Plan Detaille Petit Pays

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PLAN DETAILLE PETIT PAYS

(extrait chapitre 23 deuxième paragraphe)

Introduction : Petit Pays est le premier roman d’inspiration autobiographique de Gaël Faye, par
ailleurs auteur-compositeur-interprète dans la musique de rap. Son livre se passe
principalement à Bujumbura au Burundi, ville où il est né. Les protagonistes doivent quitter le
Burundi au moment de la guerre civile et lors du génocide au Rwanda comme lui qui s’en va en
1995. La guerre a marqué son enfance et a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. Mais tous les faits
ne sont pas tirés de sa vie, c’est pourquoi on ne peut parler d’une autobiographie au sens strict. Il
y a des différences comme le sort de la mère du narrateur qui devient folle et celle de la mère de
l’écrivain qui vit en France. De plus, le narrateur s’appelle Gabriel et non Gaël, même si les
consonances des noms sont proches. Son roman est publié en 2016 et reçoit le prix Goncourt des
lycéens et connaît un très bon accueil du public.
En 1992, Gabriel vit au Burundi avec ses parents et sa petite soeur Ana : sa mère, Tutsi,
vit ici depuis qu’elle a fui le Rwanda tandis que son père, français, est entrepreneur. Ils mènent
une vie confortable et aisée. Le quotidien de Gabriel se partage entre sa bande de copains, jamais
à court d’idées pour s’occuper, se faire un peu d’argent ou imaginer des bêtises autour de
l’impasse qui leur sert de quartier général. Il mène donc une vie innocente d’enfant. Mais peu à
peu, des tensions apparaissent entre les parents de Gabriel qui vont jusqu'à se séparer tandis
que dans le pays, d’inquiétantes rumeurs commencent à circuler : coup d’état, guerre civile,
génocide… Des disputes éclatent à l’école entre Hutu et Tutsi, on découvre une rivalité qui
n’existait pas. Gaby se voit obligé d’appartenir à un camp, sans jamais l’avoir décidé.
Cet extrait est précédé par un chapitre où Gaby découvre les livres et le plaisir qu’ils
peuvent procurer. Nous analyserons ici la scène de rencontre entre Gabriel et sa voisine,
Madame Economopoulos, qui va lui faire découvrir la lecture, grâce aux nombreux livres qu’elle
possède dans sa bibliothèque. Nous verrons en quoi cet extrait est essentiel pour le roman ainsi
que pour l’auteur du livre qui a sûrement découvert la littérature d’une façon similaire et
répondrons à la problématique suivante : en quoi cette scène de rencontre entre Gabriel et
Madame Economopoulos crée-t-elle une sensation déterminante chez Gabriel pour la suite du
roman ?
Nous verrons donc d’abord en quoi la scène modifie le rapport de Gaby au monde qui
l’entoure, puis la notion du plaisir qui se dégage chez Gabriel lors de la scène, et enfin comment
cette rencontre permet à Gabriel de réaliser un véritable dépassement de soi.

I. La modification du rapport espace-temps et du monde qui l’entoure

Cette scène modifie le rapport de Gabriel au monde qui l’entoure. Cela commence par le rapport
au temps, en effet, l’approche de l’expérience se fait progressivement. D’ailleurs, Gabriel est
réticent au début, n’éprouve pas un très grand intérêt, notamment lorsqu’il se demande « ce que
cela pouvait bien lui faire ». Puis, les connecteurs de temps établissent une lente progression qui
amène Gabriel aux échanges : « Chaque fois », « Au début », ou encore « et puis ». Il ne faut pas
brusquer les étapes. Gabriel connaissait déjà le plaisir de la lecture, il découvre à présent celui
du partage des émotions que procure la lecture. Il y prend gout d’ailleurs puisqu’il multiplie les
fréquences et que les discussions finissent par durer, ce avec de nombreux compléments
circonstanciels de temps tel que « tous les après-midi » et « pendant des heures ». Le bien-être
de ces moments est prolongé par une espèce de ralentissement du temps avec un champ lexical
de la lenteur « flânions », « arrêtions », ou encore "trainant nos pieds » et cela pour allonger le
moment de plaisir au point même de retenir le temps.
La lecture permet aussi à Gabriel de s’ouvrir davantage au monde, de le percevoir différemment.
Ainsi la lecture par le biais de son imagination lui permet d’ »abolir les limites de l’impasse »,
impasse dans laquelle il avait l’habitude de retrouver ses amis pour jouer, or il a perdu ce plaisir
car leurs préoccupations sont désormais tournées vers la guerre. Les villes sont comparées à des
"villes mortes ». La guerre crée une sensation de peur et d’angoisse et la lecture lui permet de
s’ouvrir et oublier la peur et ce grâce à une image par le biais d’une métaphore lorsque Gabriel
veut « effacer les clôtures qui nous recroquevillaient sur nous-mêmes ». Dès lors, l’espace
s’élargit et l’abolition de cet enfermement donne lieu à une renaissance grâce aux livres dont
témoigne l’expression employée par Gabriel : « Je respirais à nouveau ».
La lecture permet à Gabriel de changer sa perception du monde qui l’entoure. Les livres le
chassent des horreurs de la guerre et laissent place au bonheur et au calme. Le lieu devient un
véritable «havre de verdure » où la végétation devient luxuriante. Enfin, une deuxième
métaphore donne même au lieu une dimension divine avec le champ lexical de la religion : «
chuchotis de prières », «sous la voûte d’une église ». Gabriel se sent protégé d’une façon presque
mystique.
Ainsi, les émotions de la lecture, dans cette scène ont totalement modifié le rapport de Gabriel au
temps d’une part, mais également aux autres et au monde qui l’entoure.

II. La notion de plaisir : un nouveau sentiment que Gaby découvre

Gaby découvre la lecture à travers des romans dans le chapitre 22. On apprend qu’il n’en avait
jamais lu auparavant et qu’il apprécie cette activité qui va devenir une habitude et un plaisir voir
même un rituel. Il lit ses livres et les prend comme une évasion à la triste réalité de ce qui se
passe dans son pays : cela lui permet d’oublier ses problèmes et de voyager. Il vit des aventures
par procuration tout en restant chez lui : « mon lit se transformait en bateau ». Cette métaphore
renforce le côté du voyage et crée un décalage entre sa vie et celle de ses héros de lecture. La
transposition de l’imaginaire passe par les sensations, on utilise des images pour un appel aux
sens : « j’entendais le clapotis », « je sentais l’air du large », « j’entendais le bruit des fers » : c’est
une description mimétique qui fait aussi voyager le lecteur à travers les sentiments de Gaby. De
fait on note une focalisation interne avec l’utilisation de la première personne. Et cela se finit
même par une identification : « j’avais l’impression que c’était moi ». Cela provoque chez lui une
addiction, une boulimie comme le montre le champ lexical de la gloutonnerie et les verbes
comme « dévorer » ou « savourer ». Il ressent d’abord une satisfaction de lire mais qu’il ne
partage pas et qu’il veut garder pour lui : il est d’abord solitaire dans ces lectures et se renferme
encore plus sur le monde. Mais ce livre de Mme Economopoulos change la donne puisqu’il peut
parler avec elle de ses lectures, il extériorise ses sentiments et comme il le dit : cela «permet de
prolonger l’histoire » et cela dure même plus longtemps puisque sa lecture « dure pendant des
heures ». Il s’agit presque d’une rencontre avec une vraie personne puisqu’il est question de
sensualité et de désir « mes doigts caressaient les couvertures ». La ponctuation qui est à la fois
interrogative et expressive montre l’enthousiasme du personnage. Le voyage du narrateur qui
emporte le lecteur avec lui est aussi présent par la vue et les couleurs, on parle d’un jardin avec
un « jacaranda mimosa » ainsi que par des jeux de lumière et d’ombre « couchant », « la nuit » et
propice au goût un autre des 5 sens : « thé », « biscuits chauds » et « ses fleurs offrent un festin ».
Cette métaphore lyrique est aussi associé à un autre sens : les odeurs. Cela produit encore une
effet de voyage et crée une impression chez le lecteur. Enfin c’est l’ouïe qui est sollicitée avec
notamment le « plaisir du chant des oiseaux » et « un chuchotis de prière ». Cette idée de rituel
presque religion nous amène à une idée de plénitude propice à la réflexion liée au cadre.

III. Un développement personnel et un rapport humain touchant.

C’est donc dans un climat de plénitude que Gaby s’ouvre à tout un monde dont il ne soup-
connait pas l’existence et qui lui permet de se découvrir lui-même. L’étonnement incrédule dont
il faisait part à Mme Economopoulos comme le montre cette phrase interrogative directe « Un
livre peut nous changer ? » se transforme peu à peu à travers sa propre expérience. Les
conversations sur ses impressions de lecteur agissent sur lui comme un révélateur « Je
découvrais que je pouvais parler d’une infinité́ de choses tapies au fond de moi et que j’ignorais »
et il se rend compte de quelque chose d’insoupçonnable pour lui avant et prend du recul par
rapport à cela. Le roman évoque Gaby dans sa relation avec les autres qui est complexe, et dans
une famille où la parole n’est pas libre, mais ce passage analyse un tournant dans son
é panouissement personnel et un tournant dans son regard sur la vie, une espè ce de maturation «
j’apprenais à identifier mes goû ts, mes envies, ma maniè re de voir » qui passe par la lecture et
qui le fait grandir, la multiplication des pronoms possessifs laisse penser aussi que cette
dé couverte arrive au moment où Gaby se trouve au seuil de l’adolescence : il a une vision du
monde et se fait sa propre vision du monde. Mme Economopoulos joue un rô le capital dans ce
moment important de la vie de Gaby, elle va provoquer une réaction chez lui qui pourrait être
celle qu’a eu Gaël Faye. De fait elle a un caractè re bienveillant au contact des enfants, mê me
quand ils viennent lui vendre des mangues qu’ils ont volé es dans son jardin. Elle est ouverte,
accueillante et peu d’habitants de l’impasse sont favorablement dé crits comme elle dans le
roman et est décrite dans les autres chapitres par le mot « gentille ». C’est d’ailleurs elle qui
invite Gaby à boire un jus de fruits. La relation humaine est affective et ré ciproque puisqu’elle
cherche à le « rassurer » et lui ne reste pas insensible quand il « voyait qu’elle é tait contente »,
cette proposition montre le début d’une relation entre les deux et elle va devenir presque sa
mère spirituelle. Elle a une passion des livres, passion qu’elle a envie de partager, par amour
pour la litté rature. Elle initie ce jeune garç on à une activité qui ne peut que lui ê tre bé né fique.
Outre ces qualité s altruistes, elle a aussi des dispositions pour la pé dagogie à la mé thode
Montaigne ou Rousseau « Mme Economopoulos m’observait sans rien dire », elle sait laisser
faire pour adapter ensuite son discours de maniè re à ce qu’il soit mieux reç u. Elle ne le brusque
pas, le laisse aller progressivement, mais arrive à le faire é voluer lentement « Au dé but », « Et
puis », « Ainsi ». Elle est patiente et capable de comprendre que l’é panouissement procè de
parfois à travers des erreurs : « ne me jugeait jamais » et que la progression ne peut se faire que
dans un climat de sé curité : « Mme Economopoulos me donnait confiance en moi ». Enfin sa
générosité dans le texte est évoquée à travers des objets de chez elle ou des pièces comme « son
grand salon » qui renforce l’idée de cadre idéal, le verbe « offrir » qui montre son caractère.
L’utilisation de la figure de style du paradoxe « autant de livres en un seul lieu » contraste les
choses pour les mettre encore plus en lumière : c’est l’emphase de sa bibliothèqe qui est elle
aussi généreuse.

Conclusion : ce passage est clé pour la suite du roman puisqu’il va laisser une impression par la
perception chez Gaby qui va cultiver ses lectures qui sont pour lui un véritable échappatoire et
lui permettent encore de rêver. On peut interpréter ce passage comme un récit biographique de
Gaël Faye. Ses lectures lui serviront de conseils avertis et utiles lors de son exil en Europe et
symboliquement, Mme E. lui laissera une malle de livres d’aventures en tant qu’héritage à sa
mort quand Gaby reviendra au pays.

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