un câble télégra-
phique la met en relation avec le réseau russe d'une part
et avec Hong-kong et Smgapore de l'autre.
110. Les grandes villes. — Le Japon, ayant une popu-
lation dense, de 90 hab. probablement au kil. c., doit avoir
un certain nombre de villes au-dessus de 100,000 habi-
tants, surtout dans les îles de Kiou-siou et de Sikokf,
et dans le sud de Nippon : on ne connaît guère encore
que les trois villes suivantes qui ont le titre de résidence
« fou » (voir les cartons des cartes n°s 12 et 15) :
Kioto (env. 200,000 hab.), ancienne résidence du Mi-
kado, chef spirituel du Japon ; cette ville, située dans le
sud de Nippon, non loin d'Osaka, fabrique de très-belles
soieries et est, comme Osaka, une ville de grand luxe.
Osaka (400,000 hab. ?), située au sud de Nippon, ville

fortifiée, entourée de vastes faubourgs avec de beaux jar-


dins, située sur le bord de la mer intérieure qui s'étend
de Nippon à Sikok ; c'est la plus grande ville de commerce
et d'industrie du Japon ; on y fabrique des cotonnades re-
nommées dans tout le pays, de riches soieries, des bron-
zes, du papier ; on y compte un grand nombre d'impri-
meries, et on y fait beaucoup d'affaires en riz et en poisson
salé ; c'est aussi une ville de luxe et de plaisirs.
YÉDO (env. 750,000 hab.), bâtie au fond de la baie de
Yédo, à l'embouchure de la « grande rivière » (O-kava),
résidence actuelle du souverain et capitale du Japon
(fig. 59). Elle se divise en trois parties : à l'ouest sur la
rive droite de la rivière, Siro, ou le château, qui a 8 ki-
lomètres de circonférence et renferme les palais, de beaux
jardins, de vastes avenues et des temples ; Soto-Siro qui
enveloppe en grande partie Siro, excepté sur le bord de
la « grande rivière », et qui est la cité populeuse et active
de l'industrie et du commerce ; en troisième lieu, les fau-
bourgs, donl le principal est Hondjo, situé sur la rive droite
de la grande rivière et orné de temples et de palais ; Yédo
est coupé de nombreux canaux et renferme de tous côtés
de beaux jardins ; il couvre une superficie de 85 kilomètres
cariés.
Parmi les villes de 200,000 à 100,000 habitants, qui sont,
à n'en pas douter, beaucoup plus nombreuses, nous ne
pouvons encore citer que Hakodadé (40,000 hab.) et
Matsmaï 50,000 hab.) dans l'île de Yéso ; Nagasaki (60,000
hab.) dans celle de Kiou-siou.
111. Le commerce maritime du Japon. — Comme la
Chine, le Japon ne communique avec le commerce euro-
péen que par un certain nombre de ports ouverts depuis
1859. Ces ports sont (voir les cartons de la carte n° 15) :
Nagasaki, bâti à quelque distance de la mer, sur la rive
gauche d'un long estuaire et situé par vapeur à 3 jours de
distance du port de Shang-hai, avec lequel il est en com-
munication régulière, est une ville de fondation portu-
gaise ; renfermés dans un îlot de son port (Desima), après
l'expulsion des Portugais, les Hollandais ont entretenu,
pendant deux siècles, les seuls rapports de commerce que
le Japon consentit à avoir avec l'étranger. ; aujourd'hui la
ville est ouverte et, au sud de la cité, les Anglais et les
Français ont sur la terre ferme leur concession. Nagasaki
importe, des objets manufacturés, des métaux et des armes
pour une valeur de 16 à 17 millions ; et exporte pour une
dizainé do millions de thé, de cire végétale, de soie, de noix
de galle, de camphre, de porcelaine, etc.
Hiogo, situé dans la baie du même nom à 23 kilomètres
de la grande ville d'OSAKA, dont il est le port, a été ouvert
au commerce européen en 1868, et parait avoir un assez
grand avenir, à cause de la proximité de Kioto, une des ca-
pitales du Japon : son chiffre d'affaires est déjà triple de
celui de Nagasaki.
Yokohama, le principal port du commerce européen, est
une plage marécageuse, située sur la côte occidentale de
la grande baie de Yédo, séparée de la terre ferme par un
canal, et dépendant du territoire de la bourgade de Kana-
gawa. Les Européens, auxquels cet emplacement a été
concédé, en ont fait depuis quelques années une petite
ville. On y importe, pour une valeur d'environ 100 millions
de francs, du niz, du sucre, des cotonnades, calicots, mous-
selines, etc., du coton filé, des lainages, des métaux, fer,
acier, étain, plomb, des armes et autres objets manufactu-
rés ; et on en exporte, pour une valeur d'environ 75 mil-
lions, de la SOIE, des cocons et des oeufs de vers à soie, du
thé, du camphre, des noix de galle à destination de l'Eu-
rope ou de l'Amérique, des herbes marines, des poissons
secs, du tabac, de la cire végétale, du ginseng à destination
de la Chine. La marine anglaise prend la principale part
dans ce commerce ; la marine de la France ne vient qu'a-
près celles des États-Unis et de la Hollande. Yokohama est
par vapeur à 3 ou 4 jours de distance de Shang-hai.
Niegata, sur la côte occidentale de Nippon, et Hakodadé,
au sud de l'île de Yéso, ne font qu'un commerce médiocre
(25 millions et 8 millions) ; ils importent des tissus et du
sucre, et exportent des herbes marines, des poissons et des
bois pour la Chine.
Le commerce du Japon avec les marines d'Europe et
d'Amérique, importation et exportation réunies, y com-
pris le mouvement des métaux précieux, atteint environ
450 millions de francs.
INDE PROPRE OU HINDOSTAN ET DEKHAN.

(Voir la carte n° 14.)

112. La production agricole. — L'Inde, située presque


tout entière sous le climat intertropical, ne doit pas pré-
senter, malgré son étendue, qui est six fois celle de la
France, une grande diversité de productions et de régions
agricoles. On peut les rapporter à quatre grands groupes :
1° La région de l'Indus, qui comprend le Pendjab avec le
reste de la vallée de l'Indus, et le pays à l'est du fleuve jus-
qu'au golfe de Cambaye. Le Pendjab, grâce à son altitude,
n'est pas encore, il est vrai, la région des chaleurs tropi-
cales : aussi les céréales, froment, maïs, orge, y dominent ;
le riz n'y est encore cultivé que par exception, quoique
celui de Peschawer soit renommé ; le coton et le pavot
blanc y sont assez rares ; mais le lin y est de bonne qua-
lité, et le safran de Lahore est renommé. La région de
l'Indus, toute hérissée de jongles, c'est-à-dire de landes
couvertes de broussailles, est bornée, au nord, par l'Hi-
malaya, et au sud-ouest par un désert, celui de Thurr,
formé de sables mouvants sur une longueur de plus de
800 kilomètres. Au sud de ce désert, la presqu'île de Guze-
rate produit beaucoup de coton, dit coton de Dhollerah
(environ 400,000 balles).
2° La région du Gange comprend presque toute la vallée
du fleuve depuis Delhi jusqu'aux embouchures et la vallée
du Manahaddy ; c'est la partie la plus fertile de l'Inde, et
cependant, il s'en faut de beaucoup que toutes les terres y
soient en culture, malgré l'énorme population qui s'y
presse : il est vrai qu'un peu de riz suffit, en général, pour
nourriture aux habitants. Entre les champs cultivés, s'é-
tendent de vastes espaces abandonnés, sables arides ou
jongles couvertes d'épais fourrés de broussailles et repaires
de bôtes féroces. Là où la terre est fertile et bien cultivée,
elle donne jusqu'à deux et trois récoltes par an. outes les
CÉRÉALES y poussent : le froment, l'orge, le maïs, surtout
dans la plaine belle et assez bien arrosée du royaume

d'Oude, le riz partout, mais surtout dans le Bengale.


Le RIZ (voir la fig. n° 60), dont on pourrait dire, plus juste-
ment encore que du dattier, qu'il pousse « le pied dans l'eau
et la tête dans le feu », est la céréale principale de tout le
sud-est de l'Asie el de la Maiaisie. Dans l'Inde, les trois
qualités les plus cultivées sont : le riz blanc ou riz de table
que recherchent les Européens, cultivé surtout dans les
districts voisins de Calcutta et récolté en octobre ; le riz
Lalam, cultivé dans les districts du Gange inférieur et
récolté en novembre et décembre : il est consommé sur-

tout par les indigènes et les autres Asiatiques, ainsi que


le riz mooghy ou riz sec, qui pousse dans ie haut pays.
Les districts de Dacca et de Backergunge, dans le Delta du
Gange, sont au nombre des plus productifs. Presque par-
tout, les rizières donnent deux récoltes par an, une en
juillet, une autre en novembre ou décembre.
Après les céréales, une des plus importantes cultures est
celle du pavot blanc, dont on extrait au mois de mars, par
incision, un suc vendu ensuite sous forme de grosses bou-
les brunes pesant environ 1 kil. 3/4, et enveloppées avec
des pétales de pavot : ce suc est l'OPIUM. La culture du
pavot blanc est dans l'Inde, comme celle du tabac en
France, réglementée par le gouvernement dans l'étendue
du territoire anglais et à peu près concentrée au Bengale,
dans les campagnes de Bénarès et de Patna, depuis Allaha-
bad jusqu'à Dinajepore. La récolte moyenne est de 50,000
caisses contenant chacune 40 boules, et par conséquent
de plus de 3 millions 1/2 de kilograrnmes. La graine
fournit ensuite de l'huile. Le Malwa, belle contrée située
au sud-ouest du Gange, arrosée par plusieurs affluents de
la Djamna, le Chamboul, etc., et comprise parmi les États
protégés, produit aussi, en assez grande quantité, un
opium qui est généralement réputé le meilleur.
L'INDIGO, qui tire son nom même de l'Inde et qui est cul-
tivé dans le delta du Gange et au nord de ce delta jusqu'au
pied des montagnes, a une importance presque comparable
à celle de l'opium. L'indigotier est une plante de la famille
des légumineuses (voir fig. 61) qui ne dépasse guère un mètre
de hauteur, et dont les feuilles donnent par la macération
ou l'infusion une sorte d'amidon de couleur azurée : c'est
l'indigo, lequel est récolté de juin à septembre. Le Bengale
en fournit à peu près 4 millions de kilogrammes par an,
c'est-à-dire les 4/5 de la production de l'Inde entière et
les 2/3 de la production du globe.
Le COTON, dit coton du Bengale, pousse dans toute cette
région, principalement entre Delhi et Bénarès, dans les
plaines de la Djamna, du Gange et du Gogra irriguées par
les canaux et nommées le Doab, c'est-à-dire « entre deux
eaux » ; il est aussi une des principales récoltes du Malwa.
Le coton du Bengale, surtout celui qui provient d'Agra
et de Delhi, et dont la récolte totale est de 40,000 balles,
est de très-médiocre qualité et jusqu'ici assez mal préparé.
Dans toute l'Inde et dans presque toute l'Asie, le coton est
une plante annuelle qu'on sème au printemps. Les An-
glais ont déjà considérablement amélioré cette culture, en
introduisant de bonnes graines et des machines à égrener.
Parmi les autres produits de la culture, il ne faut pas
oublier le colza, le sésame et la graine de moutarde dont
on fait de l'huile ; le ricin, qu'on emploie souvent comme
clôture dans les champs, et qui donne aussi de l'huile et
nourrit des vers à soie ; le lin, qu'on ne cultive guère que
pour son huile, la fibre étant trop grossière ; le chanvre,
qu'on ne recherche aussi que pour la graine destinée à fa-
briquer le hatchisch, substance enivrante ; le tabac, la noix
d'arec, qu'on mêle avec le bétel, sorte de poivre, et que les
Hindous mâchent, comme dans d'autres pays on mâche le
tabac ; le curcuma, l'ail, le carthame, les melons, les con-
combres ; les plantes tinctoriales, safran, garance, etc.
Parmi les cultures arborescentes, le mûrier, surtout
dans les environs de Calcutta, fournit une certaine quan-
tité de soie, qui a peu de nerf, mais beaucoup de souplesse ;
le palmier-dattier joint à la canne à sucre (qui n'est pas
une culture arborescente) donnent, dans le voisinage de la
côte du golfe de Bengale, une assez grande quantité de
sucre. Le paal, arbrisseau qui par les filaments de ses
feuilles donne une sorte de chanvre, et le jute, très-em-
ployé dans l'Inde pour la fabrication des étoffes com-
munes, sont cultivés surtout dans le Bengale ; diverses
gommes et résines, le cachou, qu'on extrait de plantes du
genre arec (fig. 62), la gomme adragante, la gomme copal
(gomme fossile), le benjoin, la gomme-gutte, etc., sont
des productions des forêts.
3° La région Bimalayennel au nord des deux précédentes,
est surtout caractérisée par ses pâturages, où l'on élève un
nombreux bétail. Toutefois, en raison des différences d'al-
titude et d'exposition, les zones de culture présentent des
diversités. A l'est, dans la région des hautes collines de
l'Assam et de Cachar, outre une espèce de thé indigène,
les Anglais ont acclimaté le thé de Chine, qui fournit
annuellement plus de 2 millions de kilogrammes. Parmi
les arbres des forêts, l'arbre à caoutchouc y alteint des pro-
portions gigantesques. A l'ouest, la belle vallée de Ca-
chemire, abritée contre les vents froids du nord et pré-
servée par son altitude même (environ 2,000 m.) des

chaleurs tropicales, rappelle le climat de la Lombardie :


l'indigotier et l'oranger y prospèrent auprès du froment, de
la vigne et du figuier. Plus haut, ainsi que dans le Népaul,
ce sont des massifs de platanes, d'érables, de saules magni-
fiques, de noyers et enfin des forêts d'arbres résineux,
jusqu'aux limites où cesse la végétation arborescente.
4° La région du Dekhan ou région méridionale, dont le
climat est en général sec, comprend toute la péninsule
triangulaire qui s'étend au sud de la vallée du Gange, et
présente elle-même des caractères très-différents, suivant
l'altitude et l'exposition. Le RIZ est une des plus impor-
tantes cultures dans toutes les provinces, principalement
dans les vallées du Godavéry et du Kavéry ; le COTON dont
la récolte s'est beaucoup accrue depuis dix ans, et qui,
bien qu'ayant toujours le brin court, s'est beaucoup amé-
lioré par suite des soins donnés à la récolte, est aussi l'ob-
jet d'une culture très-générale, principalement dans le
Berar, le Kandish et la vallée de la Nerbuddah (45,000
balles), dont le coton est désigné sous le nom de coton
d'Omawaltée et d'Hingeughaut ; ces cotons qui ont pour
débouché Bombay, sans valoir les cotons d'Amérique, sont
les meilleurs que l'Inde fournisse ; on cultive aussi le coton
dans le Nizam et le Mysore. Toutes les côtes, au pied des
Ghats, et surtout les côtes de la présidence de Madras, don-
nent du sucre de canne et de palmier.
Le thé et le café sont deux produits renommés des Neil-
gherries, chaîne de collines située dans le Dekhan méridio-
nal. Le poivre, surtout le poivre noir et le poivre long, et
le gingembre poussent dans le sud, principalement sur la
côte de Malabar, ainsi que l'amome et le cardamome, cul-
tivés pour leurs graines aromatiques ; la muscade, le cassia,
sorte de laurier dont l'écorce donne la cannelle (celle de
Malabar est médiocrement aromatique) et généralement
les épices ; le cinchona dont l'écorce fournit le quinquina.
Ceylun produit une certaine quantité de cafe, de coton,
de sucre et de tabac et la cannelle la plus estimée ; elle pos-
sède un giand nombre de cocotiers, arbres qui poussent
dans toute l'Inde méridionale et qui, outre le fruit, donnent
par incision un suc qui est le vin de palmier ; distillé, ce
vin fournit une liqueur enivrante, l'arack.
Les Ghats occidentales ont des forêts qui donnent de
bons bois de construction, particulièrement le bois de teck,
très-recherché pour les carènes de navires, et des bois
odoriférants, le bois de santal, etc.
113. Les animaux. — L'Inde est au premier rang parmi
les contrées du monde, pour le nombre et la variété des es-
pèces animales, utiles et nuisibles : parmi ces dernières nous
ne citerons, qu'à cause de leurs fourrures, le tigre, le lion et
l'ours. Les ÉLÉPHANTS sont dans l'Inde au nombre des ani-
maux domestiques et servent de bêtes de somme. Les cha-
meaux et les dromadaires sont nombreux dans les régions
du nord-ouest, Guzerate, Malwa, Maltars, etc., où ils
vivent en grandes troupes à l'état sauvage. Le cheval est peu
utilisé et n'offre pas de variétés indigènes remarquables :
la plupart viennent d'Arabie ou de Tartarie. Les moutons
sont en grand nombre dans les pâturages du Dekhan et de
l'Himalaya et fournissent à l'industrie nationale et à l'ex-
portation une notable quantité de laine. Les boeufs sont
moins nombreux, n'étant pas destinés à la boucherie, en
vertu d'un préjugé religieux ; ils appartiennent en grande
partie à la race zebu ou des boeufs à bosse, race agile et uti-
lisée, surtout pour les transports. Le Guzerate et le Cutch
renferment beaucoup de chèvres sauvages ou domestiques ;
mais les plus estimées sont celles de la vallée de Cachemire,
dites aussi chèvres du Tibet et dont le précieux duvet sert à
fabriquer les châles (1).
Dans les montagnes de l'Himalaya et surtout dans l'As-
sam, on chasse le daim musqué qui possède une poche
contenant la liqueur connue sous le nom de musc. On y
trouve également le nilgau, belle antilope bleue aux pieds
blancs, et le mouton sauvage ou argali, souche probable
de toutes les races de moutons asiatiques, ayant, comme la
chèvre du Tibet, une laine fine et soyeuse, sous une autre
laine rude et grossière. Parmi les insectes utiles, les abeil-
(1) Ce duvet, qui se trouve caché sous les longs poils de l'animal et
que les Hindous appellent pascham,a des qualités différentes, suivant sa
couleur, blanche, brune ou noire ; il se vend à Cachemire jusqu'à,
20 fr. le kilogramme.
les, presque toutes sauvages, donnent un miel aromatique ;
on compte diverses espèces de vers à soie, dont les princi-
pales sont celles du mûrier et du ricin. Parmi les nombreux
oiseaux au plumage étincelant, nous ne citerons que le
paon, originaire de l'Inde. Les côtes sont très-poissonneuses;
elles produisent aussi l'huître perlière, surtout sur les côtes
occidentales de Ceylan et sur celle du Carnatic, les diffé-
rents coquillages dont on retire la nacre, enfin l'ambre gris.
114. La production minérale. — Sans être très-riche en
houille, l'Inde possède cette précieuse substance sur divers
points de son territoire, situés sur la longue ligne des ter-
rains de transition du revers septentrional du plateau du
Dekhan, de Calcutta jusqu'à Bombay, et elle l'exploite dans
deux provinces ; dans le Berar, le long de la Nerbuddah ;
dans le Bengale à Raniegunge (Ranicanj fields), où sont d'im-
portantes exploitations, qu'un chemin de fer relie à Calcutta ;
cette formation houillère se retrouve jusque dans l'Assam.
Le fer se trouve dans le Bundelkund, non loin de la ré-
gion du Berar qui donne la houille ; sur la côte de Mala-
bar, dans les Neilgherries ; sur la côte opposée, non loin de
Madras, à Arcot dont le minerai magnétique sert en An-
gleterre à fabriquer de très-bon acier ; dans le nord, on
l'exploite à Agra, dans le Nepaul, etc. Le cuivre vient prin-
cipalement des Ghats orientales, au nord-ouest de Madras
et près de la Kistnah, ainsi que du Bengale occidental ; le
plomb, de Kumaan ; l'or, des lavages de sables aurifères
dans le Pendjab, le Bengale, etc. ; l'argent de Golconde, etc.
Le diamant, dont la production n'a plus qu'une importance
médiocre dans l'Inde, vient des mines de Golconde, etc.
Diverses pierres précieuses, le rubis, le saphir, l'émeraude,
la topaze, le grenat, viennent de Ceylan, de la côte de Co-
romandel, du Bengale, etc.
Toutefois l'ensemble de ces richesses minérales ne donne
jusqu'ici qu'un revenu médiocre.
Le salpêtre, qui se forme naturellement en vastes efflo-
rescences, à la surface des plaines sablonneuses du Bengale,
de l'Oude et du Pendjab, est un objet d'exportation plus
important, ainsi que le borax qu'on tire de certains lacs si-
tués au pied de l'Himalaya. Le sel est produit, soit par les
mines de sel de Kalabagh et de Pind-Dadun-Khan, dans le
Pendjab, soit par les salines du delta du Gange et de la
côte de Coromandel.
115. La production manufacturière — L'industrie indi-
gène a été relativement très-florissante, surtout l'industrie
textile ; mais elle est en pleine décadence, depuis la con-
currence de l'industrie anglaise. Aussi l'activité indus-
trielle n'est-elle réellement prospère que dans les grands
centres, où sont établis des artisans européens. Comme
l'agriculture, l'industrie indigène n'emploie que des outils
grossiers et tout primitifs , et c'est à la patience et à la
dextérité de l'artisan que sont dues les oeuvres dignes de
remarque. Les fabrications les plus importantes sont les
tanneries et corroieries, les filatures de soie, la fabrication
des tissus, tissus communs de coton ou de jute, tissus fins
tels que la mousseline très-légère de Dacca et de Gwalior,
soieries unies, soieries façonnées de Cachemire, de Béna-
rès, de Surate, d'Hayderabad, tulle, foulards communs du
Bengale, etc. Viennent ensuite la fabrication des broderies
de tout genre, broderies de Madras, broderies de soie, d'ar-
gent et d'or fabriquées à Delhi et à Lucknow, riches bro-
carts, fabriqués principalement à Bénarès, Gwalior, Mour-
chedabad, Nngpore, Bombay ; la fabrication des tapis à
Mirzapore, Adony, etc. ; celle des CHARLES, renommés dans
toute l'Europe pour la richesse de leurs dessins et le moel-
leux de leur tissu, et faits avec le duvet des chèvres du
Cachemire et du petit Tibet, soit à Cachemire qui donne les
plus beaux produits (1), soit dans le Pendjab, à Amritsir,
à Loudianah, à Moultan, etc., où cette industrie s'est in-

(1) Un très-beau châle fait à Cachemire coûte sur place 2,500 francs,
à Amritsir 1,250 fr., prix auxquel il faut ajouter les droits imposés par le
gouvernement, qui sont de plus de 1,000 francs.(Rapport du Comité cen-
tral de Lahore à l'exposition de Londres en 1862.)
troduite il y a un demi-siècle, à la suite d'une famine qui
avait chassé les tisserands de la vallée de Cachemire.
Après les tissus, viennent l'orfèvrerie et la bijouterie en
filigrane et en cannetille, dont les dessins qui rappellent
ceux des châles ont, en général, quoiqu'un peu confus, une
grande originalité ; la céramique qui, à côté de beaucoup
d'objets communs sans vernis, donne des poteries d'une
forme élégante et pure et quelques belles poteries dorées
et argentées, comme celles de Mirzapore, Khotah, Patna
et leurs environs ; l'ébénisterie qui fabrique, dans les
articles de luxe, des coffrets de laque et d'ivoire, des
meubles en bois sculpté et fouillé avec un détail infini.
Malgré leurs procédés très-primitifs, les Hindous fabri-
quent un excellent acier, le « voutz », très-renommé
en Asie et dont ils font leur belles armes ; ils fabriquent
aussi divers alliages de métaux, le biddery, etc., avec
lesquels ils font certains ustensiles et des instruments de
musique.
116. Les villes importantes. — L'Inde compte environ
180 millions d'habitants ; or, comme la population est
groupée surtout dans la grande vallée du Gange, qui ren-
ferme à elle seule près de 70 millions d'habitants, il n'est
pas étonnant que, dans cette vallée (1) et sur les côtes, il
y ait un assez grand nombre de villes de plus de 100,000
âmes. Mais la plupart de ces villes, dont le chiffre de popu-
lation, imparfaitement connu, est d'ailleurs très-variable,
ne se composent guère, à part quelques beaux monu-
ments, que d'un amas confus de cabanes en bambou ou
en pisé, tantôt agglomérées le long de rues étroites et
infectes, tantôt s'espaçant sur une étendue immense,
au milieu des ruines et des tombeaux. Aussi sont-elles
(1) La vallée du Gange et le Pendjab ont une superficie et une popu-
lation à peu près égales à la superficie et à la population de la France,
de l'Allemagne et de l'Autriche réunies, mais la population de ces trois
États européens, beaucoup plus laborieuse, est plus exigeante sous le
rapport de l'alimentation et du bien-être général.
moins, à proprement parler, des villes, que de grands vil-
lages. La population de dix-sept d'entre elles paraît dé-
passer 100,000 habitants (Voir, pour quelques-unes d'entre elles,
les plans de la carte n° 13).
Fyzabad (100,000 hab.), sur la Gogra, dans le royaume
d'Oude, près des ruines de la ville d'Oude, qui n'est plus
qu'un lieu de pèlerinage.
Nagpore (110,000 hab.), capitale du Bérar et des pro-
vinces centrales.
Agra (123,000 hab.), capitale de l'empire Mogol au
XVIe siècle, possède plusieurs des plus beaux monuments
de l'Inde, le mausolée d'Akbar, le Tadje, monument élevé
à la mémoire d'une sultane, etc. Centre d'un grand marché
de coton, de filés, de peaux de chèvres et de moutons, elle
fait un commerce actif avec la Perse.
Ahmedabad (130,000 hab.), sur une petite rivière qui dé-
bouche au fond du golfe de Cambaye ; ville renommée par
ses poteries.
Baroda (140,000 hab.), ville commerçante au nord de la
fertile plaine de Surate, abondante en coton et en mûrier.
Joudpore (150,000 hab.), autre ville de commerce, à l'en-
trée du désert de Thurr.
Mourchedabad (150,000 hab.), ancienne capitale du Ben-
gale,sur la rive orientale de l'Hougly, tisse le coton et la soie.
Lahore (150,000 hab.), capitale du Pendjab, fabrique de
châles et de soieries.
Delhi (160,000 hab.), ancienne résidence des Grands-
Mogols, située sur le bord de la Djamna et célèbre par ses
belles ruines, possède encore de beaux édifices et fabrique
des cotonnades et de l'orfévrerie ; c'est la route de Cache-
mire et de Caboul,
Bénarès (186,000 liab.), la ville sainte du brahmanisme,
située sur le bord du Gange qui mesure à cet endroit deux
kilomètres de largeur, et dont la rive est bordée de gra-
dins destinés à faciliter aux Hindous leurs ablutions dans
le fleuve sacré (voir la fig. 63). Bénarès possède des temples
vénérés et de nombreux palais perdus au milieu de ruelles
tortueuses, où errent des taureaux et des boeufs lâchés en
l'honneur de la divinité. On y fabrique divers tissus, des
soieries, des broderies, des brocarts d'or ; et il s'y fait un
commerce important en denrées agricoles, en chevaux
venus de la Perse et en objets d'art.
Hayderabad (200,000 hab.), c'est-à-dire « la ville du
lion », ancienne capitale du Nizam, tisse le coton et tra-
vaillait jadis le diamant de Golconde.
Srinagar ou Cachemire (250,000 hab.), dans une haute
vallée de l'Himalaya, à 2,000 mètres d'altitude.
Patna (285,000 hab.), située sur le Gange, grande fa-
brique de tapis, de tissus de soie et de coton et grand mar-
ché de riz, d'opium, de coton, de salpêtre, etc.
LUCKNOW (300,000 hab.), capitale de l'ancien royaume
d'Oude, fabrique de cotonnades, de soieries, de papier et
d'armes.
MADRAS (427,000 hab.), chef-lieu de présidence, situé
sur la côte de Coromandel et bâti sur un sol sablonneux,
avec une simple rade sans abri. La ville forme deux parties
distinctes : la ville Blanche ou ville européenne, avec de
belles maisons et de larges rues ; et la ville Noire ou ville
asiatique, beaucoup plus vaste, mais ramassis de cabanes
grossières, avec quelques maisons de briques habitées par
les riches hindous.
BOMBAY (650.000 hab.), chef-lieu de présidence, est de-
venu, à cause de sa position en face de la mer Rouge, au
débouché de la péninsule vers les mers d'Europe, une des
plus importantes villes et le plus grand marché de l'Inde.
Bombay occupe l'extrémité méridionale d'une petite île,
reliée par une digue à l'île de Salsette, et formant avec
cette dernière le môle occidental d'une rade excellente
et très-vaste ; c'est pourquoi on lui avait donné le nom
de « bonne baie » qui lui est resté ; le port lui-même, qui
occupe une longueur d'environ 8 kilomètres sur la côte
sud-ouest de la grande rade, est sûr et commode. La
ville a de belles rues, bien aérées, de beaux bazars, une
industrie assez variée ; le quai offre le spectacle d'une
grande activité ; le chemin de fer traverse le sud de
l'île de Salsette et passe sur le continent, au moyen d'un
pont jeté sur le bras de mer. Les Européens ne forment
guère que la centième partie de la population, qui se compose
surtout d'hindous, de musulmans, de parsis ou sectateurs
de la religion de Zoroastre, lesquels en général sont mar-
chands ou artisans, et d'un très-petit nombre de boud-
dhistes et de juifs.
CALCUTTA (plus d'un million d'hab.), résidence du gouver-
neur général, chef-lieu de la présidence du Bengale et ca-
pitale de l'Inde anglaise, bâtie sur la rive gauche de l'Hou-
gly, le bras le plus occidental du delta de Gange. C'est une
belle ville, étalant le long du fleuve ses nombreux édi-
fices qui la font ressembler à un riche quartier de Londres
et qui l'ont fait surnommer la cité des palais, et cachant
plus loin les misérables huttes des Hindous et les ruelles
fangeuses, dont les immondices ne sont guère enlevées
que par les oiseaux de proie. Calcutta est défendue par le
fort William, le principal arsenal des Anglais ; et c'est
sous l'abri de ses canons que la ville s'est formée (1). La
marée se fait sentir jusqu'à Calcutta, où le fleuve a près
de 2 kilomètres de largeur en aval du fort Walliam et
environ 1 kilomètre en amont ; les bâtiments peuvent
arriver jusqu'au quai ; cependant les bâtiments de fort
tonnage ne complètent leur cargaison qu'à Diamond-Har-
bour (Voir le carton de la carte n° 14). De nombreuses industries
de luxe, exercées les unes par des Européens, les autres
par des Asiatiques, animent cette grande cité qui possède
en outre d'importants établissements scientifiques, le
collège de Fort-William et surtout la société Asiatique, pre-
mier corps savant de l'Asie.
(1) Avant l'occupation des Anglais, c'était une berge presque déserte,
désignée sous le nom d'escalier de la déesse Kali (Kali-ghât, d'où Cal-
cutta.)
Outre ces grandes villes, l'Inde en possède un très-
grand nombre dont la population dépasse 20,000 habitants ;
nous n'avons de renseignements à peu près précis que sur
un petit nombre d'entre elles, au nombre d'environ cin-
quante.
Dans le Bengale, Ducca (67,000 hab.), au nord-est de
Calcutta, ancienne capitale du Bengale, encore floris-
sante par l'industrie des mousselines ; Chandernagor (28,000
habitants), c'est-à-dire « ville de la Lune » sur l'Hougly, co-
lonie française ; Râdjamahal (30,000 hab.), sur la rive droite
du Gange ; Purinja (50,000 hab ) plus au nord, dans une
plaine qui n'est qu'un jardin continuel ; it/<mj/îù'(30,000ha-
bitants), sur le Gange, ville industrielle, dont les manufac-
tures d'armes lui ont mérité le nom de Birmingham de
l'Inde ; Gaja (40,000 hab.), au sud de Patna ; Katak (40,000 ha-
bitants), capitale de l'Orissa, sur le Manahady, au sud-ouest
de Calcutta ; Djaganatha ou Jaggernaut (29,000 hab.), plus
au sud, ville sainte des Hindous.
Dans le bassin supérieur du Gange, ou provinces du
Nord-Ouest : Mirzapore (79,000 hab ), au sud-ouest de
Bénarès, entrepôt de soie et de coton et fabrique de pote-
ries ; Allahabad (64,000 hab.), une des villessaintes de l'Inde,
place forte et arsenal considérable, au confluent du Gange
et de la Djamna, à la bifurcation du chemin de fer de Cal-
cutta sur Delhi et sur Bombay ; Kawnpore (59,000 hab.),
place très-forte sur le Gange ; Djansi (60,000 hab.), au sud-
ouest ; Gorackpore (45,000 hab.), au nord de Benarès ;
Mathura (49,000 hab), au nord-ouest d'Agra; Bareilly
(92 000 hab.), ville industrieuse dans le Rohilkund ; Schah-
djihaupoie (62,000 hab ) au sud-est de Bareilly.
Dans le Pendjab : Amritsir (90,000 hab.), la ville la plus
manufacturière de tout le bassin de l'Indus, au nord-est
de Lahore ; Moultan (80,000 hab.), sur le Trimab, reliée à
Lahore par un chemin de fer, ville ancienne avec une uni-
versité musulmane renommée et des fabriques de soieries
et de tapis ; Peschawer (53,000 hab.), au nord-ouest de La¬
hore, ancienne capitale afghane ; Kalabagh (20,000 hab.),
sur l'indus.
Dans le Sindh Hayderabad (24,000 hab.), sur l'Indus qui
cesse d'y être navigable, à cause de l'ensablement des em-
bouchures ; la navigation est remplacée par un chemin de
fer qui aboutit à Kurratchi (82,000 hab.), port sur l'océan
Indien.
Dans le Radjastan, le Malwa, etc., Adjmir (25,000 hab.),
au sud-ouest de Delhi, place très-forte et une des villes
saintes de l'Inde ; Bahawalpore (20,000 hab.), sur la rive
gauche du Sulledje ; Sarangpore (34,000 hab.) ; Gwalior
(50,000 hab.), capitale du Scindiah, avec une forteresse sur
un roc de 100 mètres de haut.
Dans le Cutsch et le Guzerate, Surate (95,000 hab.), bon
port sur le Tapty, à l'entrée du golfe de Cambaye, mais
qui a perdu de son importance depuis l'accroissement de
Bombay ; Cambaye (87,000 hab.), port au fond du golfe de
son nom ; Barutsh (20,000 hab.), sur la Nerbuddah ; Bhooj
(20,000 hab.), dans le Cutsch.
Dans le Dekhan central (provinces centrales, Nizam et
Mysore), Sagar (50,000 hab.), au nord de Nagpore ; Iskan-
derabad (34,000 hab.), près et au nord-est de Hayderabad ;
Aurengabad (60,000 hab.), ancienne capitale du Dekhan sous
Aurengzeb : au nord-ouest de cette ville est Ellora, fameuse
par ses temples, dont les ruines gigantesques ne sont com-
parables qu'à celles de l'Egypte ; Maysore (65,000 hab.), pre-
mière capitale d'un État célèbre qui eut ensuite pour capitale,
à l'époque de Hayder-Ali et de Tippoo-Sahib, Seringapatam,
située un peu au nord-est ; Bangalore (00,000 hab.), capitale,
actuelle de la présidence du Mysore, ville forte et indus-
trieuse, communique avec Madras par un chemin de fer.
Dans le Dekhan occidental (Concan, Malabar, etc.), Nâsika
(25,000 hab.), au nord-est de Bombay ; Punah (75,000 hab.),
au sud-est de Bombay, ancienne capitale de la confédéra-
tion des Mahrattes ; Pandkarpore (20,000 hab.), au sud-est de
Punah ; Tahtscheri (20,000 hab.) ; Cochin (20,000 hab.), im¬
portant à l'époque de la domination hollandaise ; Quilon
(20,000 hab.).
Dans le Dekhan oriental (Carnatic, Coromandel et
Circars), Trinawali (25,000 hab.) ; Tandjore (80,000 hab.)
et Tritschinapali (30,000 hab.) dans le delta du Kavery ; Ka-
rikal (52,000 hab.) et Pondichéry (63,000 hab.), possessions
françaises ; Kandjiwaram (20,000 hab.), au sud-ouest de Ma-
dras ; Arcot (52,000 hab.), également au sud-ouest, impor-
tant par ses forges ; Masulipatam (28,000 hab.), port sur le
golfe du Bengale, avec des fabriques de cotonnades et de
toiles peintes.
Dans l'île de Ceylan, Colombo (50,000 hab.), capitale ac-
tuelle de l'île ; Pantura (20,000 bab.), au sud de Colombo.
117. Les routes intérieures. — L'Inde, comme l'Asie occi-
dentale, a été longtemps dépourvue de routes ; les pluies
tropicales et les débordements des cours d'eau semblaient
interdire la construction de toute oeuvre durable en ce
genre. Mais il y avait des directions suivies par les caravanes.
Dans le Dekhan, ces routes de caravanes parlaient de cer-
tains grands marchés de l'intérieur, comme Seringapatam,
Hayderabad, Nugpore, Jubbulpore, pour aboutir aux côtes
ou à la vallée du Gange.
La vallée du Gange était elle-même et est encore la route
la plus fréquentée du commerce dans la péninsule, grâce
aux riches bazars de Dacca, Mourchedabad, Patna, Bénarès,
Allahabad, Agra et Delhi.
Plusieurs routes fréquentées par des caravanes de cha-
meaux réunissaient, à travers le désert, la vallée du Gange
au bassin de l'Indus, de Delhi à Lahore, et de Delhi ou Agra
à Moultan ou à Shikapore, ; d'autre part le Dekhan au bas-
sin de l'Indus, d'Ahmedhabad à Moultan, etc.
La vallée de l'Indus communiquait elle-même avec l'Asie
antérieure par la route de Lahore à Caboul, le long de la
rivière de Caboul, qui descend du noeud oriental de l'Hima-
laya ; par celle de Moultan à Kandahar, et par celle de
Shikapore à Gondova.
La vallée du Gange communique ou peut communiquer
avec le Tibet, par quelques cols élevés dans le Boutan et le
Sikkim, etc. ; avec la Chine, par l'Assam ; avec le Turkestan,
par la vallée de Cachemire et la passe du Karakoram.
Mais le commerce dans ces directions est nul ou du moins
très-faible aujourd'hui, les Chinois se montrant très-oppo-
sés à l'entrée des étrangers dans leurs provinces intérieures.
En général, du reste, la plupart des routes que nous
avons signalées sont très-médiocrement fréquentées au-
jourd'hui. Les Anglais ont commencé à construire quelques
routes macadamisées, de Calcutta à Bombay par Nagpore,
d'Agra à Bombay, de Bombay à Madras, de Madras à
Calcutta, etc. ; et, depuis la révolte des Cipayes (1857), ils
ont activement travaillé à établir un vaste réseau de chemins
de fer. Les principales lignes, exploitées sur une longueur
de 8,200 kilomètres, sont la ligne de Calcutta à Dacca ; la
grande ligne de Calcutta à Peschawer par Delhi, la vallée du
Gange et Lahore, qui traverse tout l'Ilindostan et le Pendjab,
avec embranchement sur les houillères de Raniegunge ;
la ligne d'Allahabad à Bombay, qui se trouve ainsi relié à la
vallée du Gange, ligne qui emprunte une partie de la vallée
de la Nerbudda et qui projette un embranchement sur Nag-
pore ; les lignes de Bombay à Ahmedabad et au delà, de
Bombay à Madras et de Madras à Baypore sur la côte de
Malabar, avec embranchement sur Negapatam, triple ligne
traversant le Dekhan ; d'Hayderabad à Kurratchi, etc. Ces
chemins dont plusieurs sont encore inachevés, mesureront
une longueur d'environ 10,000 kilomètres. Un vaste réseau
télégraphique de 22,000 kilomètres enveloppe l'Inde.
Les Anglais ont de plus réparé ou construit des canaux
destinés surtout à l'irrigation, mais propres néanmoins à
la navigation : le canal de la Djamna occidentale, le canal
de la Djamna orientale ; le grand canal du Gange, magni-
fique travail dont l'étendue, d'Hurdwar à Cawnpore, sera
de 1,440 kilomètres, et qui n'est pas encore achevé ; le
canal du Godavéry, etc.
La navigation est active et desservie par des bateaux à
vapeur sur le Gange, de Delhi à la mer ; sur l'Indus, elle
n'a lieu que de Moultan à Hayderabad à cause de l'ensable-
ment des embouchures.
118. Les ports de la côte occidentale. — Pour l'Inde,
comme pour l'Asie occidentale, le commerce important,
celui qui intéresse l'Europe, se fait par mer. La côte occi-
dentale compte un grand nombre de ports :
Kurratchi, situé au fond d'un havre commode, hors du
delta ensablé de l'Indus, comme Marseille est hors du delta
du Rhône et Alexandrie hors du delta du Nil, sert de dé-
bouché maritime au fleuve et se relie par un chemin de fer
à Hayderabad, grande ville à la tête du delta. Une foire an-
nuelle attire à Kurratchi des caravanes du Beloutchistan ;
et le commerce y charge pour l'exportation, des laines, des
graines oléagineuses, de l'indigo, du salpêtre, des céréa-
les, etc. ; mais jusqu'à présent, le commerce se fait beau-
coup plus avec Bombay qu'avec les ports d'Europe.
Diu et Damaun, deux petits ports appartenant au Portugal
et situés de chaque côté de l'entrée du golfe de Cambaye,
ne font, pour ainsi dire, aujourd'hui aucun commerce.
Dans le golfe même, on trouve Cambaye, port jadis floris-
sant, aujourd'hui ensablé ; et Surate qui, malgré son mau-
vais port et le voisinage de Bombay, est encore une grande
ville, plus manufacturière toutefois que commerçante.
BOMBAY, aujourd'hui une des plus grandes villes de l'Inde
et le port le plus riche de l'Asie (V. § 116), voit arriver, par les
trois chemins de l'Indus, du Gange et du Dekhan, les produits
de l'intérieur destinés à l'exportation par mer. Bombay est
le centre de tout le cabotage de la mer d'Oman, que les bâti-
ments anglais partagent avec les bâtiments hindous de la
presqu'île de Guzérate, du Koutch, etc. ; avec les bâtiments
arabes et les bâtiments portugais de Goa ou de Diu ; et ce
cabotage s'étend jusqu'au fond du golfe Persique. Bom-
bay est aussi le port principal du grand commerce avec
l'Europe par le cap de Bonne-Espérance ou par la mer
Rouge. L'Angleterre occupe le premier rang dans ce com-
merce et y figure pour quatre millions de tonneaux sur un
total de près de quatre millions et demi ; le reste appartient
aux États-Unis (150,000), à la France (50,000), aux Arabes,
aux Suédois, aux Danois, aux Allemands, etc. Bombay im-
porte 2 à 300 millions en MÉTAUX PRÉCIEUX, principalement
en argent ; près de 90 millions en cotons filés et tissus de coton
ou de soie ; environ 90 millions de coton en laine et de soie
grége que le cabotage y rassemble, en vue de l'exportation
en Europe ; 35 à 40 millions en métaux usuels ; 20 millions
de sucre raffiné ou candi, 15 millions de matériel de chemins
de fer ; les autres articles, spiritueux, grains, fruits, ma-
chines, café, houille, varient entre 10 et 15 millions. L'ex-
portation consiste surtout en COTON brut pour une valeur
d'environ 200 millions de francs (1 million à 1,200,000 bal-
les) ; en OPIUM pour 120 à 200 millions ; en métaux précieux,
pour une soixantaine de millions ; en cotons filés ou en tissus
de coton pour environ 35 millions ; en laine pour 15 à 20
millions ; en graines oléagineuses et café ; les autres articles,
châles, sel, métaux usuels, ivoire, thé, etc., ont chacun
une valeur inférieure à 10 millions. Le total de ce com-
merce, importations et exportations du cabotage et de la
navigation au long cours comprises, représente près d'un
milliard 300 millions de francs, somme un peu supérieure à
celle du mouvement commercial du Havre.
Les autres ports, autrefois importants, Goa, chef-lieu des
établissements portugais, Mangalore, Cananor, Mahé, co-
lonie française ; Calicut, où les Portugais de Vasco de Gama
abordèrent pour la première fois en 1498 ; Cochin, ancien
chef-lieu des établissementshollandais dans l'Inde ; Travan-
core sur la côte de Malabar, sont maintenant relégués à un
rang inférieur : on n'y fait guère que le cabotage dans les
mers de l'Inde; les épices et le bois de teck sont leurs prin-
cipaux objets d'échange.
Dans l'île de Ceylan sont les ports de Colombo et de Pointe
de Galle, station des paquebots anglais et français qui font
le service des mers d'Orient et qui s'y approvisionnent d'eau
et de charbon ; Pointe de Galle (fig. 64), de création récente,
tend à éclipser Colombo, qui exporte encore la majeure partie
des produits de l'île, café, huile de coco, coton, épices, etc.
119. Les ports du golfe de Bengale.—Sur la côte de Co-
romandel, Tuticorin dont la plage fournit les perles les plus
estimées de l'Orient, Negapatam, Karikal, possession fran-
çaise, Tranquebar, Pondichéry, chef-lieu des établissements

français de l'Inde, font un certain commerce en coton et


en café.
La place de beaucoup la plus importante de cette région
est MADRAS ; quoique bien inférieure à Calcutta et à Bom-
bay, elle fait cependant un commerce de 3 à 400 millions
dont plus de 200 pour l'exportation : coton, café, indigo,
riz, graines, poivre, huiles, sucre, etc. Madras, comme
toute la côte de Coromandel, est dépourvu de port ; et le
débarquement des marchandises, sur des radeaux dits « ca-
timarons », est très-périlleux par les gros temps. Près et au
sud de Madras, est la petite ville déchue de Méliapore ou
San-Thomé, une des plus anciennes de l'Inde, puisque
Ptolémée la cite, et jadis chef-lieu des établissements por-
tugais de la côte orientale.
Au nord, Masulipatam, Yanaon, possession française,
et Balassore ne font presque pas d'affaires.
Il faut arriver au Gange pour trouver un grand marché.
C'est celui de CALCUTTA situé à 160 kilomètres au-dessus de
l'embouchure de, l'Hougly (Voir le carton de la carte n° 14).
Calcutta est le débouché naturel de la grande vallée du
Gange. Cette ville fait un commerce total de 11 à 1,200 mil-
lions de francs ; et le mouvement de son port, entrée et
sortie réunies, est de 1 million 1/2 de tonnes. Calcutta im-
porte les COTONNADES et les fils de coton, les fers et machines,
la quincaillerie, la bière, le sel, qui lui viennent d'Angle-
terre ; les vins et eaux-de-vie, le papier, les soieries, les
rubans, l'huile et la parfumerie, qui viennent en partie de
France. On a déjà remarqué depuis longtemps que l'An-
gleterre, malgré l'élévation de ses salaires, était parvenue,
grâce à la supériorité de son industrie, à approvisionner
de cotonnades le marché d'où le calicot est originaire : les
relevés du commerce de la Grande-Bretagne accusent des
envois qui ne sont pas inférieurs en général à 450 millions
de mètres, valant environ 250 millions de francs ; et ces
envois peuvent s'accroître indéfiniment dans un pays où la
population pauvre n'est encore, en grande partie, couverte
que de misérables vêtements de jute. Si la population
hindoue demande des vêtements, la population européenne
et les riches marchands indigènes veulent les jouissances
du luxe : c'est ce qui crée aux produits de la France un dé-
bouché plus grand à Calcutta que sur aucun autre point de
l'Asie. L'Amérique vient au troisième rang : elle fournit
très-peu ; mais elle achète. L'exportation pour l'Europe ou
l'Amérique consiste en INDIGO, SOIES et SALPÊTRE. Ajoutons
à ces articles le jute, le riz, le sucre, l'huile de ricin, la gomme
laque, la corne de buffle, le cachou, le curcuma, les peaux,
les graines oléagineuses (lin, sésame, colza, pavot), le
safranum, nous aurons les principales marchandises qui
de l'Inde s'exportent pour Liverpool, Londres, New York,
Hambourg et le Havre. Le commerce de Calcutta d'ailleurs
ne se borne pas à ces relations lointaines. En Australie, il
expédie du riz, du sucre, du chanvre ; d'Arabie et du golfe
Persique, il lire le café, les perles et les dattes en échange
de l'indigo ; de la côte de Malabar, du bois de teck ; de la
côte de Coromandel, des coquillages ; de Singapore, il re-
çoit des épices, des drogues, de l'étain, du café et des ro-
tins provenant de l'archipel Indien, en échange du coton et
de l'opium destinés à la Chine.
120. Le résumé du commerce extérieur de l'Inde. — Le
COMMERCE EXTERIEUR de l'Inde par terre est à peu près nul,
surtout pour l'exportation. Par mer, il est au contraire
très-actif et s'élève, si l'on additionne le mouvement des
échanges de tous les ports, à ENVIRON 3 MILLIARDS DE FRANCS.
Mais le cabotage, c'est-à-dire les échanges d'un port de
l'Inde à un autre port de l'Inde, y figure pour une certaine
somme ; le commerce des mers d'Orient, c'est-à-dire avec
l'Indo-Chine orientale, la Chine, le Japon, les îles de la
Malaisie, l'Australie, et le commerce de l'océan Indien, c'est-
à-dire avec la Perse, l'Arabie, la côte d'Afrique, y repré-
sentent également une somme importante. L'OPIUM est le
principal article d'exportation pour la Chine. Le reste ap-
partient au commerce avec l'Amérique et l'Europe : plus
de 30 millions pour l'Amérique; près de 2 milliards pour
l'Europe, dont environ 1 milliard 1/2 pour l'Angleterre seule
et environ 120 millions pour la France. A l'exportation, le
COTON à lui seul représente environ 360 millions de francs,
à raison de 1,800,000 balles de 150 kilog., exportées sur
une production évaluée à 2,100,000 balles et estimées à
200 fr. la balle ; l'indigo, le riz, la graine de lin, le jute
entrent chacun pour une cinquantaine de millions ; la laine,
les cuirs, le salpêtre pour 15 à 25 millions chaque ; les
graines oléagineuses, le sucre, la soie, le café, et les pro-
duits manufacturés, tels que soieries et châles, ne viennent
qu'en troisième ligne. L'importation d'Europe dans l'Inde
consiste surtout en TISSUS DE COTON et filés de coton, pour
une valeur de 250 à 300 millions ; puis en matériel pour les
chemins de fer, en machines et en métaux ouvrés, quelque
peu en vins, etc. Quelque accroissement qu'ait pris la
consommation des produits européens dans les Indes,
l'Europe leur achète tous les ans plus de matières pre-
mières qu'elle ne leur vend de produits, et tous les ans elle
doit payer la différence en MÉTAUX PRÉCIEUX, principale-
ment en argent : cette importation est, en moyenne, de
près de 500 millions, dont une partie est ensuite réexportée
pour la Chine.
Le commerce maritime avec l'Europe se fait en partie
par le cap de Bonne-Espérance, en partie par le canal de
Suez. C'est par Suez, qu'ont lieu les communicationsrapides
et le service des paquebots des mers orientales, surtout des
paquebots français de la compagnie des Messageries natio-
nales et des paquebots anglais de la « pcninsular and oriental
steani navigation company ». Leurs grandes étapes sont
Aden ; de là Bombay, pour la compagnie anglaise seule-
ment, ou Pointe de Galle, pour les deux compagnies : de
là l'une et l'autre compagnie dirige ses navires, d'une
part sur Calcutta, avec escales sur la côte de Coromandel ;
d'autre part sur Singapore, pour gagner de là la mer de
Chine. De Marseille à Bombay par le cap de Bonne-Espé-
rance la distance est d'environ 23,200 kilomètres; par le canal
de Suez, de 9,500 kilomètres : la différence mesure l'avantage
qu'a la marine de la Méditerranée à prendre cette dernière
voie. De Marseille à Singapore, la distance par Suez est
d'environ 11,000 kilomètres, et le voyage est de 31 jours (1).
L'Inde est en communication avec l'Europe par un télé-
graphe électrique qui, de Constantinople, gagne, par la val-

(1) Une compagnie de paquebots anglais fait le même service par le


Cap et met de Liverpool à Singapore 57 jours, ou 23 à 24 jours de plus
que par Suez.
léc de l'Euphrate, le golfe Persique, Mascate, Kurratchi et,
de là, par terre, Bombay ou Calcutta.

INDO-CHINE.

121. Les productions agricoles. — L'Indo-Chine est,


comme l'indique son nom, une sorte de trait d'union entre
l'Inde et la Chine ; elle tient, en effet, de ces deux pays par
sa position, par ses races d'hommes et ses langues, par son
climat et ses produits. Elle forme aussi une transition avec
la Malaisie, par la longue et étroite presqu'île de Malacca,
qui la termine au sud et que l'isthme étroit de Kraw em-
pêche seul de faire une île, comme Sumatra et Java.
Aussi, bien que l'Indo-Chine se trouve, d'une façon plus
complète encore que l'Inde, dans la zone intertropicale,
et que, en conséquence, elle ne puisse présenter une grande
variété de régions naturelles, on peut la diviser en trois
parties :
1° La région de l'Indo-Chine occidentale, séparée de la
suivante par une des chaînes longitudinales issues du Laos,
se rattache plus spécialement à l'Inde. Sa côte, qui est la
partie la plus commerçante et la plus fertile, appartient à
l'Angleterre et comprend l'Arakan avec ses belles vallées,
le Pégou, terre d'alluvion, et le Ténasserim, bien arrosé,
mais peu peuplé : cette région produit beaucoup de RIZ et
plusieurs autres céréales, du coton de qualité médiocre,
du tabac, du sucre, de l'indigo, du sésame, du poivre, des
noix d'arec, du bois de teck, etc.. La partie intérieure, plus
montagneuse, est ce qui reste de l'ancien empire des
Birmans.
2° La région de l'Indo-Chine orientale, dont les eaux sont
tributaires de la mer de Chine, et qui comprend le royaume
de Siam, l'Annam (Tonkin et Cochinchine), et le Cambodge
peut se diviser elle-même en deux zones :
La plaine, plaine toute d'alluvion, a le climat et les pro¬
ductions des régions tropicales : le RIZ qui, dans les terrains
largement inondés par les « arroyos » (canaux) des fleuves et
fertilisés par leur limon, pousse presque sans labour, sou-
vent même sans aucun labour : on le recueille en décembre,
et aussi en juillet, sur les terrains qui permettent double
récolte ; la CANNE A SUCRE et palmier, d'où l'industrie des
le

habitants tire un peu de sucre blanc et beaucoup de sucre


gris ou rouge, sorte de cassonade recherchée par les Chi-
nois ; le coton, qu'on cultive d'une manière aussi simple que
le riz, et qu'on récolte en avril ; le tabac, un peu de café et
de sésame, le bétel dont le plus renommé est celui du Cam-
bodge, du poivre de très-bonne qualité, des bambous en
grande quantité, des mûriers nains qui fournissent une soie
médiocre, etc. Ce n'est guère que sur le bord des cours
d'eau, dans les parties inondées et fertilisées à l'époque des
crues, que l'on rencontre ces cultures, assez mal soignées,
du reste, par une population peu active e t très-peu civilisée.
Les montagnes de granit, de grès ou de marbre sont en
général stériles ; mais souvent leurs flancs et les collines
secondaires sont recouverts d'une terre argileuse très-
fertile. C'est là que sont les plus belles forêts.
Le Laos ou plateau est beaucoup plus étendu ; il est
aussi plus froid au moins en hiver que la plaine ; c'est une
région toute montagneuse, surtout dans la partie septen-
trionale, avec quelques étroites vallées et de rares plaines.
On y cultive cependant le riz, parce que quelques mois
d'une grande chaleur suffisent à cette céréale pour la
mûrir ; le mais y réussit également. Il produit diverses
gommes, le benjoin, la gomme gutte, la gomme laque ;
les collines et les montagnes argileuses sont couvertes de
forêts où l'on trouve le bois de teck, recherché pour les
constructions navales, le bois de sapan et divers bois de
teinture ; ces montagnes sont en général habitées par des
populations sauvages.
3° La région malaise, ou presqu'île de Malacca, bien que
située sur un des passages les plus fréquentés de l'univers
et flanquée de colonies européennes florissantes, est encore
très-imparfaitement connue : l'intérieur montueux et d'un
accès difficile est occupé par de vastes forêts, infestées de
reptiles venimeux, de bêtes féroces et d'habitants plus fé-
roces encore. Les côtes, seules parties connues, offrent le
luxe de la végétation tropicale. Elles produisent le poivre,
le gingembre, le bétel, diverses épices, entre autres le mus-
cadier et le cassia odorata, sorte de cannelle, et plusieurs
espèces de gommes, entre autres le sang-dragon ; des bois
précieux tels que les bois d'aigle, d'aloès, de sumac, de
santal, de teck, etc. ; mais l'état inculte du pays y rend les
végétaux usuels, ceux même de première nécessité, très-
rares et force à importer des vivres. En même temps il
fait naître des miasmes pestilentiels, funestes à l'Européen.
122. Les animaux. — Le règne animal est ici trop riche,
pour ainsi dire, puisqu'il se compose en effet, presque exclu-
sivement, d'animaux féroces et nuisibles: les tigres en parti-
culier y sont si nombreux et si hardis, qu'ils pénètrent
jusque dans l'intérieur des villes et traversent les bras de
mer pour attaquer les îles de Pinang et de Singapore. Les
forêts abritent en outre une innombrable quantité de singes,
le bubale, le cerf, plusieurs espèces d'antilopes. Les élé-
phants sont d'une race magnifique, surtout les éléphants
blancs de Siam ; mais ils sont peu nombreux. On élève
dans l'Indo-Chine beaucoup de porcs, de chèvres et de
volailles ; le labour des rizières se fait avec des buffles.
La PÊCHE a une grande importance dans cette contrée :
on la pratique surtout dans la région orientale, dans les
lacs et les « arroyos », où, à l'époque des basses eaux, on n'a
guère la peine que de disputer le poisson aux reptiles et aux
oiseaux et de l'entasser dans des bateaux : on le vend salé,
séché ou fumé. La mer fournit aussi une grande quantité
de mollusques, surtout des holothuries, dont les indigènes
sont très-friands. Nulle part l'hirondelle salangane ne
construit autant de nids que dans les ilols et sur les rochers
de la côte cochinchinoise.
123. Les minéraux.— C'est dans une des régions de
l'Indo-Chine, probablement dans l'Arakan et le Pégou,
qu'il faut chercher la Chersonèse d'or des anciens. Du reste
toute l'Indo-Chine est riche en métaux précieux, peu ou
mal exploités. L'or s'y trouve sous forme de paillettes dans
le Pégou, sous forme de pépites dans l'Annam. Il y a aussi
des mines de fer, de plomb, de zinc, d'antimoine et surtout
des mines d'ÉTAIN, exploitées grossièrement par des Chinois
dans la presqu'île de Malacca (province de Wellesley), dans
le Tenasserim et la Birmanie et qui paraissent aussi riches
que celles des îles de la Sonde. On y trouve également des
rubis, des saphirs et autres pierres précieuses, surtout en
Birmanie ; ce dernier pays renferme du pétrole. Les côtes
d'Arakan possèdent des salines.
124. Les villes principales. — L'Indo-Chine, étant médio-
crement peuplée, ne possède que deux ou trois villes qui
aient plus de 100, 000 habitants (Voir les cartons de la carte n° 12).
Hué, capitale de l'Annam, et chef-lieu de l'Annam
méridional ou Cochinchine, ville fortifiée par des in-
génieurs français et bâtie à 25 kilom. de la mer, paraît
être peuplée de plus de 100,000 hab. On en attribue autant
à Ké-cho ou Ha-noi, ancienne capitale, et chef-lieu de
l'Annam septentrional ou Tonkin, grande ville située sur
le Sang-hoï (Voir § 75).
Bang-kok (3 à 400,000 hab.), capitale du royaume de
Siam depuis la fin du dix-huitième siècle, est bâtie sur les
deux rives du Mé-nam qui, devant la ville, a plus d'un
kilomètre de largeur, et qui forme dans le pays un grand
nombre de canaux naturels, seul genre de routes usité
dans le pays. Bang-kok présente une réunion confuse, mais
pittoresque, de palais et de pagodes enfermés dans ses
murailles, à côté de misérables huttes en bambou et en
feuilles de palmier, demeure ordinaire des indigènes, et
de radeaux flottants qui servent de boutiques et autour
desquels circulent les jonques. Au nord de Bang-kok, dans
une île du Mé-nam se trouve Siam, ancienne capitale du
royaume et qui, au XVIIe siècle, passait pour une des plus
belles villes de l'Asie, peuplée de 5 à 600,000 habitants.
Au sud-est de Bang-kok est Chantabong, sur le fleuve et dans
la plaine de son nom, port et arsenal maritime du royaume.
Mandaté, capitale de l'empire Birman, ne compte que
90,000 habitants ; mais, avec Amarapoura et Ava, deux
anciennes capitales, situées un peu au sud et dont la se-
conde est composée presque entièrement de temples, et
avec Tsagain, ville voisine, elle présente sur l'Iraouaddy
une agglomération de plus de 400,000 habitants.
Pnom-penh, sur le Mé-kong, capitale du royaume de
Cambodge, n'est qu'une ville de 15,000 habitants, qui a
succédé dans ce titre à Oudong, située un peu au nord,
sur le canal qui sert de déversoir au grand lac Touli-sap,
régulateur du Mé-kong. Près de ce lac s'étendent sur un
espace de 40 kil. de circuit, les ruines d'Angkor, ancienne
capitale et ville sainte, ruines qui, pour l'étendue et la
magnificence, sont comparables à celles de l'Egypte.
123. L'industrie et le commerce. — L'industrie de
l'Indo-Chine peut être considérée comme nulle, surtout au
point de vue des relations extérieures.
Le commerce qui n'a pour objet que les produits natu-
rels est lui-même très-restreint. Il est presque nul sur les
frontières de terre, dépourvues de grandes routes, et mal
desservies par les voies fluviales qui, destinées peut-être à un
grand avenir, sont aujourd'hui peu praticables à cause des
irrégularités de leur cours et de la barbarie des peuplades
riveraines. Plus actif sur les côtes, il n'occupe cependant
qu'un petit nombre de ports, bien que le rivage soit beau-
coup plus accidenté et d'un accès plus facile que celui de
l'Hindostan ; et, à part Bang-kok, ces ports appartiennent
aux puissances européennes. Ce sont :
1° Sur la côte occidentale :
Akyab, à l'embouchure de la rivière d'Arakan, dans une
province très-fertile en riz, exporte en grande quantité
cette céréale jusqu'en Chine et en Australie.
Bassein et Rangoun, situés à 40 kilomètres de la mer dans
le delta de l'Iraonaddy, exportent une grande quantité de
riz du Pégou et de la Birmanie, ainsi que du bois de teck et
un peu de colon ; il en est de même de Moulmein, bâti à
l'embouchure du Salouen.
Dans le détroit de Malacca, les Anglais possèdent les trois
seuls points de relâche que les navires rencontrent dans ce
défilé de la route maritime de l'extrême Orient :

Pinang, excellent port de relâche, situé dans une île ven-


due à la fin du dix-huitième siècle par un Anglais, lequel
l'avait reçue comme dot de sa femme, fille d'un roi du pays,
est un entrepôt assez important d'étain, de sagou, de rotins,
de poivre, etc.
Malacca, à 700 kilomètres environ de Pinang, ville antre-
fois prospère, bien déchue depuis que les Anglais l'ont
achetée aux Hollandais en 1825, est le second port de re-
lâche ordinaire.
Le troisième est SINGAPORE (Voir la fig. 65 et le carton de la
carte n° 12), situé au débouché du détroit, à l'entrée des mers
de l'extrême Orient. Il y a cinquante ans, la ville n'existait
pas. Quand les Anglais qui, durant les guerres de l'Empire,
avaient occupé les colonies hollandaises de l'Océanie,
durent les rendre, lors des traités de 1814, l'Anglais qui avait
gouverné Batavia désigna l'île de Singapore, île à peu près
grande comme celle de Wight, mais alors couverte de jon-
gles et peuplée de tigres, comme pouvant avantageusement
servir à l'établissement d'un comptoir qui deviendrait le
rival de Batavia. Une ville fut bâtie sur la côte méridionale
de l'île et fut déclarée port franc ; c'est aujourd'hui une
ville de 80,000 habitants, la plupart chinois ; c'est aussi le
grand rendez-vous de la navigation et du commerce dans
le sud-est des mers orientales ; on estime à 600 millions le
mouvement des marchandises à l'entrée et à la sortie de
son port et à 1,350,000 tonnes le mouvement, entrées et
sorties réunies, des bâtiments : ces bâtiments appartien-
nent à l'Angleterre et à ses colonies (675,000 tonneaux) ; à
la Hollande (220,000), qui doit ce rang à ses colonies de la
Malaisie ; à l'Allemagne (170,000), qui doit ce rang princi-
palement aux services maritimes de Hambourg et de Brê-
me ; à la France (100,000), qui doit principalement ce rang
à la compagnie des Messageries nationales ; aux États-Unis,
au Danemark, au royaume de Siam, à l'Autriche, à la Suède
et à la Norvège, à la Russie, à l'Espagne, au Portugal, au
Chili, au Pérou, à la Belgique, à l'Arabie. Une petite partie
seulement des bâtiments vient en ligne directe de la mé-
tropole ; la plupart font le trafic entre l'Inde, la Chine et
la Malaisie, régions au carrefour maritime desquelles Sin-
gapore a été bâti.
2° Sur la côte orientale :
Bang-kok, par où se font les échanges du royaume de
Siam, est situé à 32 kil. de l'embouchure du Mé-nam ; son
commerce estimé à une soixantaine de millions a lieu avec
la Chine, à laquelle le royaume de Siam vend du riz pour
20 millions, des poissons salés, du sucre, des bois de sapan
et de teck ; avec Singapore et Batavia, qu'il contribue à
approvisionner ; les pavillons siamois, anglais et allemand
figurent au premier rang dans ce port.
Saigon (80,000 hab.), chef-lieu de la Cochinckine fran-
çaise et escale des paquebots de la compagnie des Messa-
geries nationales, est à 36 jours de navigation de Marseille
Voir la France et ses colonies).

RÉSUMÉ DES FORCES PRODUCTIVES DE L'ASIE.

126. Les produits. — L'Asie est la plus grande, la pluspeuplée


et la plus anciennement civilisée des cinq parties du monde :
elle doit donc avoir une grande importance au point de vue
économique. Mais sa vaste étendue fait que le sol, le cli-
mat, les productions, la densité et l'activité laborieuse des
habitants y varient beaucoup d'un lieu à un autre.
Sur les cinq grandes régions qu'elle comprend, deux
n'ont pour ainsi dire aucune importance, bien que formant
plus de la moitié de la superficie de l'Asie (22 millions de
kilomètres carrés sur 42) :
1° La SIBÉRIE où la rigueur extrême du climat empêche
presque toute culture et toute civilisation. Les forces pro-
pices de la nature faisant défaut, l'homme fait défaut aussi ;
on y compte à peine 1 habitant pour 3 kilomètres carrés.
Ses habitants, à l'exception des colons venus de Russie,
vivent dans l'état sauvage le plus grossier, et le pays n'a
pour richesse à offrir au commerce européen que ses four-
rures, le produit de ses MINES et le transit fort médiocre de
la Chine.
2° Le PLATEAU CENTRAL et le Turkestan sont beaucoup
plus éloignés du pôle ; mais, à cause de leur altitude, de
leur situation toute continentale et de leur constitution géo-
logique, ils ont un climat excessif et très-froid en hiver, avec
très-peu de pluie ; et par suite ils ne présentent, excepté dans
quelques vallées, que des déserts et des steppes. Comme con-
séquence, ils ne sont et ne peuvent être habités que par des
tribus nomades, très-clair-semées sur un sol ingrat : condi-
tions peu favorables au développement d'une civilisation
avancée. Toute la richesse de ces nomades consiste dans
les troupeaux, et leur principal commerce dans le trans-
port par caravanes, transport long et côuteux à travers le
plateau, des produits qu'échangent l'Orient et l'Occident.
Une des cinq grandes régions est très-inégalement par-
tagée, et participe du caractère des régions les plus favo-
risées et des régions les plus déshéritées :
3° C'est l'ASIE OCCIDENTALE, qui présente en général des
déserts sur ses plateaux, tandis que ses vallées possèdent
des terres très-fertiles qui ont servi de berceau à la civili-
sation naissante, tout au moins à la civilisation de l'ouest
du plateau central. Les habitants y sont nomades et pasteurs
dans les steppes, sédentaires et cultivateurs sur les terres
fertiles ; la plupart sont mahométans et ne déploient, dans
la lutte continuelle de l'homme, pour plier à son usage
les forces de la nature et pour créer la richesse, qu'une
activité médiocre. Les produits, variés comme le climat,
sont surtout ceux des contrées chaudes de la zone tempé-
rée, maïs, tabac, coton, graines oléagineuses, soie, fruits, sur-
tout olives, indigo, safran, opium, rhubarbe, dans l'Iran,
café et dalles, dans l'Arabie ; les steppes et les pâturages des
montagnes nourrissent du bétail en assez grande quan-
tité. L'Asie occidentale est la patrie du CHAMEAU proprement
dit. Comme dans toutes les régions où il y a de vastes dé-
serts, c'est par des CARAVANES que se fait le commerce entre
les centres de population ; et ce commerce, qui a peu varié
depuis les temps les plus reculés de l'histoire, a donné
naissance à de grandes villes dont les principales sont : Tau-
ris, Alep, DAMAS dans l'intérieur des terres, Trébizonde,
SMYRNE, Beyrouth sur la côte.
Les deux dernières régions de l'Asie, celle du sud et
celle de l'est, sont au nombre des contrées les plus peu-
plées et les plus cultivées de la terre.
4° L'INDE a le climat des tropiques et une terre fertile,
partout où l'eau peut arroser les cultures. Sa population
partout sédentaire, aussi dense dans les meilleures parties
de la vallée du Gange, que les populations denses de l'Eu-
rope, très-anciennement civilisée et obéissant en majo-
rité à la religion brahmanique, est organisée en castes, assez
molle au travail et ignorante de la plupart des arts méca-
niques, par lesquels l'homme rend le travail de ses mains
plus facile ou plus productif. Les Anglais, maîtres de cette
contrée à laquelle ils n'ont longtemps fait sentir que le
poids de leur puissance et de leur fiscalité, y apportent au-
jourd'hui leurs capitaux et le génie de la civilisation euro-
péenne : l'Inde est la seule partie de l'Asie qui possède de
longues lignes de chemins de fer ; ses procédés de culture
tendent à s'améliorer : le RIZ est la principale substance ali-
mentaire ; l'OPIUM, l'INDIGO, le COTON, sont les cultures in-
dustrielles de premier ordre, derrière lesquelles viennent les
graines oléagineuses, le chanvre, le sucre, le mûrier qui nour-
rit le ver à soie ; dans les forêts, le bois de teck ; dans le
sud, les épices et le café. Les perles de Ceylan et le salpêtre
du Bengale sont les principales richesses de la pêche et
du règne inorganique. L'Hindou, avec ses tissus, mousse-
lines, châles, etc. et son orfèvrerie, est plus manufacturier
que l'homme des régions précédemment citées.
5° La CHINE et le JAPON constituent la région du globe la
plus peuplée. L'Indo-Chine orientale, qui est toute dans la
région tropicale et dont la richesse consiste surtout en RIZ,
en sucre, et en POISSONS, n'est qu'une annexe médiocrement
importante de cette région ; et la population clair-semée qui
l'habite peut à peine être rangée au nombre des civilisées.
La Chine a une terre fertile, admirablement arrosée
par de nombreux cours d'eau. Elle a surtout, excepté dans
les montagnes du sud et dans quelques parties de la
région du nord, une population très-dense et laborieuse qui,
depuis des milliers d'années, honore et pratique le labou-
rage et qui n'a laissé, pour ainsi dire, aucune parcelle du
sol cultivable, sans en tirer des récoltes. Aussi la terre y
nourrit-elle plus d'hommes que n'en nourrit aucune autre terre
du globe ; et même la population y est tellement pressée,
que les Chinois sont encore obligés d'acheter des subsis-
tances au Japon et à l'Indo-Chine. La Chine a en général
un climat excessif, comme toutes les côtes orientales des
grands continents dans l'hémisphère boréal ; et la chaleur
de ses étés, jointe à l'abondance de ses eaux, permet, sur la
plus grande partie de son territoire, la culture du RIZ,
nourriture principale de ses habitants. Les autres cultures
importantes sont le THÉ, le COTON, le mûrier qui nourrit le
ver à SOIE et qui en Chine, où l'on ménage le terrain, n'est
qu'une plante annuelle ne dépassant pas la hauteur d'un
arbrisseau ; la canne à sucre, le bambou, certains arbres,
comme le mûrier à papier, le vernis, l'arbre à suif viennent
au second rang ; dans le nord, le sorgho, les pois et les fèves.
Les Chinois utilisent trop les moindres espaces de terre
végétale, pour avoir des forêts : ils ont peu de bestiaux, mais
beaucoup de PORCS et de volaille, surtout des canards ; ce
qui constitue, avec le POISSON très-abondant, leur nourriture
animale. Les Chinois ont une industrie variée : ils excellent
dans la fabrication de certains tissus, cotonnades et soieries,
de la porcelaine, etc. ; mais ils n'ont en général que des ins-
truments de travail primitifs, et paraissent jusqu'ici peu
doués du génie de la mécanique.
Le Japon, surtout dans la partie méridionale, a beaucoup
de rapport avec la Chine par ses produits, RIZ, THÉ et SOIE ;
mais les habitants paraissent plus énergiques, plus indus-
trieux et marchent résolûment au-devant de la civilisation
européenne.
Cette région, à cause de sa nombreuse population, est
toute semée de villes ayant plus de 100,000 habitants ; huit
d'entre elles, situées toutes en Chine, COMPTENT UN MILLION
D'HABITANTS ET PLUS : le groupe d'Han-keou, Nankin, King-
té-tchin, Hang-tcheou-ou, Canton, Yang-tcheou-fou, Pé-king
et Sou-tcheou-fou.
127. Les échanges. — On ne saurait appiécier, même
d'une manière vague, la valeur du commerce intérieur de l'A-
sie. Le plus connu est celui qui se fait par caravanes ; mais
c'est assurément le moins important, parce que la difficulté
des transports le limite. Le plus considérable est celui qui
se fait, en quelque sorte, de voisin à voisin, sur les marchés
des contrées les plus peuplées, telles que l'Inde et la Chine.
La Chine particulièrement a d'innombrables marchés, qui
se tiennent soit dans les villes, soit en plein air, dans
certains lieux déterminés et à jour fixe.
Le COMMERCE EXTÉRIEUR DE L'ASIE se fait par mer sur les
frontières orientale et méridionale, par mer et par terre
sur la frontière occidentale : il n'existe pas sur la frontière
septentrionale. Par terre, il n'a guère lieu que sur trois
points, Ekaterinenbourg, Orenbourg et le Caucase ; et il ne
paraît pas dépasser 10 à 15 millions de francs (importation
et exportation comprises). Le commerce de la mer Cas-
pienne, enclavé entre des routes de terre, est d'environ
2 millions. Celui de la Méditerranée est d'environ 500 millions.
Celui de l'océan Indien, d'environ 50 millions pour l'Ara-
bie et la Perse occidentale ; de 3 milliards pour l'Inde et
l'Indo-Chine, cabotage compris. Celui de l'océan Pacifique,
de 100 millions environ pour l'Indo-Chine orientale ; de
2 milliards et demi pour la Chine ; et de 450 millions pour le
Japon. Le total est donc d'environ 6 MILLIARDS ET DEMI DE
FRANCS (6,000 millions), chiffre probablement inférieur au
mouvement total du commerce qui se fait sur les frontières de
l'Asie, parce qu'il y a beaucoup de ports fréquentés seule-
ment par les Asiatiques, sur lesquels la statistique n'a au-
cune donnée. Relativement à une population de 815 millions
d'individus, ce chiffre est très-médiocre (1), et le commerce

(1) L'Europe a un commerce extérieur de plus de 41 milliards pour


300 millions d'habitants.
par terre entre les États paraît être aussi relativement très-
faible ; les groupes, d'ailleurs très-considérables du sud et
de l'est, vivent assez isolés les uns des autres.
Dans chacune des trois régions de l'ouest, du sud et de
l'est, il y a un peuple indigène qui, malgré la présence
des Européens, a conservé une certaine importance dans le
cabotage : les Arabes, pour les relations avec l'Afrique, l'A-
rabie et le golfe Persique, les Parsis de l'Inde pour les mê-
mes contrées et pour l'Inde ; les Chinois pour l'Indo-Chine,
la Chine et l'archipel Indien. Ces derniers, qui sont négo-
ciants habiles, disputent très-énergiquement le commerce
aux Européens et aux Américains : ils ont des marchands
dans toutes les grandes villes de la côte orientale ; et comme
leur pays qui consomme beaucoup de produits étrangers,
surtout de denrées alimentaires, est un grand centre d'im-
portation, ils font eux-mêmes la plupart des achats dans les
pays voisins.
Mais le grand commerce avec les autres parties du monde,
la côte orientale d'Afrique exceptée, est exclusivement aux
mains des Européens et des Américains : les Européens dans
la Méditerranée, l'océan Indien et le Pacifique ; les Améri-
cains, surtout dans le Pacifique. Ce grand commerce con-
siste en une IMPORTATION de plus de 1 MILLIARD DE COTONNA-
DES, de LAINAGES, de SOIEHIES, de VÊTEMENTS, de métaux
usuels, de machines, et aussi de MÉTAUX PRÉCIEUX des-
tinés à fournir le solde du compte d'achat ; en une EXPOR-
TATION d'environ 1 MILLIARD ET DEMI DE THÉ, de SOIE, de
DROGUES TINCTORIALES, de GRAINES OLÉAGINEUSES, d'huile, de
café, d'épices, de riz, de laine, de jute, de bois, etc. ; et en
un transport, d'une contrée d'Asie à une autre contrée d'Asie,
d'OPIUM, de RIZ, de coton, de sucre, de poissons salés, etc. Les
Anglais tiennent sur toutes les mers le premier rang, et font à
eux seuls plus des trois quarts des affaires que l'Europe et l'A-
mérique traitent en Asie. Viennent au second rang : la France,
qui est aussi sur toutes les mers, mais bien loin derrière
l'Angleterre, et dont le principal commerce direct est ce¬
lui des échelles du Levant ; les États-Unis, dont la marine
se rencontre surtout dans les mers orientales, les plus voisi-
nes de leur continent ; l'Allemagne, dont le commerce prin-
cipal est dans les mers orientales et qui doit presque uni-
quement à Hambourg cette situation. Au troisième rang
sont l'Autriche, qui n'a de rôle que sur la Méditerranée ; la
Russie, qui, indépendamment des routes de terre, fait un
certain commerce par la Caspienne, la mer Noire et l'em-
bouchure de l'Amour.
Des services réguliers de bateaux à vapeurs sont orga-
nisés sur toutes les côtes, moins celles du nord et du nord-
est : ils s'étendent sur la Méditerranée de Trébizonde à
Port-Saïd ; sur l'océan Indien de Suez à Singapore ; et sur
le Pacifique de Singapore à Yokohama. Les grandes étapes
de la Méditerranée sont : Trébizonde, SMYRNE et Beyrouth ;
celles de l'océan Indien sont : Suez, Aden., BOMBAY, Pointe-
de-Gulle, Madras, CALCUTTA, Pinang ; celles du Pacifique,
SINGAPORE, HONG-KONG, FOU TCHEOU, SUANG-HAI, Yokohama.
Le voyage de Suez à Aden est de 6 jours, d'Aden à Pointe-
de-Galle de 10 jours, de Pointe-de-Galle à Singapore de 7
jours, de Singapore à Saigon de 7 jours, de Saïgon à Hong-
kong de 6 jours, de Hong-kong à Shang-haï de 5 jours, de
Shang-haï à Yokohama de 4 jours ; en tout, de Suez à Yo-
kohama, un voyage de 108 degrés de longitude, accompli
en 45 jours.
SIXIEME PARTIE

L'OCÉANIE

1re section.

LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE
(Voir la carte n° 16.)

128. La situation et les dimensions. — L'OCÉANIE est,


comme son nom l'indique, une partie du monde tout océa-
nique. Elle comprend un continent,l'AUSTRALIE, et une
multitude d'îles dispersées dans l'océan Pacifique, du 93e
degré de longitude orientale au 108e degré de longitude
occidentale sur une étendue de 17,500 kilomètres de l'ouest à
l'est, entre l'océan Indien, l'Asie et l'Amérique, et du 30e
degré de latitude boréale au 55e degré de latitude australe,
sur une étendue, du nord au sud, d'environ 12 à 13,000
kilomètres.
L'AUSTRALIE mesure plus de 7 millions et demi de kilo-
mètres carrés. Au sud-est et surtout au nord-ouest de ce
continent, sont de grandes îles entourées de beaucoup de
petites et qui appartiennent physiquement, géologique-
ment et même ethnographiquement à deux formations
distinctes. Une faille énorme de 50 brasses au moins de pro-
fondeur, passant par les détroits de Lombok et de Macas-
sar, constitue la séparation. A l'ouest de cette faille, Bali,
Bornéo, les autres îles de la Sonde et les Philippines sem¬
blent se rattacher par des bas-fonds, par la faune et la
flore au continent asiatique ; à l'est, Lombok, Célèbes, etc.,
à la formation australienne, qui date de l'époque tertiaire.
Au nord et à l'est de l'Australie, des chapelets de petites
îles, comprises presque toutes entre les deux tropiques, s'al-
longent dans la direction de l'Amérique. On estime à 11
MILLIONS DE KILOMÈTRES CARRÉS la SUPERFICIE totale de
l'Océanie ; et on peut la diviser en trois grands groupes :
1° la MALAISIE au nord-ouest; 2° l'AUSTRALASIE au sud-
ouest ; 3° la POLYNÉSIE au nord et à l'est.
129. La Malaisie. — La MALAISIE, qui doit son nom à sa
population malaise, affecte à peu près la forme d'un sec-
teur de cercle, dont l'are est borné par l'OCÉAN INDIEN, le
rayon occidental par la MER DE CHINE, et le rayon oriental
par le PACIFIQUE. C'est une région volcanique, comme les
îles de l'Asie qui l'avoisinent : dans ces parages on compte
en effet plus de volcans en activité qu'en aucun autre lieu du
globe. Elle renferme plusieurs mers secondaires dépendant
du Pacifique : la mer de la Sonde, la mer de Banda, la mer
des Moluques, la mer de Soulou, et un nombre très-considé-
rable de détroits : le plus grand est le détroit de Macassar
entre Bornéo et Celèbes ; les plus importants sont les dé-
troits de Malacca entre l'Asie et Sumatra, et les détroits de
Bali, de Sapi, de Lombok, etc., entre les îles de la Sonde.
La Malaisie comprend quatre groupes d'îles.
1° Le groupe des ÎLES DE LA SONDE s'allonge dans la direc-

tion du sud-est et de l'est, comme un prolongement des


chaînes de l'Indo-Chine. Cette région est toute volcanique,
montagneuse, hérissée de sommets dont plusieurs lancent
encore des laves, des vapeurs, de l'eau bouillante, surtout de
la boue, et qui ont plus d'une fois, dans les temps modernes,
bouleversé leurs îles (éruption du Timboro dans Sumbawa
en 1814, etc.). Elle est coupée en pentes rapides sur le ver-
sant méridional, celui de l'océan Indien ; elle s'étend, à
l'ouest et au nord, en plateaux couverts de steppes her-
beuses et de forêts dans Sumatra : splendides forêts tropi¬
cales dont la végétation est si touffue que les rayons du
soleil y pénètrent à peine, et qui sont toutes peuplées de
singes, de perroquets et de tigres. Dans Java, Sumbawa et
Timor, les côtes septentrionales sont basses et généralement
fertiles, mais chaudes et malsaines.
Les principales îles ont la forme d'un ovale très-allongé :
SUMATRA, la plus grande des îles de la Sonde (440 000
k. c. ?), renferme, avec Java, les plus hautes montagnes de
la Malaisie, l'Indrapoura (3,800 mètres), le Dempo (3,700
mètres) : sa côte orientale, presque déserte et couverte de
fôrets impénétrables et de marécages, est surnommée « la
côte de la peste ». Près de la côte orientale sont les îles de
Bintang, de Banca, de Billiton, etc. ; sur la côte sud-ouest
l'Ile Nias et les îles Mantawi.
JAVA (130,000 k. c., en y rattachant l'île de Madoura sur
la côte nord est) présente dans sa partie centrale une suc-
cession de plateaux accidentés, coupés par de petites chaînes
parallèles, allant du nord au sud et surmontés de pics basal-
tiques. Aucune autre contrée du globe ne présente autant
de volcans, dont 28 en activité, le Semerou, le SlamaL
(4,300 mètres), etc. ; sur la côte méridionale, de hautes
falaises descendent à pic dans la mer ; sur la côte septen-
liionale, sont des plages sablonneuses, des marécages,
surtout dans la province de Bantam, et de belles plaines
d'alluvion, d'une admirable fertilité, arrosées par les nom-
breux cours d'eaux qui descendent des plateaux.
Des îles plus petites : Bali, Lombok, Sumbawa, Florès,
Tjindana, Ombai, TIMOR, Timorlaut, etc., sont séparées par
les détroits des îles de la Sonde que fréquentent les marins
allant par le Cap en Chine ou au Japon, DÉTROIT DE LA
SONDE (d'avril à octobre), détroits de Bali, de Lombok,
d'Allas, de Sapi, etc. (d'octobre à avril).
2° Le groupe du centre est formé de deux grandes îles :
BORNÉO, la plus grande île du monde (748,000 kil. carrés),
présente à peu près la forme d'un triangle allongé avec la
pointe au nord. Basse, malsaine et marécageuse en général
sur les côtes et dans les plaines orientales, elle parait élevée
et boisée dans la partie centrale, et parcourue par des cours
d'eau que d'assez forts bâtiments pourraient remonter jus-
qu'au coeur du pays dans la saison des pluies ; mais elle est
presque entièrement inconnue aux Européens ;
Celèbes est bizarrement découpée en forme de K par
les golfes profonds de Tomini, de Tolo, de Boni, qu'a
peut-être creusés le courant équalorial, et entre lesquels
s'avancent, comme les bras d'un polype, quatre presqu'îles
montueuses couvertes de plateaux herbeux ; la plus sep-
tentrionale, appelée Menado, est toute volcanique.
Les trois golfes de Célèbes correspondent aux plaines
orientales de Bornéo ; et les deux îles présentent à peu près
la même structure de montagnes.
3° Le groupe des ÎLES MOLUQUES a un sol tout volcanique
très-accidenté et généralement fertile. Il comprend deux
îles assez grandes, Ceram et Gilolo, image réduite de Célèbes ;
et plusieurs îles, moyennes ou petites, qui ne sont pour
ainsi dire que des cônes volcaniques, Bourou, les îles Soula,
Ternate, Amboine et les îles Banda, dont on fait quelque-
fois un groupe particulier.
4° Le groupe des ÎLES PHILIPPINES se compose d'îles éga-
lement volcaniques, ondulées de montagnes qu'ombragent
de belles forêts et entrecoupées de marécages dans les terres
basses ; Luçon et Mindanao sont les plus grandes. Entre ces
deux îles sont Mindoro, Samar, Leyte, Panay, Negros, etc.,
et au sud-ouest, la longue 'île de Palawan.
La Malaisie a le climat des tropiques ; la chaleur y est
très-lourde ; les typhons y sévissent, et les moussons y font,
sauf exceptions (1), la saison sèche de mars à octobre avec
vent de sud-est, et la saison pluvieuse de novembre à mars
avec vent de nord-est : cette dernière est la mousson mau-
vaise. Partout, excepté sur les hauteurs au-dessus de
(1)Par exemple, Luçon, sur la côte ouest, a ses pluies de juin à sep-
tembre avec vent d'ouest ; sur la côte est et nord, d'octobre à mai avec
vent du nord.
2,500 mètres, la pluie est très-abondante et mesure plus
de I mètre et demi par an.
130. L'Australasie. — L'AUSTRALASIE, c'est-à-dire l'Asie

sa population noire (,
de l'hémisphère austral, est dite aussi Mélanésie, à cause de
noir), laquelle disparaît peu à
peu devant la colonisation européenne. Elle touche à l'ouest
à l'OCÉAN INDIEN et à la MALAISIE ; au nord, à la Micronésie,
partie de la Polynésie ; à l'est, à la POLYNÉSIE ; et au sud, à
cette partie de l'Océan où se confondent les limites de
l'océan Pacifique, de l'océan Indien et de l'océan Glacial du
Sud. Elle se compose de quatre groupes : le continent aus-
tralien au centre ; au nord, séparées de ce continent par
la mer de Harafoura, par le détroit de Torrès et par la MER
DE CORAIL, la Nouvelle-Guinée et la chaîne des îles qui fer-
ment la mer de Corail ; au sud, la Tasmanie, séparée par
le détroit de Bass ; et, plus loin au sud-ouest, la Nouvelle-
Zélande (1) avec les îles adjacentes.
1° Le continent australien ou AUSTRALIE, dont un hexa-
gone irrégulier, ayant pour sommets les caps York, Sandy,
Wilson, Leeuwin, Nord-Ouest et la presqu'île de Cobourg,
donnerait une idée approximative, a une longueur d'environ
3,800 kil. de l'ouest à l'est, du cap Nord-Ouest au cap Sandy,
et de 3,000 kil. du nord au sud, du cap York au cap Wilson.
Il mesure plus de 7 MILLIONS ET DEMI DE KILOMÈTRES CARRÉS.
Ce continent est encore très-imparfaitement connu, sur-
tout dans l'intérieur et plus particulièrement dans la partie
occidentale. Toutefois les voyageurs qui l'ont traversé du
sud au nord, et dont le nombre s'accroît tous les ans, l'ont
reconnu comme formant un vaste plateau, de très-médiocre
élévation, ondulé sur divers points, sans qu'aucun sommet
connu de l'intérieur atteigne 1,000 mètres. C'est une
steppe quelquefois aride et pierreuse, quelquefois re-
vêtue d'épaisses broussailles épineuses, ou d'herbes ver-

(1) Dumont d'Urville plaçait la Nouvelle-Zelande dans la Polynésie,


à cause de la race qui l'habite.
doyantes et touffues, quand la pluie a rendu au sol sa puis-
sance végétative et alimenté les « creeks », ou rivières tem-
poraires, qui y forment moins des vallées que des ravines :
la chaleur et les vents de septembre la dessèchent presque
entièrement. Au centre, entre le golfe de Carpentarie et le
golfe de Spencer, paraît régner une longue plaine basse,
bordée à l'est par une chaîne de montagnes, parfois abruptes.
Cette chaîne forme la bordure occidentale d'un vaste pla-
teau, dépassant quelquefois 1,000 mètres et se terminant
sur la côte sud par les monts Lofty. La bordure orientale
du même plateau est formée par une chaîne mieux connue,
parce que c'est surtout le côté où s'est portée la colonisa-
tion : c'est la chaîne des montagnes Bleues qui, si on y com-
prend les Craig Range, les Peak Range, etc., n'a pas moins
de 3,000 kil. de longueur et dont les plus grandes élé-
vations, situées dans le sud, portent le nom d'Alpes austra-
liennes et de Pyrénées, tels sont le mont Hotham (2,300 m.),
le mont Kosciusko(2,200 m.) et quelques autres sommets
dépassant 1,000 mètres. Ce ne sont nulle part de hautes
cimes, mais partout, sur le versant oriental, des plateaux
granitiques traversés de larges bandes de feldspath, semés
de masses basaltiques qui attestent l'existence d'anciens
volcans, et coupés de précipices et de gorges profondes.
Le versant oriental, au nord du tropique, descend à pic
dans la mer ; sur le versant occidental, du côté du grand
plateau, les pentes granitiques sont généralement douces.
Le versant oriental et le versant méridional sont trop voi-
sins de la mer pour donner naissance à aucun grand cours
d'eau ; mais la côte granitique s'y découpe en vastes et pro-
fonds estuaires, propres à l'établissement de ports. Toutes
les eaux du versant occidenlal tombent dans le Murray ou
Goolwa, dont le principal affluent est le Darling, et qui va
se perdre dans la longue lagune Alexandrina. Les autres
cours d'eau du plateau, le Barcoo ou Cooper creek, le
Parrau et les affluents du Murray, même le Darling, qui
cependant, à son confluent, a environ 70 mètres de largeur
et 3 mètres de profondeur, paraissent intermittents et ne
coulent que durant la saison des pluies. Les lacs du pla-
teau, très-nombreux comme dans toutes les contrées gra-
nitiques, sont également intermittents ; les plus grands, tels
que le lac Torrens, le lac Eyre, le lac Gairdner, le lac Gré-
gory, le lac Frome, etc., sont situés dans la longue dépres-
sion centrale, où les terrains tertiaires paraissent dominer
et où les lacs sont bordés de vastes marais.
La forme du continent australien est généralement
massive, et la côte peu accidentée. Elle présente, au nord,
le profond golfe de Carpentarie, entre le cap York et le cap
Arnheim, l'île Melville avec la presqu'île Cobourg, de
petites baies et des caps en assez grand nombre dans la zone
torride. A partir du cap Nord Ouest, la côte prend la direc-
tion du sud jusqu'à la baie du Géographe et au cap Leeuwin :
puis elle se replie vers l'est et, du cap Howe au cap Catas-
trophe, elle forme un vaste arc de cercle, avec un rivage bas
et quelques récifs ; au sud-est, sont le golfe de Spencer et le
golfe Saint-Vincent, séparés par la presqu'île d'York, avec
l'île du Kangourou, le détroit de Bass et le promontoire Wil-
son. La côte tourne alors au nord et s'enfonce en un grand
nombre de baies et d'estuaires, aux rives hautes et aux eaux
profondes ; au nord du cap Sandy, l'aspect change, la côte
devient inhospitalière, se hérisse d'îlots et de récifs ma-
dréporiques.
2° La NOUVELLE-GUINÉE est une grande île d'environ
600,000 k. c., de forme oblongue, avec deux presqu'îles
aux extrémités, la terre des Papous et la Louisiade. Le
détroit de Torrès, médiocrement profond (60 mètres au
plus), la sépare de l'Australie, dont elle paraît être un ap-
pendice géologique ; et elle participe sous le rapport phy-
siologique de l'Australie et de la Malaisie. C'est, en général,
une terre haute, montagneuse et volcanique dont le
principal sommet, dans la Louisiade, paraît dépasser
4,000 mètres, mais dont l'intérieur est entièrement in-
connu.
Au nord-est de la Nouvelle-Guinée, l'archipel de la Nou-
velle-Bretagne, également volcanique, et composé de la
Nouvelle-Bretagne, de la Nouvelle-Irlande,etc., est encore
moins exploré. A l'est, se trouvent l'archipel de la Loui-
siade, les îles Salomon, de Bougainville, de Choiseul, l'ar-
chipel de la Pérouse ou archipel Sainte-Croix, avec l'île de
Vanikoro, célèbre par le naufrage de La Pérouse, les Nou-
velles-Hébrides, la NOUVELLE-CALÉDONIE avec les îles Loyalty,
les îles Viti, etc., toutes îles d'origine volcanique, mon-
tueuses, boisées, parées de la luxuriante végétation des tro-
piques ; leurs côtes enveloppées de plusieurs cordons de
récifs madréporiques, sont d'une navigation dangereuse.
3° La TASMANIE (70,000 k. c.), que le chapelet d'îles se-
mées dans le détroit de Bass peut faire considérer comme
la pointe méridionale de la chaîne des montagnes Bleues,
est un peu moins grande que l'Irlande ; elle est granitique,
montagneuse, avec de belles vallées, des gorges étroites, et,
au centre, un vaste plateau boisé d'une altitude d'environ
1,000 mètres.
4° A 2,500 kil. au sud-est de l'Australie, est la NOUVELLE-
ZÉLANDE, composée de trois îles, dont deux grandes, Te-
Ika-Mawi ou île du Nord, Te-wai-Pounamou ou île du
Milieu, séparées par le détroit de Cook, traversées du nord
au sud par une haute chaîne de montagnes volcaniques,
dont le principal sommet, dans l'île du Milieu, dépasse 4,000
mètres ; l'île du Sud ou île Stewart est beaucoup plus petite.
Les îles sont fertiles, comme la plupart des terres volca-
niques ; le sol est agité par de fréquentes convulsions et
s'élève plus rapidement qu'aucune autre contrée du globe
au-dessus du niveau de la mer. Sur la côte orientale de
l'île du Milieu est la presqu'île de Banks ; celle de l'île du
Nord, terminée par le cap Otou, offre la baie d'Abondance
et la baie Hauraki, qu'un isthme étroit, celui d'Auckland,
sépare de la baie Manukau, située sur la côte occidentale.
Au sud de la Nouvelle-Zélande, on trouve l'île Antipode,
ainsi nommée parce qu'elle est presque exactement aux
antipodes de Paris ; les îles Auckland, volcaniques et inhabi-
tées, etc. ; à l'est, les îles Breughton.
L'Australasie qui s'étend de l'équateur au 60e degré a
des climats très-divers. Le second groupe et le nord de
l'Australie jusqu'au tropique du Capricorne ont le climat
des tropiques. La température s'adoucit à mesure qu'on
s'avance vers le sud. Dans la région située au sud du Mur-
ray, elle est très-douce, à peu près uniforme pour toute
l'année ; il n'y a en réalité que deux saisons, la saison plu-
viale ou saison d'hiver qui correspond à nos mois d'été, et
la saison chaude qui correspond à notre hiver. La tempé-
rature moyenne du mois de janvier, le mois le plus chaud
est de 19 degrés à Melbourne, et celle du mois de juillet,
le plus froid, de 9 degrés ; cependant le thermomètre des-
cend plusieurs jours par an au-dessous de 0° et, au mois
de février, par le vent sec et chaud du nord, il monte par-
fois à 32 degrés. Les petites pluies froides y sont fréquen-
tes en août ; et les grandes pluies d'orage, en décembre. A
Sydney, la température est plus élevée qu'à Melbourne, et
on n'y a vu qu'une seule fois de la neige. Les pluies torren-
tielles d'hiver y causent des désastres ; ces pluies sont
moins abondantes à mesure qu'on s'avance vers le sud et,
dans l'intérieur, les longues sécheresses sont un des fléaux
dp pays. Le climat est tempéré dans la Nouvelle-Zélande
septentrionale, froid dans la Nouvelle-Zélande méridionale,
et très-rigoureux dans les îles situées au delà du 49e degré.
13t. La Polynésie. —La POLYNÉSIE, dont le nom signifie
« îles nombreuses », occupe toute la partie septentrionale
et orientale de l'Océanie, et se compose de petites îles dis-
séminées dans la région tropicale de l'OCÉAN PACIFIQUE et
quelque peu au delà, sur une superficie plus grande que
celle de l'Asie entière ; elle se divise en trois parties :
1° Le groupe des petites îles du nord-ouest dont on fait
souvent encore une des grandes divisions de l'Océanie, sous
le nom de Micronésie, parce qu'elle ne renferme que de
petites îles. Ce sont : l'archipel Bonin ou de Magellan, l'ar¬
chipel des îles Mariannes, les îles Pelew, toutes îles de for-
mation volcanique, hautes, généralement boisées et bor-
dées, à 1 ou 2 kilomètres de la côte, de récifs madrépori-
ques ; la longue chaîne des îles Carolines, petites îles, au
nombre de plus de 500, dont quelques-unes sont volcani-
ques, et dont la majeure partie est formée d'un soubasse-
ment volcanique, surmonté de récifs madréporiques. Ces
récifs sont construits par des polypes qui vivent sur la
roche formée par les dépouilles calcaires de leurs ancêtres,
puis meurent en grossissant eux-mêmes les dépôts anté-
rieurs et sont remplacés par d'autres qui, mourant à leur
tour, élèvent ainsi de génération en génération la digue
sous-marine qui est leur berceau et leur tombeau, jusqu'à
ce que cette digue dépasse le niveau des flots. Les vents et
les oiseaux continuent l'oeuvre de la nature, en apportant
des graines ou des engrais ; et, au bout de plusieurs siècles,
le sol de l'île s'élève légèrement au-dessus de la mer et
se pare de la végétation tropicale ; car ce n'est qu'entre
les tropiques et quelque peu au delà, qu'on trouve ces récits
madréporiques. A l'est des Carolines l'archipel des îles
Marshall et les îles Gilbert sont des îlots madréporiques sans
importance.
2° Au nord-est, l'archipel des ÎLES HAWAII ou îles Sand-
wich, un des deux grands groupes de la Polynésie, comprend
des îles toutes volcaniques, pittoresques et fertiles, situées
presque sous le tropique du Cancer ; les principales sont
Woaboo, Mani, Kaui et Hawaii. Le centre de cette dernière
île est formé par un plateau élevé de plus de 2,500 mètres,
couvert de pâturages que surmontent de hautes montagnes,
comme le Mauna-Loa(4,250 mètres), presque égal au mont
Blanc, etc., et des volcans très-redoutables par leurs érup-
tions. Le Kilaua, à la base orientale du Mauna-Loa, a un
cratère de 11 kilomètres de tour, immense fournaise au
fond de laquelle la lave bout à une profondeur variable
de 200 à 400 mètres ; quelquefois le cratère s'emplit, et les
matières en fusion montent jusqu'au voisinage de la sur¬
face ; mais elles ne tardent pasà crever leur gigantesque
creuset et à s'échapper par quelque fissure sur les flancs
de la montagne, en longues coulées qui comblent des val-
lées ou qui projettent de nouveaux caps dans la mer. De-
puis 1840, on compte quatre grandes éruptions des volcans
d'Hawaii, dont la dernière est celle du Mauna-Kéa en 1859.
3° Entre l'équateur et le tropique du Capricorne, en allant
de l'ouest à l'est, on trouve les îles Wallis, les îles Tonga ou
des Amis, les îles Hamoa ou des Navigateurs, les îles Man-
gia ou de Cook, les ÎLES TAITI ou de la Société, qui, comme
les archipels précédents, sont des terres d'origine volcani-
que, boisées sur les hauteurs, fertiles dans les vallées et
sur le rivage, bordées de récifs madréporiques ; puis les
îles Tuamotou ou Pomotou, dites encore îles Basses ou
Dangereuses, à cause de leur peu de relief et du danger
que leurs écueils font courir aux navigateurs ; les îles Gam-
bier, archipel tout madréporique ; les îles Nouka-Hwa ou
îles Marquises, montueuses, volcaniques et boisées ; et très-
loin à l'est, à égale distance (3,900 kilom.) de Taïti et de
l'Amérique, l'île de Pâques ou Waihou, la plus isolée de
toutes les terres habitées.
Les archipels de ce groupe sont, avec les Maldives, les
types les plus curieux de la formation madréporique con-
nue sous le nom d'atholls. Sur la large margelle de cratères
aujourd'hui sous-marins, les coraux et les madrépores ont
élevé leurs digues qui, lorsqu'elles atteignent la surface de
l'Océan, affectent, comme les rochers qui leur servent de
soubassement, la forme à peu près circulaire, et apparais-
sent comme une couronne d'îles basses, couverte de coco-
tieis et enveloppant une petite mer intérieure.
La Polynésie jouit partout, excepté dans les îles Bonin
et dans quelques îlots, du climat des tropiques ; mais, au
milieu de l'immensité de l'Océan, la chaleur est toujours
adoucie par la brise de mer, et la température y est en
général aussi agréable que la végétation y est belle.
2e section.
LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE.

(Von les cartes nos 16 et 18.)

132. Les révolutions. — L'Océanie, récemment décou-


verte, n'a pour ainsi dire pas de passé. Cependant quel-
ques-unes des îles de la Malaisie ont été connues dès l'an-
tiquité ; l'islamisme y pénétra vers le XIVe et le XVe siècle ;
les Portugais y abordèrent au commencement du XVIe siè-
cle et furent bientôt remplacés par les Hollandais, qui y
fondèrent, au XVIIe siècle, un empire colonial, dont Java
fut le centre et Batavia la capitale. Les Espagnols, a la suite
du premier voyage fait autour du monde par Magellan,
occupèrent les îles auxquelles ils donnèrent le nom de Phi-
lippines.
La race malaise s'est avancée, on ne sait à quelle épo-
que, vers l'est, dans les îles de la Polynésie, où elle s'est
mêlée à la race polynésienne, pendant que la race polyné-
sienne semble à son tour s'être avancée vers l'ouest, portée
par des courants équatoriaux du côté de l'Australasie, où
elle s'est mêlée à la race noire.
Les Hollandais avaient, au XVIIe siècle, reconnu les côtes
du continent qu'ils avaient nommé Nouvelle-Hollande ; mais
le pays ne commença à être habité par des Européens
qu'à la fin du XVIIIe siècle, lorsque les Anglais eurent fondé
sur la côte orientale, Sydney, chef-lieu de la colonie de la
Nouvelle-Galles du Sud. Au XIXe siècle, les Anglais ont étendu
leur colonisation et créé successivement plusieurs colonies
sur les côtes sud, sud-est et ouest de l'Australie : Victoria,
où des colons airivèrent pour la première fois en 1835,
Australie méridionale, Australie occidentale, Queensland
(1859) ; et dans les grandes îles voisines, Tasmanie et Nou¬
velle-Zélande. Les Français, depuis 1844, ont établi leur
protectorat ou leur domination sur les îles Taïti, sur quel-
ques autres groupes de la Polynésie orientale et de la Méla-
nésie. Dans la Polynésie septentrionale, les Kanacks des îles
Hawaii, convertis au protestantisme, se sont civilisés et ont
adopté les institutions politiques de la race blanche.
133. Les États. — L'Océanie comprend deux sortes d'É-
tats distincts :
I. Les colonies européennes qui sont, à vrai dire, les
seuls États importants à savoir :
1° Les COLONIES ANGLAISES (env. 8 millions de kil. c., et
1,950,000 hab., dont plus de 1 million 1/2 d'Européens)
au nombre de sept :
Cinq se trouvent dans l'AUSTRALIE même : Nouvelle-Galles
Sud (799,000 kil. car.,et env. 500,0000 hab.), cap. SYDNEY ;
du

Victoria (229,000 kil. c., et env. 730,000 hab.), cap. MEL-


BOURNE ; Australie méridionale (985,000 kil. c., et 190,000
hab.), cap. Adélaïde ; Australie occidentale (1,730 000 kil. c.,
et 25,000 hab,), cap. Perth ; Queensland (1,350,000 kil. c.,
et env. 120,000 hab.), cap. Brisbane ; États auxquels il faut
ajouter le territoire du Nord et celui d'Alexandra, au cen-
tre (près de 2 millions 1/2 de kilomètres) encore inhabités ;
Les deux autres au sud et au sud-est de l'Australie : la
Tasmanie (67,000 kil. c., et 100,000 hab.), cap. Hobart-town ;
et la NOUVELLE-ZÉLANDE (275,000 kil. c., et env. 295,000
hab. dont 3/4 d'Européens), divisée en plusieurs provinces,
cap. Auckland ; plus, quelques îles d'importance médiocre
et l'île Norfolk, en face de Brisbane.
Il faut ajouter la petite île Labouan (116 kil. c.), sur la
côte de Bornéo.
Chacune de ces colonies, à part Norfolk et Labouan, est
divisée en comtés.
2°Les COLONIES NÉERLANDAISES ou hollandaises, désignées
aussi sous le nom d'Indes orientales (1,592,000 kil. c., et
23 millions d'hab., dont 50,000 Européens ou descendants
d'Européens et plus de 200,000 Chinois), cap. BATAVIA,
dans l'île de Java, sont situées toutes dans la Malaisie et
comprennent :
Les îles de la Sonde, à savoir : JAVA et Madoura (16 mil-
lions d'habitants), entièrement soumises aux Hollandais, et
conservant néanmoins dans l'intérieur des chefs indigènes
qui n'ont qu'une autorité nominale ; la partie centrale et
méridionale de Sumatra (env. 2,400,000 hab.), comprenant
les résidences de Padang, Bencoulen, Lampongs et Palem-
bang, avec les îles voisines, Rhiau, Banca et Billiton (env.
100,000 hab.) ;
Une partie des côtes de Bornéo au sud-est et au sud
(env. 1,150,000 hab.), et certaines parties de l'île de Célèbes
(résidences de Macassar et de Menado, 850,000 hab.) ;
Les Moluques (Ternate, Amboine et Banda, env. 350,000
hab.) ;
Bah, Lombok, Sumbawa, Florès (860,000 hab.) et la
partie occidentale de Timor (env. 900,0U0 hab.).
Dans toutes ces régions, excepté Java, Madoura, Am-
boine et Banda, les indigènes sont gouvernés par leurs
chefs, et l'autorité des Hollandais n'est souvent que nomi-
nale, hors des comptoirs de commerce.
3° Les COLONIES ESPAGNOLES, situées dans la Malaisie et
dans la Micronésie, sont désignées sous le nom de capitainerie
des Philippines (173,000 kil. c., et 4,350,000 hab. ?), avec MA-
NILLE puur capitale. Elles comprennent les îles Philippines
(plus de 5 millions d'hab., dont 1 million entièrement in-
dépendant de la domination espagnole) ; une partie de Pa-
lawan ; les Mariannes et les Carolines, sur lesquelles la
0souveraineté de l'Espagne est purement nominale.
4° Les COLONIES FRANÇAISES, situées dans la Mélanésie et
la Polynésie (20 à 25,000 kil. c., et env. 70,000 hab.), a sa-
voir : la NOUVELLE-CALEDONIE et l'archipel de Nouka-Hiva,
possessions directes, et les îles Taïti et Tuamotou, placées
sous le protectorat français (voir la France avec ses colonies,
§274).
5° Les colonies portugaises (env. 14,000 kil. c., et 850,000
hab.) dans la Malaisie, comprenant une partie de Timor
et la petite île de Kambing.
Les États-Unis ont occupé l'île Brook, à l'ouest des îles
Havaii.
Le Japon possède les îles Bonin.
II. Les États indigènes, à savoir :
Dans l'île de Sumatra (dont la population totale est d'en-
viron 4 millions d'hab.), les royaumes d'Achem et de Siak ;
Dans l'île de Bornéo (dont la population totale est éva-
luée à 4 millions d'individus), la principauté de Sarawak
gouvernée par un Anglais, et la sultanie de Bornéo ;
Le ROYAUME D'HAWAII, composé de tout l'archipel des
îles Havaii ou Sandwich : capitale Honolulu, dans l'île
de Woahoo. C'est le seul royaume indigène qui ait adopté
les institutions et la civilisation de la race indo-euro-
péenne ; son étendue est de 20,000 kil. c., et sa popula-
tion de 68,000 âmes, population qui a été en décroissant
pendant toute la première moitié du XIXe siècle, comme
toutes les populations indigènes de la Polynésie, et qui est
stationnaire depuis une dizaine d'années.
Les autres parties de l'Océanie ne sont peuplées que par
des tribus sauvages.
On évalue à 33 millions d'âmes la population de la Ma-
laisie, total dans lequel les indigènes figureraient pour 32
millions 1/2, les Européens, les métis et les Chinois pour
1/2 million ; et l'on peut estimer à un peu plus de 35 mil-
lions d'âmes la population totale de l Océanie.

3e section.
LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE,
oir les cartes nos 17 et 18,)

MALAISIE ET AUSTRALASIE SEPTENTRIONALE.

134. Les productions. — Région intertropicale et très-


montagneuse, la Malaisie a les cultures des tropiques avec
une flore qui varie suivant l'altitude. Elle est divisée par
les productions spontanées de la nature, plus encore que
par les cultures des hommes, en deux régions distinctes :
1° La RÉGION OCCIDENTALE, qu'on pourrait nommer la ré-
gion asiatique, parce qu'elle a la flore et la faune du sud-
est de l'Asie, et entre autres animaux caractéristiques, l'é-
léphant et le rhinocéros (fig. 66). Elle comprend les Philip-

pines, Bornéo, Sumatra, Java et les îles adjacentes. Le RIZ


y est, comme dans toute la région sud-estde l'Asie, la principale
nourriture des habitants. Dans la seule île de Java, le riz oc-
cupe les 3/4 des terres en culture (1 million 1/2 d'hectares
sur 2 millions) et couvre d'immenses étendues ; on cultive
partout le riz de montagne ou riz sec dans les terres hautes,
et le riz de plaine ou riz irrigué, que l'on sème ordinaire-
ment très-dru dans la vase après la saison pluvieuse, et que
l'on repique en l'espaçant davantage, quand il a atteint la
hauteur de 15 à 20 centimètres. Sur un grand nombre de
champs, on fait double et même parfois triple récolte de riz,
ou une récolte de maïs, après la première récolte de riz. La
patate, plus rare, la moelle du sagoutier qu'on coupe quand
l'arbre a six ou sept ans et qui donne le sagou, complètent,
avec quelques légumes et des pastèques, l'alimentation vé-
gétale.
Les principales cultures industrielles des plaines sont :
la CANNE A SUCRE et l'indigo, cultivés surtout dans les îles
qui ont d'assez grandes relations à l'étranger pour exporter
la majeure partie de leurs produits, comme Java et les
Philippines ; le tabac, qu'on cultive partout aussi, mais pour
lequel les îles Philippines (surtout les districts de Gayagan
et de Gapan) ont une renommée toute particulière : on l'en-
voie en Europe, soit en feuilles, soit sous formes de ciga-
rettes et de cigares de Manille, etc.
Parmi les arbrisseaux et les arbres, les principaux,
outre le sagoutier, sont :
1° Dans les plaines, le cocotier, arbre précieux qui sert à
un grand nombre d'usages divers ; le bananier (fig. 67) et le
chou-palmier, dont les fruits et les feuilles servent aussi à
l'alimentation des habitants ; l'abaca ou chanvre de Manille,
filasse qu'on tire de l'écorce, ou, pour parler plus exacte-
ment, des feuilles séchées d'une espèce particulière de
bananier des Philippines (Musa textilis), et qui ne vient nulle
part en aussi grande abondance que dans les provinces
d'Albay et de Leyte. Beaucoup d'autres fibres textiles,
comme l'aloès, le pitte, l'ananas, le rotin, abondent sur-
tout dans Bornéo et dans Sumatra. Le coton, médiocre-
ment estimé, est peu exporté ; le cacao des Philippines,
également peu exporté, sert beaucoup à la consommation
des habitants ; le camphrier, très-abondant dans Sumatra,
donne dans cette île et dans Bornéo ses produits les plus es-
timés ; le muscadier est cultivé principalement à Java. Au-
tour des arbres s'enlacent des plantes grimpantes, telles que
le vanillier, le POIVRIER, qui laisse pendre ses longs chatons
de fleurs (fig. 68) et qui abonde à Sumatra, île dont la pro-
duction en poivre noir est près de la moitié de la produc-
tion totale du globe ; le piment, qui est pour les habitants
de Java le condiment indispensable du riz ; le poivre bétel
que mâchent les Malais comme les Indiens.
2° Quand on s'élève au-dessus des plaines à une hauteur
de 700 mètres, la culture change et, à côté de quelques céréa-

les d'Europe (Voir le carton de l'île de Java, carte n° 18), on trouve


le thé que l'on commence à cultiver avec quelque succès
dans l'île de Java (env. 1 millier de tonnes) ; le CAFÉIER,
qui ne donne que de médiocres produits dans la plaine,
mais qui, sur les hauteurs, est de très-bonne qualité et qui
constitue, avec le sucre, la grande richesse commerciale
de Java et la plus fructueuse exploitation du gouverne-
ment dans les terres publiques des colonies néerlandaises.
Java occupe aujourd'hui dans le monde le second rang,
après le Brésil, pour la quantité de café qu'il produit ; et

peut-être le premier, ou un des premiers pour la qua-


lité. Le quinquina, écorce de divers arbres de la famille
des cinchona est une culture récente aujourd'hui très-dé-
veloppée à Java.
3° Toutes les hauteurs sont couvertes, quelquefois jus-
qu'au sommet, d'immenses forêts touffues, la plupart
inexplorées et souvent impénétrables : le bois de teck, l'arbre
dont la résine fournit le benjoin, le gambier qui donne un
tannin très-actif, le sapan et divers arbres à gomme (caout-
chouc, gutta-percha, gomme dammara, etc.) y abondent,
et, au-dessus de 15 à 1,600 mètres, les chênes, les châtai-
gniers, etc.
Une partie de ces îles, surtout Bornéo, est encore in-
connue aux Européens. Java, dotée par la nature d'une
splendide végétation, est de beaucoup la plus peuplée et la plus
riche de ces îles. C'est la seule qui, sous la discipline des
Hollandais, exploite régulièrement une grande partie de
son sol cultivable ; on évalue à 2 millions le nombre d'hec-
tares en culture, dont 1 million 1/2 en rizières fournissant
plus de 2 millions de tonnes de riz : le reste est consacré
à la canne à sucre (28,000 hectares et 120.000 tonnes de
sucre), au café (60,000 tonnes), au tabac (90,000 tonnes),
au thé (800 tonnes), etc.
La faune de ces contrées n'est pas moins riche que la
flore. Cependant les habitants entretiennent peu de bé-
tail ; le buffle est, comme en Chine, l'animal de labour ;
Java a de petits chevaux de selle renommés pour leur
ardeur. Dans la plupart des rivières, le poisson abonde.
Dans la mer, on pêche aussi beaucoup de poissons, entre
autres des requins dont les ailerons sont estimés en Chine,
beaucoup de tortues dont l'écaille est un assez important
objet de commerce, et un mollusque dit tripang ou biche
de mer (c'est l'holothurie), qu'on vend en grande quantité
aux Chinois. Dans les grottes que la mer a creusées au
pied des hautes falaises, on trouve, surtout sur la côte
méridionale de Java, beaucoup de nids de salanganes,
espèce d'hirondelle de mer, lesquels sont très-recherchés
par la cuisine chinoise (1).
2° LA RÉGION ORIENTALE comprend Célèbes, les Mo-
luques, les îles Timoriennes, la Nouvelle-Guinée et la chaîne
des îles de l'est, jusqu'aux Nouvelles-Hébrides et à la Nou-
velle-Calédonie. C'est une région haute et volcanique
comme la précédente, très-boisée, parée aussi de la riche
végétation des tropiques, présentant cependant dans la flore

(1) On les lave, un les laisse se dissoudre dans l'eau bouillante, et on


en retire une gelée blanche avec laquelle le Chinois font un potage
comparable au tapioca.
et la faune de notables différences avec la région occiden-
tale ; du reste moins fertile qu'elle, beaucoup moins culti-
vée, et entièrement inconnue des Européens dans plusieurs
de ses parties, entre autres dans la grande île de la Nou-
velle-Guinée. Le riz, le palmier-sagou qui est un des prin-
cipaux aliments du pays, le manioc, l'arbre à pain, les pa-
tates, etc., nourrissent les habitants ; les Français de la
Nouvelle-Calédonie font pousser quelques céréales. Les
seules cultures industrielles sont un peu de coton dans
Célèbes ; certains arbres à résine, comme le dammara qui
est un des plus beaux arbres de la Malaisie ; et les ÉPICES,
principalement dans les Moluques, auxquelles ces cultures
avaient fait donner le nom « d'îles aux Épices ». Les prin-
cipales plantes désignées sous ce nom sont : le giroflier, bel
arbre qui atteint 10 mètres de hauteur et dont la fleur,
cueillie avant l'épanouissement, est le clou de girofle ; le
muscadier, arbre de la famille des lauriers, d'une hauteur
de 6 à 8 mètres, dont le fruit assez semblable d'apparence
à une pêche oblongue, donne la muscade par son noyau et
le macis par la pulpe qui l'enveloppe ; le laurier cassia,
dont l'écorce fournit la cannelle. Amboine a eu longtemps
le privilège exclusif de la culture du giroflier ; les îles
Banda, celle du muscadier.
La Malaisie est riche en métaux : or dans la partie sep-
tentrionale de Célèbes, ainsi qu'à Bornéo et à Sumatra, qui
donne environ 1 tonne d'or par an ; diamant dans Bornéo à
Landak, à Langouw, etc. ; antimoine, houille, fer, étain,
mercure, etc., dans diverses îles. Mais la seule exploitation
régulière et importante est celle de l'ÉTAIN : il provient des
neuf mines du gouvernement situées au pied de montagnes
de granit dans l'île de BANCA, et des mines de l'île Billiton
appartenant à des particuliers.
La Malaisie n'a que quelques industries locales et fort
restreintes : elles ont pour objets quelques outils grossiers ;
un peu de fer et d'acier fabriqué surtout à Sumatra ; de ri-
ches bijoux, des armes, des nattes, des poteries rouges
(celles de l'île Motir sont renommées) et des tissus multi-
colores dits « sarongs ». Certaines grandes villes seules ont
quelques établissements industriels importés par les Euro-
péens ou les Chinois ; la construction des navires, grâce à l'a-
bondance du bois de teck, a une certaine importance, sur-
tout à Sourabaya.
135. Les villes importantes. — La Malaisie compte en-
viron huit villes de 20,000 à 100,000 hab. ; et deux villes
dont la population dépasse 100,000 âmes ; ces deux der-
nières sont les capitales des deux grands établissements
européens. (Voir les plans de la carte n° 18].
Manille (140,000 hab. avec les faubourgs), capitale des
possessions espagnoles, bâtie non loin de l'embouchure de
la rivière Pasig. Elle comprend sur la rive droite la ville
proprement dite, qui est fortifiée et ne compte guère que
12 à 15,000 habitants, mais qui possède la grande place
publique, quelques monuments comme la cathédrale, et de
belles rues ; sur la rive gauche, des faubourgs tout coupés
de canaux, animés par les boutiques et par le commerce
et peuplés surtout de métis, de Malais et de Chinois ; c'est
une ville de grand luxe au moins autant que de com-
merce.
BATAVIA (150,000 hab. environ avec les faubourgs), ca-
pitale des possessions hollandaises : elle comprend l'an-
cienne ville, située près de la mer, ville basse, mal-
saine, malgré les améliorations dont elle a été l'objet, et
renfermant, outre les magasins européens, les quartiers
javanais et chinois ; et la haute ville, dite Veltevreden,
où habitent, au milieu de vastes et délicieux jardins, la
plupart des Européens, administrateurs et négociants.
Java, qui est très-peuplée, renferme encore deux villes,
ou plutôt deux grands villages, capitales de royaumes in-
digènes, vassaux des Pays-Bas, et qu'on prétend avoir près
de 100,000 habitants : Solo ou Sourakarta et Mataram ou
Djokjokarta ; et les deux ports de Samarang et de Soura-
baya, qui sont des villes de 40 à 50,000 âmes.
Dans Sumatra, Palembang (40,000 hab.), port sur le
Mousi, ancienne résidence d'un sultan indépendant ;
Achem, capitale du royaume indépendant de ce nom, la
ville la plus commerçante et la plus industrieuse de l'O-
céanie indigène : elle a des manufactures de soie et de co-
ton, une fonderie de canons, etc.
Dans Bornéo, Pontianuk (20,000 hab.), port franc, situé
sous l'équateur ; Bornéo ou Brouni (25,000 hab.), à l'em-
bouchure, du Limbang.
Dans Célèbes, Macassar (20,000 hab.) ou Mangkassar,
ville bien bâtie au sud de l'île, au bord d'une immense
plaine et sur une baie spacieuse.
136. Le commerce maritime. — Le commerce maritime
de la Malaisie a pour principaux foyers les deux capitales ;
mais il comprend une dizaine d'autres ports dans diffé-
rentes îles.
Manille, dont le commerce était resté, de 1784 à 1834,
le monopole d'une compagnie espagnole et qui, jusqu'en
1815, n'exportait ses produits que par le Mexique (Aca-
pulco), a pu, grâce à la liberté et à l'importance que l'Eu-
rope a prise dans les mers d'Orient, tripler le chiffre de ses
affaires depuis vingt ans. L'entrée du port, assez étroite,
donne accès dans une vaste baie sur le rivage de laquelle
est Cavité, l'arsenal des Espagnols et le lieu où mouillent
les grands navires ; la ville est au fond, sur la Pasig. Manille,
qui entretient une navigation de cabotage assez active
avec les Philippines et avec les groupes voisins, importe,
pour la consommation de ses habitants et l'approvision-
nement deson aire commerciale, des cotonnades et autres
tissus d'Angleterre, des États-Unis, etc., des soieries, des
lainages, des métaux ouvrés, de la quincaillerie ; et exporte
le sucre, l'abaca, le tabac, le café, le riz, l'écaille, l'indigo,
certaines gommes, etc. La marine d'Angleterre et celle
des États-Unis figurent au premier rang chacune pour 30
à 40 millions dans un commerce dont le total est d'environ
100 millions de francs ; la Chine, l'Espagne, les Indes
néerlandaises sont au second rang ; les affaires faites di-
rectement par la France dans ce port sont à peine de
1 million 1/2.
Macassar, port principal de l'île de Célèbes. Son com-
merce, qui s'élève à une trentaine de millions, est presque
tout aux mains des Chinois : il consiste en importation de
tissus, d'armes, de vins ; en exportation de tripangs, de café,
d'écaille, d'opium.
Pontianak, sur la côte occidentale de Bornéo, et Bandjer-
Massing sur la côte méridionale sont les principaux ports
de cette île.
BATAVIA, comme Manille, a été longtemps fermé aux
marines étrangères ; mais, depuis 1850, il est ouvert comme
les ports de la métropole, à titre de réciprocité (1) : c'est de
beaucoup le port le plus important de toute la région. Ca-
pitale de Java, qui est la plus peuplée (14 millions d'hab.
avec Madoura), la mieux cultivée, la mieux pourvue de
voies de communication de toutes les îles de la Malaisie,
cette place de commerce attire à elle par le cabotage pres-
que tous les produits de la Malaisie méridionale, et les
expédie, par l'intermédiaire de Singapore ou directement,
en Europe, en Australie, en Amérique, en Chine. Le mou-
vement d'entrée et de sortie de son port dépasse 800,000 ton-
neaux, et son commerce est d'environ 400 millions de
francs. Elle importe des cotonnades, du fer ouvré et des ma-
chines, des vins et spiritueux, certains produits alimentaires
de l'Europe et de l'Amérique ; du tabac et du thé, etc., de
la Chine et de Manille ; de l'opium du Levant ; des bois,
du riz, des rotins, du coton de la Malaisie. Elle exporte du
CAFÉ (environ 80 millions de francs), du SUCRE (environ
70 millions de francs), de l'ÉTAIN (environ 8,000 tonnes va-
lant 17 millions de francs), de l'indigo, du tabac, des noix
d'arec, du riz, du fer ouvré, des rotins, du thé, des
épices (poivre, cannelle, muscades et macis, le tout pour

(1) La France n'en a profité que par le traité de 1865.


1,200,000 francs environ), des gommes pour l'Europe, l'A-
mérique, le Bengale et l'Australie ; du fer et du sucre pour
la Chine ; des tissus, du numéraire, du riz, du sel, etc.,
pour les autres ports de la Malaisie.
Les colonies néerlandaises ont longtemps été soumises
à un régime tout particulier ; dans la plupart des grandes
îles, la domination hollandaise se borne, en dehors des
comptoirs, à une sorte de droit de tutelle sur les rois et
chefs indigènes ; à Java et à Madoura, au contraire, le cin-
quième des terres est la propriété de l'État, et pendant
longtemps le septième environ du temps des indigènes lui
était dû à titre de corvée. L'État louait, à certaines con-
ditions, en réglant lui-même le genre de culture, les terres
et la main-d'oeuvre à des entrepreneurs, qui faisaient culti-
ver leurs fermes à l'aide des corvées et qui vendaient leurs
récoltes au gouvernement à des prix déterminés. Ce sys-
tème a été presque entièrement aboli en 1867 et remplacé
par des fermages ordinaires et par le travail libre et rétri-
bué. Une Compagnie de commerce « Handelsmaatschappii»,
fondée en 1819, a le privilège d'acheter, à condition de les
faire transporter par navires hollandais, les produits des
terres du gouvernement, et fait à elle seule près de la moi-
tié des exportations. Néanmoins le commerce des particu-
liers reste libre ; depuis 1866, les marines étrangères sont
admises sur le même pied que la marine hollandaise dans
toutes les Indes orientales, et quelques cultures ont été
affranchies du monopole. Toutefois, en vertu de ce mé-
canisme, la Hollande conserve la plut grande part dans le
commerce de sa colonie, environ les 3/4 du total ; après elle,
vient l'Angleterre, puis l'Allemagne, la Suède et la Nor-
vège ; puis la France, à peu près sur le même rang que le
Danemark et les Etats-Unis.
Un service régulier de paquebots relie par une naviga-
tion de trois jours Batavia à Singapore et, par conséquent,
aux grandes lignes maritimes de l'Asie ; d'autres services
mettent Batavia en communication avec les ports de Java,
de Sumatra, avec Borné, Macassar et les Moluques. Un
cable télégraphique, qui se prolonge jusqu'en Australie,
l'unit à Singapore et par suite à l'Europe. Enfin 300 kilo-
mètres de chemins de fer pénètrent dans l'intérieur de l'île,
qui est en outre sillonnée d'un réseau de bonnes routes.
Deux autres ports de la côte septentrionale de Java,
Samarang qui, à cause des sables de sa rivière, n'est pro-

pre qu'au cabotage, et Sourabaya, grande et ancienne ville


placée dans une excellente position sur le détroit de Ma-
doura, sont comme les satellites de Batavia et font un com-
merce assez important en sucre, en tabac et en café.
Les ports de Sumatra sont Siak, situé sur une rivière,
presque en face de Singapore et fournissant surtout du ta-
bac ; Palembang, plus au sud, sur le Mousi, qui y forme
un delta, divisé en nombreuses ramifications ; Bencoulen,
sur la côte occidentale, ainsi que Padang, le port le plus
important de l'île : ce dernier fait un commerce de 20 à
25 millions de francs, consistant en importation de coton-
nades, de spiritueux, de tabac et de cigares, et en expor-
tation de café, de gulta-percha, de riz, de poivre, de ben-
join, de rotins, etc.
Dans l'île de Banca, le petit port de Mintok exporte de
l'étain pour Batavia.
Le detroit de la Sonde qui conduit de l'océan Indien à
Batavia est un des passages maritimes les plus fréquentés
du globe ; le détroit de Sapi est traversé par les navires qui
se rendent à contre-mousson dans les mers de Chine.
La Nouvelle-Guinée et les autres îles malaises et austra-
lasiennes n'ont pas de port régulièremeut fréquenté ; il
faut aller jusqu'à la Nouvelle-Calédonie pour trouver celui
de Nouméa ou Port-de-France (fig. 69). (Voir la France avec
ses colonies,)

AUSTRALIE ET AUTRES COLONIES ANGLAISES.

137. La production agricole. — La plus grande partie du


territoire de l'Australie est entièrement inculte, déserte ou
habitée par de rares et misérables peuplades de sauvages en-
tièrement incapables de discipliner les forces de la nature.
Les Européens n'occupent utilement encore que les côtes
et les contrées, plaines ou montagnes, voisines des côtes
dans l'est, le sud-est et progressivement dans l'ouest. Ce-
pendant, en adjoignant à l'Australie ses annexes, la Tas-
manie et la Nouvelle-Zélande les régions peuplées d'Euro-
péens s'étendent depuis les climats tropicaux jusqu'aux cli-
mats déjà plus froids de la Nouvelle-Zélande méridionale;
ils fournissent par conséquent des produits qui varient se-
lon la température et la constitution du sol, mais auxquels
cependant l'industrie européenne donne une certaine uni-
formité. On peut y reconnaître quatre régions.
1° QUEENSLAND, situé en grande partie dans la zone in-
tertropicale, produit ou peut produire le café, l'orange, le
coton sur ses coteaux ; le sucre, l'arrow-root, le tabac, les
bananes dans ses plaines, à côté des céréales d'Europe,
maïs et froment, de la pomme de terre et de la vigne que
les colons ont commencé à y introduire.
Les montagnes sont couronnées de vastes forêts, arbres
verts, pin de Morelon-bay, eucalyptus, araucaria (2), cèdre
rouge, etc.
La principale richesse de cette colonie est le BÉTAIL qui,
grâce aux vastes pâturages du pays, surtout à ceux de la
région dite Darling-downs, s'élevait déjà, en 1866, pour
une population qui n'était que de 100,000 individus, à
50,000 chevaux, 920,000 bêtes à cornes, et plus de 7 mil-
lions de MOUTONS ; cette richesse s'accroît très-rapidement,
et, dans l'espace de cinq années seulement, la production
de la LAINE a triplé.
2° La région du sud-est comprend les quatre colonies
de la NOUVELLE-GALLESDU SUD, de VICTORIA, de l'AUSTRALIE
MÉRIDIONALE, et de la TASMANIE et forme la région tempé-
rée. La culture des céréales y est importante : le maïs vient
dans la Nouvelle-Galles du Sud, où le climat est plus chaud ;
dans les autres colonies, c'est le froment, comparable aux
plus beaux froments de l'Europe et de l'Amérique, et l'a-
voine ; on cultive aussi un peu la pomme de terre.
La vigne pousse bien et donne déjà des vins, médiocres
encore, parce qu'on les consomme trop tôt. Il y a sur les
plateaux une assez grande variété d'arbres, soit épars, soit
groupés en forêts. En s'élevant au milieu des broussailles
dans le nord, c'est-à-dire dans la partie chaude qui avoisine
Queensland, on trouve des araucarias, des cèdres de diverses
espèces et, entre autres, le cèdre rouge, dont le bois est
d'un grand usage en Australie, des tamariniers, des bali-
siers géants dont la fibre sert à tresser des nattes, des eu-
calyptus, dits aussi « gommiers », beaux arbres à croissance

1. Une espèce d'araucaria dite bunya-bunya atteint une hauteur de


65 mètres.
rapide, dont la tige s'élève quelquefois à plus de 30 mètres
du sol et qui sont facilement reconnaissantes à leurs feuil-
les étroites et pendantes, des figuiers géants, etc. La Tas-
manie surtout est riche en belles forêts de pins, d'eucalyp-
tus, d'acacias, etc.
Mais là, comme dans le Queensland, la grande richesse
agricole est le BÉTAIL. Les vastes pâturages que la nature
avait préparés sur les plateaux et dans les vallées ont en-
couragé les colons à l'élevage ; non-seulement les culti-
vateurs entretiennent beaucoup d'animaux de ferme sur

leurs terres, mais un grand nombre de « squatters », selon


l'expression du pays, se livrent exclusivement à ce genre
d'industrie, principalement à l'élevage du mouton, sur de
vastes espaces que les États louent à cet effet. On compte
plus de 450,000 chevaux, de 2,700,000 bêtes à cornes et de 20
MILLIONS DE MOUTONS que l'on élève presque exclusivement
en vue de la LAINE et qu'on a tirés, par conséquent, des ra-
ces de mérinos ou de métis mérinos (Voir la fig. n° 70). C'est
en 1797 que les premiers mérinos, 3 béliers et 8 brebis, fu¬
rentimportés du Cap en Australie : ils se sont prodigieuse-
ment multipliés. Ces moutons fournissent une laine blan-
che, forte et fine, qui cependant, depuis quelques années,
laisse à désirer sous le rapport de la longueur des brins.
Après les pampas de la Plata, cette région est celle qui pos-
sède, relativement à la population, le bétail le plus nom-
breux : tandis que la France compte à peine un mouton
par habitant, DANS L'AUSTRALIE entière, non compris la Tas-
manie, la proportion est de 20 MOUTONS PAR HABITANT.

3° L'Australie occidentale est encore très-peu peuplée, parce


qu'elle est éloignée des autres groupes et que son sol aride
est très-médiocrement propre à la culture, aussi bien qu'à
l'élevage des bestiaux. Elle donne toutefois les mêmes cé-
réales et nourrit les mêmes animaux que Victoria. Les vastes
forêts de l'intérieur qui produisent le bois de sandal, etc.,
sont, avec la laine, la principale ressource commerciale de
la contrée.
La Nouvelle-Zélande jouit, surtout dans l'île du Nord,
d'un climat particulièrement doux, suffisamment humide,
assez semblable à celui de l'Angleterre ; le sol, dans les
plaines, est généralement très-fertile. La plus grande par-
tie, encore occupée par les indigènes, et à peu près inculte,
est couverte de forêts où se trouvent le dammara, beaucoup
d'autres beaux arbres résineux et des fougères arborescen-

tes ; la partie cultivée donne les céréales, froment, orge,


avoine, la pomme de terre et le phormium tenax, ou chanvre
de la Nouvelle Zélande, plante qui ressemble assez au
yucca et qui fournit une fibre textile, employée en Europe
pour faire des tissus grossiers, mais ayant l'inconvénient
de s'altérer à l'humidité.
138. La chasse et la pêclie. — La faune indigène et sau-
vage de l'Australie est, comme nous l'avons dit(§ 30), très-
pauvre en variétés ; mais elle possède des espèces tout à
fait différentes de celles des autres parties du monde. Les
plus remarquables sont, parmi les oiseaux, le cygne noir,
le casoar à casque (fig. 71) et le dinornis ; parmi les quadru-
pèdes, l'échidné, le kangourou (fig. 72) et surtout l'ornitho-
rinque (fig. 73), animal très-singulier, qui tient à la fois de
l'oiseau et du mammifère. La pêche dans les cours d'eau
est un des principaux moyens d'existence des rares indi-
gènes de l'Australie. Les Européens et les Américains qui
se livrent à la pêche de la baleine dans les parages des glaces

du sud, trouvent dans les ports de la Nouvelle-Zélande des


lieux de refuge pour leurs bâtiments.
139. La production minérale. — La production des mé-
taux a une grande importance dans cette partie de l'Océa-
nie. C'est l'OR qui est, avec la laine, la grande richesse du
pays ; c'est l'appât de l'or qui a attiré d'Europe le plus grand
nombre d'émigrants. Des savants avaient déjà révélé la
présence du précieux métal, lorsqu'en 1851, un Australien
qui avait été travailler dans les placers de la Californie et
qui avait été frappé de la similitude des roches de cette
contrée avec celles de sa patrie, commença l'exploitation
dans la Nouvelle-Galles ; Victoria, l'Australie méridionale,
la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande découvrirent à leur tour
et exploitèrent des gisements aurifères. Les émigrants
accoururent en foule de l'Europe, de l'Amérique, de la
Chine, et peuplèrent les solitudes. Beaucoup y trouvèrent
la misère, au lieu de la richesse qu'ils avaient rêvée ; mais
ces vastes contrées, qui n'attendent que le travail de
l'homme pour devenir fécondes, y gagnèrent des habitants
et des cultivateurs. La production de l'or, malgré quelques
variations dans le rendement annuel, est restée très-impor-
tante et atteint une valeur de PRÈS de 300 MILLIONS DE
FRANCS PAR AN, dont plus de la moitié (165 millions) pro-
vient de VICTORIA. Les mines de cette dernière sont situées
dans les Pyrénées australiennes, à Ballarat, et au pied du
mont Alexandre ; dans les Alpes australiennes, à Owens, etc.
Celles de la NOUVELLE-GALLES DU SUD se trouvent dans la
vallée du Murray et dans les hautes vallées du Darling et
de ses affluents, à Bathurst, par exemple, où eurent lieu
les premières exploitations. La Nouvelle-Zélande a les
siennes dans l'île du Milieu et surtout dans la province
d'Otago. Les autres colonies ne produisent l'or qu'en quan-
lité insignifiante.
La houille de la Nouvelle-Galles du Sud, dont les gisements
sont autour de Sydney, produit environ 800,000 tonnes;
celle de la Nouvelle-Zélande, près de Nelson, n'a qu'une im-
portance jusqu'ici très-secondaire. Le CUIVRE constitue au
contraire une exploitation très importante dans l'Australie
méridionale, aux mines de Burra-Burra de Kapunda et de
Wallaroo, et donne par an plus de 2,500 tonnes de métal.
Queensland et la Nouvelle-Galles donnent aussi un peu de
cuivre (environ 400 tonnes) et de fer (4,000 tonnes). L'Aus-
tralie occidentale et la Tasmanie ont de l'étain ; l'Australie
occidentale, du sel ; toutes les colonies, des matériaux de
construction ; la Nouvelle-Galles du Sud, du pétrole.
140. La production industrielle. — Dans un pays où l'é-
nergie des habitants trouve dans l'agriculture un emploi
illimité, l'industrie paraît destinée à un rôle secondaire.
Cependant, comme ces régions ont été peuplées par des
Européens qui ont apporté avec eux les arts de la civilisa-
tion, certaines industries se sont rapidement développées,
surtout celles qui sont liées à l'agriculture : la minoterie,
qui compte dans la Nouvelle-Galles et Victoria plus de 300
moulins, la plupart à vapeur, les brasseries, la fabrication
des machines pour l'agriculture ou les mines, la briqueterie,
la tannerie et la mégisserie, les fabriques de noir animal et
d'engrais organiques, etc. On trouve dans les villes les in-
dustries relatives, non-seulement aux besoins ordinaires,
mais encore à ceux du luxe et de l'intelligence, fabriques de
pianos, imprimeries, etc. L'Australie commence à tisser sa
laine et à frapper ses monnaies.
141. Les villes principales. — L'Australie compte sept
villes de 20,000 à 100,000 habitants.
Dans Queensland, Brisbane (20,000 hab.), capitale de
l'État.
Dans Victoria, Collingwood (env. 20,000 hab.) ; Geelong
hab.), de Melbourne ; Sandhurst (28,000 hab.)
(23,000 près ;
Ballarat (env. 64,000 hab. avec les faubourgs), principale
ville du district minier.
Dans l'Australie méridionale, Adelaïde (27,000 hab.),
bâtie à 8 kilom. environ du lac Torrens.
Dans la Tasmanie, Hobart-town (21,000 hab.), bâti sur
le Derwent, à 22 kilom. de son embouchure.
Dans la Nouvelle-Zélande, Auckland (environ 20,000 ha-
bitants), sur la baie de son nom.
Deux villes australiennes ont une population dépassant
100,000 habitants ; ce sont les capitales des deux plus im-
portantes colonies (voir les cartons de la carte n° 18) :
SYDNEY (135,000 hab.), capitale de la Nouvelle-Galles du
Sud, bâtie en 1788 sur la côte méridionale de la longue et
profonde haie dite Port-Jackson, sous un climat compara¬
ble à celui du midi de la France, avec des rues spacieuses
et quelques beaux monuments.
MELBOURNE (194,000 hab.), capitale de Victoria, bâtie au
fond du vaste port Philipp, à une petite distance du rivage,
sur les bords de la rivière Yarra-Yarra (Voir la figure 74).

Cette ville, fondée en 1837, s'est rapidement agrandie à la


suite de la découverte des terrains aurifères ; c'est aujour-
d'hui une grande cité parée de monuments dans le style
grec et romain et munie de toutes les institutions des peu-
ples civilisés, bibliothèque, musées, observatoire, univer-
sité, écoles de divers genres, etc.
112. Les voies de communication. —Un des premiers
soucis des peuples civilisés est de se créer des voies de com-
munication facile : aussi les colonies australasiennes ont
de bonnes routes de poste ; de plus, 1.600 kilom. de chemins
de fer vont, d'une part, de Melbourne autour du port Phi-
lipp, à Ballarat, au Murray ; d'autre part, de Sydney aux
montagnes Bleues, etc. Des lignes de télégraphie électrique
font communiquer entre elles les cinq capitales de l'Aus-
tralie orientale et les principales villes, longent la côte
orientale et traversent l'intérieur du continent du sud au
nord, pour se relier au réseau malais et par suite à l'Eu-
rope, au moyen d'un câble sous-marin.
Une active navigation complète ces moyens de commu-
nication sur les côtes sud-est et relie l'Australie à la Tas-
manie et à la Nouvelle-Zélande ; d'autre part, sans comp-
ter les bâtiments de commerce, des paquebots faisant le
service de la malle relient l'Australie, 1° par Sydney et Mel-
bourne, à Pointe-de-Galle et par conséquent a l'Europe ;
2° par Sydney et Brisbane, à Singapore et par conséquent
à l'Asie orientale et à la Malaisie ; 3° par la Nouvelle-Zé-
lande, à Honolulu et San-Francisco, et, par conséquent, à
toute l'Amérique.
143. Le commerce. — Presque tout le COMMERCE EXTÉRIEUR
de ces colonies se fait par mer ; une petite partie seule-
ment des transactions a lieu par l'intérieur entre les colo-
nies d'Australie. Ce commerce s'élève au chiffre de 16 à
1,700 MILLIONS DE FRANCS. Le cabotage, très-actif entre les
diverses colonies de l'Australasie, y entre pour une valeur
de 5 à 600 millions de produits importés du dehors ou pro-
venant des colonies mêmes. Le commerce avec les pays
lointains comprend le reste : l'ANGLETERRE vient, en pre-
mier lieu, pour une somme de près de 700 millions ; en
second lieu, les ports de l'océan Indien et du Pacifique, où
Sydney et Melbourne figurent parmi les centres d'attrac-
tion les plus puissants : ces ports sont Pointe-de-Galle, Mau-
rice, Batavia, Singapore, San-Francisco, Panama et Hong-
kong ; en troisième lieu, les pays d'Europe autres que la
Grande-Bretagne. La France n'expédie pas directement
pour plus de 4 à 5 millions dans ces contrées auxquelles elle
fournit du vin ; mais une assez grande quantité de produits
français y parvient par voie d'Angleterre.
Une terre nouvelle, inculte et presque sans limites, a
besoin surtout de cultivateurs ; aussi les COLONS sont-ils re-
gardés comme la plus précieuse richesse que cette région
puisse se procurer, et les gouvernements australasiens ne
négligent aucun moyen pour les attirer.
144. les ports. — Les principaux ports sont :
Brisbane, dont presque tout le commerce, c'est-à-dire
près de 70 millions sur un total de 95, en 1866, se fait avec
les autres colonies australiennes : l'importation consiste
en objets manufacturés, machines, diverses denrées, sucre,
thé, vin, pour la consommation de ses colons ; l'exporta-
tion ne comprend guère que le produit des moutons de
Queensland, lame, peaux, suif et un peu d'or.
SYDNEY, un des deux grands marchés de l'Australasie,
fait un commerce d'enriron 440 millions de francs. Là af-
fluent des colonies voisines, l'or, la laine, les peaux et la
farine ; d'Angleterre, les cotonnades, la bière, l'eau de-vie,
le fer, la quincaillerie, la papeterie, les chaussures, le ta-
bac et le vin ; de Maurice, de Manille, de Java et de la
Réunion, le sucre ; de Chine, le thé ; de France, l'eau-de-vie
et le vin. Il en sort l'or, la laine, le suif et les peaux, des-
tinés principalement à l'Angleterre ; la houille, le sucre, le
thé, les tissus et les objets manufacturés, destinés aux ports
de l'Australasie. Dans ce commerce, où la part de l'An-
gleterre est de plus de 130 millions, la France par ses
importations et exportations directes n'atteint pas 1 mil-
lion.
MELBOURNE, la rivale de Sydney, est avantageusement
placée au fond d'une très-vaste haie. Ses importations d'ar-
ticles pour vêtement et ameublement, draperie et mercerie,
chaussures, lainages, vêtements, cotonnades, de denrées
alimentaires, sucre et mélasse, thé, spiritueux, bière, vin,
d'objets divers, quincaillerie, librairie, etc. ; ses exporta-
tions de LAINE et d'OR, constituent un commerce de plus de
600 millions de francs. L'Angleterre y figure au premier
rang, pour près de 400 millions ; au second rang viennent
les colonies australasiennes; puis les ports de l'océan In¬
dien et des mers de l'Asie orientale, Pointe-de-Galle, Mau-
rice, Batavia, Hong-kong, etc. La part de la France se
bornait, en 1865, à 4 millions en eaux de-vie et vins, ve-
nant de la Charente, de Bordeaux et de Marseille.
Geelong situé vers l'entrée du port Philipp, Port-Albert,
Port Fairy, etc., sont les satellites de Melbourne.
Port-Adélaïde, situéau fond d'une baie, à une dizaine de
kilomètres au nord d'Adélaïde, la capitale de l'Australie
méridionale, fait avec l'Angleterre, les colonies australa-
siennes et quelques ports de l'océan Indien, un commerce
d'environ 100 millions. Il consiste en importations de lai-
nages, de cotonnades, de ler ouvré, de denrées alimentai-
res ; et en exportation de laine, de cuivre et de farine.
Port-Wakefield, Port-Robe, etc., sont ses satellites.
Albany, Iremantle, etc., ports de l'Australie occiden-
tale, font avec l'Angleterre, les colonies australasiennes, la
Chine, Singapore, Maurice, l'Inde et Batavia un commerce
d'une dizaine de millions. Ils importent des lainages, du
thé, du café, du tabac, etc. ; et exportent de la laine, du bois
de sandal, de la farine, du minerai de cuivre et de plomb.
Hobart-town et Launceston, les deux ports de la Tasma-
nie, reçoivent de Melbourne la majeure partie de leurs ap-
provisionnements, et exportent de la laine, des bois, etc.,
sans atteindre au chiffre de 50 millions pour le total de
leur commerce.
Auckland, l'ancienne capitale de la Nouvelle-Zélande ;
Nelson et Wellington, situés dans le détroit de Cook ; Du-
nedin, dans le riche district aurifère d'Otago, sont les ports
de la Nouvelle-Zélande, qui fait avec les colonies d'Aus-
tralie, avec la Grande-Bretagne, Maurice et les États-Unis
un commerce d'environ 250 millions. Elle importe des
lainages, des spiritueux et des vivres ; elle exporte de la
poudre d'or, des laines, du bois, de la houille.
POLYNÉSIE.

145. La production. — La Polynésie n'est composée que


de petites îles madréporiques ou volcaniques, situées pres-
que toutes dans la zone tropicale et assez semblables les
unes aux autres par leurs productions végétales, telles que
l'arum esculentum qui donne la fécule dite « taro », princi-
pal aliment des habitants avec l'arrow-root, l'arbre à pain
(fig. 75), le cocotier, le goyavier, qui poussent à l'état sauvage

dans les vallées et dans les terrains bas ; le mûrier à papier


dont les indigènes, surtout dans les îles Taïti, font des étoffes
dites « tapa. » La culture y a ajouté quelques céréales, sur-
tout le riz, qui vient dans les basses vallées. La canne à
sucre a pris un grand développement dans les îles Haiwaii
où le caféier, le cotonnier, l'oranger et le citronnier abon-
dent également.
Les îles Hawaii ont, relativement à leur population qui,
jusqu'à ces dernières années, n'avait cessé de décroître,
un assez nombreux bétail (60,000 boeufs, 100,000 moutons,
56,000 chèvres, 26,000 chevaux).
146. La pêche. — Indépendamment de la pêche côtière
à laquelle se livrent les indigènes, la pêche de la baleine
(Voir la fig. 76) a dans ces régions plus d'importance que

partout ailleurs. Les parages de l'océan Glacial du Sud, où


l'on ne trouve plus guère que la baleine noire dont l'huile
est de qualité médiocre, sont toutefois moins fréquentés
que ceux de la mer de Behring, de la mer d'Okhotsk, de
l'océan Glacial du Nord et de la côte de Californie, qui
donnent de meilleurs produits, et dont Honolulu est le
principal port de relâche. Cependant la diminution du
nombre des cétacés et la difficulté de les atteindre rendent
chaque année le nombre des baleiniers moins considéra¬
ble ; les Américains ont, pour ainsi dire, aujourd'hui le
monopole de cette pêche qui, bon an mal an, fournit 3,000
tonnes d'huile (1) et une centaine de tonnes de fanons. Les
Français l'ont abandonnée ; les Allemands tendent à les
remplacer.
147. Le commerce. — Le peu d'étendue de chacune des
îles polynésiennes et l'uniformité de leurs productions
font que le commerce y est peu important. On n'y trouve
que deux ports fréquentés :
Papeete, dans l'île de Taïti, un des refuges fréquen-
tés naguère par les baleiniers de la mer du Sud, fait un
certain commerce avec la côte d'Amérique et la France
(Voir la France avec ses colonies).
Honolulu, capitale du royaume des îles Hawaii ou Sand-
wich, est placée sur la grande route maritime de la Cali-
fornie au Japon, à 18 jours des pêcheries de la mer de
Behring, et semble destinée à devenir un des principaux
entrepôts du commerce du Pacifique. Bâtie dans l'île de
Woahoo, au pied de montagnes qui l'abritent des vents du
nord, la ville a un bon port aux eaux profondes, et jouit
d'un climat toujours tempéré par les brises de mer. Elle
importe des tissus, cotonnades, lainages, des objets d'habil-
lement, de l'épicerie, de la quincaillerie, de la bière, etc. ;
elle exporte du sucre pour une valeur qui, depuis dix ans,
augmente rapidement d'année en année, et qui dépasse au-
jourd'hui 1,000 tonnes, de la mélasse, du riz, du café, des
bois d'ébénisterie, des champignons que recherchent les
Chinois ; et elle sert d'entrepôt aux baleiniers qui y font
trafic de leur huile et de leurs fanons. Le commerce total
est de 15 à 20 millions de francs ; il a lieu avec les États-
Unis, surtout avec San-Francisco, avec l'Angleterre et avec
l'Allemagne par Brême. Environ 200 baleiniers entrent cha-
que année dans son port ; ce nombre était, il y a dix ans,
beaucoup plus considérable.

1. L'huile de cachalot est cotée plus cher que l'huile de baleine.


148. Comparaison des forces productives de l'Océanie.
— L'Océanie, comme son nom l'indique, tire sa caractéris-
tique de l'Océan. Les îles, disséminées sur un immense
espace, forment trois groupes très-distincts.
Celui de la Polynésie n'est pour ainsi dire qu'océan et ne
possède qu'une place de commerce de quelque impor-
tance, Honolulu.
Celui de la Malaisie, le plus voisin de l'Asie, le plus an-
ciennement connu et le plus peuplé, a les productions des
pays chauds : le RIZ, le CAFÉ, le SUCRE, le TABAC, les ÉPICES
et surtout le poivre, etc. ; on y trouve aussi L'ETAIN. Mais son
territoire, occupé par des Malais et par diverses races indi-
gènes au nombre d'environ 30 à 33 millions d'individus,
dont la civilisation est demeurée dans un état tout rudi-
mentaire, ne produit qu'une petite partie des richesses
qu'elle pourrait donner, et cette production n'a guère lieu
que dans les îles soumises aux Européens, Hollandais ou
Espagnols aussi BATAVIA et Manille sont-ils ses deux prin-
:
cipaux marchés.
Celui de l'Australasie, tout composé de COLONIES AN-
GLAISES, est non-seulement soumis aux Européens, mais il
est cultivé par eux. Quoiqu'une notable partie de la popu-
lation ait été formée au début d'éléments impurs, les qua-
lités laborieuses de la race qui en exploite certaines por-
tions lui ont valu le rang important qu'il commence à
prendre dans le commerce du monde. Placé dans la zone
tempérée, il a à peu près les cultures de l'Europe, bien que
la nature lui eût assigné une faune toute particulière ; sa
principale richesse agricole est la LAINE des moutons, et sa
principale richesse minérale, l'OR des placers. MELBOURNE
et SYDNEY sont ses grands ports.
Le commerce de l'Océanie, commerce tout maritime,
excepté entre Victoria et la Nouvelle-Galles du Sud, peut
être évalué à UN PEU PLUS DE 2 MILLIARDS DE FRANCS
(2,200 millions environ), très-inégalement répartis entre les
trois groupes : celui de la Polynésie ne monte guère qu'à
une vingtaine de millions ; celui de la Malaisie, à 5 ou 600
millions ; celui de l'Australasie, à 16 ou 1,700 millions. Pour
une population totale qui ne paraît guère dépasser 35 mil-
lions d'individus, la proportion du commerce par tête est
notablement supérieure à celle de l'Afrique ; elle est pres-
que le double de celle de la Russie.
Dans ce commerce, l'Angleterre figure pour plus du tiers,
c'est-à-dire pour environ 800 millions, et, si l'on considère,
non pas les pays de provenance et de destination, mais le
pavillon sous lequel les produits sont transportés, elle fi-
gure pour plus de moitié ; la Hollande, à cause de ses colo-
nies, est au second rang ; les États-Unis, l'Espagne, l'Alle-
magne au troisième ; le commerce direct de la France avec
l'Océanie n'est que de 8 millions.
Des trois grands ports de l'Océanie, Batavia, Sydney,
Melbourne, le commerce rayonne dans les mers de Chine
et principalement vers Singapore, dans l'océan Indien et
principalement vers Maurice et Pointe-de-Galle, dans le
Pacifique et principalement vers San-Francisco et Panama.
Des services réguliers de bateaux à vapeur relient ce monde
océanique aux deux grands continents : 1° pour l'ancien
continent, Manille à Shang-haï, Batavia à Singapore, Syd-
ney à Batavia et à Singapore, Sydney et Melbourne à Pointe-
de-Galle ; 2° pour le nouveau continent, la Malaisie et
l'Australie à San-Francisco par Honolulu.
SEPTIÈME PARTIE

L'AMERIQUE DU NORD

1re Section.

LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE
(Voir la carte n° 19.)

149. La situation et les dimensions. — L'AMÉRIQUE DU


NORD est la partie septentrionale du continent américain
ou nouveau continent : elle s'étend du nord au sud, depuis
les régions polaires, encore incomplètement connues,
jusqu'à 8°,5' de latitude nord, où l'isthme de Panama la
rattache à l'Amérique du Sud ; et de l'ouest à l'est, du 170e
degré de longitude occidentale (cap du Prince de Galles),
au 24° degré de longitude occidentale (extrémité nord-
est du Groenland). Sa longueur est de 8,000 kilom. ; sa plus
grande largeur de 6,400 kilom., du cap du Prince de Gal-
les au cap Race. Sa SUPERFICIE est d'environ 22 MILLIONS DE
KILOMÈTRES CARRÉS, soit plus du double de celle de l'Eu-
rope.
Elle a à peu près la forme d'un triangle ou, pour parler
plus exactement, elle a, comme l'Amérique du Sud, la
forme d'un quadrilatère allongé en forme de triangle, dont le
sommet est tourné vers le sud. Les deux côtés occidentaux,
qui sont comme le prolongement l'un de l'autre, s'étendent
du cap du Prince de Galles au cap San-Lucas et du cap San-
Lucas à la pointe Burica ; ils sont bornés par le DÉTROIT DE
BEHRING, séparation da l'ancien et du nouveau continent,
par la mer de Behring et par l'OCÉAN PACIFIQUE. Ils pré-
sentent une longue proéminence, la presqu'île Alaska, for-
mée par l'extrémité nord-ouest du continent et dont les
îles Aléoutiennes sont comme la continuation ; et un en-
foncement curviligne creuse peut-être par le grand cou-
rant marin du sud-ouest. Le côté oriental, profondément
échancré par l'enfoncement presque circulaire du golfe
du Mexique, qu'a peut-être creusé le courant équatorial,
et par la mer de Baffin, le grand couloir des eaux polaires,
s'étend du cap Burica, dans l'isthme de Panama, au cap
Brewster, au nord-est du Groenland ; il est borné par
l'OCÉAN ATLANTIQUE et par les mers secondaires et les golfes
que celui-ci forme sur la côte : GOLFE DU MEXIQUE, golfe du
Saint-Laurent, DÉTROIT DE DAVIS et BAIE D'HUDSON. Le côté
septentrional, du cap Brewster au cap du Prince de Gal-
les, est une ligne que l'état des connaissances géographiques
ne permet pas de déterminer exactement ; il est borné par
l'OCÉAN GLACIAL et, sur divers points, profondément pé-
nétré par ses détroits et ses mers secondaires, la baie de
Baffin, etc.
150. Les côtes et les îles. — La côte de l'Amérique du
Nord peut se diviser en quatre sections :
1° La côte de l'océan Glacial, presque partout glacée,
un peu moins basse en Amérique qu'en Asie, est cependant
marécageuse, excepté dans le voisinage du plateau, et ne
présente partout que des terres stériles. Elle projette deux
longues presqu'îles, la presqu'île Boothia et la presqu'île
Melville, et s'enfonce profondément pour envelopper de
ses rochers souvent à pic la BAIE D'HUDSON, dont l'entrée est
fermée par une terre glacée et également rocheuse, appe-
lée l'île de Southampton, et qui est peut-être un groupe
d'îles. Par le détroit d'Hudson, cette baie débouche dans
le détroit de Davis et dans l'Atlantique.
Au nord de cette côte, s'étend l'archipel des TERRES ARC¬
TIQUES : l'île Baring, l'île Melville, la terre Wollaston, la
terre du Prince Albert, la terre Victoria, les îles Parry, les
terres de Baffin, comprenant l'île Cockburn, l'île Cumber-
land, etc., et autres terres qui jamais ne se dépouillent de
leur enveloppe de neige et que des détroits glacés unissent
plus qu'ils ne les séparent. C'est entre ces îles que sont les
détroits qui constituent le passage nord-ouest (voir § 34).
A l'est de la BAIE DE BAFFIN, est le GROENLAND, dont on
évalue la superficie à 1 million de kilomètres carrés, mais
dont on ne connaît ni les côtes septentrionales, ni l'inté-
rieur. C'est un plateau granitique, haut d'environ 700 mè-
tres et recouvert partout, excepté sur le rivage, d'une
énorme épaisseur de neige congelée. A l'est, cette masse
progressivement croissante de frimas borde de très-près la
mer et rend inhabitable aujourd'hui un rivage qui eut,
au moyen âge, des colonies danoises assez florissantes
et qu'on avait surnommé « la terre verte » (Groenland). A
l'ouest, sous l'action d'un courant détaché du Gulf-Stream,
la masse glaciaire est éloignée d'une cinquantaine de kilo-
mètres du rivage, lequel est rocheux, abrupt, profondément
entaillé par des fiords, comme presque tous les rivages oc-
cidentaux voisins de la région boréale. C'est au fond de ces
fiords que la nappe de neige se déverse par d'immenses
glaciers, et que tombent ces montagnes de glace (ice-bergs)
qu'on voit ensuite, à l'époque de la débâcle, flotter jusque
sur le banc de Terre-Neuve.
2° La côte de l'océan Atlantique se divise elle-même du
nord au sud en plusieurs parties distinctes :
La côte de la PRESQU'ÎLE DU LABRADOR est haute, sombre,
rocheuse, aride, semée d'îlots, coupée de fiords au nord-
est et presque toujours enveloppée de brouillards ;
Le GOLFE DU SAINT-LAURENT, dans lequel débouche le
fleuve du Saint-Laurent, est bordé au nord par la côte ro-
cheuse du Labrador ; au sud par le haut promontoire de
Gaspé et par les roches qui terminent la chaîne de Notre-
Dame, puis par le rivage bas du NOUVEAU-BRUNSWICK et par
le plateau péninsulaire de la NOUVELLE-ÉCOSSE. Dans l'inté-
rieur du golfe, sont plusieurs grandes îles : Anticosti, située
à l'embouchure même du fleuve, île de formation silu-
rienne et dont les rivages offrent des falaises au nord et, au
sud, une plage basse avec des marais salants ; l'île du prince
Edouard, au sol ondulé et fertile ; et l'île du cap Breton,
montueuse et presque coupée en deux par des golfes pro-
fonds. A l'entrée du golfe, TERRE-NEUVE, est une grande île
triangulaire avec sa pointe principale, la presqu'île d'Ava-
lon terminée par le cap Race, tournée à l'est, vis-à-vis du
banc de Terre-Neuve ; c'est une terre montueuse, parsemée
de lacs et de tourbières, ayant des côtes escarpées, presque
constamment perdue dans les brouillards et séparée du
Labrador, au nord, par le détroit de Belle-Isle ; ces parages
sont au nombre des plus poissonneux du globe.
La côte septentrionale des États-Unis jusqu'au 33e degré
commence sur la longue baie de Fundy qu'abrite, à l'est,
la Nouvelle-Écosse, et qui est célèbre par ses fortes ma-
rées (v. § 39) et par ses longues plages, couvertes de tan-
gue fertilisante. Au sud de cette baie, s'étend une côte
rocheuse, généralement élevée, profondément découpée
par de vastes estuaires et par de petites et grandes baies,
très-favorable à l'établissement de ports et, par consé-
quent, au développement du commerce : baie du cap Cod,
baie de Narraganset, détroit de Long-Island (Long-Island
Sound) séparant le continent de l'île de Long-Island, « île
longue », dont la pointe occidentale est vis-à-vis de l'em-
bouchure de l'Hudson ; baie de la Deluware, baie Chesapeake
qui, depuis le cap Charles jusqu'à l'embouchure du Sus-
quehannah, a une profondeur de 275 kilomètres.
La côte méridionale des États-Unis, depuis le 33e degré,
est une côte plate, bordée au nord par de vastes tourbières
et marais, tels que le Dismal swamp, etc., et pénétrée
par d'immenses lagunes, l'Albemarle-sound, le Pamlico
sound, etc. Devant ces lagunes est une étroite et basse
digue de sable, dont la pointe la plus avancée est le cap
Hatteras, et qui se découpe en plusieurs îles. Au sud est la
longue presqu'île de la FLORIDE, bordée de lagunes dans
l'eau desquelles croissent des cyprès d'une espèce toute
particulière : elle est hérissée de récifs madréporiques,
dits « keys », qui défendent les marécages de la presqu'île
contre le Gulf-Stream.
En face de cette côte, à 1,200 kilomètres en mer, est le
groupe des ÎLES BERMUDES, rochers madréporiques, sans
rivières et sans sources, mais fréquemment arrosés par la
pluie ; fertiles d'ailleurs et jouissant d'un climat doux.
3° La côte du golfe du Mexique et de la mer des Antilles
est basse, bordée de lagunes et de marécages et recourbée
en forme d'ovale, depuis le CAP SABLE, qui est l'extrémité
méridionale de la Floride, jusqu'au CAP CATOCHE, qui est
l'extrémité septentrionale du YUCATAN et qui sépare le
GOLFE DU MEXIQUE de la MER DES ANTILLES. On y trouve la
baie Mobile, peu profonde, et une longue chaîne d'îles
basses jusqu'au Mississipi, dont le vaste delta boueux abri-
tant le lac Pontchartrain et le lac Borgne, s'avance au
sud-ouest, comme un long promontoire. Le fond de l'o-
vale est occupé par la baie de Campêche, séparée du
Pacifique par l'isthme de Tehuantepec, large de 230 kilo-
mètres, et peu accessible sur la côte occidentale du Yuca-
tan à cause d'un vaste banc de sable.
A l'est du Yucatan, la côte, presque toujours basse, mais
bordée de près par les terrasses de la chaîne centrale,
contourne le golfe de Honduras : elle forme ensuite, avec
la côte déserte, basse et marécageuse des Mosquitos, un vaste
promontoire, prolongé encore par un banc de sable qui
s'avance à plus de 300 kilomètres en mer et sur lequel
il n'y a, presque nulle part, plus de 30 mètres de fond.
Plus loin s'ouvre le golfe de Nicaragua, au fond duquel a
lieu la limite des deux Amériques.
A l'est du cap Catoche, et séparée du continent par un
détroit de 180 kilomètres, dit canal de Yucatan, commence
la longue chaîne des ANTILLES. Elle s'étend, de l'ouest à
l'est, sur une longueur de 2,200 kilomètres, sous la déno-
mination de grandes Antilles et d'îles Vierges ; puis, sur une
longueur de près de 1,000 kilomètres du nord au sud,
sous le nom de petites Antilles : c'est une véritable chaîne
de montagnes qui continue les chaînes de l'Amérique et
qui, coupée en cent endroits par les courants marins,
joue dans l'économie générale du continent américain le
même rôle que les îles de la Malaisie dans celui du conti-
nent asiatique (§ 128). Les grandes Antilles sont de l'ouest
à l'est :
CUBA, île étroite, mais longue de 1,000 kilomètres, avec
une arête montagneuse dont les flancs sont couverts de
pâturages, semés de quelques bouquets de bois et dont
le principal sommet atteint presque 3,000 mètres : ses
côtes généralement basses, marécageuses, sont toutes bor-
dées d'îlots et de récifs madréporiques appelés « cayes ».
La partie du sud-est et celle du nord-ouest, qui font excep-
tion, sont élevées, sans récifs, et renferment plusieurs
belles rades naturelles. L'île marécageuse des Pins, située
au sud-ouest, est comme une dépendance de Cuba. Plus
au sud encore, sont le grand et le petit Caïman.
HAÏTI, dont le nom signifie « pays montueux », le justi-
fie par ses chaînes boisées de cèdres, d'ébéniers, d'aca-
jous : elle est séparée de Cuba par la passe du Vent ; les
côtes sont généralement d'un accès facile, découpées de
baies nombreuses, dont la plus importante est la baie des
Gonaves à l'ouest.
Au sud-ouest de la baie des Gonaves, la JAMAÏQUE est
traversée par une chaîne rocheuse et escarpée, au pied de
laquelle s'étalent des plaines fertiles.
A l'est d'Haïti, l'île de PUERTO RICO est également mon-
tueuse.
Les îles Vierges, situées entre la passe des îles Vierges et
la passe de Sombrero, sont un petit groupe composé de
Saint-Thomas, de Sainte-Croix, etc., et auquel sa situation
donne une certaine importance commerciale.
Les PETITES ANTILLES sont la plupart montueuses, volca-
niques, boisées sur les sommets et les pentes, et fertiles
dans les vallées. Elles forment trois groupes : celui du
nord ne comprend que de très-petites îles, Saint-Christo-
phe, Antigoa, la Barboude, île basse et madréporique, etc. ;
celui du centre a les plus belles îles, la Guadeloupe, la
Dominique, la Martinique, Sainte-Lucie, et, en avant du
groupe, la Barbade ; celui du sud, des îles moins impor-
tantes, Saint-Vincent, Grenadilles, Grenade, Tabago et la
grande île de LA TRINITÉ, située sur la côte de l'Amérique
méridionale.
Au nord de Cuba, est un grand archipel tout construit
par des coraux et des madrépores qui ont élevé, entre la
Floride et Haïti, une digue massive et gigantesque de près
de 700 kil. de longueur sur 400 de largeur, laissant à peine
à la mer une profondeur moyenne de 5 mètres. Entre les
milliers d'îlots bordés de récifs qui sont les sommets de
cette digue, s'ouvre un petit nombre de passes accessibles
aux navires : le CANAL DE LA FLORIDE, entre la Floride et
l'archipel, par où s'échappe le Gulf-stream ; le vieux canal
de Bahama, entre Cuba et le principal massif madrépori-
que, dit grand banc de Bahama, etc. Ces ilôts forment le
groupe des îles Lucayes : la principale est la Nouvelle-
Providence. C'est sur le rivage d'une de ces îles, proba-
blement de Watling, nommée Guanahani par les naturels,
qu'aborda Christophe Colomb, le 12 octobre 1492 (Voir § 47).
Au sud-est des Lucayes sont les Cayes et les îles Turques.
4° La côte du Pacifique est, au début, dans sa partie
méridionale, bordée de lagunes avec quelques ports et
quelques baies, la baie de Nicoya, la baie de Fonseca, le
golfe de Tehuantepec, et la perspective lointaine des volcans
de l'Amérique centrale. Elle est agreste, montagneuse, peu
hospitalière et presque déserte dans la partie centrale, où
se trouvent le cap Corrientes et, en face, les îles Révilla-
gigédo, le GOLFE DE CALIFORNIE, ou mer Merveille, la PRES-
QU'ÎLE DE CALIFORNIE, avec le cap San-Lucas et des côtes
arides et monotones. Dans la partie septentrionale, elle est
montueuse, boisée, plus découpée, et l'eau y a générale-
ment plus de profondeur ; elle est bordée de près par la
chaîne de la Côte, au milieu de laquelle s'ouvre la « porte
d'or » donnant entrée dans la magnifique baie de San-
Francisco ; plus au nord, est le cap Mendocino. Puis, la côte
devient rocheuse, escarpée, profondément découpée par
des fiords, comme presque toutes les côtes occidentales
du nord. Une suite non interrompue de grandes îles
rocheuses la borde : l'île de Vancouver, séparée de la terre
ferme par le détroit de Jean de Fuca ; l'archipel Nord-
Ouest ou Archipel de la reine Charlotte, etc. La longue
PRESQU'ÎLE ALASKA, à laquelle font suite les îles Aléoutiennes,
groupe tout volcanique, sépare la côte du Pacifique pro-
prement dit de la côte glacée de la MER DE BEHRING, que
le DÉTROIT DE BEHRING met en communication avec l'océan
Glacial.
151. Le relief du sol. — Vue à vol d'oiseau, l'Amérique
du Nord apparaîtrait comme une vaste terre triangulaire,
dont le côté septentrional, comme celui de l'ancien con-
tinent est l'extrémité d'une pente extrêmement douce se
perdant dans l'océan Glacial. Le côté occidental formé par
l'océan Pacifique est bordé, à quelque distance de la mer
et dans toute sa longueur, par un haut et large PLATEAU,
semblable à un long môle, ayant une direction sud-sud-est,
hérissé de montagnes, surtout sur ses deux talus, et qu'on
peut désigner sous le nom générique de RÉGION DES MONTA-
GNES ROCHEUSES ; le côté oriental est également bordé,
mais dans une partie seulement de sa longueur, par un
autre plateau montagneux, beaucoup plus étroit et beau-
coup moins élevé, qu'on peut désigner sous le nom de
région des monts Appalaches et dont la Floride, au sud, et le
promontoire de Gaspé, au nord, sont en quelque sorte les
prolongements. Entre chacun de ces plateaux et l'Océan,
est une longue plaine, généralement assez étroite, sur-
tout entre le Pacifique et la région des montagnes Rocheu¬
ses ; entre les deux plateaux, une PLAINE immense s'étendant
de l'océan Glacial au golfe du Mexique. Cette plaine, tra-
versée au nord-est par un plateau granitique d'élévation
médiocre, s'incline au centre et au sud, soit par des talus
de terrasses, soit le plus souvent par une pente extrême-
ment douce, vers une vallée centrale ; mais elle n'offre, au
point de partage, que des pentes tout à fait insensibles
pour-diriger les eaux dans l'un ou l'autre océan.
L'Amérique, d'après ces notions d'ensemble, peut se
diviser en neuf régions distinctes :
1° La RÉGION DES MONTAGNES ROCHEUSES, qui forme la prin-
cipale arête de l'Amérique du Nord. C'est un énorme mas-
sif de hautes terres, plateaux et montagnes, dont le déve-
loppement n'est pas moindre de 8,500 kilomètres depuis
la presqu'île Alaska, jusqu'à l'isthme de Panama, et dont la
superficie est de 4 à 5 millions de kilomètres carrés.
La partie septentrionale du PLATEAU, dans le territoire
d'Alaska et jusque vers les sources de la rivière de la Paix,
n'a qu'une médiocre élévation, de 4 à 500 mètres en
moyenne, de 1,000 seulement sur la crête. Toutefois, sur
la côte du Pacifique, une des principales régions volcani-
ques du globe, deux volcans se dressent à une hauteur de
plus de 5,000 mètres, le mont Saint Elie (5370 mètres), et
le mont Fairweather ; et la côte elle-même est hérissée de
rochers, coupée de fiords et flanquée d'îles montagneuses.
Au nord, vers le 65e degré, la ligne des hauteurs inclinant
à l'ouest se prolonge dans la presqu'île Alaska et les îles
Aléoutiennes ; vers le sud, la hauteur moyenne de la chaîne
dépasse 600 mètres.
Le plateau s'élève et s'élargit considérablement entre la
rivière de la Paix et le rio Gila ; il forme une sorte de fu-
seau dont la largeur est à peu près de 1,000 kilomètres aux
deux extrémités, de 1,600 kilomètres au centre, et dont
l'altitude moyenne atteint bientôt 1,000 mètres et même
1,500 mètres dans la partie centrale.
Du côté de l'ouest, ce fuseau est bordé par la chaîne des
Cascades, ainsi nommée à cause des hautes et nombreuses
chutes que forment les rivières du plateau en descendant
dans la plaine riveraine du Pacifique : cette chaîne escar-
pée, très-boisée de magnifiques conifères, renferme des
sommets hauts de 3,000 à 3,800 mètres, le mont Rainier,
le mont Hood, le mont Saint-Helens, etc. La SIERRA NEVADA
qui la continue en a qui dépassent 4,000 mètres comme le
MONT SHASTA (4,400 m.). Cette chaîne descend brusque-
ment, sur le versant occidental, en pentes roides et en
murailles abruptes vers une terrasse d'environ 200 kilomè-
tres qui se relève, en approchant du Pacifique, par un
talus montagneux dit chaîne de la Côte : c'est au mont
Shasta que cette chaîne se détache de la Sierra Nevada.
Sur le versant oriental, au contraire, elle ne présente guère
que des pentes douces qui se confondent bientôt avec le
Plateau. Quant à la chaîne de la Côte, elle se prolonge par
un dos de pays peu élevé, mais très-aride, jusqu'au cap
San-Lucas à l'extrémité de la Vieille-Californie.
Du côté de l'est, le fuseau est bordé par les MONTAGNES
ROCHEUSES proprement dites, masse gigantesque, longue
de plus de 3,000 kilomètres, large en moyenne, de près de
500, composée elle-même d'un réseau compliqué de chaî-
nes secondaires dont les principaux sommets égalent en
hauteur et dépassent même les grands sommets des Alpes :
MONT BROWN (4,830 m.), mont Murchison (4,815m.), mont
Hooker (4,780 m.), pic Frémont (4,500 m.), Long's peak ou
Bighorn (4,070 m.), pic Laramie, Pike's peak, monts
Vutoya, ou pics Espagnols, etc. Ce sont des montagnes de
granit, avec quelques coulées de basalte et des volcans
éteints ; les sommets sont nus, décharnés, abrupts comme
ceux de toutes les chaînes granitiques ; par le revers occi-
dental, on descend promptement de la crête sur le plateau ;
par le revers oriental, on trouve de longs contre-forts tout
revêtus de forêts de pins, de chênes, de hêtres, et, entre
ces contreforts, de profondes vallées avec quelques forêts
ou de vastes pâturages qui conduisent jusque dans la haute
plaine du Mississipi. Dans la partie septentrionale de la
chaîne, la crête, en général, domine de peu le plateau ;
on la gagne de la plaine par des pentes douces, et l'accès
des hautes terres est facile ; dans la partie centrale et mé-
ridionale, les cols sont à une grande altitude et deviennent
plus rares à mesure qu'on s'avance vers le sud. Des flancs
de ce massif, les eaux divergentes coulent vers la baie
d'Hudson au nord-est ; l'océan Pacifique à l'ouest ; la mer
Vermeille au sud-ouest ; la vallée du Mississipi et le golfe
du Mexique à l'est et au sud-est : le point le plus remar-
quable du partage des eaux est à la Passe du Sud, haute
de 2280 m., et située à peu de distance du pic Frémont.
La partie principale du plateau, située entre la vallée
de l'Orégon et celle du Colorado, et fermée à l'ouest par
la Sierra Nevada et à l'est par les monts Wahsatch qui ont
800 kilomètres de longueur sur 220 de largeur, est dési-
gnée sous de nom de GRAND-BASSIN. On l'a assez justement
comparé à une plaine primitivement unie qu'une forte
compression, opérée dans le sens de l'ouest à l'est, aurait
plissée et sillonnée de petites chaînes parallèles. La plupart
de ces chaînes sont granitiques, orientées presque toutes
du nord au sud, et ont au-dessus du plateau une altitude de
1,000 à 1,500 mètres ; leurs flancs sont couverts de forêts
de pins et autres conifères de grandes dimensions au nord
et au centre ; de pins, cèdres et acajous de petite taille au
sud. Sauf quelques exceptions, les plaines sont pour la
plupart stériles, sablonneuses, désertes, couvertes çà et là
d'efflorescencessalines : paysage désolé qui ne présente de
végétation que sur les flancs des montagnes ou le long des
cours d'eau. Les montagnes qui enveloppent le Grand-
Bassin privent ses vallées intérieures de toute communica-
tion avec l'Océan. Au sud se trouve le désert de Colorado.
La partie méridionale du plateau, séparée de la précé-
dente par une dépression très-marquée, où coule le rio
Gila, est désignée plus particulièrement sous le nom de
PLATEAU DU MEXIQUE. Elle forme une sorte de triangle dont
la base, au nord, a encore 1,000 kilomètres, et dont la
pointe se prolonge jusqu'à l'isthme de Tehuantepee. Elle
est sillonnée vers sa partie centrale par la Sierra Verde et
la Sierra Madre, hautes de 2,000 à 4,000 mètres. Le talus
occidental de cette partie du plateau est composé de plu-
sieurs chaînes, la Sierra Chiricahui, la Sierra Santa-Catha-
rina, la Sierra Tepehuanes, etc., et d'une succession de
terrasses accidentées qui forment les provinces de Sonora
et de Cinaloa et descendent jusque vers la mer. Le talus
oriental, plus rapide, comprend la sierra de Cohahuila ; il
est ordinairement désigné, à cause du climat, sous le nom
de « terres tempérées », tandis que la plaine au-dessous
est appelé « terres chaudes », et le plateau « terres froi-
des ». Le nord de cette partie du plateau, appelé plateau de
Chihuahua (alt. 1,200 à 1,850 m.), présente une surface à peu
près unie, en grande partie déserte, surtout dans le Bolson
de Mapimi, et boisée dans les vallées. Le centre et le sud,
compris dans la région intertropicale, forment le plateau
d'Anahuac, haut de 1,800 à 2,300 mètres : c'est d'abord
une sorte de plaine haute, unie et froide ; mais, au sud, il
est traversé, de l'est à l'ouest, par un chapelet de volcans
éteints ou actifs dont plusieurs dépassent 4,000 et même
5,000 mètres : le pic d'Orizabu a 5,390 m., le Popocatepetl
(fig. 77) dont le nom signifie « montagne fumante »,
5,365 m., le Colima, 3,667 m.
L'ISTIIME DE TEHUANTEPEC est une plaine basse qui s'étend
sur une longueur de 230 kilomètres d'un océan à l'autre
et dont l'attitude ne dépasse pas 230 mètres.
Au delà se relève le PLATEAU DE L'AMÉRIQUE CENTRALE,
plateau très-accidenté, qui projette en longues terrasses,
du côté de l'Atlantique, la presqu'île du Yucatan et la côte
déserte des Mosquitos, et qui présente, sur la côte du Pa-
cifique, des pentes abruptes et une longue suite de volcans ;
vingt de ces volcans, le Pacaya, le volcan de Fuego, le
volcan de Agua (4,500 m.), le Sapotitlan, l'Amilpas, etc.,
sont encore en activité et se dressent pour la plupart en
chapelet isolé au pied de la chaîne. C'est dans le Guatemala
que ces volcans sont le plus nombreux et que le massif
montagneux est le plus élevé. Il s'abaisse à l'est et forme
une longue vallée, qu'occupe le lac Nicaragua, situé à une
altitude de 38 mètres seulement au-dessus du niveau de la

mer (1) ; puis il se relève encore une fois dans Costa-Rica ;


mais ce n'est plus qu'une série de plateaux étroits, étagés
jusqu'à une hauteur de 1,500 mètres et surmontés de
volcans.
2° La RÉGION DE LA CÔTE DU PACIFIQCE, qui n'existe pour
ainsi dire pas au nord de l'île de Vancouver, où la côte

1. A l'est du lac, le seuil le plus élevé au-dessus du Pacifique n'a


qu'une altitude de 53 mètres.
rocheuse plonge le plus souvent à pic dans la mer, se
montre sur certains points dans l'Orégon et la Californie,
où la vallée du San-Francisco et du San-Joaquin s'allonge
entre la Sierra Nevada et la chaîne de la Côte ; elle se dé-
veloppe au pied des terrasses du Mexique, sur toute la
côte orientale de la mer Vermeille, jusqu'au cap Cor-
rientes, et, plus loin, dans l'étroite plaine d'Acapulco.
3° La RÉGION DES PRAIRIES est une immense contrée qu'on
peut subdiviser en deux régions secondaires :
La région des hautes prairies de l'ouest, ou du plateau in-
férieur, commence au pied des montagnes Rocheuses,
descend insensiblement vers l'est, s'étend par un plateau
de terrains métamorphiques, dont l'altitude excède rare-
ment 600 mètres, jusque dans le Minnesota, avec des parties
boisées dans les fonds où coulent les rivières, mais sur-
tout avec d'immenses prairies et de belles vallées. Dans le
Manitoba, elle constitue un dos de pays qui sépare les
eaux de l'océan Glacial, de la baie d'Hudson, des grands
lacs et du golfe du Mexique ; mais les lignes de faite, dési-
gnées sous le nom de « portages », sont si peu sensibles que
des communications naturelles y ont lieu entre les divers
bassins. Dans le Wisconsin, ce n'est plus qu'une prairie
unie, haute de 400 à 200 mètres au-dessus du niveau de la
mer. Une inclinaison très-peu sensible a lieu vers le sud,
depuis le voisinage du lac Supérieur, où cette haute plaine
est fortement ondulée, jusqu'au confluent du Mississipi et
du Missouri, où elle se confond insensiblement avec la
région suivante, en prenant l'aspect d'une vaste prairie lé-
gèrement onduleuse qu'on a comparée à un océan tout à
coup solidifié. Au sud du Missouri, elle s'étend jusque
dans l'Arkansas et le Texas, où elle est bordée par la
chaîne granitique des monts Ozark, peu élevée (300 à 700 m.),
mais descendant assez brusquement dans la plaine infé-
rieure. Cette haute terre, boisée dans la plupart des val-
lées du nord, est, en général et partout ailleurs, plane,
aride ou couverte d'herbes. Une grande partie est occupée
par le Llano estacado, entièrement privé d'eau, et par le
désert américain.
La région des prairies du centre est plus particulièrement
la région de la plaine du Mississipi, quoique celle des hau-
tes prairies fasse aussi partie du bassin de ce fleuve. Plus
basse que la précédente, avec laquelle elle se confond
presque à l'ouest, sans transition sensible, elle se prolonge
à l'est jusqu'aux terrasses des monts Appalaches et s'étend,
d'autre part, entre les grands lacs au nord et la région du
golfe du Mexique au sud. Cette région, très-boisée dans le
nord, devient, au sud du 37e degré, une vaste plaine d'al-
luvion, où alternent par places les épaisses forêts et les
savanes ou steppes couvertes de hautes herbes, tant que la
sécheresse de l'été ne les a pas flétries ; plaine semée çà et
là de rangées de collines arrondies, souvent onduleuse,
parfois marécageuse, surtout aux bords du Mississipi.
4° La RÉGION DES MONTS APPALACHES qui ferme à l'est la
région des prairies est formée, comme le Jura en Europe,
par une série de chaînes parallèles, orientées du sud-ouest
au nord-est, sur une longueur de 1,800 kilomètres et sur
une largeur de plus de 150 kilomètres. Les montagnes
sont supportées par un plateau de 5 à 600 mètres d'éléva-
tion, désigné dans la plus grande partie de son étendue sous
le nom de Pays-haut (Upper country). Les chaînes les plus
orientales sont celles des monts Cumberland au sud et celles
des MONTS ALLEGHANY au nord, entre la Kanawha et la
Delaware ; la plus orientale et la plus haute, celle des mon-
tagnes Bleues qui vont de la Géorgie au New Jersey. Au
pied de ces montages s'étend, à l'est, une longue terrasse
désignée sous le nom de « Middle country » ; et à l'ouest,
jusqu'au delà de la vallée de l'Ohio, une autre terrasse plus
étendue et plus accidentée encore. Les montagnes sont
médiocrement élevées ; quelques sommets seulement dé-
passent 2,000 mètres : le Clingman's peak (1,081 m.), le
mont Buckley (2,026 m.) ; le Dôme Noir, le pic Guyot, le
Frère Noir ont à peu près la même altitude ; les pentes de
ces montagnes sont presque partout boisées. Au nord de la
Delaware, elles s'abaissent, encore ; le plateau se rétrécit,
tout en restant fortement ondulé, et prend divers noms :
massif des Adirondacks, plateau granitique, se dirigeant vers
le nord à travers l'état de New-York, rejoignant presque
le plateau laurentien et fermant du côté de l'est le vaste
bassin des grands lacs ; montagnes Vertes, à l'est du lac
Champlain ; monts Notre-Dame, tout granitiques aussi et se
terminant dans le golfe du Saint-Laurent par le haut pro-
montoire de Gaspé. L'Adirondack est un massif isolé séparé
du massif des Appalaches par une étroite plaine dans la-
quelle passe le canal Érié, et des montagnes Vertes, par
une autre plaine où coule l'Hudson, et qui se relie presque
de plain-pied par le lac Champlain à la plaine du Saint-
Laurent.
5° La RÉGION DE LA CÔTE DE L'ATLANTIQUE s'étend entre
les terrasses de la région appalachienne et l'Atlantique.
C'est une plaine généralement assez accidentée dans le
nord, où elle est étroite et se distingue à peine du plateau ;
dans le sud, au contraire, elle est large, basse, unie, ma-
récageuse, couverte de forêts de pins et de cyprès, termi-
née du côté de la mer par des lagunes et formant à sa
pointe méridionale les vastes marais et les savanes mouil-
lées de la Floride.
6° La RÉGION LAURENTIENNE, composée presque entière-
ment de terrains primitifs, gneiss, quartzites, etc., forme
autour de la baie d'Hudson un grand arc de cercle, ouvert
au nord et allant du Labrador au lac Huron et du lac Huron
à l'océan Glacial. C'est une haute terre, désignée sous le

nom de montagnes Laurentides, très-accidentée, assez éle-


vée à l'est, sans dépasser 5 à 600 mètres ; d'un relief indécis
à l'ouest, toute semée de petits lacs, et presque partout
couverte de pins et de sapins dans la partie centrale, où
elle présente pour ainsi dire une seule et immense forêt.
Au nord-est et au nord-ouest, elle se termine par des
plateaux dits « terre stérile » (barrenground) ; à l'ouest le
plateau se confond presque avec la prairie du nord qui
s'étend jusqu'à la chaîne des montagnes Rocheuses.
7° La RÉGION DES GRANDS LACS, plaine composée de ter-
rains paléozoïques, fertile, surtout dans la péninsule ca-
nadienne, s'étend entre les Laurentides, les Appalaches et
les prairies de l'ouest.
8° La RÉGION DE L'OCÉAN GLACIAL se compose de la plaine
de la baie d'Hudson, enveloppée par l'arc de cercle des Lau-
rentides, et du bassin du Mackensie, très-imparfaitement
délimité par la nature. C'est une plaine glacée et stérile, qui
descend par une suite de terrasses jusqu'au rivage, quelque-
fois marécageux, plus souvent élevé et rocheux, de la baie
ou de l'Océan ; le sol, presque partout granitique, est coupé
par de nombreuses anfractuosités, où les eaux prisonnières
forment des lacs et d'où elles s'échappent en cascades.
9° La RÉGION DU GOLFE, c'est-à-dire la région des bords
du golfe du Mexique, commence dans les collines boisées
de la Floride du nord, auxquelles succèdent, en allant
vers le sud, des terres basses et sablonneuses, puis les
immenses savanes mouillées, nommées « clairières indéfi-
nies » (Everglades). Elle est bornée ensuite par les derniè-
res pentes des Appalaches, composées de collines gazon-
nées qui séparent des vallées d'un sol très-riche, principa-
lement la vallée de l'Alabama, une des plus fertiles du
continent américain, et qui descendent au sud jusqu'à
une côte basse, à l'ouest jusqu'au lit du Mississipi. Ce lit
est bordé de deux rangs de collines qui n'ont que 70 mè-
tres au plus d'élévation. A l'ouest commence, avec le delta
tout marécageux et la vallée du Mississipi, une plaine lé-
gèrement accidentée de collines couvertes de pins, qui se
rattache sans transition à la région des prairies, et qui
comprend la majeure partie du Texas. Toute la côte basse
est désignée, à cause de la température étouffante, sous
le nom de terres chaudes ; partout d'ailleurs cette région
mériterait un tel nom ; elle est bordée de lagunes et pres-
que partout elle est malsaine.
152. Les eaux. — Le relief du sol, qui détermine l'écou-
lement des eaux, a formé six groupes principaux de fleu-
ves et de rivières dans l'Amérique du Nord :
1° Le bassin occidental de l'océan Glacial, terrain grani-
tique tout parsemé de lacs, lac Athabaska (8,260 kil. c.),
GRAND LAC DE L'ESCLAVE (30,835 kil. c.), lac du Grand-Ours
(20,370 kil. c), etc., constitue un groupe sans importance
commerciale, parce que ses eaux coulent dans une région
glacée. Son principal fleuve, qui prend sa source sous le
nom d'Athabaska dans les montagnes Rocheuses, en reçoit
plusieurs affluents, la rivière de la Paix, etc., recueille les
eaux des lacs et s'appelle, dans son cours inférieur, le
MACKENSIE. Il a une longueur absolue d'environ 4,000 kil.,
une largeur de 1 à 4 kilom., un bassin de 1,520,000 kil. c.
2° Le bassin de la baie d'Hudson dont les eaux descen-
dent, par une série de cascades, des Laurentides ou même
des montagnes Rocheuses, en traversant les Laurentides,
est un bassin encore aujourd'hui sans importance, parce
que le pays est sans habitants et sans navigation. Il com-
prend cependant quelques grands fleuves.
Le Churchill qui, sous divers noms, a un cours d'environ
1,500 kilomètres, forme sur son passage de nombreux
lacs et communique par l'un d'eux, le lac du Daim, avec le
bassin du Mackensie.
Le NELSON, en comptant depuis la source du Saskat-
chewan dans les montagnes Rocheuses, a un cours de plus
de 2,500 kilomètres et un large bassin (1,240,000 kil. c.)
dans lequel il recueille les eaux de nombreux lacs, LAC
WINNIPEG (23,000 kil, c.), lac des Bois, etc., et de nombreuses
rivières ; la plus importante, la rivière Rouge du Nord
(North Red river), prend sa source, dans le voisinage du
Mississipi.
La Severn, l'Albany, l'East-Maine.
Ce bassin s'étend, à l'ouest, jusqu'à la rivière Back qui
se jette dans l'océan Glacial et, à l'est, jusqu'à la rivière
Koksak, tributaire du détroit d'Hudson. Plusieurs des ri¬
vières de ce bassin, au relief indécis, communiquent
ensemble et s'épanchent, comme dans presque tous les
terrains granitiques du nord, où l'évaporation est faible,
en chapelets de lacs.
3° Le BASSIN DES GRANDS LACS constitue, au contraire,
un groupe très-important. Dans le fond de la plaine située
au pied des Laurentides, les eaux se sont amassées et ont
formé la plus grande masse d'eau douce qui existe sur le globe,
environ 238,000 kil. c., c'est-à-dire une superficie précisé-
ment égale à celle de la Grande-Bretagne. Cette masse est
divisée en cinq lacs : le lac SUPÉRIEUR, le plus grand
(84,000 kil. c., plus de cinquante fois l'étendue du lac de
Genève), et le plus élevé, de forme oblongue, orienté de
l'ouest à l'est, avec des rives escarpées et pittoresques ; le
LAC MICHIGAN (62,870 kil. c.), de forme également oblongue,
mais orienté du sud au nord, avec des rives le plus souvent
basses et sablonneuses au midi ; ils débouchent tous deux,
l'un par le saut Sainte-Marie, l'autre par le détroit de Mac-
kinaw, dans le LAC HURON (52,400 kil. c.), où se trouvent
l'île Manitoulin, et derrière cette île, la baie Géorgie ; le lac
Huron, à son tour, déverse le trop-plein de ses eaux par la
rivière Saint-Clair, le lac Saint-Clair et la rivière Détroit,
dans le LAC ÉRIÉ, (25,175 kil. c.), lequel, par la rivière
NIAGARA, tombe dans le LAC ONTARIO, le plus petit des cinq
(16,500 kil. c.). Ces lacs, à part le lac Erié, ont leur fond
situé bien au-dessous du niveau de la mer : leur altitude est
médiocre : 180 mètres environ pour le lac Supérieur et 70
pour le lac Ontario, ce qui ne donne, sur une longueur
de plus de 1,500 kil., qu'une pente de 6 à7 centimètres
au
kilomètre ; encore une notable partie de cette pente est-elle
subitement franchie par le saut Sainte-Marie (6 mètres)
et par la magnifique chute du Niagara.
La masse énorme des eaux sorties des quatre premiers
lacs rencontre une faille de terrain, brusquement coupé à
pic, en forme de falaise, et se heurte contre un petit îlot
boisé qui surmonte cette falaise ; elle se divise en deux
branches et, d'une hauteur de 45 et de 49 mètres, sur une
largeur de 600 et de 270 mètres, elle se précipite d'une
seule chute, laissant entre le roc et la nappe d'eau un large
vide, et produisant des nuages de poussière et un bruit
qui retentit au loin et qui lui a valu son nom qui signifie
« tonnerre
des eaux » (Voir la figure 78).

A l'extrémité nord-est du lac Ontario, commence le


fleuve SAINT-LAURENT qui sert de débouché aux Grands
Lacs, en traversant la barrière granitique qui limite, à
l'est, la région à laquelle ils ont donné leur nom : son
cours, à peu près direct, va au nord-est. C'est un fleuve
majestuéux qui, à son origine, n'a pas moins de 5 kil. de lar-
geur et qui ena près de 70 à son embouchure. Il descend
les terrasses des Laurentides par plusieurs rapides que la
navigation a su éviter en creusant des canaux, et il enve-
loppe de ses eaux un grand nombre d'îles, comme celle de
Montréal, etc. Il arrose une plaine fertile qui se resserre
peu à peu et qui disparaît, à partir de Québec, pour ne
plus laisser sur ses rives qu'une bordure de coteaux et de
falaises. La profondeur du fleuve qui, à Québec, est encore
de 40 métrés, en permet l'accès aux plus grands navires.
L'Ottawa lui apporte les eaux de plusieurs petits lacs de la
région laurentienne ; la rivière Richelieu, celles du lac
Champlain ; le Saguenay, rivière très-profonde, celles du
lac St-Jean. Le Saint-Laurent mesure 3,190 kilomètres
depuis l'affluent le plus occidental du lac Supérieur.
4° Le bassin de l'océan Atlantique, entre les deux pres-
qu'îles de la Nouvelle-Écosse et de la Floride, pourrait
s'appeler aussi le bassin du versant oriental des Appalaches.
Il renferme dans sa partie centrale les fleuves américains
les plus fréquentés par la navigation. Ses eaux ont leur
direction générale au sud-est ; mais, dans la partie sep-
tentrionale, elles coulent presque directement vers le sud
entre les lignes parallèles des chaînes du nord, tandis que,
dans la partie méridionale, depuis le Potomac, elles des-
cendent de terrasse en terrasse, se traçant vers le sud-est
un lit perpendiculaire à la chaîne.
Le fleuve Saint-Jean (638 kil), qui coule d'abord vers le
nord entre deux rangs de collines, avant de prendre la di-
rection sud-est, fait plusieurs chutes et se jette dans la
haie de Fundy ;
Le Penohscot se jette dans la baie du même nom ;
Le Merrimac tombe dans la baie de Massachussets ;
Le Connecticut (660 kil.), formé par la réunion de deux
ruisseaux, est, comme la plupart des cours d'eau de cette
région granitique et schisteuse, remarquable par ses belles
cascades et ses rapides ;
L'HUDSON (475 k.) qui sort des Adirondacks, à 1300 m.
d'altitude, descend d'abord par une suite de rapides,
rencontre les montagnes Vertes qui le forcent à se replier
au sud et qu'il longe jusqu'à son embouchure, et coule
lentement entre des berges élevées dans un lit large et
profond ;
La Delaware a un cours à peu près de même étendue
(470 k.), un lit profond, favorable à la navigation, et, après
avoir reçu le Shuylkil à Philadelphie, se jette dans la grande
baie de la Delaware ;
Le Susquehannah (712 k.) qui est formé de deux cours
d'eau se réunissant sur le plateau supérieur des Appala-
ches, se jette au fond de la longue baie de la Chesapeake ;
Le Potomac (860 kil.), qui se jette aussi dans la baie de la
Chesapeake, est sur une notable partie de son cours, ac-
cessible aux gros bâtiments ;
Le James, moins important, se jette à l'entrée de la baie
de la Chesapeake ;
Le Roanoke aboutit à la lagune d'Albemarle ;
La rivière du cap Fear, le Santie, le Savannah se termi-
nent au milieu de terres basses et marécageuses.
Autant les fleuves du nord et du centre, jusques et y
compris ceux de la baie de la Chesapeake, sont utiles à la
navigation par la profondeur de leur lit et la largeur de
leurs estuaires, et à l'industrie par leurs chutes qui don-
nent une force motrice ; autant ceux du sud, à cause de la
nature de leurs embouchures et de leur cours, servent peu.
5° Le groupe oriental du golfe du Mexique, ou groupe du
versant méridional des Appalaches, renferme beaucoup de
rivières : ses principaux cours d'eau sont l'Appalachicola,
qui coule sur la frontière occidentale de la Floride, et la
rivière Mobile, formée par la réunion de l'Alabama et du
Tombekbee et débouchant dans la baie du même nom.
6° Le BASSIN DU MISSISSIPI mesure environ 3,380,000
kilom. carrés et occupe, par son étendue, le second rang,
après l'Amazone, parmi les bassins fluviaux du globe.
Le MISSISSIPI dont le nom, en indien, signifie « le grand
fleuve », est, en effet, un des plus grands fleuves du monde :
il mesure environ 7,000 kil., en comptant depuis la source
du Missouri et 4,900, depuis la source du Mississipi ; il sort
à un endroit dit Hauteurs de terre, par une altitude d'envi-
ron 700 mètres, du lac Itasca, un des nombreux lacs du
PLATEAU DU MINNESOTA, et, à l'époque des pluies, ses eaux
se mêlent quelquefois à celles de la rivière Rouge du Nord,
tributaire de la baie d'Hudson. Il descend de la haute
prairie du nord-ouest par quelques rapides, rapide Des-
moines, saut Saint-Antoine, etc. ; entre dans la grande
plaine des Prairies qu'il a lui-même en grande partie for-
mée et nivelée ; coule au sud avec une légère inclinaison
vers l'est ; traverse des forêts qu'il ronge et d'où il en-
traine, à l'époque de ses crues, des masses énormes de
bois. Vers le 41e degré, déjà grossi sur sa rive gauche du
Visconsin, de l'Illinois, etc., et après s'être creusé un lit à
travers une dernière falaise qui lui faisait obstacle, il reçoit,
sur sa rive droite, le Missouri, la plus grande des rivières
du monde qui, au point de jonction, a parcouru plus de deux
fois autant de chemin que le Mississipi : puis, sur la rive
gauche, l'Ohio. Avant le confluent du Missouri, il roulait
des eaux limpides ; maintenant, c'est une immense nappe
d'eau limoneuse, ayant une profondeur moyenne de 20
mètres et une largeur de plus de 2 kilomètres. Rencontrant
les dernières pentes de la région appalachienne, il incline
légèrement vers le sud-ouest, s'épand dans la plaine qu'il
couvre de ses méandres, de ses « bayous » ou canaux de
dérivation, de ses lacs, de ses immenses marécages et
quelquefois de ses terribles débordements : car, dans son
cours inférieur, il est à un niveau sensiblement plus élevé
que le sol environnant. Cette plaine, que le fleuve inonde,
s'étend sur sa rive occidentale jusqu'à 150 kilomètres et
plus dans l'intérieur des terres ; sur la rive orientale, elle
se termine brusquement par des falaises qui s'avancent sur
divers points dans ses eaux comme des promontoires. Après
avoir encore reçu sur sa rive droite l'Arkansas et la rivière
Rouge, le Mississipi se termine par un vaste delta, partout
bas et marécageux, mais à peu près consolidé dans sa par-
tie septentrionale, tandis que la partie méridionale n'est
qu'enlacement de troncs d'arbres et boue recouverte de ro-
seaux. A l'extrémité des passes, les roseaux n'ont pu pren¬
dre racine ; chaque flot déplace la boue à demi liquide, la
confond avec l'eau bourbeuse du fleuve, et l'oeil ne saurait
distinguer précisément où commence la terre. Aussi, le
limon arrêté par la marée et par le courant du golfe du
Mexique, s'amoncelle dans les passes ; et ce beau fleuve, si
profond dans son parcours, est à demi fermé à son embou-
chure par une barre qui laisse au plus 5 à 6 mètres de
fond.
Les principaux affluents du Mississipi sont, sur la rive
gauche :
Le Wasconsin, l'Illinois, qui prend sa source dans le voi-
sinage du lac Michigan et qui, dans cette haute plaine
sans montagnes, communiquaitnaturellement, avant l'éta-
blissement d'un canal, pendant la saison des pluies, avec le
lac Michigan, par la rivière de Chicago ;
L'OUIO, surnommé avec raison la Belle-Rivière par les
Français, qui, formé à Pittsburg par la réunion du Monon-
gahela et de l'Alleghany, apporte au Mississipi, après un
cours de 1,500 kilomètres, toutes les eaux du versant occi-
dental des Appalaches, reçoit lui même de larges affluents,
le Wabask, le Kentucky, le Cumberland, le Tennessee et ra-
vage souvent ses campagnes par ses crues soudaines.
Sur la rive droite :
Le MISSOURI (5,190 kilom.), dont le nom signifie « la li-
moneuse », formé par la réunion de trois cours d'eau qui,
sortis du massif des montagnes Rocheuses, s'en échappent
par un étroit défilé, Gate of the mountains, « la porte des
montagnes », profond de 400 mètres et long de 9 kilom.,
en formant des chutes comparables à celles du Niagara.
Le Missouri court d'abord vers l'est, de rapide en rapide,
à travers une contrée désolée dite « les mauvaises terres » ;
puis roule lentement vers le sud-est ses eaux profondes,
bourbeuses et entravées de troncs d'arbres (Voir fig. 79), au
milieu des forêts et des prairies. Dans la dernière partie
de son cours, la rivière, redevenue rapide, coule sur la li-
sière méridionale d'une vallée, parée d'une splendide vé¬
de Missouri

rangée

une ;
le
mètres

par

100
côté

à30
chaque

de
hautes

de
fermée
calcaires,

et
gétation
falaises
reçoit sur sa rive gauche un grand nombre de petits cours
d'eau ; le Dacotah, etc., et sur sa rive droite quelques
grandes rivières : l'Yellow Stone, dont le bassin est rem-
pli de sources chaudes analogues et supérieures aux
geysers d'Islande ; la Nebraska, venue, comme lui, des
montagnes Rocheuses ; le Kansas et X'Osage ;
L'Arkansas (3,400 kilomètres), rivière profonde, qui égale
presque en longueur le Missouri, sort des hauteurs nei-
geuses des Rocheuses méridionales et reçoit la rivière
Canadienne ;
La rivière Rouge, qui traversant, comme tous les cours
d'eau du bassin, des contrées boisées, roule tant d'arbres
déracinés que, sur une longueur d'environ 600 kilomètres,
sa surface en est entièrement obstruée et son cours rendu
pour ainsi dire souterrain par ce « great Raft » ou grand
radeau.
Presque toutes ces rivières coulent encaissées dans une
étroite vallée bien boisée qu'ils ont eux-mêmes creusée
jadis sur la surface unie de la prairie.
7° Le groupe occidental du golfe du Mexique, c'est-à-dire
à l'ouest du Mississipi, comprend :
La Sabine, la Trinidad, le rio Brazos, le rio Colorado
(1340 kil.), qui descendent des terrasses méridionales de la
haute prairie de l'ouest et qui ont en général peu d'eau,
parce qu'ils coulent dans une contrée privée de pluie une
grande partie de l'année ;
Le RIO GRANDE ou RIO BRAVO DEL NORTE (2,300 kil.), grand
fleuve qui naît sur le revers oriental des montagnes Ro-
cheuses coule entre deux hautes chaînes dans une vallée
larged'une trentaine de kilomètres, fertile sur divers points,
mais encore peu peuplée, et descend du plateau de Chihua-
hua dans la plaine, en franchissant les défilés de la Sierra
Madre, dont il longe ensuite les terrasses jusqu'à la mer ;
Le rio Tampico ; le rio Goazacoalcalos qui coule entre
deux plateaux dans la longue dépression de l'isthme de
Tehuantepec ; le rio Tabasco ;
La rivière Saint-Jean qui sert de débouché au lac de
Nicaragua (9,210 kil. c.), et au lac Managua.
8° Le BASSIN DE L'OCEAN PACIFIQUE possède peu de fleuves
importants, parce que le grand Plateau des montagnes
Rocheuses borde de très-près le rivage :
Le GRAND COLORADO (1330 kil.), fleuve encore mal connu,
qui prend sa source sous le nom de rivière Verte (Green
river) sur le revers occidental des montagnes Rocheuses,
au pic Frémont, coule au sud-ouest, entre des rives pres-
que toujours profondément coupées à pic, en longeant le
pied du talus sud-est du Grand-Bassin, traverse plusieurs
gorges, plusieurs déserts, bien que sa propre vallée soit
le plus souvent fertile, et, grossi de divers affluents, le rio
Gila, etc., débouche au fond du golfe de Californie au
milieu d'une plaine marécageuse.
Le Sacramento (670 kil.) qui naît sur le plateau, descend
en cascades la Sierra Nevada, coule vers le sud en suivant
la terrasse située au pied de la chaîne, reçoit le San-Joaquin
qui, venu du sud le long de la même terrasse, arrose comme
lui la fertile plaine de la Californie, et débouche dans la
baie de San-Francisco.
L'Orégon ou Columbia (1190 kil.), large fleuve, formé de
deux branches nées toutes deux sur le plateau et remar-
quable par ses cascades : le Snake River, « rivière des Ser-
pents », est son principal affluent.
Le Fraser (1,200 kilom. environ), dont la source est à
l'occident des montagnes Rocheuses, reçoit les eaux de
plusieurs petits lacs de cette contrée granitique et tombe,
par de belles chutes, de la chaîne des Cascades dans la
plaine et de là dans la mer, en face de l'île de Vancouver ;
Le YUKON (3000 kil.), grand fleuve qui arrose le terri-
toire encore désert d'Alaska, reçoit le Porcupine et se jette
dans la mer de Behring.
9° Le groupe du Grand-Bassin est sans communication
avec l'Océan ; ses rivières se perdent dans les sables en
créant des efflorescences salines, ou se jettent dans des lacs
comme la rivière Humboldt, etc. ; le plus important de ces
lacs est le GRAND LAC SALÉ (8,260 kil. c.), lac sans profon-
deur (à peine 1 mètre en moyenne), marécageux sur ses
bords, situé à une altitude de 1,300 m., au milieu d'une
plaine aussi unie que sa surface, et si salé qu'aucun pois-
son n'y saurait vivre. Il reçoit le Jourdain qui lui apporte
les eaux du lac Utah.
Hors du Grand-Bassin, il y a, sur le plateau des montagnes
Rocheuses un grand nombre d'autres lacs qui sont sans
communication avec la mer, entre autres le lac de Mexico.
153. Le climat. — Une partie du monde qui s'étend du
pôle jusque dans la région tropicale a nécessairement
des climats très-divers. On peut y tracer six grandes
zones :
1° La
zone glaciale, située au nord de la ligne isotherme
de 0°, comprend les terres arctiques, c'est-à-dire la partie
de la terre qui paraît être la plus froide, avec le nord de la
Sibérie. Les pluies y sont rares ; les neiges même peu abon-
dantes ; pourtant en hiver le froid y descend assez souvent à
55° ; et l'été, court et brumeux, a quelquefois trop peu de
chaleur pour élever le thermomètre au-dessus de zéro. Le
Groenland n'est habitable que dans quelques fiords du sud-
ouest ; et dans la plus grande partie du territoire d'Alaska,
de la Nouvelle-Bretagne et du Labrador, les gelées et les
brouillards occupent plus des trois quarts de l'année.
2° La zone de la côte septentrionale de l'Atlantique com-
prend le Canada et les États-Unis à l'est des Appalaches
jusqu'à la baie de Chesapeake. C'est une zone à climats ex-
trêmes, d'autant plus chaude qu'on s'avance davantage vers
le midi ; mais partout, à latitude égale, elle est très-sensi-
blement plus froide que les côtes occidentales de l'Europe. Si
les hivers sont froids, les étés sont généralement très-chauds,
comme sous les climats continentaux : la direction des
vents et des courants et la masse glacée des terres arcti-
ques expliquent cette différence. Au Canada, qui peut être
pris comme exemple de climat extrême, la température
moyenne du mois le plus chaud (juillet) est d'environ
+ 23°, et celle du mois le plus froid (février) de
— 11° ;
quelquefois même le thermomètre monte à + 38° et des-
cends à — 40° ; à Boston, la température, déjà moins ri-
goureuse, est en moyenne de — 1° en hiver, + 7° au
printemps, + 20° en été, + 10° en automne ; le vent
d'ouest domine.
3° La zone de la côte méridionale de l'Atlantique, située à
une latitude inférieure et échauffée par le Gulf-Stream,
jouit d'un climat beaucoup plus chaud ; il y gèle rarement ;
la moyenne de la température à Savannah est de + 10° en
hiver et de + 25° en été. La présence de nombreux ma-
rais rend malsaine, sur beaucoup de points, l'habitation
des côtes ; la moyenne des pluies est de 83 centimètres
dans la Floride.
4° La zone des prairies et des Rocheuses, zone essentielle-
ment continentale, balayée l'hiver par les vents glacés du
nord que rien n'arrête, a, surtout au centre de la vallée
du Mississipi, des températures extrêmes : pendant l'hiver,
des gelées assez fortes pour permettre aux plus lourds cha-
riots de traverser les rivières ; et, pendant l'été, des cha-
leurs très-lourdes ; la moyenne de l'hiver à Saint-Louis est
de 0° ; la moyenne de l'été de 24°. Il y tombe très-peu
+

de pluie, mais, comme conséquence, il y règne un air pur,


un beau ciel et un climat salubre, partout où l'influence
des marais ne se fait pas sentir. Au nord, dans le voisinage
des grands lacs, bien que le froid de l'hiver soit très-vif,
la masse d'eau douce tempère quelque peu les extrêmes.
En s'avançant vers le nord-ouest, on trouve un climat rude,
sec, plus égal, parce que l'altitude modère sensiblement
les chaleurs de l'été ; mais, sur le grand plateau, il redevient
extrême et est exposé à des sécheresses désastreuses. La
température y est généralement, à latitude égale, plus froide
que sur les côtes ; ce phénomène se fait surtout sentir sur
les hautes terres, quoique l'Utah jouisse d'un climat plus
tempéré que le Mississipi ; cependant l'été y est partout
chaud et énervant. La rareté de la pluie, qui est un des ca-
ractères dominants de ce climat, se fait surtout remarquer
dans les hautes plaines de l'ouest et sur le grand plateau.
On pourrait aisément dessiner dans cette immense zone
trois régions distinctes : le haut plateau, les hautes plaines
de l'ouest et la vallée moyenne du Mississipi.
5° La zone tropicale s'étend fort au nord du tropique, jus-
que vers le confluent de l'Arkansas et du Mississipi, parce
que le golfe du Mexique est un réservoir de chaleur qui
communique à toutes les contrées avoisinantes une haute
température. Cependant, si la chaleur est lourde sur la
côte septentrionale du golfe, et le climat malsain dans les
parties basses, les parties hautes jouissent d'une tempéra-
ture plus agréable, et les saisons sont à peu près celles de
la zone tempérée. A la Nouvelle-Orléans, la température
moyenne est de + 11° en hiver, + 18° au printemps + 26°
en été, + 20° en automne. Dans la zone tropicale pro-
prement dite, qui n'a que deux saisons, la saison sèche
d'octobre à mars, et l'hivernage, saison pluvieuse et
chaude, d'avril à octobre, il faut distinguer deux régions :
les Antilles, dont le climat est très-chaud, malsain sur les
plages, plus tempéré sur les hauteurs, exposé à la violence
des cyclones et arrosé de pluies très-abondantes; et la
terre ferme qui se partage en trois parties : terres chaudes
sur la côte, avec des chaleurs lourdes, malsaines et des
pluies torrentielles ; terres tempérées sur les pentes du pla-
teau ; et terres froides sur le plateau, lesquelles jouissent
d'un climat beaucoup moins chaud et où le thermomètre
descend parfois au-dessous de 0°. La température moyenne
de l'hivernage est de 26° à la Jamaïque, celle de la saison
sèche y est de 19° ; elle descend même à 14° sur le plateau.
6° La zone de la côte du Pacifique, située au nord du tropi-
que, a des climats très-divers selon la latitude ; mais, à la-
titude égale, elle est partout moins froide que la côte de
l'Atlantique, parce que les vents de sud-ouest et les cou-
rants chauds y font sentir leur influence, comme sur la
côte occidentale de l'Europe : la pluie y est fréquente,
presque continue dans la partie septentrionale, située im-
médiatement au sud de la presqu'île d'Alaska.

2e Section.

LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE.
(Voir la carte n° 20.)

154. Les révolutions. — L'Amérique n'a pas encore


d'histoire bien précise pour les temps antérieurs à la dé-
couverte de Christophe Colomb (12 octobre 1492). Elle était
peuplée à cette époque de nombreuses tribus, les unes
sauvages et nomades, les autres sédentaires et à demi civi-
lisées, qui avaient assurément subi elles-mêmes bien des
révolutions. Au nord, sur le littoral de l'océan Glacial, vi-
vaient les Eskimaux, rameau de la grande race boréale,
que l'on retrouve également à l'extrême nord de l'ancien
continent et qui, par sa manière de vivre, a partout d'é-
troites affinités. Au centre, dans les vastes régions des
grands lacs, des prairies, du plateau et des côtes, domi-
naient les Peaux-Rouges, qui caractérisent le mieux la race
indigène de l'Amérique du Nord et qui, partagés en tribus
presque toujours ennemies les unes des autres, vivaient de
chasse et de pêche dans les vastes forêts et sur les grands
fleuves du Nouveau-Monde. Au sud, dans une région dont
l'aspect et le climat diffèrent complètement de la vallée
du Mississipi, les Mexicains, qui vivaient de la vie agricole,
avaient bâti des villes et fondé, un empire assujetti plu-
sieurs fois par des tribus guerrières venues du Nord, Tol-
tèques, Aztèques, etc. Dans les Antilles se trouvaient les
Caraibes.
Les Caraïbes ont aujourd'hui entièrement disparu ; la
race mexicaine s'est en partie transformée sous l'influence
du christianisme et de la domination européenne ; les
Peaux-Rouges, entièrement expulsés des régions orientales,
décimés par la misère et l'émigration, ont été rélégués dans
quelques districts des prairies de l'ouest et sur le plateau ;
les Eskimaux continuent à mener une vie misérable dans
leur patrie glacée.
Au moyen âge, les Danois, hardis navigateurs, avaient
fondé des colonies sur la côte orientale du Groenland et
poussé leurs reconnaissance jusque sur le continent amé-
cain ; mais abandonnées par la métropole que la peste noire
ravageait alors, ainsi que toute l'Europe, ces colonies
avaient disparu depuis le XIVe siècle.
Au XVIe siècle, les Espagnols qui avaient découvert l'A-
mérique (1492) en furent les premiers dominateurs. Ils
firent de Saint-Domingue (Haïti) le centre de leurs éta-
blissements dans les Antilles, conquirent l'empire du Me-
xique (1520) et étendirent leur autorité sur toute l'Amé-
rique centrale, sur la Floride et sur la côte du Pacifique
jusqu'au nord de la Haute-Californie.
Au XVIIe siècle, les autres nations maritimes de l'Europe
cherchèrent aussi à prendre leur part du vaste domaine
colonial de l'Amérique. Les Français, qui avaient fait une
tentative infructueuse au XVIe siècle, s'établirent par des
corsaires d'abord, par une prise de possession régulière
ensuite, dans la partie occidentale de Saint-Domingue et
dans les petites Antilles (Guadeloupe, Martinique, etc.) ; ils
colonisèrent le Canada, où ils fondèrent Québec en 1608 ;
puis, s'avançant de la région des grands lacs vers le sud,
ils découvrirent le Mississipi, donnèrent à son immense
bassin le nom de Louisiane, en l'honneur de Louis XIV,
et bâtirent la Nouvelle-Orléans, en l'honneur du régent,
Philippe d'Orléans.
Les Anglais, dès la fin du XVIe siècle, prirent possession
d'une partie de la côte de l'Atlantique qu'ils nommèrent
Virginie, en l'honneur de leur reine Elisabeth ; ils fondè-
rent plusieurs colonies sur cette côte et sur la côte sep-
tentrionale qu'ils nommèrent Nouvelle-Angleterre, après
s'être emparé de quelques établissements suédois et hol-
landais, créés avant leur arrivée ; ils s'étendirent jusque
vers le Canada au nord, jusque vers la région des Appala-
ches et au delà à l'ouest, et rencontrèrent les possessions
françaises. Ce voisinage occasionna plusieurs guerres, à la
suite desquelles la France, malheureuse sur mer, céda à
l'Angleterre le territoire de la baie d'Hudson et l'Acadie,
depuis Nouvelle-Écosse, en 1713, puis le Canada et le
revers occidental des Appalaches jusqu'au Mississipi, en
1763, et donna la Louisiane à l'Espagne. Les Anglais pos-
sédaient aussi la Jamaïque et quelques petites Antilles.
Leur grande domination fut de courte durée. A la On
du XVIIIe siècle,les treize colonies de la côte de l'Atlantique
se révoltèrent et, soutenues par la France, parvinrent à
s'émanciper et à créer la RÉPUBLIQUE DES ÉTATS-UNIS (1776).
Cette république, durant la première moitié du XIXe siècle,
s'étendit, par des achats, par le refoulement des Indiens,
par la colonisation des régions occidentales ou Far-west
et par une guerre avec le Mexique, sur toute la côte sep-
tentrionale du golfe du Mexique au sud, et jusqu'à l'océan
Pacifique à l'ouest (Voir § 183).
Au commencement du XIXe siècle (1810-1826), les colo-
nies espagnoles s'insurgèrent à leur tour et parvinrent à
s'ériger en États indépendants, dont la population est
composée partie de créoles et partie d'Indiens : le Mexi-
que a été alternativement empire et république ; la répu-
blique fédérative de l'Amérique centrale, dissoute en 1839,
a donné naissance à cinq républiques distinctes, Guaté-
mala, Honduras, San-Salvador, Nicaragua, Costa-Rica ;
dans l'île d'Haïti, sur les ruines de la colonie française et
de la colonie espagnole, se sont fondées la république d'Haïti
et la république Dominicaine.
loS. Les États. —L'Amérique du Nord comprend donc
des États indépendants et des contrées relevant à divers
titres des puissances européennes.
I. Les États indépendants sont au nombre de neuf :
1° Les ÉTATS-UNIS DE L'AMÉRIQUE DU NORD (9,354,000 kilo-
mètres carrés et environ 39 millions d'habitants), république
fédérale composée de 37 États, d'un district fédéral où est
située la capitale, WASHINGTON, et de 11 territoires, sans
compter le territoire Indien qui n'a pas encore de rang of-
ficiel. La superficie des États-Unis atteint presque celle de
l'Europe entière (Voir, pour plus de détails, la quatrième section).
2° LA RÉPUBLIQUE DU MEXIQUE (1,972,000 kil. c. et
9,173,000 hab.), capitale MEXICO, est une république
fédérative, gouvernée par un président électif et compre-
nant 25 États ou provinces : Yucatan, Campêche, Tabasco,
Vera-Cruz, Tamaulipas, Chiapas, Oaxaca, Guerrero, Me-
choacan, Xalisco, Colima, Cinaloa, Sonora, Puebla, Tlas-
cala, Mexico, Queretaro, Guanaxuato, Aguas-Calientes,
Zacatecas, S. Luis de Potosi, Nuevo-Léon, Cohahuila, Du-
rango, Chihuahua, Hidalgo, Morélos, plus le district fédéral
de Mexico et le territoire de Basse-Californie.
3° La république du Guatémila (105,000 kil. c. et
1,180,000. hab.), cap. la Nouvelle-Guatemala.
4° La REPUBLIQUE DE SAN-SALVADOR (19,000 kil. c. et
600,000 hab.), cap. San-Salvador, et divisée en onze dé-
partements.
5° La RÉPUBLIQUE DE NICARAGUA, avec la côte des Mos-
quitos (122, 000 kil. c. et 400,000 hab. ?), cap. Managua,
et divisée en sept départements.
6" La rébublique de Honduras ( 180,000 kil. c. et
350,000 hab.), cap. Comayagua.
7° La RÉPUBLIQUE DE COSTA-RICA(55,000 kil. c. et 165,000
hab.), cap. San José, et divisée en six arrondissements.
Ces six derniers États sont peuplés, en partie de descen-
dants d'Espagnols et de créole, en majeure partie d'Indiens
dont les uns ont adopté le christianisme et se sont façon-
nés à la civilisation européenne, et dont les autres sont
restés à peu près sauvages.
8° La RÉPUBLIQUE D'HAÏTI (26,000 kil. c. et 572,000 hab.),
cap. Port-au-Prince, occupe la partie occidentale de l'île
et est divisée en cinq départements.
9° La RÉPUBLIQUE DE SAINT-DOMINGUE (46,000 kil. c. et
136,000 hab. ?), cap. Saint-Domingue, occupe la partie
orientale de l'ile.
La population de ces deux États, encore agités par de
fréquentes révolutions, est presque entièrement composée
de Nègres et de mulâtres.
II. Les pays relevant des puissances européennes sont la
DOMINION DU CANADA (9,017,000 kil. c. et 3,650,000 hab.),
ayant pour capitale Ottawa et subdivisée en 7 provinces
(Voir, pour les détails, le § 156) ; et les colonies proprement
dites, qui appartiennent à six puissances.
1° Les colonies anglaises (environ 177,000 kil. c. et
1,3 0, 000 hab.), à savoir :
L'île du Prince-Édouard (5,600 kil. c. et 94,000 hab.),
cap. Charlotte-town et l'île de Terre-Neuve (164,000 kil. c.
et 146,000 hab.), cap. Saint-John.
Les îles Bermudes (62 kil. c. et 12,000 hab.), chef-lieu
Hamilton.
Le Honduras britannique (34,000 kil. c. et 25,000 hab.),
chef-lieu Balize.
Les îles Turques et Bahama (13,000 kil. c. et 39,000 hab.),
chef-lieu Nassau :
Les Antilles Anglaises ou INDES OCCIDENTALES, qui sont : la
Jamaïque (11,000 kil. c. et 506,000 hab.), cap. Spanishtown;
trois îles Vierges, et un grand nombre de petites Antilles,
Anguilla, la Barboude, Saint-Christophe, Nevis, Antigoa,
Montserrat, la Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent,
la Barbade (430 kil. c. et 152,000 hab.), cap. Bridgetown,
les Grenadilles, Tabago, la Trinité.
2° Les possessions espagnoles (128,000 kil. c. et 2,030,000
hab ), à savoir : CUBA (118, 000 kil. c. et 1,414,000 hab.),
chef-lieu la Havane ; Puerto-Rico et deux îles Vierges.
3° Les possessions françaises (3,600 kil. c. et 310,000 hab.),
qui sont la Guadeloupe avec ses dépendances, la Désirade,
Marie-Galante, les Saintes, partie de Saint-Martin, etc. ;
la Martinique ; Saint-Pierre et Miquelon (Voir, pour plus de
détails, la France avec ses colonies, 7e partie).
4° Les possessions néerlandaises (env. 950 kil. c. et
36,000 hab.), comprenant la partie sud de Saint-Martin,
Saba, Saint-Eustache et Curaçao.
5° Les possessions danoises, composées de trois des îles
Vierges : Sainte-Croix (285 kil. c. et 25,000 hab.), Saint-
Thomas et Saint-Jean ; plus le Groenland, sur la côte oc-
cidentale duquel sont quelques établissements.
6° Les possessions suédoises, à savoir : Saint-Barthélemy
(20 kil. c. et 2,900 hab.).

3e Section.

LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE.
(Voir la carte n° 21).

POSSESSIONS ANGLAISES DU NORD.

(Voir la carte n° 23).

156. La dominion du Canada. — L'immense contrée de


plus de 9 millions de kilomètres carrés qui comprend presque
toute la partie septentrionale de l'Amérique du Nord, de-
puis l'océan Glacial jusqu'au 49° de latitude nord, consti-
tuait, sous le nom de Nouvelle-Bretagne, une dépendance
directe de la Grande-Bretagne, partagée en plusieurs gou-
vernements coloniaux, Haut-Canada, Bas-Canada, Nou-
veau-Brunswick, Nouvelle-Écosse,Cap-Breton,Terresde la
Compagnie de la Baie d'Hudson, île du Prince-Édouard et
Terre-Neuve. Depuis 1867, toutes ces colonies, à l'exception
des deux dernières, ont obtenu de l'Angleterre une sorte
d'autonomie relative, prélude d'une prochaine indépen-
dance, et se sont constituées en État fédératif, à l'imita-
tion des Etats-Unis. Un gouverneur général nommé par
l'Angleterre, au lieu d'un président électif, est le seul
lien qui les rattache à la métropole. C'est cet État qu'on
appelle DOMINION DU CANADA. Il comprend sept provinces :
Haut-Canada ou Ontario, Bas-Canada ou Québec, Nouvelle-
Écosse, Nouveau-Brunswick, Manitoba, Territoire du Nord-
Ouest, Colombie britannique.
157. Les régions naturelles. — Toute cette immense
contrée a un caractère commun, la rigueur des hivers ;
mais elle présente sous d'autres rapports des régions très-
distinctes :
1° La Colombie britannique qui s'étend des montagnes
Rocheuses à l'océan Pacifique, et se compose principale-
ment de la vallée supérieure du Colombia et du bassin du
Fraser, est une région très-peu peuplée encore, malgré
l'attraction que l'or y a exercée. Humide sur la côte, sèche
et froide sur les hauteurs, elle offre une surface assez
accidentée : collines et montagnes dont les flancs sont cou-
verts de pins, de cèdres, de sapins, d'érables, de peupliers ;
vallées dont quelques-unes paraissent fertiles, mais sont
exposées à de soudaines inondations. A cette région se
rattache l'île de Vancouver, dont le climat ressemble à
celui de l'Angleterre, quoiqu'un peu moins égal, et qui,
rocheuse et stérile dans l'intérieur, possède quelques
vallées assez fertiles, mais très-peu cultivées : la pêche,
fort productive, est la principale ressource des habitants.
2° L'ancien territoire de la Baie d'Hudson comprend lui-
même plusieurs régions.
La région du bassin du Mackensie et du Yukon supérieur,
nue et presque déserte, glacée une partie de l'année, pré-
sente à peine, dans ses étroites vallées, quelques bouquets
de bois.
La région des prairies, qui s'étend du lac Athabaska à la
frontière des États-Unis, et des montagnes Rocheuses au
lac Winnipeg, présente une immense plaine unie, sablon-
neuse, sèche, couverte de verts gazons, et n'offre égale-
ment d'arbres que dans les vallées profondément encais¬
sées de ses cours d'eau : ces deux régions sont quelquefois
réunies sous le nom de Grand-Ouest canadien.
La région des bois qui s'étend à l'est du lac du Daim et du
lac Winnipeg, entre la baie d'Hudson et les lacs Supérieur
et Huron, est une contrée dont les rivages sont en général
marécageux, mais dont l'intérieur est très-boisé.
La région du Labrador, à l'est, est granitique, rocail-
leuse, froide et stérile.
Cette contrée n'est pour ainsi dire pas cultivée. Elle
compte très-peu d'habitants : quelques milliers d'Eski-
maux, vivant de poisson sur les bords de la baie d'Hudson ;
près de cent mille Indiens partagés en petites tribus, qui se
nourrissent de gibier et de baies sauvages et que souvent
la famine décime ; environ 12,000 Européens ou métis
qui, sauf les colons de la fertile province de Manitoba, sont
presque tous employés ou chasseurs de la Compagnie de
la baie d'Hudson.
La chasse, unique ressource des habitants, fournit de
précieuses fourrures ; le renne, le daim, le boeuf musqué,
le renard, l'ours, le rat musqué, le castor (fig. 80) sont en-

core aujourd'hui assez nombreux dans les forêts et les pâ-


turages. La Compagnie de la baie d'Hudson, qui a eu long-
temps le monopole de ce commerce, reçoit dans ses
factoreries, simples maisons de bois palissadées, les peaux
des animaux tués en hiver et les vend, l'été suivant, sur les
marchés de l'Amérique.
3° Le Canada comprend aussi plusieurs régions.
La région Laurentienne, au nord, est un sol presque entiè-
rement composé de gneiss, de quartz et de calcaires cris-
tallins. Elle présente une succession de collines couvertes
d'une mince couche de terre végétale, trop froides pour
la culture, ne produisant que de petits arbres ; et de vallées
dont le sol, prorond et mieux abrité, est couvert de magni-
fiques forêts de pins blancs.
La Champagne est une vaste plaine montant par une
pente insensible de la rive septentrionale des lacs et du
Saint-Laurent jusqu'à la région laurentienne ; près des
lacs et du fleuve, elle se termine par des falaises de 15 à
30 mètres de hauteur ; elle appartient en grande partie aux
terrains dévoniens et siluriens ; l'argile bleue y domine.
C'est par excellence, surtout dans l'ouest, la région fertile
du Canada. Malgré la longueur de l'hiver, la végétation,
grâce à la chaleur de l'été et à la pureté de l'atmosphère,
y est rapide : la terre produit le FROMENT, principalement
le blé de printemps, l'avoine en abondance, les pommes de
terre, les navets, le seigle, les pois ; les fermes élèvent
beaucoup de porcs. Toutes les terres n'y sont pas cependant
d'une égale fertilité ; dans l'est, entre Québec et Ottawa,
elles ont été en grande partie épuisées, faute de soins répa-
rateurs. La région Laurentienne et la Champagne appar-
tiennent au Bas-Canada ou province de Québec.
C'est aujourd'hui la partie occidentale, c'est-à-dire le
Haut-Canada ou province d'Ontario, qui, grâce à sa tempé-
rature moins froide, à son sol plus profond, jouit à cet
égard de la meilleure réputation. En général, le Haut-Ca-
nada est beaucoup plus productif que le Bas-Canada, dont
il est séparé par la légère ligne de hauteurs qui relie les
Laurentides aux Adirondacks. Les terres d'alluvion de la
vallée de la Tamise, et toute la pointe située entre le lac
Huron et le lac Érié sont surtout renommées. L'un et
l'autre Canada est riche en FORÊTS de pin blanc, pin rouge,
chêne, orme, etc. ; les districts les plus boisés sont la vallée
de l'Ottawa, la vallée de la rivière Saguenay, celles de la
Trent et de Saint-Maurice.
La région des Communes de l'est comprend la partie du
Canada située au sud du Saint-Laurent, formée de plaines
sur les bords du fleuve, de plateaux et de collines à l'o-
rient ; c'est une région de fermes et de pâturages, où l'on
élève beaucoup de bétail, boeufs et moutons, et qui fournit
au commerce une assez grande quantité de laine.
4° Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse avec les
îles adjacentes.
Le Nouveau-Brunswick est en quelque sorte la continua-
tion des Communes de l'est. Il comprend, au nord, un
plateau élevé, montueux et peuplé seulement dans les
clairières d'une forêt vaste et continue de pins rouges. Au
sud, ce sont des plaines fertiles, surtout à l'est de la rivière
Saint-Jean : le climat, moins rigoureux que dans le nord,
permet à cette contrée couverte jadis de très-belles fo-
rêts, en partie épuisées aujourd'hui, la culture des céréales,
même celle du mais.
La Nouvelle-Écosse, appelée Acadie, à l'époque de la do-
mination française, et l'île du Cap-Breton qui n'en est sé-
parée que par l'étroit canal de Canso, comprennent un
plateau de médiocre élévation, accidenté et naturellement
fertile, qui s'étend dans toute leur longueur, et des vallées
étroites, profondes, dont le sol alluvial est propre à la cul-
ture. Aussi la contrée produit-elle du froment, de l'avoine,
des pommes de terre, diverses céréales, notamment du
maïs, dans le voisinage de la baie de Fundy. Mais la princi-
pale richesse de cette terre, encore imparfaitement culti-
vée, consiste dans ses vastes forêts de pins, de peupliers, de
chênes, d'érables, forêts peu exploitées, et dans son bétail.
L'île du Prince-Édouard est une terre généralement
basse, marécageuse sur quelques points, moins froide
que les régions voisines, riche en céréales, en lin, et en
bétail, surtout en porcs.
L'île de Terre-Neuve est un pays en grande partie grani-
tique, dont les côtes sont très-découpées, dont l'intérieur
est hérissé de collines et sillonné de vallées profondes et
étroites. Les pommes de terre y viennent bien ; mais le
climat et le sol se prêtent mieux au pâturage cfu'à l'agri-
culture.
158. La production agricole. — Dans les possessions
britanniques du nord de l'Amérique, la production,
comme la population, est concentrée du côté de l'orient :
sur 4 millions environ d'habitants, le Canada et les pays
à l'est du Canada en comptent plus de 3,800,000 ; la Co-
lombie est une colonie naissante. Cette portion orientale,
dont une très-petite partie est mise en culture, et qui cha-
que année s'enrichit de nouveaux colons, produit plus de
12 millions d'hectolitres de FROMENT, 20 millions d'hectoli-
tres d'AVOINE, 15 millions d'hectolitres de pommes de terre,
9 millions d'hectolitres de navets, 5 millions d'hectolitres
de pois.
L'exploitation des FORÊTS est une source de richesse
presque aussi productive que la culture des terres ; elle
rend annuellement dans le CANADA, la partie la mieux
boisée, et la plus facilement exploitable, environ 1 mil-
lion et demi de tonnes de bois, PIN BLANC, pin rouge, chêne,
orme, merisier, épinette rouge (espèce de mélèze). C'est
pendant l'hiver que se fait la coupe. Des scieries mécani-
ques, dont l'établissement a été facilité par de nombreuses
chutes d'eau, débitent les arbres en madriers et en plan-
ches, et les bois bruts ou ouvrés descendent en trains jus-
qu'à Québec. On brûle beaucoup de bois dans les forêts
pour en tirer la potasse.
La portion orientale possède aussi un nombreux bétail :
environ 800,000 chevaux, près de 2 millions et demi de
BÊTES A CORNES, plus de 2 millions et demi de moutons et 1
MILLION ET DEMI DE PORCS. La proportion est de 1 porc
pour 3 habitants ; en France, elle est de 1 porc pour 5
habitants. On fait beaucoup de beurre et de fromage.
Le territoire de la Baie d'Hudson n'a quelque impor-
tance que par ses pelleteries ; les peaux de renard noir et
de renard argenté, fort rares et très chères, sont expédiées
en Chine ; la marte et le vison, le castor et le rat musqué
fournissent les pelleteries les plus ordinaires. Montréal et
Québec, dans le Canada, la factorerie d'York, sur le terri-
toire de la Baie d'Hudson, sont les principaux marchés et
traitent presque toutes leurs affaires avec Londres, Leipzig
et New York.
159. La pêche. —La pêche sur les rivières, sur les

grands lacs, sur la côte de l'Atlantique et dans le golfe


de Saint-Laurent, a une grande importance. Dans le golfe
et sur le fleuve, on pêche le marsouin dont la graisse sert
à fabriquer une excellente huile à brûler. La morue, le
hareng, le maquereau, le saumon abondent à l'embouchure
des rivières, dans les anses et sur les bancs de sable de
la côte du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse,
de l'île du Cap-Breton et de l'île du Prince-Édouard.
Les maquereaux surtout hantent ces parages en bandes
nombreuses, de juin à novembre.
La pêche de l'île de TERRE-NEUVE est plus importante
encore. Elle produit en plus grande abondance qu'aucune
autre pêche du monde, la MORUE, le HARENG, le capelan et
le saumon. Sur les côtes, les Anglais et les Canadiens pê-
chent seuls le hareng et la MORUE (fig. 81). Au sud-est de l'île,
est le grand banc de Terre-Neuve, où l'eau, sur une surface
de plus de 250,000 Kilomètres carrés, n'a guère que 30 à 40
mètres de protondeur. La pêche y est libre ; elle est pra-
tiquée principalement par les Américains et par les Fran-
çais. Les pêcheurs établissent sur certains points du rivage
des hangars en planches pour fumer, encaquer le poisson,
extraire l'huile de foie de morue et préparer la rogue (oeufs
de morue apprêtés pour servir d'amorce aux sardines). La
valeur de la pêche de Terre-Neuve dépasse chaque année
30 millions de francs.
Les Français, qui ont renoncé par le traité d'Utrecht (1713)
à la possession de Terre-Neuve, conservent, au sud de
cette île, les deux îlots de Miquelon (Grande-Miquelon et
Petite-Miquelon ou Langlade, bien boisées et réunies par
un isthme de sable), et l'île de Saint-Pierre, rocheuse et
stérile. Ces îlots servent de station et de port de refuge aux
bâtiments français qui font la pêche sur cette mer bru-
meuse et inhospitalière.
160. La production minérale. — Le terrain houiller, qui
occupe de très-vastes surfaces dans la région appala-
chienne, se rencontre dans le Nouveau-Brunswick, dans
la Nouvelle Écosse, dans Terre-Neuve et se prolonge jus-
que dans les régions polaires. L'exploitation ne donne
guère que 20 à 30,000 tonnes dans le Nouveau-Brunswick,
à Hillsborough, au fond de la baie de Fundy ; mais à la
Nouvelle-Écosse, dans les comtés de Cumberland et de Pic-
tou, et dans l'île du Cap-Breton, surtout à l'est, les couches
sont épaisses, et la production dépasse aujourd'hui 700,000
tonnes.
Le Canada a de la touibe en abondance, et des sources
de pétrole, principalement dans la presqu'île située entre
le lac Érié et le lac Ontario, et dans la province de Gaspé.
Le minerai de fer, très-abondant sur les bords des lacs
Érié, Ontario, Saint-Jean etc., commence à être exploité.
Le minerai de cuivre l'est sur divers points : au nord du lac
Supérieur et du lac Huron, dans des terrains semblables
à ceux qui renferment les mines du Michigan ; au nord du
lac Ontario ; au sud du Saint-Laurent, dans la région des
Communes de l'est, depuis le lac Champlain jusqu'au pro-
montoire de Gaspé. La valeur totale du cuivre et du
minerai est de près de 2 millions de francs.
On a découvert des placers aurifères dans la vallée de
la Chaudière et de Saint-François. On exploite sur plu-
sieurs points la plombagine, l'ardoise, le plâtre.
161. L'industrie. — L'industrie du pays est surtout
agricole et comprend des scieries de bois et des moulins à
farine. L'abondance du bois a donné naissance à la con-
struction des navires, surtout à Québec ; mais cette indus-
trie souffre de la concurrence des vaisseaux en fer. Les
machines agricoles, les cuirs, les draps occupent plusieurs
manufactures dans le Haut-Canada.
162. Les voies de communication. — Le sol, générale-
ment granitique, a de brusques ressauts ; aussi, pour per-
mettre la navigation sur les nombreux cours d'eau et
pour les mettre en communication avec le Saint-Laurent,
a-t-il fallu tourner, au moyen de canaux, les rapides et les
cascades. Les principaux canaux sont : le canal Welland,
long de 14 kilomètres, qui conduit du lac Érié au lac Onta-
rio, en évitant le Niagara, et qui peut porter des bâtiments
de 400 tonneaux ; le canal du Rideau, qui relie le lac
Ontario à la rivière Ottawa ; le canal Chambly, qui faci-
lite l'entrée du lac Champlain et qui sert à relier le Saint-
Laurent et l'Hudson. Du détroit de Belle-Isle au fond du
lac Supérieur, il y a une ligne ininterrompue de 3,700
kilomètres de navigation intérieure.
Les chemins de fer ont une longueur d'environ 4,500
kilomètres et s'étendent chaque jour. Les principaux sont
le Grand-Tronc, qui part de la Rivière-du-Loup et suit la
rive droite du Saint-Laurent jusqu'au pont Victoria, à Mont¬
réal ; ce magnifique pont tubulaire, qui a plus de 3 kilo-
mètres, est supporté par 24 arches à 30 mètres au-dessus
du niveau des plus hautes eaux. De là, par la rive gauche
du fleuve et la rive septentrionale du lac Ontario, le che-
min de fer gagne la rivière Saint-Clair et le Michigan. Il
se ramifie par divers enbranchements, dans la presqu'île
du Haut-Canada ; et, de Montréal, il envoie d'autres rami-
fications vers les États-Unis, dans la direction du sud. Un
autre chemin de fer part de la Rivière-du-Loup et va jus-
qu'à Hatifax sur l'Atlantique, avec embranchements sur
la baie des Chaleurs et sur Saint-John.
Le Canada a plusieurs belles routes de voitures.
163. Les villes principales et les ports. — on compte
au Canada et dans les possessions anglaises voisines UNE
VILLE DE PLUS DE 100,000 HABITANTS et sept villes de 20,000
à 100,000 âmes.
A l'exception d'Ottawa (21,000 hab.), capitale de la do-
minion du Canada, toutes ces villes sont comprises dans
les ports de cette région, dont voici les principaux :
Sarnia, au débouché du lac Huron, faisant un commerce
net de 6 à 7 millions de francs.
Hamilton (26,000 hab.), à l'ouest du lac Ontario, en com-
munication directe par voie ferrée avec Sarnia, et avec
toute la riche presqu'île du Haut-Canada ; il s'y fait un
commerce d'environ 20 millions ;
Toronto (46,000 hab.), sur la rive septentrionale du
même lac, fait un commerce d'environ 30 millions ;
Kingston, au débouché du lac dans le Saint-Laurent,
avec un commerce de 25 millions environ ;
MONTRÉAL (Voir le carton de la carte n° 24), est une ville de
107,000 habitants, bâtie près du confluent de l'Ottawa, sur
la rive orientale de l'île à laquelle le nom de Montréal a été
donné, à cause d'une montagne assez élevée, dite le mont
Royal ; elle possède plusieurs fabriques. Son port, peu
large, et cependant commode, exporte des bois, des céréa-
les, du porc, de la potasse, du beurre, du minerai, des
pelleteries et fait un commerce de plus de 120 millions de
francs. Le mouvement de la navigation y est d'environ
500,000 tonnes.
Trois-Rivières, sur la rive gauche du Saint-Laurent, à
moitié chemin entre Montréal et Québec, fait le commerce
de potasse et de minerai de fer.
Québec (60,000 hab.) est bâti au confluent de la rivière
Saint-Charles et du Saint-Laurent (Voir le carton de la carte
n° 23), en partie sur la grève, en partie sur le promontoire
qui sépare les deux cours d'eau. La ville haute est ancienne
et irrégulière ; la ville basse, mieux bâtie, est le siège du
commerce, particulièrement de celui des bois ; on y cons-
truit beaucoup de navires. Le commerce est d'environ
75 millions, et le mouvement du port de 1 million et demi
de tonneaux.
Saint-John (22,000 hab.), chef-lieu et le port du Nouveau-
Brunswick, se divise, comme Québec, en haute et basse
ville.
Halifax (35,000 hab.), chef-lieu et port de la Nouvelle-
Écosse, ville bien bâtie, sur une belle baie, est un point
important de communication entre les provinces cana-
diennes et l'Europe.
Saint-John (22,000 hab.), capitale de Terre-Neuve.
164. La navigation et le commerce. — La marine mar-
chande se compose de 7,500 navires, jaugeant 900,000 ton-
neaux. Le mouvement total de la navigation est de 11 millions
et demi de tonneaux ; il comprend deux éléments distincts :
la navigation du Saint-Laurent et des grands lacs, par la-
quelle le Bas et le Haut-Canada communiquent entre eux
et avec les États-Unis, et qui compté pour 5 millions et
demi de tonneaux, moitié aux États-Unis et moitié au Ca-
nada ; et la navigation maritime, que se partagent presque
exclusivement l'Angleterre, les États-Unis et les colonies
anglaises.
Un service régulier de bateaux à vapeur relie Montréal
h Liverpool; la traversée est de 9 jours et demi.
Le COMMERCE EXTÉRIEUR est d'environ 950 MILLIONS DE
FRANCS, dont une cinquantaine de millions pour le transit.
Il consiste surtout : à l'importation, en lainages, cotonnades,
thé, fer et quincaillerie, sucre, soieries, articles de modes ;
— à l'exportation, en PLANCHES, MADRIERS et BOIS, en blé,
orge et seigle, en farine, pois, beurre, poisson, viande et
bétail. L'Angleterre y prend part pour plus de 300 millions ;
les États-Unis pour une somme à peu près égale ; les co-
lonies anglaises viennent au troisième rang ; la France, qui
importe des bois et des peaux et qui exporte des vins, de
l'eau-de-vie et quelques articles de luxe, n'est qu'au qua-
trième rang.
163. L'émigration et la population. — Les colonies an-
glaises de l'Amérique du Nord ont encore d'immenses
espaces inoccupés : leur population de 4 millions d'habi-
tants représente à peine 1 habitant par 2 kilom. carrés.
Aussi cherchent-elles à attirer les émigrants. Il en arrive
en effet plus de 20,000 chaque année, presque tous des îles
Britanniques, de la Norvège et des États-Unis ; mais la moi-
tié environ ne fait que traverser le Canada pour se rendre
aux Etats-Unis, dans les provinces de l'Ouest.
Le Bas-Canada a été longtemps une colonie française
florissante ; sa population, encore française par la langue,
par la législation civile et par la religion catholique, est
d'environ 1 million d'individus ; celle du Haut-Canada, où
l'émigiation se porte plus volontiers, est en très-grande ma-
jouté anglaise, et protestante.

MEXIQUE ET AMÉRIQUE CENTRALE.


(Voir les cartes 25 et 26).

166. Les régions naturelles. — La partie méridionale de


l'Amérique du Nord présente la forme d'un triangle, dont
le nord de la Californie, l'embouchure du rio Grande et
l'isthme de Panama seraient les sommets. Cette vaste terre
se divise en trois zones concentriques ;
1° Au centre, la zone des terres froides (terras frias) com-
prend tout le haut pays, c'est-à-dire tout le plateau, et oc-
cupe près des quatre cinquièmes de la surface totale. Elle
jouit, en général, d'un air pur et salubre, d'un climat rela-
tivement doux, comparable à celui des plateaux de l'Italie
méridionale. Elle se subdivise en plusieurs régions. — La
région du nord, plus froide que les autres, est en grande
partie stérile et inhabitée ; elle souffre du manque d'eau ;
elle renferme des déserts, comme la grande vallée dite
Bolson de Mapimi ; ici des plaines de sable, là des monta-
gnes porphyriques, tantôt nues et tantôt boisées ; dans cer-
taines vallées des pâturages et un nombreux bétail ; — la
région centrale, qui, en général, manque aussi d'eau, pré-
sente des aspects très-divers : de vastes espaces entière-
ment arides, comme les environs de Queretaro, ou héris-
sés çà et là de cactus gigantesques, et parsemés d'efflores-
cences salines ; de longues files de pitons volcaniques, aux
flancs ordinairement revêtus de forêts ; de fertiles plaines,
hautes de 2,000 à 2,600 mètres, produisant en abondance
le maïs, le froment, l'agavé dit maguey, la pomme de terre ;
des vallées plus fertiles encore, comme celle d'Oaxaca et
comme les environs du lac Chapala, et renfermant de beaux
pâturages. — La région méridionale, moins élevée et plus
chaude parce qu'elle est plus voisine de l'équateur, est
séparée de la région centrale par la plaine de Tehuantepec.
Elle est largement arrosée pendant la saison des pluies, de
juin à octobre ; la partie voisine de la côte du Pacifique,
toute volcanique, est la plus élevée ; mais, en général, le
plateau est assez uni ; il renferme des vallées fertiles et ri-
chement boisées, comme celle des lacs dans le Nicaragua,
et surtout celle du Limpa dans le San-Salvador ; dans
Costa-Rica, le plateau, qui a encore jusqu'à 1,500 mètres
d'altitude, est assez fertile et jouit d'un climat très-sain,
2° La zone des terres tempérées comprend, des deux cô-
tés de la zone froide, les talus du plateau ; ce sont naturel-
lement des régions montagneuses, avec des terrasses et
des vallées encaissées. Mieux arrosée que le plateau lui-
même, elle présente, en général, dans le Mexique une ligne
de verdure continue, surtout du côté de l'Atlantique ; le
maïs, le blé, la vigne, l'olivier poussent dans cette zone à
côté du cotonnier, du bananier et de la canne à sucre. Les
pentes du côté du Pacifique sont courtes et rapides, à peu
près stériles dans les provinces du nord-ouest, Sonora,
Chihuahua, Cinaloa, mais boisées au sud-ouest dans le
Costa-Rica. Du côté de l'Atlantique, elles se prolongent en
terrasses cultivées ou boisées qui, sur divers points, et
particulièrement dans le Honduras, s'étendent jusque près
des bords de la mer et sont profondément ravinées par
les cours d'eau. Sur les pentes de Costa-Rica, abondam-
ment arrosées pendant la saison des pluies, pousse le
caféier.
3° La zone des terres chaudes forme une bande étroite sur
les deux océans, principalement sur l'océan Atlantique.
Le rivage du Mexique est sablonneux, stérile, couvert de
lagunes ; mais, à quelque distance de la mer et, de là,
jusqu'à 100 kilomètres environ dans l'intérieur des terres,
le sol est très-fertile. C'est là qu'on trouve le bananier, la
patate, le manioc et l'igname qui nourrissent les habitants,
la canne à sucre, le cotonnier, l'indigotier, le vanillier, le
cacaoyer, le nopal, sorte de cactus sur lequel vit la co-
chenille, et de nombreuses espèces de palmiers. La végéta-
tion naturelle y est luxuriante, et il est à présumer que la
culture y était plus générale avant l'arrivée des Euro-
péens. C'est surtout sur la côte sud-est, Yucatan, Hondu-
ras, etc., que sont les FORÊTS d'acajous, d'ébéniers, de pa-
lissandres, de bois de brésil, de cèdres, etc.
167. La production agricole. — Le Mexique et l'Améri-
que centrale produisent des céréales et des racines ali-
mentaires en quantité à peu près suffisante pour leur
population. Le mais donne deux et trois récoltes à Cor-
dova, etc., et rend souvent plus de 200 pour 1 dans les
terres chaudes ; il est cultivé presque partout, et il consti-
tue, sous forme de galette dite « tortilla », un des princi¬
paux aliments de la population. Le froment, l'orge, la
pomme de terre, la tomate, le haricot croissent sur les
parties élevées et sur les terrasses ; les parties basses pro-
duisent le riz, le jatropha, espèce de yucca, dont la racine
râpée donne la farine de manioc, ou, suivant le mode de
préparation, la cassave et le tapioca. Elles produisent aussi
l'igname, la patate, la banane et la chayole, espèce de cucur-
bitacée, qui donne aussi une fécule nourrissante.
Dans les environs des villes, et suivant l'altitude, on cul-
tive l'ananas, l'orange, le piment, les fruits d'Europe.

Les autres productions sont : le MAGUEY, sorte d'agavé


(fig. 82), qui pousse
en très-grande quantité, surtout dans les
provincesde Mexico, de Puebla, de Tlascala, et d'où l'on tire
la boisson fermentée dite pulqué, et une sorte d'eau-de-vie
dite mezcal ; la vanille, gousse du vanillier, que récoltent
en général les Indiens et qu'aucune contrée ne produit en
aussi belle qualité que le Mexique, surtout dans les environs
d'Oajaca et de la Vera-Cruz (Voir la fig. n° 83, qui représente
une tige de vanillier, enroulée autour d'un tronc) ; le chanvre du

Mexique et l'aloès, dont la fibre est textile ; l'indigo du


San-Salvador récolté dans les départements de San-Mi-
guel, de Chalaté-Nango, elc., et qu'on appelle impropre-
ment indigo du Honduras ; le café de Cartago et de San-
José dans le Costa-Rica, de Cordova, du Guatemala, d'Ori-
zaba, de Jalapa, de Potrero et de la côte occidentale ; la
canne dont on tire le sucre et dont on extrait, dans les ter¬
res chaudes du Mexique, diverses liqueurs, entre autres la
boisson connue sous le nom de « tepache» ; le tabac du
Honduras, etc. ; le coton de la Vera-Cruz, de Durango, du
Yucatan, etc. ; le raisin de la Sonora, de Durango, etc. ; le
cacao de Tabasco et de toute la côte orientale, surtout
celui de Soconusco, qui est le plus renommé et que l'on
réservait autrefois pour l'usage du roi d'Espagne, etc.
La salsepareille du Honduras et du San-Salvador, le
baume du San-Salvador, dit baume du Pérou, sont égale-
ment au nombre des productions à mentionner.
La principale richesse agricole de l'Amérique centrale
consiste dans les forêts vierges, qui fournissent de beaux
bois d'ébénisterie ou de teinture : bois d'ACAJOU, surtout
dans les forêts de Balize, du Honduras et du Guatemala :
ces derniers sont les plus estimés ; bois de palissandre, bois
d'ébène, bois de brésil, caoutchouc, etc.
L'élevage du bétail n'a d'importance que dans le nord,
où l'on trouve des moulons, des boeufs, des chevaux sau-
vages et dans quelques États de l'Amérique centrale, Hon-
duras, Nicaragua, Costa-Rica. Le seul animal qui donne
lieu à un commerce actif est la COCHENILLE, petit insecte
à peu près gros comme un grain de blé, qui vit sur un
cactus à larges feuilles, nommé nopal, et duquel on tire une
belle teinture rouge. Il y a la cochenille sauvage et la co-
chenille des cultures ; la plus estimée est désignée sous le
nom de « grana blanca ». Après la saison des pluies, c'est-
à-dire dans le courant d'octobre, on met les insectes sur les
feuilles ; trois mois après, on recueille une quantité de
jeunes cochenilles cinq à dix fois plus considérable que
celle qu'on avait mise. On les fait sécher dans une étuve,
et on les livre ensuite au commerce. C'est une culture
délicate que l'on pratique principalement à Amalitlan,
Antiqua, etc., dans le Guatemala et dans la province
d'Oaxaca.
— La principale richesse du Mexique
168. Les mines.
consiste dans ses mines d'ARGENT et d'OR ; le rendement
annuel est de plus de 100 millions de francs, dont les dix-
neuf vingtièmes en argent. C'est dans les États de Guanaxunto
(mines de la Luz, de Santa-Anna, etc.) ; de Zacatecas (Veta-
Grande, etc.), de Mexico (Real-el-monte) et de Cinaloa que
sont les mines les plus nombreuses et les plus productives.
Les États de San-Luis de Potosi, Durango, Sonora, Xalisco
et Chihuahua sont au second rang. Ces mines sont situées,
pour la plupart, à l'occident du plateau, sur une longue
bande de terrains argentifères qui s'étend, du nord au sud,
jusque dans le Honduras et le San-Salvador.
Le Mexique possède aussi des salines importantes ; quel-
ques mines de cuivre à Chihuahua, Zacatecas, etc. ; de plomb
argentifère aux environs de San-Luis de Potosi ; de fer à
Durango, etc. ; Costa-Rica exploite un peu de houille près
de la frontière sud-est.
Dans la baie de Nicova, on pèche des perles.
169. L'mdustriô. — L'industrie manufacturière est
très-limitée. Elle consiste principalement dans la fabri-
cation de calicots, désignés sous le nom de « manta» à
Puebla, à Mexico et à la Vera-Cruz, de couvertures de laine
dites fradazas ou ponchos, de voiles de laines ou de coton
dits rebozos, de poteries grossières, de chapeaux de paille.
170. Les voies de communication. — Les voies de com-
munication sont ce qui manque le plus au Mexique et à
l'Amérique centrale ; la plupart des transports se font à
dos de mulet. Quelques routes cependant sont assez bien
entretenues. Un chemin de fer qui doit relier la Vera-Cruz
et Mexico, s'étend sur 188 Kilom. de la Vera-Cruz à
Puebla.
171. La navigation et les ports. — Le commerce mari-
time est le seul qui ait une importance notable. Le MOUVE-
MENT TOTAL D'ENTRÉE ET DE SORTIE dans les ports du Mexi-
que et de l'Amérique centrale est d'environ 1 MILLION DE
TONNES, dont moitié pour le Mexique, 200,000 pour San-
Salvador, 150,000 pour Costa-Rica, 66,000 pour le Guate-
mala, moins de 10.000 pour le Nicaragua et le Honduras
réunis. Les États-Unis figurent pour les 3/4 dans ce mou-
vement et ont plusieurs services réguliers de bateaux à va-
peur ; l'Angleterre est au second rang ; la France, qui
représente à peu près le dixième de la navigation, vient au
troisième rang.
Principaux ports de l'Atlantique :
Matamoros, près du rio Grande, fait un certain com-
merce de peaux et de cornes.
Tampico, petite ville bâtie près de l'embouchure de la
rivière du même nom, fait avec les États-Unis et l'Angle-
terre un commerce d'argent, de bois de teinture, de sal-
separeille et de vanille, et communique par le cabotage
avec les autres petits ports de la côte.
La Vera-Cruz, ou plus exactement Villa-Rica de la Vera-
Cruz, est en quelque sorte le port de Mexico et se trouve
en communication avec les plus riches provinces du Mexi-
que. Elle fait à peu près les trois quarts du commerce
extérieur en métaux précieux, café et cochenille, et entre-
tient des relations de cabotage assez suivies avec les petits
ports de la côte (Voir le carton de la carte n° 26). La ville est bien
bâtie ; mais le port est une simple rade, abritée par l'île de
Gallega où se trouve le fort de Saint-Jean-d'Ulloa.
Campêche, Sisal sont des ports peu sûrs et peu fré-
quentés.
Balize, chef-lieu du Honduras britannique, bâtie à l'em-
bouchure du Balize, exporte des bois, principalement des
bois d'acajou (environ 15,000 pieds d'arbres par an), et fait
un commerce total d'environ 12 à 13 millions de francs.
San-Thomas et Izabal, sur le golfe de Dolce, sont les
seuls ports du Guatemala sur l'Atlantique.
Omoa, le principal port du Honduras, est situé à une
douzaine de kilomètres à l'ouest du vaste port dit Puerto-
Caballo, autrefois important ; on se propose d'en faire la
tête de ligne d'un chemin de fer interocéanique.
Trujillo, autre port du Honduras, est à l'ouest d'une vaste
baie abritée par la pointe de Castille.
San-Juan de Nicaragua, petit port du Nicaragua, à l'em-
bouchure de la rivière du même nom, est aussi désigné
sous le nom de San-Juan del Norte et par les Anglais sous
celui de Greytown.
Matina, dans le Costa-Rica, est située près de l'embou-
chure du Malina.
Ports de l'Océan Pacifique :
Punta-Arenas, le port de Costa-Rica, bâti sur une pres-
qu'île de la baie de Nicoya, exporte du café, du cuir et des
bois.
San-Juan del Sur, localité peu importante, et Realejo,
sont les ports du Nicaragua.
Amapala, port du Honduras, est située dans l'île du
Tigre, au fond de la baie de Fonseca.
La Union, le principal port du San-Salvador, est au pied
du volcan Conchagua, sous un climat brûlant.
La Libertad et Acajutla sont les autres ports du San-
Salvador.
San-José, le port du Guatemala.
Acapulco, port du Mexique, est situé sur le bord d'une
rade excellente, presque entièrement entourée de hautes
montagnes granitiques, mais exposée à des chaleurs étouf-
fantes. Du temps de la domination espagnole, c'était le
principal port de l'Amérique du Nord sur le Pacifique ; il
servait aux communications régulières de l'Espagne avec
les îles Philippines ; aujourd'hui, il exporte de l'indigo, de
la cochenille et de l'argent.
Mazatlan, port médiocre et malsain, fait cependant un
certain commerce avec l'Angleterre, les États-Unis et la
France.
San-José de Guaymas, à l'embouchure du Guaymas, est
le meilleur port du golfe de Californie.
172. Le commerce. — Le COMMERCE EXTÉRIEUR DE L'AMÉ-
RIQUE CENTRALE ET DU MEXIQUE peut être évalué à 380 MIL-
LIONS DE FRANCS, à savoir : 250 millions pour le Mexique,
qui exporte de 90 à 100 millions de métaux précieux ; 55
millions pour le Guatemala, dont la cochenille et le bois
sont les principaux articles d'exportation ; 35 millions en-
viron pour le San-Salvador, qui exporte surtout de l'indigo,
du café et du sucre ; 18 à 20 millions pour Costa-Rica, dont
l'exporlation consiste surtout en café ; 12 millions pour le
Honduras ; 9 millions pour le Nicaragua.
Les principales importations sont les cotonnades de l'Angle-
terre, les soieries de la France et de l'Allemagne, les toiles
des îles Britanniques, le coton brut des États-Unis, les draps
de la France, de l'Allemagne et de l'Angleterre, la ver-
rerie, la porcelaine, la quincaillerie, le fer de l'Allemagne
et de l'Angleterre, l'huile d'olive et le cacao que le Mexi-
que achète à l'Amérique centrale, le vin et les liqueurs de
France et d'Espagne.
Les principales exportations sont les MÉTAUX PRÉCIEUX,
l'or et surtout l'ARGENT, dont le Mexique et même l'Amé-
rique centrale envoient, année moyenne, 100 millions à
l'Angleterre, aux États-Unis, à la France ; les BOIS D'ÉBÉ-
NISTERIE ET DE TEINTURE, bois d'acajou, bois de brésil, bois
de palissandre, bois d'ébène, etc., expédiés par le Mexique
et surtout par l'Amérique centrale à l'Angleterre, aux États-
Unis, à la France, à l'Allemagne ; la cochenille (6 à 7 mil-
lions de francs) du Guatemala et du Mexique ; l'indigo du
San-Salvador ; le café de Costa-Rica et du Mexique ; la va-
nille du Mexique, expédiée surtout en France ; le cacao de
l'Amérique centrale ; le tabac, le coton, le jalap, la salse-
pareille, destinés à l'Angleterre.
L'Angleterre et les États-Unis sont au premier rang dans
le commerce et dans la navigation de
ces contrées ; la
France vient au second rang ; l'Allemagne au troisième.
173. Les villes principales. — Cette partie de l'Amé-
rique ne possède qu'une ville de plus de 100,000 âmes :
MEJICO, ou, selon l'orthographe française conforme à la
prononciation, Mexico (200,000 hab.), capitale du Mexique,
est située à 2,350 mètres au-dessus du niveau de la mer,
dans une belle plaine entourée de hautes montagnes et
semée de lacs sans profondeur, qui se dessèchent peu à peu
par suite du déboisement de la contrée. La ville est bien
bâtie et renferme quelques beaux édifices, la cathédrale,
etc. ; de magnifiques aqueducs y amènent l'eau.
On y compte, en outre, dix-huit villes de 20,000 à
100,000 habitants.
Treize appartiennent au Mexique :
Puebla (75,000 hab.), ville industrieuse et place très-forte,
dans une des plaines les plus élevées du plateau d'Anahuac
(2,200 m.), prise d'assaut par les Français en 1863 ;
Guadalajarra (70,000 hab.), ch.-l. de l'État de Xalisco,
avec une université florissante ;
Guanacuato (63,000 hab.), belle ville, au centre de la ré-
gion argentilère la plus riche du monde ;
Queretaro (48,000 hab.), belle ville, une des plus indus-
trieuses du Mexique, et place forte, tristement fameuse
par la chute du second empire mexicain en 1867 ;
San-Luis de Potosi (33,000 hab.), jadis célèbre par ses
mines d'argent, aujourd'hui peu productives;
Aguas-Calientes (22,000 hab.), dans un site délicieux,
doit son nom à ses eaux thermales ;
Matamoros (40,000 hab,), dans l'État de Tamaulipas et
la Vera-Cruz (37,000 hab.), dans l'État de son nom, ports
fréquentés (§ 171 ) ;
Oaxaca (25,000 hab.), dans une contrée abondante en
cochenille ;
Merida (25,000 hab.), capitale du Yucatan, dans une
plaine aride, à 40 kilom. de la mer ;
Toluca (20,000 hab.), chef-lieu de l'État de Mexico ;
Morelia ou Valladolid (25,000 hab.), chef-lieu du fertile
État de Mechoacan ;
Colima (31,000 hab.), au pied du volcan de son nom ;
Quezaltenango (20,000 hab.), une des villes les plus an-
ciennes du Mexique, très-florissante avant l'arrivée des
Européens.
Les cinq autres appartiennent à l'Amérique centrale :
Guatemala la Nueva, capitale du Guatemala, ville floris-
sante de 40,000 hab., bâtie en 1773, après le tremblement
de terre qui a détruit le Vieux-Guatemala, ou la Antiqua
(20,000 hab.), située à 43 kilom. à l'ouest.
San-Salvador (70,000 hab.), capitale de la République de
son nom, dans une vallée délicieuse, mais sujette à de ter-
ribles tremblements de terre.
Léon (25,000 hab.), ancienne capitale du Nicaragua,
plus importante que Managua, la capitale actuelle, et si-
tuée à 15 kilom. du Pacifique.
San-José (25,000 hab.), capitale du Costa-Rica.»
174. La population et le gouvernement. — La superfi-
cie du Mexique et de l'Amérique centrale est d'environ
3,442,000 kilomètres carrés ; la population de 11,000,000
habitants, dont 8 millions 1/2 pour le Mexique et 2,700,000
pour l'Amérique centrale. Elle se compose de trois races
distinctes : les Indiens, qui forment la très-grande majorité
(environ 7 millions d'individus) ; les métis, au nombre
d'environ 2 millions et demi ; les blancs, au nombre de
moins de 1,300,000. La diversité des races et le peu de
densité de la population, groupée, sur quelques points au
milieu de vastes espaces déserts, ont beaucoup nui à l'u-
nité et à la bonne administration de ces pays.

ANTILLES OU INDES OCCIDENTALES

(Voir la carte n° 26).

175. Les régions naturelles. On comprend sous le


nom d'Antilles toutes les îles situées à l'est de la Floride
et entre la Floride et l'Amérique du Sud : elles sont aussi
connues, surtout en Angleterre et en Hollande, sous le
nom d'Indes Occidentales, dénomination provenant d'une
erreur géographique des premiers explorateurs, qui pen-
sèrent avoir atteint les Indes par l'ouest. Ces îles ont de
nombreux caractères communs, entre autres un climat tro¬
pical, puisqu'elles sont, sauf les plus septentrionales des
îles Bahama, dans la zone torride ; elles ont, par consé-
quent, une saison sèche et brûlante, de mai à octobre, et
une saison humide, avec des pluies torrentielles, d'oc-
tobre à décembre. Les brises de mer modèrent la tempé-
rature des étés ; l'alizé souffle de l'est depuis décembre
jusqu'en juin ; des ouragans terribles sévissent au mois
d'août dans la région située entre Cuba et Tabago. Les zo-
nes de végétation y sont déterminées par l'altitude beau-
coup plus que par la latitude ; aussi elles montrent suc-
cessivement les palmiers et les autres plantes tropicales
dans les plaines, les pins et les végétaux d'Europe sur les
hauteurs. On peut y distinguer plusieurs groupes.
1° Le groupe des îles Bahama, îles et îlots calcaires, re-
posant sur un immense banc de corail. Généralement bas-
ses, inhabitées pour la plupart et couvertes d'une mince
couche de terre végétale, elles produisent cependant des
bois de teinture et des fruits dans les îles les plus peuplées,
comme New Providence, Eleuthera, Abacos, Exuma, etc.
La mer est poissonneuse et abonde en tortues.
2° CUBA, la plus grande des Antilles, est traversée par
une chaîne de granit et de micaschiste qui occupe, à l'est,
sous les noms de Sierra Cobre « Montagnes de cuivre »
et de Sierra Maestra, toute la largeur de l'île, et atteint
une hauteur de 2,600 mètres. Cette chaîne diminue de hau-
teur, à mesure qu'on s'avance vers l'ouest et laisse place
à de vastes prairies, à des savanes, à des plaines calcaires
ou argileuses d'une grande tertilité ; les côtes sont en gé-
néral hérissées de récifs. La végétation est presque par-
tout luxuriante ; les montagnes et les vallées sont couvertes
de forêts d'acajous, d'ébéniers, de cèdres ; les savanes, de
fleurs odoriférantes. On cultive le mais qui donne deux
récoltes et le riz dans certains districts ; mais les produc-
tions les plus importantes sont le SUCRE, le café et le tabac ;
le coton, le cacao et l'indigo ne viennent qu'au second rang.
C'est la partie occidentale de l'île qui est la plus fertile.
3° Les autres grandes Antilles sont la Jamaïque, Haïti et
Puerto-Rico.
La Jamaique est traversée, de l'est à l'ouest, par une
chaîne de grauwacke et de trapp, bien boisée, nommée
montagnes Bleues, haute de 2,000 à 2,600 mètres ; au pied
sont de verdoyantes savanes, des vallées bien arrosées et
de belles plantations de sucre, d'indigo, d'arrow-root, de
café, de tabac, de piment.
HAÏTI, c'est-à-dire pays montagneux, la perle des Antil-
les, est formée de trois chaînes : une chaîne centrale, diri-
gée de l'ouest à l'est, dont le Cibao (2,400 mètres) est le
principal sommet, et deux chaînes au nord et au sud, paral-
lèles à la première. Entre ces chaînes sont de belles plaines :
au nord la plaine de Veja-Real, fertile, bien arrosée, pro-
duisant le café, le cacao, la canne à sucre et nourissant un
beau bétail ; au sud, la plaine d'Azua, plus fertile encore
malgré sa sécheresse, et donnant, outre la canne à sucre,
beaucoup de bois d'acajou, de bois de satin et d'autres
bois d'ébénisterie, lesquels abondent dans la partie orien-
tale ; à l'ouest, la plaine d'alluvion de l'Artibonite, où pous-
sent la canne à sucre, le cotonnier, l'indigotier, etc.
Puerto-Rico est traversée par une chaîne qui est comme
la continuation des montagnes Bleues et de la chaîne mé-
ridionale d'Haïti ; ses plus hauts sommets dépassent à
peine 1,100 mètres, et ses flancs sont couverts de belles fo-
rêts. L'île est parsemée de savanes, avec quelques riches
plaines cultivées eu sucre, en café, en tabac et en coton.
Elle passe pour la plus salubre des Antilles.
4° Le groupe des petites Antilles comprend, en premier
lieu, les îles Vierges qui sont rocheuses, abruptes, assez fer-
tiles cependant en coton et en sucre ; en second lieu, un
chapelet d'îles d'origine volcanique qui forment un arc de
cercle régulier, depuis Saint-Eustache jusqu'à Grenade ;
en troisième lieu, des îles d'origine neptunienne, généra-
lement calcaires et basses, situées à l'est de l'arc de cercle ;
enfin la Trinité, qui n'est qu'une pointe détachée de l'A¬
mérique du Sud et qui produit du sucre et du cacao.
Les îles volcaniques sont formées d'un ou de plusieurs
sommets, mont Misère dans Saint-Christophe (1,250 mè-
tres), la Soufrière dans la Guadeloupe (1,700 mètres), le
Morne-au-Diable dans la Dominique (1,800 mètres), les-
quels sont rocheux, très-boisés, peu accessibles ; et de
vallées profondes, bien arrosées, avec une côte basse gé-
néralement fertile. Saint-Christophe et Nevis, qu'un étroit
canal sépare, donnent du sucre ; Montserrat produit du
sucre et du coton dans sa plaine occidentale; la Guade-
loupe proprement dite ou Basse-Terre qui, contrairement
à son nom, est montagneuse, produit du sucre et du café ;
la Dominique produit du sucre et du bois en abondance ; la
Martinique, boisée aussi au centre, du côté du mont Pelé,
est fertile en café, en cacao, surtout à l'ouest ; Sainte Lucie
récolte du sucre et du café dans ses deux plaines du Gros-
Islet au nord et du Vieux-Fort au sud ; Saint-Vincent a de
magnifiques forêts et cultive la canne ; la Grenade, une des
plus belles Antilles, produit du sucre et du coton.
Les îles de formation neptunienne sont des plaines gé-
néralement feililes. Anguilla, qui l'est médiocrement,
nourrit du bétail : la Barboude donne des céréales, du co-
ton, du poivre ; Antigoa, qui tient à la fois des deux for-
mations, cultive la canne à sucre, le riz, l'arrow-root ;
la Grande-Terre, qui fait partie de la Guadeloupe, produit
le sucre, le café ; Marie-Galante est très-boisée ; la Barbade,
la plus orienlale et la plus peuplée des Antilles, cultive en
grande quantité le sucre, le coton, le manioc ; Tabago qui
forme une masse de roc inclinée au sud-ouest produit la
canne à sucre.
Aux îles de l'Amérique du Nord on peut rattacher le
groupe madréporique des îles Bermudes, abondant en
fruits.
176. La production agricole. — Les Indes Occidentales
s'occupant principalement de la culture des denrées
tropicales qu'elles, destinent au commerce ne suffisent pas
à nourrir leur population ; cependant elles produisent
diverses variétés de millet, le MANIOC qu'on tire de l'arrow-
root et diverses autres fécules, le mais, le riz de Cuba,
l'igname la patate, le chou caraïbe, les pois et le ha-
ricot.
La CANNE A SUCRE est devenue dans presque toutes les

Antilles la principale préoccupation des planteurs ; mais


cette culture a été momentanément entravée par le dé¬
faut de bras, depuis l'émancipation des esclaves, réforme
nécessaire, et qui a eu, en somme, d'heureux résultats. La
canne à sucre est une graminée haute de 3 à 4 mètres, dont
la tige nodeuse a ressemble à celle d'un gros roseau (Voir
la fig. 84). On la coupe en général de février à mai, on broie
ensuite les cannes entre les cylindres d'un moulin ; le jus
qui s'en échappe, dit vesou, est recueilli et passe dans une
série de bassines où, par l'action du feu, il se transforme
en sirop ; le sirop refroidi, purifié et cristallisé est le SUCRE,
dont la production dans les ANTILLES est d'environ 745,000
tonnes, c'est-à-dire est égale à la moitié de la production
du monde entier, sucre de canne et sucre de betterave
réunis. CUBA qui produit près de 600,000 tonnes, Puerto-
Rico, la Barbade, la Trinité, la Jamaique, les Antilles fran-
çaises sont les îles qui en produisent le plus. La partie du
sirop qui est trop impure pour se cristalliser et qui est
moins du quart de la quantité cristallisée, est vendue comme
mélasse, ou distillée et transformée en RHUM et en tafia,
rhum de la Jamaique, rhum de Cuba, de Puerto-Rico, de
la Martinique, etc.
Le CAFÉ est, après la canne à sucre, la culture la plus
importante. Il y a un siècle, le café occupait le premier
rang dans les Antilles ; la culture du sucre, plus lucrative,
l'a en partie remplacé ; mais, tandis que cette dernière,
qui exige beaucoup de main-d'oeuvre, a diminué depuis
l'émancipation des esclaves, celle du café, qui réclame
moins de travail et qui se plaît sur les terrains élevés
entre 300 et 1,000 mètres d'altitude, tend à se développer.
La production des Antilles est d'environ 40,000 tonnes et ne
le cède qu'au Brésil et à Java. HAÏTI, Cuba, Puerto-Rico, la
Jamaïque, la Guadeloupe, la Martinique sont les îles qui
en fournissent le plus.
Au troisième rang est le TABAC, dont la production a
une valeur de 150 millions de francs : les principaux en-
droits de production sont : CUBA, qui fournit des tabacs en
feuilles très-estimés, les cigares de la Havane, etc., Puerto-
Rico, Haïti, d'où provient le tabac dit Cap. Au quatrième
rang, le CACAO, de la Trinité, un des plus renommés dans
le commerce, d'Haïti, de Sainte-Lucie, de la Grenade, de
la Martinique, etc. Puis viennent le coton, encore peu cul-
tivé (Cuba, Haïti, etc.), le piment, le gingembre de la
Jamaïque.
Les forêts, surtout dans les Grandes Antilles, sont riches
en bois d'ébénisterie et de teinture. Le meilleur acajou
provient des montagnes de la république de Saint-Domin-
gue. Haïti, Cuba et la Martinique posssèdent, avec le bois
d'acajou, le bois de campêche, le bois de satin, le bois de
brésil, le gaïac, le bois jaune, etc.
Les fruits des tropiques, ananas, bananes, oranges, ci-
trons, noix de coco, grenades, goyaves, etc., sont très-
cultivés dans les jardins.
Le bétail, excepté dans quelques parties de Cuba, est
généralement rare. Cuba élève des abeilles et fournit au
commerce du miel et de la cire.
177. La pêche. — Dans la mer des Antilles et dans le
golfe du Mexique, particulièrement dans les parages des
îles Bahama, on pêche des tortues, recherchées quelques-
unes pour leur chair, toutes pour leur écaille.
178. La production minérale. — Les Grandes Antilles
possèdent des richesses minérales qui sont peu utilisées.
Le minerai de cuivre de Cuba qui produit environ 12,000
tonnes, dans la Sierra Cobre, et qui est d'une exploitation
difficile, la poix de la Trinité, dans le lac de la Brea, l'as-
phalte dit Chapapote, le sel des îles Turques, de Puerto-
Rico, de Saint-Martin, sont les principales richesses en ce
genre.
179). Les voies de communication et les ports.
— Les
routes sont peu nombieuses. Cuba cependant possède en-
viron 600 kilomètres de chemins à rails de fer ou de bois,
rayonnant au départ de la Havane et de Matanzas et reliant
les principaux ports à l'intérieur ; la capitale de la Ja¬
maïque est également reliée à son port par un chemin de fer.
Une active navigation rattache ces îles les unes aux
autres et les fait communiquer avec le continent améri-
cain et avec l'Europe. Le centre des communications ma-
ritimes est SAINT-THOMAS ; la ville, appelée Charlotte-Ama-
lia, bâtie au fond d'une rade excellente, bien fermée et
cependant d'un accès facile, est un port franc, et doit à
cette condition et à sa situation entre les grandes et les
petites Antilles, entre l'Amérique du Nord et l'Amérique
du Sud, sur la ligne qui conduit en Europe, d'être le prin-
cipal entrepôt des Indes occidentales. Le paquebot anglais de
Liverpool à Culon-Aspinwall, le paquebot français de
St-Nazaire à la Vera-Cruz, le paquebot américain de New-
York au Brésil, etc. y font escale, et y échangent les cor-
respondances. Les vivres d'Amérique et d'Europe, les
tissus et les vins d'Europe, s'y rencontrent avec le sucre,
le café, la cochenille, le tabac, le cacao, les bois. La
houille y est importée en assez grande quantité pour l'ap-
provisionnement des navires. Les États-Unis et l'Angle-
terre en première ligne, la dominion du Canada, la
France et l'Allemagne en seconde ligne, fréquentent
ce port régulièrement.
Les autres ports sont ;
Nassau, chef-lieu des ilesBahama.
La HAVANE, la capitale de Cuba, située sur le rivage
occidental et près de l'entrée d'une des plus belles rades
du monde (Voir le carton de la carte n° 26). Le mouvement de
son port (entrée et sortie) est de un million et demi de ton-
neaux : plusieurs services réguliers de paquebots y font
escale, entre autres, le paquebot français de Saint-Nazaire
à la Vera-Cruz. La Havane importe surtout des vivres et
des tissus, et exporte du sucre, de la mélasse, du rhum, du
tabac et du miel.
Matanzas (30,000 hab.), à près de 100 kilomètres à l'est
de Cuba, exporte plus de sucre que la Havane et a un
mouvement maritime de 215,000 tonneaux.
Cardenas exporte beaucoup de sucre et surtout de mé-
lasse.
Son-Fernando de Nuevitas sert de port à Puerto-Principe
(30,000 hab.), la ville la plus considérable de l'intérieur, à
laquelle il est relié par un chemin de fer.
Santiago de Cuba (96,000 habitants), au sud-est de l'île,
avec une magnifique rade, exporle surtout le minerai de
cuivre ; ses principales relations ont lieu avec l'Angleterre.
Cienfuegos, au sud de l'île de Cuba, à l'extrémité d'une
baie profonde, exporte beaucoup de mélasse.
Kingston (35,000 hab.), le port de la Jamaïque, en com-
munication par chemin de fer avec Spanishtown, la capi-
tale, a un mouvement maritime d'environ 280,000 ton-
neaux. Il importe des vivres, du bois, et exploite du sucre,
du rhum, du gingembre, du piment, du café. Les 4/5 de
son commerce appartiennent à la marine britannique.
Port-au Prince ou Port-Républicain (21,000 habitants),
capitale et principal port de la république d'Haïti, ville
bâtie presque toute on bois, sur un sol marécageux et mal-
sain, au fond de la baie des Gonaves ; mais avec un port
sûr, sauf à l'époque des ouragans (d'août à novembre).
Le mouvement du port est d'environ 200,000 tonnes, et le
commerce, bien amoindri depuis la fin du XVIIIe siècle,
consiste en importation de vivres des États-Unis, de tissus
de France, d'Angleterre, d'Allemagne ; et en exportation
de café, de bois de teinture et d'ébénisterie, de cacao, de co-
ton : la valeur de ce commerce ne dépasse pas 50 millions.
Cap-Haïtien, au nord de la république d'Haïti, fait avec
les États-Unis un commerce médiocre en café et en bois.
Porto-Plata, sur la côte septentrionale de l'île, et San-
to-Domingo, capitale de l'État, sur la côte méridionale,
ne font qu'un petit commerce, d'environ 6 millions de
francs en tabac, en guano et en café, à l'exportation ; en
vivres et en tissus à l'importation.
San-Jucm de Puerto-Rico (20,000 habitants), bâti sur une
petite île de la côte septentrionale, reliée par un pont à
l'île de Puerto-Rico, a un bon port, jouit d'un climat sa-
lubre et exporte, ainsi que les ports de Mayaguez de Ponce
et d'Arecibo, le sucre, la mélasse, le café, le tabac. Le
mouvement maritime de ces ports est de 500,000 tonneaux,
et la valeur de leur commerce d'environ 75 millions.
Tortola est le principal port anglais des îles Vierges,
admirablement défendu par la nature.
Saint-John est le port et le chef-lieu de l'île Antigoa.
Basse-Terre et la Pointe-à-Pitre, ruinée par un tremble-
ment de terre, en 1863, sont les ports principaux de la
Guadeloupe ; Saint-Pierre (25.000 hab.), et Fort-de-France
ceux de la Martinique (Voir la France avec ses colonies). La
Pointe-à-Pitre et Fort-de-France sont, en outre, les points
de relâche des paquebots transatlantiques français en cor-
respondance avec Saint-Thomas.
Kingstown, chef lieu de Saint-Vincent, Georgetown,
chef-lieu de la Grenade, Bridgetown (22,000 habitants),
chef-lieu de la Barbarie, sur la baie de Carlisle, à la pointe
sud-ouest de l'île, Puerto-d'Éspaña, chef-lieu de la Trinité,
au nord-ouest de l'île, impoitent des vivres et des tissus,
exportent du sucre, de la mélasse, du rhum, et font pres-
que tout leur commerce avec la métropole.
Le MOUVEMENT TOTAL DE LA NAVIGATION (entrée et sortie)
dans les Indes Occidentales peut être estimé approxima-
tivement à 4 MILLIONS 1/2 DE TONNEAUX, dont près de moitié
pour la seule île de Cuba. Les États-Unis et l'Angleterre,
avec le Canada, prennent la part principale dans ce mou-
vement ; en seconde ligne, mais bien loin ; vient la France ;
puis l'Allemagne et l'Espagne.
180. Le commerce. LE COMMERCE EXTÉRIEUR DES ANTILLES

peut être évalué à PRÈS DE DEUX MILLIARDS DE FRANCS ; PLUS


D'UN MILLARD ET DEMI pour les ANTILLES ESPAGNOLES, dont
1480 millions pour la seule île de CUBA ; plus de 200 millions
pour les Antilles anglaises, dont 150 millions pour les trois
îles de la Jamaïque, de la Barbade et de la Trinité ; un peu
plus de 100 millions pour les deux républiques de l'île d'Haïti ;
60 millions pour les Antilles françaises ; et environ 70 mil-
lions pour les Antilles danoises, suédoises et hollandaises.
Dans ce commerce les États-Unis et l'Angleterre se dis-
putent le premier rang. L'Angleterre fait environ les 4/5
des affaires de ses colonies, mais elle ne fait guère que
le quart des affaires des colonies espagnoles ; près des deux
tiers du commerce de Cuba et la moitié du commerce
d'Haïti passent par les États-Unis. La France, qui a le
premier rang dans ses propres colonies, ne figure guère
que pour un dixième à Haïti ; pour un vingtième dans les
colonies espagnoles ; et pour beaucoup moins dans les co-
lonies anglaises.
Les IMPORTATIONS consistent surtout en VIVRES que les
Antilles produisent en quantité insuffisante : FARINE, MAÏS,
riz et blé (150 millions de francs), provenant des États-Unis,
du Canada, de l'Angleterre, de l'Espagne ; viande conser-
vée, bétail (90 millions) et poisson séché ou salé, principa-
lement de la morue, provenant du Canada ; beurre, fro-
mage, biscuits des États-Unis ; vins, spiriritueux, bières et
huiles provenant des États-Unis, d'Angleterre, de France ;
en bois (75 millions), douves, bardeaux, planches du Ca-
nada et des États-Unis ; en TISSUS (150 millions), toiles et
cotonnades d'Angleterre, soieries de France et d'Allemagne ;
en fourrures, en poterie, en quincaillerie.
Les exportations consistent surtout en SUCRE (environ
370 millions de francs) que toutes les îles produisent, mais
dont plus de 200 millions sont fournis par la seule île de
Cuba ; en mélasse ; en rhum de la Jamaïque, de Tabago, de
la Grenade, de la Martinique ; en TABAC (environ 50 millions
de francs) de Cuba et des autres grandes Antilles ; en
BOIS DE TEINTURE ET D'ÉBÉNISTERIE provenant principa-
lement des grandes Antilles ; en café (environ 25 millions
de francs) que fournissent principalement Haïti, et les au-
tres grandes Antilles, la Martinique, etc. ; en cacao d'Haïti,
de la Trinité, de Sainte-Lucie ; en piment, en gingembre,
en coton, en sel, en arrow-root.
181. La population et les grandes villes. — Les Indes
Occidentales ont une superficie de 250,000 kilomètres
carrés et une population d'environ 4 MILLIONS D'HABITANTS ;
c'est 16 habitants au kilomètre carré. Elles ne renferment
qu'une seule ville de plus de 100,000 habitants :
San-Cristoval de la Habana ou La HAVANE (205,000 hab.)
est bâtie sur une presqu'île de la rive occidentale de la
baie et défendue par plusieurs forts. Elle a quelques
beaux monuments ; mais les rues sont étroites, mal pavées ;
la moitié de la population habite dans les faubourgs de
Salud, de Guadalupe, ou de l'autre côté de la baie, dans le
faubourg Regla.
On y trouve d'ailleurs huit autres villes au-dessus de
20,000 hab., dont les noms figurent plus haut parmi les
ports (§ 179).
La population des Indes Occidentales se compose de
blancs, européens ou créoles, et d'hommes de couleur, nègres
ou mulâtres. Les hommes de couleur forment presque
toute la population de l'île d'Haïti ; dans les colonies espa-
gnoles, celles où l'esclavage a subsisté le plus longtemps,
ils forment à peu près la moitié d'une population totale de
2 millions d'individus. Dans la plupart des colonies où
l'esclavage a été supprimé, au grand avantage des lois de
la morale, la production des denrées coloniales et surtout
du sucre est devenue plus difficile, et la culture s'est trans-
formée. Les nègres libérés produisent en effet moins pour
l'exportation, et plus pour leur subsistance personnelle.

4e Section.
LES ÉTATS-UNIS.
(Voir es_cartes nos 22 a 25.)

182. Retour sur la géographie physique. — Les ÉTATS-


UNIS, situés entre le 49e et le 26e degré de latitude nord
et entre le 67e et le 127e degré de longitude ouest, sont
bornés par la dominion du Canada au nord, par l'océan Atlan-
tique à l'est, par le golfe du Mexique et le Mexique au sud,
par l'océan Pacifique à l'ouest. Ils possèdent, en outre,
au nord-ouest de l'Amérique, entre 55° et 72° de latitude, le
territoire d'Alaska. La SUPERFICIE totale des États-Unis est
de 9,354,000 kilomètres carrés. Elle est presque égale à celle
de l'Europe ; la longueur de ses côtes sur les deux océans,
sans compter le territoire d'Alaska, est de plus de 9,100 ki-
lomètres.
Indépendamment du territoire glacé d'Alaska qu'arrose
le Yucon, ils comprennent, au centre, tout le bassin du
Mississipi jusqu'au 49e degré ; la région appalachienne et
toute la plaine de l'Atlantique à l'est, depuis la rivière Saint-
Jean ; la région des montagnes Rocheuses et le versant de l'o-
céan Pacifique à l'ouest, depuis le détroit de Juan de Fuca
jusqu'à la presqu'île de Californie.
183. La formation politique. — Jusqu'au XVIIe siècle,
le territoire des États-Unis était entièrement occupé par
des tribus sauvages qui vivaient des produits de la chasse.
Les premières colonies furent établies de 1613 à 1654 sur
les côtes de l'Atlantique par des Hollandais qui fondèrent,
en 1626, le fort Amsterdam, depuis New York, sur l'Ile
Manhattan achetée aux Indiens 100 francs ; par des Sué-
dois, dans le New Jersey et le Delaware ; par des Anglais,
dans la Virginie, le Massachusetts, le New-Hampshire; par
des Français, dans le Maine et la plupart des États de la rive
gauche de l'Ohio et du Mississipi ; et par des Espagnols,
sur la côte du golfe du Mexique. Les Anglais devinrent,
après les traités de Bréda (1654) et de Nimègue (1678),
maîtres des colonies hollandaises et des anciennes colonies
suédoises, et agrandirent leurs possessions.
Le premier établissement de la région du nord-est ou
Nouvelle-Angleterre fut le Massachusetts où s'établirent
dans la colonie de Plymouth, en 1620, et dans celle de Sa-
lem, en 1626, des puritains fuyant la persécution ; en
même temps (1623), d'autres Anglais se fixaient au New-
Hampshire. Du Massachussetts, des colons se répandirent
dans les régions voisines, pour prendre possession de terres
fertiles ou pour fuir à leur tour la persécution : ils peuplè-
rent le Rhode-Island, fondé par Roger Williams (1636) qui
appela Providence le lieu où il avait trouvé asile, puis par
Coddington (1638) ; et le Connecticut, formé de la colonie
du Connecticut (1633 et 1635) et de celle de New Haven
(1638).
Au sud, des nobles anglais avaient colonisé la Virginie
et fondé à James-Town, en 1607, leur premier établisse-
ment fixe en Amérique. Ils colonisèrent également le
Maryland, fondé en 1634 par des catholiques fuyant la per-
sécution ; la Caroline du Nord où Walter Raleigh avait, en
1585, essayé de fonder un établissement, et qui ne fut or-
ganisée qu'en 1663 ; la Caroline du Sud, détachée de la
précédente en 1729 ; et la Géorgie en 1733.
Cette différence d'origine a été une des causes de la dif-
férence des moeurs et des institutions entre les États du
Nord et ceux du Sud.
Entre ces deux groupes d'origine, purement anglaise, se
formèrent les colonies suivantes, sur l'emplacement des
colonies hollandaises et suédoises, conquises par les An-
glais en 1664, reprises par les Hollandais en 1573, rendues
aux Anglais en 1674 : New York, du nom du duc d'York,
depuis Jacques II ; New Jersey détachée, en 1664, de la co-
lonie de New York ; Pennsylvanie, constituée en 1682 par
le quaker Guillaume Penn et dont le chef-lieu, Philadel-
phie, « la ville des amis », fut fondé en 1683 ; Delaware, oc-
cupé par les Anglais, les Suédois et les Hollandais ; par
les Anglais définitivement depuis 1664.
Cependant les Français du Canada s'étaient étendus sur
les bords des grands lacs, avaient découvert le Mississipi
et donné à la région de ce grand fleuve le nom de Loui-
siane (1699), en l'honneur de Louis XIV. Ils nommaient
Nouvelle-France les vastes possessions de la France dans
l'Amérique du Nord, lesquelles avaient pour limites la
baie d'Hudson au nord, le golfe du Mexique au sud et
l'océan Atlantique à l'est. Le traité de Paris (1763) donna
à l'Angleterre, outre le Canada, le territoire américain
jusqu'à la rive gauche du Mississipi et la Floride, rendue
en 1783 à l'Espagne.
Peu de temps après ce traité, les treize colonies anglai-
ses, ne voulant pas payer des impôts qu'elles n'avaient
pas votés, se révoltèrent contre la métropole (1773), pro-
clamèrent leur indépendance (4 juillet 1776) et, après une
guerre dans laquelle la France les soutint, obligèrent les
Anglais à reconnaître cette indépendance par le traité
de Versailles (1783). Lorsque la république fédérative des
Etats-Unis de l'Amérique du Nord se donna une Constitu-
tion en 1787, elle avait une population de 4 millions d'ha-
bitants.
La capitale fédérale fut établie à Washington sur les
bords du Potomac, et le territoire environnant, cédé au
gouvernement fédéral, forma le district de Columbia. De
nouveaux États furent formés sur l'ancien territoire des
colonies anglaises : le Vermont, colonisé dès 1724 et terri-
toire contesté entre le New Hampshire et le New York, fut
reconnu comme État en 1791 ; le Kentucky, dépendant d'a-
bord de la Virginie, devint État en 1792 ; le Tennessee dé-
pendant d'abord de la Caroline du Nord, fut reconnu en
1796 ; le Maine se détacha du Massachusetts en 1820 ; l'O-
hio, l'Indiana, l'Illinois, qui faisaient partie du territoire du
nord-ouest de l'Ohio, devinrent États en 1802, 1810 et
1818 ; le Michigan territoire en 1805, État en 1837 ; le Wis-
consin, territoire distinct en 1836, État en 1848.
Au sud, la Floride qui était rentrée en 1783 sous la do-
mination de l'Espagne fut vendue par elle 15 millions
de francs aux États-Unis en 1821, et érigée en État
en 1845 ; le Mississipi et l'Alabama, qui avaient été dé-
tachés de la Géorgie, et organisés en territoires en 1798,
s'agrandirent, en 1811, de la région entre le 31e degré de
latitude et la côte, et devinrent des États en 1817 et en
1820 ; le Texas, qui s'était séparé du Mexique en 1836,
fut admis comme État par la république des États-Unis
en 1845.
De la vallée du Mississipi, la France avait, par le traité
de 1763, conservé la région de la rive droite du fleuve et
l'avait cédée à l'Espagne, qui la lui rendit en 1800. Mais, à
cette époque, la France n'espérant pas pouvoir défendre
ce vaste territoire dans la guerre maritime qu'elle enga-
geait de nouveau contre l'Angleterre, le vendit, en 1803,
aux Etats-Unis pour la somme de 60 millions de francs.
La Louisiane, organisée d'abord en territoire d'Orléans,
devint Etat en 1812 ; l'Arkansas, territoire en 1819, devint
État en 1836 ; le Missouri, qui faisait d'abord partie du ter-
ritoire de la Louisiane, devint État en 1820 ; l'Iowa, terri-
toire distinct en 1828, devint État en 1846 ; le Minnesota,
dont la majeure partie dépendait de la Louisiane, devint
territoire en 1849 et État en 1858 ; le Dakota, détaché du
Minnesota, a été organisé comme territoire en 1861 ; le
Kansas, territoire en 1854, État en 1861 ; le Nebraska, ter-
ritoire en 1854, État en 1867 ; une contrée, située entre la
rivière Rouge et le Kansas, a été sous le nom de territoire
Indien (non organisé), réservée aux tribus Indiennes.
A l'ouest, la région des montagnes Rocheuses et du Pa-
cifique appartenait à la république du Mexique et formait
la province de Californie. Les États-Unis l'ont acquise
par les traités de 1848 et 1853, et ils en ont formé les
nouveaux États de Californie (1850), de Nevada (1864), les
territoires du Nouveau-Mexique (1850), d'ULah (1850),
de Colorado (1861), d'Arizona (1863), de Wyoming
(1868).
Au nord-ouest, à la suite du traité de 1846 qui fixait au
49e degré de latitude la limite des possessions des États-
Unis et de l'Angleterre, l'État d'Orégon (1859) et les terri-
toires de Washington (1853), d'Idako (1863), de Montana
(1864) furent organisés.
Dans ces dernières années, la question de l'esclavage
avait occasionné de nombreuses difficultés entre le nord,
pays industriel, qui combattait l'esclavage, et le sud qui
cultivait le coton, le tabac et le riz, à l'aide des nègres es-
claves. En 1860, elle amena une guerre terrible pendant
laquelle la Virginie occidentale fut détachée de la Virginie
(1863), et à la suite de laquelle l'esclavage fut aboli sur
tout le territoire des Etats-Unis.
En 1867, la Russie a vendu aux États-Unis la vaste con-
trée qu'on nommait l'Amérique russe et qu'on nomme
aujourd'hui le territoire d'Alaska.
184. La constitution. — Chaque État a son gouverne-
ment particulier, composé d'un sénat, et d'une chambre
des représentants, d'un gouverneur électif, déjugés éga-
lement électifs ; il est régi par les lois particulières qu'il
se donne, sauf les matières réservées an gouvernement fé-
déral. La plupart des États sont divisés en comtés ; les
comtés en districts, appelés townships.
Les territoires organisés sont admis à envoyer un délé-
gué au congrès ; mais ce délégué n'a que voix consultative
sur les matières relatives à son territoire.
Le gouvernement central se compose : 1° du Congrès,
qui a seul le pouvoir législatif et qui comprend le Sénat,
renouvelé tous les ans par tiers, et formé de deux membres
par État, élus pour six ans, et la Chambre des représentants,
formée de députés élus pour deux ans, à raison d'un député
pour 127,000 habitants ; 2° du président et du vice-prési-
dent, qui sont nommés pour quatre ans par une élection
à deux degrés, et qui ont le pouvoir exécutif : le vice-
président préside le sénat et, en cas de mort avant la qua-
trième année révolue, remplace le président ; 3e de la Cour
suprême, composée de juges nommés à vie et présidant
les neuf Cours ambulantes (Circuit courts).
185. Les États et les territoires. Aujourd'hui, les ÉTATS-

DU NORD, qui ont une superficie de


UNIS DE L'AMÉRIQUE
9,354,000 kilomètres carréset une population d'environ 40
millions, ont pour capitale fédérale, WASHINGTON, située
dans districtfédéral de Colombie, et comprennent 37 États,
le

onze territoires et un district ainsi répartis :


États de la Nouvelle-Angleterreou États du nord sur le
versant de l'Atlantique :
Maine, capitale Augusta.
New Hampshire, cap. Concord.
Vermont, cap. Montpellier.
Massachusetts, cap. Boston.
Rhode-lsland, cap. Providence et Newport.
Connecticut, cap. Newhaven et Hartford.
États du centre sur le versant de l'Atlantique:
New York, cap. Albany.
Pennsylvanie, cap. Harrisburg.
New Jersey, cap. Trenton.
Delaware, cap. Dover.
Maryland, cap. Annapolis.
Etats du sud sur le versant de l'Atlantique :
Indiana, cap. Indianapolis.
Illinois, cap. Springfield.
Ohio, cap. Culumbus.
Virginie, cap. Richmond.
Caroline du Nord, cap. Raleigh.
Caroline du Sud, cap. Columbia.
Géorgie, cap. Atlanta.
Floride, cap. Tallahassee.
États de la côte du golfe du Mexique :
Alabama, cap. Montgomery.
Mississipi, cap. Jackson.
Louisiane, cap. Bâton-Rouge.
Texas, cap. Austin.
États de l'intérieur dans la vallée du Mississipi :
Wisconsin, cap. Madison.
Michigan, cap. Lansing.
Virginie occidentale, cap. Charleston.
Kentucky, cap. Frankfort.
Tennessee, cap. Nashville.
Arkansas, cap. Little-Rock.
Missouri, cap. Jefferson City.
lowa, cap. Des Moines.
Minnesota, cap. Saint-Paul.
Nebraska, cap. Lincoln et Omaha City.
Kansas, cap. Topeka.
Territoires do Dakota, de Montana, de Wyoming, de
Colorado et Territoire indien.
États de l'intérieur dans la région du Grand-Bassin :
Nevada, cap. Carson City.
Territoires d'Idaho, d'Utah, d'Arizona, du Nouveau-
Mexique.
Etats de la côte du Pacifique :
Orégon, cap. Salem.
Californie, cap. Sacramento.
Territoire de Washington, cap. Olympia.
Au nord-ouest de l'Amérique, et séparé du reste des
Etats-Unis par la Colombie britannique, le territoire
d'Alaska.
186. Les régions agricoles. — Les États-Unis, qui sont
environ dix-sept fois grands comme la France, présentent
naturellement, dans leur immense superficie, une grande
diversité de terrains, de climats et, par conséquent, de
régions agricoles. On peut ramener cette diversité à neuf
régions :
1° La région du nord-est dans laquelle dominent les ter-
rains primitifs. Elle comprend d'abord les six États de
la Nouvelle-Angleterre :
Le Maine qui a pris son nom de l'ancienne province
française du Maine, a un climat rigoureux, surtout dans les
parties montagneuses et éloignées de la côte ; des plaines
ondulées semées de lacs innombrables qui reposent sur un
fond de granit ; un rivage tantôt rocheux, plus souvent, sa-
blonneux ; d'épaises forêts de sapins dans l'intérieur et de
chênes sur les côtes.
Le New Hampshire, autrefois appelé Laconia, tire son
nom de celui d'un comté anglais : il a une côte sablon-
neuse et de hautes montagnes de granit, nommées mon-
tagnes Blanches, parce qu'elles restent neuf à dix mois de
l'année couronnées de neige, et dont le pied est enve-
loppé de forêts.
Le Vermont est montagneux aussi, avec un climat froid,
mais réputé très-salubre ; de beaux pâturages sur les hau-
teurs (d'où Vert-Mont) ; de fertiles vallées à leur pied ; et
deux plaines bien cultivées et peuplées, celle du lac
Champlain et celle du Gonnecticut.
Le Massachusetts a un nom d'origine indienne qui si-
gnifie « région de la grande colline. » Il comprend une
côte rocheuse au nord, sablonneuse et généralementstérile
au sud, surtout au sud-est ; un sol accidenté de collines
qui, vers l'ouest, se transforment en montagnes rocheuses ;
les vallées du Connecticut et du Housatonic généralement
sablonneuses et couvertes de forêts de pins ; et la riche et
verdoyante vallée du Hoosac.
Le Rhode-Island a pris son nom d'une île de la baie de
Narragansett, qui a une certaine analogie avec l'île de
Rhodes : son climat, tout marin, rappelle celui de l'An-
gleterre.
Le Connecticut, traversé par un fleuve dont le nom indien
signifie « grande rivière », est tout coupé de collines comme
les États qui l'avoisinent ; fertile, excepté dans quelques
portions de l'ouest, et plus propre encore au pâturage
qu'au labourage, il possède cependant d'excellentes terres
à blé dans les vallées du Housatonic et du Connecticut.
La même région comprend aussi, en tout ou en partie,
les cinq États du centre sur le versant de l'Atlantique jus-
qu'à la baie de Chesapeake.
Le New York, ainsi appelé du duc d'York, frère de
Charles II, est sillonné, dans sa partie septentrionale, de
chaînes granitiques d'une médiocre élévation et forme,
dans sa partie méridionale, une triple terrasse qui s'élève,
depuis l'embouchure de l'Hudson jusqu'au vosinage du lac
Ontario, à une hauteur de 600 mètres.
Le New Jersey a reçu son nom de sir Georges Carteret,
ancien gouverneur de l'île de Jersey et l'un de ses premiers
propriétaires : il est bordé à l'est de roches dites « les pa-
lissades », qui tombent à pic sur l'Hudson ; au sud s'étale
une grande plaine de sable stérile ; mais, au centre, règne
une contrée fertile et bien cultivée.
La partie orientale de la Pennsylvanie a un sol générale-
ment fertile et bien arrosé.
Le Delaware tire son nom de Thomas Ivert, lord de la
Ware, gouverneur de la Virginie : il présente, à l'exception
de quelques collines rocheuses du nord, une plaine unie,
surmontée de monticules de sables, fertile au nord, sa-
blonneuse et de qualité médiocre au centre, marécageuse
au sud.
Le Maryland, ainsi nommé d'Henriette-Marie, femme
de Charles Ier, est montagneux et sauvage à l'ouest dans
la région des Appalaches ; mais il offre sur les côtes des
terres basses, sablonneuses et médiocres à l'est de la baie
de Chesapeake, fertiles et très-propres à la culture du
Tabac l'ouest de la baie.
Cette région a de vastes forêts de pins, de chênes, d'éra-
bles, etc. Elle produit abondamment, excepté toutefois
dans le Maine, où le froid est trop rigoureux, les CÉRÉALES
principalement le seigle, l'avoine, le sarrasin et l'orge ; le
froment n'a d'importance que dans l'État de New York et
dans les États situés plus au sud ; le maïs n'en a que sur les
bords de la baie de Chesapeake ; la pomme de terre est
très-cultivée, même dans le Maine. C'est aussi par excel-
lence la région des légumes, des arbres fruitiers, pommiers,
poiriers, pêchers, etc., du houblon et des prairies artificiel-
les ; c'est elle qui entretient le plus de bêtes à cornes, et elle
est une de celles qui ont le plus de chevaux et de moutons.
L'agriculture, pratiquée depuis deux siècles par des hom-
mes libres, y est plus avancée que dans aucune autre con¬
trée de l'Amérique ; la majeure partie du territoire est en
fermes, et les terres labourées ont été l'objet de nombreu-
ses améliorations foncières.
2° La région des Appalaches embrasse toute la partie
montagneuse de l'est.
La partie centrale et occidentale de la Pennsylvanie, qui
a pris son nom de Guillaume Penn, est très-bien cultivée
dans ses longues vallées, quelquefois jusque sur le som-
met des chaînes qui n'ont qu'une médiocre élévation, et
sur les terrasses d'où coulent l'Alleghany et le Mononga-
hela, pères de l'Ohio.
La Virginie occidentale comprend la partie dite « la Val-
lée » et composée en effet, de vallées allongées du nord-est
au sud-ouest, fertiles, bien cultivées, propres au mais, au
froment, au tabac ; et la partie dite « le Trans-Alleghany »
qui appartient, comme une portion de la Pennsylanie, au
bassin de l'Ohio et qui nourrit beaucoup de bétail sur ses
collines.
La partie occidentale des deux Carolines, où les sommets,
plus élévés que partout ailleurs, atteignent et dépassent
2,000 mètres, est néanmoins fertile dans ses belles vallées
ondulées de collines et ombragées de forêts et, grâce aux
vents chauds de l'Atlantique, elle peut encore, malgré l'al-
titude, produire le mais.
La partie septentrionale de la Géorgie et de l'Alabama, où
l'altitude décroît et où la température s'élève à mesure
qu'on s'avance vers le sud-ouest, est médiocrement fertile
en général ; elle a cependant de très-riches vallées, celle
du Tennessee surtout, et d'immenses pâturages sur ses
plateaux incultes.
Le Tennessee, traversé par une rivière sinueuse dont le
nom, en Indien, signifie « grand coude », est formé, à l'est,
d'une partie montagneuse, revêtue de belles forêts de pins
et présentant un grand nombre de sites pittoresques ; au
centre, d'une plaine ondulée, avec de gras pâturages sur
les collines et de riches terres de labour dans les vallées ;
à l'ouest, d'une plaine unie, depuis le Tennessee jusqu'au
Mississipi, et propre à la culture du coton.
Le Kentucky, dont le nom veut dire « tête de la rivière
(Ohio) », ne présente guère, sauf à l'est où les monts Cum-
berland le bordent, qu'une plaine légèrement ondulée de
gracieuses collines, et de plus en plus unie, à mesure qu'on
s'avance vers l'ouest.
C'est en somme une région assez fertile, dont les pla-
teaux et même les collines, généralement basses, se prê-
tent au labourage, et qui produit les céréales : l'avoine par-
tout, le mois principalement dans le Kentucky et le Ten-
nessee, le seigle dans la Pennsylvanie. Elle produit aussi le
tabac dans la Virginie et le Kentucky, etc., le chanvre et
le lin, dans le Kentucky. Elle possède, comme la précé-
dente, d'immenses forêts sur les hauteurs et de très-vastes
étendues de pâturages. Aussi nourrit-elle un bétail assez
nombreux ; chevaux, dans le Kentucky, le Tennessee, la
Virginie, la Pennsylvanie ; mulets, ânes et porcs, dans le
Kentuky et le Tennessee, où domine la petite culture. Le
Kentucky et le Tennessee élèvent aussi beaucoup d'abeilles.
3° La région du sud-est, ou région de la côte méridionale
de l'Atlantique, comprend la plus grande partie de la Vir-
ginie, ainsi nommée par Raleigh en l'honneur de la reine
Élisabeth. Cette partie est le « Tide-Water », c'est-à-dire
la contrée située au niveau des marées, terre basse, sa-
blonneuse et pauvre, entrecoupée de marais et de forêts de
pins que l'on désigne sous le nom de « Pine-Barrens » ; et
le « Pied-mont », c'est-à-dire la contrée au pied des
monts, très-fertile dans ses vallées formées d'alluvions, par-
fois sablonneuse et rocheuse sur les hauteurs.
La majeure partie des Carolines, ainsi appelées du nom
de Charles Ier, présente sur le bord de la mer un long cha-
pelet d'îles basses, sablonneuses, couvertes de bois, et
donne, dans les lieux défrichés, l'excellent coton longue-
soie dit « sea-islands-cotton » ; derrière ces îles, des la-
gunes ; derrière ces lagunes, une côte basse, couverte
de marais, de tourbières, de forêts de pins et de cyprès
jusqu'à 150 kilomètres et plus du rivage ; cette zone est
infertile, partout où le drainage ne l'a pas convertie en une
bonne terre à riz et à coton ; à l'ouest, s'étend une autre
zone dit « Middle country », qui consiste surtout en colli-
nes de sable, ondulant comme une mer agitée et abritant
çà et là quelques oasis de verdure, jouissant d'ailleurs
d'un climat doux et favorable à des cultures très-diver-
ses: riz, froment, mais, tabac, indigo, etc.
La Géorgie, qui doit son nom au roi Georges II, située
sous un climat plus chaud, possède, sur le bord de la
mer, la même zone marécageuse et forestière, et, dans
l'intérieur, des collines qui s'élèvent peu à peu jusqu'à la
zone des Appalaches. On y cultive certaines céréales, le
maïs et surtout le riz dans la zone marécageuse ; la patate,
la vigne un peu partout, le tabac dans le nord, la canne à
sucre dans le midi ; beaucoup de fèves et de pois ; mais la
culture caractéristique de cette région est, avant tout, le
COTON.
4° La région du golfe comprend en tout ou en partie six
États.
La Floride, qui a pris son nom de sa découverte le jour
de Pâques-fleuries, n'est au sud qu'un immense marais et
présente au centre un sol généralement sablonneux, mais
assez productif dans les parties cultivées, parce que la
chaleur, l'humidité, suppléent à l'insuffisante qualité du
terrain ; au nord est une plaine basse, impropre à la culture
et tout occupée par d'immenses forêts de pins.
La majeure partie de l'Alabama, dont le sud est aussi
une zone plate, stérile, toute de savanes et de pins, est
très-fertile dans les vallées du centre.
Le Mississipi qui, jusqu'à 150 kilomètres dans l'intérieur,
n'est aussi que sable, savanes, forêts de pins et marécages
hérissés de cyprès, présente, dans l'intérieur, un aspect
varié de collines boisées et de vallées fertiles.
La Louisiane comprend, outre le delta tout marécageux
du Mississipi, une côte non moins marécageuse que les
hautes marées submergent ; puis, au nord de cette zone,
une vaste étendue de terrains toujours bas, formant soit
des prairies, avec des forêts de pins et de chênes, soit des
marais au bord du Mississipi, soit des champs cultivés,
propres au riz et au coton.
La majeure partie de l'Arkansas, nom d'une rivière qui
signifie « eau fumante », présente aussi, dans le voisinage
du Mississipi, de très-vastes marécages hérissés de cyprès,
des terres basses qu'monde périodiquement le fleuve et une
alternance de terres stériles et de terres fertiles, formées
par ses alluvions.
La majeure partie du Texas présente, sur la côte, les ca-
ractères communs à toute la région, lagunes, marécages,
pins et cyprès ; mais elle possède, au centre, un sol on-
dulé, de belles prairies, des vallées bien boisées, des ri-
vières encombrées de roseaux.
Cette région n'est pas riche en céréales ; elle ne donne
guère que le maïs dans les parties hautes, le riz dans les
parties basses ; mais elle produit en abondance, dans les
parties hautes, des patates, des fèves et des pois. On y cul-
tive un peu la vigne et le tabac, beaucoup la canne à sucre
sur les basses terres voisines du golfe : le sucre est, avec
le riz et le COTON, la culture caractéristique de cette région.
Le bétail n'y est pas très-abondant; cependant on y compte,
comme dans tous les pays du Midi, uu assez grand nom-
bre d'ânes et de mulets.
5° La région centrale comprend les prairies de l'Ohio et
du Mississipi.
L'Ohio, qui prend son nom de sa « belle rivière », est un
des États agricoles les plus riches, formé d'une terrasse à
double pente, haute de 300 mètres environ au centre, de
180 au nord et de 240 au sud, ondulée de petites collines,
avec les neuf dixièmes de son sol en terres labourables, ter-
res excellentes dans les vallées, avec des prairies au centre
et au nord-ouest, et beaucoup de forêts de chênes, d'éra¬
bles, etc., subsistant encore malgré de nombreux défri-
chements.
L'Indiana, nom qui rappelle celui des Indiens, est une
plaine unie, au milieu de laquelle se dressent quelques émi-
nences isolées dites « knobs », avec des rangées de collines
bordant le lit des rivières, des forêts et des fermes dans les
fonds sur le bord de ces mêmes rivières, des prairies et
quelquefois aussi des fermes sur la surface de la plaine, un
sol presque partout fertile, excepté sur la rive sablonneuse
du lac Michigan,
L'Illinois, dont le nom est celui d'une ancienne peuplade,
n'est que la suite de la plaine de l'Indiana et en a les ca-
ractères : sa prairie, inclinée vers le sud-ouest (1) et en-
core déserte sur beaucoup de points, ressemble aux flots
de la mer après une tempête ; et ses vallées, encaissées
et bien boisées, sont d'une inépuisable fertilité (2).
Le Michigan prend son nom de celui du lac qui signifie
« piège aux poissons ». C'est une plaine unie, surtout à
l'est, où il ne se trouve qu'une petite rangée de collines
entre le lac Huron et le lac Michigan ; elle est plus acci-
dentée et plus boisée entre le lac Michigan et le lac Supé-
rieur.
Le Wisconsin, nom d'une rivière qui signifie « canal ra-
pide », est une immense prairie, presque partout unie et
sans arbres, toute parsemée de petits lacs
Le Minnesota, dont le nom, qui est aussi celui de la ri-
vière principale, signifie « eaux nébuleuses », est un pla-
teau élevé de 600 mètres environ au-dessus du niveau de
la mer, boisé, tout semé de petits lacs autour desquels
pousse le riz sauvage et que relient des canaux naturels,
mais sans marais, parce que le sol est généralement une
roche dure.
1. L'altitude de Cairo, au confluent du Mississipi et de l'Ohio, n'est
plus que de 100 mètres.
2. La terre végétale a sur divers points plus de 6 mètres de profon-
deur. Dans le American bottom, sur les bords du Mississipi, on récolte
du maïs, tous les ans, depuis 150 ans de culture et sans fumure.
L'lowa, ainsi appelé d'une ancienne tribu dont le nom
signifie « les Nonchalants », est proclamé par les Améri-
cains « d'une beauté sans rivale », avec son sol silico-cal-
caire, sa surface modérément ondulée, ses immenses
pâturages parés de fleurs, mais dénués d'arbres, surtout
au nord ; ses rivières dont la vallée généralement bien boi-
sée est encaissée, au-dessous de la plaine, dans de profon-
des falaises dites « blutfs ».
Le Missouri, au nord de la rivière, est la continuation de
la même plaine, mais au sud, il est accidenté, beaucoup
moins fertile et très-marécageux sur le bord du Mississipi.
L'Arkansas septentrionalrappelle la partie méridionale du
Missouri.
Cette région est, comme celle du nord-est et plus encore
peut-être, caractérisée par la production des CÉRÉALES :
la MAIS, que les États d'Ohio, d'Indiana et d'Illinois don-
nent en quantité considérable, le FROMENT et l'avoine. Elle
produit aussi en abondance la POMME DE TERRE, le sucre d'é-
rable, en certaine quantité, le lin, surtout dans le Missouri,
le tabac dans le Missouri et l'Ohio surtout, la soie, le miel
dans l'Indiana, etc. Elle possède les meilleurs vignobles des
États-Unis et récolte beaucoup de foin ; car c'est aussi la
région du bétail, bêtes à cornes, chevaux dans l'Ohio, l'In-
diana, etc., PORCS dans l'Indiana, l'Ohio, etc., moutons
dans l'Ohio, etc.
6° La région des prairies du nord-ouest s'étend jusqu'aux
montagnes Rocheuses. C'est presque partout une vaste
plaine, très-légèrement ondulée, ne présentant à l'oeil
qu'un horizon sans fin de prairies, cachant en quelque
sorte dans de profonds encaissements ses rivières et se
bouquets d'arbres, et s'élevant insensiblement jusqu'au pied
de la grande chaîne. Cette région, qui comprend le nord
du Texas, l'est du Nouveau-Mexique, une partie du Colorado
et du Wyoming, le Montana, le Dakota, une partie du Minne-
sota, le Nebraska, Kansas et le territoire Indien, est encore
le

très-peu peuplée et très-peu cultivée : les 19 vingtièmes


du territoire sont incultes. Le sol y paraît fertile sur cer-
tains points, surtout dans les vallées et à l'est du Kansas ;
mais le peu de pluie qui y tombe est un grand obstacle
aux progrès de la colonisation, et tout cet espace n'est
pour ainsi dire qu'une immense prairie.
7° La région du grand plateau s'étend entre les mon-
tagnes Rocheuses et la Sierra Nevada. Elle comprend la
partie occidentale du Nouveau-Mexique, du Colorado et du
Wyoming, l'Arizona, la portion sud-est de la Californie, l'Utah,
le Nevada, l'Idaho ; elle est encore plus inculte et moins
habitée que la précédente. Elle est bordée de hautes mon-
tagnes escarpées, granitiques, boisées de pins et de chênes
sur les flancs. L'intérieur se compose de terrains volcani-
ques et bouleversés, d'où jaillissent encore des éruptions de
boue et d'eau bouillante, comme dans le Wyoming ; de
déserts nus, imprégnés de sel, impropres à toute culture,
mais coupés de distance en distance par des chaînes boi-
sées et par des vallées également boisées et aboutissant à
des lacs. Toute cette région est élevée de plus de 1,000
mètres au-dessus du niveau de la mer ; et au centre, dans
l'Utah et le Nevada, l'altitude atteint 1,500 et 1,800 mè-
tres.
8° La région du Pacifique. Elle comprend la majeure par-
tie de la Californie, qui présente successivement, en allant
de l'est à l'ouest, les pentes rocheuses et boisées de la
Sierra Nevada, puis une plaine de 80 kilomètres de largeur
sur 800 de longueur, légèrement ondulée au sud, hérissée
d'âpres collines au nord, très-fertile en se rapprochant de
la mer ; au delà, la chaîne de la Côte avec ses pâturages et
ses bois, puis d'étroites et riantes vallées qui descendent
jusqu'aux sables du rivage.
L'Orégon et le Washington, à l'ouest du grand plateau,
dont leur partie orientale dépend, présentent d'abord des
vallées susceptibles de quelque culture et des venants pro-
pres à l'élevage des troupeaux ; mais, en se rapprochant de
la côte, un climat plus doux, des pluies plus régulières et
un sol propre aux céréales. Quoique peu cultivée encore,
excepté dans la vallée du San-Francisco et du San-Joa-
quin, cette région donne le froment, l'avoine, le vin, le
tabac et nourrit du bétail.
9° La région de l'Alaska est séparée du reste du territoire
par la Colombie britannique. C'est une contrée glacée,
excepté sur la côte méridionale, dont le climat est adouci
par le courant de Tessan, prolongement du Kouro-Siwo ;
elle est inculte et presque inconnue dans l'intérieur, mais
elle offre à l'exploitation américaine d'immenses forêts de
pins et de sapins.
187. Les cultures alimentaires. — Les États Unis sont au
nombre des contrées du monde qui produisent le plus de céréales.
On estime la récolte totale à PLUS DE 550 MILLIONS D'HECTO-
LITRES ; ce qui donne une moyenne de près de 15 hectolitres
par tête, supérieure à celle des pays d'Europe les plus favo-
risés. C'est que le sol, généralement fertile et presque
vierge, s'étendant pour ainsi dire en espaces illimités,
seconde les efforts d'une population laborieuse. 30 millions
d'hectares environ sont consacrés à la culture des céréales
et produisent :
Le MAÏS, dit blé indien (indian corn) fournissant plus des
deux tiers de la récolte totale, c'est-à-dire environ 370 mil-
lions d'hectolitre sur 550. C'est une céréale très-productive
(Voir la fig. 85), qui tend en moyenne 30 hectolitres à l'hec-
tare et qu'aucun pays ne cultive sur une aussi large échelle que
les États-Unis. L'Illinois qui produit près de 70 millions
d'hectolitres, l'Indiana, l'Ohio, le Kentucky, le Tennessee, le
Missouri, 1 Iowa, c'est-à-dire la région centrale et le bassin de
l'Ohio, forment le groupe où cette culture a le plus d'im-
portance. Ces sept États produisent 250 millions d'hecto-
litres. Au sud de ce groupe, jusque vers le 32e degré et à
l'est jusqu'à l'Atlantique, particulièrementdans les comtés
riverains de la baie de Chesapeake et de la baie de la Dela-
ware, on récolte aussi beaucoup de maïs.
Le FROMENT (Voir la fig. 86) donne environ 60 à 80 millions
d'hectolitres ; il est cultivé principalement dans les vastes
et fertiles plaines entre le Mississipi et l'Ohio, c'est-à-dire
l'Illinois, l'Ohio, l'Indiana, le Wisconsin et le Michigan qui
récollent chacun de 7 à 10 millions d'hectolitres, excepté
le Michigan qui n'atteint guère que 5 millions. Les États
de Pennsylvanie et de New York à l'est de ce groupe, d'Iowa

et de Californie à l'ouest, viennent au second rang, récol-


tant chacun plus de 4 millions d'hectolitres.
Le seigle, souvent confondu en Amérique avec le fro-
ment sous le nom de blé, ne donne guère qu'une dizaine
de millions d'hectolitres : la Pennsylvanie, le New York, le
New Jersey, le Connecticut et le Kentucky sont les États
qui en produisent le plus.
L'AVOINE, dont la production est au moins égale à celle
du froment, est cultivée surtout dans la région du nord-
ouest, entre le Mississipi et l'Atlantique, et, en première li-
gne, dans le New York et la Pennsylvanie, qui donnent en-
semble environ 30 millions d'hectolitres;
l'Ohio, l'Illinois, la Virginie, le Wisconsin
viennent au second rang.
L'orbe n'a qu'une importance très-secon-
daire ; le New York, la Californie, I'Illinois
et l'Ohio le cultivent.
Le sarrasin vient surtout dans le New
York et la Pennsylvanie.
Ces céréales sont d'ailleurs cultivées dans
presque toute l'étendue des États-Unis. Le
maïs cependant ne l'est ni dans la vallée
supérieure du Missouri ni sur la côte du
Pacifique. Les autres céréales ne le sont
pas dans la région méridionale qui s'étend
au pied des Alleghanys, depuis l'extré-
mité méridionale de la baie de Chesapeake
jusque vers le confluent de l'Arkansas et
du Mississipi, et qui comprend toute la
plaine du golfe du Mexique ; et le froment,
qui craint le froid plus que les autres cé-
réales, ne pousse ni dans le Maine, ni à la
source du Mississipi,ni sur les bords du lac
Supérieur.
Le riz, dont la récolte n'est guère que de 15 millions
d'hectolitres, est cultivé dans toute la région méridionale,
les Carolines, la Géorgie, la Louisiane, etc., où il sert,
concurremment avec le maïs, à la nourriture des habitants ;
c'est dans le voisinage des rivières et dans les bas terrains
d'alluvion, faciles à inonder, surtout dans la Géorgie et la
Caroline du sud, que cette culture est pratiquée ; elle rend
en moyenne 50 hectolitres à l'hectare.
Les autres cultures alimentaires sont :
La POMME DE TERRE, dont la récolte qui est d'environ 40 à 50
millions d'hectolitres, s'accroît rapidement comme
celles des céréales : on la cultive dans toute la région du
froment et du seigle, surtout-dans la Nouvelle-Angle-
terre et jusqu'à la Delaware au sud, jusqu'à la Wabash à
l'ouest.
La patate, qui est pour ainsi dire la pomme de terre du
Sud (1), quoiqu'on la cultive dans presque toute l'étendue
des États-Unis ; mais nulle part cette culture n'a autant
d'importance que dans les États situés au sud et à l'est des
Alléghanys, entre la baie de Chesapeake et le Missis-
sipi.
Les pois, fèves et haricots, surtout les flageolets, sont cul-
tivés à peu près partout, mais plus qu'ailleurs dans toute la
région où domine la patate, et dans l'État de New York ; ils
constituent une ressource importante pour l'alimentation
publique.
Les légumes sont cultivés principalement dans la Pennsyl-
vanie, le New York et les autres Etats de la côte, depuis
Boston jusqu'à Washington ; les melons dans la Caro-
line, etc.
Le SUCRE, aux États-Unis, est tiré de deux plantes très-
distinctes (2), la canne et l'érable.
La CANNE A SUCRE, cullivée sur toute la côte du golfe du
Mexique et tout particulièrement dans le delta du Missis-
sipi (Louisiane), fournit environ 15,000 tonnes de sucre.
L'érable, arbre dont on extrait du sucre par des inci-
sions pratiquées sur le tronc, croît en très-grande abon-
dance dans les forêts de toute la région du blé : les États
de la Nouvelle-Angleterre, principalement le Vermont, et
dans l'ouest, la Pennsylvanie, l'Ohio, le Michigan, s'occu-

1. Les Américains la nomment, « la pomme de terre douce » ; ils appel-


lent la pomme de terre « pomme de terre irlandaise. »
1. Indépendamment de la betterave, qui en fournit un peu, mais
très-peu dans l'Illinois, etc., et du sorgho a sucre, qui est cultivé sur les
bords du Mississipi moyen et de l'Ohio.
pent beaucoup de cette culture, qui rend plus de 20,000
tonnes de sucre par an.
Le houblon est très-cultivé dans un pays dont les habi-
tants, d'origine anglaise, consomment beaucoup de bière ;
comme cette plante aime les climats du nord, c'est dans
la Nouvelle-Angleterre, et en première ligne, dans le New
York, que sont les plus nombreuses plantations.
Parmi les arbres fruitiers, le pommier dont une espèce
produit les pommes sèches renommées de la vallée de
Genesee dans l'État de New York, l'abricotier, le cerisier, le
prunier, le pêcher viennent principalement dans les États
septentrionaux situés au nord de la baie de Chesapeake et
de l'Ohio ; l'oranger, le citronnier, le figuier, le goyavier,
etc., dans les États riverains du golfe du Mexique.
La vigne ne pousse m aux extrémités du nord et du sud
des États-Unis, ni dans la région des montagnes Rocheu-
ses ; mais elle vient naturellement, à l'état sauvage, dans la
partie centrale, où, à cause de l'étendue du territoire et de
la variété des climats, elle comprend des espèces très-di-
verses : l'adirondack de New York, le meilleur raisin de ta-
ble ; le catawba, originaire de la Caroline du Nord, espèce
très-cultivée et désignée souvent sous le nom de « Catawba
Tokay » à cause de la qualité de son vin ; l'Isabelle qui a
un goût de muscat et qui réussit surtout dans le midi de la
zone ; le Delaware qui donne un vin assez semblable au vin
du Rhin. Les principaux groupes de vignobles sont situés :
1° sur les coteaux qui bordent l'Ohio près de Cincinnati,
en-
tre Maysville et Louisville, et qui, s'étendant sur les trois
Etats d'Ohio, d'Indiana et de Kentucky, donnent des crus
de Charleston, de Ripley, etc. ; 2° sur les coteaux qui bor-
dent le Wabash inférieur dans l'État d'Indiana, entre Vin-
cennes et New Harmony ; 3° sur les coteaux qui bordent le
Missisipi et le Missouri, près de Saint-Louis, et qui sont
situés dans l'Illinois et le Missouri à Belleville, Her-
mann, etc. ; 4° en Californie, où l'on a planlé des vignes
provenant d'Europe, dans le district de los Angelos au
sud, à Sacramento, au nord etc. La culture de la vigne,
quoique peu importante encore, s'est développée depuis
vingt ans aux États-Unis et donne aujourd'hui plus de
100,000 hectolitres de vin.
188. Le tabac. — Parmi les plantes industrielles, le TA-
BAC est une des plus importantes. C'est de l'Amérique que
cette plante est originaire, et ce sont les États-Unis qui
en produisent le plus dans le monde (Voir la figure 87) : leur

récolte dépasse 220,000 tonnes. On cultive le tabac dans


tous les États sans exception ; mais cette culture n'a d'im-
portance commerciale que dans le Missouri, le Tennessee,
la Caroline du Nord, l'Ohio et surtout dans le KENTUCKY,
la VIRGINIE et le MARYLAND. Ces trois derniers États don¬
nent plus de 140,000 tonnes, et les qualités de tabac qu'ils
fournissent sont réputées les meilleures.
189. Le coton. La culture du COTON a une importance
encore plus grande que celle du tabac aux États-Unis.
Malgré la crise que cette industrie agricole a subie à la
suite de la guerre de l'esclavage, la récolte est encore

évaluée aujourd'hui à plus de 4 MILLIONS DE BALLES, c'est-


à-dire à plus de 800,000 tonnes (1), valant sur place à
peu près 1200 millions de francs. Avant la guerre, en 1860,
la récolte dépassait 5 millions de balles. On cultive diverses

1. La balle de coton des États-Unis pèse à peu près 210 kilogrammes.


espèces de cotonniers, dont les deux principales sont le
cotonnier arborescent qui atteint une hauteur de 5 mètre
et plus ; et le cotonnier herbacé, haut de 1m,50 environ,
plante annuelle, cultivée sur les terres labourables et en
trant dans la rotation des cultures d'une ferme.
Le cotonnier est une plante de la famille des malva-
cées (Voir la figure 88), dont les graines, petites et noirâtres,
sont enveloppées d'un épais et fin duvet et enfermées dans
une capsule ovoïde (Voir la figure 89). A l'époque de la ma-

turité, c'est-à-dire vers la fin de juillet, la capsule s'ouvre


et laisse échapper à demi de gros flocons de duvet ; c'est
alors que les travailleurs de la ferme, hommes, femmes et
enfants, cueillent les capsules (Voir la figure 90), font sé-
cher le coton sur des claies, l'égrènent et le battent. Le
duvet, c'est le COTON ; la graine sert à faire une huile à
brûler, légèrement fumeuse.
Cette plante, assez délicate, a besoin d'une grande cha-
leur pour arriver à maturité. Aussi ne la rencontre-t-on
que sur les côtes du golfe du Mexique, dans le Texas, la
Louisiane, le MISSISSIPI qui en produit plus qu'aucun autre
État (plus de 1 million de balles en 1860), l'ALABAMA, la
Floride ; et sur les côtes méridionales de l'Atlantique, dans
la GÉORGIE et la CAROLINE DU SUD : ces derniers États pro-
duisent, comme tous les États, le « up-land cotton », c'est-
à-dire le coton des hautes terres, dont la soie est courte,
et le « sea-islands cotton », c'est-à-dire le coton des îles de

mer, dit aussi coton longue-soie, venant dans les terrains


bas et généralement sablonneux qui avoisinent les lagunes
de l'Atlantique. Cette dernière espèce est de toutes la plus
estimée et se vend deux et trois fois plus cher que les au-
tres. Sur les bords de l'Atlantique, la culture s'étend dans
la Caroline du Nord et même dans la Virginie jusqu'à la
baie de Chesapeake. Dans la vallée du Mississipi où soufflent
les vents chauds du golfe du Mexique, les vents de
comme
la Méditerranée soufflent dans la vallée du Rhône, la cul-
ture s'étend sur l'Arkansas, sur le Tennessee et même sur
l'Ohio et le Missouri, jusqu'à Jefferson City.
190. Les autres cultures herbacées. — Le lin est peu
cultivé et ne paraît pas fournir plus de 4,000 tonnes de
filasse ; cependant la plupart des États, surtout le New
York, le Kentucky et la Virginie, en récoltent. Le chanvre
a plus d'importance et rend plus de 100,000 tonnes de fi-
lasse ; c'est surtout dans le New York, le Kentucky et le
Missouri qu'on le cultive.
Les États-Unis produisent quelques drogues tinctoriales,
entre autres l'indigo dans la Floride et le Mississipi.

191. Les forêts. — Les États-Unis sont UNE DES CONTRÉES


DU GLOBE LES PLUS BICHES EN FORÊTS. Le bois, qui est très-
rare dans les prairies situées entre les montagnes Rocheu-
ses et le Mississipi, abonde dans la région nord-est, à l'est
des grands lacs, dans les parties montagneuses de la NOU-
VELLE-ANGLETERRE, dans la Pennsylvanie et dans toute la
RÉGION DES APPALACHES : pin et sapin sur les hauteurs, chêne,
érable, noyer, châtaignier, orme sur les pentes inférieures,
peuplier dans les vallées. Il abonde aussi sur la côte méri-
dionale de l'Atlantique et sur la côte du golfe, dans la zone
marécageuse où l'on trouve d'immenses forêts de cyprès,
de cèdres rouges et de pins ; sur les bords du grand pla-
teau ; dans les montagnes Rocheuses et dans la Sierra Ne-
vada, où les pins dominent et atteignent une grande hau-
teur ; dans la Californie et l'Orégon, où pousse le cyprès
dit « sequioa gigantea », un des plus grands végétaux de
la terre (Voir la figure 91 qui représente des troncs de ces arbres gi-
gantesques et le procédé employé pour les exploiter) ; il abonde éga-
lement sur le territoire d'Alaska.
192. Le bétail. — L'Américain a devant lui l'espace,
des pâturages naturels sans limites dans le centre ; dans
l'est de belles prairies bien aménagées : il peut donc nour-
rir un nombreux bétail. Aussi en possède-t-il plus que les
peuples de l'Europe, et l'on évalue le nombre d'unités de
bétail par habitant à une moyenne plus forte que celle de
cette contrée.
Les chevaux, au nombre d'environ 7 millions, sont
élevés sur tout dans les prairies de la région centrale, Ohio,
Indiana, Illinois ; à l'est de cette région, dans la Pennsyl-
vanie, le New York, le Vermont et le New Jersey : au sud
dans le Kentucky et le Tennessee ; le Texas a, dans ses step-
pes immenses, beaucoup de chevaux sauvages.
Les mulets et les ânes, au nombre de plus de 1 million,
se trouvent surtout dans les deux régions du sud (Alabama,
Géorgie, Mississipi, Louisiane, Caroline du Sud) et dans
le Kentucky et le Tennessee.
Les BÊTES A CORNES, au nombre de plus de 25 millions,
appartenant presque toutes aux races anglaises légère¬
ment modifiées, proviennent surtout de la RÉGION DU NORD-
OUEST et de la RÉGION CENTRALE où la culture est le plus
avancée. Le New York, l'Ohio, la Pennsylvanie, l'Illinois et
l'Indiana, qui nourrissent le plus de vaches laitières, comp-
tent de 2 millions à 1,200,000 têtes de gros bétail ; c'est,
pour le premier État, plus de 1/2 tête par habitant et,
pour le dernier, presque 1 tête par habitant (1). Dans la
région des Appalaches et surtout dans le Tennessee et le
Kentucky, les boeufs de travail sont nombreux ; dans le
sud, particulièrement dans le Texas, on trouve beau-

coup de buffles. La Californie, le Missouri, la Virginie et la


Géorgie ont chacune aussi plus d'un million de têtes de
gros bétail, c'est-à-dire à peu près autant ou même plus
que d'habitants. Il y a des États qui, possédant d'immen-
ses pâturages, avec une population peu nombreuse, ont une
proportion bien plus favorable encore ; la région du Paci-
fique a plus de 3 têtes par habitant, la Floride près de 3
têtes, le Texas plus de 5 têtes. En général, le com-

1. En France, on ne compte pas 1/3 de tête par habitant.


merce des boeufs consiste en une exportation des États de
l'ouest et du sud dans les États du nord-est à l'exception
du Vermont qui exporte.
Les moutons sont relativement moins nombreux ; on en
compte environ 40 à 50 millions. Ils appartiennent princi-
palement aux races à laine longue, originaires d'Angle-
terre et à des métis-mérinos. Les États-Unis s'attachent
beaucoup, depuis quelques années, à cette branche de l'in-
dustrie agricole. L'Ohio, le New York, l'Indiana, occupent
encore les premiers rangs sous ce rapport ; derrière,
eux viennent la Californie, le Michigan, la Pennsylvanie,
la Virginie, l'Illinois, le Kentucky, le Missouri, le Ver-
mont, qui comptent chacun plus d'un million de mou-
tons ou produisent plus d'un million de kilogrammes de
laine.
Les PORCS (Voir la figure 92), sont au nombre d'ENVIRON
35 MILLIONS, c'est-à-dire environ porc par habitant, propor-
1

tion dont n'approche aucun autre État du monde. Le premier


rang appartient à la REGION CENTRALE dans laquelle l'Illi-
nois, l'Indiana, le Missouri, l'Ohio ont chacun plus de 2
millions de porcs, ainsi que le Kentucky et le Tennessee.
Tout autour de ce groupe, l'Arkansas. le Mississipi, l'Ala-
bama, la Géorgie, la Caroline du Nord, la Virginie, la Penn-
sylvanie comptent, ainsi que le Texas, de 1 à 2 millions
de porcs. Dans certains États, comme le Missouri, c'est
une moyenne de 2 porcs par habitant. L'immense étendue
des forêts de chênes, le grand nombre de vaches qui four-
nissent le lait nécessaire aux jeunes porcs, l'abondance de
farine de mais expliquent la facilité qu'ont les États-Unis
à élever ces animaux en si grande quantité. Non-senle-
ment leur nombre augmente rapidement, à part le temps
d'arrêt causé par la guerre civile, mais le poids moyen,
qui est aujourd'hui de plus de 100 kilogrammes, s'accroît
aussi, et les méthodes d'engraissement deviennent plus
rapides. Les porcs sont pour la plupart salés, et leur viande
est l'objet d'un commerce très-important dans toute l'éten¬
due des États-Unis, particulièrement dans la région centrale,
dont Chicago, Cincinnati, Saint-Louis, Louisville sont les
principaux marchés.
On compte aussi un certain nombre de chèvres aux
États-Unis.
On estime à plus d'un milliard de francs la valeur de la
viande abattue en 1860 ; cette valeur avait doublé depuis
1850 et il n'est pas douteux qu'elle n'ait encore considé-
rablement augmenté depuis 1860.
193. La soie, le miel et la cire.— Les États-Unis n'é-
lèvent qu'un petit nombre de vers à soie dans les États
agricoles du Tennessee, du Kentucky, de l'Ohio et de New
York ; dans les mêmes États et jusque dans l'Illinois à
l'ouest et le Vermont à l'est, on élève, en assez grande
quantité, des abeilles.
194. La pêche. — La PÊCHE est une industrie de pre-
mier ordre aux États-Unis. Elle a pour objet, en première
ligne, la BALEINE, pour laquelle les Américains, bien qu'ils
s'y adonnent de moins en moins, sont encore le premier
peuple du monde : ce sont surtout les armateurs du Mas-
sachusetts (New Bedford, Province-town, New London,
Edgar-town) et des États voisins qui s'y livrent, depuis
deux siècles, habitués qu'ils sont à chercher une partie de
leur subsistance sur une mer poissonneuse et découpée en
nombreuses baies. Viennent, en second lieu, la morue et le
maquereau que prennent surtout les pêcheurs du Massachu-
setts et du Maine (Gloucester, etc.), les huîtres de Baltimore,
les aloses des côtes du centre et du sud, les saumons des
rivières et les poissons blancs des lacs.
195. Les mines.— Les États-Unis ne sont pas moins
bien dotés sous le rapport de la richesse minérale que
sous le rapport de la richesse agricole ; mais il ne faut
pas oublier que ce territoire qui réunit tant d'avantages,
comprend avec le territoire d'Alaska, une superficie,
presque égale à celle de l'Europe.
Des statisticiens américains ont calculé que les États-
Unis possèdent une superficie de terrains houillers exploi-
tables huit fois plus grande que celle du reste du monde.
Quelque exagération qu'il y ait dans ce calcul, il est
certain que la HOUILLE existe aux États-Unis en très-grande
abondance et que l'exploitation, qui est de plus de 25 mil-
lions de tonnes, pourrait s'élever à un chiffre beaucoup plus
fort. La moitié environ s'extrait des mines d'anthracite
situées dans la région montagneuse qui s'étend des mon-
tagnes Bleues à la Susquehannah, dans les comtés de
Wyoming ; de Carbon, à Mauch-Chunk, sur la Leligh ; de
Schuylkill, à Pottsville, etc. Plus de 9 millions de tonnes
de houille grasse sont extraites des autres mines du GRAND
BASSIN APPALACHIEN, lequel s'étend souvent, avec des cou-
ches nombreuses et très-épaisses, sur une surface d'envi-
ron 150,000 kilomètres carrés, dans la Pennsylvanie occi-
dentale (vallées de la Monongahela, de l'Alleghany, etc.),
dans l'Ohio (Talmadge, Pomeroy, Nelsonville, Steuben-
ville, etc.), dans la Virginie occidentale (Wheeling sur
l'Ohio, vallée de la Monongahela de la Kanawha, environs
de Richmond), dans le Maryland(Cumberland), dans le Ken-
tucky, le Tennessee oriental et central, dans l'Alabama
dont la houille est de très-bonne qualité, etc. Le reste pro-
vient des bassins du centre, épars dans l'Illinois septen-
trional, l'Indiana et le Kentucky, et qui se continuent jusque
dans le Missouri et l'Iowa, ainsi que du bassin du Michi-
gan inférieur. Les montagnes Rocheuses pourront plus
lard fournir un contingent important à la produc-
tion houillère, et la Californie exploite déjà du li-
gnite.
Le PÉTROLE, ou huile minérale, est une annexe aux gise-
ments houillers ou bitumineux. Aucun pays ne peut, sous
ce rapport, être comparé aux États-Unis, qui exportent
plus de 10 millions d'hectolitres par an. Il n'y a guère
qu'une vingtaine d'années qu'on l'exploite en grand. Il
vient principalement des comtés de Warren et de Venango,
surtout de Oïl-Creek, etc., dans le nord-ouest de la PENN¬
SYLVANIE, et de l'Ohio oriental ; et, en seconde ligne, de la
Virginie, de l'Illinois, du Michigan, de la Californie
(montagnes de Santa-Cruz, etc.).
Le FER, dont les États-Unis ne produisaient guère que
20,000 tonnes en 1820 et dont ils produisent aujourd'hui
plus de 1,200,000 tonnes, se trouve en très-grande quan-
tité, sous forme d'hématite et de minerai magnétique, dans
toute la région des Alleghanys. La moitié à peu près de la
production provient de la PENNSYLVANIEqui, surtout dans la
partie occidentale, possède le minerai, le combustible mi-
néral et le bois. Au second rang sont le New York, dans
les Adirondacks, à Marquette, etc., et le New Jersey qui
possèdent d'immenses dépôts de minerai d'une exploita-
tion facile et donnant une belle fonte miroitante, à Fran-
klin-furnace dans Walkill-Valley, à Stirling, etc. ; puis, l'Ohio
dont les mines sont à l'extrémité sud-est. Viennent ensuite
le Missouri, possédant des montagnes, comme Iron-Moun-
tain et Pilot-Knob qui, de la base au sommet, ne sont qu'une
masse d'oxyde de fer ; le Connecticut, le Massachusetts, le
New Hampshire dont le minerai rend 60 et 70 p. 100 de
fer ; le Vermont, le Marylund, la Caroline du Sud. Dans
le Michigan, où l'exploitation est peu avancée, il y a des
bancs de roches ferrugineuses, composées de fer magné-
tique, beaucoup plus considérables encore que ceux du
Missouri.
Les États-Unis font environ 20,000 tonnes d'acier dans
la Pennsylvanie, le New York, le New Jersey, etc.
Les plus belles mines de CUIVRE, d'une richesse pour
ainsi dire inépuisable, se trouvent sur les bords du lac Su-
périeur dans les terrains siluriens du MICHIGAN surtout dans
la presqu'île de Keweenaw ; quoique d'une exploitation
récente, elles donnent environ 10,000 tonnes de métal. On
l'exploite aussi, mais en bien moindre quantité, dans le Ten-
nessee, dans le Nouveau-Mexique, dans la vallée du Missis-
sipi (Ohio, Missouri, etc.), dans le Connecticut, à Bristol
(Rhode-Island), à Plymouth (Massachusets), dans le Ver¬
mont, la Virginie, la Caroline du Nord, dans la Californie
à Copperopolis, etc., où l'exploitation, datant de 1864,
produit environ 4,000 tonnes. On estime à plus de 20,000
tonnes la production totale des États-Unis, qui sont un des
pays les plus riches en mines de cuivre.
Le plomb provient principalement du Wisconsin, du Mis-
souri et de l'Illinois. Galena, qui en a pris son nom tiré
du grec, est à proximité d'immenses dépôts s'étendant
sur le Wisconsin et l'Iowa. Le New York en fournit
aussi dans le comté du Saint-Laurent : la production totale
est aussi d'environ 20,000 tonnes.
Le zinc (environ 6,000 tonnes),vient du New Jersey (mines
de Sussex) et de la Pennsylvanie ; le cobalt et le nickel
(gap-mine, etc.) du Connecticut, de la Pennsylvanie, etc. ;
le MERCURE, qui fournit un millier de tonnes par an en
moyenne, et qui a donné 1,800 tonnes en 1865, 1,200 en
1866, vient des mines de Californie (New Almaden et En-
requita ; le borax, très-abondant, des lacs Alkali, Clear, etc.,
en Californie ; l'émeri, du Massachusetts ; le kaolin,
des environs de Baltimore ; les beaux marbres, du Tennes-
see, de la Californie, etc. ; le granit, du Maine et du Yer-
mont ; le salpêtre, des cavernes du Tennessee ; l'argile
plastique, de l'Ohio.
Les États-Unis qui avant 1848, ne donnaient presque pas
de métaux précieux, excepté un peu d'or dans la Caroline
du Sud, etc., sont aujourd'hui au nombre de ceux qui en
fournissent le plus ; leur production, toute concentrée
dans les États et les territoires du Pacifique et du plateau,
a une valeur d'environ 560 millions de francs.
C'est au mois de janvier 1818, dans les eaux d'un mou-
lin construit près du fort Sutter, qu'on commença l'exploi-
tation des sables aurifères, dont l'existence avait été indi-
quée longtemps auparavant. Les mineurs affluèrent de
tous les pays. La Californie se peupla, et les exploitations
d'or s'étendirent rapidement, sur une double ligne, de la
vallée du Sacramento et de ses affluents jusqu'aux roches
quartzeuses de la Sierra Nevada, et derrière cette double
ligne, sur toute la partie septentrionale et méridionale du grand
plateau. La production de l'or dépasse 350 millions de
francs ; elle se répartit entre la CALIFORNIE (comtés d'Eldo-
rado, de Calaveras, de Tuolumne, de Nevada, de Sierra,
de Siskujou, d'Almador, de Mariposa, de los Angelos), le
Montana, l'Idako, le Colorado, l'Orégon, etc
L'ARGENT, dont l'exploitation est de dix ans envi-
ron plus récente que celle de l'or, vient surtout de l'État
de NEVADA aux mines de Comstock, près de Virginia-City,
et à celles du comté d'Esmeralda, près d'Aurora, de la
région de Humboldt, etc. ; les territoires de Colorado,
d'Utah et d'Arizona, l'État d'Orégon, etc., viennent en se-
conde ligne.
Au nombre des richesses minérales est le sel qui vient
surtout des sources salines d'Onondaga, etc., de NEW YORK ,
de la Virginie, de l'Ohio, du Rhode-Island, du Texas, de
lUtah, etc.
196. Les industries mécaniques et chimiques. La fa-—

brication des outils, des machines à vapeur, de la coutel-


lerie et de la quincaillerie a toujours eu une certaine im-
portance dans un pays dont les habitants sont industrieux
et très-entreprenants ; elle a pris un très-grand développe-
ment depuis le commencement de la guerre de l'émanci-
pation des esclaves. C'est surtout dans les ÉTATS DU NORD-
EST que sont pratiquées en grand les industries mécaniques ;
dans le New York, à New York, Troy, Albany, Rochester,
Buffalo, etc., dans la Pennsylvanie, région du charbon,
du fer et de l'argile, à Philadelphie, Pittsburg, Harrisburg,
Lancastre, etc. ; dans le Massachusetts à Worcester, Lowell,
Boston, Taunton, Fallriver, favorisé par de magnifiques
chutes, etc ; dans le Connecticut à New Haven, etc. ; dans le
New Jersey à Newark, Paterson, etc. ; dans le Maryland à
Baltimore ; et jusque dans la Virginie, à Wheeling et Rich-
mond. On trouve aussi des usines dans le centre et dans
l'ouest, à San-Francisco. On en trouve également en assez
grand nombre dans les trois États situés entre l'Ohio et le
Mississipi : dans l'Ohio, à Cincinnati, Dayton, Portsmouth,
Zanesville ; dans l'Indiana, à Indianapolis ; dans l'Illinois
à Chicago, et jusqu'à Saint-Louis ; leurs usines approvision-
nent de machines, surtout de machines agricoles et de
quincaillerie, le centre et le Farwest. Parmi les machines,
une mention particulière est due aux machines à coudre,
qui sont d'un usage général aux États-Unis, et que fabri-
quent surtout le Connecticut, le Massachusetts et le New
York. Les armes viennent surtout de Springfield et de
Worcester (Massachusetts), de Troy (New York), de Harpers-
Ferry (Virginie).
Les industries chimiques appartiennent principalement au
nord-est ; Salem et New Bedford en Massachusetts, qui
s'adonnent à la pêche de la baleine, fabriquent de l'huile,
des chandelles, du savon, ainsi que Philadelphie et Pittsburg
en Pennsylvanie, etc. Cincinatti dans l'Ohio qui possède
en abondance le bétail et par conséquent le suif, le New
York et le Missouri fabriquent aussi beaucoup de savon et
de chandelles.
197. Les industries alimentaires. — Avec une agricul-
ture très-prospère, les Etats-Unis doivent nécessairement
avoir des insdustries alimentaires florissantes. En premier
lieu, la MINOTERIE est exercée en grand dans les États qui
produisent ou qui attirent par le commerce le plus de
grains : dans le NEW YORK à Rochester, dont les chutes d'eau
ont favorisé l'établissement des moulins, à Buffalo, etc. ;
dans l'OHIO, à Cincinnati, etc. dans la Pennsylvanie, dans
l'Illinois à Qnincy, etc. ; dans ,l'Indiana, dans la Virginie,
dans le Maryland à Baltimore ; dans le Missouri, le Michi-
gan, le Wisconsin, l'Iowa, le Kentucky, le New Jer-
sey (1), etc.
En second lieu, la PRÉPARATION DES VIANDES, séchées, sa-

1. Les États mentionnés sont ceux pour lesquels cette industrie avait,
en1860, une valem de plus de 25 millions de francs.
lées ou fumées, qui se fait surtout dans le CENTRE, c'est-à-
dire dans la région du bétail, principalement à Chicago, à
Cincinnati et aussi à New York ; et la fabrication des FRO-
MAGES pour laquelle le NEW YORK et l'OHIO sont au premier
rang ; le l'ermont, le Massachusetts, le Connecticut, le New
Hampshire, la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin
au second ; le Nord en exporte une grande quantité dans
les États du Sud.
En troisième lieu, la distillation des spiritueux, whisky,
etc., qui est aussi une industrie spéciale aux États agricoles
du nord-est et du centre, le New York à New York, Albany,
etc., l'Ohio à Cincinnati, etc., la Pennsylvanie, l'Illinois à
Quincy, etc., l'Indiana, le Massachusetts, le Missouri à Saint-
Louis, etc. ; la bière que l'on fabrique dans la région du hou-
blon, dans le New York à Albany, New York, Troy, etc.,
dans la Pennsylvanie à Philadelphie, etc., dans l'Ohio, l'Illi-
nois, la Californie, le Missouri (Saint-Louis) ; le sucre, que l'on
fabrique surtout dans la Louisiane et dans les États du Sud
avec le jus de canne ; dans le centre et le nord-est avec la
betterave et l'érable et que l'on raffine dans le nord-est,
surtout à New York, centre des importations du Sud ; quant
au sorgho, il donne une mélasse qu'on n'a pas encore pu
cristalliser (1).
198. Les industries textiles. — Les États-Unis ont pour
ainsi dire le COTON dans la main ; L'INDUSTRIE DU NORD-EST
a mis en oeuvre cette matière première que lui fournit abon-
damment l'agriculture du Sud. Le Massachusetts occupe a
cet égard le premier rang avec les importantes cités manu-
facturières de LOWELL, de Lawrence, de Salem, de Worces-
ler, de Newbury-Port, et possède plus de 2 millions de
broches de filature. Viennent au second rang, le New
Hampshire, avec les fabriques de Manchester, Nashua, et
Portsmouth ; le Rhode-Island, avec celles de Providence ;
1. Bien que la production de la Louisiane ait beaucoup diminué de-
puis la guerre de l'esclavage, le sucre de canne figure pour les 19/20
dans la consommation des Etats-Unis.
la Pennsylvanie, où Philadelphie fait beaucoup de coton-
nades à bon marché pour l'Ouest et le Sud; le New
York, le Connecticut et le New Jersey (Paterson) ; au troi-
sième rang, Baltimore du Maryland et ses environs, di-
verses villes du Maine et de la Virginie, Dayton et Spring-
field de l'Ohio, etc. Dans le Sud, la Géorgie est l'État où
le tissage a le plus d'importance. En 1860, on comptait en-
viron 5,700,000 broches dans les États de l'Union ; ce nom-
bre a beaucoup augmenté depuis dix ans.
Le tissage de la LAINE a une importance un peu moindre.
Les États-Unis, malgré l'accroissement du bétail et le soin
donné à l'amélioration de la laine, tirent encore de l'étran-
ger une partie de leur matière première ; cependant cette
industrie stimulée par la disette du coton a fait, depuis dix
ans, des progrès merveilleux. Le MASSACHUSETS, avec Lowell,
Worcester, etc., et la PENNSYLVANIE avec Philadelphie, etc.,
occupent encore le premier rang ; au second, le New York,
le Connecticut, le Rhode-Island, le New Hampshire, le Ver-
mont, le New Jersey, le Maine, l'Ohio, la Californie fabri-
quent aussi une certaine quantité de lainages. La bonneterie
de Philadelphie est particulièrement renommée. La plu-
part des villes qui tissent la laine fabriquent des tapis, dont
les Américains, comme les Anglais, font une grande con-
sommation.
La fabrication des soieries est secondaire dans les États-
Unis ; les grandes villes de tissage, Lowell, Philadelphie,
etc., font cependant une certaine quantité de soieries ordi-
naires.
199. Les antres industries. — Parmi les industries du vê-
tement, la CONFECTION occupe un nombre considérable d'ou-
vriers et d'ouvrières dans toutes les grandes villes du nord-
est et même du centre, New York, et Jersey-City, Philadel-
phie, Boston, Cincinnati, Baltimore, etc. La fabrication des
CHAUSSURES est pratiquée tout particulièrement dans le
MASSACHUSETTS à Boston, à Lynn qui fait des chaussures
pour femmes, Newbury-port, etc. ; elle l'est aussi en grand
dans le New York, la Pennsylvanie, le Connecticut (New-
Haven, etc.), le New Hampshire, l'Ohio, ainsi qu'à Newark
(New Jersey), où l'on fabrique surtout des chaussures en
caoutchouc, à Richmond (Virginie), à Saint-Louis (Mis-
souri), etc. La fabrication des chapeaux a lieu à Franklin
(Massachusetts) et dans la plupart des grandes villes. Celle
des articles en cuir, laquelle forme aux États-Unis une ca-
tégorie très-importante, a lieu surtout dans le New York,
la Pennsylvanie et le Massachusetts.
Outre l'industrie ordinaire du bâtiment qui a lieu, comme
partout, là où il y a des groupes de population, on fabri-
que aux États-Unis des maisons pour l'exportation, à l'usage
des pionniers de l'Ouest : c'est surtout à Cincinnati qu'est
exercée cette industrie des maisons portatives.
Les articles d'ameublement viennent principalement du
New York, de l'Ohio, du Massachusetts et de la Pennsylva-
nie. Le verre et la faience sont, aux États-Unis comme en
Europe, des industries concentrées dans le voisinage des
contrées houillères, à Pittsburg, Harrisburg, Philadelphie
(Pennsylvanie), dans le New Jersey, à East-Cambridge (Mas-
sachusetts), à Wheeling (Virginie), etc.
Les constructions navales ont une grande importance dans
la région industrielle et maritime du nord-est, à Portland
(Maine), à Portsmouth (New Hampshire), à Charlestown,
faubourg de Boston (Massachusetts), à Brooklyn (New-
York), à Philadelphie (Pennsylvanie), à Baltimore (Mary-
land). Elles en ont aussi sur les lacs et sur les grands
cours d'eau à Chicago, Sackels-Harbour, Cincinnati, etc.,
et commencent à en avoir sur le Pacifique, à San-Fran-
cisco, etc. Le nombre et surtout le tonnage des navires
augmentent rapidement d'année en année.
Les principales fabriques de papier sont établies dans le
nord-est, dans le Massachusetts à Lowell, Worcester, etc.,
dans le New York, dans la Pennsylvanie à Philadelphie,
dans l'Ohio à Cincinnati, etc. Partout on imprime et l'on
publie des livres et des journaux, nulle part autant que dans
l'État de New York, dans la Pennsylvanie à Philadelphie, etc.,
dans le Massachusetts à Boston, etc., dans l'Ohio à Cincin-
nati, et dans l'Illinois à Chicago.
200. Les cours d'eau et les canaux. — Toute la partie oc-
cidentale des Etats-Unis est pauvre en voies de commu-
nication fluviale, surtout au sud, où les cours d'eau sau-
tent de terrasse en terrasse et ont des embouchures enva-
sées. Mais la partie centrale, avec le MISSISSIPI et ses affluents
arrosant un bassin de plus de 3 millions de kilomètres car-
rés, est un des plus vastes et des plus beaux réseaux de
routes d'eau qui soient au monde : des bouches du Missis-
sipi jusqu'au saut Saint-Antoine, c'est-à-dire depuis le golfe
presque tropical du Mexique jusqu'aux rudes climats des
grands lacs, s'étend, du sud au nord, une ligne de naviga-
tion presque directe de plus de 3,500 kilomètres ; par les
bras du Missouri et de ses affluents, de l'Arkansas, de la
rivière Rouge, elle se prolonge à plus de 1,500 kilomètres à
l'ouest jusqu'au pied des montagnes Rocheuses, dans des
régions où la naugation est encore nulle, parce que la po-
pulation fait défaut ; par les bras de l'Illinois, du Wisconsin
et surtout de l'Ohio et de ses affluents, elle pénètre à plus
de 1,000 kilomètres à l'est jusqu'au voisinage des grands
lacs et au pied des Alleghanys, à travers des contrées peu-
plées et riches.
La partie du nord, riveraine des GRANDS LACS, partage
avec le Canada la navigation de la plus grande masse d'eau
douce qui existe sur le globe.
Il n'y a pas de canal à l'ouest du Mississipi : l'homme n'a
pas encore assez complétement pris possession du sol
pour y exécuter des travaux de ce genre.
Entre le bassin du Mississipi et celui des grands lacs, il y a
de nombreux canaux, qui ont été faciles à creuser, à cause
du peu de relier de la ligne de séparation. Le canal du
Michigan part de l'Illinois, à Peru, pour gagner le lac
Michigan, à Chicago. Le canal Wabash part du Wabash,
à Terre-Haute,
pour gagner, d'une part, le lac Michigan
à Chicago ; d'autre part, le Maumee, tributaire du lac
Érié. Le canal du Miami part du Miami à Cincinnati, et
gagne le lac Érié (par le Maumee). Le canal de l'Ohio et les
deux canaux de Pittsburg, unissent l'Ohio au lac Érié. A
travers les Alleghanys le travail était plus difficile, et un
seul canal, qui n'est pas achevé, doit réunir le bassin du
Mississipi aux bassins de l'Atlantique : c'est le canal de la
Delaware à l'Ohio, entre Philadelphie et Pittsburg. Un peu
plus nombreux sont les canaux unissant les grands lacs
aux bassins de l'Atlantique et creusés, grâce aux dépressions
du massif des Appalaches, dans sa partie septentrionale : le
canal Erié, le plus ancien des canaux de l'Amérique, cons-
truit de 1817 à 1825, joint, sur une longueur de 558 ki-
lomètres, Albany sur l'Hudson, à Buffalo sur le lac Érié,
et, par un embranchement, à Oswego, sur le lac Ontario ;
il peut porter de fort bateaux, puisqu'il a environ 23 mètres
de large et plus de 2 mètres de profondeur. Le canal Cham-
plain relie le lac Champlain, tributaire du Saint-Laurent, et
l'Hudson. Ces deux canaux, le premier surtout, en reliant
New York à la grande ligne de navigation des lacs et du
Saint-Laurent, ont contribué, plus que toute autre oeuvre,
à la grandeur commerciale de New York. Quelques ca-
naux facilitent la navigation de l'Ohio. Divers autres unis-
sent les fleuves du bassin de l'Atlantique, dans la partie la
plus peuplée et la plus industrielle : le canal Morris et le
canal de l'Hudson entre l'Hudson et la Delaware ; le canal
de la Delaware à la Susquehannah, le canal de la Delaware
à la baie de Chesapeake, etc.
201. Les chemins de fer. — Les État-Unis, dès les
premières années du XIXe siècle, ont commencé un réseau
de routes qui s'étendent aujourd'hui sur presque tout le
pays, excepté la région des grandes plaines de l'ouest. De
bonne heure aussi ils ont entrepris la construction de voies
ferrées. Ils mettaient en exploitation leur première ligne
en 1828 ; ils en possédaient déjà plus de 3,500 kilomètres
en 1835 ; depuis ils en ont développé le réseau sur toute
l'étendue de leur vaste territoire, à partir de Milfort (Maine)
et du Canada au nord, jusqu'à Atsena-Otie (Floride) et Co-
lumbia (Texas) au sud ; depuis les rivages de l'Atlantique
à l'est, jusqu'aux rivages du Pacifique à l'ouest. L'étendue
des voies ferrées dépasse aujourd'hui 120,000 kilomètres. Les
États suivants : Pennsylvanie, New York, Ohio, Illinois, In-
diana, Massachusetts, c'est-à-dire la région du nord-est
sont ceux qui possèdent le plus grand nombre de kilomè-
tres. Toutes les grandes villes sont en communication les
unes avec les autres par des chemins de fer ; celles d'où
partent les voies les plus nombreuses, rayonnant dans di-
vers sens, sont : 1° sur les bords de la mer, Boston, New
York, Philadelphie, Baltimore, et plus au sud, Welming-
ton, Charleston, Savannah, Nouvelle-Orléans; 2° dans l'inté-
rieur des terres, Albany (New York), Harrisburg et Pitts-
burg (Pennsylvanie), Columbus, Cincinnati, Toledo (Ohio),
Indianapolis, Fort-Wayne, Logansport (Indiana), Chicago,
Bloomington et Alton (Illinois), Saint-Louis (Missouri),
Louisville (Kentucky), Jackson (Mississipi), Nashville et Mem-
phis (Tennessee), Columbia (Caroline du Sud), Richmond
(Virginie).
Les lignes les plus suivies sont, comme partout, celles
qui traversent les régions les plus peuplées ; les plus im-
portantes par leur étendue ou par la nature de leur trafic
sont :
Celles qui, de Portland, de Boston, etc., rejoignent la
grande ligne canadienne de l'ouest, le Grand-Tronc ;
Celles qui, de New York rejoignent soit Albany et le lac
Erié, soit le lac Ontario et Chicago, soit Harrisburg, et
Pittsburg en Pennsylvanie ; et de là, Chicago, ou Colum-
bus et Cincinnati, Indianapolis Saint-Louis, Louisville et
Memphis.
Celles qui, à l'ouest du Mississipi, prolongent les précé-
dentes, surtout par Saint-Louis et Davenport, au delà du
Missouri, dans le Kansas, par Topeka, dans le Nébraska
par Omaha-City ;
Celles qui suivent la côte, reliant New York, d'une part,
aux ports du nord jusqu'au delà de Portland (Maine), d'au-
tre part par Philadelphie, Baltimore, Washington, Rich-
mond, aux ports du sud tels que Wilmington (Caroline du
Nord), Charleston et Savannah(Caroline du Sud) ;
Celles qui, de Washington, gagnent le Tennessee et
Memphis d'une part, d'autre part Mobile et la Nouvelle-
Orléans ;
Celles qui de Richmond, de Charleston, etc., gagnent
Mobile, en passant au pied des Appalaches ; la plupart
des lignes de cette région ont, comme les pentes du ter-
rain et le cours des eaux, la direction du nord-est au
sud-ouest ;
Les lignes qui, du nord au sud, longent la vallée du
Mississipi depuis Saint-Paul sur le Mississipi, Marquette
sur le lac Supérieur, Green-Bay et Chicago sur le lac Mi-
chigan jusqu'à Mobile et la Nouvelle-Orléans ;
Enfin la grande ligne du GREAT-PACIFIC-RAIL-ROAD, com-
posée du Central-Pacific, de Sacramento au grand lac Salé ;
et de l'Union-Pacific, du grand lac Salé à Omaha-City. Elle
se raccorde aux chemins du centre, à Omaha-City ; remonte
le cours de la Nebraska, franchit, dans le Wyoming, les
passes des montagnes Rocheuses, à une hauteur de plus
de 2,500 mètres, parcourt le plateau du Grand-Bassin à tra-
vers l'Utah et le Névada, en passant au nord du grand lac
Salé, descend les pentes rapides de la Sierra Névada, et
aboutit à Sacramento, au fond de la baie de San-Pablo, qui
communique elle-même avec la baie de San-Francisco. D'O-
maha-City à Sacramento, ce chemin de fer a été construit,
sur une longueur de 2,600 kilomètres, en moins de trois
ans (1866-1869). De New York à San-Francisco, on traverse
en sept jours toute l'Amérique, sur une longueur de 5,190
kilomètres.
Sur cette ligne, comme sur la plupart des longues li-
gnes des États-Unis, on a dû prendre, en conséquence
de la longueur des trajets, des dispositions particulières,
aménager les trains en manière d'hôtels, avec lits, salles
à manger, etc.
202. Les monnaies et mesures. — L'unité monétaire des
États-Unis est le dollar, monnaie d'argent et monnaie
d'or valant 5 fr. 33, et qui se divise en 100 cents ; le cent
vaut 0 fr. 033 ; les pièces d'or les plus usitées, avec le
dollar, sont l'aigle (valant 10 dollars, ou 53 fr. 30) et ses
subdivisions.
Les mesures sont presque toutes des mesures anglaises :
la livre (pound), divisé en 16 onces et valant 453 grammes ;
le tonneau de 20 quintaux (20 fois 112 livres), valant 1,015
kilogrammes ; le gallon américain, avec ses multiples et
ses subdivisions, valant 3 litres 78 ; le boisseau (bushel),
valant 36 litres 34.
203. Les banques. — Les États-Unis sont le pays où les
ressources du crédit sont les plus nombreuses et les plus
diverses ; on y compte plus de 1,800 banques, émettant des
billets, soit banques d'État (environ 240), soit banques
nationales, établies ou modifiées conformément à la loi
de 1863. Leur capital est d'environ 2 milliards et demi
de francs ; la circulation des billets, très-variable d'année
en année, n'atteint pas à un milliard et demi.
204. La navigation. — Les États-Unis sont un des pays
du monde où la navigation est le plus active. Cette na-
vigation comprend deux catégories distinctes :
1° La navigation intérieure ou navigation sur les fleuves,
les canaux et les grands lacs. Celle des lacs appartient
en partie au commerce extérieur, puisqu'elle a lieu entre
les Etats-Unis et le Canada, et elle occupe près de 2,000 na-
vires, d'une capacité d'environ 500.000 tonnes. Le mouve-
ment d'entrée et de sortie dans les ports des grands lacs dépen-
dant des États-Unis dépasse 17 millions de tonneaux.
2° La navigation maritime a fait au XIXe siècle de mer-
veilleux progrès ; de 1 million de tonnes en 1820, la
marine marchande des États-Unis s'était élevée, en 1861,
à l'époque de la guerre de sécession, à 5 millions et demi.
La moitié environ (plus de 2 millions et demi) de ce ton-
nage était employée au cabotage, lequel d'ailleurs, dans
un pays tel que les États-Unis, a de beaucoup plus gran-
des proportions que dans les États d'Europe ; 320, 000
tonnes représentaient la part de la pêche. Les événements
ont réduit cette marine au chiffre de 4, 110,000 tonnes ;
mais, comme la marineétrangère a pris une part plus grande
dans le commere américain, l'activité n'a pas diminué
et le MOUVEMENT TOTAL DES ENTRÉES ET DES SORTIES DE NAVIRES
EST D'ENVIRON 20 MILLIONS DE TONNES, dont 7 millions 1/2 à la
marine américaine, 12 millions 1/2 aux marines étrangères
sans compter le cabotage qui s'éleve à 60 millions de tonnes.
205. Les ports de la côte de l'Atlantique. — Les princi-
paux ports de la côte de l'Atlantique sont, en allant du
nord au sud :
Eastport, situé à la limite du Maine et du Nonveau-
Brunswick, dans une île de la baie de Passamaquoddy.
Bangor, situé sur le Penobscot, à 100 kilomètres de
l'embouchure, est accessible cependant à des bâtiments
d'un fort tonnage et exporte beaucoup de bois.
Portland, bon port situé sur une presqu'île de la baie
de Casco, communique par des chemins de fer avec le
Canada, avec Boston, etc. ; Portland construit beaucoup
de navires, arme pour la grande pêche et importe du su-
cre, de la mélasse, des rails, des farines, etc.
Portsmouth, dans le New Hampshire, près de l'embou-
chure de la Piscataqua, un des plus anciens et des meil-
leurs ports des États-Unis, mais éclipsé aujourd'hui par
des ports moins septentrionaux, possède à peu près le
même genre de relations et d'industrie que Portland.
Newbury, port du Massachusetts, situé à 13 kilomètres
de l'embouchure du Merrimac dont une barre obstrue
l'entrée, arme beaucoup pour la pêche de la morue et
de la baleine.
Gloucester, dans une baie située au sud du cap Ann et au
nord de la baie de Massachusetts, est la ville de l'Union
qui fait le plus d'armement pour la pêche de la morue, et
en tire annuellement un produit de plus de 5 millions de
francs.
Salem, dans le Massachusetts, situé sur une langue de
terre qui découpe en deux parties une baie peu profonde,
mais assez bien abritée, se livre à la pêche de la morue et
de la baleine, au cabotage et au grand commerce maritime,
bien qu'à cet égard le voisinage de Boston lui ait nui ; ses
armateurs entretiennent de nombreuses relations avec
l'Afrique et l'Amérique du Sud.
Lynn, grande cité d'industrie, et port assez considérable.
BOSTON une des plus grandes villes et le second port
de l'Amérique (Voir le carton de la carte n° 23). La ville est bâ-
tie sur un isthme, au fond de la grande baie de Massa-
chusetts ; le port, qui s'étend de la pointe de Nantasket
à la pointe de Chelsea et qui est abrité par plusieurs îles ;
île Lowell, île du Daim, île Longue, etc., a une largeur
de près de 16 kilomètres. La ville, avec ses faubourgs,
comprend plusieurs isthmes et plusieurs îles, à l'embou-
chure de la rivière Charles et de la rivière Mystic, et pré-
sente un grand développement de quais bordés de maga-
sins. Elle a une marine marchande de plus de 500,000
tonneaux, dont un sixième environ est employé â la pê-
che sur les côtes et sur le banc de Terre-Neuve, et un
mouvement maritime (entrée et sortie) de près de 2 millions
de tonneaux. Elle importe en grande quantité les grains
et les farines de l'intérieur qui lui arrivent par terre de
New York et de la région des grands lacs, le coton, le sucre,
la mélasse, le café, l'indigo et les bois de teinture des États
du Sud et des Antilles, qui lui arrivent par mer. Elle
reçoit également les graines oléagineuses de l'Afrique et de
l'Orient, les cuirs de la Plata, le chanvre de Manille, les co-
tonnades, les lainages et les toiles de l'Angleterre, les soie-
ries de la France, le cuivre du Chili, et d'autres métaux,
etc. Elle exporte des métaux précieux, des tissus de coton
et de laine, de la farine, du bois, des viandes salées, de la
glace qu'elle expédie jusque dans l'Inde, de l'alcool, du
poisson séché, des chaussures, de la quincaillerie, etc.
Barnstable, dans la baie du cap Cod.
New Bedford et Fairhaven, bâties dans une des nom-
breuses anses de la baie Buzzard, s'occupent surtout de la
pêche de la haleine et de la morue.
Newport, dans Rhode-Island ; Fall-River, dans le Mas-
sachusetts ; Bristol et Providence, dans Rhode-Island,
ports situés dans le profond estuaire de la baie de Narra-
gansett, s'occupent beaucoup de la pêche et font un assez
grand commerce de cabotage.
New London et Norwich sur le Thames, ports de pêche
du Connecticut.
Hartford, bien que situé à 80 kilomètres de l'embouchure
du Connecticut, est réuni par un service régulier de
paquebots avec New York.
New Haven, principal port du Connectient, sur un es-
tuaire du détroit de Long-Island, fait un commerce de
plus de 8 millions de francs, et entrelient de très-
fréquentes relations avec New York.
NEW YORK est le premier port de l'Amérique et un des plus
grands ports du monde (Voir le carton de la carte 24). Le mouve-
ment de la navigation y est de plus de 5 millions de tonneaux
par an, et de plus de 8 millions 1/2, si au commerce extérieur
on ajoute le cabotage. Dans le commerce extérieur, le pa-
villon étranger qui, jusqu'à la guerre de sécession, ne venait
qu'en seconde ligne, représente aujourd'hui les 2/3 du ton-
nage. New York est bâti sur une pointe de terre allongée
entre l'embouchure de l'Hudson et le détroit (East-River)
qui sépare Long-Island du continent. Le détroit et le fleuve
lui servent de port ; leurs rives sont toutes bordées de je-
tées et de magasins (piers et wharfs) entre lesquels les na-
vires s'abritent et où ils débarquent leurs marchandises.
En face, l'autre rive où sont d'une part, Jersey-City, d'au-
tre part, Brooklyn, présente un aspect à peu près aussi
animé que les quais de New York lui-même ; de nombreux
bateaux à vapeur sillonnent sans cesse les deux passes et
relient les trois cités. A l'entrée du port, sont trois petits
îlots dont le principal, l'île du Gouverneur, a un fort qui
domine toute la position. Au sud de l'île du Gouverneur,
commence la baie de New York qui sert de rade ; on en
sort par une passe de 600 mètres de largeur environ, res-
serrée entre Long-Island et Staaten Island, dite « Narrows »
(Voir le carton de la carte 24), et l'on entre dans la grande baie
.
ou baie inférieure qui communique avec la haute mer.
Cette belle situation maritime a commencé la fortune de
New York ; la construction des canaux, qui ont relié l'Hud-
son aux grands lacs, et celle des chemins de fer qui rayon-
nent dans tous les sens, en ont fait le plus grand entrepôt
de l'Amérique. New York importe des cotonnades, des lai-
nages, des toiles, du fer, de la quincaillerie et de la coutel-
lerie, de la porcelaine, de la chaudronnerie d'Angleterre ;
des soieries, du vin, des spiritueux de France et d'Espagne ;
du sucre et du café de la Havane et du Brésil ; du thé de la
Chine ; des épices, de l'indigo, de la cochenille, des bois de
teinture, etc. Il exporte du FROMENT, de la FARINE, du MAÏS,
du COTON, du riz, de l'argent, de la VIANDE de boeuf, du PORC,
du beurre, du poisson salé, du tabac, du pétrole, des
bois, etc. Le total de ses importations et de ses exporta-
tions dépasse 2 MILLIARDS 700 MILLIONS : aucun port du
monde n'atteint à un chiffre aussi elevé.
Newark, sur le Passaïc, et Perth-Amboy, deux ports du
New Jersey, sont très-voisins de New York et en relation
continuelle avec cette grande ville.
PHILADELPHIE, le quatrième port de l'Amérique, grande
ville située au-dessus du confluent du Schuylkill et
de la Delaware, à 153 kilomètres de l'embouchure. Phi-
ladelphie communique par canaux et par chemins de
fer avec l'intérieur ; c'est le grand entrepôt de la HOUILLE,
du PÉTROLE et du fer ; les GRAINS, froment, maïs, la
farine, la viande salée y arrivent aussi en très-grande
quantité. Philadelphie exporte ces produits pour une va¬
leur d'environ 90 millions de francs, et reçoit en échange
les cotonnades, les lainages, les soieries, le sucre, le café,
le thé, la quincaillerie, les vins, les spiritueux, etc., pour
une valeur de 75 millions ; avec le cabotage qui est consi-
dérable, son commerce dépasse 300 millions. Le mouve-
ment du port (entrée et sortie) est de près de 1 million de
tonneaux ; des services de paquebots le mettent en commu-
nication régulière avec New York et les autres grands ports
de l'Amérique.
Wilmington, sur la Delaware, dans l'État de Delaware,
est en quelque sorte l'avant-port de Philadelphie.
Baltimore, sur le Patapsco, dans le Maryland, le cin-
quième port des États-Unis, importe des cotonnades et des
lainages, du sucre, du café, du thé, du fer, du vin, des spi-
ritueux ; et exporte du tabac, des grains, de la farine, de
la viande salée, du beurre ; son commerce est d'environ
100 millions de francs.
Washington, sur le Potomac, quoique n'étant pas à
proprement parier une ville de commerce, a une naviga-
tion assez active.
Bichmond et Norfolk, les deux principaux ports de
la Virginie, sont situés, le second près de l'embouchure,
le premier à 80 kilomètres environ de l'embouchure
du James-River ; reliés par plusieurs chemins de fer
avec l'intérieur, ils exportent de la farine, des grains et plus
de TABAC qu'aucun autre port ; ces produits sont dirigés en
partie sur l'Angleterre et le continent européen, en majeure
partie sur New York, Philadelphie et Baltimore.
Beaufort, le meilleur port de la Caroline du Nord.
Wilmington dans la Caroline du Nord, à 54 kilomètres
de l'embouchure de la rivière du Cap Fear, port médiocre,
exporte surtout des bois.
Charleston, dans la Caroline du Sud, bâti sur une langue
de terre au fond d'un estuaire et au confluent de la rivière
Cooper et de la rivière Ashley, fait un commerce de plus
de 100 millions et exporte principalement du coton et du riz.
Savannah, le principal port de la Géorgie, ville heureu-
sement située, à 28 kilomètres de l'embouchure de la ri-
vière du même nom, exporte du coton, du riz et du bois et
fait un commerce de près de 100 millions de francs.
Pensacola, sur la baie du même nom, principal port de
la Floride.
Mobile, le seul port de l'Alabama, sur la rive droite de
la rivière Mobile, au fond de la baie, bâti sur un sol bas et
marécageux, exporte une grande quantité de coton (plus de
150,000 balles), du bois, et fait un commerce de plus de
100 millions de francs.
La Nouvelle-Orléans, sur la rive gauche du Mississipi,
à 170 kilomètres de l'embouchure (Voir les cartons des cartes
nos 22 et 23). C'est le grand débouché maritime de la vallée
du Mississipi, et le troisième port des États-Unis après New
York et Boston. Ses exportations, qui consistent surtout en
COTON (plus de 600, 000 balles), s'élèvent à plus de 450 mil-
lions de francs, tandis que ses importations atteignent à
peine 100 millions. Le mouvement total d'entrée et de sortie
de la navigation maritime, y compris le cabotage, dépasse
2 militons de tonnes. En face de la Nouvelle-Orléans, le Mis-
sissipi a une profondeur de plus de 20 mètres, et jusqu'à
la mer il se maintient à une profondeur de 10 mètres au
moins dans le chenal; mais la barre de l'embouchure ne
laisse, même dans la principale passe, celle du sud-est, que
3 mètres d'eau à marée basse, et moins de 4 mètres à ma-
rée haute : c'est pourquoi les navires d'un fort tonnage ne
peuvent venir à la Nouvelle-Orléans.
Galveston, le principal port du Texas, à l'extrémité
d'une longue île et à l'entrée de la baie de Galveston, en
communication fréquente avec la Nouvelle-Orléans dont
il est distant de 720 kilomètres, fait
un commerce d'envi-
ron 30 millions.
Tous les ports des États du Sud ont souffert considéra-
blement de la guerre de l'Indépendance, et la plupart
n'ont pas encore recouvré toute leur activité commerciale.
206. Les ports de l'océan Pacifique. — Les ports du Pa-
cifique sont :
Monterey, dans la Californie, port presque entièrement
délaissé aujourd'hui.
SAN-FRINCISCO, bâti sur une étroite langue de terre qui
sépare l'Océan de la baie de San-Francisco, la plus belle baie
de l'Amérique sur l'océan Pacifique et qui a 440 kilomètres
de tour (Voir le carton de la carte n° 22). L'entrée de cette haie,
qui n'a guère que 2 kilomètres de large, s'appelle la Porte
d'Or, nom que les richesses minérales de la contrée lui
ont fait donner. La ville est bâtie sur un rivage sablonneux
à 7 kilomètres au sud de la Porte d'Or. En 1848, elle
ne se composait que de quelques cabanes de bois ; c'est
aujourd'hui le plus grand port de la côte américaine du
Pacifique. Tête de ligne occidentale du Grand-central
américain qui relie l'Atlantique et le Pacifique, elle com-
munique par des services réguliers de bateaux à vapeur
avec le Japon et la Chine, avec l'Australie et la Polynésie,
avec Panama et toute la côte occidentale de l'Amérique.
Le mouvement maritime y est d'environ 700,000 tonnes ; près
des 3/4 appartiennent à la marine américaine ; l'Angleterre
est au second rang avec 150,000 tonneaux ; la France et les
îles Havaii au troisième avec 10 à 12,000 tonneaux. L'expor-
tation consiste surtout en OR, en froment et en farine, en
mercure, en laine, en peaux.
Astoria, non loin de l'embouchure de l'Orégon, le prin-
cipal port de l'Orégon, exporte surtout du bois.
207. Le commerce intérieur. — L'immense territoire des
États-Unis a un commerce intérieur très-important et très-
actif. Ce commerce se fait en partie par les grands lacs,
où il appartient autant au commerce extérieur qu'au com-
merce intérieur ; car la navigation sur les grands lacs fait
communiquer non-seulement entre eux les ports du sud,
mais les ports du sud ou ports américains avec les ports
du nord ou ports canadiens. Les ports américains des
grands lacs sont :
MILWAUKEE, le port du Wisconsin, bâti en partie sur la
falaise qui borde le lac Michigan, en partie sur la rive basse
du Milwankee, exporte beaucoup de grains et de bois.
CHICAGO, au sud de Milwaukee, et sur le même lac ;
c'est la principale place de commerce de l'illinois et de la
région des grands lacs ; le mouvement de son port dépasse
100,000 tonnes ; la rivière Chicago, qui se partage en deux
branches et qui est profonde, lui sert de port. Elle exporte
en très-grande quantité des CÉRÉALES, maïs et froment, du
porc salé, du beurre, de la laine, des peaux, de l'alcool.
DÉTROIT, à l'entrée du détroit qui réunit le lac Saint-Clair
au lac Érié ; et Monroé, sur le lac Érié, ports du Michigan,
reçoivent les produits agricoles de la presqu'île et ceux de
l'intérieurqu'amènent les canaux et les chemins de fer.
Tolédo, et Cleveland, deux ports de l'État d'Ohio, sur le
lac Érié, exportent également des céréales et des viandes
salées ; leur navigation est d'environ 100,000 tonnes.
Presqu'île est le port de la Pensylvanie, sur le lac Érié.
Dumalo, à l'extrémité orientale du lac Érié, grand en-
trepôt de la région des lacs et de la région maritime, grâce
aux chemins de fer et au canal Érié, et bon port dans une
anse aux eaux profondes. Il reçoit des régions de l'ouest
les céréales, les viandes salées, les bois, les métaux ; et des
régions maritimes les objets manufacturés, cotonnades,
lainages, objets en fer.
Niagara, sur la rivière de ce nom.
Rochester, bâti à 12 kilomètres de l'embouchure de la
rivière Genesee qui se jette dans le lac Ontario, et au point
où le canal Érié traverse la rivière.
Osxvego, à l'embouchure de la rivière du même nom, sur
le lac Ontario, est réuni par un chemin de fer et un em-
branchement du canal Érié à Syracuse dont il peut être
considéré comme le port ; ces deux villes font un com-
merce très-actif avec le Canada.
Champlain, situé sur le lac de même nom, près de la
frontière du Canada.
Le commerce intérieur se fait également par les canaux
et les cours d'eau. Les principaux marchés de l'intérieur
sont :
PITTSBURG, dans la Pennsylvanie, au confluent de l'Alle-
ghany et du Monongahela dont la réunion forme l'Ohio ; le
mouvement de son port est d'environ 2 millions de tonnes ;
la houille, le fer, l'huile de pétrole, les céréales, les bois de
construction, les produits chimiques, les cotonnades sont
les principaux articles de son commerce..
CINCINNATI, sur la rive droite de l'Ohio, au débouché du
canal Miami et communiquant par plusieurs chemins de
fer avec le Nord, l'Est et l'Ouest, fait un très-grand com-
merce de produits agricoles, céréales, farines, viandes, etc.
Louisville, ville du Kentucky, également sur l'Ohio, fait
un commerce analogue à celui de Cincinnati.
Dans le Tennessee, Nashville sur le Gumberland et Mem-
phis sur le Mississipi.
SAINT-LOUIS (Missouri), sur le Mississipi, à 28 kilomètres
au-dessous du confluent du Missouri ; c'est le grand en-
trepôt des régions de l'Ouest.
208. Le commerce extérieur. — Le COMMERCE EXTÉRIEUR
des États-Unis s'est développé avec la même rapidité que
la population et la richesse de cette vaste contrée. En
1830, ce commerce était d'environ 700 millions de francs ;
en 1871, il dépassait 5 MIILIARDS.
L'importation qui atteint 2 milliards 1/2 consiste prin-
cipalement en TISSUS (de 3 à 400 millions de francs), tissus
de laine provenant d'Angleterre, tissus de soie provenant
d'Angleterre, de France et d'Allemagne, tissus de coton
et de lin d'Angleterre ; en sucre (environ 100 millions de
francs) des Antilles et du Brésil ; en café (80 millions) pro-
venant surtout du Brésil, d'autres États de l'Amérique du
Sud et des Antilles ; en laine brute (75 millions) et en cuirs
(60 millions), provenant surtout de la Plata ; en thé (50 mil-
lions) de la Chine et du Japon ; en métaux, étain, fer,
plomb, acier, venant sur tout d'Angleterre ; en fourrures
du Canada et de la Russie ; en vêtements d'Angleterre, de
France, etc.
L'exportation, qui dépasse 2 milliards 1/2, a pour pre-
mier objet le COTON : cette marchandise qui représentait
plus d'un milliard, avant la guerre de sécession, était tom-
bée à 6 millions en 1862 ; elle s'est relevée depuis la fin de
la guerre à plus de 700 millions. Elle consiste ensuite en
BLE et FARINES (plus de 300 millions) ; en TABAC (plus de
100 millions) ; en jambons (60 millions), porc salé et boeuf
salé ; en graisse et en suif (50 millions) ; en huile de pétrole
(50 millions) ; en beurre et fromage (50 millions) ; en bois,
douves, cercles et barils ; en fer brut et ouvré ; en poissons
secs destinés principalement aux Antilles ; en cotonnades,
meubles, spiritueux, houille, houblon, etc. Les principaux
produits étrangers réexportés par le commerce des États-
Unis sont les sucres, les mélasses, le tabac et le café.
L'Angleterre est au premier rang dans le commerce des
États-Unis ; elle fait plus de 2 milliards d'affaires. La France,
qui vient au second rang, fait environ 500 millions d'affaires ;
elle envoie aux État-Unis des SOIERIES pour plus de 50 mil-
lions, des lainages pour 20 millions, des vins pour 15 mil-
lions, des spiritueux, des cotonnades, du plomb, des four-
rures, du fer et de l'acier, des tissus de chanvre, etc.
Derrière la France viennent, par ordre d'importance, l'Al-
lemagne (450 millions), les Antilles espagnoles (plus de
400 millions), le Canada (plus de 300 millions), le Brésil
(plus de 200 millions), la Chine et le Japon, le Mexique,
l'Inde anglaise et l'Australie.
209. Les villes de plus de 100,000 habitants. Les États-

Unis comptent aujourd'hui 14 villes dont la population dé-
passe 100,000 habitants (Voir les cartons des cartes nos 22 à 25).
LOUISVILLE (100,000 habitants), la plus grande ville du
Kentucky, bâtie sur la rive gauche de l'Ohio, en aval des
chutes qu'un canal a permis à la navigation d'éviter ;
c'est là l'origine de la prospérité de la ville d'où rayon-
nent aujourd'hui plusieurs chemins de fer.
NEWARK (105,000 habitants), Tille du New Jersey sur
la rive droite du Passaïc, centre de nombreuses fabriques
de cuir et de caoutchouc, en communication continuelle
avec New York, sa voisine.
WASHINGTON (109,000 habitants), capitale des États-Unis
bâti sur la rive gauche du Potomac. Washington, le li-
bérateur des États-Unis, posa la première pierre de cette
ville sur un territoire acheté au Maryland et destiné à être
le siège du gouvernement fédéral. Le Capitole est le plus
beau monument des États-Unis (fig. 93).
BUFFALO (117,000 habitants), ville de l'État de New York

à l'embouchure du Buffalo-creek dans le lac Érié, doit sa


prospérité à sa position qui en a fait l'entrepôt naturel du
commerce de la région des grands lacs avec la côte de
l'Océan.
SAN-FRANCISCO (150,000 habitants), ville récente, bâtie
sur la baie du même nom, doit sa naissance et le com¬
mencement de sa fortune aux gisements aurifères de la
Californie. C'est aujourd'hui la tête de ligne du Grand-
central américain et un des plus grands ports du Pa-
cifique.
La NOUVELLE-ORLÉANS (191,000 habitants), dans la Loui-
siane, bâtie sur la rive gauche du Mississipi, à un coude du
fleuve (ce qui lui a valu le surnom de ville du Croissant,
Crescent-City), sur un sol marécageux ; une levée, longue
de plus de 6 kilomètres et large d'environ 30 mètres, la
protège contre les inondations du fleuve et forme la plus
belle promenade de la ville ; les faubourgs, surtout le
faubourg de Lafayette, renferment de nombreuses mai-
sons de campagne, parées d'orangers et de magnolias.
La Nouvelle-Orléans doit son nom au duc d'Orléans, sous
la régence duquel elle a été fondée.
CINCINNATI (216,000 habitants), la principale ville de
l'Ohio, bâtie dans une belle vallée, sur la rive septentrio-
nale de la rivière, grande ville de commerce, d'industrie et
d'étude, renferme quelques beaux monuments, comme
la cathédrale catholique. Les coteaux du voisinage sont
plantés de vignes.
BOSTON (250,000 habitants), dans le Massachusetts, un
des plus grands ports et une des plus anciennes villes de
l'Amérique anglaise ; c'est la métropole littéraire des États-
Unis. Elle a un vaste et triple port, de grands magasins,
de beaux monuments, comme le palais du gouvernement
(state house), bâti dans une belle situation, quelques pro-
menades fréquentées, comme Washington et Tremont;
mais les rues sont en général étroites et irrégulières.
BALTIMORE (267,000 habitants), principale ville du Ma-
ryland, sur une baie de la rivière Patapsco ; c'est un des
plus grands marchés du tabac et de la farine ; et c'est aussi
une ville aux rues spacieuses, régulièrement bâtie, ornée
de beaux édifices qui l'ont fait surnommer la cité monu-
mentale.
CHICAGO (298,000 habitants), ville de l'Illinois, sur le
bord du lac Michigan, était, en 1840, une ville de moins
de 5,000 habitants ; la colonisation des grandes plaines de
l'ouest et le commerce des produits agricoles, froment,
maïs, farine, porcs, qui en a été la conséquence, ont fait
sa rapide fortune. Un incendie a détruit, en 1871, une
grande partie de la ville, qui s'est relevée de ses ruines.
SAINT-LOUIS (310,000 habitants), ville du Missouri, s'é-
tend sur une longueur de plus de 10 kilomètres le long
du Mississipi (rive droite) ; c'est, comme Chicago et Cin-
cinnati, un des grand marchés de l'Ouest.
BROOKLYN (396,000 habitants), dans l'île nommée Long-
Island, en face de New York dont elle n'est séparée que
par le détroit dit East-River ; des bateaux à vapeur, qui
partent de minute en minute, relient cette ville à New
York, dont elle n'est pour ainsi dire qu'un faubourg.
PHILADELPHIE (674,000 habitants), dans la Pennsylvanie,
la seconde ville de l'Union, bâtie entre la Delaware et la
Schuylkill, dispute à Boston le titre de métropole litté-
raire ; c'est aussi une grande ville de commerce. Dans le
palais du gouvernement, désigné sous le nom d'Indépen-
dance Hall, fut proclamée, le 4 juillet 1776, l'indépendance
des États-Unis.
NEW YORK (942,000 habitants), la plus grande ville des
États-Unis et de toute l'Amérique (Voir la figure 94). Avec
Brooklyn (396,000 hab.) et Jersey-City (82,000 hab.), qui
ne sont séparées d'elle que par l'East-River et l'Hudson
(Voir les cartons de la carte n°23), elle constitue une aggloméra-
tion de près de 1 million 1/2 d'habitants. Il n'y a dans le
monde que Londres, Paris, et deux ou trois villes de la
Chinequi présentent une réunion d'hommes aussi considé-
rable. New York est à environ 5,600 kilomètres de Lon-
dres et de Paris, à 5,170 kilomètres de San-Francisco, à
1,600 kilomètres de la Nouvelle-Orléans : c'est le grand cen-
tre des communications commerciales de l'Europe avec
l'Amérique. La ville est bâtie sur l'île Manhattan qu'en-
toure à l'ouest l'Hudson, à l'est l'East-River, au nord
partie de qui la
longueur rivière

méridionale
se

jette
Harlem,

et
dans
environ

est
bras
la l'East-River

vieille 2 de
à
3
;
l'Hudson,

ville, kilomètres

l'île
bâtie

long

assez
a
de 21 de
largeur.
irréguliè¬
12
kilomètres

kilom.,

La
rement, mais présentant dans ses rues et surtout sur le
port l'aspect d'une prodigieuseactivité. La partie centrale et
septentrionale se compose de larges rues, bien alignées,
coupées à angle droit et numérotées par rues et par ave-
nues, comme sont numérotées les maisons à Paris. Dans
la partie septentrionale est le beau Parc central qui mesure
plus de 330 hectares. Dans presque toute la longueur de la
ville, du sud au nord, s'étend la grande rue dite Broad-
way, qui aboutit à la Batterie, c'est-à-dire à l'extrémité
sud de New York et qui est citée par les Américains
comme une des plus belles rues du monde ; c'est dans
Broadway qu'est situé l'Hôtel-de-Ville, édifice en mar-
bre blanc. L'eau de la rivière Croton qui alimente une
partie de la ville, est amenée par un aqueduc regardé
comme une des constructions les plus remarquables de
New York.
210. Les antres villes importantes. — 57 autres villes
des États-Unis ont une population de 20,000 à 100,000 ha-
bitants.
Dans le Maine, Portland (31,000 hab.), capitale de l'État
jusqu'en 1831.
Dans le New Hampshire, Manchester (23,000 hab.), sur le
Merrimac.
Dans le Massachusets, Cambridge (40,000 hab.), qui
possède la plus ancienne université et a vu les premières
imprimeries des États-Unis ; Charlestown (28,000 hab.),
avec un grand arsenal fédéral ; Fall-River (26,000 hab.),
port sur la baie de Narragansett ; Lawrence (29,000 hab.) ;
Lowell, (41,000 hab.), sur le Merrimac, grand centre in-
dustriel, appelé le Birmingham de l'Amérique ; Lynn
(28,000 hab.), grande fabrique de chaussures pour fem-
mes ; New Bedford (21,000 hab.), port important pour la
pêche de la baleine ; Salem (24,000 hab.), une des plus an-
ciennes villes de l'Union ; Spring field (27,000 hab.), arse-
nal et manufacture fédérale d'armes ; Worcester (41,000
hab.), ville savante avec de riches collections scientifiques.
Dans Rhode-Island, Providence (69,000 hab.), ville in-
dustrieuse et port commerçant.
Dans le Connecticut, Hartford (37,000 hab.), port sur le
Connecticut ; New Haven (51,000) avec un bon port et l'u-
niversité de Yale.
Dans le New York, Albany (76,000 hab.), capitale de
l'État, sur l'Hudson, où fut lancé le premier bateau à va-
peur en 1807 ; Oswego (21.000 hab.), port sur le lac Onta-
rio ; Poughkeepsie (20,000 hab.), sur l'Hudson ; Rochester
(62,000 hab.), sur le Genesee, dont les chutes font mou-
voir de nombreux moulins ; Syracuse (43,000 hab.), ville
active et commerçante ; Troy (46,000 hab ), sur l'Hudson,
manufacture d'armes de guerre ; Utica (29,000 hab.), sur
le canal Erié, importante par son industrie cotonnière.
Dans le New Jersey, Trenton (22,000 liab.), sur la Dela-
vare, capitale de l'État ; Camden (20,000 hab.), sur la De-
laware, en face de Philadelphie ; Elizabeth (21,000 hab.) ;
Hoboken (20,000 hab.), sur l'Hudson, vis-à-vis New York ;
Jersey-City (82,000 bab.) doit aussi sa prospérité au voisi-
nage de New York ; Paterson (33,000 hab.), au nord de
Newark, ville manufacturière, fondée seulement en 1820.
Dans la Pennsylvanie, Harrisburg (23,000 hab.), sur la
Susquehannah, capitale de l'État, Alleghany-City (53,000
hab.), ville industrielle sur la rivière de son nom, une des
branches de l'Ohio ; Lancaster (20,000 hab.), fabrique de
bonneterie et d'aiguilles ; Pittsburg (86,000 hab.), au con-
fluent de l'Alleghany et de la Monongahela qui forment
l'Ohio, doit à ses riches mines de houille et de fer d'être
un des centres les plus actifs et les plus industriels de
l'Union ; Reading (34,000 hab.), fabrique de chapellerie ;
Scranton (35,000 hab.) ; Érié (20,000 hab.), port sur le lac
de son nom.
Dans le Delaware, Wilmington (31,000 hab.), sur la De-
laware, doit son importance à Philadelphie, dont il est
comme l'avant-port.
Dans les États du Sud, Richmond (51,000 hab.), capitale
de la Virginie, sur le James-River, centre de l'insurrection
sudiste en 1860 ; Charleston (49,000 hab.), port de com-
merce et place forte ; Atlanta (21,000 hab.), capitale de la
Géorgie ; Savannah (28 000 hab.), port de la Géorgie, sur
la rivière de son nom ; Mobile (32,000 bab.), la ville la plus
importante de l'Alabama, port sur le golfe du Mexique.
Dans les États du centre, Milwaukee (71,000 hab.), sur
le lac Michigan, la plus grande ville du Wisconsin ; Détroit
(80,000 hab.), sur la rivière de ce nom, entre le lac Saint-
Clair et le lac Érié, ville d'origine française, importante
par son arsenal et première ville du Michigan ; Columbus
(31,000 hab.), capitale de l'Ohio ; Cleveland (93,000 hab.),
sur le lac Érié, ville commerçante du même État, où l'on
trouve encore Dayton (30,000 hab ), ville manufacturière ;
et Toledo (32,000 hab.), autre ville commerçante, sur le
Maumée près du lac Erié ; Indianopolis (48,000 hab.), sur le
White-River, centre de nombreux chemins de fer et capi-
tale de l'Indiana ; Evansville (22,000 bab.), dans le même
Etat : Peoria (23,000 hab.), et Quincy (24,000 hab.), dans
l'Illinois ; Covington (24,000 hab.), seconde ville du Ken-
tucky, séparée de Cincinnati par l'Ohio ; Nashville (26,000
hab.), capitale du Tennessee, et siège d'une université ;
Memphis (40,000 hab.), dans le même État, port commer-
çant et militaire et arsenal maritime sur la rive gauche
du Mississipi ; Kansas-City (32,000 hab.), sur le Kansas,
deuxième ville du Missouri. Davenport (20,000 hab.), sur
la rive droite du Mississipi dans l'Iowa ; Saint-Paul (20,000
hab.), capitale du Minnesota, sur le Mississipi.
211. La population. — La population des États-Unis est
celle dont l'accroissement est le plus rapide sur le globe.
En 1790, à l'époque du premier recensement, elle était
au-dessous de 4 millions d'individus (3,930,000), composée
d'environ 3,102,000 blancs, 700,000 esclaves et 70.000
personnes de couleur libres. La superficie des États-Unis
n'était alors que de 2 millions de kilomètres carrés et la
densité de la population de 2 habitants au kilomètre carré.
Cette population est aujourd'hui d'environ 40 MILLIONS
D'HABITANTS, et la densité moyenne est de 4 habitants au
kilomètre carré. Mais de vastes espaces, comme le territoire
d'Alaska et le Grand-Bassin, sont presque déserts ; sur la
côte de l'Atlantique, depuis le Maine jusqu'au Potomac,
c'est-à-dire dans la partie la plus peuplée, on compte 11
millions 1/2 d'individus, et la densité est de 25 habitants
au kilomètre carré. Il y a environ 35 millions de blancs,
4,900,000 hommes de couleur, nègres ou mulâtres,
tous libres depuis la fin de la guerre de sécession, 50
à 60,000 Indiens, derniers restes des anciens habitants
du pays, et autant de Chinois. Les gens de couleur qui,
en 1790, formaient à peu près le cinquième de la popula-
tion totale, n'en forment plus guère que le huitième ; on
ne les rencontre en grand nombre que dans les États du
Sud et du Sud-Est, où ils constituent plus du tiers de la
population.
C'est en partie à l'excédant des naissances sur les dé-
cès, en partie à l'immigration que les États-Unis doivent
le rapide développement de leur population qui double
dans l'espace de vingt-cinq ans. De 1820 à 1871, ils ont
reçu 7 millions et demi d'immigrants dont plus de moi-
tié venaient des îles Britanniques et particulièrement
de l'Irlande, 2,370,000 d'Allemagne, 284,000 du Canada,
153,000 de Suède et de Norvège, 245,000 de France,
100,000 de Chine. Les immigrants conservent pendant
plusieurs générations leur langue et les habitudes de
leur mère-patrie. C'est dans les États de l'Ouest, au sud
des grands lacs, que se trouvent les principaux groupes
d'Irlandais et d'Allemands. Les Chinois, qu'on rencontre
principalement en Californie, ne se mêlent pas aux au-
tres, races.
212. Résumé des forces productives de l'Amérique du
Nord. — L'Amérique du Nord est, après l'Europe, la partie
du monde la plus civilisée. Elle comprend trois régions dis-
tinctes :
4° La partie septentrionale ou DOMINION DU qui
CANADA,
dépend de l'Angleterre : vaste région de 9 millions et demi
de kilomètres carrés, mais comptant à peine 1/2 habitant
au kilomètre carré, parce que la rigueur du froid la rend,
comme la Sibérie, inhabitable sur une grande étendue.
Aussi, comme la Sibérie, n'est-elle, dans toute la portion
septentrionale et centrale, qu'un terrain de chasse, et
le seul produit consiste-t-il en fourrures. Elle est plus
peuplée sur les bords des grands lacs et du Saint-Laurent
et dans la partie qui s'étend entre le Saint-Laurent et l'Atlan-
tique, quoique l'hiver y soit très-rigoureux. Les BOIS, les
CÉRÉALES et le bétail en sont les principales richesses, avec
la pêche autour de l'île de Terre-Neuve. Une seule ville,
Montréal, dépasse 100,000 habitants.
2° La partie centrale, ou ÉTATS-UNIS, laquelle, avec ses 40
millions d'habitants, son immense territoire de 10 millions
de kilomètres carrés, dont la majeure partie est propre à
la culture, et sa grande activité commerciale, a une impor-
tance économique comparable à celle des plus puissants
États de l'Europe. Les céréales y abondent, MAÏS, FROMENT,
avoine, seigle, riz, etc., en tout plus de 550 millions d'hec-
tolitres. La Russie seule, parmi les États qui ont une sta-
tistique (1), atteint un chiffre presque aussi élevé (500 mil-
lions). Mais la Russie a environ 80 millions d'habitants,
el les États-Unis seuls donnent une moyenne de 10 hecto-
litres par habitant. La pomme de terre et la patate, le sucre,
le TABAC, le COTON que les États-Unis produisent en plus
grande quantité qu'aucun autre pays du globe, les BOIS de
construction sont au nombre des richesses agricoles de
cette région privilégiée, ainsi que le BÉTAIL (bêtes à cornes
et porcs surtout). Les mines donnent de la HOUILLE, du
PETROLE, de L'OR, du fer, du cuivre, etc. L'industrie, armée

1. Il est certain que la Chine, et il est propable que l'Inde, pour nour-
rir leur population, ont une production supérieure ; mais on n'a aucun
moyen de constater le montant de cette production.
des machines les plus perfectionnées, est presque aussi
active dans les États du Nord-Est que dans les départe-
ments manufacturiers de la France.
Le pays est sillonné de canaux et plus encore de chemins
de fer ; le commerce intérieur y est très-actif. Quatorze
villes ont une population de plus de 100,000 habitants :
sept sur la côte de l'Atlantique, Boston, New York, qui,
avec Brooklyn et Jersey-City, constitue un agglomération
d'un million et demi d'habitants, Newark, Philadelphie,
Baltimore, Washington ; une près du glofe du Mexique vers
l'embouchure du Mississipi, la Nouvelle-Orléans; une sur
le Pacifique, San-Francisco ; deux sur la frontière des
grands lacs, Chicago et Buffalo ; trois sur les cours d'eau
de l'intérieur, Cincinnati, Louisville, Saint-Louis.
3° La partie méridionale, qui comprend elle-même trois
régions distinctes, le Mexique, l'AMÉRIQUE CENTRALE et
les Antilles. Les deux premières régions, à côté de vastes
espaces incultes et inhabités, étalent la splendide végéta-
tion des tropiques et produisent le manioc, le maguey.
la vanille, l'indigo, la cochenille, le cacao, le café, les
bois d'acajou et autres ; mais leurs discordes civiles ont
beaucoup entravé leur progrès. Les ANTILLES qui ont à
peu près les mêmes produits, s'adonnent tout particu-
lièrement à la culture de la canne à sucre, du café et du
tabac. Le Mexique est riche en mines d'ARGENT. Deux vil-
les, Mexico sur le continent et La Havane dans l'île de Cuba,
ont plus de 100,000 habitants. »
Le commerce intérieur est presque nul dans la région
glacée du nord ; il est actif sur les bords des grands lacs
et du Saint-Laurent, très-actif dans les États-Unis, surtout
dans la région de l'Atlantique, médiocre dans le Mexique
et l'Amérique centrale par défaut de population et de
routes ; dans les Antilles, qui sont des îles, presque tout
le grand commerce se fait par mer et se confond avec le
commerce extérieur.
Le COMMERCE EXTÉRIEUR de l'Amérique du Nord est ap¬
proximativement estimé à 8 MILLIARDS 330 MILLIONS, c'est-à-
dire à une somme à peu près équivalente au commerce
général de la France. Les 5/8 (5,100 millions appartien-
nent aux ÉTATS-UNIS ; un quart (2 milliards) aux Antilles,
et près des 3/4 du commerce des Antilles appartiennent
à Cuba ; un dixième (environ 950 millions) à la dominion
du Canada ; le reste (380 millions) au Mexique et à l'A-
mérique centrale.
Même proportion pour le mouvement général de la
NAVIGATION qui est de 37 MILLIONS DE TONNES, sans y com-
prendre la navigation des grands lacs, ni le cabotage des
États-Unis (1). Sur ce total, 20 millions appartiennent aux
ÉTATS-UNIS, dont la marine marchande jauge 4,110,000
tonnes ; 11 millions 1/2 à la Dominion du Canada dont la
marine est de 900,000 tonnes ; 4 millions 1/2 aux Antilles ;
1 million au Mexique et à l'Amérique centrale.
Dans le grand commerce extérieur sur l'Atlantique, le pre-
mier rang appartient à L'ANGLETERRE qui fait plus de 3
milliards 1/2 d'affaires, et aux ÉTATS-UNIS qui, faisant avec
l'Europe et l'Asie moins d'affaires que l'Angleterre, en
font davantage avec l'Amérique ; dans les ports dn Paci-
fique, les Etats-Unis l'emportent sur l'Angleterre ; sur
les grands lacs, où ils ne partagent qu'avec le Canada,
les États-Unis font plus des trois quarts des transports
maritimes.
D'Europe, l'Amérique reçoit surtout des PRODUITS MANU-
cotonnades, soieries ; des ma-
FACTURÉS : DES. TISSUS, lainages,
chines, des métaux usuels, des vêtements, des vins et des
spiritueux. Elle y envoie les produits de son sol, BOIS de
construction et d'ébénisterie, COTON, TABAC, BLÉS et FARINES,
VIANDE SÉCHÉE, SUCRE, CAFÉ, indigo, cochenille, vanille, cacao ;
et les produits de ses mines, OR, ARGENT, pétrole, cuivre.

1. Le mouvement des grands lacs est évalué à 17 millions de tonnes ;


le cabotage, des États-Unis, à 60 millions, deux nombres qui nous pa-
raissent excessifs.
Entre le nord et le sud de l'Amérique, il y a un commerce
actif de vivres, blés, farines, poissons, viandes, expédiés par
le Nord en échange du sucre, du café, du tabac et des
denrées coloniales du Sud.
Des services réguliers de bateaux à vapeur sont orga-
nisés sur toutes les côtes. Les paquebots transatlantiques
français partent les uns du Havre, avec escale à Bresl, et
gagnent New York en 11 jours 1/2 ; d'autres, de Saint-Na-
zaire, et se rendent à l'île de Saint-Thomas (Antilles),
puis, de là, à la Vera-Cruz ou à la Nouvelle-Orléans par
la Havane, ou à Colon-Aspinwall par Kingston (Jamaïque),
ou à Fort-de-France (Martinique) par la Pointe-à-Pitre ;
d'autres, de Saint-Nazaire, gagnent directement Fort-de-
France et, de là, Colon-Aspinwall par la côte du Venezuela.
De Hambourg, de Brême, de Southampton et de Liver-
pool, des services allemands et anglais se rendent dans les
mêmes ports. De Liverpool et de Glasgow, des paquebots
vont au Canada, à Québec en été, à Portland en hiver, les
glaces empêchant d'aller jusqu'à Québec. Des paquebots
américains font le service de toute la côte, depuis Terre-
Neuve jusqu'à la Nouvelle-Orléans, et sur les côtes du
Mexique, de l'Amérique centrale et des Antilles. Sur
l'océan Pacifique, des paquebots anglais et américains des-
servent la côte depuis Panama au sud, jusqu'à San-Fran-
cisco et Victoria au nord, avec relâche dans les princi-
paux ports de l'Amérique centrale et du Mexique ; de
San-Francisco, des services américains et anglais traver-
sent le Pacifique et relient l'Amérique à l'Océanie par Hono-
lulu, Auckland et Sydney ; à l'Asie par Honolulu et Yoko-
hama,
HUITIÈME PARTIE

L'AMÉRIQUE DU SUD

1re Section.

LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.
(Voir la carte n° 27.)

213. La situation et les dimensions. — L'AMÉRIQUE DU SUD


est une des deux parties du continent américain, ou nou-
veau continent ; ce nom, qui lui a été donné à l'époque de
sa découverte par les habitants de l'ancien continent, lui
a été conservé quoique la découverte du continent austral
soit plus récente. Elle s'étend, du nord au sud, de l'isthme
de Panama qui la rattache à l'Amérique du Nord, par 12°,20
de latitude boréale, jusqu'au cap Horn par 55°,58 de lati-
tude australe, sur une longueur d'environ 7,500 kilomètres;
et, de l'ouest à l'est, du 84e degré de longitude occiden-
tale (pointe Parina), au 37e dégré de longitude occidentale
(pointe Saint-Augustin), sur une largeur d'environ 5,000
kilomètres. Elle a une superficie d'environ 18 MILLIONS DE
KILOMÈTRES CARRÉS.
Elle a la forme d'un triangle, ou, pour parler plus exac-
tement, celle d'un quadrilatère allongé en forme de trian-
gle, dont le sommet est tourné vers le sud. Les deux côtés
occidentaux, qui sont comme le prolongement l'un de l'au-
tre, s'étendent de la pointe Gallinas à la pointe Aguja, et
de la pointe Aguja à l'extrémité occidentale de la Terre de
Feu (1), laissant en dehors tout l'isthme de Panama, et en-
fermant le golfe d'Arica ; ces deux côtés sont bornés par
l'OCÉAN PACIFIQUE. Le côté sud-est s'étend de la Terre de
Feu au cap San-Roque avec une proéminence formée par
la côte brésilienne : il est borné par l'OCÉAN ATLANTIQUE.
Le côté nord-est s'étend du cap San-Roque à la pointe
Gallinas, avec une proéminence formée par la Guyane ; il
est borné par l'océan Atlantique et par la MER DES AN-
TILLES.
214. Les côtes et les îles. — Comme presque toutes les
terres de l'hémisphère-sud, l'Amérique méridionale pré-
sente un contour de côtes très-peu accidenté, excepté aux
extrémités nord et sud. Comparé à sa superficie, leur
développement n'est que de 1 kilomètre de côtes pour 690
kilomètres carrés : c'est deux fois plus que l'Afrique, qui
ne compte qu'un kilomètre pour 1420 kilomètres carrés ;
mais c'est juste trois fois moins que l'Europe, dont le rap-
port est de 1 kilomètre de côtes pour 229 kilomètres car-
rés.
Les côtes de l'Amérique du Sud peuvent être divisées
en trois parties, d'après les mers qui les baignent.
1° Celles de l'océan Pacifique ont pour caractère géné-
rale l'uniformité et une sorte de rectitude de tracé telle,
que, sur la moitié de leur parcours, elles sont presque
aussi droites qu'un degré de méridien. Toutefois la partie
septentrionale jusqu'à la pointe Aguja présente un aspect
assez varié, avec le profond GOLFE DE PANAMA, creusé peut-
être par le remous du contre-courant équatorial se heurtant
au courant de Humboldt, et fermé à l'ouest par le cap
Muriato ; la baie de Choco, la baie de Guayaquil, les caps
Corrientes, San-Francisco et San-Lorenzo.
A mille kilomètres en mer sont les îles Gallapagos.
Dans la partie centrale, le courant de Humboldt a limé
la plaine située au pied occidental des Andes, et dont les

(1) Le cap Horn est dans une île, à l'extrémité sud-est.


traditions péruviennes nous indiquent l'existence à une
époque peu reculée. Il n'a laissé, pour ainsi dire, aucun ac-
cident particulier de la côte, sauf quelques îles, comme
les îles Juan-Fernandez en mer et de nombreux îlots sur la
côte, les îles Chincha, etc. ; il y a dessiné seulement, au
pied des montagnes, une vaste courbe, dite golfe d'Arica.
Cette côte est généralement sablonneuse et aride dans le
Pérou, assez fertile dans le Chili, partout privée d'eau
douce.
Tout à fait au sud, la plaine a totalement disparu. Dans
la Patagonie, les Andes tombent à pic dans la mer, en for-
mant de profonds fiords et un long chapelet d'îles ro-
cheuses : l'île de la Reine-Adélaïde,l'île Chiloé, l'île Welling
ton, la Terre de la Désolation, etc. C'est un aspect sembla-
ble à celui de la côte septentrionale de l'Amérique du
Nord ; les mêmes causes, les volcans et les courants ont
produit les mêmes effets : c'est ici le courant de Humboldt,
venu de la région polaire, qui se fait sentir. De fortes ma-
rées battent ces rivages, parés jusqu'au bord des vagues
d'une riche végétation forestière.
Au sud de la Patagonie, dont le cap Froward est la pointe
la plus méridionale, s'étend la TERRE DE FEU, terre froide,
d'un aspect sombre, enveloppée de brume, offrant cepen-
dant au regard plus de verdure que la côte de Patagonie,
toute bordée à sa partie méridionale d'îles et d'îlots vol-
caniques, tels que la Terre des États, séparée de la Terre
de Feu par le détroit de Le Maire, que franchissent les na-
vires avant de doubler le cap Horn. Dans l'îlot le plus
méridional est le CAP HORN, pointe extrême de la terre
américaine. La Terre de Feu est séparée du continent par
le long et tortueux DÉTROIT DE MAGELLAN que bordent sur
500 kilom., d'un côté les arides montagnes de la Terre de
Feu, et de l'autre les collines de la Patagonie entrecoupées
de vallées verdoyantes. Ce détroit célèbre a été découvert
en 1519 par Magellan, dans le premier voyage accompli
autour du monde.
2° Les côtes de l'océan Atlantique, dirigées d'abord
presqu'en droite ligne du sud-ouest au nord-est jusqu'au
cap San-Roque, et ensuite du sud-est au nord-est jusqu'à
la mer des Antilles, se composent de plusieurs sections
d'aspects différents.
La partie méridionale qui comprend les côtes de la Pa-
tagonie et de la république Argentine présente, comme la
section correspondante des côtes du Pacifique, un con-
tour assez accidenté par le cap des Vierges, la baie Grande,
le cap Blanc, le golfe Saint-George, la presqu'île Saint-Jo-
seph, le golfe Saint-Mathias, le cap Corrientes, etc. Élevée et
rocheuse jusqu'à la presqu'île Saint-Joseph, elle devient
ensuite basse et plate ; elle est du reste partout aride, dé-
serte et très-peu hospitalière.
A l'est, à 600 kilomètres environ en pleine mer, sont les
îles Falkland qu'on nomma d'abord îles Malouines en l'ho-
neur des marins de Saint-Malo qui les explorèrent, îles
rocheuses, et couvertes en partie de tourbières et de ma-
rais, mais salubres, quoique exposées à des vents violents,
habitables encore et offrant de gras pâturages ; à 1,100 ki-
lomètres plus loin à l'est et au sud-est, sont l'île Géorgie.
les Orcades du Sud et les Sandwich du Sud qui prennent
déjà l'aspect des terres antarctiques.
A l'estuaire de la Plata, dont le courant se fait sentir au loin
en pleine mer, commence la côte brésilienne qui se ter-
mine à l'estuaire de l'Amazone, signalé par un courant éga-
lement fort et portant au loin. Cette côte est bien arrosée et
généralement montueuse, excepté dans sa partie méri-
dionale, où elle est bordée par de grandes lagunes comme
le lac Marini et le lac de los Patos ; et dans sa partie sep-
tentrionale, entre l'embouchure du Maranhâo et celle de
l'Amazone, séparée en deux branches par la grande île Ma-
rajo. Partout d'ailleurs elle est bien arrosée, frangée de
belles et profondes baies, celles de Paranagua, de l'île
Grande, de Rio-de-Janeiro, de Tous-les-Saints, etc., avec
des caps importants, cap Fno, cap San-Thomé, cap San¬
Roque ; de nombreux récifs et quelques bancs de sable
comme le Parcel de las Paredes, etc. ; et un certain nom-
bre d'îles, îles Sainte-Catherine, île Saint-Sébastien, île
Grande, etc.
Entre l'embouchure de l'Amazone et celle de l'Orénoque
s'étend la côte de la Guyane, basse, marécageuse, malsaine,
bordée de mangliers et de palétuviers qui se dressent au-
dessus de l'eau, portés sur leurs racines, comme des échas-
siers sur leurs longues jambes : elle est çà et là découpée
par les estuaires des nombreux cours d'eau qui descendent
du plateau ; quelques îles également basses se trouvent
sur la côte ou à l'embouchure des fleuves, île Maraca, île
de Cayenne, île du Salut, etc.
3° La côte de la mer des Antilles borde au nord le Ve-
nezuela et la Colombie, depuis l'embouchure de l'Orénoque
jusqu'à l'isthme de Panama. Après le delta bas et maré-
cageux de l'Orénoque, elle s'accidente par les ramifications
de la Cordillère de Vénézuela, qui projette à l'est un long
promontoire terminé par le cap Pena et formant le golfe
de Paria, dont la grande île de la Trinité ferme en partie
l'entrée. La longue rangée des îles Sous-le-vent, Margarita,
Buen-Ayre, Curaçao etc., qui s'aligne parallèlement à la
côte, semble être les sommets d'une autre Cordillère, usée
par le frottement du courant équatorial. Elle se relie à la
presqu'île de Paragouan qui borne à l'est le golfe de Vene-
zuela, lequel communique avec le lac Maracaïbo ; à l'ouest
le même golfe est bordé par la presqu'île de Guajira pro-
jetée par les dernières ramifications des Andes et terminée
par la pointe Gallinas. La côte s'abaisse et se borde de la-
gunes à partir de la Magdalena ; elle se creuse profondé-
ment au sud pour former le golfe de Darien que l'isthme
de Panama, étroit et peu élevé, sépare du golfe de Panama
et de l'océan Pacifique.
215. Le relief du sol. —Vue à vol d'oiseau, l'Amérique
du Sud présente, à l'ouest, une très-haute muraille de gra-
nit et de gneiss, toute semée de roches volcaniques, ayant
une large base de 150
à 1,000 kilomètres et
longeant, sur une lon-
gueur de 7,500 kilomè-
tres, la côte du Pacifi-
que dans toute son éten-
due du nord au sud ;
cette muraille est la
CORDILLÈRE ou CHAÎNE
DES ANDES (fig. 95). Elle
se prolonge en terrasses
inclinées vers l'est jus-
qu'à la grande plaine de
terrains tertiaires et de
terrains d'alluvion qui
la borde de ce côté
comme l'océan Pacifi-
que la borde à l'ouest.
Au delà et à l'est de cette
plaine, sont deux pla-
teaux montagneux, gra-
nitiques aussi en grande
partie et isolés : l'un au
nord, le plateau de la
Guyane, bordant le côté
nord-est du quadrila-
tère ; l'autre, beaucoup
plus grand, bordant le
côté sud-est et désigné
sous le nom de plateau
du Brésil.
La chaîne des Andes
et ces deux plateaux, sé-
parés par d'immenses
plaines qui les envelop-
pent de toutes parts et
qui en font comme deux îles de hautes terres au milieu
d'un océan de terres basses où coulent les fleuves, des-
sinent dans l'Amérique du Sud six régions distinctes :
1° La RÉGION DES ANDES est formée par la plus longue
chaîne du globe et, sinon la plus haute, car l'Himalaya la
dépasse, du moins celle qui renferme la suite la plus lon-
gue de hauts sommets continus. Les ANDES ou CORDILLÈRE
ont une longueur d'environ 7,500 kilomètres à partir de
l'isthme de Panama jusqu'au cap Froward, et une longueur
de 150 à 1,000 kilomètres ; on peut les diviser en trois sec-
tions :
I. Les ANDES SEPTENTRIONALES s'étendent des bords de la
mer des Antilles jusqu'au noeud de Cuzco. Elles compren-
nent deux parties très-distinctes.
Au nord, sont les ANDES DE COLOMBIE composées de trois
branches : la branche occidentale, ou Cordillère de la côte,
en partie volcanique et la moins élevée des trois, projette
à l'ouest, au delà de la vallée de l'Atrato, un rameau tout
boisé, la chaîne du Choco, qui atteint rarement 1,000 mè-
tres, quoique le pic del Torre dépasse 3,000 mètres, mais
qui offre peu de cols, quoique la ligne de partage des eaux
y soit, sur certain points, indéterminée ; elle se prolonge
par L'ISTHME DE PANAMA qui relie les deux Amériques et
qui, à sa partie la plus étroite, n'a que 52 kilomètres de
largeur : sa crête est seulement de 80 mètres d'altitude,
au passage du chemin de fer, et même de moins de 50 mè-
tres un peu plus à l'est. — La Cordillère centrale, dite aussi
chaîne de Quindiu, se dresse comme une muraille au-
dessus de la limite des neiges perpétuelles, avec de grands
plateaux appelés paramos et quelques rares cols très-élevés,
comme celui de Popayan à Bogota qui est à 4,550 mètres ;
elle renferme un des plus hauts sommets de la contrée,
le mont Tolima (5,330 mètres), célèbre par l'éruption de
l'année 1575 ; mais, au nord, elle s'abaisse et se perd dans
la plaine à 300 kilomètres de la mer. — La Cordillère orien-
tale, nommée Cordillère de Cundinamarca, est, au con¬
traire, très-élevée au nord, dans la partie dite Sierra Ne-
vada de Merida, tandis qu'au sud, où se trouve le paramos
de la Summa Paz, elle ne dépasse pas 4,000 mètres. Cette
chaîne comprend le haut plateau sur lequel est bâtie la
ville de Bogota. Au paramos de las Papas, la chaîne occi-
dentale et la chaîne centrale se réunissent pour se relier
à la chaîne orientale, au noeud de los Pastos, vaste plateau
haut de 3,000 mètres environ, supportant plusieurs vol-
cans et entièrement stérile.
Au nord des Andes de Colombie sont diverses chaînes
côtières qui forment presque un système distinct. La Sierra
Nevada de Santa-Marta, entre le golfe Darien et le lac
Maracaïbo, s'élève brusquement à 50 kilomètres de la mer,
et son principal sommet, la Horqueta, se dresse à 5,850 mè-
tres. A l'est du Maracaïbo, la chaîne côtière du Venezuela
borde de sa branche septentrionale le pittoresque golfe
de Valencia et se termine au cap Codera, sans dépasser
nulle part la hauteur de 1,500 mètres, tandis que sa bran-
che méridionale, qui dresse au sud de Caracas des som-
mets de près de 3,000 mètres, comme le Nirguata
(2,970 m.), se prolonge le long de la côte jusque dans l'île
de la Trinité.
Ces hautes montagnes, dont les sommets sont souvent
couronnés de neige sous le soleil des tropiques et qui
forment trois hautes murailles continues, séparent trois
vallées profondes, baignées dans une atmosphère brû-
lante, celles de l'Atrato, de la Cauca et de la Magdalena et
la plaine de l'Orenoque ; et elles rendent de l'une à l'autre
les communications très-difficiles et très-rares.
La seconde partie des Andes septentrionales, com-
mence au noeud de los Pastos et s'étend jusqu'au noeud de
Cuzco, comprenant les Andes de Quito et les Andes du
Pérou.
Les ANDES DE QUITO ou Andes de l'Êquateur, du noeud de
los Pastos au noeud de Loja (Loxa en français), forment
une double chaîne généralement très-élevée et reliée de
distance en distance par des noeuds : la syénite, le tra-
chyle, le porphyre y apparaissent de toutes parts sur un
fond de granit, de gneiss et de micaschiste ; de toutes
parts aussi apparaissent des volcans, éteints ou actifs, qui
dressent leurs dômes au-dessus de la crête. Les princi-
paux sommets volcaniques de la chaîne de l'est sont le
Cayamba (6,100 mètres), dont le nom signifie « la blan-

« che » parce que son sommet est couvert de neige ; le Co-


topaxi (5,552 m.)(1), dont le cratère large d'environ 800 mè-

Les données les plus récentes sur l'altitude du Cotopaxi, de l'Antisana


1.
et de beaucoup d'autres sommets des Andes offrent des différences en
moins assez sensibles (100 à 150 mètres) avec les évaluations anciennes.
Comme rien ne peut faire suspecter l'exactitude de ces dernières, on a
été conduit à supposer un affaissement presque général de tout le sys-
tème andique, phénomène reconnu d'ailleurs dans beaucoup d'autres re-
liefs montagneux, tel que celui des Pyrénées en Europe.
tres vomit encore de la fumée et de la lave ; l'Antisana
(6,000m.), avec ses quatre cratères ; le Sangay (5,128 m.),
dont l'éruption incessante consiste en fumée et en pierres
incandescentes sortant de son cratère neigeux. Ceux de la
chaîne de l'ouest sont le Toungouragua (5,160 m.), le Pichin-
cha (4,840 m.) qui domine de ses nombreux pics la ville de
Quito, le Chimborazo, en indien Tchimbou-rasou, qui dresse
à 6,550 mètres son dôme tout couronné de neiges et de
glaciers : c'est le plus haut sommet de cette région (fig. 96).
Dans la république de l'Équateur, sur une longueur de
330 kilomètres, on compte vingt-deux sommets couverts
de neiges éternelles, c'est-à-dire dépassant 4,725 mètres
de hauteur. Entre les deux chaînes est une vallée longue
de 480 kilomètres, large de 25 à 32 kilomètres, élevée en
moyenne de 3,500 mètres au-dessus du niveau de la mer,
et coupée par le noeud d'Alto de Chisinche et le noeud
d'Assuay, haut de 4,900 mètres, en trois vallées distinctes,
vallée de Quito, vallée d'Ambato et vallée de Cuença : l'en-
semble de ce massif constitue le plateau de Quito.
LES ANDES DU PÉROU se décomposent elles-mêmes en
deux parties :
Entre le noeud de Loja et le noeud de Pasco, se trouvent
trois cordillères à peu près parallèles. Celle de l'ouest,
ayant une largeur d'environ 160 kilomètres, se détache de
la chaîne principale, à la latitude de Cuença, et occupe l'es-
pace entre la côte et le Marañon. Celle du centre, dont peu
de sommets atteignent la hauteur des neiges perpétuelles,
sépare le Marañon de son affluent, le Huallaga ; le Marañon
la traverse par une série de rapides et s'échappe par une
étroite et profonde fissure, longue de trois kilomètres, et
connue sous le nom de Pongo de Manseriche. Celle de
l'est, qui sépare le Huallaga de l'Ucayali est franchie par
le Huallaga au Pongo de Aguirre; cette dernière chaîne,
qui paraît ne dépasser nulle part 4,000 mètres, se ter-
mine par de simples collines. Le noeud de Pasco (cerro de
Pasco) est un plateau froid, ondulé de petites collines, en
grande partie désert et élevé au-dessus de la mer de plus
de 4,500 mètres.
De là au noeud de Cuzco, la chaîne est double et forme,
avec la vallée qu'elle enserre, un massif de plus de 200 kilo-
mètres de largeur ; plusieurs cours d'eau, l'Urabamba,
l'Apurimac percent la chaîne orientale pour descendre dans
les plaines. La vallée elle-même est hérissée de rangées de
collines ; elle est très-fertile au nord, surtout dans les en-
virons de Jauja, très-élevée au sud, où elle atteint presque
4,000 mètres.
Dans cette partie de la chaîne, on rencontre étagées les
unes au-dessus des autres les flores les plus diverses. Au-
dessus de la côte qui aujourd'hui est presque partout dé-
serte, aride, composée de dunes et de Ilanos, les vallées
occidentales, jusqu'à une altitude de 5 à 600 mètres, pro-
duisent le palmier, l'oranger, le bananier, ombrageant des
champs de maïs, de manioc et de coton. Sur les terrasses
occidentales dites « Montanas », entièrement incultes, ap-
paraissent la canne à sucre sauvage, l'indigotier et de
vastes forêts de palmiers, de bois de campêche, d'acajou,
de caoutchouc, etc. A mesure qu'on s'élève, les plantes les
plus frileuses cèdent la place aux cultures des climats
tempérés, au blé et à la pomme de terre, qui commence à
bien pousser, à une altitude de 2,000 mètres, sur la partie
inférieure de la Sierra ou plateau. Au delà de 3,500 mètres
d'altitude, à l'ouest et à l'est, sur les deux versants inté-
rieurs, appelés le « sourcil de la Cordillère », Ceja de la Cor-
dillera, et sur les hauts plateaux, dits la Puna, les cultures
sont remplacées par quelques arbustes ou par des pâturages
disséminés au milieu de roches nues et de déserts balayés
par de terribles ouragans. A 4,700 ou 4,800 mètres, est la
limite des neiges éternelles.
II. Les ANDES CENTRALES ou Andes de Bolivie, orientées du
nord-ouest au sud-est, ont la même flore variée. Sur les
plateaux domine, comme plante caractéristique, le cactus-
cierge et le cactus-nopal. Cette partie des Andes forme un
massif beaucoup plus considérable que les Andes septen-
trionales : il constitue, depuis le noeud de Cuzco, au nord,
jusqu'au noeud de Porco, au sud, un plateau qui a une
élévation moyenne de 4 à 5,000 mètres, une longueur de
1,000 kilomètres et une largeur à peu près égale, en y
comprenant les terrasses qui descendent jusqu'au delà du
rio Mamoré : c'est le PLATEAU de BOLIVIE. Le noeud de Cuzco,
dit aussi noeud d'Usangara, est un massif montagneux très-
élevé, deux fois et demie grand comme la Suisse et qui
renferme le volcan Tinta et le Nevado-Vilcanola, situé à
5,360 mètres d'altitude : sa passe principale entre le bas-
sin de l'Apurimac et le bassin du lac Titicaca, la passe
Raya, a une élévation de 4,600 mètres. Là commencent
deux chaînes distinctes. Du côté de l'océan Pacifique, la
Cordillère occidentale, longue d'environ 150 kilomètres,
n'est guère éloignée de plus de 100 kilomètres du rivage,
et présente une ligne de hauts sommets, Nevada de Chu-
le

quibamba (6,400 m.), le volcan Tacora, le Tichou-Pichou,


le volcan Sahama et le pic Parinacoba (6,714 m.) qui en est
tout voisin ; à ce point, la chaîne, qui avait la direction
générale du nord-ouest au sud-est, se dirige directement
vers le sud et renferme le Gualatiéri (6,900 m.) et le Lirimia
qui paraît être plus élevé encore. Du côté oriental, la Cor-
dillère Réal, la partie la plus haute de tout le système, sur-
tout dans la Bolivie, offre une longue suite de volcans et
de pics neigeux : l'Illampou ou NEVADO DE SORATA (7,760m.),
le pic Illimani (7,500 m.), etc. ; cette chaîne se prolonge à
l'est par divers rameaux qui, près de Cochabamba, sont
encore à la hauteur des neiges perpétuelles et qui s'abais-
sent rapidement jusqu'au rio Mamoré. Quelques rangées de
basses collines granitiques forment une sorte de lien entre
les Andes et le plateau du Brésil. Au sud les deux chaînes
se relient par le plateau ou noeud de Potosi, Cerro de Potosi
(5,300 m.), et le plateau de Yavi où se trouve la chaîne
dite Alturas de los Lipez, qui aboutit au massif du noeud de
Porco. Les deux arêtes de cette partie des Andes, surtout
l'arête orientale, ont des ouvertures par où s'écoulent la
plupart des rivières formées sur le plateau. Les terrasses de
l'ouest tombent assez brusquement dans le Pacifique et ne
laissent qu'une plage étroite, stérile, dite la Côte ; à l'est,
s'étend une autre terrasse, généralement moins abrupte,
qui domine ou enceint de riches et chaudes vallées et des
plaines dites Yuncas. C'est de ce massif et à peu près du
lieu où est bâtie la ville de Sucre que les eaux divergent,
au nord et au sud, vers l'Amazone ou vers la Plata.
III. Les ANDES MÉRIDIONALES, orientées du nord au sud,
ne forment plus qu'une seule chaîne faîtière d'une largeur
d'environ 100 kilomètres avec ses contre-forts, courte, ter-
minée au sommet par des plateaux arides que les ouragans
rendent inhabitables, abrupte sur le versant occidental, se
prolongeant sur le versant oriental en longues terrasses et
sillonnées de chaînons parallèles à la grande chaîne ; dans
leur partie septentrionale, entre le Pilcomayo et le Ver-
mejo, elles se prolongent assez loin vers l'est. Elles com-
prennent deux parties.
Les ANDES DU CHILI, montagnes de granit et de porphyre,
présentent, dans leur partie septentrionale, d'étroits val-
lons, des plateaux arides, une longue suite de hauts som-
mets volcaniques et des volcans en activité, l'Aconcagua
(6,834 m.), dont le nom veut dire « montagne fumante » ;
le Cerro de la Ramada (6,612 m.) ; le Tapungato (6,710 m.) ;
le San Jose (6,645 m.) ; le volcan de Maypou (5,524 m.), etc. :
des cols percent cette large muraille à une altitude de
3,000 à 4,500 mètres et plus ; la passe de la Cumbre, la plus
fréquentée de toutes, parce qu'elle conduit de Santiago à
Mendoza, est à 2,969 mètres ; on peut la traverser en toute
saison, mais surtout en été, de novembre à avril. Dans leur
partie méridionale, les cols et les sommets sont en général
moins hauts. Cependant le volcan Villarica se dresse à
4,875 mètres, c'est-à-dire un peu au-dessus du mont Blanc
dans les Alpes ; le Descavezado et le volcan de Chillan dé-
passent 4,000 mètres. La section septentrionale et la sec¬
tion méridionale sont séparées par la passe Planchon, qui
s'ouvre à 2,400 mètres d'altitude et par laquelle on a songé
à établir un chemin de fer inter-océanique. A partir du
34e degré de latitude, on rencontre plus de neiges, mais
aussi plus de verdure et beaucoup de forêts sur les flancs
des ravins.
Entre la mer et la muraille des Andes dont les contre-
forts sont très-courts, s'étendent deux chaînes parallè-
les, plus ou moins distantes, la Cordillère du milieu, dont le
sommet le plus élevé, la montagne de Mejillones a 1,300 mè-
tres et la Cordillère de la Côte qui atteint rarement 1,000 mè-
tres : elles sont coupées de distance en distance par les ri-
vières torrentueuses des Andes. Entre les Andes et la
Cordillère du milieu est la vallée de la Cordillère : entre la
Cordillère du milieu et celle de la côte, est la vallée de la
Côte : ce sont deux plaines hautes, fertiles et assez larges,
qui, du nord au sud et en s'abaissant un peu dans cette direc-
tion, s'étendent de l'Aconcagua au golfe d'Ancud : l'altitude
de Santiago est de 559 mètres. Entre les Andes et la plaine
des Pampas s'étend une suite de hautes terrasses séparées
pardes chaînes, Sierra de Paramillo, pié de Palo, Sierra de
Pallen, etc., et désignée dans leur ensemble sous le nom de
pied de la Cordillère.
Les Andes de Patagonie, qui forment la seconde partie,
sont également volcaniques, mais beaucoup plus basses ;
elles paraissent atteindre rarement 2,500 mètres et n'ont
guère qu'une altitude moyenne de 1,500 à 1,800 mè-
tres. Leurs plus hauts sommets sont le Minchimanida
(2,437 m.), le Corcovado (2,340 m.) et le Tronador, le seul
sommet qui dépasse peut-être 2,500 mètres. Elles serrent
de beaucoup plus près la côte qu'elles sèment d'îles ro-
cheuses et de fiords et tombent à pic dans le Pacifique ; à
l'est, elles s'étendent en longues terrasses arides, poudreu-
ses, n'offrant de pâturages que dans le voisinage des riviè-
res. Ces montagnes sont peu connues et paraissent, contrai-
rement aux autres sections de la grande chaîne, être inter¬
rompues par des passages conduisant sans obstacle d'une
côte à l'autre.
.
2° Le PLATEAU DE LA GUYANE, ou système de la Parime, est
un plateau d'un million et demi de kilomètres carrés, dont
les principales élévations sont au sud, et dont la pente géné-
rale est vers le nord-est : il s'étend des bords de l'Orénoque,
à l'ouest, jusqu'à la source de l'Oyapok. C'est une région
coupée dans plusieurs sens par des chaînes granitiques
jusqu'ici mal explorées : la plus haute, celle du sud, la
Sierra Pacaraima, paraît avoir un sommet, le Mavaraca,
qui atteint 3,200 mètres ; quelques autres pics de granit se
dressent à 2 et 3,000 mètres et présentent de nombreux
précipices, de vastes forêts, de hautes savanes, des terrasses
coupées en gradins successifs, d'où les fleuves se précipi-
tent en formant des cataractes splendides : celle du Patato
dans la Guyane anglaise a plus de 200 mètres de hauteur
sur 100 de largeur. A une soixantaine de kilomètres de la
mer, le plateau se termine par une rangée de monticules
sablonneux.
3° La RÉGION DES LLANOS, ou Plaine de l'Orénoque, qui s'é-
tend entre le plateau de la Guyane et la chaîne orientale des
Andes septentrionales, est une prairie de près de 900,000
kilomètres carrés, plate, déserte, sans autres arbres que
quelques palmiers de Maurice, couverte de hautes herbes,
inondée sur beaucoup de points et transformée en lacs du-
rant la saison des pluies, nue et crevassée par un soleil
brûlant durant la saison sèche, et désignée sous le nom de
Llanos. Sur la côte de l'Orénoque et des Guyanes, c'est
une terre argileuse très-basse, plus basse même sur cer-
tains points que l'Océan à marée haute, semée de tourbières
et de marécages. Au sud du Guaviare, la plaine, accidentée
çà et là de rochers qui dominent d'une trentaine de mè-
tres le sol, dont l'altitude générale est d'environ 300 mè-
tres, est toute couverte de forêts : c'est déjà la région des
Selvas.
4° La PLAINE FORESTIÈRE DE L'AMAZONE s'étend, de l'ouest
à l'est, entre la région andine et l'océan Atlantique sur
une longueur d'environ 4,000 kilomètres et, du nord au
sud, entre le plateau de la Guyane et le plateau du Brésil ;
sa superficie est à peu près égale à la moitié de l'Europe.
Dans sa partie occidentale, cette grande plaine commu-
nique avec la plaine de l'Orénoque au nord, et avec les
pampas au sud, sans autre séparation qu'un chapelet de
roches ou de monticules granitiques, au nord, et de terrains

carbonifères, au sud, semés çà et là. Unie, basse, souvent


marécageuse, elle est formée dans toute son étendue des
mêmes couches de terrains quaternairesdisposées horizon-
talement : sable au fond, argile d'une douzaine de mètres
d'épaisseur, sable durci à la surface. D'immenses forêts
vierges en occupent la plus grande partie et lui ont fait
donner le nom de région des Selvas (1). La végétation luxu-
riante des tropiques y prodigue ses ichesses : palmiers,

1. Selvq signifie forêt.


bananiers, cotonniers, bois de brésil, palissandres, syrin-
gas, cent autres espèces d'arbres et d'arbrisseaux s'y pres-
sent, partout mêlés, enlacés de vanilliers, de vignes sauva-
ges et de lianes, et abritant des fougères et des fuchsias.
Elles sont d'ailleurs peuplées de singes, d'animaux féroces,
tels que le jaguar, etc., et d'oiseaux au plumage éclatant,
perroquets, colibris, oiseaux-mouches (fig. 97). Comme
aucun accident de terrain n'y arrête le vent, et que même
la disposition des montagnes latérales le favorise, l'alizé y
souffle constamment de l'est.
5° Le GRAND PLATEAU DU BRÉSIL, vaste triangle de plus de
4 millions de kilomètres carrés, s'étend du cap San-Roque
à l'est, jusqu'au bord de la Plata au sud, et au bord de la
Madeira à l'ouest. Il renferme un système complexe de
chaînes et de plateaux, orientés pour la plupart du nord au
sud et imprimant par suite cette direction aux nombreux
cours d'eau qui se rendent dans l'Amazone ou dans la
Plata. La région est encore très-peu explorée dans les
parties centrale et occidentale. C'est au sud-est, du côté de
Rio-de-Janeiro, que ce massif atteint sa plus grande hau-
teur. Là se trouve, sur la côte même de l'Atlantique, la
Serra do mar, c'est-à-dire la chaîne maritime, dont les prin-
cipaux sommets dépassent 1,500 mètres et qui, près de Rio-
de-Janeiro, déploient la belle rangée de colonnes calcaires
nommée « les Orgues », elle se continue au nord jusque par
delà le rio Belmonte, sous le nom de Serra dos Aymores.
Derrière cette chaîne se dresse en seconde ligne et plus haut
que la première, la Serra da Mantiqueira qui renferme les
sommets les plus élevés de tout le plateau, le pic d'Itataia.
(2,713 m.), le mont Itacolumi (1,920 m.), le mont Itambé,
et qui se prolonge au nord du Belmonte jusqu'au San-
Francisco sous le nom de Serra do Espinhaco, « l'épine
dorsale » ; entre les sources du San-Francisco et du Pa-
rana, la Serra dos Vertentes, à laquelle on a souvent donné
une beaucoup plus grande dimension, forme la ligne de
partage des eaux. A l'ouest de ces ligues s'étend une lon¬
gue succession de plateaux et de chaînes basses, couvertes
de gazons ou plus souvent de forêts tropicales, telles que la
Serra Canastra, le Chapadaô de Santa-Maria. Ils se conti-
nuent plus à l'ouest par les monts Pyrénées, le plateau du
Matto-Grosso, les Parexis et la Serra Geral, jusqu'aux cata-
ractes de la Madeira ; au nord par la Serra Borborema jus-
qu'au voisinage du cap San-Roque et par la Serra d'Ibia-
paba jusque vers le Paranahyba, inférieur, au sud, par la
Serra de Santa-Catharina jusqu'à l'Uruguay. Entre ces
chaînes et ces plateaux sont des vallées et de grandes et
larges plaines où coulent les affluents de l'Amazone et du
Parana. L'ensemble du massif est de granit et de syénite
au nord, de grès et de granit au sud ; les roches volcani-
ques et métamorphiques et le calcaire, percé de vastes
cavernes, s'y rencontrent fréquemment. La plupart des
montagnes ont leurs sommets disposés en forme de table,
et les chaînes sont séparées par des plateaux tantôt boisés,
tantôt sablonneux et déserts ; à l'ouest, les plateaux sont
généralement peu élevés, ondulés, boisés et souvent ma-
récageux. De cette région dépend l'Uruguay, qui s'élève en
terrasses des bords de la Plata jusqu'au Brésil, sillonné par
de petites chaînes, étroites et rocheuses, se rattachant à la
Serra Geral et qui portent le nom de Cuchillas (couperets),
la Cuchilla grande, etc.
6° Les PAMPAS, immense plaine de terrain tertiaire,
s'étendent, du nord au sud, sur plus de 4,000 kilomètres
de longueur depuis la plaine de l'Amazone jusqu'au dé-
troit de Magellan entre les terrasses orientales des Andes
d'une part, et d'autre part le flanc occidental du plateau
brésilien et l'océan Atlantique. Au nord, la plaine des Moxos
et le plateau des Chiquitos, où alternent les forêts, les infran-
chissables fourrés de cactus, les steppes et les marécages,
forment la transition entre les Selvas et les Pampas. Vient
ensuite sous le nom de Gran-Chaco, et sous un horizon in-
définiment plat, une plaine qui ne mesure pas en moyenne
plus de 130 mètres au-dessus du niveau de la mer, très-
marécageuse, souvent inondée, parsemée de terres sablon-
neuses et désertes, de bouquets de palmiers, de cactus
ou de taillis et de lagunes. Au centre est une autre plaine
dont l'altitude n'est plus que de 80 mètres, déserte, sa-
blonneuse, couverte d'efflorescences salines, d'où son
nom de « las Salinas ». Viennent enfin les pampas propre-
ment dites, mot qui signifie « plaine nue » en indien. Ce
sont, en effet, d'immenses plaines d'argile rougeâtre sans
le moindre relief, sans un seul arbre ni un seul arbuste,
sinon dans le voisinage de la mer et des montagnes ; elles
sont tantôt couvertes de hautes herbes, de trèfle et de
chardons, tantôt envahies par les marécages, les lagunes
salées et les joncs. Un massif montagneux de gneiss et de
micaschiste, la Sierra de Cordova, ayant de 1,800 à 2,300
mètres d'altitude, et celle de San-Luis, moins large et
moins élevée, couvertes toutes deux de pâturages jusque
sur leurs sommets, coupe à l'ouest la monotonie de cette
plaine. Entre ces sierras et la chaîne principale des Andes,
est une autre plaine, inclinée en forme de terrasse, sablon-
neuse et saline, sans cours d'eau, coupée par des vallées et
des chaînes qui sont en réalité les contre-forts orientaux
des Andes elles-mêmes et dont les principaux sommets
sont le Nevado de Famatina (6,360 m.), l'Abra de Zenta
(4,540 m.). Au sud-est, la Sierra de Voulcan-et-Tandil qui
se termine au cap Corrientes, et la Sierra Ventana ne dépas-
sent pas 300 mètres ; au sud, dans la Patagonie, s'étendent
des plaines désertes, caillouteuses, couvertes çà et là d'ef-
florescences salines.
216. Les eaux. — La structure très-simple du relief de
l'Amérique du Sud ne laisse place qu'à un petit nombre de
grands cours d'eau collecteurs, c'est-à-dire de fleuves : on
peut toutefois les rattacher à sept groupes :
1° Le groupe du versant septentrional des Andes, dont les
eaux coulent vers le nord dans les profondes et fertiles
vallées des Andes et se jettent dans la mer des Antilles.
Ses cours d'eau sont : l'Atrato qui se jette dans la baie
de la Chandeleur et dont on a songé à utiliser les eaux
abondantes pour l'établissement du canal interocéanique;
la MAGDALENA (1,400 kilom.), fleuve au cours très-rapide,
qui prend sa source a quelques kilomèires du Cauca, son
principal affluent, mais qui en est bientôt séparé par toute
la largeur de la Cordillère centrale : plusieurs de ses af-
fluents, descendant des montagnes, forment de belles cas-
cades. Le LAC MARACAIBO (20,300 kil.), qui communique
avec la mer des Antilles, dépend de ce groupe.
2° Le groupe de la Guyane. Le principal fleuve de ce
groupe, l'ORÉNOQUE (environ 2,350 kil.), sort d'une source
encore inconnue, borde de trois côtés le plateau de la
Guyane, coulant d'abord vers l'ouest, puis vers le nord
en contournant et en franchissant par un grand nombre
de rapides et de cascades comme la chute de May-
pure, etc., les contre-forts, les rocs éboulés et les îles gra-
nitiques du plateau, enfin vers l'est dans la plaine qui s'é-
tend au nord du plateau. C'est alors un beau fleuve, large
de 4 kilomètres en moyenne et accessible à la navigation,
sujet à de grandes crues, et dont la profondeur, suivant
les saisons, varie de 10 à 35 mètres. Il se jette dans l'o-
céan Atlantique par un vaste delta, long de près de 200
kilomètres et dans toute l'étendue duquel la marée se
fait sentir. Ses affluents les plus importants, dont plu-
sieurs ont plus de 1,000 kilomètres, sont ceux qui lui vien-
nent des Andes à travers la grande plaine des Llanos : le
Guaviare, la Méta, l'Apure, etc. Son bassin couvre une
étendue d'environ 1 million de kilom. carrés. Du cours
supérieur de l'Orénoque, à un point où le fleuve a une al-
titude de 282 mètres, se détache un bras, le Casiquiari,
qui emporte à peu près un tiers de l'eau du fleuve et, après
un cours rapide de 550 kilomètres vers le sud-ouest, dé-
bouche dans un affluent de l'Amazone, le rio Negro, unis-
sant ainsi par une canalisation naturelle, conséquence
de la continuité de la plaine, le bassin de deux des
plus grands fleuves de l'Amérique du Sud. Du plateau
de la Guyane, l'Orénoque reçoit le Canra et le Caroni.
Les autres fleuves qui prennent naissance sur le plateau
sont : l'Essequibo (env. 1,000 kil.) qui, par un des affluents
de son cours supérieur, communique avec la Parime, af-
fluent de l'Amazone, puis descend, après une longue série
de cataractes, dans la plaine où il coule entre de hautes
berges boisées, reçoit le Cuyuni et se jette à la mer par un
large estuaire, parsemé d'îles couvertes d'une riche végé-
lation.
Le Demerara, le Berbice, le Corentin (env. 700 kil.).
Le Surinam, le Maroni, l'Oyapok, fleuves qui descendent
tous de cascade en cascade à travers les forêts jusque dans
la plaine basse, où ils étalent leurs eaux, en formant de
nombreux canaux et de larges estuaires.
3° Le BASSIN DE L'AMAZONE, le plus puissant fleuve du monde
par la masse de ses eaux et un des trois plus longs, puisqu'il
compte environ 6,200 kilomètres, depuis la source de l'U-
cayali. Dans les Andes du Pérou, au noeud de Cuzco et
vers le 15e degré de latitude australe, prend naissance un
cours d'eau désigné sous le nom d'Apurimac, lequel, réuni
à l'Urubamba, devient l'Ucayali et poursuit, par une série
de cascades, son cours vers le nord, entre les chaînes pa-
rallèles des Andes et dans des défilés dits « pongos »
(portes), pendant l'espace d'environ 1,600 kilomètres. Par-
venu vers le 4e degré, il se réunit, près de la petite ville
de Nauta, avec le MARAÑON, qui est la branche la plus oc-
cidentale et la source officielle du fleuve, bien qu'il n'ait
que 1,300 kilomètres de parcours. Ce dernier sort du lac
Lauricocha, au noeud de Pasco, sedirige aussi vers le nord,
dans une vallée rocheuse et d'un imposant caractère, entre
les chaînes parallèles des Andes qu'il franchit par une suite
de rapides, dont le dernier et le plus remarquable est le
Pongo de Manseriche, au pied des Andes de Huallaga ; puis
il se dirige vers l'est d'un cours calme et facilement navi-
gable. A partir du confluent, le FLEUVE DES AMAZONES est
un majestueux cours d'eau qui a déjà plusieurs kilomètres
de largeur (3 kil.). Les dernières pentes presque insensi-
bles des Andes le guident lentement vers l'est ; et, pendant
environ 3,400 kilomètres, il roule, au milieu de longs cha-
pelets d'îles, son immense nappe d'eau à travers la grande
plaine que bordent le plateau de la Guyane au nord et le
plateau brésilien au sud. Sur cette surface unie et boisée,
le fleuve décrit un grand nombre de petites sinuosités et
quelques grandes courbes légèrement arquées, entre le
5e degré de latitude australe et l'équateur ; à droite et à
gauche, il perd une partie de ses eaux en une infinité de
branches latéraleset de lagunes, toutes couvertes de plantes
aquatiques (1) et d'étroits canaux dits « parana-mirim » et
« igarapés », que la forêt recouvre entièrement d'un dôme
de verdure.
Il reçoit des deux plateaux un grand nombre d'affluents,
au cours généralement lent, qu'alimentent les pluies tor-
rentielles de la zone intertropicale et dont la plupart sont
de très-larges cours d'eau. Sur la rive gauche, venant des
Andes, le Napo, le rio Yapura (1,500 kil.), le Rio Negro
(2,000 kil.), « la rivière aux eaux noires ». Ce dernier,
dans son cours supérieur, communique, par le Casiquiari,
avec l'Orénoque ; dans son cours moyen et inférieur, il se
grossit de nombreuses rivières, descendues du plateau de
la Guyane, entre autres, la Parime 700 kil., remarquable
par ses chutes ; il se jette dans l'Amazone au milieu d'une
contrée marécageuse, boisée, sillonnée de canaux natu-
rels et semée de lacs. Au-dessous de ce confluent, l'Ama-
zone ne reçoit plus du plateau de la Guyane que des
affluents relativement médiocres, comme le rio Trombetas
et le rio Gurupatuba. Sur la rive droite, le fleuve reçoit,
venant des Andes centrales, le Yavari, le Yutabi, le Jurua,
le Puru (900 kilom.), qui descend du volcan de Vilcanota,
traverse, comme les trois cours d'eau précédents, une ré-

1. C'est dans ces lagunes qu'on trouve la Victoria regia, sorte de né-
nuphar dont les feuilles ont 2 mètres de diamètre.
gion forestière inconnue et afflue dans le fleuve par quatre
embouchures ; puis la MADEIRA. Cette dernière rivière, dont
le nom signifie « rivière des bois », à cause de la quantité
de bois qu'elle charrie après les crues, est un grand cours
d'eau rapide, ayant plus de 2,500 kilomètres de longueur
et un bassin de près de 900,000 kilomètres carrés : elle est
formée par la réunion de trois rivières, le Beni et le Ma-
moré descendus de rapide en rapide des flancs du plateau
de Bolivie, et l'Itenez, né sur le flanc occidental du pla-
teau brésilien ; dans son lit, large d'un kilomètre et demi,
elle présente à la navigation une ligne d'environ 1,500 ki-
lomètres, malheureusement entrecoupée par de nombreux
rapides. Les autres affluents de la rive droite de l'Amazone
viennent du plateau brésilien par un cours lent dirigé du
sud au nord : le Tapajoz (1,600 kilomètres), formé de la
réunion de deux rivières venues du plateau de Parexis ; le
Xingu (env. 2,000 kil.), qui descend par des rapides du
plateau dans la plaine où il est navigable. Le Tocantins
(env. 2,000 kil.), qui est grossi de l'Araguaya, et qui, mal-
gré la largeur de son lit (2 kilomètres), est d'une naviga-
tion difficile, à cause des rochers qui l'encombrent et de
ses cascades, est moins un affluent de l'Amazone qu'un
fleuve qui débouche dans la mer par la branche appelée
Para.
Le grand fleuve qui reçoit toutes ces eaux, dans son lit
large de 4 à 5 kilomètres et profond de 50 à 100 mètres et
plus, est quelquefois nommé rivière des Saumons rio So-
timuos (1), plus souvent le FLEUVE DES AMAZONES, ainsi dési-
gné par suite d'une fausse interprétation du récit d'Orel-
laña, le premier Espagnol qui en ait descendu le cours, et
qui passe pour avoir rencontré sur ses bords des tribus de
femmes guerrières ; aujourd'hui, comme alors, le grand

1. Les saumons ne sont pourtant pas les hôtes caractéristiques de ces


eaux très-poissonneuses ; ce sont plutôt le dauphin, le lamantin, le pira-
carus qui atteint 2 met 1/2 de longueur et dont la chair est succulente,
et le caïman.
fleuve n'est guère hanté que par des Indiens sauvages : son
nom dans leur langue est Paranapytinga, « fleuve aux eaux
blanches ». Il coule sur une pente insensible, au milieu
d'immenses et impénétrables forêts vierges qu'il ronge et
dont on voit flotter çà et là sur ses eaux les arbres amon-
celés et enlacés en forme de radeaux. Au confluent de ses
grands tributaires, il atteint une largeur de 13 à 20 kilomè-
tres, et ses deux branches, séparées par la grande île de
Marajo, mesurent avec cette île une largeur d'environ 350
kilomètres ; la branche septentrionale ou canal de Bra-
gance, entrecoupée elle-même de plusieurs îles, est la plus
large ; celle du sud ou rio Para a seulement 19 kilomètres.
Aussi ce fleuve géant verse-t-il en moyenne à la mer envi-
ron 70,000 mètres cubes d'eau par seconde, quatre fois
autant que le Mississipi, plus que tous les fleuves de l'Eu-
rope ensemble, et fait-il sentir encore son courant à 400
kilomètres en mer. Par contre, la marée fait sentir son
reflux jusqu'à 300 kilomètres en amont, à cause du peu
de pente du lit. Ce fleuve qui charrie tant d'eaux limoneu-
ses n'a pourtant pas de delta ; ses bouches et l'île Marajo,
loin d'être ensablées par ses alluvions, sont au contraire
rongées par l'Océan qui s'y porte avec fureur et qui en-
traîne le limon dans le grand courant équatorial vers la
mer des Antilles.
Les crues sont considérables; elles causent, dans la
vallée supérieure du fleuve et sur les rives de ses affluents,
d'immenses inondations qui transforment les forêts en un
étang plus grand que la Méditerranée et tout ombragé de
verdure. Mais elles sont peu sensibles dans le cours in-
férieur : lorsque, en effet, les affluents de la rive gauche,
situés dans l'hémisphère nord, débordent, les affluents de
la rive droite ont leurs eaux basses ; et, lorsqu'en avril et
mai le cours supérieur du fleuve et ses affluents de la rive
droite, c'est-à-dire de l'hémisphère sud, débordent, les
autres sont au régime des basses eaux. Le bassin de l'Ama-
zone, qui est le plus vaste du monde entier, est plus grand
que la moitié de l'Europe, et comprend 5 millions et demi de
kilomètres carrés ; et la longueur totale des voies de naviga-
tion accessibles aux bâtiments à vapeur, développées par
le fleuve, ses affluents, ses canaux et ses lacs, est d'environ
40,000 kilomètres. Par un privilège tout particulier, ce bas-
sin gigantesque communique par des canaux naturels, au
nord par le Casiquiari, avec l'Orénoque et par la Parime
avec l'Essequibo ; au sud, à l'époque des pluies, par la Ma-
deira supérieure, et presque par le Tapajoz, avec la Para-
guay ; par conséquent, un bateau pourrait, à certaines épo-
ques, se rendre, par une navigation fluviale ininterrompue,
de la Plata aux bouches de l'Orénoque ou de l'Amazone.
4° Le groupe du plateau brésilien comprend un nombre
considérable de petites rivières descendant des chaînes
de la côte et quelques grands fleuves venant des parties
intérieures du plateau. Les principaux sont : le Maranhâo ;
le Paranahyba (1,380 kil.) qui coule du sud-ouest au nord-
est et se jette par plusieurs bouches dans l'Atlantique ; le
Parahyba, c'est-à-dire, « l'eau claire » ; le SAN-FRANCISCO
(2,670 kil.) qui, sorti du mont Itacolumi, au nord-ouest
de Rio-de-Janeiro, coule vers le nord-est entre la Cordil-
lère de Mantiqueira et les chapadaos ou plateaux de l'ouest,
au milieu de vastes prairies ; il forme plusieurs cascades,
dont la dernière, la cascade Paulo Alfonso, composée de
trois chutes consécutives,d'une hauteur totale de 84 mètres,
dans une étroite gorge granitique, peut être citée parmi
les grandes beautés de la nature ; il se jette dans l'Atlan-
tique, au sud du cap Saint-Augustin, par un estuaire large
d'un kilomètre environ. Ce fleuve a des crues assez consi-
dérables en mars et en avril.
Les autres fleuves sont l'Itapicuru, le Paraguazu, le rio
Grande de Belmonte, le Parahyba, le Yacuhy, qui se jette
dans la lagune dos Patos.
5° Le bassin de la Plata, est, après celui des Amazones, le
plus important de l'Amérique du Sud, il occupe une super-
ficie de plus de 3 millions de kil. carrés. Il recueille toutes
les eaux de la partie méridionale de la grande plaine située
entre les Andes et le plateau brésilien.
Le PARANA (3,700 kil.), aux eaux troubles, est un des
trois principaux cours d'eau de ce bassin ; né sur le pla-
teau brésilien sous le nom de Corumba, près de Goyaz, il
coule d'un cours d'abord torrentueux et embarrassé de
cataractes, au milieu des rochers et des bois, et reçoit un
grand nombre d'affluents, aux cours inconnus, et aux noms
variables ; au delà de l'île Salto-Grande, il présente une
masse d'eau de plus de 4 kilomètres de largeur qui tout
à coup se resserre dans une gorge de 60 mètres et tombe
d'une hauteur de 17 mètres en formant une magnifique
chute ; c'est près de là qu'il commence à former la fron-
tière du Paraguay. Il coule ensuite paisiblement dans une
belle plaine bordée de collines boisées (fig. 98), reçoit l'I-
guazu, c'est-à-dire la « grande rivière » qui, près de son con-
fluent, fait une chute d'environ 25 mètres, sur une largeur
de près d'un kilomètre ; et, après le confluent du Paraguay,
qui roule un volume d'eau moins considérable que lui, il est
large de 10 kilomètres en moyenne et partout facilement
navigable.
Le PARAGUAY (2,400 kilom.), nom qui signifie « rivière
des perroquets », prend aussi naissance dans une haute
plaine du massif brésilien, dont la partie sud-ouest lui en-
voie toutes ses eaux. Sa source, au lieu marécageux dit
« las Siete Lagunas », sort de plusieurs petits lacs à une
altitude qui n'est guère que de 300 mètres au-dessus du
niveau de la mer ; il s'épand à l'époque des crues (janvier à
juillet) dans une immense plaine marécageuse, le marais
des Xarayes, mesurant environ 25,000 kilomètres carrés,
lequel devient, dans la saison sèche, un herbage touffu ; il
coule entre le Gran-Chaco et le flanc occidental du pla-
teau, devient navigable pour de forts bâtiments dès le
confluent du Tacoary, reçoit des Andes centrales le Pil-
comayo (1,500 kil.) et le Vermejo (900 kil.), deux rivières
navigables, malgré quelques difficultés, sur une longueur
de plus de 650 kilomètres, et se réunit au Parana par trois
branches, dont la première est celle d'Humaïta. Toute la
contrée qui, sur une surface de 40,000 kilomètres carrés,
s'étend entre le Paraguay, le Parana et l'Uruguay, n'est
qu'une suite de lagunes et de marécages. A partir du con-
fluent du Paraguay, le Parana, qui a coulé pendant un cer-
tain temps dans la direction de l'ouest, au pied du plateau,
tourne brusquement au sud ; il a dès lors une largeur
moyenne de 6 à 7 kilomètres, reçoit encore le rio Salado
(1,580 kil.), ainsi nommé parce que ses eaux se chargent
souvent de sel, en débordant dans des plaines chargées
d'efflorescences salines, puis le rio Dolce et termine son
cours par un long delta marécageux, en confondant ses
eaux avec celles de l'Uruguay.
L'URUGUAY (1,300 kil.), aux eaux limpides, a un cours plus
direct du nord-est au sud-ouest ; il est bordé à l'est par
une rive rocheuse qui produit plusieurs cataractes, coule
lentement, excepté dans la saison des pluies, et s'épand à
l'ouest en divers canaux latéraux qui donnent à son lit,
sur plusieurs points, de 15 à 30 kilomètres de largeur. Il
reçoit sur sa rive gauche le rio Negro.
Réunis, le Parana qui débite à l'étiage 24,000 mètres cubes
d'eau par seconde, et l'Uruguay qui n'en débite que 5,000,
forment un cours d'eau long de 300 kilomètres seulement,
mais large de 50 kil. au début et de 270 à l'embouchure :
entre la pointe de la Ballena et le cap San Antonio, c'est
un véritable golfe d'eau douce et courante, très-peu
profond, redoutable par ses tempêtes et ses bas-fonds :
ce cours d'eau ou plutôt cet estuaire est le RIO DE LA
PLATA.
A ce bassin se rattachent les fleuves peu importants de
la Patagonie : le rio Colorado (1,070 kil.) qui roule du sable
rouge et, malgré l'abondance de ses eaux dans son cours
supérieur, n'apporte à la mer qu'un faible tribut ; le rio
Negro (1,260 kil.) qui sort du lac Mahuel-Huapi à 564
mètres d'altitude, à peu de distance du Pacifique ; le rio
Chupat, formé de deux branches, dont l'une paraît être
navigable très-loin dans l'intérieur, etc.
6° Le groupe de l'océan Pacifique ne comprend que des
rivières et des torrents sans importance, le Maullin qui sort
du lac de Llanquihue (1,110 kil. carrés), le Biobio, le Chiro,
le Maule, etc. : la chaîne des Andes serre, en effet, de trop
près la côte pour donner naissance à de grands cours d'eau ;
et dans la partie médiane de ce bassin il ne pleut ja-
mais.
7° Le bassin de la Bolivie est situé sur un plateau de
4,000 mètres d'élévation et enfermé entre des montagnes
sans issue ; les eaux s'amassent dans le lac Titicaca (9,900
kil. carrés), situé à une altitude de 3,977 mètres et partagé
presque en deux lacs par une longue presqu'île ; c'était
un lac sacré dans la religion des Incas ; dans ses îles et sur
ses rives sont de nombreuses ruines de temples. Il déverse
son trop-plein dans la rivère Desaguadero (450 kil.) et, de
là, dans un autre lac situé plus au sud, le lac Pampa-Aul-
layas.
217. Le climat. — Sous le rapport du climat, l'Amérique
méridionale peut se diviser en trois grandes zones.
1° La zone intertropicale se divise elle-même en deux par-
ties : la partie au nord de l'équateur, dont la saison plu-
vieuse est d'avril en août (1), et la partie au sud de l'équa-
teur, dont la saison pluvieuse est de janvier à mai. Entre la
saison pluvieuse et la saison sèche, la différence de tempé-
rature est très-légère (2), parce que, dans les plaines basses
de la zone torride, l'égalité des jours et des nuits ne permet
pas de grandes inégalités de chaud et de froid. Les pluies
sont très-abondantes ; par exemple, à George-town dans la
1. La saison pluvieuse n'est pas la seule qui donne de la pluie ; ainsi,
à George-town, plus de la moitié de la somme des pluies de l'année
tombe dans les quatre mois d'avril, mai, juin et juillet ; mais il en tombe
une assez grande quantité en novembre.
2. La moyenne de l'été dans la plaine de l'Amazone n'excède que de
33degrés la moyenne de l'hiver.
Guyane anglaise, la pluie mesure en moyenne 2m,50 au
pluviomètre, et la température moyenne est d'environ 26
degrés ; à Rio-de-Janeiro, sur la limite de la zone tropicale,
la pluie n'est que de 1m,17, et la température de 23°1/2.
Mais cette égalité de température n'existe que dans les
plaines et sur les côtes dites « terres chaudes ». A mesure
qu'on s'élève sur les plateaux, on trouve un climat plus
tempéré ; dans la haute région des Andes, dite Sierra, sont
les « terres froides », et même, au-dessus de 4,700 mètres,
les neiges éternelles. La côte orientale, quoique très-chaude
et généralement malsaine, est quelque peu rafraîchie par
l'alizé du nord-est. Sous l'équateur, dans la grande plaine
de l'Amazone, ce vent qui souffle directement et constam-
ment de l'est ne permet pas à la température de s'écar-
ter beaucoup de la moyenne de 27 degrés (1). Sur toute la
côte orientale, d'ailleurs, la brise de mer, qui succède le
jour à la brise de terre, rend plus supportable la chaleur.
La côte occidentale, au contraire, excepté dans la républi-
que de l'Équateur, n'a pas ces vents bienfaisants et est tou-
jours sèche et brûlante ; certaines parties du grand plateau
brésilien, entre le Paranahyba et le San-Francisco, sont
exposées aussi à de grandes sécheresses. Quoique le ther-
momètre s'élève en général moins dans la saison pluvieuse,
les vapeurs dont l'atmosphère est chargée y rendent la
chaleur beaucoup plus lourde et plus désagréable ; dans
le Gran-Chaco, les lagunes dites « esteros » produisent
par l'évaporation un tel abaissement de la température que
les gelées blanches pendant la nuit n'y sont pas rares.
2° La zone tempérée s'étend du tropique du Capricorne
jusque vers le 42e degré de latitude australe. Elle a des froids
rigoureux sur les sommets et sur les hauts plateaux des
Andes. Elle est fort chaude en été dans les pampas, sujette
à de fréquents
orages et à de grands changements entre la

1. Constamment de juillet à novembre ; ce vent permet de remonter


facilement le fleuve à la voile.
température très-fraîche des matinées et la température
quelquefois brûlante des après-midi. Le climat, plus tem-
péré pendant l'été sur les côtes que rafraîchit la brise de
mer, n'est jamais froid pendant l'hiver ; la température
moyenne des mois de décembre, janvier, février et mars
est de 27 degrés à Santiago, et celle des mois de juin, juil-
let et août de 12 degrés. A Montévidéo la neige est incon-
nue ; mais la ville est exposée, malgré les orages, à de très-
grandes sécheresses et à des vents très-violents que rien
n'arrête dans les plaines des pampas, surtout au « pam-
péro », vent du sud-ouest qui souffle après les orages. Tou-
tefois les vents les plus fréquents dans cette zone sont le
vent du sud-est, vent froid, sur le littoral, et, dans l'inté-
rieur, les vents du nord et du sud qui longent les Andes.
Dans le Paraguay et généralement sur les bords des rivières,
le climat est chaud et humide.
3° La zone méridionale s'ctend au sud du 42e degré ; elle
est relativement froide, balayée par des vents terribles,
exposée à une extrême sécheresse ; elle est quelquefois,
durant l'hiver, couverte de neige à une latitude qui, en Pro-
vence, permet à l'oranger de donner ses fruits en pleine
terre. Cependant l'extrémité méridionale, c'est-à-dire la
Terre de Feu, quoique souvent perdue dans les brouillards,
jouit, surtout dans la partie orientale du détroit de Magel-
lan, d'un climat maritime assez doux. La côte occidentale,
à cause des montagnes et du courant froid de Humboldt, a
une température beaucoup plus rigoureuse.

8me Section.
LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE.

(Voir la carte n° 28.)

218. Les révolutions. — Les deux Amériques n'ont


d'histoire que depuis la découverte de Christophe Co¬
lomb. Avant lui, l'Amérique du Sud était et elle est en-
core habitée, sur les neuf dixièmes au moins de son terri-
toire, par des tribus indiennes qu'on peut grouper en trois
grandes familles, correspondant aux trois grandes divi-
sions naturelles du pays : les Indiens ando-péruviens qui
habitent toute la région des Andes et parmi lesquels les
Quichuas, venus peut-être du nord, avaient fondé un em-
pire florissant et civilisé, l'empire des Incas, au Pérou ;
les Indiens pampéens ou habitants de la région des pampas,
parmi lesquels les Araucans et les Patagons se distinguent
par leur vigueur et par leur vie de cavaliers nomades ;
les Indiens Guaranis qui paraissent originaires du plateau
granitique du Brésil, d'où ils se sont répandus dans les
forêts de l'Amazone, dans la Guyane et jusque dans les
Hanos, laissant dans les rochers de la Guyane, sculptés
par leurs mains, le souvenir d'une certaine civilisation,
entièrement anéantie aujourd'hui.
Les Espagnols, établis au golfe de Darien dès le début
du XVIe siècle, étendirent leurs reconnaissances et leurs
conquêtes vers le sud par terre et par mer et détruisirent,
avec Pizarre, l'empire des Incas. Ils établirent leur domi-
nation sur toute la partie septentrionale qu'ils nommèrent
« Terre ferme » ou Nouvelle-Grenade, sur le Pérou, sur
toute la vallée de la Plata, dont ils firent la vice-royauté de
Buenos-Ayres, et s'avancèrent au sud, sur le Pacifique,
jusqu'à l'île Chiloé. En 1500, un amiral portugais, poussé
par la tempête, abordait au Brésil qui devint colonie por-
tugaise. Au XVIIe siècle, des Français et des Hollandais
s'établirent dans la Guyane : leurs colonies, souvent dis-
putées durant les guerres du XVIIe et du XVIIIe siècle, n'eu-
rent jamais qu'une importance médiocre. Au commence-
ment du XIXe siècle, les Anglais s'emparèrent de la Guyane
hollandaise et gardèrent, après la paix, la portion occi-
dentale de ce territoire.
Vers la même époque, les colonies espagnoles de l'A-
mérique du Sud se révoltèrent, comme celles de l'Améri¬
que du Nord et, après quinze années de lutte, conquirent
leur indépendance, consacrée par les victoires de Maypu
d'Ayacucho, etc. Elles formèrent au nord la république de
Colombie qui ne tarda pas à se fractionner en trois républi-
ques : Nouvelle-Grenade (aujourd'hui Colombie), Venezuela
et Équateur ; au centre, le Pérou et la Bolivie ; au sud, le
Chili, la république Argentine qui fut elle-même plusieurs
fois subdivisée en deux États, le Paraguay et l'Uru-
guay qui fut quelque temps au pouvoir du Brésil. Le Bré-
sil s'était détaché pacifiquement du Portugal, sa métro-
pole, et avait formé un empire indépendant (1822) sous
un prince de la famille de Bragance, régnant en Portugal.
La population de tous les États est composée en majeure
partie d'Indiens, les uns sédentaires et à peu près soumis
au gouvernement de chaque État, les autres, et c'est le
plus grand nombre, sauvages, à demi-nomades, vivant
principalement dans les forêts, ne connaissant rien de la
civilisation et souvent hostiles aux Européens. Elle est
composée, en minorité, de créoles, qui cependant, dans
les villes et au point de vue de l'influence politique, cons-
tituent le parti prépondérant ; de descendants des Espa-
gnols ou des Portugais qui forment généralement l'aristo-
cratie ; de nègres au Brésil et dans la Guyane.
219. Les États. — Les États et colonies de l'Amérique
du Sud sont au nombre de 13 et peuvent être classés en
trois groupes :
1° L'EMPIRE DU BRÉSIL (près de 8 millions et demi de kilo-
mètres carrés (8,425,000), et environ 11 millions et demi
d'habitants, dont 1 million et demi d'anciens esclaves
émancipés et 500,000 Indiens errants, capitale RIO-DE-JA-
NEIRO ; divisé en 20 provinces : Amazonas, Para, Maranhâo,
Piauhy, Ceara, Rio-Grande-del-Norte, Parahyba, Pernam-
buco, Alagoas, Sergipe, Bahia, Espiritu-Santo, Rio-de-
Janeiro, — avec la capitale qui forme un municipe particu-
lier, — Sâo-Paulo, Parana, Santa-Catharina, Rio-Grande-
do-Sul, Minas-Geraes, Goyaz, Matto-Grosso.
2° Les États formés des anciennes possessions espa-
gnoles :
Les ETATS-UNIS DE VENEZUELA (environ 1 million de ki-
lomètres carrés et 1,400,000 habitants, sans compter les
Indiens insoumis), capitale Caracas ; république fédérative,
formée de 15 États imparfaitement délimités. Les États
sont : Guayana, Cumana, Margarita, Barcelona, Aragua,
Caracas, Carabobo, Cojedès, Varinas ou Zamora, Barque-
simeto, Coro, Trujillo, Merida, Maracaïbo, Apure.
Les ÉTATS-UNIS DE COLOMBIE (1,300,000 kilomètres carrés
et environ 2,900,000 habitants), capitale Santa-Fé de Bo-
gota ; république fédérative, formée de 9 États. Les États
sont : Antioquia, Bolivar, Boyaca, Cauca, Cundinamarca,
Magdalena, Santander, Tolima, Panama, qui se gouverne
d'une façon à peu près indépendante.
La RÉPUBLIQUE DE L'ÉQUATEUR, capitale Quito (environ
500,000 kilomètres carrés et 1 million d'habitants, sans
compter les Indiens insoumis) ; république unitaire, divisée
en trois districts : district de l'Équateur ou de Quito, dis-
trict de Guayas ou de Guayaquil, district de l'Assuay, et
subdivisée en 12 provinces.
La RÉPUBLIQUE DU PÉROU, capitale LIMA (1,320,000 kilo-
mètres carrés et 2 millions et demi d'habitants) ; divisée
en 18 départements : Piura, Cajamarca, Amazonas, Loreto,
Libertad, Ancas, Lima, Callao, Junin, Huancavelica, Hu-
anuco, Ica, Ayacucho, Cuzco, Puno, Arequipa, Moquegua,
Tarapaca.
La RÉPUBLIQUE DE BOLIVIE, capitale Sucre (environ 2
millions de kilomètres carrés et 2 millions d'habitants),
divisée en 9 départements : Chuquisaca Potosi, Oru-
,
ro, Tarija, Alacama, La Paz, Santa-Cruz, Beni, Goçha-
bamba.
La RÉPUBLIQUE DU CHILI, capitale SANTIAGO (343,000 kilo-
mètre carrés et 2 millions d'habitants), divisée en 15 pro-
vinces : Chiloé, Llanquihue, Valdivia, Arauco, Conception,
Nubie, Maule, Talca, Curico, Colchagua, Santiago, Valpa¬
raiso, Aconcagua, Coquimbo, Atacama, plus une colonie
(colonie de Magellan).
La confédération Argentine ou États de la Plata
(1,410,000 kil. carrés et même plus de 3 millions de kilomè-
tres carrés, avec la Patagonie et les territoires contestés, et
1,850,000 habitants), capitale BUENOS-AYRES ; république
fédérative, composée de 14 provinces et de 2 territoires in-
diens : Buenos-Ayres, Santa-Fé, Entre-Rios, Corrientes,
La Rioja, Catamarca, San-Juan, Mendoza, Cordova, San-
Luis, Santiago del Estero, Tucuman, Salla, Jujuy.
La RÉPUBLIQUE ORIENTALE, ou URUGUAY (217,000 kilomètres
carrés et environ 400,000 habitants), capitale Montévidéo ;
divisée en 13 départements : Montévidéo, Maldonado,
Canelones, San-José, Colonia, Soriano, Paysandu, Duranzo,
Cerro-Largo, Salto, Racuarembo, Florida, Minas.
La REPUBLIQUE DU PARAGUAY (environ 162,000 kilomètres
carrés, sans les territoires contestés, le Gran Chaco et
la terre des Missions, et peut-être 5 à 700,000 habitants),
capitale Asuncion (en français, Assomption) ; république
divisée en 25 départements.
3° Les possessions européennes :
Les possessions de l'Angleterre : Guyane anglaise (limites
incertaines, évaluées de 190,000 kilomètres carrés à
31,000 kilomètres, dont quelques mille kilomètres vérita-
blement régis par l'administration coloniale ; 155,000 ha-
bitants), capitale George-town ; îles Falkland (environ 12,000
kilomètres carrés et 700 habitants).
Les possessions des Pays-Bas : Guyane hollandaise (envi-
ron 100,000 kilomètres carrés et 70,000 habitants), capitale
Paramaribo ; et une partie des îles Sous-le-vent (environ
700. kilomètres carrés et 26,000 habitants), à savoir Cu-
raçao, Oruba et Buen-Ayre.
Les possessions de la France : Guyane française (72,000
kilomètres carrés, dont 60 kilomètres cultivés et 25,000
habitants), chef-lieu Cayenne.
3me Section.

LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE.
(Voir la carte n° 29.)

COLOMBIE, EQUATEUR, PEROU ET BOLIVIE,

(Voir les cartes nos 30 et 31.)

220. Les régions naturelles. — La Colombie, l'Équateur,


le Pérou et la Bolivie pourraient être désignés sous le
nom commun de RÉGION INTERTROPICALE DES ANDES. Quoi-
que cette région s'étende sur une longueur de plus de 4,000
kilomètres du nord au sud, elle présente à peu près dans
toute son étendue les mêmes caractères et la même diver-
sité d'aspects ; on peut y tracer trois zones longitudinales,
formant trois longues bandes qui s'étendent chacune du
nord au sud sur toute la région :
1° Au centre, la zone andine, ou la Sierra, c'est-à-dire
la Cordillère, avec ses chaînes, ses plateaux et ses val-
lées. Les chaînes, les pies et les dômes sont des masses
de roches granitiques ou volcaniques, abruptes, couvertes
en partie de neiges dans l'Équateur et dans la Bolivie,
souvent dénudées, quelquefois revêtues de gazon ; c'est là
un des grands obstacles au développement de la richesse
dans ces contrées, parce que les communications sont
rendues par là très-difficiles et très-rares. Les plateaux
les plus élevés et le plus battus des vents, comme le noeud
de los Pastos et la plus grande partie du noeud de Pasco,
présentent généralement de vastes déserts, dits « pa-
ramos », où poussent çà et là le lichen et le gazon ; dans
la Bolivie, on y chasse le chinchilla, dont la fourrure est
estimée. Sur les plateaux moins élevés et sur les terrasses
des grandes chaînes, les pâturages sont les meilleurs et
nourrissent le mouton, la vigogne, le lama, l'alpaca. Là,
les flancs des montagnes sont fréquemment garnis de
bouquets d'arbres ou même de vastes forêts, dans lesquel-
les on trouve, principalement aux environs de la Paz, de
Cochabamba, de Loja, de Cuzco, de Huanuco et d'Ambo,
les nombreuses variétés du quinquina.
Sur les plateaux inférieurs et dans les hautes vallées,
comme la vallée de Cuzco, séjour préféré des Incas, la
pomme de terre, originaire de ces contrées, les céréales
de l'Europe, MAÏS et blé, le tabac, sont cultivés avec suc-
cès ; les chevaux, les mulets s'y rencontrent en assez
grand nombre. Dans la vallée de Quito, à 3,000 mètres
d'altitude, on jouit d'un printemps perpétuel, et l'on voit
les champs couverts de moissons et les vergers chargés
de fruits. A mesure que les vallées sont plus basses, elles
deviennent plus chaudes, en général plus fertiles, et elles
se parent de toutes les splendeurs de la végétation tropi-
cale ; on voit apparaître successivement, surtout dans la
Bolivie, le bananier, le caféier, le coca, l'indigotier, la canne
à sucre, le cacaoyer, à côté de prairies verdoyantes ; on
trouve aussi dans les forêts de cette zone les quinquinas,
l'ipécacuanha, la salsepareille.
2° A l'ouest, la zone du Pacifique. La partie septentrio-
nale de la côte jusque vers Guayaquil, est inondée par des
pluies continuelles qui y développent une admirable vé-
gétation, mais qui en rendent le séjour très-désagréable
et très-malsain (1) ; aussi cette partie est-elle abandonnée
aux forêts qui couvrent la côte et la chaîne du Choco, et qui
sont peuplées d'oiseaux au brillant plumage, de singes et
de serpents. Il y a cependant quelques cultures de riz et
des plantations de cacaoyers, de cannes à sucre, d'indigo-
tiers ; le cacao et le café d'Esmeraldas sont très-estimés.
La partie méridionale de la côte, au contraire, est absolu-
ment privée de pluies, desséchée par le soleil, sablonneuse

1. On a cru remarquer que ces pluies diminuent quelque peu d'année


en année.
et peu habitée ; au sud, la province de Tarapaca, au Pérou,
et celle d'Atacama, dans la Bolivie, ne sont qu'un désert
salé. Mais, en s'élevant dans les vallées des Andes, on trouve
plus de fraîcheur, un sol abreuvé par des pluies tropicales,
de riches cantons, comme la vallée de Guayaquil et la plaine
d'Arequipa. Le cacao, le coton, le sucre, le riz, la coche-
nille, le poivre, l'olive, l'orseille, sont les principales pro-
ductions de cette zone qui, jusqu'à 1,200 mètres d'alti-
tude, possède encore la flore des tropiques.
3° A l'est, la zone des plaines commence par des
terrasses, des collines, et se termine par la vaste plaine
où coulent l'Orénoque, l'Amazone, la Madeira, le Para-
guay et leurs affluents. Elle fait partie, au nord, de la
région des Ilanos ; des troupeaux de boeufs et de che-
vaux paissent dans les herbages. Au centre et au sud
elle fait partie de la région forestière ; c'est un terrain
généralement très-fertile, presque entièrement couverte
de forêts, où abondent les arbres et les arbrisseaux pré-
cieux, bois de constrution, bois d'ébénisterie, caoutchouc,
ipécacuanha, quinquina, coca, etc., presque partout, maté
dans la Bolivie. Mais ces contrées sont à peu près désertes,
et les richesses naturelles, faute de moyens de communi-
cation, n'y sont pas exploitées. La région renferme ce-
pendant quelques vallées et plaines cultivées, dites «Yun-
gas » en Bolivie. Dans l'extrême sud, elle confine au
désert du Gran-Chaco.
221. Les végétaux et les animaux. — Le maïs, le riz,
le blé sont, avec la banane, la pomme de terre, la manioc et
l'igname, les principales cultures alimentaires : elles suffi-
sent à la subsistance d'une population très-peu nombreuse.
Il faut ajouter le COCA, feuille d'un arbrisseau commun
dans toutes les vallées chaudes, surtout dans la Bolivie ;
les Indiens mâchent cette feuille qui renferme un prin
cipe tonique analogue à celui du café et du thé, et qui
permet de se passer pendant plusieurs jours de toute autre
nourriture.
Les autres productions sont : le CACAO dont la culture,
presque entièrement concentrée dans l'Équateur, peut
être évaluée à 130,000 quintaux ; le café de la Colom-
bie ; le tabac de la Colombie, de l'Équateur et du Pérou ;
le coton, que cultivent surtout le Pérou et la Colombie ;
l'indigo de la Colombie, dit caraque ; le sucre du Pérou.
On cultive la vigne au Pérou, principalement sur les
coteaux de la côte du Pacifique, et l'on fait certains vins
estimés, ceux de Pisco, etc. Les forêts et les paramos
donnent les bois de construction et les bois de teinture, la
salsepareille de l'Équateur, la cannelle, l'espèce de li-
chen connue sous le nom d'orseille, diverses résines ou
baumes, entre autres le caoutchouc, le copahu, le baume du
Pérou et le baume de Tolu, extraits de deux espèces dis-
tinctes de myroxyles. Les deux produits arborescents les
plus caractéristiques de cette partie de l'Amérique sont
le quinquina et le bombonaxa.
Le QUINQUINA, dont les propriétés toniques et fébrifuges
sont connues, est l'écorce de divers arbres et arbrisseaux
du genre Cinchona. On les trouve sur le versant des
Andes, principalement sur le versant oriental, au milieu
des forêts ou par petits massifs ; les espèces les plus em-
ployées sont le quinquina calisaya de Bolivie, le quinquina
rouge de Cuzco, le quinquina huannco, le quinquina
rouge de l'Équateur, le quinquina gris de Loja.
Le bombonaxa est une espèce de lalanier qui croît en
abondance dans les vallées de l'Équateur et du Pérou, et
principalement dans les vallées de l'Huallaga, de l'Ucayali
et de l'Urubamba. Avec un peigne à deux dents, les ou-
vriers découpent la feuille du bombonaxa en minces la-
nières et en font une sorte de paille qui, blanchie et ap-
prêtée, sert à fabriquer des corbeilles, des étuis, des CHA-
PEAUX ; c'est principalement à Moyabamba au Pérou, dans
la vallée de Guayaquil et dans la province de Manabi,
(Équateur) qu'est exercée cette industrie, la seule qui donne
lieu à une exportation régulière.
Il y a du bétail dans les vallées du nord. Le principal
produit qu'on tire des animaux est la laine, laine de mou-
ton, laines de vigogne, d'alpaga, de lama (fig. 99) ; puis
viennent les peaux et la cochenille, nourrie sur le nopal,
et la cire des abeilles.
Sur les côtes du Pérou, on pêche de grandes et belles

tortues ; sur la côte de Panama, surtout dans l'archipel des


Perles, des huîtres d'où l'on tire des perles et de la nacre.
222. Les industries extractives.
— La région des Andes
est plus riche par ses mines que par ses cultures.
La houille ne s'y rencontre que sur quelques points
dans le Chiriqui (État de Panama), dans la vallée de
Bogota, au Cerro de Pasco et n'est pas exploitée. Il y a
quelque peu de lignite près d'Arica et du pétrole près de
Piura.
Le cuivre est plus abondant : la Bolivie, avec les mines
de Cerro-Corro et d'Atacama, donne environ 9,000 tonnes
de minerai ; le Pérou, avec celles du désert de Tarapaca,
qui semblent être la suite des gisements du Chili, donne
près de 1,500 tonnes.
Le mercure se trouve en petite quantité (à l'état de sul-
fure) dans les environs de Cuença, en plus grande quan-
tité à Huancavélica, dans la mine de Santa-Barbara,
exploitée depuis l'an 1750, et donnant encore, quoique
amoindrie, près de 1,500 quintaux par an. Le platine existe
sur divers points de la Colombie, à Popayan, à Barbacoas,
dans la chaîne du Choco. L'étain et le soufre se trouvent
aussi sur certains points. Un grand nombre de rivières
roulent des paillettes d'OR ; on en recueille dans les lava-
ges et dans les mines d'Antioquia et sur d'autres points
de la vallée de la Cauca, près d'Huaylas et de Tarma, au
Pérou, dans les affluents du Beni : en tout, environ 20
millions, dont 15 pour la Colombie. Cette production est
loin d'égaler celle de l'ARGENT : l'extraction annuelle pa-
raît avoir une valeur de plus de 40 millions de francs,
dont 30 environ pour le Pérou ; les mines les plus impor-
tantes sont celles du Cerro de Pasco, qui donnent près
de 10 millions, celles de Lucanas, de Huantajaga, celles
de Hualanca, celles de Hualagayoc, au Cerro de Fernando,
où plus de 1,400 puits ont été creusés, celles du Cerro
de Polosi en Bolivie.
On exploite en grande quantité le NITRATE et le borate
de soude dans la province de Tarapaca ; le sel marin à la
pointe Santa-Elena, sur les côtes de la province de Piura ;
le sel gemme dans la province de Chuquisaca, etc. ; le
salpêtre. La vallée de la Funza, près de Bogota, et la val-
lée d'Esmeraldas dans l'Équateur renferment des mines
d'émeraudes.
A l'industrie extractive se rattache l'exploitation du GUANO,
le plus énergique des engrais naturels. Il se compose de
fiente d'oiseaux accumulée en couches considérables pen-
dant des milliers d'années. C'est dans les îles Chincha,
îlots situés au sud de Lima, à l'entrée de la baie de Pisco,
que le gouvernement péruvien a fait commencer l'exploi-
tation dont il s'est réservé le monopole ; depuis, elle s'est
étendue sur les nombreux îlots de la côte, ceux de Labas de
Terra, de San-Gallan, etc. ; sur la côte même de Bolivie,
au monte Carrelas, sur le littoral de Tarapaca, etc., au
Pérou et sur la côle de l'Équateur ; le GUANO DU PÉROU, que
sa sécheresse préserve de toute altération, est réputé le
meilleur.
223. Les voies de communication. — Ce qui manque le
plus à la région des Andes, sur ces plateaux élevés de 3
à 4,000 mètres et séparés par des chaînes gigantesques, ce
sont les moyens de communication. Les cours d'eau sont
ou torrentueux, à l'ouest, ou encombrés de rapides, à l'est ;
les plus beaux débouchent dans le Brésil, qui est ainsi
maître absolu des communications de ses voisins. Il y
a très-peu de routes, et on ne trouve encore que des tron-
çons de chemins de fer, ayant une longueur tolale d'envi-
ron 600 kilomètres, les lignes de Lima à Chançay et à Ica,
la ligne de Mollendo à Arequipa, etc.
La seule ligne importante qui soit achevee est le CHE-
MIN DE FER DE PANAMA, construit sous la direction de l'A-
méricain Aspinwall et ouvert en 1855, du port de Co-
lon-Aspinwall au port de Panama, sur une longueur de
79 kilomètres. Il établit par voie ferrée la communication
entre l'Atlantique et le Pacifique, comme le canal de Suez
l'établit entre la Méditerranée et l'océan Indien, mais avec
cette différence énorme qu'il nécessite un double trans-
bordement. Il décrit de nombreuses courbes au milieu
d'une région montagneuse et toute boisée ; mais il tra-
verse l'isthme sans un seul tunnel, et son point le plus
élevé, situé à 60 kilomètres de Colon-Aspinwall et à 19 ki-
lomètres de Panama, n'est qu'à 80 mètres au-dessus du
niveau de la mer. C'est, avec le Grand central des États-
Unis, la voie la plus fréquentée pour les voyageurs et pour
les marchandises qui se rendent d'un océan à l'autre.
224. La navigation et les ports. — La marine marchande
de cette région ne paraît pas dépasser 40,000 tonnes dont
les deux tiers appartiennent au Pérou. Le MOUVEMENT GÉ-
NÉRAL DE LA NAVIGATION n'atteint pas tout à fait 4 MILLIONS
DE TONNES ; dans ce nombre, 1 million figure pour le tran-
sit de Colon-Aspinwall et de Panama, 1/2 million pour
le reste la Colombie, et plus de 2 millions 1/2 pour le Pé-
rou. L'Angleterre prend la plus grande part dans cette
navigation ; l'Amérique vient en second lieu ; en troisième
lieu la France ; puis l'Allemagne et l'Espagne.
Les ports du Pacifique sont :
PANAMA, capitale de l'État de Panama, bâti sur une
pointe de terre, mais offrant comme abri une simple rade
dans laquelle les navires, à cause du peu de fond à marée
basse, doivent mouiller à 5 kilomètres environ de la ville ;
les plus gros bâtiments s'arrêtent même à l'île Taboga,
distante de 24 kilomètres. Une longue jetée sur pilotis
permet aux trains de s'avancer assez loin dans la mer et,
de là, un petit bateau à vapeur transporte rapidement en
rade passagers et marchandises. Le commerce de Panama,
amoindri depuis l'ouverture du chemin de San-Francisco,
consiste presque uniquement dans le transit entre l'océan
Atlantique et l'océan Pacifique ; en 1870, 2,000 voyageurs
et plus de 200,000 tonnes de marchandises ont été trans-
portés par le chemin de fer, et le mouvement du port de
Panama a été d'environ 380,000 tonneaux. Il n'est guère
fréquenté que par la marine américaine et la marine an-
glaise ; des services réguliers à vapeur desservent la côte
du Mexique et la côte de l'Amérique du Sud.
Tumaco, petit port au sud de la Colombie.
Manta et Guayaquil, les deux ports de l'Équateur ouverts
au commerce de l'étranger. Guayaquil est situé sur la rive
droite de la rivière Guayaquil qui, à cet endroit, mesure
plus de 3 kilomètres de largeur et qui peut recevoir de
gros bâtiments ; mais, quand les marchandises ont quitté
la rivière, elles ne trouvent plus pour passer jusqu'à Quito
qu'un sentier de mulets impraticable six mois de l'année
et où, pendant les six autres mois, une bête de somme ne
saurait porter une charge de plus de 46 kilogrammes. Le
mouvement de la navigation est d'environ 100,000 ton-
neaux, dont les 3/4 appartiennent à la marine anglaise.
Paita, le port de la province de Piura.
CALLAO, le port de Lima, et une des deux places de
commerce les plus importantes de l'Amérique du Sud
sur le Pacifique ; c'est une bonne rade, protégée par les
montagnes de la terre ferme et par l'île San-Lorenzo.
Il a un mouvement de navigation d'environ 2 millions 1/2 de
tonnes ; et il s'y fait un commerce de 160 millions de francs,
dont 60 pour la seule exportation du guano ; les métaux
précieux, le coton et le sucre viennent au second rang à
l'exportation ; les tissus tiennent le premier rang à l'im-
portation.
Islay, Arica, dont le mouvement dépasse 400,000 tonnes,
et qui, en vertu d'un traité signé en 1863, sert de débou-
ché ordinaire à la Bolivie ; Iquique, qui exporte presque
exclusivement le nitrate et le borate de soude de la pro-
vince, sont les autres ports du Pérou.
Cobija, triste bourgade d'un millier d'habitants, sans
eau, mauvais port, est cependant le seul port de la Boli-
vie ; comme il est beaucoup plus éloigné qu'Arica des
parties les plus peuplées de cette république, c'est sur-
tout par Arica que se fait le commerce bolivien, et le
mouvement du port de Cobija ne dépasse pas 25,000 ton-
neaux.
Les ports de l'Atlantique sont :
Chagres, bourgade située à l'embouchure de la rivière
du même nom ; c'est un entrepôt dont l'importance a
beaucoup diminué depuis la fondation de Colon.
COLON, ainsi nommé
en l'honneur de Christophe Colomb
et désigné aussi sous le nom de Colon-Aspinwall, est la tête
de ligne du chemin de fer interocéanique sur l'Atlantique ;
là aboutissent divers services réguliers de bateaux à va-
peur, venant les uns de New-York, les autres d'Angleterre
ou de France (Compagnie transatlantique). Le mouvement
de la navigation est de 700,000 tonnes.
Porto-Bello, bon port qui, jusqu'en 1740, sous la domi-
nation espagnole, était le grand entrepôt des produits de
l'Amérique du Sud, que les galions prenaient là pour les
transporter en Espagne ; le port est aujourd'hui presque
entièrement désert et la ville bien déchue.
Carthagène, bon port, vaste et sûr, mais bien déchu
aussi de son ancienne importance.
Sabanella, à l'embouchure de la Magdalena.
Santa-Marta, le port principal de cette côte et Rio-
Hacha, situés vers la pointe orientale de la Colombie.
225. Le commerce extérieur. — Le COMMERCE EXTÉRIEUR
de la région tropicale des Andes peut être évalué à un
peu plus de 620 MILLIONS DE FRANCS, dont 470 environ pour
le Pérou, 100 pour la Colombie, le reste pour l'Équateur
et la Bolivie. Les principaux articles d'importation sont
les TISSUS (environ 40 millions), surtout les tissus de coton
et de laine provenant principalement d'Angleterre ; les
comestibles venant des États-Unis ; les vêtements et
modes, les vins et liqueurs, la bijouterie fine et autres ar-
ticles de luxe, venant surtout de France. L'exportation
comprend le GUANO (environ 100 millions) du Pérou et de la
Bolivie, dont près de la moitié est achetée par l'Angle-
terre, un cinquième par la France et ses colonies ; les MÉ-
TAUX PRÉCIEUX, ARGENT du Pérou, de la Bolivie, etc., or de
la Colombie, à destination de l'Angleterre et de la France ;
le tabac de la Colombie ; le coton, le sucre, le nitrate de
soude du Pérou ; le cacao de l'Équateur ; les laines et peaux,
le minerai du cuivre du Pérou et de la Bolivie ; le quin-
quina, l'indigo, la salsepareille, la paille et les chapeaux
de paille, la cochenille, les bois de teinture, le caout¬
chouc. Plus de la moitié de ce commerce est aux mains
de l'Angleterre ; la France, qui vient au second rang et
figure à peu près pour un cinquième dans le total, im-
porte en Amérique des tissus de laine, des vêtements et
de la lingerie, des vins, de la parfumerie, des livres, des
ouvrages en cuir, et achète du guano, du nitrate de soude,
du coton, des peaux brutes, du quinquina, du cacao, etc.
226. Les villes principales. — Il n'y a dans cette région
qu'une seule ville de 100,000 habitants :

LIMA (121,000 habitants), capitale du Pérou, reliée par


un chemin de fer à Callao, son port ; la ville est bâtie au
pied de collines granitiques, sur une hauteur, et arrosée
par le Rimac ; elle possède de larges rues, se coupant à
angle droit, une grande place où se traitent les affaires,
une belle cathédrale richement décorée et un grand nom-
bre d'autres édifices religieux. C'est une ville de luxe et
de plaisir plus que d'industrie. (Voir la fig. 100 et le carton de la
carte n° 30.)
Onze villes comptent de 20,000 à 100,000 habitants.
La capitale de la Colombie, Santa-Fé de Bogota est une
ville de 40,000 habitants située sur un plateau très-élevé
de la Cordillère orientale (2,625 m.) et sous un ciel extrê-
mement pluvieux.
Carthagène (25,000 habitants) et Panama (20,000 hab.),
sont deux ports importants du même État.
Quito (70,000 habitants), capitale de l'Équateur et située
presque exactement sous l'équateur même, doit cependant
à son altitude supérieure à celle de Bogota (2,937 m.) un
climat délicieux. Cette ville est entourée des plus hauts
volcans du globe, le Pichincha, le Cotopaxi, l'Antisa-
na, etc. Guayaquil (25,000 hab.) est le port de cette ré-
publique.
Les villes importantes du Pérou, après Lima, sont Cuzco
(25,000 hab.), ancienne capitale du royaume des Incas ;
Aréquipa (76,000 hab.), la ville du monde la plus exposée
aux tremblements de terre (2 par mois en moyenne).
Sucre, Chuquisaca ou La Plata, capitale de la Bolivie, si-
tuée à 2,900 mètres d'altitude, n'a que 25,000 hab. Les
villes les plus importantes de la république sont la Paz de
Ayacucho (76,000 hab.), ancienne capitale, à 3,720 m. d'al-
titude, au milieu de riches mines, et dont le nom rappelle
la victoire d'Ayacucho (Pérou), remportée par le général
Sucre en 1824, et qu'assura l'indépendance du Pérou et de
la Bolivie ; Cochabamba (40,000 hab.), appelée le grenier du
Pérou, pour la fertilité de son sol ; Potosi (22,000 hab.), qui
fut la première ville de l'Amérique du Sud, à l'époque
de l'exploitation de ses mines d'argent et compta 170,000
hab. : située sur un plateau très-élevé, nu et triste, elle
est la ville la plus haute du monde (4,052 m.)
227. La population et le gouvernement. — Les quatre
États de la région intertropicale des Andes ont une popu-
lation totale d'environ 8,400,000 habitants sur une super-
ficie de 5,200,000 kilomètres carrés : c'est un habitant et
demi par kilomètre carré. Cette population ne comprend
qu'un très-petit nombre de créoles, descendant des Euro-
péens : 10 pour cent tout au plus. Le reste se compose de
métis, cholos et zambos, c'est-à-dire issus de l'union de la
race blanche avec les Indiens ou avec les nègres et d'Indiens
à demi civilisés ou entièrement sauvages. La diversité des
races est une des causes de la division des esprits et des
troubles qui ont agité depuis cinquante ans ces républi-
ques. Toutes ont subi de nombreuses révolutions et ren-
ferment dans leur sein, comme les autres républiques de
l'Amérique du Sud, le parti des fédéralistes et le parti
des unitaires. La Colombie est une république fédérative ;
les trois autres sont des républiques unitaires.
L'absence de communications sur un sol très-accidenté,
et l'indolence que le climat tropical engendre ont nui
également au progrès de la richesse et de la civilisation,
dans un pays si bien doué de la nature à plusieurs autres
gards.

CHILI.
(Voir la carte n° 30.)

228. Les régions naturelles. — Le CHILI s'étend du 24e


degré de latitude méridionale jusqu'au détroit de Magellan
sur une longueur de 3,000 kilomètres environ ; c'est une
bande de terrain bornée à l'est par la crête des Andes et à
l'ouest par l'océan Pacifique. Il se divise en trois régions
naturelles :
1° La région du sud a pour limite septentrionale le rio
Biobio et est caractérisée par d'immenses forêts. Au midi,
ces forêts couvrent presque toute la chaîne des îles et la
côte du continent ; on ne trouve quelques rares cultures
qu'autour des cabanes de bûcherons. Au nord, entre deux
lignes de forêts, l'une qui garnit la chaîne de la côte,
l'autre qui est située sur les pentes des Andes, est une
belle plaine où coulent plusieurs fleuves navigables, et qui
commence à donner des céréales.
2° La région centrale, située entre le Biobio et le Chua-
pas, présente trois zones, comme le nord de la région fo-
restière : à l'est, celle des Andes et de leurs terrasses, qui
est très-boisée ; à l'ouest, celle de la chaîne de la côte qui
est également assez boisée, avec quelques vallées fertiles et
bien cultivées ; celle des deux plaines du centre que
sépare la cordillère médiane et qui sont la véritable ré-
gion de la culture. La couche végétale, surtout dans les
cantons situés au pied des Andes, particulièrement au
pied de l'Aconcagua, y a souvent plusieurs mètres d'épais-
seur. Le blé, qui rend jusqu'à 40 pour un, l'orge, le maïs
y sont cultivés presque toujours dans de grandes fermes
appartenant à de riches propriétaires ; le chanvre, le lin,
la vigne s'y plaisent également, ainsi que la plupart des
arbres fruitiers de l'Europe ; de grands champs de luzerne,
arrosés à l'aide de prises d'eau faites dans la montagne, y
nourrissent un nombreux bétail.
3° La région du nord est la région privilégiée des mines,
mais la plus pauvre au point de vue de l'agriculture. Elle
renferme quelques étroites vallées cultivables et parées
de pâturages, comme les vallées du Copiapo et du Huasco,
mais beaucoup de parties sèches et stériles, et, au nord de
la vallée du Copiapo jusqu'à la frontière de la Bolivie, le
vaste désert d'Atacarna, situé à 1,500 mètres environ d'al-
titude, privé d'eau malgré quelques ruissseaux qui l'ont
raviné et qui se perdent sans atteindre la mer. La zone
cotière est un peu moins désolée que la partie centrale.
Les cactus y sont abondants et servent en général, comme
dans la région centrale, de clôture aux propriétés.
229. Les végétaux. — Les CÉRÉALES sont le principal
produit de l'agriculture chilienne ; elles viennent presque
exclusivement dans la région centrale, qui jouit à peu près
du-climat de l'Europe méridionale. Le FROMENT est au
premier rang ; il est généralement de très-bonne qualité,
pesant en moyenne 79 kilogragmmes à l'hectolitre et don-
nant des farines estimées ; au second rang, l'orge, puis le
mais qui rend plus de 100 pour un. On cultive aussi beau-
coup les légumes secs : le haricot que l'on trouve au Chili
sur toutes les tables et qui est l'aliment ordinaire des cam-
pagnes, provenant abondamment de la plaine située entre
Talca et le Coquimbo ; les fèves, surtout celles des provinces
de Valdivia et de Chiloé ; les lentilles ; les pois qui viennent
aussi en grande quantité. Le lin croît à l'état sauvage et
les Indiens se nourrissent de la graine ; le chanvre pousse
très-vigoureux, surtout au pied de l'Aconcagua. La pomme
de terre qui pousse même dans les terres en friche, les
cucurbitacées, le piment, l'ail des provinces du sud, l'oi-
gnon qu'on trouve surtout dans les petites cultures de la
province de Colchagua, sont aussi au nombre des végé-
taux herbacés les plus communs au Chili. Il faut y join-
dre l'alfiterillo qui, au printemps, pare les pâturages des
Andes et l'alfalfa, espèce de luzerne grossière qui suffit
aux nombreuses prairies artificielles de la région centrale,
mais qu'on a essayé en vain de naturaliser en Europe.
Parmi les cultures arborescentes, il faut citer la vigne
de la région centrale, qui provient de ceps apportés de la
Bourgogne ou du Bordelais, et qui donne une récolte
d'environ 500,000 hectolitres, soit en eau-de-vie, soit en
vin, soit en chacoli ou vin fermenté, mais mal fabriqué ;
les arbres fruitiers, pommiers, poiriers, cognassiers, qui
aujourd'hui se sont multipliés à l'état sauvage sur les
pentes des Andes ; oliviers, amandiers et pêchers des en-
virons de Santiago ; figuiers des vallées du Huasco et du
Copiapo ; noyers et châtaigniers de la région centrale, etc.
Parmi les arbres des forêts, on remarque le pehuen,
sorte de pin, bien connu en Europe sous le nom d'arau-
caria imbricata, abondant surtout dans la province d'A-
rauco ; une espèce de cèdre désigné sous le nom d'alerce ;
un beau thuya nommé leu dans le pays ; plusieurs variétés
de hêtres, dont l'une, le roble, donne de grosses poutres
de 30 mètres de longueur.
230. Les animaux. — Les animaux sauvages fournissent
ample matière à la chasse ; le guanaco qu'on ne trouve
plus guère aujourd'hui que sur le versant oriental des
Andes ; le puma et le chinchilla recherchés pour leur four-
rure ; les cygnes et les ñandous ou autruches recherchés
pour leurs plumes ; et, sur les côtes, le lion de mer et le
loup de mer dont la peau et la graisse sont utilisées, les
poissons qu'on fait sécher et qu'on vend pour ravitailler les
navires, les crustacés des rivages accidentés du sud, etc.
Les animaux domestiques viennent tous d'Europe ; mais
ils sont retournés, sur la terre d'Amérique, à un état demi-
sauvage. Le CHEVAL, issu de race andalouse, de taille mé-
diocre, mais d'une constitution toute nerveuse et d'une
sobriété comparable à celle du cheval arabe, vit entière-
ment libre en pleine campagne, l'hiver comme l'été ; on
ne le prend que pour l'atteler bu le monter ; il peut four-
nir une course de 100 kilomètres et plus en un jour : aussi
est-il recherché dans toute l'Amérique méridionale. Les
boeufs, de petite taille aussi, mais au dos large et aux lon-
gues cornes, vivent presque en liberté dans les vastes
prairies artificielles du centre ; sur certains points, dans la
province de Valdivia par exemple, ils sont si sauvages
qu'on les chasse comme le gibier ordinaire ; certains grands
fermiers, dans leurs « queserias », font beaucoup de fro-
mages. Les moutons, dont les grands propriétaires se pré-
occupent peu jusqu'ici, ne donnent en général que de la
laine commune. Les chèvres vivent en grand nombre,
même à l'état complètement sauvage, dans les provinces
d'Aconcagua, de Coquimbo, etc., et dans l'île Juan-Fer-
nandez. Les porcs vivent aussi en partie à l'état sauvage
dans les forêts du sud, et on leur fait la chasse. On élève
beaucoup d'abeilles au Chili.
231. Les mines. — Le Chili est riche en métaux et en
minéraux de tout genre.
L'argile rouge de Santiago est très-recherchée pour faire
des poteries imperméables sans vernis. Le lapis-lazuli est
quelque peu exploité dans la province de Coquimbo, ainsi
que le plomb de Mina-Grande, le nickel et le cobalt. On ne
tire pas encore parti du soufre qui abonde, particulière-
ment dans les Andes de Talca.
Le charbon de terre (environ 120,000 tonnes) est ex-
ploité sous forme de lignite dans les terrains tertiaires
de la chaîne de la côte, surtout à Lota, un peu sur les
pentes des Andes dans le département de Copiapo ; le
charbon de Lota est très-demandé par les navires à vapeur
qui hantent ces parages.
Les métaux sont : l'or que l'on trouve quelque peu dans
les filons, mais que l'on exploite surtout dans les alluvions
des provinces dit nord pour une valeur d'environ 3 millions
de francs ; l'argent qu'on extrait surtout des mines de Cha-
narcillo et de Tres-Puntas (environ 30 tonnes) ; le CUIVRE
qui est la principale richesse minérale du Chili et que ce
pays produit en plus grande quantité qu'aucun autre pays
du monde.
On compte au Chili 1,670 mines de cuivre, situées prin-
cipalement dans les provinces du nord, dans les flancs du
mont Tamaya (province de Coquimbo), où l'on rencon-
tre, après une première couche de minerais oxydés ou
carbonatés, un très-beau cuivre panaché ; puis du cuivre
pyriteux dans les profondeurs, à Andacollo, dans la mon-
tagne de Carrisal, à Punta del Cobre près de Copiapo, et
sur un grand nombre de points de la chaîne de la côte,
depuis Caldera jusqu'à Cobija ; on n'en trouve qu'un petit
nombre dans les provinces du sud, celles d'Aconcagua,
de Santiago, de Colchagua. Jadis on n'exportait que du
minerai ; aujourd'hui presque tout le cuivre est affiné dans
les nombreuses usines du Chili, à Guayacan, à Panacillo,
à Lota, etc.
232. Les manufactures. — A part les fonderies de cui-
vre, les moulins à farine et les fabriques de biscuits, le
Chili ne possède guère que des industries domestiques ; il
n'y avait, en 1867, qu'une seule fabrique de draps et
une fabrique de cotonnades. A Santiago, on fait de fines
poteries, recherchées dans toute l'Amérique espagnole.
233. Les voies de communication intérieure. — Le Chili
a peu de routes ; il a très-peu de communications par terre
avec la Plata, parce que les passages des Andes, du 24e au
35e degré, sont toutes à une très-grande élévation : la plus
basse, celle de Planchon est à 2,400 mètres ; la plus fré-
quentée, celle de la Cumbre, à 2,966 mètres. Il en a égale-
ment très-peu avec la Patagonie, parce que le pays est sans
aucun commerce. Mais, dans le voisinage de l'océan Paci-
fique, il y a quelques chemins de fer d'une longueur totale
de 760 kilomètres : celui de Valparaiso à Santiago et de
Santiago à Curico, et ceux des ports de Coquimbo et de la
Caldera aux mines.
234. La navigation et les ports. — La marine marchande
du Chili est de 16,000 tonneaux ; le MOUVEMENT TOTAL D'EN-
TRÉE ET DE SORTIE de ses ports est d'environ 2,500,000
TONNES ; dans ce nombre, la marine anglaise figure pour
plus d'un million de tonnes ; les États-Unis pour près de
300,000 ; la France pour 50,000 environ ; la marine chi-
lienne pour 15,000 à peine. Indépendamment du com-
merce extérieur, il y a un cabotage actif.
Les principaux ports dans lesquels ce mouvement a lieu
sont :
La Caldera et Coquimbo, port de Serena, à l'embou-
chure de la rivière Coquimbo, qui exportent les produits
métallurgiques des provinces du nord.
VALPARAISO, le grand entrepôt du commerce du Chili
avec l'étranger, est bâti au fond d'une bonne rade qu'abrite
la pointe des Anges, et que domine au loin le sommet
neigeux de l'Aconcagua. Les affaires sont en grande partie
aux mains de négociants européens ; beaucoup de bâti-
ments viennent s'y ravitailler ; le mouvement général de
la navigation y dépasse 700,000 tonneaux. On y importe
du sucre, des calicots et des cotonnades, des casimirs,
des soieries, des machines, du maté, des articles d'habille-
ment ; on en exporte des cuirs, du blé et de la farine, du
cuivre, de la laine ; la valeur des importations et des ex-
portations est d'environ 200 millions.
Constitucion et Talcahuano, port de la Conception, au
fond d'une vaste et belle baie, exportent surtout les pro-
duits agricoles de la région centrale, blés, farines, laines
et peaux.
Valdivia etAncud n'exportent guère que des bois.
Punta-Arenas, colonie chilienne (en anglais Sandy-
point), sur le détroit de Magellan, n'est, jusqu'à présent,
qu'un port de relâche.
235. Le commerce. — LE COMMERCE EXTÉRIEUR DU Chili
est tout maritime. Il a fait, depuis trente ans, de rapides
progrès, malgré la crise que la guerre avec l'Espagne lui
a fait subir ; il s'élève aujourd'hui à la somme de 300 MIL-
LIONS DE FRANCS et consiste, à l'importation, en sucre brut
et raffiné (10 millions), en cotonnades, calicots et mousse-
lines, en casimirs, en soieries, en vêtements confectionnés,
en châles de laine, en machines et rails, en maté ; l'expor-
tation, en produits des mines, cuivre pour une valeur
d'environ 70 millions de francs, argent pour une valeur
de 20 millions, en charbon de terre, etc., en produits de
l'agriculture, froment, orge, farine, biscuit, vermicelle,
laine, peaux de vaches, viande séchée (charqui), peaux de
chinchilla et guano.
Au premier rang parmi les pays avec lesquels le Chili
entretient des relations commerciales est l'Angleterre, qui
fait pour plus de 145 millions d'affaires ; au second rang, la
France avec 40 millions ; au troisième, le Pérou (25 mil-
lions) ; puis l'Amérique du Nord et l'Allemagne, les répu-
bliques de l'Amérique du Sud et le Brésil.
236. Les grandes villes. — Le Chili n'a qu'une seule ville
au-dessus de 100,000 âmes et une de 20,000 à 100,000.
SANTIAGO (115,000 hab.), capitale de la république, est si-
tué dans une plaine, à 600 métrés environ au-dessus du ni-
veau de la mer. Les rues se coupent à angle droit ; les mai-
sons n'ont généralement qu'un étage, parce qu'on redoute les
tremblements de terre ; les anciennes maisons étaient en
pisé, avec de très-épaisses murailles ; on les a, depuis
vingt ans, en partie remplacées par d'élégantes construc-
tions. Santiago est le centre politique et littéraire du Chili,
comme Valparaiso (70,000 hab.) est le centre commer-
cial.
237. ta population et le gouvernement. — Le Chili
compte près de 2 millions d'habitants sur une superficie
de 343,000 kilomètres carrés, c'est-à-dire presque 6 ha-
bitants au kilomètre carré. C'est par conséquent la popula-
tion la plus dense de l'Amérique du Sud, bien qu'elle ait à
peine le dixième de la densité de la population française ;
c'est aussi une des populations les plus homogènes, étant
composée presque entièrement de créoles ou d'émigrants
européens, du moins au nord du rio Biobio ; au sud de
cette rivière les Indiens dominent. L'instruction y est rela-
tivement très-développée; le droit de suffrage est univer-
sel ; mais, pour être électeur, il faut savoir lire et écrire et
exercer une profession. Le gouvernement est républicain ;
et de toutes les républiques de l'Amérique du Sud, le Chili
est celle qui a été la moins agitée par les révolutions et qui
a le plus prospéré.

ÉTATS DU RIO DE LA PLATA.

(Voir les cartes nos 29 et 32.)

238. Les régions naturelles et les cultures. — Le bassin


du rio de la Plata, ou du moins la partie de ce vaste bassin
qui n'appartient pas au Brésil, forme cinq régions dis-
tinctes :
1° La partie orientale, située entre l'océan Atlantique et
l'Uruguay, désignée sous le nom de Bande orientale ou
Uruguay, est une contrée à peu près grande comme les
deux cinquièmes de la France ; elle est formée de terras-
ses, descendant du plateau brésilien jusqu'à la mer, et
coupée de chaînes en partie volcaniques, en partie graniti-
ques, étroites, rocheuses, élevées à peine de 5 à 600 mètres,
et dites Cuchillas, c'est-à-dire « couperets » à cause de leur
crête aiguë. Le sol est peu boisé, généralement fertile, mais
encore peu cultivé, sinon aux environs de Montévidéo et
dans le riche canton, dit « Impasse des Poules », qui est
situé entre l'Uruguay et son affluent le rio Negro. Le pê-
cher et l'oranger y réussissent bien, mais les habitants
ne donnent pour ainsi dire leurs soins qu'au seul pâtu-
rage.
2° La partie centrale, située entre l'Uruguay et le Parana
d'un côté, le Paraguay de l'autre, formée de terrain tertiaire
et désignée quelquefois, et à juste titre, sous le nom de
Mésopotamie, comprend le Paraguay, le territoire des Mis-
sions, les provinces d'Entre-Rios et de Corrientes. Toute
la portion méridionale et le voisinage des cours d'eau pré-
sentent une suite de plaines basses, couvertes de vastes
lagunes marécageuses, dites « esteros », et de grandes
plaines herbeuses : c'est une des régions propres au pâtu-
rage ; elle nourrit de très-nombreux troupeaux de boeufs
et de chevaux. Le sol est particulièrement fertile sur les
pentes du territoire des Missions. Dans la portion septen-
trionale, une chaîne de collines volcaniques, détachée du
plateau du Brésil, parcourt du nord au sud le Paraguay ;
cette partie est couverte de fôrets, dites « Yerbales », où
pousse l'arbre à MATÉ (Voir la fig. n°101).
Cet arbre, principale richesse de la contrée, se trouve
entre le 10° et le 28° degré, et abonde sur les pentes sud-
est de la Sierra de Maracayu, et sur les terrains un peu
élevés des deux rives du Parana et dans la chaîne des Mis-
sions. Il a à peu près l'aspect du laurier franc et la feuille
dentelée comme celle du houx. Au mois d'octobre, des
caravanes armées partent pour se rendre dans les forêts à
maté, abattent les branches, les font griller légèrement,
puis pilent les feuilles dans des mortiers et obtiennent une
poudre d'un vert clair : c'est le maté, ou herbe du Paraguay.
Pour préparer le breuvage, on met dans une calebasse
quelques pincées de cette poudre, arec ou sans addition
de sucre ; on y jette de l'eau presque bouillante, et on as-

pire ensuite le liquide à l'aide d'un chalumeau : c'est une


boisson comparable au thé, aromatique et tonique, mais
amère et irritante. La récolte au Paraguay est de 2 à 21/2
millions de kilogrammes, valant plus de 4 millions de
francs.
La région centrale n'est pourtant pas, non plus que la
précédente, entièrement dépourvue de cultures alimen-
taires et industrielles. Le manioc y est l'aliment ordinaire
de la population ; le mais occupe près de la moitié des
champs cultivés ; le tabac estimé de Villarica, etc., est un
des principaux objets d'échange ; le coton, la pastèque,
la canne à sucre, l'oranger et, dans le sud, le froment
réussissent. La province de Corrientes renferme dans ses
forêts de beaux bois de construction.
3° La partie méridionale, située entre le Paraguay, le
Parana et l'Atlantique d'une part, le pied des Andes d'au-
tre part, est la grande région des Pampas, immense plaine
de terrain quaternaire, uniformément unie sur une sur-
face de plus d'un million de kilomètres carrés. Les sierras
de Cordova et de San-Luis, composées de granit et de
micaschiste, la coupent du nord au sud. Peu de ruisseaux,
sinon au nord, où le climat tropical verse ses pluies dilu-
viennes, et au sud du 35e degré, où les neiges tiennent da-
vantage dans les montagnes ; mais des marécages dus à
l'horizontalité même du sol, des cours d'eau se perdant
dans les sables ou dans les lagunes : voilà le régime des
eaux. Dans les pampas proprement dits, au sud de la lati-
tude de Santa-Fé, pas un arbre, mais un océan de grandes
herbes verdoyantes au printemps, brûlées l'été. C'est par
excellence la région des PATURAGES ; d'innombrables trou-
peaux de CHEVAUX et surtout de BOEUFS y vivent à demi-
sauvages. Entre la Sierra de Cordova et les Andes, des
bouquets de bois rabougris apparaissent çà et là au milieu
de plaines salines et sablonneuses.
4° Dans la partie septentrionale, au contraire, dite Gran-
Chaco, règne une plaine partout basse, très-marécageuse,
couverte de la splendide végétation forestière des tropi-
ques, bananiers, palmiers, etc., mais habitée seulement
par des tribus sauvages.
5° Dans la région occidentale et surtout à l'extrême ouest,
le terrain s'élève peu à peu en terrasses jusqu'aux sommets
des Andes : c'est la région andine, propre à la pâture dans
les terrains anciens, à l'agriculture, plus bas dans le ter-
rain quaternaire, et produisant la majeure partie des cé-
réales récoltées sur le territoire de la république Argentine.
On y trouve certains terrains qui, lorsqu'ils sont irri-
gués, ont une rare fécondité, par exemple, dans le dépar-
tement de Caucete, à l'est de Rioja. Le tabac de Catamarca

et de Tucuman y vient bien, ainsi que la vigne qui produit


les vins de la Rioja et de Catamarca et la plupart des arbres
fruitiers de l'Europe. Cette région, principalement dans
les provinces du nord, a beaucoup de bois ; mais l'exploi-
tation, faute de communications, en est très-restreinte.
239. Les animaux. — La chasse et la pêche fournissent
d'abondantes ressources : dans les forêts, le guanaco ou
vigogne (fig. 102) ; dans les plaines, le chinchilla, l'agouti,
le ñandou ou autruche d'Amérique, une perdrix d'une
espèce particulière ; dans les fleuves, surtout dans le Pa¬
rana, le Vermejo et l'Uruguay, la dorade, le surubi, le
pacu ; sur les bords de l'Océan, le phoque.
Le BÉTAIL constitue la principale richesse de la républi-
que Argentine. Chevaux, boeufs, moutons, chèvres ont été,
de 1536 à 1553, importés du Pérou, du Brésil ou directe-
ment de l'Espagne. Les races sont toutes d'origine euro-
péenne ; mais elles se sont acclimatées et multipliées dans
les pampas, où elles sont presque retournées à l'état sau-
vage. Aujourd'hui les vastes « estancias » ou fermes du
pays, mesurant jusqu'à 100,000 hectares et peuplées de
« Gauchos » à demi sauvages eux-mêmes, deviennent ra-
res, par suite d'un morcellement plus grand de la pro-
priété ; beaucoup d'éleveurs se contentent d'un domaine
d'une lieue carrée (2,700 hectares), et le bétail est mieux
soigné.
On estime à 4 millions le nombre des CHEVAUX, en géné-
ral maigres et rapides ; celui des BOEUFS et vaches à plus
de 13 millions ; celui des MOUTONS à 60 MILLIONS : c'est une
PROPORTION DE 10 TÊTES DE GROS BÉTAIL ET DE 40 TÊTES DE
PETIT BÉTAIL PAR HABITANT, proportion dont n'approche
aucune contrée, pas même l'Australie, qui compte 20 mou-
tons par habitant. On sait que la France possède moins
d'un mouton par habitant. Pour avoir la proportion exacte,
il conviendrait d'ajouter les chèvres, qui sont assez nom-
breuses dans la région centrale (San-Luis, Cordova, San-
tiago del Estero), et les porcs que l'on élève partout, sur-
tout dans les lieux où l'on abat des boeufs et des chevaux.
Les BOEUFS se trouvent surtout dans les pampas qui avoi-
sinent les fleuves ; la province d'Entre-Rios qui n'a guère
que 134,000 habitants, compte environ 2 millions de
boeufs ; celles de Corrientes, de Santa-Fé, de Buenos-Ayres
sont presque aussi richement partagées. L'Uruguay a plus
de 5 millions de bêtes à cornes. Ces animaux se vendent
à bas prix : 50 ou 60 francs une vache laitière, 100 francs
un boeuf de labour, 50 à 60 francs un boeuf pour l'abat-
tage. C'est à l'abattage, dans de vastes usines dites « Sala¬
deros » que la plupart d'entre eux sont destinés ; on y
sale et on y sèche les peaux et cuirs, les cornes et les sa-
bots que l'on expédie ensuite par caravanes de char-
rettes vers les ports ; on sale et on sèche, sous le nom de
« charqui », une partie de la viande découpée en lanières,
et l'on fait des conserves de diverses espèces (extractum.
carnis, etc.). La plus grande partie de la viande est fondue
en vue d'extraire la graisse, ou réduite en guano artificiel,
ou quelquefois brûlée comme combustible. On en fait
autant d'un grand nombre de juments dont on ne tire parti
que par l'abattage, les gauchos dédaignant de se servir des
juments pour la selle.
Les MOUTONS sont élevés surtout pour la laine. Les pre-
miers ont été importés du Pérou au milieu du XVIe siècle
et tirent sans doute leur origine des mérinos d'Espagne.
Ils ont prospéré d'abord dans les parties hautes, c'est-
à-dire dans la région andine. Dans les pampas, où ils
s'étaient multipliés à l'état à peu près sauvage, on les dé-
daignait parce que tout le soin des éleveurs était absorbé
par l'élevage des boeufs ; mais, depuis l'année 1824, on a
apporté à cette partie de l'économie agricole une attention
plus sérieuse, et on a introduit les mérinos d'Allemagne
et de France. L'Uruguay compte plus de 2 millions et
demi de moutons, et fournit des laines assez fines ; les
provinces de Buenos-Ayres, de Corrientes, de Santa-Fé en
donnent de plus fines encore. Il y a aussi beaucoup de
moutons dans les montagnes de Cordova et dans la plaine
salée de Santiago del Estero. La région andine en possède
aussi ; mais la difficulté des débouchés y limite cette in-
dustrie.
240. Les mines. — Comme la plupart des contrées de l'A-
mérique, le bassin de la Plata est riche en minéraux et en
métaux. L'Uruguay possède de belles agates, des marbres,
des mines et des lavages d'or dans les parties hautes, sur
les frontières du Brésil et dans les cours d'eau qui descen-
dent de la Cuchilla Grande. Le Paraguay, moins bien doté,
possède néanmoins l'argile dont il fait ses briques, du
grès, du cuivre et du fer.
La république Argentine est la mieux partagée ; dans
ses provinces andines, elle exploitait l'or des mines de Gua-
tilan, de Guachi, de Jachal (province de San-Juan ),
de Famatina (province de Rioja), des provinces de Men-
doza et de Catamarca, etc. ; l'argent des mines de Tontal,
de la Huerta, de Rodco (prov. de San-Juan), de celles de Fa-
matina qui sont situées à une altitude de plus de 4,000 mè-
tres, de la province de Cordova, etc. ; le cuivre des mines
de las Capillitas (prov. de Catamarca), de Valenciana, de
Salamanca (province de San-Juan), etc. Outre ces trois
métaux, on trouve du plomb, du fer, du kaolin, du pé-
trole, de la houille (à las Marajes, province de San-Juan).
L'activité de ces exploitations est très-médiocre à cause
du manque de bras et de débouchés faciles.
241. L'industrie. — L'industrie manufacturière est à peu
près nulle, même dans les villes : des meuneries, des distil-
leries d'eau-de-vie dans quelques provinces, des sucreries
dans le nord, des fabriques de cigares dans la province de
Corrientes, des fabriques de bougies à Buenos-Ayres, dos
tanneries partout où il y a des saladeros. On fait, dans les
campagnes et surtout chez les Indiens du sud, quelques
tissus fins, tels que caleçons brodés et punchos en laine
de vigogne.
242. Les voies de communication. — Les voies de com-
munication par terre, malgré le peu de relief du sol,
sont presque nulles. Les longues files de grosses charrettes,
traînées par des boeufs, se tracent elles-mêmes leur chemin
à travers les pampas et trouvent quelques bacs établis sur
les rivières. Cependant un service de poste relie presque
toutes les capitales de province. La route la plus fréquen-
tée est celle qui, du port de Rosario, gagne San-Luis,
Mendoza et, de là, comme simple chemin de mulets, le
Chili par la passe de la Cumbre. On commence à construire
des chemins de fer, faciles à établir dans un pays tout plat.
De Buenos-Ayres, plusieurs lignes vont à Chascomus, à
Chivilcoy et à Zarate ; une va de Rosario à Frayle-Muerto
et à Cordova ; Montévidéo est relié à Santa-Lucia ; Asuncion
à Villa-Rica ; on compte en tout environ 1,150 kilomè-
tres de voies ferrées.
243. La navigation et les ports. — La marine marchande
des États du rio de la Plata peut être évaluée à plus de
100,000 tonneaux : elle fait surtout le cabotage de la côte
du Brésil et le commerce des rivières, rio de la Plata,
Uruguay, Parana et Paraguay, reliant les États entre eux et
suppléant aux routes de terre. Le MOUVEMENT TOTAL D'EN-
TRÉE ET DE SORTIE de ses ports est d'environ 3 MILLIONS 1/2
DE TONNEAUX. L'Angleterre est au premier rang ; la France
au secondrang ; l'Allemagne, les États-Unis, l'Italie et l'Es-
pagne viennent au troisième.
Voici les ports principaux :
Del Carmen, à l'embouchure du rio Negro, et Bahia
Blanca, avec la ville de Belgrano au fond de la baie.
BUENOS-AYRES, situé sur la rive droite du rio de la Plata,
à 230 kilomètres de la mer, port d'une approche difficile
à cause des bancs de sable. Autrefois les navires s'arrê-
taient eu rade à une douzaine de kilomètres de la ville ;
les marchandises étaient déposées sur des radeaux, et des
charrettes à grandes roues allaient dans l'eau les chercher
à plus d'un kilomètre du bord. Aujourd'hui des travaux
d'art et un môle de 600 mètres de longueur ont rendu com-
mode le débarquement. Le port de Buenos-Ayres a un
mouvement de plus de deux millions de tonneaux, et fait un
conmerce de plus de 300 millions de francs. Il exporte des
peaux, des laines, du suif, etc., que la France, l'Angleterre,
les États-Unis, le Brésil viennent acheter.
Saint-Nicolas, Rosario, Santa-Fé, Parana et Corrientes,
sur le Parana. Rosario, situé sur la rive droite du Pa-
rana, à 320 kilomètres de Buenos-Ayres, exporte des peaux
et cuirs, de la laine, du suif, du cuivre, et fait un commerce
de plus de 30 millions de francs. Corrientes, le port le plus
septentrional de la confédération Argentine, bâti non loin
du confluent du Paraguay et du Parana, est à 1,120 kilo-
mètres de Buenos-Ayres.
Gualeguaychu, sur l'Uruguay.
Asuncion (Assomption, d'après l'orthographe française),
bâtie sur la rive gauche du Paraguay, en grande partie
ruinée par la dernière guerre, fait avec Rosario et Buenos-
Ayres un commerce de cabotage fluvial d'environ 15 mil-
lions de francs, important des tissus, des fers et des vête-
ments, exportant du maté, du tabac et des cuirs.
MONTÉVIDÉO, capitale de l'Uruguay et débouché des pro-
duits du pays, bâti sur la rive gauche de la Plata, à 210 ki-
lomètres est-sud-est de Buenos-Ayres, fait un commerce
de plus de 103 millions et a un mouvement maritime de
plus d'un million et 1/2 de tonneaux ; on y importe,
comme dans tous les ports de la région, des tissus et
surtout des cotonnades, des vins et des spiritueux, du
café, du sucre et des épices, des vêtements et des mo-
des ; on en tire des cuirs, du suif, de la viande salée, de
la laine, etc. Le port, situé sur le côté sud de la langue
de terre sur laquelle est bâtie la ville, est étroit, peu pro-
fond (5 à 6 mètres), mais le fond est de vase et l'échouage
est sans danger ; le vent du sud-ouest, « le pampero, » est
plus redoutable ; néanmoins Montévidéo est le meilleur
port du rio de la Plata.
Maldonado, près de la pointe de la Ballena, le port le
plus oriental de l'Uruguay.
244. Le commerce extérieur. — Le COMMERCE EXTÉRIEUR
des États du rio de la Plata, imparfaitement connu, peut
être estimé à près d'un DEMI-MILLION DE FRANCS, dont plus
de 360 millions pour la république Argentine, 120 à 130
millions pour l'Uruguay, le reste pour le Paraguay. Il con-
siste en importation de tissus (50 millions), et principa-
lement de tissus de laine, de coton et de soie, provenant
d'Angleterre et de France, de sucre provenant du Brésil,
de maté importé d'un État du rio de la Plata dans un
autre, du riz des États-Unis, de vins et de spiritueux de
France, du Brésil et des Antilles, d'articles de mode, de
parfumeries de France : en exportation de LAINES (plus
de 60 millions), de peaux (plus de 50 millions), de suif, de
cuirs, de viande salée, de plumes d'autruche.
Au premier rang figurent la France et l'Angleterre ; au
second rang, la Belgique, les États-Unis, le Brésil, etc.
245. Les villes principales. — Une seule ville a une
population de plus de 400,000 habitants :
BUENOS-AYRES (177,000 habitants), capitale de la confé-
dération Argentine dont elle s'était séparée pendant plu-
sieurs années ; la ville est construite sur un terrain plat,
médiocrement élevé au-dessus du niveau du fleuve ; ses
rues sont larges et coupées à angle droit par des mes
transversales ; c'est à la salubrité du climat qu'elle doit
son nom.
Cinq autres villes ont une population de 20,000 âmes et
au-dessus. Ce sont :
Dans la république Argentine, Rosario (20,000 hab.),
port sur la rive gauche du Parana ; Cordova (28,000 hab.),
ville de la région andine, reliée à Rosario et au Parana par
un chemin de fer travers les pampas.
Dans le Paraguay, Asuncion (25.000 hab.), capitale de
l'État, bâtie en 1636 sur la rive gauche du Paraguay ; Villa-
Rica (environ 24,000 hab.), ville de l'intérieur.
Dans l'Uruguay, Montevidéo (45,000 hab.), capitale, port
sur la Plata et ville forte, construite en amphithéâtre.
246. La population et le gouvernement. — Les trois
États du rio de la Plata comptent environ 3 millions d'ha-
bitants sur une superficie de près de 2 millions de kilo-
mètres carrés ; c'est à peu près 1 habitant 1/2 par kilomètre
carré. Plus du quart de la population est fixé dans les vil-
les, et la partie nord-ouest se compose en partie de déserts.
Les bras sont ce qui manque le plus à cette contrée, qui
renferme des cantons d'une grande fertilité naturelle.
Aussi les gouvernements encouragent-ils de toute leur in¬
fluence l'émigration européenne. En 1870-1871, les ports
de Montévidéo et de Buenos-Ayres ont reçu plus de 78,000
émigrants, italiens, français et espagnols (surtout des pays
basques), allemands, etc. La population du Paraguay est en
majeure partie composée d'Indiens, descendants de Gua-
ranis convertis par tes pères Jésuites. Les Indiens sont
au contraire en très-petite minorité dans la république
Argentine ; et il n'y en a plus dans l'Uruguay. Mais de
profondes divisions existent entre les habitants des cam-
pagnes, appelés Gauchos dans la république Argentine.
Colorados dans l'Uruguay, et les habitants des villes, appe-
lés Unitaires dans la république Argentine, et Blanquillos
dans l'Uruguay.

BRÉSIL.

(Voir la carte n° 32.)

247. Les régions naturelles. — Le vaste empire du Bré-


sil, encore peu exploré et très-peu cultivé dans l'intérieur,
peut se diviser en trois régions :
1° La région de l'Amazone, qui comprend les deux pro-
vinces d'Amazonas, et de Para, c'est-à-dire une étendue
de terrain cinq à six fois grande comme la France, est
une plaine boisée : c'est la région des selvas. Le climat y est
chaud, comme dans toute la zone tropicale, et plus humide
que dans la plupart des autres contrées de cette zone.
Dans la saison pluvieuse, d'octobre à mars, des pluies in-
cessantes, accompagnées d'ouragans, entretiennent des
brouillards malsains et font déborder des milliers de cours
d'eau tributaires de l'Amazone. La végétation, grâce à
l'humidité et à la chaleur sur un sol tout d'alluvion, est
partout luxuriante. Mais l'homme n'a pas encore tiré parti
de ces qualités naturelles du sol, excepté sur un très-petit
nombre de points, où l'on trouve des cultures de manioc,
de riz, de bananes, de tabac, d'indigo, etc. Ce sont les
produits de cette région ; là abondent les arbres précieux,
palissandre, acajou, bois de brésil et bois de rose, caout-
chouc, carnauba, cacaoyer, guarana ; autour des arbres s'en-
lacent des plantes grimpantes non moins précieuses, telles
que le vanillier et le poivrier.
2° La région côtière où sont groupées, avec la population,
presque toutes les cultures. Ce sont tantôt des plaines
uniformes, comme dans la partie septentrionale, c'est-à-
dire les provinces de Maranhao, de Piauhy, de Ceara ;
tantôt des terrasses ou des vallées s'ouvrant sur la mer et
des plaines entrecoupées et dominées par des montagnes,
comme sur la plupart des côtes. Là on récolte en grande
quantité le café et le coton, surtout dans les provinces de
Pernambuco, le sucre, surtout dans les provinces voisines
de Rio-de-Janeiro, le tabac. On s'y occupe médiocrement
de la culture des végétaux alimentaires, quoiqu'on y ré-
colte beaucoup de haricots. On y trouve aussi de vastes
forêts renfermant les mêmes essences que dans la région
de l'Amazone. Au sud de Rio-de-Janeiro, dans la zone
tempérée australe, les cultures se modifient quelque peu :
à côté des denrées coloniales auxquelles le climat est
moins favorable, on trouve le froment, surtout dans les
fermes des colonies allemandes du Rio-Grande-do-Sul : on
trouve également le maté dans les provinces arrosées par
l'Uruguay et le Parana.
3° La région du plateau, qui comprend principalement
les provinces de Minas-Geraes, de Goyaz et de Matto-Grosso,
est, comme celle de l'Amazone, très-peu cultivée et mal
connue. C'est une succession de montagnes nues et sté-
riles, de vallées et de collines boisées, de plateaux et de
plaines, où les pâturages alternent avec les forêts de pa-
lissandre, d'araucarias, d'ipéuacuanhas, etc.
248. Les végétaux alimentaires. — Le manioc, le maïs
et le riz constituent le fonds principal de l'alimentation au
Brésil.
Le MANIOC est une plante herbacée qui ressemble par la
disposition de son feuillage au yucca, et dont la racine,
râpée à sec, ou détrempée dans l'eau et pétrie ensuite,
donne la farine de manioc. Le suc extrait de la racine dé-
pose une fécule qui est l'amidon de manioc, et qui, broyée
et cuite au four, se nomme tapioca ; on prépare aussi
avec le manioc diverses autres pâtes, entre autres le ca-
rima. Les provinces de Géara, de Para, d'Amazonas, de
Santa-Catharina sont celles qui produisent le plus.
Le mais, maïs commun dans les terres basses, maïs du
Pérou aux feuilles plus larges que le précédent dans les
terres sèches et hautes, vient facilement dans les mêmes
provinces, dans le Maranhäo, etc. Sous le nom de can-
gica, on prépare avec le maïs une bouillie assez estimée
dans le pays.
Le riz vient principalement dans la province de Para, sur
les bords du rio Acara, dans l'île de Marajo, etc.
A ces aliments s'ajoutent le froment, cultivé surtout
dans la province de Rio-Grande-do-Sul ; la patate et la
pomme de terre ; l'igname ; le haricot, surtout le haricot
noir, qui est le mets national au Brésil. Le pays pourrait
produire ces végétaux en beaucoup plus grande quantité
qu'aujourd'hui.
Les arbres fournissent une certaine variété de substances
alimentaires : des pins dont l'amande est comestible ;
l'acajou, dont le fruit est rôti ou employé comme condi-
ment ; le châtaignier du Para, qui donne aussi des fruits
bons à manger et propres à faire de l'huile ; divers pal-
miers, tucuman, carnauba, cocotier, pupunha, assahi et
miriti donnant un vin estimé, etc. ; le bananier, etc. Les
tribus indiennes qui occupent encore la plus grande par-
tie du territoire brésilien et qui vivent misérablement
dans les forêts, se nourissent surtout de ces végétaux, qui
poussent à l'état sauvage.
Dans les provinces du sud (Parana, Rio-Grande-do-Sul,
Santa-Catharina), on consomme en très-grande quantité,
en guise de thé, le maté ou thé de Paraguay.
Dans les plantations, on cultive trois végétaux qui ont
une grande importance commerciale.
Le CAFÉIER, que l'on peut planter avec succès sur pres-
que toute la surface du Brésil, est aujourd'hui la culture
principale des provinces de Sâo-Paulo, de Minas-Geraes et
de Rio-de-Janeiro. Le caféier est un bel abrisseau, de 3 à 4
mètres de hauteur, toujours vert,
dont on espace en général les
pieds en semant une céréale dans
les intervalles ; le fruit, assez sem-
blable à une cerise, renferme un
noyau qui, divisé en deux, forme
deux grains de café (Voir la figure 103).
La récolte a lieu deux fois par an ;
elle peut être faite par des femmes
et des enfants (Voir la figura 104) ; on
porte les fruits sur des dalles de
pierre ou sur des lits de feuilles à
l'abri de l'humidité et du contact
de la terre, pour les laisser sécher,
ou dans des moulins pour séparer
immédiatement le noyau de la
pulpe. Quand le grain est sec, on
le nettoie par la ventilation ; on le
lisse, puis on l'emballe : il est prêt
pour la vente. On peut estimer la
production totale du Brésil à 180
millions de kilogrammes, dont un
cinquième environ est consommé dans le pays : le Brésil
est la contrée du monde qui produit le plus de café, bien
que ce ne soit pas celle dont les qualités soient les plus
estimées.
La CANNE A SUCRE pousse spontanément dans le nord et
est cultivée avec succès dans toutes les provinces de
l'empire. Le Brésil est une des contrées qui fournissent au
commerce le plus de sucre (env. 1 million 1/2 de kilogr.),
et les provinces dit nord-est (Rio Grande-del-Norte, Rio-
de-Janeiro, Parahyba, Pernambuco, Bahia, etc.) sont celles
qui en produisent le plus. Une petite partie de ce sucre
est raffinée, et en général consommée dans le pays ; la
plus grande partie est exportée sous forme de moscouade »,
«

c'est-à-dire de sucre brut. La fabrication de tafia est, au


Brésil comme partout, une conséquence du la culture de
la canne.
Le CACAOYER, qui croit à l'état sauvage dans les provin-

ces d'Amazonas, de Para et de Maranhâo, est cultivé dans


les provinces de Maranhâo, de Para et dans celles de
Bahia, etc. ; mais, comme la récolte et la préparation ne se
font pas avec un soin suffisant, le cacao du Brésil est
moins estimé que celui du Mexique.
Le vanillier croît spontanément dans les sombres forêts
de l'Amazone, où il s'enlace autour des arbres ; au Brésil,
les gousses sont généralement longues (25 centimètres en
moyenne) et sont désignées dans le commerce sous le
nom de vanillons.
Le poivre et le piment abondent sur les bords de l'Ama-
zone ; le thé, thé noir et thé vert, vient bien sur les plateaux
de Sào-Paulo et de Rio-de-Janeiro.
249. Les autres végétaux. — Les immenses forêts de la
région de l'Amazone renferment un nombre considérable
de bois, dont l'industrie ne fait jusqu'ici qu'un médiocre
emploi et qui pourraient être utilisés pour un grand nom-
bre d'usages divers.
Les BOIS D'ÉBÉNISTERIE et les bois de construction sont
très-abondants : l'ipé, l'acaricuara, l'itauba qui atteint
jusqu'à 24 mètres de hauteur ; divers lauriers, le sucu-
pira, bois très-résistant et très-durable dont la tige dé-
passe quelquefois 20 mètres ; le massaranduba, qui atteint
une plus grande dimension encore et dont le suc, fré-
quemment employé en guise de lait, devient, lorsqu'il est
séché, une sorte de gutta-percha blanche ; l'acajou, le
palissandre (jacaranda) dont la hauteur varie de 5 à 11 mè-
tres et qu'on emploie beaucoup pour la menuiserie ; le ci-
tronnier, le cèdre, le manglier, le bois de fer, le bois
saint, renommé pour sa solidité ; le péroba, le bois de
rose, le bois violet, etc.
Les fibres textiles dont les lianes et les arbustes des forêts
de l'Amazonas et du Para donnent de très-nombreuses
variétés propres à faire des liens, des cordages, des naltes,
des filets, des étoffes et même des dentelles, par exemple
la fibre de l'uaissima ; celle du piassaba qu'on emploie
beaucoup pour faire des balais ; celle du tucum qui tour-
nit des cordages supérieurs, dit-on, aux cordages de lin
et de chanvre.
Une des plantes les plus curieuses en ce genre est le
palmier CARNAUBA, qui se plaît dans les terrains bas et
secs et qui abonde dans la province de Céara. Il a des
propriétés très-diverses. Séchées et découpées en lanières,
ses feuilles servent à fabriquer des éventails, des nattes,
des balais, des chapeaux, des corbeilles ; et leurs nervures
sont employées à faire des cercles et des filets. La racine
a quelques-unes des qualités de la salsepareille. La tige,
qui atteint 15 mètres, est un bon bois de construction
d'un jaune rougeâtre, léger et solide, facile à polir ; et,
comme les fibres intérieures se détachent aisément, elle
fournit d'excellents tuyaux. Ces fibres intérieures peuvent
être elles-mêmes employées en guise de liège. Les feuil-
les donnent une potasse estimée, et une cire jaune qu'on
obtient en fondant la poussière blanche qui se forme sur
les feuilles fanées ; on en fait un grand usage pour l'éclai-
rage, et on exporte environ la moitié d'une production
estimée à 3 millions de kilogrammes valant 5 millions de
francs. Le chou-palmiste, qui est lui-même un aliment
délicat, donne du vin, du vinaigre et une gomme ressem-
blant au sagou. Le fruit qui, à maturité, est comestible
lorsqu'il est torréfié et broyé, peut remplacer le café, et
fournit une espèce de farine et un liquide analogue au
lait de coco. Le carnauba est regardé, ainsi que le pal-
mier-dattier dans le désert, comme la providence des
indigènes, surtout dans les provinces du nord-est.
Les bois de teinture sont également abondants : le bois
de brésil, le recou ou graine de luruca, qui donne une
couleur rouge, le bois de campêche, etc.
Parmi les bois à résine, il faut citer en premier lieu di-
vers arbres, la plupart de la famille des syringas (siphonia
elastica, etc.) qui donnent le CAOUTCHOUC. On l'obtient en
faisant au tronc une longue incision du haut en bas et plu-
sieurs incisions transversales. Le suc qui s'échappe promp-
tement, est recueilli dans des bassins faits de feuilles et
d'argile ; il s'épaissit en peu de temps : aujourd'hui on
conserve généralement le caoutchouc liquide à l'aide de
l'ammoniaque. Le Brésil est la contrée qui fournit au
commerce la plus grande quantité de caoutchouc, soit en-
viron 3 millions 1/2 de kilogrammes, et le caoutchouc de
meilleure qualité ; les provinces de Para et d'Amazonas
sont au premier rang. En second lieu, le benjoin, résine
extraite du styrax benjoin et exploitée surtout dans les
provinces de Parahyba et de Rio-Grande-del-Norte ; le co-
pahu, etc. Dans cette catégorie on peut ranger l'huile de
ricin, extraite de la graine du palma-Christi, dans les pro-
vinces de Para, de Rio-Grande-do-Sul, etc. ; diverses huiles
végétales, telles que l'huile de palme, extraite du palmier
dendé, soit de l'amande qui donne de l'huile blanche et
fine, soit de l'enveloppe fibreuse du noyau, d'où l'on extrait
une huile jaune et commune ; l'huile faite avec la châtai-
gne de l'andiroba est employée par les indigènes pour
l'éclairage; l'huile de batiputa pour la médecine et pour la
cuisine. A ces plantes médicinales il faut ajouter l'ipéca-
cnanha et la salsepareille.
La plupart de ces végétaux croissent à l'état sauvage ; les
indigènes ne prennent que la peine de les récolter ; on va
par bandes armées faire les coupes dans les forêts vierges.
Dans les cultures, les deux plantes non comestibles les
plus importantes sont le cotonnier et le tabac.
Le COTONNIER, pendant la guerre de sécession des États-
Unis, s'est rapidement multiplié, non-seulement dans les
provinces chaudes du climat intertropical, surtout dans
celle de Maranhâo, de Pernambuco, d'Alagoas, de Minas-
Geraes, mais jusque dans les provinces du sud, Sâo-Paulo,
Parana, Rio-Grande-do-Sul. On cultive le cotonnier her-
bacé et le cotonnier arbuste. On fait la récolte d'août à
décembre ; mais souvent le cotonnier herbacé donne deux
ou trois récoltes, et l'on voit à la fois sur la même tige
des fleurs et des capsules mûres ; le coton de Pernambuco
est en général à longue soie, de couleur un peu brune et
assez bien épluché ; celui de Minas-Geraes a le brin long
et jaunâtre ; les autres laissent presque tous beaucoup à
désirer sous le rapport de la beauté et de la propreté. La
baisse des prix qui a suivi le rétablissement de la paix en
Amérique a arrêté le progrès de cette culture au Brésil,
dont les cotons, généralement mal préparés et difficile¬
ment transportables à cause du manque de voies de com-
munication, subissent une crise.
Le tabac est cultivé dans toutes les provinces de l'em-
pire ; les qualités les plus appréciées sont celles de l'Iri-
tuia (province de Para), de Saint-Félix (province de
Bahia), etc.
250. Les animaux. — Au Brésil, il en est des animaux
comme des végétaux ; la nature donne spontanément plus
de richesses que n'en crée l'industrie des hommes. Elle
nourrit dans les forêts des singes, des perroquets, divers
oiseaux au brillant plumage qui forment l'objet d'un
certain commerce, beaucoup de gibier, lapins, chevreuils,
perdrix, pigeons, etc., des tortues que l'on recherche pour
leur écaille, leur chair et leur graisse ; dans la mer et dans
les eaux douces, des poissons qui sont la principale res-
source des tribus sauvages de l'intérieur ; le pirarucu qui
atteint plus de 2 mètres, le dourado, le lamantin et le
cachalot que l'on pêche beaucoup sur les côtes, le thon,
etc. ; on les mange frais, salés ou conservés à l'état de
pâte. Dans les forêts, on recueille la cire et le miel des
abeilles.
Le bétail consiste en un certain nombre de chevaux de
qualité médiocre, en mulets beaucoup plus estimés, en
boeufs à demi-sauvages qui donnent lieu à un certain com-
merce de cuirs, en moutons assez nombreux, mais ne
donnant généralement jusqu'à présent qu'une laine gros-
sière ; c'est surtout dans les vastes pâturages du sud, depuis
la province de Minas-Geracs jusqu'au Rio-Grande-do-Sul,
qu'on trouve le bétail.
251. La production minérale.
— Le Brésil est riche en
pierres précieuses et en métaux.
Les pierres précieuses sont le diamant dont le Brésil a
eu pour ainsi dire le monopole jusqu'à la découverte des
mines du Cap, et que l'on tire, dans la province de Minas-
Geraes, des alluvions des affluents du rio Belmonte et du
San-Francisco, près des roches primitives ; le diamant
noir de Bahia ; l'émeraude, la topaze, le saphir, le rubis,
l'aigue-marine, etc., qui se trouvent dans les mêmes ter-
rains ; le grenat qui se trouve dans presque toutes les
provinces ; les agates, les cornalines et le cristal de roche,
dans les provinces de Minas-Geraes, de Goyaz, de Sâo-
Paulo.
Parmi les métaux, l'or se trouve dans la plupart des
provinces, mais n'est guère exploité avec succès que dans
les filons de la province de Minas-Geraes, un peu dans ceux
du Maranhâo et dans les lavages du Matto-Grosso. Le fer
se trouve aussi dans un grand nombre de provinces, et
tout particulièrement dans celle de Minas-Geraes où il est
tantôt à l'état de fer oligiste ou de fer micacé, contenant
près de 70 p. 0/0 de métal pur, tantôt à l'état de fer ma-
gnétique, comme dans la montagne toute de fer de la
serra d'Itabira, dans la province de Sâo-Paulo, à Ipanéma.
L'argent et le plomb existent dans les provinces de Mi-
nas-Geraes, de Bahia, etc. ; le cuivre, dans les provinces de
Matto-Grosso, de Rio-Grande-do-Sul ; la houille, dans les
provinces de Rio-Grande-do-Sul, de Santa-Catharina, mais
leurs gisements sont encore imparfaitement explorés et
ne sont pas exploités.
Les salines donnent des produits importants, principa-
lement dans la province de Rio-Grande-del-Norte, à Maceio
et à Assu, et dans celle de Sergipe.
Le salpêtre est exploité dans les cavernes calcaires de
Minas-Geraes, etc.
Les eaux thermales et minérales abondent, et quelques-
unes commencent à être fréquentées : les eaux thermales
de Caldas de Bettencourt dans la province de Santa-Catha-
rina, les eaux alcalines de la Serra de Caldas dans la pro-
vince de Goyaz, les eaux sulfureuses des environs de Cal-
das et les eaux gazeuses d'Aguas-Virtuosas dans la pro-
vince de Minas-Geraes, les eaux ferrugineuses nombreuses
dans divers cantons, en particulier dans la capitale et dans
ses environs.
252. La production manufacturière. — L'industrie est
encore très-médiocrement développée au Brésil, malgré
les progrès accomplis depuis trente ans et les privilèges
conférés par le gouvernement. En dehors des industries
purement agricoles, comme la fabrication du tapioca, du
sucre, et des industries métallurgiques, comme la fonde-
rie d'Ipanéma, le Brésil n'a que quelques filatures et tissa-
ges de coton, à Todos-os-Santos, etc., dans la province
de Bahia, à Santo-Aleixo dans la province de Rio-de-Ju-
neiro, etc., quelques fabriques de couvertures de laine et
de manteaux dits « punchos », des manufactures de ta-
bac, certaines fabrications locales, comme les calebasses
peintes, à Monte-Alegro dans le Para, et les petits métiers
qui sont exercés dans toutes les villes.
253. Les routes intérieures.— Les provinces du nord ont,
par le fleuve des Amazones et par ses affluents un magni-
fique réseau de navigation fluviale qui comprend plus de
40,000 kilom. Quelques services de paquebots subvention-
nés par l'État y sont installés et desservent une longueur
de près de 5,500 kil. ; mais le défaut de civilisation des
contrées arrosées par ce beau cours d'eau réduit à peu de
chose l'importance commerciale de cette voie.
Les routes sont rares : on n'en compte pas 1,000 kilomè-
tres dans tout l'Empire. On a commencé à construire quel-
ques chemins de fer qui, sur un développement d'environ
1,000 kilomètres, partent des principaux ports pour gagner
l'intérieur du pays : le chemin de Don Pedro II qui, de
Rio-de-Janeiro, va jusqu'au Parahyba et doit gagner la
province de Minas-Geraes ; ceux de Pernambuco, de Ba-
hia, de Santos et de Sâo-Paulo, etc.
254. La navigation maritime.
— Le MOUVEMENT TOTAL DE
LA NAVIGATION (entrée et sortie) dans les ports de l'empire
brésilien est de plus de 5,200,000 TONNES, dont plus de
2,000,000 pour le cabotage des bâtiments brésiliens ; dans
le commerce de concurrence, la marine brésilienne ne fi-
gure que pour un centième.
Des services réguliers de paquebots existent, par com-
pagnie anglaise, entre Rio-de-Janeiro et Southampton avec
relâche à Bahia, à Pernambuco et au Portugal et entre
Rio-de-Janeiro et Liverpool ; par compagnie française entre
Rio-de-Janeiro et Bordeaux, avec relâche à Bahia, à Pernam-
buco, au Sénégal et au Portugal. Le Havre et Marseille
communiquent aussi régulièrement, par navires à voiles,
avec Rio-de-Janeiro.
Les principaux ports sont :
Sâo-Pedro do Rio Grande do Sul, Port-Alegre, Paranagua,
qui font un cabotage assez actif, échangeant les productions
des pâturages du sud contre les marchandises venues à Rio-
de-Janeiro.
Santos, port de Sâo-Paulo, exporte du sucre et du
café.
RIO-DE-JANEIRO, bâti à l'entrée occidentale de la baie de
Rio-de-Janeiro, une des plus belles et des meilleures rades
du monde : son commerce, plus considérable que celui
des autres villes de l'empire, porte à l'exportation sur
tous les produits de l'agriculture et des mines indigènes ;
à l'importation sur les tissus, les vins, les articles d'a-
meublement et de vêtement de l'Europe.
Victoria dans la province d'Espirilu-Santo.
Bahia, dans une belle position maritime, à l'entrée
de la baie de Tous-les-Saints, et muni d'un arsenal,
exporte du sucre, du tabac, du café, du tapioca, du ca-
cao ; et importe des cotonnades d'Angleterre, des farines
des États-Unis, des vins de Portugal ; le tout pour une
valeur de 80 à 100 millions.
Penedo, Alagoas et Maceio, dans la province d'Alagoas.
Pernambuco, dont le port, nommé Récife, est abrité en
effet par une digue naturelle de récifs, fait un commerce
qui, année moyenne, dépasse 100 millions de francs et qui
consiste surtout en sucre, beaucoup aussi en café, en tafia,
en cacao.
Parahyba, à 25 kilomètres de l'embouchure du fleuve du
même nom, exporte le sucre, le café, le coton de la pro-
vince.
Natal, au sud du cap San-Roque.
Paranahyba, à l'embouchure du fleuve du même nom.
San-Luis de Maranhâo.
Para ou Belem, bâti sur la rive droite du fleuve Para,
à 120 kil. de la mer, est le débouché du bassin des Ama-
zones ; ce port exporte surtout des bois et du caoutchouc.
255. Le commerce. — La valeur totale du COMMERCE EXTÉ-
RIEUR est d'environ 1,100 MILLIONS DE FRANCS. Dans l'expor-
tation (600 millions), le CAFÉ figure au premier rang pour
une somme de 180 millions ; le COTON et le SUCRE au second
rang pour plus de 150 millions ; les cuirs et peaux (15 mil-
lions), le tabac, le caoutchouc, les diamants (7 millions) ;
viennent ensuite, au dernier rang, le cacao, le maté, etc.
L'importation consiste principalement en TISSUS, coton-
nades d'Angleterre et des États-Unis, soieries et modes de
France, en quincaillerie, en vins, etc.
Dans ce commerce, la première place est à l'ANGLETERRE
qui fait environ 500 millions d'affaires avec le Brésil et
dont l'importation est supérieure à l'exportation ; la se-
conde est aux États-Unis qui font aujourd'hui presque
autant d'affaires que l'Angleterre, mais qui exportent beau-
coup plus qu'ils n'importent; la troisième place est à la
France qui fait environ 200 millions d'affaires, achetant du
café, des peaux, du coton, du sucre, du cacao, des bois,
du caoutchouc, et vendant des vêtements, de la lingerie,
des tissus, soieries, lainages et cotonnades, des vins, des
ouvrages en cuir, de la mercerie.
Bien loin derrière elle, viennent les États de la Plata, le
Portugal, l'Allemagne, etc.
256. La population et les villes principales. — La popu-
lation est très-clairsemée sur le vaste territoire du Brésil :
moins d'un habitant et demi par kilomètre carré. C'est surtout
dans les forêts de l'intérieur qu'elle est rare ; dans les pro-
vinces d'Amazonas, et de Matto-Grosso, on ne trouve guère
qu'un ou deux habitants par 15 kilomètres carrés, et la
majorité de ces habitants se compose d'Indiens errants

que n'a pas même effleurés la civilisation européenne. Les


cultures et la population sédentaire sont principalement
dans le voisinage des côtes ; la province de Pernambuco
compte 8 habitants au kilomètre carré. Sur les 11 mil-
lions d'habitants de l'Empire, il y a près d'un million et
demi d'esclaves libérés par la loi de 1871, et environ
500,000 Indiens nomades.
Trois villes du Brésil ont une population de 100,000 âmes
ou au-dessus (Voir les cartons de la carte n° 32).
PERNAMBUCO (100,000 habitants), ville forte qui comprend,
outre le port de Recife, la partie dite Olinde, divisée elle-
même en deux quartiers, San-Antonio dans une île et Boa-
Vista sur la terre ferme.
Bahia (152,000 habitants) ou San-Salvador, ville d'un
bel aspect, sur la baie de Tous-les-Saints et siège d'un ar-
chevêché.
RIO-DE-JANEIRO (420,000 habitants), la ville la plus peuplée
de l'Amérique du Sud, bâtie dans une magnifique position
(Voir la figure 105), sur le bord d'une baie fermée, dominée à
l'horizon par une chaîne de montagnes, dite « Orgaos » (les
Orgues). Capitale de l'Empire, siège d'un évêché, cette
ville a de beaux quartiers, avec des maisons de granit,
quelques monuments remarquables et un grand nombre
d'institutions scientifiques ; la résidence royale est près de
là, à Pétropolis.
Quatre autres villes ont une population qui atteint ou
dépasse 20,000 habitants :
Sâo-Paulo (20,000 hab.), situé sous le tropique du Ca-
pricorne, dans un pays accidenté, à 400 mètres d'altitude
entre deux torrents ; Porto-Alegro (20,000 hab.), à l'extré-
mité septentrionale des lagunes dos Patos ; Sâo-Luis de
Maranhâo (35,000 hab.), sur la côte nord-ouest de l'île de
Maranhâo, à l'embouchure du fleuve du même nom ; Para
(25,000 hab.), ou Nossa-Senhora de Belem, sur la rive mé-
ridionale du rio Para, à 135 kilom. de la mer.
257. Le gouvernement, la langue et la religion. — Le
Brésil, ancienne colonie portugaise, est un État civilisé,
gouverné par un empereur constitutionnel, défenseur per¬
pétuel du Brésil ; les lois sont faites par une assemblée
générale, composée d'une Chambre des députés élus pour
quatre ans et d'une Chambre des sénateurs nommés à vie
par l'empereur sur une liste formée par voie d'élection.
Les habitants parlent le portugais.

GUYANE ET VENEZUELA.

(Voir la carte n° 26.)

258. Les régions naturelles. — Cette partie de l'Amérique


du Sud, qui s'étend de l'embouchure de l'Amazone à la
pointe Gallinas, peut se diviser en quatre régions :
1° La région côtière de la Guyane qui s'étend de l'Amazone
à l'Orénoque est basse, et même sur divers points, comme
entre les rivières Berbice et Corentin, plus basse que le
niveau des grandes marées de printemps. Elle est très-
humide : la moyenne de la pluie qui tombe par an à Geor-
ge-town est d'environ 3 mètres. Elle est réputée malsaine ;
mais elle a un sol d'alluvion d'une grande fertilité et nulle
part peut-être la nature n'étale une plus grande variété de
belles fleurs. Le rivage de la mer est en général bordé de
forêts de mangliers et de palétuviers, à demi noyées ; c'est
derrière ce rideau que sont les cultures de manioc, de
plantain, les plantations de bananiers et de cannes à
sucre.
2° Le plateau de Guyane est un massif de granit, de gneiss,
de grès, sillonné par le système des montagnes de la Parime.
Le climat est sain ; le sol, assez fertile, mais presque entiè-
rement inculte et inhabité, est couvert de magnifiques fo-
rêts tropicales, dans lesquelles abondent les arbres à caout-
chouc et d'excellents bois de construction, tels que le
greenheart.
est une immense plaine d'alluvion,
3° La région des llanos
sans arbres, nue, poudreuse, désolée pendant la saison
sèche, et à demi inondée pendant la saison des pluies.
Sous l'influence de l'humidité, les parties de cette plaine
que les eaus n'ont pas envahies se revêtent de hautes her-

bes, verdoyantes et touffues, qui nourrissent un grand


nombre de chevaux et de boeufs.
4° La région montagneuse du nord, qui s'étend du delta de
l'Orénoque au lac de Maracaïbo, a, comme toutes les régions
montagneuses de l'Amérique intertropicale, une zone de
terres chaudes dans les parties basses, une zone de terres
tempérées dans les parties d'élévation moyenne, et une zone
de terres froides sur les hauts plateaux et sur les sommets
dont plusieurs égalent à peu près le mont Blanc. C'est la
région la plus fertile, la mieux cultivée et la plus peuplée
du Venezuela ; la chaleur y est très-forte. Les palmiers
poussent encore à 1,100 mètres d'altitude ; plus haut, domi-
nent les cactus, les arbres à caoutchouc, la salsepareille,
les quinquinas. Dans les vallées et sur les plateaux de
moyenne élévation on cultive les plantes tropicales, le
café, le cacao, l'indigo, la canne à sucre, le tabac, le coton.
259. Les végétaux et les animaux. — La céréale la plus
cultivée est le mais : mais les habitants n'en récoltent pas
assez pour leur nourriture ; l'igname, le manioc, avec le-
quel on fabrique la cassave, le plantain contribuent pour
une forte part à l'alimentation.
Parmi les autres productions importantes de l'agricul-
ture,
Le CAFÉ, dans le Venezuela, produit environ 200,000
quintaux et la production s'accroît d'année en année.
Le CACAO est cultivé principalement dans la région
montagneuse du nord. Le cacao est la graine du cacaoyer
(fig. 106), arbre qui atteint jusqu'à 10 mètres de hauteur.
Quand le fruit, nommé cabosse, est mûr, on l'abat avec une
gaule, on en extrait les graines (fig. 107) que l'on soumet,
dans une fosse recouverte de sable, à un commencement
de fermentation appelé « terrage » ; puis on les débar-
rasse de leur pulpe et on les fait sécher au soleil. Le
cacao de la Guyane a une saveur âcre et est de qualité
médiocre. Les cacaos de Venezuela, connus dans le com-
merce sous le nom de cacaos caraques, parce qu'ils sont
récoltés principalement dans la province de Caracas, à Ocu-
mare, à Rio Chico, etc., sont les plus estimés ; on évalue la
production à plus de 50,000 quintaux.
Viennent ensuite le coton, dont la culture a fait de ra-
pides progrès ;
L'indigo, que le Venezuela cultivait beaucoup plus vers
la fin du dix-huitième siècle que de nos jours ;
La canne à sucre, dont la culture atteint de très-grandes
proportions dans les bonnes terres de l'intérieur ;
Le tabac, qui, dansles environs de Caracas et de Varinas,
rivalise avec le tabac de la Havane, mais qui est, comme
le sucre, presque entièrement réservé à la consommation
intérieure.

Le Venezuela, et principalement la région des Ilanos,


possède un assez nombreux bétail à demi sauvage ; comme
dans les pampas, on abat les animaux pour en avoir la
peau et les cornes, et on sale une partie de la viande.
260. Les minéraux. — Le Venezuela renferme des houil-
lères qui ne sont pas exploitées. Les mines d'or de Caratal,
sur les bords de l'Yuruari, découvertes par un Français,
produisent près de 3 millions de francs. Sur les côtes, et
principalement à Araya et à Margarita, sont des salines qui
constituent une des principales sources du revenu public.
261. La navigation et les ports. — Il est impossible,
dans l'état de nos connaissances, d'évaluer le tonnage de
la marine de cette contrée. Le mouvement général de la na-
vigation, dans laquelle le principal rôle est à la marine des
États-Unis et à celle de l'Angleterre, peut être estimée ap-
proximativement à 1 million 1/2 de tonneaux.
Les principaux ports sont :
Cayenne, petite ville de 4,000 habitants, chef-lieu de la
Guyane française, bâtie dans l'île du même nom, et com-
prenant la vieille ville, assemblage de misérables cahutes,
et la nouvelle ville, mieux construite ;
Nieuwe-Amsterdam, au milieu de marécages, avec une
forteresse importante, et Paramaribo, sur le fleuve Suri-
nam, principaux ports de la Guyane hollandaise;
George-town, à l'embouchure du fleuve Demerara, capi-
tale de la Guyane britannique, coupé de canaux comme
la plupart des ports construits par les Hollandais : il ex-
porte le sucre, le rhum, la mélasse, les bois de charpente ;
New-Amsterdam, à l'embouchure du fleuve Berbice ;
Ciudad-Dolivar, nommée aussi Angostura, parce que
l'Orénoque, sur la rive gauche duquel elle est bâtie, s'y
resserre dans un défilé. Situé à 385 kilomètres de la mer,
son port sert de débouché aux provinces de l'intérieur, et
exporte du coton, de l'indigo, du tabac, du café, du bétail ;
Cumana, la plus ancienne ville de l'Amérique du Sud,
bâtie en 1523, à 1 kilomètre 1/2 de la mer, dans une plaine
aride, possède un vaste port au fond du golfe de Curiaco
et exporte des cuirs, du poisson salé, du cacao, du sel, etc.
La Guayra, port de Caracas, est moins un port qu'un
mouillage sur un bon fonds, mais exposé à tous les vents ;
la ville, mal bâtie, serrée du côté de la terre par de hau-
tes montagnes, est exposée à d'insupportables chaleurs et
réputée une des plus malsaines de la côte ; elle exporte du
café, du cacao, de l'indigo, des bois de construction ;
Puerto-Cabello, situé sur une île qu'un pont réunit à la
terre ferme, bon port, sert de débouché à la ville de Va-
lencia.
Maracaïbo, sur la rive occidentale du canal qui unit le
lac Maracaïbo à la mer ; le port est profond, mais la ville
est mal bâtie ; l'exportation consiste surtout en cacao, en
café, en sucre et en coton.
262. Le commerce extérieur. — Le COMMERCE EXTÉRIEUR
des Guvanes et du Venezuela peut être évalué à 180 MIL-
LIONS DE FRANCS, dont 100 pour le Venezuela, 60 pour la
Guyane anglaise, le reste pour la Guyane hollandaise et la
Guyane française. Il consiste, à l'importation, en tissus de
coton, de laine, de lin et de soie d'Angleterre ; en dentelles,
modes, vêtements, bijouterie de France ; en bois, ma-
chines, meubles et nattes des Etats-Unis ; en parfumerie
et vins de France ; en quincaillerie et armes d'Allemagne.
L'exportation consiste en café (20 millions de francs),
expédié principalement du Venezuela aux Etats-Unis ; en
cacao (8 millions de francs), du Venezuela et de la Guyane
hollandaise, expédié principalement en Espagne ; en peaux
et cuirs du Venezuela, expédiés aux Etats-Unis ; en sucre,
rhum et mélasse de la Guyane anglaise et du Venezuela ;
en indigo du Venezuela, acheté principalement par la
France ; en coton du Venezuela et de la Guyane hollan-
daise ; en viande salée du Venezuela ; en poivre et autres
épices de la Guyane française. Dans ce commerce, les États-
Unis sont au premier rang ; l'Angleterre au second ; la
France vient au troisième rang avec l'Espagne, la Belgique
et le Danemark.
263. La population et les villes principales. — Les
Guyanes et le Venezuela complent 1,750,000 habitants au
plus sur un territoire d'environ 1,200,000 kilomètres car-
rés : c'est un peu plus d'un habitant par kilomètre carré. Cette
population, très-peu dense, est groupée en majeure partie
près des côtes où se trouvent les villes principales.
Aucune de ces villes n'atteint 50,000 habitants ; quatre
seulement ont 20,000 âmes ou au-dessus :
Paramaribo (20,000 hab.), sur le Surinam, chef-lieu de
la Guyane néerlandaise ; George town (25,000 hab.). chef-
lieu de la Guyane britannique.
Caracas (36,000 hab.), capitale du Venezuela, bâtie dans
une fertile vallée, sur le flanc méridional d'une petite
chaîne de montagnes, à 930 mètres d'altitude et à 20 kilo-
mètres de la mer ; Maracaibo (25,000 hab.).
Dans le Venezuela, république tourmentée par de fré-
quentes dissensions et par des luttes à main armée entre
les unitaires et les fédéralistes, la population se compose
pour un dixième à peine de créoles purs, descendants des
Européens ; en grande partie de mulâtres et de zambos ;
en partie d'Indiens, les uns à demi civilisés, les autres en-
tièrement sauvages ; ces races sont généralement ennemies
les unes des autres.
Dans les Guyanes, la population se compose en majorité
de nègres et de mulâtres attachés aux plantations et encore
soumis à l'esclavage dans la Guyane hollandaise; les In-
diens sauvages y sont nombreux, au moins relativement ;
les colons européens y sont en minorité.

(Voir la carte n° 29.)

264. Le résumé des forces productives de l'Amérique du


Sud. — L'Amérique du Sud, qui a une superficie de 18
millions de kilomètres carrés et une population de 27 mil-
lions d'habitants, est la portion du globe la plus impor-
tante et la plus civilisée de l'hémisphère austral. Néan-
moins, comparée aux parties du monde de l'hémisphère
boréal, elle est encore très-médiocrement peuplée, puis-
qu'elle possède à peine un habitant et demi par kilomètre
carré.
Elle comprend cinq régions, dont deux sur la ligne des
Andes, à l'ouest ; trois dans les plaines et sur les plateaux
de l'est.
1° La RÉGION INTERTROPICALE DES ANDES, région des hau-
tes terres, chaînes rocheuses, dômes volcaniques, plateaux
stériles ; plus bas, herbages, plateaux et vallées produisant
les céréales de l'Europe ; plus bas encore, délicieuses et
fertiles vallées où la végétation des Tropiques étale toutes
ses richesses. Le versant oriental ou de l'Atlantique y est
couvert d'immenses forêts ; le versant du Pacifique géné-
ralement abrupt, désolé par la sécheresse dans le sud,
inondé par les pluies équatoriales dans le nord, renferme
cependant quelques belles vallées. L'absence presque
complète de routes est une conséquence de la nature du
sol et du défaut d'énergie d'une population clairsemée.
Le coca, le QUINQUINA, la pomme de terre sont les végétaux
caractéristiques de cette région qui produit aussi le CACAO,
le coton, le café, le tabac, l'indigo, le caoutchouc et divers
baumes. Parmi les produits animaux, la laine d'alpaca et
de vigogne ; parmi les produits de l'industrie, les chapeaux
de tresse sont aussi à citer. Les produits minéraux, nitrate
de soude, cuivre, mercure, or et ARGENT sont plus impor-
tants que les produits agricoles ; et, de toutes les indus-
tries extractives, la première est aujourd'hui celle du GUANO.
2° La RÉGION DU CHILI ou région des Andes méridionales,
offre au pied de la grande chaîne des plaines cultiva-
bles et bien cultivées ; elle donne les produits agricoles de
l'Europe, froment, orge, fruits, et nourrit des chevaux
vigoureux ; ses mines donnent un peu de houille et d'or,
et beaucoup de CUIVRE.
3° La RÉGION DE LA PLATA, région de plaines. A l'est, il y
a dans la vallée de l'Uruguay quelques chaînes de monta-
gnes ; mais à l'ouest, dans le bassin du Paraguay, s'étend
l'immensité des pampas. C'est la région des pâturages, et
le bétail, MOUTONS, CHEVAUX et BOEUFS, en est la principale
richesse : nulle contrée n'en possède autant, proportion-
nellement à sa population ; l'Australie seule, située égale-
ment dans l'hémisphère austral, peut rivaliser à cet égard
avec le bassin de la Plata. Le maté ou thé du Paraguay est
la plante la plus caractéristique de cette région.
4° Le BRÉSIL, empire presque aussi grand que l'Europe,
comprend lui-même plusieurs régions très-distinctes :
région de la plaine forestière de l'Amazone, région des
plateaux, région côtière. C'est surtout dans la région
côtière qu'est fixée la population civilisée et que sont les
cultures. Ce sont celles de la région tropicale : MANIOC,
MAIS, BANANES, NOIX DE COCO, comme principaux aliments
du pays ; CAFÉ qu'aucune contrée ne produit en aussi
grande quantité ; CANNE A SUCRE, cacao, vanille, poivre, pi-
ment et autres végétaux alimentaires, destinés plus encore
au commerce d'exportation qu'à la consommation locale.
Le COTON est très-cultivé. Les forêts abondent en bois pré-
cieux à divers titres : en bois d'ébénisterie, tels que palis-
sandre et acajou ; en bois de teinture, tels que bois de brésil ;
en bois de construction, tels que carnauba, arbre servant à
des usages multiples ; en bois à résine, tels que caoutchouc
et benjoin. Les mines fournissent du fer, de l'or, des pier-
res précieuses et surtout des diamants.
5° La RÉGION DE LA GUYANE ET DU VENEZUELA, composée
en partie de Ilanos, plaines herbeuses dans la saison des
pluies, et de montagnes enserrant de riches vallées. C'est
aussi une région de cultures tropicales : CAFÉ, CACAO, plus
abondant qu'en aucune autre contrée, sucre, coton, in-
digo. Le bétail est assez nombreux dans les Ilanos. Le Ve-
nezuela a quelques mines d'or.
On compte dans l'Amérique méridionale six villes de
plus de 100,000 habitants : LIMA, dans la région tropicale
des Andes ; SANTIAGO au Chili ; BUENOS-AYRES sur la Plata ;
Rio de-Janeiiio, Bahia et Peunambuco au Brésil.
Le commerce intérieur est fort médiocre, parce que les
moyens de communication entre les États font défaut et
qu'une grande partie des plaines centrales est déserte ou
peuplée de tribus sauvages. Les chemins de fer ne sont qu'à
leur début, et l'Amérique du Sud tout entière n'en compte
que 3,500 kilomètres.
Le commerce extérieur se fait par mer. Il a une valeur
totale d'un peu plus de 2 MILLIARDS 1/2 DE FRANCS (2, 700
millions). Le premier rang appartient à la côte de l'Atlan-
tique qui sert de débouché à de plus vastes bassins et qui
est plus rapprochée de l'Europe, soit 1,100 millions pour
le Brésil, 500 pour les États du rio de la Plata, 130 pour le
Venezuela ; le second à la côte du Pacifique, soit environ
620 millions à la région tropicale des Andes, dans laquelle
le Pérou a le plus d'importance, et 300 millions au Chili.
L'Amérique du Sud laisse jusqu'à présent les étrangers
maîtres de son commerce maritime. Sa marine marchande
n'atteint pas 400,000 tonnes ; et dans le MOUVEMENT TOTAL
DE NAVIGATION que l'on peut approximativement estimer à
SEIZE MILLIONS DE TONNES, le premier rang est à l'Angleterre,
le second aux États-Unis, le troisième à la France ; au qua-
trième viennent l'Allemagne et l'Espagne. Le Brésil, les
États de la Plata, le Chili et le Pérou jouent un certain
rôle dans le cabotage.
Les marines étrangères portent surtout dans l'Amérique
du Sud des TISSUS, cotonnades, lainages et soieries, des
vêtements confectionnés, des objets de parure, de la parfume-
rie, des livres. Elles on tirent du café, du sucre, des peaux
et de la corne, du GUANO, des MÉTAUX PRÉCIEUX, du coton,
des bois de teinture et d'ébénisterie, du cacao, du caoutchouc,
et autres résines, du cuivre, du quinquina et diverses drogues
médicinales.
Des services de bateaux à vapeur relient entre eux les
principaux ports de l'Amérique du Sud et les mettent en
communication régulière avec le reste du monde. Deux
compagnies anglaises font le service de Panama à Valpa-
raiso, avec escales dans les principaux ports de la côte du
Pacifique ; un service moins important rattache les petits
ports aux grands ports de relâche. Des paquebots anglais
de Liverpool desservent également, par l'Atlantique et le
cap Horn, la côte du Pacifique jusqu'à Callao ; ces mêmes
paquebots touchent dans l'Atlantique à Buenos-Ayres, à
Montévidéo et à Rio-de-Janeiro. Sur l'Atlantique, il existe
divers services américains, anglais el français. La compa-
gnie des Messageries maritimes, dont les bâtiments font
relâche à Lisbonne et à Dakar, dessert Pernambuco, Ba¬
hia, Rio-de-Janeiro, Montévidéo et Buenos-Ayres : la tra-
versée de Bordeaux à Bahia est de 16 jours ; de Bahia à
Buenos-Ayres de 9 jours.

FIN.
TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE. — Les notions générales. 1

Première section. — LA PLANÈTE 1


§ 1. La forme de la terre, 1. — § 2. Les dimensions de la terre, 3.
— § 3. Les cercles et les zones, 3. — § 4. Les cartes, 8. —
§ 5. Le système solaire, 11. — § 6. Le mouvement de la Terre,
13. — § 7. La boussole, 18.
Deuxième section. — LES CLIMATS 18
§ 8. Les saisons, 18. — § 9 La température, 22. — § 10. Les
lignes isothermes, 24. — § 11. Les lignes isothères et les
lignes isochimènes, 25. — § 12. L'atmosphère et le vent, 28.
§
— § 13. Les vents alizés, 29. — 14. Les moussons, 31. —
§ 15. Les vents des zones tempérées, 32. — § 16. Quelques
vents particuliers, 33. § 17. La pluie, 33.
Troisième section. — LA TERRE ET L'EAU 36
§ 18. Les grandes révolutions géologiques, 36. — § 19. Les
modifications de la période actuelle, 41. — § 20. La terre et
la mer, 42. — § 21. Les continents, 42. — § 22. Le relief du
sol, 47 — § 23. Les montagnes, 47. — § 24. Les plateaux, 53.
— § 25. Les
plaines, 54. — § 26. Les vallées et les côtes, 55.
§ 27. Les agents de la production, 56.
Quatrième section. — LES TROIS REGNES DE LA NATURE....... 57
§ 28. Le règne minéral, 57. — § 29. Le règne végétal, 58. —
§ 30. Le règne animal, 65. — § 31. L'équilibre des forces, 70.
DEUXIÈME PARTIE. — L'Océan. 72
§ 32. Les grandes divisions de la mer, 72. — § 33. L'océan
Glacial du Nord, 74. — § 34. Le passage nord-ouest et le
pôle nord, 76. — § 35. L'océan Atlantique, 77. — § 36. L'océan
Pacifique, 80. — § 37. L'océan Indien, 82. — § 38. L'océan
Glacial du Sud, 83. — § 39. Les marées, 84. — § 40. Les
principaux courants, 88. — § 41. Les courants secondaires,
94. — § 42. Les grands fleuves, 94. — § 43. Les mers in-
térieures et les lacs, 97. — § 44. L'équilibre des climats et la
forme générale des continents, 100.
TROISIÈME PARTIE. — Les découvertes. 103
§ 45. Le monde connu des anciens, Grecs et Romains, 103. —
§ 46. La géographie au moyenâge, 105. — § 47. Les décou-
vertes du seizième siècle, 107. — § 48. Les découvertes du
dix-septième et du dix-huitième siècle, 110. — § 49. Les
découvertes du dix-neuvièmesiècle, 112.
QUATRIÈME PARTIE.

L'Afrique. 116
Premièi e section. — LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE 116
§ 50. La situation et les dimensions, 116.
— § 51. Les côtes et
les îles, 117. — § 52. Le relief du sol, 120. — § 53. Les
eaux, 126. — § 54. Le climat, 132.
Deuxième section. — LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE. 134
§ 55. Les révolutions, 134. États, 137.
— § 56. Les

Egypte, bassin du Nil et mer Rouge.


Troisième section. — LA CEOGRÀPIIIE"ÉCONOMIQUE

§ 57. — Les productions, 141. — § 58. Les villes principales,


141
141

144. — § 59. Les routes de terre, 145. — § 60. Le commerce


maritime, 148
Etats barbaresques et Soudan.
§ 61. Les productions, 151. — § 62. Les villes principales, 155.
151

§ 63. Les routes de terre, 155. — § 64. Les routes de mer, 157.

Côte occidentale. 158

îles.
§ 65. Les productions, 158. — § 66 Le commerce, 161.
Le Cap 163
§ 67. Les productions, 163. — § 68. Le commerce, 164,
Côte orientale et 166
§ 69. Les productions, 166. — § 70. Le commerce, 167. — § 71.


L'Asie.
Le résumé des forces productives de l'Afrique, 169.
CINQUIÈME PARTIE.
Première section, — LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.... 172
172

§ 72. La situation et les dimensions, 172. — § 73. Les côtes


et les îles, 173. — § 74. Le relief du sol, 178. — § 75. Les
eaux, 190. — § 76. Le climat, 200.
Deuxième section. — LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE 204
§ 77. Les révolutions dans l'antiquité, 204. — § 78. Les révo-
lutions au moyen âge, 207. — § 79. Les révolutions dans
les temps modernes, 209. — § 80. Les États, 211.
Troisième section. — LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE
Asie occidentale.
§ 81. La production agricole, 218. — § 82. La pêche, 221. —
218
218
§ 83. La production minérale, 222. — § 84. La production
manufacturière, 222. — § 85. Les villes principales, 223.

§ 86. Les routes de terre, 228.
— § 87. Le commerce de la
mer Caspienne, 231. — § 88. Les échelles du Levant, 231. —
§ 89. Le canal de Suez, 235.
— § 90. La mer Rouge, le golfe
d'Oman et le golfe Persiqne, 235.
Plaiteau central et Turkestan. 238
§ 91. Les productions, 238,
— § 92. Les routes de commerce,
240. — § 93. Les villes principales, 242.
Sibérie. 243
§ 94. La production agricole, 243.
— § 95. La chasse et la pê-
che, 245. — § 96. Les mines, 246. — § 97. Les routes du
commerce intérieur et les villes, 216.
Chine.. 248
§ 98. Les régions agricoles, 248 — § 99. Les animaux, 256.
— § 100. La pêche, 257. — § 101. La production minérale,
257. — § 102. La production industrielle, 258. — § 103.
La population et les grandes villes de la Chine, 260. — § 104.
Les grandes routes du commerce intérieur, 268. — § 105.
Le commerce maritime, 270. — § 106. Les principaux ports,
273.
Le Japon. 278
§ 107. Les produits, 278. — § 108. L'industrie, 280 — § 109.
Les voies de communication, 280. — § 110. Les grandes villes,
280. — § 111. Le commerce maritime du Japon, 282.
Inde propre ou Hindostan et Dekhan. 284
§ 112. La production agricole, 284. — § 113. Les animaux,
291 — § 114. La production minérale, 292. — § 115. La
production manufacturière, 293. — § 116. Les villes impor-
tantes, 294. — § 117. Les routes intérieures, 301. — § 118.
Les ports de la côte occidentale, 303. — § 119. Les ports du
golfe de Bengale, 305. — § 120. Le résumé du commerce
intérieur de l'Inde, 307.
Indo-Chine. 309
§ 121. — Les productions agricoles, 309. —§ 122. Les ani-
maux, 311. — § 123. Les minéraux, 312. — § 124. Les villes
principales, 312. — § 125. L'industrie et le commerce, 313.
Resumé des forces productives de l'Asie 316
§ 126. Les produits, 316. — § 127. Les échanges, 320.

SIXIÈME PARTIE.

L'Océanie. 323
Première section. — LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE
§ 128. La situation et les dimensions, 323. — § 129. La Ma-
laisie, 324. — § 130. L'Australasie, 327. — § 131 La Poly-
nésie, 331.
DEUXIÈME SECTION.
— LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE 334
§ 132. Les révolutions, 334. — § 133. Les États, 335.
Troisième section. — LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE. 337
Malaisie et Australasie septentrionale......... .. . 337
....
§ 134. Les productions, 337. — § 136. Les villes importantes,
344. — § 136. Le commerce maritime, 345.
Australie et autres colonies anglaises. 349
§ 137. La production agricole, 349. — § 138. Lu chasse et
la pêche, 353. — § 139. La production minérale, 354. —
§ 140. La production industrielle, 356. — § 141. Les villes
importantes, 356. — § 142. Les voies de communication,
357. — § 143. Le commerce, 358. — § 144. Les ports, 359.
Polynésie. 361
§ 145. La production, 361. — § 146 La pêche, 362. — § 147.
Le commerce, 363. — § 148. Comparaison des forces pro-
ductives de l'Océanie, 364.
SEPTIÈME PARTIE.
— L'Amériqne
du Nord. 366
Première section. — LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.......... 366
§ 149. La situation et les dimensions, 366.
— § 150. Les côtes
et les îles, 367. — § 151. Le relief du sol, 373. — § 152.
Les eaux, 383. — § 153. Le climat, 393.
Deuxième section. — LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE
§ 154. Les révolutions, 396. — § 155. Les
...........
États, 398.
... 396

Possessions anglaises du Nord.


Troisième section. — LA GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE

§ 156. Le dominion du Canada, 401. — § 157. Les régions


401
40

naturelles, 402. — § 158. La production agricole, 406. —


§ 159. La pêche, 407. — § 160. La production minérale,
408. — § 161. L'industrie, 409. — § 162. Les voies de com-
munication, 409. — § 163. Les villes principales et les ports,
410. — § 164. La navigation et le commerce, 411. — § 165.
L'émigration et la population, 412.
Mexique et Amérique centrale. 412
§ 166. Les régions naturelles, 412.
— § 167. La production
agricole, 414. — § 168. Les mines, 417. — § 169. L'in-
dustrie, 418. — § 170. Les voies de communication, 418. —
§ 171. La navigation et les ports, 418.
— § 172. Le com-
merce, 420. — § 173. Les villes principales, 421. — § 174.
La population et le gouvernement, 423.
Antilles ou Indes Occidentales 423
§ 175. Les régions naturelles, 423 — § 176. La production
agricole, 426. — § 177. La pêche, 429. — § 178. La pro-
duction minérale, 429. — § 179. Les voies de communication
et les ports, 429. — § 180. Le commerce, 432. — § 181.
La population et les grandes villes, 434.
Quatrième section. — LES ÉTATS-UNIS. 435
§ 182. Retour sur la géographie physique, 434. — § 183. La
formation politique, 435. — § 184. La constitution, 439. —
§ 185. Les États et les territoires, 439.
— § 186. Les régions
agricoles, 441. — § 187. Les cultures alimentaires, 451. —
§ 188. Le tabac, 456. — § 189. Le coton, 457. — § 190. Les
autres cultures herbacées, 460. — § 191. Les forêts, 460. —
— § 193. La soie, le miel et la cire,
§ 192. Le bétail, 461.
464. — § 194. La pêche, 464. — § 195. Les mines, 464.
§ 196. Les industries mécaniques, 468 —§ 197. Les indus-
.
tries alimentaires, 469. — § 198. Les industries textiles, 470.
— § 199. Les autres industries, 471.
— § 200. Les cours
d'eau et les canaux, 473. — § 201. Les chemins de fer, 474.
— § 202. Les monnaies et mesures, 477. — § 203. Les ban-
ques, 477. — § 204. La navigation, 477. — § 205. Les
ports de la côte de l'Atlantique, 478. — § 206. Les ports de
l'océan Pacifique, 484. — § 207. Le commerce intérieur,
484. — § 208. Le commerce extérieur, 486. — § 209. Les
villes de plus de 100,000 habitants, 487. — § 210. Les au-
tres villes importantes, 492. — § 211. La population, 494.
— § 212. Résumé des forces productives de l'Amérique du
Nord, 495.
HUITIÈME PARTIE. L'AMÉRIQUE DU SUD.. 500

Première section. — LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE.. 500
§ 213. La situation et les dimensions, 500.— § 214. Les côtes
et les îles, 501. — § 215. Le relief du sol, 504. — § 216.
Les eaux, 518. — § 217. Le climat, 528.
DEUXIÈME SECTION. 530
— LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE
§ 218. Les révolutions, 530. — § 219. Les États, 532.
troisième section. — GÉOGRAPHIE ÉCONOMIQUE. 535
Colombie, Équateur, Pérou et Bolivie.
535
535
§ 220. Les régions naturelles, 535. — § 221. Les végétaux et
les animaux, 537. —- § 222. Les industries extractives, 539.

§ 223. Les voies de communication, 541. — § 224. La na-
vigation et les ports, 542. — § 225. Le commerce extérieur,
544. — § 226. Les villes principales, 545, — § 227. La po-
pulation et le gouvernement, 546.

§
Chili.
228. régions naturelles,
Les 547. — § 229. Les végétaux,
547

548. — § 230. Les animaux, 549. — § 231. Les mines, 550.


— § 232. Les manufactures,
551. — § 233. Les voies de
communication intérieure, 552. — § 234. La navigation et
les ports, 552. — § 235. Le commerce, 553. — § 236. Les
grandes villes, 553. — § 237. La population et le gouverne-
ment, 554.
États du Rio de la Plata.
§ 238. Les régions naturelles et les cultures, 554. — § 239.
Les animaux, 558. — § 240. Les mines, 560. — § 241. L'in-
dustrie, 561. — § 242. Les voies de communication, 561. —
§ 243. La navigation et les ports, 562. — § 244 Le commerce
extérieur, 563. — § 245 Les grandes villes, 504. — § 246.
La population et le gouvernement, 564.
Brésil. 565
§ 247. Les régions naturelles, 565. — § 248. Les végétaux alimen-
taires, 566. — § 249. Les autres végétaux, 570. — § 250. Les
animaux, 573. — § 251. La production minérale, 513. —
§ 252. La production manufacturière,575. — § 253. Les routes
intérieures, 575. — § 254. La navigation maritime, 575. —
§ 255. Le commerce, 577. — § 256. La population et les
grandes villes, 577. — § 257. Le gouvernement, la langue et
la religion, 579.
GUYANE ET VENEZUELA. 580

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