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UNIVERSITE TUNIS EL MANAR

FACULTE DE MEDECINE DE TUNIS

DCEM2

CHIRURGIE
GÉNÉRALE

Comité de rédaction et d’actualisation du polycope :

L. GHARBI, H. MAGHREBI, W. DOUGAZ, B. BOURGUIBA, R. BAYAR

ANNÉE UNIVERSITAIRE  2017-2018


www.fmt.rnu.tn
SOMMAIRE

Cancer de l’œsophage Chirurgie générale 4


Pathologie de l’œsophage Anatomie pathologique 16
Cancer de l’estomac Chirurgie générale 20
Les tumeurs gastriques Anatomie pathologique 30
Cancer du côlon Chirurgie générale 35
Cancer du rectum Chirurgie générale 46
Les tumeurs colorectales Anatomie pathologique 56
Cancer du pancréas exocrine Chirurgie générale 63
Pancréatites aiguës Chirurgie générale 72
La pathologie tumorale et aiguë du pancréas Anatomie pathologique 80
Appendicites aiguës Chirurgie générale 83
Péritonites aiguës Chirurgie générale 88
Occlusions intestinales aiguës Chirurgie générale 97
Cholécystites aiguës Chirurgie générale 110
Angiocholites aiguës Chirurgie générale 116
CAT devant une hémorragie digestive haute Chirurgie générale 122
CAT devant une hémorragie digestive basse Chirurgie générale 132
Œsophagites caustiques Chirurgie générale 138
Plaies et contusions de l’abdomen Chirurgie générale 145
Polytraumatisé Chirurgie générale 157
Kyste hydatique du foie Chirurgie générale 171
Complications des ulcères gastriques
et duodénaux Chirurgie générale 182
Pathologie ano-rectale non tumorale Chirurgie générale 190
Les ictères rétentionnels Chirurgie générale 198
Diagnostic radiologique d’un ictère
rétentionnel Radiologie 205
Transplantation d’organes Chirurgie générale 210
Maladie diverticulaire du colon Chirurgie générale 220
Hernies & Éventrations Chirurgie générale 227
Les ischémies aiguës mésentériques Chirurgie générale 236
Les stomies digestives Chirurgie générale 241
Chirurgie des maladies inflammatoires
chroniques de l’intestin Chirurgie générale 250

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PRÉFACE

À nos étudiants en chirurgie,


La médecine est la science de prendre les décisions

adéquates qui s’imposent face à un malade. La chirurgie

est une spécialité avec un haut niveau de responsabilité.

En chirurgie, guérir (ou simplement soulager) impose

connaissances, sens de la décision et de l’éthique.

Chers étudiants (et futurs confrères), vous serez bientôt

dans la position d’un homme de science et de bon sens, de

jugement et de sagesse.

Vous devez maîtriser les trois domaines du savoir (savoir,

savoir-faire et savoir être).

Ce polycopié entre vos mains est fait pour vous aider.

Ce polycopié est le fruit d’un long travail de la part de vos

enseignants de chirurgie.

Ce polycopié doit être votre compagnon sur les terrains

de stage, permettant ainsi tous les jours plusieurs <aller-

retour> de la théorie à la pratique et vice-versa.

En effet, en chirurgie, efficacité et sécurité se gagnent

chaque jour.

Et rappelez-vous toujours ce que disait Hippocrate  :

« primum non nocera ».

Pr Ag Gharbi Lassad
Chef de section de chirurgie
Faculté de médecine de Tunis

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 3


CANCER DE L’ŒSOPHAGE

Les objectifs éducationnels


Au terme de son apprentissage, l’étudiant devra être capable de :
1. Décrire les éléments anatomiques propres à l’œsophage et les particularités anatomo-
pathologiques de l’extension tumorale qui concourent à rendre le cancer de l’œsophage
de mauvais pronostic.
2. Citer les causes favorisantes et prédisposantes dans la genèse du cancer de l’œsophage
et expliquer pour certaines d’entre elles leurs responsabilités dans le déterminisme du
mauvais terrain chirurgical.
3. Poser le diagnostic d’un cancer de l’œsophage sur des éléments cliniques et paracli-
niques.
4. Réunir les éléments cliniques et paracliniques du bilan pré thérapeutique en le divisant
en bilan d’extirpabilité et bilan d’opérabilité.
5. Décrire les éléments qu’apporte la fibroscopie œsophagienne dans le cancer de l’œso-
phage.
6. Citer les formes cliniques du cancer de l’œsophage et les pathologies qui peuvent être
responsables d’une dysphagie et qui posent un problème de diagnostic différentiel avec
le cancer de l’œsophage.
7. Citer les interventions chirurgicales d’exérèse que l’on peut proposer au cancer de
l’œsophage et les méthodes palliatives que l’on peut proposer à un cancer inextirpable
de l’œsophage.

INTRODUCTION - DÉFINITION : I. RAPPEL ANATOMIQUE (OBJECTIF N° 1) :

C’est le développement d’une tumeur maligne au ni- A. SITUATION ET RAPPORTS :


veau du conduit œsophagien, situé entre la bouche de L’œsophage est un conduit musculo-muqueux contrac-
Killian et la jonction œso-cardiale en excluant le pha- tile de 25 cm de long étendu entre la bouche de Killian
rynx et le cardia. Il s’agit dans plus de 90  % des cas située à l’endoscopie à 15 cm des arcades dentaires et le
d’un épithélium épidermoïde. cardia situé à 40 cm des arcades dentaires.
Le cancer de l’œsophage se situe, de part sa fréquence, Il est particulier par :
au 4e rang des cancers du tube digestif après les can- • Son siège profond, à l’étroit dans le médiastin posté-
cers de l’estomac, du côlon et du rectum. rieur,
C’est un cancer de mauvais pronostic, ceci tient à 3 • L’absence de séreuse qui jouerait le rôle d’une barrière
ordres du fait : limitant temporairement l’extension tumorale,
• Le retard diagnostique, • La dispersion du drainage lymphatique.
• Les particularités anatomiques de l’œsophage et L’œsophage peut être subdivisé en 3 portions :
l’anarchie de la diffusion lymphatique,
• La précarité du terrain. 1/L’ŒSOPHAGE SUPÉRIEUR :
Les progrès réalisés ces dernières années concernent Il est compris entre la bouche de Killian et le bord su-
notamment : périeur de la crosse aortique. L’œsophage y est à l’étroit
• Les méthodes d’investigations permettant un staging entre le plan vertébral en arrière et la trachée en avant,
pré thérapeutique latéralement il est en contact par l’intermédiaire de la
• L’anesthésie-réanimation péri opératoire. gaine viscérale du cou avec les deux lobes thyroïdiens,
• La codification des techniques chirurgicales. les vaisseaux thyroïdiens inférieurs et le nerf récurrent
Ceci devrait permettre l’amélioration du pronostic qui gauche.
reste néanmoins tributaire d’un diagnostic précoce
basé sur une fibroscopie digestive haute au moindre 2/L’ŒSOPHAGE MOYEN :
doute. Il est compris entre le bord supérieur de la crosse aor-
tique inférieure et le pédicule pulmonaire inférieur
gauche. Dans cette portion l’œsophage est également

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à l’étroit entre le plan prévertébral en arrière, la crosse tout le long de son étendue des branches des organes
aortique et la bronche souche gauche en avant, latéra- voisins (artère thyroïdienne inférieure, aorte, diaphrag-
lement l’aorte descendante et le nerf vague gauche à matique inférieure et coronaire stomachique).
gauche, la grande veine azygos, le canal thoracique et le • Quant au drainage veineux, il rejoint par l’essentiel le
nerf vague droit à droite. système azygos.

3/L’ŒSOPHAGE INFÉRIEUR :
Il est compris entre le bord inférieur du pédicule pulmo- II. ETIOPATHOGENIE (OBJECTIF N° 2):
naire inférieur et le cardia. Dans cette portion, l’œso-
phage est moins à l’étroit. Il est appliqué en arrière A. ÉPIDÉMIOLOGIE :
contre le pilier gauche du diaphragme, l’aorte abdomi- Fréquence :
nale et le rachis, en avant, le nerf vague gauche et le lobe • En Tunisie le cancer de l’œsophage occupe la 4e posi-
gauche du foie, latéralement le péricarde. tion des cancers digestifs après l’estomac, le colon et le
rectum.
B. DRAINAGE LYMPHATIQUE : • Dans le monde, certaines régions sont à haut risque,
• Important à connaître, car l’extension lymphatique telles que l’Iran, le Japon et la Chine.
constitue un facteur pronostique essentiel.
• Un réseau muqueux organisé en mailles losangiques B. PATHOGÉNIE :
qui se prolonge dans la sous-muqueuse en mailles Grâce à l’étude de registre de cancer dans divers pays,
plus grandes. Ces réseaux sont en continuité en haut on a réussi à identifier un certain nombre de facteurs, qui
avec les réseaux du pharynx et en bas avec ceux de s’ils ne sont pas directement incriminés dans la genèse
l’estomac. du cancer peuvent être répartis en causes favorisantes
• Les collecteurs de ces réseaux vont traverser la mus- et prédisposantes :
culeuse pour atteindre le premier relais ganglionnaire
(ganglion Epi œsophagien) situé au contact de la mus- 1/CAUSES FAVORISANTES :
culeuse, mais, fait capital pour atteindre ces ganglions, Ce sont les facteurs hygiénodiététiques :
les collecteurs prennent des trajets variés (ascendant, • Alcool et tabac  : ont une action irritative sur la mu-
descendant) et surtout, parfois très brefs, très courts, queuse œsophagienne.
parfois ils peuvent être très longs atteignant un gan- • Carences en protéines animales, en vitamine A et C.
glion à distance de l’origine de la lymphe. Le cancer • Alimentation riche en nitrates et nitrites à l’origine de
saute les relais (jumping). la production de nitrosamines hautement carcinogène.
• À partir de ces ganglions épi œsophagiens, des col-
lecteurs plus importants rejoignent les ganglions para 2/CONDITIONS PRÉCANCÉREUSES :
œsophagiens qui constituent le 2e relais et qui en ré- Dans environ 10 % des cas, le cancer épidermoïde peut
alité appartiennent au système lymphatique commun survenir sur une condition précancéreuse définie par
du médiastin qu’il s’agisse des ganglions du ligament l’OMS comme étant un état clinique sur lequel survient
triangulaire du poumon, des ganglions latéro-tra- le cancer avec une fréquence plus élevée par rapport à
chéaux, inter trachéo-bronchiques ou des ganglions du une population normale.
cardia. Sténose caustique de l’œsophage  : l’intervalle entre la
Ainsi il n’y a pas de système lymphatique spécifique de brûlure et la dégénérescence est toujours très long. Le
l’œsophage. En effet le système lymphatique des 3 ré- rôle des dilatations instrumentales répétées des sté-
gions que traverse l’œsophage, assure le drainage de noses caustiques est reconnu.
plusieurs viscères : Méga œsophage : il n’y a pas de localisations préféren-
• Au niveau cervical  : les ganglions de la chaîne jugu- tielles, il survient après une longue évolution, son déve-
lo-carotidienne et récurrentielle. loppement habituel en pleine poche de méga œsophage
• Au niveau thoracique : les ganglions latéro-trachéaux, explique son diagnostic tardif chez des malades habitués
inter trachéo-bronchiques et les ganglions du pédicule à leur dysphagie.
pulmonaire. Syndrome de Plummer Vincent : fréquent dans les pays
• Au niveau abdominal : ganglions œso-cardio-tubérosi- scandinaves. Il atteint le plus souvent la femme ayant
taires, coronaire stomachique et cœliaque. une anémie ferriprive.
Cette étude du drainage lymphatique permet de souli- L’existence d’un cancer ORL dans les antécédents  : où
gner : on incrimine les mêmes facteurs étiologiques (Tabac, Al-
• Dispersion relais ganglionnaire cool…).
• La possibilité pour le cancer de l’œsophage de sauter Lésions tuberculeuses ou syphilitiques : sont exception-
de relais ganglionnaire, c’est à dire la possibilité d’en- nelles.
vahissement ganglionnaire à distance alors que les La cancérisation des diverticules œsophagiens notam-
ganglions juxtatumoraux sont intacts « jumping » ment épiphréniques : est également très rare.
• Le cancer de l’œsophage est un cancer d’organe.
Le rôle de ces différents facteurs ne peut être affir-
C. VASCULARISATION : mé que dans une minorité de cas et dans 90 % des
• Artérielle : mis à part 3 petites artères œsophagiennes cas le cancer de l’œsophage survient sans que l’on
propres nées de l’aorte, l’œsophage n’a pas de vascu- ne trouve une lésion œsophagienne pré existante.
larisation artérielle propre. En effet, l’œsophage reçoit

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III. ANATOMIE PATHOLOGIQUE muqueuse glandulaire hétérotopique ou à la transfor-
(OBJECTIF N° 1) : mation carcinomateuse d’un endo-brachy-œsophage.
Les sarcomes, lymphomes sont très rares.
A. SIÈGE :
La répartition sur l’œsophage est inégale. Le cancer D. EXTENSION TUMORALE :
siège classiquement en 3 zones de prédilection qui sont Elle est pariétale et extra œsophagienne.
celles des rétrécissements physiologiques du conduit  :
cricoïdien, aortique et diaphragmatique. 1/EXTENSION PARIÉTALE :
Elle se fait en hauteur et en profondeur :
B. MACROSCOPIE : • En profondeur : née au niveau de la muqueuse, la tu-
On distingue le cancer « superficiel » et le cancer « in- meur va envahir progressivement les couches sous-
vasif ». jacentes, sous muqueuse puis musculeuse. L’ab-
sence de séreuse rend l’envahissement des viscères
1/LE CANCER SUPERFICIEL : adjacents très rapide.
• C’est un cancer qui ne dépasse pas la tunique sous • En hauteur  : l’examen des pièces d’exérèse a montré
muqueuse, que les limites macroscopiques de la tumeur ne cor-
• C’est un cancer associé à un pronostic plus favorable respondent pas toujours à l’extension histologique.
que le cancer invasif, car le risque d’atteinte ganglion- Ainsi les limites macroscopiques de la tumeur sont dé-
naire, sans être nul, est beaucoup plus faible. passées de 2 cm 9 fois/10. Il faut dépasser la tumeur de
• Le cancer superficiel sans atteinte ganglionnaire est 8 à 9 cm pour être en tissu sain. Par ailleurs dans 15 %
encore appelé cancer précoce (early cancer). des cas, il existe des tumeurs multifocales distantes
• Ce cancer peut se présenter sous 3 types (fig.1) : les unes des autres de 5 cm.

2/EXTENSION EXTRA ŒSOPHAGIENNE :


Elle se fait par contiguïté, par voie lymphatique ou vei-
neuse.

a/Par contiguïté :
Elle est relativement rapide favorisée par l’absence de
séreuse au niveau de l’œsophage. Cet envahissement va
dépendre du siège du cancer. Ainsi peuvent être envahis
au niveau de :
• l’œsophage cervical et thoracique supérieur  : la
membraneuse trachéale, le nerf récurrent, l’axe caroti-
dien et la thyroïde.
• l’œsophage thoracique moyen  : la bronche souche
gauche, la plèvre, le poumon, l’aorte, la veine azygos et
le canal thoracique.
• l’œsophage thoracique inférieur  : le péricarde, l’aorte
et le diaphragme.
Fig.1 : Classification du cancer superficiel de l’œsophage
b/Lymphatique :
Ces types sont peu fréquents, ils se voient essentielle- • Elle est fréquente et précoce,
ment au cours de campagne de dépistage de masse (Ja- • constitue un facteur pronostique important,
pon) ou chez les populations à haut risque, soumises à • elle est corrélée avec le degré d’envahissement parié-
des surveillances endoscopiques répétées. tal de la tumeur,
• elle est anarchique  : l’existence de collecteurs longs
2/LE CANCER INVASIF : explique la possibilité d’atteinte ganglionnaire à dis-
C’est la forme la plus fréquente. La tumeur peut être : tance de la tumeur « jumping »,
• Végétante ou bourgeonnante à base d’implantation • la plupart des ganglions atteints sont dans le thorax,
large, jamais pédiculée. mais plusieurs en-dehors  : ganglion sus-claviculaire,
• Ulcérée, bords épais, irréguliers et éversés. cervical ou cœliaque.
• Infiltrante souvent circonférentielle et sténosante.
Il s’agit souvent de formes mixtes réalisant l’aspect en c/Extension métastatique :
« lobe d’oreille » Surtout vers le foie puis poumons et os.

C. MICROSCOPIE : Tous ces éléments font que :


Il s’agit de carcinome épidermoïde, car la muqueuse • le cancer de l’œsophage est un cancer d’organe,
œsophagienne est de type malpighien. Selon la clas- • l’exérèse doit porter au moins à 8  cm au-dessus du
sification de BRODERS ces tumeurs peuvent être bien, pôle supérieur de la tumeur.
moyennement ou peu différenciées.
L’adénocarcinome de l’œsophage se voit dans 5 à 10 %
des cas et correspond soit à la dégénérescence d’une

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E. CLASSIFICATION : est fondamental d’évoquer le diagnostic à ce stade de
Classification TNM des cancers de l’œsophage demander une fibroscopie devant toute dysphagie si
(UICC 2010, 7e édition) minime soit-elle afin de faire un diagnostic précoce.
• Non diagnostiquée ou négligée par le patient, cette
T : Tumeur primitive dysphagie s’aggrave, s’accentue et devient permanente
Tx Renseignements insuffisants pour classer intéressant d’abord les solides puis les aliments se-
la tumeur primitive. mi-liquides et enfin les liquides. C’est une dysphagie
T0 Pas de signes de tumeur primitive. indolore et ne s’accompagne pas d’anorexie habituel-
Tis Carcinome in situ/dysplasie de haut grade. lement. Toute dysphagie si discrète soit-elle doit faire
T1 suspecter le cancer de l’œsophage jusqu’à preuve du
T1a : Tumeur envahissant la lamina propria, contraire.
la musculaire muqueuse ou la musculaire 2/LES AUTRES SIGNES :
muqueuse. Ils sont inconstants, accompagnant parfois la dyspha-
T1b : Tumeur envahissant la sous-muqueuse. gie :
T2 Tumeur envahissant la musculeuse. • régurgitations alimentaires,
T3 Tumeur envahissant l’adventice. • éructation,
T4 • hyper sialorrhée,
T4a : Tumeur envahissant la plèvre, le péricarde • hoquet,
ou le diaphragme. • fétidité de l’haleine,
T4b : Tumeur envahissant les autres structures • amaigrissement important et rapide,
adjacentes telles que l’aorte, le corps vertébral • rarement une hémorragie digestive haute, le plus sou-
ou la trachée. vent une anémie.

N : Adénopathies régionales B. EXAMEN CLINIQUE :


Nx Renseignements insuffisants pour classer les Il est habituellement négatif. Il doit toutefois être complet
adénopathies. on recherchera : un gros foie, une adénopathie sus-cla-
N0 Pas de signe d’atteinte des ganglions viculaire gauche et on appréciera l’état nutritionnel et
lymphatiques régionaux. cardio-respiratoire.
N1 Métastases dans 1-2 ganglions lymphatiques La dysphagie doit faire suspecter un cancer de l’œso-
régionaux. phage et impose des examens complémentaires.
N2 Métastases dans 3-6 ganglions lymphatiques
régionaux. C. LES EXAMENS DU DIAGNOSTIC :
N3 Métastases dans 7 ou plus ganglions 1/LA FIBROSCOPIE ŒSOPHAGIENNE (OBJECTIF N° 5) :
lymphatiques régionaux. C’est la clé du diagnostic puisqu’elle permet de visuali-
ser la tumeur et de réaliser des biopsies. Réalisée par
M : Métastases à distance un fibroscope souple, cette endoscopie doit être totale.
M1 Présence de métastase(s) à distance Elle permet :
(M1a, M1b en fonction du siège). • De voir la lésion,
• De la localiser par rapport aux arcades dentaires,
• De préciser son caractère infiltrant, bourgeonnant ou
IV. CLINIQUE (OBJECTIF N° 3) : ulcéro-bourgeonnant,
• D’apprécier son étendue en longueur et en circonfé-
Type de description  : Cancer invasif du 1/3 moyen de rence,
l’œsophage chez un sujet de 50 ans. • Et surtout de réaliser des biopsies multiples.
Il faut explorer endoscopiquement la totalité de l’œso-
A. SIGNES FONCTIONNELS : phage, car la lésion peut être multifocale et les colo-
1/LA DYSPHAGIE : rations vitales s’imposent à cause de la discrétion de
C’est le symptôme le plus fréquent qui attire d’emblée l’expression endoscopique de ces lésions satellites. Ces
l’attention sur l’œsophage, elle impose la recherche de colorants permettent de démasquer les zones néopla-
sa cause. siques et de diriger les biopsies.
• Au début, la dysphagie est discrète, passagère, inter- Deux types de colorants peuvent être utilisés :
mittente, capricieuse vécue comme une simple gène à • Le bleu de Toluidine qui se fixe électivement sur les cel-
la déglutition ou une gène rétro-sternale au passage lules néoplasiques (marqueur positif).
des aliments ou une sensation de ralentissement ou • Le lugol qui est fixé par les cellules claires des couches
d’accrochage passager d’une bouchée un peu plus vo- superficielles de l’épithélium malpighien, cellules qui
lumineuse que d’habitude. sont absentes en cas de cancer ou de dysphagie sé-
Ailleurs, elle revêt les caractères d’une dysphagie vère. Il s’agit donc d’un marqueur négatif.
spasmodique à savoir irrégulière, fugace, cédant à une En cas de sténose œsophagienne, l’endoscopie doit com-
gorgée d’eau, influencée par le stress et régressant porter nécessairement une dilatation avec des biopsies
sous antispasmodiques. Le plus souvent à ce stade, la étagées, tout particulièrement au niveau de la sténose
dysphagie traduit un trouble de la motricité œsopha- et dans la portion sous sténotique. On peut aussi avoir
gienne en rapport avec une petite lésion pariétale. Il recours à d’autres techniques de prélèvement :

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• Le cytorape : le matériel néoplasique est recueilli par 4/LA RADIOGRAPHIE DU THORAX :
les orifices de trous creusés dans un petit cylindre mé- Recherchera :
tallique vissé à l’extrémité d’une sonde. • Un élargissement médiastinal,
• Le brossage cytologique qui utilise une éponge plas- • Une atteinte pleurale ou broncho-pulmonaire,
tique tassée dans une capsule en gélatine et retenue par • Une métastase pulmonaire.
un fil. La capsule ingérée se dissout dans l’estomac et Elle permet d’apprécier dans tous les cas l’état du pa-
l’éponge libérée capture des cellules ou des fragments renchyme pulmonaire sur ce terrain, souvent tabagique.
tumoraux lorsqu’elle est remontée grâce au fil.
5/LA FIBROSCOPIE TRACHÉOBRONCHIQUE :
2/LE TRANSIT ŒSO-GASTRO-DUODÉNAL (TOGD) : C’est un examen qui n’est pas nécessaire si la tumeur
Il doit compléter la fibroscopie. La technique doit être atteint le 1/3 inférieur. Il est indispensable en cas de can-
rigoureuse  : baryte fluide, clichés en couches minces, cer atteignant la partie moyenne et haute de l’œsophage.
sous de multiples incidences, en suivant la progression Elle recherche des signes directs d’extension tumorale
de la baryte à la scopie. sur la trachée, la bifurcation trachéobronchique et les
Il permet de visualiser la lésion décrite à l’endoscopie, de bronches souches. Elle recherchera d’éventuels cancers
situer la tumeur par rapport aux structures fixes (crosse associés sur les voies respiratoires.
de l’aorte et bifurcation trachéobronchique) ces repères
sont importants pour le chirurgien pour le choix de la Deux examens ont permis nettement d’améliorer la
voie d’abord. Le TOGD permet aussi d’étudier l’estomac. fiabilité de ce bilan d’extension tumorale  : la TDM et
Les images peuvent être typiques : l’écho-endoscopie.
• Sténose : réalisant un défilé irrégulier excentré et tor- 6/LE SCANNER THORACOABDOMINAUX :
tueux traduisant une tumeur infiltrante. Il sert à préciser l’extension locorégionale de la tumeur
• Lacune circonférentielle irrégulière ménageant un ré- et juger de son extirpabilité. Le résultat du scanner dé-
trécissement irrégulier tortueux et excentré traduisant pend de la qualité technique et nécessite un radiologue
une tumeur bourgeonnante. averti. Il permet d’apprécier :
• Une lacune marginale irrégulière et rigide associée à • La localisation de son pôle supérieur,
une ulcération centrale réalisant l’image en ménisque • La longueur et la largeur de la tumeur,
et traduisant une tumeur ulcéro-bourgeonnante. • L’extension locale dans la paroi œsophagienne et dans
• Ailleurs, les images sont moins évidentes : les tissus péri-œsophagiens en signalant chaque fois
• sténose courte régulière et centrée, si l’aorte, l’arbre trachéobronchique, la veine azygos
• une ulcération isolée, et les poumons sont envahis. Dans l’abdomen, il doit
• une simple rigidité. chercher une carcinose, une atteinte des piliers du dia-
En fait, le point le plus important c’est que toutes ces phragme ou des organes voisins. En ce qui concerne
images sont caractéristiques par leur fixité, la rigidité et l’extension trachéobronchique, il existe des signes in-
leur constance sur tous les clichés. directs d’envahissement : prolongement tumoral entre
trachée et crosse de l’aorte ou entre bronche souche
gauche et aorte descendante. En ce qui concerne
V. BILAN PRE-THERAPEUTIQUE l’aorte  : un contact tumoral sur plus du quart de la
(OBJECTIF N° 4) : circonférence de l’aorte avec disparition du plan grais-
seux périœsophagien témoigne d’un envahissement
Une fois le diagnostic posé, un double bilan s’impose : possible de l’aorte.
• bilan de l’extension tumorale, • L’extension lymphatique  : l’étude de l’envahissement
• bilan de l’opérabilité du malade. ganglionnaire n’est pas fiable et seul un ganglion de
diamètre > 20 mm est très probablement métastatique.
A. BILAN D’EXTENSION TUMORALE : • Au niveau abdominal : on étudie le foie, les ganglions
Il est basé sur l’interrogatoire, l’examen clinique et sur- cœliaques.
tout les examens paracliniques.
1/L’INTERROGATOIRE : La classification TDM la plus connue est celle MOSS qui
Recherche : distingue 4 stades :
• Des douleurs thoraciques postérieures qui traduisent Stade I : tumeur intra luminale sans épaississement
l’atteinte du fascia pré vertébral, du mur œsophagien.
• Une dysphonie : témoin d’une atteinte récurrentielle, Stade II : épaississement pariétal > 5 mm sans exten-
• Des fausses routes alimentaires pouvant traduire une sion médiastinale ou abdominale.
fistule œso-trachéale ou un cancer sténosant haut situé. Stade III : extension médiastinale avec ou sans adéno-
pathie, mais sans métastase abdominale ou
2/L’EXAMEN PHYSIQUE : osseuse.
Recherche  : un gros foie, une masse épigastrique, un Stade IV : métastase à distance.
ganglion de Troisier.
7/L’ÉCHO-ENDOSCOPIE :
3/L’EXAMEN ORL : L’introduction d’un transducteur d’échographie dans les
Est indispensable, à la recherche d’un cancer ORL as- cavités digestives permet de ne pas être gêné par les
socié dans 10 à 15  % des cas et atteignant le cavum, barrières habituelles aux ultrasons que constituent les
l’amygdale, le larynx… gaz intestinaux, les structures osseuses, le tissu adipeux

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et d’être à proximité de la structure cible, ce qui autorise Le TOGD dans ce cas particulier est d’interprétation diffi-
l’utilisation de sonde de haute fréquence et l’obtention cile, pouvant être normal, c’est dire l’importance de l’en-
d’image de haute résolution. doscopie.
Il est ainsi possible d’étudier la paroi de l’œsophage, L’écho-endoscopie est un excellent examen pour préci-
les structures latéro-œsophagiennes en particulier les ser le degré d’envahissement pariétal et rechercher une
aires ganglionnaires et les structures médiastinales atteinte ganglionnaire qui sans être nulle est exception-
postérieures. Cet examen est plus performant que le nelle.
TDM pour étudier l’extension pariétale et ganglionnaire. 2/CANCER ÉVOLUÉ :
L’écho-endoscopie est insuffisante en cas de tumeur Il s’agit de tumeur volumineuse ayant envahi les struc-
sténosante non franchissable. tures avoisinantes.
Ainsi, si la tumeur est volumineuse et sténosante le On est en présence d’un malade cachectique souvent
scanner permet d’étudier l’extirpabilité et l’écho-endos- aphagique ayant des signes d’extension locorégionale  :
copie est impossible, si la tumeur n’est pas évoluée et douleurs thoraciques postérieures, dysphonie par at-
n’est pas sténosante il faut commencer par l’écho-en- teinte récurrentielle, broncho-pneumopathies à répéti-
doscopie qui peut être suffisante. tion par fausses routes ou par fistule œso-trachéale ou
œso-bronchique.
B. BILAN DU TERRAIN : La fibroscopie et le TOGD objectivent une tumeur éten-
• Le cancer de l’œsophage survient chez des patients due avec désaxation de l’axe œsophagien. L’opacification
âgés, alcoolo-tabagiques, dysphagiques ayant plu- œsophagienne peut révéler une fistule œso-trachéale ou
sieurs tares ce qui rend obligatoire la réalisation d’un œso-médiastinale.
bilan du terrain et un bilan d’opérabilité afin de sélec- Le TDM est la bronchoscopie révèlent souvent une at-
tionner les patients capables de supporter un traite- teinte trachéale ou bronchique voir aortique.
ment chirurgical et/ou un traitement néo adjuvant ou Le pronostic est très mauvais à court terme.
adjuvant.
• Ce bilan sera réalisé en collaboration étroite avec les B. FORMES TOPOGRAPHIQUES :
médecins anesthésistes réanimateurs. Il comprend 1/CANCER DU 1/3 SUPÉRIEUR :
l’évaluation de : Il se distingue par une symptomatologie bruyante mar-
– Âge réel et physiologique quée par la fréquence :
– Tares : diabète, cirrhose, HTA… • Des complications respiratoires : broncho-pneumopa-
– Fonction respiratoire : Rx thorax, EFR, GDS (patients thies par fausses routes, surinfection broncho-pulmo-
tabagiques, chirurgie pourvoyeuse de complications naire,
respiratoires) • De l’atteinte récurrentielle,
– État nutritionnel : poids, Indice de masse corporelle, • D’envahissement trachéal.
Nutritional risk index, % de perte de poids, électro- Le diagnostic repose sur l’œsophagoscopie au tube ri-
phorèse des protides, degré d’anémie (patients dys- gide. Le TOGD est d’interprétation difficile en raison du
phagiques, amaigris, anorexiques). passage rapide de la baryte.
– Fonction cardiaque : ECG, Echo cardiaque
– Fonction hépatique : bilan hépatique, TP, Bilan d’hé- 2/CANCER DU 1/3 INFÉRIEUR :
mostase. Il a un retentissement orificiel rapide et donc une tra-
– Fonction rénale : azotémie, créatinémie. duction sténosante rapide. La dysphagie est longtemps
• À la fin de ce bilan, les patients seront classés selon tolérée souvent précédée de troubles dyspeptiques.
la classification de l’American society of anesthesiology
(ASA) C. FORMES ÉTIOLOGIQUES :
L’association à un cancer des voies aériennes superfi-
cielles est possible. Elle doit être recherchée de partie
VI. FORMES CLINIQUES (OBJECTIF N° 6) : pris.
Conditions précancéreuses  : pour insister sur l’impor-
A. FORMES ÉVOLUTIVES : tance d’une surveillance endoscopique régulière avec
1/CANCER SUPERFICIEL : biopsies étagées et multiples guidées par les colorations
La lésion ne dépasse pas la sous-muqueuse. Il repré- vitales afin de dépister, à un stade précoce, une dyspha-
sente le stade idéal du diagnostic offrant au patient la gie. Le caractère sévère de celle-ci est considéré comme
possibilité d’un traitement curatif et la guérison. un cancer in situ.
Les circonstances de découverte sont rarement repré-
sentées par la dysphagie, il s’agit le plus souvent de dé- FORMES ANATOMOPATHOLOGIQUES :
couverte lors de surveillance de patient à haut risque ou L’adénocarcinome de l’œsophage  : se voit rarement. Il
de découverte fortuite lors d’une endoscopie réalisée s’agit de tumeurs qui se développent sur une muqueuse
pour une autre pathologie. glandulaire hétérotopique de l’œsophage. Cet adéno-
Sur le plan endoscopique  : les lésions apparaissent carcinome glandulaire peut atteindre la partie haute de
comme une érosion muqueuse en carte de géographie l’œsophage et il faut le différencier de l’adénocarcinome
saignant au contact, comme une congestion locale aux du bas œsophage qui peut compliquer un endo-bra-
contours flous ou comme une rugosité de la muqueuse. chy-œsophage.
Les biopsies en l’absence de lésions évidentes seront Cancer sur endo-brachy-œsophage  : il existe un long
guidées par l’utilisation de colorations vitales. passé de reflux gastro-œsophagien qui va déterminer

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 9


une métaplasie de la muqueuse œsophagienne au ni- trinsèque. Radiographie : lacune bien limitée régulière,
veau des derniers centimètres. Cette métaplasie, surtout plissement muqueux conservé et le raccordement avec
si elle est de type intestinal, est susceptible de dégénérer l’œsophage sous-jacent se fait sous forme d’un éperon.
et d’entraîner l’apparition d’un adénocarcinome.
Les sarcomes, les carcinomes anaplasiques, les méla-
nomes malins et les lymphomes malins sont exception- VIII. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 7) :
nels.
A. BUTS :
• Assurer au malade la survie la plus prolongée.
VII. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL • À défaut, améliorer la qualité de vie en permettant
(OBJECTIF N° 6) : une alimentation orale.

Toute dysphagie ou ses équivalents doit imposer la La chirurgie conserve toujours un rôle central dans
fibroscopie avec biopsies qui permettent de poser le dia- le traitement du cancer de l’œsophage. Compte
gnostic. On peut éliminer : tenu de la sévérité du pronostic, une approche
multidisciplinaire est nécessaire faisant intervenir
1/LES COMPRESSIONS EXTRINSÈQUES : la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie,
A/À L’ÉTAGE CERVICAL : seules ou en association, en fonction des diffé-
• Le cancer de la thyroïde envahissant l’œsophage (scin- rentes situations cliniques.
tigraphie thyroïdienne).
• L’ostéophyte vertébral qui peut refouler la paroi pos-
térieure de l’œsophage et entraîner une dysphagie. B. PRÉPARATION DU MALADE :
L’endoscopie montre une paroi bombante avec une • Elle est primordiale, car :
muqueuse saine. La radiographie du rachis permet le – Il s’agit de patients âgés, dénutris, alcoolo-taba-
diagnostic. giques ayant des comorbidités
– Il s’agit d’une chirurgie d’exérèse majeure pour-
B/À L’ÉTAGE THORACIQUE : voyeuse de complications respiratoires et infec-
• Carcinoses médiastinales métastatiques le plus sou- tieuses.
vent d’origine mammaire, parfois à point de départ pul- • Elle comporte :
monaire, prostatique ou utérin. – La préparation fonctionnelle respiratoire  : elle est
• Adénopathies médiastinales. fondamentale à cause de la nature du terrain (taba-
• Cancer broncho-pulmonaire envahissant l’œsophage. gique, broncho-pneumopathie chronique) et du type
de chirurgie qui altère la ventilation. Elle comporte le
2/LES STÉNOSES INTRINSÈQUES : sevrage du tabac et une kinésithérapie respiratoire
LA STÉNOSE PEPTIQUE  : antécédents de reflux, quel- associée aux fluidifiants bronchiques en aérosols et
quefois absents chez le vieillard, la sténose est habituel- aux médicaments bronchodilatateurs.
lement longue, mais elle peut être courte. Il peut exister – Nutrition pré et post opératoire par voie parentérale
une hernie hiatale associée. Dans le doute, dilatation et ou entérale en cas de dénutrition sévère (perte de
biopsie, car un endo-brachy-œsophage peut accompa- poids > 20 %).
gner la sténose peptique. – Le dépistage et l’éradication des foyers infectieux
latents (ORL, cutané, pulmonaire).
LA STÉNOSE CAUSTIQUE  : antécédents d’ingestion de – Antibiothérapie préventive.
caustique, quelquefois cachés par le patient, la sténose – Prophylaxie thrombo-embolique.
évocatrice d’une origine caustique quand elle est très – Préparation colique systématique
longue, multiple, moniliforme ou associée à une sténose
gastrique. C. LES MÉTHODES :
1/LES MÉTHODES CHIRURGICALES :
LE CANCER DU CARDIA : il s’agit d’un adénocarcinome a/Voies d’abord
du cardia qui se propage à la fois sur l’estomac et sur • L’œsophage peut être abordé par plusieurs voies par-
l’œsophage, qui se voit de plus en plus chez les jeunes fois associées :
et qui est classiquement éliminé du cadre du cancer de – Cervicotomie -laparotomie-thoracotomie droite
l’œsophage. L’adénocarcinome du cardia peut poser un – Laparotomie-thoracotomie droite
problème diagnostique avec un adénocarcinome sur en- – Transhiatale (cervicotomie-laparotomie)
do-brachy-œsophage. – Thoracotomie gauche
• Le choix est en fonction
LE MÉGAŒSOPHAGE  : dysphagie intermittente parfois – De l’étendue d’exérèse.
paradoxale. Endoscopie : signe du ressaut. TOGD : sté- – De l’étendue du curage ganglionnaire.
nose courte régulière. La Manométrie permet de confir- – Du terrain (fonction respiratoire+++).
mer le diagnostic. – Des préférences du chirurgien
• La chirurgie du cancer de l’œsophage peut se faire par
LES TUMEURS BÉNIGNES : ils ont des expressions en- laparoscopie et/ou thoracoscopie ou par chirurgie coe-
doscopique et radiologique différentes. Fibroscopie  : lioassistée. Elles ne se conçoivent que dans des centres
muqueuse saine semble refoulée par un processus ex- spécialisés et dans le cadre d’études.

10 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


b/La chirurgie à visée curative : Étendue du curage ganglionnaire
But : • L’étendue du curage ganglionnaire est sujette de
• Réaliser une exérèse complète de la tumeur et de ses controverses. Le curage ganglionnaire extensif (trois
extensions ganglionnaires de type R0 selon la classifi- champs et deux champs total) sont associés à une
cation de l’UICC, c’est-à-dire sans résidu tumoral mi- augmentation de la morbidité et de la mortalité post
croscopique ou macroscopique. opératoire sans gain évident sur la survie.
• Pour ce faire, l’exérèse doit obéir à des principes ou des
règles carcinologiques.

Les principes carcinologiques


Ils concernent :
• L’étendue de l’exérèse œsophagienne.
• L’étendue du curage ganglionnaire.
• L’exérèse transthoracique ou transhiatale

L’étendue de l’exérèse :
• Une marge de sécurité de 10 à 12  cm au-dessus du
pole supérieur de la tumeur est obligatoire. Vers le bas,
une marge de 5 cm emportant le pole supérieur de l’es-
tomac et la petite courbure gastrique est nécessaire.
• Certains auteurs optent pour la totalisation de l’œso-
phagectomie à cause de :
– l’extension histologique qui dépasse les limites
macroscopiques
– La fréquence des formes multifocales (15 %).
• En cas d’envahissement locorégional minime, l’exérèse Fig.2 : Étendue du curage ganglionnaire
en bloc emportant une languette pulmonaire, pleurale
ou du péricarde, passant en tissu sain, n’est pas in- Le curage ganglionnaire varie du curage deux champs
compatible avec une exérèse à visée curative. standard (1) au curage trois champs (2)
• Pour les tumeurs de l’œsophage cervical situées à
moins de 2  cm de la bouche de l’œsophage ou attei- Exérèse transthoracique ou transhiatale ?
gnant cette dernière, une pharyngo-laryngectomie to- • La voie transthoracique est la voie de référence pour le
tale doit être associée à l’œsophagectomie. traitement du cancer de l’œsophage.
• Par contre, pour les tumeurs situées à plus de 2 cm de • La voie transhiatale est acceptable sur le plan carcino-
la Bouche de l’œsophage, l’œsophagectomie totale est logique. Elle est réservée aux patients âgés ayant un
suffisante. terrain respiratoire précaire.

Le curage ganglionnaire (fig.2) Quel organe utiliser pour le remplacement œsopha-


• Le curage ganglionnaire est un élément primordial gien ?
pour la qualité carcinologique de l’exérèse et pour le • La confection d’un tube gastrique constitue la technique
classement des tumeurs. de choix dans la reconstruction après œsophagectomie
• Plusieurs types de curages ganglionnaires sont propo- pour cancer.
sés : • La coloplastie utilisant le côlon transverse gauche
– Curage deux champs (abdominal et thoracique). Il constitue une alternative à la gastroplastie en cas de :
comprend trois types : – Antécédent de chirurgie gastrique ou de pathologie
−−curage deux champs standard, incluant les gan- gastrique associée.
glions latérooesophagiens, sous-carénaires, laté- – Nécessité d’un transplant long atteignant la base de
robronchiques à l’étage thoracique et les ganglions la longue après OPLT.
paracardiaux droits et gauches, de la petite cour-
bure et gastriques gauches à l’étage abdominal Quel trajet pour le transplant ?
−−curage deux champs étendu, qui en plus du curage • Trajet médiastinal postérieur :
standard associe l’exérèse des ganglions récurren- – Avantages : meilleur résultat fonctionnel grâce à un
tiels droits, sous-claviculaires et latérotrachéaux trajet direct et moins de fistules anastomotiques.
droits au niveau thoracique, et cœliaques au niveau – Inconvénients : envahissement en cas de récidive tu-
abdominal morale et siège dans le champ d’irradiation en cas
−−curage deux champs total incluant en plus l’exé- de radiothérapie post opératoire.
rèse des ganglions sous-claviculaires gauches, ré- • Trajet rétrosternal :
currentiels et paratrachéaux bilatéraux. – Avantages : à distance des récidives tumorales et loin
– Curage trois champs (abdominal, thoracique et cer- du champ d’irradiation en cas de radiothérapie post
vical). opératoire.
• La majorité des auteurs insistent sur l’importance car- – Inconvénients  : mauvais résultat fonctionnel grâce
cinologique de l’exérèse en bloc de l’œsophage et des à un trajet en chicane et plus de fistules anastomo-
tissus cellulo-lymphatiques correspondants. tiques.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 11


– Les données actuelles de la littérature font opter première pour vérifier l’extirpabilité de la tumeur et
pour un trajet médiastinal postérieur. placent le transplant en médiastinal postérieur. C’est
l’intervention de Mac Keown.

Ainsi, l’œsophagectomie radicale en bloc par voie OPLT (oesopharyngolaryngectomie totale) :


transthoracique associée à un curage ganglion- • Cervicotomie en « U » puis laparotomie.
naire deux champs avec gastroplastie médiasti- • Œsophagectomie totale transhiatale avec pharyngola-
nale postérieure constitue actuellement le traite- ryngectomie totale circulaire + curage ganglionnaire.
ment de référence du cancer de l’œsophage • Trachéostomie définitive.
• Coloplastie ou tube gastrique médiastinal postérieur +
pyloroplastie.
• Les interventions : • Anastomose haute au niveau de la base de la longue.
Selon l’étendue de l’exérèse œsophagienne vers le haut • Peut être réalisée pour les tumeurs de la bouche de
et donc le siège de l’anastomose supérieure, l’étendue l’œsophage et les tumeurs de l’œsophage cervical à
du curage ganglionnaire, le trajet du transplant et les moins de 2 cm de la bouche de l’œsophage.
voies d’abord, de nombreuses techniques sont utilisées
à savoir : Indication du type d’intervention en fonction du siège de
– Intervention de Lewis-Santy : double abord (abdominal la tumeur :
et thoracique droit) • Tumeur de l’œsophage cervical à plus de 2  cm de la
– Intervention d’Akiyama : triple abord (abdominal, cervi- bouche de l’œsophage et tumeur de l’œsophage thora-
cal et thoracique droit) cique supérieur peuvent être traitées par : intervention
– Intervention de Mac Keown  : triple abord (thoracique d’Akiyama ou Mac Koewn.
droit, abdominal et cervical) • Tumeurs de la bouche de l’œsophage (BO) ou de l’œso-
– Œsophagectomie transhiatale : double abord (abdomi- phage cervical à moins de 2 cm de la BO : OPLT.
nal et cervical) • Tumeur du tiers moyen de l’œsophage peut être traitée
– Œso-pharyngo-laryngectomie totale (OPLT)  : double par : intervention de Lewis santy, intervention d’Akiya-
abord (abdominal et cervical) ma ou de Mac Koewn.
• Tumeur du tiers inférieur peut être traitée par : œso-
Intervention de Lewis-Santy phagectomie trans hiatale, intervention de Lewis santy,
• Laparotomie suivie d’une thoracotomie droite. intervention d’Akiyama ou de Mac Koewn.
• Œsophagectomie + curage ganglionnaire.
• Tube gastrique + pyloroplastie. Pour la même localisation, le choix du type d’intervention
• Anastomose haute au sommet du thorax. dépend de :
• Peut être réalisée dans les tumeurs du 1/3 moyen et – Étendue de l’exérèse œsophagienne (siège de l’anasto-
inférieur de l’œsophage. mose haute : intra thoracique ou au cou)
– Étendue du curage ganglionnaire (deux champs ou
Œsophagectomie transhiatale trois champs)
• Laparotomie suivie d’une cervicotomie pré sterno-cléi- – Terrain (surtout respiratoire  : transthoracique versus
do-mastoïdien gauche. trans hiatale)
• Œsophagectomie + curage ganglionnaire médiastinal – Les préférences du chirurgien (Orringer MB pour
inférieur et abdominal. l’œsophagectomie trans hiatale, Akiyama et Mac
• Tube gastrique + pyloroplastie. Koewn pour l’œsophagectomie par trois voies)
• Anastomose haute au cou.
• Peut être réalisée dans les tumeurs du 1/3 inférieur de c/La chirurgie à visée palliative :
l’œsophage. But :
• Améliorer la qualité de vie tout en assurant un taux
Intervention d’Akiyama : faible de morbidité et de mortalité post opératoire.
• Technique originale :
• Laparotomie suivie d’une cervicotomie suivie d’une Moyens :
thoracotomie droite. • Exérèse à visée palliative ou de propreté :
• Œsophagectomie + curage ganglionnaire deux – Elle n’a plus de place dans le traitement palliatif du
champs ou trois champs. cancer de l’œsophage à cause d’une morbidité et
• Tube gastrique rétrosternal+ pyloroplastie. d’une mortalité élevées et de l’efficacité des autres
• Anastomose haute au cou. moyens. Parfois, le chirurgien découvre en fin d’in-
• Peut être réalisée dans les tumeurs du 1/3 moyen tervention qu’il est obligé à laisser une pastille tumo-
et les tumeurs du 1/3 supérieur à plus de 2 cm de la rale contre l’aorte ou les bronches ou une adénopa-
bouche de l’œsophage. thie métastatique inextirpable.
• Variantes techniques : • Œsophagoplastie palliative ou By-Pass :
• Thoracotomie droite première pour vérifier l’extir- – Court circuiter la tumeur laissée en place par un
pabilité de la tumeur suivie par la confection d’une tube gastrique (POSTLEWHAIT) ou un transplant co-
gastroplastie rétrosternale anastomosée au cou par lique transverse gauche.
laparotomie et cervicotomie. – Morbidité et mortalité élevées.
• D’autres auteurs réalisent une thoracotomie droite • Stomie d’alimentation.

12 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


2/LA RADIOTHÉRAPIE ET/OU LA CHIMIOTHÉRAPIE : Indications thérapeutiques :
La radiochimiothérapie • Cancer T1-T2 ; N0 non métastatique :
• Elle a bouleversé la prise ne charge thérapeutique des – Malade opérable
cancers de l’œsophage. −Chirurgie
− à visée curative.
• Elle doit être concomitante. −Chimiothérapie
− adjuvante en cas de N+.
• En situation néo adjuvante, elle augmente le taux de ré- – Malade non opérable
section et la survie comparée à la chirurgie seule chez −Radio
− chimiothérapie concomitante exclusive.
les patients répondeurs.
• Chez les patients répondeurs, porteurs de tumeurs • Cancer T1-T2 ; N1 non métastatique :
localement avancées (T3, T4 résécables ; N0, N1), la – Malade opérable
radiochimiothérapie concomitante exclusive peut être −Radio
− chimiothérapie concomitante néo adjuvante +
proposée comme un traitement à visé curative. Chirurgie à visée curative.
– Malade non opérable
La radiothérapie −Radio
− chimiothérapie concomitante exclusive.
• N’est pas efficace en situation néo adjuvante ou adju-
vante. • Cancer T3 ; N0-N1 non métastatique :
• Garde une place dans le traitement palliatif du cancer – Malade opérable
de l’œsophage. −Radio
− chimiothérapie concomitante néo adjuvante
• Contre indiquée en cas de fistule oeso-trachéale. + Chirurgie à visée curative ou radio chimiothérapie
concomitante exclusive chez les répondeurs.
La chimiothérapie – Malade non opérable
• La chimiothérapie néo adjuvante : elle améliore la sur- −Radio
− chimiothérapie concomitante exclusive
vie surtout en cas d’ADK.
• La chimiothérapie adjuvante est associée à une dimi- • Cancer T4 ; N0–N1 non métastatique :
nution des récidives locorégionales chez les patients – Pas d’envahissement trachéobronchique
N+ sans gain de survie. −Radio
− chimiothérapie concomitante exclusive chez
• La chimiothérapie palliative des cancers métastatiques les patients répondeurs. En cas de réponse partielle
est associée à une médiane de survie de 8 à 12 mois. Le ou une récidive précoce chez des malades opérables,
protocole de référence étant le 5FU-Cisplatine. une chirurgie de rattrapage peut être proposée.
– Avec envahissement trachéobronchique
3/LE TRAITEMENT ENDOSCOPIQUE : −Sans
− fistule oeso-trachéale  : Radio chimiothérapie
• À visée curative : Résection endoscopique concomitante exclusive
• À visée palliative : Avec fistule oeso-trachéale : Prothèse
– Dilatations œsophagiennes
– Endoprothèse • Cancer de l’œsophage métastatique :
– Techniques de destruction tumorale (laser, électro- – Malade en bon état général :
coagulation, curiethérapie, injection intra tumorale −Radio
− chimiothérapie concomitante ou
d’agents sclérosants). −Chimiothérapie
− et traitement endoscopique de la
– Gastrostomie percutanée par voie endoscopique dysphagie ou
−Traitement
− endoscopique de la dysphagie.
D. LES INDICATIONS : – Malade ayant un état général altéré:
Critères d’inopérabilité : −Traitement
− endoscopique de la dysphagie.
• Contre-indications relatives
– Âge = 75 ans Cas particuliers :
– OMS = 2 Cancer superficiel de l’œsophage :
– Perte de poids > 15 % du poids de base • Traitement endoscopique par mucosectomie si :
– Artériopathie sévère – La lésion a un diamètre < 2 cm (après coloration vi-
• Contre-indications absolues tale),
– Insuffisance respiratoire (PaO2 = 60  mmHg, – La lésion n’est pas ulcérée,
PaCO2>45 mmHg, VEMS = 1 000 ml/sec) – et si son caractère superficiel limité à la muqueuse
– Cirrhose décompensée (ascite, ictère, présence de va- peut être affirmé par une écho endoscopie utilisant
rices œsophagiennes) une sonde de haute fréquence.
– Insuffisance rénale (créatininémie >1,25 x N) • C’est la technique de référence, car elle permet l’exa-
– Infarctus du myocarde datant de moins de 6 mois ou men histologique de la pièce de résection afin de confir-
cardiopathie évolutive. mer que la lésion est superficielle et que les marges
– Perte de poids > 20 % sont saines.
• Lorsque la pièce de mucosectomie montre que la lé-
Critères de non-résécabilité : sion est invasive, le risque d’extension ganglionnaire
• Tumeur envahissant les structures médiastinales est important ce qui impose :
(T4b) : arbre trachéobronchique, récurrent, aorte – une œsophagectomie chez les patients opérables
• Métastases viscérales ou ganglionnaires à distance – une radio-chimiothérapie chez les patients inopé-
classées M1 (M1a, M1b) rables.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 13


• Si la mucosectomie est impossible, on discutera en E. LE POST OPÉRATOIRE :
fonction du terrain : • Assistance respiratoire jusqu’au réveil, quelquefois
– Œsophagectomie prolongée.
– Radiochimiothérapie • Kinésithérapie respiratoire active.
– Radiothérapie • Radiographie du thorax quotidienne.
– Curiethérapie à haut débit de dose • Hypernutrition parentérale relayée par la jéjunostomie
– Autres techniques de destruction locale (photothéra- dès la reprise du transit.
pie, laser…). • Contrôle radiologique des anastomoses vers le 8e jour.
• Les complications post opératoires sont fréquentes
Cancer de l’œsophage cervical : avec une morbidité de 15 à 30 % et une mortalité de 10
• Une radio chimiothérapie concomitante est géné- à 20 % selon les séries. Les principales complications
ralement proposée en première intention, surtout sont les fistules anastomotiques, les broncho-pneu-
lorsqu’une pharyngolaryngectomie totale serait néces- mopathies avec des atélectasies et les épanchements
saire. pleuraux.
• La résection est proposée en l’absence de réponse
complète, si une résection R0 est a priori possible
IX. CONCLUSION :
Endobrachyoesophage en dysplasie de haut grade:
• Le choix est entre l’exérèse endoscopique et l’œso- Le cancer de l’œsophage est un cancer de mauvais pro-
phagectomie radicale. Il est en fonction de : nostic, car trois malades sur dix sont récusés à cause de
– La topographie circonférentielle ou non des lésions l’extension tumorale, trois autres malades sur dix sont
en endoscopie, récusés à cause du très mauvais terrain et seuls quatre
– L’aptitude du patient à supporter une œsophagecto- malades sur dix sont opérés dont deux à titre curatif. La
mie, survie à cinq ans est de l’ordre de 15-20 %. L’améliora-
– La compliance à une surveillance endoscopique ul- tion du pronostic impose un diagnostic précoce basé sur
térieure. la fibroscopie devant la moindre dysphagie, sur la col-
laboration multidisciplinaire et la mise au point de pro-
tocole thérapeutique associant une chimioradiothérapie
pré opératoire à la chirurgie.

14 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) :
L’extension lymphatique extraœsophagienne d’un cancer de l’œsophage est anarchique. vrai n faux n

Test n° 2 (Objectif n° 6) : L’ostéophyte vertébral peut refouler la paroi postérieure de l’œsophage
et entraîner une dysphagie. vrai n faux n

Test n° 3 (Objectif n° 3) : En matière de cancer de l’œsophage, la fibroscopie permet de :
a) Localiser la lésion par rapport aux arcades dentaires.
b) Préciser le caractère infiltrant bourgeonnant ou ulcéro-bourgeonnant de la tumeur.
c) Apprécier son étendue en longueur.
d) Apprécier son étendue en circonférence.
e) Apprécier son étendue en profondeur.

Test n° 4 (Objectif n° 4) : Devant un cancer de l’œsophage confirmé histologiquement, le bilan d’extension comprend :
a) Un examen ORL. b) Une radiographie du thorax de face.
c) Une fibroscopie trachéobronchique. d) Une écho-endoscopie.
e) Un scanner thoracique.

Test n° 5 (Objectif n° 5) : Parmi les interventions suivantes quelles sont celles qui peuvent assurer une exérèse à visée
curative :
a) Intervention de Lewis Santy. b) Intervention d’Akiyama.
c) Intervention de Sweet. d) Intervention de Postlethwait.
e) Photo-destruction au laser.

Test n° 6 (Objectif n° 2) : Parmi les causes favorisantes suivantes quelle (s) est (sont) celle (s) qui constitue (nt) des fac-
teurs de risque intervenant dans la genèse du cancer de l’œsophage ?
a) Ingestion excessive et continue d’alcool. b) Consommation de tabac.
c) Consommation d’une façon excessive et continue d’aliments piquants.
d) Alimentation riche en nitrates et nitrites. e) Alimentation riche en vitamine A.

Test n° 7 (Objectif n° 7) : Les éléments qui contre-indiquent la résection œsophagienne en matière de cancer de l’œso-
phage sont :
a) Existence de métastases pulmonaires ou hépatiques. b) Age du patient > 80 ans.
c) Cirrhose hépatique. d) Insuffisance respiratoire modérée.
e) Envahissement de l’aorte

Test n° 8 (Session janvier 2015) : Dans le cancer de l’œsophage.


a) L’adénocarcinome est la forme histologique la plus fréquente.
b) La dysphagie est d’installation progressive.
c) L’écho endoscopie est l’examen le plus performant pour l’évaluation de l’extension loco régionale.
d) L’insuffisance hépatique constitue une contre-indication à l’intervention.
e) L’intervention de Lewis-Santy comporte une triple voie d’abord ; cervicale, thoracique et abdominale.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 15


ANATOMIE PATHOLOGIQUE/PATHOLOGIE DE L’ŒSOPHAGE

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir l’achalasie.
2. Décrire les aspects anatomopathologiques de l’œsophagite peptique.
3. Définir un endobrachyoesophage (œsophage de Barrett).
4. Décrire les œsophagites non peptiques.
5. Décrire les lésions anatomopathologiques des brûlures caustiques.
6. Reconnaître les lésions prédisposantes des cancers de l’œsophage.
7. Décrire les aspects anatomopathologiques du cancer de l’œsophage (carcinome épider-
moïde et adénocarcinome).
8. Évaluer le pronostic des cancers de l’œsophage.

INTRODUCTION Ce syndrome constitue un facteur de risque du cancer de


la partie supérieure de l’œsophage.
Les lésions de l’œsophage sont variées allant de can-
cers de très mauvais pronostic aux simples brûlures 2.2. LES DIVERTICULES :
(entraînées par un repas chaud ou épicé). Les varices Un diverticule correspond à une poche développée à
œsophagiennes, en rapport avec une cirrhose et une partir du tractus digestif et contenant les différentes
hypertension portale, peuvent se compliquer de rup- couches des viscères. Les diverticules sont générale-
ture avec hématémèse massive. Les œsophagites et ment découverts chez l’adulte ; on distingue 3 types :
les hernies hiatales constituent les lésions les plus - Le diverticule de Zenker, immédiatement au-dessus du
fréquentes. sphincter œsophagien supérieur,
- Le diverticule de traction, près de la portion moyenne
de l’œsophage,
1. LES ANOMALIES CONGÉNITALES : - Le diverticule épiphrénique, immédiatement au-dessus
du sphincter inférieur.
Ces anomalies sont rares, mais doivent être rapidement
diagnostiquées après la naissance. L’atrésie et la fistule
sont les plus fréquentes de ces anomalies. En cas d’atré- 3. LES TROUBLES DE LA MOTRICITÉ :
sie, un segment œsophagien est remplacé par un mince L’ACHALASIE :
cordon dépourvu de lumière centrale. Le segment atré-
sique est habituellement situé à la hauteur de la bifur- L’achalasie est un trouble moteur de l’œsophage qui se
cation trachéale. L’atrésie est rarement isolée, elle est caractérise par la triade suivante :
généralement (90 %) associée à une fistule reliant l’œso- - Une absence de péristaltisme œsophagien,
phage à une bronche ou à la trachée. - Une relaxation incomplète ou une absence de relâ-
chement du sphincter œsophagien inférieur lors du
passage du bol alimentaire,
2. LES DIAPHRAGMES ET DIVERTICULES - Une augmentation du tonus de repos du
ŒSOPHAGIENS : sphincter œsophagien inférieur. Cette triade engendre
une obstruction fonctionnelle de l’œsophage avec dys-
2.1. LES DIAPHRAGMES : phagie motrice (tant aux solides qu’aux liquides).
Les diaphragmes muqueux sont des protrusions se-
mi-circonférentielles en relief de la muqueuse dans la
lumière œsophagienne. 4. LES VARICES ŒSOPHAGIENNES :
Le syndrome de PLUMMER-VINSON aussi nommé syn-
drome de KELLY-PATERSON est une maladie rare d’étio- Les varices sont des veines dilatées qui bombent immé-
logie inconnue touchant surtout les femmes vers la qua- diatement sous la muqueuse au niveau de l’œsophage
rantaine. Elle associe les signes suivants : distal et de l’estomac proximal. Ceci entraîne une pro-
- Une anémie ferriprive, trusion irrégulière de la muqueuse sus-jacente dans
- Une dysphagie en rapport avec un diaphragme de la lumière. En cas de rupture de varices, la muqueuse
l’œsophage supérieur apparaît ulcérée et nécrotique. Des thromboses peuvent
- De lésions buccales (glossite et chéilite). être observées.

16 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


5. LES LÉSIONS INFLAMMATOIRES DE A. LES ŒSOPHAGITES VIRALES :
L’ŒSOPHAGE : a.1. L’œsophagite herpétique :
Elle concerne surtout les sujets immunodéprimés (VIH,
Les lésions inflammatoires de l’œsophage sont relati- post chimiothérapie, transplanté…), mais peut égale-
vement fréquentes et sont largement dominées par les ment survenir chez l’adulte bien portant. Il entraîne des
œsophagites secondaires au reflux gastro-œsophagien ulcérations à l’emporte-pièce.
(RGO). Histologiquement, les cellules infectées du revêtement
malpighien prennent un aspect multinuclé et comportent
5.1. L’ŒSOPHAGITE PEPTIQUE : des inclusions nucléaires typiques.
L’œsophagite peptique, par RGO, est la première et la
plus importante cause d’œsophagite. a.2. L’œsophagite à cytomégalovirus (CMV) :
Histologiquement, les lésions dépendent de la durée du Dans les pays développés, le CMV représente à lui seul 40
RGO et de son intensité. L’œsophagite peptique ne pré- à 60 % des causes d’œsophagite infectieuse de l’adulte.
sente pas un aspect morphologique spécifique. On ob- Il s’agit d’une infection opportuniste qui se développe
serve : généralement chez des patients atteints de VIH ou sous
-une hyperplasie des cellules basales (qui dépasse 20 % traitement immunosuppresseur.
de l’épaisseur épithéliale), Endoscopiquement, on observe, comme pour l’œsopha-
- Une ballonisation des kératinocytes avec un œdème in- gite herpétique des ulcérations bien limitées siégeant
tercellulaire, volontiers au niveau de la partie distale de l’œsophage.
- Une congestion du chorion, Contrairement au virus herpès, le CMV infecte surtout
- Un infiltrat inflammatoire incluant polynucléaires neu- les cellules mésenchymateuses et les cellules conjonc-
trophiles, éosinophiles et lymphocytes. tives. Il se manifeste histologiquement par la présence
- Dans les lésions sévères, on observe des érosions et d’inclusions intranucléaires éosinophiles homogènes
des ulcérations de la muqueuse. entourées d’un halo clair réalisant l’aspect classique dit
Au décours des poussées d’œsophagite, les lésions se en « œil de hibou ».
réparent avec ou sans fibrose résiduelle.
B. L’ŒSOPHAGITE MYCOSIQUE :
L’œsophage de Barrett ou endobrachyœsophage La candidose est de loin la plus fréquente des mycoses
(EBO) : Il s’agit d’une œsophagite peptique qui se com- œsophagiennes. Elle survient surtout chez le sujet immu-
plique d’un processus de réparation particulier, où les nodéprimé ou suite à une corticothérapie, ou à une anti-
cellules épithéliales pavimenteuses (malpighiennes) qui biothérapie. Il existe souvent une candidose buccale asso-
tapissent normalement l’œsophage sont remplacées par ciée. L’endoscopie révèle une muqueuse érythémateuse
un épithélium métaplasique de type cylindrique (glan- recouverte d’enduits et de plaques blanchâtres. Histo-
dulaire). L’EBO est défini comme une lésion endosco- logiquement, on observe des filaments mycéliens et des
piquement reconnaissable (aspect rose saumon de la spores qui sont mieux visualisés par la coloration au PAS.
muqueuse du bas œsophage) et dont le diagnostic est
confirmé par l’analyse anatomopathologique. C. LES ŒSOPHAGITES BACTÉRIENNES :
À l‘examen histologique, l’épithélium malpighien de Les œsophagites bactériennes primitives sont extrême-
l’œsophage est remplacé par un épithélium métapla- ment rares survenant sur terrain d’immunodépression.
sique glandulaire. La muqueuse métaplasique peut En effet la grande majorité des œsophagites bacté-
contenir seulement un épithélium de type gastrique, riennes sont secondaires à une surinfection d’ulcéra-
dans ce cas il peut être difficile de distinguer un EBO tions préexistantes. Le germe incriminé est générale-
d’une hernie hiatale. Le diagnostic est plus facilement ment une bactérie de la flore normale de la bouche ou
porté lorsque la muqueuse métaplasique comporte des du tractus respiratoire.
cellules caliciformes (métaplasie intestinale).
L’EBO survient dans 10 à 15  % des cas d’œsophagite 5.3. ŒSOPHAGITE RADIQUE :
peptique ; c’est un état prédisposant au développement Après irradiation, les vaisseaux de la sous-muqueuse et
de dysplasie et d’adénocarcinome. Il est le principal fac- du reste de la paroi présentent une importante hyper-
teur incriminé dans la genèse de l’adénocarcinome de plasie des cellules endothéliales. La sous-muqueuse est
l’œsophage. La présence d’un EBO augmente le risque le siège d’importants remaniements fibreux, et la mu-
de survenue d’un adénocarcinome de 30 à 100 fois par queuse devient atrophique avec aplatissement et amin-
rapport à la population générale. Ainsi le diagnostic cissement de l’épithélium.
d’EBO impose une surveillance régulière par l’endosco-
pie et la pratique de biopsies pour dépister les lésions de 5.4. ŒSOPHAGITE CAUSTIQUE :
dysplasie et prévenir le développement de carcinomes. L’œsophagite caustique est secondaire à l’ingestion d’un
produit alcalin ou acide. Les lésions varient selon la na-
5.2. ŒSOPHAGITES INFECTIEUSES : ture du produit, la forme physique, la concentration et le
Les virus et les mycoses représentent les principales volume ingéré.
causes d’œsophagite infectieuse. L’endoscopie permet L’évolution se fait en 3 phases :
de visualiser les lésions muqueuses et de pratiquer des - une phase aiguë avec ulcération, nécrose et risque de
prélèvements multiples nécessaires pour les études perforation,
cytologiques, histologiques, virologiques et bactériolo- - une phase de cicatrisation avec fibrose pouvant se
giques. compliquer de sténose,

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 17


- et une phase tardive (après plusieurs années) carac- sante. On distingue les tumeurs dites « superficielles »
térisée par un risque de cancérisation sous forme de limitées à la muqueuse ou à la sous-muqueuse et les tu-
carcinome épidermoïde. meurs avancées envahissant la musculeuse ou au-delà.

a.3. Microscopie :
6. LES TUMEURS DE L’ŒSOPHAGE : La plupart des carcinomes épidermoïdes sont moyenne-
ment ou bien différenciés, caractérisés par des cellules
6.1. TUMEURS BÉNIGNES : polygonales avec des atypies cytologiques souvent mo-
Les tumeurs bénignes de l’œsophage sont peu fré- dérées et une maturation cornée évidente sous forme
quentes. La plupart sont d’origine mésenchymateuse et de globes cornés. Rarement, il s’agit d’un carcinome à
localisées dans la paroi. Ce sont des léiomyomes, des cellules fusiformes (i.e. sarcomatoïde), cette forme pré-
fibromes, des lipomes, des hémangiomes, des neurofi- sente généralement un aspect macroscopique polypoïde.
bromes, des lymphangiomes, etc. Le Carcinome verruqueux est une variante rare du car-
cinome épidermoïde de l’œsophage. C’est une tumeur
6.2. TUMEURS MALIGNES : exophytique, d’évolution lente, donnant peu de métas-
Les tumeurs malignes primitives sont pour la plupart tases. L’aspect histologique est celui d’une prolifération
des carcinomes, avec deux principales variétés : le car- très bien différenciée avec peu d’atypies.
cinome épidermoïde (>80 %) et l’adénocarcinome (20 %),
ce dernier est en nette augmentation. B. L’ADÉNOCARCINOME :
Les tumeurs malignes non épithéliales (sarcomes, b.1. Généralités :
lymphomes, mélanomes…) sont exceptionnelles. Les Sa prévalence est nettement inférieure à celle du car-
tumeurs secondaires sont également très rares. Elles cinome épidermoïde, mais elle est en augmentation
correspondent à des extensions de cancers de voisinage ces dernières décades. Le seul facteur étiologique bien
(larynx, cardia, arbre trachéobronchique…) ou à des mé- démontré est l’existence d’un endo-brachy-œsophage
tastases (voies aériennes supérieures, poumon, sein…). (EBO)  : processus de réparation de l’œsophagite pep-
tique. Plus de 95 % des adénocarcinomes du bas œso-
A. LE CARCINOME ÉPIDERMOÏDE : phage sont associés à un endobrachyoesophage de la
a.1. Généralités : muqueuse adjacente. Les adénocarcinomes non liés à
Le tabac est le principal facteur prédisposant avec un l’EBO sont très rares, survenant sur des foyers d’hété-
risque relatif variant selon les séries de 4 à 8. Ce risque rotopie gastrique ou sur les glandes muqueuses œso-
diminue après 5 ans de l’arrêt du tabagisme. L’alcool a phagiennes.
un effet indépendant, mais synergique avec le tabagisme. La dysplasie est observée dans 10  % des cas d’EBO et
constitue la lésion précancéreuse de l’adénocarcinome
Les Lésions prédisposantes sont : (annexe 1). On en distingue 2 grades : dysplasie de bas
- L’œsophagite caustique : Le délai entre la survenue du grade et dysplasie de haut grade.
cancer et l’ingestion de caustique est long, il est de 30
ans en moyenne. b.2. Macroscopie :
- L’irradiation thoracique notamment pour les cancers Les adénocarcinomes sont en général localisés à l’œso-
du sein phage distal et peuvent envahir le cardia. La présenta-
- Le mégaœsophage ou achalasie avec un risque de dé- tion la plus fréquente est celle d’une tumeur ulcéro- in-
générescence est évalué entre 2 et 8 %. filtrante ; plus rarement végétante ou polypoïde.
- L’œsophagite sidéropénique  : syndrome de Kelly-Pa-
terson ou Plummer-Vinson b.3. Microscopie
À l’examen histologique, la plupart des adénocarcinomes
Lésion précurseur  : dysplasie ou néoplasie malpi- sont mucosecrétants de type intestinal. La prolifération
ghienne intraépithéliale est typiquement d’architecture papillaire et tubulaire.
Le développement du carcinome épidermoïde de l’œso- Plus rarement, elle est diffuse présentant une différen-
phage semble passer par plusieurs étapes allant de la tiation glandulaire focale. Parfois la prolifération est faite
néoplasie malpighienne intraépithéliale (dysplasie), au de cellules isolées en bague à chaton. L’adénocarcinome
carcinome épidermoïde in situ puis invasif. est gradé selon le degré de différenciation glandulaire en
La dysplasie épithéliale est une lésion précancéreuse bien, modérément et peu différencié.
acquise. Elle est caractérisée par l’association, à des
degrés divers, d’atypies cellulaires, d’anomalies de la C. PRONOSTIC
différenciation et de modifications architecturales de
l’épithélium (la membrane basale et chorion ne sont pas Toutes formes confondues, la survie des patients atteints
envahis). d’un cancer de l’œsophage est inférieure à 10 % à 5 ans.
Le principal facteur pronostique est le stade TNM.
a.2. Macroscopie : L’envahissement ganglionnaire est un facteur pronos-
Les localisations préférentielles des carcinomes épider- tique important : 25 % de survie à 5 ans en l’absence de
moïdes sont par ordre décroissant  : le tiers moyen, le ganglions métastatiques et 10  % de survie à 5 ans en
tiers inférieur et le tiers supérieur. présence d’un envahissement ganglionnaire. Le pronos-
La tumeur est habituellement ulcéro-bourgeonnante et tic dépend également du grade histologique.
infiltrante. Plus rarement, elle est polypoïde ou sténo- En conclusion, le cancer œsophagien est principalement

18 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


un carcinome épidermoïde chez le sujet alcoolo-taba- - le diagnostic de cancer œsophagien,
gique. Sur endobrachyœsophage, c’est un adénocar- - sa classification pTNM,
cinome. Une preuve histologique du cancer est indispen- - la surveillance des conditions précancéreuses dans le
sable avant tout traitement. La gravité de ce cancer est but de dépister les lésions de dysplasie.
essentiellement liée à son extension locorégionale.
Le rôle du pathologiste est triple :

ANNEXES

ANNEXE 1 : SÉQUENCE EBO ADÉNOCARCINOME

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 19


CANCER DE L’ESTOMAC

Prérequis
1. Anatomie de l’estomac, rapports et vascularisation.
2. Anatomie pathologique : cancers digestifs.
3. Radiologie du tube digestif.
4. Endoscopie de l’estomac.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Énumérer les données épidémiologiques du cancer de l’estomac.
2. Décrire les lésions anatomopathologiques du cancer de l’estomac et leurs modes d’ex-
tension.
3. Citer les circonstances de découverte d’un cancer de l’estomac.
4. Réunir les arguments cliniques, endoscopiques, radiologiques, anatomopathologiques
et biologiques pour étayer le diagnostic de cancer de l’estomac, son degré d’extension
et son pronostic.
5. Décrire les différentes formes cliniques du cancer de l’estomac.
6. Décrire les attitudes thérapeutiques vis-à-vis d’un ulcère gastrique.
7. Citer les principes et les indications du traitement chirurgical du cancer de l’estomac.

Activités d’apprentissage
Lecture du document de base.
Activités dans le stage :
• Pratiquer l’examen de l’abdomen et l’examen somatique complet d’un patient atteint
d’un cancer de l’estomac.
• Interpréter des photos endoscopiques de tumeurs malignes de l’estomac.
• Interpréter des clichés radiologiques des différentes formes cliniques de cancer de l’es-
tomac.
• Expliquer au patient et à son entourage la nécessité d’un traitement chirurgical tout en
les rassurant sur l’heureuse issue de cet acte, du moins dans l’immédiat.

INTÉRÊT DU SUJET : I. INTRODUCTION :

Le cancer gastrique est réputé de très mauvais pro- C’est le développement d’une tumeur maligne au niveau de
nostic, seul le diagnostic précoce permet d’améliorer l’estomac le plus souvent à partir de l’épithélium gastrique.
la survie à 5 ans. L’absence de symptomatologie spécifique rend le dia-
Devant des douleurs épigastriques chez un adulte, gnostic précoce rare. Celui-ci repose sur l’endoscopie.
surtout autour de la cinquantaine, l’omnipraticien ne Le seul traitement est chirurgical, reposant sur la
doit pas prescrire de traitement symptomatique avant gastrectomie avec curage ganglionnaire étendu, exten-
d’avoir précisé le diagnostic par une endoscopie gas- sif comme le préconisent les auteurs japonais. Malgré le
trique, examen qui devrait être demandé assez fré- progrès indéniable que constitue l’endoscopie, le faible
quemment et assez facilement. taux de découverte des cancers superficiels n’a pas per-
mis une amélioration substantielle du pronostic global
de la maladie (taux de survie à 5 ans, tous stades confon-
dus égal à 12 %). Par contre, le dépistage systématique,
tel qu’il a été organisé au Japon, a permis de traiter des
cancers au stade superficiel dans plus de 50 % des cas.
Moyennant quoi le taux de survie globale au Japon est de
40 % à 5 ans.

20 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


II. ÉPIDÉMIOLOGIE (OBJECTIF N° 1) : D. AFFECTIONS PRÉDISPOSANTES OU
CONDITIONS PRÉCANCÉREUSES :
Le cancer de l’estomac voit son incidence diminuer dans Il existe des états précancéreux, permettant de définir
le monde de façon globale, mais cette répartition est iné- des populations à haut risque, justiciables d’une sur-
gale. veillance régulière. Lésions et conditions précancé-
reuses définissent l’état précancéreux.
A. SELON LES PAYS :
Japon : incidence très élevée. 1/LA LÉSION PRÉCANCÉREUSE :
Amérique du Sud, Europe de l’Est : zone à risque moyen. Est désignée sous le nom de « dysplasie épithéliale « : il
Afrique : le cancer de l’estomac est rare. s’agit de l’association d’atypies cellulaires, d’anomalies
de différenciation et de modification de l’organisation ar-
B. SELON L’ÂGE ET LE SEXE : chitecturale. Cette dysplasie est classée selon l’OMS en
En Tunisie : bas grade et haut grade. Cette dernière entité corres-
L’âge moyen des patients est de 57,7 ans. pond au cancer intraépithélial (T.I.S.).
La prédominance masculine est nette, le sexe ratio est
de 1,8. 2/LES CONDITIONS PRÉCANCÉREUSES :
Ce sont surtout les classes sociales à bas revenus qui Ce sont des états cliniques associés à un risque signifi-
sont touchées. cativement élevé de survenue du cancer. Elles sont re-
trouvées dans 13 % des cas et sont variées :
C. RÔLE DE L’ALIMENTATION ET DE
L’ENVIRONNEMENT : a/Polypes gastriques :
Les connaissances actuelles sur la carcinogenèse gas- L’adénome, surtout celui dont la taille dépasse 2 cm et
trique mettent en évidence un rôle prédominant de l’ali- de type villeux.
mentation et de l’infection à hélicobacter pylori.
On a retenu comme facteur favorisant le sel qui, à b/Maladie de Ménétrier :
l’état brut, contient un taux élevé de nitrate et dont une Gastrite chronique caractérisée par un épaississement
consommation importante serait associée à une grande considérable de la muqueuse gastrique. Le risque de
fréquence de gastrites atrophiques. Il en est de même cancérisation de cette maladie est de 15 %.
pour les salaisons, les fumaisons, les fritures et les vé- c/Anémie de Biermer :
gétaux en conserve. On explique la diminution du taux Qui s’accompagne d’une gastrite hypertrophique.
de cancer gastrique par l’introduction d’aliments et de
légumes frais grâce à la conservation par congélation. d/Gastrectomie partielle pour lésion bénigne :
Les hypothèses font intervenir les nitrosamides, les ni- Celle-ci, selon beaucoup d’auteurs, augmente le risque
trosamines et nitrosures qui sont, soit contenus dans de survenue d’un cancer sur moignon gastrique plu-
l’alimentation, soit formés sur place sous l’action de sieurs années (15 à 20 ans) après l’exérèse  : 2 à 8 fois
bactéries anaérobies qui se développent plus lorsqu’il y plus élevé que chez le témoin.
a gastrite atrophique et augmentation du pH (figure n° 1).
Un facteur génétique a été également évoqué  : groupe e/Ulcère chronique de l’estomac :
sanguin A, et cancers familiaux (environnement). La fréquence de survenue de cancer sur ulcère chro-
nique est très discutée.
Cette fréquence varie de 1 à 8 % selon
les séries. L’association très fréquente
de la maladie ulcéreuse gastrique à
une gastrite chronique est responsable
de ce risque accru de cancer.

III. ANATOMIE PATHOLOGIQUE


(OBJECTIF N° 2) :

A.FORMES ANATOMIQUES :
Les cancers de l’estomac sont, dans
90  % des cas, des adénocarcinomes
développés aux dépens de l’épithélium
gastrique. Il faut tout de suite séparer
le cancer invasif de mauvais pronostic,
du cancer superficiel (c’est à dire qui
ne dépasse pas la sous-muqueuse), de
bon pronostic. Et que l’on commence
à diagnostiquer plus fréquemment au
Japon.

Figure n° 1 : Schéma de la carcinogenèse.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 21


1/ADÉNOCARCINOME GASTRIQUE : Les types I et II sont souvent bien différenciés. Le type III
a/Le cancer invasif : est indifférencié.
• Macroscopie:
Elles correspondent aux différents aspects endosco- 2/LES AUTRES FORMES DU CANCER DE L’ESTOMAC :
piques. Trois formes possibles  : bourgeonnante, in- a/Le carcinome à stroma lymphoïde :
filtrante ou ulcérée. Dans la plupart des cas les trois Représente 4 % des carcinomes gastriques. Macrosco-
aspects macroscopiques sont associés pour donner la piquement, il est ulcéré et bien limité. Histologiquement,
forme ulcéro-bourgeonnante dite « en lobe d’oreille « ou le stroma est fait d’une infiltration lymphoïde massive.
ulcéro-infiltrante. Son pronostic est meilleur que celui des autres adéno-
C’est une vaste ulcération à fond bourgeonnant, creusée carcinomes à un degré d’envahissement équivalent.
dans une masse infiltrante et entourée d’un bourrelet ir-
régulier. b/Lymphome gastrique :
Du point de vue siège : Se présentent macroscopiquement sous forme d’épais-
−60 %
− siègent au niveau de l’antre (ulcéro-végétant). sissement des plis, comportant des ulcérations longitudi-
−20 %
− sur la petite courbure verticale. nales, irrégulières et anarchiques et qui représentent une
−20 %
− de façon égale sur les faces, la grande courbure localisation particulière d’une maladie plus générale.
et le cardia (végétants, polyploïdes).
c/Carcinoïde :
• Microscopie (Classification histologique de l’OMS) : La tumeur est jaunâtre à la section et bien limitée.
Elle repose sur des données cytologiques et architectu-
rales. Elle distingue : d/Sarcomes.
• L’adénocarcinome papillaire, composé de saillies épi-
théliales digitiformes avec axe fibreux, e/Les tumeurs stromales :
• L’adénocarcinome tubulé, composé de tubules rami- Ou encore appelées Gastro Intestinal Stromal Tumor
fiés inclus dans un stroma fibreux, (GIST). Autrefois confondues avec les léiomyosarcomes
• L’adénocarcinome mucineux (ou colloïde muqueux et les schwannomes malins, elles constituent une va-
ou mucoïde) dont les cellules apparaissent en petits riété identifiée récemment par leurs caractéristiques
groupes flottant dans des lacs de mucine, il se pré- immunohistochimiques, elles expriment un marquage
sente souvent macroscopiquement comme une «  ga- spécifique : le CD117.
lette « bien limitée,
• L’adénocarcinome à cellules indépendantes en bague B.MODES D’EXTENSION DU CARCINOME
à chaton, qui constitue la forme histologique habituelle GASTRIQUE :
de la linite plastique. La paroi gastrique est épaissie 1/CONTIGUÏTÉ :
(10 à 20 mm), cartonnée, rétractée, rendant l’estomac L’extension transpariétale se fait précocement, avec en-
tubulé et rigide. Les plis sont effacés ou épaissis par vahissement des organes de voisinage (pancréas, colon,
l’infiltration carcinomateuse. Son pronostic est très dé- foie, vésicule biliaire). Les cancers du cardia se propa-
favorable. gent à l’œsophage, alors que les cancers de l’antre s’ar-
Pour chacune de ces formes, le degré de différenciation rêtent en principe au pylore.
doit être précisé (bien, moyennement, peu différencié).
En dehors des adénocarcinomes, l’OMS distingue des 2/VOIES LYMPHATIQUES :
formes rares  : le carcinome adénosquameux associant On distingue trois territoires ganglionnaires de drainage
des aspects glandulaires et épidermoïdes, l’exceptionnel lymphatique gastrique annexés à chaque branche du
carcinome épidermoïde, le carcinome à petites cellules, tronc cœliaque :
et le carcinome indifférencié. • Le territoire de l’artère coronaire stomachique.
• Le territoire de la chaîne splénique.
b/Le cancer superficiel de l’estomac ou cancer précoce • Le territoire de la chaîne hépatique.
de l’estomac : L’envahissement ganglionnaire se fait de proche en
Il ne dépasse pas la sous-muqueuse, avec ou sans mé- proche. Après ces territoires, l’essaimage peut atteindre
tastases ganglionnaires, clairement individualisé par les les ganglions para-aortiques, ou même sus-clavicu-
Japonais chez qui il représente près de 50  % des can- laires (gauche, c’est le ganglion de Troisier).
cers de l’estomac (5,3 % seulement en Tunisie). Il a une
évolution très lente et un bon pronostic, ce qui justifie la 3/VOIE SANGUINE :
connaissance de ses aspects macroscopiques et histo- Elle donne, par voie portale les métastases à distance
logiques. qui siègent, par ordre décroissant, au niveau du foie, des
poumons, des surrénales, des ovaires, des os, de la thy-
On distingue trois aspects macroscopiques : roïde et de la peau.
Type I : polype cancérisé.
Type II : muco-érosif qui peut être en saillie (IIa), 4/VOIE PÉRITONÉALE :
plat (IIb) ou ulcéré (IIc). Diffusion péritonéale, donnant des métastases péri-
Type III : c’est l’ulcéro-cancer avec un ulcère tonéales appelées carcinose péritonéale, ainsi qu’une
bénin profond, et sur les berges se variante particulière au cancer de l’estomac : c’est l’at-
trouve un cancer superficiel. teinte des deux ovaires appelée tumeur ovarienne de
Krükenberg. Le liquide de lavage péritonéal si la séreuse

22 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


est envahie, contient des cellules néoplasiques libres cide, souvent seulement momentanément. Elle doit im-
dans 40 % des cas (séries Japonaises). poser sans retard une fibroscopie.

C.CLASSIFICATION DES ADÉNOCARCINOMES : 2/L’AMAIGRISSEMENT :


Il existe plusieurs variantes dont nous ne retenons que la Est très fréquent lors du diagnostic (70 à 80 % des cas),
classification T.N.M. (Séptième édition UICC  2010). Elle mais peut évident au début.
se fait après étude de la pièce de gastrectomie :
3/L’ANOREXIE :
Classification TNM (UICC, 7e édition, 2010) du Cancer Est rare au début, plus nette plus tard.
de l’estomac
4/L’ASTHÉNIE :
T : Est un signe banal, mais tardif.
Tis: Tumeur intraépithéliale sans invasion de la
lamina propria 5/LES VOMISSEMENTS :
T1 : Tumeur limitée à la muqueuse ou à la sous- Dont la fréquence augmente au cours de l’évolution (30 à
muqueuse (cancer superficiel) 50 % des patients).
T1a : Tumeur envahissant la lamina propria ou la
musculaire muqueuse 6/UNE ANÉMIE HYPOCHROME HYPOSIDÉRÉMIQUE :
T1b : Tumeur envahissant la sous-muqueuse Par saignement occulte.
T2 : Tumeur étendue à la musculeuse
T3 : Tumeur envahissant la sous-séreuse (y compris 7/UNE COMPLICATION :
ligament gastro-colique ou gastro-hépatique ou • hémorragie digestive par hématémèse ou méléna
grand epiplon) (3,1 % des cas de la série tunisienne)
T4 : Tumeur perforant la séreuse ou envahissant les • perforation (1,7 %),
organes de voisinage • ou sténose du pylore.
T4a : Tumeur perforant la séreuse
T4b : Tumeur envahissant un organe de voisinage B. L’EXAMEN DU MALADE :
(rate, côlon transverse, foie, diaphragme, Il recherche des signes physiques qui ne sont pas toujours
pancréas, paroi abdominale, surrénale, rein, présents, sauf dans les formes très évoluées. On rencontre
intestin grêle, rétropéritoine) dans 50 % des cas un ou plusieurs signes cliniques.
N :
N0 : pas d’envahissement ganglionnaire (noter 1/MASSE ÉPIGASTRIQUE PALPABLE dans 25 % des cas.
combien de ganglions ont été examinés) Elle sera alors d’allure néoplasique, dure, irrégulière,
Nx: ganglions non évalués ou moins de 15 ganglions mal limitée et il faudra juger de sa mobilité par rapport
examinés aux plans superficiel et profond (mauvais pronostic).
N1 : 1 à 2 ganglions régionaux métastatiques
N2 : 3 à 6 ganglions régionaux métastatiques 2/HÉPATOMÉGALIE dans 10 % des cas.
N3 : plus de 6 ganglions régionaux métastatiques Foie marronné, nodulaire, irrégulier signant la présence
N3 a : 7 à 15 ganglions métastatiques de métastases.
N3b : plus de 15 ganglions métastatiques
M : 3/ICTÈRE dans 2,5 % des cas :
M0 : Pas de métastase Par métastase hépatique ou compression des voies bi-
M1 : Métastase à distance (dont ganglions rétro- liaires par des ganglions métastatiques de la chaîne hé-
pancréatiques, mésentériques, para-aortiques, patique.
sus- claviculaires)
4/ADÉNOPATHIES SUS-CLAVICULAIRES dans 3  % des
cas.
IV. CLINIQUE (OBJECTIFS N° 3 ET 4) :
5/UNE ASCITE PAR CARCINOSE PÉRITONÉALE.
Forme type de description : l’adénocarcinome antral.
6/UNE FIÈVRE INEXPLIQUÉE.
A. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE DU
CANCER INVASIF : 7/DES MANIFESTATIONS PARANÉOPLASIQUES :
La banalité des symptômes explique le diagnostic tardif • Neuropathies périphériques.
puisque dans 25 % des cas, le délai entre les premiers • Thrombophlébites migratrices.
symptômes et le diagnostic est de 6 mois à 1 an. Ces 8/TUMEUR OVARIENNE BILATÉRALE AU TOUCHER
signes sont : VAGINAL.
En fait l’examen physique est normal dans 75 % des cas.
1/LA DOULEUR ÉPIGASTRIQUE :
Très variable, présente dans 70  % des cas. Elle est ty- C. LES EXPLORATIONS :
piquement de siège fixe à type de torsion à irradiation 1/L’ENDOSCOPIE :
dorsale, survenant à un horaire invariable. Mais elle peut L’adénocarcinome invasif ne pose pas de problème dia-
être pseudo-ulcéreuse, calmée par le traitement antia- gnostique. Il se présente sous trois formes.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 23


a/Forme nodulaire : 2/L’ÉCHOGRAPHIE :
C’est une formation saillante de surface irrégulière, sai- À la recherche de métastases hépatiques sous forme
gnotant facilement au contact de la pince, parfois cen- d’images nodulaires hétérogènes. Cette échographie
trée par une ulcération peu profonde. peut déceler une ascite ainsi que les autres signes de
carcinose que sont les anses grêles fixées et groupées,
b/Forme ulcéro-végétante et infiltrante dite en «  lobe les formations nodulaires et les masses irrégulières
d’oreille « : (rarement). L’examen des ovaires est systématique (re-
C’est la plus fréquente. L’ulcère de forme, de profondeur, cherche de métastases ovariennes).
de taille variable est souvent surélevé par rapport à la La lésion gastrique se traduit par une paroi d’épaisseur
muqueuse de voisinage et entouré d’un bourrelet irrégu- supérieure à 1 cm, donnant une image de pseudo-rein.
lier, dur, saignant facilement. Les biopsies seront effec- Ces images doivent attirer l’attention si elles sont dé-
tuées à la périphérie, à cheval sur l’ulcère et les bords. couvertes au cours d’une échographie abdominale de-
mandée pour toute autre chose (douleur abdominale mal
c/Forme infiltrante : étiquetée).
Elle correspond à la linite gastrique. Elle est parfois dif-
ficile à mettre en évidence. 3/LA TOMODENSITOMÉTRIE (T.D.M.) :
Si elle est localisée, la muqueuse est simplement épais- La T.D.M. est indiquée pour les lésions sous-muqueuses
sie, parfois ridée ou ondulée, avec un aspect en marche à biopsie négative, pour les lésions à développement
d’escalier plus ou moins visible entre les zones anor- surtout exoluminal et pour les localisations hautes avec
males et les zones saines. Les modifications de la mor- sténose œso-cardiale non franchissables par le fibros-
phologie globale de la cavité gastrique insufflée, la perte cope pédiatrique. La T.D.M. tend à être demandée assez
du péristaltisme sont des signes indirects d’importance. fréquemment pour mieux préciser l’état du foie et étu-
À un stade évolué, l’estomac a un aspect rigide, indila- dier les adénopathies cœliomésentériques.
table, totalement figé, immobile, parsemé de placards Après absorption de baryte, elle peut montrer :
blanc-jaunâtre ou d’ulcérations. Les biopsies sont par- Une augmentation de l’épaisseur de la paroi quand elle
fois difficiles, car la pince dérape. Les biopsies profondes est supérieure à 1 cm est pathologique (normalement 2
sont souhaitables. à 6 mm).
Une formation lacunaire intraluminale, un contour irré-
2/BIOPSIES : gulier, un épaississement pariétal.
Elles doivent être multiples. Pour les ganglions, toute opacité de plus de 10 mm, non
rehaussée par l’injection de produit de contraste, est
3/LE TRANSIT ŒSO-GASTRO-DUODÉNAL : suspecte.
Soit simple, soit à double contraste. Il a autrefois rendu Les métastases hépatiques sont reconnues par leur as-
de grands services, mais il est actuellement supplanté pect hypodense, hétérogène.
par la fibroscopie.
4/L’ÉCHO-ENDOSCOPIE :
a/Le cancer évolué : Elle constitue l’examen le plus performant pour appré-
Se présente sous 3 formes principales plus ou moins in- cier l’extension pariétale, ganglionnaire et locorégionale
triquées. de la tumeur.
• Formes végétantes : image lacunaire fixe, de contour Elle est réalisée grâce à une sonde de 7,5 ou 12  MHz,
irrégulier, latérale. fixée à l’extrémité d’un endoscope.
• Formes ulcérées : avec une image d’addition réalisant L’aspect de la paroi gastrique permet de distinguer 5
un aspect de niche encastrée, d’ulcération à bourrelet couches concentriques d’échogénicités différentes, suc-
(niche au sein d’une lacune). cessivement hyper et hypoéchogènes.
• Formes infiltrantes  : avec, selon l’extension de l’at- La tumeur apparaît sous forme d’une masse d’échogé-
teinte, une rigidité segmentaire, une sténose, un petit nicité hétérogène envahissant plus ou moins profondé-
estomac rétracté dont les plis sont effacés ou épais, ment les différentes couches de la paroi. Par ailleurs
figés. La linite plastique est la forme la plus typique des l’écho-endoscopie est plus performante que le scanner
lésions infiltrantes. pour visualiser les adénopathies péri tumorales (rondes
et hypoéchogènes), ainsi que l’envahissement locorégio-
b/Le cancer au début : nal.
Se présente sous : Il s’agit d’un examen d’avenir. Actuellement, il est peu ré-
• Forme végétante : sous l’aspect d’une petite lacune à pandu et est demandé seulement dans le cadre d’études
contour lobulé de quelque centimètre. prospectives d’évaluation d’un traitement chirurgical.
• Forme ulcérée et infiltrante : sous forme d’une image
de niche souvent irrégulière, à bords spiculés ou den- 5/LA BIOLOGIE :
telés, plus ou moins profonde. La NFS (hématocrite et hémoglobine) quantifie le degré
d’anémie.
D. LE BILAN D’EXTENSION L’électrophorèse des protides et l’albuminémie rendent
ET D’OPÉRABILITÉ : compte du degré de dénutrition (taux normal d’albu-
1/RADIO THORAX : mine : 35GR/l).
À la recherche de métastases pulmonaires. L’ionogramme évalue les troubles ioniques en cas de vo-
missements et de sténose gastrique, pour les corriger

24 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


en pré opératoire (Alcalose hypochlorémique, hypokalié- 3/GROSSE TUBÉROSITÉ : Envahissement du diaphragme.
mique). 4/PYLORE : Envahissement du duodénum et de la tête
Une glycémie, à la recherche d’un diabète latent. du pancréas.
Une urée, à la recherche d’une insuffisance rénale. Il peut simuler un tableau de sténose ulcéreuse du pylore
Un examen cardiovasculaire complet évalue les tares avec des vomissements quotidiens.
éventuelles et les risques opératoires.
C. FORMES HISTOLOGIQUES :
1/LES LYMPHOMES GASTRIQUES :
V. FORMES CLINIQUES (OBJECTIF N° 5) : Ils peuvent se présenter sous de multiples aspects. Cer-
tains sont évocateurs :
A. L’ADÉNOCARCINOME SUPERFICIEL : Association de plusieurs ulcérations, de taille variable,
Sa fréquence en Tunisie est évaluée à 5,3 % des cancers au voisinage les unes des autres ou à distance. Elles
gastriques. peuvent avoir un aspect endoscopique tumoral ou au
contraire bénin.
Le type I : exophytique, polypoïde, ne pose pas de pro- Association de plusieurs tumeurs plus ou moins voisines,
blème diagnostique  : tout polype gastrique modifiant peu le revêtement superficiel et pouvant don-
doit être enlevé pour permettre l’examen ner de ce fait un aspect de compressions extrinsèques.
anatomopathologique de l’ensemble de la Hypertrophie des plis, parfois monstrueuse, rappelant la
pièce. maladie de Ménétrier ou encore un aspect enraidi, rigide
Le type II : altère à peine le relief muqueux et comporte sous la pince, pouvant évoquer la linite gastrique.
trois sous-types :
II A : Légèrement saillant. 2/CARCINOÏDES GASTRIQUES :
II B : Rigoureusement plan, se révélant seule- Souvent multiples, ils sont de petite taille, de couleur
ment par un aspect dépoli localisé, ou par rouge « fraise » et siègent au niveau du fundus. Ils sur-
un simple changement de coloration, sou- viennent sur une gastrite atrophique avec ou sans ané-
vent légèrement plus jaunâtre. Plus que mie de Biermer.
dans tous les autres cas, l’attention et l’ex-
périence de l’endoscopiste sont nécessaires. 3/LÉIOMYOSARCOMES ET SCHWANNOSARCOMES :
II C : ou érodé, ou cancer muco-érosif. Il se tra- Il s’agit de tumeurs solitaires volontiers volumineuses se
duit par des érosions, à fond rosé, à bords développant en « iceberg « . L’aspect est celui de nodules
irréguliers, parfois en carte de géographie. sous-muqueux, ulcérés au sommet. Les biopsies super-
Elles sont parfois très étendues en surface. ficielles sont habituellement négatives. Seules les biop-
Il existe souvent une convergence des plis sies profondes avec ablation d’une partie de la tumeur à
vers la lésion. Les biopsies peuvent être pra- l’anse diathermique permettent le diagnostic.
tiquées sur la lésion elle-même et à la jonc-
tion muqueuse saine muqueuse anormale. D. FORMES COMPLIQUÉES :
Le type III : est l’ulcéro-cancer. Il peut simuler un ulcère • Hémorragie.
bénin. • Perforation.
C’est pourquoi la recherche des signes en • Sténose.
faveur de la malignité doit être méthodique
devant tout ulcère gastrique. La muqueuse
périphérique est parfois anormale, ridée, VI. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
infiltrée, se mobilisant en bloc lors des (OBJECTIF N° 6) :
contractions péristaltiques. Les plis peuvent
s’arrêter à distance de l’ulcère, sur une zone Le seul problème de diagnostic différentiel est celui de
d’apparence un peu rigide. Les biopsies se- l’ulcère gastrique apparemment bénin, avec multiples
ront nombreuses (7 à 12), à la limite entre biopsies négatives.
l’ulcère et la muqueuse, réparties sur l’en- La conduite à tenir qui s’impose alors est d’instituer un
semble du pourtour, mais aussi de façon traitement médical.
préférentielle sur une zone périphérique un Après une première cure, une endoscopie doit vérifier la
peu rigide. cicatrisation de l’ulcère et des biopsies qui doivent élimi-
ner de nouveau toute néoplasie.
B. FORMES TOPOGRAPHIQUES : Si l’ulcère n’est pas cicatrisé, une nouvelle cure s’impose
1/CARDIA : avec un contrôle endoscopique à la fin du traitement. Si
Représente 10 % des cancers gastriques. Il est suspecté l’ulcère est cicatrisé et les nouvelles biopsies sont né-
devant une dysphagie. De mauvais pronostic ; son traite- gatives, le traitement est terminé. Le contrôle endosco-
ment est idéalement une œso-gastrectomie totale avec pique ultérieur doit être régulier.
coloplastie pour les petites tumeurs. Si l’ulcère n’est pas cicatrisé au bout de 2 cures entières
et correctement suivies, le traitement chirurgical s’im-
2/CORPS GASTRIQUE : Évolution lente vers les organes pose.
de voisinage : rate et queue du pancréas.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 25


VII. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 7) : Le curage est codé « D ».
D0 pas de curage
A. BUT : D1 curage emportant les ganglions du 1er relais.
C’est l’exérèse de la tumeur et de ses extensions gan- D2 curage emportant les ganglions du 2e relais.
glionnaires. D3 curage emportant les ganglions du 3e relais.
La plupart des auteurs considèrent qu’une exérèse cura-
B. MOYENS : tive doit être au moins de type D2.
1/LA CHIRURGIE :
a/Principes : b/Chirurgie curative (type R0) :
• L’exérèse gastrique : pour qu’elle soit à visée carcino- Gastrectomie polaire inférieure : elle emporte les 4/5 de
logique, elle doit passer à 6 cm du pole supérieur de la l’estomac, associée à un curage ganglionnaire type  D2
tumeur pour une localisation antrale et 12 cm pour une avec rétablissement de la continuité digestive par une
localisation cardiale. anastomose gastro-jéjunale de type Polya ou sur une
Cette résection est codifiée : anse en Y.
−R0
− lorsque l’exérèse est jugée complète sans laisser Gastrectomie totale : elle emporte la totalité de l’esto-
de résidu tumoral. mac et peut être élargie de principe ou de nécessité à la
−R1
− lorsqu’elle laisse un résidu tumoral microscopique. rate au côlon transverse, ou au duodéno-pancréas asso-
−R2
− lorsqu’elle laisse un résidu tumoral macrosco- ciée à un curage ganglionnaire type D2.
pique. Le rétablissement de la continuité se fait par une anas-
Le curage ganglionnaire : ce curage tient compte de la tomose œso-jéjunale sur une anse en «  Y à la Roux  »
classification de l’association Japonaise de recherche (figure n° 3).
contre le cancer de l’estomac (figure n° 2) :

Figure n° 2 : Distribution anatomique des sites ganglionnaires selon la classification japonaise.
N0 : aucun ganglion envahi. 8 : ganglion à l’origine de l’artère hépatite commune.
N1 : ganglions périgastriques siégeant dans un plan 9 : ganglion à l’origine du tronc cœliaque.
strictement antérieur : 10 : ganglion du hile splénique.
1 : ganglion paracardial droit. 11 : ganglion le long de l’artère splénique.
2 : ganglion paracardial gauche. N3 : ganglion à distance, plan postérieur rétro-
3 : ganglion de la petite courbure gastrique. pancréatique et latéro-aortique :
4 : ganglion de la grande courbure gastrique. 12 : ganglion du pédicule hépatique.
5 : ganglion sus pylorique. 13 : ganglion rétro-duodéno-pancréatique.
6 : ganglion sous pylorique. 14 : ganglion à la racine du mésentère.
N2 : ganglions de la trifurcation cœliaque ou ganglions 15 : ganglion à l’origine de l’artère colica média.
du plan intermédiaire : 16 : ganglion para-aortique.
7 : ganglion à l’origine de l’artère coronaire stomachique.

26 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


b/Radiothérapie :
Associée à la chimiothérapie en post opératoire si T3 ou
N+

c/Traitements endoscopiques :
Endoprothèses, dilatations et forages au laser peuvent
être proposés pour les tumeurs du cardia.
70 cm
C. INDICATIONS :
1/CANCER ANTRO-PYLORIQUE :
Gastrectomie polaire inférieure associée à un curage
ganglionnaire type D2. Les séries prospectives n’ont pas
montré la supériorité de la gastrectomie totale sur la
gastrectomie partielle dont le taux de mortalité per opé-
ratoire et de morbidité postopératoire sont nettement
moins important.
Pour les cancers de l’antre qui atteignent l’angle de la
petite courbure, le traitement consiste en une gastrecto-
Figure n° 3 : mie totale avec curage D2.
Gastrectomie totale +
Rétablissement de continuité digestive par une anastomose 2/POUR LES AUTRES LOCALISATIONS :
œso-jéjunale sur une anse en Y Gastrectomie totale avec curage ganglionnaire type D2.
En cas de localisation au niveau du cardia : œso-gastrec-
c/Chirurgie palliative : tomie totale par double voie d’abord, abdominale et tho-
Gastrectomie de propreté (type  R1 ou R2)  : il s’agit racique droite, et rétablissement de la continuité par un
d’une exérèse gastrique laissant en place des reliquats transplant colique.
tumoraux. Ces exérèses mettent le malade à l’abri des
complications (hémorragies, perforations), mais n’amé- D. RÉSULTAT ET PRONOSTIC :
liorent pas la survie. 1/MORTALITÉ OPÉRATOIRE :
Gastro-entérostomie : Il s’agit d’une anastomose entre Amélioration depuis les progrès de la réanimation :
l’estomac et le jéjunum permettant de court-circuiter 3 % pour les gastrectomies partielles
une tumeur antro-pylorique sténosante. 5 % pour les gastrectomies totales.
Jéjunostomies d’alimentation.
2/LA SURVIE À 5 ANS :
2/TRAITEMENTS NON CHIRURGICAUX : Des malades réséqués est globalement égale à :
a/Chimiothérapie : 20 % dans les séries occidentales
Son efficacité pour les adénocarcinomes n’est pas nette, 40 % dans les séries japonaises (curage ganglionnaire)
plusieurs protocoles sont encore au stade d’évaluation, 20 a 30 % pour les cancers N+
elle peut être palliative ou adjuvante en post opératoire. 60 a 80 % pour les cancers N-
En cas de carcinose péritonéale, une chimiothérapie in- Elle peut atteindre 85 % à 5 ans pour les cancers super-
trapéritonéale peut être associée à une irrigation hyper- ficiels.
thermique du péritoine.
Son apport dans le lymphosarcome est considérable.
À signaler l’intérêt de l’Imatinib GLIVEC® dans le traite- VIII. CONCLUSION :
ment des tumeurs stromales (GIST) en situation métas-
tatique. Le cancer gastrique est un cancer de mauvais pronostic,
car son diagnostic est fait à un stade évolué ne permet-
tant pas une exérèse type R0. L’amélioration de la survie
nécessite un diagnostic précoce au stade de cancer su-
perficiel

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 27


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : Définir le terme de « condition précancéreuse ».

Test n° 2 (Objectif n° 1) : Citer en les explicitant brièvement les conditions précancéreuses du cancer de l’estomac.

Test n° 3 (Objectif n° 2) : La forme la plus fréquente du cancer de l’estomac est :
a) Bourgeonnante. b) Ulcérée.
c) Infiltrante. d) Ulcéro-bourgeonnante.

Test n° 4 (Objectif n° 2) : La localisation la plus fréquente du cancer de l’estomac est :
a) La petite courbure verticale. b) Le corps gastrique.
c) L’antre. d) La grosse tubérosité.
e) Le cardia.

Test n° 5 (Objectif n° 2) : Cette localisation la plus fréquente représente en % :
a) 80 % de toutes les localisations. b) 70 % de toutes les localisations.
c) 60 % de toutes les localisations. d) 50 % de toutes les localisations.
e) 40 % de toutes les localisations.

Test n° 6 (Objectif n° 2) : Définir le cancer superficiel de l’estomac et citer en les explicitant brièvement les différentes
formes macroscopiques.

Test n° 7 (Objectif n° 2) : Citer les modes d’extension du cancer gastrique.

Test n° 8 (Objectif n° 2) : Citer les organes de voisinage qui peuvent être atteints par contiguïté par le cancer gastrique.

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Test n° 9 (Objectif n° 2) : Définition d’une tumeur de Krükenberg.

Test n° 10 (session janvier 2015) : Le cancer gastrique superficiel :


a) Est le cancer le plus fréquent en Tunisie. b) L’atteinte ganglionnaire est constante.
c) l’atteinte peut être multifocale. d) Atteint la musculeuse.
e) À une survie à 5 ans après résection qui peut atteindre 85 %.

Tes n° 11 (session janvier 2015) Le cancer gastrique évolué :


a) Est de plus bon pronostic que le cancer superficiel.
b) Est découvert dans 20 % des cas suite à des épigastralgies.
c) La linite gastrique est la forme endoscopique la plus fréquente.
d) Peut envahir le côlon transverse, le pancréas et le lobe gauche du foie.
e) La présence de métastases hépatiques ne contre-indique pas la résection.

Test n° 12 (Objectifs n° 3 et 4) : La douleur du cancer de l’estomac est typiquement :
a) D’irradiation ascendante. b) Latérale.
c) Dorsale. d) Vers les organes génitaux.

Test n° 13 (Objectifs n° 3 et 4) : Citer les accidents évolutifs aigus du cancer de l’estomac. Dans quel pourcentage les
rencontre-t-on ?

Test n° 14 (Objectifs n° 3 et 4) : Citer les signes physiques que l’on peut trouver au cours de l’évolution d’un cancer de
l’estomac.

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ANATOMIE PATHOLOGIQUE/TUMEURS GASTRIQUES

Prérequis
- Histologie de l’estomac
- Cours d’Anapath : gastrites et de Chirurgie générale : les cancers de l’estomac

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1- Définir un adénome sur le plan microscopique
2- Citer les facteurs prédisposants du carcinome gastrique ?
3- Quelles sont les conditions prédisposantes du carcinome gastrique ?
4- Définir le cancer superficiel ou précoce gastrique
5- Quelles sont les caractéristiques macroscopiques et microscopiques de l’adénocar-
cinome gastrique ?
6- Quelles sont les modalités évolutives (extension et métastases) du carcinome gastrique ?
7- Qu’est-ce qu’une tumeur neuroendocrine ? À partir de quelle souche de cellule elle naît ?
8- Décrire l’aspect macroscopique et microscopique des tumeurs neuroendocrines
9- Du point de vue pronostic lequel est plus grave, le lymphome gastrique ou le carcinome
gastrique ?

INTRODUCTION métaplasie intestinale et degrés variables de dysplasie.


Le rôle de l’Hélicobacter pylori est actuellement bien ad-
Les tumeurs de l’estomac sont dominées par les adé- mis en tant que facteur carcinogène gastrique puisqu’il
nocarcinomes qui représentent 90 à 95 % de l’ensemble est responsable de l’installation de la métaplasie, de
des tumeurs malignes de cet organe. C’est un cancer l’atrophie glandulaire et de mutations géniques de cel-
de mauvais pronostic. Son incidence est en baisse par- lules épithéliales.
tout dans le monde, en raison d’une amélioration des
conditions de nutrition. La lésion précurseur est le À- CONDITIONS ET FACTEURS
plus souvent la gastrite chronique atrophique pour la- PREDISPOSANTS
quelle l’infection à Helicobacter pylori joue un rôle im- 1- FACTEURS PRÉDISPOSANTS
portant. Le développement de l’examen endoscopique a- La diététique
a permis, dans les pays de forte incidence (Japon en Elle joue un rôle important dans le développement du
particulier), de diagnostiquer les tumeurs à un stade cancer gastrique.
précoce et donc de diminuer la mortalité. • Le sel : La consommation excessive de sel est associée
L’estomac est le site le plus fréquent des lymphomes au cancer gastrique. Les populations qui consomment
extraganglionnaires et des tumeurs stromales. les viandes séchées et salées sont plus exposées. Le
Le pathologiste joue un rôle central dans le diagnos- sel permet le développement et l’extension de la mé-
tic et la prise en charge de ces lésions. En effet, il éta- taplasie intestinale. Il est à l’origine de la prolifération
blit un diagnostic sur les prélèvements biopsiques et cellulaire.
classe les tumeurs sur les pièces opératoires. • Les nitrates : ils sont abondants dans beaucoup d’ali-
ments. Une portion de ces nitrates est convertie par les
bactéries contenues dans la salive et le suc gastrique
I- LES TUMEURS ÉPITHÉLIALES en nitrites. Les haricots contribuent à un haut risque de
MALIGNES : LES CARCINOMES cancer gastrique. Les nitrates existant dans l’estomac
se combinent avec des substances contenues dans le
La pathogenèse du carcinome gastrique est liée à des haricot pour produire un puissant mutagène.
facteurs environnementaux. Son incidence a diminué • Les aliments fumés  : contiennent les hydrocarbures
dans certains pays et est restée élevée dans d’autres aromatiques polycycliques qui sont carcinogènes. Il
(Japon, Finlande, Russie…). existe une haute incidence du cancer gastrique dans
La plupart des patients ont plus de 50 ans. les pays qui consomment ces aliments.
Pratiquement, tous les carcinomes gastriques naissent • Fruits et légumes mal conservés  : Prédisposent à
à partir de la base des cryptes, dans la plupart du temps la survenue de cancer. D’ailleurs la réfrigération, la
au décours d’une gastrite chronique atrophique avec congélation des aliments et l’alimentation riche en lé-

30 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


gumes frais et crus contenant de la vitamine C, E, du glandulaire exagérée qui s’associe à des degrés variables
carotène protègent contre le développement du cancer de dysplasie.
gastrique. Les adénomes ont un risque de transformation maligne
• L’ail et l’oignon : sont protecteurs. Ils inhibent la proli- plus élevé selon leur taille (50  % si tumeur > 2  cm) et
fération et la croissance tumorale. leur type histologique (risque accru pour les adénomes
plans).
b/L’infection à Hélicobacter Pylori (HP) Fréquemment, les adénocarcinomes se développent à
Cette bactérie Gram négatif est un précurseur du can- partir de lésions de gastrite chronique atrophique avec
cer gastrique de type intestinal. Elle est associée aux métaplasie intestinale. En l’absence d’adénocarcinome
gastrites chroniques antrales qui s’accompagnent de lé- adjacent, il est utile de préciser si ces lésions s’accom-
sions de métaplasie intestinale et d’atrophie glandulaire pagnent de néoplasie intraépithéliale (ou dysplasie  :
et parfois de dysplasie. Le développement du cancer est anomalies cytologiques de l’épithélium et altérations ar-
attribué aux altérations de l’ADN causées par l’inflam- chitecturales) qu’il faut alors grader selon la classifica-
mation chronique et un déséquilibre entre la proliféra- tion de Vienne (qui s’applique à tout l’appareil gastro-in-
tion des cellules épithéliales et l’apoptose. testinal) :
Les souches d’HP Cag A positives favorisent la proliféra- • Indemne de néoplasie intraépithéliale (NIE)
tion cellulaire sans augmenter l’apoptose. Une proliféra- • Indéterminé pour une NIE (en cas de lésions régénéra-
tion excessive et un risque de mutation augmentée sont tives liées à des érosions/ulcérations)
alors observés. • Avec NIE de bas grade
Les polynucléaires neutrophiles par migration transépi- • Avec NIE de haut grade
théliale et la production de radicaux libres oxygénés de - Adénome/dysplasie de haut grade
monoxyde d’azote peuvent induire des lésions épithé- - Adénocarcinome in situ (intraépithélial) non invasif
liales et des lésions de l’ADN (altération des oncogènes, - Adénocarcinome in situ (intraépithélial) doute sur
des gènes suppresseurs de tumeur et ceux de la répara- l’invasion du chorion
tion de l’ADN). • Adénocarcinome invasif
Le pouvoir pathogène d’HP est prouvé par la régression - Invasion du chorion ou de la musculaire muqueuse
des lésions après éradication d’HP. (pT1)
- Invasion de la sous muqueuse ou plus
c/Autres facteurs Il faut savoir que les lésions dysplasiques peuvent se
- Le moignon gastrique stabiliser, progresser ou régresser. Les adénomes pé-
- L’ulcère gastrique diculés en dysplasie de haut grade nécessitent une po-
- La maladie de Ménétrier (gastopathie hypertrophique à lypectomie et ceux sessiles en dysplasie de haut grade
gros plis) nécessitent une résection gastrique limitée.
- Polypes à faible risque de transformation : polype hy-
perplasique et polype juvénile B- CLINIQUE
(Voir cours gastrite et ulcère gastrique) Un cancer reste longtemps asymptomatique, à l’excep-
- Le niveau socio-économique bas. tion des cancers gastriques associés à l’ulcère gastrique
- Le groupe sanguin A  : prédisposition génétique des qui sont minoritaires, les symptômes apparaissent à un
cancers gastriques diffus. stade tardif de la maladie.
- Une histoire familiale positive, surtout avant 50 ans  : Ils sont dominés par les épigastralgies ou les douleurs
Une mère atteinte par un cancer gastrique représente pseudo-ulcéreuses.
un facteur de risque important pour sa descendance. L’anorexie atteint 20 % des patients avec satiété précoce
- Le travail dans les mines… surtout chez les patients atteints de linite plastique. Il
peut s’y associer :
2- CONDITIONS PRÉDISPOSANTES −− Une anémie et une asthénie
- L’adénome gastrique et néoplasie intraépithéliale −− Un amaigrissement
- La polypose adénomateuse familiale −− Une hématémèse
−− Des nausées
Adénomes et néoplasie intraépithéliale/dysplasie Il peut s’agir de symptômes en rapport avec des métas-
MACROSCOPIE  : La plupart des adénomes ont moins tases (dans 5,8  % des cas), d’un ganglion sus-clavicu-
de 2 cm. Ils se présentent le plus souvent sous la forme laire gauche (plus rarement ganglion inguinal ou fémo-
d’un polype  : formation grossièrement arrondie faisant ral) d’une ascite (diffuse des limites plastiques)…
saillie dans la lumière et reposant sur la muqueuse par
le biais d’une base d’implantation (ce qui définit le polype C- CLASSIFICATIONS ET ASPECTS
sessile) ou attachée à la muqueuse par un pédicule ou MORPHOLOGIQUES
pied (polype pédiculé). On distingue le cancer gastrique superficiel et le cancer
Un adénome peut être, dans quelques cas, plan ou dé- gastrique évolué.
primé.
La surface du polype peut être mamelonnée, veloutée ou 1- LE CANCER GASTRIQUE SUPERFICIEL
villeuse. Ce cancer est limité à la muqueuse ou à la muqueuse et
D’une façon générale, un adénome de plus de 2 cm, qui à la sous-muqueuse indépendamment de la présence ou
est villeux est très suspect de malignité. de l’absence de métastases ganglionnaires.
MICROSCOPIE  : l’adénome répond à une prolifération Au plan microscopique, la prolifération est constituée de

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 31


glandes, de travées ou de cellules tumorales isolées et carcinomateux endovasculaires est associée à un mau-
reste cantonnée à la muqueuse avec parfois atteinte de vais pronostic.
la sous-muqueuse. Sur le plan immunohistochimique, les cellules de l’adé-
nocarcinome gastrique expriment habituellement la CK7
2- LE CANCER GASTRIQUE ÉVOLUÉ et non la CK20. Cette étude n’est utile qu’en cas de dia-
a/Macroscopie gnostic différentiel avec d’autres types de tumeurs : lym-
Le carcinome gastrique survient surtout en zone prépy- phomes, carcinoïdes…
lorique, au niveau de l’antre, en regard de la petite cour-
bure. L’incidence du cancer du cardia a augmenté ces D- ÉVOLUTION DES CARCINOMES
dernières décades. Il survint à un âge moyen bas, montre GASTRIQUES
une prédominance masculine et l’association à une her- Extension directe : pancréas, hile splénique, côlon trans-
nie hiatale est fréquente. verse, hile hépatique, diaphragme, paroi abdominale et
La distinction entre un adénocarcinome œsophagien et œsophage.
un adénocarcinome gastrique n’est pas toujours pos- Les embols vasculaires et lymphatiques intratumorales :
sible, car ces tumeurs sont découvertes à un stade avan- sont de mauvais pronostic.
cé. Le pathologiste se trouve confronté à une tumeur de Les patients avec ganglions N0 ont un bon pronostic.
grande taille qui envahit à la fois l’œsophage et le car- L’atteinte de 1 ou 2 ganglions est de meilleur pronostic,
dia-fundus. comparé à l’atteinte ganglionnaire multiple.
L’aspect macroscopique du cancer gastrique répond Métastases à distance :
dans la plupart des cas à l’aspect classique en lobe - Foie
d’oreille, avec une ulcération centrale, un bourgeonne- - Poumons
ment tumoral périphérique et infiltration pariétale. - Os
La linite plastique est un aspect macroscopique qui cor- - Peau
respond à l’infiltration tumorale de toute la paroi qui de- - Atteinte bilatérale ovarienne massive (tumeur de
vient indurée avec perte des plis. Ici, il n’y a ni ulcération krükenberg) : tumeur à cellules indépendantes
ni bourgeonnement. - Le cancer de type intestinal métastase préférentielle-
ment au niveau du foie
La taille de ces tumeurs est souvent importante : (plu- - Le cancer diffus : péritoine et ganglions
sieurs cm). - Les métastases péritonéales atteignent surtout les su-
Nombre : Le cancer peut dans de rares cas être multiple jets jeunes qu’il soit de type intestinal ou de type diffus.

b/Aspects histologiques et classifications E- PRONOSTIC


De nombreuses classifications ont été proposées basées Le carcinome superficiel de l’estomac est de bon pro-
sur des critères histologiques et le mode d’extension nostic. La survie  à5 ans est de 80  % à 95  % même en
dans la paroi gastrique. présence de métastases ganglionnaires.

Classification histologique de l’OMS : À un stade avancé ou évolué, le cancer gastrique est de


• Adénocarcinome papillaire (tumeur exophytique, bien mauvais pronostic. La survie à 5 ans globale est de 10 à
différenciée) 20 %.
• Adénocarcinome mucineux (colloïde muqueux) (> 50 %
de composante mucineuse) D’une façon générale, sont de mauvais pronostic :
• Adénocarcinome à cellules indépendantes (> 50 % de −− Le jeune âge  : Le carcinome répond souvent à une
cellules indépendantes linite plastique
• Carcinome adénosquameux −− Un stade avancé
• Carcinome épidermoïde −− La linite plastique
• Carcinome à petites cellules −− La localisation oeso-cardiale
• Carcinome indifférencié −− Une atteinte des limites d’exérèse chirurgicales
−− Un engainement périnerveux
La classification de Lauren distingue deux grandes −− L’existence de métastases ganglionnaires et le
classes de tumeurs. Les adénocarcinomes de type in- nombre élevé de ganglions atteints est <10 % de sur-
testinal sont bien ou modérément différenciés et sont vie à 5 ans.
associés à des lésions de métaplasie intestinale. Les
adénocarcinomes de type diffus sont plus infiltrants, peu
différenciés, faits de cellules peu cohésives et associés II- LES TUMEURS NEUROENDOCRINES
à un stroma desmoplasique. Ces formes sont princi-
palement représentées par les carcinomes à cellules Les mieux différenciées sont les carcinoïdes et les moins
indépendantes de la classification de l’OMS et ne sont bien différenciés répondent aux carcinomes neuroendo-
généralement pas associées à une gastrite chronique crines.
atrophique avec métaplasie intestinale.
Le pronostic des adénocarcinomes de l’estomac est très À- TUMEURS CARCINOÏDES
variable en fonction de leur extension pariétale et métas- On distingue 2 groupes clinicopathologiques fonction de
tatique. Les formes précoces ont un bon pronostic avec la présence ou de l’absence d’une gastrite atrophique
une survie à 10 ans de 70 à 90 %. La présence d’emboles chronique auto-immune. Dans la gastrite auto-immune,

32 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


il y a hyperplasie endocrine provoquée par une hyper- Le lymphome du MALT (Mucosa-Associated Lymphoid
gastrinémie. Les carcinoïdes gastriques peuvent se voir Tissue) est le type histologique prédominant. Il se carac-
chez les patients ayant un syndrome de Zollinger Ellison térise par une infiltration des follicules lymphoïdes nor-
ou un syndrome NEM I (néoplasies endocrines multiples maux par des cellules néoplasiques lymphoïdes de taille
de type I). moyenne, de type centrocytique, dont l’immunophéno-
type est celui des cellules B de la zone marginale (ex-
1- MACROSCOPIE pression du CD20 et du bc1-2 ; absence d’expression du
Chez les patients ayant une gastrite atrophique au- CD10 et du CD5). Cette prolifération lymphoïde s’accom-
to-immune et hyperplasie endocrine, les tumeurs sont pagne d’une infiltration et d’une destruction des struc-
multiples, fundiques et petites mesurant 1 à 3  mm de tures glandulaires (lésions lymphoépithéliales, LLE).
diamètre. Elles sont de couleur jaunâtre et de siège mu- Dans la plupart des cas, il existe une association avec une
queux ou sous-muqueux. infection à Helicobacter Pylori  : dans certaines études,
Les carcinoïdes sporadiques : le plus souvent unique ré- plus de 92 % des lymphomes gastriques sont associés à
pond à une tumeur le plus souvent arrondie, sous-mu- une gastrite à HP. La preuve de l’incrimination d’HP est
queuse, jaunâtre < 2 cm. Elle peut être ulcérée si elle est plus évidente quand un traitement d’éradication d’HP fait
volumineuse. régresser le lymphome du MALT. La présence de la t (11 ;
18) signe une absence de réponse au traitement anti-HP,
2- MICROSCOPIE incitant vers une autre option thérapeutique.
La tumeur carcinoïde est constituée de glandes ou acini, Ces lymphomes de bas grade de malignité peuvent pro-
de travées ou de nids solides. Les cellules, peu ou pas gresser en un lymphome B de haut grade.
atypiques, sont monomorphes. Il n’y a pas de mitoses Les autres types histologiques de lymphomes primi-
et de nécrose. Le stroma comporte une vascularisation tifs gastriques sont le lymphome B à grandes cellules,
habituellement floride. le lymphome du manteau, le lymphome de Burkitt et le
Immunohistochimie : Expression par les cellules tumo- lymphome T.
rales de la chromogranine et la synaptophysine. Le traitement est chirurgical est exceptionnel.

3- PRONOSTIC : Généralement bon. Les patients ayant


un carcinoïde sur gastrite auto-immune ont un meilleur V- TUMEURS MÉSENCHYMATEUSES
pronostic.
1- TUMEURS STROMALES
4- ÉVOLUTION  : La croissance tumorale est lente. Les La grande majorité des tumeurs mésenchymateuses du
métastases, si elles existent, sont ganglionnaires régio- tube digestif sont des tumeurs stromales gastro-intes-
nales et plus rarement hépatiques. tinales (GIST). Ce sont des tumeurs issues des cellules
interstitielles de Cajal, associées à une mutation du gène
5- TRAITEMENT  : Tumorectomie. Une antrectomie est kit, ou plus rarement du gène PDGFRA.
préconisée par certains auteurs en cas de gastrite au- Les GIST sont localisées dans l’estomac dans 50-60%
to-immune et d’hypergastrinémie. des cas, l’intestin grêle (20-30 %), le côlon-rectum
(10  %), l’œsophage (5  %) et le reste de la cavité abdo-
B- CARCINOMES NEUROENDOCRINES minale (5 %). Histologiquement, les GIST sont principa-
Ils répondent à des carcinoïdes atypiques. Ce sont des lement de type fuso-cellulaire, parfois épithéloïde. L’im-
carcinomes neuroendocrines peu différenciés ou des munohistochimie montre une expression du CD117 (kit)
carcinomes à petites cellules. Ils peuvent être pus ou dans > 90 % des cas, du CD34 dans 60-70 %, de l’actine
associés à des foyers de carcinome épidermoïde ou adé- musculaire lisse dans 30-40 % et une absence d’expres-
nocarcinomateux. sion de la désmine.
Ici, la nécrose tumorale et les mitoses sont présentes. Les facteurs pronostiques sont essentiellement la taille
Les cellules contiennent un nombre variable de granules de la tumeur et l’index mitotique.
neurosecrétoires. Le potentiel agressif des GIST peut être classé en 4
groupes :

III- LYMPHOMES DE L’ESTOMAC (VOIR Très faible < 2 cm < 5 mitoses/50 HPF x 400
COURS D’ANATOMIE PATHOLOGIQUE SUR risque
LES LYMPHOMES DU TUBE DIGESTIF)
Faible risque 2-5 cm ≤ 5 mitoses/50 HPF x 400
L’estomac, à l’état normal, est dépourvu de follicules Risque < 5 cm 6-10 mitoses/50 HPF x 400
lymphoïdes. Toutes les études s’accordent pour dire que intermédiaire 5-10 cm ≤ 5 mitoses/50 HPF x 400
Hélicobacter pylori a un rôle déclenchant. L’infection à Haut risque >5 cm > 5 mitoses/50 HPF x 400
HP est responsable d’une gastrite chronique au cours de > 10 cm Tout compte mitotique
laquelle apparaissent souvent des follicules lymphoïdes Toute taille > 10 mitoses
à centre clair définissant la gastrite folliculaire. HP en-
traîne une stimulation antigénique des lymphocytes T
Environ 80 % des GIST de l’estomac sont peu agressives
et B, responsable de mutations géniques donnant nais-
(tumeurs à très faible ou faible risque).
sance à un clone anormal aboutissant au lymphome du
MALT.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 33


2- AUTRES TUMEURS MÉSENCHYMATEUSES gros intestin. Les tumeurs les plus fréquentes sont les
Elles sont rares carcinomes d’origine bronchique, les mélanomes et les
Tumeurs musculaires lisses (léiomyome et léiomyosar- carcinomes du sein. Les lymphomes et les leucémies
come), schwannome, lipome… sont également incriminés.

VI- LES TUMEURS MALIGNES CONCLUSION


SECONDAIRES (MÉTASTASES)
Les tumeurs gastriques sont dominées par les carci-
Elles sont rares nomes qui sont de mauvais pronostic.
1 à 4 % des autopsies des patients décédés de tumeurs HP a un rôle certain dans la carcinogenèse gastrique
malignes révèlent des métastases au niveau du tube di- (carcinome et lymphome) d’où la nécessité d’un traite-
gestif. L’estomac est plus touché que l’intestin grêle et le ment d’éradication.

TESTS D’ÉVALUATION
Question n° 1 :
1/Parmi les propositions suivantes indiquer celle(s) qui est (sont) exacte(s) concernant l’adénocarcinome à cellules indé-
pendantes mucosecrétantes de l’estomac.
a) C’est un adénocarcinome tubuleux et papillaire b) C’est un carcinome épidermoïde peu différencié
c) C’est un carcinome à cellules mucoscrétantes « en bague à chaton »
d) Se voit plus fréquemment chez les sujets jeunes de sexe féminin
e) Possède un pronostic très mauvais

2/Parmi les propositions suivantes indiquer celle(s) qui est (sont) exacte(s) concernant le carcinome colloïde muqueux
de type diffus de l’estomac ?
a) Il s’agit d’une tumeur infiltrante et mucosecrétante
b) Les cellules tumorales sont soit indépendantes, soit groupées en travées tubuliformes flottant dans un mucus abon-
dant infiltrant la paroi gastrique.
c) De pronostic mauvais
d) De bon pronostic
e) La forme localisée peut avoir un meilleur pronostic

3/Préciser les facteurs qui conditionnent le pronostic d’un carcinome gastrique.

4/Citer les particularités lésionnelles permettant de confirmer la malignité d’une tumeur stromale gastrique

3/et 4/voir cours


2/A, B, C, E
1/C, D, E

RÉPONSES

34 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


CANCER DU CÔLON

Prérequis
Anatomie descriptive et topographique du colon. Les rapports, la vascularisation et le drai-
nage lymphatique du colon.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Décrire l’épidémiologie du cancer du côlon et les états pré cancéreux.
2. Exposer les aspects anatomopathologiques des cancers du côlon ainsi que leur mode
d’extension.
3. Citer les différentes circonstances de découverte du cancer du côlon.
4. Demander dans l’ordre hiérarchique les examens complémentaires pour étayer le dia-
gnostic positif et évaluer le degré d’extension du cancer du côlon.
5. Reconnaître les pathologies qui peuvent poser un problème de diagnostic différentiel
avec un cancer colique.
6. Décrire les principes, les méthodes et les indications du traitement des cancers co-
liques.
7. Organiser la surveillance d’un cancer colique opéré et planifier la prévention primaire et
secondaire.

INTRODUCTION : I. ÉPIDÉMIOLOGIE (OBJECTIF N° 1) :

C’est le développement d’une tumeur maligne à partir A. DESCRIPTIVE :


de la paroi colique. C’est un cancer fréquent qui s’ins- 1/ÂGE ET SEXE :
crit à la troisième place des cancers digestifs en Tuni- C’est un cancer qui se voit le plus souvent entre 50 et 70
sie. La majorité des cancers coliques se développent ans, l’âge moyen en Tunisie est de 58 ans. Les formes du
sur un état précancéreux : le polype adénomateux. sujet jeune de moins de 40 ans sont rares (environ 10 %)
Les circonstances de découverte sont nombreuses et et de mauvais pronostic. La monographie de l’associa-
les complications restent, dans notre pays, fréquem- tion tunisienne de chirurgie publiée en 1999 a colligé 570
ment révélatrices. Le diagnostic positif repose sur la cas en 5 ans.
COLOSCOPIE AVEC BIOPSIES. Il touche autant l’homme que la femme avec un sex ratio
Le traitement est chirurgical, la chimiothérapie ad- H/F= 1,1.
juvante permet de diminuer les récidives postopéra-
toires. Les progrès des techniques chirurgicales et de 2/RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE :
la réanimation ont permis de diminuer la morbidité Il est plus fréquent dans les pays développés et nordiques
et la mortalité périopératoire. Le pronostic est géné- tels que : Luxembourg, Irlande et Danemark. L’incidence
ralement bon, avec une survie à 5 ans, toutes formes est plus faible autour de 10 cas/100  000 habitants en
confondues, de 50 %. Un rôle important est accordé à Inde, en Amérique du Sud, dans les pays d’Afrique et
la prévention chez les populations à risque. d’Asie. La Tunisie et les pays d’Europe centrale se situent
à un niveau intermédiaire avec une incidence autour de
40 cas/100 000 habitants.

B. ANALYTIQUE :
C’est un cancer qui se développe dans la majorité des
cas sur un état précancéreux : le polype adénomateux.
Plus rarement, dans des contextes particuliers, il peut se
développer sur une muqueuse saine.

1/ÉTATS PRÉCANCÉREUX :
Selon la définition de l’OMS : La condition précancéreuse
est un état clinique associé à un risque significativement

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 35


plus élevé de survenue de cancer ; elle évolue vers la lé- cancérisation qui croit avec l’ancienneté d’évolution de la
sion précancéreuse ou encore appelée : « dysplasie » qui maladie et l’extension des lésions.
est une anomalie histologique sur laquelle va survenir La maladie de Crohn colorectale a aussi un risque de
le cancer. Ces conditions précancéreuses sont impor- transformation maligne plus facile.
tantes à connaître, car elles permettent de définir une
population à haut risque justiciable d’une surveillance e/Facteurs d’environnement :
régulière voire d’un traitement préventif. Il s’agit essentiellement de facteurs alimentaires. Le ré-
gime alimentaire riche en graisses animales et pauvre en
a/Polype adénomateux : fruits et légumes favorise la survenue de cancer colique.
Le polype est une tumeur bénigne, unique ou multiple, il
peut apparaître chez un individu d’une façon sporadique f/Bases génétiques :
ou dans un contexte familial héréditaire. Les polypes Différentes anomalies chromosomiques sont retrouvées
adénomateux sont les plus susceptibles de dégénérer. dans les cancers coliques :
La filiation polype, cancer ne fait pas de doute. Le risque • l’altération en q21 du chromosome 5 est à l’origine de
de dégénérescence des adénomes dépend : la PAF
• Du type histologique, ce risque est plus important pour • des anomalies sur les chromosomes 17 et 18 sont éga-
les adénomes villeux que tubullo-villeux ou tubuleux. lement retrouvées
• De la taille, on trouve un foyer carcinomateux invasif • mutation du gène  P53 oncosuppresseur ou bien du
dans 30 - 50 % des adénomes de plus de 25 mm et seu- DCC
lement dans 1 % des adénomes de moins de 10 mm. Ces études génétiques ouvrent la voie à des méthodes de
• De la durée d’évolution  : on évalue à 5 ans le temps dépistage précoce voire même de traitement à l’échelle
moyen de transformation d’un polype (3 - 10 ans). biomoléculaire.
• Par ailleurs le risque d’apparition d’un cancer est d’au-
tant plus important que les polypes sont nombreux et
qu’ils siègent à gauche. II. ÉTUDE ANATOMOPATHOLOGIQUE
(OBJECTIF N° 2) :
b/Polyposes :
Il s’agit d’affections héréditaires transmises selon le Le cancer colique siège, par ordre de fréquence décrois-
mode autosomique dominant à forte pénétrance et pour- sante, sur le côlon sigmoïde (50 %), le cæcum et le côlon
voyeuses de cancers coliques : ascendant (30 %). Il est plus rare sur le côlon transverse
• La polypose recto-colique familiale ou polypose adéno- et descendant.
mateuse familiale  : elle touche le rectum et le colon
de façon diffuse. Il peut exister des polypes également A.MACROSCOPIE :
au niveau de l’estomac, du duodénum et du grêle. Tous Trois formes anatomiques sont classiquement décrites :
ces polypes sont des adénomes. Le gène de l’affection
est situé sur le chromosome 5, la dégénérescence est 1/FORME VÉGÉTANTE :
inéluctable vers 40 ans. Il est donc particulièrement Elle revêt l’aspect d’une masse exophytique, encéphaloïde,
important de pouvoir traiter ces patients avant l’appari- bosselée, irrégulière et friable, saillante dans la lumière
tion du cancer en réséquant le colon et le rectum (avec colique. Cet aspect est très fréquent dans le colon droit.
conservation sphinctérienne).
• Le syndrome de Gardner : il associe une polypose adé- 2/FORME INFILTRANTE OU SQUIRRHEUSE :
nomateuse familiale à des lésions Elle revêt l’aspect d’une tumeur dure, rétractant la paroi
• extracoliques  : ostéome, tumeur fibreuse bénigne, tu- colique, aboutissant à une sténose plus ou moins serrée
meur du tissu mou, hypertrophie congénitale de la ré- qui réalise le cancer en virole. Cette forme est fréquente
tine. Il présente un potentiel de dégénérescence colique au niveau du colon gauche.
de 95 %.
• Le syndrome de Turcot : il associe une polypose adéno- 3/FORME ULCÉREUSES :
mateuse familiale à des tumeurs Elle se présente sous forme d’un cratère creusant la pa-
• du système nerveux central. roi colique. Cette forme ulcéreuse est rare.
• D’autres polyposes génétiquement transmises ex- Généralement, il s’agit d’une lésion mixte, ulcéro-infil-
posent plus rarement au cancer, car les polypes sont trante ou ulcéro-végétante.
de type hamartomateux non adénomateux, comme le
syndrome de Peutz Jeghers qui associe polypose et B.MICROSCOPIE :
lentiginose péri-orificielle. Il s’agit dans 97 % des cas d’adénocarcinome. Selon le
degré de différenciation (qui constitue un facteur pronos-
c/Syndrome du cancer familial de Lynch : tique), on distingue :
Cette maladie familiale est à l’origine d’adénocarcinome • Les tumeurs bien différenciées, les plus fréquentes,
colique avec tendance à la multiplicité de néoplasmes ont une structure uniquement
synchrones ou métachrones (HNPCC : Human Non Poly- • glandulaire.
posis Colorectal Cancer). • Les tumeurs moyennement différenciées.
• Les tumeurs peu différenciées ou indifférenciées.
d/Maladies inflammatoires colo-rectales : • Les formes particulières : telles que le cancer colloïde
La rectocolite ulcéro-hémorragique (RCH) a un risque de muqueux ou adénocarcinome mucineux, ce cancer est

36 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


reconnaissable par sa consistance molle et mucoïde à La classification d’Astler Coller a été longtemps utilisée.
la coupe, avec au microscope de larges plages de mu- Cette classification est faite sur pièce opératoire :
cus. Cette forme semble plus agressive que la forme
habituelle et donc d’un mauvais pronostic. Une autre À : tumeur localisée à la muqueuse
variété d’aussi mauvais pronostic est caractérisée par ou la sous-muqueuse.
la présence de cellules tumorales indépendantes, iso- B1 : le cancer atteint la musculeuse.
lées, ayant la forme d’une bague à chaton et entourées B2 : lésion atteignant la séreuse.
d’un stroma fibreux. C1 : B1 + ganglion.
Les autres formes histologiques sont rares, il s’agit C2 : B2 + ganglion.
de : Sarcomes (léiomyosarcome, fibrosarcomes…), lym- D : Métastase.
phomes, carcinome épidermoïde, tumeur carcinoïde Actuellement, c’est la classification TNM qui est la plus
(appendice). utilisée (UICC, 7e édition, 2010).

C. MODE D’EXTENSION : Classification TNM (UICC, 7e édition, 2010)


1/EXTENSION INTRAMURALE OU PARIÉTALE : du cancer du côlon.
Elle se fait tous les sens : T :
• En profondeur : né au niveau de l’épithélium, le cancer Tis: intraépithéliale ou intramuqueuse,
va envahir progressivement toutes T1 : sous-muqueuse
• les couches de la paroi colique (sous-muqueuse, mus- T2 : musculeuse
culeuse, sous-séreuse et séreuse) et ce degré d’infil- T3 : sous-séreuse
tration pariétale constituent un élément pronostique T4a : pénétration du péritoine viscéral
essentiel. En effet, après le franchissement de la mus- T4b : envahissement d’un organe de voisinage*.
culaire muqueuse, le risque métastatique est corrélé N :
avec le degré d’infiltration pariétale. Ainsi, ce risque est N0 : pas de métastase ganglionnaire
de 4 % si la musculaire muqueuse est atteinte, de 10 % N1a : 1 ganglion envahi
si la tumeur atteint la couche musculeuse externe. Si N1b : 2-3 ganglions envahis
cette limite est dépassée, ce risque passe à 60 %. N1c : dépôts tumoraux « satellites » dans la sous-sé-
• De manière circonférentielle : la lésion tend à devenir reuse, ou dans le tissu péricolique ou péri rectal
circonférentielle, notamment au non péritonisé, dans le cadre d’une absence de
• niveau du colon gauche aboutissant à une sténose obs- ganglions lymphatiques métastatiques
tructive. N2a : 4-6 ganglions envahis
• L’extension longitudinale a moins d’intérêt que dans le N2b : > 7 ganglions envahis.
cancer du rectum puisque c’est M :
• l’extension ganglionnaire et la vascularisation qui im- M0 : pas de métastase
posent l’étendue de l’exérèse colique. M1a : métastases à distance confinées à un organe
M1b : métastases atteignant plus d’un site
2/EXTENSION EXTRA-MURALE : métastatique ou atteinte du péritoine.
Le cancer qui a envahi toute la paroi colique en la dé-
passant va envahir les organes de voisinage qui sont va-
riables en fonction du siège du cancer. Ainsi, un cancer III. ÉTUDE CLINIQUE (OBJECTIF N° 3) :
du côlon droit peut envahir le duodénum, le grêle, le rein
et l’uretère droits. Un cancer du côlon gauche peut en- Type de description : cancer du sigmoïde.
vahir la rate, la queue du pancréas. Un cancer du côlon
transverse peut envahir l’estomac ou le pancréas. A. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :
1/TROUBLES DU TRANSIT :
3/EXTENSION LYMPHATIQUE : A type de constipation, de diarrhée ou d’alternance de
Elle revêt avec l’extension veineuse et nerveuse une constipation et de diarrhée. Ces signes doivent toujours
importance pronostique considérable. Plus la tumeur attirer l’attention et toute modification récente du tran-
envahit profondément la paroi, plus le risque d’enva- sit intestinal chez un sujet de la cinquantaine, jusque là
hissement ganglionnaire est important. Cette extension sans passé digestif, doit attirer l’attention et conduire
ganglionnaire se fait de proche en proche sans sauter de à l’exploration du colon.
relais. Elle intéresse d’abord les ganglions épicoliques
2/HÉMORRAGIES INTESTINALES :
puis paracoliques, puis intermédiaires et centraux.
Elles sont faites de sang rouge parfois noirâtre, habi-
tuellement peu abondantes mais répétées. Elles peuvent
4/EXTENSION VEINEUSE :
accompagner les selles ou survenir indépendamment
Elle suit la voie portale entraînant l’apparition de métas-
de celles-ci de façon capricieuse. C’est un signe qui
tases au niveau du foie essentiellement et plus rarement
doit toujours faire suspecter le cancer jusqu’à preuve du
pulmonaires, cérébrales ou osseuses (15 % des malades
contraire. On ne doit en aucun cas s’arrêter au diagnostic
ont une métastase synchrone).
rassurant d’hémorroïdes.
D. CLASSIFICATION : 3/DOULEURS ABDOMINALES :
Il existe plusieurs classifications. Celle de Dukes est la Elles sont vagues, mal localisées parfois en cadre et
plus ancienne, elle a été modifiée plusieurs fois. n’ont pas de valeur localisatrice. Parfois elles réalisent

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typiquement des crises de colique marquées par des histologique qui, seule, donne le diagnostic de certi-
douleurs abdominales paroxystiques intermittentes de tude, mais il faut savoir qu’un examen négatif n’élimine
lutte, allant en s’aggravant avec météorisme abdominal pas le cancer.
et état nauséeux. La crise cède brusquement au bout de • Enfin, le reste du cadre colique est minutieusement
2 à 3 jours par une débâcle diarrhéique et gazeuse pré- exploré à la recherche de polype associé ou d’une deu-
cédée quelques fois d’un bruit de filtration audible : c’est xième localisation tumorale colique (2 à 5 %).
le syndrome de Kœnig.
Il peut exister aussi des douleurs de la fosse iliaque B. LAVEMENT BARYTÉ :
droite (FID) en rapport avec la distension cæcale due à C’est un examen inutile quand une coloscopie totale a
un obstacle sur le colon gauche : signe de Bouveret. été effectuée. Cependant, il garde une place dans deux
situations :
4/SIGNES MOINS ÉVOCATEURS, VOLONTIERS • Quand la coloscopie est impossible  : mauvaise tolé-
TROMPEURS : rance du patient.
• Simple changement du rythme de la défécation. • En complément de l’endoscopie pour explorer le reste
• Une douleur abdominale vague mal localisée réalisant du cadre colique quand la lésion est
le classique « disconfort abdominal ». • infranchissable en endoscopie.
• Manifestations générales à type d’asthénie, d’anorexie Le lavement baryté peut se faire selon 2 techniques  :
et d’amaigrissement. en simple contraste ou en double contraste à l’air, ré-
• État subfébrile sans cause apparente. alisant une véritable mucographie qui décèle les plus
• Découverte d’une anémie hypochrome microcytaire ré- petites modifications du relief muqueux (perte du liseré
générative en apparence isolée. muqueux de sécurité). Dans tous les cas, la technique
doit être rigoureuse : colon bien préparé (3 litres de PEG
5/AUTRES CIRCONSTANCES : la veille), baryte fluide et tiède, déroulement de tous les
• D’une complication (40%des malades en Tunisie). segments coliques (rayon oblique, compression, chan-
• De la surveillance d’un patient à risque gement de position).
• D’un examen systématique. Les lésions du colon gauche étant souvent infiltrantes,
elles donnent sur le lavement baryté une image typique
B. EXAMEN CLINIQUE : de sténose localisée, plus ou moins serrée, anfrac-
Il est en général normal. À la palpation de l’abdomen, on tueuse, irrégulière et excentrée, étendue sur quelques
ne note le plus souvent qu’un ballonnement discret ou centimètres de hauteur, réalisant l’aspect classique en
une sensibilité en cadre. Plus rarement, il est possible trognon de pomme ou bouffant de culotte de golf ou en
de percevoir une tumeur de la FIG, dure, irrégulière, mal pince de homard. Parfois, cette sténose est très courte
limitée, plus ou moins sensible, souvent fixée au plan réalisant l’aspect en virole.
profond.
Le toucher rectal est un examen souvent sous-estimé,
il nécessite une technique rigoureuse (vessie et rectum V. BILAN PRE-THERAPEUTIQUE
vides, malade en décubitus dorsal, cuisses fortement (OBJECTIF N° 4) :
fléchies sur le bassin en demandant au patient de pous-
ser). Le toucher rectal est le plus souvent normal. On Le diagnostic de cancer colique fait, tout le cadre colique
perçoit parfois une tumeur prolabée dans le Douglas. exploré, un double bilan s’impose, un bilan d’extension
En fait, que les signes d’appel soient peu ou fortement tumorale et un bilan du terrain.
évocateurs, leur survenue chez un sujet de la cinquan-
taine doit faire suspecter le diagnostic de cancer du co- A. BILAN D’EXTENSION TUMORALE :
lon et doit amener à pratiquer des examens complémen- Il est clinique et paraclinique :
taires.
1/CLINIQUE :
• L’examen abdominal recherche un gros foie nodulaire,
IV. DIAGNOSTIC POSITIF (OBJECTIF N° 4) : une ascite, des nodules de carcinose péritonéale pal-
pables.
A. ENDOSCOPIE AVEC BIOPSIE : • Les touchers pelviens recherchent une tumeur prola-
La coloscopie est l’examen clé qui permet, à condition bée dans le Douglas.
que le colon soit bien préparé, de mettre en évidence • Un ganglion sus- claviculaire gauche (ganglion de Troi-
la tumeur colique et de la situer sur le cadre colique, sier).
d’en confirmer la nature par des biopsies, et d’explorer 2/PARACLINIQUE :
le reste du cadre colique à la recherche d’une lésion as- • L’échographie recherche une métastase hépatique,
sociée (tumeur ou polype). À ce titre il faut exiger une une ascite, une distension des voies urinaires, elle est
coloscopie totale. peu fiable pour étudier l’extension ganglionnaire.
Dans cette forme prise pour type de description : • La radio du thorax recherche une métastase pulmonaire
• La coloscopie met souvent en évidence une lésion in- D’autres examens peuvent être nécessaires :
filtrante, dure, irrégulière, saignant au contact du tube, • Une UIV si l’échographie montre une distension pyélo-
plus ou moins serrée, étendue sur quelques centi- calicielle faisant suspecter un envahissement urétéral.
mètres. • Une cystoscopie en cas de manifestations urinaires fai-
• Des prélèvements multiples sont faits pour une étude sant craindre une atteinte vésicale.

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• Un examen TDM en cas de grosse tumeur colique lais- 4/CANCER DE L’ANGLE GAUCHE :
sant prévoir un envahissement d’organes adjacents Longtemps latent, se révèle souvent par une complica-
inextirpables. tion : occlusion ou abcès périnéoplasique. Il peut enva-
hir précocement la rate, le rein gauche et la queue du
B. BILAN DU TERRAIN : pancréas.
• Âge réel et physiologique.
• Groupe sanguin, glycémie, urée, TP, TCK, NFS, Phos- 5/CANCER DU CÔLON DESCENDANT :
phatases alcalines. Il se révèle aussi tardivement par des crises subocclu-
• On recherchera une tare associée (diabète, éthylisme, sives. Il se fixe rapidement à la paroi abdominale latérale
obésité, tabagisme). et peut évoluer en arrière dans le tissu cellulaire rétro-
• On appréciera l’état cardiovasculaire (pouls, TA, ECG). péritonéal.
• L’état pulmonaire (radio du thorax, EFR, gaz du sang).
• L’état nutritionnel et le degré d’anémie (NFS, pro- 6/CANCER DE LA JONCTION RECTO-SIGMOÏDIENNE :
tides…). La symptomatologie est plus souvent colique que rectale.
En effet, ténesme, épreinte, faux besoins et rectorragies
C. LE DOSAGE DES MARQUEURS TUMORAUX sont relativement rares. Il est volontiers sténosant et oc-
(ACE OU CA 19-9) : clusif, se manifestant par un tableau d’occlusion basse.
Leur intérêt n’est pas diagnostique, quoique des taux
très élevés soient en faveur d’une tumeur métastasée. Ils 7/CANCERS MULTIPLES SYNCHRONES :
serviront à la surveillance postopératoire après chirurgie Ils ne sont pas exceptionnels et justifient le bilan préthé-
curative pour dépister une récidive ou l’apparition de mé- rapeutique complet avec étude de tout le cadre colorec-
tastase. (Normalement ACE < 5 ng/ml). tal. Leur prévalence varie de 2 à 5 %.

D. APPORT DE L’IMMUNOHISTOCHIMIE, DE B. FORMES COMPLIQUÉES (OBJECTIF N° 3) :


LA MORPHOMÉTRIE ET DE LA BIOLOGIE 1/OCCLUSION COLIQUE NÉOPLASIQUE :
MOLÉCULAIRE : • C’est une circonstance fréquente de diagnostic du
Différentes études génétiques et biomoléculaires sont cancer colique. Il s’agit le plus souvent d’un cancer du
développées actuellement pour évaluer l’activité des cel- côlon gauche.
lules néoplasiques et peuvent être appliquées au cancer • Le début est insidieux, progressif, marqué par un arrêt
du côlon. Certaines d’entre elles prendront, peut-être, des matières et des gaz, des douleurs abdominales peu
de l’importance dans l’avenir (PCNA : Poliferating Cell intenses et des vomissements tardifs.
Nuclear Antigen, EGFR : Epidermal Growth Factor Re- • À l’examen, on note un météorisme abdominal impor-
ceptor, Glycoprotéine P, Antigène Ki 67, Protéine p53...). tant, symétrique ou en cadre.
• La radiographie de l’abdomen sans préparation (ASP)
debout montre typiquement des niveaux hydroaériques
VI. FORMES CLINIQUES : de type colique (et rarement de type grêle associé qui
traduit une valvule forcée).
A. FORMES TOPOGRAPHIQUES • Le diagnostic sera confirmé par le lavement aux hydro-
(OBJECTIF N° 3) : solubles qui montre une image d’arrêt en flammèche
1/CANCER DU CÆCUM : ou en pince de crabe ou en trident.
Il est relativement fréquent et représente 10 % des can-
cers coliques. Cliniquement, il reste longtemps latent 2/ABCÈS PÉRINÉOPLASIQUE :
et se révèle tardivement par une masse palpable de la Il est lié à l’infection tumorale et péritumorale. L’infection
FID. ou une anémie chronique en rapport avec un sai- est essentiellement le fait des cancers du côlon droit et
gnement occulte. Le diagnostic repose sur la coloscopie en particulier du cæcum. Le tableau clinique associe des
avec biopsie. signes d’infection profonde à un empâtement douloureux
C’est un cancer qui s’infecte volontiers ou même s’ab- de la FID dans un contexte subocclusif.
cède. Le tableau clinique s’enrichit alors d’un cortège Le diagnostic repose sur :
infectieux avec défense de la FID. L’échographie abdo- • L’anamnèse : recherche d’antécédents coliques.
minale dans cette forme peut révéler une masse hété- • Le terrain : sujet âgé.
rogène avec une composante liquidienne témoin de la • Et parfois l’échographie qui peut mettre en évidence la
suppuration au niveau de la fosse iliaque droite. collection abcédée sous forme
• d’image transsonore hétérogène.
2/CANCER DE LA VALVULE ILÉO-CÆCALE :
Il donne typiquement un syndrome de Kœnig comme il 3/PERFORATION :
peut se manifester par un tableau d’occlusion du grêle en La perforation colique en péritoine libre est une compli-
rapport avec l’obstacle ou par invagination iléo-cæcale. cation peu fréquente des cancers coliques.
Il peut s’agir soit :
3/CANCER DU CÔLON TRANSVERSE : • de perforation tumorale in situ : la tumeur érode la pa-
Il reste longtemps asymptomatique. Il s’agit souvent de roi jusqu’à la perforer,
forme infiltrante. Il se révèle souvent par un syndrome • ou plus souvent de perforation diastatique du cæcum
occlusif et présente un risque d’envahissement de l’es- en amont d’une tumeur sténosante du
tomac et du duodéno-pancréas. • colon gauche.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 39


Le tableau est celui d’une péritonite asthénique avec sur morales où le diagnostic radiologique peut être difficile.
la radiographie d’ASP debout un pneumopéritoine im- Cependant, quelques signes attirent l’attention : la lon-
portant. gueur inhabituelle de la sténose, la conservation du liseré
muqueux de sécurité et le raccordement allongé avec la
4/FISTULES : muqueuse saine. Parfois, le diagnostic de certitude n’est
Elles siègent entre la tumeur et les organes de voisinage. fait qu’en per opératoire, voire à l’examen histologique.
Ainsi on décrit des fistules colovésicales, colo-utérines,
cologastriques, colo-greles, colocutanées. C. FORMES COMPLIQUÉES :
1/EN CAS D’OCCLUSION :
5/HÉMORRAGIES : Le diagnostic peut prêter à confusion avec le volvulus du
Les hémorragies digestives de grande abondance sont colon pelvien. En sa faveur :
exceptionnelles, il s’agit le plus souvent de saignements • Cliniquement la triade de Von Whal, et sur la radiogra-
minimes, mais répétés qui finissent par provoquer une phie de l’abdomen sans préparation, la
anémie. • présence d’une image en double jambage.
• Au lavement aux hydrosolubles, l’image d’arrêt en bec
C. FORMES AVEC MÉTASTASES : d’oiseau ou en flammèche.
LA MÉTASTASE HÉPATIQUE SYNCHRONE, elle ne • L’endoscopie qui peut constituer un geste thérapeu-
constitue pas une contre-indication à l’exérèse tumorale, tique permet de confirmer le diagnostic.
de plus si elle est unique et extirpable chirurgicalement,
elle peut être compatible avec une exérèse curative et 2/EN CAS D’ABCÈS PÉRI NÉOPLASIQUE :
une survie prolongée. Seules les métastases multiples Le diagnostic peut prêter à confusion à droite, avec un
et diffuses sont de mauvais pronostic. Les métastases abcès appendiculaire, et à gauche, avec une sigmoïdite
hépatiques métachrones sont à rechercher de parti abcédée.
pris en post opératoire, car elles peuvent être curables
chirurgicalement.
VIII. TRAITEMENT (OBJECTIFS N° 6 ET 7) :
LA MÉTASTASE PULMONAIRE est habituellement ob-
servée chez des patients ayant des métastases hépa- A. BUT :
tiques. La métastase pulmonaire d’emblée sans locali- Le but du traitement est d’extirper le cancer et d’assu-
sation hépatique est exceptionnelle et peut être traitée rer la plus longue et la plus confortable survie. Ce trai-
chirurgicalement. tement est avant tout chirurgical, la chimiothérapie est
indiquée soit à titre palliatif soit adjuvant.
QUANT AUX MÉTASTASES PÉRITONÉALES, elles sont
habituellement d’un mauvais pronostic et peuvent être B. MOYENS THÉRAPEUTIQUES :
responsables d’occlusion néoplasique. 1/CHIRURGIE :
a/Préparation du malade :
La préparation est triple : locale, générale et psychique.
VII. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL • Préparation locale :
(OBJECTIF N° 5) : Elle est fondamentale, elle vise d’une part l’obten-
tion d’une vacuité colique aussi parfaite que possible,
A. À DROITE : d’autre part la diminution du nombre de germes pré-
Le cancer du cæcum peut prêter confusion avec : sents dans la lumière colique. Elle conditionne la qua-
• Une appendicite dans sa forme tumorale  : volontiers lité des résultats immédiats en diminuant le risque des
apanage du sujet âgé. L’absence complications septiques locales et générales. Cette
• d’antécédents coliques, le lavement baryté et/ou l’en- préparation peut faire appel à plusieurs méthodes.
doscopie qui montrent une compression extrinsèque - Préparation dite « classique » : elle comporte un ré-
régulière du cæcum permettent d’orienter le diagnos- gime sans résidu et des lavements évacuateurs. Elle
tic. sera réservée aux malades porteurs d’une sténose
• La tuberculose iléo-cæcale dans sa forme hypertro- contre-indiquant la préparation dite rapide.
phique : en sa faveur, le jeune - Préparation dite «  rapide  » : elle consiste à obtenir
• Âge du patient, les antécédents ou le contexte tubercu- la vacuité colique par un lavage antérograde, c’est
leux et au lavement baryté, on peut noter la classique le «  wash out  ». Les différentes solutions utilisées
image de défaut de remplissage d’une zone cæcale entraînent une « diarrhée osmotique ». On peut re-
entre 2 zones remplies. Mais souvent, l’aspect lésion- courir au PEG (polyéthylène glycol) : 3 litres à boire la
nel est plus diffus, plus marécageux et intéresse éga- veille de l’intervention, Klean prep® ou X prep®.
lement le grêle terminal. - Antibiothérapie prophylactique  : elle est impéra-
tive, elle réduit le risque de complications septiques
B. À GAUCHE : locales ou générales. Elle doit obéir à certaines
Le principal diagnostic est celui de sigmoïdite diverticu- règles  : débutée avant l’intervention, c’est-à-dire
laire. Non pas tant dans les formes typiques où l’aspect lors de la prémédication ou l’induction anesthésique,
en pile d’assiettes des haustrations coliques et la pré- répétée, en tenant compte de la demi-vie du produit
sence de diverticules sur le lavement baryté permettent et de courte durée, ne dépassant pas 24 à 48 h. Les
le diagnostic, mais surtout dans les formes pseudo-tu- protocoles utilisés sont variables, associant une β

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lactamine (la Péni G), un Aminoside (la Gentalline) et • Colectomie segmentaire basse ou sigmoïdectomie  :
du Métronidazole ou une Céphalosporine de 3e gé- les ligatures vasculaires intéressent l’artère mésenté-
nération et du Métronidazole. rique inférieure après l’émergence de l’artère colique
supérieure gauche. Après cette exérèse colique gauche,
• Préparation générale : le rétablissement de la continuité digestive peut être
Elle comporte la correction d’une anémie, l’équilibration immédiat par anastomose colorectale, ou différé. Dans
d’une tare cardiovasculaire, rénale ou d’un diabète. La ces derniers cas 2 possibilités  : extériorisation des 2
correction des troubles hydroélectrolytiques, une kiné- bouts (intervention de Bouilly Wolkmann), fermeture
sithérapie respiratoire et la prévention de complications du bout distal et colostomie proximale (intervention de
thrombo-emboliques sont envisagées. Hartmann).
• Colectomie subtotale avec anastomose d’emblée  :
• Préparation psychique : préparation du malade à une la colectomie subtotale avec anastomose iléo-rectale
stomie éventuelle. d’emblée est une lourde mutilation sans justification
carcinologique. Mais elle peut avoir quelques indica-
Ce schéma correspond à la préparation à froid, en cas tions de nécessité lorsque le colon d’amont est très
de formes compliquées, cette préparation serait de distendu et ischémique avec des lésions pré perfora-
courte durée et comporte essentiellement : l’aspiration tives.
gastrique, l’équilibration hydroélectrolytique, la correc- • Colectomie élargie : elle doit être raisonnable. On doit
tion des tares et une antibiothérapie. mettre en balance le risque opératoire et le bénéfice
tiré par la malade. Ainsi, si une extension de l’exé-
b/Type de chirurgie : rèse à certains viscères (grêle, rate, ovaire, utérus ou
Principes généraux : rein) peut se concevoir, une exérèse élargie au duodé-
La voie d’abord : elle doit être large, donnant « un jour no-pancréas semble démesurée.
suffisant ». La voie d’abord la plus utilisée est médiane, • Chirurgie à visée palliative : elle consiste soit en une
centrée sur l’ombilic qui sera xypho-pubienne quant la exérèse colique sans prétention de curage cellulo-lym-
tumeur siège à gauche. Parfois, une incision transver- phatique complet, soit en une simple dérivation qui
sale droite un peu au-dessus de l’ombilic peut être pré- peut être interne (iléo transverse) ou externe (colosto-
conisée chez les patients obèses et en cas de lésions à mie).
droite.
La voie cœlioscopique utilisée par de nombreux auteurs 2/TRAITEMENTS ADJUVANTS :
fait actuellement l’objet d’études contrôlées visant à vé- a/Chimiothérapie :
rifier les risques de dissémination des cellules tumo- • Les drogues :
rales par le gaz  CO2. L’exploration per opératoire inté- • 5 Fluorouracile (iv) ou son équivalent oral la capécita-
resse la tumeur (siège, volume, mobilité, adhérence aux bine (Xeloda)
organes voisins), les relais ganglionnaires (notamment à • Irinotecan CAMPTO®
l’origine des vaisseaux), le foie par le palper et éventuel- • Oxaliplatine
lement par échographie peropératoire et enfin, le reste • Anti Vegf (anticorps inhibant la vascularisation tumo-
de la cavité péritonéale. rale : Bevacizumab (Avastin) ou le cetuximab (ERBI-
TUX®) est un anticorps monoclonal de type IgG1 qui
Chirurgie à visée curative : se lie au VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) et
L’étendue de l’exérèse colique est conditionnée par inhibe l’angiogenese.
des impératifs vasculaires et l’étendue du curage gan- • Voies d’administration :
glionnaire. Il faut enlever en bloc la tumeur en passant • Voie veineuse périphérique [chimiothérapie systé-
au large en amont et en aval et en emportant les relais mique]
ganglionnaires de drainage. Les précautions carcinolo- • Cathéter veineux central avec chambre implantable
giques sont représentées par la ligature première des [chimio systémique]
pédicules vasculaires pour éviter l’essaimage par voie • Intra artérielle à l’aide d’un cathéter dans l’artère
veineuse lors des manœuvres per opératoires. hépatique  : elle permet d’apporter de plus grandes
Les différentes interventions : doses sur les métastases hépatiques en évitant la toxi-
• Hémicolectomie droite  : elle comporte l’exérèse de cité systémique.
tout le colon droit, de la dernière anse iléale et de la • Intrapéritonéale.
moitié droite du colon transverse. Les pédicules arté- • Durée : tous les 15 jours pendant 6 à 12 mois en asso-
riels sont liés à leur origine au flanc droit de l’artère ciation [FOLFOX, FOLFIRI].
mésentérique supérieure. Les pédicules veineux sont
liés à leur jonction avec l’axe mésentérique supérieur. b/Radiothérapie :
La continuité digestive est rétablie par une anastomose La radiothérapie n’est pas indiquée.
iléo-transverse manuelle ou mécanique.
• Hémicolectomie gauche vraie, elle emporte tout le co- c/La radiofréquence :
lon gauche depuis l’union 1/3 moyen 1/3 gauche du co- C’est une sonde à ultrasons qui est plantée dans la mé-
lon transverse jusqu’à la jonction recto-sigmoïdienne tastase en trans cutané ou en per opératoire et qui va
avec ligature de l’artère mésentérique inférieure à son la détruire par cavitation et effet thermique. Certaines
origine sur l’aorte et ligature du pédicule veineux à son études montrent qu’elle aurait les mêmes résultats
extrémité distale au bord inférieur du pancréas. qu’une métastasectomie chirurgicale.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 41


. C. INDICATIONS : c/Après exérèse endoscopique d’un polype qui s’avère
1/FORMES NON COMPLIQUÉES : dégénéré :
• Cancer du côlon droit  : hémicolectomie droite avec • En cas de cancer in situ, c’est-à-dire limité à la mu-
anastomose iléo-transverse. queuse, le risque d’extension lymphatique et de réci-
• Cancer du côlon gauche : hémicolectomie gauche avec dive étant nul, si les marges de section sont saines. Il y
anastomose colorectale. a un consensus pour ne pas proposer d’exérèse com-
• Le cancer du sigmoïde sans atteinte des ganglions plémentaire dans ce cas.
centraux peut être traité par une colectomie segmen- • En cas de cancer invasif qui est marqué par la pénétra-
taire basse avec anastomose colorectale. tion de la musculaire muqueuse, une chirurgie d’exé-
• Pour le côlon transverse : n’ayant pas de vascularisa- rèse complémentaire est nécessaire.
tion propre, en fonction du siège de la tumeur et pour
ne pas réaliser une anastomose entre 2 bouts du trans- d/Polypose recto-colique familiale et RCH :
verse, il faut pousser le sacrifice soit vers la droite, soit Coloproctectomie totale avec conservation sphincté-
vers la gauche. rienne et anastomose iléo-anale.
• Une colectomie subtotale est préconisée dans les cas
suivants : 4/CHIMIOTHÉRAPIE :
Cancer synchrone à droite et à gauche Elle est indiquée soit à titre palliatif chez un patient non
Cancer colique et polypose disséminée sans atteinte rec- opérable ou non résécable ou bien après chirurgie à vi-
tale sée curative dans les stades B2 et C et D d’Astler Coller.

2/FORMES COMPLIQUÉES : a/Les métastases hépatiques :


a/Occlusion : • Synchrones :
Le traitement comporte une aspiration gastrique et • Si elle est unique et facilement résécable, exérèse en
rééquilibration hydroélectrolytique : même temps que l’exérèse colique.
• Si l’occlusion cède sous réanimation, le traitement sera • S’il existe 2 ou 3 métastases ou bien une seule métas-
différé à froid. tase, mais postérieure et d’exérèse difficile la chirurgie
• Si l’occlusion ne cède pas sous réanimation : est différée dans un 2e temps. Certains auteurs pro-
• À droite : attitude univoque [hémicolectomie droite avec posent la radiofréquence.
anastomose iléo-transverse immédiate]. • Si les métastases sont nombreuses et disséminées,
• À gauche : l’attitude est plus controversée et plusieurs l’exérèse chirurgicale n’est pas possible. Elles sont du
options sont envisageables : ressort de la chimiothérapie.
• Intervention par voie médiane pour réaliser une exé- • Métachrones:
rèse tumorale sans anastomose [colectomie segmen- Les indications rejoignent celles des synchrones après
taire] avec Bouilly Wolkmann ou Hartmann. avoir éliminé une récidive locale ou locorégionale et s’être
• Colectomie totale avec anastomose iléo-rectale immé- assuré qu’elles sont uniques ou cantonnées à un secteur
diate, soit parce qu’il existe des lésions ischémiques du et ne s’accompagnant pas de thrombose vasculaire ou
cæcum, soit de principe pour éviter la stomie. d’envahissement des ganglions du pédicule hépatique.
• Colostomie première de décharge par voie élective qui
sera suivie entre le 8e et le 10e jour par l’exérèse co-
lique avec rétablissement de la continuité. IX. RÉSULTATS ET PRONOSTIC
[OBJECTIF N° 8] :
b/Abcès périnéoplasique :
En principe, exérèse sans rétablissement de la continui- 1/OPÉRABILITÉ ET RÉSÉCABILITÉ :
té, cependant, à droite et si les conditions anatomopa- L’opérabilité des cancers coliques varie de 90 à 95  %,
thologiques le permettent, on peut proposer un rétablis- 80 % sont résécables, et 70 % ont une exérèse carcinolo-
sement immédiat. gique à visée curative.
Certains auteurs ont décrit un drainage per cutané pre-
mier. 2/MORTALITÉ ET MORBIDITÉ
OPÉRATOIRES :
c/Péritonite : La mortalité opératoire globale varie de 9 à 10  %. Elle
La perforation tumorale in situ est traitée par une hémi- dépend du terrain, des circonstances de l’intervention [à
colectomie sans rétablissement, alors que la perforation froid ou en urgence], et des types d’exérèses palliative ou
diastatique en amont d’une lésion du colon gauche est curative.
traitée par colectomie totale. Le risque est important en cas d’intervention en urgence
palliative sur un terrain précaire. La mortalité dans la
3/CAS PARTICULIERS : chirurgie réglée est faible.
a/Tumeur inextirpable : Les complications spécifiques les plus fréquentes sont
• À droite : dérivation interne. le lâchage anastomotique, l’occlusion postopératoire du
• À gauche : colostomie. grêle, et les infections pariétales. Les complications non
spécifiques en rapport avec les tares du sujet âgé sont
b/Cancers multiples synchrones : les plus fréquentes.
On réalise dans ce cas une colectomie totale.

42 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


3/SURVIE À DISTANCE : 5/TRAITEMENT PRÉVENTIF :
La survie globale à 5 ans est de 50 %. Elle est étroitement A/PRÉVENTION SECONDAIRE :
liée à la classification histopronostique de Dukes [90 % • Dépistage et l’éradication des polypes adénomateux.
pour le stade A, 50 à 60 % pour le stade B, 35 % pour le • Dépistage des populations à haut risque : PAF, Gard-
stade C et 5 % pour le stade D]. ner, Turcot, maladie inflammatoire du colon, antécé-
dents personnels ou familiaux de cancers colorectaux,
4/SURVEILLANCE POSTOPÉRATOIRES : de polypes.
Elle est essentielle si l’on veut améliorer le pronostic en • Coloproctectomie préventive des malades ayant une
dépistant précocement les récidives locales ou les mé- PAF [vers l’âge de 40 ans].
tastases à distance. • Dépistage de masse à la recherche de sang dans les
Ce bilan doit comporter : un examen clinique, une écho- selles par test [hémocult®].
graphie abdominale, une radiographie du thorax et un
dosage des ACE. Le rythme de cette surveillance est va- B/PRÉVENTION PRIMAIRE :
riable : trimestriel pendant les deux premières années, Règles hygièno diététiques, consommer des fruits et lé-
semestriel pendant les trois années suivantes. Une en- gumes frais, éviter les conserves, diminuer les graisses
doscopie du colon est préconisée après 1 an puis tous animales…
les deux ans.

CONCLUSION :

Le cancer du côlon est de bon pronostic si le diagnos-


tic est fait précocement et si la chirurgie est curative. Le
meilleur traitement est préventif basé sur la recherche
et le traitement des lésions précancéreuses.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 43


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : Citer les polyposes coliques et les colites inflammatoires qui représentent un état précancéreux
du caner du colon.

Test n° 2 (session janvier 2015) : Les éléments de mauvais pronostic du cancer du côlon sont :
a) L’atteinte en profondeur de la paroi colique. b) l’atteinte ganglionnaire.
c) L’engainement périnerveux. d) Le diamètre de la tumeur.
e) l’aspect végétant ou ulcéreux de la tumeur

Test n° 3 (Objectif n° 2) : Citer les facteurs histologiques de mauvais pronostic du cancer du côlon.

Test n° 4 (Objectif n° 2) : Citer la classification de DUKES des cancers du côlon.

Test n° 5 (Objectif n° 3) : Citer et expliciter en quelques phrases les signes fonctionnels d’un cancer du sigmoïde.

Test n° 6 (session janvier 2015) : Le cancer du cæcum :


a) Est plus fréquent que celui du sigmoïde. b) Son traitement est la résection iléo-cæcale.
c) Se complique souvent par un abcès périnéoplasique.
d) La forme histologique la plus fréquente est le carcinome épidermoïde.
e) Une chimiothérapie peut être prescrite en traitement adjuvant en cas d’envahissement ganglionnaire.

Test n° 7 (session janvier 2015) : Le cancer du sigmoïde.


a) Est la localisation la plus fréquente du cancer du côlon.
b) Se complique souvent par une occlusion intestinale aigüe.
c) La présence de métastases hépatiques contre-indique la résection.
d) Se manifeste le plus souvent par des troubles du transit intestinal.
e) La survie à 5 ans dépasse 50 % tous stades confondus.

Test n° 8(Objectif n° 3) : Citer et expliciter en quelques lignes ce qu’est le syndrome de KŒNIG.

44 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Test n° 9 (session janvier 2015) : Les éléments de mauvais pronostic du cancer du côlon sont :
a) L’atteinte en profondeur de la paroi colique. b) l’atteinte ganglionnaire.
c) L’engainement périnerveux. d) Le diamètre de la tumeur.
e) l’aspect végétant ou ulcéreux de la tumeur

Test n° 10 (Objectif n° 4) : Citer les examens complémentaires nécessaires et suffisants au diagnostic positif du cancer
du côlon gauche.

Test n° 11 (Objectif n° 5) : Citer les affections qui prêtent à confusion et posent un problème de diagnostic différentiel
avec le cancer du cæcum.

Test n° 12 (Objectif n° 5) : Définir le terme de « perforation diastasique ». Quel en est l’exemple type ?

Test n° 13 (Objectif n° 7) : Citer les méthodes chirurgicales possibles devant un cancer du côlon gauche en occlusion.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 45


CANCER DU RECTUM

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Décrire l’épidémiologie du cancer du rectum.
2. Décrire les différents aspects anatomopathologiques des cancers du rectum ainsi que
leur mode d’extension.
3. Décrire les circonstances de découverte du cancer du rectum.
4. Énumérer les moyens cliniques et paracliniques pour étayer le diagnostic positif.
5. Citer les examens paracliniques pour établir un bilan d’extension rigoureux.
6. Décrire la classification de Dukes modifiée par Astler Coller.
7. Décrire toutes les formes cliniques du cancer du rectum.
8. Décrire les affections pouvant simuler un cancer du rectum.
9. Citer les buts du traitement.
10. Énumérer les différentes méthodes thérapeutiques chirurgicales et adjuvantes.
11. Décrire les indications thérapeutiques.
12. Citer les éléments de surveillance cliniques et paracliniques pour détecter une récidive
tumorale locale ou une métastase.

INTÉRÊT DU SUJET : périopératoire au-dessous de 2  % et aux progrès des


techniques chirurgicales.
Le cancer du rectum est de plus en plus fréquent en Le pronostic fonctionnel est amélioré grâce au dévelop-
Tunisie. Le diagnostic est à bout de doigt. pement des techniques de conservation sphinctérienne.
Tout omnipraticien doit être capable de le détecter en Le pronostic global est nettement amélioré grâce à la
temps utile devant le moindre signe d’appel ou dans prise en charge multidisciplinaire, à savoir la radiothé-
une population à risque. rapie surtout préopératoire, associée à la chirurgie, à la
chimiothérapie postopératoire et au traitement secon-
daire des métastases hépatiques. Cependant, la survie
plafonne autour de 40 à 50 % tous stades confondus.

I. INTRODUCTION : II. ÉPIDÉMIOLOGIE [OBJECTIF N° 1] :

C’est le développement d’une tumeur maligne aux dé- A. ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE :


pens de l’une des tuniques de la paroi rectale. Il s’agit A) INCIDENCE :
dans 95 % cas d’un adénocarcinome Liberkühnien qui se Elle est en nette augmentation.
développe à partir d’un polype. La France compte 33 000 nouveaux cas/an et constitue
Ce cancer fait partie du groupe des cancers colorectaux avec l’Europe une zone à haut risque. L’Afrique est une
dont il représente le 1/3 des cas. zone à faible risque.
La symptomatologie est dominée par les rectorragies. Le L’incidence de ce cancer en Tunisie est estimée à
toucher rectal [TR] diagnostique plus des 2/3 des can- 1,75/100 000 habitant et en 1991 une étude rétrospective
cers rectum. C’est dire l’importance du TR qui doit faire de l’Association Tunisienne de Chirurgie (ATC) a colligé
partie de tout examen de l’abdomen. 391 cas sur 7 ans (1884-1990).
L’appréciation du stade évolutif est devenue plus fine
grâce à la tomodensitométrie [TDM], et surtout à B) AGE :
l’échoendoscopie rectale. C’est un cancer de la cinquantaine et plus. Cependant,
Le traitement du cancer du rectum est basé essentielle- ce cancer peut toucher les sujets de moins de 40 ans
ment sur la chirurgie, cependant, cette prise en charge (15,1 % : enquête ATC) et serait alors plus grave.
thérapeutique ne doit se concevoir que dans le cadre
d’un protocole multidisciplinaire. C) SEXE :
L’amélioration du pronostic est due aux progrès de La prédominance du sexe masculin est classique. Le sex
l’anesthésie-réanimation qui a fait baisser la mortalité ratio est de 1,15.

46 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


B. ÉPIDÉMIOLOGIE CAUSALE : A. MACROSCOPIE :
FACTEURS EXOGÈNES : ASPECTS CLASSIQUES :
Des études ont démontré le rôle cancérigène de certains • L’aspect ulcéro-bourgeonnant et infiltrant est le plus
aliments. Ainsi, une alimentation fiche en graisse et en fréquent (80 %) et réalise le classique cancer en lobe
viande, pauvre en fibres végétales modifierait la flore d’oreille.
bactérienne colique et induirait la formation de stéroïdes • Les formes végétantes pures sont rares. Ce sont des
carcinogènes à partir des composants alimentaires. Ceci masses exophytiques, sessiles parfois d’aspect villeux.
expliquerait par ailleurs la répartition géographique de • La forme infiltrante, cartonnée, parfois ulcérée.
ce cancer. • La virole est beaucoup plus rare, correspondant à une
infiltration annulaire courte et siégeant plus volontiers
C. FACTEURS ENDOGÈNES : au niveau de la portion recto-sigmoïdienne.
Leur connaissance permet de prévenir l’apparition du • L’adénocarcinome colloïde muqueux réalise une tu-
cancer colorectal. meur molle d’aspect mucoïde.

A/POLYPES ADÉNOMATEUX : ASPECTS MOINS TYPIQUES :


La filiation adénome-cancer colorectal en passant par La tumeur peut être petite voire même une simple infil-
les stades de dysplasie est un fait bien établi et incon- tration ou bien encore sous la forme d’un polype ulcéré
testable. L’ablation systématique des polypes dans une ou exubérant.
population fermée a permis la régression presque com-
plète du cancer colorectal. Les indices de malignité sont B. MICROSCOPIE :
un polype dont la taille est supérieure à 15 mm, une base ADÉNOCARCINOME :
sessile, l’induration, l’ulcération et la fragilité ; le type vil- Il est le plus fréquent (95 % des cas) et se développe à
leux et surtout la dysplasie qui lorsqu’elle est de haut partir de l’épithélium glandulaire. Selon le caractère
grade, constitue un cancer in situ. d’organisation des cellules tumorales, on les classe en
L’ablation totale, et non la destruction du polype, avec adénocarcinome bien ou moyennement différencié ou
une analyse histologique surtout de sa base est indis- encore indifférencié qui peut parfois prendre l’aspect de
pensable. linite rectale.
Le colloïde muqueux représente 15 %. Il est caractérisé
B/FACTEURS GÉNÉTIQUES : par la présence de plage de mucus au niveau de la tu-
La Polypose Recto-colique Familiale est une mala- meur de pronostic plus sombre.
die héréditaire à transmission autosomique dominante. L’existence d’embols métastatiques lymphatiques et
Cette affection serait due à une mutation génétique sié- vasculaires est péjorative, de même l’aneuploïdie de pro-
geant sur les chromosomes 17 et 18. Elle est caractéri- nostic plus sombre que la diploïdie.
sée par des polypes disséminés, plus de 100 dans le co-
lon. La dégénérescence est inéluctable en l’absence de AUTRES TYPES TUMORAUX :
traitement chirurgical. Celle-ci est caractérisée par l’âge • Tumeur carcinoïde
de survenue inférieur à 40 ans et par sa plurifocalité. • Lymphome
Le Syndrome de Gardner associe des tumeurs osseuses • Sarcome
et cutanées à des polypes. • Mélanome
Le Syndrome de Turcot associe des tumeurs du système • Exceptionnellement, il s’agit d’une localisation secon-
nerveux central et des polypes. daire, telle la linite d’origine gastrique.
Le Syndrome de Peutz-Jeghers associe des pigmenta-
tions périorificielles et des polypes hamartomateux. C. EXTENSION TUMORALE :
Le syndrome de Lynch ou syndrome de cancer colique EXTENSION LOCALE PARIÉTALE :
familial sans polypose de transmission autosomale do- L’extension du cancer se fait dans les 3 sens :
minante, le cancer dans ce cas est multiple, survient • En profondeur : l’envahissement tumoral va petit à petit
avant 45 ans et rarement au niveau du rectum. s’étendre à toute la paroi rectale
puis la graisse périrectale. Cette infiltration est à la
C/MALADIES INFLAMMATOIRES CRYPTOGÉNÉTIQUES base de classifications histopronostiques.
COLORECTALES : • Horizontale circulaire  : la tumeur devient sténosante
La rectocolite ulcéro-hémorragique (RCH) : le risque de après 18 à 24 mois d’évolution.
dégénérescence augmente avec l’âge et surtout lorsque • Longitudinalement : l’extension en hauteur est faible et
le début de la maladie a été précoce. Ce risque peut at- revêt une importance thérapeutique
teindre 40 % à 25 ans d’évolution. • considérable. Cette extension se fait dans la sous-mu-
La maladie de Crohn rectale : peut également dégénérer queuse et ne dépasse jamais 12  mm l’extension mu-
après une longue évolution. queuse, ce qui fait qu’une marge de sécurité de 2 cm
est nécessaire et suffisante pour une exérèse cura-
tive rectale au niveau de la section distale d’exérèse.
III. ÉTUDE ANATOMOPATHOLOGIQUE L’extension au-delà de 2 cm existe rarement, mais elle
(OBJECTIF N° 2) : est alors sous-séreuse et est l’apanage des formes in-
différenciées évoluées avec blocage des lymphatiques
L’étude anatomopathologique permet d’établir le pro- ascendants.
nostic appelé histopronostic.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 47


EXTENSION LYMPHATIQUE : N1 Métastase dans 1 à 3 ganglions lymphatiques ré-
Elle se fait de proche en proche à partir des ganglions gionaux
sous-séreux vers les ganglions périrectaux puis vers N1a Métastases dans 1 ganglion lymphatique régional
le hile  : ganglion de Mondor qui est le ganglion inter- N1b Métastases dans 2-3 ganglions lymphatiques ré-
médiaire essentiel à réséquer avec la pièce opératoire, gionaux
ensuite vers les ganglions centraux à l’origine de la mé- N1c Nodule(s) tumoral, satellite(s) dans la sous-sé-
sentérique inférieure puis principaux péri-aortiques. Là reuse, ou dans les tissus non-péritonisés périco-
aussi, l’extension se fait de proche en proche, le phéno- liques ou péri-rectaux sans métastase ganglion-
mène ganglionnaire de « saut de puce » est exceptionnel naire régionale
(2 - 4 %). N2 Métastase dans ≥ 4 ganglions lymphatiques régio-
naux.
EXTENSION HÉMATOGÈNE : N2a Métastase dans 4-6 ganglions lymphatiques ré-
Elle aboutit aux métastases hépatiques qui existent dans gionaux.
1/3 des cas au moment du diagnostic. Les métastases N2b Métastase dans ≥ 7 ganglions lymphatiques régio-
pulmonaires sont beaucoup moins fréquentes. Celles-ci naux.
sont exceptionnellement isolées sans métastases hépa- M : Métastases
tiques. M0 pas de métastase
D. CLASSIFICATIONS : M1 présence de métastase(s) à distance
• CLASSIFICATION ANATOMIQUE : M1a Métastase localisée à un seul organe (foie, pou-
Le rectum est divisé en trois portions : mon, ovaire, ganglion [s] lymphatique [s] autre que
Bas rectum : 0 à 5 cm de la marge anale ou à 2 cm ou régional)
moins du bord supérieur du sphincter. M1b Métastases dans plusieurs organes ou périto-
Moyen rectum : >5 à 10 cm de la marge anale ou de >2 à néales.
7 cm du bord supérieur du sphincter.
Haut rectum : >10 à 15 cm de la marge anale ou à plus
de 7 cm du bord supérieur du sphincter. IV. ÉTUDE CLINIQUE (OBJECTIF N° 3) :

• CLASSIFICATION ANATOMOPATHOLOGIQUE : Il convient d’envisager ce diagnostic devant toute modi-


Classification d’Astler Coller : fication récente du transit ou une rectorragie et de faire
À : Atteinte muqueuse + sous muqueuse un toucher rectal et au moindre doute une rectoscopie.
B1 : Atteinte musculaire.
B2 : Atteinte de toute la paroi rectale et de la graisse A. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :
périrectale. Ce sont :
Cl : Présence de ganglions proximaux envahis. • Les rectorragies  : symptôme primordial, mais assez
C2 : Présence de ganglions distaux envahis. tardif. Elles sont plus évocatrices lorsqu’elles sont peu
D : Atteinte métastatique. abondantes, faites de sang rouge précédant les selles.
En fait, quel que soit son aspect, il faut envisager ce
La classification actuellement en vigueur est celle de diagnostic même devant un sujet de moins de 40 ans.
l’UICC (TNM 7e édition 2009). • Émissions glaireuses muco-purulentes.
• Alternance diarrhée et constipation.
Classification UICC. TNM - Septième Édition 2009 • Faux besoins avec sensation de corps étranger aboutis-
T : Tumeur sant à l’émission de quelques gaz ou glaires ou même
TX Renseignements insuffisants pour classer la tu- à rien du tout.
meur primitive • Les manifestations douloureuses : épreintes, ténesme
T0 Pas de signe de tumeur primitive réalisant une tension douloureuse intrarectale, il peut
Tis Carcinome in situ : intraépithélial ou envahissant s’agir d’algies pelviennes moins caractéristiques.
la lamina propria • Tout symptôme anal ou rectal même transitoire, voire
T1 Tumeur envahissant la sous-muqueuse un simple prolapsus muqueux a la même valeur
T2 Tumeur envahissant la musculeuse d’orientation.
T3 Tumeur envahissant la sous-séreuse ou les tissus • Les complications évolutives peuvent être révélatrices.
périrectaux non péritonisés • Occlusion : surtout pour des tumeurs de la charnière
T4 Tumeur envahissant directement les autres or- recto-sigmoïdienne. C’est une occlusion basse faite
ganes ou structures et/ou perforant le péritoine surtout d’arrêt des matières et des gaz, avec ballonne-
viscéral ment, les vomissements sont tardifs. Négligée, l’occlu-
T4a Tumeur perforant le péritoine viscéral sion peut aboutir à une perforation diastatique trans-
T4b Tumeur envahissant directement les autres or- formant ce tableau en péritonite très grave.
ganes ou structures2-3. • Fistule recto-vaginale.
N : Ganglions • Fistule vésico-rectale avec fécalurie et pneumaturie.
NX Renseignements insuffisants pour classer les • Des manifestations hépatobiliaires témoins de métas-
adénopathies régionales (l’examen d’au moins 12 tases : hépatomégalie douloureuse ou non avec parfois
ganglions régionaux est nécessaire à l’évaluation un ictère et un gros foie marronné.
correcte du statut ganglionnaire). • Dyspnée et épanchement pleural à l’occasion d’une
N0 Pas de métastase ganglionnaire régionale métastase pulmonaire.

48 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


• Manifestations générales : peuvent parfois être au-de- b/Examen clinique complet :
vant de la scène, anorexie, asthénie, amaigrissement, Recherche des stigmates d’une dissémination métas-
fièvre et anémie. tatique au niveau de l’abdomen hépatomégalie, ascite,
• Le cancer du rectum peut être découvert grâce à : ganglions inguinaux en règle indemnes ; ganglions du
• Un toucher rectal systématique. creux sus-claviculaire gauche appelé ganglion de Troi-
• Une rectoscopie faite devant l’existence d’antécédents sier, recherche des stigmates de métastases pulmo-
de polypes personnels ou familiaux ou encore d’anté- naires.
cédents de RCH ou de Crohn.

B. EXAMEN CLINIQUE : V. DIAGNOSTIC :


INTERROGATOIRE :
L’interrogatoire recherche des antécédents personnels A. DIAGNOSTIC POSITIF (OBJECTIF N° 3) :
et familiaux de cancer ou de polypes colorectaux, précise EXAMEN CLINIQUE :
le début des troubles et leur évolution. Le diagnostic clinique est posé sur l’existence de rector-
ragies d’un syndrome rectal et sur la perception d’une
EXAMEN PHYSIQUE : tumeur au TR.
a/Toucher rectal :
Technique précédée d’un examen de la marge anale et EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :
du périnée, il doit être fait selon une technique rigou- La rectoscopie est absolument indispensable pour le
reuse vessie et rectum vides, patient en décubitus dor- diagnostic.
sal, jambes fléchies sur les cuisses, cuisses fléchies sur • Elle visualise la tumeur et apprécie ses caractères
le bassin en faisant pousser le patient. Il doit être com- anatomopathologiques.
biné au palper abdominal et on terminera chez la femme • Apprécie la hauteur de la tumeur : distance séparant le
par un toucher vaginal (TV) et un toucher bidigital pour pôle inférieur de cette tumeur à la marge anale.
apprécier la cloison recto-vaginale. • Apprécie le caractère circonférentiel ou non, sténo-
Il permet de retrouver : sante ou non.
• Soit une des lésions (déjà décrites au chapitre d’anato- • Elle permet les biopsies indispensables au diagnostic
mie pathologique) : qui doivent être multiples, situées plus volontiers sur le
• Cratère ulcéreux à fond nécrotique, à berges suréle- bourgeon que la partie nécrosée ulcérée.
vées, classique cancer en lobe d’oreille, saignant au
moindre contact. Le lavement baryté n’est plus indispensable au diagnos-
• Tumeur bourgeonnante friable. tic, mais quand il est fait il pourra :
• Infiltration dure ulcérée. • Visualiser la tumeur sous la forme :
• Parfois, la lésion est moins évidente parce que la lé- • D’une lacune marginale irrégulière, avec infiltration
sion est plus discrète, moins évoluée. Cependant, elle pariétale parfois ulcérée en son centre.
garde des caractères suspects : indolence, induration, • Lacune circulaire irrégulière, sténosante donnant
saignement au contact. l’image d’un trognon de pomme, aspect rencontré sur-
• Souvent le doigtier revient souillé de sang. tout au niveau de la charnière recto-sigmoïdienne avec
parfois une image en bouffon de golfe témoin d’une
Le toucher rectal doit préciser alors : amorce d’invagination.
• Le siège de la tumeur : distance de la marge anale au • Rarement, on peut voir une ulcération au sein d’une in-
pôle inférieur de la tumeur, notion essentielle pour les filtration rigide.
indications thérapeutiques. • Lorsque le reste du côlon est bien visualisé avec une
• La taille de la tumeur. bonne préparation et surtout avec la technique de
• La pénétration pariétale : tumeur volumineuse prenant double contraste, il permet de montrer l’existence
toute la paroi fixée, ou petite tumeur glissant sur la pa- d’une autre tumeur synchrone ou de polypes associés.
roi.
• L’extension locale aux organes de voisinage surtout à Preuve anatomopathologique :
l’appareil génito-urinaire, aux paramètres et aux an- Elle est fournie par la biopsie faite au moment de la rec-
nexes chez la femme grâce au TV, au toucher bidigital. toscopie. Elle permet de donner le type de tumeur et son
Il doit apprécier la fixité de la tumeur (manœuvres par- degré de différenciation. Quand la biopsie est négative, il
fois douloureuses), rechercher d’éventuelles adéno- faut la refaire, car il est indispensable d’avoir un diagnos-
pathies rétrorectales distinctes de la tumeur qui sont tic exact avant le traitement.
parfois perceptibles au TR. Ces données sont mieux
appréciées par un TR sous anesthésie générale. B. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
• Il faut bien explorer l’appareil génito-urinaire à la re- (OBJECTIF N° 4) :
cherche d’une lésion associée, notamment une tumeur Toute symptomatologie rectale même atypique doit
de la prostate chez l’homme. conduire au TR et à l’endoscopie avec biopsie, ceci per-
• Enfin, le TR peut méconnaître une lésion de la partie mettra d’éliminer :
haute de l’ampoule rectale, de la charnière recto-sig-
moïdienne qui sont visualisées par les explorations en- HÉMORROÏDES  : leur constatation en premier ne peut
doscopiques. éliminer le cancer rectal qu’après un TR et une rectos-
copie.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 49


LÉSIONS EXTRINSÈQUES : Elle est indiquée pour les petites tumeurs des 2/3 infé-
• Cancer sigmoïdien prolabé dans le Douglas. rieurs du rectum ; elle permet aussi d’asseoir
• Tumeur génitale envahissant la paroi rectale. correctement l’indication de la radiothérapie et/ou
• Noyau métastatique du Douglas. chimiothérapie préopératoire.

LÉSIONS RECTALES :
• Cancer de la prostate propagé au rectum.
• L’endométriose rectale dont l’hémorragie suit le cycle
ovarien.
• Tumeurs rectales bénignes, villeuses, polypoïdes qui
nécessitent l’exérèse complète et l’analyse histolo-
gique.
• L’ulcère solitaire du rectum.
• Les rectites (Crohn, RCH, Syphilis) dont certaines peu-
vent dégénérer compliquant le problème diagnostique.
• Sténose cicatricielle postopératoire ou inflammatoire
cryptique chronique.

Dans tous les cas, la biopsie redresse le diagnostic,


celle-ci doit être répétée à moindre doute. Figure 1 : échographie endorectale montrant une tumeur
rectale uT2N0 (T : tumeur)

VI. BILAN PRÉ-THÉRAPEUTIQUE l’IRM pelvienne (figure n° 2)


(OBJECTIF N° 5) : C’est un examen indispensable pour les tumeurs cir-
conférentielles, sténosantes, suspectes d’être T3 ou T4.
A. BILAN D’EXTENSION : Elle est plus performante que le scanner pelvien. Cette
EXAMEN CLINIQUE : IRM :
Le toucher rectal permet de préciser le siège de la tu- • Détermine le stade cT (ou mrT),
meur par rapport à la marge de l’anus ; son extension • Précise la marge latérale : distance la plus courte entre
endoluminale et dans une certaine mesure l’infiltration tumeur et fascia recti,
pariétale par l’analyse du caractère mobile ou fixe de la • Précise la distance entre le pôle inférieur de la tumeur
lésion. Cependant, 20 à 30 % des lésions ne sont pas ac- et le bord supérieur du muscle pubo-rectal,
cessibles au TR du fait du siège de la tumeur ou du ca- • Permet de distinguer une infiltration de la graisse péri-
ractère douloureux de cet examen d’où l’intérêt de répé- rectale sur plus ou moins 5 mm de profondeur,
ter cet examen sous anesthésie générale. En plus dans • Après traitement néoadjuvant, elle permet d’évaluer la
1/4 des cas la fixité est due à des adhérences inflamma- réponse tumorale.
toires. Par ailleurs, le TR est insuffisant pour préciser
l’atteinte ganglionnaire.
Le reste de l’examen clinique recherche une ascite
carcinomateuse, une hépatomégalie douloureuse ou
non, irrégulière témoin de métastases hépatiques ; des
ganglions inguinaux et sus-claviculaires gauches. Il re-
cherche les stigmates de métastases pulmonaires.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :
a/Extension locorégionale : Elle doit compléter le TR.
• La rectoscopie au tube rigide :
Elle est réalisée en position genu-pectorale ou en dé-
cubitus latéral gauche sur un rectum vide. Elle apprécie
l’extension circonférentielle, la taille et l’aspect de la lé-
sion, et mesure la distance entre le pôle inférieur de la
tumeur et la marge anale,
Figure 2 : IRM pelvienne montrant une tumeur rectale enva-
L’échographie endorectale : (figure n° 1) hissant le mésorectum
En l’absence de sténose rectale, l’EER permet un bilan (K : tumeur/P : prostate)
d’extension précis notamment pour les tumeurs encore Flèches : limite du mésorectum/têtes de flèches : envahisse-
limitées à la paroi rectale. Elle utilise une classification ment du mésorectum
uTN dérivée du TNM (uT1 : muqueuse et sous-muqueuse,
uT2 : musculeuse, uT3 : graisse périrectale, uT4 : organe Le scanner pelvien :
de voisinage). Sa précision diagnostique est évaluée à Le scanner est actuellement indiqué dans le bilan d’ex-
87,5 % pour l’extension pariétale. tension à distance des cancers du rectum à la recherche
L’échographie endorectale est moins performante pour de lésions secondaires abdominales et thoraciques.
apprécier l’envahissement ganglionnaire. Dans le bilan d’extension locorégionale, le gain en réso-

50 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


lution spatiale apporté par les scanners multidétecteurs • Tumeurs carcinoïdes : elles sont aussi rares (1 %).
permet de déterminer la marge latérale de résection, • Sarcomes vrais.
avec une sensibilité équivalente à celle de l’IRM, mais • Lymphomes malins non Hodgkiniens (1 %).
par contre est moins fiable pour déterminer le stade
d’extension pariétale (T) et n’analyse pas aussi bien que B. FORMES SELON LE TERRAIN :
l’IRM les sphincters. Le scanner prend tout son intérêt • Âge : le cancer du sujet jeune existe et il faut y penser,
dans les tumeurs du haut rectum. En outre, la TDM est son pronostic est plus grave, sa fréquence est de 11 %
presque aussi performante que l’IRM dans le bilan pré- dans l’enquête de l’ATC.
opératoire de l’extension tumorale locale d’une tumeur • Prédisposition génétique (cf : facteurs étiologiques).
avancée.
C. FORMES SYMPTOMATIQUES :
b/Extension à distance : • Formes du début : auxquelles il faut penser devant tout
• Scanner thoraco-abdomino-pelvien : à la recherche de symptôme même minime.
métastases hépatiques, pulmonaires, nodules de car- • Formes occlusives  : concernent les tumeurs de la
cinose. charnière recto-sigmoïdienne et se manifestent par un
• L’échographie abdominale détecte les lésions métas- tableau d’occlusion colique basse. Les vomissements
tatiques hépatiques de plus de 10 mm. et les douleurs manquent, elles peuvent évoluer vers la
• La coloscopie détecte soit un cancer synchrone dans perforation cæcale diastatique.
2 - 8 %, soit d’autres polypes associés. • Formes hémorragiques  : rarement de grande abon-
• Le lavement baryté avait les mêmes indications que dance, souvent elles se manifestent par une anémie qu’il
la coloscopie, mais il est beaucoup moins performant faut corriger par des transfusions avant l’intervention.
et reste actuellement indiqué en cas de sténose tumo- • Tumeurs infectées  : ce sont des tumeurs nécrosées,
rale. Il faut noter que le cliché de profil du rectum est perforées dans l’espace périrectal. Elles se traduisent
utile pour le radiothérapeute. par de la fièvre, une hyperleucocytose, des douleurs et
• La radiographie du thorax à la recherche de métas- un écoulement purulent. L’extension ne peut être bien
tases pulmonaires. appréciée qu’après traitement antibiotique. Parfois,
• Autres explorations : l’UIV et la cystoscopie sont inu- une colostomie de proche amont est nécessaire avant
tiles à moins d’avoir des signes d’appel urinaire. le traitement définitif.
• Formes évoluées : avec altération sévère de l’état gé-
c/Les marqueurs tumoraux : néral, un envahissement de voisinage urogénital et sa-
• Les taux de l’Antigène Carcino-Embryonnaire (ACE) cré source de douleur périnéale et fessière avec des
sont à demander systématiquement, ils permettent suppurations traînantes, parfois au-dessous de toute
d’avoir une valeur initiale de référence pour la sur- ressource thérapeutique.
veillance des patients ayant subi un traitement curatif
(VN<5ng/ml). D. FORMES ÉTIOLOGIQUES :
• Rectocolite hémorragique justifiant un traitement pré-
B. BILAN GÉNÉRAL : ventif chez les jeunes malades dont l’évolution est traî-
Un bilan complet de l’hôte apprécie l’âge physiologique, nante.
les tares, le poids, l’état nutritionnel, déterminé, le • Crohn dont la dégénérescence est rare.
groupe sanguin, l’urée, la glycémie, la numération for-
mule sanguine à la recherche d’anémie, l’électrophorèse
des protides, la radio thorax et l’ECG. VIII. TRAITEMENT
(OBJECTIFS N° 8, 9, 10 ET 11) :

VII. FORMES CLINIQUES (OBJECTIF N° 7) : Le traitement du cancer du rectum est multidisciplinaire
associant chirurgien, radiothérapeute, chimiothérapeute
A. FORMES ANATOMOCLINIQUES : et anatomopathologiste.
• La linite plastique : il s’agit d’une infiltration de la paroi
rectale la rendant rigide, à lumière réduite. Histologi- A. BUTS :
quement, les cellules sont indépendantes indifféren- Le traitement curatif vise à extirper la tumeur et ses
ciées, rembourrées de mucus avec un noyau refoulé connexions graisseuses et lymphatiques, tout en es-
donnant l’aspect d’une cellule en bague à chaton. À sayant de conserver la fonction sphinctérienne dans la
cette infiltration, il s’y associe une sclérose mutilante. mesure où l’objectif carcinologique est satisfait. Il vise
L’évolution est rapide par voie lymphatique et par voie aussi à prévenir les récidives locorégionales grâce à la
séreuse. La linite plastique peut être primitive ou se- radiothérapie et à extirper chirurgicalement certaines
condaire à une localisation gastrique. métastases hépatiques soit dans le même temps opéra-
• Cancer épidermoïde du rectum vrai : il s’agit d’un can- toire, soit secondairement.
cer se développant à partir d’un foyer de métaplasie
cellulaire et non d’une extension du canal anal vers le B. MOYENS THÉRAPEUTIQUES :
rectum. Le traitement initial est la radiothérapie suivie CHIRURGIE :
ou non d’une chirurgie. a/Préparation :
• Mélanomes : peuvent être secondaires (exceptionnels) • Générale, elle est indispensable :
ou primitifs. Correction d’une anémie, d’une tare.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 51


Préparation psychologique à une colostomie définitive de façon provisoire, mais parfois définitive, nécessitant
ou provisoire, et aux possibilités de troubles urinaires alors une reprise par voie médiane pour le rétablisse-
et sexuels. ment de la continuité.
• Locale, il s’agit de vider le colon et le rectum de leur • Les exérèses élargies : de nécessité à type d’hystérec-
contenu hyperseptique par un régime sans résidus as- tomie ou de colpohystérectomie ou une collerette vési-
socié à une évacuation colique par soit du polyéthylène cale chez l’homme.
glycol qui reste contre-indiqué en cas de sténose, soit • Les interventions palliatives : il peut s’agir soit d’une
par des lavements évacuateurs. intervention qui n’a pas été carcinologiquement com-
• Antibiothérapie prophylactique : préparation visant les plète, soit d’une simple colostomie palliative sans ré-
bacilles Gram Négatifs et les anaérobies. section.
• Les exérèses locales permettent d’enlever toute la tu-
b/Voie d’abord : meur et sa base. L’analyse histologique est indispen-
• En général une voie médiane large est nécessaire, as- sable.
sociée à une voie périnéale. • La chirurgie des métastases hépatiques  : peut être
• La voie transanale est réservée pour le traitement lo- faite dans le même temps opératoire si le geste est
cal. simple. Il peut s’agir d’une tumorectomie, segmentec-
• La voie laparoscopique est possible, mais elle n’est pas tomie, au maximum une lobectomie gauche. L’hépa-
encore consensuelle. tectomie réglée est faite en général dans un 2e temps
opératoire, soit 2 à 3 mois après, dans tous les cas la
c/Principes carcinologiques : résection hépatique doit préserver au minimum 30  %
• L’exérèse du rectum (proctectomie) est entreprise après du parenchyme hépatique sain.
un bilan complet de la cavité abdominale. La biopsie de
toute lésion suspecte est recommandée pour guider la Radiothérapie, radiochimiothérapie et chimiothérapie :
prise en charge ultérieure. Les adénocarcinomes rectaux sont des tumeurs modé-
• Curage ganglionnaire mésentérique inférieur avec li- rément radiosensibles. La radiosensibilité est dépen-
gature de l’artère mésentérique inférieure à son ori- dante de la dose de radiothérapie et de l’association à
gine. La réalisation de curages ganglionnaires iliaques une chimiothérapie concomitante. La RT préopératoire
n’est pas recommandée. est préférée à la radiothérapie postopératoire en raison
• L’exérèse extra fasciale du mésorectum  : réduit si- d’une meilleure observance, d’une plus faible toxicité
gnificativement les récidives locorégionales. Il est re- et d’une plus grande efficacité sur le contrôle local. La
commandé de réséquer la totalité du mésorectum des radiothérapie préopératoire diminue de moitié la fré-
tumeurs du tiers moyen et du tiers inférieur du rectum. quence des récidives locales. Jusqu’en 2005 était recom-
Pour les tumeurs du haut rectum, la section du méso- mandée une radiothérapie préopératoire seule, soit de
rectum doit passer 5 cm sous la limite inférieure de la type longue délivrant 45  Gy en fractions de 1,8  Gy et 5
tumeur. semaines, soit de type courte délivrant 25 Gy en fractions
• La marge de sécurité distale (distance entre le pôle in- de 5 Gy et 5 jours. L’efficacité de la chimiothérapie conco-
férieur de la tumeur et la recoupe distale du rectum) mitante à la radiothérapie préopératoire a été démon-
doit être égale ou supérieure à 1 cm, distance mesurée trée. L’association d’une chimiothérapie concomitante à
sur une pièce non fixée et sans traction. la radiothérapie longue augmente la réponse tumorale
et diminue de moitié le taux de récidive locale à 5 ans par
d/Méthodes chirurgicales proprement dites : rapport à la radiothérapie seule au prix d’une augmenta-
• L’amputation abdomino-périnéale : elle a été pendant tion non significative de la toxicité immédiate. L’associa-
longtemps l’intervention de choix curative du cancer tion d’une irradiation et d’une chimiothérapie concomi-
du rectum. Elle est menée par une double voie abdo- tante est donc recommandée.
minale et périnéale. Elle emporte le rectum, la totalité La chimiothérapie en situation adjuvante ne se conçoit
du méso rectum et l’appareil sphinctérien et elle est que lorsqu’elle est indiquée dans le cadre d’une concer-
terminée par une colostomie iliaque gauche définitive tation pluri disciplinaire, mais par extension et par
sous-péritonéale. Le périnée est fermé sur un drai- analogie au cancer colique, on peut l’indiquer par voie
nage, le pelvis est comblé par le tablier épiploïque. veineuse pour prévenir l’apparition des métastases hé-
• La résection antérieure : menée par voie abdominale patiques lorsque la tumeur a dépassé la paroi rectale
pure. Elle permet la résection rectale et elle conserve avec atteinte ganglionnaire.
l’appareil sphinctérien. Elle est terminée par une anas-
tomose colorectale, soit manuelle, soit avec la pince Indications chirurgicales :
automatique. Elles dépendent essentiellement du siège de la tumeur
• Résection antérieure avec anastomose coloanale : elle par rapport à la marge anale, de l’extension anatomique
permet la résection de tout le rectum et permet de faire surtout en largeur, de l’extension ganglionnaire et de
une anastomose coloanale sur la ligne pectinée après l’extension métastatique hépatique ainsi que de l’état
avoir confectionné un réservoir en J protégé par une général du patient.
colostomie que l’on fermera au bout de 3 à 6 semaines.
• L’intervention d’Hartmann : par voie abdominale, elle Tumeurs du rectum non compliquées :
consiste après résection rectale à fermer le bout dis-
tal du rectum et d’aboucher à la peau le bout proximal

52 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


e/Tumeurs résécables : breuses localisées à un lobe. Lorsque le geste que né-
Les facteurs essentiels de choix sont : le siège, l’exten- cessitent cette ou ces métastases localisées est plus
sion locorégionale du cancer, le morphotype du patient lourd, il faut différer le geste opératoire et pratiquer une
et l’expérience du chirurgien. résection hépatique réglée, 3 mois après, en ayant vé-
rifié l’évolutivité d’où des métastases qui doivent rester
Cancer du haut rectum : exérèse du rectum et du méso- localisées à un seul foie et en ayant soin de vérifier l’his-
rectum jusqu’à 5 cm sous le pôle inférieur de la lésion, tologie de la pièce opératoire. En effet, ces résections
anastomose colorectale mécanique a priori non proté- hépatiques sont contre-indiquées en cas de tumeurs C2
gée. de Dukes.
En cas de métastases hépatiques diffuses, on peut pro-
Cancer du moyen rectum  : exérèse complète du mé- poser soit la chimio-embolisation, soit une chimiothé-
sorectum, rétablissement de continuité en fonction du rapie intra-artérielle qui nécessite la cholécystectomie
rectum restant par anastomose colorectale basse ou co- préalable pour prévenir la cholécystite ischémique.
loanale protégée.
Métastases pulmonaires :
Cancer du bas rectum : exérèse complète du rectum et Certaines métastases pulmonaires peuvent bénéficier
du mésorectum. d’une résection réglée.
Si une marge distale macroscopique de 1 cm au moins Traitement local :
est obtenue d’emblée ou après dissection intersphincté- Les tumeurs dont la taille est inférieure à 3 cm, surtout
rienne  : anastomose coloanale protégée avec réservoir bas situées, confinées à la paroi rectale, résécables lo-
colique. calement, de type histologique favorable à la biopsie chez
Si la marge distale est inférieure à 1  cm  : amputation des malades à risque opératoire élevé, peuvent bénéfi-
abdomino-périnéale. cier d’un traitement local. L’examen histologique définitif
doit confirmer l’exérèse totale sinon un traitement com-
f/Tumeurs non résécables : plémentaire à base de chirurgie et/ou de radiothérapie
Colostomie sigmoïdienne sur baguette. est nécessaire.

Tumeurs rectales compliquées : Polypes dégénérés :


L’occlusion nécessite un traitement préalable par réa- Le polype nécessite l’exérèse endoscopique à l’anse
nimation et aspiration digestive. Si l’occlusion cède, le diathermique. L’existence à l’histologie d’une dégénéres-
malade sera opéré à froid comme indiqué ci-dessus. Ail- cence au niveau de la base doit faire compléter le traite-
leurs, si l’occlusion persiste, 3 solutions sont proposées : ment par une exérèse chirurgicale carcinologique.
• La meilleure solution consiste à pratiquer une colosto-
mie de proche amont par voie élective Cas de RCH et de polypose :
• qui fait passer le cap de l’occlusion et le traitement dé- Leur traitement est avant tout préventif, constitué par
finitif rejoint le schéma à froid, deux semaines plus tard une coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale.
s’il n’y a pas d’indication à la radiothérapie. Lorsque la dégénérescence est déclarée au niveau du
• La deuxième solution consiste à réaliser l’intervention rectum, le traitement rejoint celui du cancer du rectum
de Hartmann qui a l’avantage avec une résection colique totale associée soit à une
• d’extirper la tumeur dans l’immédiat, mais qui a l’in- anastomose iléo-anale, soit à une amputation si la tu-
convénient de nécessiter une deuxième intervention meur siège à moins de 5 cm.
chirurgicale pour rétablir la continuité, et ce, par voie
médiane. Ce rétablissement peut d’ailleurs ne jamais C. RÉSULTATS :
se faire chez un malade âgé dont le bout distal est tout Les contre-indications à la chirurgie sont les carcinoses
petit. diffuses avec ascite, l’envahissement local extrêmement
• La troisième solution consiste à réséquer la tumeur et important dont la résécabilité est impossible. Cette ré-
à pratiquer le rétablissement immédiat sécabilité est estimée dans l’enquête des Associations
• après préparation colique peropératoire. Française et Tunisienne de Chirurgie à 85  %. La mor-
talité périopératoire est de 7,4  % en moyenne. Elle est
Indication de la radiothérapie et la chimiothérapie : plus élevée lorsque la chirurgie a été palliative chez des
• Pour le cancer du haut rectum, chimiothérapie adju- patients âgés et tarés.
vante si stade C de Astler Coller. La morbidité est estimée à 25 %. Elle est représentée par
• Une radiochimiothérapie préopératoire (le sché- les complications digestives et urologiques.
ma 5FU-acide folinique associé à 45 Gy en 25 fractions) Les complications digestives sont représentées par les
est recommandée pour les cancers T3-T4 du moyen et fistules anastomotiques qui peuvent être drainées à l’ex-
bas rectum. térieur, mais s’il existe une diffusion péritonéale, elles
obligent à la réintervention. Les résultats fonctionnels
Métastases hépatiques : digestifs sont appréciés par le nombre de selles, la
Lorsque la métastase est découverte en per opératoire continence anale solide, liquide et aux gaz, le nombre de
et qu’elle est unique, accessible, on peut proposer une selles nocturnes et diurnes. Les résultats sont d’autant
tumorectomie passant à 1 cm de la tumeur ou une seg- moins bons que l’anastomose est basse.
mentectomie voire même une lobectomie gauche. Ce Les complications urinaires sont représentées par la
geste peut être proposé pour des métastases peu nom- rétention d’urine et l’infection urinaire postopératoires.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 53


Ces troubles urinaires sont d’autant plus fréquents que • Les complications à type d’occlusions et perforations
la résection était basse, il en est de même des troubles sont péjoratives et reflètent la taille de la tumeur.
sexuels surtout chez l’homme qui sont représentés par • En fait, l’élément le plus important est le degré de pé-
l’impuissance et l’anéjaculation rapportée dans 16 à nétration pariétale et l’envahissement ganglionnaire
50 % des cas dans les tumeurs basses. Chez la femme, qui sont à la base de la classification d’Astler Coller.
les possibilités sexuelles sont relativement préservées, il
s’agit souvent d’une simple dyspareunie qui n’est quand Stades A B1 B2 Cl C2 D
même pas rare (30 %).
Dans les deux sexes, le retentissement psychologique Survie
100% 67% 54% 43% 22% 0%
est imprévisible, il dépend de l’existence ou non de à 5 ans
troubles sexuels, de troubles digestifs secondaires à
l’anastomose iléo-anale et de l’existence ou non d’une • Les autres éléments du pronostic sont l’envahissement
colostomie. vasculaire, l’engainement tumoral périnerveux, la dé-
différenciation histologique, l’aneuploïdie.
D. SURVEILLANCE POSTOPÉRATOIRE :
Elle est basée sur un examen clinique répété tous les 3 L’exérèse locale offre une survie de 84 % à 5 ans en évi-
mois au cours des deux premières années, associé à une tant 84 % des colostomies.
échographie et un dosage des ACE, une radiographie du L’exérèse secondaire des métastases hépatiques donne
thorax tous les 6 mois, une coloscopie tous les ans. La 20 à 35 % de survie à 5 ans.
surveillance sera moins serrée au cours de la 3e année
qui sera semestrielle puis annuelle à partir de la 4e an-
née. À partir de 5 ans, on peut parler de guérison. CONCLUSION :

E. FACTEURS PRONOSTIQUES : Le meilleur traitement du cancer du rectum reste pré-


Les éléments de pronostic sont : ventif, et ce, grâce à la détection précoce des polypes et
• L’âge et les tares. leur résection endoscopique.
• La durée des symptômes. Lorsqu’elle est supérieure à Au stade de cancer déclaré, le traitement est multidisci-
7 mois, la survie à 5 ans passe de 88 % à 25 %. Ce fac- plinaire et peut amener dans 45 % des cas à la guérison.
teur est corrélé avec la taille et le degré de pénétration La chirurgie reste le traitement de base, la radiothéra-
pariétale. pie adiuvante, au mieux réalisée en préopératoire dimi-
• Le siège de la tumeur bas située est de mauvais pro- nue les récidives locales postopératoires, et améliore la
nostic fonctionnel et vital. survie. Les résultats des travaux randomisés en cours
• L’aspect ulcéré est défavorable. semblent donner une place de plus en plus confirmée à
la chimiothérapie adjuvante dans le traitement du cancer
du rectum.

54 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1(session janvier 2015) : Le cancer du rectum peut se manifester par :
a) Des rectorragies b) Des Ténesmes.
c) Une Adénopathie inguinale. d) Une occlusion intestinale aigüe.
e) Des métastases hépatiques.

Test n° 2 (session janvier 2015) : Quelle est votre attitude thérapeutique devant un cancer du moyen rectum classé T3
N+ M0 ?

Test n° 3 : La forme histologique la plus fréquente des cancers du côlon et du rectum est :
a) Le carcinome anaplasique b) L’adénocarcinome à cellules en bague à chaton
c) L’adénocarcinome lieberkhunien d) Le carcinome épidermoïde
e) Le lymphome.

Test n° 4 (cas clinique) :


Des rectorragies ont conduit au diagnostic de cancer du rectum chez un homme âgé de 65 ans, sans antécédents médi-
cal ou chirurgical. Il s’agit d’une tumeur bourgeonnante, occupant la moitié postérieure de la lumière rectale, s’étendant
sur 3 centimètres de hauteur, et dont le pôle inférieur siège à 8 centimètres du plan des releveurs de l’anus. Le reste de
l’examen clinique est normal.
Question n° 1 : Quel est ou quels sont parmi les éléments suivants celui (ceux) utilisé(s) à l’inventaire ou bilan d’exten-
sion de cette tumeur ?
a) Échographie hépatique b) Scintigraphie osseuse
c) Echo-endoscopie rectale d) Radiographie pulmonaire
e) Scanner thoracique

Question n° 2 :
Après inventaire, la tumeur est classée T3NOMO. Une radiothérapie préopératoire est administrée. Parmi les proposi-
tions suivantes, quel autre traitement est recommandé ?
a) Amputation abdomino-périnéale b) Résection par voie antérieure du rectum
c) Laser
d) Chimiothérapie sans chirurgie si la régression tumorale est suffisante
e) Aucun autre traitement si la régression tumorale est suffisante

Question n° 3 :
Ce traitement a permis d’éliminer la tumeur rectale. Quel(s) élément(s) est (sont) recommandé(s) de principe pour sur-
veiller ce malade par la suite, si la tumeur atteignait toute la paroi rectale sans envahissement ganglionnaire ?
a) Coloscopie b) Échographie hépatique
c) Hémogramme d) Radiographie pulmonaire
e) Scanner thoracique

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 55


ANATOMIE PATHOLOGIQUE
LES TUMEURS COLORECTALES

Prérequis
1- Anatomie et histologie de l’intestin grêle, du colon et du rectum
2- Cours de chirurgie générale : Cancer du côlon et cancer du rectum

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1- Classer les polypes selon leur nature (adénomateuse classique, festonnée ou hamarto-
mateuse).
2- Définir un adénome classique.
3- Connaître l’aspect macroscopique d’un adénome classique.
4- Citer les aspects architecturaux d’un adénome classique.
5- Définir la cancérisation d’un adénome.
6- Citer des exemples de polypes festonnés.
7- Citer des exemples de polypes hamartomateux.
8- Définir et décrire brièvement la polypose adénomateuse familiale.
9- Citer des maladies héréditaires/polyposes correspondants à des états précancéreux.
10- Citer les mécanismes impliqués dans la cancérogenèse colique.
11- Décrire l’aspect macroscopique et microscopique de l’adénocarcinome colique.
12- Citer les principales variantes microscopiques de l’adénocarcinome colique.
13- Connaître la classification des néoplasies neuroendocrines et leur profil immunohisto-
chimique.
14- Connaître le profil évolutif, les critères pronostiques microscopiques, les bases molécu-
laires et les aspects immunohistochimiques des tumeurs stromales.

INTRODUCTION I- LES TUMEURS ÉPITHÉLIALES MALIGNES


OU CARCINOMES
Plusieurs types de tumeurs peuvent éclore dans le co-
lon ou dans le rectum. 1- GÉNÉRALITÉS
Nous distinguons principalement : Les tumeurs colorectales malignes sont dominées par
- Les tumeurs épithéliales les carcinomes qui représentent 97 % des cas.
- Les tumeurs neuroendocrines Il s’agit du 4e cancer de l’homme et du 3e chez la femme.
- Les tumeurs mésenchymateuses Le carcinome survient le plus souvent sur des lésions
- Les lymphomes préexistantes, dites précancéreuses. Il s’agit rarement
Les tumeurs épithéliales sont les plus fréquentes. d’un carcinome de novo qui naît à partir d’une muqueuse
Parmi elles, le carcinome colorectal est le plus fré- jusque là saine.
quent touchant surtout les individus vivant dans les Son incidence est haute dans les pays occidentaux (Amé-
pays industrialisés. C’est le 3e cancer dans le monde. rique du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande, Europe du
Il représente 10 % de tous les cancers. Nord-Ouest).
La plupart des carcinomes naissent sur POLYPE ADÉ- Le risque de carcinome colorectal (CCR) augmente avec
NOMATEUX. Ce néoplasme représente une lésion pré- l’âge (après 40 ans), et double entre 50-75 ans. L’âge moyen
cancéreuse comportant des lésions dysplasiques. de la survenue est de 62 ans et le sex-ratio est égal à 1.
Parmi les MALADIES HÉRÉDITAIRES PRÉDISPOSANTES,
la polypose adénomateuse familiale est la plus fré- 2- FACTEURS FAVORISANTS
quente. • ALIMENTATION ET MODE DE VIE :
Ces dernières années, il y a eu des progrès considé- - Alimentation riche en graisses et pauvre en fibres
rables dans la compréhension des événements molé- (fruits et légumes)
culaires et dans la progression du cancer colique. - L’alcool augmente le risque de survenue d’adénome
par méthylation de l’ADN

56 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


- L’obésité  : la masse adipeuse abdominale chez les Microscopie :
hommes surtout inactifs L’adénome est défini comme une prolifération glandu-
- L’activité physique réduite (l’activité physique provoque laire dérivant de l’épithélium intestinal, aboutissant à
une stimulation hormonale qui permet une activation une augmentation du nombre de glandes par unité de
des mécanismes de réflexes nerveux digestifs respon- surface (hyperplasie). Il présente toujours un degré va-
sables d’une diminution du contact entre carcinogène riable de dysplasie pouvant aller de la dysplasie de bas
et muqueuse par augmentation du péristaltisme). grade à la dysplasie de haut grade avec évolution pos-
- Le tabac  : c’est un initiateur du cancer colique. Il est sible vers une tumeur invasive.
fonction du nombre de paquets par année et de l’âge
jeune du 1er usage du tabac. - Architecture
Elle est tubuleuse, villeuse ou mixte, tubulovilleuse.
• MALADIES INFLAMMATOIRES CHRONIQUES : Le risque de transformation est plus important si l’archi-
Elles incluent les MICI (maladie de Crohn et rectocolite tecture est villeuse.
ulcéreuse) et la schistosomiase. Le risque de survenue
de CCR sur MICI est proportionnel au début précoce, à la - Axe
durée et l’étendue de la maladie. L’axe conjonctivo-vasculaire naît de la sous-muqueuse. Il
correspond au pédicule.
• FACTEURS GÉNÉTIQUES :
30 % des patients avec un CCR sporadique ont des anté- - Forme particulière
cédents familiaux de CCR. L’adénome plan : son épaisseur est inférieure au double
Trois grands mécanismes sous-tendent la cancérogenèse : de l’épaisseur de la muqueuse normale. Le risque de
- l’instabilité chromosomique (LOH) transformation est plus élevé et l’infiltration plus pré-
- l’instabilité des microsatellites (MSI) coce.
- les mécanismes épigénétiques La crypte aberrante : ou microadénome ; c’est le précur-
seur morphologique de l’adénome, détecté par la chro-
• AUTRES FACTEURS : la radiothérapie pelvienne pour moendoscopie.
cancer prostatique ou cervico-utérin.
- Grade de la dysplasie
3- ÉTATS PRÉCANCÉREUX La dysplasie (synonyme : néoplasie intraépithéliale) as-
Ils sont représentés globalement par les polypes (adé- socie
nomes classiques, adénomes festonnés…), la dysplasie - des atypies cellulaires (pseudostratification nucléaire,
sur MICI et les syndromes héréditaires (polypose adé- hyperchromasie, irrégularité nucléaire…)
nomateuse familiale, syndrome de Lynch…). - des anomalies de la différenciation (diminution de la
mucosécrétion)
3.1. POLYPES  : c’est un terme macroscopique qui dé- - des modifications architecturales (perte de la polarité,
signe une excroissance qui se fait à partir de la mu- perte de la régularité de la glande…)
queuse et qui fait saillie dans la lumière intestinale.
La dysplasie est gradée selon l’OMS en :
- Bas grade  : c’est la dysplasie légère et modérée des
3.1.1. Adénome classique :
anciennes classifications. La pseudostratification ne
C’est le plus fréquent et le plus important en matière
dépasse pas les 2/3 de la hauteur épithéliale.
de cancérogenèse +++, l’adénome étant le précurseur
- Haut grade : c’est la dysplasie sévère et le carcinome in
de la plupart des adénocarcinomes colorectaux, d’où la
situ des anciennes classifications
nécessité de l’exérèse systématique suivie par l’examen
histologique minutieux de tout « polype » Il est actuellement recommandé de grader la dysplasie
selon la classification de Vienne (qui s’applique à tout
Prévalence mondiale : 12 % l’appareil gastro-intestinal) :
- Indemne de néoplasie intraépithéliale (NIE)
Localisation : 35 % dans le colon droit ; 25 % dans le co-
- Indéterminé pour une NIE (en cas de lésions régénéra-
lon gauche ; 40 % dans le rectum
tives liées à des érosions/ulcérations)
Macroscopie : l’aspect macroscopique est, le plus sou- - Avec NIE de bas grade
vent, celui d’un polype dont la forme peut être : - Avec NIE de haut grade
- pédiculée  : avec une tête framboisée (correspondant −adénome/dysplasie
− de haut grade
aux glandes dysplasiques), un pédicule (axe du polype) −adénocarcinome
− in situ (intraépithélial) non invasif
et une base ou pied du pédicule. −adénocarcinome
− in situ (intraépithélial) avec doute sur
- sessile (rond ou ovoïde) : c’est une surélévation poly- l’invasion du chorion
poïde de la muqueuse à large base d’implantation, −carcinome
− intramuqueux : invasion du chorion ou de
sans pédicule, de couleur gris pâle. la musculaire muqueuse (pT1)
- ou plus rarement, plane  : surélévation muqueuse - Adénocarcinome invasif : invasion de la sous muqueuse
plane ou à centre légèrement déprimé, de couleur ou plus.
identique à la muqueuse adjacente. - Cancérisation : on distingue
Taille : Les 2/3 des adénomes font moins de 1 cm. Plus - le cancer intramuqueux : invasion du chorion ou de la
un adénome est gros, plus il risque d’être malin. Le de- musculaire muqueuse (pT1). Pas de risque de métas-
gré de dysplasie augmente avec la taille de l’adénome. tase ganglionnaire +++

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 57


- le cancer invasif : invasion de l’axe ou invasion au-delà 3.3. LES MALADIES HÉRÉDITAIRES ET POLYPOSES
de la musculaire muqueuse. Dans 10 à 15 % des cas, le CCR survient dans un contexte
de maladies héréditaires.
3.1.2. Les polypes festonnés Une maladie héréditaire doit être évoquée et recherchée
C’est un groupe hétérogène de lésions d’architecture devant :
festonnée avec ou sans dysplasie et qui incluent : - le jeune âge
- l’adénome festonné traditionnel  : rare, dysplasique, - des antécédents familiaux de CCR
prédomine dans le recto-sigmoïde. - une histoire évocatrice : cancers multiples, adénomes
- l’adénome festonné sessile  : prédomine à droite. Le multiples…
risque de transformation est élevé.
- le polype hyperplasique  : c’est le polype le plus fré- 3.3.1. La polypose adénomateuse familiale :
quent de l’adulte. On tend actuellement à le classer C’est la plus fréquente des polyposes rectocoliques
parmi les polypes néoplasiques ; la transformation est (80 %). Elle est à transmission autosomique dominante,
néanmoins rare. à forte pénétrance. Elle est due à une mutation germi-
La transformation des polypes festonnés se fait selon nale du gène APC (adénomatous polyposis coli) qui est
une voie de cancérogenèse différente de celle des adé- un gène suppresseur de tumeur, localisé sur le chromo-
nomes classiques. some 5q 21-22. Plus de 700 mutations ont été réperto-
riées.
3.1.3. Les polypes hamartomateux Cette polypose est caractérisée par la présence, dans le
Ils sont moins fréquents et incluent : le polype juvénile colon et dans le rectum, de plusieurs centaines de po-
et le polype de Peutz-Jeghers. lypes adénomateux. Il peut y avoir une atteinte grêlique
(duodénale +++) et gastrique.
• Le polype juvénile
La PAF évolue de façon certaine vers le développement
C’est le polype de l’enfant. Il survient dans 1/3 des cas
d’un cancer colique qui survient vers l’âge de 30 à 40
chez l’adulte.
ans d’où l’intérêt d’une coloprotectomie prophylactique
Il est souvent solitaire, rarement multiple.
avec anastomose iléo-anale. Elle est responsable de 1 %
Il a tendance à s’autoéliminer dans les selles.
des CCR
Macroscopie : masse sphérique rouge à pédicule court.
Les manifestations extracoliques sont :
La tête peut être décapitée
- les tumeurs desmoïdes intra abdominales  : 10  % des
Microscopie  : glandes hypermuco-secrétantes, plus ou
cas
moins kystisées et souvent remaniées (abcès, érosions,
- une pigmentation rétinienne
hémorragies) dans un stroma très inflammatoire.
- des malformations dentaires
• Le polype de Peutz-Jeghers - des adénomes hyperplasiques de l’estomac
Exceptionnellement solitaire (sera décrit plus loin avec - autres tumeurs  : thyroïde, système nerveux central,
les polyposes). surrénales, ostéomes, kystes épidermoïdes cutanés.

3.2. LA DYSPLASIE SUR MICI Macroscopie  : ce sont des centaines de polypes (100 à
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin 5000) sur toute la muqueuse de la pièce de résection co-
(MICI) regroupent 2 entités : la colite ulcéreuse (CU) et la lorectale et réalisant l’aspect typique de « tapis de haute
maladie de Crohn (MC). laine ».
L’incidence du CCR chez les patients atteints d’une MICI
est 20 fois supérieure à celle de la population générale. Microscopie : Aspect d’adénome avec dysplasie plus ou
Le risque de cancérisation est légèrement plus élevé moins marquée pouvant, selon la taille, être de bas grade
dans la CU que dans la MC. ou de haut grade.
Les facteurs de risque de la cancérisation les plus im-
portants sont : Il existe des formes atténuées de la PAF, définies par
- la durée d’évolution un nombre de polypes inférieur à 100 au niveau colorec-
- l’âge de début précoce tal. Dans ce cas, les mutations sont proches du codon
- l’étendue et la sévérité des lésions initiateur du gène APC. Il existe ainsi une corrélation
Selon le type de dysplasie sur MICI, le traitement est génotype-phénotype en fonction de la localisation de la
variable : mutation sur le gène avec des formes classiques, des
a) Dysplasie sur muqueuse plane inflammatoire (sans formes profuses et précoces et des formes atténuées.
formation polypoïde à l’endoscopie) : colectomie.
b) DALM (dysplasia associated lesion or mass) : tumeur 3.3.2. Le syndrome de Lynch
polypoïde dysplasique développée sur une muqueuse Anciennement appelé «  cancer colorectal héréditaire
inflammatoire et dysplasique (plane) : colectomie. non polyposique  : HNPCC  », il est responsable de 5  %
c) ALM (adenoma like mass)  : lésion dysplasique (for- des CCR. On distingue :
mation polypoïde) sur muqueuse inflammatoire non - le syndrome de Lynch type I  : CCR multiples et pré-
dysplasique : polypectomie et surveillance. coces
d) Adénome sporadique (formation polypoïde) en mu- - le syndrome de Lynch type II : CCR et cancers extraco-
queuse non inflammatoire : polypectomie. liques (endomètre, ovaire, estomac)
- le syndrome de Torre-Muir  : CCR, cancers extraco-
liques et tumeurs cutanées.

58 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


La transmission est autosomique dominante (pénétrance 3.3.6. Autres polyposes hamartomateuses
de 70-85 %). La maladie est causée par une mutation - Le syndrome de Cronkhite-Canada
germinale de l’un des gènes impliqués dans le système - Le syndrome de Cowden
de réparation des mésappariements de l’ADN (MMR)  :
les gènes les plus fréquemment atteints sont : hMLH1, 4- CANCÉROGÉNÈSE /FILIATION
hMSH2 et plus rarement MSH6, PMS1 et PMS2. ADÉNOME-CARCINOME (DIAGRAMME).
Les CCR surviennent à partir d’une série de change-
3.3.3. Polypose associée à MUTYH ments histologiques et moléculaires.
Entité de description récente, due à une mutation bial- Ils sont issus, dans 70 % des cas, de la transformation
lélique du gène MUTYH (ch 1p34.1). La transmission est d’un adénome classique préexistant. Diverses filiations
autosomique récessive. Il ressemble cliniquement à sont décrites :
une « PAF atténuée ». - Voie des adénomes plans
- Voie des adénomes festonnés
3.3.4. La polypose juvénile colique - Voie des cancers sur MICI
C’est une polypose hamartomateuse (non adénoma- Au moins une quinzaine de gènes identifiés sont impli-
teuse). Elle est transmise sur un mode autosomique do- qués dans la cancérogenèse :
minant. Ce syndrome est caractérisé par la présence de - Certains sont des oncogènes (Kras, c-myc, bêta-caté-
50 à 200 polypes hamartomateux du colon et du rectum, nine)
mais également de l’estomac et de l’intestin grêle. - D’autres sont des gènes suppresseurs de tumeurs
Les manifestations associées répondent à des malfor- (APC, P53, SMAD4/DPC4, BAX…)
mations :
- Cutanée : télangiectasies Les altérations de ces gènes sont sous-tendues par 3
- Cardiaque : communication interventriculaire grands mécanismes :
- Osseuses : hypertélorisme, macrocéphalie - L’instabilité chromosomique (LOH)  : impliquée dans
Le gène responsable est le DPC4/SMAD4 (deleted in la majorité des CCR (PAF et 85  % des cancers spo-
pancreatic carcinoma locus 4/ mother against dpp). Le radiques). La progression tumorale se fait par étapes
risque de cancer colorectal dans la polypose juvénile successives, d’une crypte aberrante vers l’adénome
semble important. jusqu’au carcinome invasif par acquisition de diffé-
rentes altérations génétiques : les premières sont des
3.3.5. Le syndrome de Peutz-Jeghers mutations des gènes APC et Ras. Elles sont suivies
Également transmis sur le mode autosomique domi- par des altérations chromosomiques (pertes ou gains
nant, le gène responsable est le STK11 (sérine thréonine de chromosomes ou de fragments de chromosomes)
kinase) localisé sur le chromosome 19 p 13. 3 ; qui agit (diagramme).
comme un gène suppresseur de tumeur. - L’instabilité des microsatellites  : impliquée dans le
Les polypes, de nature hamartomateuse, sont répartis syndrome de Lynch et 15 % des CCR sporadiques.
sur le tractus digestif avec une prédominance décrois- - Les mécanismes épigénétiques (hyperméthylation
sante de l’intestin grêle, au colon, rectum puis estomac. des îlots CpG des promoteurs)  : c’est un mécanisme
Il s’y associe une lentiginose péri-orificielle (pigmenta- non exclusif des autres.
tion mélanique muqueuse et cutanée touchant
les lèvres, la bouche, les doigts et les orteils).
Ces patients présentent un risque de survenue de
CCR, pancréatique, mammaire et gynécologique.
Les patients développent fréquemment une in-
vagination intestinale aiguë provoquée par un ou
plusieurs polypes. Si les polypes ont une base
supérieure à 1  cm, il faut les réséquer. Aucune
indication à une colectomie prophylactique n’est
retenue. Un suivi radiologique de l’intestin grêle
(transit) à intervalles de 2 ans, une colonosco-
pie tous les 3 ans, un examen régulier des seins
(mammographie dès l’âge de 35 ans), un examen
gynécologique annuel (échographie endovaginale
et frottis du col utérin) sont recommandés.

Histologie  : Les polypes sont de taille variable,


souvent sessiles, comportant une hyperplasie
glandulaire adénomateuse associée à une hy-
perplasie musculaire lisse périglandulaire. Cette
association est assez caractéristique voir patho-
gnomonique de ce syndrome.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 59


5- CLINIQUE la sous-séreuse voir la dépasser (carcinose péritonéale).
Le CCR est souvent asymptomatique. En l’absence d’an- Il faut examiner tous les ganglions, locaux et régionaux,
técédents personnels ou familiaux d’adénome, de poly- à la recherche de métastases.
pose ou de CCR, les manifestations apparaissent à un
stade avancé de la maladie. Les symptômes sont va- Les variantes :
riables : • Le carcinome mucineux (ou colloïde muqueux)
- Rectorragies +++ Il représente 10-15 % des CCR. Il est constitué de
- Occlusion (obstruction) plages de mucus extra cellulaire abondant (> 50 % de
- Masse abdominale composante mucineuse), dans lesquelles flottent des
- Douleur abdominale cellules tumorales qui peuvent être indépendantes ou
- Perforation agencées en structures trabéculaires ou tubulaires.
- Diarrhée Dans ce cas particulier, l’atteinte ganglionnaire est
- Anémie plus fréquente que dans l’adénocarcinome ordinaire.

6-ÉTUDE ANATOMOPATHOLOGIQUE • Le carcinome à cellules mucosecrétantes indépen-


MACROSCOPIE : 50 % des carcinomes surviennent dans dantes « en bague à chaton » : il représente 1,1 % de
le rectosigmoïde. Ils peuvent être multicentriques dans tous les CCR. Il atteint surtout le sujet jeune.
3-6 % des cas. Les cellules isolées (> 50 % de la masse tumorale) ont
Taille moyenne : 52 mm. un noyau hyperchromatique excentré et un cytoplasme
Plusieurs aspects macroscopiques : rempli de mucus PAS positif (mucus coloré en rouge),
- bourgeonnant  : exophytique, sessile, faisant saillie bleu alcian positif (mucus coloré en bleu). Ces cellules
dans la lumière, infiltrent diffusément tous les plans pariétaux avec
- mixte : ulcéro-infiltrant, ulcéro-bourgeonnant, et forme souvent une carcinose péritonéale et une métastase
annulaire sténosante, ganglionnaire+++
- tumeur type «  linite plastique  »  : rare. Il s’agit d’un Le pronostic est mauvais, sauf pour les cas avec un ni-
épaississement de la muqueuse qui devient dure (c’est veau élevé d’instabilité des microsatellites MSI-H.
le propre du carcinome à cellules mucosecrétantes in- o Le carcinome médullaire : variante rare, de pronos-
dépendantes « en bague à chaton »). tic favorable
- les petits cancers, de 1-2  cm, ressemblent à un adé- o L’adénocarcinome festonné : variante rare, d’indivi-
nome dualisation récente, caractérisé par une architecture
- le carcinome colloïde muqueux : aspect gélatineux à la festonnée des glandes tumorales.
coupe o L’adénocarcinome cribriforme avec comédo-né-
D’une façon générale, le carcinome est ulcéré dans 2/3 crose : variante rare, d’individualisation récente. De
des cas. On peut avoir de la nécrose centrale ou une per- larges structures cribriformes renferment une né-
foration. Il faut toujours rechercher l’existence d’autres crose centrale. (caractéristiques moléculaires : mi-
polypes et préciser si les limites d’exérèse de la pièce crosatellite-stable, hyperméthylation des îlots CpG)
sont saines macroscopiquement. Il faut compter le o L’adénocarcinome micropapillaire : rare
nombre des ganglions du mésentère en regard de la tu- o Le carcinome adénosquameux  : coexistence de
meur et les ganglions qui sont à distance de la tumeur. zones adénocarcinomateuses et épidermoïdes.
Les prélèvements pour étude histologique doivent porter o Autres : carcinome à cellules fusiformes, carcinome
sur : indifférencié…
- Berges chirurgicales proximale, distale et circonféren- IMMUNOHISTOCHIMIE  : le profil habituel est CK7-/
tielle s’il s’agit d’un rectum CK20+ ; expression fréquente de l’EGFR
- Tumeur : point d’infiltration le plus profond
- Tous les ganglions lymphatiques ou nodules tumoraux CLASSIFICATION : (voir cours de chirurgie)
à distance de la tumeur La plus classique est celle de Dukes modifiée par Astler
- Autres lésions éventuelles : polypes, ulcérations… et Cooler :
Stade B1 : Atteinte de la sous-muqueuse et/ou de la
MICROSCOPIE : musculeuse.
Les adénocarcinomes : la plupart des adénocarcinomes Stade B2 : Atteinte de la sous-séreuse ou au-delà.
sont bien ou modérément différenciés, de type lie- Stade C1 : B1 + ganglions envahis
berkühnien. Les cellules sont cylindriques hautes, peu Stade C2 : B2 + ganglions envahis
atypiques, accolées les unes aux autres. L’architecture Stade D : Métastases à distance
est tubulo-papillaire ou cribriforme.
Les tumeurs peu différenciées sont faites de zones so- TRAITEMENT, ÉVOLUTION ET PRONOSTIC
lides avec pléomorphisme nucléaire considérable et des Pronostic :
mitoses nombreuses. La différenciation est un facteur La survie à 5 ans des CCR se situe entre 40 et 60 %.
pronostique. Les récidives locorégionales et/ou les ganglions envahis
Le stroma, abondant, est constitué d’une fibrose colla- N (+) surviennent dans 90 % des cas.
gène parsemée d’un infiltrat inflammatoire. On peut ob- Le pronostic selon DUKES :
server des emboles lymphatiques. À : 90 % de survie à 5 ans
Ce processus tumoral détruit la muqueuse et infiltre les B : 50-65 % de survie à 5 ans
autres plans pariétaux pour arriver jusqu’au niveau de C : 15-25 % de survie à 5 ans

60 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Les facteurs de mauvais pronostic sont : Le stroma fibrovasculaire est peu inflammatoire, riche-
• Stade (pTNM+++) ment vascularisé.
• Marges chirurgicales latérales courtes (entre 2 et
5 cm). B- LE CARCINOME NEUROENDOCRINE
• Grade (degré de différenciation) : plus la tumeur est in- 1- LE CARCINOME A PETITES CELLULES
différenciée, plus le pronostic est mauvais. Il est rare, de localisation droite ou recto-sigmoïdienne
• Type histologique : le carcinome colloïde muqueux et Macroscopie similaire à l’adénocarcinome conventionnel
le carcinome à cellules indépendantes «  en bague à Pronostic sombre.
chaton » sont en général de mauvais pronostic (exclu-
sion faite des tumeurs MSI-H). 2- LES CARCINOMES NEUROENDOCRINES À GRANDES
• Emboles vasculaires CELLULES
• Nombreuses métastases ganglionnaires.
C- AUTRES TUMEURS
Évolution : Les tumeurs mixtes  : adénocarcinome et tumeur neu-
Les métastases se font par ordre de fréquence : roendocrine…
- au niveau des ganglions et du foie
- ensuite péritoine, poumons et ovaires
- rarement au niveau du : sein, os, testicule, utérus III- LES TUMEURS CONJONCTIVES
Traitement :
A- LES TUMEURS CONJONCTIVES BÉNIGNES
Chirurgie +++, radiothérapie et/ou chimiothérapie pré et
CLASSIQUES : elles sont rares, variées et sans parti-
post opératoires.
cularités quand elles siègent au niveau du tube digestif.
Ces traitements dépendent du siège du cancer (colique
Citons à titre d’exemple : l’hémangiome, le lipome…
ou rectal) et du stade de la maladie.
Les nouvelles thérapeutiques sont l’anticorps anti-EGFR
B- LES TUMEURS STROMALES
(Cetuximab) pour les tumeurs Kras non mutées, expri-
Elles représentent 0,1 à 1  % de toutes les tumeurs du
mant l’EGFR.
tube digestif.
Ces tumeurs, de nature mésenchymateuse, sont consti-
tuées de cellules fusiformes parfois épithélioïdes. Elles
II- LES NÉOPLASIES NEUROENDOCRINES ont longtemps été un sujet de controverse quant à leur
histogénèse, aux critères de diagnostic, à la nomencla-
Les néoplasies neuroendocrines sont rares (1 % de l’en-
ture et aux facteurs pronostiques.
semble des tumeurs colorectales). Elles constituent un
Plus fréquentes au niveau de l’estomac et de l’intestin
spectre clinicopathologique allant des tumeurs neuroen-
grêle, elles sont rares dans le colon et le rectum.
docrines (de bas grade de malignité) aux « tumeurs » ex-
Ces tumeurs proviennent de la prolifération d’une cellule
trêmement agressives (carcinomes neuroendocrines).
mésenchymateuse totipotente dite cellule de CAJAL qui
Elles sont actuellement classées selon un grade histo-
exprime le CD34 et le CD117 (C-KIT) à l’immunohisto-
logique (G) basé sur l’index mitotique et sur l’index de
chimie. Cette cellule peut avoir une différenciation par-
prolifération cellulaire (Mib1) en :
tielle musculaire lisse (actine muscle lisse positif), ner-
- tumeurs neuroendocrines (de « bon » pronostic) : G1 et G2
veuse (protéïne S100 positive) ou mixte.
- carcinomes neuroendocrines (à petites cellules ou à
Les principales manifestations cliniques sont l’hémorra-
grandes cellules) : G3
gie et les douleurs abdominales.
Toutes ces tumeurs expriment, en immunohistochimie,
Leur comportement est variable, mais reste souvent ré-
les marqueurs neuroendocrines : chromogranine A, sy-
servé. Il dépend essentiellement du nombre des mitoses
naptophysine, CD56.
et de la taille tumorale.
Elles ont une stadification pTNM propre.
Les bases moléculaires de cette tumeur sont actuel-
À- LES TUMEURS NEUROENDOCRINES (TNE) : lement bien identifiées  : il s’agit le plus souvent d’une
Elles sont plus fréquentes au niveau du colon droit. mutation activatrice du gène KIT (exon 11++), plus rare-
Elles représentent à peu près 8 % de toutes les TNE gas- ment du gène PDGFR et qui se traduit sur le plan immu-
tro-intestinales. nohistochimique par l’expression constante du CD117
Elles sont souvent non fonctionnelles. Un syndrome car- ou c-KIT. Les gènes KIT et PDGFR sont des oncogènes
cinoïde (dû à la sécrétion de sérotonine) est noté dans de la famille thyrosine kinase.
5 % des cas. Le traitement est habituellement chirurgical. L’Imatinib
(Glivec) est administré avec succès dans les formes mé-
MACROSCOPIE : c’est habituellement un petit nodule de tastatiques ou inopérables (KIT mutées)
1 cm, polypoïde, qui soulève la muqueuse. À la coupe, il
s’agit d’un nodule jaunâtre, assez bien limité, sans être
encapsulé. IV- LES LYMPHOMES MALINS
MICROSCOPIE : le nodule tumoral infiltre les plans pa- Ils constituent moins de 1  % des tumeurs du côlon et
riétaux. Il est constitué par une prolifération cellulaire moins de 10  % de tous les lymphomes gastro-intesti-
monomorphe, peu atypique avec une architecture trabé- naux : ils sont dominés par le lymphome diffus à grandes
culaire, acineuse ou mixte. cellules B (voir cours des lymphomes du tube digestif).

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 61


TESTS D’ÉVALUATION
Parmi les propositions suivantes indiquer celle(s) est (sont) exacte(s) concernant les carcinomes coliques :
a) Siègent dans près de la moitié des cas dans la région recto-sigmoïdienne
b) La forme ulcéro-bourgeonnante est la forme macroscopique la plus fréquente
c) L’adénocarcinome colloïde muqueux est de bon pronostic
d) Peuvent être multicentriques
e) Compliquent souvent un polype adénomateux préexistant

Citer les particularités lésionnelles permettant de confirmer la malignité d’une tumeur stromale du tube digestif

Décrire l’aspect histologique d’un polype juvénile

62 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LE CANCER DU PANCREAS EXOCRINE

Prérequis
- Morphologie et rapports anatomiques du pancréas
- Vascularisation et drainage lymphatique du pancréas

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Décrire l’épidémiologie du cancer du pancréas exocrine
2. Décrire les aspects anatomopathologiques du cancer du pancréas exocrine ainsi que
leur mode d’extension
3. Reconnaître les différentes formes cliniques du cancer du pancréas exocrine en se ba-
sant sur la clinique et les examens paracliniques
4. Éliminer les affections qui prêtent à confusion avec le cancer du pancréas exocrine en se
basant sur la clinique et les examens paracliniques
5. Citer les principes du traitement à visée curative et du traitement à visée palliative

INTRODUCTION : I- ÉPIDÉMIOLOGIE (OBJECTIF N° 1)

DÉFINITION  : LE CANCER DU PANCRÉAS EXOCRINE I-1- ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE


EST LE DÉVELOPPEMENT D’UNE TUMEUR MALIGNE
AUX DÉPENS DU PARENCHYME EXOCRINE PANCRÉA- I-1-A- INCIDENCE
TIQUE. Il représente 90 % des cancers du pancréas. Les Il est rare en Afrique, au Moyen-Orient et surtout en Inde.
10 % restants sont occupés par les tumeurs endocrines Les taux d’incidence sont plus élevés en Amérique du
du pancréas qu’on exclue de ce cours vu les particula- Nord (taux d’incidence d’environ 8/100 000 hommes et de
rités anatomopathologiques, cliniques et pronostiques 6/100 000 femmes) et du Sud, au Japon (taux d’incidence
différentes. d’environ 9/100 000 hommes et de 5/100 000 femmes)
Le cancer du pancréas est au 10e rang des cancers de ainsi qu’en Europe du Nord.
l’adulte, 5e rang des cancers digestifs. Son pronostic En France, les cas incidents de cancer du pancréas re-
est l’un des plus défavorables, car il est souvent dia- présentent 10 % des cancers digestifs ce qui correspond
gnostiqué à un stade tardif et la résécabilité dépasse à plus de 3000 nouveaux cas par an. L’incidence est alors
rarement 20 %. estimée à 4,9/100 000 hommes et 2,3/100 000 femmes.
Les adénocarcinomes du pancréas représentent 90 à En Tunisie, l’incidence annuelle brute est de 2,1/100 000
95 % des tumeurs malignes du pancréas, siègent dans hommes et de 1,4/100 000 femmes.
les 2/3 des cas au niveau de la tête et posent le pro-
blème majeur de l’extension aux axes vasculaires et I-1-B-AGE
aux structures locales. Le cancer du pancréas survient essentiellement chez le
L’apparition de l’imagerie moderne a augmenté les sujet de plus de 70 ans. L’incidence augmente régulière-
chances de résection et amélioré les indications opé- ment avec l’âge.
ratoires en permettant un bilan d’extension précis et La médiane de l’âge au moment du diagnostic a été éva-
fiable. luée à environ 71 ans avec la plupart des cas entre 65 et
Le seul traitement à visée curative de l’adénocar- 76 ans aux États-Unis.
cinome pancréatique reste la chirurgie d’exérèse.
Celle-ci n’est réalisée qu’une fois sur dix. I-1-C- SEXE
En outre, les indications de la chirurgie palliative ont Le cancer du pancréas est plus fréquent chez l’homme
diminué avec les progrès de l’endoscopie intervention- avec un sex-ratio entre 1,5 et 2
nelle.
Le développement de la chimiothérapie a permis I-1-D- RACE
d’améliorer la qualité de vie des patients, tout en aug- Les données d’Amérique du Nord permettent d’évaluer
mentant leur survie globale. le rôle de la race. En effet, les taux d’incidence les plus
Malgré cette nette amélioration de la prise en charge élevés sont retrouvés dans la population noire améri-
du cancer du pancréas, il reste malheureusement de caine. Chez les différentes populations d’origine asia-
très mauvais pronostic avec une survie à 5 ans de 4 %. tique, il existe des taux variables selon les régions.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 63


I-2- ÉPIDÉMIOLOGIE CAUSALE - L’irradiation abdominale, l’anémie de Biermer et les
I-2-A- FACTEURS ENDOGÈNES tumeurs endocrines bénignes du pancréas pourraient
• Pancréatites chroniques également augmenter le risque du cancer du pancréas.
Les études cas-témoins ou de cohortes concluent que
le risque de cancer du pancréas est augmenté après I-2-B- FACTEURS EXOGÈNES
pancréatite chronique (odds ratio de 0,8 à 9,7). • Tabac
Pour les pancréatites chroniques, il existe peu de diffé- Le tabac est le facteur de risque le plus unanimement
rence entre la pancréatite d’origine alcoolique ou non. admis. La proportion de cancer du pancréas attribuable
Par contre, les antécédents de pancréatite aiguë sont au tabac est estimée à une valeur qui oscille entre 14 %
associés à un risque moins important. et 33 %.

• Diabète • Alcool
Les études récentes montrent que le diabète est très Il semblerait qu’il existe un lien modéré entre alcool et
probablement à la fois un facteur de risque du cancer du adénocarcinome pancréatique. Ce lien serait plus im-
pancréas et un élément révélateur ou encore une consé- portant pour les alcools forts que pour la bière et le vin.
quence de cancer.
Le risque de transformation maligne est multiplié par 5. • Alimentation
Quoi qu’il en soit, il apparaît que la consommation de
• Tumeurs kystiques du pancréas fruits et de légumes diminue le risque de cancer.
Véritables lésions précancéreuses. On distingue En revanche, une alimentation riche en viande et en
• Les tumeurs intracanalaires papillaires mucineuses graisses, en particulier non saturée, augmenterait le
pancréatiques (TIPMP)  : Le risque de transformation risque de cancer du pancréas, a été évoquée par certains
maligne est évalué 30 à 60 %. travaux.
• Les cystadénomes mucineux. Le risque de transforma-
tion maligne est également élevé. • Facteurs chimiques et exposition professionnelle
Les études de toxicologie réalisées chez l’animal ont
Ces deux lésions imposent une chirurgie d’exérèse pro- montré que de nombreuses substances chimiques
phylactique contrairement au cystadénome séreux du étaient capables d’induire l’apparition de cancers du
pancréas qui ne dégénère qu’exceptionnellement pour pancréas et en particulier l’aflatoxine B1, l’azasérine, le
qui la simple surveillance est suffisante. diisopropanol-nitrosamine et l’acétaminofluorène.
Une augmentation du risque de cancer du pancréas a été
• Obésité rapportée dans certaines professions ; les professions
L’obésité augmente le risque (risque entre 1,32 et 1,86) les plus souvent citées sont les travailleurs du papier
de développer un cancer du pancréas. et du bois, du textile, des métaux, les électriciens, den-
tistes, agents de fabrication et chimistes.
• Facteurs génétiques
Les antécédents personnels ou familiaux de cancer liés
au tabac, ou du sein, de l’ovaire et de la prostate sem- II- ANATOMIE PATHOLOGIQUE
blent augmenter le risque de cancer du pancréas. (OBJECTIF N° 2)
Des altérations chromosomiques ont été fréquem-
ment retrouvées dans les cellules cancéreuses  : une II-1- MACROSCOPIE
mutation du gène K-ras ainsi qu’une surexpression du II-1-A- SIÈGE
gène C-erb-B2. La tête du pancréas est le siège le plus fréquent (70 %),
Une prédisposition génétique aux cancers du pancréas Le pancréas corporéo-caudal (20 %)
exocrine a été rapportée dans quelques maladies rares La multilocalité est notée dans 10 % des cas.
telles que les néoplasies endocrines multiples de type
I, les pancréatites héréditaires, le syndrome HNPCC, le II-1-B- TAILLE
syndrome de Von Hippel Lindau, l’ataxie télangiectasie La taille moyenne est 3 cm pour une tumeur de la tête
ou certains mélanomes familiaux. contre 6 cm pour une tumeur corporéo-caudale en cas
de résection chirurgicale.
• Autres facteurs endogènes
- La mucoviscidose. II-1-C- ASPECT
- Les antécédents d’amygdalectomie seraient associés à Le plus souvent il s’agit d’une squirre, infiltrante, dure, à
une diminution du risque de cancer du pancréas. limite irrégulière.
- Les antécédents de chirurgie pour pathologie ulcé-
reuse  : la diminution de la sécrétion gastrique acide, II-1-D- LES LÉSIONS D’AMONT
en favorisant la colonisation bactérienne, pourrait être La dilatation du canal de Wirsung et la pancréatite
à l’origine de la formation de dérivés des nitrosamines, d’amont sous forme d’un pancréas fibreux et induré sont
dont le rôle dans la carcinogenèse gastrique, notam- constantes.
ment après réduction chirurgicale de la sécrétion
gastrique acide, est admis. II-2- MICROSCOPIE
- La cholécystectomie pourrait augmenter le risque de On distingue :
cancer du pancréas.

64 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


II-2-A- LES TUMEURS ÉPITHÉLIALES II-4- CLASSIFICATION (TNM)
Se développent à partir des cellules de l’épithélium cana- Classification TNM / UICC 2009
laire ou celles des acini glandulaires. Ce qui donne soit :
• Un carcinome canalaire (90  %) la forme la plus fré- T – Tumeur :
quente, qui peut être Tx: Renseignements insuffisants pour classer la tu-
- Un adénocarcinome ductulaire, le plus fréquent (90 %) meur primitive.
- Un cystadénocarcinome To : Pas de signe de tumeur primitive.
- Un carcinome à grandes cellules Tis: Carcinome in situ.
- Un carcinome adénosquameux T1 : Tumeur limitée au pancréas, ≤ 2cm dans son plus
grand diamètre.
• Un carcinome acineux : rare (2 %) T2 : Tumeur limitée au pancréas, > 2 cm dans son plus
grand diamètre.
II-2-B- LES TUMEURS NON ÉPITHÉLIALES T3 : Tumeur étendue au-delà du pancréas, mais sans
Se développent à partir du tissu de soutien. Elles sont ex- envahissement de l’axe cœliaque ou de l’artère
ceptionnelles. Il peut s’agir : d’un fibrosarcome, léiomyo- mésentérique supérieure.
sarcome, histiocytome, lymphome ou encore pancréati- T4 : Tumeur envahissant l’axe cœliaque ou l’artère
coblastome. mésentérique supérieure.

II-3- MODE D’EXTENSION N – Adénopathies régionales :


Nx: renseignements insuffisants pour classer les adé-
II-3-A- LOCALE : Intrapancréatique nopathies régionales.
De proche en proche. No : Pas de métastase ganglionnaire régionale.
N1 : Envahissement des ganglions lymphatiques ré-
II-3-B- RÉGIONALE : Extrapancréatique gionaux.
• Par contiguïté :
Envahissement des structures de voisinage, qui sont : M – Métastases à distance :
- Le canal cholédoque, le duodénum et le pédicule mé- Mo : Pas de métastase à distance.
sentérique supérieur pour une tumeur de la tête du M1 : Présence de métastase(s) à distance.
pancréas.
- Le tronc cœliaque, l’antre gastrique pour une tumeur Cette classification reste malgré tout difficile d’utilisa-
du corps du pancréas tion, car elle repose en partie sur des données anatomo-
- La rate, la grosse tubérosité gastrique et l’angle colique pathologiques de pièces opératoires, qui ne sont dispo-
gauche pour une tumeur de la queue du pancréas. nibles que pour une minorité de malades.

• Le long des gaines nerveuses :


Donnant une infiltration de la lame rétroportale souvent III- ÉTUDE CLINIQUE (OBJECTIF N° 3)
retrouvée dans ce type de cancer.
Type de description :
• Lymphatiques : Cancer de la tête du pancréas chez un homme de 60
Envahissement de proche en proche sans saut de relais, ans (Forme la plus fréquente).
les ganglions proximaux (N1 : péri pancréatiques, pré et
rétro duodéno-pancréatiques) puis les ganglions pédicu- III-1- LES SIGNES FONCTIONNELS
laires (N2 : tronc cœliaque, mésentériques supérieurs et Le diagnostic est rarement fait en début d’évolution.
pédicule hépatique) enfin les ganglions à distance (N3 : Il est évoqué devant des signes fonctionnels qui sont le
latéro-aortiques, latéro-caves et inter aortico-caves). témoin de l’envahissement de structure de voisinage. Il
À noter que l’envahissement des ganglions du 2e et du 3e s’agit d’une symptomatologie d’emprunt.
relais est considéré comme une métastase.
III-1-A- ICTÈRE
II-3-C- À DISTANCE : Métastatique Il s’agit d’un ictère rétentionnel d’allure néoplasique avec
• Voie veineuse urines foncées et selles décolorées. Cet ictère est pré-
Métastase à distance (foie+++, poumon, os, peau....) cédé d’un prurit dans 30 % des cas. Son évolution dans
le temps est caractéristique : il est progressif, s’aggrave
• Voie péritonéale dans le temps, sans variation, sans fièvre ni douleur  :
Carcinose péritonéale. C’est un ictère nu évoluant d’un seul tenant, en tache
d’huile. Il signe la présence d’un obstacle permanent et
complet de la voie biliaire principale.

III-1-B- ALTÉRATION DE L’ÉTAT GÉNÉRAL


La perte de poids est souvent précoce et importante
(pouvant dépasser 10  % du poids du corps). Elle s’ex-
plique plus, par une anorexie avec parfois une douleur
provoquée par l’alimentation, que par une malabsorption
liée à une insuffisance pancréatique exocrine, plus rare,

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 65


mais possible pour des lésions de la tête. La sténose IV-2- L’IMAGERIE
duodénale parfois induite par ces lésions provoque des IV-2-A- ECHOGRAPHIE ABDOMINALE
vomissements avec amaigrissement rapide. L’échographie abdominale peut objectiver la tumeur
(lorsqu’elle est supérieure à deux centimètres) sous la
III-2- EXAMEN GÉNÉRAL forme d’une zone hypoéchogène ou non, déformant les
L’état général est altéré du fait de la cachexie, mais éga- contours du pancréas. Souvent, seuls des signes indi-
lement de l’intensité du prurit rects orientent vers le diagnostic : une hétérogénéité de
Ictère flamboyant cutanéo-muqueux la glande, une dilatation du canal de Wirsung, ou bien
Lésions cutanées de grattage encore une dilatation des voies biliaires. Le signe de la
double dilatation (voie biliaire principale et canal de Wir-
III-3- EXAMEN PHYSIQUE sung) est un excellent signe indirect d’adénocarcinome
Les signes cliniques les plus fréquemment retrouvés pancréatique, si le patient n’est pas porteur d’une
sont l’ictère, une vésicule biliaire palpable et/ou une l’hé- pancréatite chronique.
patomégalie. Les difficultés rencontrées par l’échographie sont la dé-
tection de petites tumeurs de moins de 2 cm, les lésions
III-3-A- VÉSICULE PALPABLE infiltrantes, les tumeurs isoéchogènes et enfin les cas où
Une grosse vésicule sous la forme d’une masse piri- l’examen est techniquement très difficile. C’est pourquoi
forme rénitente appendue au bord inférieur du foie peut sa sensibilité est d’environs 50 à 75 %.
être palpée dans les cancers de la tête. Elle n’est pas Ainsi, en raison des précieux renseignements qu’elle
trouvée chez les patients ayant eu une cholécystectomie fournit et de son faible coût, l’échographie est l’examen
ou porteurs d’une vésicule scléroatrophique. à réaliser en première intention dans le bilan du cancer
du pancréas.
III-3-B- HÉPATOMÉGALIE :
Témoigne soit de la cholestase avec un aspect lisse, ré- IV-2-B- TOMODENSITOMÉTRIE (figure1)
gulier, peu douloureux, ou d’un foie secondaire avec un L’adénocarcinome pancréatique se traduit générale-
aspect nodulaire, dur et douloureux. ment par une zone spontanément isodense au paren-
chyme pancréatique, moins vascularisée que le reste
de la glande pancréatique, c’est-à-dire qu’elle apparaît
Cette triade : hypodense au temps artérioportal puis au temps portal.
Ictère nu évoluant d’un seul tenant + hépatomé- Parfois, il s’agit seulement d’une augmentation de la
galie régulière + grosse vésicule palpable taille d’une partie de la glande ou d’une perte localisée
= de l’harmonie des contours pancréatiques.
Loi de Courvoisier-terrier qui est le témoin d’un Certains signes indirects doivent faire évoquer le dia-
obstacle complet et permanent au niveau du car- gnostic de carcinome pancréatique.
refour bilio-pancréatique. * Dilatation des voies biliaires extra ou parfois intra hé-
patiques.
* Dilatation du canal de Wirsung.
* Atrophie parenchymateuse d’amont liée à l’obstruction
IV- EXAMENS COMPLÉMENTAIRES du canal de Wirsung et à des remaniements de pan-
créatite chronique obstructive. On se trouve souvent
IV-1- LA BIOLOGIE devant l’association d’une atrophie corporéo-caudale
IV-1-A- CHOLESTASE BIOLOGIQUE et une tête pancréatique qui semble de volume normal.
Augmentation du taux des enzymes de la cholestase  : Cette dernière correspond en réalité à la tumeur pan-
5’ Nucluotidase, Phosphatase alcaline, Gamma Glu- créatique elle-même.
tamyl-transférase. * Image de foyer de pancréatite d’amont. Les manifesta-
Hyperbilirubinémie à prédominance conjuguée. tions de pancréatite d’amont sont présentes dans envi-
Baisse du taux de prothrombine corrigée par l’injection ron 30 % des cas et peuvent être au premier plan chez 8
en intramusculaire de vitamine K (test de Khöler positif) à 10 % des patients, ce qui explique que chez un certain

IV-1-B- DIABÈTE RÉCENT Figure 1 : TDM avec injection de produit de contraste montrant les signes
Selon les études une intolérance au glucose indirects d’une tumeur de la tête du pancréas
est retrouvée dans 6 à 80 % des patients at-
teints de cancers du pancréas. Près de 10 à
20 % des patients lors du diagnostic sont sui-
vis pour un diabète évoluant depuis deux ans.

IV-1-C- SYNDROME PARANÉOPLASIQUE


Hypocalcémie

IV-1-D- MARQUEURS TUMORAUX


Augmentation du taux du CA  19-9 et du
CA  125, cependant ces tests manquent de
sensibilité et de spécificité.

66 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


nombre de sujets un diagnostic erroné de pancréatite de pancréatite aiguë, est qu’elle expose au risque de
puisse être porté. Il peut s’ensuivre un retard diagnos- greffe néoplasique sur le trajet de ponction. Ce risque,
tique réel préjudiciable au patient. pourtant faible, fait réserver cette technique aux tu-
meurs évoluées.
IV-2-C- RÉSONANCE MAGNÉTIQUE
Cet examen semble plus sensible pour les petites tu- * Biopsie par voie échoendoscopique  : Le risque d’es-
meurs et il a l’avantage de permettre une imagerie origi- saimage néoplasique paraît plus faible avec cette tech-
nale des voies biliaires et des voies pancréatiques grâce nique, mais le nombre de faux négatifs est équivalent
à la cholangio-pancréatographie par IRM. Mais cet avan- (sensibilité : 70 à 80 %) à la biopsie par voie percutanée.
tage est modéré, car on n’a pas vraiment besoin d’une Les situations qui imposent une preuve histologique sont :
cartographie biliaire précise avant le traitement chirurgi- - Une tumeur non résécable ou un patient inopérable
cal ou endoscopique. avant de démarrer une chimiothérapie palliative
L’IRM n’a pas donc gagné une place majeure dans l’ex- - Une tumeur localement avancée chez un patient jeune
ploration des patients atteints de cancer du pancréas en bon état général avant de démarrer un traitement
exocrine. Elle n’est recommandée comme substitut néoadjuvant en vue d’une résection chirurgicale
à la tomodensitométrie que chez les sujets ayant une - Un doute diagnostique avec une lésion bénigne (pan-
contre-indication à l’injection d’iode, telle que les diabé- créatite auto-immune, pancréatite chronique)
tiques à risque d’insuffisance rénale. Pour un patient chez qui on décide une chirurgie d’exé-
rèse curative, la preuve histologique est inutile.
IV-2-D- ECHOENDOSCOPIE
Elle est plus sensible et plus spécifique que l’échogra-
phie ou la tomodensitométrie pour le diagnostic des pe- V- BILAN PRE-THERAPEUTIQUE
tites lésions.
Cet examen est par contre d’un apport considérable V-1- LE BILAN D’EXTENSION
quand il permet grâce à une ponction échoguidée par • CLINIQUE
voie transduodénale d’obtenir un diagnostic histologique - La douleur est secondaire due à un envahissement re-
de certitude. Cette technique permet en effet de réaliser tropéritonéal avec infiltration des tissus nerveux péri-
la ponction même sur des petites lésions infracentimé- pancréatiques puis des nerfs splanchniques. Elle est
triques. présente dans près de 80  % des cas et représente le
premier signe clinique 2 fois sur 3.
IV-2-E- LA CHOLANGIO-PANCRÉATOGRAPHIE
RÉTROGRADE ENDOSCOPIQUE (CPRE) - La masse abdominale de siège épigastrique, dure, sen-
Examen invasif. Il a un double intérêt diagnostique et sible, mal limitée et fixe par rapport au plan profond.
thérapeutique.
- Les vomissements sont le témoin d’un envahissement
• But diagnostique duodénal.
* Opacification du pancréas
- Parenchymogramme incomplet - Par ailleurs la présence d’une ascite, de foie nodulaire
- Sténose complète du canal de Wirsung avec absence de métastases, d’un ganglion de Troisier et de nodules de
d’opacification en amont carcinose au toucher rectal signe des formes évoluées.
- Sténose partielle du canal de Wirsung, irrégulière, ex-
centrée avec dilatation du canal de Wirsung en amont. • BIOLOGIQUE
* Opacification des voies biliaires Dilatation des voies bi- Le dosage des marqueurs tumoraux (CA 19-9 et CA 125)
liaires en amont d’une compression du bas cholédoque qui servent essentiellement à la surveillance post-thé-
qui est irrégulière et excentrée. rapeutique.

• But thérapeutique • IMAGERIE


Par la mise en place d’une prothèse en cas de tumeur - La radiographie du thorax à la recherche de métas-
non résécable. tases pulmonaires
Il est à noter que ce geste ne doit être réalisé que s’il
débute sur geste thérapeutique. - L’échographie abdominale à la recherche de métas-
tases hépatiques, d’ascite, de carcinose, voire d’adé-
IV- 3- DIAGNOSTIC HISTOLOGIQUE nopathies cœliaques métastatiques. Lorsqu’elle est
PRÉOPÉRATOIRE couplée au Doppler, elle permet de rechercher un en-
Le chirurgien dispose rarement du diagnostic histolo- vahissement de l’axe mésentérique supérieur, sous
gique de la lésion pancréatique. C’est en effet une glande forme de cavernome portale ou de bourgeon endovei-
difficile d’accès. neux notamment dans la veine mésentérique supé-
Globalement, il existe deux techniques de biopsies : rieure qui confirme la non-résécabilité.

* Biopsie par voie percutanée : Elle s’effectue par voie - La TDM abdominale est plus performante que l’écho-
scannographique ou échographique à l’aiguille fine. Sa graphie dans l’évaluation de l’extension locorégionale
sensibilité varie de 55 à 97 %. Son inconvénient majeur (ganglionnaire, vasculaire et les organes de voisinage)
outre le fait qu’elle expose au risque d’hémorragie et et à distance.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 67


- L’échographie-endoscopique est actuellement le • LE CANCER DU PETIT PANCRÉAS DE WINSOLW
maître examen dans l’évaluation de l’extension locoré- Il est particulier par l’envahissement précoce et rapide
gionale du cancer du pancréas (Axe mésentérique su- de l’axe mésentérique supérieur rendant la tumeur le
périeure et envahissement ganglionnaire). plus souvent non résécable. Sur le plan clinique, le
délai d’apparition de l’ictère est retardé par rapport à la
- Le pet-scanner est basé sur les variations fonction- forme type.
nelles des cellules cancéreuses, par l’augmentation du
métabolisme glucidique. Le pet-scanner pourrait avoir • LE CANCER TOTO-PANCRÉATIQUE
un intérêt pour le dépistage des métastases à distance, De mauvais pronostics, car le diagnostic est souvent tar-
parenchymateuses ou ganglionnaires. dif et la sanction thérapeutique est très lourde. Le dia-
gnostic repose sur l’imagerie, essentiellement le scan-
• LAPAROSCOPIE ner abdominal.
Elle permet de détecter la carcinose non diagnostiquée
sur le bilan d’extension préopératoire permettant d’évi- VI- 1- LES FORMES
ter une laparotomie inutile simplement exploratrice. ANATOMOPATHOLOGIQUES
Couplée à l’échographie (écho-laparoscopie) permet de • LE CYSTADÉNOCARCINOME MUCINEUX
détecter les métastases hépatiques et l’envahissement C’est le cystadénome mucineux dégénéré. Il est particu-
vasculaire mésentérique supérieur. La laparoscopie per- lier par une production exagérée en mucine, et caracté-
met de trouver dans 13 % des cas une cause de non-ré- risé par son siège le plus souvent corporéo-caudal.
sécabilité. En faveur de la malignité sur l’imagerie devant une tu-
meur kystique pancréatique on note  : le caractère hy-
V-2- LE BILAN D’OPÉRABILITÉ pervasculaire des cloisons et la présence de végétations
- Examen général (pulmonaire, cardiovasculaire) endokystiques.
- Groupe sanguin
- Numération formule sanguine • LA TIPMP (tumeur intracanalaires papillaire et muci-
- Électrophorèse des protides neuse du pancréas) dégénérée
- Radiographie du thorax et électrocardiogramme Devant une TIPMP, on faveur de la malignité sur l’ima-
Au terme de ce bilan, le malade sera classé selon l’Asso- gerie, on note :
ciation Américaine d’Anesthésiologie (ASA). - La présence d’une sténose sur le canal pancréatique
principal
- La dilatation du canal pancréatique principal supé-
VI- LES FORMES CLINIQUES rieure à 7 mm
- La dilatation des canaux secondaires supérieure à
VI- 1- LES FORMES ÉVOLUTIVES 4 mm.
• LE CANCER INFRACLINIQUE
- Le diagnostic est rarement fait à ce stade
- De meilleur pronostic puisqu’il offre la possibilité d’une
résection curative VII- DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
(OBJECTIF N° 4)
• LE CANCER ÉVOLUÉ
- Patient cachectique, en très mauvais état général, avec VII- 1- TUMEURS SOLIDES :
un ictère cutanéo-muqueux flamboyant, des vomisse- VII-1-A- PANCRÉATITE CHRONIQUE :
ments, un blindage épigastrique, une ascite et un foie Elle peut se révéler par les mêmes symptômes (com-
métastatique. pression biliaire, sténose duodénale). Le diagnostic dif-
- forme au-dessus de toute ressource thérapeutique férentiel est souvent très difficile même avec les ren-
seignements fournis par l’échoendoscopie. La certitude
VI- 1- LES FORMES SELON LE SIÈGE diagnostique peut être apportée par la ponction-biopsie.
• LE CANCER CORPORÉO-CAUDAL Toutefois, le nombre important de faux négatifs doit inci-
- Le diagnostic est rarement fait au début de l’évolution ter le chirurgien à proposer une laparotomie exploratrice
vu l’absence de retentissement biliaire. lorsque la suspicion de néoplasie est suffisamment forte
- Le maître symptôme est la douleur qui est typique- (présentation clinique, âge, intuition…).
ment épigastrique, intense, à recrudescence nocturne,
transfixiante, à irradiation postérieure, calmée par VII-1-B- TUMEURS ENDOCRINES :
l’antéflexion (position en chien de fusil) et par l’aspi- Les manifestations cliniques secondaires aux sécrétions
rine. C’est le classique syndrome solaire qui signe endocrines sont inconstantes et le diagnostic entre tu-
l’envahissement du plexus solaire critère de non-résé- meurs endocrines et adénocarcinome n’est pas toujours
cabilité. aisé. Leur mode évolutif et leur pronostic sensiblement
- L’examen trouve le plus souvent une masse ayant les meilleur que les cancers exocrines sont pourtant capi-
caractéristiques de la malignité de siège épigastrique taux à prendre en compte dans l’arbre décisionnel théra-
et de l’hypochondre gauche. peutique. En effet, la malignité de ces tumeurs est sou-
- L’échographie et surtout le scanner objective une for- vent difficile à affirmer, aussi bien sur le plan clinique
mation tumorale qui se développe aux dépens du corps que sur le plan anatomopathologique, et ce n’est qu’en
ou de la queue du pancréas. présence de métastases que l’on pourra parfois affirmer

68 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


la nature maligne de ces tumeurs. L’insulinome est la Le geste chirurgical dépend du siège de la tumeur. Il est
tumeur endocrinienne la plus fréquente. Les autres tu- classique d’opposer 3 types de résection pancréatique :
meurs sont plus rares  : gastrinome, vipome, glucago-
nome, somatostatinome. Elles peuvent s’intégrer dans • La duodénopancréatectomie céphalique (DPC)
un syndrome de néoplasies endocriniennes multiples de C’est l’intervention de WHIPPLE, qui consiste à réséquer
type I. en monobloc  : l’antre gastrique, le cadre duodénal, la
tête du pancréas jusqu’à l’isthme, les 10 premiers centi-
VII-2- TUMEURS KYSTIQUES : mètres du grêle, la vésicule biliaire et la voie biliaire prin-
VII-2-A- CYSTADÉNOME SÉREUX : cipale jusqu’à la jonction cystico-cholédocienne (Figure
Tumeurs kystiques d’origine épithéliale et de nature n° 2). Cette intervention permet la réalisation du curage
bénigne. Elles sont constituées de petits kystes dont la des ganglions du premier relais.
taille est inférieure à 2 cm. Elles sont rares, mais repré-
sentent 20 à 30 % des tumeurs kystiques du pancréas.

VII-2-B- CYSTADÉNOME MUCINEUX :


Tumeurs épithéliales macro kystiques uni ou multilo-
culaires muco sécrétantes. Elles sont caractérisées par
une sécrétion mucineuse et un risque de dégénéres-
cence.

VII-2-C- TUMEURS INTRA CANALAIRES PAPILLAIRES


ET MUCINEUSES (TIPMP) :
Ce terme ne préjuge pas du caractère bénin ou malin,
mais s’applique à l’ensemble des formations intracana-
laires sécrétantes de mucus qui entraînent une dilata- Figure n° 2 : Duodénopancréatectomie céphalique selon
tion du Wirsung et des canaux secondaires. Leur inci- WHIPPLE.
dence est estimée à 7,5 % des tumeurs diagnostiquées.
Le rétablissement de la continuité digestive est assu-
VII-3- AUTRES TUMEURS DE LA RÉGION ré par trois anastomoses, selon le montage de CHILD :
PÉRIAMPULLAIRE : une anastomose pancréatico-digestive (jéjunale ou
Il peut être délicat de faire la différence entre un can- gastrique), hépaticojéjunale et finalement gastro-jé-
cer de la partie basse de la voie biliaire, un ampullome junale (Finsterer ou Polya). (Figure n° 3)
vatérien ou un cancer du duodénum et un cancer pan- Une variante à l’intervention de Whipple a été décrite,
créatique. Dans certains cas, l’origine histologique de la afin d’améliorer le résultat fonctionnel de cette interven-
tumeur ne peut être obtenue qu’en faisant l’exérèse. Ces tion, qui est la DPC avec conservation du pylore, qui reste
tumeurs ont un taux de résécabilité supérieur et un taux cependant insuffisante sur le plan carcinologique en cas
de survie supérieur à ceux du cancer du pancréas. du cancer du pancréas.

VIII- TRAITEMENT (OBJECTIF N° 5)

VIII-1- BUT
- Extirper la tumeur et ses extensions ganglionnaires
- Index de vie optimal en cas de traitement palliatif

VIII-2- MOYENS THÉRAPEUTIQUES


VIII-2-A- CHIRURGIE CURATIVE
La chirurgie d’exérèse est le seul traitement curateur
du cancer du pancréas, cependant ceci n’est réalisable
que dans 20 à 25 % des cas pour une tumeur de la tête
du pancréas et 10  % des cas pour une tumeur corpo-
réo-caudal en raison d’un diagnostic le plus souvent tar-
dif.
Il s’agit d’une chirurgie difficile vu le siège postérieur
du pancréas et ses rapports intimes avec les gros vais-
seaux rétropéritonéaux et splanchniques. Les exérèses
pancréatiques nécessitent une préparation de qualité
périopératoire : Transfusions en cas d’anémie, albumine
humaine (IV) en cas de dénutrition grave, Vitamine K en
IM en cas d’ictère, une hyperalimentation parentérale en
cas de sténose duodénale, une héparinothérapie à bas Figure n° 3 : Le rétablissement de la continuité après DPC
poids moléculaire réduisant le risque thrombo-embo- A- Anastomose pancréatico-gastrique
lique postopératoire. B- Anastomose pancréatico-jéjunale

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 69


• La spléno-pancréatectomie corporéo-caudale (SPC) VIII-2-E- CHIMIOTHÉRAPIE ET RADIOTHÉRAPIE
Cette intervention consiste à réséquer tout le parenchyme Compte tenu de l’extension souvent importante au mo-
pancréatique situé à gauche de l’isthme du pancréas et ment du diagnostic, des résultats plus que décevants de
la rate associée à un curage des ganglions du premier la chirurgie (récidive locorégionale) du cancer du pan-
relais. (Figure n° 4) créas, de nombreux traitements complémentaires ont
émergé. L’approche adjuvante ou néoadjuvante basée
sur la radiothérapie exclusive ou sur la chimiothérapie
exclusive a été étudiée de longue date, sans résultats
probants. Actuellement, de nombreuses équipes ten-
tent de potentialiser ces thérapeutiques en associant la
radiothérapie et la chimiothérapie de manière conco-
mitante dans le but d’améliorer la survie des patients.
Cette radio-chimiothérapie concomitante associant 45
grays à un protocole de chimiothérapie (5 Fu + Cysplatine
ou Gemcitabine) a pour but essentiellement en position
néo-adjuvante de permettre un down-staging d’une tu-
meur localement avancé initialement non résécable.

VIII-2-F- TRAITEMENT DE LA DOULEUR


L’essentiel du traitement de la douleur repose bien en-
Figure n° 4 : Splénopancréatectomie corporéo-caudale tendu sur les antalgiques oraux notamment les opiacés.
Toutefois, une méthode reconnue en cas de résistance
• La Duodéno-pancréatectomie totale (PT) aux antalgiques est l’alcoolisation des plexus splanch-
Cette intervention consiste à associer les deux interven- niques ou splanchnicectomie. Cette technique peut être
tions précédemment décrites. réalisée sous guidage radiologique notamment tomo-
• Les pancréatectomies élargies densitométrique.
Ce sont les pancréatectomies avec résections vascu- La radiothérapie externe et peropératoire est très utili-
laires. Les plus fréquemment réalisées sont les résec- sée dans l’apaisement de la douleur donnant des résul-
tions veineuses mésentérico-portales. tats significatifs chez les patients traités.
La chimiothérapie a récemment montré un soulagement
VIII-2-B- CHIRURGIE PALLIATIVE significatif de la douleur après la découverte de la gem-
Le but de cette chirurgie est une lutte contre l’ictère citabine.
par une dérivation bilio-digestive (le plus souvent une
anastomose cholédoco-duodénale, rarement hépatico- VIII-2-G- AUTRES TRAITEMENTS
jéjunale) à laquelle on associe une gastro-entéroanasto- D’autres traitements sont en cours d’évaluation :
mose (GEA) afin de permettre au patient de s’alimenter - L’immunothérapie et radio-immunothérapie
en cas d’envahissement duodénal. Cette intervention - La photochimiothérapie
porte le nom de double dérivation. - L’hormonothérapie : le tamoxifène, l’acétate de cypro-
Dans ce cadre de chirurgie palliative, on peut éventuel- térone, les analogues de la LHRH et de la somatosta-
lement compléter le geste par une splanchninectomie tine devant la présence de récepteurs hormonaux sur
chirurgicale dans un but antalgique. les cellules cancéreuses du cancer du pancréas.

VIII-2-C- TRAITEMENT ENDOSCOPIQUE VIII-3- INDICATIONS


Dans le même sens de la double dérivation chirurgicale, VIII-3-A- LES ÉLÉMENTS DÉCISIONNELS
un traitement palliatif moins invasif et plus élégant a vu • L’opérabilité
le jour, il s’agit du traitement endoscopique, et ce par la Les contre-indications à l’opérabilité sont représentées
mise en place d’une prothèse biliaire par voie endosco- par celles à l’anesthésie générale.
pique dans la voie biliaire principale à laquelle on peut
associer une prothèse duodénale en cas d’un syndrome • La résécabilité
de sténose digestive haute. Les contre-indications à la résécabilité sont représen-
Le risque majeur de la mise en place de ces prothèses tées par :
est représenté par les perforations biliaires et duodé- - Un cancer métastatique (métastase viscérale, car-
nales. L’obstruction fréquente de ces prothèses incite à cinose péritonéale, envahissement ganglionnaire du 2e
les changer avec une cadence de 4 à 6 mois. et/ou 3e relais.
- Un cancer localement avancé avec envahissement de
VIII-2-D- LA RADIOLOGIE INTERVENTIONNELLE l’artère mésentérique supérieure, ou de l’axe veineux
Consiste à assurer un drainage de la bile afin de réduire mésentérico-portal (>50 % la circonférence de la veine
l’ictère, par voie percutanée sous repérage radiologique et > 2 cm de la longueur de la veine).
(échographie ou TDM) en cas d’échec du traitement en-
doscopique.

70 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


VIII-3-B- LES INDICATIONS IX-2- SURVIE APRÈS RÉSECTION ET
• Patient opérable et tumeur résécable (20  % des cas FACTEURS PRONOSTIQUES
uniquement) LA MÉDIANE DE SURVIE après résection varie entre 12
- Tumeur de la tête du pancréas : DPC et 18 mois, et la survie actuarielle à cinq ans après ré-
- Tumeur du pancréas corporéo-caudal : SPC section curative (R0) est au mieux de 20 à 25 %.
- Tumeurs multifocales : PT
• Patient opérable et tumeur non résécable LES FACTEURS DE MAUVAIS PRONOSTIQUES
- Tumeur de la tête du pancréas : double dérivation La marge de résection envahie
- Tumeur du pancréas corporéo-caudal : Splanchninec- L’envahissement ganglionnaire
tomie chirurgicale La taille de la tumeur > 2 cm
- En postopératoire, on peut discuter une chimiothérapie L’envahissement de la limite postérieure retropérito-
palliative si l’état du patient le permet néale
- Tumeur localement avancée chez un sujet jeune en bon L’envahissement vasculaire
état général  : Radiochimiothérapie néoadjuvante puis L’envahissement périnerveux
réévaluation en vue d’une résection curative. Le degré de différenciation cellulaire
La transfusion de culots globulaires en période périopé-
• Patient inopérable ratoire
- Tumeur de la tête du pancréas : double dérivation en-
doscopique + lutte contre la douleur IX-2- LA SURVEILLANCE POST-
- Tumeur du pancréas corporéo-caudal : lutte contre la THÉRAPEUTIQUE
douleur Il n’y a pas de protocoles qui régissent la surveillance
- Si l’état du patient le permet, une chimiothérapie peut de patients opérés pour un cancer du pancréas. Le but
être instaurée. de cette surveillance est le diagnostic à tant d’une ré-
cidive locorégionale ou à distance, cependant les possi-
bilités thérapeutiques dans ces cas sont limitées à une
IX- RÉSULTATS ET PRONOSTIC chimiothérapie palliative contrairement aux cancers
colorectaux. Cette surveillance est rapprochée les deux
IX-1- MORTALITÉ ET MORBIDITÉ premières années puis plus espacée, comporte : examen
POSTOPÉRATOIRES clinique complet, radiographie du thorax, dosage des
LA MORTALITÉ postopératoire des résections pancréa- marqueurs tumoraux, un examen d’imagerie (une écho-
tiques s’est considérablement réduite dans les dernières graphie ou au mieux un scanner abdominal).
années : la plupart des séries publiées récemment rap-
portent une mortalité inférieure à 10 %, et ce grâce à une
meilleure maîtrise de la technique chirurgicale et aux X- CONCLUSION
progrès de l’anesthésie et de la réanimation.
Le traitement du cancer du pancréas exocrine reste très
LA MORBIDITÉ postopératoire est dominée par les fis- décevant. Seul le traitement chirurgical est capable de
tules pancréatiques dont la fréquence se situe autour donner un espoir significatif de survie. L’exérèse des can-
de 10 %. Elles sont plus fréquentes lorsque le moignon cers du pancréas est souhaitable, même si un nombre
pancréatique est sain et friable avec un canal de Wirsung limité de malades en tirent bénéfice. En l’absence d’exé-
fin. rèse, une double dérivation biliaire et digestive est sou-
Les autres complications spécifiques sont constituées haitable. L’amélioration du pronostic nécessite la mise en
par les fistules de l’anastomose biliodigestive qui sont œuvre de traitement adjuvant et néo-adjuvant efficace.
rares, les hémorragies post- opératoires, les pancréa-
tites aiguës du moignon pancréatique, les troubles de la
vidange gastrique, l’insuffisance pancréatique exocrine
et le diabète postopératoire.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 71


LES PANCRÉATITES AIGUES

Prérequis
1 – Anatomie du pancréas et du carrefour bilio-pancréatique (cours d’anatomie).
2 – Mécanismes de régulation des fonctions exocrines et endocrines du pancréas (cours de
physiologie).
3 – Examen physique de l’abdomen : Pr HARROUCHI. Vidéofilm à la médiathèque de la Fa-
culté.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1 Définir les pancréatites aiguës
2 Énumérer les étiologies des pancréatites aiguës
3 Expliquer les conséquences physiopathologiques des pancréatites aiguës
4 Décrire les lésions anatomopathologiques rencontrées dans les pancréatites aiguës
5 Reconnaître sur la clinique la biologie et la tomodensitométrie la pancréatite aiguë dans
toutes ses formes cliniques.
6 Évaluer la gravité selon les critères biocliniques et tomodensitométriques
7 Reconnaître les complications précoces et tardives des pancréatites aiguës
8 Planifier la prise en charge médicale et chirurgicale les pancréatites aiguës en fonction
de la gravité et de l’étiologie

Activités d’apprentissage
- Lecture du document de base
- Participer activement à la prise en charge des malades présentant une pancréatite ai-
guë (examen clinique et interprétation des examens complémentaires) lors des stages
hospitaliers.

Activités complémentaires
Lecture conseillée :
- Acute pancreatitis : Jean Louis Frossard, Lancet 2008, 371 – 152.
- Pancréatite aiguë  : moyens diagnostiques et éléments pronostiques  : D. Mennecier,
Réanimation (2008) 17, 768 – 774.
- Conférence de consensus : Pancréatite aiguë – Paris 2001. Gastro-entérologie clinique
et biologique : 2001 - 25
- E.M.C. : Pancréatite aiguë Hépatologie : 7 – 104 – A – 30 : 1994. 15 p.
- Épidémiologie, pronostic et complications infectieuses nosocomiales des pancréatites
aiguës graves en réanimation  : étude prospective multicentrique. B. Jung, J. Carr, G.
Chanques et al. Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 30 (2011) 105–112.
- Greer SE, Burchard KW. Acute pancreatitis and critical illness: a pancreatic tale of hypo-
perfusion and inflammation. Chest 2009 ; 136:1413–9.
- Bourgaux JF, Defez C, Muller L, Vivancos J, Prudhomme M, Navarro F, et al. Infectious
complications, prognostic factors and assessment of anti-infectious management of 212
consecutive patients with acute pancreatitis. Gastroenterol
Clin Biol 2007;31:431–5.

72 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


INTÉRÊT DU SUJET : 10. Maladie de système et vascularites.
11. Anomalies congénitales : le pancréas divisum.
Les pancréatites aiguës représentent une urgence mé- 12. 10 % des P.A est classée idiopathique (enquête étiolo-
dico-chirurgicale grave et fréquente. N’importe quel gique négative).
omnipraticien doit pouvoir reconnaître et évoquer une
pancréatite aiguë devant un abdomen aigu.
III/ANATOMIE PATHOLOGIQUE (OBJECTIF
N° 4) :
I/INTRODUCTION (OBJECTIF N° 1) :
Les lésions anatomiques de la pancréatite aiguë sont
La pancréatite aiguë est l’inflammation aiguë de la polymorphes. Les lésions élémentaires sont l’œdème,
glande pancréatique avec extension variable du proces- la suffusion hémorragique, la nécrose de la glande et la
sus inflammatoire au tissu de voisinage voire même à nécrose du tissu adipeux intra ou péripancréatique ou à
des organes à distance. distance de la glande.
Cette inflammation est secondaire à une autodigestion On distingue par convention deux formes : la forme in-
de la glande par ses propres enzymes activés de façon terstitielle ou œdémateuse et la forme nécrosante, hé-
prématurée et incontrôlée. morragique.
Il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale grave, car
elle met en jeux le pronostic vital dans l’immédiat par les À – P.A. INTERSTITIELLE OU ŒDÉMATEUSE :
complications systémiques et secondairement par les A – MACROSCOPIE :
complications infectieuses. La glande apparaît œdémateuse, gonflée, turgescente,
On oppose les pancréatites aiguës œdémateuses sans indurée, luisante et assez molle. Il n’y a pas d’hémorra-
nécrose, bénignes d’évolution favorable aux pancréatites gie ni de nécrose parenchymateuse.
aiguës sévères avec de la nécrose plus ou moins éten-
due dont l’évolution peut être émaillée de complications B - MICROSCOPIE :
graves mortelles. Sur le plan microscopique, il existe un œdème interstitiel
Les étiologies sont nombreuses, dominées par la lithiase interlobulaire associé à une infiltration cellulaire à poly-
biliaire en Tunisie et l’alcoolisme en occident. nucléaire.
Le diagnostic de pancréatite aiguë est porté devant toute C – L’ÉVOLUTION SE FAIT HABITUELLEMENT VERS LA
douleur abdominale aiguë associée à une élévation de la GUÉRISON
lipasémie et/ou de l’amylasémie > à 3 fois la normale.
La tomodensitométrie, examen indispensable dans la B – P.A. NÉCROTICO-HÉMORRAGIQUE :
prise en charge des pancréatites aiguës, en plus de son Dès l’ouverture de la cavité abdominale, deux signes im-
intérêt diagnostic, a un intérêt pronostic (classification portants frappent l’attention du chirurgien :
scannographique) permet de suivre l’évolution et a en • Le péritoine viscéral est congestif avec présence d’un
plus un intérêt thérapeutique (ponction – drainage). exsudat plus ou moins important souvent nettement
hémorragique.
• La nécrose graisseuse ou cytostéatonécrose constitue
II/ÉTIOLOGIE (OBJECTIF N° 2) : le premier signe la pancréatite aiguë. Elle se présente
sous la forme de petites plaques opaques surélevées,
En Tunisie, la pancréatite aiguë touche beaucoup plus la blanchâtres ou jaunâtres, disséminées dans la cavité
femme que l’homme (2 femmes pour 1 homme) lors des péritonéale.
4e et 5e décades de la vie.
Les facteurs étiologiques sont nombreux : 1/LES LÉSIONS DU PANCRÉAS :
1. Lithiase biliaire (68,3 %) : la lithiase biliaire constitue a – Macroscopie :
la cause la plus fréquente de la pancréatite aiguë en Le pancréas est le siège de lésions nécrotiques et d’hé-
Tunisie. Il s’agit volontiers de microlithiase. morragie qui varient considérablement en extension
2. Hyperlipémie (4,6  %)  : hypertriglycéridémie, cette pouvant englober la quasi-totalité ou des segments en-
cause vient en 2e position sous nos climats. tiers de la glande.
3. Origine alcoolique (2,6 %)
4. P.A. Post-opératoire (2,6  %)  : la pancréatite aiguë b- Microscopie :
postopératoire survient essentiellement après une Sur le plan microscopique, on observe à la périphérie de
intervention sur les voies biliaires. Cependant, elle la glande des foyers de nécrose, de véritables coulées
peut survenir après toute intervention chirurgicale. destructrices qui s’étendent le long des espaces interlo-
5. P.A. après sphinctérotomie endoscopique ou chirurgi- bulaires œdématiés, élargis, riches en cellules mononu-
cale (2 %). clées et lipophages.
6. P.A. post-traumatique (1  %)  : la pancréatite aiguë La nécrose inflammatoire atteint la paroi des vaisseaux
post-traumatique est secondaire le plus souvent à sanguins et des lymphatiques. La lumière des vaisseaux
des plaies pénétrantes. est obstruée par des thromboses ou des exsudats.
7. Hyperparathyroïdie.
8. Médicaments  : citons essentiellement la chimiothé- 2/LES LÉSIONS EXTRA PANCRÉATIQUES :
rapie antimitotique. L’extension de la cytostéatonécrose et des hémorragies
9. Maladie virale telle que les oreillons. se fait en règle dans la graisse péripancréatique et le ré-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 73


tropéritoine. Cette extension locorégionale est souvent • Glycolytiques : amylase, nucléase.
prédominante alors que les lésions glandulaires propre- Ces enzymes sont stockés sous forme inactive (proen-
ment dites sont modérées. zymes) dans des granules appelés zymogènes. Ces en-
La nécrose peut toucher les organes voisins  : estomac, zymes sont excrétés par les canaux pancréatiques dans
colon, grêle, foie, voies biliaires, rate. Des débris pancréa- la lumière duodénale par exostose à ce niveau et sous
tiques nécrotiques, du sang, du suc pancréatique peuvent l’action de l’entérokinase, enzyme duodénal, le trypsi-
exsuder du pancréas réalisant des coulées qui vont se nogène est activé en trypsine qui va agir et activer les
localiser par ordre de fréquence dans l’espace pararénal autres enzymes.
antérieur gauche (69  %), dans l’arrière-cavité des épi- Le pancréas secrète également des inhibiteurs enzy-
ploons (57 %) et dans le méso du côlon transverse (35 %). matiques tel que le pancreatic specific trypsin inhibitor
(P.S.T.I.), ces inhibiteurs inhibent l’activation intra-cana-
3/ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES LÉSIONS : laire des enzymes par les hydrolases contenues dans les
L’évolution de la nécrose est imprévisible, elle peut se lysosomes (catépsyne B). Ainsi, l’activation à l’état nor-
faire vers : mal ne peut se faire que dans la lumière intestinale.
• La résolution complète d’une façon spontanée.
• La surinfection secondaire réalisant un véritable phleg- B – PHYSIOPATHOLOGIE DES PANCRÉATITES
mon au niveau de la loge pancréatique et des coulées AIGUËS :
de nécrose extrapancréatiques. En cas de pancréatite aiguë, il y a une activation préma-
• La fistulisation dans un organe creux et l’ulcération turée des réactions enzymatiques ce qui va entraîner
d’un gros vaisseau. une autodigestion de la glande par ses propres enzymes,
• La constitution d’un pseudokyste. C’est une collection mais aussi il y a d’autres facteurs qui interviennent dans
de suc pancréatique limitée par une capsule de tissu de ce processus inflammatoire, il s’agit du facteur vascu-
granulation de fibrose sans revêtement épithélial. Une laire et de la réaction inflammatoire.
fois constituée, elle peut se résorber spontanément.
1/ACTIVATION PRÉMATURÉE :
La première étape étant intracellulaire par crinophagie.
IV/PATHOGÉNIE (OBJECTIF N° 2) : C’est-à-dire contact anormal entre zymogènes et lyso-
somes à l’origine d’une activation du trypsinogène en
Quelle que soit l’étiologie, le mécanisme exact à l’origine trypsine, cette dernière va agir sur les autres enzymes
de cette activation prématurée des enzymes pancréa- pancréatiques protéolytiques, lipolytiques et glycoly-
tiques reste inconnu, ce qui explique les nombreuses tiques pour les transformer de leur forme inactive à leur
théories proposées et l’origine multifactorielle probable. forme active. En plus, cette trypsine va activer le com-
plément, les kinines et les enzymes de la coagulation
1/THÉORIE CANALAIRE : et de la fibrinolyse. Ainsi, une cascade de réaction en-
La théorie canalaire se base sur deux faits expérimen- zymatique initiée dans la cellule acineuse va s’étendre
taux  : le rôle nocif de l’hyperpression dans les canaux rapidement à l’ensemble de la glande, aux régions péri-
pancréatiques et l’action toxique de la bile infectée. pancréatiques voire même à distance.
Ainsi le reflux de bile infectée dans des canaux pancréa- Ainsi, la trypsine va entraîner œdème, nécrose et hémor-
tiques qui sont sous tension du fait d’un spasme ou d’un ragie. L’élastase va agir sur les fibres élastiques des pa-
œdème au niveau du sphincter d’Oddi, constitue des rois vasculaires et entraîner des hémorragies.
conditions optimales pour le déclenchement du phéno- Les phospholipases vont agir sur la membrane cellulaire
mène pathologique. C’est ce qui se trouve réalisé en pré- et entraîner une nécrose parenchymateuse et la lipase va
sence d’une microlithiase biliaire. agir sur la graisse et entraîner une nécrose graisseuse.

2/THÉORIE VASCULAIRE : 2/FACTEUR VASCULAIRE :
La ligature de l’artère splénique à son origine engendre L’activation locale de la coagulation par la trypsine va en-
des lésions de pancréatite distale sur des modèles expé- traîner également des thrombi fibrinoplaquettaires, d’où
rimentaux. Ainsi, l’éventualité de thrombose vasculaire à une ischémie locale.
l’origine de la pancréatite aiguë a été évoquée. Cette ischémie locale va entraîner la libération de radi-
caux libres de l’oxygène qui sont caractérisés par une
3/LES AUTRES THÉORIES : toxicité cellulaire propre et qui vont attirer et stimuler les
Nerveuse, allergique, immunologique et métabolique évo- polynucléaires neutrophiles et les macrophages.
quées témoignent encore de l’incertitude de la pathogénie.
3/RÉACTION INFLAMMATOIRE :
La trypsine va activer le complément, il existe une in-
V/PHYSIOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 3) : filtration massive du pancréas par des polynucléaires
neutrophiles et des macrophages avec libération des
A – RAPPEL DE LA PHYSIOLOGIE NORMALE : enzymes leucocytaires en plus des radicaux libres d’O2.
La cellule acineuse pancréatique fabrique plusieurs en- Il existe par ailleurs une synthèse des protéines de la
zymes : phase aiguë de l’inflammation (α1 antitrypsine, C réac-
• Protéolytiques : trypsine, chymotrypsine, élastase, car- tive protéine, phospholipase A2).
boxypeptidase A et B Ainsi est déclenché le syndrome inflammatoire de ré-
• Lipolytiques : lipase, phospholipase. ponse systémique (SIRS).

74 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Le passage dans la circulation générale des enzymes lité tensionnelle, un pincement de la différentielle, un
pancréatiques activés, des substances vaso-actives et des pouls petit rapide et mal frappé.
protéines de l’inflammation va être à l’origine d’une toxé-
mie enzymatique avec un retentissement polyviscéral. 3/SIGNES PHYSIQUES :
L’examen de l’abdomen note un météorisme à maximum
4/RETENTISSEMENT POLYVISCÉRAL : épigastrique. Il existe une sensibilité de tout l’étage sus
a – Sur le tube digestif : ombilical. La palpation peut montrer parfois un empâte-
• L’iléus paralytique avec vomissements. ment épigastrique avec une discrète défense, mais sans
• Les troubles de la perméabilité capillaire et l’épanche- contracture. Les touchers pelviens sont normaux et les
ment péritonéal vont entraîner la constitution d’un troi- orifices herniaires sont libres.
sième secteur d’où une hypovolémie. Le contraste entre les signes fonctionnels alarmants et
les signes physiques pauvres doit faire évoquer le dia-
b – Sur l’état hémodynamique : gnostic de pancréatite aiguë, l’hospitalisation s’impose
Apparition d’un état de choc par une diminution des ré- pour démarrer la réanimation, dresser les éléments de
sistances périphériques, une dépression myocardique, surveillance et demander les examens complémentaires
joint à l’hypovolémie et à l’action des amines vaso-ac- à visée diagnostic et pronostic.
tives (Kinines, etc.).
B – LE DIAGNOSTIC DE PANCRÉATITE AIGUË :
c – Sur l’appareil respiratoire :
1/ARGUMENTS CLINIQUES :
L’épanchement pleural, les microatélectasies et sur-
• La douleur abdominale aiguë est le signe fonctionnel le
tout l’altération de la membrane alvéolo-capillaire par
plus important présent dans 100 % des cas. Le début de
l’élastase et les radicaux libres d’O2 vont être à l’origine
la douleur représente le début de l’histoire de la maladie.
d’un œdème lésionnel avec SDRA.
• Douleur à la palpation de l’angle costo-lombaire
d – Sur le rein : gauche : signe de MAYO ROBSON.
L’hypovolémie, l’état de choc et surtout le dépôt de phos- • Douleur à la palpation profonde de l’hypochondre
phatases dans les cellules tubulaires vont entraîner une gauche : singe de MALLET GUY.
nécrose tubulaire qui fait passer l’insuffisance rénale • Des manifestations cutanées sont citées classique-
fonctionnelle en insuffisance rénale organique. ment. Elles sont rares et elles seraient assez spéci-
fiques de la pancréatite aiguë = cyanose lilas du visage
5/LA TRANSLOCATION BACTÉRIENNE : et des extrémités, coloration bleuâtre périombilicale,
Va être à l’origine de l’infection de nécrose par des nécrose graisseuse sous-cutanée.
germes provenant du tube digestif : bacilles Gram (-).
2/ARGUMENTS BIOLOGIQUES :
• Hyperlipasémie plus spécifique : a une valeur diagnos-
VI/ÉTUDE CLINIQUE (OBJECTIF N° 5) : tique supérieure à celle de l’hyperamylasémie et de
l’isoamylase pancréatique. L’élévation de la lipasémie
Drame abdominal de DIEULAFOY observé dans 10 % des est plus prolongée que celle de l’amylasémie. Un taux
cas (Forme type de description). de 3 x la normale est considérée comme valeur seuil.
• Hyperglycémie supérieure à 1 g/l (en dehors de la no-
A– LE DIAGNOSTIC DE PANCRÉATITE AIGUË tion de diabète).
EST ÉVOQUÉ DEVANT : • Hypocalcémie (taux normal entre 2,25 et 2,75 mmol/l).
Un sujet adulte en pleine santé apparente qui, d’une fa- • Chaque examen biologique pris isolément n’est pas
çon brutale, présente : très spécifique, cependant l’association de ces quatre
signes a une grande valeur diagnostique.
1/SIGNES FONCTIONNELS : • La mesure du trypsinogène de type  2 sur bandelette
• Une douleur maximale en quelques heures souvent urinaire pourrait être proposée dans les services d’ur-
au décours d’un repas copieux et abondant. C’est une gence pour éliminer l’hypothèse d’une pancréatite ai-
douleur épigastrique, atroce, parfois syncopale. Cette guë, en raison de sa forte valeur prédictive négative
douleur est transfixiante irradiant vers l’angle costo- (VPN : 99 %).
vertébral gauche. Elle est résistante aux calmants. Elle • D’autres examens biologiques sont demandés pour
s’accompagne souvent d’angoisse et d’inhibition respi- apprécier les troubles hydro-électrolytiques, les fonc-
ratoire. tions rénales, hépatique et respiratoire : urée sanguine,
• Les nausées et vomissements constituent le 2e signe. hématocrite, numération formule sanguine, hémoglo-
Les vomissements sont alimentaires puis bilieux. binémie, transaminases, les lactico-deshydrogénases,
• L’arrêt des matières et des gaz est souvent partiel, mais ionogramme sanguin, les gaz du sang, taux de pro-
fréquent réalisant un iléus paralytique. thrombine.
• La dyspnée avec tachypnée est signalée une fois sur deux.
3/ARGUMENTS RADIOLOGIQUES :
2/SIGNES GÉNÉRAUX : a/Radiographie d’abdomen sans préparation de face
• L’aspect du malade frappe d’emblée par son agitation, debout (Rx ASP) :
son angoisse, avec parfois une confusion mentale. • Absence de pneumopéritoine
• La fièvre est fréquente autour de 38 °C. • Absence de niveau hydroaérique témoignant d’une oc-
• Un état de collapsus variable avec surtout une instabi- clusion intestinale aiguë franche.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 75


• L’iléus se traduit par un unique niveau hydroaérique C – PRONOSTIC (OBJECTIF N° 6) :
plus large que haut siégeant dans le quadrant supé- L’évaluation pronostique de la pancréatite aiguë se base
rieur gauche de l’abdomen réalisant l’aspect classique sur des éléments cliniques biologiques et morpholo-
de l’anse sentinelle. giques. RANSON a établi deux types d’évaluation  : le
• Rarement des calcifications se projetant sur l’aire vési- score bioclinique et la classification de l’extension lé-
culaire orientant vers une étiologie biliaire. sionnelle sur le scanner qui sont les plus utilisés.

b/Radiographie du thorax de face : 1/ÉVALUATION MONOFACTORIELLE :
Elle montre un épanchement pleural gauche dont la • Le taux de la CRP est corrélé à la gravité (> 150 mg/l à
ponction retire un liquide riche en amylases. Le cliché du la 48e heure)
thorax peut montrer aussi un aspect feuilleté des bases • Son augmentation au cours d’évolution doit faire re-
pulmonaires, des images d’atélectasie ou des opacités chercher une complication locale.
d’œdème pulmonaire.
2/SCORE BIOCLINIQUE DE RANSON :
4/ARGUMENTS MORPHOLOGIQUES : À l’admission (5 critères) :
a/échographie : - Âge supérieur à 55 ans.
Il s’agit d’un examen anodin, cependant il est peu sen- - Globules blancs supérieurs à 16 000 éléments/mm3.
sible en matière de pancréatite aiguë en raison de l’iléus - Glycémie supérieure à 11 mmol/l ou 2 g/l.
paralytique engendrant une distension gazeuse en avant - Lactico-deshydrogénase (L.D.H.) supérieure à 350 UI/l.
du pancréas. - Transaminases (A.S.A.T.) supérieures à 250 UI/l.
Lorsque l’échographie arrive à bien explorer le pancréas
(60  % des cas), elle montrera une glande pancréatique À la 48e heure (6 critères) :
augmentée de taille, ses contours sont flous, la nécrose - Chute de l’hématocrite de plus de 10 %
se traduit par un aspect hétérogène. Les collections li- - Augmentation de l’urée sanguine supérieure à
quidiennes péripancréatiques ou à distance se traduisent 1,8 mmol/l
par un aspect hypoéchogène. - Calcémie inférieure à 2 mmol/l
L’échographie recherche des microlithiases vésiculaires, - Pa 02 inférieure à 60 mm Hg
des signes de cholécystite associés et une dilatation des - Un déficit en base de plus de 4 mEq/l
voies biliaires. - Une séquestration liquidienne supérieure à 61/48H
b/Tomodensitométrie (Scanner) :
Le scanner constitue l’examen clé. Dans la pancréatite Ce score bioclinique varie de 0 à 11.
aiguë non compliquée, le volume glandulaire est modé- La pancréatite aiguë est qualifiée de sévère lorsqu’il
rément accru du fait de l’œdème qui entraîne en outre existe 3 critères ou plus. En effet, la mortalité augmente
une discrète diminution de densité. De plus, les contours en fonction du nombre de critères présents :
glandulaires peuvent apparaître irréguliers et estom- • 1 à 2 critères présents – mortalité : 1 %
pés. Les tissus graisseux péripancréatiques atteints par • 3 à 4 critères présents – mortalité : 16 %
le processus inflammatoire augmentent de densité. Les • 5 critères présents en plus –mortalité : 40 à 100 %
fascias péripancréatiques sont souvent épaissis. L’injec-
tion de produit de contraste permet d’apprécier le volume 3/SCORE RADIO TOMODENSITOMÉTRIQUE :
du parenchyme fonctionnel qui se rehausse normalement (figures 1-4)
après injection du produit de contraste contrairement aux • Grade A : Image pancréatique normale
zones nécrosées qui restent hypodenses. L’opacification • Grade B : Le pancréas est augmenté de taille
digestive différencie une anse digestive d’une coulée. • Grade C : En plus du grade B, on note la présence d’une
péripancréatite (nécrose péripancréatique).
c/IRM : • Grade D : Présence d’une coulée de nécrose
L’imagerie par résonance magnétique (T.R.M.) est supé- • Grade E : Présence de deux coulées de nécrose en plus.
rieure à la TDM dans l’analyse des signes morphologiques
pancréatiques et extrapancréatiques. La faible accessibi- Les grades A et B ont un bon pronostic.
lité des appareils et l’absence de standardisation des pro- Les grades D et E évoluent dans 88 % des cas vers l’ab-
tocoles limitent son usage dans les pancréatites aiguës. cédation (la surinfection).
La mortalité en cas de surinfection de la nécrose est au-
En résumé : tour de 43,5 %.
Toute douleur abdominale aiguë associée à une
hyperlipasémie > à 3 N dans les 48 premières
heures fait porter le diagnostic de pancréatite ai-
guë.
En cas de doute diagnostic, l’examen de référence
est la TDM. L’échographie aide au diagnostic, mais
reste d’interprétation difficile.
Devant ces signes cliniques, biologiques et tomo-
densitométriques, le diagnostic de pancréatite ai-
guë est retenu. Il faut évaluer la gravité.

76 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Stade B Stade C

Stade E

Stade D

Figures 1-4 : Clichés de TDM de stadification

4/INDEX DE SÉVÉRITÉ TOMODENSITOMÉTRIQUE Index de sévérité Morbidité % Mortalité %


DE BALTAZARD :
<3 8 3

Inflammation pancréatique et Péri- Nécrose 4–6 35 6


pancréatique pancréatique 7 - 10 92 17
Grade A Pas de nécrose
Pancréas normal (0 pt) D – ÉVOLUTION (OBJECTIF N° 7) :
(0 pt) L’évolution est imprévisible dans les formes nécroti-
co-hémorragiques, alors qu’elle est habituellement fa-
Grade B Nécrose < 30 % vorable dans les formes œdémateuses.
Élargissement focal ou diffus (2 pts)
du pancréas E – COMPLICATIONS :
(1 pt) 1 – CHOC :
Grade C Nécrose 30 – Le choc est secondaire à la plasmorragie (et parfois à
Pancréas hétérogène associé à une den- 50 % (4 pts) une spoliation sanguine associée). Il est parfois présent
sification de la graisse péripancréatique dès l’admission. Il témoigne de la sévérité de la pancréa-
(2 pts) tite aiguë.
Grade D Nécrose > 50 %
1 coulée péripancréatique unique (6 pts) 2 – INSUFFISANCE RÉNALE :
(3 pts) Elle se traduit par une oligoanurie. Elle est au départ
fonctionnelle et risque de devenir organique.
Grade E
deux coulées ou plus ou présence de 3– COMPLICATIONS RESPIRATOIRES :
bulles de gaz au sein d’une coulée • Épanchement pleural gauche. Il peut devenir bilatéral
(4 pts) et abondant.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 77


• Syndrome de détresse respiratoire aiguë. Ce syndrome b/Sténose du colon :
survient dans les formes sévères 10 à 20 % des patients. La coulée de nécrose dans le mésocôlon transverse peut
Il est dû à l’altération de la membrane alvéolo-capillaire aller engainer le côlon transverse entraînant une sté-
entraînant aussi un œdème lésionnel pulmonaire. nose.
Cliniquement, on note une insuffisance ventilatoire aiguë
obligeant le recours à l’intubation du malade et à la ven-
tilation assistée. VII/FORME CLINIQUE (OBJECTIF N° 5) :
4– COMPLICATIONS INFECTIEUSES : A. FORME SELON LA GRAVITÉ :
La surinfection peut survenir à n’importe quel moment 1/PANCRÉATITE AIGUË BÉNIGNE SANS NÉCROSE :
de l’évolution. • Pas de défaillance viscérale.
À partir de la 3e semaine d’évolution, la surinfection de • Le scanner ne montre pas de nécrose pancréatique.
la nécrose réalise un véritable phlegmon pancréatique. • Évolution favorable.
Au-delà de la 5e semaine, la surinfection devient locali-
sée réalisant un abcès pancréatique ou péripancréatique 2/PANCRÉATITE AIGUË SÉVÈRE :
bien circonscrit. Elle est caractérisée par une défaillance viscérale et/ou
Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments : une complication locale telle qu’un abcès, l’infection de
• Apparition d’un syndrome septicémique avec dé- nécrose ou un faux kyste du pancréas et par conséquent
faillance viscérale. une morbidité et une mortalité non nulles.
• Les signes locaux deviennent plus nets.
• Les hémocultures sont positives. B. FORMES SYMPTOMATIQUES :
• Le scanner peut montrer l’image de bulle d’air spéci- • Forme atténuée ou latente  : le diagnostic est fait au
fique de l’infection de la nécrose, cependant ce singe stade de complication. Elle se voit dans environ 30  %
est peu sensible (inconstant). (Figure5) des cas.
Devant ces arguments, la pratique d’une ponction de la • Forme suraiguë : véritable toxémie pancréatique, forme
nécrose sous scanner s’impose amenant la preuve bac- grave avec défaillance viscérale.
tériologique. • Forme pseudo-occlusive : le tableau clinique est celui
Une fois le diagnostic de surinfection de la nécrose re- d’une occlusion intestinale aiguë avec arrêt des ma-
tenu, le drainage du pus s’impose. Le pronostic de cette tières et des gaz et vomissements. La radiographie
complication est grave (43, 5 % de mortalité). montre des niveaux hydroaériques, et c’est la laparoto-
mie qui redresse le diagnostic.
• Forme pseudo-péritonéale : dans ce cas, le tableau cli-
nique est celui d’une péritonite aiguë généralisée avec
à l’examen, une défense abdominale voire une contrac-
ture. En absence du scanner, la laparotomie redresse
le diagnostic.

C. FORMES ASSOCIÉES À UNE URGENCE


BILIAIRE :
Forme nécessitant un traitement chirurgical ou endos-
copique urgent :
• Cholécystite aiguë associée nécessitant une chirurgie
en urgence.
• Angiocholite aiguë nécessitant une chirurgie urgente ou
Figure 5 : TDM montrant une surinfection d’une coulée un traitement endoscopique, CPRE avec sphinctéroto-
de nécrose : bulles d’air mie endoscopique avec ou sans drainage naso-biliaire.

5 – PERFORATIONS ET FISTULES DIGESTIVES (COLON,


ESTOMAC, GRÊLE). VIII/DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :

6 – ANOMALIES DU SYSTÈME DE LA COAGULATION : Le diagnostic différentiel se pose avant l’arrivée du ré-
À l’origine de thromboses et d’hémorragies (hémorragie sultat du scanner.
intrapéritonéale, hémorragie digestive). Les affections qui peuvent se discuter sont :

7 – COMPLICATIONS TARDIVES : 1/AFFECTIONS MÉDICALES :


a/Pseudokyste : • Crise hyperalgique d’ulcère.
Il constitue une évolution assez favorable de la pancréa- • Pneumopathies des bases pulmonaires.
tite aiguë. L’échographie permet de faire le diagnostic en • Infarctus du myocarde (intérêt de la pratique d’un élec-
montrant une structure ronde liquidienne. trocardiogramme).
L’évolution est imprévisible.
Le pseudokyste peut régresser ou augmenter de taille et 2/AFFECTIONS CHIRURGICALES :
se rompre dans le péritoine, dans le tractus digestif ou • Ulcère perforé
encore devenir hémorragique ou s’infecter. • Cholécystite aiguë

78 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


• Rupture ou fissuration d’un anévrisme de l’aorte 4/CHIRURGIE :
• Surtout l’infarctus mésentérique. Actuellement, la chirurgie est indiquée pour assurer le
Le scanner, fait en urgence, permet habituellement de drainage d’une nécrose infectée (par voie trans ou ré-
trancher. Ailleurs, c’est la laparotomie exploratrice qui tro péritonéale) en cas d’échec du drainage percutané et
permettra de redresser le diagnostic. pour faire la cure de la lithiase biliaire.

C. INDICATIONS :
IX/TRAITEMENT (OBJECTIF N° 8) : 1/FORMES NON COMPLIQUÉES :
• Apports hydroélectrolytiques
A. BUT : • Diète absolue : la mise au repas du tube digestif ne doit
La pathogénie étant inconnue, il n’existe pas de traite- pas être très prolongée, la réalimentation après 48 H.
ment spécifique. • Analgésiques : des salicylés > morphiniques.
Ainsi, le but du traitement consiste à :
• Mettre au repos la glande pancréatique 2/FORMES COMPLIQUÉES :
• Traitement symptomatique des complications géné- • Défaillances viscérales
rales - Réanimation en unité de soins intensifs
• Drainage de la nécrose surinfectée à temps. - Surveillance par monitorage électronique
- Correction des défaillances circulatoires, respiratoires,
B. MÉTHODES : rénales…
1/MÉDICALES :
• Réanimation : • Infection de nécrose
- Correction d’un état de choc hypovolémique par rem- - Réanimation en unité de soins intensifs Antibiothérapie
plissage vasculaire. adaptée au germe isolé par ponction
- Assistance ventilatoire en cas d’insuffisance respira- - Chirurgie par voie transpéritonéale ou élective
toire.
- Correction d’une insuffisance rénale. • Abcès pancréatique
- Antibiothérapie + drainage percutané si échec chirurgie
• Moyens à visée étio-pathogénique :
- Mettre au repos le tube digestif : DIÈTE ABSOLUE. La • Faux kyste du pancréas
mise en place d’une sonde naso-gastrique ne s’impose Abstention si < 5 cm asymptomatique, mais si sympto-
qu’en cas de vomissements. matique : anastomose kysto-gastrique ou kysto-jéjunale.
- La prescription systématique d’antienzymes, d’antisé-
crétoires H2 et d’antibiotique s’est avérée inutile. • Urgence biliaire associée :
- Traitement chirurgical et/ou endoscopique
• Dialyse péritonéale  : son but consiste à éliminer les
enzymes libérés par le pancréas. En fait, la dialyse pé- • P.A. biliaire:
ritonéale s’est avérée inefficace. Elle n’arrive pas à faire - Cholécystectomie + CPO à distance de l’épisode aigu
baisser le taux de mortalité. sauf complication imposant la laparotomie, cure de la
lithiase biliaire dans le même temps.
• Traitement antalgique

• Traitement des troubles de l’hémostase IX/CONCLUSION :


• Apport énergétique par voie parentérale. • La gravité est proportionnelle à l’étendue de la nécrose.
• La TDM est indispensable pour la prise en charge d’une
2/SPHINCTÉROTOMIE ENDOSCOPIQUE : P.A.
La sphinctérotomie endoscopique est indiquée en cas de • Le traitement médical reste symptomatique
lithiase biliaire ou en cas de pancréas divisum. • Les complications infectieuses sont caractérisées par
une lourde mortalité.
3/DRAINAGE PERCUTANÉ :
Un drainage percutané sous scanner en cas d’abcès
pancréatique.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 79


ANATOMIE PATHOLOGIQUE
LA PATHOLOGIE TUMORALE ET AIGUË DU PANCREAS

LA PANCREATITE AIGUE

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1) Citer les deux formes cliniques de la pancréatite aiguë (PA).
2) Expliquer les différents mécanismes physiopathologiques de la PA.
3) Décrire les aspects macroscopiques de la PA œdémateuse et de la PA nécrotico-hémor-
ragique.
4) Définir et citer les trois lésions microscopiques de base observées dans la PA.
5) Connaître les modalités évolutives des 2 formes de la PA.

Le terme « pancréatite » désigne un état inflammatoire tionnelle ou l’éthylisme, avec activation intracellulaire
du pancréas qui peut être aigu ou chronique et qui réa- des proenzymes par les enzymes des lysosomes.
lise un spectre lésionnel dépendant de sa durée d’évolu- Les enzymes, kinines et cytokines libérées vont agir à la
tion et de sa sévérité. fois localement et de façon systémique.
La distinction entre pancréatite aiguë (PA) et pancréatite
chronique (PC) est essentielle en raison de la possibilité
de survenue de complications graves au cours de la PA,
nécessitant une prise en charge urgente, différente de
celle de la PC.
Cette distinction n’est cependant pas si tranchée sur le
plan physiopathologique puisque certaines PC peuvent
se compliquer de PA et à l’inverse, il semble que cer-
taines PA (notamment alcooliques) peuvent évoluer vers
une PC.
On distingue deux formes de pancréatite aiguë qui se
différencient par le type de lésions observées et par
leur gravité : la forme œdémateuse intrapancréatique, 2. ÉTUDE ANATOMOPATHOLOGIQUE
d’évolution bénigne et la forme nécrotico-hémorragique,
avec une nécrose extensive intra et extrapancréatique, MACROSCOPIE:
source de complications locales et systémiques. PA ŒDÉMATEUSE : la glande est tuméfiée, pâle et œdé-
mateuse ou congestive.

1. LA PHYSIOPATHOLOGIE PA NÉCROTICO-HÉMORRAGIQUE : le pancréas présente


un aspect très bigarré où alternent des zones de cou-
Les proenzymes pancréatiques synthétisées sont nor- leurs différentes.
malement inactives au niveau de la glande. Elles s’ac- • Des zones de nécrose protéolytique, molles, de cou-
tivent dans le duodénum, au contact de la bile et du suc leur grisâtre
duodénal. • Des zones hémorragiques de couleur rouge ou noi-
La PA est due à l’autodestruction de la glande par les râtre
enzymes pancréatiques dont l’activité se déclenche pré- • Des zones de nécrose adipeuse (cytostéatonécrose),
maturément. Cette activation prématurée relève des fac- crayeuse ou jaunâtre.
teurs étiologiques cités ci-dessus, via différents méca- La nécrose adipeuse s’étend à la cavité abdominale (épi-
nismes : ploon, mésentère, espaces rétropéritonéaux…), réalisant
• Des lésions des canaux pancréatiques  : suite à une des coulées ou un aspect en « tâche de bougie ».
occlusion par la lithiase biliaire, une papillite sténo- Dans la cavité abdominale, il existe un épanchement pé-
sante ou des bouchons protéiques. ritonéal brunâtre, en « bouillon de poulet ».
• Atteinte directe de la membrane cellulaire : par l’al-
cool, les virus, les médicaments, l’ischémie ou un trau- MICROSCOPIE :
matisme. Trois lésions élémentaires sont présentes :
• Atteinte directe intracellulaire : par déficience nutri- – Cytostéatonécrose +++ : vestiges de cellules adipeuses

80 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


associés à des macrophages (histiocytes et cellules 3. ÉVOLUTION
géantes de Touton), des dépôts calciques et d’acide
gras • PA œdémateuse : évolue dans 95 % des cas vers la ré-
– Nécrose de liquéfaction du parenchyme pancréatique : solution spontanée et la restitution ad integrum.
c’est une autolyse par digestion protéolytique des cel- • PA nécrotico-hémorragique  : qui évolue variablement
lules. Le tissu n’est plus reconnaissable. vers :
– Hémorragies interstitielles - Cicatrisation  : la nécrose est remplacée par une
fibrose parenchymateuse
PA œdémateuse  : œdème interstitiel avec parfois des - Complications locales :
foyers de nécrose intrapancréatique. • Suppuration de la nécrose (phlegmon)
PA nécrotico-hémorragique  : association des trois lé- • Formation de pseudokystes
sions élémentaires et extension de la cytostéatonécrose Les pseudokystes correspondent à une organisation fi-
dans les territoires extrapancréatiques (graisse péri- breuse autour de coulées de nécrose. Ils peuvent régres-
pancréatique et cavité abdominale) ser, persister ou se compliquer et former des abcès.
• Ictère obstructif
• Fistule pancréatico-cutanée
- Complications systémiques  : choc hypovolémique,
insuffisance rénale, insuffisance respiratoire…
- Mortalité : 30 % des PA nécrotico-hémorragiques

LES TUMEURS PANCRÉATIQUES

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1) Citer les principales tumeurs « exocrines » bénignes, prémalignes et malignes du pancréas.
2) Décrire l’aspect macroscopique et microscopique de l’adénocarcinome (ADK) canalaire.
3) Reconnaître les variantes morphologiques de l’ADK canalaire.
4) Connaître le profil évolutif et pronostique de l’ADK canalaire.
5) Connaître l’aspect microscopique, immunohistochimique et pronostique des tumeurs
neuroendocrines du pancréas.

I. INTRODUCTION B/LES LÉSIONS BORDERLINE/PREMALIGNES


Elles représentent 10  % environ des tumeurs pancréa-
Les tumeurs primitives du pancréas sont complexes, tiques. Elles incluent essentiellement :
classiquement classées en tumeurs «  exocrines  » (tu- - le cystadénome mucineux (5  %), caractérisé par une
meurs bénignes, lésions borderlines/prémalignes et nette prédominance féminine. C’est une tumeur kys-
tumeurs malignes), en tumeurs neuroendocrines et tu- tique uni- ou multi-loculaire, de localisation corpo-
meurs mésenchymateuses (exceptionnelles). Elles sont réo-caudale, à contenu mucoïde, sans communication
largement dominées par l’adénocarcinome canalaire avec le système canalaire. Histologiquement, il est
(85 % de l’ensemble des tumeurs et 95 % des tumeurs caractérisé par un stroma de type ovarien et par un
malignes) qui est de pronostic fâcheux du fait d’une dé- revêtement cylindrique mucosécrétant dysplasique.
couverte souvent tardive, à un stade de non-resécabilité. Selon le degré des atypies, la dysplasie est gradée en
légère, modérée ou sévère.
- les tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses
II. LES TUMEURS « EXOCRINES » (TIPMP) : ce sont des tumeurs intracanalaires qui for-
ment des projections papillaires, produisent du mucus
À/. LES TUMEURS BÉNIGNES : et dilatent les canaux. Elles sont diffuses, localisées ou
Elles sont rares, dominées par le cystadénome séreux : multifocales. Elles peuvent intéresser le canal principal
tumeur habituellement microkystique, de localisation et/ou les canaux secondaires. Le revêtement est égale-
corporéo-caudale. Les structures kystiques sont bor- ment cylindrique mucosécrétant dysplasique (dyspla-
dées par des cellules claires, cuboaplaties et régu- sie légère, modérée ou sévère).
lières. N. B. Toutes ces lésions peuvent dégénérer et devenir
Le cystadénome acineux est très rare. infiltrantes.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 81


C/LES TUMEURS ÉPITHÉLIALES MALIGNES TUMEUR SOLIDE ET PSEUDO-PAPILLAIRE
- Tumeur rare, <1 % des tumeurs pancréatiques, de bas
ADENOCARCINOME CANALAIRE : grade de malignité
C’est la tumeur la plus fréquente. Elle prédomine chez - Femmes > 90 % ; âge : 20-30 ans
l’homme entre 60 et 80 ans. La symptomatologie est très - Tumeur souvent volumineuse (1-30 cm).
discrète et le diagnostic souvent tardif.
MACROSCOPIE:
MACROSCOPIE - localisation plus fréquente dans la queue du pancréas
- localisation céphalique prédominante (2/3 des cas) - tumeur solide et kystique avec des remaniements né-
- se présente comme une masse blanchâtre, de consis- crotiques et hémorragiques, bien limitée, souvent en-
tance ferme à dure (squirrheuse), mal limitée. capsulée.
- des remaniements kystiques, nécrotiques et hémorra-
giques sont possibles. HISTOLOGIE :
- architecture massive avec des secteurs pseudo-papil-
MICROSCOPIE laires (dus à la perte de la cohésion cellulaire) ;
- C’est une prolifération glandulaire maligne, le plus - réseau capillaire d’aspect endocrinoïde ;
souvent bien à moyennement différenciée. - cellules tumorales monomorphes, de taille moyenne,
- Le stroma tumoral est de type desmoplasique. noyau parfois clivé, globules hyalins intracytoplasmiques.
- Les engainements périnerveux et les emboles vascu-
laires sont très fréquents. PANCREATOBLASTOME : tumeur rare de l’enfant

VARIANTES MORPHOLOGIQUES II.2. LES TUMEURS NEUROENDOCRINES


- adénocarcinome colloïde muqueux ou mucineux - Rares : 1 à 2 %
- adénocarcinome à cellules indépendantes - Se caractérisent par une grande diversité fonctionnelle
- Carcinome adénosquameux et évolutive
- Carcinome indifférencié (anaplasique) - Elles sont souvent fonctionnelles
- Autres : carcinome médullaire, à cellules claires, à cel- - 15 à 20 % des cas sont associés à un syndrome de pré-
lules ciliées… disposition génétique aux tumeurs (VHL ou NEM1) ;
elles sont alors multiples, de prise en charge complexe.
FORME ANATOMIQUE PARTICULIÈRE :
l’adénocarcinome ampullaire ou ampullome Vatérien MACROSCOPIE : la tumeur est
- Ferme, blanchâtre, homogène
ÉVOLUTION  : l’évolution se fait vers l’extension locoré- - À limites nettes, sans capsule
gionale et la dissémination métastatique lymphatique et - Parfois multiple
hématogène. - De localisation corporéale et caudale plus fréquente

PRONOSTIC : très sombre. Il dépend essentiellement du HISTOLOGIE


stade pTNM. - Prolifération de cellules monomorphes
- D’architecture cordonale, trabéculaire ou massive
CARCINOME A CELLULES ACINEUSES : - À stroma endocrinoïde (richement vascularisé)
Rare (1 à 2 % des tumeurs exocrines). Il peut s’accompa-
gner d’un syndrome d’hypersécrétion de lipase (arthral- IMMUNOHISTOCHIMIE : expression des marqueurs neu-
gies, nécrose adipeuse s/cutanée) roendocrines : chromogranine A, synaptophysine, CD56.

MACROSCOPIE  : tumeur molle, couleur jaunâtre ou GRADE : selon l’index mitotique et l’index de prolifération
brunâtre cellulaire (Mib1), on distingue :
- des tumeurs de « bon » pronostic : G1 et G2
HISTOLOGIE  : stroma peu abondant, architecture aci- - des carcinomes neuroendocrines (à petites cellules ou
neuse ou solide, cellules à cytoplasme éosinophile PAS+/ à grandes cellules) : G3
diastase+, noyau nucléolé.
II.3. AUTRES TUMEURS PRIMITIVES RARES
IMMUNOHISTOCHIMIE  : lipase+, trypsine+, antichémo- Tumeurs mésenchymateuses, lymphomes
trypsine +
II.4. TUMEURS SECONDAIRES
AUTRES CARCINOMES : - Elles représentent 3 à 16 % des tumeurs malignes du
Cystadénocarcinome mucineux, cystadénocarcinome pancréas.
séreux… - L’atteinte peut être solitaire, multiple ou diffuse.
- L’atteinte se fait par contiguïté (estomac, foie, surré-
nale…) ou par voie lymphatique ou hématogène (car-
cinome à cellules rénales +++).

82 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LES APPENDICITES AIGUES

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir une appendicite aiguë.
2. Décrire les mécanismes étiopathogéniques des appendicites aiguës et de leurs compli-
cations.
3. Décrire les formes anatomopathologiques des appendicites aiguës.
4. Réunir les éléments cliniques et paracliniques permettant de poser le diagnostic d’ap-
pendicite aiguë dans ses diverses formes.
5. Éliminer, sur des éléments cliniques et paracliniques les principaux diagnostics diffé-
rentiels des appendicites aiguës dans leurs diverses formes.
6. Décrire les principes de traitement de l’appendicite aiguë.

INTÉRÊT DU SUJET : III. BACTÉRIOLOGIE (OBJECTIF N° 2) :

L’infection appendiculaire est très fréquente. Elle peut Les germes en cause sont nombreux. Il y a souvent un
se voir à tout âge. Ses tableaux cliniques sont variés polymorphisme microbien.
et parfois déroutants. Le médecin généraliste est très Les germes le plus souvent en cause sont : l’Escherishia
souvent appelé en premier pour l’examen du malade. Coli, le Protéus, le Staphylocoque, le Clostridium (anaé-
À la moindre suspicion, il faut adresser le malade au robie).
chirurgien, car l’intervention chirurgicale est urgente
et souvent simple. Il n’y a pas de causes déclenchantes
précises, donc pas de prévention possible. IV. ANATOMOPATHOLOGIE
(OBJECTIF N° 3) :

I. INTRODUCTION (OBJECTIF N° 1) : Plusieurs formes anatomopathologiques peuvent se


succéder ou apparaître d’emblée.
C’est l’inflammation appendiculaire. C’est une affection
très fréquente. Elle se voit à tous les âges. Les tableaux 1/FORME CATARRHALE :
cliniques sont très variés et il n’y a pas toujours de pa- L’appendice est hyper émié, rouge, congestif. La séreuse
rallélisme anatomoclique. Le traitement est strictement est parcourue de vaisseaux turgescents.
chirurgical. Le retard dans le traitement peut conduire à
des complications redoutables. 2/FORME ULCÉREUSE :
À la forme précédente s’ajoute un œdème, des fausses
membranes entourent l’appendice dont le contenu est
II. PATHOGÉNIE DE L’INFECTION louche. La muqueuse est ulcérée, décollée. Il existe une
APPENDICULAIRE (OBJECTIF N° 2) : sérosité périappendiculaire témoignant de la réaction
péritonéale à l’infection appendiculaire.
Dans la majorité des cas, il s’agit d’une obstruction de la
lumière appendiculaire, la pullulation bactérienne se dé- 3/FORME ABCÉDÉE OU PHLEGMON
veloppant ainsi en vase clos. L’agent obstructif peut être APPENDICULAIRE :
un bouchon muqueux, des corps étrangers (pépins de L’appendice est globuleux, plein de pus, des fausses
fruits), des stércolites, un parasite ou une hypertrophie membranes l’entourent. La paroi appendiculaire est
lymphoïde dans la paroi appendiculaire. entourée d’une réaction péritonéale séropurulente évi-
La porte d’entrée des germes se fait dans la majorité dente.
des cas par voie endogène, endoluminale à partir des L’appendice peut être perforé donnant une péritonite,
germes coliques. soit localisée autour de l’appendice (abcès appendicu-
La voie hématogène est rare. L’infection par contiguïté laire ou péritonite localisée), soit généralisée (péritonite
à partir d’un foyer infectieux de voisinage est aussi rare généralisée).
(infection gynécologique…). La perforation appendiculaire peut ne pas être évidente
Une obstruction vasculaire peut s’y associer, ce qui se- malgré la présence de pus autour de l’appendice (l’infec-
rait à l’origine de la nécrose et la gangrène rencontrée tion rendant sa paroi poreuse, transsudant le pus.
dans certaines formes d’appendicite.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 83


4/FORME GANGRENEUSE : La douleur est plus nette quand on palpe la fosse
Une obstruction vasculaire peut s’y associer donnant un iliaque droite, malade couché sur le côté gauche. Cette
appendice parsemé de taches verdâtres de nécrose et manœuvre amène l’appendice contre la paroi antérieure ;
sphacèle. Il existe autour de l’appendice un transsudat il existe très souvent une défense au niveau de la FID
louche, mal adorant (très fétide) typique des infections (autre signe majeur).
à germes anaérobies. La péritonite généralisée est très Le toucher rectal (TR) et vaginal montrent souvent une
grave dans ce cas. douleur du cul-de-sac de Douglas à droite.
Devant un tel tableau, le diagnostic est évident l’interven-
5/LE PLASTRON APPENDICULAIRE : tion chirurgicale s’impose d’urgence ;
Il s’agit de l’évolution de l’appendicite aiguë vers une ré- Les examens complémentaires ne sont nécessaires que
trocession originaire. Il se crée un agglomérat d’anses devant des formes cliniques qui posent des problèmes
intestinales autour de l’appendice constituant ainsi un de diagnostic différentiel.
magma auquel participent le grand épiploon et les parois
abdominales, en particulier antérieures donnant l’aspect 4/EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :
de blindage pariétal, comme si l’organisme voulait cir- a/Biologie (NFS)
conscrire l’infection appendiculaire. Il s’agit d’une tu- Souvent, la numération formule sanguine retrouve une
méfaction ovalaire, siégeant dans la fosse iliaque droite hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile. La CRP
(FID), faisant corps avec l’os iliaque et donnant un blin- peut être augmentée, mais la biologie peut être normale.
dage pariétal. Demander systématiquement un groupe sanguin, une
Son évolution peut se faire vers l’abcédation et la péri- urée sanguine et une glycémie.
tonite généralisée. Mais il peut disparaître petit à petit,
spontanément ou sous traitement médical laissant un b/Imagerie :
appendice fibreux. La radiographie de l’abdomen sans préparation : montre
La dissection appendiculaire au stade de plastron est très souvent quelques niveaux hydroaériques au niveau de la
difficile, les adhérences digestives intenses la rendent FID, témoin d’un iléus inflammatoire.
dangereuse pouvant provoquer des plaies digestives. L’échographie abdominale : peut avoir de l’intérêt quand
elle est disponible et en cas de doute diagnostic. Elle
peut montrer l’appendice à paroi épaissie, ce qui pour-
V. ÉTUDE CLINIQUE (OBJECTIF N° 4) : rait être un signe d’appendicite. La non-visualisation de
l’appendice n’élimine pas le diagnostic.
A. TYPE DE DESCRIPTION : L’échographie peut montrer des signes indirects ou si-
La crise d’appendicite aiguë de l’adolescent et l’adulte gnant une appendicite compliquée  : épanchement ou
jeune. collection hypo échogène péri appendiculaire, au contact
Le tableau clinique est habituellement fait d’un syndrome du cæcum ou de la FID.
douloureux et fébrile de la fosse iliaque droite (FID). L’échographie peut montrer ou éliminer une autre pa-
thologie (hépatique, vésiculaire, rénale ou annexielle).
1/SIGNES FONCTIONNELS : L’examen tomodensitométrique de l’abdomen, d’indica-
L’appendicite constitue habituellement un syndrome tion rare pour diagnostiquer une appendicite aiguë ; peut
douloureux et fébrile de la FID. visualiser l’appendice malade ou montrer une collection
La douleur est à début brutal, constante, elle est asso- hypo ou hétérodense péri appendiculaire, au contact du
ciée à des vomissements ou des nausées et parfois à un coecum ou de la FID.
arrêt des matières et des gaz.
B. ÉVOLUTION :
2/SIGNES GÉNÉRAUX : L’évolution se fait habituellement vers l’aggravation. L’al-
Température = 37° 8 - 38° 5 C, parfois plus discrète. Une tération de l’état général est nette, la douleur se géné-
température plus élevée fait craindre soit un faux dia- ralise, les vomissements sont fréquents et abondants. Il
gnostic, soit une forme compliquée. existe un arrêt net du transit, parfois remplacé par des
Le pouls est rapide. Les traits sont tirés. La langue est diarrhées. Les urines deviennent rares. L’examen phy-
saburrale. sique va montrer une défense abdominale, voire une
contracture abdominale signant la péritonite.
3/SIGNES PHYSIQUES :
L’examen de l’abdomen doit être méthodique  : il faut C. FORMES CLINIQUES (OBJECTIFS N° 4 ET 5) :
regarder l’abdomen respirer. Le palper doit être doux, 1/FORMES FRUSTRES :
mains réchauffées, bien à plat. Il faut commencer à dis- Les signes cliniques sont peu marqués, trompeurs. La
tance de la FID et suivre le cadre colique. douleur au début est vague ; souvent simple endoloris-
L’abdomen respire dans son ensemble, mais à la palpation sement de la FID. Le siège est parfois aberrant, souvent
l’hyperesthésie cutanée est nette. Les réflexes cutanés épigastrique ; elle peut être difficile à retrouver d’un exa-
abdominaux sont abolis. La douleur est maximale parfois men à l’autre. Les nausées et les vomissements peuvent
localisée au point de Mac Burney, elle peut être étendue manquer, ainsi que la défense.
à la FID. Elle est nette, parfois très vive, exacerbée par la Ceci pose le diagnostic différentiel avec une série d’af-
toux et la décompression brutale de la paroi abdominale. fections médicales telle qu’une intoxication alimentaire,
La manœuvre de Rovsing (décompression brusque de la une entérocolite, une colique hépatique, une colique
FIG) réveille une douleur exquise au niveau de la FID. néphrétique ou une affection gynécologique.

84 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Quand le diagnostic est hésitant, l’abstention opératoire • Une diminution des douleurs
n’est permise qu’en surveillant strictement le malade : re- • L’émission de quelques gaz.
pos au lit sans aucun calmant ou antibiotique et le revoir • L’examen de l’abdomen montre une masse oblongue
au bout de quelques heures. Ces dans formes cliniques de la FID mal limitée, douloureuse à la palpation, mate
que le recours à l’imagerie peut être utile. S’il persiste le à la percussion, fixe par rapport aux plans profonds et
moindre doute, il faut opérer au mieux par voie cœlios- faisant corps avec la paroi antérieure créant une sorte
copique, ce qui permettra d’explorer la cavité péritonéale. de blindage pariétal, déterminant souvent une légère
L’intervention va retrouver en règle une appendicite ai- voussure avec empâtement de la paroi abdominale.
guë catarrhale, parfois même plus évoluée, rarement Un tel plastron est une contre-indication à l’intervention.
une lésion imprévisible telle une iléite terminale (mala- Son évolution est variable.
die de Crohn). Parfois, on a la surprise de découvrir une • Elle peut se faire vers la rétrocession  : les douleurs
péritonite appendiculaire ayant évolué à bas bruit. s’estompent, la température et le pouls se norma-
lisent, le transit se rétablit et la NFS tend vers des va-
2/FORMES GRAVES D’EMBLÉE : leurs normales. Le plastron disparaît de la périphérie
À côté des formes bénignes ou à symptomatologie peu vers le centre en 15 à 21 jours. On ne fera l’appendicec-
parlante, l’appendice peut apparaître d’emblée sous une tomie que 2 à 3 mois plus tard. Elle sera difficile sur cet
forme grave, soudaine nécessitant un traitement urgent appendice fibreux entouré d’adhérences intestinales.
et dont le pronostic peut être très sombre. • Elle peut se faire par contre vers l’abcès appendicu-
laire (péritonite localisée)  : les douleurs deviennent
a/La péritonite purulente généralisée d’emblée :
pulsatiles, la fièvre remonte et oscille, le faciès de-
C’est une péritonite par perforation appendiculaire. Son
vient terreux. Le malade présente des sueurs profuses.
allure est primitive, car elle a très peu de prodromes. Elle
La constipation s’accentue et une véritable occlusion
débute par une douleur très violente à la FID qui diffuse
peut s’installer. L’hyperleucocytose est nette. La radio
rapidement à tout l’abdomen, des vomissements abon-
d’abdomen debout montre des niveaux hydroaériques
dants et une contracture abdominale.
nets au niveau de la FID. La palpation montre une aug-
Les signes généraux sont importants  : la température
mentation du volume du plastron et réveille une dou-
est élevée 39° - 40 °C environ, le pouls est rapide, le fa-
leur exquise en son centre. Le diagnostic est évident.
ciès est anxieux, la respiration est accélérée.
Il peut être confirmé par une échographie montrant
Le diagnostic est en général évident.
parfois une collection. Il ne faut pas attendre les signes
La discussion va se faire avec les perforations d’organes
classiques, mais tardifs qui sont l’œdème pariétal et
creux telle qu’une perforation vésiculaire, mais surtout
le ramollissement au centre du plastron et qui traduit
avec la perforation d’un ulcère gastro-duodénal rare-
l’évolution de l’abcès vers la paroi avec risque de fistu-
ment il s’agit de la perforation d’un diverticule et excep-
lisation cutanée.
tionnellement d’une tumeur digestive compliquée.
• L’abcès diagnostiqué, il faut immédiatement l’évacuer.
L’erreur est souvent commise, mais l’intervention d’ur-
Dans ce magma adhérentiel, si l’appendicectomie se
gence s’impose dans les 2 cas par la même voie d’abord.
révèle difficile, il faut se contenter de drainer l’abcès
b/La péritonite diffuse gangreneuse ou péritonite (risque de plaie et fistule digestive). L’appendicectomie
putride : se fera 2 à 3 mois plus tard.
C’est une péritonite à germes anaérobies secondaire à • En l’absence d’intervention, l’abcès va se rompre :
une perforation d’un appendice gangrené, d’évolution • Dans le péritoine libre avec péritonite en 3 temps.
très grave. • À la peau, dans le cæcum, le grêle ou dans un organe
Les signes généraux sont très importants  : un faciès pelvien.
plombé, un pouls très rapide, une tension artérielle sou-
vent basse, des diarrhées parfois cholériformes et des c/Les péritonites secondairement généralisées :
urines rares. Il s’agit d’un véritable choc toxi-infectieux, Elles ont toutes en commun le retard à l’intervention de-
contrastant avec une température peu élevée et des vant une appendicite aiguë.
signes physiques très discrets ou disparaissant rapide- • La péritonite progressive par diffusion : au 4e - 5e jour
ment. de l’évolution d’une crise d’appendicite aiguë non opé-
rée : vomissements, douleurs, élévation de la tempéra-
3/FORMES DE L’APPENDICITE VUE TARDIVEMENT OU ture, accélération du pouls.
NÉGLIGÉE : L’examen montre une douleur et une défense nette
Ce sont les formes évolutives : de la FID avec tendance à la diffusion vers le reste de
l’abdomen et parfois contracture abdominale. Le TR
a/La rétrocession :
retrouve une douleur nette au niveau du cul-de-sac de
C’est une amélioration spontanée, éventualité exception-
Douglas ; l’intervention est urgente.
nelle sur laquelle il ne faut pas compter pour temporiser,
• La péritonite en deux temps : après une crise d’appen-
car il y a risque de complications graves.
dicite aiguë, sédation nette des signes durant 1 à 4 jours
b/Le plastron appendiculaire : puis éclate brusquement une péritonite généralisée.
C’est une éventualité rare, mais non exceptionnelle. Il • La péritonite en trois temps : elle est due à la rupture
s’agit d’un malade ne voulant pas se faire opérer ou vu en péritoine libre d’un abcès appendiculaire non traité.
au 3e - 4e jour d’un syndrome appendiculaire typique, on Elle est très rare parce qu’elle nécessite l’accumulation
assiste à : de plusieurs erreurs :
• Une baisse de la température. −Crise
− d’appendicite aiguë négligée,

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 85


−Mauvaise
− surveillance d’un plastron, VI. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 6) :
−Abcès
− appendiculaire non évacué d’urgence.
Elle est très grave et souvent mortelle. Le diagnostic d’appendicite fait, il faut opérer sans tarder :
• Péritonite masquée par les antibiotiques  : erreur de
diagnostic d’une appendicite aiguë. Traitement anti- PAR VOIE CLASSIQUE  : les voies d’abord sont va-
biotique. Vers le 8e jour éclate une péritonite occlusive riables selon l’évolution de l’appendicite :
progressive de pronostic très grave. • Mac Burney : incision élective de la FID à l’union 1/3ex-
terne, 2/3internes de la ligne épine iliaque antéro supé-
4/FORMES SELON SIÈGE : rieure - ombilic qui se prête pour les appendicites non
a/Appendicite rétro cæcale : compliquées.
Mêmes signes fonctionnels et généraux. Les signes phy- • Jalaguier : incision para rectale externe utile chez les
siques siègent souvent plus haut et en arrière, au-des- obèses ou pour traiter un abcès appendiculaire si l’on
sus de la crête iliaque. Le psoïtis est net. envisage une appendicectomie associée au drainage
Ne pas la confondre avec une colique néphrétique ou un de l’abcès.
phlegmon périnéphrétique. • Voie médiane : utile pour aborder largement les périto-
b/Appendicite pelvienne : nites.
Souvent, signes d’emprunt :
• La douleur est plus basse, signes urinaires (dysurie) ou PAR CŒLIOSCOPIE : l’appendicectomie est particu-
rectaux (épreintes, ténesmes) lièrement envisageable dans les formes atypiques sur-
• Le TR montre une douleur latéro-rectale droite. tout chez la femme ; elle permet le diagnostic des lésions
• Risque d’évolution vers l’abcès du Douglas. gynécologiques.
• Le diagnostic différentiel se pose moins chez l’homme Chez l’obèse et en cas de péritonite, elle permet un abord
que chez la femme avec le pyosalpinx et la salpingite de la cavité péritonéale sans sacrifice majeur de la paroi
aiguë. Dans le doute, il faut intervenir. abdominale.

c/Appendicite mésocœliaque : Les principes du traitement sont :


L’appendice étant libre au milieu des anses grêles vers • Opérer sans tarder au moindre doute diagnostique.
le promontoire. Elle donne un tableau d’occlusion fébrile • Opérer par la voie la plus appropriée.
du grêle : Douleur, vomissements, arrêt des matières et • Enlever l’appendice avec ligature ou électrocoagulation
gaz, météorisme avec ou sans ondes péristaltiques, ni- de son méso, ligature et enfouissement si possible du
veaux liquides sur le grêle. Cette forme peut se compli- moignon appendiculaire.
quer d’un abcès méso-caeliaque. • Faire une toilette péritonéale soigneuse avec prélève-
d/Appendicite sous hépatique : ment pour examen bactériologique du pus, l’appendice
Signes hauts pouvant être confondus avec une cholécys- doit être adressé systématiquement pour un examen
tite aiguë. anapathomopathologique.
L’échographie peut aider au diagnostic en montrant une Parfois et en cas d’abcès appendiculaire, l’appendice étant
vésicule intacte. enfoui dans les adhérences, on se contente de drainer
l’abcès. L’appendicectomie sera réalisée 2 à 3 mois plus
5/FORMES SELON LE TERRAIN : tard au risque de voir apparaître une fistule stercorale.
a/Appendicite de l’enfant :
Rapidité d’évolution des lésions anatomiques, en parti-
culier, la perforation. VII. COMPLICATIONS POST OPÉRATOIRES :
Pauvreté des signes physiques ++.
Insister sur les formes toxiques déjà vues. Très souvent l’appendicectomie est un geste simple, ra-
pide sans complications, mais parfois des complications
b/Appendicite du nourrisson : post opératoires apparaissent soit à cause d’une négli-
Elle est rare, le diagnostic est difficile, l’évolution est gence ou en raison du caractère évolué de l’appendicite.
grave (le nourrisson pleure, mais son abdomen ne se dé- Nous citerons :
fend pas ; souvent forme occlusive). • Les péritonites post opératoires, sur fistule ou mau-
c/Appendicite du vieillard : vaise toilette péritonéale.
Les signes peuvent être bâtards, imprécis. • Les infections de la plaie opératoire.
Souvent, elle réalise une forme occlusive. Le diagnostic • Les abcès résiduels.
différentiel se pose souvent avec un cancer colique com- • Les occlusions post opératoires.
pliqué.
d/Appendicite de la femme enceinte : VIII. CONCLUSION :
L’anatomie change, l’appendice est parfois plus haut.
La confusion est possible avec une pyélonéphrite ou une Il existe une différence fondamentale entre la crise d’ap-
cholécystite. pendicite aiguë opérée tôt dont la mortalité est nulle, et
L’échographie peut aider au diagnostic. celle où l’hésitation du malade ou parfois du médecin
Elle doit être opérée aussi rapidement qu’en dehors de font risquer l’apparition de complications graves, lon-
la grossesse. gues à traiter, sources de septicémie et parfois de mort.

86 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (session mai 2015) : Citer les 5 formes topographiques des appendicites aiguës.

Test n° 2 (Objectif n° 2) : Quelle est la cause la plus fréquente de l’appendicite aiguë ?

Test n° 3 (Objectif n° 3) : Le plastron appendiculaire est une agglutination d’anses intestinales autour de l’appendice
malade constituant ainsi un magma indisséquable.
Vrai n Faux n

Test n° 4 (session mai 2015) :
Les pathologies suivantes sont des diagnostics différentiels des appendicites ?
a) La salpingite chez la femme b) La maladie de Crohn iléo-cæcale chez le jeune homme
c) Le cancer du côlon droit infecté chez le vieillard d) Le diverticule de Meckel infecté chez l’enfant
e) La pyélonéphrite chez la femme enceinte.

Test n° 5 (Objectif n° 4) : Quelle sont les repères du point de Mac Burney ?

Test n° 6 (session janvier 2015) : La péritonite appendiculaire :


a) S’accompagne d’une hyperleucocytose supérieure à 17 000 /mm3
b) S’accompagne d’une défense généralisée maximale au niveau de la fosse iliaque droite
c) Peut se présenter sous forme d’une occlusion intestinale aiguë fébrile
d) Est plus fréquente dans les appendicites rétro cæcales
e) Peut s’accompagner d’un pneumopéritoine

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 87


PÉRITONITES AIGUES

Prérequis
1. Anatomie de la cavité péritonéale (cours d’Anatomie Thème XIV).
2. Physiologie du péritoine (cours de Physiologie).
3. Examen physique de l’abdomen (Pr Harrouchi). Vidéo film de la médiathèque de la facul-
té de médecine de Tunis.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir une péritonite aiguë.
2. Expliquer les mécanismes étiopathogéniques des péritonites aiguës.
3. Décrire les lésions anatomopathologiques et les conséquences physiopathologiques
des péritonites aiguës.
4. Énumérer les éléments cliniques du diagnostic.
5. Citer les arguments cliniques et radiologiques qui permettent d’orienter le diagnostic
étiologique d’une péritonite aiguë.
6. Réunir les éléments de gravité en se basant sur des critères cliniques et biologiques.
7. Citer les premiers gestes de réanimation.
8. Énumérer les principes du traitement chirurgical.

Activités d’apprentissage
1. Lecture du document de base.
2. Activités dans le stage :
• Pratiquer un examen méthodique et consigné de l’abdomen d’un patient admis en
urgence pour péritonite aiguë par perforation d’ulcère ou appendiculaire.
• Interpréter des clichés d’A.S.P. debout révélant un pneumopéritoine.
• Etudier 3 ou 4 dossiers de patients opérés dans le service pour péritonite aiguë afin
de connaître la prise en charge des malades et l’évolution de leur maladie.

INTÉRÊT DU SUJET : I. DÉFINITION - INTRODUCTION


(OBJECTIF N° 1) :
La péritonite aiguë est une urgence chirurgicale grave
mettant en jeu le pronostic vital à court terme. Les péritonites aiguës se définissent comme l’inflamma-
Tout médecin peut être appelé à voir un patient pré- tion aiguë de la séreuse péritonéale en réponse à une
sentant un syndrome péritonéal. agression bactérienne ou chimique.
Le diagnostic est avant tout clinique, tributaire de la Leurs étiologies sont nombreuses et leurs pathogénies
main qui palpe. diverses. Elles peuvent être : généralisées ou localisées,
L’essentiel est de poser le diagnostic de péritonite ai- primitives ou secondaires. Elles peuvent s’installer en
guë, le diagnostic étiologique passe au second plan. un, deux ou trois temps.
Son pronostic est fonction de la précocité de son dia- Le diagnostic positif est habituellement aisément établi
gnostic et de son traitement. sur la clinique. La reconnaissance de l’étiologie exacte
peut être plus difficile, mais n’est pas nécessaire au dé-
marrage du traitement, en effet souvent le diagnostic
étiologique n’est fait qu’au cours de l’intervention.
Des examens complémentaires peuvent être utiles pour
reconnaître une étiologie ou confirmer une péritonite cli-
niquement non évidente.
Dans tous les cas, les péritonites constituent une des ur-

88 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


gences chirurgicales les plus fréquentes pouvant mettre −Soit
− à une désunion d’une anastomose digestive favo-
en jeu à court terme le pronostic vital. Elles imposent risée par une malfaçon technique.
donc un diagnostic précoce et une thérapeutique ration- −Soit
− à une surinfection d’une collection de sang ou de
nelle. lymphe favorisée par un défaut d’hémostase et/ou un
Cette thérapeutique est basée sur une réanimation pré, drainage abdominal inadéquat.
per et postopératoire, une antibiothérapie adaptée et un
acte chirurgical qui vise à supprimer la suppuration in- B. SELON LA DIFFUSION DE LA PÉRITONITE :
trapéritonéale et si possible à en éradiquer la cause. On distingue :
1. Les péritonites généralisées à toute la cavité périto-
néale.
II. ETIOPATHOGÉNIE (OBJECTIF N° 2): 2. Les péritonites localisées dont la formation est en
partie expliquée par les particularités anatomiques et
Les péritonites aiguës peuvent s’observer à n’importe physiologiques de la cavité abdominale :
quel âge et dans les deux sexes. −L’existence
− d’une région déclive comme le cul-de-
sac de Douglas.
A. SELON LE MODE DE CONTAMINATION : −Les
− courants intra péritonéaux préférentiels.
Il existe 2 types de péritonites aiguës : −La
− présence au moment de l’inspiration d’une zone
de pression négative sous le diaphragme alors que
1/LES PÉRITONITES PRIMITIVES : dans le reste de l’abdomen règne une pression po-
Elles sont caractérisées par l`absence de foyer infectieux sitive.
intrapéritonéal primaire. Elles sont rares, représentent −Le
− cloisonnement de la cavité péritonéale, la cir-
environ 1 % de l`ensemble des péritonites et sont le plus conscription du foyer lésionnel par l’inflammation
souvent mono microbiennes. du péritoine et la sécrétion de fibrine qui engendre
Elles peuvent survenir à tout âge. Chez le jeune enfant, l’agglutination des anses grêles et de l’épiploon au-
elles représentent 1 à 2  % des urgences abdominales tour du foyer septique le transformant en un abcès
pédiatriques. Elles s’observent surtout chez les enfants localisé exclu du reste de la cavité.
atteints d’un syndrome néphrotique corticorésistant ou Parmi ces péritonites localisées, les plus fréquentes
de cirrhose. Chez les adultes, elles sont habituellement sont :
secondaires à une infection du liquide d’ascite d’un pa- −Les
− abcès sous-phréniques.
tient atteint de cirrhose. −Les
− abcès du Douglas.
On inclut également dans ce groupe les péritonites gra-
nulomateuses (tuberculeuses…), les péritonites pneumo- C. SELON LE TYPE DE CONTAMINATION :
cocciques des jeunes filles, les péritonites périodiques… Les péritonites secondaires font le plus souvent suite a
la contamination péritonéale par la flore digestive dont
2/LES PÉRITONITES SECONDAIRES : l`importance et la composition varient suivant l`étage
À une inoculation chimique et septique à partir d’un concerné.
viscère intrapéritonéal. Elles sont les plus fréquentes.
L’inoculation de la cavité péritonéale peut se faire de plu- 1/LES PÉRITONITES PAR PERFORATION D`ORIGINE
sieurs manières. SUS-MESOCOLIQUE :
• Dans les péritonites par perforation, il existe une solu- Dans la grande majorité des cas, elles sont secondaires
tion de continuité apparente au niveau du tube digestif à une perforation d`un ulcère duodénal, plus rarement
(ou des voies biliaires extrahépatiques). La perforation gastrique. La flore gastrique est d`origine oropharyngée
survient soit sur un segment pathologique du tube di- et varie quantitativement et qualitativement selon le pH.
gestif (un ulcère, une tumeur, un diverticule…) soit a Les bactéries aérobies et aéroanaérobies facultatives
la suite d`un traumatisme de l`abdomen. Le tableau sont les plus importantes. L`acidité gastrique neutralise
clinique s`installe le plus souvent brutalement. La pé- la plupart des germes absorbés et limite le nombre de
ritonite s`installe en un temps. bactéries jusqu`au jéjunum proximal.
• Dans les péritonites par diffusion, il n’existe pas de La perforation des voies biliaires extrahépatiques et no-
solution de continuité apparente. L’infection diffuse de tamment de la vésicule biliaire est exceptionnelle. La
proche en proche à travers une paroi du tube digestif bile est normalement stérile. En cas de lithiase biliaire,
qui a perdu son étanchéité vis-à-vis des germes. Cette la bile peut s`infecter à partir du duodénum par des en-
diffusion peut se faire à partir de n`importe quel foyer térobactéries, des entérocoques, voire des anaérobies.
infectieux intraperitoneal (appendicite, salpingite, cho- Agression péritonéale quelle soit acido-peptique ou bi-
lécystite, sigmoïdite…). Le tableau est dans ce cas plus liaire entraîne une péritonite qui est au début chimique
progressif. Il s`agit d`une péritonite en deux temps. et qui deviendra bactérienne par la suite, après un délai
• Dans de rares cas, la péritonite s`installe en trois de 4 a 6 heures, du fait de la pullulation microbienne.
temps. L`inoculation péritonéale se fait par rupture
d`un abcès intraperitoneal compliquant lui-même un 2/LES PÉRITONITES PAR PERFORATION D`ORIGINE
foyer infectieux (appendicite, cholécystite…) SOUS MÉSOCOLIQUE :
• Les péritonites postopératoires constituent un cha- En cas de perforation intestinale, la contamination péri-
pitre à part des péritonites secondaires en raison du tonéale est d`emblée bactérienne.
cadre particulier et du terrain sur lequel elles sur- Du jéjunum à l`iléon, la population microbienne s`accroît
viennent : et les germes anaérobies deviennent plus nombreux. Au

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niveau colorectal, les anaérobies sont 100 à 10 000 fois • Des facteurs adjuvants (épanchements sanguins, ma-
plus nombreux. Les péritonites « stercorales » par per- tières fécales, bile, tissus nécrosés, baryte et certains
foration de l`iléon distal, du colon ou du rectum sont ex- corps étrangers) accroissant la virulence des bactéries.
trêmement graves en raison de la virulence des germes • Une faillite des moyens de défense locaux ou généraux.
en majorité anaérobies. L’infection péritonéale a un retentissement :
• Local dû à l’inflammation de la séreuse et à l’iléus qui
3/LES PÉRITONITES PAR DIFFUSION : l’accompagne.
La diffusion se fait à partir d`un foyer infectieux intra pé- • Général dû aux modifications de la volémie et au syn-
ritonéal le plus souvent évolué au stade de lésion phleg- drome toxi-infectieux dont l’évolution spontanée est la
moneuse ou gangrenée. La contamination est grave, car défaillance polyviscérale.
toujours plurimicrobienne avec un fort contingent de
germes anaérobies. 1/RETENTISSEMENT LOCAL :
Après contamination, la cavité péritonéale réagit par
une réaction immédiate inflammatoire et cellulaire pour
III. RAPPEL PHYSIOLOGIQUE ET contenir cette agression :
PHYSIOPATHOLOGIQUE (OBJECTIF N° 3) : -La réponse inflammatoire est déclenchée par la pré-
sence dans le péritoine de bactéries et d’endotoxines.
A. RAPPEL PHYSIOLOGIQUE : Elle débute par une dégranulation des mastocytes et
Le péritoine est une séreuse qui tapisse la cavité péri- la libération de médiateurs de l’inflammation respon-
tonéale et se réfléchit au contact des viscères. Cette sable d’une vasodilatation et qui va aboutir à la forma-
séreuse correspond à un endothélium reposant sur une tion d’un exsudat plasmatique riche en protéines et
mince lame conjonctivo-élastique riche en vaisseaux, en fibrinogène. La transformation du fibrinogène en
en lymphatiques et en terminaisons nerveuses. Elle se fibrine permet la formation d’adhérences et de fausses
comporte comme une membrane semi-perméable qui membranes et concourt avec l’épiploon à cloisonner
réalise une surface d’échange très étendue à peu près l’infection. Le cloisonnement est également favorisé
égale à la surface corporelle. La surface exceptionnelle par la mobilisation de diverses formations intrinsèques
du péritoine donne une gravité particulière aux agres- de la cavité péritonéale : mésentère, intestin, et surtout
sions diffuses et aux mouvements liquidiens secondaires grand épiploon.
qui entraînent des perturbations hémodynamiques ra- -Les défenses cellulaires sont basées sur la captation
pides. des bactéries par le système réticulo-endothélial après
La séreuse péritonéale est dotée de fonctions impor- leur absorption par voie lymphatique. Une fois ce sys-
tantes : tème de défense mis en jeu :
• Une fonction de sécrétion d’environs 30cc/j de liquide −Les
− défenses sont efficaces, l’infection localisée se
riche en leucocytes ayant un rôle antimicrobien. Ce li- résout et disparaît. Il s’agit d’une éventualité très rare
quide sécrété joue par ailleurs un rôle lubrifiant facili- −le− cloisonnement est efficace, mais l’infection per-
tant la mobilité des organes intra-abdominaux et parti- siste, il y a constitution d’une péritonite localisée réa-
culièrement le péristaltisme intestinal. lisant un abcès intra péritonéal
• Le péritoine se comporte en membrane dialysante se- −les
− défenses sont dépassées, il y a diffusion de l’infec-
mi-perméable obéissant aux lois de l’osmose. Il est tion et constitution d’une péritonite aiguë générali-
doté d’un pouvoir d’absorption complexe en particulier sée.
des substances inertes et des toxines microbiennes. La -Les mouvements hydriques
couche mésothéliale présente des pores qui permet- −L’augmentation
− de la perméabilité vasculaire est res-
tent au péritoine sous-diaphragmatique d’assurer un ponsable d’une fuite plasmatique libre dans la cavité
contact direct entre la cavité péritonéale et le système péritonéale, dans le tissu conjonctif de la séreuse pé-
lymphatique. L`importance de la surface du péritoine ritonéale et dans la lumière digestive. Cette fuite plas-
explique que les échanges bidirectionnels sont rapides matique, prélevée à partir du compartiment vascu-
et importants. Les échanges liquidiens entre le secteur laire, constitue le « troisième secteur ». L’importance
péritonéal et vasculaire sont régis par la pression hy- de cette séquestration liquidienne est proportionnelle
drostatique et oncotique qui règne dans les vaisseaux à la surface de péritoine concernée.
portes. −La− circulation et la distribution intrapéritonéale des
• Un rôle de défense par la formation d’adhérences épanchements par des courants actifs sont notées.
inflammatoires grâce à la sécrétion de fibrine qui Une composante ascendante de ces courants, due
vise à circonscrire l’infection et par des phénomènes aux mouvements du diaphragme, amène une par-
d`épuration, par les macrophages, par voie portale et tie des liquides intrapéritonéaux au contact du péri-
par voie lymphatique. toine sous-diaphragmatique. D`autres courants actifs
transitent par les gouttières parietocoliques, tendant
B. PHYSIOPATHOLOGIE : à collecter ces épanchements vers des espaces dé-
La physiopathologie des péritonites est encore imparfai- clives, sous phréniques droit et gauche, et vers le cul-
tement connue. L’apparition des péritonites suppose la de-sac de Douglas. Tous ces mouvements liquidiens
conjonction de 3 facteurs : favorisent la diffusion de la péritonite à toute la cavité
• Un inoculum chimique et/ou bactérien intrapéritonéal péritonéale.
important ou répété, associé parfois à une virulence −L’iléus
− réactionnel est souvent associé. Il permet
élevée des germes. de limiter la diffusion de l’infection. Il est cependant

90 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


responsable d’une séquestration liquidienne dans la • Un épanchement liquidien d’abondance variable,
lumière digestive et de vomissements abondants ag- louche ou franchement purulent, diffus à toute la ca-
gravant les pertes liquidiennes. vité péritonéale ou localisée en sous phrénique, dans
le cul-de-sac de Douglas ou entre les anses, riches en
2/RETENTISSEMENT GÉNÉRAL : germes pathogènes.
a/Hémodynamique : • Une hypervascularisation du péritoine pariétal et viscé-
L’hypovolémie et le sepsis sont 2 phénomènes qui contri- ral ainsi que des mésos.
buent à perturber l’état hémodynamique : • Un œdème du grand épiploon et des mésos qui de-
• L’hypovolémie vraie est secondaire aux pertes hydroé- viennent épais, luisants donnant un aspect «  succu-
lectrolytiques (3e secteur, iléus paralytique, vomisse- lent ».
ments) et aux modifications du retour veineux porte • Des «  fausses membranes  » blanchâtres, épaisses,
et cave inférieur par augmentation de la pression in- adhérents aux séreuses témoignant de l’exsudat fibri-
tra-abdominale. no-leucocytaire.
• Le sepsis  : la vasodilatation artérielle périphérique • Une distension des anses intestinales qui sont épais-
induite par la libération de substances vaso-actives sies et alourdies par l’accumulation de gaz et de li-
(kinines, sérotonine, histamine...) et de cytokinines quides.
contribue à la détérioration de l’état hémodynamique. À un stade avancé, la péritonite est dite « vieillie » en voie
de cloisonnement en de multiples foyers abcédés, par-
b/Respiratoire : ticulièrement difficiles à nettoyer même par un lavage
L’insuffisance respiratoire aiguë provient initialement prolongé. Dans ces cas, le pronostic reste très fâcheux,
d’une diminution de la ventilation par action mécanique car à partir des fausses membranes et des logettes, dif-
directe (distension de l’abdomen, contracture doulou- ficiles à traiter chirurgicalement, il peut y avoir des dé-
reuse de la paroi et diminution du jeu diaphragmatique). charges septicémiques.
Secondairement, l’hypoxie est aggravée par l’acidose
métabolique et l’altération de la membrane alvéolo-ca-
pillaire. V. CLINIQUE (OBJECTIF N° 4) :
Cette défaillance respiratoire est d’autant plus mal tolé-
rée que la péritonite septique entraîne des besoins ac- Forme type  : «  péritonite aiguë secondaire généralisée
crus en oxygène au niveau des tissus. vue tôt de l’adulte sans préjuger de l’étiologie ».
Les signes cliniques sont communs aux péritonites ai-
c/Rénal : guës généralisées quelle qu’en soit la cause :
L’insuffisance rénale aiguë oligurique ou anurique est
le témoin le plus fidèle de l’hypovolémie et de la modi- 1/SIGNES FONCTIONNELS :
fication de la circulation sanguine intra rénale. Elle est • La douleur abdominale est constante  : son début est
souvent fonctionnelle et semble plus liée à l’ischémie variable, brutal, violent ou plus progressif. Elle est sou-
rénale corticale avec baisse de la filtration glomérulaire vent permanente avec paroxysmes. Elle peut être soit
qu’à une chute du débit sanguin rénal. Le choc infectieux diffuse d’emblée, soit débuter de façon localisée à un
peut entraîner une insuffisance rénale aiguë organique quadrant de l’abdomen et diffuser secondairement à
par une néphropathie tubulo-interstitielle. tout l’abdomen. Son siège initial oriente vers une étio-
logie. Elle est aggravée par la respiration et par les
d/Hépatique : moindres mouvements.
L’insuffisance hépatocellulaire se traduit par un ictère • Les vomissements précoces, alimentaires ou bilieux
variable mixte avec cholestase, cytolyse et l’altération de sont inconstants.
la fonction de coagulation précédemment mentionnée. • L’arrêt des matières et des gaz est plus tardif consé-
quence de l`iléus réactionnel, parfois précédé ou rem-
e/La défaillance métabolique aiguë : placé par une diarrhée qui traduit l`irritation périto-
La diminution de la perfusion tissulaire et l’hypoxie en- néale.
traînent une acidose métabolique avec hyperlactatémie.
Des altérations de la coagulation peuvent se voir avec 2/SIGNES GÉNÉRAUX :
abaissement des facteurs prothrombiniques, du taux de • L’état général est rapidement altéré, le malade est figé,
fibrine et du nombre de plaquettes. il a un « faciès tiré », marqué par la douleur, avec des
lèvres sèches, des yeux excavés, un pincement des
f/La défaillance nutritionnelle : ailes du nez. C’est le classique « faciès péritonéal ».
La dénutrition est rapide lorsque les lésions septiques • La fièvre est variable selon l’étiologie, la virulence des
sont importantes. Elle peut entraîner une perte de poids germes et l’évolution de la péritonite. Elle peut être ab-
supérieure à 1  kg/j et une perte d’azote supérieure à sente, autour de 39 °C, et quelquefois elle est rempla-
0,5 g/kg/j. cée par une hypothermie qui représente un élément de
mauvais pronostic.

IV. ANATOMOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 3) : 3/LES SIGNES PHYSIQUES :


• L’examen abdominal est le temps fondamental per-
Les lésions de péritonites sont évidentes dès l’ouverture mettant grâce à un seul signe, la CONTRACTURE AB-
de l’abdomen : DOMINALE, de porter le diagnostic. Le malade doit être

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mis en confiance, dévêtu, en décubitus dorsal, sur un zeux, inter-hépatodiaphragmatique, ou sous la coupole
plan dur, les bras tendus le long du corps, les jambes gauche, décollant la poche à air gastrique. Sa présence
demi-fléchies et les cuisses en légère abduction. affirme la perforation digestive. La radiographie peut
• À l’inspection  : l’abdomen est immobile, il ne respire montrer des niveaux hydroaériques diffus, sur le grêle
pas, les muscles droits sont contractés et saillent sous et le colon, témoignant d’un arrêt réflexe du transit.
la peau (chez les sujets maigres). Le cliché couché peut également révéler des signes
• La palpation pratiquée avec douceur, les mains ré- d’épanchement intrapéritonéal  : une grisaille diffuse,
chauffées, bien à plat, met en évidence la « contracture un élargissement de l’espace qui sépare les anses les
abdominale  », comme une rigidité pariétale, tonique, unes des autres, un élargissement de l’espace parié-
permanente, invincible et douloureuse  : véritable to-colique.
« ventre de bois ».
• Dans certains cas, la contracture abdominale est rem-
placée par une «  défense généralisée  » qui est une VI. LES FORMES CLINIQUES
contraction musculaire involontaire que l’on obtient en (OBJECTIF N° 5) :
réaction à la pression de la paroi abdominale. Au dé-
but de la pression, la paroi se laisse déprimer. À partir A. LES FORMES SYMPTOMATIQUES :
d’une certaine profondeur, la dépression de la paroi 1/LES PÉRITONITES PAR PERFORATION :
devient impossible. Il faut distinguer la défense qui est Le début est brutal par une douleur très vive en « coup
involontaire, de la simple réaction de défense qui est au de poignard », syncopale, d’emblée diffuse à tout l’abdo-
contraire volontaire et qui résulte naturellement de la men. Elle est associée à une contracture abdominale. Le
douleur déclenchée par la palpation. type en est la perforation d’un ulcère duodénal.
• Le toucher rectal : révèle une douleur intense au niveau
du cul-de-sac de Douglas qui est bombant. 2/LES PÉRITONITES PAR DIFFUSION :
Le début est plus progressif. La douleur est générali-
sée, toujours maximum au niveau où elle a débuté. La
Ainsi, douleur abdominale + contracture ou dé- contracture est remplacée par une défense généralisée,
fense généralisée + douleur au toucher rectal, le type en est la péritonite appendiculaire.
suffisent pour faire le diagnostic de péritonite ai-
guë et de poser l’indication opératoire. 3/LES FORMES OCCLUSIVES :
Elles sont marquées par la prédominance des signes
occlusifs avec des vomissements répétés, un arrêt du
Au terme de cet examen clinique, le diagnostic est posé transit, l’abdomen est distendu, les signes péritonéaux
et il importe de pratiquer et sans perdre du temps : sont discrets. Le toucher rectal est habituellement dou-
L’hospitalisation du patient en milieu de réanimation loureux.
chirurgicale.
La réanimation du patient sur laquelle nous reviendrons. 4/LES FORMES TOXIQUES (OBJECTIF N° 6) :
La mise en place des éléments de surveillance : Elles sont marquées par la discordance entre des signes
• La tension artérielle, le pouls et si besoin la pression généraux très marqués et des signes fonctionnels et phy-
veineuse centrale. siques discrets. Alors que les douleurs sont discrètes,
• La diurèse horaire après mise en place d’une sonde vé- le patient est dans un état de torpeur ou d’obnubilation
sicale. avec un faciès terreux, des extrémités cyanosées, une
• Prise de la température. polypnée avec battement des ailes du nez. La tension ar-
• Apprécier la quantité et la qualité du liquide ramené térielle est basse avec une différentielle pincée, un pouls
par la sonde gastrique. rapide et filant. La fièvre est à 40 °C ou au contraire rem-
Prendre une bonne voie veineuse et faire des prélève- placée par une franche hypothermie. L’examen de l’ab-
ments de sang pour apprécier le retentissement de la domen révèle une discrète douleur abdominale.
péritonite sur les grandes fonctions :
• La numération formule montre une hyperleucocytose ≥ 5/LES FORMES ASTHÉNIQUES (OBJECTIF N° 6) :
15 000 GB/mm3. Elles se voient chez les sujets âgés, les terrains tarés, im-
• L’hématocrite est élevé traduisant la déshydratation. munodéprimés, au cours des péritonites stercorales, ou
• Une azotémie, un ionogramme, une réserve alcaline, dans les formes vues tard. Elles sont marquées par des
une glycémie et une créatinine guideront la réanima- signes physiques discrets contrastant avec des signes
tion. généraux de gravité. Le malade est en mauvais état gé-
• Des gaz du sang. néral, il est prostré, polypnéique avec des traits tirés et
se plaint de douleurs abdominales vagues. L`examen
LA RECHERCHE DE L’ÉTIOLOGIE DE LA PÉRITONITE de l`abdomen trouve un léger météorisme et des dou-
AIGUË ne doit pas faire retarder le traitement, elle sera leurs abdominales diffuses sans défense. Tout syndrome
orientée par (Objectif n° 5) : douloureux aigu de l`abdomen avec altération de l`état
• L’âge du patient, les antécédents, le début de la dou- général chez ce type de malade doit faire évoquer le dia-
leur, l’existence ou non de fièvre. gnostic de péritonite asthénique. Dans le doute, il ne faut
• Une radiographie de l’abdomen sans préparation de pas hésiter a demander des examens complémentaires
face, debout, centré sur les coupoles peut révéler un d`imagerie qui vont aider à poser le diagnostic. La radio-
pneumopéritoine sous forme d’un croissant clair, ga- graphie d`abdomen sans préparation debout, de réalisa-

92 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


tion difficile chez ces malades, peut révéler un pneumo- droit. Certaines formes peuvent évoluer à bas bruit avec
péritoine. peu ou pas de signes péritonéaux.
L`échographie, plus facile à pratiquer, même au lit du
malade, peut montrer un épanchement péritonéal ; 4/LES PÉRITONITES D’ORIGINE JÉJUNO-ILÉALES :
mais cet examen peut être gêné par l`abondance des Elles sont relativement rares. Les causes les plus fré-
gaz digestifs secondaires a l`iléus paralytique associé. quentes sont les perforations d’anses volvulées et spha-
Le scanner abdominal constitue l`examen le plus per- célées, les perforations traumatiques méconnues, les
formant pour faire le diagnostic de péritonite. Il montre perforations par tumeur de l’intestin grêle ou maladie de
l`épanchement intra péritonéal et précise parfois la lé- Crohn et les perforations infectieuses compliquant une
sion causale. fièvre typhoïde par exemple. Il s`agit de péritonites habi-
tuellement graves, car la contamination intraperitoneale
B. LES FORMES ÉTIOLOGIQUES est d`emblée bactérienne.
(OBJECTIF N° 5) :
Nous insisterons sur les formes les plus fréquentes. 5/LES PÉRITONITES D’ORIGINE COLIQUE :
L’étiologie est habituellement reconnue en tenant compte Les péritonites des sigmoïdites diverticulaires peuvent
de l’âge, du terrain, des antécédents pathologiques et se faire par diffusion, par rupture d`un abcès périsigmoi-
des caractéristiques du tableau péritonéal : début de la dien ou par perforation d`un diverticule infecté. L`inter-
douleur, existence ou non d’une fièvre. rogatoire peut trouver la notion de maladie diverticulaire
connue et le diagnostic est facile, mais il s`agit parfois
1/LA PÉRITONITE PAR PERFORATION D’ULCÈRE GAS- d`une circonstance inaugurale. La douleur débute au ni-
TRO-DUODÉNAL : veau de la fosse iliaque gauche et diffuse rapidement à
C’est la principale cause des péritonites sus-mésoco- tout l`abdomen.
liques. Elle se voit volontiers chez l’adulte jeune, mais
elle peut se voir chez le vieillard et dans les deux sexes. Les perforations tumorales  : la perforation «  in situ  »
Habituellement, l’interrogatoire trouve des antécédents siège au niveau d`une tumeur colique habituellement
ulcéreux connus ou suspectés devant des douleurs épi- évoluée, elle peut être diastatique et siéger en amont
gastriques rythmées par les repas évoluant par pous- d`une tumeur colique sténosante. L`interrogatoire peut
sées. Cependant, les antécédents peuvent être absents trouver dans les antécédents des troubles du transit, des
et la perforation est dite inaugurale. rectorragies ou des mélénas.
Le début de la douleur est dans la forme typique brutale
en coup de poignard. La douleur s`installe en quelques Les perforations des colites inflammatoires ont un
secondes ; le malade peut en préciser l`heure exacte et contexte évocateur. Il s`agit le plus souvent d`un acci-
l`activité qu`il avait a ce moment précis. L’examen révèle dent évolutif d`une colite inflammatoire connue. Le dia-
une contracture abdominale avec un état général relati- gnostic est souvent difficile, car il s`agit habituellement
vement conservé et une absence de fièvre. de péritonite asthénique survenant chez des malades
L’abdomen sans préparation montre un pneumopé- affaiblis par l`affection causale, l`anémie associée, et la
ritoine. Mais son absence ne permet pas d’éliminer la corticothérapie.
perforation qui peut être colmatée par un organe voisin. D`autres causes comprennent les perforations trauma-
tiques, les perforations après volvulus du colon pelvien,
2/LA PÉRITONITE APPENDICULAIRE : les perforations iatrogènes après coloscopie…
C`est la plus fréquente des péritonites. Elle peut se voir à Dans tous les cas, ces péritonites sont dites stercorales
tout âge. Chez un patient sans antécédents digestifs, elle et sont extrêmement graves à cause de la précocité et
se manifeste par une douleur à point de départ iliaque de l’intensité des signes infectieux en rapport avec un
droit qui se généralise rapidement à tout l’abdomen. contenu colique hyperseptique.
L’examen révèle une défense généralisée à maximum
iliaque droit avec une fièvre autour de 39  °C. La radio- 6/LES PÉRITONITES D’ORIGINE GÉNITALE :
graphie d`abdomen sans préparation ne montre pas de Elles se voient chez des femmes volontiers porteuses d’un
pneumopéritoine. dispositif intra-utérin et présentant des pertes vaginales
D’autres formes de péritonites appendiculaires dites en fétides. La péritonite a pour point de départ une salpingite
deux temps ou trois temps peuvent se voir (cf. cours ap- aiguë. La diffusion intrapéritonéale est fréquemment lo-
pendicite aiguë). calisée au pelvis dont la déclivité permet le cloisonnement
de l`infection. La diffusion au niveau de toute la cavité pé-
3/LA PÉRITONITE BILIAIRE : ritonéale se fait soit de façon progressive à partir d`une
Elle se voit volontiers chez des sujets âgés, mais elle peut salpingite, soit brutalement à partir de la rupture d`un
se voir chez des sujets plus jeunes de 40 ou 50 ans. L’inter- pyosalpinx. Les douleurs sont surtout pelviennes et la dé-
rogatoire trouve des antécédents de lithiase biliaire connus fense est maximum au niveau de la région hypogastrique.
ou suspectés devant des douleurs de l’hypochondre droit Au toucher vaginal, les culs-de-sac latéraux sont empâtés
post-prandiales tardives à irradiation scapulaire droite. La et douloureux et la mobilisation utérine est très doulou-
péritonite commence par des douleurs de l’hypochondre reuse. L’examen au spéculum trouve un col utérin inflam-
droit qui progressivement diffusent à tout l’abdomen. La matoire à travers lequel s’écoulent des pertes purulentes
fièvre est habituellement élevée autour de 39° - 40°. Les qui doivent être prélevées. On profitera de cet examen
signes péritonéaux sont présents sous forme d’une dé- pour retirer le dispositif intra-utérin.
fense généralisée maximum au niveau de l’hypochondre

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C/LES PÉRITONITES PRIMITIVES : tamment à gauche être gênée quand il existe un ralen-
Elles ont les mêmes caractéristiques cliniques que les tissement du transit et un iléus paralytique.
péritonites secondaires surtout chez l`enfant ou le ta- • La tomodensitométrie est l’examen clé. Il montre l’ab-
bleau peut être franc : douleurs diffuses à tout l`abdo- cès sous forme d’une image hypodense contenant des
men, altération de l`état général, fièvre souvent élevée, bulles gazeuses.
troubles du transit avec vomissements et parfois mêmes
diarrhées. La palpation abdominale trouve une défense 2/L’ABCÈS DU CUL-DE-SAC DOUGLAS :
généralisée ou une contracture. L`interrogatoire permet Les signes généraux infectieux sont associés à des
de retrouver un contexte particulier  : enfant suivi pour signes urinaires et rectaux :
un syndrome néphrotique corticorésistant, ou porteur • La douleur est hypogastrique alors que la palpation est
d`une ascite d`origine rénale ou hépatique. Le diagnos- normale.
tic différentiel avec une péritonite secondaire notam- • La dysurie et la pollakiurie sont fréquentes à cause de
ment appendiculaire est difficile. Au moindre doute, une l’irritation vésicale au contact de l’abcès.
cœlioscopie diagnostique sera effectuée. Chez l`adulte • Un ténesme rectal est habituellement présent.
cirrhotique, il s`agit souvent d`un tableau subaigu moins • Le toucher rectal fournit les signes essentiels et per-
évocateur. La température est peu élevée, il existe peu met le diagnostic. On perçoit à travers une paroi rectale
de signes péritonéaux à la palpation de l`abdomen, mais antérieure, qui est normale, une tuméfaction fluctuante
par contre d`autres signes de décompensation ascitique très douloureuse.
qui peuvent faire errer le diagnostic (encéphalopathie, • L’échotomographie et/ou la tomodensitométrie peu-
œdème, ictère, hémorragie digestive…). Le diagnos- vent être indiquées pour éliminer un autre abcès as-
tic d`infection d`ascite ne peut être affirmé que par la socié entre les anses intestinales ou sous-phrénique
ponction d`ascite. lorsque des signes cliniques le laissent suspecter.
L’abcès du Douglas peut être drainé par rectotomie par
D/LES PÉRITONITES POSTOPÉRATOIRES : voie transanale ou par colpotomie postérieure par voie
Elles sont le plus souvent secondaires à la désunion transvaginale.
d`une suture ou d`une anastomose.
L’iléus paralytique habituel chez les post opérés, la pré-
sence d’une plaie abdominale modifient les manifesta- VII. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
tions initiales de la péritonite qui risque d’être méconnue.
Ces péritonites sont graves, car elles surviennent sur Un certain nombre d’affections peut donner le change
un terrain déjà fragilisé par la maladie et l’intervention avec une péritonite aiguë.
initiale. Les signes généraux de gravité sont volontiers A. Les urgences médicales pseudopéritonéales :
présents et le diagnostic de péritonite post opératoire est Colique néphrétique, infarctus du myocarde à forme
aidé par l’échographie et surtout par la tomodensitomé- abdominale, crise hyperalgique d’ulcère, gastroplégie
trie à la recherche d’un foyer septique intrapéritonéal. aiguë, porphyries aiguës intermittentes, saturnisme, in-
toxication alimentaire, insuffisance surrénalienne aiguë.
E/LES PÉRITONITES LOCALISÉES : B. Les urgences chirurgicales :
Ce n’est pas parce qu’elles sont localisées qu’elles sont Infarctus mésentérique, occlusion mécanique du grêle,
moins graves. Cependant, on a habituellement le temps hémopéritoine, torsion d’annexe, cholécystite aiguë…..
de s’aider d’examens échographiques et/ou tomodensi- L’erreur est moins grave, car le risque de laisser évoluer
tométriques à faire en urgence. Ils ont l’intérêt de confir- une péritonite n’existe pas puisque l’indication opératoire
mer un diagnostic suspecté cliniquement, de s’assurer est posée.
de l’absence d’autres localisations septiques intrapéri-
tonéales associées et enfin de permettre un traitement
per cutané. VIII. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX
DU TRAITEMENT :
1/L’ABCÈS SOUS-PHRÉNIQUE :
Il associe aux signes infectieux généraux des signes ab- Le traitement des péritonites aiguës généralisées est
dominaux et thoraciques : toujours médical et chirurgical.
• La douleur est sous-costale spontanée ou provoquée
par la percussion. La palpation de l’abdomen est souple A. LE TRAITEMENT MÉDICAL
et indolore. Un hoquet peut se voir et traduit l’irritation (OBJECTIF N° 7) :
phrénique au contact du foyer de suppuration. Il a pour but de corriger dans les délais les plus courts
• Une douleur basi-thoracique est fréquente. Elle est peu possibles, les troubles hydroélectrolytiques, de lutter
intense, mais permanente. contre la diffusion systémique de l’infection par une an-
• La radiographie de l’abdomen sans préparation signe tibiothérapie et de juguler les défaillances viscérales. Le
le diagnostic en montrant un niveau hydroaérique sous traitement médical préopératoire instauré dès l’admis-
phrénique, mais celui-ci est inconstant. sion du patient doit être énergique et de courte durée
• La radiographie du thorax montre un épanchement habituellement de 3 ou 4 heures pour pouvoir amener
pleural réactionnel à l’abcès sous-phrénique et/ou la en salle d’opération un malade équilibré pouvant subir
présence de petites bandes d’atélectasies. une anesthésie générale dans les meilleures conditions.
• L’échotomographie reconnaît habituellement l’abcès En effet, un malade hypovolémique, à l`état hémodyna-
qui refoule les viscères adjacents, mais elle peut no- mique précaire peut se décompenser brutalement sur le

94 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


plan circulatoire à l`induction anesthésique du fait de la B. LE TRAITEMENT CHIRURGICAL
vasoplégie induite par l`anesthésie. Le traitement médi- (OBJECTIF N° 8) :
cal sera poursuivi en per et en post opératoire. Le but du traitement chirurgical est de supprimer la
On mettra en place cause de la contamination septique et de nettoyer la ca-
• une sonde naso-gastrique pour aspiration digestive. vité péritonéale.
Elle doit être de gros calibre et munie d’une prise d’air
pour lutter contre l’iléus et vider l’estomac. 1/LA VOIE D’ABORD :
• une sonde vésicale pour le recueil d’une diurèse ho- Elle doit permettre une exploration complète de toute la
raire. cavité péritonéale. Actuellement on a tendance à utiliser
• deux bonnes voies veineuses périphériques de bon ca- de plus en plus la voie d`abord cœlioscopique qui per-
libre ou un cathéter veineux central pour le recueil de la met de voir tous les coins et recoins de la cavité abdomi-
pression veineuse centrale s’il existe une cardiopathie nale et d`éviter toutes les complications pariétales de la
ou si un remplissage massif est prévu. chirurgie classique. En cas de contre-indication ou d`im-
possibilité technique à la cœlioscopie, la voie d`abord
1/CORRECTIONS DES DÉSORDRES HYDROÉLECTROLY- sera une laparotomie médiane sus et sous-ombilicale.
TIQUES :
• La nature du liquide à perfuser est faite de solutions 2/LE TRAITEMENT DE LA CAVITÉ PÉRITONÉALE :
cristalloïdes (sérum glucosé enrichi en sel, sérum phy- Il comprend un prélèvement de l`épanchement périto-
siologique, Ringer Lactate). néal pour un examen bactériologique qui permettra d`a-
• Le débit des perfusions est à adapter à l’importance dapter l`antibiothérapie.
des pertes hydroélectrolytiques estimées sur la cli- Il faut nettoyer toute la cavité péritonéale, aspirer tout
nique (sécheresse des muqueuses, plis cutanés…), les l’épanchement péritonéal, laver à grande eau toute la
paramètres vitaux (pouls, TA, diurèse) et la biologie cavité, quadrant par quadrant, et essayer d`enlever les
(Azotémie, Hématocrite, Ionogramme…). fausses membranes. Pour cela, il faudra utiliser 10 à 15
litres de sérum physiologique tiède. Cette toilette périto-
2/L’ANTIBIOTHÉRAPIE : néale est facilement réalisée par cœlioscopie.
Elle doit être massive, administrée par voie intraveineuse
et être active sur les germes en cause. Habituellement, il 3/LE TRAITEMENT DE LA CAUSE :
faut redouter les germes Gram (-) et les anaérobies. On L`appendicectomie, le traitement d`une salpingite,
donnera une association d’une β lactamine (Penicilline, la suture d`un ulcère duodénal, la cholécystectomie
céphalosporine de troisième génération), d’un aminoside peuvent être réalisés sous cœlioscopie. En cas de perfo-
(type Gentamycine®) et d’un métronidazole (Flagyl®). ration intestinale, l`abord cœlioscopique est un peu plus
difficile. Il est impératif dans ce cas, de ne pas suturer la
3/LE TRAITEMENT DES DÉFAILLANCES VISCÉRALES : perforation dans le pus et de réaliser une entérostomie
• La défaillance circulatoire : remplissage vasculaire ra- qui sera temporaire jusqu’à guérison de la péritonite.
pide sous contrôle de la tension artérielle, le pouls, la
pression veineuse centrale, la diurèse horaire… lorsque
le remplissage seul est insuffisant pour rétablir un bon IX. LE PRONOSTIC :
état hémodynamique, on pourra s’aider de drogues
inotropes : Dopamine, Dobutamine. Une péritonite aiguë est une affection grave dont le pro-
• La défaillance rénale  : Après correction de la défail- nostic dépend de plusieurs facteurs :
lance circulatoire, la diurèse démarre habituellement. • l’âge et le terrain (taré ou non),
En cas d’oligurie persistante, administration de diuré- • la cause de la péritonite (péritonite chimique, péritonite
tiques à action rapide type Furosémide. stercorale).
• La défaillance respiratoire justifie l’intubation trachéale • et surtout de l’évolution de la péritonite et de l’existence
et l’assistance ventilatoire. ou non de signes généraux de gravité.
• L’acidose métabolique doit être corrigée par le rétablis-
sement d’une bonne perfusion tissulaire en rétablis-
sant une bonne volémie et fonction respiratoire adé- X. CONCLUSION :
quate. On peut parfois avoir recours à l’administration
de bicarbonates. Les péritonites aiguës constituent des urgences fré-
quentes, de pronostic grave. L’amélioration du pronos-
tic passe par un diagnostic précoce basé sur un examen
clinique soigneux qui à lui seul peut porter l’indication
opératoire.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 95


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : Les péritonites aiguës se définissent comme l’inflammation aiguë du péritoine.
n Vrai n Faux

Test n° 2 (Objectif n° 2) : L’inoculation du péritoine se fait de trois manières. Lesquelles ?

Test n° 3 : Le diagnostic d’une péritonite aiguë est clinique.


n Vrai n Faux

Test n° 4 (session Mai 2015) :


Les formes asthéniques des péritonites aiguës se voient habituellement chez :
a. l’enfant b. la femme enceinte
c. les sujets âgés d. les sujets multiopérés de l’abdomen
e. les sujets sous corticothérapie au long cours

Test n° 5 (Cas clinique : session mai 2015) : Un jeune homme de 15 ans qui présente depuis 3 jours des douleurs de la
fosse iliaque droite qui ont été initialement négligée par le patient. Ces douleurs étaient associées d’emblée à une fièvre
chiffrée à 38,5 °C. À l’examen physique : Température à 39 °C, défense abdominale généralisée maximale au niveau de
la fosse iliaque droite avec un toucher rectal douloureux. Sur les radiographies d’abdomen sans préparation, on trouve
des niveaux hydroaériques de type grêle sans pneumopéritoine.
Question 1 : Quels sont les signes en faveur de l’origine appendiculaire et contre l’origine ulcéreuse de cette péritonite
aiguë ?

Question 2 : comment expliquer les niveaux hydroaériques sur les radiographies d’abdomen sans préparation ?

Une appendicectomie avec toilette péritonéale a été réalisée. Le patient a été mis sortant au 3e jour post opératoire et il
revient au 6e jour post opératoire avec une fièvre, des douleurs hypogastriques, une dysurie et des ténesmes.
Question 3 : Quel diagnostic évoquez-vous et comment le confirmer ?

96 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LES OCCLUSIONS INTESTINALES AIGUES

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir l’occlusion intestinale aiguë.
2. Décrire les mécanismes aboutissant à l’installation d’une OIA.
3. Expliquer les conséquences physiopathologiques d’une OIA.
4. Décrire les lésions anatomopathologiques secondaires à une OIA.
5. Reconnaître le syndrome occlusif en se basant sur les arguments cliniques et radiolo-
giques et apprécier son retentissement.
6. Faire la distinction entre une occlusion du grêle et une occlusion du colon en se basant
sur des arguments cliniques et morphologiques.
7. Reconnaître le mécanisme de l’occlusion en se basant sur des arguments cliniques et
morphologiques.
8. Décrire les particularités cliniques de chaque étiologie.
9. Décrire les principes et le schéma thérapeutique d’une OIA.

INTÉRÊT DU SUJET : leur progression : ce sont des occlusions mécaniques,


• soit à un trouble de la mobilité intestinale : ce sont des
L’occlusion intestinale aiguë (OIA) est une URGENCE occlusions fonctionnelles.
MÉDICO-CHIRURGICALE TRÈS FRÉQUENTE qui peut
mettre en jeu le PRONOSTIC VITAL. Elle revêt plu- A. LES OCCLUSIONS MÉCANIQUES :
sieurs aspects cliniques que tout omnipraticien doit L’obstacle mécanique responsable de l’occlusion intesti-
connaître. nale peut intervenir de 2 façons différentes : par obtura-
tion de la lumière intestinale ou par strangulation.

I. DÉFINITION - GÉNÉRALITÉS 1/LES OCCLUSIONS PAR OBTURATION :


(OBJECTIF N° 1) : a/Définition :
L’obturation n’intéresse que la lumière intestinale.
L’occlusion intestinale aiguë se définit comme étant un
arrêt complet et permanent du transit intestinal. Cet ar- b/Étiologies :
rêt peut siéger de l’angle duodéno-jéjunal jusqu’au rec- Dans les occlusions mécaniques par obturation, la cause
tum. peut être :
L’occlusion intestinale réalise un syndrome abdominal
aigu. C’est une urgence abdominale fréquente pouvant Obstacle endoluminal : au niveau du grêle la lumière in-
mettre en jeu le pronostic vital. Elle réclame un diagnos- testinale peut être obturée par les corps étrangers : les
tic précoce et une prise en charge dans un service de plus fréquents sont :
chirurgie. Son diagnostic, surtout clinique, se caracté- • les calculs biliaires qui ont migré dans l’intestin par l’in-
rise par un polymorphisme symptomatique en rapport termédiaire d’une fistule bilio-digestive le plus souvent
avec la multitude des étiologies. La démarche diagnos- cholécysto-duodénale ; ils réalisent un iléus biliaire,
tique doit être méthodique : • des aliments indigestes riches en cellulose et ingérés
• il faut d’abord reconnaître le syndrome occlusif, en grande quantité peuvent se voir chez l’enfant. On en
• apprécier et corriger le retentissement physiopatholo- rapproche le trichobézoard (obturation par un amas de
gique, cheveux déglutis chez des malades mentaux).
• identifier le siège et le mécanisme afin de reconnaître
la cause et guider l’attitude thérapeutique. Obstacle pariétal :
• une tumeur bénigne ou maligne du grêle ou du côlon
(adénocarcinome +++),
II. MÉCANISME DES OIA (OBJECTIF N° 2) : • une sténose due à une iléite inflammatoire (tubercu-
lose, maladie de Crohn) ou cicatricielle (post-trauma-
L’arrêt des matières et des gaz dans l’intestin peut être tique) postopératoire ou post-radique,
dû : • une atrésie limitée ou étendue du grêle chez le nou-
• soit à l’existence d’un obstacle mécanique qui empêche veau-né.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 97


Une compression extrinsèque : Invagination intestinale aiguë : c’est le télescopage d’un
• par une tumeur d’un organe de voisinage qui peut être segment intestinal dans celui situé immédiatement en
bénigne (kyste de l’ovaire, fibrome, kyste du mésentère) aval. L’invagination intéresse aussi bien l’anse que son
ou maligne (carcinose péritonéale), méso. Elle est considérée comme une forme particu-
• par une adhérence postopératoire fibreuse. lière de strangulation associant à la fois une obstruction
de la lumière et des compressions vasculaires respon-
2/LES OCCLUSIONS PAR STRANGULATION : sables d’ischémies et de nécrose.
a/Définition : L’invagination intéresse essentiellement le grêle et se
La striction particulièrement serrée intéresse non seu- voit surtout chez le nouveau-né. Chez l’adulte, les in-
lement l’intestin, mais aussi le contenu vasculaire du vaginations sont rares elles représentent 5 à 10  % des
mésentère. occlusions. Elles sont dues à une anomalie de la paroi
Il en résulte non seulement des signes de dilatation in- intestinale (tumeur, polype, hyperplasie lymphoïde, lym-
testinale en amont, mais surtout des troubles circula- phome digestif ou diverticule de Meckel). Chez l’enfant,
toires précoces responsables de lésions graves irréver- l’invagination peut survenir sans cause apparente. Les
sibles en l’absence de traitement chirurgical bien mené. invaginations iléo-iléales et iléo-cæcales sont les plus
L’ischémie intestinale peut aller jusqu’à la nécrose et la fréquentes.
perforation.
B. LES OCCLUSIONS FONCTIONNELLES :
b/Étiologies : 1/DÉFINITION :
Les occlusions par strangulation touchent en pratique Ces occlusions relèvent d’une altération de la motricité
essentiellement le grêle. intestinale, en l’absence de tout obstacle mécanique.
Ces occlusions fonctionnelles pures ne nécessitent au-
Bride péritonéale : dans la majorité des cas l’étrangle- cune action directe sur le grêle.
ment est dû à une bride péritonéale postopératoire+++
La bride péritonéale peut entraîner : 2/ÉTIOLOGIES :
• un étranglement simple, L’altération de la motricité intestinale peut être d’origine
• une coudure aiguë, locale ou générale, de cause réflexe ou inflammatoire.
• un capotage de l’anse On distingue les causes chirurgicales et les causes mé-
• ou une véritable torsion axiale réalisant un volvulus du dicales.
grêle.
Le volvulus est provoqué par des mouvements péris- a/Les causes chirurgicales :
taltiques du grêle en amont d’un obstacle mécanique L’inflammation de la séreuse péritonéale provoque la pa-
à la façon d’un tuyau d’arrosage qui se tord lorsqu’on ralysie de la musculature sous-jacente. Ce mécanisme
l’écrase. se voit dans :
Le plus souvent l’obstacle est une bride postopératoire • Les péritonites aiguës où les anses baignent dans un
située au sommet de l’anse ou enserrant ses deux pieds, liquide purulent.
mais il peut siéger à distance de l’anse volvulée, être • Les foyers inflammatoires circonscrits : abcès appen-
pariétal (hernie) ou intestinal ; de sorte que toute cause diculaires, cholécystite, foyer septique intrapéritonéal
d’occlusion par obstruction peut entraîner en plus un postopératoire.
volvulus du grêle en amont +++. • L’obturation vasculaire mésentérique par thrombose
Chez le nouveau-né le volvulus du grêle est souvent lié à ou embolie où l’ischémie artérielle et le défaut de re-
une anomalie congénitale (mésentère commun, défaut tour veineux sont responsables d’une atonie paraly-
d’accolement ou malrotation). tique du segment intéressé.
Enfin, dans certains cas, le volvulus survient en dehors
de toute cause décelable. b/Les causes médicales :
• Dérèglement du système nerveux moteur de l’intestin
L’étranglement herniaire est une cause d’occlusion par par l’intermédiaire des filets nerveux sympathique et
strangulation. Il s’agit de l’incarcération d’une anse avec parasympathique.
son méso dans un anneau fibreux. Il peut s’agir : • Occlusion réflexe ou cours des coliques hépatiques et
• d’une hernie externe (pariétale), crurale, inguinale, surtout coliques néphrétiques.
ombilicale
• ou interne dans un orifice normal ou pathologique : C. LES OCCLUSIONS MIXTES :
• orifices normaux  : hiatus de Winslow, fossettes para- Sont des occlusions mécaniques et fonctionnelles ; les
duodénales, fossette rétrocæcale. deux mécanismes sont difficilement dissociables.
• orifices anormaux : Une occlusion fonctionnelle qui se prolonge peut se
- congénitaux : brèche congénitale du mésocôlon compliquer par une plicature intestinale, un capotage
transverse, du mésentère, du ligament large. ou une torsion d’anses alourdies par la rétention liqui-
- acquis surtout créés par une intervention chirurgi- dienne. Une occlusion initialement fonctionnelle peut
cale antérieure. devenir mécanique.

Volvulus du côlon  : les seules occlusions du colon par


strangulation sont les volvulus du côlon (volvulus du sig-
moïde +++).

98 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


III. PHYSIOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 3) : L’hyperhémie de la paroi intestinale et l’augmentation
de la pression sont responsables de la stase circulatoire
Le syndrome général de l’occlusion réalise un tableau de pariétale, pouvant aboutir à la nécrose et au sphacèle
choc hypovolémique comparable à celui du choc trau- (perforation) de l’anse.
matique, dominé par la notion d’ischémie plasmatique.
L’apparition et l’intensité du choc occlusif sont directe- 3/CONSÉQUENCES GÉNÉRALES :
ment proportionnelles au degré de la distension de l’in- Sont d’ordre humoral et clinique.
testin grêle qui doit être tenu pour responsable de la plu- Les conséquences humorales du 3e secteur sont impor-
part des troubles généraux. tantes à préciser, et ce dans un but thérapeutique. Les
Par ailleurs, les strangulations ajoutent un facteur vas- fuites plasmatiques sont responsables :
culaire qui leur confère une gravité particulière. • d’une hémoconcentration avec hyperglobulie, élévation
de l’hématocrite, hyperleucocytose et hyperprotidémie.
A. DISTENSION INTESTINALE : • des troubles hydroélectrolytiques avec hypochlorémie,
La distension intestinale est commune à toutes les oc- hyponatrémie, hypokaliémie (facteur de parésie intesti-
clusions du grêle. nale) et hyperazotémie, d’autant plus marqués que les
vomissements sont plus abondants.
1/LES CAUSES :
La distension du grêle est la conséquence directe de Les conséquences cliniques sont un état de choc :
l’arrêt du transit. Celui-ci entraîne une accumulation de • ce choc est dans un premier temps latent avec peu
liquides et de gaz en amont de l’obstacle, une hyperpres- d’expression clinique.
sion et finalement après une phase de lutte intestinale • dans un second temps, ce choc devient patent. Cet état
une dilatation passive. de choc va retentir sur les principales fonctions  : ré-
Les liquides sont ceux : nale, cardiaque, pulmonaire, hépatique, mettant ainsi
• que la malade a ingéré avant l’occlusion, le pronostic vital en jeu. En réalité, la gravité de l’état de
• les liquides de sécrétion gastro-intestinale (81/j) nor- choc dépend certes du moment évolutif, mais surtout
malement réabsorbés par le colon et l’iléon distal, du siège de l’obstacle et plus encore du mécanisme de
• le liquide d’exhémie plasmatique dans la lumière intes- l’occlusion et du terrain.
tinale.
Les gaz proviennent pour une faible part des fermenta- B. CARACTÈRES PROPRES AUX
tions intestinales et pour une grande part de l’air dégluti. STRANGULATIONS SERRÉES :
L’intestin distendu perd la plus grande partie de son pou- Dans les strangulations particulièrement serrées, qu’il
voir absorbant et contribue à accroître l’accumulation s’agisse de volvulus d’étranglement par une bride ou
aéroliquidienne. d’incarcération d’une anse dans un anneau fibreux, l’évo-
lution clinique de l’affection et parfois si rapide que dans
2/CONSÉQUENCES LOCALES : certains cas la distension intestinale n’a pas le temps de
La distension intestinale progressivement croissante en- se produire.
traîne : La gravité des occlusions par strangulation serrée tient
une altération des plexus nerveux intramuraux de l’in- en fait à plusieurs facteurs :
testin grêle ; celle-ci est responsable • D’abord à une gêne immédiate à la circulation veineuse
• d’une paralysie et d’une atonie intestinale qui favori- de retour de l’anse occluse alors que le courant artériel et
sent encore la distension. indemne et continue à arriver (les parois sont plus résis-
• d’une atteinte des plexus nerveux périvasculaires qui tantes). Il en résulte une hémorragie précoce dans la pa-
accroît l’exhémie plasmatique roi et la lumière intestinale, mais aussi dans le péritoine.
et les troubles circulatoires au niveau de la paroi intesti- • Secondo au passage dans le péritoine (à travers des
nale même. La pression intra-intestinale devient et de fa- parois intestinales devenues perméables) et à la ré-
çon progressive plus importante que la pression veineuse, sorption par la séreuse péritonéale de liquides hy-
il en résulte un encombrement vasculaire avec stase lym- pertoxiques et septiques provenant de l’anse volvulée
phatique et surtout veineuse considérable ; d’où : en voie de nécrose et de perforation. Ce passage de
• des troubles anoxiques locaux, germes peut être à l’origine de décharges bactériennes
• une augmentation de la perméabilité capillaire, et d’un état de choc septique grave pouvant compro-
• une fuite plasmatique hors des vaisseaux (vers la mettre le pronostic d’autant plus qu’il vient aggraver un
grande cavité péritonéale, dans les parois de l’intestin état de choc hypovolémique.
et vers la lumière intestinale) responsable de la consti-
tution du 3e secteur et contribuant à l’installation d’un C. PARTICULARITÉ DES OCCLUSIONS
véritable cercle vicieux. COLIQUES :
Sur le plan général, la constitution du 3e secteur va L’obstacle colique va entraîner une distension en amont
contribuer à diminuer la masse sanguine circulante et qui peut intéresser le grêle lorsque la valvule de Bauhin
par conséquent à une hypovolémie et des troubles hé- n’est pas continente. En revanche, lorsque la valvule de
modynamiques qui aggravent encore l’anoxie intestinale. Bauhin s’avère continente, il se produit une distension
On conçoit dès lors, l’importance fondamentale de cæcale importante puis une perforation cæcale dite dias-
l’aspiration digestive comme moyen de lutte contre la tatique entraînant une péritonite stercorale avec un état
distension intestinale et ses conséquences locales et de choc septique gravissime mettant rapidement en jeu
générales. le pronostic vital.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 99


IV. ANATOMOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 4) : trois. Habituellement l’arrêt des matières et des gaz est
le signe le plus précoce et le plus constant. Il peut être
L’aspect de l’anse varie en fonction de la cause et de difficile à apprécier au début.
l’heure de l’occlusion.
Les lésions anatomopathologiques évoluent schémati- LE MÉTÉORISME INTESTINAL est la traduction objective
quement en 3 stades : du syndrome occlusif. Il est présent trois fois sur quatre.
• Stade de congestion passive  : l’anse est distendue Le météorisme se traduit par une voussure de la paroi
ses parois sont amincies, blanchâtres et lisses la paroi abdominale, de forme et de situation variable. Il peut être
laisse sourdre vers le péritoine et la lumière intestinale diffus intéressant tout l’abdomen ou localisé.
une sérosité de même composition que le plasma. À ce Il est essentiel de rechercher si le météorisme est im-
stade la vitalité de l’anse n’est pas compromise. L’anse mobile ou animé d’ondulations péristaltiques. Ces on-
peut reprendre son péristaltisme quelques minutes dulations se voient lors des paroxysmes douloureux. On
après la levée de l’obstacle. précisera au cours de l’examen leur point de départ et
• Stade d’ischémie  : l’anse est inerte, ecchymotique, leur point d’arrivée qui sont fixes.
rouge foncé puis violacée. La paroi intestinale est alour- À l’inspection, on doit également rechercher une cica-
die, infiltrée par l’extravasation sanguine. À ce stade, et trice abdominale. Celle-ci est d’un grand apport pour le
en per opératoire se pose le diagnostic de vitalité de diagnostic étiologique.
l’anse et par conséquent la conservation ou la résec- Le météorisme donne à la palpation une sensation de ré-
tion intestinale. sistance élastique ou un durcissement intermittent lors
• Stade de nécrose et de perforation  : les ulcérations d’une ondulation péristaltique. L’abdomen est distendu,
apparues initialement au niveau de la muqueuse mais il est souple et dépressible. Il n’y a pas de contrac-
touchent maintenant toutes les couches de l’intestin. ture pariétale (signe négatif majeur). La palpation systé-
L’anse est grisâtre, couleur feuilles mortes très amin- matique des orifices herniaires (inguinal, crural, ombili-
cie aux endroits où elle va se perforer. À ce stade, la cal) doit rechercher une tuméfaction d’apparition récente
vitalité est compromise, la résection s’impose. douloureuse, non réductible et non impulsive à la toux.
La palpation doit également rechercher un point dou-
Dans les occlusions par strangulation les lésions appa- loureux, une défense localisée ou une masse palpable
raissent et évoluent rapidement. dont il faut préciser les caractéristiques de siège et de
Les lésions sont maximales au lieu même de l’étrangle- mobilité.
ment où l’agent causal provoque rapidement un sillon Le toucher rectal est systématique. Il doit rechercher
circulaire de sphacèle intéressant toute la lumière de une tumeur rectale basse sténosante ou un fécalome.
l’intestin. La percussion confirme le météorisme. Elle se traduit
par une sonorité métallique et une matité mobile et dé-
clive des flancs.
V. DIAGNOSTIC POSITIF (OBJECTIF N° 5) : L’auscultation a pour but de rechercher des bruits hy-
droaériques. Ceux-ci peuvent être absents ou présents
A. TABLEAU CLINIQUE : spontanément, témoignant de l’existence d’un péristal-
Le syndrome occlusif est défini cliniquement par une té- tisme qui veut vaincre un obstacle en aval de lui.
trade symptomatique constituée par :
• trois signes fonctionnels : douleur, vomissement et ar- DEVANT CE SYNDROME OCCLUSIF ONT DOIT :
rêt des matières et des gaz, • mener un interrogatoire précis,
• un signe physique : le ballonnement abdominal. • rechercher des signes de gravité,
• procéder à un examen des différents organes.
LA DOULEUR abdominale est le signe d’alarme constant
qui constitue la principale cause de consultation en ur- Interrogatoire :
gence. Elle apparaît, sans facteur déclenchant particu- Un interrogatoire bien mené permet de préciser :
lier, à début variable brutal ou progressif. La douleur est • les caractéristiques des signes cliniques qui ont motivé
souvent intense et vive évoluant par paroxysmes entre- la consultation,
coupés par des périodes d’accalmie. Parfois la douleur • les antécédents médicaux et chirurgicaux du malade.
est discrète évoluant de façon continue. Les antécédents chirurgicaux font partie intégrante de
Le siège est extrêmement variable, surtout au début. Il l’enquête diagnostique. Il faut préciser la nature des in-
peut être péri ombilical, localisé à un quadrant ou diffus. terventions abdominales subies.

LES VOMISSEMENTS sont souvent précédés par des Recherche de signes de gravité :
nausées, sont habituels, répétés à des intervalles va- Elle permet d’apprécier la gravité des lésions et de porter
riables et plus ou moins abondants. Ils sont d’abord ali- rapidement l’indication opératoire. L’examen doit recher-
mentaires puis bilieux et peuvent devenir fécaloïdes. Les cher des signes de choc hypovolémique (accélération du
vomissements soulagent la douleur une fois sur trois pouls, pincement de la TA, polypnée, pâleur, signes de
dans les occlusions du grêle et rarement dans les occlu- déshydratation avec sensation de soif, pli cutané et sé-
sions coliques. cheresse de la muqueuse buccale, des urines foncées
et rares), une température élevée et une défense abdo-
L’ARRÊT DES MATIÈRES ET DES GAZ est le signe ma- minale. Ces signes témoignent d’une souffrance intes-
jeur qui définit l’occlusion. Il est signalé deux fois sur tinale.

100 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Examen complet : gazeux, elles réalisent des images de bulles ou des ar-
L’examen doit intéresser tous les organes avec une at- ceaux.
tention particulière pour les patients âgés à la recherche • Les bulles gazeuses :
de tares. Correspondent au sommet d’une anse par ailleurs
Au terme de cet examen, le diagnostic d’occlusion évo- pleine de liquide, leur limite supérieure est réguliè-
qué, le malade doit être hospitalisé. Une réanimation rement convexe et leur limite inférieure horizontale
sera immédiatement entreprise en vue de le préparer à correspondant à la ligne de niveau liquide caractéris-
une éventuelle intervention : mise en place d’une sonde tique.
naso-gastrique, d’une sonde vésicale et d’un abord vei- −Sur
− le grêle les bulles sont peu volumineuses et en
neux. On surveillera les constantes hémodynamiques, la général plus larges que hautes surtout sur les clichés
diurèse, la température et l’état de l’abdomen. de décubitus latéral, où la bulle mobile occupant la
partie la plus large de l’anse s’étale en largeur.
B. EXAMENS PARACLINIQUES : −Sur
− le colon, elles sont plus volumineuses, plus hautes
L’examen paraclinique doit comporter obligatoirement : que large et d’une clarté plus nette en raison de la
• Un bilan morphologique. prédominance des gaz.
• Un bilan biologique. • Les arceaux gazeux :
Correspondent à un épanchement gazeux prédominant
1/BILAN MORPHOLOGIQUE : qui occupe non seulement le sommet, mais aussi les
Un bilan radiologique doit être fait en urgence pour toute 2 jambages de l’anse sur une hauteur variable et pas
suspicion d’occlusion intestinale. Ce bilan radiologique a toujours identique des deux cotés.
pour buts : −Sur
− le grêle  : les arceaux sont souvent multiples li-
• de confirmer ou d’affirmer le diagnostic d’occlusion mités en bas par 2 petites lignes à niveau horizontal,
• d’en préciser le siège, le mécanisme et parfois la cause. parfois, une des branches de l’arceau s’effile en pointe
L’imagerie à visée diagnostique comporte : que prolonge un chapelet de fines bulles rondes ; c’est
l’image en cornue, que l’on peut observer dans les oc-
a/Des clichés standards sans préparation : clusions incomplètes du grêle.
La radiographie sans préparation de l’abdomen est un −Sur
− le côlon  : les arceaux sont volumineux et moins
examen essentiel. C’est un examen rapide et facile. nombreux siégeant sur le sigmoïde, le côlon trans-
Deux clichés sont demandés de façon systématique : verse, aux angles droit et gauche, la colonne gazeuse
• de face en position debout, est souvent très haute et les lignes de niveaux liquides
• de face en décubitus dorsal. sont basses et décalées.
Si le patient ne peut pas se mettre en position debout, • Diagnostic topographique :
on réalise un cliché en décubitus latéral avec des rayons Les images élémentaires sont plus au moins nom-
horizontaux. breuses et sont disposées de façon variable sur le grêle
Dans tous les cas, les clichés doivent être de grand for- et le côlon.
mat, prenant toute la cavité abdominale des coupoles −
−Sur le grêle  : les images sont d’autant plus nom-
diaphragmatiques au pelvis, flancs compris. breuses que l’obstacle siège plus bas et que l’occlu-
sion est plus ancienne. Les images hydroaériques
L’analyse des clichés de l’abdomen sans préparation doit sont précoces, elles apparaissent 2 à 3 heures après
être faite de façon minutieuse sur un négatoscope. Elle le début de l’occlusion et dans certains cas alors
doit se porter sur l’architecture osseuse et le contenu même qu’il n’existe aucun signe physique. Sur le plan
abdominal. On doit surtout étudier les images hydroaé- pratique, un seul niveau liquide indiscutable suffit au
riques, les modifications de la paroi intestinale et l’épan- diagnostic. Plus tard les images hydroaériques se
chement péritonéal qui sont les conséquences physiopa- multiplient et se répartissent selon les possibilités sur
thologiques de l’occlusion. un axe oblique en bas et à droite. Les anses jéjunales
• Normalement en dehors de toute occlusion, l’abdomen sont verticales dans l’hypochondre gauche, à gauche
sans préparation ne montre que : de l’estomac et donnent le classique aspect « en tuyau
−la
− poche à air gastrique sous-diaphragmatique gauche d’orgue ». Les anses iléales s’entassent horizontale-
empiétant largement sur l’ombre du rachis, ment devant le rachis au centre de l’abdomen et dans
−une
− bulle gazeuse inconstante au niveau du génu su- le bassin elles donnent par superposition des images
pérus, « en damier » « en marche d’escalier » particulières
−une
− discrète aéroiléie terminale et aux occlusions du grêle. À l’opposé et au tout début,
−quelques
− gaz coliques. on ne peut observer qu’une simple image gazeuse
• En cas d’occlusion, la distension intestinale se traduit anormale sans niveau liquide visible. Si l’image est
radiologiquement par : fixe, unique et bien localisée correspondante à une
−des
− images hydroaériques qui sont la traduction élé- zone douloureuse à la palpation, elle doit inciter à faire
mentaire de l’occlusion, répéter l’examen radiologique deux ou trois heures
−des
− modifications des parois et du volume intestinal, plus tard.
−un
− épanchement péritonéal est souvent associé. −
−Sur le colon : les segments fixes (colon droit et côlon
−− descendant) donnent des images qui siègent toujours
(a) Les images hydroaériques : à la périphérie de l’abdomen dans l’aire habituelle du
Elles sont particulièrement nettes sur les clichés en cadre colique. Les segments mobiles par contre (cæ-
position debout. Selon l’importance de l’épanchement cum, sigmoïde et transverse) lorsqu’ils sont distendus

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 101


par l’occlusion n’ont pas toujours cette topographie l’étiologie. Cet examen nécessite un certain nombre de
périphérique et peuvent fort bien se projeter au milieu précautions pour éviter des complications inhérentes et
de l’abdomen ou même du côté opposé à leur situa- graves comme la perforation du colon.
tion normale.
−− c/Échographie abdominale :
(b) Les modifications de la paroi intestinale : Elle est peu performante en matière d’occlusion intesti-
Elles ne sont visibles que sur les anses où la distension nale à cause de l’interposition de gaz. Elle permet, dans
gazeuse prédomine. les meilleurs des cas, de mettre en évidence une collec-
tion intrapéritonéale, un iléus biliaire, une lithiase urété-
• Le relief externe : rale ou une invagination intestinale. Associée au Doppler,

−Sur le grêle  : la paroi externe des anses dilatées elle permet d’apprécier le flux sanguin mésentérique.
est lisse elle est amincie dans les occlusions méca-
niques, épaissie dans les occlusions inflammatoires d/Examen scannographique :
ou lorsque le liquide péritonéal s’infiltre entre deux La contribution de l’examen scannographique peut être
anses accolées. apportée par la détermination de la cause de l’occlusion.

−Sur le colon  : la surface externe présente des bos- C’est un examen qui trouve peu de place devant d’autres
selures toujours visibles, la paroi est plus épaisse que moyens plus simples, plus rapides et plus efficaces. Il
sur le grêle. trouve son indication dans les occlusions sur abdomen
non cicatriciel et en dehors des hernies étranglées.
• Le relief interne : on voit nettement les plis intestinaux
et les plis muqueux. 2/BILAN BIOLOGIQUE :

−Sur le grêle  : ils sont dus aux valvules conniventes Le bilan biologique doit être demandé de façon systéma-
d’autant plus nombreuses qu’il s’agit d’un segment tique dès l’admission chez tout malade porteur d’occlusion
plus haut situé : leur aspect permet donc de préciser intestinale. Il comportera essentiellement un groupage
le siège de l’anse dilatée. sanguin avec rhésus, un ionogramme, une numération

−Sur le côlon : où il n’y a pas de valvules conniventes, formule sanguine, une glycémie et une urée sanguine.
on distingue des haustrations qui délimitent les bos- Ces examens recherchent une hémoconcentration, une
selures. augmentation de l’urée sanguine, une augmentation de
la glycémie, une hyponatrémie, une hypokaliémie.
(c) L’épanchement péritonéal : La répétition de ces examens est nécessaire pour la sur-
Il est soit liquidien sérohépatique, soit gazeux. veillance et guider la réanimation.

• L’épanchement sérohématique :
Est particulièrement présent dans les occlusions par VI. DIAGNOSTIC DU SIÈGE (OBJECTIF N° 6) :
strangulation, il est bien visible sur les clichés de face
en décubitus. Il se traduit par : Aucun signe clinique ne permet à lui seul de faire le dia-
−des
− coulées opaques (petites opacités triangulaires) gnostic du siège, celui-ci repose sur un faisceau d’argu-
entre les anses dilatées, grisaille diffuse avec efface- ments cliniques et radiologiques (voir annexe).
ment des bords externes des psoas.
−dans
− les gouttières pariéto-coliques, l’épanchement A. OCCLUSION DU GRÊLE :
se traduit par une bande verticale sombre et homo- 1/SIGNES CLINIQUES :
gène entre le côlon refoulé en dedans et sa bande En faveur d’une occlusion haute plaident des signes
claire concave en dehors de sa graisse sous-périto- fonctionnels accentués, des signes généraux marqués et
néale. des signes physiques peu importants du moins au début.
−− La douleur est à début brutal, très vive et à paroxysmes
• Le pneumopéritoine : fréquents. Les vomissements sont précoces, fréquents,
Il signe la perforation d’un organe creux et s’intègre dans répétés, d’abord alimentaires puis deviennent rapide-
le cadre d’un tableau de péritonite compliquée d’occlu- ment bilieux.
sion réflexe, lorsqu’il est énorme, il est évident, il se tra- L’arrêt des matières et des gaz est difficile à mettre en
duit par un croissant gazeux souvent localisé en sous- évidence au début. L’état général s’altère rapidement
phrénique. Il est alors visualisé sur les clichés de face avec apparition précoce de choc.
debout prenant les coupoles. Le météorisme est discret. Quand il est présent, il est
Sur les clichés en décubitus latéral il se présente sous la localisé et médian.
forme d’une clarté sous pariétale discrète.
Quand le pneumopéritoine est peu abondant, il risque 2/SIGNES RADIOLOGIQUES :
d’être méconnu, l’attention étant fixée sur les images hy- Les clichés de l’abdomen sans préparation doivent être
droaériques. interprétés avec beaucoup d’attention. Ils ont un apport
diagnostic topographique considérable.
b/Clichés avec opacification : En faveur d’une occlusion du grêle (occlusion haute), on
Un lavement aux hydrosolubles peut être demandé pour retient :
localiser le siège exact de l’occlusion quand celle-ci est • Des niveaux hydroaériques centraux plus larges que
basse. hauts, avec des contours fins, de volume modéré, sou-
Il permet éventuellement de préciser le mécanisme et vent petits. Ces images hydroaériques multiples sont

102 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


souvent disposées selon un axe oblique en bas et à Il est essentiel de préciser s’il s’agit :
droite sur le cliché debout de face. • d’une occlusion mécanique nécessitant un acte chirur-
• Au niveau des anses jéjunales, les images hydroaé- gical urgent,
riques sont larges, disposées horizontalement au ni- • ou d’une occlusion fonctionnelle dont il faut déterminer
veau de l’hypochondre gauche. Les plis intestinaux sont l’étiologie.
fins et nombreux.
• Au niveau des anses iléales, les plis intestinaux sont A. OCCLUSIONS MÉCANIQUES :
rares ou absents, sans plis muqueux. Les images hy- On distingue :
droaériques sont basses disposées verticalement et se
projettent sur le rachis, donnant par superposition des 1/LES OCCLUSIONS PAR OBTURATION :
images en « marche d’escalier ». Elles sont les plus fréquentes et représentent les 2/3 des
En réalité l’interprétation radiologique n’est pas toujours occlusions qui se voient aussi bien au niveau du grêle
aussi évidente. La topographie des images peut ne pas qu’au niveau du colon. Les obstacles intra luminaux
être caractéristique. Le calibre du grêle peut devenir pariétaux ou les compressions extrinsèques sont les
considérable et le nombre des images peut être restreint. causes les plus incriminées.
Ces occlusions ne sont pas nécessairement complètes
B. OCCLUSION COLIQUE : ce qui explique que certaines d’entre elles cèdent sous
En faveur d’une occlusion colique (occlusion basse) plai- traitement médical et aspiration naso-gastrique.
dent des signes fonctionnels atténués, des signes géné- Ces occlusions se caractérisent par un début progressif.
raux peu marqués et des signes physiques majorés. Des crises douloureuses ou un syndrome de König pré-
Les images radiologiques sont souvent caractéristiques. cédent l’occlusion. L’état général est souvent conservé.
1/SIGNES CLINIQUES : Le météorisme est diffus et important. Il est mobile, ani-
• La douleur est peu intense, atténuée, à paroxysme peu mé d’ondulation péristaltique et gargouillant.
net, diffuse, et souvent sous ombilicale.
• Les vomissements sont très tardifs et souvent rempla- 2/LES OCCLUSIONS PAR STRANGULATION :
cés par des nausées. Ces vomissements sont d’abord C’est le mécanisme le plus fréquemment rencontré au
alimentaires puis bilieux. Quand elles deviennent féca- niveau du grêle. L’élément de gravité de ces occlusions
loïdes, elles témoignent de l’ancienneté de l’occlusion réside dans les faits suivants :
et imposent un acte chirurgical rapide. • la vascularisation du segment intestinal occluse est
• L’arrêt des matières et des gaz est net, absolu et pré- compromise,
coce. L’état général est conservé. Le météorisme est • en absence de traitement, l’évolution se fait inélucta-
rapidement volumineux. blement et rapidement vers l’ischémie, la nécrose et la
perforation,
2/SIGNES RADIOLOGIQUES : • l’occlusion est complète et irréversible en l’absence de
a/L’ASP : traitement chirurgical.
Sur les clichés de l’abdomen sans préparation les En faveur de l’occlusion par strangulation plaident les
images hydroaériques sont peu nombreuses, mais vo- signes cliniques suivants :
lumineuses, plus hautes que larges, disposées en péri- Le début est brutal, marqué par des douleurs abdo-
phérie sur le trajet du cadre colique. La paroi est épaissie minales survenant par crises et évoluant sur un fond
avec des haustrations qui ne traversent pas la totalité de continu. Les vomissements sont précoces et incessants.
la lumière. L’état général est rapidement altéré.
Le météorisme est peu important, il est localisé, tympa-
b/Le lavement aux hydrosolubles : nique et douloureux. Il est immobile, sans ondulations
L’opacification du cadre colique aux hydrosolubles peut péristaltiques et traduit une inertie intestinale.
être demandée en cas de doute diagnostic et en dehors Il n’y a pas de signes radiologiques pouvant différencier
de toute suspicion de perforation de viscère. Le lavement une occlusion par strangulation d’une occlusion pas
ne permet d’affirmer l’occlusion et son siège que lors- obstruction.
qu’il fournit des images constantes sur tous les clichés
et sur plusieurs incidences en montrant sans ambiguïté En réalité, cette distinction clinique entre occlusion par
la nature de l’obstacle : obturation ou par strangulation n’est que schématique
• Image lacunaire et sténosante en cas de cancer. et ne peut être observée qu’au tout début de l’occlusion.
• Image en cocarde ou en trident de l’invagination iléo- À un stade avancé, le tableau est souvent univoque : l’es-
cæcale. sentiel est donc de reconnaître l’occlusion mécanique
• Grosse distension aérique et spire colorectale avec pour poser rapidement l’indication opératoire.
image en bec d’oiseau dans le volvulus.
B. OCCLUSIONS FONCTIONNELLES :
Les occlusions fonctionnelles ou iléus réflexe sont la
VII. DIAGNOSTIC DU MÉCANISME conséquence d’une altération de la motricité intestinale
(OBJECTIF N° 7) : d’origine locale ou générale ; de cause réflexe ou inflam-
matoire.
Le diagnostic d’occlusion étant posé, il est important de En faveur d’une occlusion fonctionnelle plaident des élé-
préciser le mécanisme, car celui-ci conditionne l’attitude ments cliniques et surtout radiologiques.
thérapeutique.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 103


1/ÉLÉMENTS CLINIQUES : • bénigne  : léiomyomes, lipomes, neurinomes ou
La symptomatologie clinique est d’expression variable, schwanome.
marquée essentiellement : • maligne ; primitive ou le plus souvent secondaire. Les
• d’un météorisme volumineux, adénocarcinomes de l’angle duodéno-jéjunal ou jéju-
• d’une douleur paroxystique à type de crampes, no-iléal sont les tumeurs malignes primitives du grêle
• des vomissements, les plus pourvoyeuses d’occlusion. Elles se développent
• et surtout, d’un silence à l’auscultation abdominale. en virole et ont tendance à la sténose. Les localisations
gréliques secondaires à une tumeur digestive ou autres
2/ÉLÉMENTS RADIOLOGIQUES : peuvent se voir à plusieurs niveaux sur le grêle et se
L’occlusion fonctionnelle se caractérise par une dilata- manifester par un tableau d’occlusion par obstruction.
tion gazeuse uniforme et modérée intéressant à la fois
le grêle et le colon, une prédominance des images ga- d/Occlusion pour cause intra-luminale :
zeuses par rapport aux images hydroaériques et parfois L’obstruction de la lumière intestinale peut être faite par :
une image gazeuse localisée au niveau d’un segment Un corps étranger : phytobézoard ou trichobézoard, in-
d’anse. Le siège et le caractère segmentaire de la stase géré de façon accidentelle ou volontaire. Le corps étran-
gazeuse sur le grêle « anse sentinelle » est un élément ger peut se bloquer au niveau du duodénum, de la valvule
d’orientation diagnostique sur la pathologie primitive. de Bauhin ou de zones de rétrécissements patholo-
giques. Ces occlusions se manifestent cliniquement par
des douleurs, des nausées et des vomissements.
VIII. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE Iléus biliaire : un calcul biliaire après être passé à tra-
(OBJECTIF N° 8) : vers une fistule cholécysto-duodénale, se bloque au ni-
veau de la valvule de Bauhin.
A. OCCLUSIONS MÉCANIQUES : Le tableau clinique est celui d’une occlusion haute. Les
1/LES OCCLUSIONS DU GRÊLE : vomissements sont abondants, le ballonnement est peu
a/Occlusions sur bride : important. L’interrogatoire peut retrouver la notion de
La bride est la cause la plus fréquente des occlusions coliques hépatiques ou de lithiase vésiculaire connue et
intestinales aiguës. Les complications occlusives des documentée. La radiographie de l’abdomen sans prépa-
brides peuvent survenir après toute laparotomie de façon ration montre des niveaux hydroaériques plus larges que
précoce (dans l’année qui suit) ou tardive (des dizaines hauts, fréquents, mais également des images d’aérobi-
d’années après). Elles sont plus fréquemment rencon- lie qui signent la présence d’une fistule bilio-digestive
trées après chirurgie sous mésocolique, d’autant plus et plus rarement l’image d’un calcul radio opaque dans
que l’intervention était septique ou hémorragique. Les l’intestin.
brides peuvent être à l’origine d’une occlusion complète
(par étranglement ou par volvulus) menaçant ainsi la vi- e/Les occlusions par invagination :
talité de l’anse ou d’une occlusion incomplète liée à l’ag- C’est un mécanisme particulier très fréquemment ren-
glutination (plicature). La vitalité de l’anse n’étant pas ici contré chez l’enfant et le nourrisson. Seulement 5 à 16 %
compromise. des invaginations surviennent chez l’adulte.
L’invagination d’un segment de l’anse dans celui situé
b/Occlusion sur hernies étranglées : immédiatement en avant intéresse aussi bien l’anse
C’est la conséquence d’un passage d’un segment intesti- que son méso. La vascularisation est compromise. Les
nal au travers d’un orifice fibreux non extensible. risques d’œdème, d’hémorragie sous muqueuse, d’is-
Le tableau clinique est celui d’une occlusion par stran- chémie et de nécrose intestinale sont élevés. Selon le
gulation. On distingue : siège, on distingue l’invagination iléo-iléale, iléo-cæcale
Les hernies étranglées externes (les plus fréquentes)  : et colocolique. Chez l’adulte ces invaginations sont sou-
l’étranglement peut se faire à travers un orifice inguinal, vent en rapport avec l’existence d’une tumeur bénigne
crural ou ombilical. Le contenu du sac est variable, il dé- ou maligne.
pend du siège de la hernie. Le diagnostic est fait par le Autant ce diagnostic est facilement évoqué chez l’enfant
seul examen clinique. Il s’agit d’une tuméfaction doulou- devant une symptomatologie faite de douleurs abdomi-
reuse, non réductible et non impulsive à la toux siégeant nales paroxystiques, de vomissements, de rectorragies
au niveau d’un orifice herniaire. et de la palpation d’une tuméfaction sous forme de bou-
Les hernies étranglées internes : elles peuvent être ac- din ; autant chez l’adulte, il n’existe pas de signes ou de
quises ou congénitales : symptômes pathognomoniques.
• hernies internes acquises : elles sont rares et repré- Le caractère aigu et brutal de la douleur et la palpation
sentent 0,6 à 5,8  % des occlusions intestinales. Leur directe du boudin d’invagination sont les signes évoca-
diagnostic est souvent fait en per opératoire. teurs d’un tel diagnostic chez l’adulte.
• hernies internes congénitales  : elles sont en rapport Le plus souvent, le diagnostic est fait en per opératoire.
avec une anomalie congénitale. Les hernies internes
para duodénales droite et gauche sont les plus fré- 2/LES OCCLUSIONS DU COLON :
quentes. Elles sont asymptomatiques et de découverte a/Occlusions sur tumeurs pariétales :
per opératoire. Tumeurs pariétales néoplasiques  : toutes les tumeurs
développées à partir de l’une des différentes couches de
c/Occlusion sur tumeur pariétale : la paroi colique et ayant un développement intra luminal
Il peut s’agir d’une tumeur pariétale : peuvent être à l’origine d’une obstruction de la lumière

104 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


colique. Les adénocarcinomes type squirreux infiltrant notés une fois sur deux. L’arrêt des matières et des gaz
sont la cause la plus fréquente d’occlusion colique. Les n’est pas aussi net que dans le cas du volvulus du sig-
tumeurs sténosantes sont plus fréquentes au niveau du moïde. La radiographie de l’abdomen sans préparation
colon gauche. debout montre un énorme niveau hydroaérique sous
Le tableau clinique est celui d’une occlusion basse. phrénique gauche.
L’installation est progressive marquée par une douleur La colonoscopie quand elle est faite, permet de faire le
abdominale modérée, un ballonnement abdominal et un diagnostic et d’envisager un geste thérapeutique (détor-
arrêt des matières et des gaz. La palpation de l’abdomen, sion quand l’anse est encore viable).
souvent gênée par le météorisme, permet rarement de
mettre en évidence une masse abdominale. Le toucher c/Occlusions par obstacle intra-luminal :
rectal doit être systématique. Il permet de percevoir une La cause la plus fréquente est le fécalome  : c’est l’ac-
tuméfaction irrégulière, sténosante en cas de tumeur cumulation et le durcissement du bol fécal au niveau du
rectale accessible. rectum. Il est observé surtout chez les patients âgés,
Les clichés de l’abdomen sans préparation montrent grabataires et psychopathes présentant une constipation
des niveaux hydroaériques coliques qui orientent vers le tenace.
siège de l’occlusion. Dans 50 % des cas, les niveaux sont La radiographie de l’abdomen sans préparation montre
mixtes. Quand la valvule iléo-cæcale est imperméable au une aérocolie. Le toucher rectal perçoit un fécalome dur.
reflux de gaz, la distension du cæcum peut devenir consi-
dérable et expose au risque de perforation diastatique. d/Occlusion par compression extrinsèque :
Le lavement sous contrôle scopique permet de détermi- Toutes les tumeurs développées à proximité du cadre co-
ner le siège de l’obstacle et son caractère complet ou in- lique peuvent comprimer celui-ci ou l’envahir. L’effet de
complet. Les examens endoscopiques (coloscopie, recto- masse exercé ou l’infiltration pariétale colique par une
sigmoïdoscopies) ne peuvent être préconisés qu’en cas de tumeur extra colique peut perturber la motricité du co-
doute diagnostique et surtout en dehors de toute urgence lon et être à l’origine d’une occlusion souvent incomplète
chirurgicale ou de suspicion de perforation colique. ou d’installation progressive.
La pathologie en cause est souvent connue. La carcinose
Tumeurs pariétales inflammatoires : sigmoïdites : péritonéale et les tumeurs rétropéritonéales infiltrantes
L’inflammation ou la suppuration des diverticules co- non extirpables restent les causes les plus fréquentes.
liques se traduisent par un épaississement pariétal im-
portant pouvant être à l’origine d’un trouble de la motri- B. OCCLUSIONS FONCTIONNELLES :
cité colique ou d’une obstruction de la lumière colique. Tout foyer septique, infectieux ou inflammatoire intrapé-
Le tableau d’occlusion est d’installation progressive. ritonéale peut être à l’origine d’une perturbation de la
La palpation de l’abdomen révèle une tuméfaction dou- motricité intestinale et par conséquent à l’origine d’un
loureuse. Les signes généraux sont en rapport avec un tableau d’occlusion. Plusieurs affections chirurgicales
syndrome infectieux. La radiographie de l’abdomen sans ou médicales peuvent en être la cause :
préparation ou le lavement aux hydrosolubles orientent
le diagnostic. 1/AFFECTIONS CHIRURGICALES :
• Les appendicites méso-cœliaques, les sigmoïdites di-
b/Occlusions sur volvulus du colon : verticulaires et les cholécystites aiguës peuvent se tra-
Volvulus du sigmoïde : le tableau clinique typique est ce- duire par un tableau d’occlusion fébrile.
lui d’un patient connu porteur d’un dolichosigmoïde avec • L’hémopéritoine d’origine traumatique ou autre.
constipation chronique ou de notions de colopathies et • L’hématome rétropéritonéal.
de douleurs abdominales spontanément résolutives qui • L’ischémie intestinale aiguë avec nécrose intestinale.
consulte en urgence pour l’apparition de façon brutale
d’une douleur abdominale diffuse avec ballonnement. 2/AFFECTIONS MÉDICALES :
Les clichés de l’abdomen sans préparation permettent Les coliques néphrétiques et les pancréatites aiguës
dans plus des 2/3 des cas de faire le diagnostic. L’anse peuvent se manifester par un tableau d’occlusion. Le ta-
sigmoïdienne dilatée réalise l’aspect d’un « tube interne bès, l’hyper-parathyroïdie, la porphyrie et le saturnisme
coudé » dont le sommet atteint la coupole diaphragma- aussi.
tique gauche et dont les jambages convergent en bas au
niveau de la fosse iliaque gauche C. OCCLUSIONS POSTOPÉRATOIRES
Le lavement opaque ne doit être demandé qu’en cas de PRÉCOCES :
doute diagnostique et en dehors de toute suspicion de Il s’agit d’un tableau d’occlusion qui survient dans les
perforation digestive. Celui-ci peut montrer une image jours qui suivent l’intervention chirurgicale alors que le
effilée en « cornue » ou en « bec d’oiseau ». malade n’a pas encore quitté l’hôpital.
La recto-sigmoïdoscopie permet de confirmer le dia- Le diagnostic est très difficile. La douleur abdominale, le
gnostic et d’apprécier l’état de la muqueuse sigmoï- ballonnement, les nausées, les vomissements et l’arrêt
dienne au niveau de la zone de torsion. Elle permet aussi des gaz sont généralement des symptômes habituels en
sa détorsion. phase postopératoire précoce.
Le mécanisme de cette occlusion peut être mécanique,
Volvulus du cæcum : le tableau clinique est celui d’une fonctionnel ou mixte.
occlusion mixte avec douleur abdominale centrale et Le diagnostic différentiel avec un retard de reprise de
un ballonnement asymétrique. Les vomissements sont transit est difficile.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 105


IX. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 9) : • En cas de hernie étranglée :
−Réduction
− et cure de la hernie par voie élective.
A. BUT : −Résection
− intestinale et rétablissement de la continui-
• Lever l’obstacle. té par voie médiane si nécrose intestinale.
• Rétablir un transit normal. −En
− cas de tumeur sténosante du grêle  : résection +
• Prévenir la récidive. anastomose en un seul temps habituellement.

B. TRAITEMENT MÉDICAL : • En cas de tumeur colique sténosante :


La réanimation doit être entamée dès l’admission du −Colostomie
− d’amont. Geste rapide et simple, a pour
malade. Elle a pour but de corriger les perturbations but de rétablir le transit en amont de l’obstacle. C’est
hydro-électrolytiques et acido-basiques. Elle doit être le traitement de l’occlusion en urgence. Le traitement
poursuivie en pré, per et postopératoire jusqu’à rétablis- étiologique et le rétablissement se feront en un deu-
sement du transit. Elle comprend surtout : xième temps.
• La mise en place d’une sonde naso-gastrique qui per- −Résection
− colique gauche emportant la tumeur
met d’aspirer le contenu gastrique et de supprimer les et confection d’une colostomie type Hartmann ou
vomissements. Bouilly-Volkman. Le rétablissement de la continuité
• La mise en place d’une voie veineuse qui doit permettre se fait après préparation adéquate du malade et ex-
de compenser les pertes hydroélectrolytiques (elle ploration colique.
s’intéresse surtout à la compensation des déficits hy- −Résection
− colique totale (colectomie totale) avec réta-
drique, potassique et chloré). blissement iléo-rectal.
• La mise en place d’une sonde vésicale. −Résection
− colique droite et rétablissement iléo-trans-
La surveillance doit être portée sur les signes cliniques, verse en un seul temps.
les constantes hémodynamiques, l’auscultation pulmo- −−
naire et la diurèse. • En cas de volvulus du colon :
−Détorsion
− et fixation colique : colopexie.
C. TRAITEMENT CHIRURGICAL : −Résection
− colique et rétablissement de la continuité
1/QUI OPÉRER ? en un temps (colostomie de proche amont) ou en deux
• Tout malade présentant une occlusion mécanique ne temps après confection d’une colostomie.
répondant pas à l’aspiration naso-gastrique et à la réa-
nimation. D. RÉSULTATS :
• Tout malade présentant une occlusion avec des signes La mortalité est comprise entre 3 et 5  % dans les oc-
de souffrance intestinale. clusions par strangulation en dehors de toute résection
intestinale. Elle est supérieure à 15 % quand il y a une
2/QUAND OPÉRER ? nécrose intestinale. La moitié des décès observés après
Après une réanimation adéquate préparant la malade à occlusion sont en rapport avec la strangulation.
un acte chirurgical.

3/COMMENT OPÉRER ? X. CONCLUSION :


L’idéal est de traiter l’occlusion et son étiologie en un
seul temps, mais si l’état local (risque septique, colon L’occlusion intestinale aiguë est une urgence chirurgi-
non préparé et très distendu) ou l’état général (malade cale. Elle se caractérise par son polymorphisme clinique
taré) ne le permettent pas, le traitement chirurgical se lié à une grande diversité étiologique. Quand l’occlusion
fera en plusieurs temps. est par strangulation, l’intervention doit être rapide avant
la constitution de lésions irréversibles.
4/VOIES D’ABORD : Dans les occlusions intestinales aiguës, l’examen cli-
• Laparotomie : nique prend toute son importance. Il permet le diagnos-
• Médiane : voie large qui permet l’exploration et le trai- tic, oriente l’attitude thérapeutique, et décide de l’heure
tement étiologique. de l’intervention.
• élective  : permet de rétablir le transit en amont de Le pronostic dépend de la rapidité et de la qualité de la
l’obstacle par la confection d’une stomie. prise en charge.
• Cœlioscopie  : de plus en plus utilisée. Elle permet la
résection des brides. Elle diminue le risque de récidive.

5/MÉTHODES ET INDICATIONS :
Les méthodes chirurgicales dépendent de l’étiologie.
• En cas de brides :
−Résection
− des brides.
−Résections
− des brides avec résection intestinale si vi-
talité compromise. Le rétablissement se fait souvent
en un seul temps.

106 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


ANNEXES
TABLEAU : DIAGNOSTIC DE SIÈGE.
Grêle Colon
Signes cliniques :
S’altère rapidement Longtemps conservé
État général
Brutal Incidieux
Début
Vives et paroxystiques Peu intense
Douleurs
Précoces et fréquents Tardifs
Vomissements
Tardif Précoce et net
Arrêt des matières et des gaz
Discret et médian Volumineux
Météorisme
Signes radiologiques (ASP)
Niveaux hydroaériques Centraux, plus larges que hauts Périphériques, plus hauts que larges
Paroi intestinale Plis muqueux Haustrations

ICONOGRAPHIES :

TDM montrant une OIA secondaire


à une hernie crurale étranglée TDM montrant une OIA secondaire
à un cancer du sigmoïde

TDM montrant une OIA secondaire


à une sténose inflammatoire de l’iléon

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 107


TESTS D’ÉVALUATION
Question n° 1 :
Test n° 1 (Objectif n° 1) :
L’occlusion intestinale aiguë se définit comme étant un arrêt complet et permanent du transit intestinal.
n Vrai n Faux

Test n° 2 (session mai 2015) : Quelles sont les différentes modalités chirurgicales face à une tumeur du côlon sigmoïde
en occlusion ?

Test n° 3 (session mai 2015) : Expliquer le mécanisme de la perforation diastatique du cæcum lors de l’occlusion intes-
tinale aiguë basse en rapport avec une tumeur sténosante du côlon sigmoïde.

Test n° 4 : Lors d’une OIA, les lésions anatomopathologiques évoluent schématiquement en 3 stades. Lesquels ? Les
décrire ?

Test n° 5 (Objectif n° 5) : Parmi les examens complémentaires suivants, indiquez celui qui doit être demandé de façon
systématique pour confirmer le diagnostic d’OIA :
a) ASP debout prenant les coupoles. b) ASP couché de face.
c) Un ionogramme. d) Un scanner
e) Lavement baryté

Test n° 6 (Objectif n° 7) : Tous les signes suivants sont en rapport avec une OIA par strangulation sauf un, lequel ?
a) Crises douloureuses abdominales à début brutal. b) Vomissements précoces incessants.
c) État général rapidement altéré. d) Présence d’une diarrhée.
e) Point douloureux fixe avec défense. f) Niveaux hydroaériques mixtes.

Test n° 7 (Objectif n° 8) : La bride est la cause la plus fréquente des OIA.
n Vrai n Faux

Test n° 8 (Objectif n° 8) : Le volvulus de cæcum et le volvulus du sigmoïde surviennent avec la même fréquence.
n Vrai n Faux

108 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Test n° 9 : Cas clinique : (session de Janvier 2015)
Un patient âgé de 43 ans consulte en urgence pour des douleurs abdominales avec arrêt des matières et des gaz évo-
luant depuis 48 h.
La TA est à 13/7 avec un pouls à 70 battements par min.
L’examen trouve un abdomen distendu et tympanique.
Le toucher rectal trouve une ampoule rectale vide.
La radiographie de l’abdomen sans préparation trouve des niveaux hydroaériques de type colique.
Vous retenez le diagnostic d’occlusion colique par obstruction.
1/Citez 2 examens radiologiques qui permettent de préciser la nature et le siège de l’obstacle.

Le patient a été opéré en urgence. L’occlusion est en rapport avec une tumeur du sigmoïde sténosante. Une intervention
de Hartmann est réalisée. La tumeur est classée pT3N1.
2/Décrivez brièvement cette intervention.

3/Quels sont les examens para cliniques (radiologiques et/ou endoscopiques) du bilan d’extension à faire en postopéra-
toire ?

4/Faut-il prescrire une chimiothérapie adjuvante ? Justifiez.

5/Quel est le marqueur tumoral biologique qui manque dans cette observation ?

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 109


CHOLÉCYSTITES AIGUËS

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir une cholécystite aiguë.
2. Décrire les mécanismes éthiopathogéniques d’apparition d’une cholécystite aiguë.
3. Citer les conséquences physiopathologiques d’une cholécystite aiguë.
4. Décrire les lésions anatomopathologiques pouvant être rencontrées au cours des cholé-
cystites aiguës.
5. Suspecter sur des éléments cliniques une cholécystite aiguë dans ses différentes formes
cliniques.
6. Confirmer par des éléments paracliniques le diagnostic de cholécystite aiguë.
7. Apprécier par des arguments cliniques et paracliniques la gravité d’une cholécystite
aiguë.
8. Reconnaître les affections médicales et chirurgicales qui peuvent simuler une cholécys-
tite aiguë.
9. Planifier le traitement d’une cholécystite aiguë.

INTÉRÊT DU SUJET : charge thérapeutique expose à la survenue de complica-


tions graves pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
La cholécystite aiguë est une complication fréquente
de la lithiase vésiculaire. C’est une urgence médico-
chirurgicale qui peut mettre en jeu le pronostic vital en II. ÉTIOLOGIES (OBJECTIF N° 2) :
cas de retard thérapeutique.
Il s’agit d’une affection fréquente en Tunisie. N’importe 1/LES CHOLÉCYSTITES AIGUËS
quel omnipraticien peut être appelé à voir un patient LITHIASIQUES :
présentant un abdomen aigu. Elles représentent plus de 90  % des cas. Le terrain de
Il est de son devoir de réunir les arguments qui lui per- survenue de la cholécystite aiguë lithiasique est le même
mettent de retenir le diagnostic de cholécystite aiguë que celui de la lithiase vésiculaire. Elles surviennent vo-
devant cet abdomen aigu. lontiers chez la femme dans la tranche d’âge 40-50 ans,
mais elles peuvent se voir à tout âge et dans les deux
sexes. Les enfants présentant une anémie hémolytique
I. INTRODUCTION (OBJECTIF N° 1) : congénitale, et qui ont souvent une lithiase biliaire pig-
mentaire secondaire à l’hémolyse, peuvent également
La cholécystite aiguë est définie comme une inflamma- être intéressés.
tion aiguë de la paroi de la vésicule biliaire.
Elle est habituellement liée à l’obstruction aiguë du ca- 2/LES CHOLÉCYSTITES AIGUËS
nal cystique ou du collet de la vésicule par un calcul. La ALITHIASIQUES :
cholécystite aiguë est dans la plupart des cas d’origine Elles sont rares et relèvent de plusieurs causes :
lithiasique et c’est la complication la plus fréquente de la • Les cholécystites aiguës post opératoires ou
lithiase vésiculaire. post-traumatiques  : elles sont volontiers appelées
Il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale qui se carac- post agressives et surviennent le plus souvent dans un
térise par : contexte de troubles hémodynamiques ou d’infection
• un polymorphisme clinique, généralisée.
• une absence de parallélisme anatomoclinique, • La cholécystite aiguë typhique est devenue rare, c’est
• et une évolution imprévisible. une complication de la fièvre typhoïde qui survient au
Le diagnostic de cholécystite aiguë repose sur l’examen troisième septénaire.
clinique et a largement bénéficié de l’échographie. • Les cholécystites aiguës d’origine parasitaire (as-
Le traitement de cette affection est chirurgical encadré caridiose, douve du foie) sont exceptionnelles. Plus
par des mesures thérapeutiques médicales visant à lutter fréquentes, sont les cholécystites aiguës associées à
contre les conséquences générales de la maladie. L’inter- l’ouverture d’un kyste hydatique du foie dans les voies
vention chirurgicale doit être réalisée 24 à 48 h après la biliaires ou bien secondaires à l’ouverture d’un kyste
survenue de la cholécystite aiguë. Tout retard de prise en hydatique du foie dans la vésicule biliaire.

110 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


III. PATHOGÉNIE ET PHYSIOPATHOLOGIE et étendus, de couleur verte ou noirâtre. Le risque évo-
(OBJECTIFS N° 2 ET 3) : lutif est la diffusion péritonéale de l’infection avec ou
sans perforation.
A. CHOLÉCYSTITE AIGUË LITHIASIQUE : • La cholécystite emphysémateuse est une forme rare
• Le point de départ d’une cholécystite aiguë lithiasique qui survient essentiellement chez les sujets immuno-
est un phénomène mécanique  : c’est l’enclavement déprimés (diabétiques). Elle comporte une infiltration
(blocage) d’un calcul dans le canal cystique ou dans gazeuse de la paroi vésiculaire secondaire à la prolifé-
l’infundibulum vésiculaire. Cette occlusion de la vé- ration de germes anaérobies.
sicule crée une stase biliaire et une hyperpression en • Le plastron vésiculaire est une forme évolutive tardive
amont. succédant à une cholécystite suppurée négligée. On y
• L’hyperpression vésiculaire provoque la compression constate un bloc adhérentiel, véritable magma, de dis-
des vaisseaux irriguant la paroi vésiculaire. Ce phéno- section difficile auquel peuvent participer le duodénum,
mène vasculaire entraîne un œdème et une conges- le colon et le mésocôlon, l’estomac, le grand épiploon
tion de la paroi puis une ischémie qui peut conduire à et la paroi antérieure de l’abdomen.
la nécrose tissulaire.
• Les phénomènes infectieux apparaissent en dernier B. LÉSIONS ASSOCIÉES :
lieu et sont secondaires à la stase et à l’ischémie. Les 1/LA VOIE BILIAIRE PRINCIPALE (VBP) :
germes normalement présents dans la bile, et origi- • Une lithiase de la voie biliaire principale (LVBP) est asso-
naires du duodénum, vont rapidement se multiplier du ciée à la cholécystite aiguë lithiasique dans 15 à 20 % cas.
fait de la stase, car la bile est un excellent milieu de • Une pédiculite est souvent constatée. Elle est liée à la
culture. L’ischémie aggrave la pullulation bactérienne propagation par contiguïté des lésions inflammatoires
dans la lumière et dans la paroi de la vésicule. À partir vésiculaires au pédicule hépatique.
de ce stade d’infection locale, on peut assister à une dif- • Une fistule bilio-biliaire, c’est-à-dire une communica-
fusion d’autant plus fréquente qu’il existe un retard à la tion anormale et acquise entre la vésicule biliaire et la
mise en route du traitement et un terrain immunodépri- VBP, peut être observée à la suite de poussées itéra-
mé. La diffusion peut être régionale dépassant la paroi tives de cholécystites aiguës.
vésiculaire pour se propager au foie sous forme d’abcès
ou à la cavité péritonéale sous forme de péritonite lo- 2/LE PANCRÉAS :
calisée ou généralisée. La diffusion est parfois générale Une pancréatite aiguë peut accompagner une cholécys-
systémique réalisant une bactériémie à germes volon- tite aiguë.
tiers Gram négatif, voire une septicémie avec risque de
défaillance polyviscérale et de choc septique. 3/LE PÉRITOINE :
Une diffusion de l’infection à travers la paroi vésiculaire
B. CHOLÉCYSTITE AIGUË ALITHIASIQUE : fragilisée, ou plus rarement une perforation de la vési-
Dans les cholécystites post agressives, la pathogénie re- cule aboutit à une péritonite, soit localisée et circonscrite
lève d’une intrication de plusieurs facteurs, dont notam- à la région sous hépatique, soit généralisée, diffusant à
ment un contexte septicémique et un bas débit splanch- toute la cavité péritonéale.
nique avec une hypoxie tissulaire au niveau de la paroi
vésiculaire.
V. CLINIQUE (OBJECTIFS N° 5 ET 6) :

IV. ANATOMOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 4) : Type de description : cholécystite aiguë lithiasique chez
une femme de la cinquantaine dans sa forme typique.
A. LÉSIONS VÉSICULAIRES :
Macroscopiquement on décrit différents états patholo- A. SIGNES FONCTIONNELS :
giques de la vésicule biliaire dont certains sont des états On est amené, souvent en urgence, à examiner une
évolutifs successifs. L’absence de corrélation anato- femme de la cinquantaine volontiers obèse ayant parfois
moclinique fait que le plus souvent, seule l’intervention des antécédents de coliques hépatiques ou bien connue
chirurgicale permet d’apprécier le stade lésionnel de la porteuse d’une lithiase vésiculaire documentée par une
vésicule biliaire. échographie, qui se plaint de :
• L’hydrocholécyste : la vésicule est sous tension, la bile
vésiculaire est translucide et limpide. 1/DOULEUR ABDOMINALE :
• La cholécystite catarrhale  : la paroi vésiculaire est Il s’agit d’une douleur :
congestive œdématiée avec à l’histologie un infiltrat • d’installation brutale,
inflammatoire. La bile vésiculaire est d’aspect normal • vive,
(vert sombre). • évoluant de manière paroxystique sur un fond continu,
• La cholécystite suppurée ou pyocholécyste : la paroi vé- • siégeant au niveau de 1’hypocondre droit (HCD),
siculaire est épaissie avec une muqueuse ulcérée. Le • irradiant en arrière, en hémiceinture droite et vers
contenu vésiculaire est trouble ou franchement purulent. l’épaule droite,
• La cholécystite phlegmoneuse : la paroi vésiculaire est • inhibant l’inspiration profonde.
le siège de multiples abcès. Cette douleur fait habituellement suite à un repas gras,
• La cholécystite gangreneuse : la paroi vésiculaire est le dure depuis plusieurs heures et ne cède pas aux antal-
siège de placards de nécrose plus ou moins confluents giques habituels.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 111


2/SIGNES DIGESTIFS ASSOCIÉS : 2/LA BIOLOGIE :
• État nauséeux voire même des vomissements ne sou- Confirme le syndrome infectieux en montrant une hy-
lageant pas la douleur. perleucocytose à prédominance polynucléaire.
• Troubles du transit à type de retard du transit des ma- Recherche une éventuelle cholestase par le dosage de
tières et des gaz. la bilirubine, des phosphatases alcalines et des gammas
glutamyl transpeptidase (γGT)
B. SIGNES GÉNÉRAUX : Devant ce tableau, le diagnostic de cholécystite aiguë est
Le syndrome infectieux est net : posé. La patiente doit être hospitalisée en urgence en
• température : 38 - 38,5 °C, milieu chirurgical afin de :
• faciès vultueux, langue saburrale, • démarrer le traitement médical à base d’antibiotiques,
• pouls modérément accéléré en rapport avec la fièvre, • mettre en place les éléments de surveillance : courbe
• cependant l’état général est conservé. de température, pouls, tension artérielle, diurèse, exa-
mens répétés à la recherche de complications,
C. LES SIGNES PHYSIQUES : • compléter le bilan d’opérabilité : par un interrogatoire
La palpation pratiquée mains bien à plat réchauffées soigneux à la recherche d’une tare ou un éventuel trai-
trouve l’un des signes suivant au niveau de l’HCD : tement au long cours, un examen somatique complet
• une douleur vive provoquée par la palpation sans dé- et un bilan biologique comportant  : groupe sanguin,
fense avec un signe de Murphy positif (inhibition de glycémie, azotémie, bilan d’hémostase et au besoin io-
l’inspiration lors de la palpation profonde de l’HCD), nogramme sanguin.
• une défense de l’hypochondre droit,
• une grosse vésicule douloureuse palpée sous forme
d’une masse arrondie ou piriforme, tendue, très dou- VI. ÉVOLUTION :
loureuse et mobile avec la respiration.
Le reste de l’examen abdominal peut noter un météo- Elle ne se conçoit que le temps nécessaire pour préparer
risme. Les touchers pelviens sont normaux. la patiente à l’intervention. Ce délai est en général de 24
à 48 h au cours duquel il est possible de réunir tous les
D. LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES : éléments du bilan préopératoire afin d’intervenir chez un
1/L’ÉCHOGRAPHIE (figure1) : malade bien préparé.
C’est l’examen clé du diagnostic. Elle est facile à réaliser Au cours de cette période, le patient est sous traitement
et non invasive. antibiotique, et l’évolution est souvent marquée par une
Elle montre les signes échographiques de la cholécystite amélioration clinique : la température revient à la nor-
aiguë : male, la douleur et les signes locaux disparaissent. Le
• l’épaississement pariétal > 3 mm, traitement médical ne doit pas être prolongé au-delà de
• la distension vésiculaire (diamètre transverse > 4 cm), ce délai, car cette évolution clinique favorable peut mas-
• l’aspect échogène du contenu vésiculaire dû à la boue quer des lésions anatomiques sévères.
biliaire mélangée à du pus, Ailleurs, et au cours des premières heures, l’évolution
• un épanchement périvésiculaire, qui peut donner un est défavorable : on observe la persistance ou la diffusion
aspect de dédoublement de la paroi vésiculaire, des signes péritonéaux ou l’apparition d’un syndrome
• elle visualise l’étiologie lithiasique sous forme d’image septicémique qui doivent conduire à une intervention
hyperéchogène avec cône d’ombre postérieur en rap- chirurgicale en urgence.
port avec le ou les calculs vésiculaires.
L’échographie permet également d’étudier le calibre de
la voie biliaire principale (VBP) et des voies biliaires in- VII. FORMES CLINIQUES
tra hépatiques (VBIH), et parfois de mettre en évidence (OBJECTIFS N° 5 ET 7) :
une lithiase cholédocienne. La dilatation isolée de la VBP
ou bien de la VBP et des VBIH témoigne d’une participa- A. FORMES SYMPTOMATIQUES :
tion cholédocienne probable. 1/FORMES SUBAIGUËS :
Ces formes sont de plus en plus fréquentes en raison de
la prescription intempestive d’antibiothérapie sans dia-
gnostic précis.
Elles sont caractérisées par une atténuation de tous les
signes : la fièvre est modérée <38 °C et la palpation ne
retrouve qu’une discrète douleur à la palpation de l’HCD.
Compte tenu de l’absence de parallélisme anatomocli-
nique en matière de cholécystite aiguë, ce tableau cli-
nique, faussement rassurant, peut masquer des lésions
anatomiques sévères. Il impose la même prise en charge
thérapeutique que la forme typique, et l’intervention
chirurgicale dans les mêmes délais.

2/FORMES SURAIGUËS :
Elles sont observées aux âges extrêmes et chez les su-
Figure1 : signes échographiques de la cholécystite aiguë jets tarés tels que les diabétiques et les immunodépri-

112 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


més et sont habituellement en rapport avec des germes cystite aiguë survenu quelques jours plutôt qui n’a pas
virulents et des anaérobies. totalement cédé. Après cette accalmie incomplète sur-
Elles réalisent un tableau marqué par des signes locaux vient une aggravation progressive marquée par l’installa-
discrets et un syndrome infectieux sévère au premier tion d’un syndrome infectieux franc et l’accentuation des
plan avec : altération de l’état général, fièvre élevée à 39 douleurs de l’HCD. L’examen physique trouve une masse
– 40  °C oscillante avec frissons, parfois remplacée par sous-hépatique douloureuse.
une hypothermie, pouls rapide et filant, tendance au col- Le diagnostic est confirmé à l’échographie qui montre en
lapsus tensionnel, polypnée superficielle. plus des signes de cholécystite aiguë, un épanchement
La gravité du syndrome infectieux impose l’hospitalisa- périvésiculaire circonscrit.
tion en urgence en unité de soins intensifs pour démar- Le traitement chirurgical est urgent, car l’abcès peut se
rer une réanimation énergique visant à lutter contre les rompre dans la cavité abdominale et entraîner une péri-
défaillances viscérales et préparer le patient à une inter- tonite aiguë.
vention en urgence, seule susceptible de juguler le foyer
infectieux. 3/PÉRITONITE BILIAIRE GÉNÉRALISÉE :
C’est une complication rare (1 à 2 %), mais grave, habi-
3/FORMES ICTÉRIQUES : tuellement secondaire à une cholécystite aiguë gangre-
L’ictère est constaté dans 10 à 20  % des cholécystites neuse.
aiguës. Il s’agit plus souvent d’un subictère conjonctival Deux tableaux peuvent être observés :
que d’un ictère franc. • Soit un tableau d’installation brutale secondaire à
Ce signe doit toujours faire évoquer la migration de une perforation vésiculaire en péritoine libre : douleur
calculs au niveau de la VBP (cf. chapitre des formes as- sous-costale droite en coup de poignard, fièvre à 40 °C,
sociées). état de choc, contracture abdominale généralisée et
Ailleurs, l’ictère peut être lié à une compression de la touchers pelviens douloureux.
VBP par le collet de la vésicule. • Soit un tableau plus atténué et plus progressif de pé-
ritonite par diffusion avec altération de l’état général,
4/FORMES OCCLUSIVES : fièvre ascendante, diffusion des douleurs à tout l’abdo-
Une cholécystite aiguë peut évoluer sous le masque men et extension progressive des signes péritonéaux.
d’une occlusion fébrile où s’associent aux douleurs de Ce tableau est fréquemment observé chez les sujets
l’hypochondre droit et à la fièvre, un arrêt franc des ma- âgés.
tières et des gaz, des vomissements abondants et un
météorisme abdominal. C. LA CHOLÉCYSTITE AIGUË ALITHIASIQUE :
Cette forme étiologique représente 10  % des cholécys-
B. FORMES COMPLIQUÉES : tites aiguës.
1/LE PLASTRON VÉSICULAIRE : En dehors de la cholécystite aiguë d’origine hydatique
Anatomiquement, c’est une péritonite plastique, liée à la dont le diagnostic est facile (Cf cours « Kystes hydatiques
persistance de l’inflammation vésiculaire. Les nombreux du foie ») et de la cholécystite aiguë typhique qui consti-
organes situés autour de la vésicule biliaire vont circons- tue une complication du troisième septénaire de la fièvre
crire l’inflammation péritonéale à la région sous-hépa- typhoïde, les cholécystites alithiasiques surviennent sur
tique en réalisant un magma adhérentiel de la région des terrains particuliers. Il s’agit de patients porteurs
sous-hépatique. d’affections médicales sévères (septicémie, insuffisance
Le plastron vésiculaire survient après plusieurs jours respiratoire aiguë), brûlures étendues, suites immé-
d’évolution d’une cholécystite aiguë négligée par le pa- diates d’intervention majeure en chirurgie abdominale,
tient, ou bien traitée de manière abusive et prolongée par urologique ou gynécologique, malades de réanimation
des antibiotiques sans diagnostic précis. soumis à une alimentation parentérale prolongée, im-
À l’examen, le patient est apyrétique, la palpation de munodéprimés…
l’HCD trouve un blindage doublant la paroi abdominale, Le diagnostic clinique est difficile en raison de la discré-
mal limité, douloureux et mat à la percussion. L’échogra- tion des signes fonctionnels et physiques et de l’état des
phie retrouve des signes typiques de cholécystite aiguë patients. L’aggravation de l’état clinique et notamment
et vérifie l’absence d’un abcès sous-jacent. l’installation d’un syndrome infectieux inexpliqué doivent
Le risque évolutif est l’évolution rapide vers la péritonite faire évoquer la cholécystite et amener à la réalisation
biliaire localisée et ultérieurement vers la constitution d’une échographie qui permet d’en faire le diagnostic.
d’une fistule biliaire interne avec la voie biliaire princi-
pale (fistule bilio-biliaire), ou le tube digestif (fistule cho- D. FORMES ASSOCIÉES :
lécysto-duodénale, cholécysto-colique, ou plus rarement 1/CHOLÉCYSTITE AIGUË ASSOCIÉE
cholécysto-gastrique). Pour ces raisons, et contraire- À UNE PANCRÉATITE AIGUË :
ment au plastron appendiculaire, le plastron vésiculaire Quand les signes de cholécystite aiguë sont au premier
est une indication à l’intervention chirurgicale. plan, l’urgence biliaire prime.
Cependant, le tableau clinique de pancréatite aiguë peut
2/PÉRITONITE BILIAIRE LOCALISÉE : être au premier plan. La découverte de l’épaississement
Elle est la conséquence d’une cholécystite aiguë négli- de la paroi vésiculaire à l’échographie pose alors le pro-
gée évoluant depuis plusieurs jours ou parfois d’un plas- blème de son interprétation : réaction œdémateuse de la
tron vésiculaire. paroi vésiculaire ou cholécystite aiguë. Dans ce cas, c’est
Cliniquement, le patient rapporte un épisode de cholé- l’évolution sous traitement médical qui tranche.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 113


2/CHOLÉCYSTITE AIGUË ASSOCIÉE À UNE LVBP : B. CERTAINES AFFECTIONS
La LVBP peut être asymptomatique découverte fortuite- CHIRURGICALES :
ment à l’échographie ou bien à la cholangiographie per • Appendicite aiguë : dans sa position sous hépatique.
opératoire. • Kyste hydatique du foie infecté  : reconnu à l’échogra-
Elle peut se manifester par un ictère. Dans ce cas, la phie.
biologie confirme la nature cholestatique de l’ictère et • Pancréatite aiguë : avec laquelle l’association est pos-
l’échographie retrouve en même temps que les signes sible.
propres de la cholécystite aiguë, des signes indirects (di- • Abcès sous-phrénique droit par perforation d’un ulcère
latation de la VPB) et plus rarement des signes directs duodénal.
(calcul) de lithiase de la VBP. • Abcès péri néoplasique de l’angle colique droit.
• Abcès hépatique amibien ou à pyogènes.
3/CHOLÉCYSTITE AIGUË ET CALCULO-CANCER :
Le calculo-cancer est un adénocarcinome vésiculaire
qui se développe chez des personnes porteuses depuis IX. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 9) :
plusieurs années d’une lithiase biliaire parfois connue et
négligée. Il s’agit d’un cancer de très mauvais pronostic A. PRINCIPES
dont le traitement chirurgical est décevant. Le traitement est univoque  : la chirurgie sous couvert
Le tableau clinique est souvent celui d’une cholécystite d’une antibiothérapie curative périopératoire instaurée
aiguë typique, d’un plastron vésiculaire ou bien d’un ab- avant l’intervention, et dans les formes graves, d’une
cès vésiculaire. réanimation d’autant plus vigoureuse que l’état septique
Devant l’un de ces tableaux, le diagnostic de calculo-can- est sévère ou que le patient est taré.
cer est parfois évoqué à l’échographie devant la consta- Le geste chirurgical consiste en une cholécystectomie
tation d’un épaississement localisé de la paroi vésicu- au cours de la laquelle une cholangiographie systéma-
laire. En fait, seuls l’intervention chirurgicale et l’examen tique permet de vérifier l’absence de lithiase de la voie
histologique des prélèvements opératoires permettent biliaire associée et l’intégrité de la VBP.
d’obtenir la certitude diagnostique. Il s’impose en urgence (quelques heures après l’admis-
sion) lorsqu’il existe des signes de gravité qui sont : une
fièvre élevée, une défense de l’hypochondre droit, une
VIII. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL grosse vésicule palpable douloureuse ou des signes de
(OBJECTIF N° 8) : diffusion péritonéale. En dehors de ces situations, il doit
être réalisé en urgence différée c’est-à-dire dans un dé-
Il ne se pose que dans les formes atténuées ou atypiques lai ne dépassant 48 heures après l’admission.
au cours desquelles on peut être amené à discuter.
B. MÉTHODES :
A. CERTAINES AFFECTIONS MÉDICALES : 1/TRAITEMENT MÉDICAL :
1/PNEUMOPATHIE DE LA BASE DROITE : Il est instauré dès que le diagnostic est posé :
Le diagnostic est redressé par l’examen pulmonaire et la • L’antibiothérapie par voie veineuse est toujours de
radiographie du thorax. mise. Elle doit avoir un tropisme biliaire et être active
sur les bacilles Gram négatifs et les anaérobies. Ha-
2/PYÉLONÉPHRITE AIGUË DROITE : bituellement, on utilise une association d’une β lacta-
Évoquée en raison de la prédominance des douleurs à la mine, d’un aminoside et d’un imidasolé.
fosse lombaire, une dilatation des cavités excrétrices du • Le traitement antalgique ou antispasmodique est pres-
rein droit à l’échographie, elle est confirmée par l’exa- crit chez les patients algiques.
men cytobactériologique des urines. • Dans certains cas particuliers, d’autres mesures sont
nécessaires comme l’équilibration d’une éventuelle
3/INFARCTUS DU MYOCARDE : tare ou la correction des défaillances viscérales et mé-
Dans sa localisation postéro-diaphragmatique, il en- taboliques en cas de sepsis grave  : équilibration hy-
traîne des manifestations abdominales trompeuses. droélectrolytique, drogues vaso-actives, etc.
Lorsque le terrain est prédisposé, il faut de principe évo-
quer ce diagnostic et le confirmer par un électrocardio- 2/TRAITEMENT CHIRURGICAL :
gramme et le dosage des enzymes cardiaques. • L’intervention est réalisée sous anesthésie générale.
• La voie d’abord doit toutes les fois que possible, être
4/PÉRI-HÉPATITE À CHLAMYDIAE : une voie cœlioscopique. En cas de difficulté de dissec-
Elle survient chez la femme en activité génitale souvent tion, la conversion en laparotomie sous-costale s’im-
porteuse d’un dispositif intra-utérin non contrôlé. Le ta- pose.
bleau clinique associe au syndrome douloureux de l’HCD, • Après exploration de la cavité abdominale et évaluation
des pertes vaginales fétides, et une douleur à la mobili- des lésions anatomiques, une ponction première de la
sation de l’utérus lors du toucher vaginal. À l’échogra- vésicule permet d’effectuer un prélèvement bactériolo-
phie, la vésicule est normale. Le diagnostic est confirmé gique de bile et d’obtenir un affaissement de la vésicule
par la positivité de la sérologie spécifique. dont la distension est gênante pour la dissection.
• La cholécystectomie doit être réalisée avec prudence.
Si les remaniements inflammatoires ne permettent
pas de reconnaître les différents éléments du trépied

114 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


biliaire, on fera une cholécystectomie antérograde. X. CONCLUSION :
• Une LVBP peut être découverte fortuitement par la
cholangiographie per opératoire transcystique. Celle- La cholécystite aiguë constitue la complication la plus
ci impose une cholédocotomie pour extraction des fréquente de la lithiase vésiculaire. En raison de l’absence
calculs (cholédocotomie qui est terminée habituelle- de parallélisme anatomoclinique, cette affection requiert
ment par une fermeture sur un drain de Kehr). un traitement chirurgical précoce et une antibiothérapie
• L’intervention est habituellement terminée par un drai- périopératoire visant à juguler la diffusion générale de
nage de la loge sous hépatique par un drain de Redon. l’infection. Dans les formes habituelles, le pronostic est
• La pièce de cholécystectomie doit toujours être adres- favorable, car la cholécystectomie guérit définitivement
sée pour examen anatomopathologique. la lithiase biliaire et éradique l’infection. Dans les formes
compliquées, le pronostic est plus réservé d’une part du
fait de la gravité des lésions anatomiques et des consé-
quences générales de l’infection et d’autre part en raison
du terrain taré sur lequel elles surviennent.

TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (session janvier 2015) : L’étiologie d’une cholécystite aiguë peut être :
a) Une lithiase biliaire b) Un traumatisme
c) Une fièvre typhoïde d) Alcoolisme
e) Pontage aorto-coronaire

Test n° 2 (session janvier 2015) : La cholécystite aiguë peut se compliquer par :
a) Une péritonite par diffusion b) Un plastron vésiculaire
c) Un état de choc septique d) Une fistule bilio-digestive
e) Une dégénérescence de la vésicule biliaire

Test n° 3 (Objectif n° 3) : L’enclavement d’un calcul dans le canal cystique ou dans l’infundibulum vésiculaire est la
cause de toute cholécystite aiguë.
n Vrai n Faux

Test n° 4 (Objectif n° 4) :


Dans la cholécystite suppurée la paroi vésiculaire est le siège de multiples abcès.
n Vrai n Faux

Test n° 5 (Objectif n° 5) :


Lors d’une cholécystite aiguë, la douleur abdominale est caractérisée par :
a) Son début progressif. b) Son siège au niveau de l’HCD.
c) Son irradiation vers l’épaule droite. d) Son évolution spontanément régressive.
e) Son irradiation au dos.

Test n° 6 (Objectif n° 6) :


Au cours d’une cholécystite aiguë, l’échographie montre toujours :
a) Un épaississement de la paroi vésiculaire. b) Une distension vésiculaire.
c) Une lithiase vésiculaire. d) Une dilatation de la VBP.
e) un dédoublement de la paroi vésiculaire

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 115


LES ANGIOCHOLITES AIGUES

Prérequis
• Morphologie et rapports anatomiques des voies biliaires extrahépatiques.
• Physiopathologie des ictères.
• Physiopathologie du choc septique.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Décrire les facteurs étiopathogéniques de l’angiocholite aiguë.
2. Citer les conséquences physiopathologiques locorégionales et générales de l’AA.
3. Décrire les modifications anatomopathologiques constatées au décours d’une AA.
4. Réunir les éléments du diagnostic clinique et para clinique d’une AA.
5. Citer les manifestations de gravité d’une AA.
6. Énumérer les principales étiologies des AA et les éléments de leur diagnostic.
7. Établir un programme thérapeutique adapté aux principales formes cliniques et étiolo-
giques des AA.

INTÉRÊT DU SUJET : truction, longtemps l’apanage exclusif de la chirurgie,


peut parfois être réalisé de manière moins invasive par
L’angiocholite aiguë (AA) constitue une urgence la sphinctérotomie endoscopique.
médico-chirurgicale fréquente, redoutable par ses Le pronostic de l’angiocholite aiguë est lié au terrain du
complications. patient, à la gravité du tableau clinique, à l’étiologie de
Tout omnipraticien doit reconnaître cette affection en l’obstacle, et surtout à la précocité de la mise en œuvre
temps utile afin d’éviter les complications graves qui des mesures thérapeutiques adaptées.
mettent en jeu le pronostic vital.

II. ETIOPATHOGENIE (OBJECTIF N° 1):


I. INTRODUCTION :
A. L’OBSTACLE DE LA VOIE BILIAIRE
L’angiocholite aiguë (AA) est définie comme une infection PRINCIPALE :
bactérienne aiguë de la voie biliaire principale et/ou des Il est le plus souvent à l’origine de l’angiocholite.
voies biliaires intra hépatiques.
Elle est habituellement secondaire à un obstacle incom- 1. LA LITHIASE BILIAIRE  : c’est l’étiologie la plus fré-
plet sur la voie biliaire principale (VBP) et la lithiase bi- quente (80 à 90 % des cas). Il s’agit surtout d’une lithiase
liaire en constitue l’étiologie la plus fréquente. de migration (calcul formé dans la vésicule biliaire et
L’angiocholite aiguë est une urgence médico-chirurgi- ayant secondairement migré dans la VBP), beaucoup
cale dont l’évolution est imprévisible, et qui peut rapide- plus rarement d’une lithiase autochtone (calculs formés
ment mettre en jeu le pronostic vital. dans la VBP).
Sur le plan clinique, elle se manifeste le plus souvent
par une triade caractéristique associant douleur de l’hy- 2. LE KYSTE HYDATIQUE DU FOIE (KHF) OUVERT DANS
pochondre droit, fièvre et ictère. Des tableaux cliniques LES VOIES BILIAIRES se définit par l’existence d’une
trompeurs et des formes graves incluant des manifesta- large fistule kysto-biliaire et la migration de vésicules
tions septiques générales peuvent se voir. filles ou de débris de membrane hydatiques dans la VBP.
L’échographie est le maître examen pour orienter et par- Cette situation se rencontre dans 5 à 10  % des KHF et
fois affirmer le diagnostic étiologique. Les autres exa- entraîne dans la plupart des cas une angiocholite.
mens d’imagerie ont des indications particulières.
Le traitement de l’angiocholite aiguë doit être précoce 3. LES OBSTACLES NÉOPLASIQUES  : les tumeurs od-
et comprend toujours deux volets  : d’une part, un trai- diennes peuvent se manifester d’emblée par une AA.
tement médical visant à lutter contre l’infection et ses C’est une éventualité plus rare dans le cancer de la tête
conséquences physiopathologiques générales et d’autre du pancréas et les cancers des voies biliaires extra hépa-
part, la désobstruction des voies biliaires. Cette désobs- tiques.

116 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


4. LES COMPRESSIONS EXTRINSÈQUES DE LA VBP par la bile infectée est sous pression, des abcès hépatiques
une adénopathie hilaire, ou une tumeur du voisinage se forment autour des canalicules biliaires.
sont des causes peu fréquentes d’AA.
2/CONSÉQUENCES GÉNÉRALES :
5. LES ANGIOCHOLITES AIGUËS POST OPÉRATOIRES Elles sont liées à la diffusion hématogène de l’infection
peuvent être en rapport avec : par reflux cholangio-veineux. Cette diffusion est d’autant
• un traumatisme chirurgical de la VBP plus massive qu’il existe une hyper pression au niveau
• une lithiase résiduelle de la VBP, des voies biliaires qui favorise le passage de germes des
• une sténose inflammatoire (cicatricielle) de la VBP ou canalicules biliaires vers les sinusoïdes puis le système
d’une anastomose bilio-digestive. veineux sus-hépatique et la circulation systémique. La
bactériémie peut être transitoire ou bien massive et ré-
6. LES ANGIOCHOLITES IATROGÈNES sont secondaires pétée.
à des manœuvres instrumentales par voie endosco- Dans les formes graves, les endotoxines bactériennes
pique sur la papille (cathétérisme pour cholangiogra- déclenchent en combinant leurs effets avec ceux des
phie, sphinctérotomie) souvent réalisées pour explorer médiateurs leucocytaires de l’inflammation, une cascade
un obstacle connu ou supposé de la VBP, et qui peuvent de réactions qui aboutit à une défaillance des fonctions
entraîner une inoculation septique des voies biliaires. vitales. Les principaux éléments de cette cascade sont :
7. PLUS RAREMENT il peut s’agir d’un obstacle parasi- • la diminution de l’extraction tissulaire d’oxygène ce qui
taire autre que le KHF (ascaris, douve du foie) ou d’une provoque une hypoxie tissulaire avec métabolisme ana-
anomalie congénitale des voies biliaires (dilatation kys- érobie et acidose,
tique des voies biliaires), • la défaillance circulatoire par vasoplégie et action dé-
pressive sur le myocarde,
B. VOIE DE CONTAMINATION : • la défaillance rénale le plus souvent fonctionnelle par
La contamination de la VBP est essentiellement cana- hypoperfusion rénale ou parfois d’emblée organique
laire ascendante par les germes intestinaux remontant par néphropathie tubulo-interstitielle aiguë,
les voies biliaires à partir de la papille duodénale ou des • le retentissement sur les poumons (par altération de la
germes hospitaliers en cas de manœuvres instrumen- membrane alvéolo-capillaire avec œdème pulmonaire
tales sur la papille. lésionnel), sur le foie (par cytolyse), sur le cerveau (par
hypoxie cérébrale) et sur la crase sanguine (par coagu-
C. GERMES EN CAUSE : lopathie de consommation).
Il s’agit avant tout d’entérobactéries Gram négatif
(Escherichia Coli, Klebsiella) ou d’anaérobies. Le poly-
microbisme est fréquent (environ 30 % des cas). IV. ANATOMIE PATHOLOGIQUE
(OBJECTIF N° 3) :

III. PHYSIOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 2) : 1/LES LÉSIONS DE LA VBP :


La VBP est généralement dilatée par la distension se-
A. LA CONTAMINATION DE LA BILE : condaire à la stase biliaire. À la cholédocoscopie, sa pa-
À l’état physiologique, des germes refluent spontané- roi est œdématiée avec parfois présence d’ulcérations
ment du duodénum vers la VBP, mais n’entraînent pas de la muqueuse voire de micro abcès pariétaux dans les
d’angiocholite, car ils sont phagocytés par les cellules formes graves. Le pédicule hépatique est inflammatoire.
du système réticulo-endothélial du foie et surtout rapi-
dement éliminés vers l’intestin par le flux biliaire. 2/LA BILE :
L’obstacle incomplet au niveau de la VBP (ex.  : calcul) Elle est le plus souvent trouble, contenant des fausses
joue le rôle d’un clapet qui autorise le reflux des germes membranes, parfois elle est franchement purulente no-
à partir du duodénum et empêche leur élimination, ce tamment quand elle est sous pression. Un prélèvement
qui favorise leur pullulation. Parfois, l’obstacle incomplet de bile doit être fait en per opératoire pour une biliculture
devient secondairement complet (ex. : calcul de la VBP sur milieu aérobie et anaérobie.
enclavé dans la papille), entraînant une mise sous pres-
sion des vois biliaires et une augmentation de la pullula- 3/LA VÉSICULE BILIAIRE :
tion bactérienne. Elle est le plus souvent lithiasique, parfois scléroatro-
L’obstacle complet au niveau de la VBP, notamment néo- phique avec fistule bilio-biliaire ou bilio-digestive.
plasique, constitue une barrière au reflux de germes par
la papille, et ceci explique la rareté des angiocholites 4/LE FOIE :
spontanées liées aux cancers. En revanche, en cas d’ino- Il peut être le siège de micro abcès hépatiques voire
culation iatrogène, la pullulation bactérienne devient ra- d’abcès confluents. Il est parfois turgescent et en cas de
pidement massive. cholestase ancienne, prendre une teinte verdâtre. Une
fibrose péri portale est à ce stade fréquente et constitue
B. LES CONSÉQUENCES DE L’ANGIOCHOLITE : l’étape préalable à la constitution de la cirrhose biliaire
1/CONSÉQUENCES LOCORÉGIONALES : secondaire.
L’infection de la bile va provoquer des lésions inflamma-
toires de la paroi de la VBP, de gravité variable. Lorsque

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 117


V. DIAGNOSTIC POSITIF DE 2/DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE :
L’ANGIOCHOLITE AIGUË : a/L’interrogatoire :
L’existence d’antécédents de colique hépatique ou d’ic-
A. DIAGNOSTIC DANS LA FORME TYPIQUE tère à rechute est en faveur d’un obstacle lithiasique.
(OBJECTIF N° 4) :
1/DIAGNOSTIC POSITIF : b/L’examen clinique :
Type de description : angiocholite aiguë non compliquée Il peut révéler une grosse vésicule palpable, témoin le
dans sa forme typique, sans préjuger de son étiologie plus souvent d’un obstacle néoplasique en dessous de
a/Manifestations fonctionnelles : l’abouchement du canal cystique dans la VBP. Il peut
Nous sommes devant un patient qui consulte en urgence découvrir une hépatomégalie ou une masse arrondie,
pour des signes fonctionnels qui constituent dans cette ferme, rénitente perçue sous le rebord costal droit, mo-
forme, la triade de Villard et Charcot, qui comprend : bile à la respiration, évocatrice d’un kyste hydatique.
• Une douleur siégeant habituellement au niveau de l’hy-
pochondre droit, d’installation brutale, intense à type c/L’échographie abdominale :
de torsion ou de broiement, irradiant en hémiceinture L’échographie peut mettre en évidence de manière di-
et vers l’épaule droite, évoluant par paroxysme sur un recte la cause de l’angiocholite aiguë. Elle permet égale-
fond continu, et s’associant souvent à des nausées ou ment d’approcher le diagnostic étiologique :
des vomissements. -en localisant le siège de l’obstacle sur l’arbre biliaire
• Quelques heures, plus tard apparaît une fièvre typique- puisque le niveau d’arrêt de la dilatation est celui du
ment accompagnée ou précédée de frissons avec cla- siège de l’obstacle. Cet élément d’orientation topo-
quement des dents, et suivie de sueurs profuses. graphique permet souvent de cerner l’étiologie de l’AA
• Après 24 à 48  h apparaît un ictère, le plus souvent (+++)
discret, conjonctival, ailleurs cutanéo-muqueux avec - en découvrant au niveau de la vésicule biliaire, du foie,
urines foncées et selles décolorées. du pancréas des anomalies compatibles avec une étio-
La succession de ces trois signes dans un intervalle de logie d’angiocholite.
24 à 48 heures est très évocatrice d’angiocholite aiguë et - Lorsque l’échographie ne permet pas de poser le dia-
permet dès l’interrogatoire d’évoquer ce diagnostic. gnostic avec suffisamment de certitude, il faut avoir re-
cours à d’autres examens complémentaires, toujours
b/Les signes généraux et physiques : réalisés de deuxième intention et dont les indications
L’état général est conservé, la fièvre est élevée vers 38,5° doivent être posées avec discrimination.
ou 39°. Le pouls est accéléré en rapport avec la fièvre,
mais la tension artérielle est normale. L’ictère, s’il n’a 3/BILAN DU RETENTISSEMENT ET DU TERRAIN :
pas été relevé par le patient, est découvert à ce stade. a/Le bilan du retentissement :
L’examen de l’abdomen peut provoquer une douleur à la Il vise à rechercher des signes de gravité de l’angiocho-
palpation, voire une défense de l’hypochondre droit. Les lite, absents dans cette forme prise pour type de des-
touchers pelviens sont normaux. cription.
L’examen clinique apprécie le faciès, l’état neurologique,
c/Les examens biologiques : l’état d’hydratation, la TA, le pouls, la diurèse.
Les tests de cholestase objectivent une élévation de la Les examens biologiques, d’emblée pratiqués, apprécie-
bilirubinémie à prédominance conjuguée, une élévation ront l’azotémie, l’ionogramme sanguin, l’hémostase et le
des phosphatases alcalines et de la gamma-glutamyl- groupe sanguin. Des hémocultures seront réalisées dès
transférase. Une hyperleucocytose est fréquente d’au- l’admission.
tant plus élevée que le syndrome infectieux est grave.
D’autres examens permettent d’apprécier le retentis- b/Le bilan du terrain :
sement général de l’infection et le terrain, et seront dé- Il appréciera l’âge réel et physiologique, et recherchera
taillés ultérieurement. des tares associées par l’examen clinique et le dosage
de la glycémie, la réalisation d’un ECG et d’une radiogra-
d/L’échographie abdominale : phie du thorax.
C’est le maître examen, réalisé de première intention de-
vant tout ictère. L’échographie objective une dilatation de 4/L’ÉVOLUTION :
la VBP (diamètre supérieur à 7 mm) et permet souvent Elle ne se conçoit que chez un patient :
de préciser le niveau de l’obstacle et sa nature. Les voies • hospitalisé en milieu de réanimation chirurgicale,
biliaires intra hépatiques peuvent être dilatées. • surveillé sur des paramètres cliniques précédemment
cités, et biologiques (azotémie, ionogramme sanguin,
Sur ces données cliniques, biologiques et échogra- TP),
phiques, le diagnostic d’angiocholite aiguë est posé, le • et chez qui ont été instaurées les mesures de réanima-
patient doit être hospitalisé en milieu chirurgical. Il im- tion adaptées.
porte de : • Elle peut être favorable : avec régression des signes lo-
- mettre en place les éléments de surveillance clinique : caux et du syndrome infectieux, permettant d’amener
TA, pouls, diurèse, évalués à intervalles rapprochés le patient dans de bonnes conditions pour l’interven-
- mettre en route la réanimation tion, après 24 à 48 heures de réanimation.
- de réunir les éléments du diagnostic étiologique • Elle peut être défavorable : marquée par la persistance
- apprécier le retentissement de l’AA et le terrain. du syndrome infectieux ou par l’installation brutale de

118 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


signes de gravité, qui peuvent survenir après une amé- 2/LE KYSTE HYDATIQUE DU FOIE OUVERT DANS LES
lioration initiale, ce qui justifie l’urgence de la levée de VOIES BILIAIRES :
l’obstacle. C’est une étiologie fréquente en Tunisie où l’hydatidose
sévit à l’état endémique. Le diagnostic repose sur la no-
B. DIAGNOSTIC DANS LES AUTRES FORMES tion de contage hydatique, sur l’existence d’une masse
CLINIQUES (OBJECTIF N° 5) : hépatique rénitente souvent douloureuse. L’échographie
1/LES FORMES PAUCI SYMPTOMATIQUES : met en évidence un ou plusieurs kystes le plus souvent à
Elles sont trompeuses. contenu hypoéchogène inhomogène (stade III ou IV), une
• Forme anictérique : fébriles pures ou douloureuses et dilatation de la VBP et des VBIH et parfois des images
fébriles. L’angiocholite est une cause de fièvre au long échogènes dans la VBP correspondant à des débris hy-
cours et doit être recherchée de principe dans ce cas. datiques. À côté de l’ouverture d’un KHF dans les voies
• Forme apyrétique, constitue une découverte opératoire. biliaires, une angiocholite hydatique peut aussi être la
conséquence d’une compression extrinsèque de la VBP
2/L’ANGIOCHOLITE AIGUË GRAVE : par un volumineux KH à développement péri hilaire.
Elle fait souvent suite à une angiocholite aiguë non com-
pliquée, négligée. Bien qu’il n’existe pas de parallélisme 3/LITHIASE RÉSIDUELLE :
anatomoclinique, on retrouve fréquemment chez ces pa- Il s’agit parfois d’une lithiase résiduelle découverte dans
tients une bile infectée sous pression (angiocholite puru- les suites précoces d’une cholédocotomie. Elle est en
lente) et des abcès du foie. règle asymptomatique, mise en évidence par la cholangio-
graphie de contrôle par le drainage biliaire externe (le plus
• Cliniquement il s’agit d’un tableau associant des signes souvent un drain de Kehr). Ailleurs, la lithiase résiduelle
de rétention biliaire et des signes de choc septique. est découverte à distance de l’intervention initiale qui avait
L’état général est altéré avec fièvre à 39 - 40 °C, agi- comporté une cholécystectomie, habituellement sans ex-
tation, obnubilation ou torpeur, TA abaissée ou simple ploration radiologique de la VBP, parfois après exploration
pincement de la différentielle, pouls rapide mal frappé, et traitement incomplet d’une lithiase cholédocienne.
extrémités froides, polypnée, oligoanurie. L’ictère est La survenue d’une angiocholite aiguë chez un opéré des
parfois très intense, voire flamboyant, des troubles de voies biliaires doit toujours faire évoquer une lithiase ré-
la coagulation peuvent être cliniquement évidents. siduelle.
L’échographie permet difficilement de mettre en évidence
• Sur le plan biologique, l’insuffisance rénale au début le calcul résiduel et d’éliminer une autre étiologie, l’écho
fonctionnelle devient rapidement organique, le TP est endoscopie est plus fiable de la mise en évidence de la
inférieur à 50 % et il existe parfois une baisse de la fi- LVBP. La CPRE trouve dans cette situation une indication
brinémie témoignant d’une coagulation intravasculaire de choix puisqu’elle permet d’objectiver le calcul et de
disséminée. À la gazométrie sanguine, on trouve fré- réaliser dans le même temps un geste thérapeutique.
quemment une hypoxémie et une acidose. La radiogra-
phie du thorax peut révéler des opacités floconneuses 4/LES ANGIOCHOLITES IATROGÈNES :
bilatérales en faveur d’un œdème pulmonaire lésionnel. Les angiocholites par inoculation externe et directe au
Cette forme, qui met en jeu le pronostic vital immédiat, cours d’une opacification biliaire par voie endoscopique
nécessite une prise en charge énergique en unité de ou transcutanée chez des patients porteurs d’un obsta-
soins intensifs en milieu chirurgical et la réalisation, dès cle de la VBP sont souvent graves, car l’infection se fait
que l’état du patient l’autorise, d’une désobstruction des par des germes hospitaliers souvent multirésistants.
voies biliaires. Pour prévenir cette forme d’angiocholite, il est néces-
saire d’associer aux opacifications directes un drainage
3/LA PÉRITONITE BILIAIRE : biliaire (soit externe, soit par sphinctérotomie) et de les
La péritonite biliaire par perforation de la VBP est rare. faire suivre rapidement d’une désobstruction complète,
De pronostic sévère, elle réalise souvent un tableau de habituellement chirurgicale.
péritonite asthénique.
5/LES STÉNOSES INFLAMMATOIRES DE LA VBP :
C. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE (OBJECTIF Il s’agit le plus souvent d’une sténose cicatricielle d’une
N° 6) : anastomose bilio-digestive, ou parfois d’une plaie de la
1/L’ANGIOCHOLITE LITHIASIQUE : VBP, que celle-ci ait été immédiatement reconnue et
C’est la forme la plus fréquente. La LVBP est le plus sou- réparée, ou qu’elle ait été méconnue. On en rapproche
vent une lithiase de migration. Le diagnostic est basé sur les sténoses en regard d’un clip posé accidentellement
la notion d’antécédents de colique hépatique et surtout sur la VBP au cours d’une cholécystectomie par voie
sur les résultats de l’échographie bien que la sensibilité cœlioscopique. Le diagnostic, suspecté sur les données
de cet examen pour la mise en évidence d’une lithiase de de l’anamnèse et la lecture du compte-rendu opératoire
la VBP est faible (50 à 70 % des cas). Le calcul cholédo- initial, est confirmé par l’échographie, la CPRE et surtout
cien réalise typiquement une image échogène avec cône la cholangio-IRM.
d’ombre postérieur. Lorsque la lithiase de la VBP n’est
pas mise en évidence, l’échographie révèle une dilatation 6/LES AUTRES ÉTIOLOGIES :
de la VBP associée à une lithiase vésiculaire. Cette asso- Dans ces cas, l’AA est le plus souvent contrôlée par le
ciation est très évocatrice de lithiase de la VBP et auto- traitement médical, ce qui permet de réaliser d’autres
rise à retenir sur ces seuls signes indirects le diagnostic. examens complémentaires pour confirmer une étiologie.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 119


a/Le cancer de la tête du pancréas : de l’antibiogramme. Il est fréquent d’utiliser de pre-
Est la cause la plus fréquente d’obstacle tumoral sur la mière intention l’association ampicilline + aminoside +
VBP, mais c’est une cause rare d’angiocholite. Clinique- metronidazole.
ment, ce cancer se manifeste par un ictère avec hépa- • L’administration de vitamine K par voie intra muscu-
tomégalie et grosse vésicule palpable. Le diagnostic re- laire est de mise en cas de cholestase, même si le TP
pose sur l’échographie et le scanner abdominal. est normal.
• Des mesures de réanimation adaptées aux consé-
b/Les tumeurs oddiennes : quences générales de l’angiocholite qui, dans les
Entraînent classiquement au début de leur évolution formes graves, visent à corriger les effets du choc sep-
des poussées d’angiocholite aiguë. Il s’y associe souvent tique par :
des melænas et une anémie qui sont très évocateurs. • Un remplissage vasculaire par macromolécules et
Le diagnostic repose sur la duodénoscopie latérale qui cristalloïdes pour compenser l’hypovolémie et corriger
permet d’objectiver la tumeur et de pratiquer des biop- l’insuffisance rénale fonctionnelle.
sies, et l’échoendoscopie qui permet également un bilan • Une oxygénothérapie au masque, voire une assistance
d’extension. respiratoire en cas de détresse respiratoire ou neurolo-
gique.
c/Le cholangiocarcinome extrahépatique :
• Une épuration extra rénale par hémodialyse en cas
Est une tumeur rare qui peut également se manifester
d’insuffisance rénale organique oligo-anurique ou de
au début par une angiocholite aiguë. Le diagnostic re-
troubles ioniques majeurs,
pose sur la cholangio-IRM qui a supplanté les opacifica-
• Des transfusions de plasma frais congelé en cas de
tions directes.
troubles de l’hémostase.
d/L’envahissement de la VBP par une tumeur maligne
du voisinage (vésicule biliaire, estomac) : 2/LA DÉSOBSTRUCTION DES VOIES BILIAIRES :
Est une cause exceptionnelle d’angiocholite aiguë. Elle peut être chirurgicale ou endoscopique. Nous ne
détaillerons ce volet du traitement que pour les 2 étiolo-
e/Les angiocholites par compression extrinsèque de la gies les plus fréquentes : la lithiase de la VBP et le KHF
VBP : ouvert dans les voies biliaires. En effet, dans les autres
Par un faux kyste du pancréas ou par un nodule de pan- étiologies notamment néoplasiques, l’AA est jugulée par
créatite chronique sont rares. Les compressions extrin- l’antibiothérapie et se pose surtout le problème du trai-
sèques ganglionnaires sont exceptionnelles et peuvent se tement de l’étiologie par un geste le plus souvent majeur.
voir dans les hémopathies malignes, la tuberculose ou par
les adénopathies métastatiques des tumeurs digestives. a/Méthodes chirurgicales :
• En cas de lithiase de la VBP : la voie d’abord est une
f/Les angiocholites sur anomalies congénitales des incision sous-costale droite. Le premier temps de l’in-
voies biliaires (maladie de Caroli) : tervention est la cholécystectomie réalisée après un
Le diagnostic est suspecté à l’échographie et le scanner abord préalable du trépied biliaire. Même si la nature
et confirmé par la cholangio-IRM qui permet d’apprécier lithiasique de l’obstacle sur la VBP est connue, il faut
l’étendue et le type des lésions. effectuer une cholangiographie transcystique qui va
préciser le siège des calculs, leur nombre, et l’ana-
D. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL : tomie des voies biliaires intrahépatiques. La VBP est
On éliminera facilement : ouverte au niveau du canal cholédoque et les calculs
• Un ictère hémolytique  : devant l’anémie, l’existence sont extraits. Le contrôle de la vacuité de la VBP est
d’une splénomégalie, et l’élévation du taux sérique de impératif et doit être réalisé par cholédocoscopie ou à
bilirubine libre. défaut par une cholangiographie. L’intervention est ha-
• Un ictère viral ou médicamenteux : devant la sérologie bituellement terminée par la fermeture de la VBP sur
de l’hépatite, la notion de prise médicamenteuse, et les un drainage biliaire externe (drain de Kehr).
signes biologiques de cytolyse hépatique. • En cas de kyste hydatique du foie ouvert dans les voies
Dans les deux cas, l’échographie montre une VBP fine. biliaires  : la voie d’abord est le plus souvent une in-
cision sous-costale droite. Le premier temps de l’in-
tervention est le traitement du parasite. Le deuxième
VI. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 7) : temps est l’évacuation de l’obstacle biliaire après une
cholangiographie. L’extraction du matériel hydatique
A. BUTS : est réalisée à travers la cholédocotomie selon les
Le but du traitement consiste à assurer le libre cours de mêmes règles que le traitement de la lithiase. La cho-
la bile et à arrêter la diffusion des phénomènes infec- lécystectomie est alors réalisée L’intervention est ha-
tieux. bituellement terminée par la fermeture de la VBP sur
un drainage biliaire externe (drain de Kehr). Le dernier
B. MÉTHODES : temps est le traitement de la cavité résiduelle et de la
1/LE TRAITEMENT MÉDICAL : fistule kysto-biliaire qui peut être réalisé par :
Il comporte : −résection
− du dôme saillant et suture de la fistule en
• Une antibiothérapie à tropisme biliaire administrée par périkyste sain
voie parentérale, débutée immédiatement après les −ou
− bien par drainage interne trans-fistulo-oddien,
hémocultures et ultérieurement adaptée aux résultats −ou
− encore par périkystectomie totale.

120 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


b/La sphinctérotomie endoscopique : Lithiase résiduelle : sphinctérotomie endoscopique.
Elle réalise la section du sphincter d’Oddi par un cou-
rant diathermique. Elle permet l’évacuation des calculs 2/KHF OUVERT DANS LES VOIES BILIAIRES :
par l’intermédiaire d’une sonde à ballonnet. La mise en Mêmes indications que la lithiase de la VBP. En cas de
place d’un drainage naso-biliaire est souhaitable dans sphinctérotomie endoscopique, le traitement chirurgical
tous les cas. Elle est impérative en cas d’angiocholite est réalisé dés l’amélioration de l’état du patient.
grave ou d’extraction incomplète des calculs.

C. INDICATIONS : VII. CONCLUSION :


Le volet médical du traitement est toujours de mise, et
doit être adapté à chaque cas. L’angiocholite aiguë constitue une urgence médico-
chirurgicale qui peut de manière imprévisible mettre en
1/ANGIOCHOLITE AIGUË LITHIASIQUE : jeu le pronostic vital.
Formes non compliquées et patient sans tares  : trai- Son diagnostic repose sur la clinique et l’échographie.
tement chirurgical en urgence différé après quelques Son traitement comporte toujours un volet médical des-
heures de préparation par le traitement médical. tiné à lutter contre les conséquences générales de l’in-
fection et un volet chirurgical ou endoscopique visant à
Formes compliquées et/ou patients âgés et tarés  : lever l’obstacle à l’écoulement de la bile.
sphinctérotomie endoscopique première puis secon-
dairement cholécystectomie éventuellement par voie
cœlioscopique.

TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : Les tumeurs oddiennes peuvent se manifester d’emblée par une AA.
n Vrai n Faux

Test n° 2 (Objectif n° 2) : L’AA réalise une septicémie à point départ biliaire (VBP).
n Vrai n Faux

Test n° 3 (session janvier 2015) : Expliquez (en 2 lignes) les principes de la prise en charge thérapeutique initiale (les
premières 48-72 heures) d’une pancréatite aigüe associée à une angiocholite aiguë.

Test n° 4 (session janvier 2015) : L’angiocholite aiguë :


a) Entraîne une septicémie b) Est due à un obstacle complet de la voie biliaire principale
c) Peut entraîner une insuffisance rénale aiguë d) Les germes responsables sont des cocci gram +
e) La contamination de la voie biliaire principale se fait par voie canalaire ascendante

Test n° 5 (session janvier 2015) Les étiologies les plus fréquentes d’une angiocholite aiguë sont :
a) Lithiase de la voie biliaire principale
b) Kyste hydatique du foie ouvert dans les voies biliaires principales
c) Cancer de la tête du pancréas d) Cancer secondaire du foie
e) Cancer de la voie biliaire principale

Test n° 6 (session janvier 2015) La gravité d’une angiocholite aiguë est appréciée par :
a) Une thrombopénie inférieure à 50 000 /mm3 b) Une hyperleucocytose supérieure à 25 000 /mm3
c) Urée supérieure à 20 mmol/l d) Hyper bilirubinémie supérieure à 150 micromol/l
e) Hémoculture positive

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 121


CONDUITE A TENIR DEVANT
UNE HÉMORRAGIE DIGESTIVE HAUTE

Prérequis
1. L’anatomie descriptive et topographique du tractus digestif supérieur (œsophage, esto-
mac, duodénum). Thème XIV, PCEM2.
2. La maladie ulcéreuse, étiopathogénie, diagnostic, complications, traitement (Cf cours
de Gastro DCEM2).
3. L’hypertension portale. Physiopathologie. Diagnostic – étiologie – complications, traite-
ment. (Cf cours de Gastro DCEM2).

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir une hémorragie digestive haute.
2. Décrire les différentes circonstances de découverte d’une hémorragie digestive haute.
3. Évaluer la gravité d’une hémorragie digestive haute en se basant sur des arguments
cliniques, biologiques, et endoscopiques.
4. Planifier les premiers gestes de réanimation afin d’assurer une stabilité des constantes
vitales.
5. Suspecter la cause d’une hémorragie digestive haute en se basant sur des arguments
anamnestiques et cliniques.
6. Établir les éléments paracliniques permettant de poser le diagnostic étiologique d’une
hémorragie digestive haute.
7. Planifier la prise en charge diagnostique et thérapeutique d’une hémorragie digestive
en fonction de sa gravité et de son étiologie.
8. Exposer les principes du traitement (médical, chirurgical ou endoscopique) d’une hé-
morragie digestive haute en fonction de son étiologie.
9. Citer les principales causes des hémorragies digestives hautes.
10. Énumérer les différents facteurs de pronostic d’une hémorragie digestive haute d’ori-
gine ulcéreuse.

INTÉRÊT DU SUJET : I. INTRODUCTION DÉFINITION


(OBJECTIF N° 1) :
L’hémorragie digestive haute (HDH) constitue une ur-
gence médico-chirurgicale fréquente et grave. L’hémorragie digestive haute est une hémorragie prove-
La fréquence des étiologies en cause (maladie ul- nant d’une lésion du tractus digestif supérieur, depuis la
céreuse, hypertension portale) et celle des circons- bouche œsophagienne jusqu’à l’angle duodéno-jéjunal.
tances favorisantes (traitement au long cours à base Il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale fréquente et
d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, de corticoïdes, grave pouvant mettre en jeu le pronostic vital de façon
d’anticoagulants) montre bien que le nombre de ma- imprévisible et à n’importe quel moment de l’évolution.
lades potentiellement exposé à cette complication est Elle nécessite une démarche diagnostique et thérapeu-
important et qu’ils sont du ressort de praticien dans tique bien définie comportant :
plusieurs spécialités médico-chirurgicales. • la reconnaissance de l’hémorragie,
Il convient alors que tout futur praticien, quels que • l’évaluation de la gravité de l’hémorragie,
soient sa spécialité et son mode d’exercice, soit ca- • l’établissement du diagnostic étiologique,
pable de connaître les éléments de base de la conduite • le traitement spécifique.
à tenir devant une hémorragie digestive haute. Elle nécessite toujours une hospitalisation en milieu
chirurgical, quelle que soit son abondance apparente, et
ceci en raison de son évolution imprévisible.
La gravité de l’hémorragie digestive haute est multifac-

122 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


torielle et tient non seulement à son abondance, mais E. LES HÉMORRAGIES DISTILLANTES :
aussi à son étiologie et au terrain sur lequel elle survient Lorsque le saignement est distillant, le signe d’appel est
(âge, tares…). une anémie chronique par carence martiale.
L’endoscopie digestive haute occupe une place prépon- Le diagnostic d’hémorragie digestive haute fait, l’hospi-
dérante dans la prise en charge de cette hémorragie, elle talisation s’impose en urgence dans un milieu chirurgical
a un triple intérêt : où seront entrepris sans retard et de façon simultanée :
• diagnostique : confirmant l’hémorragie et la rattachant • la réanimation et la lutte contre l’état de choc,
à sa cause. • l’évaluation de la gravité de l’hémorragie,
• pronostique : en sélectionnant un groupe de malades à • l’enquête étiologique,
haut risque de récidive • le traitement spécifique.
• thérapeutique : par les possibilités d’hémostase locale
(électrocoagulation, injection sclérosante, sclérothéra-
pie, ligature élastique) qu’elle peut offrir. III. ÉVALUATION DE LA GRAVITÉ DE
Les 3 étiologies les plus fréquentes sont représentées par : L’HÉMORRAGIE (OBJECTIF N° 3) :
• la maladie ulcéreuse gastro-duodénale.
• l’hypertension portale Elle doit être faite chez un malade réanimé et bien condi-
• les lésions aiguës gastro-duodénales. tionné.
La prise en charge est multidisciplinaire, nécessitant la Il faut rechercher les signes permettant d’évaluer l’im-
collaboration étroite entre chirurgien, endoscopiste et portance de l’hémorragie non pas tant sur les éléments
réanimateur. de l’interrogatoire, mais surtout sur les signes généraux,
Le pronostic dépend en grande partie de la qualité de les constantes hémodynamiques, les signes biologiques
cette prise en charge. et la capacité de la réanimation à maintenir un état hé-
modynamique stable.

II. MODES DE RÉVÉLATION (OBJECTIF N° 2) : A. LA QUANTITÉ DE SANG EXTÉRIORISÉ :


L’anamnèse ne permet qu’une évaluation approximative
Le diagnostic est de difficulté variable selon que l’on as- de la perte sanguine. Le malade et son entourage ont
siste ou non à l’épisode hémorragique souvent tendance à surestimer la quantité de sang ex-
Le diagnostic d’hémorragie digestive haute est généra- tériorisée.
lement facile et les modes de révélation sont variables : Lorsqu’une hémorragie est d’origine haute, une hématé-
mèse correspond à une perte de sang supérieure à celle
A. L’HÉMATÉMÈSE : d’un méléna.
Définie par le rejet de sang par la bouche lors d’un effort Lorsqu’une lésion digestive haute entraîne une rector-
de vomissements. La couleur du sang est rouge vif si le ragie, la perte sanguine est importante, le plus souvent
saignement est récent ou tirant sur le noir s’il est ancien. supérieure à 1litre.
Une hématémèse de faible abondance ne doit pas être
confondue avec une épistaxis déglutie, une hémorragie B. LES SIGNES CLINIQUES D’HYPOVOLÉMIE :
bucco-pharyngée ou une hémoptysie. Le premier signe est l’hypotension orthostatique avec
Le rejet de sang noir doit être distingué d’un vomissement une pression artérielle de décubitus normale. Puis, pour
de liquide de stase gastrique ou d’un vomissement vineux. une perte sanguine plus importante, la pression arté-
rielle systolique est normale ou élevée avec une différen-
B. LE MÉLÉNA : tielle pincée et il existe une tachycardie.
Défini par l’émission de selles noires gluantes nauséa- Au stade suivant surviennent les signes de choc avec pâ-
bondes correspondant à du sang digéré. leur, lividité, refroidissement des extrémités, polypnée,
Le méléna ne doit pas être confondu avec des selles oligurie et éventuellement troubles de la conscience.
noircies par des facteurs exogènes, alimentaires ou mé- Les chiffres tensionnels doivent être interprétés en fonc-
dicamenteux : boudin, réglisse, fer ou charbon. tion du contexte clinique en particulier chez le malade
hypertendu ou âgé. Une diminution de la pression systo-
C. LES RECTORRAGIES : lique en dessous de 90 mm Hg est en faveur d’une perte
Les rectorragies consistent en l’émission par l’anus de > à 25 % de la masse sanguine.
sang rouge vif, soit pur, soit mêlé de caillots ou de sang
enrobant les selles ou d’une diarrhée sanglante. Il s’agit C. LES SIGNES BIOLOGIQUES :
alors souvent d’une hémorragie abondante associée à Un chiffre d’hématocrite inférieur à 25  % est en faveur
un transit accéléré. Dans ce cas, il existe fréquemment d’une hémorragie grave. Cependant, la chute de l’héma-
une tendance à l’état de choc. tocrite peut être retardée et n’apparaître que dans les 24
à 48 heures lorsque l’espace vasculaire est rempli par
D. LES SIGNES D’ANÉMIE AIGUË : l’afflux des fluides extravasculaires.
Ils sont parfois révélateurs avant que l’hémorragie ne
s’extériorise. Ils se caractérisent par des sensations ver- D. LE RYTHME DES TRANSFUSIONS :
tigineuses, une hypotension orthostatique avec parfois Chez le malade non cirrhotique, le meilleur critère est le
perte de connaissance, voire décompensation d’une in- volume des concentrés globulaires transfusés pendant
suffisance coronarienne. Au maximum il peut s’agir d’un les 24 premières heures pour maintenir un état hémo-
véritable état de choc. dynamique correct. On peut classer les hémorragies en :

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 123


• minime, pour une quantité de sang transfusé < 0,5 l, perfusions aux chiffres de la pression veineuse centrale
• moyenne, pour une quantité comprise entre 0,5 et 1,5 l, (PVC).
• grave, au-delà de 1,5 l. Il est parfois nécessaire d’utiliser des accélérateurs de
transfusion.
E. LE TERRAIN : En cas de transfusions massives (> 7 - 10 culots/24h), il
Les éléments pronostiques liés au terrain sont consti- faut :
tués par l’âge supérieur à 60 ans, l’existence de tares • munir les tubulures de filtres arrêtant les micro agré-
associées (cirrhose, insuffisance cardiaque, insuffi- gats leucoplaquettaires qui ont été rendus respon-
sance rénale, insuffisance respiratoire, maladie évolutive sables de la survenue d’œdèmes pulmonaires lésion-
telle un cancer), ou une situation de stress (septicémie, nels.
réanimation post opératoire, brûlures étendues), elles- • prévenir l’hypothermie par le réchauffement du sang.
mêmes susceptibles de favoriser la survenue d’une hé-
morragie digestive haute. D. LES PRODUITS DE REMPLISSAGE :
On utilise au début des colloïdes pour réaliser une ex-
F. LES CRITÈRES ÉVOLUTIFS : pansion volémique et des cristalloïdes pour corriger les
Environ 80 % des hémorragies digestives hautes cèdent troubles hydro-électrolytiques et dès que possible le
spontanément. La persistance de l’hémorragie ou sa ré- sang et ses dérivés :
cidive rapide, l’inefficacité de la réanimation à restaurer • les culots globulaires,
un état hémodynamique stable traduisent une hémorra- • le plasma frais congelé (PFC) (apport de facteurs de la
gie massive et constituent des facteurs de mauvais pro- coagulation) :
nostic. • systématique chez le cirrhotique,
En conclusion, il apparaît nettement que la gravité d’une • en cas de transfusions massives, 1 poche de PFC pour
hémorragie digestive haute est multifactorielle et qu’elle 3 culots globulaires.
est imprévisible au moment de l’hospitalisation du ma- • les culots plaquettaires  : 1 culot plaquettaire pour 10
lade. Ceci justifie sa prise en charge dans une unité de culots globulaires.
soins médico-chirurgicale. Il ne faut pas oublier l’injection de calcium en intravei-
neux en cas de transfusions abondantes.

IV. LA RÉANIMATION (OBJECTIF N° 4) : E. L’OXYGÉNOTHÉRAPIE.

Elle doit démarrer dès l’hospitalisation du malade et al- F. LA POSE D’UNE SONDE GASTRIQUE :
ler de pair avec la recherche de l’étiologie. Elle doit être Ses avantages sont d’évacuer une grande quantité de
adaptée à l’abondance de l’hémorragie et au terrain sans sang pour faciliter l’examen endoscopique, de favoriser
dépasser les capacités physiologiques du malade. éventuellement l’hémostase par des lavages à l’eau gla-
cée, et d’apprécier l’évolutivité de l’hémorragie.
A. BUTS : Ses inconvénients sont de favoriser un éventuel saigne-
Restaurer une volémie efficace grâce aux solutés de ment (notamment d’origine œsophagienne) et de créer
remplissage en attendant le sang. des ulcérations aiguës (lésions de la sonde) gênant l’in-
Assurer l’oxygénation des tissus par la transfusion de terprétation de l’endoscopie.
culots globulaires et le maintien de la fonction ventila-
toire en veillant en particulier à la liberté des voies aé- G. LA SURVEILLANCE :
riennes. Il s’agit d’une surveillance des constantes cliniques (pouls,
Améliorer la coagulation en corrigeant au plus vite l’hy- tension, respiration, diurèse, conscience), des besoins
povolémie source de désordres microcirculatoires. transfusionnels et à un moindre degré des constantes
biologiques (hématocrite, ionogramme, gaz du sang…).
B. UN BILAN BIOLOGIQUE : Des lavements évacuateurs sont à pratiquer à intervalles
Des examens systématiques sont pratiqués à l’admis- réguliers pour surveiller l’apparition de méléna.
sion : Le rythme de cette surveillance est fonction de la gravité
• le groupage sanguin, de l’hémorragie.
• une numération de la formule sanguine, Elle doit être poursuivie même si l’hémorragie s’est ar-
• un examen de la crase sanguine : taux de prothrombine rêtée.
(TP), temps de céphaline-kaolin (TCK), plaquettes, Dans la grande majorité des cas, l’état hémodynamique
• un ionogramme sanguin avec réserve alcaline, se stabilise, la réanimation étant efficace, le malade
• un bilan hépatique. pourra alors faire sa fibroscopie sans retard et dans de
bonnes conditions.
C. L’ABORD VEINEUX : Dans de rares cas, malgré une réanimation bien conduite,
La préférence est donnée à la voie périphérique dans le l’état hémodynamique ne s’améliore pas témoignant d’une
territoire cave supérieur avec un ou 2 cathlons. hémorragie encore active, abondante, voire cataclysmique,
Le recours à la voie centrale s’impose chez les sujets mettant en jeu dans l’immédiat le pronostic vital.
âgés, ou en insuffisance cardiaque et chaque fois que
l’abondance de l’hémorragie nécessite un remplissage Il convient alors :
massif. • En présence de signes cliniques d’hypertension portale
Cette voie centrale permet alors d’adapter le rythme des (HTP)  : de mettre en place une sonde de tamponne-

124 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


ment à laquelle on peut associer une perfusion de dro- • de la présence de plus d’une lésion et aucune d’elle ne
gues vaso-actives (vasopressine - somatostatine). saigne au cours de l’examen,
• En l’absence de signes d’hypertension portale, l’hé- • de l’absence de signes directs ou indirects d’hémorra-
morragie est très probablement d’origine ulcéreuse, gie récente au niveau de la lésion vue.
l’indication opératoire doit être portée en urgence, car Dans tous ces cas, la réanimation et la surveillance doi-
seule une hémostase chirurgicale de sauvetage permet vent être poursuivies et la fibroscopie doit être refaite
de préserver le pronostic vital. soit après lavage gastrique soit à la reprise éventuelle
de l’hémorragie.

V. LE DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE 5/LA DUODÉNOSCOPIE LATÉRALE :


(OBJECTIFS N° 5, 6, 7, 8, 9 ET 10) : Elle est indiquée lorsqu’on suspecte une hémobilie ou
une wirsungorragie qui sont en fait des causes rares
A. LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE : d’hémorragie digestive haute.
La recherche de l’étiologie se doit d’être simple, rapide
et efficace afin de ne pas retarder un geste thérapeutique 6/L’ARTÉRIOGRAPHIE CŒLIOMÉSENTÉRIQUES :
adéquat. Elle est d’indication exceptionnelle. On y fait recours en
L’interrogatoire, l’examen clinique et surtout la pratique cas :
de la fibroscopie dans les plus brefs délais permettent • d’hémorragie persistante alors que la fibroscopie est
d’approcher au moins 95 % des étiologies des HDH. non concluante,
Tout au long de cette enquête étiologique, on doit conti- • d’écoulement de sang par la papille (hémobilie ou wir-
nuer sans relâchement, la réanimation et la surveillance. sungorragie),
• de suspicion d’une pathologie vasculaire/un anévrisme
1/L’INTERROGATOIRE : aorto-duodénal ou une angiomatose.
Du malade et/ou de son entourage recherchera : Dans ces cas l’artériographie aura un double intérêt  :
• des épisodes hémorragiques similaires, diagnostique et thérapeutique (embolisation).
• une maladie ulcéreuse connue,
• des épigastralgies non explorées, B. LES ASPECTS ÉTIOLOGIQUES ET LES
• la notion de maladies chroniques (rhumatismales, TRAITEMENTS SPÉCIFIQUES :
cardiovasculaires, respiratoires) nécessitant la prise 1/LES ULCÈRES DUODÉNAUX ET GASTRIQUES (VOIR
au long cours de médicaments réputés être gas- ANNEXE N° 1) :
tro-toxiques tels que les anti-inflammatoires non sté- a/Généralités :
roïdiens (AINS), les anticoagulants, les corticoïdes…, L’hémorragie digestive haute complique la maladie ulcé-
• les antécédents d’ictère, de transfusion sanguine et reuse gastro-duodénale dans environ 25 % des cas. D’un
d’éthylisme. autre côté, celle-ci représente la cause la plus fréquente
des hémorragies digestives hautes (50-70 %).
2/L’EXAMEN CLINIQUE : L’hémorragie peut être inaugurale de la maladie et sur-
L’examen abdominal recherchera des signes en faveur venir en l’absence de tout antécédent ulcéreux. Une prise
d’une cirrhose (gros foie nodulaire à bord antérieur tran- récente de médicaments gastro-toxiques est retrouvée
chant, ictère conjonctival) ou d’une hypertension portale dans environ 20  % des cas. Le mécanisme du saigne-
(ascite, circulation veineuse collatérale périphérique, ment de l’ulcère est double :
splénomégalie). • un saignement capillaire périulcéreux  : c’est le mode
le plus fréquent, l’hémorragie cesse souvent spontané-
3/LES EXAMENS BIOLOGIQUES : ment et ne récidive que rarement,
Permettent d’orienter le diagnostic vers une hémorragie • un saignement artériel par rupture d’une artériole ou
compliquant une hypertension portale en montrant des d’une artère située sur le cratère ulcéreux lui-même ;
signes d’insuffisance hépatocellulaire (bilirubine élevée, ce type de saignement est volontiers abondant et réci-
cytolyse, TP bas). dive fréquemment.
En cas de maladie ancienne, il peut s’y associer une autre
4/LA FIBROSCOPIE : complication en l’occurrence une sténose duodénale.
C’est l’examen capital.
b/L’examen abdominal :
Elle doit être faite le plutôt possible dès que l’état hémo-
Est habituellement normal.
dynamique du malade le permet. Il ne faut pas recourir
aux sédatifs ni à l’anesthésie pharyngée, l’altération de c/L’endoscopie :
l’état de conscience ou le coma imposent l’intubation Elle visualise l’ulcère et permet d’en préciser les carac-
trachéale préalable pour éviter le risque d’inhalation. téristiques.
La fibroscopie permet d’établir le diagnostic de certitude • Le siège :
dans plus de 95 % des cas, lorsqu’elle est faite assez tôt −plus
− de 90 % des ulcères hémorragiques siègent sur
dans les 12 premières heures qui ont suivi l’hémorragie. la face postérieure du bulbe duodénal (rapport anato-
Elle permet aussi de préciser le type de saignement et mique avec les artères gastro-duodénale et pancréa-
l’existence d’éventuelles lésions associées. tico-duodénale supérieure droite),
Les difficultés d’interprétation (5 %) proviennent : −dans
− environ 8 % il s’agit d’un ulcère de la petite cour-
• d’un examen incomplet (présence de résidus héma- bure gastrique saignant par érosion d’une branche de
tiques ou estomac plein de sang), l’artère coronaire stomachique.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 125


• La profondeur et la taille  : qui permettent d’opposer de réduction de la mortalité. Ils sont cependant prescrits
les ulcères peu creusant aux ulcères calleux, géants et à la phase aiguë de l’hémorragie, car ils représentent le
angiotérébrants dont l’hémostase spontanée ou sous début du traitement de la maladie ulcéreuse.
traitement médical est difficile à obtenir, voire aléatoire L’efficacité des antifibrinolytiques tel que l’acide tranexa-
(récidive hémorragique fréquente). mique n’est pas démontrée.
• Les stigmates de saignement : dépendent étroitement Le traitement antibiotique :
du délai de réalisation de la fibroscopie. Certaines études ont montré que la récidive lointaine de
−stigmates
− d’hémorragie active : hémorragie en nappe l’hémorragie était presque nulle chez les malades chez
ou par les berges de l’ulcère ou jet artériel par éro- qui l’Hélicobacter pylori avait été éradiqué.
sions vasculaires. Au contraire, le taux de récidive hémorragique chez les
−stigmates
− d’hémorragie récente : un caillot adhérent, malades maintenus sous traitement anti-sécrétoire sans
un vaisseau visible. traitement d’éradication est d’environ 10 %.
L’intérêt de ces signes endoscopiques est de prédire la Pour ce qui est de l’effet de ce traitement à la phase ai-
récidive hémorragique, élément influençant de façon guë, plusieurs études sont en cours et les résultats défi-
statistiquement significative le pronostic des hémorra- nitifs ne sont pas encore connus ?
gies digestives d’origine ulcéreuse.
La récidive hémorragique à court terme est importante • Le traitement endoscopique :
(environ 40  %) en cas de vaisseaux visibles, exception- Les méthodes d’hémostase endoscopique sont soit des
nelle en cas de nécrose noirâtre, intermédiaire en cas de méthodes de coagulation (électrocoagulation monopo-
caillot adhérent (25 - 30 %). Le caillot peut en effet mas- laire ou bipolaire, sonde chauffante, laser), soit des mé-
quer une lésion artérielle ou être dû à un saignement thodes d’injection de vasoconstricteurs (type adrénaline
de type capillaire, il sera lavé au cours de l’endoscopie 1/10 000) ou de sclérosants (type polidocanol) ou alcool
si une méthode d’hémostase (telle que l’électrocoagula- absolu.
tion) peut être immédiatement appliquée en cas de sai- L’objectif majeur de ces méthodes endoscopiques est
gnement artériel sinon il faut le respecter. d’éviter dans la sécurité totale le recours à la chirurgie
Les signes endoscopiques peuvent être classés selon la d’hémostase en urgence surtout chez les malades âgés
classification de Forrest (figure1) modifiée : à haut risque opératoire.
Le coût de ce traitement est élevé, il nécessite
un apprentissage spécifique.

• La Radiologie interventionnelle :
Elle consiste en une embolisation de l’artère
gastro-duodénale par l’injection de caillots
autologues.

• Le traitement chirurgical :
Le traitement chirurgical a deux objectifs :
- assurer l’hémostase en période hémorra-
gique,
- traiter la maladie ulcéreuse.
Il peut s’agir :
D’une vagotomie tronculaire avec suture d’un
ulcère postérieur et une pyloroplastie  : c’est
Figure1 : Classification de Forrest l’intervention de Weinberg. C’est l’interven-
tion la plus réalisée en urgence en raison de sa rapidité
d/Le traitement : d’exécution et de la fréquence des ulcères duodénaux
Les méthodes : postérieurs.
Une vagotomie + antrectomie emportant l’ulcère et un
• Les traitements médicamenteux : rétablissement gastro-jéjunal type Finsterer.
Les Substances élevant le pH intragastrique : leur utili- Une gastrectomie de 2/3 pour certains ulcères gas-
sation semble être justifiée par le fait que les fonctions triques dans des cas particuliers.
plaquettaires sont très abaissées en cas de pH inférieurs
à 6,8 in vitro et que la fibrinolyse est augmentée en cas de Les indications :
pH bas. Ainsi une diminution nette de l’acidité gastrique Elles dépendent de plusieurs facteurs :
en gardant un pH proche de la neutralité permettrait de • l’état hémodynamique et l’arrêt ou non de l’hémorra-
stabiliser le caillot adhérent à l’ulcère et d’arrêter le sai- gie,
gnement ou de prévenir la récidive. • l’âge, le terrain,
Les antogonistes des récepteurs H2 de l’histamine (an- • les constatations endoscopiques
ti-H2) ainsi que les inhibiteurs de la pompe à proton Les indications peuvent se résumer ainsi :
(oméprazole, lanzoprazole) n’auraient pas d’efficacité • Opérer en extrême urgence le malade présentant une
hémostatique reconnue. Les études sont contradictoires hémorragie cataclysmique avec état de choc ne répon-
concernant leur efficacité en terme des besoins transfu- dant pas à la réanimation bien conduite (s’assurer de
sionnels, de la nécessité d’un traitement chirurgical ou l’absence de signes d’HTP).

126 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


• Opérer en urgence les malades qui ont une hémorra- Dans les ulcérations aiguës d’origine médicamenteuse,
gie active à la fibroscopie. l’évolution est pratiquement toujours favorable à l’arrêt
• Opérer dans les 24 heures un groupe de malades sé- du traitement en cause. Chez les gros malades de réa-
lectionnés chez qui l’hémorragie s’est arrêtée, mais qui nimation, le pronostic dépend évidemment de la patho-
sont potentiellement exposés à la récidive en raison de logie causale.
la présence de signes endoscopiques (caillot adhérent Le traitement chirurgical est d’indication exceptionnelle.
frais, vaisseaux visibles au sein d’un gros cratère ulcé-
reux) d’autant plus qu’il existait un état de choc à l’ad- d/Le traitement préventif :
mission et qu’il s’agit de sujets âgés. Gastro-toxiques  : il faut interdire la prise de gas-
• Opérer de façon élective les malades qui ont déjà sai- tro-toxiques aux patients ayant des antécédents ulcéreux,
gné dans le passé, et ceux présentant une sténose as- éviter la prise d’AINS dans un but antalgique (arthrose),
sociée. ne pas associer deux AINS ou l’aspirine à un AINS. Si la
Le traitement endoscopique peut constituer une excel- prescription d’AINS est nécessaire, une prophylaxie mé-
lente alternative au traitement chirurgical en urgence en dicamenteuse est recommandée en cas d’antécédents
particulier chez les malades à haut risque opératoire. d’ulcère ou de complication ulcéreuse, ainsi que chez
Il nécessite un endoscopiste entraîné à la technique, des sujets «  à risque  » ne pouvant faire les frais d’une
à défaut il ne doit en aucun cas laisser passer l’heure complication hémorragique.
d’une chirurgie d’hémostase qui constitue toujours le
traitement de référence en matière d’hémorragie diges- Les lésions de stress  : leur fréquence a considérable-
tive d’origine ulcéreuse. ment diminué en raison des progrès considérables de la
réanimation des patients (prévention de l’acidose méta-
Lorsque l’hémorragie s’est arrêtée et que l’indication bolique, de l’hypoxie, de l’hypercapnie). Leur prophylaxie
opératoire n’a pas été retenue : systématique par anti-H2 ou sucralfate ne semble donc
• Pour l’ulcère duodénal, il faudra continuer le traite- plus justifiée, sauf chez les patients les plus exposés au
ment médical à base d’antisécrétoires + éradication de risque, c’est-à-dire ceux avec hypoxie et (ou) porteurs de
l’hélicobacter pylori. coagulopathie.
• Pour l’ulcère gastrique, le même traitement est indi-
qué et il faudra penser à refaire l’endoscopie avec des 3/L’HYPERTENSION PORTALE (VOIR ANNEXE N° 2) :
biopsies à distance de l’épisode hémorragique afin de a/Généralités :
ne pas méconnaître un cancer gastrique. La rupture de varices œsophagiennes ou gastriques re-
présente plus de 90  % des causes d’hémorragie liée à
Les résultats : l’hypertension portale (HTP).
La mortalité des hémorragies digestives hautes d’ori- Dans les autres cas, l’hémorragie est secondaire à un
gine ulcéreuse est d’environ 5 %. ulcère gastro-duodénal, à des érosions gastriques ou à
Les facteurs de risque sont : des débuts de gastropathies hypertensives sévères favo-
L’âge > 60 ans. risées par l’HTP.
La présence de tares. L’HTP est due le plus souvent à un bloc intrahépatique
La présence d’un état de choc initial. par cirrhose post hépatitique, ou alcoolique, plus rare-
La récidive hémorragique. ment à un bloc infrahépatique ou suprahépatique.
La survenue d’une hémorragie digestive représente la
2/LES LÉSIONS AIGUËS DE LA MUQUEUSE GAS- complication la plus grave et la plus fréquente de la cir-
TRO-DUODÉNALE : rhose avec une mortalité qui atteint 25 à 35 %.
a/Généralités : Près de la moitié de ces décès surviennent dans les 2
Les lésions aiguës de la muqueuse gastro-duodénale premières semaines qui suivent l’épisode hémorragique.
sont secondaires à : Le diagnostic est facile devant la présence de signes
• La prise de médicaments gastro-toxiques (aspirine, francs d’HTP/ascite, circulation veineuse collatérale et
AINS) : splénomégalie.
• Un stress (septicémie, réanimation postopératoire, Il faut toujours évaluer l’état de conscience et recher-
brûlures étendues…) ; cher un ictère conjonctival synonyme d’une insuffisance
• Une ulcération de Dieulafoy (malformation artérielle hépatocellulaire.
de la sous-muqueuse généralement située en région Celle-ci est mieux évaluée par les tests hépatiques. Les
sous-cardiale). bilans hépatiques et d’hémostase doivent être faits dès
l’admission et répétés fréquemment au cours de la sur-
b/Diagnostic endoscopique : veillance.
Les lésions se présentent sous forme de pétéchies,
d’érosions, d’ulcérations, ou d’ulcères. Elles sont volon- b/Diagnostic endoscopique :
tiers multiples (sauf en cas d’ulcération de Dieulafoy), et Le diagnostic de rupture de varices œsophagiennes ou
de siège gastrique. Elles sont éphémères dans le temps, gastriques est certain s’il existe un saignement actif en
d’où l’intérêt de faire la fibroscopie le plus tôt possible. jet ou en nappe, ou des signes indirects d’hémorragie
récente (clou plaquettaire, caillot) au niveau des varices
c/Le traitement spécifique : de l’œsophage, du cardia ou de la grosse tubérosité de
Il est identique à celui de la maladie ulcéreuse gas- l’estomac. En l’absence de tels signes, le diagnostic est
tro-duodénale. probable s’il n’existe pas de lésion associée et indéter-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 127


minée si les varices sont associées à une autre lésion Nitroglycérine, elle est utilisée en association avec la
potentiellement hémorragique (ulcère, gastropathie Glypressine (ou la vasopressine), car elle potentialise
congestive sévère…). l’effet de ces drogues sur la pression portale et dimi-
nue la fréquence des complications systémiques. Elle
c/Le traitement : peut être utilisée par voie intraveineuse à la dose de 40
Buts : à 400 μg/mn en fonction des chiffres de la tension ar-
Les objectifs du traitement d’un malade présentant une térielle (maintenir une pression systolique supérieure à
hémorragie digestive par rupture de varices œsopha- 90 mmHg), ou par voie sublinguale à la dose de 0,6 mg
giennes sont multiples : toutes les 30 minutes.
• Arrêter une hémorragie active. Somatostatine (Modustatine) et octréotide (Sandosta-
• Prévenir la récidive hémorragique plus ou moins iné- tine)  : Ils diminuent la pression portale par un méca-
luctable à court et à long terme. nisme de vasoconstriction splanchnique sans effet sys-
• Prévenir l’encéphalopathie hépatique (lavage gastro- témique et procurent des résultats comparables à ceux
intestinal par les solutions de Polyéthylène glycol, ad- de la sclérose endoscopique, en termes d’efficacité hé-
ministration orale ou rectale de lactulose). mostatique et de prévention de la récidive hémorragique
• Prévenir l’infection (septicémie, péritonite bactérienne précoce. Leur association à la sclérose endoscopique
primitive) par une antibio-prophylaxie par fluoroquino- semble bénéfique en termes de prévention de la récidive
lone. précoce, par rapport à la sclérose seule.

Les méthodes : • Anastomose porto-cave intrahépatique par voie


• Le tamponnement œsophagien : transjugulaire (TIPS) :
Cette technique, utilisée depuis des décennies, fait appel Il est actuellement possible de mettre en place par voie
soit à la sonde à deux ballonnets de Sengstaken-Blake- jugulaire veineuse sus-hépatique une endoprothèse mé-
more, soit à la sonde à un ballonnet de Linton. L’hémos- tallique auto-expansible entre une veine sus-hépatique
tase est obtenue dans la majorité des cas, mais le taux et une des branches intrahépatiques de la veine porte re-
de récidive hémorragique au retrait de la sonde est de pérée par échographie. Il s’agit d’une technique efficace
l’ordre de 50 %. Le bon positionnement de la sonde est pour arrêter l’hémorragie et surtout prévenir la récidive
contrôlé par une radio de thorax. hémorragique. La réalisation de ce geste nécessite un
Des complications sont fréquemment observées, à type radiologue entraîné. La durée nécessaire à la mise en
de pneumopathie d’inhalation, plus rarement d’ulcères place du shunt (2 h 30, en moyenne) n’est pas sans poser
voire de nécrose de l’œsophage. La sonde doit être dé- des problèmes en période hémorragique. Ce traitement
gonflée à intervalles réguliers. ne peut constituer à lui seul un traitement définitif de
l’hypertension portale, vu la fréquence élevée d’obtura-
• Le traitement endoscopique : tion du shunt (30 % à 1 an et 50 % à 2 ans).
−−La sclérose endoscopique  : L’arrêt de l’hémorragie Ce type de traitement a l’avantage d’obtenir l’équivalent
est obtenu dans plus de 90 % des cas. Ce traitement d’une dérivation porto-cave chirurgicale sans pour autant
diminue de façon significative le taux de récidive hé- avoir les inconvénients de l’anesthésie et la chirurgie sur
morragique précoce. Il est fréquemment responsable ce terrain (risque hémorragique, risque d’encéphalopa-
de complications mineures à type de douleurs rétros- thie…).
ternales ou de dysphagie transitoire et exceptionnelle- • Le traitement chirurgical :
ment de complications majeures : récidive hémorra- Il s’agit de :
gique par ulcère œsophagien, sténose œsophagienne, • Dérivations porto-systémiques  : anastomose por-
nécrose et perforation de l’œsophage, épanchements to-cave, mésentérico-cave,
pleuraux, syndrome de détresse respiratoire. La réali- • Gestes directs sur les varices : transsection œsopha-
sation de ce geste en urgence nécessite un opérateur gienne, ligature sur bouton.
entraîné. La chirurgie en urgence est grevée d’une mortalité très
−−La ligature élastique  : le principe du traitement re- élevée et n’est réservée qu’aux échecs des autres traite-
pose sur l’aspiration de la varice puis sa ligature élas- ments chez des patients avec insuffisance hépatocellu-
tique. Elle est aussi efficace que la sclérothérapie avec laire modérée ou absente (Child Pugh A). La complication
cependant moins de complications. Elle passe à deve- éventuelle chez ces malades qui ont eu une dérivation
nir le traitement de référence en urgence. porto-cave est la survenue d’une encéphalopathie hépa-
−− tique de degré variable.
• Le traitement médicamenteux hémostatique :
Vasopressine et Glypressine. La terlipressine (Glypres- Les indications en période hémorragique :
sine) se prescrit à la dose de 1-2  mg  IV toutes les 4h Transfusions sans excès jusqu’à un taux d’hématocrite
pendant 24 à 36  h. Ces substances entraînent une di- de 25 à 30 %.
minution de la pression portale par vasoconstriction Perfusion de plasma frais congelé.
systémique. Les effets secondaires sont à type de ta- Prescription d’anti-secrétoires par voie intraveineuse.
chycardie, de pâleur cutanée, ainsi que de complications Prévention de l’encéphalopathie par lactulose peros ou
graves à type d’ischémie aiguë, cérébrale, myocardique par lavement.
ou d’un membre inférieur. L’efficacité hémostatique de Prévention de l’infection par la décontamination bacté-
la Glypressine est comparable à celle du tamponnement rienne intestinale précoce (norfloxacine 400 mg/j per os).
par sonde. Le choix de la méthode d’hémostase dépend de l’état

128 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


hémodynamique du malade et de l’arrêt ou non de l’hé- de prévenir efficacement les récidives et d’éviter l’abord
morragie : chirurgical du pédicule hépatique.
• Chez le malade présentant une hémorragie abondante La tendance actuelle est d’opter pour la prophylaxie pri-
avec un état de choc ne répondant pas à la réanimation maire de l’hémorragie par les mêmes méthodes théra-
bien conduite, il est recommandé de mettre en place peutiques (sclérothérapie - ligature élastique - Injection
sans retard une sonde de tamponnement. On peut lui de colle biologique - βbloquants).
associer une perfusion de vasopressine ou de sandos-
tatine. d/Résultats :
• Pour les malades dont l’état hémodynamique est stable La mortalité hospitalière secondaire à une hémorragie
d’emblée ou s’est stabilisé par la réanimation, l’endos- digestive par rupture de varice est de l’ordre de 35  %
copie distingue 2 sous-groupes : chez le cirrhotique. Un an plus tard, un malade sur deux
−Les
− patients dont l’hémorragie s’est arrêtée, il faudra est décédé, et deux sur trois le seront après 3 ans.
continuer la réanimation et programmer plus tard la Les facteurs pronostiques de la mortalité à 30 jours sont
prévention de la récidive hémorragique. la survenue d’une récidive hémorragique précoce et le
−Les
− patients chez qui les varices continuent à sai- degré d’insuffisance hépatocellulaire. C’est dire tout
gner, le choix est porté délibérément sur le traite- l’intérêt de prévenir la survenue des récidives hémorra-
ment endoscopique (sclérose ou ligature) auquel peut giques précoces.
être associée une perfusion de sandostatine ou de
vasopressine. En cas d’échec ou de non-disponibili- 4/LE SYNDROME DE MALLORY-WEISS :
té de ce traitement, on peut tenter le tamponnement Il s’agit d’une déchirure traumatique du cardia secon-
mécanique. daire à des vomissements ou des efforts de vomisse-
L’échec de ces traitements de première ligne (traitement ments. La lésion se présente sous forme d’une ulcération
endoscopique-tamponnement drogues vaso-actives) ou d’un ulcère tissulaire, à la jonction des muqueuses
peut amener à discuter en urgence des traitements plus œsophagienne et gastrique, ou uniquement sur l’une
complexes : plutôt que la chirurgie d’hémostase connue des deux muqueuses à proximité immédiate du cardia.
par ses mauvais résultats, le TIPS qui permet dans cer- Le saignement peut être de type capillaire ou artériel. Le
tains cas de surmonter des situations inespérées. traitement est identique à celui de la maladie ulcéreuse,
faisant appel à l’hémostase endoscopique en cas de
La prévention de la récidive hémorragique : saignement artériel : 1 ou 2 % des patients doivent être
La prévention de la récidive hémorragique précoce ou à cependant opérés. Cette affection se rencontre surtout
long terme est indissociable du traitement hémostatique dans le cadre d’une intoxication alcoolique aiguë. Hors
et doit être mise en œuvre le plus précocement possible. de ce contexte, la cause précise des vomissements devra
Elle peut être faite par sclérose endoscopique (séances toujours être recherchée.
de sclérothérapie tous les 7 ou 15 jours jusqu’à éradica-
tion des varices), par la technique de ligature élastique, 5/LES AUTRES CAUSES :
ou par un bêtabloquant non cardiosélectif (propranolol Sont rares :
ou nadolol) prescrit à une dose diminuant la fréquence • Œsophagite peptique ulcérée.
cardiaque de 25 %. La sclérose endoscopique a une meil- • Malformations vasculaires (angiomes, ectasies vascu-
leure efficacité que les bêtabloquants sur la prévention laires de l’antre).
des récidives hémorragiques. L’association de bêtablo- • Tumeurs œsophagiennes et gastriques.
quants et de sclérose endoscopique semble plus efficace • Wirsungorragies (anévrisme artériel, faux anévrisme et
que chacun des traitements pris isolément. La ligature pseudokyste hémorragique de la pancréatite).
élastique permet d’éradiquer les varices œsophagiennes • Hémobilies (traumatisme du foie, anévrisme artériel).
plus rapidement que la sclérose. La chirurgie ne se dis- • Fistules aorto-duodénales ou entre prothèse aortique
cute qu’en cas d’échec avéré de ces traitements. et duodénum.
La transplantation hépatique sera discutée chez un sujet • Troubles de la crase sanguine (thrombopathies) et vas-
jeune, sevré, en cas de cirrhose alcoolique. Dans l’attente culaires (purpura rhumatoïde).
d’un greffon disponible, la réalisation d’une anastomose • Hématome duodénal.
porto-cave intrahépatique par voie transjugulaire permet

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 129


ANNEXE
ANNEXE N° 1 : CONDUITE À TENIR PRATIQUE ET INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DEVANT
UNE HÉMORRAGIE DIGESTIVE HAUTE D’ORIGINE ULCÉREUSE

Réanimation

État hémodynamique État hémodynamique


instable stable
(Pas d’HTP)

Chirurgie (en extrême


urgence)
FIBROSCOPIE

Hémorragie active Vx visible Hémorragie arrêtée

(saignement en jet) Caillot

CHIRURGIE En urgence Chirurgie (24 h) 1ère hémorragie


Récidive ou
Ou TRT endosco-
sténose associée
pique

TTT médical TTT médical

130 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


ANNEXE N°2 : INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES DEVANT UNE HÉMORRAGIE DIGESTIVE
SECONDAIRE À UNE HYPERTENSION PORTALE

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 131


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : Une hémorragie digestive haute est celle qui peut provenir :
a) De l’œsophage. b) De l’estomac.
c) Du duodénum. d) De la 1ère anse jéjunale.
e) Du colon droit

Test n° 2 (Objectif n° 2) : Une hémorragie digestive haute peut se révéler par :
a) Une hématémèse. b) Un méléna.
c) Une rectorragie. d) Une anémie aiguë.
e) Un état de choc

Test n° 3 (Objectif n° 3) : Quels sont les critères qui permettent d’apprécier la gravité d’une hémorragie digestive haute ?

Test n° 4 (Objectif n° 4) : Quels sont les éléments de surveillance d’une hémorragie digestive haute ?

Test n° 5 (Objectif n° 5) : En présence d’une hémorragie digestive haute, la constatation d’une circulation veineuse col-
latérale périombilicale et d’une splénomégalie fait évoquer la rupture de varices œsophagiennes.
n Vrai n Faux

Test n° 6 (Objectif n° 6) : En présence d’une hémorragie digestive haute, l’examen capital qui permet avec précision de
poser le diagnostic étiologique est la fibroscopie, l’artériographie cœliomesentérique a une indication exceptionnelle.
n Vrai n Faux

Test n° 7 (Objectif n° 7) : Un patient présentant un ulcère duodénal hémorragique qui s’est arrêté de saigner et qui pré-
sente un vaisseau visible au sein de l’ulcère doit être opéré dans les 24 heures suivant son admission.
n Vrai n Faux

Test n° 8 (Session mai 2015) : Le traitement des hémorragies digestives hautes par hypertension artérielle fait appel à :
a) La sandostatine par voie parentérale b) L’intervention de Weinberg
c) Anastomose porto-cave d) Embolisation de l’artère gastro-duodénale
e) anastomose porto systémique intra hépatique par voie jugulaire

Test n° 9 (session janvier 2015) : Le critère le plus fiable pour apprécier la gravité d’une hémorragie digestive haute est :
a) La quantité de sang aspiré par la sonde naso-gastrique b) La baisse de la tension artérielle
c) L’hématocrite
d) Le nombre de culots globulaires nécessaire afin de maintenir un état hémodynamique stable
e) Fréquence cardiaque

Test n° 10 (session janvier 2015) : Les deux étiologies les plus fréquentes des hémorragies digestives hautes sont :
a) Ulcère gastro-duodénal b) Varices œsophagiennes
c) Gastrite d) Cancer de l’estomac
e) Angiodysplasie gastrique

132 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


CONDUITE A TENIR DEVANT
UNE HÉMORRAGIE DIGESTIVE BASSE

Prérequis
• Cours d’anatomie. P.C.E.M. 2 (thème XXIV).
• Cours états de choc. D.C.E.M. 2 (chirurgie, réanimation et gastro-entérologie).

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir les HDB.
2. Décrire les signes cliniques d’une HDB.
3. Distinguer en se basant sur les signes cliniques les différences entre hémorragie diges-
tive haute et basse.
4. Réunir devant des signes cliniques et paracliniques les éléments de gravité d’une HDB.
5. Planifier une stratégie d’exploration paraclinique devant une HDB.
6. Décrire une stratégie diagnostique durant une hémorragie digestive basse modérée et
sévère.
7. Citer les avantages et les inconvénients de la coloscopie et de l’artériographie.
8. Énumérer les causes les plus fréquentes des HDB et leurs particularités cliniques.

INTÉRÊT DU SUJET : II. ÉTAPE DIAGNOSTIQUE :

Les hémorragies digestives basses (HDB) représentent Pour adopter une stratégie diagnostique et thérapeu-
une urgence abdominale fréquente qui peut mettre en tique rationnelle, il faut faire le diagnostic positif, de
jeu le pronostic vital. l’abondance, et de la gravité de l’hémorragie ; évaluer le
Tout praticien doit pouvoir établir une stratégie de dia- terrain du patient et préciser le siège et le type de la lé-
gnostic étiologique cohérente. sion causale de l’hémorragie.
II.1 : DIAGNOSTIC POSITIF :
Le diagnostic positif de l’hémorragie digestive est facile,
I. DÉFINITION - INTRODUCTION :
d’autant plus qu’elle est extériorisée, mais en l’absence
d’hématémèses on ne peut préjuger du caractère haut
On appelle hémorragie digestive basse (HDB) tout sai-
ou bas de l’hémorragie.
gnement provenant d’une lésion du tube digestif située
en aval de l’angle duodéno-jéjunal (Objectifs n° 1). Les Circonstances de découverte (Objectif n° 2) :
Le saignement peut s’extérioriser par l’anus sous forme L’hémorragie digestive basse est évoquée devant :
de sang rouge ou noir (méléna), • Des mélénas faits de sang digéré, liquide, de couleur
Les HDB réalisent une urgence abdominale représen- noir goudron et d’odeur nauséabonde,
tant 10 à 20  % des hémorragies digestives, l’incidence • Une hémorragie de sang rouge qui correspond soit à
annuelle de l’HDB est estimée à 20/100 000. des émissions sanglantes émises avec des selles, soit
C’est une urgence médico-chirurgicale qui peut mettre à un saignement en dehors des selles et d’origine rec-
en jeu le pronostic vital avec une mortalité de l’ordre de tale réalisant des rectorragies.
2 à 4 %. • Les mélénas et l’hémorragie de sang rouge extériorisé
Les HDB posent un problème diagnostique et théra- par l’anus sont autant de signes inquiétants amenant
peutique souvent difficile à résoudre, les étiologies sont le malade à consulter et justifient une hospitalisation
nombreuses, parfois intriquées et les examens complé- dans une structure adaptée, où, après estimation de
mentaires souvent de réalisation malaisée. l’abondance de l’hémorragie et prise des mesures de
Malgré les explorations, le diagnostic étiologique reste réanimation classique, l’enquête étiologique permettra
incertain dans 10 à 20 % des cas. C’est dire l’importance une thérapeutique adaptée.
d’une démarche diagnostique rationnelle : • L’état de choc hémorragique et l’anémie peuvent révé-
Il faut adopter une stratégie diagnostique et thérapeutique ler une hémorragie digestive :
qui permet d’assurer la réanimation du patient, affirmer • Devant un état de choc hypovolémique, le toucher rec-
le diagnostic positif, évaluer l’abondance et la gravité de tal systématique, de même que la pose d’une sonde
l’hémorragie, faire le diagnostic du siège et du type de la gastrique doivent rechercher une hémorragie digestive
lésion causale et adapter le traitement spécifique. non extériorisée.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 133


• Une anémie qui peut résulter d’une HDB insidieuse et • des signes de trouble de la coagulation (tâches purpu-
nécessite une enquête étiologique avant de procéder à riques, ecchymoses, gingivorragie)
son traitement. • Le toucher rectal, outre l’affirmation du diagnostic ob-
jectivant le méléna ou du sang rouge, permettra éven-
II.2 : DIAGNOSTIC DE L’ABONDANCE ET DE LA tuellement de découvrir une anomalie ano-rectale.
GRAVITE
A. ABONDANCE DE L’HÉMORRAGIE (OBJECTIF N° 4) :
L’abondance de l’hémorragie est jugée sur le retentis- III. STRATÉGIE DIAGNOSTIQUE :
sement hémodynamique (soif, pâleur, froideur des ex-
trémités, hypotension artérielle, accélération du pouls) La stratégie diagnostique est basée sur le mode d’exté-
et biologique (modification de l’hémogramme) qu’elle riorisation de l’hémorragie, son abondance et son évo-
entraîne. lutivité. La conduite ne sera pas la même pour une hé-
La fréquence et l’abondance des émissions de sang exté- morragie de grande abondance que pour un saignement
riorisé par l’anus sont des critères subjectifs d’estimation. occulte.
Dans la littérature, plusieurs classifications étudiant A. LA PREMIÈRE PRÉOCCUPATION EST DE
l’abondance de l’hémorragie digestive comme celles SITUER LE NIVEAU DE L’HÉMORRAGIE SUR
d’EDELMAN et HOURY existent, elles se basent sur des LE COLON OU L’INTESTIN GRÊLE
critères cliniques et paracliniques objectifs et mesu- (OBJECTIF N° 3) :
rables. Il faut d’abord, devant des melænas et, ou une hémorra-
Les hémorragies de moyenne ou de grande abondance gie de grande abondance éliminer :
nécessitent une prise en charge urgente en milieu hos- • Une origine du saignement située en amont de l’angle
pitalier où des mesures de réanimation seront démar- de Treitz, par les données de l’interrogatoire (antécé-
rées (voie d’abord, groupe sanguin, restauration d’une dents d’ulcère gastrique ou duodénal, HTP), la mise
hémodynamique correcte) parallèlement à une enquête en place d’une sonde gastrique à la recherche du sang
étiologique. dans l’estomac ou au mieux par une fibroscopie haute
Mais, vu l’évolution imprévisible, toute hémorragie diges- qui doit être réalisée au moindre doute.
tive nécessite une prise en charge en milieu hospitalier • En effet, dix pour cent des hémorragies digestives
dans le but d’un diagnostic étiologique et un traitement abondantes extériorisées par voie basse ont une cause
spécifique et adapté au terrain du patient. située en amont de l’angle de Treitz.
• Une cause proctologique sur les données de l’interro-
B. DIAGNOSTIC DE LA GRAVITÉ DE L’HÉMORRAGIE : gatoire et de l’examen proctologique avec anuscopie.
L’abondance de l’hémorragie, le terrain du patient et la
présence d’un saignement actif conditionnent le pronos- B. LE SECOND TEMPS DE LA DÉMARCHE
tic vital du patient. DIAGNOSTIQUE DÉPEND DE L’ALLURE
Toute hémorragie de grande abondance est grave et peut ÉVOLUTIVE DE L’HÉMORRAGIE
mettre en jeu dans l’immédiat le pronostic vital du pa- (OBJECTIF N° 5) :
tient par les conséquences physiopathologiques de l’état 1- L’HÉMORRAGIE CESSE SPONTANÉMENT :
de choc hémorragique. Ce cas est le plus fréquent (75 % à 85 % des cas). Il est
Une hémorragie de moyenne voir de faible abondance alors possible de réaliser dans de bonnes conditions
peut avoir des répercussions défavorables sur un patient (après préparation colique de qualité, sous sédation) une
âgé, artérioscléreux ou porteur de tares (exemple, exten- coloscopie permettant d’explorer l’ensemble du cadre
sion d’un infarctus récent du myocarde). colique et l’iléon terminal.
Quelle que soit son abondance, une hémorragie qui per- En cas de négativité de la coloscopie, on profitera de la
siste est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital ; sédation pour répéter l’endoscopie digestive haute avec
ceci est attesté par la présence d’un saignement actif. exploration idéalement latéroscopique de la papille. En-
suite, et si ces deux examens sont normaux on réalisera
II.3 : ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC un transit du grêle, voire une artériographie, une scin-
ÉTIOLOGIQUE : tigraphie et selon l’orientation diagnostique et leur dis-
1/L’INTERROGATOIRE : ponibilité d’autres examens complémentaires (entéros-
Il précisera la notion : copie longue, entéroscanner, vidéocapsule.)
• De prise de température rectale.
• De manœuvres traumatiques endoanales. 2-L’HÉMORRAGIE PERSISTE :
• D’explorations recto-coliques récentes. La conduite repose surtout sur 2 examens : la coloscopie
• Prise médicamenteuse (AINS, anticoagulants…) en urgence, et l’artériographie. Les deux techniques ont
• Antécédents de rectorragie, de sigmoïdite, de radiothé- des avantages et des inconvénients, sont parfois com-
rapie abdomino-pelvienne, plémentaires et le choix est surtout fonction des condi-
• de maladie inflammatoire chronique de l’intestin. tions locales.

2/L’EXAMEN CLINIQUE : a/La coloscopie (Objectif n° 7) :


Recherche : Il peut être possible de réaliser une coloscopie sans pré-
• une masse abdominale, paration, les propriétés laxatives du sang permettent
• des signes d’hypertension portale (splénomégalie, hé- parfois une exploration correcte du colon. Cet examen
patomégalie, ascite, circulation collatérale), pourra visualiser l’anomalie qui saigne (polype, diverti-

134 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


cule cancer, colite inflammatoire) et parfois d’en réaliser • transit baryté du grêle à la recherche d’une tumeur,
le traitement • scintigraphie au pertechnetate à la recherche d’un di-
(Polypectomie à l’anse diathermique). Dans d’autres cas, verticule de Meckel,
la coloscopie sans préparation, en repérant la limite su- • entéroscopie à l’aide d’endoscope de nouvelle généra-
périeure du contenu sanglant, peut aider à préciser la tion qui permet de visualiser surtout de petites lésions,
topographie lésionnelle. telles les angiodysplasies. Le recours à cette technique
La coloscopie en urgence permet, dans près de 75 % des devrait réduire le pourcentage d’hémorragies basses
cas, de poser le diagnostic du siège et de la nature de la demeurant actuellement inexpliquées (environ 20 %).
lésion hémorragique au prix d’un faible taux de compli- • L’entéroscanner et le coloscanner (coloscopie virtuelle)
cations (perforation, hémorragie). sont des techniques en développement permettent la
recherche d’un épaississement localisé ou diffus de la
b/L’artériographie (Objectif n° 7) : paroi intestinale et l’infiltration du mésentère.
Elle doit explorer l’artère mésentérique supérieure en Malgré cette démarche, aucune lésion n’est repérée
premier, le saignement provenant plus fréquemment des dans plus de 10  % des cas. Si l’hémorragie persiste, il
artères coliques droites, puis la mésentérique inférieure faut alors réaliser une laparotomie en urgence. En cours
si le saignement n’a pas été visualisé. Si cette explora- de laparotomie, plusieurs techniques sont possibles
tion ne repère toujours pas d’anomalie, il faut conclure pour tenter de repérer le siège du saignement :
par une artériographie du tronc cœliaque. • On peut utiliser la technique des clampages étagés,
Cet examen peut montrer, dans près de 50  % des cas, • Réaliser une pan endoscopie à ventre ouvert en s’ai-
une flaque d’extravasation du produit de contraste dans dant notamment de la transillumination,
la lumière digestive permettant de situer très précisé- • Injecter du colorant dans l’artère mésentérique supé-
ment le site hémorragique et dans environ 30 % des cas, rieure par le cathéter d’artériographie laissé en place.
de visualiser une lésion anormale pouvant expliquer le • Si aucune lésion n’est repérée après une exploration
saignement : enchevêtrements des artérioles de la paroi soigneuse, force est alors de réaliser une colectomie
colique, dilatation des veines sous muqueuses, retours subtotale du fait du seul argument de fréquence des
veineux précoces (angiodysplasie) ou une néo vasculari- lésions coliques.
sation d’une tumeur maligne. On peut proposer une conduite diagnostique devant une
La mise en évidence d’une extravasation, signant for- hémorragie digestive basse (Schéma).
mellement le diagnostic, est d’autant plus fréquente que
l’hémorragie est abondante avec un débit de saignement
de l’ordre de 0,5 ml/minute. IV. ÉTIOLOGIE ET CONDUITE
THÉRAPEUTIQUE (OBJECTIF N° 8) :
L’artériographie impose le transfert d’un patient à l’état
précaire de la salle de radiologie où la surveillance n’est
Contrairement aux hémorragies hautes où l’on trouve la
pas optimale. Cependant, dans certains cas, l’artériogra-
plupart du temps une cause évidente, près de 20 % des
phie peut déboucher sur un geste thérapeutique (embo-
HDB reste inexpliquée. On peut artificiellement classer
lisation de l’artère à l’origine du saignement).
les HDB selon leur siège :
Le taux de complication de l’artériographie se situe entre
4 et 10 % (thromboses artérielles, embolies, insuffisance A. CAUSES COLORECTALES :
rénale). Toutefois, si les 2 techniques peuvent être com- 1/ULCÉRATIONS RECTALES :
plémentaires, la coloscopie semble souvent plus efficace Les ulcérations thermométriques sont fréquentes. Elles
que l’artériographie, notamment pour visualiser un sai- correspondent à une dilacération muqueuse et sous mu-
gnement d’origine diverticulaire ou faire le diagnostic queuse de la face antérieure du rectum, en forme d’ulcé-
d’angiodysplasie. ration longitudinale longue de 0,5 à 2 cm, à 4-6 cm de la
marge anale. Ces accidents hémorragiques sont parfois
c/La scintigraphie : très abondants et peuvent être mortels. La mise en évi-
Devant la négativité de ces deux examens, la scintigraphie dence du saignement n’est pas toujours aisée, du fait de
aux hématies marquées au Technétium 99 a pour avan- son abondance et de la situation très basse de la lésion.
tage théorique de détecter des saignements de faible dé- La lésion apparaît alors comme une surélévation de la
bit (0,2 ml/min) ou intermittents, puisque l’enregistrement muqueuse centrée par une ulcération en raquette, siège
s’effectue sur 36 heures. En fait, la précision diagnostique d’un saignement soit diffus soit en jet. Le traitement en-
du siège de l’hémorragie ne dépasse pas 50 %. doscopique est habituellement aisé, soit par injection lo-
cale, soit par électrocoagulation. La réalisation de points
d/Le lavement aux hydrosolubles : en X est nécessaire en cas d’échec du traitement endos-
Si une diverticulose colique est suspectée, le lavement copique.
aux hydrosolubles visualise mieux les diverticules co- Les autres étiologies d’ulcérations rectales (autres trau-
liques que la coloscopie. matismes, ulcères solitaires du rectum…) sont plus ra-
Après ces explorations et lorsque la source de l’hémor- rement en cause.
ragie a été localisée avec certitude ou par élimination
à l’intestin grêle, et en dehors du contexte d’hémorra- 2/RUPTURE D’HÉMORROÏDES :
gie abondante, certaines explorations complémentaires Les hémorroïdes ont été à l’origine d’environ 20  % des
peuvent être proposées dans le but de préciser la cause HDB, mais moins de 10 % d’entre elles ont donné lieu à
exacte du saignement : un saignement grave. Le principal problème devant des

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 135


hémorroïdes ayant saigné est de ne pas méconnaître une 5/TUMEURS RECTO-COLIQUES :
lésion sus-jacente plus sévère (en particulier tumorale). Les tumeurs recto-coliques s’expriment usuellement
En dehors des cas où les hémorroïdes ont été formel- par des hémorragies minimes. Cependant, les séries
lement identifiées comme étant la cause de l’hémor- d’HDB retrouvent, dans 10 à 20 % des cas, une tumeur
ragie, une exploration digestive complète s’impose à colique comme seule étiologie. Leur diagnostic est géné-
la recherche d’une autre lésion. Le traitement des hé- ralement aisé en coloscopie.
morroïdes est essentiellement chirurgical, surtout si les
hémorroïdes sont volumineuses et responsables de sai- 6/COLITES :
gnements abondants et/ou répétés. Les HDB ne sont pas exceptionnelles dans la maladie
de Crohn. Le risque est plus important en cas d’atteinte
3/DIVERTICULOSE COLIQUE : colique qu’en cas d’atteinte isolée du grêle. La majorité
La diverticulose colique est probablement l’étiologie la de ces patients ont dû être opérés, et ce, d’autant que les
plus fréquente des HDB (environ 25 % des cas). Des sai- récidives hémorragiques sont assez fréquentes.
gnements peuvent être le premier signe de diverticulose Les HDB étaient notamment responsables, de près de
dans 15 à 20 % des cas et près de 5 % des patients ayant 10  % des colectomies en urgence pour rectocolite hé-
une diverticulose hémorragique font une hémorragie sé- morragique, plusieurs cas étant associés à un tableau de
vère. Le principal problème est d’imputer une HDB à une mégacôlon toxique.
diverticulose.
En effet, cette affection est très fréquente et on admet 7/AUTRES CAUSES :
que près de 35 % des patients de plus de 50 ans sont por- • Ulcères coliques d’étiologies diverses (infectieuse,
teurs de diverticules coliques. Le critère d’imputabilité stercorale, collagénose).
usuellement retenu est la visualisation du saignement, • Iatrogènes : la polypectomie ou les biopsies endosco-
qui est souvent plus facile lors de l’artériographie que piques peuvent se compliquer dans 2 % des cas d’hé-
lors de la coloscopie, des diverticules étant retrouvés morragies digestives.
chez près de 60 % des patients explorés pour rectorra- • Rectite radique.
gies, il sera difficile de retenir formellement l’étiologie • Colites ischémiques.
diverticulaire lorsqu’aucune autre cause n’aura été mise
en évidence. Il faut noter que si 80 % des diverticuloses B. PATHOLOGIE DE L’INTESTIN GRÊLE :
sont localisées au colon gauche, plus de 50  % des di- 1/DIVERTICULE DE MECKEL :
verticules hémorragiques le sont au niveau du côlon C’est la cause la plus fréquente d’HDB sévère chez l’ado-
ascendant. Le traitement des hémorragies sévères est lescent et l’adulte jeune. Les complications du diverticule
chirurgical dans la majorité des cas. Cependant, lorsque de Meckel sont représentées pour moitié par les saigne-
le saignement est visualisé endoscopiquement, un trai- ments. Le risque de complication décroît avec l’âge, al-
tement local (injection hémostatique) peut suffire à l’ar- lant de 4 p. 100 chez l’enfant à un chiffre quasi nul chez le
rêter. vieillard. Le saignement est toujours dû à une ulcération
peptique provoquée par une muqueuse gastrique ecto-
4/ANGIODYSPLASIE : pique au voisinage du diverticule. Le traitement consiste
Il s’agit d’anomalies vasculaires dégénératives surve- en une résection chirurgicale.
nant surtout après 60 ans prédominant au niveau colique
droit et notamment du cæcum. Elles sont fréquemment 2/ANGIODYSPLASIE DU GRÊLE :
associées à des sténoses aortiques (20 à 30 % des cas) Lésions rares, parfois associées à une angiodysplasie du
et à une insuffisance rénale. Le meilleur moyen dia- colon.
gnostique reste l’artériographie, mais certaines ne sont
visibles qu’en coloscopie ; elles se présentent sous la 3/HÉMORRAGIE DE CAUSE GÉNÉRALE :
forme d’une plage rouge cerise, parfois en relief, d’où • Hémopathie découverte à la suite d’un bilan hématolo-
peut partir une veine de drainage visible, en relief. gique. L’hémorragie n’étant alors qu’une manifestation
Cependant, leur diagnostic est souvent difficile, même évolutive ou inaugurale de la maladie comme dans cer-
sur pièce opératoire. Ces lésions sont fréquemment taines leucoses.
multiples, et elles ont alors tendance à être regroupées • Les ingestions ou les injections médicamenteuses
dans l’espace ; de plus 20 % des patients ayant des an- peuvent rester ignorées en l’absence de notion d’un
giodysplasies coliques ont une atteinte du tube digestif traitement antérieur. Les anti-inflammatoires non sté-
haut et vice-versa. roïdiens, les corticoïdes, et surtout les anticoagulants
Le traitement de référence reste la chirurgie, le principal sont le plus souvent en cause. Ils sont responsables
problème étant celui du repérage des lésions, si l’arté- d’hématome intramuraux, ces dernières peuvent agir
riographie est négative ; le repérage endoscopique per comme révélateurs de lésions préexistantes.
opératoire, en s’aidant de la transillumination, est inté-
ressant ; le geste opératoire usuel est l’hémicolectomie 4/AUTRES CAUSES :
droite. • Tumeur du grêle : adénomes, adénocarcinomes, lym-
phome, schwanome,
• Diverticulose jéjunale
• Ulcérations du grêle.

136 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


V. CONCLUSION : chirurgicaux effectués sans diagnostic étiologique sont
responsables d’une mortalité élevée, estimée entre 10 et
Les HDB posent fréquemment des problèmes com- 20  % des cas. Il est probable qu’une démarche ration-
plexes, dominés par la difficulté des explorations com- nelle, faisant appel rapidement, en cas d’hémorragie
plémentaires. Fort heureusement, plus de 75  % vont abondante persistante, soit à la coloscopie totale, soit à
cesser spontanément. Cependant, le taux de récidive l’artériographie en urgence, permette de diminuer ces
est important. Ces récidives et la fréquence des gestes chiffres de mortalité.

SCHÉMA N° 1 (OBJECTIF N° 6) : STRATEGIE DIAGNOSTIQUE DEVANT UNE HEMORRAGIE DIGESTIVE BASSE MODEREE

Réanimation (pas de retentissement


hémodynamique)

Méléna Rectorragie

Examen
Fibroscopie proctologique,
anuscopie

(-) (-)

(+)
(+)
Tt spécifique
HDH coloscopie

(+) (-)

TTT spécifique

Transit grêle,
Récidive
endoscopie

(+)
10 à 20 % des HDB restent
sans étiologie connue

LAPAROTOMIE EN URGENCE

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 137


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1(Objectif n1) : Indiquer la proposition exacte concernant les repères anatomiques de HDB
a) Entre cardia et rectum b) Entre pylore et marge anale
c) Entre angle duodéno-jéjunal et marge anale d) Entre valvule de Bauhin et rectum
e) Entre angle duodéno-jéjunal et haut rectum

Test n° 2 (session mai 2015) : Le saignement par un diverticule de Meckel :


a) La plus fréquente des étiologies des hémorragies digestives chez l’enfant
b) Le diagnostic peut être fait par la scintigraphie c) La fréquence diminue avec l’âge
d) Le diagnostic peut fait par l’artériographie si le débit est supérieur à 0.5 ml/min
e) Le saignement est dû à une ectopie de la muqueuse duodénale

Test n° 3 (session mai 2015) : Citer trois étiologies de l’hémorragie digestive basse non tumorale d’origine colique (non
ano-rectale).

Test n° 4 (Objectif n° 4) : Sur quels arguments on apprécie l’abondance d’une hémorragie digestive basse ?

Test n° 5 (Objectif n° 5) : Dans 75 % des cas une hémorragie digestive basse cesse spontanément. Quel (s) est (sont) l’
(les) examen (s) à demander pour la recherche d’une cause ?

Test n° 6 (Objectif n° 8) : Quelle est l’étiologie colique la plus fréquente d’une hémorragie digestive basse ?

Test n° 7 (Objectif n° 8) : Quelle est la cause la plus fréquente d’une hémorragie digestive basse siégeant au niveau de
l’intestin grêle ?

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LES ŒSOPHAGITES CAUSTIQUES

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Citer les principaux groupes de caustiques en donnant 2 exemples pour chaque groupe.
2. Préciser le mode d’action des caustiques.
3. Décrire l’évolution des lésions causées par l’ingestion de produits caustiques sur le plan
anatomopathologique.
4. Expliquer l’intérêt de la fibroscopie digestive en matière de brûlure caustique du tractus
digestif supérieur.
5. Établir la prise en charge d’une œsophagite caustique dans les différentes phases de
son évolution.
6. Énumérer les gestes à proscrire lors de la prise en charge d’une œsophagite caustique
récente.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES.
15. ENNABLI E. Les brûlures caustiques du tractus digestif supérieur. Monographie S.T.C., Xème Congrès Tunisien de Chirurgie, 20, 21, 22
février 1989 - TUNIS.

INTRODUCTION : I. DEFINITION - GENERALITES :

Les œsophagites caustiques sont de plus en plus fré- On définit les produits caustiques comme étant des
quentes dans notre pays. substances dont l’absorption provoque une nécrose im-
Souvent, l’ingestion est accidentelle, particulièrement médiate par contact direct avec la peau et/ou les mu-
chez l’enfant. Dans ces cas, les lésions sont habituel- queuses par dissolution, brûlures ou coagulation des
lement bénignes, voire même minimes, sans consé- tissus touchés.
quence. L’ingestion de caustique réalise des tableaux cliniques
Lors d’une tentative de suicide, l’ingestion volontaire multiples, de gravité variable en fonction :
et massive entraîne de sérieux dégâts lésionnels dont • du produit en cause,
le traitement est long et difficile. • de la dose ingérée,
Les difficultés sont accrues par le terrain psycholo- • de la concentration du produit,
gique particulier de ces malades souvent jeunes et • du mode d’ingestion.
revendicateurs. Certains, ayant regretté leur geste im- Il s’agit d’une urgence médico-chirurgicale pouvant
pulsif de désespoir, réclamant une réparation rapide mettre en jeu le pronostic vital à court terme et le pro-
des lésions avec une restauration parfaite du circuit nostic fonctionnel à long terme.
digestif qui permettra leur réinsertion sociale. La fibroscopie digestive haute a permis, depuis sa réa-
Chez d’autres patients psychopathes, leur volonté lisation de façon systématique devant toute œsophagite
d’autodestruction est telle que même sauvés du pre- caustique, de mieux codifier la prise en charge de ces
mier accident, ils n’hésitent pas à récidiver. C’est dire malades avec une connaissance exacte de lésions œso-
l’importance de la prise en charge psychiatrique de phagiennes et gastriques. Cette prise en charge régu-
ces patients pendant leur traitement qui peut durer lière des équipes pluridisciplinaire. Les formes graves
plusieurs mois. Cette prise en charge doit être pour- ont bénéficié des progrès de l’anesthésie et de la réa-
suivie après la réparation des lésions et des douleurs nimation qui permettent des interventions de sauvetage
séquelles pour prévenir les rechutes. Il faut insister comportant l’exérèse des organes gravement brûlés.
d’autre part sur une réglementation efficiente pour le
conditionnement de ces produits et leur distribution
afin d’éviter les méprises, permettant ainsi de réduire II. ETIOPATHOGENIE:
au maximum ces accidents.
A. TERRAIN ET CIRCONSTANCES
D’INGESTION DES CAUSTIQUES :
• Accidentelle : la plus fréquente. Apanage des enfants.
Une négligence de conditionnement est le plus couvent
à l’origine de l’accident.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 139


• Autolyse : plus rare. Apanage des adultes. L’ingestion Les bases du fait de leur grande viscosité passent len-
survient le plus souvent chez des sujets fragiles psy- tement au niveau de l’œsophage où les lésions sont in-
chologiquement pour qui la gravité du geste n’est pas tenses. Au niveau de l’estomac, le pH acide gastrique
toujours perçue et la mort n’est en général pas désirée. tamponne partiellement les bases et réduit l’importance
Rarement, il s’agit de patient atteint d’affections psy- des lésions.
chologiques franches. Dans ce contexte, l’atteinte est
souvent grave. b/Pouvoir oxydant :
La libération d’oxygène natif exerce sur la cellule une ac-
B. LES CAUSTIQUES (OBJECTIF N° 1) : tion nécrosante. Telle est l’une des caractéristiques de
1/NATURE : l’eau de Javel dont le mode d’action associe en plus une
a/Les caustiques solides : réaction de chlorinidation et une réaction exothermique.
Leur action a lieu là où ils adhèrent. Il s’agit surtout :
• Permanganate de potassium en comprimé c/Réaction exothermique :
• Soude en paillette Elle se fait lors du contact du produit avec l’eau. Cette
• Potasse en pastille réaction ajoute à l’action chimique une action thermique.

b/Les caustiques liquides : 3/ENTENDU ET SÉVÉRITÉ DES LÉSIONS :


3 principaux groupes : Elles dépendent de 3 facteurs :
• Acides :
- Forts : Acide chlorhydrique (esprit de sel) a/La nature et la quantité du caustique :
Acide sulfurique (Vitriol) S’il est classique de dire que les acides lèsent l’estomac
Acide nitrique et les bases de l’œsophage, cette répartition n’est plus
Acide phosphorique associé à d’autres valable pour des produits concentrés ingérés massive-
acides de moindre importance (Harpic) ment où l’aspect réalisé est celui d’une atteinte œso-
gastrique diffuse, à prédominance antrale.
-Faibles : Acide acétique
Acide chromique... b/La concentration du produit :
• Bases fortes : Soude caustique/DESTOP - Une solution de soude :
DECAPFOUR. • 1 fois normale (1N) en contact avec la muqueuse pen-
Potasse dant 10’ provoque une nécrose de la muqueuse, de la
Alcali (Ammoniaque). sous-muqueuse et de la couche musculaire interne.
• Oxydants : Hypochlorite de soude (Eau de Javel). • 3 fois normales (3N) en contact avec la muqueuse pen-
Perthydrol (Eau oxygénée). dant 10’ provoque une nécrose dépassant la couche
• Autres produits : Phénols - Crésols, etc.... musculaire interne.

2/MODE D’ACTION (OBJECTIF N° 2) : c/La durée de contact avec la muqueuse digestive :
Les caustiques agissent par différents mécanismes dus 1 ml de soude à 1,3 % appliqué sur l’œsophage de chat
à leurs propriétés physico-chimiques. provoque :
• en 1’ des lésions du 3e degré
a/pH du produit : • en 3’ des lésions mortelles en 3 jours.
Les pH < 1 et > 12 provoquant des destructions impor-
tantes. Ainsi :
• Les acides forts produisent une nécrose de coagula- III. ANATOMIE – PATHOLOGIE
tion de la paroi du tube digestif. Cette coagulation tend (OBJECTIF N° 3) :
théoriquement à limiter la pénétration du produit vers
les plans profonds, sans toutefois supprimer le risque de A. LES LÉSIONS DIGESTIVES :
perforation. Schématiquement, les lésions évoluent d’un stade aigu
Après ingestion, les acides lèsent la cavité buccale puis caractérisé par des lésions corrosives aiguës plus ou
traversent rapidement l’œsophage à cause de leur flui- moins étendues et profondes vers un stade cicatriciel qui
dité et stagnent dans l’estomac à cause du spasme pylo- peut, selon la gravité, être un retour à la normale (res-
rique. Ils engendrent donc : titution ad integrum) ou aboutit à la constitution de sé-
−d’importantes
− lésions au niveau de l’estomac. quelles représentées par des sténoses.
−l’œsophage,
− vu son pH légèrement basique et la ré-
sistance de son épithélium malpighien non kératinisé, 1/STADE AIGU :
est rarement atteint. • Les lésions sont variables :
• Les bases fortes entraînent une nécrose de li- • Il s’agit le plus souvent de brûlures superficielles avec
quéfaction avec saponification des lipides et dissolution un œdème et une congestion touchant la muqueuse ou
des protéines de la paroi. Cette nécrose est aggravée par plus profondément toutes les couches de la paroi.
les lésions vasculaires, à type d’hémorragie et de throm- • À un stade de plus, on note, à côté de l’œdème et de la
bose, provoquées par ces bases fortes. La nécrose va congestion considérable, une nécrose de la muqueuse
permettre la pénétration en profondeur du caustique et épithéliale qui est abrasée, entraînant des ulcérations
la diffusion extra- digestive médiastinale ou péritonéale sous forme de pertes de substance à fond rouge, hype-
du produit. rhémiées, ou tapissées de fausses membranes jaunes

140 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


grisâtres. Ces ulcérations sont variables du point de B. LES LÉSIONS ASSOCIÉES :
vue forme, étendue et profondeur. 1/LÉSIONS DU CARREFOUR DIGESTIF SUPÉRIEUR :
• Quand les lésions sont plus prononcées, on est en Peuvent être responsable de lésions rétractiles com-
présence d’ulcérations plus profondes, atteignant la plexes.
sous-muqueuse et la musculeuse, associées à une hé-
morragie plus ou moins abondante, en nappe. 2/LÉSIONS TRACHÉOBRONCHIQUES :
• À un stade de plus, la nécrose de coagulation atteint Fréquemment observées lors des ingestions massives
toute l’épaisseur de la paroi. Les vaisseaux pariétaux de caustiques puissants.
peuvent se thromboser, entraînant une ischémie tissu- Classiquement, deux mécanismes sont évoqués :
laire qui majore la nécrose. Dans les cas gravissimes, • l’inhalation contemporaine à l’ingestion ou secondaire
la paroi est noire, sphacélée, exposant à des perfora- aux vomissements (atteinte directe ou de dedans en
tions œsophagiennes et gastriques. dehors).
• Ainsi, selon la sévérité de la brûlure, plusieurs stades • la propagation de la médiastinite en rapport avec
ont été décrits par l’endoscopie réalisée en urgence la présence de nécrose au contact de l’arbre tra-
dans les premières heures. chéobronchique (atteinte indirecte ou de dehors en de-
La classification de DI COSTANZO reconnaît 4 stades : dans).
Stade I : congestion et érythème de la muqueuse. Ces lésions peuvent être responsable de complications
Stade IIa : ulcérations muqueuses superficielles loca- graves dans l’immédiat (IRA par poumon lésionnel, per-
lisées et linéaires. foration trachéale ou bronchique) et tardivement (les
IIb: ulcérations muqueuses superficielles cir- fistules œso-trachéale ou bronchique la sténose ou la
conférentielles. trachéobronchomalacie).
Stade III : ulcérations profondes avec nécrose éten-
due et hémorragique. 3/LES LÉSIONS PEUVENT DÉPASSER LE DUODÉNUM
Stade IV : nécrose avec disparition totale de mu- ET ATTEINDRE LE JÉJUNUM :
queuse saine et hémorragie abondante. Elles sont l’apanage des ingestions massives non opé-
rées à temps.
• Cette évaluation fibroscopique peut être difficile, car : La diffusion extra- digestive peut être en rapport avec
• L’association entre ces différents stades est fréquente, une perforation du tube digestif ou par simple transsu-
donnant l’aspect en mosaïque des brûlures caustiques. dation. Elle est alors responsable selon le siège d’une
C’est la lésion la plus grave qui doit être prise en consi- médiastinite ou d’une péritonite caustique.
dération sur le plan diagnostique et thérapeutique.
• La fibroscopie qui décrit des lésions de surface ne per-
met en rien de préjuger de l’état de la sous-muqueuse IV. CLINIQUE (OBJECTIF N° 4) :
et de la musculeuse. L’atteinte panpariétale, fortement
suspectée lorsqu’il existe un stade  III et IV à l’endos- Forme type : brûlure caustique récente non compliquée,
copie, doit être étayée par d’autres éléments à savoir : de sévérité moyenne, de l’adulte.
l’interrogatoire, la clinique, la biologie, voie la laparoto- On est amené à examiner en urgence :
mie exploratrice. • un patient agité, angoissé.
• se plaignant de douleurs buccales, rétrosternales et
2/L’ÉVOLUTION DES LÉSIONS : épigastriques d’une dysphagie totale avec efforts de
Schématiquement, les lésions évoluent d’un stade aigu vomissements parfois sanglants.
caractérisé par des lésions corrosives aiguës vers un
stade cicatriciel qui peut, selon la gravité, être un retour 1/L’INTERROGATOIRE :
à la normale ou une sclérose. Du patient ou de l’entourage, va préciser :
• la notion d’ingestion de caustique : nature du produit,
3/STADE CICATRICIEL : quantité, concentration.
Débuterait à partir du 10e jour et se termine à une époque • les raisons de l’ingestion : accidentelle ou volontaire.
variable selon l’organe lésé et la profondeur des lésions : • l’état de la réplétion gastrique au moment de l’accident,
vers la 3e semaine pour les lésions de stade II, vers le 3e, et les antécédents du patient (rechercher des troubles
4e mois ou plus pour les lésions de stade III. Au niveau des psychiques).
zones ulcérées ou nécrotiques, l’inflammation réalise un
tissu de granulation très vascularisé où apparaissent des 2/L’EXAMEN TROUVE :
fibroblastes. Ces cellules élaborent du collagène qui, se- • un état général habituellement conservé.
lon la profondeur de la lésion, substitue à la muqueuse, à • un pouls rapide, des extrémités froides, une tension
la sous-muqueuse ou à la musculeuse un bloc scléreux. artérielle conservée, rarement un état de choc avec ef-
À la surface, le revêtement épithélial régénère à partir fondrement de la TA, des sueurs froides, une polypnée.
des îlots restants de membranes basales et va reposer • l’examen de l’abdomen trouve une sensibilité, parfois
selon les cas sur une sous muqueuse et une musculeuse une défense localisée à l’épigastre.
encore souples ou bien sur une épaisse couche fibreuse • l’examen de la bouche est toujours à faire à la re-
qui peu à peu entraîne une sténose cicatricielle rigide. Au cherche d’une langue érythrosique et dépapillée ou des
niveau de l’estomac, la sténose intéresse le plus souvent phlyctènes, voies des plages de nécroses blanchâtres
l’antre. Au niveau de l’œsophage, elle peut l’intéresser sur les lèvres, les jours et les gencives. Au niveau du
dans sa totalité ou de manière segmentaire. pharynx, on peut retrouver des lésions d’érythème, de

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 141


nécrose superficielle. Les lésions bucco-pharyngées avec un œdème ou une lésion nécrosante du larynx. Il
peuvent être absentes, car il n’existe aucun paral- peut exister une atteinte de tout l’arbre bronchique en
lélisme entre l’atteinte bucco-pharyngée et les lésions rapport avec des fausses routes (inhalation de vomis-
œso-gastriques. sements contenant un liquide caustique) ou bien avec
l’action directe des caustiques volatiles.
Face à un tel patient, il faut :
• BIOLOGIQUEMENT : il existe une hyperleucocytose su-
• prendre une bonne voie veineuse.
périeure à 20 000 GB/mm3, une acidose, une chute de
• hospitaliser le patient en unité de soins intensifs.
l’hématocrite, de la PaO2 et des troubles de l’hémos-
• calmer le patient, le mettre au chaud.
tase (diminution du TP).
• entamer la réanimation et le traitement en mettant en
place les éléments de surveillance pour suivre l’évolution. • LA RADIOGRAPHIE DE L’ABDOMEN SANS PRÉPARA-
TION  : peut montrer un pneumopéritoine et la radio-
3/L’ENDOSCOPIE EN URGENCE : graphie du thorax des opacités hyperhémiée bilaté-
Par un endoscopiste rodé à ce type de lésions, utilisant rales ou un pneumomédiastin.
un fibroscope souple, de petit calibre, doit toujours être
pratiquée, quel que soit la caustique ingérée, les cir- • L’ISSUE : peut être rapidement fatale en dehors et par-
constances, qu’il existe ou non des lésions buccales. Elle fois malgré un traitement chirurgical urgent. En fait, il
permet de faire l’inventaire des lésions et de dicter les faut toujours tenter l’exérèse des organes brûlés, quel
modalités thérapeutiques. que soit l’état du malade.

4/LA BIOLOGIE : B. FORMES RAPIDEMENT AGGRAVÉES :


Groupe sanguin, Azotémie, Glycémie, Numération For- Ce sont des formes intermédiaires, habituellement sous
mule sanguine, Créatinine sanguine, Taux de prothrom- -estimées à l’endoscopie et/ou la nécrose est parcellaire,
bine, si besoin un bilan d’hémostase et les gaz du sang. mais trans pariétale.
La biologie va aider à reconnaître une forme grave.
• CLINIQUEMENT ET BIOLOGIQUEMENT, il existe peu de
signes de gravité. L’aggravation peut être spontanée au
5/LES RADIOGRAPHIES :
bout de quelques jours, ou iatrogène à l’occasion d’une
Abdomen sans préparation debout  : recherche d’un
endoscopie intempestive, ou pratiquée dans les jours
pneumopéritoine.
qui ont suivi l’accident, ou d’une mise en place d’une
Thorax : recherche de lésions pulmonaires.
sonde gastrique.
6/ÉVOLUTION : • ELLES PEUVENT SE COMPLIQUER : de perforation de
Elle est suivie sur les éléments de pancarte (TA, pouls, l’œsophage avec médiastinite grave, de perforation de
diurèse, température) courbe de poids, bilans biolo- l’estomac avec péritonite, de fistule œso-trachéale ou
giques répétés. d’hémorragie digestive par chute d’escarre.
Schématiquement :
• Les lésions de stade I cicatrisent en quelques jours. C. FORMES VUES AU STADE DE SÉQUELLES :
• Les lésions de stade II cicatrisent en trois semaines en- 1/ŒSOPHAGE :
viron et un bilan endoscopique et radiologique (TOGD à La symptomatologie se résume à une altération de l’état
la gastrograffine) montrera la cicatrisation des lésions général en rapport avec une dysphagie qui sera rappor-
rarement au prix d’une sténose secondaire. tée à son origine par l’interrogation. Le TOGD, la fibros-
• Les lésions de stade III ne cicatrisent qu’au bout de 3 copie et l’examen ORL montreront de manière précise le
à 4 mois. Elles entraînent toujours des sténoses cica- nombre, le siège et l’étendue des sténoses cicatricielles.
tricielles. Le problème est alors l’établissement d’un Lorsque la sténose œsophagienne est isolée et distale et
bilan lésionnel précis  : atteinte œsophagienne ou lorsque le patient cache au médecin l’épisode d’ingestion
gastrique isolée ou bien œsophagienne et gastrique. de caustique, il faudrait discuter et éliminer une sténose
L’atteinte œsophagienne est-elle limitée à l’œsophage peptique et surtout une sténose néoplasique d’autant
distal ou bien remonte-t-elle haut sur l’œsophage cer- que le patient est âgé.
vical et le pharynx ? Ces sténoses séquellaires doivent Lorsque l’atteinte œsophagienne est totale avec un œso-
être précisées par l’endoscopie et le TOGD. phage étroit rigide et irrégulier, l’origine caustique ne
pose habituellement pas de problème diagnostique.

V. FORMES CLINIQUES (OBJECTIF N° 5) : 2/ESTOMAC :


Le patient présente un syndrome de «  sténose du py-
A. FORMES IMMÉDIATEMENT GRAVES : lore  » avec des vomissements postprandiaux finissant
Ce sont les formes s’accompagnant de lésions endosco- par retentir sur l’état général. La fibroscopie montre un
piques de type IV secondaires à l’ingestion d’une quantité estomac de stase et le TOGD révèle un aspect rétréci,
massive de caustique concentré. figé de l’antre remontant plus ou moins haut sur l’esto-
mac. L’association de lésions œsophagienne et gastrique
• CLINIQUEMENT : l’agitation est extrême, l’état de choc peut se voir et ne pose habituellement pas de problème
est sévère, une hématémèse et des signes périto- diagnostique.
néaux sont présents. Des complications respiratoires
peuvent se voir avec  : dyspnée laryngée en rapport

142 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


VI. TRAITEMENT : quer : une gastrectomie totale avec stripping de l’œso-
phage sans thoracotomie et à travers une double voie
Il est actuellement bien codifié et a bénéficié d’une colla- d’abord abdominale et cervicale. L’existence d’une lésion
boration médico-chirurgicale. trachéobronchique contre-indique le stripping et impose
l’œsophagectomie par thoracotomie.
A. MÉTHODES :
1/TRAITEMENT MÉDICAL : b/Au stade de séquelles :
a/Ce qu’il ne faut pas faire (Objectif n° 6) : • Lésion gastrique isolée : gastrectomie partielle distale
• Ne pas utiliser les lavages gastriques, les émétisants emportant la sténose.
et les neutralisants. L’installation pratiquement instan- • Lésions œsophagiennes  : habituellement remplace-
tanée des lésions œso-gastriques rend ces gestes inu- ment œsophagien par un côlon transverse gauche vas-
tiles. Ils sont par ailleurs nocifs, car ils entraînent une cularisé par l’artère colique supérieure gauche ou plus
diffusion des lésions et augmentent l’exothermie. rarement par iléo-colon droit. Le transplant est monté
• Ne pas mettre de sonde gastrique, ses avantages théo- au cou par un trajet rétrosternal. Il est anastomosé en
riques de mise au repos de l’œsophage, d’alimentation haut à l’œsophage cervical ou au pharynx et en bas à
entérale et de prévention de l’évolution sténosante de l’estomac.
l’œsophagite sont minimes devant le risque de perfora- Le problème de l’ablation de l’œsophage sténosé peut
tion de l’œsophage à la phase aiguë, sans compter que se poser  : la dégénérescence de l’œsophage cicatriciel
la sonde gastrique n’empêche pas, tout au moins chez peut se voir si le malade a subi des dilatations et une
l’adulte, l’évolution vers la sténose œsophagienne. œsophagectomie préventive peut être licite.
• L’antibiothérapie et surtout la corticothérapie sont • Si l’œsophage n’a pas subi de traumatismes provoqués
abandonnées. La corticothérapie ne serait indiquée par des dilatations, il peut être exclu et laissé en place
que s’il existe une dyspnée laryngée avec œdème de la après sa section au cou pour permettre d’anastomoser
glotte. le transplant au segment proximal.
• Si l’œsophage et l’estomac ont été enlevés en urgence
b/Ce qu’il faut faire : dans un stade IV, au stade de séquelles : transplant co-
• Lutter contre un état de choc par le remplissage vascu- lique rétrosternal interposé entre l’œsophage cervical
laire. et le duodénum ou le jéjunum.
• La rééquilibration hydroélectrolytique et acido-basique
quand elle est nécessaire. B. INDICATIONS (OBJECTIF N° 5) :
• Lutter contre les troubles de l’hémostase dans les Face à une suspicion de brûlure caustique du tractus di-
formes gravissimes par l’administration de plasma gestif supérieur, il faut :
frais congelé. • Récuser les émétisants, les neutralisants, le lait, etc.
• Surtout une hypernutrition. L’atteinte caustique du • Un seul geste : Évaluer l’état de choc, prendre une voie
tractus digestif supérieur aboutit obligatoirement à une veineuse et adresser le patient en Unité de soins inten-
dénutrition grave secondaire à l’insuffisance d’apport sifs.
et l’hypercatabolisme de la phase aiguë de nécrose tis- • Fibroscopie d’urgence avant la 8e heure qui va dicter le
sulaire. L’apport énergétique est de l’ordre de 3000 cal./ traitement.
jour. Cette hypernutrition peut se faire par deux voies
possibles : 1/STADE O :
• Parentérale grâce à l’introduction de cathéter veineux Le patient rentre chez lui.
central.
• Entérale à faible débit continu grâce à une jéjunostomie 2/STADE I :
d’alimentation par nutri-pompe. Guérit en quelques jours sous solution antiacide (Maa-
• Seule l’ingestion de comprimés de permanganate de lox®) et dogmatil, régime semi-liquide per os sans pi-
potassium (visible sur la radio d’abdomen sans prépa- quant ni alcool pendant quelques jours. Contrôle fibros-
ration) doit relever d’un traitement de dissolution des copique à un mois.
comprimés par le thiosulfate de sodium.
• Prendre en charge les patients sur le plan psycholo- 3/STADE II :
gique, à cause du terrain particulier et de la longueur Hospitalisation. Hypernutrition parentérale totale. Au-
de l’évolution des lésions et de leur traitement. cune alimentation per os. Contrôle au 15e jour : fibros-
copie et TOGD à la gastrograffine : soit aucune sténose
2/DILATATION ŒSOPHAGIENNE : œso-gastrique, soit sténose débutante, introduction de
Dans les sténoses caustiques de l’œsophage au stade de l’alimentation et contrôles réguliers jusqu’au 3e mois. Si
séquelles, leur inefficacité à long terme est actuellement entre temps, dysphagie avec perte de poids, jéjunosto-
reconnue malgré l’existence d’appareils dilatateurs ex- mie d’alimentation.
trêmement performants. De plus, un œsophage sténosé
(sclérose pariétale) et régulièrement dilaté peut au bout 4/STADE III :
de 15 à 20 ans d’évolution faire le lit d’un cancer. Il faut une hypernutrition pendant au moins 3 mois et les
problèmes infectieux rendent difficile une hypernutrition
3/LA CHIRURGIE : parentérale aussi prolongée. En pratique :
a/En urgence : • comme il faut faire une jéjunostomie de nutrition,
Dans les lésions stade  IV, on peut être amené à prati- • et être sûr qu’il n’existe pas une zone de nécrose trans

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 143


pariétale, il faut pratiquer une laparotomie explora- VII. CONCLUSION :
trice : s’il existe une nécrose trans pariétale même lo-
calisée. Recourir à une gastrectomie totale, sinon on Les brûlures caustiques du tractus digestif supérieur
pratique une jéjunostomie d’alimentation et le patient sont fréquentes en Tunisie et leur prise en charge est ac-
n’aurait pas été opéré pour rien. tuellement bien codifiée. Les chiffres du CAMU révèlent :
• 80 % entre 15 et 30 ans et 70 % de femmes.
5/STADE IV : • 3/4 de cause suicidaire, 1/4 accidentel.
Laparotomie exploratrice en urgence et si besoin gas- • Eau de Javel : 91,6 % (dont 1/3 eau
trectomie totale avec stripping de l’œsophage. de Javel concentrée)
• Esprit de sel : 5,2 %
6/AU STADE DE SÉQUELLES : • Potasse : 1,1 %
Il faut récuser les dilatations répétées à vie faisant de • Autres : 2,1 %
l’œsophagite «  un accident de quelques secondes qui Le traitement préventif est fondamental et doit passer
dure toute la vie ». Cette attitude surajoute, à l’infirmité par :
nutritionnelle, une infirmité socioprofessionnelle. Il faut • Une éducation de la population.
pratiquer un remplacement œsophagien et/ou une exé- • Une meilleure réglementation en ce qui concerne la
rèse gastrique pour rétablir un circuit digestif normal. fabrication et la commercialisation des produits caus-
Comme le dit BELSEY : « Lorsqu’on ne peut plus s’ali- tiques.
menter par la bouche, la vie ne vaut plus la peine d’être
vécue ».

144 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : L’acide chlorhydrique est un oxydant.
n Vrai n Faux

Test n° 2 (Objectif n° 3) : Les lésions trachéobronchiques sont fréquemment observées lors des ingestions massives de
caustiquespuissants.
n Vrai n Faux

Test n° 3 (Objectif n° 1) : L’eau de javel est une base forte.
n Vrai n Faux

Test n° 4 (Objectif n° 2) : L’acide fort entraîne une nécrose de liquéfaction.
n Vrai n Faux

Test n° 5 (Objectif n° 2) : L’eau de javel en libérant l’oxygène natif provoque une réaction exothermique qui entraîne une
nécrose cellulaire.
n Vrai n Faux

Test n° 6 (Objectif n° 3) : Au stade aigu les lésions sont variables, elles sont le plus souvent des brûlures superficielles
avec un œdème et une congestion touchant la muqueuse.
n Vrai n Faux

Test n° 7 : (session janvier 2015) : Le ou les gestes à proscrire lors d’une ingestion de caustique :
a) Faire vomir le patient b) Prescrire un pansement gastrique
c) Réaliser un lavage gastrique d) Mettre le patient en position demi-assise
e) L’administration de produits neutralisants

Test n° 8 : (session janvier 2015) : Quels sont les gestes à réaliser suite à une ingestion de produit caustique ?
a) Rechercher un emphysème sous-cutané. b) Rechercher des râles bronchiques.
c) Rechercher une défense abdominale. d) Rechercher un œdème laryngé.
e) Rechercher une diarrhée sanglante.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 145


PLAIES ET CONTUSIONS DE L’ABDOMEN

Prérequis
1. Anatomie de l’abdomen (Thème XVII).
2. Physiopathologie de l’état de choc hémorragique.
3. Physiopathologie des péritonites par perforation d’un organe creux.
4. Physiopathologie des pancréatites aiguës post-traumatiques.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Décrire les différents mécanismes lésionnels à l’origine d’un traumatisme abdominal.
2. Décrire les lésions pariétales et viscérales secondaires à un traumatisme abdominal.
3. Décrire les conséquences physiopathologiques des lésions pariétales et viscérales se-
condaires à un traumatisme abdominal.
4. Planifier la prise en charge diagnostique et thérapeutique dans les contusions abdomi-
nales isolées.
5. Décrire les indications et les résultats des différents examens complémentaires dans
les traumatismes abdominaux.
6. Décrire les particularités diagnostiques et thérapeutiques des contusions abdominales
chez le polytraumatisé.
7. Décrire les éléments de diagnostic permettant d’affirmer la nature pénétrante et perfo-
rante d’une plaie abdominale.
8. Décrire les conditions de réalisation, le but et les éléments de la surveillance d’un trai-
tement non opératoire des lésions hépatiques et/ou spléniques traumatiques.

Activités d’apprentissage
• Lire le document de base.
• Assister pendant la garde à la prise en charge d’un traumatisme abdominal, à défaut,
retirer des archives 3 ou 4 dossiers de plaies ou contusions abdominales et étudier leurs
particularités cliniques et thérapeutiques.

INTÉRÊT DU SUJET : I. INTRODUCTION :

Urgence traumatique grave de plus en plus fréquente. 1/DÉFINITION :


Problème de santé publique, car les traumatismes Les traumatismes de l’abdomen désignent l’ensemble
de l’abdomen touchent le plus souvent des hommes des lésions pariétales et/ou des organes intra-abdomi-
jeunes en pleine activité. naux secondaires à un impact sur la paroi abdominale. Il
Tout omnipraticien peut être confronté à la prise en peut s’agir d’un traumatisme fermé ou contusion abdo-
charge d’un traumatisé aussi bien sur les lieux de l’ac- minale, comme il peut s’agir d’un traumatisme ouvert ou
cident qu’à l’hôpital. d’une plaie abdominale lorsqu’il existe une solution de
continuité pariétale.

2/GÉNÉRALITÉS :
Les traumatismes abdominaux réalisent une urgence
chirurgicale traumatique fréquente. Leur gravité est liée
à l’importance de l’hémorragie et à la complexité des lé-
sions anatomiques. Leur prise en charge s’est nettement
transformée ces dernières décennies grâce à l’amélio-
ration des conditions de ramassage, aux progrès de la

146 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


réanimation et à l’apport de l’imagerie qui permet un lors de la collision d’un véhicule roulant à grande vi-
diagnostic lésionnel précis. tesse ou lors d’une chute d’une grande hauteur. Alors
Sur le plan thérapeutique, le concept du traitement non que le corps stoppe brutalement sa course, les organes
opératoire a manifestement modifié le pronostic du bles- abdominaux continuent leur mouvement avec une
sé ayant une hémodynamique stable. De même, la stra- énergie cinétique considérable. Leur poids augmente
tégie opératoire chez les blessés graves a bénéficié de et varie en fonction du carré de la vitesse. Par exemple,
l’approche du « Damage control », basée sur une meil- l’arrêt brutal à partir de 60  km/h fait passer le poids
leure connaissance des effets néfastes de l’acidose, de apparent du foie à 28,730 kg et à partir de 100 km/h à
l’hypothermie et des troubles de l’hémostase permettant 47,700  kg. D’où un arrachement du foie et de ses at-
de réaliser une intervention écourtée de sauvetage. taches (essentiellement vasculaires).
• Les forces circulaires  : il s’agit d’une torsion des or-
ganes autour de leurs axes.
II. ETIOPATHOGENIE (OBJECTIF N° 1): • Les forces tangentielles : qui s’associent à des décol-
lements cutanés.
A. FRÉQUENCE :
Les traumatismes abdominaux sont de plus en plus fré- 2/LES PLAIES :
quents et ceci est en relation directe avec l’augmentation a/Traumatisme de dehors en dedans :
du parc automobile et la recrudescence de la violence. Les plaies par arme blanche  : il peut s’agir d’un trajet
Les contusions sont plus fréquentes que les plaies et re- simple, comme il peut s’agir d’un trajet complexe lorsque
présentent 80 % de ces traumatismes. l’agent vulnérant a été remué dans la plaie. Il n’y a pas
de parallélisme entre la taille de la plaie, et l’importance
B. LA VICTIME : des dégâts.
D’après une enquête de l’Association Tunisienne de Les plaies par arme à feu : les lésions sont variables se-
Chirurgie la victime est le plus souvent un sujet jeune lon l’effet de gravitation provoqué, qu’il s’agit d’une balle
(âge moyen de 27 ans), de sexe masculin (sex-ratio=3,7). de petit ou de gros calibre et selon la distance.
Les lésions de Blast  : elles sont crées par la propaga-
C. CIRCONSTANCES : tion d’une onde de pression secondaire à la déflagration
1/CONTUSIONS : d’obus ou d’éclat de bouteilles de gaz.
Dans notre pays les accidents de la voie publique consti-
tuent la cause la plus fréquente (71 %), suivi respective- b/Traumatisme de dedans en dehors :
ment par les accidents domestiques (25 %), les accidents Ce sont les empalements qui peuvent se faire par un ori-
de travail (8 %), la violence et les accidents de sport. fice naturel du périnée, parfois difficile à reconnaître.

2/PLAIES ABDOMINALES :
Il peut s’agir d’une plaie par arme blanche, qui reste la si- III. LES LÉSIONS ANATOMIQUES
tuation la plus fréquente en temps de paix, sous nos cieux (OBJECTIF N° 2) :
l’agent vulnérant le plus souvent incriminé est le couteau.
Il peut s’agir également d’une plaie par arme à feu sur- A. LES LÉSIONS PARIÉTALES :
tout en temps de guerre et dans certains pays comme 1/CONTUSION :
les États-Unis d’Amérique. La connaissance de certaines Il peut s’agir d’ecchymoses, d’écorchures qui constituent
notions de balistique est nécessaire pour connaître l’im- un élément d’orientation diagnostique. Dans certains
portance du dommage tissulaire. Il peut s’agir de projec- cas les lésions pariétales sont graves : rupture ou désin-
tiles d’armes de petit calibre à l’origine de lésions peu sertion musculo-aponévrotique.
dévitalisantes, les armes de chasse toujours redoutables Les lésions osseuses costales ou pelviennes peuvent
à moins de 5 mètres avec effet de polycriblage et de cavi- provoquer des lésions viscérales par l’intermédiaire
tation superposée, enfin les balles de guerre qui sont es- d’esquilles osseuses.
sentiellement représentées par les projectiles des fusils
d’assaut. Le pouvoir vulnérant de ces balles est important 2/PLAIE PAR ARME BLANCHE :
et le risque de dévitalisation est d’autant plus important Il faut noter son siège, son étendue et surtout son ca-
que la distance séparant l’arme de la cible est courte, que ractère pénétrant. Ceci peut être facile en cas d’issue de
la masse et surtout la vitesse initiale du projectile sont liquide digestif ou de viscères (éviscération). Les empa-
grandes. lements du périnée en plus des lésions sphinctériennes
peuvent être à l’origine de lésions ano-rectales ou va-
D. LES MÉCANISMES : ginales. Pour les plaies par arme à feu il faut chercher
1/LES CONTUSIONS : l’orifice d’entrée et de sortie : ceci permettra de recons-
a/Traumatisme direct : tituer le trajet du projectile dans le but d’établir un dia-
C’est le mécanisme le plus fréquent, il s’agit d’un impact gnostic lésionnel.
direct contre la paroi abdominale engendré par un choc
contre le volant, un coup de pied, un coup de sabot, un 3/QUEL QUE SOIT LE TYPE DU TRAUMATISME :
écrasement. Le diaphragme peut être atteint dans les contusions
violentes et en cas de plaie lorsque le trajet est thora-
b/Traumatisme indirect : coabdominal. La lésion est souvent unilatérale, elle est
• La décélération brusque : c’est le mécanisme observé souvent gauche en cas de contusion et il peut s’agir soit

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 147


de plaie punctiforme ou de véritable rupture avec hernie a/Le tube digestif :
diaphragmatique et issue d’organes intra-abdominaux La lésion élémentaire est constituée par l’hématome de
dans le thorax. C’est souvent la partie charnue du dia- la paroi intestinale.
phragme qui est atteinte. Il peut s’agir d’une plaie punctiforme, linéaire ou contuse
intéressant une partie plus ou moins étendue de la cir-
B. LES LÉSIONS VISCÉRALES : conférence de l’intestin. Les désinsertions ou les plaies
1/LES ORGANES PLEINS : du mésentère peuvent entraîner une ischémie voire
Ils sont lourds, fragiles, fixes et richement vascularisés. même une nécrose intestinale avec perforation secon-
Les lésions élémentaires sont multiples et varient du daire. L’ouverture de celui-ci est à l’origine d’une péri-
simple au complexe. En cas de plaies c’est la surface de tonite d’autant plus grave que le segment ouvert est le
l’organe qui est le plus souvent atteinte, mais en cas de colon. Les lésions digestives sont surtout secondaires
contusion des lésions plus graves peuvent se voir tels que aux plaies abdominales. Après une contusion abdomi-
l’arrachement des pédicules vasculaires ou le broiement. nale, ces lésions sont rares et connaissent des facteurs
La rate est l’organe le plus atteint suivi par le foie, les reins favorisants comme la réplétion postprandiale, la fixité de
et le pancréas. Pour chaque organe une classification lé- certains segments : la première et la dernière anse, la
sionnelle pronostique a été proposée (voir annexe). présence de brides et le port de ceinture de sécurité.

a/Rate : b/La vessie :


Elle est sollicitée dans 30 à 50 % des accidents de la voie Elle est bien protégée par le bassin, mais devient vul-
publique, et peut être le siège : nérable au traumatisme lorsqu’elle est remplie. Cette
• d’un hématome sous-capsulaire, qui risque de se rupture peut se faire dans l’espace sous-péritonéal avec
rompre secondairement formation d’un urohématome dans l’espace de Retzius.
• d’une décapsulation ou d’un arrachement pédiculaire Lorsque la lésion intéresse le dôme vésical, il se forme
• d’une fracture partielle ou complète, voire même d’un alors un uropéritoine.
éclatement lors d’un traumatisme appuyé.
3/LES LÉSIONS VASCULAIRES :
b/Foie : Les gros vaisseaux  : tels que la veine cave, l’aorte, les
Il peut être le siège : vaisseaux iliaques, les pédicules cœlio-mésentériques et
• d’un hématome sous-capsulaire le tronc porte. La lésion des gros vaisseaux se voit surtout
• d’une fracture partielle ou complète après décélération, l’exemple le plus classique est l’ar-
• d’arrachement vasculaire (pédicule glissonien ou veine rachement des veines sus-hépatiques ou du mésentère.
sus-hépatique) Il peut s’agir également d’un embrochage des veines du
• de véritable broiement de la glande avec lésion hépa- pelvis par des esquilles osseuses des os iliaques.
tique complexe. Ces lésions intra-abdominales sont rarement isolées et
s’associent souvent entre elles ou avec des lésions extra-
c/Pancréas : abdominales.
Les lésions pancréatiques, de par la localisation profonde
de la glande, ne sont pas toujours facilement mises en
évidence. Ces lésions sont engendrées par des trauma- IV. LES CONSÉQUENCES PHYSIOPATHOLO-
tismes violents. L’atteinte canalaire (Wirsung) constitue GIQUES (OBJECTIF N° 3) :
un élément pronostique majeur.
Le siège des lésions pancréatiques est variable : A. LE CHOC HÉMORRAGIQUE :
• contusion de la tête. C’est la conséquence majeure d’un saignement intra-ab-
• rupture isthmo-corporéale par projection de la glande dominal causé par une rupture d’organes pleins ou de
sur le billot vertébral gros vaisseaux. Son schéma physiopathologique est com-
• caudal  : par fracture ou arrachement de la queue, le plexe, et peut se répartir en trois phases successives :
plus souvent associé à une lésion du pédicule splé-
nique et de la rate ; 1/LE CHOC COMPENSÉ :
Les lésions associées sont souvent présentes, surtout L’hypovolémie reste bien tolérée grâce à une libération de
duodénales (40 à 50 %) ou vasculaires (10 % : veine porte, substances vaso-actives qui stimulent le cœur, augmen-
veine mésentérique supérieure, veine cave, et même tent le débit cardiaque et entraînent une vasoconstriction
aorte). périphérique (peau, muscles, rein, et territoire mésen-
térique). Il en résulte cliniquement une accélération du
d/Reins : pouls, une pâleur cutanée, des extrémités froides, une
Là aussi, et bien qu’ils semblent protégés par le rebord oligurie, mais la tension artérielle reste maintenue.
costal et l’atmosphère graisseuse, leur seul moyen d’at-
tache est constitué par le pédicule vasculaire. 2/LE CHOC NON COMPENSÉ :
Les lésions vont de l’hématome sous capsulaire avec ou Quand l’hypoperfusion se prolonge, il apparaît une hy-
sans hématurie en passant par la fracture parenchyma- poxie tissulaire orientant les cellules vers un métabo-
teuse jusqu’à la lésion pédiculaire. lisme anaérobie d’où acidose.
L’hypoxie se manifestera dans tous les viscères provo-
2/LES ORGANES CREUX : quant une libération de substances vaso ou cardioac-
Leur atteinte est plus rare : tives, qui aggraveront encore plus la défaillance circula-

148 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


toire. Chaque viscère réagira spécifiquement, perpétuant B. LA PÉRITONITE :
le phénomène et provoquant l’installation d’un cercle vi- Elle complique la rupture intrapéritonéale d’organes
cieux d’auto aggravation. creux. Le péritoine se défend bien contre l’infection bac-
Il faut rappeler les conséquences néfastes de l’hypother- térienne et ce n’est que par dépassement de ses moyens
mie. Tout traumatisé grave présente lors de sa prise en de défense que la péritonite survient. Dans les 4 à 8
charge initiale une hypothermie relative qui peut être ag- heures suivant la rupture d’un organe creux, il se produit
gravée par les transfusions de sang non réchauffé ou par au niveau local une intense exsudation riche en proté-
la laparotomie (communication de la cavité péritonéale ines et en polynucléaires neutrophiles, et une occlusion
avec le milieu extérieur). L’hypothermie et l’acidose vont intestinale réflexe avec séquestration liquidienne intra-
aggraver les troubles de l’hémostase et par conséquent luminale. La péritonite est à l’origine d’une septicémie
l’hémorragie (schéma 1). Il est actuellement bien établi et d’une vasodilatation périphérique. Non traitée la péri-
que l’acidose, l’hypothermie et les troubles de l’hémos- tonite évolue vers un état de choc septique qui peut être
tase sont des facteurs de mauvais pronostic (schéma 2) compliqué d’une défaillance polyviscérale.
et leur prise en considération dans la prise en charge
thérapeutique a abouti au concept du « damage control » CONTAMINATION DIGESTIVE
des Anglo-saxons. Cela consiste en la réalisation d’une Ô
laparotomie de sauvetage (ou laparotomie écourtée) as- PERITONITE CHIMIQUE
surant une hémostase temporaire, puis de reporter le Ô
traitement étiologique dans un deuxième temps opéra- PERITONITE PURULENTE
toire chez un patient bien réanimé. Ô
BACTÉRIÉMIE
TRAUMATISME Ô
CHOC SEPTIQUE
Ô
DÉFAILLANCE POLYVISCERALE
HÉMORRAGIE

V. DIAGNOSTIC :
FACTEURS
COAGULOPATHIE
IATROGÈNES Nous prendrons comme type de description la contusion
de l’abdomen.

A. EXAMEN INITIAL (OBJECTIF N° 4) :


HYPOTHERMIE Cet examen devrait être le plus souvent effectué lors de
CHOC la prise en charge préhospitalière sur les lieux de l’acci-
CELLULAIRE dent. À l’hôpital cet examen est contemporain de la mise
LÉSIONS
TISSULAIRES
en condition du blessé, qui sera effectué idéalement
dans la salle de déchocage. L’examen sera conduit pa-
ACIDOSE rallèlement aux mesures de réanimation et aux gestes
de sauvetage.
POLY-
1/MISE EN CONDITION DU BLESSÉ :
TRANSFUSIONS
• Déshabillage.
Schéma 1 : Cercle vicieux hémorragique au cours • Immobilisation d’une éventuelle fracture.
de l’hémopéritoine aigu. • Mise en place d’une ou de plusieurs voies d’abord.
• Prélèvement sanguin (groupe, numération formule
ACIDOSE sanguine, urée, glycémie, ionogramme et bilan d’hé-
mostase).
MORT L’examen initial doit être complet en dehors du contexte
de l’extrême urgence et consigné sur une feuille d’ob-
HYPOTHERMIE COAGULOPATHIE
servation afin de pouvoir suivre l’évolution du trauma-
tisme. Il doit en priorité :
Schéma 2 : Triade létale
• Rechercher les éléments de gravité (détresse circula-
toire, respiratoire ou neurologique).
3/LE CHOC IRRÉVERSIBLE : • Normaliser l’hématose et stabiliser l’état hémodyna-
Dans cette situation d’extrême détresse métabolique et mique.
circulatoire, la dépression myocardique se met à évoluer • Puis guider la stratégie des explorations complémen-
pour son propre compte et la déplétion en oxygène, ainsi taires.
que la CIVD contribueront à l’issue fatale.
2/L’EXAMEN CLINIQUE :
Les signes généraux permettent d’apprécier rapidement
la gravité du traumatisme.
• On cherchera en particulier des signes de choc  : pâ-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 149


leur et refroidissement des extrémités, respiration su- • L’âge, les antécédents personnels médicaux (tares, un
perficielle, sueurs avec sensation de soif, chute de la éventuel traitement en cours) et chirurgicaux.
tension artérielle avec pincement de la différentielle, À L’ISSUE DE CET EXAMEN CLINIQUE INITIAL, UNE IN-
accélération du pouls. Ce n’est qu’après avoir perfusé DICATION OPÉRATOIRE PEUT SE DÉGAGER D’EMBLEE :
1000 à 1500 ml de solution cristalloïde que l’on pourra
conclure à l’état de choc ou à une instabilité hémodyna- Devant essentiellement un tableau d’hémopéritoine
mique lorsque le pouls s’accélère et la tension baisse résistant à la réanimation  : le patient est alors direc-
dès que le débit des perfusions est ralenti. tement dirigé vers le bloc opératoire pour réaliser une
• Ou des signes de détresse respiratoire aiguë : dyspnée laparotomie exploratrice d’hémostase éventuellement
intense, cyanose, collapsus cardiovasculaire, tachycar- précédée d’une ponction lavage du péritoine (PLP) pour
die. confirmer le diagnostic et d’une radiographie du thorax
• Puis on appréciera l’état de conscience (score de Glas- réalisée sur la table d’opération.
gow). Ou plus rarement devant un tableau de péritonite ai-
L’examen clinique ne peut être fait qu’à partir du mo- guë.
ment ou les détresses circulatoires et respiratoires sont MAIS LORSQUE LE TABLEAU EST MOINS GRAVE, LE
corrigées. BLESSÉ EST GARDE SOUS SURVEILLANCE.

a/L’examen de l’abdomen : Celle-ci est basée sur l’évolution des paramètres cli-
Souvent trompeur, cependant les données de cet exa- niques suivants : le pouls, la tension artérielle, la tempé-
men seront consignées et vont servir de repère durant la rature, la diurèse et sur les examens complémentaires.
surveillance clinique.
• L’inspection : B. ÉVOLUTION :
Recherche de traces de contusion : hématome, ecchy- 1/TABLEAU ÉVIDENT :
mose, érosions cutanées. Plusieurs tableaux cliniques peuvent se constituer au
Étudie la mobilité abdominale lors de la respiration décours de la surveillance, dans les heures qui suivent
• La palpation abdominale : l’admission.
Elle doit être douce, car l’ensemble de l’abdomen est
douloureux dans les suites du traumatisme. Elle re- a/Tableau d’hémorragie interne :
cherchera deux types de signes : Il se rencontre en cas de rupture d’un organe plein ou
• La défense qui est une réaction localisée de la paroi d’une déchirure du mésentère.
abdominale, qu’on arrive à vaincre. • Les signes généraux  : représentés par les signes de
• La contracture qui est une rigidité pariétale, doulou- l’état de choc hémorragique malgré une réanimation
reuse, permanente et invincible. Elle réalise le clas- bien conduite.
sique ventre de bois. • Les signes physiques  : une tension abdominale, une
Défense et contracture traduisent l’irritation périto- matité des flancs ou un bombement douloureux du
néale. cul-de-sac de Douglas au toucher rectal sont autant
• La percussion de l’abdomen : de signes évocateurs d’un hémopéritoine. Mais souvent
Elle recherche des matités anormales : l’examen abdominal est trompeur d’autant plus qu’il
• Au niveau des flancs, une matité déclive traduit un existe des lésions cérébrales ou médullaires.
épanchement liquidien intrapéritonéal. • La biologie : elle objective des signes d’anémie aiguë
• Au niveau de l’hypogastre, une matité peut se rencon- avec chute de l’hémoglobine et des globules rouges,
trer dans des infiltrations urinaires de l’espace de Ret- l’hématocrite peut être normal au début.
zius soulignant une rupture vésicale. • La confirmation diagnostique peut se faire grâce à
• Les touchers pelviens : l’échographie ou la PLP.
Ils peuvent être douloureux et mettre en évidence un Le pronostic vital est alors engagé avec risque de mort
bombement du cul-de-sac de Douglas. par hémorragie interne, la laparotomie d’hémostase doit
se faire en urgence.
b/L’examen abdominal doit être complété par :
La recherche d’une lésion associée par l’examen thora- b/Tableau de péritonite aiguë par perforation d’un vis-
cique, des fosses lombaires, la palpation complète du cère creux :
squelette et l’appréciation de la mobilité des membres Le tableau de péritonite s’installe progressivement.
ainsi que l’examen des urines à la recherche une héma- • Les signes généraux traduisent une péritonite avan-
turie macroscopique. cée. Ils sont identiques à ceux de l’hémorragie interne.
• Les signes fonctionnels retrouvés sont des douleurs
3/L’INTERROGATOIRE : abdominales avec vomissement et arrêt des matières
L’interrogatoire du traumatisé ou de son entourage pré- et des gaz.
cisera : • Les signes physiques associent une immobilité abdo-
• Les circonstances et le mécanisme de l’accident. minale, une défense abdominale diffuse, voire même
• L’horaire, en particulier en fonction des repas (la réplé- une contracture réalisant le ventre de bois.
tion d’un viscère tel que le duodénum favorise sa rup- Une disparition de la matité préhépatique. Les tou-
ture en cas de contusion). chers pelviens sont douloureux.
• Les signes fonctionnels : douleur, vomissement, arrêt • La radiologie : la radiographie du thorax et de l’abdo-
des gaz. men sans préparation peuvent montrer un pneumopé-

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ritoine qui signe la perforation d’un organe creux. Ce Elle est négative lorsque le liquide de lavage revient
signe n’est retrouvé que dans 20 % des cas environ. transparent.
Le pronostic vital est là aussi engagé par risque d’un état de Elle est dite douteuse lorsque le liquide de lavage re-
choc septique, l’intervention chirurgicale doit être rapide. vient teinté (rosé).
Étude microscopique :
2/LE TABLEAU DOUTEUX : Consiste à faire un comptage des globules blancs et
Le tableau peut rester douteux si on ne peut pas : rouges dans le liquide de lavage. Cette étude est de-
• Rattacher le tableau hémorragique à une cause abdo- mandée si :
minale parce que coexistent d’autres causes de sai- • Le liquide de lavage est rosé : la PLP est dite positive
gnement telles qu’un hématome rétropéritonéal, un quand le nombre de globules rouges par mm3 est su-
hémothorax, ou une fracture de membre. périeur à 100 000.
• Rattacher la défense abdominale à une lésion viscérale • Devant une suspicion de perforation d’un organe
sous-jacente si coexiste un traumatisme pariétal avec creux : la PLP est dite positive quand le taux de glo-
fractures de côtes. bules blancs est supérieur à 500 éléments par mm3.
• Interpréter les signes d’examen chez un traumatisé Analyse chimique :
crânien. Consiste à réaliser un dosage des amylases en cas
C’est dans ces situations que la surveillance et les exa- de suspicion d’un traumatisme pancréatique.
mens complémentaires prennent toute leur importance. La PLP a une très bonne sensibilité et spécificité
dans la détection de l’hémopéritoine. Mais on lui re-
a/La surveillance : proche le fait de ne donner d’information, ni sur le
Elle portera sur : volume de l’hémopéritoine, ni de diagnostic étiolo-
• les paramètres vitaux gique.
• la température Il existe des faux positifs (en cas d’hématome retro-
• l’examen de l’abdomen péritonéal) de même les faux négatifs peuvent se voir
• la biologie à la recherche d’une déglobulisation en cas d’hématome sous capsulaire du foie ou de la
• on peut être également amené à réaliser un dosage rate.
des amylases sériques et urinaires si l’évolution laisse Les contre-indications à la réalisation de la PLP
suspecter un traumatisme pancréatique. sont  : les cicatrices de laparotomie, la femme en-
ceinte, les nourrissons et les malades comateux.
b/Les examens complémentaires (Objectif n° 5) : Dans ces cas, la PLP peut être remplacée par une
• Les radiographies standards (radiographie du thorax, mini-laparotomie.
abdomen sans préparation) à la recherche d’un pneu- • L’examen tomodensitométrique (TDM) : c’est un exa-
mopéritoine qui peut se déclarer secondairement. men essentiel dans la prise en charge d’un traumati-
• L’échographie abdominale  : les avantages théoriques sé de l’abdomen. Réalisé par un TDM hélicoïdal avec
de l’échographie sont nombreux : examen non invasif, un bolus vasculaire et une opacification digestive cet
reproductible, pouvant être réalisé au lit du malade, examen est aussi performant que l’échographie dans la
sensible dans la détection d’une faible quantité d’épan- détection des épanchements intrapéritonéaux et per-
chement liquidien avec bonne analyse des organes met en plus devant l’aspect hyperdense de l’épanche-
pleins (détecte plus facilement un hématome qu’une ment d’affirmer son caractère hémorragique. Il permet
plaie). Elle renseigne sur l’abondance de l’hémopéri- une meilleure étude des organes pleins en précisant le
toine et remplace avantageusement la PLP dans le dé- siège et la gravité des lésions. La tomodensitométrie
brouillage initial. est sensible pour détecter un pneumopéritoine. L’extra-
Cependant cet examen est limité quand il existe un vasation du produit de contraste oriente selon les cas
iléus ou emphysème sous-cutané, il ne détecte pas vers une atteinte parenchymateuse ou du tube digestif.
souvent l’origine de l’hémopéritoine, mais peut orienter Il est demandé en complément à l’échographie lors-
le diagnostic lésionnel (par exemple épanchement pé- qu’un traitement non opératoire est envisagé, il permet
risplénique fait évoquer en premier lieu une lésion de d’émettre un pronostic et de suivre l’évolution. De plus
la rate), et enfin cet examen est opérateur dépendant. c’est la seule technique fiable pour explorer correcte-
• La ponction lavage du péritoine : c’est un examen in- ment le rétropéritoine et la région duodéno-pancréa-
vasif, il doit être pratiqué au mieux en salle d’opération tique. Enfin, au temps tardif elle permettra de mettre
sous anesthésie locale. Il consiste à réaliser une ponc- en évidence d’éventuelles fuites urinaires à partir des
tion sous-ombilicale et à introduire un cathéter de dia- cavités pyélo-calicielles de l’uretère ou de la vessie.
lyse dans la cavité péritonéale. On irrigue rapidement • L’urographie intraveineuse (UIV) et la cystographie ré-
la cavité péritonéale par 500 à 1000 ml de sérum phy- trograde : elle est demandée en cas de suspicion d’un
siologique qu’on recueille par siphonnage. traumatisme rénal ou vésical.
Les résultats sont évalués sur l’étude macroscopique • Les opacifications digestives  : elles sont demandées
du liquide recueilli et en cas de besoin sur l’étude mi- en cas de suspicion d’une perforation d’un segment du
croscopique et chimique du produit de lavage. tube digestif. On utilise les produits hydrosolubles par
Étude macroscopique : voie orale.
La PLP peut être d’emblée positive si la ponction ra- • L’artériographie  : il s’agit souvent d’une opacification
mène plus de 10 ml de sang ou un liquide digestif. des vaisseaux du pelvis. Cette artériographie montre le
Elle est positive quand le liquide de lavage revient siège de la lésion et permet surtout de faire l’hémos-
franchement rouge ou mêlé à un liquide digestif. tase par embolisation.

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c/La stratégie diagnostique : • La présence de signes péritonéaux (défense, contrac-
Le choix de la réalisation des examens complémentaires ture, touchers pelviens douloureux).
dépend du degré de l’urgence, des habitudes de l’équipe • La présence d’une matité déclive à l’examen abdomi-
soignante et du plateau technique dont elle dispose. nal.
Cependant devant toute contusion abdominale une écho- Une plaie abdominale pose deux problèmes : celui de la
graphie abdominale ou à défaut une PLP sont les exa- pénétration (effraction de la séreuse péritonéale) et celui
mens à réaliser de première intention. Les autres exa- de perforation d’un viscère intrapéritonéal.
mens seront demandés en fonction de l’examen clinique
et des résultats des explorations antérieures. 1/FAIRE LE DIAGNOSTIC DE PÉNÉTRATION :
En pratique on distingue trois situations cliniques : a/Le diagnostic est évident devant la :
• Le blessé ayant une hémodynamique instable malgré • Présence d’une éviscération.
la réanimation : • Présence d’un orifice d’entrée et de sortie en cas de
En cas de contusion abdominale élective, l’indication plaie par balle.
d’une laparotomie en urgence est évidente et tout exa- • Présence d’un pneumopéritoine ou d’un projectile sur
men complémentaire est inutile. l’ASP.
Chez le polytraumatisé ayant des lésions associées po-
tentiellement hémorragiques l’hémopéritoine doit être b/Le diagnostic clinique n’est pas évident :
confirmé par une PLP réalisée en salle d’opération. Il faudra recourir aux examens suivants :
• Le blessé ayant un état hémodynamique stable, mais • L’exploration de la plaie sous anesthésie locale au bloc
l’examen abdominal est impossible : opératoire. On reproche à cette méthode la difficulté
Certaines situations cliniques (coma traumatique, d’exploration des malades obèses et des plaies posté-
éthylisme aigu, paraplégie traumatique, blessé séda- rieures. Cette exploration peut méconnaître une plaie
té et ventilé) retirent toute validité à l’examen abdomi- pénétrante lorsque le trajet est en chicane.
nal. Dans ces conditions et pour ne pas méconnaître • L’échographie abdominale, qui peut mettre en évidence
une lésion intra-abdominale, une PLP ou une écho- un épanchement.
graphie doivent être réalisées en fonction du plateau • La PLP quand elle est positive, confirme le diagnostic.
technique dont on dispose. L’examen TDM abdominal
ne se conçoit de première intention en urgence qu’en 2/FAIRE LE DIAGNOSTIC DE PERFORATION :
présence de lésions crânienne, thoracique ou osseuse Un tableau péritonéal franc ou l’issue d’un liquide diges-
(rachis, bassin) qui imposent un examen scannogra- tif par la plaie confirme le diagnostic de perforation.
phique. Mais souvent le diagnostic de la perforation n’est aussi
• Blessé ayant une hémodynamique stable et dont l’exa- évident et dans ces situations prennent toute leur valeur
men abdominal est possible: les explorations complémentaires :
−L’examen
− abdominal est anormal : rarement l’examen • L’échographie et/ou le scanner peuvent mettre en évi-
initial découvre des signes péritonéaux francs de pé- dence, une lésion d’un organe plein.
ritonite aiguë conduisant sans délai à la laparotomie. • La PLP avec comptage des globules blancs et dosage
Le plus souvent l’examen abdominal est équivoque et des amylases. La présence d’un liquide digestif signe le
une lésion d’un organe creux ou de pancréatite aiguë diagnostic de la perforation d’un organe creux, la pré-
post-traumatique est évoquée. L’échographie dans ce sence d’amylase est en faveur d’une atteinte pancréa-
contexte n’est pas assez fiable et il faudra opter pour tique et un comptage des globules blancs supérieurs à
la PLP avec comptage des globules rouges et surtout 500 par ml dans le liquide de lavage est très évocateur
blancs et le dosage des amylases dans le liquide de d’une plaie digestive.
dialyse, ou bien réaliser un examen TDM. • La cœlioscopie a transformé la prise en charge ac-
−L’examen
− abdominal est normal : devant un trauma- tuelle des plaies abdominales puisqu’elle contribue
tisme abdominal sévère sans répercussions hémody- aussi bien au diagnostic de perforation que de pénétra-
namiques la surveillance clinique doit être complétée tion et dans certains cas elle peut être thérapeutique.
par une échographie. Si celle-ci est négative le malade
sera surveillé en milieu chirurgical, si par contre elle 3/LES ORGANES LÉSÉS :
visualise un épanchement intra-abdominal localisé, Les plaies vasculaires (aorte et veine cave inférieure)
une surveillance en Unité de Soins Intensifs s’impose sont très graves, 1/3 des blessés décèdent avant d’arri-
et le scanner sera effectué en urgence différée. ver à l’hôpital et la mortalité opératoire est de 30 %.
Les plaies des viscères pleins posent les mêmes pro-
blèmes que dans les contusions abdominales.
VI. LES FORMES CLINIQUES : Les plaies des viscères creux :
• L’estomac : les symptômes sont différents selon la ré-
A. LES PLAIES ABDOMINALES plétion gastrique,
(OBJECTIF N° 7) : • Le duodénum : la perforation peut être intra ou retro-
En dehors d’un état de choc conduisant à la laparotomie péritonéale,
d’urgence, il faut préciser : • Le grêle : fréquence des les orifices multiples,
• Les circonstances, l’heure de l’accident et le type de • Le colon et rectum : gravité des plaies en zones acco-
l’objet contondant. lées qui risquent d’être méconnues.
• Le siège de la plaie. Les associations lésionnelles:
• La température. • Les plaies thoracoabdominales sont fréquentes (30 %

152 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


des plaies), elles sont suspectées quand l’orifice d’en- 2/LES TRAUMATISMES PELVI-ABDOMINAUX :
trée siège sur la paroi antérieure au-dessous du 4e es- Il s’agit de traumatismes violents. Les lésions abdomi-
pace intercostal et quand l’orifice d’entrée sur la paroi nales peuvent s’associer à des fractures du bassin, à des
postérieure siège au-dessous du 8e espace intercostal. complications urinaires ou plus rarement à des lésions
Dans ces cas en plus des lésions viscérales une plaie vasculaires intéressant surtout les vaisseaux iliaques
diaphragmatique est obligatoire. entraînant un hématome rétropéritonéal.
• Les plaies abdomino-pelvi-fessières et abdomino-péri-
néales exposent au risque septique et fonctionnel par 3/LA FORME DE LA FEMME ENCEINTE :
destruction sphinctérienne. La femme enceinte est exposée à deux types de compli-
cations :
4/LA CONDUITE À TENIR : • L’hématome rétroplacentaire post-traumatique qui
Les plaies non pénétrantes imposent une exploration et constitue une indication à la césarienne en urgence.
un parage. • L’interruption de grossesse au cours des deux premiers
L’attitude vis-à-vis des plaies pénétrantes dépend de trimestres.
l’état clinique du blessé et de l’agent vulnérant :
• En présence d’un état de choc ou d’une plaie par pro- 4/LES FORMES À RÉVÉLATIONS SECONDAIRES
jectile la laparotomie s’impose. OU TARDIVES :
• Dans les autres cas, les attitudes sont partagées entre : a/La rupture en deux temps de la rate
• Le traitement non opératoire : cette attitude se justifie C’est la rupture d’un hématome sous capsulaire de la
par la fréquence élevée de laparotomies inutiles (ab- rate. Après une amélioration passagère, le malade pré-
sence de lésions qui nécessitent un traitement). On lui sente un état de choc hémorragique. D’où la nécessité
reproche le fait qu’elle impose une surveillance astrei- d’une surveillance clinique et échographique de toute
gnante et qu’elle peut conduire à une laparotomie tar- contusion abdominale.
dive avec lésions anatomiques avancées.
• Le dogme de la laparotomie exploratrice systématique, b/La péritonite secondaire :
pour éviter les inconvénients de la méthode non opéra- Une péritonite peut se déclarer secondairement par
toire. chute d’escarre ou par la nécrose d’une anse intestinale
• La cœlioscopie exploratrice représente une alterna- secondaire à une lésion mésentérique.
tive à ces attitudes, elle a certes permis de réduire le
nombre de laparotomies inutiles, mais n’est pas très c/Les faux kystes du pancréas :
sensible dans la détection des plaies intestinales sur- Ils traduisent un traumatisme pancréatique passé ina-
tout si elles sont multiples. perçu. Le malade présente des douleurs abdominales
au niveau de l’étage sus ombilical avec à la palpation
B. LE POLYTRAUMATISME (OBJECTIF N° 6) : une masse épigastrique. Les amylases sont normales,
Une atteinte abdominale se voit chez environ 25  % des l’échographie et l’examen tomodensitométrique préci-
polytraumatisés. L’atteinte abdominale ne doit pas être sent le siège et la nature kystique de la masse.
occultée par les autres lésions ou méconnue parce que
le traumatisé présente un coma traumatique, une para- d/L’hémobilie post-traumatique :
plégie ou un traumatisme thoracique. Il faut suspecter Elle est rare, elle traduit la présence d’une fistule vascu-
une lésion abdominale devant un état de choc résistant lo-biliaire. Elle se traduit sur le plan clinique par la triade
à une réanimation bien conduite. La méconnaissance de Sandblom qui associe : douleur, hémorragie et ictère.
d’une lésion intra-abdominale peut être fatale. Il est L’écho-doppler et l’artériographie font le diagnostic.
donc indispensable devant tout polytraumatisé d’évoquer
une atteinte intra-abdominale et de réaliser systémati-
quement une échographie ou une PLP (voir cours  : le VII. LE TRAITEMENT (OBJECTIF N° 4) :
polytraumatisé).
A. LES BUTS :
C. LES TRAUMATISMES DES ZONES Restaurer la volémie.
FRONTIÈRES (OBJECTIF N° 4) : Traiter l’organe lésé, en assurant l’hémostase et en ré-
1/LES TRAUMATISMES THORACOABDOMINAUX : parant les organes creux.
Ce sont des traumatismes qui peuvent intéresser l’hypo- Traiter une lésion associée.
chondre droit, gauche ou les deux. À droite c’est le foie
qui est touché, à gauche la rate, l’estomac, le lobe gauche B. LES MÉTHODES :
du foie ou le colon. Les lésions thoraciques sont repré- 1/LA RÉANIMATION :
sentées par des fractures de côtes, des épanchements • Remplissage vasculaire par une ou plusieurs voies
pleuraux, des lésions trachéobronchiques, vasculaires, d’abord périphériques.
une contusion pulmonaire ou une rupture diaphragma- • L’antibiothérapie par voie parentérale visant les bacilles
tique. Ces lésions thoraciques augmentent la mortalité. Gram négatifs et les anaérobies en cas de péritonite.
Les moyens d’explorations sont représentés par la ra- • Oxygénothérapie au masque ou par intubation oro ou
diographie thoracique, la PLP, l’échographie et l’examen naso-trachéale dans les formes graves.
tomodensitométrique. La lésion diaphragmatique est par-
fois difficile à mettre en évidence, le recours aux opacifica-
tions de l’estomac, du colon peuvent aider au diagnostic.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 153


2/LE TRAITEMENT NON OPÉRATOIRE (OBJECTIF N° 8) : • Duodéno-pancréas  : suture duodénale, exclusion
Le traitement non opératoire dans les contusions de duodénale, résection pancréatique.
l’abdomen avec lésion d’organes pleins s’est considé- Le « damage control » :
rablement développé ces dernières années grâce aux Il s’agit d’un concept simple ou l’opérateur se limite à
progrès de l’imagerie. De plus en plus le traitement non faire l’essentiel pour éviter d’aggraver l’hypothermie et
opératoire se substitue au traitement chirurgical chaque l’acidose afin de prévenir les troubles de l’hémostase,
fois que la lésion le permettait. c’est le concept de « la laparotomie écourtée ».
Notion classique pour le rein, ce traitement intéresse • Les gestes d’hémostase se résument à faire un ou plu-
maintenant la rate et le foie. sieurs « packing » (tassement de grandes compresses
Pour proposer cette attitude thérapeutique, il faut obéir autour des zones qui saignent), ainsi on peut faire un
strictement à l’ensemble des critères de sélection : «  packing  » sous le foie en le comprimant contre le
• Un état hémodynamique stable ou secondairement diaphragme, un « packing » pelvien en cas de trauma-
stabilisé. tisme grave du bassin.
• Absence de signes péritonéaux. • Le contrôle d’une lésion intestinale est assuré par liga-
• Examen neurologique normal. ture de part et d’autre de la plaie.
• Certitude diagnostique par une TDM. Dans tous les cas le malade sera repris 48 heures dans
• Absence de lésions associées intra ou extra-abdomi- de meilleures conditions pour une réparation définitive
nales. des lésions.
• Volume de transfusion inférieur à 2 ou 3 culots globu-
laires. c/La réparation des organes creux :
• TDM de contrôle : amélioration lésionnelle. • Estomac : suture, rarement une résection.
• Grêle : suture, résection anastomose, résection stomie
3/LA CHIRURGIE : en cas de péritonite.
a/Les principes généraux : • Colon : résection stomie.
• Installation : le blessé est installé en décubitus dorsal, • Vessie : en cas de rupture intrapéritonéale, on réalise
le thorax exposé au champ opératoire pour une éven- une suture protégée par un drainage vésical. En cas de
tuelle thoracotomie. rupture sous-péritonéale sans plaie de l’urètre, le trai-
• Voie d’abord : incision médiane, qui peut être prolongée tement est le sondage vésical.
par une sternotomie ou par une thoracotomie droite.
• Exploration  : commence d’abord par évacuer l’épan- d/La réparation diaphragmatique :
chement et explorer les viscères pleins, creux, l’espace • Plaie sans perte de substance : suture.
retropéritonéal et le diaphragme. • Perte de substance : utilisation d’une plastie épiploïque
ou d’une plaque prothétique.
b/L’hémostase :
1. L’hémostase temporaire : elle peut se faire par com-
pression dans les formes simples et par clampage VIII. CONCLUSION :
pédiculaire si le saignement n’est pas facilement
contrôlable. La prise en charge d’un traumatisme abdominal ne doit
2. L’hémostase définitive est obtenue schématique- pas s’improviser. En effet le pronostic du blessé est condi-
ment : tionné par la rapidité et l’efficacité des premiers secours,
• Foie : électrocoagulation, parage et suture, résec- et aussi par la qualité de la prise en charge hospitalière
tion. où diagnostic et traitement doivent être assurés par des
• Rate : électrocoagulation, suture, splénectomie po- équipes multidisciplinaires comprenant réanimateurs,
laire ou totale. radiologues et des chirurgiens rompus aux conditions de
• Rein : néphrectomie partielle ou totale. l’urgence.

154 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


ANNEXE
CLASSIFICATION DES TRAUMATISMES

Classification des traumatismes hépatiques (Moore) :


Type I
Hématome : Sous-capsulaire non expansif < 10 % de la surface hépatique.
Lacération : Déchirure capsulaire, non hémorragique avec rupture parenchymateuse
profonde de moins d’un centimètre.
Type II
Hématome : Sous-capsulaire non expansif intéressant de 10 à 50 % de la surface.
Hématome intraparenchymateux non expansif < 2 cm de diamètre.
Lacération : < 3 cm de profondeur < 10 cm de largeur.
Type III
Hématome : Sous-capsulaire > 50 % de la surface ou expansif.
Rupture d’un hématome sous-capsulaire avec hémorragie.
Hématome intraparenchymateux > 2 cm.
Lacération : > 3 cm de profondeur.
Type IV
Hématome : Rupture d’un hématome central.
Lacération : Destruction parenchymateuse intéressant de 25 à 75 % d’un lobe hépatique.
Type V
Lacération : Destruction parenchymateuse > 75 % d’un lobe hépatique.
Vasculaire : Traumatisme veineux juxtahépatique (veine cave rétrohépatique/veines
sus-hépatiques gauche, droite et moyenne).
Type VI
Vasculaire : Avulsion hépatique.

Classification scannographique des lésions spléniques


Stade 1 : lésions capsulaires isolées ou hématome sous-capsulaire sans atteinte parenchymateuse.
Stade 2 : fracture du parenchyme sans atteinte du hile, hématome intraparenchymateux.
Stade 3 : fracture profonde unique ou multiple, avec atteinte du hile ou des gros vaisseaux.
Stade 4 : rate éclatée ou rupture pédiculaire.
Stade 4A : sans autres lésions abdominales.
Stade 4B : associations d’autres lésions abdominales.
Stade 4B1 : viscères pleins.
Stade 4B2 : viscères creux.
Stade 4C : association lésions extra abdominale.

Classification des traumatismes duodéno-pancréatiques (LUCAS) :


Lésions duodénales exclusives ou prédominantes :
Classe I : hématome intramural.
Classe II : rupture complète, partielle ou totale.
Classe III : lésion classe I ou II associée à une lésion pancréatique mineure (plaie ou contusion).
Classe IV : rupture sévère et combinée duodéno pancréatique.

Lésions pancréatiques exclusives ou prédominantes :


Classe I : contusion ou déchirure périphérique sans lésions canalaires.
Classe II : lacération, transsection ou rupture du pancréas distal avec suspicion d’atteinte canalaire.
Classe III : idem à la classe II, mais intéressant le pancréas proximal.

Pour ces trois premières classes, pas de lésions duodénales associées.


Classe IV : rupture sévère et combinée duodéno-pancréatique.

Classification des traumatismes du rein (Chatelin) :


Type I : contusion (capsule intacte).
Type II : fracture simple (capsule rompue, silhouette rénale respectée).
Type III : fracture complexe.
Type IV : lésion pédiculaire vasculaire.
Type V : pour certains, voie excrétrice isolée.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 155


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (session mai 2015) : Dans les contusions de l’abdomen avec un état hémodynamique stable, le Traitement non
opératoire peut être réalisé quand :
a) Une échographie peut être répétée en absence du scanner
b) Il existe un pneumopéritoine c) Il existe une contusion de la rate
d) Il existe une fracture du rachis lombaire e) Il existe des fractures de côtes

Test n° 2 (Objectif n° 1) : Les lésions de Blast sont observées lors de la propagation d’une onde de forte pression.
n Vrai n Faux

Test n° 3 (Objectif n° 2) : L’organe le plus fréquemment atteint lors d’une contusion abdominale est le foie.
n Vrai n Faux

Test n° 4 (Objectif n° 3) : L’acidose, l’hypothermie et les troubles de l’hémostase constituent des facteurs de mauvais
pronostic chez les contus de l’abdomen.
n Vrai n Faux

Test n° 5 (Objectifs n° 4, 5 et 6) : Un homme de 34 ans est victime d’un accident de la voie publique par choc frontal
alors qu’il conduisait lui-même son véhicule avec point d’impact au niveau de la région épigastrique. Aux urgences,
l’examen clinique initial montre qu’il n’y a pas de signes de choc (TA à 14/8, pouls à 96/mn), le patient est eupnéique.
L’examen abdominal montre l’existence d’une ecchymose au niveau de la région épigastrique. La palpation, à ce niveau,
est légèrement douloureuse, mais il n’y a pas de défense pariétale, le toucher rectal est sans particularité et les urines
sont claires. L’examen radiologique pratiqué en urgence confirme l’existence d’une fracture des arcs latéraux des 7e,
8e et 9e cotes gauches sans épanchement (pas de pneumo ou d’hémothorax). Le bilan biologique initial ne décèle pas
d’anomalie, à la numération formule sanguine on note 14 g/dl d’hémoglobine et 12 000 globules blancs, enfin le groupe
sanguin est o+. L’évolution est marquée dans les premières heures par l’installation d’une polypnée, d’une fièvre à 38°,
avec généralisation de la douleur à tout l’abdomen et vomissements bilieux. La TA est de 10/8 et le pouls à 120/mn. La
palpation confirme la constitution progressive d’une défense épigastrique. La matité hépatique est conservée ; le toucher
rectal reste indolore. Un nouveau bilan sanguin est demandé montre que le taux d’hémoglobine est de 10 g/dl avec des
globules blancs à 14 500. Le dosage des amylases est à 600 unités (pour un taux normal maximal de 250 unités).

Questions :
1. Quels examens pratiquez-vous en urgence ? (Hiérarchisez vos demandes).

2. Quelle est la conduite à tenir initiale proposez-vous chez ce traumatisé ?

156 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


3. Quels sont les arguments cliniques et paracliniques (en tenant compte des résultats des examens complémentaires
demandés) qui vous incitent à proposer le traitement chirurgical en urgence ?

4. Quels sont les arguments cliniques et paracliniques (en tenant compte des résultats des examens complémentaires
demandés) qui vous permettent de différer une laparotomie en urgence ?

5. À distance quelles sont les complications évolutives faut-il craindre et que faudra-t-il proposer

Test n° 6 (Objectif n° 7) :


Devant une plaie abdominale, l’éviscération signe le diagnostic de perforation.
n Vrai n Faux

Test n° 7 (Objectif n° 7) :


La présence d’un pneumopéritoine chez un blessé de l’abdomen signe le diagnostic de pénétration.
n Vrai n Faux

Test n° 8 (Objectif n° 7) :


Devant une plaie abdominale chez un patient aux constantes hémodynamiques stables, la cœlioscopie permet de réali-
ser le diagnostic de la pénétration et de la perforation.
n Vrai n Faux

Test n° 9 (Objectif n° 8) :


Le « Damage control » consiste à réaliser chez un contus grave de l’abdomen une hémostase chirurgicale temporaire
afin de prévenir l’aggravation de l’hypothermie et de l’acidose et leur conséquence, les troubles de la coagulation.
n Vrai n Faux

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 157


LE POLYTRAUMATISÉ

Prérequis
• États de choc.
• Traumatisme crânien.
• Traumatismes thoraciques.
• Traumatismes abdominaux.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir le polytraumatisme.
2. Décrire les mécanismes étiopathogéniques.
3. Expliquer les conséquences physiopathologiques observées chez le polytraumatisé.
4. Décrire la prise en charge pré hospitalière du polytraumatisé.
5. Décrire la prise en charge hospitalière du polytraumatisé.
6. Décrire les complications encourues par le polytraumatisé.
7. Décrire la hiérarchisation des gestes thérapeutiques chez le polytraumatisé.
8. Décrire les différents scores de gravité spécifiques au polytraumatisé.

Activités d’apprentissage
• Lire le document de base.
• Assister pendant la garde à la prise en charge d’un polytraumatisé, à défaut, retirer des
archives 3 ou 4 dossiers de polytraumatisés et étudier leurs particularités cliniques et
thérapeutiques.

INTÉRÊT DU SUJET : • et ayant subi un traumatisme dont le mécanisme et


la violence du choc doivent faire rechercher de telles
Urgence traumatique grave de plus en plus fréquente. lésions (un défenestré de trois étages sans aucune lé-
Problème de santé publique, car les polytraumatisés sion apparente est un polytraumatisé jusqu’à preuve du
sont le plus souvent des hommes jeunes en pleine ac- contraire).
tivité.
Tout omnipraticien peut être confronté à la prise en GÉNÉRALITÉS : la prise en charge initiale d’un poly-
charge d’un polytraumatisé aussi bien sur les lieux de traumatisé ne s’improvise pas et nécessite une équipe
l’accident qu’à l’hôpital. particulièrement rodée et entraînée. Elle doit démarrer
sur les lieux de l’accident et se poursuivre pendant le
transport jusqu’à l’hôpital. Seule une prise en charge ba-
I. INTRODUCTION (OBJECTIF N° 1) : sée sur une stratégie thérapeutique efficace permettra
de diminuer aussi bien les décès précoces que les sé-
DÉFINITION  : un polytraumatisé présente au moins quelles à long terme.
deux lésions traumatiques entraînant des répercussions L’interaction des conséquences lésionnelles trauma-
respiratoires ou circulatoires mettant en jeu le pronostic tiques est une des caractéristiques du polytraumatisé.
vital. Elle entraîne :
Cette définition peut être inadaptée lors de la prise en • Un effet de potentialisation : la gravité des lésions ne
charge initiale du blessé. En effet, elle ne s’intéresse s’additionne pas, mais se multiplie par potentialisa-
qu’aux lésions post-traumatiques immédiates et ne tient tion de leurs conséquences respectives (par exemple
pas compte des complications évolutives et de la gravité l’association traumatique crâne-thorax : l’altération de
du mécanisme lésionnel. l’état de conscience induit une insuffisance respiratoire
Ainsi en élargissant les critères d’inclusion, le polytrau- de même l’hypoxie aggrave l’hypertension intracrâ-
matisé doit être considéré comme un patient : nienne et donc les lésions neurologiques).
• ayant des lésions qui menacent d’une manière patente • Un Effet d’occultation : une lésion peut masquer une
ou latente le pronostic vital. autre et être à l’origine d’un retard diagnostic (par

158 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


exemple chez un blessé comateux le diagnostic d’une L’insuffisance circulatoire aiguë induit une redistribution
lésion abdominale peut être très difficile). D’une ma- des flux sanguins. Il se produit en effet une vasoconstric-
nière générale la sous-estimation de la gravité ou l’ou- tion artériolaire périphérique (splanchnique, rénale et
bli de certaines lésions traumatiques peuvent avoir des musculaire) dans le but de maintenir une perfusion cé-
conséquences vitales ou fonctionnelles dramatiques. rébrale et coronaire. Cette vasoconstriction entraîne des
souffrances tissulaires majeures en particulier au niveau
du territoire splanchnique. Une ischémie splanchnique
II. ETIOPATHOGENIE (OBJECTIF N° 2): semble être la lésion secondaire à l’origine des dysfonc-
tions, puis des défaillances viscérales au travers d’un
Les données du rapport de l’association tunisienne de syndrome inflammatoire généralisé et non contrôlé res-
chirurgie en 1995 dressent le profil épidémiologique du ponsable :
polytraumatisé dans notre pays. • d’une séquestration pulmonaire des polynucléaires
neutrophiles qui libèrent à leur tour des facteurs de lé-
1/LES CIRCONSTANCES DU TRAUMATISME : sion endothéliale à l’origine du syndrome de détresse
Les accidents de la voie publique sont les plus grands respiratoire aiguë (SDRA)
pourvoyeurs de polytraumatisés dans notre pays (85 %). • et d’une hypoxémie sévère contribuant avec la destruc-
Les plus exposés sont les piétons et les motocyclistes tion membranaire aux lésions viscérales, en particulier
qui présentent un coefficient de gravité supérieur aux hépatiques à l’origine d’un syndrome de défaillance
automobilistes. multiviscérale (SDMV).
Les autres causes sont représentées par les accidents
de travail et par les accidents domestiques ou plus rare- Les lésions tissulaires ischémiques majorées par le
ment par des actes de violence. traumatisme lui-même entraînent la libération de subs-
tances tels que :
2/LE TERRAIN :
• des radicaux libres qui accentuent des troubles méta-
Il s’agit le plus souvent d’hommes (sex-ratio=3,7), jeunes
boliques (acidose et hyperkaliémie),
(âge moyen de 28 ans). Il faut souligner la gravité par-
• des thromboplastines tissulaires qui entraînent une
ticulière du polytraumatisme chez le sujet âgé (décom-
coagulation intravasculaire disséminée (CIVD),
pensation d’une tare), et chez le jeune enfant (lésions
• la myoglobine qui aggrave une atteinte rénale,
multiples secondaires à la projection).
• le « Myocardial Depressant Factor » (MDF) qui induit la
3/DISTRIBUTION DES LÉSIONS : dysfonction myocardique aiguë.
Les lésions associées rencontrées au cours d’un poly- Il apparaît donc que le cette réaction inflammatoire, en
traumatisme sont par ordre de fréquence décroissant : augmentant les besoins en oxygène des cellules, ag-
• Les lésions des membres et ceintures (50 à 70 %), grave le problème de l’oxygénation des tissus.
• Les atteintes craniocérébrales (40 à 60 %),
• Les atteintes thoraciques (10 à 50 %), Défaillance Traumatisme
• Les atteintes abdominales (5 à 25  %) et les atteintes circulatoire
vertébrales et/ou médullaires (5 à 25 %). Lésion tissulaire
Par ailleurs, 70 % des polytraumatisés ont deux lésions,
30 % ont trois lésions ou plus. Syndrome
En fait plus que la fréquence des lésions ou leur asso- inflammatoire
ciation, c’est le risque d’absence de diagnostic initial
complet qui doit être évité par une démarche clinique Hypoxie tissulaire
rigoureuse.
Effondrement
du transport
III. V CONSÉQUENCES PHYSIOPATHOLO- Systémique
GIQUES (OBJECTIF N° 3) : en oxygène

Le polytraumatisme est à la phase initiale une somma-
tion de lésions (cranio-cérébrales, thoraciques, abdomi- Défaillance Augmentation des
no-pelviennes…) immédiatement menaçantes. Le pro- respiratoire besoins cellulaires
nostic durant cette phase tient à la gravité directe des en oxygène
lésions post-traumatiques que vient majorer l’état de
choc. Secondairement le pronostic est lié à la présence
d’une défaillance multiviscérale ou à l’infection. Les conséquences de l’hypovolémie et de l’hypoxie quand
elles ne sont pas traitées, conduisent vers l’aggravation
1/CONSÉQUENCES CIRCULATOIRES : de l’acidose et des troubles de l’hémostase. À ces signes
L’insuffisance circulatoire aiguë associée aux lésions tis- il faut souligner les effets néfastes de l’hypothermie (le
sulaires post-traumatiques réalise le tableau d’un état polytraumatisé lors de sa prise en charge initiale est le
de choc traumatique. Cet état traduit l’incapacité de l’ap- plus souvent en hypothermie) sur l’acidose et les troubles
pareil circulatoire d’assurer l’oxygénation adéquate des de l’hémostase.
tissus d’où hypoxie tissulaire. Celle-ci constitue la lé-
sion primaire au décours d’un polytraumatisme.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 159


ACIDOSE mande centrale (lésions du tronc cérébral), obstruction
des voies aériennes par chute de la langue en arrière,
MORT perte des réflexes de protection, vomissements et ré-
gurgitation. Ces conséquences aggravent un trauma-
HYPOTHERMIE COAGULOPATHIE tisme thoracique associé (c’est l’effet de potentialisa-
tion des lésions).
Le choc traumatique évolue en deux phases : une com- • les conséquences circulatoires  : les lésions du tronc
pensée et une décompensée susceptibles de conduire à cérébral s’accompagnent fréquemment d’instabili-
la mort par défaillance polyviscérale malgré la réanima- té tensionnelle pouvant là aussi majorer l’instabilité
tion. hémodynamique secondaire à un hémopéritoine par
Ces notions physiopathologiques récentes ont modifié exemple.
l’approche thérapeutique du polytraumatisé. En effet on
insiste actuellement sur :
• La restauration du transport en 02 et la correction de IV. LA PRISE EN CHARGE
la perfusion tissulaire pour alléger la dysfonction mé- PRÉ HOSPITALIERE (OBJECTIF N° 4) :
tabolique cellulaire. Cet objectif représente la partie
la plus importante du traitement des 48 premières La prise en charge du polytraumatisé devrait commencer
heures. idéalement sur les lieux de l’accident grâce aux services
• La lutte contre l’effet néfaste de l’acidose, la coagulo- mobiles d’urgence et de réanimation. Elle permettra, en
pathie et de l’hypothermie. effectuant un premier bilan lésionnel, une orientation
correcte du patient vers une structure hospitalière. Il est
2/CONSÉQUENCES RESPIRATOIRES : alors possible de préparer à l’avance le matériel néces-
L’insuffisance respiratoire aiguë (IRA) constitue avec la saire à une prise en charge rapide du polytraumatisé, et
défaillance circulatoire une menace vitale permanente de prévenir les intervenants potentiellement concernés
non seulement à la phase initiale, mais aussi au décours par l’arrivée de ce patient.
de l’évolution d’un polytraumatisé.
L’IRA peut avoir plusieurs étiologies : A. EN L’ABSENCE D’ÉQUIPE SPÉCIALISÉE :
• Lésion des voies aériennes supérieures (par obstruc- C’est la situation du « secouriste » ou du médecin sans
tion ou rupture), aucun matériel adapté.
• Lésions thoraciques (fracture de côtes, épanchements La situation se résume alors en trois mots : PROTÉGER,
pleuraux) ou pulmonaires (contusion pulmonaire ou ALERTER, SECOURIR.
syndrome de détresse respiratoire aiguë),
1. PROTÉGER :
• Lésions du système nerveux.
Il faut éviter un nouvel accident en balisant les lieux de
Toutes ces lésions induisent et aggravent l’hypoxie tissu-
l’accident dans les deux sens de la circulation.
laire. L’hypercapnie secondaire à une IRA entraîne une
vasodilatation intracérébrale qui en augmentant la pres- 2. ALERTER :
sion intracrânienne aggrave les lésions neurologiques. Le régulateur des structures adaptées (SAMU, Pom-
piers) doit être alerté, il faut lui précise :
3/CONSÉQUENCES DU TRAUMATISME • Le lieu, le type et l’heure de l’accident,
CRÂNIEN : • Le nombre et l’état de gravité apparent des blessés,
a/Conséquences locales : • L’existence d’une situation particulière (incarcération,
Elles sont liées à l’hypertension intracrânienne. L’en- risque d’incendie…) nécessitant une intervention spé-
ceinte cranio-encéphalique étant inextensible, le volume cialisée.
total intracrânien (volume du parenchyme cérébral + vo-
lume du LCR + volume sanguin cérébral) est constant. Au 3. SECOURIR :
cours d’un traumatisme crânien grave, l’apparition d’un En assurant des gestes élémentaires du secouriste :
nouveau volume lié à la présence d’un hématome ou le • Position latérale de sécurité.
développement secondaire de l’œdème cérébral entraîne • Immobilisation de l’axe crâne-rachis cervical.
une augmentation de la pression intracrânienne qui peut • Réchauffement par couverture.
exercer deux effets délétères majeurs : • Compression manuelle d’une hémorragie externe.
• une diminution de la pression de perfusion cérébrale • En cas de mort apparente : assurer une ventilation par
(PPC), bouche-à-bouche après désobstruction pharyngo-la-
• un déplacement de la masse cérébrale avec pour ryngée et réaliser un massage cardiaque externe.
conséquences des lésions ischémiques du tronc céré-
bral. B. RÔLE DE L’ÉQUIPE MÉDICALE
Le risque fondamental est l’engagement cérébral qui a SPÉCIALISÉE :
pour conséquences la mort cérébrale et l’arrêt cardio- 1/ASSURER LES PREMIERS GESTES D’URGENCE :
respiratoire. L’AXE CRÂNIO-RACHIDIEN SERA MAINTENU EN RECTI-
TUDE EN PERMANENCE, notamment pendant l’examen
b/Conséquences systémiques : ou la désincarcération du traumatisé.
Elles sont essentiellement respiratoires et circulatoires : Ces premiers gestes d’urgence seront effectués simulta-
• les conséquences ventilatoires sont liées essentielle- nément par plusieurs personnes en même temps que le
ment aux troubles de conscience : troubles de la com- bilan lésionnel initial.

160 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


a/Préserver la fonction respiratoire : instable (tachycardie persistante, pression artérielle sys-
Il faudra assurer la liberté des voies aériennes supé- tolique < 90  mm de Hg) malgré le remplissage vascu-
rieures en réalisant une désobstruction pharyngo-la- laire.
ryngée. L’oxygénation au masque (O2 pur à 8 l/mn) sera L’origine de cet état de choc peut être secondaire soit à
souvent nécessaire pour améliorer l’hématose. une hémorragie externe de diagnostic facile, soit à une
En cas de mort apparente ou d’arrêt respiratoire il faudra hémorragie interne (l’origine abdominale est la première
intuber et assurer une ventilation assistée. à être suspectée).
Une détresse respiratoire aiguë secondaire à un pneu- L’auscultation cardiaque et des axes vasculaires, ainsi
mothorax compressif suffocant sera traitée par un drai- que la palpation des pouls périphériques doit être sys-
nage thoracique. tématique.

b/Préserver la fonction circulatoire : d/Lésions rachidiennes :


Mise en place de deux voies d’abord dans des veines pé- TOUT POLYTRAUMATISÉ DANS LE COMA EST SUS-
riphériques de gros calibre. PECT D’ÊTRE PORTEUR DE LÉSIONS RACHIDIENNES
Perfusion par un soluté macromoléculaire associé à des JUSQU’A PREUVES RADIOLOGIQUES DU CONTRAIRE
solutés cristalloïdes dans les 20 premières minutes par
exemple. e/Lésions abdominales :
Pansement compressif d’une hémorragie externe. L’examen abdominal d’un blessé dans le coma est très
difficile seule la présence d’une matité déclive signe la
2/EFFECTUER UN BILAN LÉSIONNEL INITIAL : présence d’une lésion intra abdominale. Même chez un
a/Lésions cranio-encéphaliques : blessé conscient, l’examen abdominal initial reste peu
Evaluées par le score de Glasgow, basé sur l’évaluation fiable (beaucoup de faux positifs et de faux négatifs) et
de trois items : l’ouverture des yeux (E), la réponse ver- servira surtout d’examen de référence. Seront consignés
bale (V) et la réponse motrice (M). la présence d’une douleur abdominale spontanée, d’une
Score de Glasgow : réaction pariétale à type de défense ou contracture,
d’une douleur et bombement du cul-de-sac de Douglas
Ouverture des
Réponse verbale Meilleure réponse au toucher rectal.
yeux (E : eye
(V) motrice (M)
opening)
f/Lésions des membres et des ceintures :
À la commande 6 Fractures et luxations sont de diagnostic facile devant
Cohérente 5
Spontanée 4 Orientée 5 une déformation évidente et impotence fonctionnelle
d’un membre. Une ouverture cutanée doit être recher-
Confuse 4 Évitement 4
chée de principe.
Flexion La palpation des pouls distaux et l’examen neurologique
Au bruit 3 Inappropriée 3 3
stéréotypée doivent être systématiques à la recherche d’une lésion
Incompréhen- Extension vasculo-nerveuse.
À la douleur 2 2 2
sible stéréotypée
3/A L’ISSUE DE CE BILAN ET DES PREMIERS GESTES :
Jamais 1 Rien 1 Rien 1
Le patient est immobilisé : mise en place d’une minerve,
d’un matelas-coquille.
Le coma correspond à des scores de 3 à 7 avec E et V
Le patient est réchauffé : couverture de survie.
égaux à 1.
Des pansements antiseptiques sont posés sur les plaies,
Il a une valeur pronostique : les scores inférieurs à 9 sont
éventuellement compressifs en cas de saignement
de mauvais pronostic.
abondant.
Il a également une valeur pour le tri des blessés en ur-
Le bilan des lésions et de la thérapeutique effectuée sont
gence.
consignés par écrit.
b/Lésions respiratoires :
4/LE TRANSPORT EST ORGANISÉ :
À l’inspection, apprécier les signes d’insuffisance respi-
En contact avec le régulateur du SAMU, celui-ci se char-
ratoire  : cyanose, dyspnée, sueurs, tirage. Rechercher
gera de trouver un centre d’accueil adapté au blessé.
une respiration paradoxale témoin d’un volet thoracique.
Sous surveillance, il faut apprécier pendant le transport
Localiser une plaie, en particulier une plaie soufflante.
l’état de conscience, le monitorage respiratoire et car-
Par la palpation mettre en évidence une crépitation
diocirculatoire.
sous-cutanée signe d’emphysème sous-cutané, une
douleur évoquant une fracture de côte.
La percussion et l’auscultation à la recherche de signes
V. PRISE EN CHARGE HOSPITALIÈRE DU
en faveur d’un pneumothorax ou d’un hémothorax.
POLYTRAUMATISÉ (OBJECTIF N° 5) :
c/Lésions circulatoires :
C’est au moment de l’accueil du traumatisé qu’une dé-
Réunir les signes d’un état de choc hémorragique : pâ-
cision importante doit parfois être prise : conduire direc-
leur, tachycardie, marbrures cutanées, chute tension-
tement le patient au bloc opératoire sans aucun bilan
nelle parfois longtemps masquée par la réaction adré-
supplémentaire. Cette décision doit être prise lorsque
nergique se traduisant surtout par une hémodynamique
l’état hémodynamique du patient est critique malgré la

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 161


réanimation pré hospitalière et que la cause de la dé- • Déplacement vers l’arrière de l’essieu avant
tresse circulatoire est évidente. • Enfoncement de la cabine > 45 cm du côté du blessé,
En dehors de ces cas extrêmes, l’évaluation de l’état du ou > 60 cm du côté opposé
polytraumatisé à son admission à l’hôpital nécessitera • Éjection du véhicule
un nouveau bilan plus complet clinique, biologique et ra- • Tonneau du véhicule au cours de l’accident
diologique, à la fois par le chirurgien et le réanimateur. • Mort d’un des occupants du véhicule
La réanimation et la surveillance sont poursuivies lors de • Piéton heurté à une vitesse > 30 km.
l’examen clinique.
c/Évaluation de la sévérité des lésions :
A. BILAN CLINIQUE : L’admission s’impose face à l’un de ces 4 types de lé-
1/INTERROGATOIRE : sions, quels que soient le Score de Trauma et le méca-
Du patient et à défaut, de l’entourage et de l’équipe de nisme de l’accident :
ramassage. On se renseignera sur : • Plaie pénétrante du thorax, de l’abdomen, du cou ou de
la face
a/Les circonstances de l’accident : • Deux fractures ou plus des os longs
Préciser le lieu, l’heure et les circonstances de l’accident • Brûlures > 15 % de la face ou des voles aériennes
(décélération importante, incarcération, éjection). • Traumatisme fermé du thorax avec volet pariétal.

b/Les antécédents du blessé : d/Évaluation de l’âge et des antécédents :


Préciser l’âge du blessé, ses antécédents médico-chirur- L’admission s’impose pour les blessés dont l’âge est infé-
gicaux, les médications en cours, l’heure du dernier re- rieur à 5 ans ou supérieur à 55 ans et/ou ayant des antécé-
pas ainsi que l’heure de la dernière miction. dents pathologiques cardio-respiratoires, quel que soit le
RTS, le mécanisme de l’accident et la sévérité des lésions.
c/Renseignements cliniques :
Ces renseignements s’intéressent à la collecte des élé- 3/PRISE EN CHARGE DU RISQUE VITAL :
ments du bilan lésionnel initial, à la nature du transport Elle s’effectue idéalement dans la salle de déchocage
et aux médications administrées. Les objectifs de cette prise en charge initiale sont :
• De normaliser l’hématose et de stabiliser l’état hémo-
2/INDICATION D’ADMISSION EN UNITÉ dynamique.
DE RÉANIMATION : • D’orienter les examens complémentaires de la deu-
L’admission du patient en réanimation est décidée en xième période.
fonction de l’évaluation clinique pré hospitalière des
fonctions vitales, de la conscience, du mécanisme du a/Les soins respiratoires :
traumatisme, de la sévérité des lésions, de l’âge et des Un pneumothorax suffoquant sera drainé au mieux après
antécédents du patient. avoir réalisé une radiographie du thorax, sans déplacer
le blessé du brancard.
a/Évaluation des fonctions vitales et de la conscience : L’assistance respiratoire est indiquée devant :
L’admission s’impose si le Revised Trauma Score (RTS), • Une détresse respiratoire.
calculé à partir de trois items (le score de Glasgow, la • Un Glasgow Coma Score (GCS) < 8.
mesure de la pression artérielle et la fréquence respira- • État de choc hypovolémique.
toire) est inférieur à < 11 points. (Objectif n° 8). • En prévision d’une intervention chirurgicale.
Le RTS est déterminé en tenant compte des premiers pa- • Il est également possible de poser l’indication d’une ven-
ramètres recueillis chez le traumatisé sa valeur est com- tilation mécanique si le score prédictif d’un syndrome de
prise entre 0 et 12. Une valeur seuil de RTS, inférieure à détresse respiratoire aiguë est supérieur à 10.
11, a été proposée afin d’identifier les traumatisés graves. Score prédictif du SDRA post-taumatique (Objectif n° 8) :
Le RTS paraît bien corrélé à la probabilité de survie.
Lésion Score
Revised Trauma Score (RTS) : Fracture simple du pied, cheville, poignet, côte,
1
Glasgow Pression artérielle Freq. mandibule
Valeur
score systolique (mmHg) respiratoire Fracture de l’avant-bras ou faciale 2
13 à 15 > 89 0 à 29 4 Fracture de l’humérus, tibia, vertèbre ou faciale 3
9 à 12 76 à89 >29 3 Fracture du fémur ou du bassin 5
6à8 50 à 75 6à9 2 Lésion grave de la rate 3
4à5 < 49 1à5 1 Lésion grave du foie 4
3 0 0 0 Transfusion sanguine > 4 unités 3
Pression artérielle systolique < 80 mm Hg 4
b/Évaluation du mécanisme de l’accident :
Un des facteurs suivants impose l’admission, quel que PaO2 < 60 mm Hg 5
soit le RTS : Volet costal ou inhalation 10
• Chute d’une hauteur > à 6,5 m Score de Glasgow < 14 4
• Décélération de plus de 30 km/h
• Déformation du véhicule >60 cm Score de Glasgow < 8 10

162 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


b/Les soins cardiovasculaires : 4/NOUVEL EXAMEN CLINIQUE :
S’assurer des abords vasculaires périphériques larges. L’examen clinique ne peut être fait qu’à partir du mo-
Devant un état de choc grave, le remplissage vasculaire ment où les détresses circulatoires et ventilatoires sont
s’effectue grâce à un abord central. corrigées.
L’état de choc (Pression artérielle systolique < 85 mmHg) Le traumatisé doit être complètement déshabillé afin
est secondaire le plus souvent à un : de bénéficier d’un examen clinique complet, l’examen
• choc hypovolémique (80 % des cas), neurologique est particulièrement important, il comparé
• un choc obstructif n’est retrouvé que dans 19 % des cas à l’examen initial et sert comme référence ultérieure
(tamponnade sanguine ou gazeuse) (Glasgow Coma Score, réactivité pupillaire).
L’origine de l’hypovolémie est thoracique isolée dans Il permet de :
5 % des cas, dans 20 % des cas elle est secondaire à un • Confirmer certaines lésions et d’engager les thérapeu-
hémopéritoine et/ou un hématome retropéritonéal. L’es- tiques adaptée.
timation du saignement lors d’une fracture dépend du • Détecter l’apparition de nouvelles lésions ou l’existence
siège de la lésion. de lésions initialement passées inaperçues.

Estimation de l’hémorragie lors d’une fracture 5/LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES :


Lésion Saignement ILS SONT REALISES SYSTÉMATIQUEMENT ET OBTE-
NUS IDÉALEMENT DANS LA PREMIÈRE HEURE. C’est
Fracture d’une côte 125 ml la « GOLDEN HOUR ».
Fracture d’une vertèbre, de l’avant-bras 250 ml
Fracture de l’humérus 1000 ml a/Bilan biologique :
Au minimum :
Fracture du fémur 2000 ml • Groupe sanguin ABO et Rhésus.
Fracture du bassin 500 à 5000 ml • Numération formule sanguine.
• Taux de prothrombine.
Un large abord pour transfusions rapide permet de cor- • Ionogramme sanguin avec azotémie et créatinémie.
riger rapidement l’hypovolémie par des solutions col- • Glycémie.
loïdes. Les solutés cristalloïdes isotoniques nécessitent
4 fois plus de solution que les colloïdes, sont surtout Au moindre doute :
utiles chez les brûlés et écrasés. • Gaz du sang : en cas de traumatisme thoracique ou de
signe d’insuffisance respiratoire.
• Amylasémie : en cas de traumatisme abdominal.
DÉTRESSE CIRCULATOIRE CHEZ LE POLYTRAUMATISÉ
PAS < 85 mm Hg b/Bilan radiologique :
SERONT SYSTEMATIQUEMENT EFFECTUEES :
• Radiographie du thorax de face à la recherche :
REMPLISSAGE VASCULAIRE RAPIDE −d’un
− pneumo ou d’un hémothorax
20 à 30 ml/kg de soluté colloïde −d’une
− lésion pulmonaire ou diaphragmatique
−d’un
− élargissement médiastinal ou un pneumomédiatin.
• Radiographie du crâne de face et de profil
AMÉLIORATION HÉMODYNAMIQUE • Radiographie du rachis cervical de profil, avec traction
PAS >90 mm Hg sur les membres supérieurs pour dégager C7 - Dl.
• Radiographie du bassin de face :
Recherchera une lésion osseuse (fracture d’une branche
ilo ou ischio-pubienne, une disjonction pubienne…) fai-
OUI NON
sant suspecter une complication urinaire ou vasculaire,
ou un enfoncement
du toit du cotyle qui
REMPLISSAGE
non traité aura des
HYPOVOLEMIE SECTION CHOC
VASCULAIRE ADAPTE MAJEURE MÉDULLAIRE HAUTE répercussions fonc-
CARDIOGENIQUE
ÉVACUATION REA. POURSUITE RV Atropine – tionnelles drama-
RAPIDE Sympathomimétiques tiques.
• Échographie abdo-
Drainage minale :
épanchement Remplace de plus
Origine Origine compressif en plus la ponction
thoracique abdominale
lavage du péritoine
Autotransfusion Pantalon antichoc
(PLP) dans le dé-
brouillage initial des
Arbre décisionnel face à une détresse circulatoire lésions abdominales puisqu’elle permet une bonne ana-
en traumatologie lyse des organes pleins et une détection d’une faible
quantité d’épanchement liquidien.
Elle doit répondre à deux questions :

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 163


• Existe-t-il un épanchement péritonéal ? Une luxation dentaire complète mérite une reposition en
• Existe-t-il une lésion d’un viscère plein ? urgence en milieu spécialisé.
• Ponction lavage du péritoine (PLP)  : à défaut d’écho- Les plaies du crâne et de la face peuvent être :
graphie abdominale on réalisera une PLP. Mais pour • très hémorragiques ou très étendues et nécessiter su-
certains, elle serait supérieure en urgence à tous les ture sous anesthésie.
autres examens dans le diagnostic d’un hémopéritoine. • proche d’éléments nobles (œil, canal lacrymal, nerf et
Elle est jugée positive si : artère faciale) ce qui nécessite une exploration atten-
−Aspiration
− de sang (> 10 ml) tive, éventuellement sous anesthésie.
−Présence
− de GR > 100 000/ml
−Présence
− de GB > 500 /ml c/Lésions thoraciques :
−Dosage
− des amylases > 2000 UI/ml Au décours de la surveillance, apprécier les signes d’in-
−Présence
− de bile, de particules alimentaires suffisance respiratoire  : cyanose, dyspnée, sueurs, ti-
−Électrocardiogramme :
− examen de référence, peu de rage. Rechercher une respiration paradoxale témoin
lésions traumatiques spécifiques. d’un volet thoracique.
Les lésions les plus fréquentes sont représentées par
B. AU TERME DE CETTE PREMIÈRE PÉRIODE les Pneumo et/ou hémothorax qui ne sont que le reflet
(OBJECTIF N° 6) : de lésions sous-jacentes pariétales, pulmonaires ou mé-
1/PARFOIS L’AGGRAVATION RAPIDE DE L’ÉTAT diastinales.
CLINIQUE IMPOSE DES GESTES THÉRAPEUTIQUES • Lésions pariétales : représentées par les fractures de
IMMÉDIATS : côtes et les fractures du sternum. Parmi les fractures
a/Aggravation neurologique : de côtes, signalons :
Apparition de signes en faveur d’un hématome extradural. −Les
− fractures de la première côte, pouvant s’intégrer
dans le cadre d’un syndrome d’impaction du moignon
b/Instabilité hémodynamique malgré la réanimation : de l’épaule, avec un risque potentiel de lésions vascu-
Elle impose, en fonction du bilan étiologique rapide initial lo-nerveuses.
une : −Les
− fractures de côtes basses situées avec possibili-
• Laparotomie le plus souvent tés de lésions des organes intra-abdominaux sous-
• Exploration et réparation d’une plaie artérielle jacents (foie, rate).
• Thoracotomie : celle-ci est réalisée d’extrême urgence −Les
− volets costaux  : la ventilation assistée suffit à
devant : les stabiliser dans la majorité des cas. (stabilisation
• un hémothorax massif (> 1500 ml) et évolutif (>150 ml/h) pneumatique interne)
• un arrêt cardio-respiratoire aux urgences pour clam- −Les
− fractures de sternum doivent faire rechercher une
per l’aorte, décomprimer le péricarde (Tamponnade) et fracture vertébrale dorsale sous-jacente.
effectuer un massage cardiaque interne. • Lésions pulmonaires : les contusions et les plaies pul-
• Embolisation artérielle dans certains cas : hémorragie monaires ont un retentissement clinique variable sui-
massive pelvienne dans les fracas du bassin. vant leur étendue et l’état cardio-pulmonaire préalable.
La surveillance d’un drainage thoracique permet de
c/Syndrome péritonéal :
poser secondairement l’indication d’une thoracotomie
Il impose la laparotomie en urgence.
(augmentation du débit horaire de l’hémothorax, persis-
tance du pneumothorax).
2/LE PLUS SOUVENT LA SURVEILLANCE PERMET DE
Le scanner thoracique permet de préciser la part res-
DÉPISTER :
pective de contusion parenchymateuse et d’hémothorax
a/Les lésions cranio-encéphaliques :
dans les anomalies radiologiques pleuropulmonaires.
Un processus expansif intracrânien nécessite une éva-
• Lésions médiastinales :
cuation en milieu neurochirurgical. L’hématome extra
• Une rupture trachéobronchique : elle est évoquée devant
dural évoqué cliniquement (notion d’intervalle libre,
un emphysème cervical et thoracique rapidement exten-
signes de localisation : mydriase unilatérale et hémiplé-
sif, une hémoptysie ou une atélectasie. Elle sera confir-
gie contro-latérale), est confirmé par la tomodensitomé-
mée par la radiographie du thorax qui montrera un pneu-
trie. Cet examen est formellement indiqué pour un trau-
momédiastin et par l’endoscopie bronchique en urgence.
matisme crânien dans le cadre d’un traumatisme grave,
Ces lésions nécessitent un traitement chirurgical.
en particulier s’il existe une altération de la conscience
• Les lésions aortiques : elles sont rares et de diagnostic
(GCS<8), des signes neurologiques focaux, une plaie
difficile. Une rupture de l’isthme aortique est évoquée :
crânienne avec ou sans fracture du crâne. Il faut savoir
−Cliniquement
− devant des lésions cutanées thora-
répéter un scanner cranio-encéphalique au bout de 48
ciques par la ceinture de sécurité témoin de la décé-
heures, à la recherche d’une lésion expansive intracéré-
lération importante. Des douleurs rétrosternales. Des
brale d’apparition retardée
signes de pseudo-coarctation (asymétrie des pouls et
Dans les centres spécialisés, le monitorage de la pression
de la tension entre membres supérieurs et inférieurs)
intracrânienne permet un dépistage précoce de ces lésions.
et dans certains cas de paraplégie non expliquée par
b/Lésions faciales : une lésion vertébrale.
Oculaires, elles nécessitent un avis spécialisé, notam- −À
− la radiographie : l’élargissement médiastinal, la dis-
ment en cas de plaie pénétrante. parition du bouton aortique et le refoulement de la tra-
Une otorragie nécessite une otoscopie pour différencier chée vers la droite sont des signes qui orientent vers
plaie du conduit auditif externe et autres lésions internes. le diagnostic.

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−L’angiographie
− numérisée fera le diagnostic et préci- rachidiennes jusqu’à preuve radiologique du contraire.
sera le siège et l’étendue de la rupture. Une vasoplégie peut expliquer une hypotension artérielle
−L’intervention
− chirurgicale doit être réalisée en ur- lors d’un traumatisme du rachis.
gence.
f/Lésions des membres :
d/Lésions abdomino-pelviennes : Elles sont en général de diagnostic facile. Il faudra re-
• Les hémorragies intrapéritonéales : chercher en particulier :
En l’absence de signes évidents d’hémopéritoine, la dé- • Une ouverture cutanée dans les fractures.
tection de lésions intra-abdominales est basée sur la • Une luxation.
surveillance clinique (notamment de l’état hémodyna- • Une atteinte vasculo-nerveuse.
mique) et sur les examens complémentaires essentiel-
lement l’échographie et le scanner. g/Certains gestes sont réalisés systématiquement :
Devant des blessés comateux, en état d’éthylisme aigu, La prévention du tétanos devant toute plaie.
paraplégiques ou ventilés l’examen abdominal est L’antibiothérapie devant :
pauvre ou trompeur, interdisent toute surveillance cli- • Une fracture ouverte.
nique correcte. Le risque est alors de méconnaître une • Une fracture de la base du crâne avec otorrhée ou
lésion traumatique peu hémorragique ou une rupture rhinorrhée.
intestinale. • Toute plaie craniocérébrale ou oculaire.
Chez le polytraumatisé conscient, l’association d’autres
lésions (fractures de côtes, fractures du bassin, trauma-
tismes du rachis et contusions de la paroi abdominale) VI. STRATÉGIE DE LA PRISE EN CHARGE
peut être cause de douleurs et de contracture abdomi- CHIRURGICALE (OBJECTIF N° 7) :
nale rendant difficiles le diagnostic et l’interprétation des
signes pariétaux. Les associations lésionnelles étant multiples et les
Il est donc nécessaire de recourir systématiquement à conditions cliniques variées, il est difficile de définir une
des examens complémentaires (échographie abdomi- stratégie simple applicable à tous les polytraumatisés.
nale, TDM abdominal, PLP) à la recherche d’un épan- Toutefois, il est possible de dégager quelques grands
chement intrapéritonéal. Il est à rappeler que les lésions principes permettant de guider la prise en charge théra-
spléniques, hépatiques et mésentériques représentent peutique. Parmi ces principes, deux dominent :
plus de 80 % des hémorragies intrapéritonéales. • Traiter en premier lieu la détresse ventilatoire puis la
détresse circulatoire et enfin la détresse neurologique.
• Les hémorragies rétropéritonéales : sont essentielle- • La lésion qui engage le pronostic vital prime sur celle
ment représentées par : qui engage le pronostic fonctionnel.
−Lésion
− rénale : UIV et angioscanner feront un diagnos-
tic lésionnel précis. A. PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES :
−Fractures
− du bassin avec lésion vasculaire pour la- Traiter toutes les lésions si possibles, dans le même
quelle artériographie et embolisation permettront temps opératoire par plusieurs équipes, en sachant qu’il
d’éviter un abord chirurgical techniquement très dif- faut savoir limiter le temps opératoire sur un même pa-
ficile et aléatoire. tient.
−Fractures
− du rachis lombaire. Cependant, du fait de la coexistence de lésions multi-
ples ce traitement idéal n’est souvent pas adapté aux
• Les lésions vésico-urétrales : polytraumatisés, car il nécessite des méthodes de répa-
Une miction normale élimine toute lésion vésicale ou ration longues et complexes chez un blessé en état de
urétrale. choc présentant un saignement actif provenant souvent
Une miction anormale ou l’existence de signes hypo- de plus d’une source. Dans ces cas, le but du traitement
gastriques évocateurs contre-indiquent formellement la chirurgical devient le «  DAMAGE CONTROL  » des An-
pose d’une sonde urinaire. Deux diagnostics sont évo- glo-saxons. Il a pour objectif le sauvetage du blessé qui
qués : est en hypothermie, acidose, et qui présente des troubles
−−La rupture vésicale : de l’hémostase. Ce traitement doit assurer l’hémostase
- Intrapéritonéale : elle se traduit rapidement par un et rétablir les fonctions vitales, la réparation définitive
épanchement intrapéritonéal qui conduira à la la- des lésions est entreprise dans un second temps opéra-
parotomie et à la réparation en urgence. toire sur un blessé bien réanimé et stabilisé.
- Sous-péritonéale : le diagnostic est plus difficile et
repose sur l’échographie et le scanner. La chirurgie B. GRAVITÉ DES LÉSIONS :
peut être différée de quelques heures. 1/LES URGENCES EXTRÊMES :
−−Rupture urétrale  : toute suspicion de lésion urétrale a/L’hématome extradural expansif :
(fracture de l’arc antérieur du bassin, urétrorragie, ré- Il est à traiter en premier vu le risque de l’engagement
tention urinaire) impose la pose d’un cathéter sus-pu- cérébral. Toutefois l’association d’une altération de la
bien et une urétrocystographie rétrograde qui préci- conscience avec une hypotension artérielle est notée
sera les lésions. La réparation peut être effectuée en chez un blessé sur trois. Se pose alors le problème d’une
semi-urgence. lésion intracrânienne pouvant être évolutive (essentielle-
e/Lésions du rachis : ment l’hématome extradural) avec le risque d’une lésion
Tout polytraumatisé dans le coma est porteur de lésions hémorragique thoracoabdominale. En pratique, un exa-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 165


men TDM cérébral peut précéder une thoracotomie ou 4/EN FONCTION DE L’ÉTAT DU PATIENT ET DE LA DU-
une laparotomie d’hémostase si la tension artérielle est RÉE DES GESTES CHIRURGICAUX DÉJÀ EFFECTUÉS :
maintenue supérieure à 90  mmHg, et que le retard au Le traitement des lésions du rachis avec troubles neuro-
traitement chirurgical ne dépasse pas 30 minutes. logiques et le traitement des fractures du fémur.
En cas d’impossibilité, un traitement d’attente sera ins-
b/Épanchement pleural compressif avec détresse titué  : immobilisation provisoire pour les lésions rachi-
respiratoire aiguë. diennes (minerve, plâtre) ou traction pour les fractures
du fémur.
c/L’hémorragie intrapéritonéale :
On réalise une laparotomie d’hémostase. Les lésions C. SERONT TRAITÉES DANS UN DEUXIÈME
spléniques seront traitées par une splénectomie, vis-à- TEMPS :
vis des lésions hépatiques le traitement consistera à ré- Soit :
aliser l’hémostase et la bilistase, mais si ces lésions sont • Parce que le diagnostic n’est fait que secondairement.
graves, l’hémostase sera assurée par le tamponnement • Parce qu’il est possible d’attendre quelques heures.
du foie par de grandes compresses c’est le « packing ». Les lésions suivantes :
Les hématomes rétropéritonéaux non expansifs doivent • Les ruptures trachéobronchiques.
être respectés. Une néphrectomie ne doit être effectuée • Les lésions des viscères creux avec péritonite.
qu’après avoir réalisé une urographie intraveineuse s’as- • Les lésions instables du rachis sans signes neurolo-
surant l’intégrité du rein controlatéral. giques.
• Les lésions urinaires : rupture vésicale.
d/L’hémothorax abondant : • Les plaies oculaires.
La thoracotomie sera indiquée en urgence :
• quand à la pose du drain thoracique on ramène plus de D. ENFIN CERTAINES LÉSIONS PEUVENT
1500 ml de sang, ATTENDRE PLUSIEURS HEURES VOIRE
• ou devant un hémothorax persistant  : quand le débit JOURS :
horaire du drain thoracique est d’au mois 150  ml/h • Les fractures fermées des membres en dehors des
pendant 3 heures. fractures du fémur.
• Les fractures stables du rachis sans signes neurolo-
e/La rupture de l’isthme aortique. giques.
• Les fractures faciales sans signes neurologiques.
2/LÉSIONS VITALES TRAITÉES APRÈS L’EXTRÊME • Les ruptures de l’urètre.
URGENCE :
Lésion d’un organe creux intrapéritonéal. E. HIÉRARCHISATION DES GESTES :
Par ordre de priorité :
3/LES URGENCES FONCTIONNELLES :
• Les luxations. 1/SÉCURISER D’ABORD LE THORAX :
• Stabilisation et fermeture des fractures ouvertes. En réalisant un drainage pleural ou en assurant une ven-
tilation assistée devant un syndrome de détresse respi-
ratoire.

Polytraumatisé avec traumatisme crânien

État hémodynamique État hémodynamique


instable stable
Stratégie de la prise en charge
chirurgicale du polytraumatisé

Réanimation ÉCHO/PLP

Négative Positive
Persistance de
l’instabilité Scanner Pas de signes Signes
hémodynamique. cérébral de localisation de localisation
Pas d’hémothorax.
Pas de fracture du
bassin Scanner
cérébral

LAPAROTOMIE LAPAROTOMIE

166 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


2/TRÉPANER UN HÉMATOME EXTRADURAL. 5/COMPLICATIONS PRÉCOCES :
• L’hématome extradural à révélation tardive
3/RÉALISER UNE LAPAROTOMIE OU THORACOTOMIE • Une lésion cardiaque révélée par un hémopéricarde.
D’HÉMOSTASE : • Une rupture du diaphragme suspectée essentiellement
Un problème majeur des priorités thérapeutiques se devant une opacité basi-thoracique (surtout gauche)
pose devant le polytraumatisé qui présente des lésions mal systématisée. Elle sera confirmée par l’opacifica-
hémorragiques simultanées thoracique et extrathora- tion digestive et par l’échographie.
cique nécessitant des gestes d’hémostase presque si- • La rupture en deux temps d’un hématome sous-cap-
multanée. Les priorités thérapeutiques dépendent es- sulaire hépatique ou splénique révélé par un tableau
sentiellement de l’état hémodynamique du blessé : d’hémorragie interne.
• Une atteinte duodéno-pancréatique peut se manifester
a/En cas de collapsus cardiovasculaire : par un tableau péritonéal secondaire à une perforation
La suspicion de lésion majeure vasculaire ou cardiaque duodénale ou à une pancréatite aiguë, ou bien se révé-
impose la thoracotomie première. Dans les autres cas, ler par un tableau de suppuration profonde (perforation
la laparotomie sera le premier temps réalisé après drai- de la face postérieure duodénale).
nage thoracique. Une thoracotomie sera associée si les • Une péritonite par perforation ou nécrose d’organe
lésions abdomino-pelviennes n’expliquent pas le collap- creux secondaire à une lésion mésentérique.
sus ou si l’évolution des lésions thoraciques l’impose.
6/COMPLICATIONS SECONDAIRES :
b/En présence d’un état hémodynamique stable : a/Les complications infectieuses :
La stabilisation de l’état hémodynamique permet habi- La prévention des complications infectieuses au niveau
tuellement de débuter par une laparotomie pour hémos- des lésions traumatiques est liée à la précocité de l’ad-
tase des lésions abdominales sous couvert d’un drai- ministration d’antibiotiques.
nage thoracique qui permet de contrôler l’évolution des
lésions b/Complications respiratoires :
L’encombrement bronchique, l’atélectasie doivent être
4/TRAITER UNE URGENCE FONCTIONNELLE. prévenus par des soins de kinésithérapie afin d’amélio-
ÉVALUATION FINALE : rer l’hématose.
Au terme de cette prise en charge, un score de sévérité Mais il faut lutter contre la survenue d’un SDRA, drama-
du traumatisme peut être établi, il a une valeur pronos- tique dans le contexte, en assurant une hématose cor-
tique. C’est l’Injury Severity Score (ISS). Les paramètres recte et en évitant l’inflation hydrique.
permettant le calcul de l’ISS sont consignés dans l’an-
nexe. (Objectif n° 8). c/Les complications thrombo-emboliques :
Les traumatismes sont des situations à haut risque de
Injury Severity Score (ISS) maladie thrombo-embolique. En dehors de contusion
Valeur ISS Évaluation du risque hémorragique cérébrale ou de troubles de l’hémostase,
une prophylaxie par une héparino-thérapie peut être
1à8 Traumatisme mineur proposée.
9 à 15 Traumatisme modéré
16 à 24 Traumatisme sévère sans risque vital CONCLUSION :
25 à 40 Traumatisme sévère avec risque vital L’amélioration du pronostic du polytraumatisé repose
> 40 Survie incertaine sur une prise en charge continue et ininterrompue de-
puis les lieux de l’accident. Elle repose sur l’organisation
SURVEILLANCE (Objectif n° 6) : d’une équipe médicale multidisciplinaire et sur un équi-
Elle sera clinique biologique et radiologique. Elle permet pement performant. De la prise en charge du risque vital
de dépister l’apparition de complications secondaire. en passant par l’établissement d’un diagnostic lésionnel
précis et d’une thérapeutique adaptée jusqu’à la période
de rééducation, chaque étape est importante pour l’éta-
blissement du pronostic du polytraumatisé.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 167


ANNEXE
CALCUL DE L’ISS (OBJECTIF N° 8)

ISS= (AISa)² +(AISb)² +(AISc)²


À, b, c, les trois zones anatomiques les plus gravement atteintes.
Décès si ISS>75

SYSTÈME RESPIRATOIRE
0 = Pas d’atteinte.
1 = Douleur thoracique sans signe clinique.
2 = Fracture du sternum ou d’une côte ;
Contusion pariétale thoracique avec syndrome pleural
3 = Fractures de côtes multiples, ou Fracture de la première côte.
Hémothorax et/on pneumothorax
4 = Plaie du thorax, volet thoracique Pneumothorax sous tension avec pression artérielle normale.
Brèche diaphragmatique simple.
5 = Défaillance respiratoire aiguë (cyanose). Inhalation de liquide digestif, pneumothorax sous tension avec hypo-
tension artérielle.
Volet thoracique bilatéral Rupture diaphragmatique.

SYSTÈME NERVEUX CENTRAL


0 = Pas d’atteinte
1 = Traumatisme crânien, ± plaie du scalp, pas de PC, pas de facture du crâne.
2 = Traumatisme crânien, avec PC (< 15 min.). Fracture du crâne, douleur cervicale avec signes minimes, une frac-
ture du massif facial.
3 = Traumatisme crânien avec perte de conscience (> 15 min.). Embarrure du crâne, fracture du rachis cervical
avec signes neurologiques modérés.
4 = Fractures multiples du massif facial. Traumatisme crânien avec perte de conscience (>60 min.). Signes de lo-
calisation. Fracture du rachis cervical avec signes neurologiques majeurs.
5 = Lésion cérébrale, coma et absence de réponse aux stimulations pendant plus de 24 h. Fracture du rachis cer-
vical avec tétraplégie.

SYSTÈME CARDIOVASCULAIRE
0 = Pas d’atteinte.
1 = Perte sanguine < 10 % de la volémie.
Pas de modification de la circulation cutanée.
2 = Perte sanguine de 10 a 20 %,
Hypoperfusion cutanée, Diurèse < 30 ml/h.
Contusion myocardique avec pression artérielle normale.
3 = Perte sanguine de 20 à 30 %, dé de la volémie. Hypoperfusion cutanée. Diurèse < 10 ml/h.
Tamponnade avec PAS >80 mm Hg.
4 = Perte sanguine de 30 à 40 % de la volémie. Hypoperfusion cutanée. Diurèse < 10 ml/h.
Tamponnade avec PAS < 80 mm Hg et conscience normale.
5 = Perte sanguine de 40 à 50 % de la volémie. Agitation. Coma.
Contusion myocardique, arythmies. Pression artérielle imprenable.

ABDOMEN
0 = Pas d’atteinte.
1 = Douleur ou légère défense abdominale, du flanc ou du dos sans signes péritonéaux.
2 = Douleur aiguë de la paroi abdominale, du flanc on du dos.
Fracture d’une côte (7e - 12e).
3 = Une lésion minime du foie, de la vessie, de la tête du pancréas, du mésentère, de l’uretère ou de 1’urètre.
Fractures multiples de côtes (7e - 12e).
4 = Deux lésions majeures du foie, du colon, de la tête du pancréas, du duodénum du mésentère, de la vessie, de
l’uretère au de l’urètre.
5 = Deux lésions sévères : évasement du foie, atteinte des veines hépatiques.
Lésions vasculaires (aorte thoracique ou abdominale, veine cave ou veines iliaques).

168 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


PEAU ET TISSUS SOUS CUTANES
0 = Pas d’atteinte.
1 = Brûlures, abrasions, contusions,
Lacération < 5 % surface cutanée.
2 = Brûlures 5 à 15 %
Contusions abrasion cutanée < 30 x 30 cm,
Lacérations cutanées < 7,5 x 15 cm.
3 = Brûlures 15 à 30 %
Abrasion cutanée > 30 x 30 cm.
4 = Brûlures 30 à 45 %
Abrasion cutanée d’une jambe, d’une cuisse, d’un bras.
5 = Brûlures 45 à 60 %, 3e degré.

EXTRÉMITÉS
0 = Pas d’atteinte.
1 = Fractures ou entorses minimes ne concernant pas les os longs.
2 = Fractures simples : humérus, clavicule, radius, cubitus, tibia, péroné. Lésion d’un nerf.
3 = Fractures multiples de moyenne gravité et peu comminutives : fémur, bassin, entorses graves.
Lésions nerveuses graves.
4 = Deux fractures majeures fémur comminutif.
Écrasement d’un membre ou amputation. Fracture pelvienne instable.
5 = Deux fractures sévères. Multiples fractures graves.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 169


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : La particularité d’un polytraumatisé réside dans l’association d’un effet de potentialisation et
d’un effet d’occultation.
n Vrai n Faux

Test n° 2 (Objectif n° 2) : Les accidents de la voie publique sont les plus grands pourvoyeurs de polytraumatisés dans
notre pays.
n Vrai n Faux

Test n° 3 (Objectif n° 2) : L’homme jeune est le plus souvent touché.
n Vrai n Faux

Test n° 4 (Objectif n° 3) : Les conséquences de l’hypovolémie non corrigée à temps conduisent vers l’aggravation de
l’acidose et des troubles de l’hémostase.
n Vrai n Faux

Test n° 5 (Objectif n° 4) : Sur les lieux de l’accident, et en l’absence d’équipe spécialisée, l’attitude consiste à protéger,
alerter et secourir.
n Vrai n Faux

Test n° 6 (Objectif n° 5) : Quels sont les 2 objectifs de la prise en charge initiale devant un polytraumatisé avec un risque
vital ?

Test n° 7 (Objectif n° 6) : Énumérer les complications à révélation tardive chez un polytraumatisé.

Test n° 8 (Objectif n° 7) :


Par ordre de priorité, la hiérarchie des gestes est la suivante : sécuriser d’abord le thorax, trépaner un hématome extra-
dural, réaliser une laparotomie ou thoracotomie d’hémostase puis traiter une urgence fonctionnelle.
n Vrai n Faux

Test n° 9 (Objectifs n° 5, 6, 7 et 8) :


Jeune homme âgé de 21 ans est victime d’un accident de la voie publique alors qu’il roulait à bicyclette, il a été percuté
latéralement par une voiture. Il a été amené aux urgences par les secouristes de la protection civile qui ont assuré un
double abord veineux, avec perfusion de 1500 ml de solution cristalloïde. À l’admission on trouve un blessé cyanosé, agité
confus, ouvrant les yeux au bruit, réagissant à la stimulation motrice par évitement, polypnéïque à 30 cycles/mn. Le pouls
est à 130/min. et la TA à 8/6. L’examen clinique met en évidence :
• Une large plaie fronto-temporale, déformation du nez avec plaies profondes gingivales
• Un emphysème de l’hémithorax droit avec à l’auscultation une abolition du murmure vésiculaire du poumon droit
• Multiples écorchures pariétales avec sensibilité diffuse de l’abdomen. Les fosses lombaires sont libres. Au toucher
rectal on note un bombement du cul-de-sac de Douglas.
• Les urines émises spontanément sont claires, pas d’urétrorragie
• Pas de douleur à l’écartement des ailes iliaques

170 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


• Fracture ouverte de la jambe droite immobilisée par une attelle
La radio thoracique réalisée dans la salle de déchocage montre un pneumothorax droit.

Questions :
1. Calculez le RTS et déterminez le score prédictif du SDRA.

2. Quelle est votre attitude immédiate ?

3. Quels examens pratiquez-vous en urgence ? (hiérarchisez vos demandes)

4. Quelle est votre stratégie thérapeutique ?

5. Quelles sont les possibilités évolutives durant les jours suivants ?

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 171


LE KYSTE HYDATIQUE DU FOIE

Prérequis
Anatomie du foie (PCEM2. Thème XIV).

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Décrire le cycle évolutif du tænia échinocoque.
2. Décrire les différentes phases évolutives de l’histoire naturelle d’un KHF.
3. Énumérer les circonstances de découverte et les manifestations d’un KHF non compli-
qué.
4. Décrire la classification échographique de H. GHARBI.
5. Décrire les signes cliniques et paracliniques des complications d’un KHF et des autres
formes cliniques.
6. Citer les diagnostics différentiels des différentes formes cliniques et stades échogra-
phiques d’un KHF.
7. Citer les principales méthodes chirurgicales de traitement d’un KHF et leurs indica-
tions.
8. Énumérer les complications du traitement chirurgical d’un KHF.

Activités complémentaires
Lecture :
• K. HAOUET. Aspects anatomopathologiques, problèmes thérapeutiques et éléments de
pronostic des kystes hydatiques du foie. À propos de 652 cas. Thèse Faculté de Médecine
de Tunis (1993).
• A. ZAOUCHE. Les kystes hydatiques du foie. Monographie de l’Association Tunisienne de
Chirurgie. (1994).
• Zaouche A., Haouet K. Traitement chirurgical des kystes hydatiques du foie. EMC (Else-
vier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Appareil digestif, 40-775, 2006.
• C. DZIRI, R NOUIRA.Traitement chirurgical du kyste hydatique du foie par laparotomie.
Journal de Chirurgie Viscérale, Volume 148, Issue 2, April 2011, Pages 116-124
Vidéo film :
• Examen physique d’un abdomen.
• La périkystectomie dans le traitement du kyste hydatique.

INTRODUCTION :
complications dont certaines peuvent révéler la mala-
Le kyste hydatique du foie (KHF) est une tumeur die et mettre en jeu le pronostic vital.
hépatique parasitaire secondaire au développement Le diagnostic de KHF repose sur l’échographie abdo-
intrahépatique de l’embryon d’un tænia du chien  : minale et les tests sérologiques. Les autres explora-
Echinococcus granulosus. tions d’imagerie ont des indications sélectives.
C’est une maladie qui sévit à l’état endémique en Tuni- Le traitement du KHF est chirurgical. Ses modalités
sie et dans le Maghreb où elle constitue un problème sont variables selon la topographie du kyste, son stade
de santé publique. d’évolution et l’existence de complications.
Le KHF se rencontre à tout âge et plus particulièrement La prévention de cette maladie devrait en constituer le
chez l’adulte jeune. L’affection est souvent latente et de meilleur traitement. Elle a déjà permis de faire dispa-
découverte fortuite. Cependant, l’histoire naturelle du raître l’hydatidose dans certains pays où elle était en-
parasite dans le foie peut être émaillée de multiples démique.

172 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


I. PARASITOLOGIE (OBJECTIF N° 1) : pauvrit en eau et sa tension diminue, les membranes
propres se décollent du périkyste et se flétrissent. L’af-
L’hydatidose est une parasitose due au développement faissement des membranes parasitaires et leur rupture
chez l’homme de la larve d’un tænia du chien, Echino- vont provoquer l’écoulement de la bile par la lumière des
coccus granulosus. Le ver du tænia adulte mesure en- canalicules et des canaux biliaires érodés inclus dans le
viron 3  mm et vit dans l’intestin grêle du chien qui est périkyste. La bile provoque une agression chimique et
l’hôte définitif. bactérienne sur les membranes parasitaires et sur le
Les œufs ou embryophores sont émis avec les selles du périkyste ce qui va entraîner une perturbation des ap-
chien dans le sol et les eaux stagnantes. Ils sont égale- ports nutritifs. Cette agression provoque à son tour une
ment disséminés par le chien lors de sa toilette sur son réaction de défense du parasite qui se traduit par une
propre pelage et sa langue. L’embryophore est très ré- maturation des scolex qui vont se vacuoliser et se trans-
sistant et survit plus d’un an à 90° d’humidité entre + former en de nouvelles vésicules hydatiques, dites vési-
10 °C et + 30 °C. Naturellement, l’œuf est ingéré par un cules filles, véritables nouveaux parasites. Le KHF initia-
herbivore, le plus souvent un mouton qui est l’hôte in- lement univésiculaire devient ainsi multivésiculaire. Les
termédiaire naturel. L’homme s’infeste en ingérant des apports nutritifs étant insuffisants, les vésicules filles
crudités (fruits ou légumes) contaminées par les selles vont à leur tour s’affaisser et leurs membranes vont se
du chien, mais aussi par ingestion directe d’embryo- rompre et de nouvelles vésicules filles vont se former
phores après avoir caressé un chien (maladie des mains et évoluer de la même manière. Progressivement, le
sales). L’homme est un hôte intermédiaire accidentel. KHF de plus en plus pauvre en eau se transforme en un
L’embryophore ingéré va subir l’action du suc gastrique magma gélatineux, mastic de plus en plus solide. Pa-
qui entraîne une dissolution de sa coque ce qui libère rallèlement aux modifications du parasite, le périkyste
l’embryon hexacanthe. Celui-ci s’accroche aux villosités se calcifie progressivement de dedans en dehors, par
intestinales, traverse la paroi intestinale et gagne le foie apposition de couches de calcium amenées par la bile.
en suivant la circulation portale. Dans 70 % des cas, la Les calcifications initialement très fines, s’épaississent
larve est arrêtée par le filtre des sinusoïdes hépatiques et s’étendent à tout le périkyste puis au contenu mastic
et se fixe dans le foie. Ailleurs, elle traverse ce premier du kyste. Lentement, le kyste se transforme en une boule
filtre, rejoint la grande circulation par les veines hépa- solide plus ou moins totalement calcifiée, incluse dans
tiques, et de là peut se fixer aux poumons, à la rate ou le foie, mais n’entretenant plus d’échanges avec lui, et
dans n’importe quel autre organe. ne contenant plus de parasites vivants : c’est le stade de
KHF involué ou kyste mort.
Durant cette histoire naturelle qui peut durer plusieurs
II. CONSTITUTION ET HISTOIRE NATURELLE années voire plusieurs dizaines d’années, plusieurs
D’UN KHF (OBJECTIF N° 2) : complications évolutives peuvent survenir.
Les germes amenés par la bile peuvent provoquer une
Dans le foie, la larve fixée provoque la formation d’un infection aiguë parfois à germes anaérobies entraînant
granulome inflammatoire. Dès le 4e jour apparaît une une suppuration, voire une fonte purulente du kyste.
hydatide, sorte de vacuole qui constitue le premier Par son volume, et selon son siège dans le foie, le kyste
stade du KHF. Ce kyste jeune ou hydatide est un kyste peut provoquer un refoulement et une compression des
univésiculaire se présentant sous forme d’une poche structures et des organes de voisinage : voies biliaires
liquidienne, la vésicule hydatique, limitée par deux extra hépatiques, diaphragme, tube digestif, veine porte,
membranes propres. La membrane externe, dite cuti- carrefour cavo-sus-hépatique, veine cave inférieure, etc.
cule, est une membrane anhyste, semi-perméable, ser- Progressivement, le périkyste adhère à la structure ou
vant aux échanges nutritifs du parasite. La membrane à l’organe comprimé et finit par l’éroder et s’y fistuliser.
interne, appelée membrane proligère, secrète le liquide Ainsi peut survenir une ouverture dans les voies bi-
hydatique, et donne naissance à de multiples larves de liaires, une ouverture dans le thorax et de manière plus
tænia échinocoque : les scolex. À l’intérieur de la vési- rare une fistulisation dans le tube digestif, dans les gros
cule se trouve le liquide hydatique, translucide, « eau de vaisseaux, voire à la peau.
roche », sous tension, très riche en scolex et à haut pou- Enfin, lorsque le KHF est superficiel, il peut se compli-
voir antigénique. Le parenchyme hépatique sain refou- quer de rupture intrapéritonéale soit spontanément
lé par le développement de cette vésicule hydatique est soit après un traumatisme abdominal.
écrasé à son contact où il constitue une sorte de coque
appelée périkyste ou adventice. À son niveau, le tissu
hépatique n’est plus constitué que d’une fibrose dans la- III. CLINIQUE :
quelle sont inclus les éléments vasculo-biliaires du foie.
Le kyste peut progressivement atteindre un volume très Type de description : kyste hydatique du foie non compli-
important et dépasser 20 cm de diamètre. qué (Objectif n° 3).
À mesure que le kyste augmente de volume, le périkyste
s’épaissit. Alors que les vaisseaux qui le parcourent se A. CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE :
thrombosent, les canalicules et les canaux biliaires sont 1/LES SYMPTÔMES SONT INCONSTANTS :
érodés, mais leur lumière reste obstruée par la poche Il s’agit de douleurs de l’hypochondre droit à type de pe-
liquidienne sous tension. Progressivement le périkyste santeur, parfois une symptomatologie d’emprunt : dou-
devient épais et ceci diminue les échanges nutritifs qui leur basithoracique ou lombaire, épigastralgies…
se font entre le foie et le parasite. Dès lors, le kyste s’ap-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 173


2/SOUVENT IL S’AGIT D’UNE DÉCOUVERTE FORTUITE : pour décrire l’aspect échographique. Cette classification
Au cours d’une visite systématique d’embauche ou bien comporte 5 types (figure1-5) :
d’une consultation pour un autre motif : • Le type I est une formation arrondie hypoéchogène li-
• Constatation à l’examen d’une hépatomégalie ou d’une mitée par une paroi propre et donnant un renforcement
masse abdominale. postérieur. Ce type correspond au kyste univésiculaire.
• Découvert à l’imagerie (radiographie du thorax ou de • Le type  II est une formation arrondie hypoéchogène
l’abdomen, échographie) d’images évocatrices de KHF. limitée par une paroi propre qui est décollée. Ce type
• Parfois c’est un patient présentant une autre localisa- correspond au stade de décollement de membranes.
tion hydatique (thorax surtout), chez qui le bilan d’ex- • Le type  III est une formation arrondie hypoéchogène
tension de la maladie trouve un KHF. multicloisonnée, en « nid d’abeilles ». Ce type corres-
Plus rarement, le kyste est découvert au cours d’une in- pond au kyste multivésiculaire.
tervention chirurgicale abdominale. • Le type IV est une formation arrondie hétérogène d’al-
lure pseudo tumorale. Elle est très évocatrice de KHF
B. EXAMEN PHYSIQUE : lorsqu’elle contient des images serpigineuses, «  en
• L’inspection abdominale est le plus souvent normale. drapé  » ou en «  bulbe d’oignon  » (correspondant aux
Parfois on constate une voussure de l’hypochondre vésicules affaissées et aux membranes), ou lorsqu’elle
droit, la classique « surélévation en verre de montre », comporte aussi de petites formations hypoéchogènes
plus visible à jour frisant. (correspondant aux vésicules filles). Ce type corres-
• La palpation et la percussion recherchent une hépa- pond à un kyste à contenu gélatineux ou mastic.
tomégalie : elle est inconstante, et peut être régulière • Le type V est une formation arrondie présentant une
ou bien irrégulière plus marquée dans un lobe du foie. paroi hyperéchogène avec cône d’ombre postérieur. Ce
On palpe parfois le KHF sous forme d’une masse ar- type correspond à un kyste dont le périkyste est calcifié.
rondie ou ovalaire, bien limitée, ferme ou rénitente, in- L’échographie doit également préciser :
dolore, mobile avec le foie à la respiration. • La taille du kyste, son siège et ses rapports avec les
structures de voisinage,
C. DIAGNOSTIC : • L’état des voies biliaires,
1/LES DONNÉES DE L’INTERROGATOIRE : • L’état des autres organes abdominaux.
Classiquement, l’interrogatoire permet d’orienter le dia-
gnostic quand il trouve une origine rurale et la présence b/Radiographies du thorax et de l’abdomen :
de chiens et de moutons dans l’entourage. Elles ne sont pas indiquées à titre diagnostic. Elles
Actuellement cette notion a perdu de valeur en raison de peuvent être normales. Elles permettent de retrouver
l’importance de l’exode rural. des signes indirects en faveur d’un KHF  : surélévation
« en brioche » de la coupole diaphragmatique, calcifica-
2/LES EXAMENS D’IMAGERIE : tion arciforme sous-phrénique droite.
a/Échographie abdominale (Objectif n° 4) :
Elle est indispensable. C’est l’examen le plus perfor- 3/LES TESTS SÉROLOGIQUES :
mant pour poser le diagnostic. Le KHF apparaît comme Les tests sérologiques ont une sensibilité et une spéci-
une formation arrondie dont l’aspect du contenu et de ficité de l’ordre de 90 %. Lorsqu’ils sont négatifs (10 %
la surface varie tout au long de l’évolution. La classifi- des cas), ils n’éliminent pas le diagnostic. Depuis l’avè-
cation tunisienne de GHARBI est mondialement utilisée nement de l’échographie et des autres procédés d’ima-

1 2 3

4 5 Figure1 : KHF type I


Figure 2 : KHF type II
Figure 3 : KHF type III
Figure 4 : KHF type IV
Figure 5 : KHF type V

174 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


gerie moderne, ces examens ont perdu de leur intérêt Les examens biologiques ont peu d’intérêt. L’hyperleu-
pour le diagnostic. Ils restent utiles pour la surveillance cocytose est habituelle.
des opérés.
Plusieurs tests sont disponibles, les plus utilisés actuel- c/Conduite à tenir :
lement sont le test ELISA et l’hémagglutination passive. C’est une urgence chirurgicale. Le patient doit être im-
• Le test ELISA est qualitatif, ses résultats s’expriment médiatement hospitalisé. Il faut apprécier le retentisse-
en nombre de croix (+). ment viscéral de l’infection, réaliser des hémocultures,
• L’hémagglutination passive est un test quantitatif, ses démarrer une antibiothérapie probabiliste, perfuser et
résultats s’expriment en fractions de dilution (de 1/160 réaliser une intervention chirurgicale après quelques
jusqu’à 1/5120). heures de préparation.

D. BILAN PRÉTHÉRAPEUTIQUE : 2/LE KHF OUVERT DANS LES VOIES BILIAIRES :


Au terme de ces examens, le diagnostic de KHF est posé. a/Notions d’étiopathogénie :
Il importe d’une part de rechercher une autre localisa- Le KHF entretient des rapports très intimes avec les voies
tion extrahépatique latente et d’autre part d’apprécier biliaires intrahépatiques. Des canaux biliaires de calibre
l’état d’opérabilité du patient. La recherche d’une locali- variable sont inclus dans le périkyste où ils sont lami-
sation hydatique extrahépatique est importante, car elle nés et érodés. Lorsqu’il s’agit de canaux de gros calibre
peut modifier l’ordre des priorités thérapeutiques. Cette (canaux segmentaires, sectoriels ou principaux) la perte
recherche fait appel à de substance canalaire peut atteindre plusieurs mm. Par
• un examen clinique complet, définition, une large fistule kysto-biliaire a un calibre de
• une échographie abdominale complète qui doit étudier plus de 5  mm. La fistule reste longtemps latente, col-
notamment la rate et la cavité péritonéale, matée par les membranes parasitaires. Lorsque le KHF
• une radiographie thoracique (le poumon est la localisa- vieillit et que ses membranes s’affaissent, la fistule n’est
tion hydatique la plus fréquemment associée à celle du plus colmatée et à travers vont migrer dans la voie bi-
foie) liaire principale (VBP) des débris de membrane et des
vésicules filles. Ce «  matériel hydatique  » constitue
un obstacle incomplet à l’écoulement de la bile et une
IV. FORMES CLINIQUES : source de surinfection. Il peut entraîner une angiocholite
qui peut avoir des conséquences graves à l’échelle ré-
A. LES FORMES COMPLIQUÉES gionale (cholédocite, pédiculite, abcès du foie) ou géné-
(OBJECTIF N° 5) : rale (septicémie, choc septique.), et donc mettre en jeu
Les complications les plus fréquentes du KHF sont : l’in- le pronostic vital. Ailleurs, l’évolution se fait à bas bruit,
fection (15  %), l’ouverture dans les voies biliaires (10 à la cholestase se prolonge durant des mois ou des années
12 %), l’ouverture dans le thorax (2 à 5 %), puis les autres entraînant des altérations hépatiques à type de fibrose
complications (rupture intrapéritonéale, complications puis de cirrhose biliaire secondaire.
vasculaires, etc.. ). Enfin, dans certains cas, l’érosion canalaire intéresse la
convergence biliaire supérieure et ceci pose, lors du trai-
1/LE KHF INFECTÉ : tement chirurgical, de difficiles problèmes de réparation.
L’infection est la complication la plus fréquente (environ
15 % des patients opérés pour KHF). b/Manifestations cliniques :
La forme habituelle réalise une angiocholite aiguë avec
a/Manifestations cliniques : la triade : douleur de l’hypochondre droit, suivie de fièvre
La forme habituelle réalise un syndrome douloureux et avec frissons puis, 24 heures plus tard, d’un ictère. L’exa-
fébrile de l’hypochondre droit. Les douleurs sont conti- men trouve une fièvre à 39  °C, un ictère cutanéo-mu-
nues et peuvent irradier vers le dos et l’épaule droite. La queux et une hépatomégalie douloureuse.
fièvre est le plus souvent modérée (38 – 38,5 °C). L’exa- Les formes graves se traduisent par un syndrome an-
men abdominal trouve une hépatomégalie douloureuse, giocholitique associé à des manifestations de défaillance
et parfois une défense de l’hypochondre droit. viscérale en rapport avec la diffusion systémique de l’in-
La forme grave se traduit par un tableau septique sévère fection  : défaillance cardiocirculatoire, rénale, respira-
(fièvre à 39 ou 40 °C, faciès terreux couvert de sueur) qui toire et neurologique.
peut en quelques heures évoluer vers le choc septique et Les formes atypiques sont fréquentes et se caracté-
mettre en jeu le pronostic vital. risent par l’absence d’un ou de deux des signes de la
triade angiocholitique. Elles peuvent être graves.
b/Examens complémentaires : La forme latente évolue sous la forme d’un KHF non
L’échographie trouve le KHF classiquement de type  IV, compliqué. L’ouverture dans les voies biliaires est dé-
plus rarement de type II, III ou V. couverte soit aux examens complémentaires soit à l’in-
La radiographie du thorax peut mettre en évidence un com- tervention.
blement réactionnel du cul-de-sac pleural droit, et parfois
une image hydroaérique sous-phrénique droite à interface c/Examens complémentaires :
irrégulière, « festonnée ». Cette image peu fréquente cor- L’échographie trouve un KHF de type III, IV ou V et met en
respond à un KHF infecté par des germes anaérobies qui évidence des signes d’ouverture dans les voies biliaires.
ont entraîné une lyse complète du parasite dont il ne sub- Il peut s’agir de signes directs : fistule kysto-biliaire, for-
siste que des membranes flottant dans le pus. mations hyperéchogènes dans la voie biliaire principale,

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 175


ou bien d’un signe indirect pratiquement constant : la di- • Plus rarement, il n’y a pas de symphyse pleurodia-
latation de la voie biliaire principale et des voies biliaires phragmatique, mais une pleurésie de la grande cavi-
intrahépatiques. té. L’érosion du diaphragme entraîne une inoculation
La cholangio-pancréatographie rétrograde endosco- de cet épanchement par le contenu du kyste : c’est la
pique (CPRE) pleurésie bilio-hydatique.
Elle n’est indiquée que lorsqu’un traitement endosco-
pique (sphinctérotomie) est envisagé. Elle permet d’opa- b/Manifestations cliniques :
cifier la voie biliaire principale qui est le siège d’une 1-Le tableau classique du KHF ouvert dans les bronches
image lacunaire allongée plus ou moins régulière tra- est fait de 3 stades successifs qui correspondent aux dif-
duisant l’obstacle hydatique, et parfois la fistule kysto- férentes phases évolutives de la maladie.
biliaire et le KHF. Stade de début :
Les examens biologiques mettent en évidence une hy- Ce stade est habituellement asymptomatique. Parfois,
perleucocytose et des signes de cholestase : élévation de le patient présente des douleurs de l’hypochondre droit
la bilirubinémie conjuguée, des phosphatases alcalines et des signes thoraciques discrets à type de toux sèche
et chute du taux de prothrombine. et de point de côté basithoracique. Les signes généraux
sont souvent absents.
d/Conduite à tenir : Stade de pré rupture ou phase thoracique prémonitoire :
C’est une urgence chirurgicale. Le patient doit être im- • Les signes thoraciques sont exacerbés par rapport à la
médiatement hospitalisé. Il faut apprécier le retentisse- phase de début avec douleurs basithoracique, dyspnée,
ment viscéral de l’infection, réaliser des hémocultures, toux intense avec expectorations muco-purulentes ou
démarrer une antibiothérapie probabiliste, administrer hémoptoïques voire même de véritables hémoptysies.
de la vitamine K, perfuser et réaliser une désobstruction • Les signes abdominaux sont ici à leur maximum dou-
des voies biliaires après quelques heures de préparation. leurs de l’hypochondre droit et parfois ictère lorsque le
KHF est également ouvert dans les voies biliaires.
3/LE KHF OUVERT DANS LE THORAX : • Le syndrome infectieux est le plus souvent présent la
a/Notions d’étiopathogénie : fièvre associée au non à des frissons.
Un KHF du dôme (segments  VII et VIII) saillant à tra- Stade de rupture du kyste hydatique :
vers la surface du foie est contigu au diaphragme qu’il • Il peut s’installer très rapidement et se caractérise par
comprime au fur et à mesure qu’il augmente de volume. l’aggravation du tableau clinique.
Lorsque le contenu du kyste est multivésiculaire et pu- • Les signes thoraciques de la phase précédente sont
rulent, le périkyste devient inflammatoire, œdématié et plus intenses. L’expectoration devient très abondante
épaissi. La compression va distendre, étirer et altérer les constituant parfois une vomique qui ramène un mé-
fibres musculaires et l’inflammation va favoriser l’acco- lange de membranes hydatiques, de pus et de bile  :
lement du périkyste au diaphragme : c’est la symphyse c’est la biliptysie ou l’hydatidoptysie. Elle constitue un
kysto-diaphragmatique. signe pathognomonique de fistule bilio-bronchique
• Le plus souvent, il se produit une inflammation localisée dont la première cause est le KHF ouvert dans les
au niveau de la plèvre en regard qui aboutit à une sym- bronches.
physe pleurodiaphragmatique. La poursuite de l’inflam- • Les signes abdominaux sont souvent au second plan.
mation du périkyste aboutit à l’installation d’une solution Plus rarement il existe une douleur de l’hypochondre
de continuité diaphragmatique qui va mettre en commu- droit, voire des manifestations d’angiocholite.
nication le contenu kystique (débris de membranes, pus • L’état général est altéré, la fièvre est souvent élevée as-
et bile), avec le parenchyme pulmonaire. Il en découle sociée à une déshydratation et à un amaigrissement.
une véritable pneumopathie hydatique où rapidement
les alvéoles sont détruites, les vaisseaux thrombosés 2-Les autres formes cliniques sont moins évocatrices :
et les petites terminaisons bronchiques érodées. À ce Les manifestations cliniques d’un KHF ouvert dans le
stade, les lésions sont encore réversibles. La poursuite thorax sont le plus souvent discrètes et trompeuses.
de l’évolution se fait vers l’extension de la zone de pneu- Parfois, le tableau clinique est celui d’un KHF non com-
monie qui se creuse formant une caverne hydatique pliqué et ce n’est que le siège du KHF au dôme ou la
communiquant avec la cavité kystique. Cette caverne présence d’anomalie à l’imagerie qui fait évoquer cette
a une paroi anfractueuse, épaisse et rigide. Le paren- complication.
chyme avoisinant est le siège d’une inflammation et
de lésions de dilatation des bronches. Ce stade est ir- 3-Le KHF ouvert dans la plèvre se manifeste essen-
réversible. Parfois la caverne est le siège d’une fistule tiellement par une dyspnée, et des douleurs basithora-
bronchique (bronche segmentaire ou lobaire) qui est à ciques droites permanentes associées à une toux sèche,
l’origine d’une aspiration du contenu de la caverne et du irritative, ainsi qu’à des signes abdominaux et des signes
KHF (débris de membranes, liquide bilieux et purulent) généraux très variables.
à chaque expiration. Ceci entraîne une irritation de la
muqueuse bronchique et des expectorations répétées c/Examens complémentaires :
très évocatrices lorsqu’elles sont bilieuses. Lorsque le La radiographie du thorax :
kyste est ouvert dans les voies biliaires ou présente une Elle est souvent réalisée de première intention. Sur les
large fistule kysto-biliaire, l’expectoration ramène un vo- clichés de face et de profil, on peut constater :
lume de bile parfois très abondant ce qui provoque des • une petite opacité mal systématisée de la base réali-
troubles hydro-électrolytiques. sant un aspect de pneumopathie.

176 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


• une opacité systématisée réalisant un aspect d’atélec- b/La compression de la veine cave inférieure :
tasie segmentaire ou lobaire. Elle est rarement isolée, et habituellement associée à
• une large opacité de la base se prolongeant en cône une hypertension portale. Elle se manifeste par une as-
vers le hile du poumon réalisant un aspect de chemi- cite et des œdèmes des membres inférieurs. Le diagnos-
née hépatopulmonaire. tic est également suspecté à l’échographie et confirmé
• d’autres signes moins évocateurs  : surélévation de la par l’écho-doppler, voire une cavographie inférieure.
coupole diaphragmatique droite, calcifications arci- L’examen TDM permet d’étudier avec précision la topo-
formes sous-diaphragmatiques droites, comblement graphie du KHF et ses rapports, pour mieux définir la
du cul-de-sac pleural droit… stratégie thérapeutique.

L’échographie : c/La rupture dans les gros vaisseaux :


Elle permet de mettre en évidence le KHF, précise son C’est une complication très rare et le plus souvent fatale.
siège au dôme au contact du diaphragme et met par- La communication kysto-vasculaire peut intéresser soit
fois en évidence la brèche diaphragmatique (ou fistule une branche portale de gros calibre soit la veine cave in-
kysto-diaphragmatique). Elle permet d’étudier les voies férieure.
biliaires et de rechercher des signes d’ouverture conco- Habituellement, c’est une complication latente et il n’y
mitante du kyste dans les voies biliaires. a pas d’examens morphologiques qui confirment le dia-
L’échographie thoracique réalisée par voie intercostale gnostic. Tout au plus, il faut la suspecter lorsqu’à l’écho-
permet parfois de mettre une caverne hydatique. graphie ou au scanner il y a une compression vasculaire.
Méconnue, l’érosion vasculaire peut se compliquer avant
L’examen tomodensitomètrique (TDM) thoracoabdomi- tout traitement d’une « embolie pulmonaire hydatique »
nal : rapidement mortelle. Ailleurs, elle est découverte au
Il constitue un examen indispensable, car c’est le seul cours de l’intervention chirurgicale, au moment de
à pouvoir étudier avec précision les lésions intrathora- l’ablation des membranes parasitaires, et se traduit par
ciques et notamment de mettre en évidence une caverne une hémorragie ou par une embolie gazeuse massive.
intrathoracique. L’existence d’une telle caverne témoigne
du caractère irréversible des lésions pulmonaires ce qui 5/LA RUPTURE INTRAPÉRITONÉALE :
conditionne l’attitude thérapeutique. La rupture intrapéritonéale peut compliquer l’évolution
de tout KHF qui affleure à la surface du foie et à tous
4/LES COMPLICATIONS VASCULAIRES : les stades de son évolution. Elle peut être spontanée ou
a/L’hypertension portale : secondaire à un traumatisme abdominal parfois minime.
L’hypertension portale dans une KHF est secondaire à Elle entraîne une inoculation de la cavité péritonéale par
une obstruction du flux portal. Celle-ci peut se faire à le contenu du kyste provoquant des conséquences va-
plusieurs niveaux : riables.
• soit en amont du foie par compression du tronc de la Lorsque le kyste est univésiculaire, le liquide hydatique
veine porte ; est très antigénique et la rupture entraîne une irritation
• soit au niveau du foie par compression du hile du foie péritonéale et une réaction anaphylactique de gravité va-
ou bien par réduction du lit vasculaire du fait d’une hy- riable. Parfois, l’irritation péritonéale est modérée et la
datidose multiple du foie ; réaction anaphylactique discrète, l’accident peut passer
• soit plus en aval par compression des veines sus-hépa- inaperçu, les scolex migrés dans la cavité péritonéale se
tiques et du carrefour cavo-sus-hépatique. transforment en kystes  : c’est l’échinococcose périto-
• soit parfois, par une association de ces mécanismes néale secondaire.
Lorsque le kyste est infecté, sa rupture provoque une
Les manifestations cliniques : péritonite bactérienne qui peut être localisée ou géné-
Le plus souvent, le tableau clinique est celui d’un KHF ralisée.
«  non compliqué  ». Les signes cliniques d’hypertension La rupture intrapéritonéale peut se traduire par plu-
portale (splénomégalie, circulation veineuse collatérale, sieurs tableaux cliniques :
ascite) sont rares et tardifs. En cas de compression du car- • Les formes aiguës se manifestent par des signes de
refour cavo-sus-hépatique, les manifestations cliniques péritonite généralisée (douleur abdominale aiguë dif-
ne surviennent qu’à l’occlusion de l’ensemble des troncs fuse avec à l’examen contracture ou défense abdomi-
sus hépatiques, et réalise le syndrome de Budd-Chiarri : nale généralisée) associés à des manifestations ana-
hépatomégalie douloureuse, ascite abondante. phylactiques variables. L’accident anaphylactique grave
associe un état de choc, un érythème généralisé et un
Les examens complémentaires : œdème de la glotte (œdème de Quincke). Les formes
Le diagnostic est le plus souvent suspecté à l’échogra- moins sévères se réduisent à une poussée d’urticaire.
phie. • Les formes subaiguës se manifestent par des douleurs
Un écho-doppler doit être réalisé pour étudier les rap- de l’hypochondre droit d’intensité variable associée à
ports du ou des KHF avec les structures vasculaires et une défense localisée et parfois une fièvre faisant évo-
confirmer le diagnostic par l’étude du flux sanguin dans quer un KHF infecté.
le système porte. • Les formes latentes passent inaperçues et sont dé-
Un examen TDM est alors indiqué pour mieux préciser couvertes à distance de la rupture. Elles se traduisent
le siège du kyste et prévenir les difficultés du traitement par une hydatidose péritonéale pouvant entraîner une
chirurgical. distension abdominale avec de multiples masses pal-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 177


pables et des signes compression du tube digestif (vo- de contours irréguliers. Ce type de KHF peut également
missement, constipation) ou de la vessie (dysurie). réaliser le même aspect que d’autres tumeurs pleines
du foie  : tumeurs bénignes (angiome, adénome) ou
B. LES AUTRES FORMES CLINIQUES : malignes (carcinome hépatocellulaire, métastases). En
1/KHF MULTIPLES : cas de doute un examen TDM permet habituellement de
Dans 30 à 40 %, le KHF du foie n’est pas unique, mais trancher.
multiple. Les KHF siègent plus fréquemment au foie droit
(parce qu’il est plus volumineux que le foie gauche). Ils 6/LE KHF DE TYPE V :
sont souvent de stade évolutif différent. Ils peuvent être Peut amener à discuter d’autres causes de calcifications
le siège de complications différentes et se traduire par du foie notamment les cicatrices d’hématomes ou d’ab-
autant de tableaux cliniques. Lorsqu’il existe plus que cès. Dans ce cas également, si le doute persiste, un exa-
deux KHF, il est souhaitable de réaliser un examen TDM men TDM s’impose.
du foie, car cet examen est plus performant que l’écho-
graphie pour préciser la topographie et les rapports de
chacun des kystes. VI. TRAITEMENT (OBJECTIFS N° 7 ET 8) :

2/ASSOCIATION KHF ET LOCALISATIONS HYDATIQUES A. MÉTHODES :


EXTRAHÉPATIQUES : 1/LA CHIRURGIE :
Toutes les localisations viscérales extrahépatiques a/Objectifs :
peuvent se rencontrer et doivent être recherchées de Les buts du traitement chirurgical d’un KHF sont de dé-
principe. Les associations les plus fréquentes sont celles truire le parasite, de traiter la cavité kystique (composée
avec le kyste hydatique du poumon et le kyste hydatique de la poche de périkyste qui persiste après ablation du
de la rate. parasite) et de traiter les complications éventuelles.

3/LE KHF CALCIFIÉ ET INVOLUÉ : La destruction du parasite :


C’est une situation rare. Habituellement, il s’agit de la Elle consiste à évacuer le contenu du kyste en évitant
découverte fortuite sur la radiographie du thorax ou de toute inoculation du champ opératoire. Ceci est obtenu
l’abdomen sans préparation et au niveau de l’aire hépa- par ponction et aspiration de la partie du kyste saillante
tique, d’une calcification arrondie, pleine et très dense à la surface du foie à l’aide d’un gros trocart qui per-
dite «  en boule de billard  ». En pays d’endémie, cette met d’apprécier le contenu du kyste : liquidien ou pâteux,
calcification est presque toujours le témoin d’un KHF. La clair ou bien bilieux, ou puriforme.
sérologie hydatique est négative. Lorsque le contenu du kyste n’est pas bilieux, l’aspiration
Pour retenir le diagnostic de KHF involué, «  mort  », il est suivie d’une stérilisation du parasite par une solu-
est nécessaire que ces deux signes soient présents : cal- tion scolicide (eau oxygénée à 10 volumes ou sérum salé
cification «  en boule de billard  » et sérologie hydatique à 10 %).
négative. Lorsque le kyste est bilieux, ce geste doit être évité, car
il expose au passage dans les voies biliaires du scoli-
cide, ce qui peut entraîner ultérieurement une cholan-
V. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL gite sclérosante secondaire (sténose de l’ensemble de
(OBJECTIF N° 6) : l’arbre biliaire) d’évolution fatale.
Tout KHF à contenu bilieux est suspect d’être ouvert dans
Le diagnostic de KHF est le plus souvent simple et repose les voies biliaires et impose la réalisation d’une cholan-
sur l’échographie et à un degré moindre sur la sérologie giographie per opératoire pour s’assurer de l’absence
hydatique. Lorsque la sérologie hydatique est négative d’obstacle sur l’arbre biliaire.
(10 % des KHF), l’aspect échographique est déterminant.
En cas de KHF de type II ou III, les images sont pathogno- Le traitement de la cavité kystique :
moniques et il n’y a pas d’autre diagnostic à évoquer. En La cavité kystique constitue une poche limitée par le
cas de KHF de type I, IV et V d’autres affections doivent périkyste et incluse dans le foie. Le périkyste, notam-
être éliminées. ment lorsqu’il est épais, rigide, voire calcifié, est le
siège de petites fistules biliaires. En l’absence de drai-
4/LE KHF DE TYPE I : nage externe, l’évolution post opératoire se fait vers la
Peut prêter à confusion avec un kyste biliaire. Il s’agit constitution dans cette cavité d’une collection bilio-pu-
d’un kyste à contenu séreux qui n’occasionne le plus rulente, véritable abcès, susceptible de mettre en jeu
souvent aucune gêne et ne nécessite aucun traitement le pronostic vital. En cas de drainage externe, un écou-
sauf dans de rares cas où il devient douloureux en raison lement prolongé de bile par le drainage (fistule biliaire
d’une augmentation de sa taille, de la survenue d’hé- externe) peut survenir et persister durant plusieurs
morragie ou d’infection. Le kyste biliaire non compliqué semaines. L’objectif du traitement chirurgical est d’évi-
réalise le même aspect échographique que le KHF de ter ou de réduire l’incidence de ces complications des
type I, mais n’a pas de paroi propre (++). complications.
Le traitement de la cavité kystique peut être réalisé par
5/LE KHF DE TYPE IV : des méthodes conservatrices (qui conservent une partie
Peut prêter à confusion avec les abcès du foie à pyogènes, du périkyste et donc une cavité résiduelle) ou des mé-
mais ceux-ci n’ont pas de paroi propre et sont souvent thodes radicales (qui emportent le périkyste).

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La méthode conservatrice de référence est la résection met de confirmer la présence de débris de membranes
du dôme saillant. (figure6) dans l’arbre biliaire et de préciser le siège de la fistule.
Le traitement comporte deux autres impératifs :

1. Assurer la liberté de l’écoulement de la bile.


Ceci est obtenu par cholécystectomie, cholédocotomie,
évacuation des membranes hydatiques et fermeture de
la voie biliaire principale sur un drain de Kehr.

Traiter la large fistule kysto-biliaire.


Cet impératif est valable qu’il s’agisse d’un KHF ouvert
dans les voies biliaires ou bien d’un KHF avec large fis-
tule kysto-biliaire sans migration de débris de membrane
dans les voies biliaires. Le traitement de la fistule peut
Figure 6 : La résection du dôme saillant (Intervention de LA- être réalisé avec celui de la cavité kystique lorsque l’on
GROT) réalise un geste radical. En cas de traitement conser-
C’est le traitement d’une cavité kystique par résection de la ca- vateur, 3 méthodes peuvent être utilisées  : le drainage
lotte de périkyste saillante à la surface du foie. La paroi de la bipolaire avec suture de la fistule, le drainage bipolaire
cavité restante (dite cavité résiduelle), lorsqu’elle est épaisse avec cholédocostomie transparièto-hépatique et le drai-
ou calcifiée, peut être assouplie par une ablation de lamelles de nage interne transfistulo-oddien. (Figures 8, 9,10)
périkyste. Des petites fistules biliaires peuvent être aveuglées
par suture. La cavité résiduelle est habituellement drainée vers
l’extérieur et en l’absence de complications, elle s’efface après
quelques semaines. Pour accélérer ce processus, on peut réa-
liser un comblement de la cavité par de l’épiploon (épiplooplas-
tie) ou une réduction de son volume par une introflexion des
berges (capitonnage ou hépatoplastie).

Les méthodes radicales sont la périkystectomie (fi-


gure 7) et la résection hépatique.
La résection hépatique (ou hépatectomie réglée) consiste
à emporter en bloc le KHF et le territoire du foie où il
siège. Ce territoire est une zone anatomiquement et
fonctionnellement définie constituée d’un ou plusieurs
segments ou secteurs hépatiques. C’est un geste diffi- Figure  8  : Le drainage bipolaire avec suture de la fistule
cile, souvent hémorragique qui sacrifie un volume plus kysto-biliaire
ou moins important de parenchyme hépatique sain. Le drainage bipolaire comporte une résection du dôme saillant
de la cavité kystique associée d’une part, à la suture de la fis-
tule kysto-biliaire en tissu sain (après résection d’une collerette
de périkyste autour de la fistule) et un drainage externe de la
cavité résiduelle, et d’autre part à un drainage de la voie biliaire
principale par drain de Kehr après cholécystectomie et extrac-
tion des vésicules filles de la VBP.

Figure 7 : La périkystectomie
C’est le traitement d’une cavité kystique par ablation de l’en-
semble du périkyste laissant en place une tranche de foie sain,
sans cavité résiduelle.
Parfois, un fragment du périkyste est abandonné au contact
d’une structure vasculaire ou biliaire majeure  : c’est une pé-
rikystectomie subtotale.
Ailleurs, un lambeau de parenchyme sain adjacent susceptible
de se nécroser s’il était conservé, est excisé dans le même Figure 9 : La cholédocostomie transparièto-hépatique
temps : c’est une hépatorésection. La cholédocostomie transparièto-hépatique comporte les
mêmes gestes que le drainage bipolaire sauf vis-à-vis de la
b/Le traitement des complications : fistule kysto-biliaire qui est cathétérisée et dirigée à la peau
En cas de KHF ouvert dans les voies biliaires : par un drain (←) ayant un court trajet intracavitaire et un trajet
La cholangiographie per opératoire est impérative et per- transhépatique en tissu sain.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 179


énergique que le patient présente des manifestations
septiques sévères  : correction des troubles hémodyna-
miques et hydroélectrolytiques, antibiothérapie, traite-
ment symptomatique d’autres défaillances viscérales.
En cas de KHF ouvert dans les voies biliaires avec an-
giocholite aiguë grave ou survenant chez un sujet pré-
sentant des défaillances viscérales, une sphinctéroto-
mie endoscopique peut être réalisée dans un premier
temps. Elle permet de dépasser le cap aigu et d’inter-
venir ultérieurement après une préparation du patient et
la correction des défaillances viscérales. En l’absence de
défaillance viscérale, ou en cas d’échec de la sphincté-
Figure 10 : Le drainage interne trans-fistulo-oddien rotomie, le patient doit être opéré en urgence après une
Dans ce cas, après traitement du parasite, cholécystectomie brève préparation adaptée aux éventuels troubles hémo-
et extraction des vésicules filles de la VBP, la cavité résiduelle, dynamiques, sous antibiothérapie et après correction du
dont le périkyste a été éventuellement assoupli, est réduite de taux de prothrombine.
volume et refermée de manière étanche sur la fistule kysto-bi- En cas de KHF ouvert dans le thorax, les mêmes impé-
liaire laissée béante (qui sert de drainage interne dans les voies ratifs s’imposent auxquels doit s’associer une kinésithé-
biliaires), alors que la VBP est drainée par un drain de Kehr. rapie respiratoire.
Enfin, toute intervention pour KHF nécessite des ré-
En cas de KHF ouvert dans le thorax : serves de sang suffisantes à faire face à une hémorra-
Le traitement comporte deux autres impératifs : gie éventuelle particulièrement en cas de suspicion ou
• Réaliser une déconnexion kysto-diaphragmatique et d’existence d’une complication vasculaire.
une fermeture de la brèche du diaphragme.
• Traiter les lésions intrathoraciques : suture d’une fis- 2/VOIE D’ABORD :
tule bronchique, résection d’un segment ou d’un lobe La voie d’abord habituelle du KHF est la laparotomie
pulmonaire détruit siège d’une caverne, drainer une sous-costale droite. La voie d’abord cœlioscopique n’est
poche pleurale ou réaliser une décortication de la pas encore validée.
plèvre en cas de rupture du KHF en plèvre libre. En cas de KHF ouvert dans le thorax, le traitement des
lésions intrathoraciques irréversibles (caverne intratho-
2/LA SPHINCTÉROTOMIE ENDOSCOPIQUE : racique, ouverture en plèvre libre) nécessite une thora-
C’est une méthode réservée au KHF ouvert dans les cotomie qui est habituellement réalisée après la laparo-
voies biliaires. Elle permet l’extraction des débris de tomie.
membrane obstruant la VBP et de rétablir le libre cours
de la bile. Elle ne permet pas la destruction du parasite 3/CHOIX DE LA MÉTHODE DE TRAITEMENT DE LA CA-
ni le traitement de la cavité kystique. VITÉ KYSTIQUE :
Les facteurs de décision dans ce choix sont le siège du
3/LE TRAITEMENT PERCUTANÉ : kyste et ses rapports anatomiques, sa taille, son stade
Le traitement percutané consiste à réaliser sous contrôle évolutif et l’état de son périkyste, le nombre de KHF et
échographique une ponction du parasite, suivie d’une l’existence d’une complication éventuelle.
aspiration puis d’une instillation d’alcool dans la cavité Le traitement conservateur (résection du dôme saillant)
et d’une réaspiration de la cavité (PAIR). Cette méthode est réalisable dans la plupart des cas. C’est la méthode
utilisable uniquement dans les KHF liquidiens expose à la plus utilisée.
l’inoculation intrapéritonéale et n’est pas validée. La périkystectomie est la méthode de choix lorsqu’il
s’agit d’un kyste superficiel facilement accessible et de
4/LE TRAITEMENT MÉDICAL : taille modérée à périkyste épais ou calcifié. Elle doit être
L’Albendazole® (anti-helminthique) administré par évitée en cas de KHF central, profondément enchâssé,
voie orale a été proposé comme adjuvant au traitement proche du hile ou de l’axe cavo-sus-hépatique. La résec-
chirurgical (notamment dans les KHF rompus dans la tion hépatique a des indications exceptionnelles.
cavité péritonéale pour diminuer le risque d’échinococ-
cose secondaire), ainsi qu’en association avec la PAIR. C. RÉSULTATS :
Il n’est pas utilisé de manière courante et présente une 1/RÉSULTATS IMMÉDIATS :
toxicité hématologique. La chirurgie du KHF expose à des complications post
opératoires spécifiques qui surviennent dans 10 % des
B. INDICATIONS : cas environ. Ces complications sont plus fréquentes en
En dehors du cas exceptionnel du KHF involué qui ne né- cas de traitement conservateur et en cas de kyste du
cessite aucun traitement, ou de protocoles de recherche dôme du foie.
de traitement non opératoire, tout patient porteur d’un • La fistule biliaire externe est l’extériorisation de bile par
KHF doit être traité chirurgicalement. le drainage de la cavité résiduelle. Elle impose de gar-
der les drains en place jusqu’au tarissement de l’écou-
1/PRÉPARATION À L’INTERVENTION : lement ce qui peut nécessiter plusieurs semaines.
En cas de KHF infecté, l’intervention doit être réalisée • La suppuration de la cavité résiduelle est un abcès sous
en urgence après une brève préparation d’autant plus phrénique. Elle peut survenir alors que le drainage est

180 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


en place ou après son retrait. Quand les drains sont CONCLUSION :
en place, elle nécessite une prolongation du drainage
et des lavages de la cavité pendant plusieurs jours ou Le kyste hydatique du foie est une affection parasitaire
semaines. En cas d’échec ou si le drainage initial a été endémique en Tunisie.
retiré, elle impose une évacuation par voie percutanée Elle peut rester longtemps latente ou se manifester par
(sous échographie ou scanner) ou après une réinter- de nombreuses complications dont certaines mettent en
vention chirurgicale. jeu le pronostic vital.
Le traitement du KHF est chirurgical. Il reste difficile à
2/RÉSULTATS À DISTANCE : codifier en raison des multiples formes anatomopatho-
Environ 5 % des patients opérés de KHF présentent une logiques de la maladie. Malgré les améliorations tech-
récidive après quelques années. La récidive peut être liée niques, il expose à une morbidité élevée.
à une nouvelle infestation ou bien à une insuffisance du Des efforts accrus dans la prévention sont nécessaires
traitement chirurgical initial. Dans ce cas elle est plus et pourraient permettre d’espérer à l’avenir, l’éradication
fréquente après traitement conservateur. de cette maladie.

TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : L’homme peut être contaminé en mangeant de la viande de mouton infestée par le kyste hy-
datique.
n Vrai n Faux

Test n° 2 (Objectif n° 2) : Citer les complications du KHF.

Test n° 3 (Objectif n° 3) : Le KHF non compliqué peut être découvert :
a) Fortuitement (visite d’embauche). b) Par la constatation d’une masse abdominale.
c) Du fait d’une douleur de l’HCD.
d) Lors du bilan systématique d’un kyste hydatique du poumon.

Test n° 4 (Objectif n° 4) : Le KHF type III de Gharbi est une formation arrondie, hypoéchogène, multicloisonnée en « nid
d’abeille ».
n Vrai n Faux

Test n° 5 (Objectifs n° 5 et 6) : Un patient âgé de 40 ans consulte pour une douleur de l’HCD suivie de fièvre puis, 48 h
après, apparition d’un ictère conjonctival.
Quels sont les 2 diagnostics les plus fréquents à évoquer en premier en Tunisie ?

Test n° 6 (Objectif n° 6) : Citer les différents temps du traitement chirurgical du KHF non compliqué.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 181


Test n° 7 (Objectif n° 7) : Quelles sont les deux complications post opératoires les plus fréquentes après chirurgie pour
KHF.

Test n° 8 (session janvier 2015)


Un jeune homme de 17 ans sans antécédents consulte pour des douleurs de
l’hypochondre droit évoluant depuis 5 mois. L’examen est sans particularités.
Une échographie abdominale est faite. Quel est votre diagnostic ? Justifiez.

Test n° 9 (session mai 2015)


Une patiente âgée de 24 ans, originaire du nord ouest, se plaint depuis
4 mois de douleurs de l’hypochondre droit sans autres signes associés.
L’examen clinique trouve une température est à 37 °C, des conjonctives
sont normocolorées et il existe une hépatomégalie (flèche hépatique à
16 cm) indolore, à surface régulière et à bord antérieur mousse. L’écho-
graphie abdominale a montré une un kyste hydatique du foie dont voici un
cliché.
•Question n 1
Quel est le type échographique du KHF ?

•Question n 2
Faut-il réaliser d’autre (s) examen (s) complémentaire (s) pour confirmer le diagnostic ?

Le bilan biologique montre une bilirubinémie totale à 25 µmol/l, des ASAT à 35 UI/L et ALAT à 40 UI/L.
•Question n 3
Quel geste faut-il associer en per opératoire au traitement du KHF (résection du dôme saillant) ?

182 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


COMPLICATIONS DES ULCÈRES GASTRO-DUODENAUX

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Décrire la physiopathologie de la maladie ulcéreuse.
Hémorragie digestive d’origine ulcéreuse :
2. Décrire les caractéristiques anatomopathologiques des ulcères qui se compliquent
d’hémorragie.
3. Expliquer les conséquences physiopathologiques d’une hémorragie digestive d’origine
ulcéreuse.
4. Reconnaître une hémorragie digestive.
5. Évaluer son abondance sur des arguments cliniques et biologiques  : hémorragie de
faible abondance, de moyenne abondance ou de grande abondance.
6. Pratiquer les premiers gestes lorsqu’ils s’imposent : tel que la mise en place d’une voie
d’abord et le démarrage d’une perfusion pour corriger l’hypovolémie.
7. Evoquer le diagnostic étiologique de cette hémorragie, à savoir un ulcère gastrique ou
duodénal devant l’anamnèse, l’examen clinique et les examens complémentaires.
8. Citer les grandes lignes de la réanimation et de la surveillance de l’évolution de l’hémor-
ragie.
9. Poser l’indication opératoire au bon moment.
Les perforations :
1. Décrire les lésions anatomiques et les conséquences physiopathologiques de la perfo-
ration ulcéreuse.
2. Diagnostiquer une péritonite aiguë généralisée devant l’interrogatoire et l’examen cli-
nique.
3. La rapporter à un ulcère perforé devant l’anamnèse, l’examen clinique et les examens
complémentaires.
4. Décrire les différentes étapes du traitement.
Les sténoses ulcéreuses :
1. Décrire les lésions anatomiques et les conséquences physiopathologiques de la perfo-
ration ulcéreuse.
2. Reconnaître une sténose ulcéreuse sur des arguments cliniques et paracliniques.
3. Décrire les principes du traitement de la sténose ulcéreuse.

INTÉRÊT DU SUJET : I. INTRODUCTION :

Les ulcères gastriques et duodénaux sont très fré- Les complications des ulcères gastriques et duodénaux
quents en Tunisie. sont de 3 ordres :
Leurs complications sont fréquentes et graves et pou- • les hémorragies,
vant être mortelles en dehors d’un traitement adéquat. • les perforations,
Ce sont des situations auxquelles peut être confronté • les sténoses.
tout médecin indépendamment de son mode d’exercice Contrairement à l’ulcère duodénal, l’ulcère gastrique
(hospitalier, libre pratique). pose le problème de sa dégénérescence éventuelle, no-
tion qui pèse beaucoup dans les indications thérapeu-
tiques.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 183


II. PHYSIOPATHOLOGIE GÉNÉRALE III. LES HÉMORRAGIES DIGESTIVES :
(OBJECTIF N° 1) :
Les hémorragies digestives constituent une complica-
Le schéma classique de la physiopathologie de l’ulcéra- tion fréquente des ulcères gastriques et duodénaux.
tion reste valable et constitue, encore de nos jours, la Il est classique de dire que les ulcères gastriques ont
base du traitement de la poussée ulcéreuse. plus tendance à saigner que les ulcères duodénaux, mais
Il existe physiologiquement un équilibre entre l’agres- la fréquence plus grande des ulcères duodénaux fait que
sion chlorhydro-peptique et la défense de la muqueuse globalement les hémorragies par ulcère duodénal sont
gastrique («  barrière muqueuse  », «  cytoprotection  »). plus fréquemment rencontrées.
Un déséquilibre d’un des plateaux de cette balance, aug- L’hémorragie digestive est un accident évolutif grave de
mentation de l’agression chlorhydro-peptique ou dimi- la maladie ulcéreuse pouvant, dans certains cas, par son
nution de la résistance de la barrière muqueuse, peut abondance, mettre en jeu le pronostic vital du patient et
conduire à la création d’une ulcération. Un fait reste fon- imposer le recours à la chirurgie même si l’hémorragie
damental « pas d’acide, pas d’ulcère ». Avec cette nuance s’arrête spontanément, elle va peser lourd dans le choix
cependant qu’un ulcère est possible même s’il existe une de l’indication thérapeutique.
hypochlorhydrie dans la mesure où la défense de la mu-
queuse est défaillante (théorie de la rétrodiffusion des A. ANATOMIE PATHOLOGIQUE
ions H+). Le déséquilibre acide-barrière muqueuse, ne (OBJECTIF N° 2) :
résume pas la physiopathologie de l’ulcère, il faut y ajou- 1/L’ULCÈRE DUODÉNAL :
ter un facteur infectieux. • Siège : l’ulcère duodénal siège le plus souvent au niveau
du bulbe, les ulcères postérieurs saignent plus que les
A. FACTEUR INFECTIEUX : ulcères antérieurs. Il peut siéger en post-bulbaire, au
Le rôle d’Hélicobacter pylori (HP) a été souligné au cours génu supérieur rarement sur le 2e duodénum.
de ces dernières années, on le trouve au niveau de la ré- • Taille de l’ulcère  : la taille de l’ulcère est variable de
gion antrale dans pratiquement 100 % des ulcères duo- quelques millimètres à plusieurs centimètres de dia-
dénaux, 90 % au cours de la gastrite chronique active an- mètre. Il peut être plus ou moins creusant, parfois, per-
trale, 80 % au cours d’ulcères gastriques, 70 % au cours foré bouché par le pancréas.
des dyspepsies non ulcéreuses. 2/L’ULCÈRE GASTRIQUE :
Il faut remarquer cependant que des sujets sains sont • Siège : le siège habituel de l’ulcère gastrique est l’angle
porteurs d’HP, la prévalence augmentant avec l’âge et de la petite courbure, mais il peut siéger n’importe où
les mauvaises conditions socio-économiques : 10 % à 30 sur l’estomac.
ans, 60 % à 60 ans. • Taille  : là aussi, la taille de l’ulcère varie de quelques
Sa mise en évidence repose sur plusieurs méthodes qui millimètres à plusieurs centimètres de diamètre.
ont une sensibilité de 90  % et une spécificité d’environ
100  %  : recherche par examen direct ou par culture, B. PHYSIOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 3) :
test à l’uréase sur prélèvements biopsiques gastriques, L’hémorragie digestive peut être due à un saignement
Breath test au C13, sérodiagnostic (IgG + IgA). par les berges de l’ulcère et la muqueuse duodénale qui
Son rôle dans la pathogénie de l’ulcère duodénal n’est entoure le cratère ulcéreux, mais elle peut être égale-
pas actuellement formellement établi, HP fragiliserait ment due à une érosion d’une artériole ou d’une artère
la muqueuse vis-à-vis d’autres facteurs (hyperacidi- au fond de l’ulcère, l’ulcère est dans ce cas volontiers
té, tabac, alcool, anti-inflammatoires non stéroïdiens  : creusant, on parle alors d’ulcère angiotérébrant, l’artère
AINS...). oui saigne peut être, selon la localisation de l’ulcère :
Son rôle éventuel dans l’ulcère gastrique est mal connu, • la gastro-duodénale,
il pourrait agir en fragilisant la barrière muqueuse. Sa • la pancréatico-duodénale supérieure droite,
responsabilité dans les rechutes de l’ulcère paraît bien • l’artère pylorique,
établie ; son éradication diminuant de façon significative • une collatérale de l’artère coronaire stomachique,
celles-ci. • l’artère splénique.
Le saignement peut s’arrêter spontanément. Même
B. AUTRES FACTEURS ÉTIOLOGIQUES : lorsqu’une artère est érodée, il est rare que le saigne-
Un facteur génétique a été décrit, un sujet ayant des an- ment continue jusqu’au décès, car l’hypovolémie entraî-
técédents familiaux d’ulcère gastro-duodénal, a plus de née par l’hémorragie peut être responsable d’une chute
chance de faire lui-même un ulcère. tensionnelle et d’une diminution du débit, dans l’artère
Le risque d’ulcère duodénal apparaît plus élevé chez les qui saigne. L’hémorragie diminue et il se forme un caillot
sujets du groupe sanguin O que chez les porteurs des au fond de l’ulcère responsable de l’arrêt de l’hémorra-
groupes A, B et AB. gie, mais le risque de récidive hémorragique existe.
Le rôle du tabac a été évoqué moins pour le risque de
créer un ulcère que de retarder sa cicatrisation et de fa- C. CLINIQUE (OBJECTIFS N° 4, 5 ET 7) :
voriser sa rechute. L’interrogatoire et l’examen clinique du patient per-
Les prises anti-inflammatoires (aspirine, AINS) sont mettent de poser le diagnostic d’hémorragie digestive,
responsables de poussées évolutives et/ou de complica- mais également d’évoquer le diagnostic étiologique,
tions (hémorragie, perforation), les stéroïdes paraissent c’est la fibroscopie qui permet dans la majorité des cas
moins agressifs qu’il n’est classique de le dire. de poser le diagnostic et de donner des renseignements
importants guidant le traitement.

184 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Cet interrogatoire et cet examen clinique ne doivent pas D. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
retarder, lorsque l’hémorragie est manifestement im- (OBJECTIF N° 7) :
portante, la réanimation qui doit être d’emblée entamée. 1/LA BIOLOGIE :
• L’hématocrite : apprécie l’importance de l’hémorragie,
1/L’INTERROGATOIRE : il faut savoir qu’au début l’hématocrite peut être nor-
a/Doit s’enquérir de : mal malgré la perte sanguine, Il s’abaissera secondai-
L’âge du patient, de ses antécédents. rement après installation de l’hémodilution.
S’agit-il d’un ulcéreux connu et traité a-t-il présenté une • Groupe sanguin  : à faire systématiquement quelle
notion de symptomatologie ulcéreuse qui n’a jamais été que soit l’abondance de l’hémorragie, car on peut être
explorée ? amené à pratiquer des transfusions.
Cette hémorragie digestive peut être précédée par • Faire systématiquement une glycémie et une azotémie
une exacerbation de la symptomatologie douloureuse pour rechercher un diabète et apprécier la fonction ré-
quelques jours avant sa survenue. Ailleurs, 1’hémorra- nale.
gie digestive est inaugurale.
Rechercher s’il y a une notion de prise de médicament 2/LA FIBROSCOPIE :
gastro-agressif tels que des Salicylés qui peuvent faire L’endoscopie haute est l’examen clé. Elle doit être pra-
saigner l’ulcère, mais qui peuvent également provoquer tiquée en urgence quelle que soit l’abondance de l’hé-
des lésions aiguës. morragie et quel que soit son mode de révélation, héma-
Rechercher des tares éventuelles, diabète, hypertension témèse ou méléna, car l’hémorragie digestive d’origine
artérielle, insuffisance respiratoire ou insuffisance ré- ulcéreuse peut se révéler par un méléna isolé.
nale par exemple. Elle doit être pratiquée en urgence, le plus près pos-
sible de l’épisode hémorragique, en tout cas avant les 24
b/S’enquérir de l’épisode hémorragique : heures, car passé ce délai, et en cas d’arrêt de l’hémor-
Il peut se manifester par, ragie, les stigmates du saignement peuvent disparaître.
• Une hématémèse : rejet par la bouche au cours d’un ef- Les lésions aiguës gastro-duodénales sont fugaces,
fort de vomissement de sang rouge ou noirâtre avec par- elles peuvent survenir chez un ulcéreux, par exemple à
fois des caillots mêlés parfois à des débris alimentaires. la suite de prise de médicaments gastro-agressifs, dans
Essayer d’évaluer la quantité de sang vomi en sachant ce cas, même si on trouve un ulcère à là fibroscopie, il est
que d’une part les patients ont tendance à l’exagérer, et difficile de rattacher l’hémorragie a son origine réelle si
que d’autre part la quantité de sang extériorisée est en la fibroscopie est faite tardivement. Donc la fibroscopie
deçà de la quantité de sang réellement perdue. doit être pratiquée en urgence en période hémorragique.
• Un méléna : c’est le rejet par l’anus de sang digéré noi- Mais il faut savoir qu’elle est dans ce cas difficile.
râtre. Elle peut objectiver l’ulcère son siège, sa taille, l’origine
• Parfois, si l’hémorragie est très importante, le sang ar- du saignement  : gastrite des berges de l’ulcère, ulcère
rive très rapidement au rectum et le patient émet par angiotérébrant avec un saignement artériel au fond de
l’anus du sang rouge, on parle alors de rectorragies. l’ulcère.
L’hémorragie digestive d’origine ulcéreuse peut s’exté- Ailleurs, elle montre des signes indirects : du sang dans
rioriser sous forme de méléna isolé, d’hématémèse iso- l’estomac ou dans le duodénum, un ulcère dont les
lée, parfois, les deux à la fois. berges sont congestives, mais sans saignement actif.
Dans les hémorragies très abondantes, on peut avoir des Parfois, elle montre un vaisseau au fond de l’ulcère, mais
hématémèses et des rectorragies. qui n’est pas érodé et oui ne saigne pas.
Il faut signaler que dans de rares cas, le patient vient Ailleurs, elle montre du sang dans la cavité gastrique ou
consulter pour des lipothymies ou des vertiges avant dans le duodénum en grande quantité, mais ne met pas
l’extériorisation de l’hémorragie, qui peut être mise en en évidence, du fait de l’abondance de l’hémorragie son
évidence par la pose d’une sonde gastrique. origine exacte. Même dans ces cas, ces renseignements
sont importants. Elle a au moins le mérite d’éliminer
2/L’EXAMEN CLINIQUE : une autre cause d’hémorragie digestive relativement fré-
• Examen général : on peut constater une pâleur des té- quente la rupture des varices œsophagiennes et c’est un
guments et des conjonctives qui est fonction de l’im- renseignement extrêmement important, car l’indication
portance de l’hémorragie, thérapeutique est dans ce cas différente.
• Prendre la tension artérielle  : peut être normale ou La fibroscopie œso-gastro-duodénale est le premier
abaissée, le pouls peut être normal ou accéléré selon examen à faire, urgence, le plus près possible de l’épi-
l’abondance de l’hémorragie. Au maximum, il existe, un sode hémorragique. Elle fait le diagnostic étiologique et
état de choc hémorragique nécessitant une réanima- permet de guider l’attitude thérapeutique.
tion immédiate et énergique. Le transit œso-gastro-duodénale en urgence n’a plus de
• L’examen de l’abdomen : est en règle normal. place depuis l’avènement de la fibroscopie.
L’existence de signes cliniques d’une hypertension
portale (splénomégalie, ascite, circulation collatérale) E. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
peut évoquer l’éventualité de rupture des varices œso- (OBJECTIF N° 7) :
phagiennes, mais n’exclut pas la possibilité d’une hé- 1/DEVANT UNE HÉMATÉMÈSE :
morragie ulcéreuse vu la possibilité d’une association Il faut éliminer une épistaxis déglutie, des hémoptysies
lésionnelle. dégluties ou un liquide noirâtre de stase gastrique.
• Le toucher rectal : peut objectiver un méléna.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 185


2/DEVANT UN MÉLÉNA : • Mais les résultats du traitement chirurgical sont en-
Certains médicaments tels que les médicaments à base core moins bons si l’intervention est retardée alors que
de fer donnent aux selles un aspect noirâtre à ne pas le malade continue à saigner.
confondre avec un méléna. Dès lors, il faut savoir sélectionner à bon escient les
candidats à la chirurgie en urgence, les candidats à la
F. CONDUITE À TENIR chirurgie différée à froid, et évidemment ceux qui peu-
(OBJECTIFS N° 6, 8 ET 9) : vent bénéficier d’un traitement médical.
Tout patient qui présente une hémorragie digestive doit
être hospitalisé dans un milieu médico-chirurgical, et Schématiquement :
cela, quelle que soit l’abondance de l’hémorragie. Car • Une hémorragie digestive de petite abondance, sans
une hémorragie digestive de petite abondance peut ré- retentissement hémodynamique avec un hématocrite
cidiver à court terme et devenir de grande abondance. dans les limites de la normale, avec à la fibroscopie
un ulcère jeune, non creusant, non calleux, ayant sai-
1/LA RÉANIMATION : gné par ses berges, chez un patient qui n’a jamais été
Cette réanimation est d’autant plus énergique que l’hé- traité médicalement et dont les conditions socio-éco-
morragie est abondante. nomiques permettant de suivre un traitement médical,
• Une hémorragie de petite abondance sans retentisse- et une surveillance endoscopique, peut bénéficier d’un
ment hémodynamique, sans décoloration des conjonc- traitement médical.
tives et des téguments ne nécessite que l’hospitalisa- • À l’inverse, une hémorragie massive :
tion, un abord veineux pour transfusion éventuelle en −perte
− sanguine estimée à 1,5 à 2 litres,
cas de récidive hémorragique et une fibroscopie haute −un
− hématocrite inférieur à 25 %,
en urgence. On fera bien sur un groupage sanguin, un −une
− hémorragie responsable de syncope, d’un état de
hématocrite, une azotémie et glycémie. choc,
• À l’inverse, une hémorragie digestive massive, de −la
− nécessité de transfuser 1 litre de sang par 24
grande abondance responsable de retentissement hé- heures, après avoir corrigé les constantes hémodyna-
modynamique voire un état de choc, des signes d’ané- miques, pour les maintenir stables et pour maintenir
mie aiguë, nécessite une réanimation qui doit être dé- l’hématocrite stable.
marrée dès l’arrivée du patient, et menée en même Ces patients doivent être opérés en urgence avec une
temps que l’interrogatoire et l’examen clinique : réanimation pré, per et post opératoire.
−abord
− veineux suffisant,
−prélèvement
− pour hématocrite, groupe sanguin, En fait, c’est pour les cas intermédiaires que la décision
−perfusion
− de macromolécules en attendant le groupe est plus difficile à prendre.
sanguin et les transfusions, Il faut se guider par les données de la fibroscopie et
−démarrage
− de la surveillance de la diurèse horaire de l’évolution sous réanimation. Un gros ulcère du bulbe
la tension artérielle, du pouls. postérieur, calleux, creusant, centré par un caillot est un
−Le
− patient doit être hospitalisé en réanimation en mi- candidat à la récidive hémorragique même si l’hémorra-
lieu chirurgical : gie n’a pas été importante et doit être opéré.
−on
− peut être amené à placer un cathéter veineux cen- Ailleurs, l’évolution sous réanimation n’est pas franche-
tral pour surveillance de la pression veineuse centrale, ment en faveur de l’arrêt de l’hémorragie ni de sa persis-
−mise
− en place dès l’arrivée du patient d’une sonde tance. Dans ce cas, le doute doit amener à l’intervention.
gastrique qui va permettre des lavages gastriques ré- En effet, on a tendance à retarder l’heure de la chirurgie,
pétés pour suivre l’évolution de l’hémorragie, dans l’espoir de pouvoir intervenir loin de l’épisode hé-
−faire
− des lavements évacuateurs répétés, morragique, et obtenir de meilleurs résultats.
−mettre
− le patient sous anti-sécrétoires, En fait, on obtient l’effet inverse, car on intervient sur un
−faire
− une fibroscopie en urgence. patient débilité et en mauvais état général.
Les données de la fibroscopie, l’évolution sous réanima- Au total, si l’indication thérapeutique est évidente et
tion vont permettre de poser l’indication opératoire et sans équivoque dans certains cas, dans d’autres, elle est
son heure. moins évidente et l’hésitation ne doit pas retarder l’heure
de la chirurgie.
2/LE TRAITEMENT PROPREMENT DIT :
a/But du traitement :
c/Les méthodes :
• Arrêt de l’hémorragie.
Voir cours des hémorragies digestives hautes.
• Traiter l’ulcère.

b/Les indications :
Il faut savoir que : IV. LES PERFORATIONS :
• Les hémorragies digestives d’origine ulcéreuse même
importante peuvent s’arrêter spontanément, mais le Les perforations des ulcères gastriques et duodénaux
risque de récidive hémorragique à plus ou moins brève sont des accidents évolutifs de la maladie ulcéreuse qui
échéance est réel. imposent presque toujours le recours à la chirurgie en
• L’intervention en urgence en période hémorragique urgence.
est grevée d’un taux de mortalité et de morbidité plus Ce sont des urgences chirurgicales.
important que l’intervention chirurgicale à froid après
arrêt de l’hémorragie.

186 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


A. ANATOMIE PATHOLOGIQUE Le toucher rectal est très douloureux.
(OBJECTIF N° 10) : Dans les cas vus tôt avant la 6e heure, le malade est apy-
La perforation fait en général quelques millimètres de rétique, la tension artérielle est normale.
diamètre. Dans les cas typiques, l’interrogatoire et l’examen cli-
Au niveau du duodénum, ce sont les ulcères antérieurs nique permettent de suspecter fortement le diagnostic
qui se perforent dans la cavité péritonéale en entraînant d’ulcère perforé.
une péritonite.
D. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
B. PHYSIOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 10) : (OBJECTIFS N° 11 ET 12) :
Le liquide gastrique ou duodénal, mélange parfois à des 1/LA RADIOGRAPHIE DE THORAX (OU D’ABDOMEN
débris alimentaires va s’épancher dans la cavité périto- SANS PRÉPARATION DEBOUT) :
néale. Ce liquide, acide ou bilieux va être responsable Montre l’existence d’un pneumopéritoine sous forme
d’une péritonite, avec une irritation de la séreuse périto- d’un croissant gazeux sous phrénique droit et gauche ou
néale, inflammation de celle-ci, hypersécrétion, facteur les 2 à la fois. Souvent, le pneumopéritoine est évident.
de séquestration liquidienne dans la cavité péritonéale, Ailleurs, il est très discret et il faut savoir le rechercher.
et constitution d’un 3e secteur, responsable d’une hypo- Dans un quart des cas d’ulcère perforé, le pneumopéri-
volémie pouvant aboutir à un état de choc. toine manque. L’absence de pneumopéritoine n’élimine
Au début, la péritonite est dite chimique, passé les 6 pas le diagnostic d’ulcère perforé.
heures, il se produit une surinfection de l’épanchement
et passage à la péritonite bactérienne. 2/LA BIOLOGIE :
Par ailleurs, la péritonite va être responsable d’un iléus N’a pas de visée étiologique.
paralytique, une occlusion intestinale aiguë fonction- Elle apprécie le retentissement de la péritonite. On peut
nelle, facteur de déperdition liquidienne aggravant en- avoir une hémoconcentration avec une augmentation de
core l’hypovolémie. l’hématocrite et de la protidémie. Apprécier la fonction
Non traitée à temps, cette péritonite, si elle n’a pas en- rénale, car il peut y avoir une insuffisance rénale fonc-
traîné le décès ce qui est le plus souvent le cas, va évo- tionnelle.
luer vers le cloisonnement et la constitution d’un abcès Faire une glycémie à titre systématique, demander un
sous phrénique par exemple ou d’une péritonite à foyers groupe sanguin.
multiples.
E. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
C. CLINIQUE (OBJECTIFS N° 11 ET 12) : (OBJECTIFS N° 11 ET 12) :
1/L’INTERROGATOIRE : Devant des cas moins typiques et devant l’absence de
• Précise l’âge du patient, l’existence de tares éven- pneumopéritoine, on peut être amené à discuter :
tuelles. • Une appendicite aiguë ou une péritonite appendicu-
• Recherche des antécédents d’ulcère qui peut être laire. Mais dans les 2 cas, l’intervention chirurgicale en
connu plus ou moins bien traité. urgence s’impose et redressera le diagnostic.
• Parfois, on trouve une symptomatologie ulcéreuse ou • Une crise hyper algique d’ulcère  : le transit aux hy-
des antécédents de douleurs épigastriques non explo- drosolubles permet dans la majorité des cas de faire
rées. la différence en montrant l’absence de fuite de produit
• Ailleurs, la perforation est inaugurale chez un patient opaque dans la cavité péritonéale. Si le doute per-
qui n’a jamais présenté de douleurs épigastriques dans siste entre un ulcère perforé bouché ou une crise hy-
ces antécédents. per algique, une échographie sera faite à la recherche
• Recherche la notion de prise de médicaments gastro- d’épanchement intrapéritonéal.
agressifs qui peuvent favoriser la perforation. • Une pancréatite aiguë  : l’amylasémie et l’amylasurie
• Interroger le patient sur les raisons qui l’ont amené à sont très élevées dans ce cas. Il faut signaler que dans
consulter en urgence. l’ulcère perforé on peut avoir une augmentation modé-
Dans les cas typiques, il s’agit d’une douleur épigastrique rée de l’amylasémie et de l’amylasurie. L’échographie
très intense, d’installation brutale en coup de poignard, lorsqu’elle met en évidence le pancréas, permet de
le patient arrive à en préciser l’heure de survenue. faire le diagnostic. Dans le doute, on peut avoir recours
Cette douleur diffuse ensuite rapidement à tout l’abdo- au scanner.
men. Dans de rares cas, la douleur est moins intense et • Une cholécystite aiguë : l’échographie en fait aisément
d’installation moins brutale, et le diagnostic est dans ces le diagnostic.
cas plus difficiles.
F. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 13) :
2/L’EXAMEN CLINIQUE : 1/BUT :
Dans les cas typiques, il existe une contracture généra- • Traitement de la perforation et nettoyage de la cavité
lisée : péritonéale.
• À l’inspection, l’abdomen ne respire pas et chez les • De plus en plus, actuellement traitement en même
sujets maigres on voit la saillie des muscles grands temps de la maladie ulcéreuse.
droits,
• À la palpation, il existe une rigidité des muscles de la 2/MÉTHODES :
paroi abdominale qui est douloureuse, invincible per- Ce traitement a 2 volets : la réanimation et le traitement
manente réalisant le ventre de bois. chirurgical.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 187


La méthode de Taylor est actuellement abandonnée. Elle C. CLINIQUE (OBJECTIF N° 15) :
se base sur la possibilité de cicatrisation spontanée de 1/INTERROGATOIRE :
la perforation et la possibilité de résorption de l’épan- • Doit préciser l’âge, l’ancienneté de la symptomatologie
chement. ulcéreuse. Cette symptomatologie est plus ou moins
Elle consiste à traiter la perforation par aspiration gas- typique et évolue en règle depuis plusieurs années.
trique prolongée et antibiothérapie. C’est une méthode Mais il arrive que la sténose soit révélatrice de la mala-
très astreignante qui obéit à des règles strictes et donne die ulcéreuse.
de mauvais résultats. Elle est actuellement abandonnée. • Rechercher l’existence de notion d’hémorragie diges-
a/La réanimation : tive dans les antécédents parfois d’un accident perfo-
• Aspiration gastrique ; ratif ayant nécessité une intervention en urgence.
• Perfusion de cristalloïde ou de macromolécule selon • Rechercher l’existence de tares éventuelles.
les cas • Rechercher une notion d’amaigrissement souvent pré-
• Antibiothérapie sente.
• Surveillance de la tension artérielle et du pouls
• Surveillance de la diurèse horaire Signes fonctionnels :
• Correction d’éventuels troubles électrolytiques Sont dominés par les vomissements
Elle doit être poursuivie en per et post opératoire. Il s’agit de vomissements alimentaires, parfois bilieux.
Ces vomissements sont fréquents répétés quotidiens ou
b/Traitement chirurgical : pluriquotidiens.
Voir cours du traitement chirurgical des ulcères gas- Fait important ces vomissements sont tardifs survenant
triques et duodénaux. plusieurs heures après les repas.
Dans les cas de sténoses très évoluées avec atonie gas-
trique, les vomissements sont très tardifs. Ils ramènent
V. LES STÉNOSES ULCÉREUSES : des aliments ingérés la veille ou l’avant veille. C’est un
signe très évocateur de sténose. Le patient peut présen-
Les sténoses ulcéreuses sont beaucoup plus fréquentes ter dans ces cas des éructations fétides évocatrices qui
au cours de l’évolution de l’ulcère duodénal que de l’ul- peuvent être remplacées par une sensation de lourdeur
cère gastrique. Les ulcères gastriques qui exposent plus épigastrique.
à la sténose sont les ulcères prépyloriques.
On regroupe sous le vocable de sténose du pylore, les 2/EXAMEN CLINIQUE :
ulcères bulbaires sténosants, les ulcères du pylore sté- • Rechercher des signes de déshydratation et d’anémie.
nosants ou des ulcères immédiatement pré-pyloriques • Apprécier l’état de conscience qui peut être altéré du
sténosants, car ils se manifestent cliniquement par la fait des désordres hydroélectrolytiques. Cette alté-
même symptomatologie. ration de l’état de conscience peut aboutir parfois au
coma.
A. ANATOMIE PATHOLOGIQUE • Apprécier l’état nutritionnel du patient, il y a en général
(OBJECTIF N° 14) : un amaigrissement.
La sténose peut être due à une poussée inflammatoire • L’examen de l’abdomen.
et œdémateuse de l’ulcère et régresser sous traitement • il est parfois normal,
médical. • on peut trouver une douleur à la palpation profonde de
Le plus souvent, cette sténose est due à une sclérose l’épigastre,
de la région ulcéreuse et périulcéreuse responsable • ailleurs, on trouve un signe fortement évocateur de sté-
d’un rétrécissement de la lumière, la réduisant parfois à nose du pylore c’est le clapotage à jeun, à la palpation
quelques millimètres. de l’épigastre et de l’hypochondre gauche témoignant
Au début, l’estomac est tonique et présente des contrac- de la stase gastrique,
tions énergiques, secondairement, une phase d’atonie • le reste de l’abdomen est en règle normal.
s’installe avec une dilatation gastrique parfois très im-
portante. D. LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
(OBJECTIF N° 15) :
B. PHYSIOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 14) : 1/BIOLOGIE :
La sténose va être responsable de troubles de l’évacua- • Ionogramme sanguin à la recherche d’une alcalose hy-
tion gastrique, avec des vomissements qui deviennent de pochlorémique et hypokaliémique.
plus en plus importants au fur et à mesure que la mala- • Apprécier la fonction rénale, car il peut y avoir une in-
die évolue. suffisance rénale fonctionnelle.
La stase gastrique et les vomissements vont être res- • Faire une hématocrite, et une protidémie à la recherche
ponsables de troubles hydroélectrolytiques. d’une hémoconcentration.
La perte d’ions K+ et entraîner une alcalose hypochlo- • Faire une numération formule sanguine à la recherche
rémique et hypokaliémique. L’hypokaliémie est due en d’une anémie.
partie au vomissement (le liquide gastrique renferme
10  mEq/1 de K+), mais surtout à une perte rénale due 2/LA FIBROSCOPIE :
aux échanges des ions K+ (pour lutter contre l’alcalose) Elle affirme le diagnostic :
contre les ions H+. Ces troubles hydroélectrolytiques • Apprécie la taille de l’estomac, le liquide de stase gas-
doivent être recherchés et corrigés. trique avec parfois des débris alimentaires.

188 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


• Précise 1’ulcère, sa taille, son siège, le degré de la sté- E. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
nose. (OBJECTIF N° 15) :
• Permet la biopsie en cas d’ulcère gastrique lorsqu’il Au terme de l’examen clinique, de l’endoscopie et éven-
existe. tuellement du transit œso-gastro-duodénal, il est en gé-
Ailleurs, la sténose est infranchissable par le fibroscope néral facile d’éliminer :
et ne permet pas de voir l’ulcère qui siège en aval. • Le néo sténosant de l’antre.
Dans les sténoses avancées, il existe souvent une œso- • Une compression extrinsèque de l’estomac ou du duo-
phagite par reflux due à la distension gastrique et à dénum.
l’augmentation de la pression intragastrique.
La fibroscopie permet d’éliminer d’autres causes de sté- F. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 16) :
nose telles qu’un néo de l’antre sténosant par exemple. Le traitement des sténoses ulcéreuses n’est que chirur-
gical. Il doit être précédé par une réanimation visant à
3/TRANSIT ŒSO-GASTRO-DUODÉNAL : corriger les troubles hydroélectrolytiques souvent pré-
D’indication discutée, pour certains la fibroscopie suffit sents, une anémie et d’éventuelles tares.
pour le diagnostic. Il se base essentiellement sur une aspiration gastrique
En fait, le transit œso-gastro-duodénal peut être utile de durée variable et une rééquilibration hydroélectroly-
pour apprécier la taille de l’estomac, mais surtout ses tique en fonction d’ionogrammes répétés.
possibilités contractiles. En effet, l’estomac est tonique Le traitement chirurgical proprement dit : voir cours du
en phase de lutte, très distendu et flasque en phase traitement chirurgical des ulcères gastriques et duodé-
d’atonie. naux.
Il apprécie le degré de la sténose, son siège et la qualité
des passages duodénaux et leur délai.
Ces arguments peuvent entrer en ligne de compte dans
le choix de type d’intervention chirurgicale.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 189


TESTS D’ÉVALUATION
HÉMORRAGIE - Test n° l (objectif n° 4) : Décrire les signes cliniques qui permettent de confirmer le diagnostic d’hémor-
ragie digestive haute.


Test n° 2 (objectif n° 5) : Quels sont les arguments cliniques et biologiques qui permettent d’apprécier l’abondance de
l’hémorragie digestive d’origine ulcéreuse ?

Test n° 3 (objectif n° 6) : Citer les gestes à faire devant une hémorragie digestive haute de grande abondance.

Test n° 4 (objectif n° 7) : Quels sont les arguments (en dehors de la fibroscopie) qui permettent de rattacher une hémor-
ragie digestive à un ulcère duodénal ou gastrique compliqué ?

Test n° 5 (objectif n° 9) Quand doit on opérer un patient qui se présente avec ulcère duodénal compliqué d’une hémor-
ragie digestive ?

PERFORATION - Test n° 6 (objectifs n° 11 et 12) : Citer les arguments qui vous permettent de rattacher une péritonite
aiguë généralisée à un ulcère duodénal perforé.

STÉNOSE - Test n° 7 (objectif n° 14) : Citer les troubles hydroélectrolytiques engendrés par une sténose ulcéreuse du
pylore.

190 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


PATHOLOGIE ANALE NON TUMORALE

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Décrire les principaux signes fonctionnels observés en pathologie anale non tumorale.
2. Expliquer la valeur sémiologique de la rectorragie.
3. Décrire les différents temps de l’examen proctologique.
4. Définir la maladie hémorroïdaire.
5. Citer les principaux facteurs étiopathogéniques de la maladie hémorroïdaire.
6. Expliquer le mécanisme physiopathologique de l’apparition des rectorragies dans la
maladie hémorroïdaire.
7. Expliquer le mécanisme physiopathologique de l’apparition du prolapsus hémorroïdaire.
8. Décrire la principale manifestation clinique des hémorroïdes externe.
9. Décrire les différents degrés du prolapsus hémorroïdaire.
10. Décrire les signes d’une thrombose hémorroïdaire interne.
11. Citer les principales méthodes thérapeutiques dans la maladie hémorroïdaire.
12. Expliquer le processus physiopathologique entraînant l’apparition d’un abcès de la ré-
gion anale.
13. Décrire les différents types d’abcès de la région anale.
14. Justifier le traitement chirurgical urgent des abcès de la marge anale.
15. Expliquer le processus physiopathologique entraînant l’apparition d’une fistule anale.
16. Décrire les principaux types anatomiques des fistules anales.
17. Décrire une fissure anale.
18. Énumérer les facteurs pathogéniques incriminés dans la genèse d’une fistule anale.
19. Décrire la douleur dans les formes typiques de la fissure anale.
20. Décrire les principes thérapeutiques des fissures anales.

Les maladies non tumorales de l’anus se caractérisent par la jonction avec la peau périnéale au niveau de la
par leur fréquence. Elles sont en effet très répandues, marge de l’anus.
rares sont les personnes qui n’ont jamais présenté de La paroi du canal anal est constituée comme tout le du
troubles anaux à un moment ou à un autre de leur vie. tube digestif de cinq couches. De dedans en dehors :
Ces maladies se caractérisent par une sémiologie qui
leur est propre. Leur diagnostic est essentiellement 1/LA MUQUEUSE :
clinique. Présente au niveau de la moitié supérieure du canal anal
La possibilité d’un cancer du rectum ou de l’anus sous- des replis longitudinaux, les colonnes de MORGAGNI.
jacent doit toujours être la hantise du médecin devant Ces dernières s’arrêtent en bas au niveau d’une ligne
des malades présentant une symptomatologie anale. appelée ligne pectinée.

I. RAPPEL ANATOMIQUE :

Une connaissance anatomique précise est indispensable


pour la compréhension, le diagnostic, et le traitement
des affections de la région anale.

A. L’ANUS (CANAL ANAL) :


C’est la portion distale du rectum. Il a 3 cm de long. Sa li-
mite supérieure est représentée par le plan des muscles
releveurs de l’anus. La limite inférieure est représentée

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 191


Cette ligne est formée par la réunion de plusieurs val- miner un cancer rectal sous-jacent avant de s’arrêter à
vules de MORGAGNI. Les valvules de MORGAGNI cir- un diagnostic de maladie anale non tumorale même si
conscrivent des cryptes dans lesquelles viennent se je- celle-ci paraît évidente.
ter les glandes anales. L’interrogatoire devra préciser  : leur ancienneté, leur
La muqueuse du canal anal, dans sa portion sus-pecti- abondance, si elles enrobent les selles ou si elles sur-
néale est cylindrique de type « colique », dans sa portion viennent après celles-ci.
sous-pectinéale, elle devient cubique puis pavimenteuse
multistratifiée puis kératinisée, une fois qu’elle a rejoint 2/LES DOULEURS ANALES :
la peau de la marge anale. Elles constituent un signe très fréquemment observé au
cours des maladies de la région anale. L’interrogatoire
2/LA SOUS MUQUEUSE :
devra en préciser :
Contient des plexus veineux ectasiques qui constituent
• la date de début ;
les plexus hémorroïdaires internes dans la région sus-
• l’intensité ;
pectinéale et les plexus hémorroïdaires externes au ni-
• l’existence éventuelle de facteur déclenchant, en parti-
veau de la marge anale.
culier les selles ;
Au niveau de la sous-muqueuse existent également des
• l’évolution dans le temps : s’il s’agit de douleurs per-
formations fibromusculaires denses qui servent à amar-
manentes dans le temps ou rythmées par les selles.
rer cette sous-muqueuse au plan musculaire sous-
jacent et qui constituent le ligament de PARKS. Cette
3/LES ÉCOULEMENTS ANAUX :
structure permet ainsi d’éviter la protrusion de la mu-
Faits le plus souvent de pus s’écoulent de l’anus ou à
queuse anale en dehors sous la poussée des selles.
partir d’un orifice anormal de la région périanale.
3/LA MUSCULEUSE :
Avec ses deux couches : 4/LES PROCIDENCES ANORMALES PAR L’ANUS :
• Circonférentielle interne. Elle est le siège d’un renfle- Elles correspondent à une issue spontanée ou provoquée
ment à ce niveau pour constituer le sphincter interne par la poussée (au moment de la défécation ou en dehors
de l’anus. Ce sphincter est donc formé de fibres mus- de celle-ci), permanente ou intermittente de formations
culaires lisses et il est commandé par le système ner- intra-anales.
veux autonome.
• Longitudinale externe. 5/AUTRES :
Il s’agit surtout de prurit anal dont il faut préciser l’im-
4/UN ADVENTICE.
portance et les horaires de survenue.
5/LE SPHINCTER EXTERNE : Ailleurs, les signes sont plus vagues, on parle de sensa-
Il est constitué de deux chefs, Un chef superficiel et un tions d’inconfort, de pesanteurs anales.
chef profond. Ce sphincter est fait de fibres musculaires L’interrogatoire recherchera également chez ces ma-
striées et assure la continence volontaire. Il est innervé lades d’autres manifestations digestives ou extra diges-
par le système nerveux central. tives pouvant avoir un rapport avec la maladie anale.
L’étude des antécédents du malade peut retrouver des
B. VASCULARISATION DU CANAL ANAL : éléments importants : prise d’anticoagulants, maladies
Bien que cela soit apparemment étonnant, la vasculari- associées (maladie de Crohn...)
sation artérielle du canal anal est faite essentiellement
par des branches de l’artère hémorroïdale supérieure B. EXAMEN PHYSIQUE (OBJECTIF N° 3) :
(branche terminale de l’artère mésentérique inférieure). L’examen proctologique nécessite une technique rigou-
Le drainage veineux de canal anal se fait en partie vers reuse. Il comporte trois temps indispensables.
les veines hémorroïdales supérieures et en partie vers les
1/INSPECTION DE LA RÉGION ANALE :
branches des veines hypogastriques. Le système veineux
Sur un patient en position génu pectorale, en écartant les
du canal anal constitue donc une anastomose porto-cave.
fesses de celui-ci avec les deux pouces. Une traction sur
la région périanale permet de déplisser les plis radiés de
C. INNERVATION DU CANAL ANAL :
l’anus à la recherche de fissures, de marisque, etc.
Seule la partie sous-pectinéale de la muqueuse du canal
En demandant au malade de faire un effort de poussée,
anal a une innervation sensitive. La partie sus-pectinéale
on pourra mettre en évidence un prolapsus intermittent
est totalement insensible.
d’une lésion du canal anal.
2/LE TOUCHER RECTAL :
II. SÉMIOLOGIE DES MALADIES Sauf impossibilité du fait de la douleur, il doit toujours être
DE LA RÉGION ANALE : réalisé en position génu pectorale et en décubitus dorsal.
Il permet d’examiner la paroi du canal anal et du rectum
A. SIGNES FONCTIONNELS (OBJECTIF N° 1) : à la recherche d’une lésion associée. Il permet également
1/LES RECTORRAGIES (OBJECTIF N° 2) : d’apprécier le tonus du sphincter externe de l’anus.
Il s’agit de l’élimination de sang rouge par l’anus. Elles
3/L’ANUSCOPIE :
constituent le signe le plus fréquemment retrouvé en
Bien qu’étant un examen instrumental, elle fait partie
proctologie. Malgré leur fréquence au cours des mala-
de tout examen proctologique bien conduit. Elle permet
dies bénignes de la région anale, elles doivent constituer
l’exploration de visu de la muqueuse du canal anal.
pour le médecin un signe d’alarme. Il faut avant tout éli-

192 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LA MALADIE HÉMORROÏDAIRE
I. DÉFINITION – INTRODUCTION Celle-ci est due à l’obstruction de la lumière des veines
(OBJECTIF N° 4) : du plexus veineux par des caillots sanguins.
Il s’agit d’un accident aigu se manifestant par l’appari-
Il est assez difficile de définir la maladie hémorroïdaire tion d’une petite tuméfaction bleuâtre sous-cutanée au
(MH). En effet, comme nous l’avons vu, l’existence de niveau de la marge anale. Cette lésion est très doulou-
plexus veineux ectasiques au niveau de la sous-mu- reuse et souvent entourée par un bourrelet d’œdème.
queuse du canal est non seulement une donnée anato- Son évolution avec ou sans traitement se fait vers la
mique, mais ces formations assurent une fonction phy- rétrocession, laissant parfois comme séquelle une ma-
siologique en participant à la continence anale. risque.
Nous définirons simplement la MH comme étant l’en-
semble des manifestations pathologiques dont le point B. LES HÉMORROÏDES INTERNES :
de départ est constitué par les plexus hémorroïdaires Quand elles sont non compliquées, elles ont deux mani-
(Objectif n° 4). festations principales :
Il s’agit d’une pathologie très fréquente (40 % environ de
la population adulte). Cette fréquence augmente réguliè- 1/LES RECTORRAGIES :
rement avec l’âge. Il s’agit dans les cas typiques de sang rouge, survenant
en fin de selles, rarement massives, ces hémorragies
sont souvent peu abondantes. Elles peuvent survenir à
II. ETIO-PATHOGÉNIE (OBJECTIF N° 5): chaque selle ou être plus capricieuses. Elles peuvent
parfois passer inaperçues aboutissant à une anémie ap-
Il n’y a pas d’étiologie précise connue de la MH, mais paremment non expliquée.
un certain nombre de facteurs ont été incriminés sans Rappelons ici que, devant une rectorragie, même si l’exa-
qu’on ait réussi à, démontrer le rôle prédominant de l’un men trouve des hémorroïdes évidentes, il faut s’assurer
d’entre eux : formellement de l’absence d’un cancer du gros intestin
• Âge ; associé.
• Facteurs héréditaires ;
• Troubles chroniques du transit : constipation, diarrhée ; 2/LE PROLAPSUS :
• La sédentarité. Il s’agit de la procidence de paquets hémorroïdaires en
• Épisodes de la vie génitale chez la femme : grossesse, dehors de l’anus sous forme de tuméfactions libres, ré-
règles... nitentes, indolentes. Selon l’importance du prolapsus,
• Hygiéno diététiques : alcool… les hémorroïdes sont classées en plusieurs degrés :
1er degré : Pas de prolapsus, l’anuscopie montre une
augmentation de taille des paquets hé-
III. PHYSIO-PATHOLOGIE morroïdaires.
(OBJECTIFS N° 6 ET 7) : 2e degré : Prolapsus apparaissant à l’effort de pous-
sée, spontanément réductible.
Comme la pathogénie, la physiopathologie des hémor- 3e degré : Prolapsus apparaissant à l’effort de pous-
roïdes comporte de nombreuses lacunes. Deux facteurs sée, réductible par des manœuvres digi-
sont actuellement reconnus comme expliquant les deux tales, mais pas spontanément.
principales manifestations cliniques de la MH : 4e degré : Prolapsus permanent non réductible.
• une laxité des tissus d’amarrage sous-muqueux (liga- Prolapsus et saignement peuvent s’associer de façon va-
ment de PARKS) permettant d’expliquer le prolapsus riable chez le même malade.
hémorroïdaire.
• un trouble du fonctionnement des shunts artériovei- 3/LES HÉMORROÏDES NON COMPLIQUÉES SONT INDO-
neux au niveau des plexus hémorroïdaires entraînant LENTES.
des perturbations de la microcirculation à ce niveau La douleur anale associée aux hémorroïdes doit faire
explique la survenue des rectorragies. suspecter une thrombose hémorroïdaire ou une fissure
Ce mécanisme nous explique également pourquoi les anale associée.
saignements d’origine hémorroïdaire sont faits de sang
rouge. En effet ces saignements n’ont rien de compa- 4/EXAMEN PHYSIQUE :
rable avec des hémorragies dues à des varices. Il s’agit Le diagnostic de MH repose sur l’inspection de la marge
plutôt d’un saignement d’origine artériolaire et capillaire. anale et l’anuscopie.
• L’inspection de la marge anale peut trouver d’emblée
un prolapsus hémorroïdaire permanent. En deman-
IV. MANIFESTATIONS CLINIQUES dant au malade de pousser, on peut faire apparaître un
(OBJECTIFS N° 8, 9 ET 10) : prolapsus intermittent (2e ou 3e degré).
• L’anuscopie permet de faire le diagnostic d’hémor-
A. LES HÉMORROÏDES EXTERNES : roïdes du 1er degré sous forme de gros paquets viola-
N’ont qu’une seule manifestation, c’est la thrombose. cés venant obstruer la lumière de l’anuscope.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 193


LE TOUCHER RECTAL NE PERMET PAS DE FAIRE LE • Hygiène locale,
DIAGNOSTIC D’HÉMORROÏDES. • Hygiène alimentaire évitant les aliments piquants, épi-
En effet les paquets hémorroïdaires s’effacent sous le cés, les excitants (alcool, thé, café, tabac...),
doigt et ne sont pas perçus. • Régularisation du transit par l’absorption de fibres vé-
gétales et en s’aidant de laxatifs doux.
• Lutte contre la sédentarité.

2/TRAITEMENT INSTRUMENTAL :
Il a l’avantage de pouvoir être fait en ambulatoire sans
anesthésie générale.

a/La sclérose des hémorroïdes :


Elle n’a rien de comparable avec la sclérose des varices
des membres inférieurs. Elle a souvent un effet spec-
taculaire sur le saignement. Son but est de densifier le
tissu conjonctif sous-muqueux du canal anal, améliorant
ainsi l’amarrage de la muqueuse et des plexus hémor-
roïdaires au plan musculaire sous-jacent.

b/La ligature élastique des hémorroïdes :


Son but n’est pas de faire une exérèse des paquets hé-
morroïdaires, mais plutôt de provoquer une réaction
5/COMPLICATIONS : scléreuse sous-jacente permettant de « clouter » la mu-
La principale complication de la MH est représentée par queuse à la musculeuse.
la thrombose hémorroïdaire interne.
Elle est parfois non extériorisée. Elle se manifeste alors c/Autres techniques :
par des douleurs anales très vives. Le toucher rectal Cryothérapie par congélation des hémorroïdes, traite-
permet de palper plusieurs tuméfactions intra-anales de ment par les infrarouges ou par le Laser ont également
petite taille, lisses, régulières, tendues, douloureuses. été proposés.
L’anuscopie permet de faire le diagnostic en montrant de
petites tuméfactions bleutées. 3/TRAITEMENT CHIRURGICAL :
Le pus souvent, la thrombose est extériorisée, prolabée, Ce sont surtout les hémorroïdectomies. Plusieurs tech-
se manifestant par des douleurs anales vives. À l’exa- niques sont décrites. Elles visent à réséquer les paquets
men, on trouve des paquets hémorroïdaires prolabés, hémorroïdaires avec ligature de leurs pédicules vascu-
œdématiés, avec des zones bleutées. Il existe parfois des laires. Elles nécessitent une technique rigoureuse afin
ulcérations nécrotiques plus ou moins étendues. d’éviter les séquelles post opératoires à type de sténose
L’évolution spontanée de ces lésions peut se faire vers la anale ou d’incontinence.
surinfection gravissime avec risque de septicémie et de
pyléphlébite. B. INDICATIONS :
Les indications en matière de MH doivent être mûrement
réfléchies. Un interrogatoire et un examen soigneux
V. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 11) : permettent de cerner la nature exacte de la plainte du
patient et d’adapter un traitement adéquat. Parfois des
A. MÉTHODES : rectorragies importantes provenant d’hémorroïdes du
1/TRAITEMENT MÉDICAL : 1er degré peuvent être contrôlées par des règles hygié-
Il n’y a pas de traitement médicamenteux de la MH. L’ef- nodiététiques et l’administration de laxatifs.
fet des «  veinotropes  » sur une maladie où le rôle des Schématiquement, on peut indiquer :
facteurs veineux n’est pas démontré est très hypothé- 1er degré : injections sclérosantes.
tique. 2e degré : ligatures élastiques.
Par contre, un certain nombre de règles hygiénodiété- 3e degré : ligatures élastiques ou hémorroïdectomie.
tiques et des médicaments sont très utiles pour la prise 4e degré : hémorroïdectomie.
en charge de ces malades :

194 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LES SUPPURATIONS DE LA RÉGION ANALE
Elles sont essentiellement représentées par les abcès et 2/ABCÈS ISCHIO-RECTAL :
les fistules anales. Il a un tableau similaire, mais avec des signes généraux
Bien qu’ayant des manifestations cliniques et des modes et locaux souvent plus importants. À l’examen, on trouve
évolutifs différents, ces malades ont la même origine, une tuméfaction plus volumineuse dépassant la région
c’est l’infection des glandes anales. périanale, jusqu’au contact la région ischiatique.

3/ABCÈS INTRA-PARIÉTAL :
I. LES ABCÈS DE LA RÉGION ANALE Il se manifeste par des douleurs violentes et un syn-
(OBJECTIFS N° 12,13 ET 14) : drome infectieux.
L’inspection de l’anus est normale. Le toucher rectal
A. LÉSIONS ANATOMIQUES : trouve une douleur exquise au niveau d’une zone empâ-
Ce sont des collections purulentes résultant de l’infec- tée de la paroi du canal anal et du rectum.
tion aiguë des glandes anales, en rapport probablement
avec l’obstruction de leur lumière. L’infection qui était 4/ABCÈS PELVI-RECTAL :
au départ essentiellement localisée autour de la glande Se manifeste par les mêmes signes fonctionnels que le
(essentiellement dans les espaces intersphinctériens) précédent, les signes généraux sont importants. L’ins-
va diffuser dans les différents espaces périanaux. Il en pection de la marge anale est négative. C’est le toucher
résulte plusieurs variétés d’abcès dont les principales rectal qui perçoit une masse latéro-rectale, refoulant la
sont : paroi et exquisément douloureuse au toucher.
• Abcès périanal (espace intersphinctérien) ;
• Abcès ischio-rectal ;
• Abcès intrapariétal (intermusculaire) ;
• Abcès pelvi-rectal.
Ces localisations conditionnent, entre autres, la gravité
de ces abcès.

C. ÉVOLUTION :
En dehors du traitement ou sous traitement inadéquat,
l’évolution peut se faire :
• Dans les cas favorables vers une fistulisation sponta-
née au niveau de la région périanale. On aboutit alors
à la formation d’une fistule. C’est une éventualité sur
laquelle il ne faut pas compter, car :
B. ASPECTS CLINIQUES : • Dans les cas défavorables, peuvent survenir des com-
Ils diffèrent en fonction de la localisation des abcès : plications redoutables qui mettent en jeu la vie du pa-
tient :
1/ABCÈS PÉRIANAL : • septicémies,
C’est la forme la plus fréquente. Le début est souvent • gangrène gazeuse du périnée, due à une surinfection
progressif par un malaise général, des douleurs anales à anaérobies avec cellulite extensive pouvant remonter
très intenses avec fièvre. très haut vers le pelvis et la paroi abdominale, ou des-
L’examen trouve une tuméfaction inflammatoire de la ré- cendre vers les fesses, les cuisses et les genoux.
gion périanale, rouge, chaude, très douloureuse. Le tou-
cher rectal est souvent très douloureux, parfois même D. TRAITEMENT :
impossible à réaliser, sinon, il peut mettre en évidence Il est CHIRURGICAL. Il est illusoire et même DANGE-
une masse latéro-anale très douloureuse. REUX d’essayer de traiter ces abcès par les antibio-
tiques. On s’expose alors à la survenue des complica-
tions gravissimes citées précédemment.
Le traitement chirurgical vise à drainer la collection pu-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 195


rulente. Dans les suites de ce drainage, peut se consti- • Les fistules transsphinctériennes, dont le trajet tra-
tuer une fistule anale qu’on devra traiter dans un temps verse les sphincters.
ultérieur. • Les fistules extrasphinctériennes, dont le trajet
passe en dehors des sphincters.

II. LES FISTULES ANALES : B. ASPECTS CLINIQUES :


Les fistules anales non compliquées sont rarement dou-
A. LES LÉSIONS ANATOMIQUES loureuses. Les douleurs correspondent à une abcédation
(OBJECTIFS N° 15 ET 16) : de ces fistules.
Elles sont représentées par des trajets anormaux met- Elles se manifestent habituellement par des écoule-
tant en communication la lumière du canal anal et la ments purulents périanaux plus ou moins abondants et
peau périnéale. Ces trajets plus ou moins complexes ont chroniques. Le débit de ces fistules peut être constant ou
pour point de départ l’infection des glandes anales. intermittent.
La fistulisation peut faire suite à un abcès de la région Dans les fistules importantes, on peut assister à une is-
anale spontanément fistulisé ou après drainage chirur- sue de gaz ou de matières fécales par la fistule.
gical, mais le plus souvent, elles surviennent de façon L’examen trouve le(s) orifice(s) externe(s) de la fistule. La
apparemment spontanée. pression au doigt exprime du pus par cet orifice.
Anatomiquement, la fistule est caractérisée par trois Le toucher rectal et l’anuscopie peuvent retrouver l’ori-
parties : fice interne au niveau d’une crypte.
Un orifice interne, Un trajet, et Un orifice interne.
1. L’orifice interne siège dans le canal anal au niveau C. TRAITEMENT :
d’une crypte. Il est chirurgical. Son but est de mettre à plat le trajet
2. L’orifice externe siège habituellement au niveau de fistuleux.
la peau périanale, mais il peut parfois siéger assez Dans les fistules intrasphinctériennes, cette mise à plat
loin sur la fesse, les bourses, ou même le dos ou la se fera d’emblée, car elle ne nécessite qu’une ouverture
cuisse. du plan muqueux.
3. Les principaux types de trajets sont classés en fonc- Dans les fistules trans et extrasphinctériennes, la mise à
tion de leur situation par rapport à leur situation par plat se fera progressivement par serrage d’un élastique
rapport aux sphincters de l’anus. On distingue : inséré dans le trajet qui permettra simultanément la
• Les fistules intrasphinctériennes, situées en de- section progressive du sphincter en même temps que se
dans des sphincters anaux. Leur trajet est donc fait la cicatrisation de la portion sectionnée sus-jacente.
strictement sous-muqueux.

196 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LES FISSURES ANALES
Ce sont des ulcérations longitudinales de la muqueuse III. CLINIQUE (OBJECTIF N° 19) :
anale s’étendant souvent jusqu’à la peau périanale. Elles
sont très fréquentes. A. LA DOULEUR
Leur pathogénie comporte plusieurs lacunes. Est le symptôme essentiel de la fissure anale. Cette dou-
leur peut avoir des caractères variables.
• Dans les cas typiques, cette douleur est à trois temps,
I. ANATOMIE PATHOLOGIQUE rythmée par les selles : douleurs vives, mais brèves au
(OBJECTIF N° 17) : moment de la défécation, suivie par un intervalle d’in-
dolence durant de quelques minutes à 1/4 d’heure au
A. MACROSCOPIE : bout duquel, la douleur reprend à type de brûlure, de
Il s’agit d’une perte de substance longitudinale au niveau crampes, de déchirures.
de la muqueuse anale. Elle a la forme d’une raquette. • Ces douleurs sont très vives parfois même syncopales.
Elle est souvent peu large et on voit, dans les formes an- La hantise de ces douleurs fait appréhender les selles
ciennes, apparaître au niveau de son fond des fibres du par le malade et apparaître une constipation qui ne fait
sphincter interne. On observe souvent au niveau de son que majorer les lésions. Apparaît ainsi un cercle vicieux
pôle externe une « marisque » ou capuchon muqueux. qu’il faudra rapidement rompre par le traitement.

B. HISTOLOGIE : B. À L’EXAMEN :
C’est une perte de substance muqueuse avec au fond de L’inspection met souvent en évidence un spasme sphinc-
la fissure du tissu de granulation. On a décrit également térien visible sous la forme d’un anneau saillant, percep-
des lésions sphinctériennes sous-jacentes à type de tible au doigt.
myosite fibreuse du sphincter interne. Le déplissement des plis radiés de l’anus est souvent
très douloureux. Il permet de découvrir entre les plis ra-
diés de l’anus le pôle externe de la fissure.
II. ETIOPATHOGÉNIE (OBJECTIF N° 18) : Le toucher rectal est également souvent impraticable
surtout dans le cas de fissure jeune.
C’est une affection fréquente s’observant surtout chez les
adultes entre 30 et 50 ans. Plusieurs théories ont été pré-
sentées pour expliquer la genèse des fissures anales : IV. TRAITEMENT (OBJECTIF N° 20) :
• Théorie vasculaire  : impliquant un trouble trophique
lié à un terrain hémorroïdaire. Cette théorie est ac- C. MÉTHODES :
tuellement rejetée par la majorité des auteurs. Plus 1/LE TRAITEMENT MÉDICAL :
récemment des auteurs ont montré qu’il existe une hy- • Il est primordial de traiter la constipation responsable
poperfusion des régions polaires de l’anus (6 h & 12h) de la fissure ou secondaire à celle-ci par des laxatifs
ce qui expliquerait l’évolution torpide des fissures une doux et une hygiène alimentaire.
fois constituées. • Traitement antalgique pour lutter contre la douleur,
• Théorie mécanique : impliquant surtout une irritation • Repos.
locale chez les malades constipés. Cette théorie ex- • De nouveaux procédés thérapeutiques basés sur la tri-
plique la survenue très fréquente des fissures au ni- nitroglycérine et sur la toxine botulinique sont actuelle-
veau des points faibles des sphincters anaux : ment à l’essai. Ils semblent efficaces, mais présentent
- commissure postérieure de l’anus chez l’homme, de nombreux effets secondaires.
- commissure antérieure et postérieure chez la femme.
• Une susceptibilité individuelle : des facteurs congéni- 2/LE TRAITEMENT CHIRURGICAL :
taux ou des facteurs infectieux ont également été invo- • Dilatation anale progressive maintenue pendant
qués dans la genèse de ces fissures. quelques minutes.
• Sphinctérotomie interne qui consiste à sectionner la
moitié inférieure du sphincter interne.
Ces deux techniques sont souvent associées.

D. INDICATIONS :
• Les fissures jeunes relèvent du traitement médical,
• En cas d’inefficacité de celui-ci ou de fissure d’évolu-
tion chronique, il faut proposer le traitement chirurgi-
cal.
• En cas de fissures jeunes hyperalgiques, il est parfois
nécessaire de recourir d’emblée à la chirurgie.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 197


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 3) : Quel(s) examen(s) permet (tent) de faire le diagnostic d’hémorroïdes du premier degré ?
a) l’inspection de la marge anale, b) le déplissement des plis radiés de l’anus,
c) le toucher rectal, d) l’anuscopie,
e) la rectoscopie.

Test n° 2 (Objectif n° 5) : La pathogénie de la maladie hémorroïdaire fait intervenir :


a) l’âge des malades, b) la consommation régulière de produits lactés,
c) l’existence d’une constipation chronique, d) une prédisposition héréditaire,
e) la sédentarité.

Test n° 3 (Objectif n° 13) : Une fistule anale :


a) est une infection des glandes sébacées de la région périanale,
b) peut succéder à un abcès de la marge anale,
c) doit toujours être traitée chirurgicalement,
d) se manifeste par un écoulement purulent de la région périanale,
e) s’observe préférentiellement chez la femme.

Test n° 4 (Objectif n° 17) : Quel(s) examen(s) permet (tent) de faire le diagnostic d’une fissure anale ?
a) l’inspection de la marge anale, b) l’anuscopie,
c) le déplissement des plis radiés de l’anus, d) le toucher rectal,
e) la rectoscopie.

Test n° 5 (Objectif n° 19) : La douleur caractéristique de la fissure anale :


a) précède immédiatement les selles,
b) est à type de brûlure,
c) est permanente, sans rapport avec les selles,
d) apparaît au moment des selles puis réapparaît après un intervalle libre,
e) est souvent très vive.

198 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LES ICTÈRES RETENTIONNELS

Prérequis
• Physiologie de la bilirubine. E.M.C. Foie-pancréas 7014 A10-9-1986 5 p.
• Anatomie du foie et des voies biliaires. H.Rouviere Masson et Cie P 432-461.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir un ictère rétentionnel.
2. Expliquer les conséquences physiopathologiques de l’ictère par rétention.
3. Suspecter sur les signes cliniques un ictère par rétention.
4. Différencier un ictère par rétention d’un ictère médical en se basant sur l’échographie et
les examens biologiques courants.
5. Planifier une stratégie des examens complémentaires en cas d’ictère rétentionnel.
6. Réunir les arguments cliniques et paracliniques permettant de poser le diagnostic étio-
logique d’un ictère par rétention.
7. Planifier la stratégie thérapeutique devant un obstacle sur les voies biliaires extra hépa-
tiques.

Activités d’apprentissage
• Lecture du document de base.
• Étude lors du stage de chirurgie de quelques dossiers des archives concernant les ic-
tères rétentionnels.

INTÉRÊT DU SUJET : II. PHYSIOPATHOLOGIE (OBJECTIF N° 2) :

L’ictère rétentionnel est une affection dont le diagnostic La formation et la sécrétion de la bile constituent la fonc-
est facile. La prise en charge de ces malades ictériques tion exocrine du foie.
doit être rapide avant l’installation des complications. L’ictère par rétention, est en rapport avec un obstacle à
l’écoulement de la bile au niveau de la voie biliaire ex-
trahépatique qui va entraîner l’installation d’un ictère
I. DÉFINITION (OBJECTIF N° 1) : clinique et l’augmentation du taux plasmatique de la bi-
lirubine conjuguée.
L’ictère par rétention est un syndrome clinique résul- Quand on parle d’ictère par rétention, il est souhaitable
tant d’une majoration du taux plasmatique de la bili- de différencier ce terme d’ictère rétentionnel de l’ictère
rubine conjuguée en rapport avec une obstruction des cholestatique. Le terme de cholestase fut d’abord utilisé
voies biliaires. pour désigner la stase de bile dans les canaux biliaires
Un diagnostic rapide est essentiel, car, en règle géné- par obstruction de la voie biliaire principale puis pour ca-
rale, l’obstruction de la voie biliaire principale comporte ractériser la visualisation de bile, dans les tissus à l’exa-
une sanction chirurgicale. men, histologique.
La sphinctérotomie endoscopique, en assurant un drai- La cholestase résulte donc d’une atteinte du flux biliaire
nage de la voie biliaire, peut constituer, dans certains à un site variable entre la membrane baso-latérale de
cas, un traitement définitif. l’hépatocyte et l’abouchement bilio-duodénal.
Enfin, quand l’obstacle n’est pas levé à temps, des com- On distingue habituellement :
plications peuvent survenir et mettre le pronostic vital en • la cholestase extrahépatique due à une obstruction des
jeu. Les résultats du traitement dépendent du terrain sur voies biliaires extrahépatiques (V.B.E.H.) dont le traite-
lequel survient cet ictère et de la nature bénigne ou ma- ment est chirurgical,
ligne de l’obstacle. • la cholestase intrahépatique dont on distingue 2 méca-
nismes :
−soit
− une obstruction des voies biliaires intrahépa-
tiques,

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 199


−soit
− une altération des mécanismes de secrétions hé- elle est supérieure à 3 fois à la normale. Elle se ren-
patocytaires. contre essentiellement dans les obstructions des voies
Ainsi, on peut dire que l’ictère par rétention correspond biliaires extrahépatiques. Mais ce qui est à noter, c’est
essentiellement à la cholestase extrahépatique avec un qu’une élévation minime (inférieure à 2 fois la normale)
ictère. La différence à faire à ce niveau, c’est que la cho- est peu spécifique et peut se voir dans toutes les mala-
lestase peut être anictérique ou ictérique. dies du foie. Malgré leur faible spécificité, les phospha-
tases alcalines restent cependant un test sensible de la
rétention.
III. L’ÉTAPE DIAGNOSTIQUE • 5’nucléotidase : elle varie de façon parallèle à la phos-
(OBJECTIF N° 3) : phatase alcaline et est spécifique de la cholestase.
• Les gammas glutamyl-transpeptidases  : elles évo-
Elle doit permettre le diagnostic positif de l’ictère par ré- luent de façon parallèle aux phosphatases alcalines,
tention et l’orientation étiologique. elles sont plus sensibles que les phosphatases alca-
lines et la 5’nucléotidase, mais peu spécifiques.
A. LE DIAGNOSTIC POSITIF : • Les lipides totaux : ils sont élevés essentiellement les
Le diagnostic positif d’un ictère rétentionnel est généra- phospholipides et le cholestérol total. Une chute de
lement facile à poser, il est basé essentiellement sur la cholestérol évoque une insuffisance hépatocellulaire
clinique et confirmé par les examens biologiques cou- associée.
rants. • Les autres examens biologiques de valeurs étiolo-
giques  : la numération formule sanguine qui peut
1/CLINIQUE (OBJECTIF N° 4) : montrer une polynucléose neutrophile évoquant une
a/Interrogatoire : obstruction biliaire surinfectée. Une anémie évoque
Le diagnostic est généralement facile dans la forme ty- un saignement ou un cancer, une polyglobulie, un syn-
pique de l’ictère rétentionnel. L’interrogatoire : drome paranéoplasique.
• va rechercher les facteurs étiologiques en fonction de L’hyperamylasémie et l’hyperamylasurie orientent vers
l’âge, du sexe et des antécédents personnels, une infection pancréatique ou infection lithiasique. Au
• il précise les facteurs de risque, les prises médicamen- terme du bilan clinique et biologique, une orientation
teuses, l’existence d’un ictère dans les antécédents, étiologique peut apparaître et le bilan clinique en tant
• ainsi que les signes fonctionnels ayant accompagnés qu’élément diagnostique d’une obstruction est très sen-
l’installation de l’ictère : sible avec une valeur prédictive de 75 %
• la douleur, s’agit-il d’une douleur de type biliaire ou L’impression clinique sert de base à une stratégie ulté-
pancréatique, rieure. Une fois le diagnostic évoqué, la confirmation est
• l’existence ou non d’un prurit, faite par les différents examens morphologiques com-
• la coloration des selles et des urines, plémentaires.
• l’existence d’une fièvre,
• l’altération de l’état général, 3/LES EXPLORATIONS MORPHOLOGIQUES
• l’existence ou non d’une asthénie et/ou d’un amaigris- COMPLÉMENTAIRES (IMAGERIE) (OBJECTIFS N° 5) :
sement. Une exploration morphologique d’un ictère rétentionnel
• l’évolution de l’ictère. doit répondre à deux questions :
• quel est le niveau de l’obstacle ?
b/Examen physique : • quelle est sa nature ?
Cet examen va apprécier l’ictère qui est cutanéo-mu-
queux généralisé, plus ou moins intense. On recherche a/Échotomographie :
aussi les signes d’orientation étiologique tels que : Le diagnostic positif d’un ictère rétentionnel est réalisé
• une hépatomégalie (gros foie de cholestase, indolore, dans 83 à 94 % des cas, devant une dilatation des voies
ferme, régulier), biliaires intrahépatiques et/ou de la voie biliaire princi-
• une grosse vésicule palpable, pale.
• les lésions de grattage, À l’état normal, les voies biliaires intrahépatiques ne
• on cherche aussi les signes d’hypertension portale (cir- sont pas visibles. L’apparition sous forme d’image en ca-
culation collatérale, ascite, splénomégalie). non du fusil, traduit un obstacle.
Le toucher rectal permettra d’apprécier l’aspect des Au total, la constatation d’une dilatation des voies biliaires
selles qui sont décolorées, voire mastiques. L’ictère ré- est un signe fiable en faveur de l’origine extrahépatique
tentionnel, suspecté sur les données de l’examen cli- de l’ictère, mais l’absence de dilatation ne permet en rien
nique (à savoir l’ictère, les urines foncées et les selles de conclure à l’absence d’obstacle.
décolorées), sera confirmé par les dosages biologiques. En plus de la mensuration et de la visualisation des voies
biliaires, l’échotomographie permet aussi de visualiser
2/EXAMENS BIOLOGIQUES (OBJECTIFS N° 6 ET 7) : l’étiologie de l’ictère par rétention. La visualisation de
• La bilirubinémie  : elle est élevée dans l’ictère réten- l’étiologie par échotomographie est variable selon les
tionnel, avec une nette prédominance de la bilirubine auteurs. Les erreurs se voient surtout dans la lithiase de
conjuguée. Son intensité n’a aucune valeur étiologique la voie biliaire principale. L’examen échotomographique
elle est surtout utile au pronostic des cirrhoses du foie permet aussi de préciser l’état du foie, la distension ou
en général et à celui de la cirrhose biliaire primitive. non de la vésicule biliaire et l’état du pancréas.
• Phosphatase alcaline : l’élévation doit être importante,

200 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


b/Tomodensitométrie : B. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
Sa sensibilité et sa valeur prédictive sont comparables à (OBJECTIF N° 6) :
celle de l’échographie dans le diagnostic étiologique de Une fois le diagnostic positif de l’ictère rétentionnel posé,
l’ictère par rétention. Sa place est limitée dans l’explo- le siège de l’obstacle précisé, il faut s’atteler à retrouver
ration de première intention des voies biliaires. En re- la cause de cet ictère par rétention, car l’attitude théra-
vanche, son intérêt principal réside dans le bilan d’exten- peutique dépend de l’étiologie.
sion des tumeurs bilio-pancréatiques afin d’en apprécier Les étiologies de ces ictères rétentionnels peuvent être
les possibilités de résécabilité en vue d’un choix théra- divisées en 2 grands groupes : les obstacles incomplets
peutique. qui correspondent aux lésions bénignes et les obstacles
complets qui correspondent aux lésions malignes.
c/Imagerie par résonance magnétique :
Son intérêt, réside actuellement non pas, dans la dé- 1/LES OBSTACLES INCOMPLETS :
termination du siège de l’obstruction, mais dans le bi- Dans sa forme typique l’obstacle incomplet de la voie
lan d’extension et d’opérabilité des lésions tumorales, biliaire principale réalise le classique tableau fait d’un
en particulier de la région hilaire et pédiculaire, car elle ictère douloureux, fébrile, variable à rechute dont l’étio-
permet une exploration tridimensionnelle. logie est dominée par :

d/Cholangio-wirsungographie rétrograde endosco- a/La lithiase de la voie biliaire principale (L.V.B.P.)


pique (C.P.R.E.) : Dont le diagnostic repose sur les données cliniques :
Elle offre : • Antécédents de coliques hépatiques.
• La possibilité d’opacification des voies biliaires indé- • Douleur de l’hypochondre droit.
pendamment du degré de dilatation. • Ictère variable.
• La possibilité de faire une exploration endoscopique du • Fièvre.
2e duodénum, de visualiser une éventuelle effraction Les dosages biologiques vont confirmer la rétention.
papillaire secondaire à une migration lithiasique ou L’échotomographie va montrer une dilatation des voies
une petite tumeur de la région Vatérienne. biliaires associée à une vésicule lithiasique, voire sclé-
• La possibilité d’opacifier simultanément le canal de roatrophique.
Wirsung permettant un diagnostic étiologique plus pré-
cis des sténoses biliaires. b/Le kyste hydatique du foie ouvert dans les voies bi-
• De pouvoir réaliser une sphinctérotomie endoscopique liaires (K.H.F.O.V.B.) :
thérapeutique. Le diagnostic est orienté par la clinique qui va retrouver
l’ictère, préciser la notion de contage hydatique l’hépa-
e/Cholangiographie transhépatique (C.T.H.) : tomégalie, le jeune âge du malade la fièvre, l’existence
Ses indications à visée diagnostique sont très limitées et d’autres cas de K.H.F. dans la famille.
répondent essentiellement aux échecs de C.P.R.E., aux L’échographie montre le kyste avec ses rapports vascu-
sténoses complètes au cours de la C.P.R.E. et aux anas- laires et biliaires ainsi que la dilatation des voies biliaires.
tomoses hépaticojéjunales compliquées.
c/Les complications de la chirurgie biliaire :
f/Endo-sonographie digestive : À côté de ces 2 principales causes, les autres étiologies
Elle est utilisée surtout en cancérologie pour apprécier moins fréquentes sont :
l’opérabilité des tumeurs. Cette technique, en cours • la lithiase résiduelle,
d’évaluation, semble plus performante que l’ultraso- • une plaie de la voie biliaire,
nographie ou la tomodensitométrie dans la détection • une sténose inflammatoire.
des tumeurs de petite taille tels que les cancers des
pancréas inférieurs à 20 mm et les arnpullomes. La re- d/Les autres causes rares :
connaissance des adénopathies néoplasiques, même de Les parasitoses : la douve, la distomatose, l’ascaridiose.
petit volume au niveau pancréatique et du pédicule hépa-
tique, devient possible grâce à cet examen permettant 2/LES OBSTACLES COMPLETS :
un véritable staging de la tumeur dans le système T.N.M. L’étiologie est dominée par la pathologie néoplasique.
comparable semble-t-il au staging postopératoire.
a/Le cancer de la tête du pancréas :
Au total, Il s’agit le plus souvent d’un homme de la cinquantaine
Tous ces examens complémentaires ne sont pas tou- qui consulte pour un ictère le type rétentionnel nu, d’ins-
jours indispensables pour confirmer le diagnostic d’un tallation insidieuse, d’évolution progressive sans rémis-
ictère, par rétention et préciser son étiologie, mais ces sion. Cet ictère est associé à un prurit et une altération
examens seront demandés en fonction des situations de l’état général avec amaigrissement.
différentes dans lesquelles on peut se trouver. La règle L’examen physique retrouve une vésicule palpable.
à respecter consiste à demander des examens adaptés Le diagnostic peut être confirmé par l’échographie qui
pour résoudre le problème sans entraîner des compli- montre la lésion au niveau de la tête du pancréas en plus
cations iatrogènes en respectant le meilleur rapport de la visualisation de la dilatation des voies biliaires et de
performance/coût et en allant de l’examen simple et la vésicule distendue.
anodin à l’examen invasif. Mais le meilleur examen pour confirmer le diagnostic et
faire le bilan d’extension est la tomodensitométrie.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 201


b/L’ampullome Vatérien : a/Lésion avec diminution de la sécrétion biliaire :
Le diagnostic est posé sur les données cliniques et pa- Les causes les plus fréquentes :
racliniques, le tableau clinique réalise un ictère réten- • L’hépatite virale : les arguments de diagnostic qui sont
tionnel fluctuant, parfois associé à une angiocholite et essentiellement le contage la phase préictérique, l’élé-
un syndrome hémorragique digestif (méléna le plus sou- vation significative des transaminases et la positivité
vent). des marqueurs sériques.
L’examen échographique montre la dilatation des voies • Il peut s’agir d’une hépatite médicamenteuse dont
biliaires intrahépatiques et de la voie biliaire principale. le diagnostic repose sur la négativité des marqueurs,
L’écho-endoscopie permet de poser le diagnostic surtout l’existence de manifestations allergiques et la prise
pour les petites tumeurs. d’un médicament hépatotoxique dans les semaines
Le diagnostic est confirmé par la C.P.R.E. avec biopsie au précédentes. Après l’arrêt du traitement, la guérison
niveau de l’ampoule de Vater. peut être lente (plusieurs mois à un an).
• L’hépatite alcoolique aiguë qui, au cours d’une intoxi-
c/Les cancers de voies biliaires : cation alcoolique importante, s’associe une fièvre, des
Le tableau clinique est voisin de celui du cancer du pan- douleurs de l’hypochondre droit, une cytolyse prédomi-
créas, la vésicule palpable n’est retrouvée que dans les nante et une hyperleucocytose.
localisations du tiers moyen et du tiers inférieur de la Le diagnostic repose sur la biopsie hépatique.
voie biliaire principale. • L’hépatite chronique active et cirrhose, quelle que soit
L’échographie montre la dilatation des voies biliaires l’étiologie, la survenue d’une cholestase doit faire re-
dont l’importance est variable selon le siège et l’obstruc- chercher une complication notamment un hépatocar-
tion. Le diagnostic peut être confirmé par les examens cinome.
invasifs tels que la C.P.R.E. et la C.T.H. selon les circons-
tances pour localiser l’obstacle et parfois réaliser un b/L’ictère par cholestase intrahépatique en rapport avec
geste thérapeutique. une obstruction des voies biliaires intrahépatiques.
Les causes les plus fréquentes sont :
3/LES AUTRES ÉTIOLOGIES DE L’ICTÈRE • Le cancer primitif ou secondaire du foie : le diagnostic
RÉTENTIONNEL : est basé sur l’échographie et le scanner qui montrent
À côté des deux grands chapitres étiologiques, à savoir un syndrome tumoral et dirigent la ponction-biopsie.
les lésions bénignes et les lésions malignes, il existe Les marqueurs tumoraux orientent le diagnostic.
d’autres causes plus rares de l’ictère rétentionnel, on • La cirrhose biliaire primitive  : elle atteint la femme
cite : aux alentours de la ménopause au stade initial. La cho-
• La pancréatite chronique qui donne une compression lestase est isolée et le diagnostic repose sur la pré-
par un nodule de pancréas ou par un pseudo-kyste sence des anticorps anti-mitochondries et la biopsie
peut réaliser un tableau identique à celui du cancer hépatique.
de la tête du pancréas, mais la cholestase est plus • La cholangite sclérosante : elle atteint l’homme jeune
fluctuante, et le diagnostic différentiel entre lésion de avec un début insidieux associant des douleurs de
pancréatite chronique et cancer de la tête du pancréas l’hypochondre droit, prurit et parfois une angiocholite.
peut poser parfois des problèmes. L’échographie retrouve l’épaississement de la voie bi-
• La compression d’origine extrinsèque : liaire. La C.P.R.E. montre des sténoses courtes annu-
−par
− des adénopathies du pédicule hépatique, laires séparées par des segments de calibre normal
−des
− métastases, ou peu augmenté des voies biliaires intrahépatiques et
−parfois
− il peut s’agir aussi de néoplasie gastrique, des voies biliaires extrahépatiques.
−d’une
− compression par une lithiase du canal cystique • L’hémopathie, les granulomatoses, amyloses et stéa-
réalisant le syndrome de Mirizzi, toses massives peuvent être responsables de choles-
−le
− kyste hydatique du foie aussi, peut donner une com- tase aussi.
pression donnant un ictère rétentionnel sans ouver- • La cholestase gravidique survenant au 3e trimestre
ture dans les voies biliaires. après l’accouchement doit faire rechercher une hépa-
topathie chronique en particulier, une cirrhose biliaire
C. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL (OBJECTIF primitive.
N° 5) :
Comme il s’agit d’un ictère rétentionnel, le diagnostic 2/LES ICTÈRES NON CHOLÉSTATIQUES :
différentiel se pose avec les ictères non choléstatiques a/Les ictères hémolytiques :
essentiellement, mais il peut aussi se poser avec des ic- Le diagnostic est assez souvent facile à faire, le malade
tères choléstatiques dont l’obstacle est intrahépatique. avec des antécédents, la clinique est dominée par l’ané-
mie, la pâleur, la décoloration, l’asthénie et parfois une
1/ICTÈRES CHOLÉSTATIQUE INTRAHÉPATIQUES : dyspnée d’effort.
Dans un groupe d’ictère par cholestase intrahépatique, L’examen retrouve l’ictère qui est modéré, d’aspect ci-
on oppose classiquement les cholestases liées a une di- tron pâle, variable, les selles sont normo-colorées et les
minution de la sécrétion biliaire souvent associée à une urines non colorées. Parfois, on palpe une splénoméga-
insuffisance hépatocellulaire et celles liées à une obs- lie dont le volume s’accroît avec la crise de déglobulisa-
truction des voies biliaires intrahépatiques. tion et devient douloureuse.
La biologie va montrer une augmentation de la bilirubi-
némie non conjuguée. L’anémie avec chute des globules

202 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


rouges, chute de l’hémoglobine et une augmentation de 2/LES MÉTHODES CHIRURGICALES :
la cytolyse, et une augmentation du taux de l’urobilino- Elles sont variables en fonction de la lésion causale res-
gène. ponsable de l’ictère rétentionnel. Ce traitement comporte
toujours une voie d’abord puis un 2e temps d’exploration
b/Les ictères par déficit hépatocytaire du métabolisme abdominale et le traitement causal à savoir la levée de
de la bilirubine : l’obstacle, assurer la vacuité des voies biliaires et éviter
• La maladie de Gilber. les récidives en réséquant la cause de l’ictère.
• Le syndrome de Griggler Najjar. • Le traitement des lésions biliaires  : ce traitement
comporte toujours une cholangiographie per opéra-
c/Les ictères par anomalie d’excrétion : toire par le canal cystique puis une cholécystectomie,
• Le syndrome de Deben Johnson. la cholédocotomie avec vérification de la vacuité par le
• Le syndrome de Rotor. cholédocoscope. L’intervention est terminée générale-
ment par la mise en place d’un drain de Kehr.
• Le traitement de la 2e cause bénigne d’ictère réten-
IV. DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE DEVANT UN tionnel à savoir le kyste hydatique du foie ouvert dans
ICTÈRE RÉTENTIONNEL (OBJECTIF N° 7) : les voies biliaires. Le traitement comporte le traite-
ment du kyste par sa stérilisation puis sa vidange, le
Devant un malade présentant un ictère, le plus important traitement de la cavité puis le drainage et la vacuité de
est de pouvoir, différencier un ictère de type chirurgical la voie biliaire.
d’un ictère de type médical. D’autres méthodes de dérivation peuvent être propo-
Depuis l’avènement de l’échotomographie, l’attitude a sées pour les malades qui présentent un ictère par
été facilitée puisque l’existence d’une dilatation des voies rétention, ce sont les dérivations internes bilio-diges-
biliaires, à l’échographie, va orienter la démarche thé- tives.
rapeutique vers un obstacle qui nécessite un traitement 2 anastomoses peuvent être pratiquées :
chirurgical. L’anastomose hépaticojéjunale indiquée pour les sujets
C’est pour cela que la démarche devant un ictère de jeunes avec des lésions bénignes et dont l’avantage est
type rétentionnel ne se conçoit qu’après la demande de d’éviter le reflux. Les anastomoses cholédoco-duo-
l’échographie. Cette échographie va visualiser la dilata- dénales sont faites rarement actuellement, on les ré-
tion des voies biliaires, le siège et la nature de l’obstacle serve au sujet âgé avec un cholédoque dilaté et quand
dans certains cas. on est obligé d’opérer en urgence (risque de reflux et
d’angiocholite). La gastro-entéroanastomose peut être
associée à l’anastomose bilio-digestive type cholé-
V. TRAITEMENT (OBJECTIFS N° 7) : doco-duodénale.
• Le traitement des lésions malignes  : c’est essentiel-
A. LES MÉTHODES : lement la résection. Cette résection concerne les tu-
1/LES MÉTHODES NON CHIRURGICALES : meurs de la tête du pancréas, les tumeurs du tiers in-
a/La réanimation : férieur de la voie biliaire principale et les ampullome
La prise en charge d’un ictère rétentionnel nécessite une Vatérien. Cette résection qui va emporter la tête du
réanimation basée sur : pancréas et le duodénum permettra d’enlever l’obs-
• Une équilibration hydroélectrolytique assurée par la tacle, c’est l’intervention dite duodénopancréatecto-
perfusion de soluté en fonction du malade et des lé- mie céphalique (D.P.C.) qui va emporter une partie
sions. de l’estomac, la voie biliaire, la tête du pancréas et le
• La correction des désordres ioniques. cadre duodénal. Le rétablissement de la continuité se
• La correction parfois des troubles de l’hémostase. fait après une anastomose pancréatico-jéjunale puis
• Il faut assurer aussi une antibiothérapie qu sera guidée gastro-jéjunale et entre les deux, anastomose bilio-jé-
en fonction des données des prélèvements qui seront junale. Parfois, la résection du pancréas est totale et on
faits. parle alors de duodénopancréatectomie totale.

b/Le traitement endoscopique : B. LES INDICATIONS :


Est représenté essentiellement par la sphinctéroto- 1/LVBP :
mie endoscopique qui peut être réalisée au cours de Quand il s’agit d’un malade jeune, c’est la chirurgie en
la C.P.R.E. Cette sphinctérotomie endoscopique peut urgence qui va traiter l’obstacle, faire la cholécystecto-
constituer le seul geste thérapeutique. L’endoscopie per- mie et assurer la vacuité de la voie biliaire.
met aussi la mise en place de prothèse surtout pour les Quand il s’agit d’un malade âge, taré, on peut proposer,
malades qui représentent une lésion maligne et qui ne dans un premier temps, une sphinctérotomie endosco-
nécessitent pas de traitement chirurgical. pique complétée plus ou moins par une cholécystecto-
mie par voie classique ou par cœlio-chirurgie une fois le
c/Le drainage trans-pariéto-hépatique : malade a passé le cap difficile et se trouvant alors dans
Qui peut être aussi proposé quand l’endoscopie ne peut de meilleurs conditions.
pas être pratiquée, peut assurer un drainage externe de Quand il s’agit d’une lithiase résiduelle, la sphinctéro-
la bile. Il est proposé essentiellement pour les lésions tomie endoscopique est indiquée en premier et suffit à
malignes. résoudre le problème dans la majorité des cas.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 203


2/KYSTE HYDATIQUE DU FOIE : C. LES RÉSULTATS IMMÉDIATS :
Quand il s’agit d’un malade en bon état, jeune, la chirur- La mortalité est fonction du terrain et de la lésion res-
gie pratiquée en urgence, permettra de traiter les kystes ponsable de cet ictère rétentionnel, elle est aussi fonction
et d’assurer la vacuité des voies biliaires. Quand il s’agit de l’existence ou non de signes de gravité qui seront déjà
d’un malade âgé, taré, on peut commencer par un drai- évalués en pré opératoire. La surveillance est de rigueur
nage endoscopique puis compléter secondairement par chez ces malades qui sont opérés Les complications ces
un traitement de la cavité kystique. complications sont d’ordre général, un syndrome embo-
lique, une complication respiratoire et autres met telles
3/TRAITEMENT DES LÉSIONS MALIGNES : que les fistules biliaires, les fistules bilio-digestives,
Tumeur de la tête du pancréas parfois les fistules pancréatiques pour les suppurations
Ampullome Vatérien des cavités résiduelles. Une des complications les plus
Cancer du tiers inférieur et moyen de la voie biliaire fréquentes est représentée par la lithiase résiduelle qui
principale. peut être traitée par une sphinctérotomie endoscopique.
• Quand les lésions sont jugées résécables pour ces 3
lésions, le traitement idéal serait la résection tumo- D. LES RÉSULTATS À DISTANCE :
rale, car elle assure une meilleure survie et un meilleur Pour les lésions malignes, la survie dépend de l’exten-
confort. La survie à 5 ans, peut atteindre les 50 % pour sion de la tumeur et des gestes pratiqués à savoir qu’un
les ampullomes Vatérien. traitement palliatif ne permet pas de dépasser les 6 à 12
• Quand les tumeurs sont jugées non résécables, il faut mois alors qu’une résection pour un ampullome le taux
assurer un geste de drainage ce sont des gestes pal- de survie à 5 ans est aux alentours de 50 à 60 %.
liatifs qui peuvent être assurés par la chirurgie ou par Pour les lésions bénignes, on surveillera la survenue
l’endoscopie. La chirurgie va permettre de réaliser une d’une récidive d’un KHF, l’existence ou non de lithiase
dérivation digestive et une dérivation biliaire. résiduelle. Pour les anastomoses bilio-digestives, l’exis-
L’endoscopie permettra la mise en place d’une prothèse tence ou non d’une sténose.
intra-canalaire à travers l’obstacle néoplasique et cette
prothèse peut être placée soit par voie per cutanée ou
par voie per endoscopique. CONCLUSION :
• 3e situation dans laquelle on peut se trouver c’est
quand ces malades présentent des métastases hépa- L’ictère par rétention est une affection fréquente qui né-
tiques, une carcinose, une ascite ou un envahissement cessite un diagnostic urgent et précoce, il est impéra-
assez important, dans ce cas, la chirurgie n’est pas tif de reconnaître les lésions bénignes responsables de
indiquée et le traitement palliatif peut être assuré par cet ictère pour éviter l’évolution vers des complications
l’endoscopie comme pour les tumeurs non résécables. à type de cirrhose dont le pronostic est grave. Ce trai-
Pour le cancer du hile du foie, le traitement consiste tement doit être pratiqué en urgence, soit par chirurgie,
à réséquer la tumeur associant ou non une résection soit par endoscopie qui peut parfois permettre de dé-
hépatique +/- élargie selon l’extension tumorale. En passer un cap aigu et améliorer le pronostic de ces ma-
cas de non-résécabilité, une intubation trans-tumorale lades. Le pronostic de ces malades dépend en réalité de
trouve son indication par voie trans-pariétale ou par voie la cause de l’ictère rétentionnel.
endoscopique.
Pour les sténoses inflammatoires essentiellement les
anastomoses bilio-digestives, il faut réaliser une nou-
velle anastomose. Ces anastomoses doivent respecter
le principe de chirurgie biliaire à savoir une anastomose
sans tension dans du tissu bien vascularisé pour éviter
la récidive.

204 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 : cas clinique : Vous êtes amenés à voir à votre consultation un homme âgé de 55 ans. L’interrogatoire ne ré-
vèle pas d’antécédents pathologiques, mais note une douleur de l’H.C.D. évoluant depuis 2 mois avec une asthénie et un
amaigrissement non chiffré. L’examen physique trouve une flèche hépatique à 14 cm, un ictère cutanéo-muqueux et une
température à 37,8 °C.
La biologie : BT : 350 mg : l BD : 290 mg/1 SGOT : 50 U/1 SGPT : 60 U/1
PAL : 4 x Normal G.B. : 8000/mm HB : 10gr/100ml
Question n° 1 (Objectif n° 5) : De quel type d’ictère s’agit-il ?
a) Hémolytique b) Médicamenteux c) rétentionnel.
d) Hépatitique e) Autre type d’ictère

Question n° 2 (Objectif n° 5) : L’analyse des différentes données cliniques et paracliniques vont permettre d’évoquer un
ou plusieurs diagnostics. Lesquels ?

Question n° 3 (Objectif n° 7) : Quel examen complémentaire faut-il demander en premier ?

Question n° 4 (Objectif n° 5) : Les données des examens complémentaires concluent à une dilatation de la voie biliaire
principale et des V.B.I.H. foie homogène, vésicule alithiasique à paroi fine. Quel est le diagnostic le plus probable ?
a) K.H.F. ouvert dans les voies biliaires b) Hépatite virale
c) Tumeur du hile du foie d) Tumeur de la tête du pancréas. e) Maladie de Carroli

Question n° 5 (Objectif n° 5) : Quels sont les éléments cliniques que vous retenez pour le diagnostic ?
a) Ictère b) Température : 37,8 °C c) Age : 55 ans
d) Amaigrissement e) Douleur de l’H.C.D.

Test n° 2 (Objectif n° 1) : L’ictère par rétention résulte de l’élévation de la bilirubine libre dans le sang.
n Vrai n Faux

Test n° 3 (Objectif n° 2) : La bilirubine provient de la dégradation de l’hème.


n Vrai n Faux

Test n° 4 (Objectif n° 3) : L’ictère par rétention entraîne une cholestase.
n Vrai n Faux

n Vrai n Faux

Test n° 6 (Objectif n° 6) : Quel est le premier examen morphologique à demander devant un ictère par rétention ?

Test n° 7 (Objectif n° 8) : Le drainage trans-pariéto-hépatique est proposé essentiellement pour les lésions malignes.
n Vrai n Faux

Test n° 8 (Objectif n° 9) : La duodénopancréatectomie céphalique est une méthode radicale pour traiter le cancer de la
terminaison de la voie biliaire principale.
n Vrai n Faux

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 205


DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE D’UN ICTERE RETENTIONNEL

Prérequis
- Anatomie du foie et des voies biliaires. H. Rouvière.

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Citer les différents moyens d’exploration d’un ictère rétentionnel.
2. Réunir les éléments radiologiques permettant le diagnostic positif d’un ictère rétention-
nel.
3. Réunir les éléments radiologiques permettant le diagnostic de siège d’un ictère réten-
tionnel.
4. Réunir les arguments cliniques et radiologiques permettant de proposer un diagnostic
étiologique.

Activités d’apprentissage
- Lecture du document de base.
- Étude lors du stage de quelques dossiers des archives concernant les ictères rétention-
nels.

INTRODUCTION 1. RAPPELS :

Le diagnostic positif de l’ictère rétentionnel est cli- 1.1. DÉFINITION :


nique et biologique. L’ictère rétentionnel est défini par un ictère à bilirubine
Le diagnostic étiologique repose sur la confrontation conjuguée secondaire à un obstacle mécanique sur la
des données cliniques, biologiques et de l’imagerie. voie biliaire principale (VBP).
Celle-ci est basée sur l’échographie abdominale réali-
sée de première intention puis éventuellement sur les 1.2. RAPPEL ANATOMIQUE : (figure 1)
examens de deuxième intention : TDM, IRM et écho-en- À l’état normal, les voies biliaires intrahépatiques (VBIH)
doscopie. ne sont pas visibles. La VBP est visible avec un diamètre
Les étiologies les plus fréquentes sont la lithiase de la du canal hépatique commun inférieur à 5 mm et un dia-
voie biliaire principale (LVBP), le cancer de la tête du mètre du cholédoque inférieur à 7 mm. Chez les sujets
pancréas et le kyste hydatique du foie compliqué. âgés et les sujets ayant eu une cholécystectomie, le dia-
mètre de la VBP peut atteindre 11 mm sans être patho-
logique.

Figure 1 : anatomie des voies biliaires

206 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


2. MOYENS D’EXPLORATION : le diagnostic d’un obstacle bas situé de la VBP.
Ses intérêts essentiels sont la réalisation d’une sphinc-
2.1. ECHOGRAPHIE ABDOMINALE : térotomie endoscopique en cas de LVBP et la mise en
2.1.1. ÉCHOGRAPHIE TRANSPARIÉTALE : place de prothèse.
Elle est toujours réalisée en première intention ; elle est Ses complications sont la pancréatite aiguë et l’angio-
non irradiante, peut être répétée au cours de l’évolution cholite.
et peu coûteuse. Elle est réalisée, en dehors du contexte
de l’urgence, après un jeûne d’au moins 6 heures pour 2.4.2. CHOLONGIOGRAPHIE TRANSHÉPATIQUE (CTH) :
une meilleure étude de la vésicule biliaire en distension Opacification des voies biliaires intrahépatiques dilatées
et pour diminuer la gêne crée par les gaz digestifs. par voie trans-hépatique sous contrôle échographique
Elle affirme le caractère obstructif de l’ictère par la mise ou scopique.
en évidence de la dilatation des voies biliaires, précise le Utile pour le diagnostic d’un obstacle haut intra hépa-
niveau de l’obstacle et approcher sa nature. En cas d’ori- tique ou hilaire. Actuellement elle est réalisée comme
gine tumorale, elle participe au bilan d’extension. premier temps d’un drainage biliaire externe ou interne
Ses limites sont l’obésité et les gaz digestifs. par endoprothèse.
Ses contre-indications sont les troubles majeurs de l’hé-
2.1.2. ECHO-ENDOSCOPIE : mostase, l’ascite et l’infection des voies biliaires.
Examen basé sur le montage d’une sonde d’échographie
au bout d’un endoscope, réalisé sous anesthésie générale. 2.4.3. CHOLANGIOGRAPHIE PER OPÉRATOIRE :
Elle permet une visualisation directe de la tête du pan- Opacification des voies biliaires, après cholédocotomie,
créas et de l’atmosphère péri-pancréato-céphalique et pour en vérifier la vacuité.
de la VBP sur toute sa longueur.
Ses intérêts son la visualisation de microcalcul biliaire, 2.4.4. CHOLOANGIOGRAPHIE POST OPÉRATOIRE :
de tumeur de l’ampoule de Vater et de petites tumeurs Opacification des voies biliaires par le drain de Kehr ou le
de la tête du pancréas. Elle permet aussi un bilan d’ex- drain trans-cytique pour en vérifier la vacuité.
tension local.
Ses limites sont la sténose du bulbe duodénal et les 2.5. AUTRES MOYENS D’EXPLORATION :
montages chirurgicaux qui empêchent la progression de - Abdomen sans préparation (ASP)  : Inutile. Parfois, il
l’endoscope vers le duodénum. peut montrer des calculs radio-opaques de la vésicule
biliaire.
2.2. TOMODENSITOMETRIE (TDM): - Radiographie du thorax : bilan préopératoire.
Réalisée de deuxième intention, en mode hélicoïdal mul- - Scintigraphie biliaire.
tibarette, sans et avec injection de produit de contraste - Ponction biopsie avec examen histologique surtout en
iodé. Comparativement à l’échographie, elle permet une cas de tumeur de la tête du pancréas non opérable
meilleure précision du siège de l’obstacle, une meilleure pour obtenir une preuve histologique.
caractérisation de sa nature et un meilleur bilan d’exten- - Artériographie coelio-mésentérique  : exceptionnelle-
sion locorégional et à distance en cas d’étiologie tumo- ment demandée.
rale maligne. - Opacifications digestives : n’ont plus aucune place.

2.3. IMAGERIE PAR RESONNANCE Au total : Devant un ictère rétentionnel, l’échographie ab-
MAGNETIQUE (IRM) ET CHOLANGIO-IRM dominale est l’examen à réaliser de première intention.
(C-IRM) : Elle confirme la dilatation des voies biliaires, précise le
Permet une visualisation multiplanaire et en haute ré- niveau et souvent la nature de l’obstacle. Les autres exa-
solution de contraste des voies biliaires grâce à des sé- mens (TDM, CIRM, écho-endoscopie) sont indiqués en
quences fortement pondérées T2. fonction des données clinico-biologiques et des résultats
Elle a considérablement limitée les indications des opa- de l’échographie.
cifications diagnostiques invasives des voies biliaires.
Elle permet une étude parenchymateuse hépato-pan-
créatique, vasculaire et biliaire et de réaliser une carto- 3. DIAGNOSTIC POSITIF :
graphie biliaire.
Elle est non irradiante et peut être réalisée sans injec- 3.1. EXAMENS CLINIQUE ET BIOLOGIQUE :
tion de produit de contraste, mais reste coûteuse et peu L’ictère cholestatique associe une coloration jaune à
disponible. bronze, généralisée de la peau et des muqueuses, une
décoloration des selles et des urines foncés. Il peut s’y
2.4. TECHNIQUES D’OPACIFICATIONS associer des lésions de grattage secondaires au prurit.
DIRECTES : L’interrogatoire précise le mode d’installation des symp-
Depuis l’avènement de l’IRM, elles sont utilisées essen- tômes, l’évolution progressive ou par poussés de l’ictère,
tiellement à visée thérapeutique. les antécédents en particulier de lithiase vésiculaire,
l’origine géographique et les signes d’accompagnement
2.4.1. CHOLANGIO PANCRÉATOGRAPHIE (fièvre, altération de l’état général, amaigrissement).
RÉTROGRADE PAR VOIE ENDOSCOPIQUE (CPRE) : L’examen physique cherche une hépatomégalie, une
Opacification rétrograde des voies biliaires après cathé- masse abdominale et une vésicule biliaire palpable.
térisme endoscopique de la papille duodénale. Utile pour Le bilan biologique montre une cholestase avec élévation

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 207


des taux sériques de bilirubine conjuguée, phosphatases L’image en cible est un signe sensible et spécifique
alcalines et Gamma glutamyl transpeptidase. Il com- correspondant au calcul hyperdense entouré de la bile
porte aussi un bilan hépatique, pancréatique et inflam- épaisse elle-même entourée de la paroi biliaire. Son rôle
matoire et un dosage des marqueurs tumoraux. majeur est d’éliminer une autre cause d’obstacle de fa-
çon plus fiable que l’échographie.
3.2. IMAGERIE : La C-IRM a d’excellentes sensibilité et spécificité dia-
L’obstruction de la VBP est confirmée, en échographie, gnostiques (respectivement 90 % et presque 100 %). Sur
par la mise en évidence d’une dilatation harmonieuse les séquences fortement pondérées T2, le calcul appa-
des voies biliaires, qui est d’autant plus marquée que rait en hyposignal dans une VBP dilatée en hypersignal.
l’obstacle est ancien, haut situé et lentement évolutif. Les faux négatifs sont le micro-calcul < 3 mm. Les faux
Les VBIH dilatées sont visibles, réalisant l’image en positifs sont rares en rapport avec des artéfacts de flux
« canon de fusil », formée par les VBIH antérieures aux ou une aéroblilie.
vaisseaux portes. Le cholédoque dilatée a un calibre su- L’écho-endoscopie est le meilleur examen pour le dia-
périeure à 10  mm. La distension vésiculaire est recon- gnostic des micro-calculs du bas cholédoque (sensibilité
nue par un diamètre transverse ≥ 4 cm et un diamètre de 95 %).
longitudinal ≥ 10 cm ; elle indique que l’obstacle est cho- La CPRE reste la technique de référence ; les calculs
lédocien. sont visibles sous forme de lacunes régulières mobiles
La dilatation biliaire peut manquer quand l’imagerie est ou enclavées. Il s’agit d’une technique invasive indiquée
faite peu après une obstruction biliaire récente (exp  : pour être associée à un geste thérapeutique avec sphinc-
migration d’un calcul dans la VBP), quand l’obstacle est térotomie et extraction des calculs.
intermittent (exp : LVBP) ou quand les voies biliaires en
amont ne peuvent se dilater parce que leurs parois sont 5.2. LE CANCER DE LA TETE DU PANCREAS :
scléreuses (exp : cholangite sclérosante ou cholangio- Il représente la deuxième étiologie après la LVBP et le
carcinome infiltrant) ou que le parenchyme hépatique est 1/3 des causes néoplasiques des ictères rétentionnels. Il
fibreux (exp : cirrhose). s’agit de la 4e cause de mortalité par cancer et de la 2e
cause de mortalité par cancer digestif. Il est de mauvais
pronostic : seul 5 à 22 % des patients sont opérables au
4. DIAGNOSTIC DE SIÈGE : moment du diagnostic. À l’examen histologique, il s’agit
d’un adénocarcinome canalaire du pancréas exocrine
Il est basé sur la mise en évidence de la zone de transi- dans 80 % des cas.
tion entre voies biliaires fines et dilatées. Il repose sur Il touche l’homme de plus de 50 ans. Les signes cliniques
l’échographie qui permet de préciser le siège de l’obs- sont dominés par l’ictère nu, les douleurs épigastriques
tacle dans 80 % des cas. La TDM et l’IRM sont plus sen- et l’altération de l’état général.
sibles dans le diagnostic de siège. L’examen physique cherche une hépatomégalie et une
grosse vésicule biliaire.
Le but de l’imagerie est de faire, dans le même temps, le
5. DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE : diagnostic positif et le bilan d’extension.
L’échographie, de première intention, montre les signes
5.1. LA LITHIASE DE LA VBP : directs comme une masse focale hypoéchogène, à
Le diagnostic est évoqué chez la femme obèse aux an- contours flous, déformant ou non les contours de la
técédents de coliques hépatiques ou de lithiase vésicu- glande. Souvent la masse n’est pas identifiable d’où l’im-
laire. Le calcul est le plus souvent formé dans la vésicule portance des signes indirects qui peuvent être, les seuls
biliaire ; rarement il est développé in situ dans la VBP présents, en cas de tumeur de petite taille. Il s’agit d’une
en amont d’un obstacle (sténose, tumeur ou cholangite dilatation bi-canalaire (VBP et canal de Wirsung), une
sclérosante de la VBP, maladie de Caroli). La clinique distension de la vésicule biliaire et parfois des signes
se traduit généralement par la triade angiocholitique de associés avec atrophie parenchymateuse pancréatique
Charcot associant, en cas de calcul obstructif, douleur de d’amont et pseudo kyste secondaire à une pancréatite
l’hypochondre droit avec défense, fièvre brutale 39 à 40° aiguë d’amont. L’échographie participe au bilan d’exten-
avec frissons et ictère d’évolution progressive. sion et recherche, en particulier, des métastases hépa-
La biologie objective une cholestase et une hyperleuco- tiques, des adénomégalies, une ascite et un envahisse-
cytose. ment vasculaire.
L’échographie montre typiquement une VBP dilatée La TDM visualise mieux les signes directs comme une
>7 mm avec visualisation d’un calcul arrondi intra-cana- masse parenchymateuse hypodense après injection
laire hyperéchogène suivi d’un cône d’ombre postérieur. de PDC ou parfois comme une petite déformation des
Le calcul peut être mobile ou enclavé dans l’ampoule de contours glandulaires et objective les mêmes signes in-
Vater. La sensibilité de l’échographie dans le diagnostic directs qu’en échographie. Elle est l’examen de référence
de la LVBP est de 60 %. Les facteurs de non-visualisation pour réaliser le bilan d’extension : métastases hépatiques,
du calcul sont le siège distal dans le bas cholédoque, dif- ganglionnaires, thoraciques, carcinose péritonéale et en-
ficile à explorer (gaz, obésité…) et les micro-calculs ne vahissement vasculaire (tronc cœliaque, artères et veines
s’accompagnant pas de cône d’ombre postérieur. mésentériques supérieures et tronc porte).
La TDM a une sensibilité supérieure à l’échographie La TDM peut guider une ponction-biopsie de la tumeur
atteignant 80-90  %. Elle peut détecter un calcul calci- ou d’une métastase pour obtention d’une preuve histolo-
fié même en absence de dilatation des voies biliaires. gique chez un patient inopérable.

208 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


L’écho-endoscopie permet le diagnostic des cancers de bourgeonnante dans la lumière vésiculaire, un épaissis-
petite taille inférieurs à 2 cm. L’IRM est indiquée en cas sement pariétal irrégulier et des calculs biliaires.
de contre-indication de la TDM. La TDM montre une masse tissulaire, centrée sur la vé-
sicule biliaire, de nature fibreuse qui se rehausse après
5.3. LE KYSTE HYDATIQUE DU FOIE injection de produit de contraste surtout au temps tardif.
COMPLIQUE : Il est nécessaire de combiner différents moyens d’ima-
L’ictère est secondaire soit à une compression de la gerie (TDM, C-IRM, IRM) pour établir un bilan d’extension
plaque hilaire et/ou du pédicule hépatique par un kyste précis au : foie (surtout les segments V et IV premiers
hydatique hépatique volumineux ou central soit à un envahis par contiguïté), pédicule hépatique, vaisseaux,
kyste hydatique hépatique ouvert dans les voies biliaires. ganglions et péritoine.
Cliniquement il se manifeste par une angiocholite.
Le diagnostic est généralement fait à l’échographie de- 5.7. LA PANCREATITE CHRONIQUE
vant un kyste hydatique vieilli (type III ou IV de la classi- CALCIFIANTE (PCC) :
fication de Gharbi), un kyste hydatique affaissé et hypo- Dans 90 % des cas elle est d’origine post alcoolique.
tonique et une dilatation des voies biliaires contenant du L’ASP montre des calcifications en projection de D11 –
matériel échogène hydatique. Parfois la communication L3. L’échographie et la TDM font le diagnostic en mon-
ksyto-biliaire est visualisée. trant des calcifications intra-canalaires, une atrophie
Un bilan de la maladie hydatique s’impose par la réa- avec aspect hétérogène du pancréas, une dilatation mo-
lisation d’une immunologie hydatique, une radiographie noliforme du canal de Wirsung et des faux kystes.
du thorax, une échographie ou une TDM abdomino-pel- L’écho-endoscopie est l’examen le plus sensible pour le
vienne. diagnostic positif en permettant une détection précoce
des calcifications intra-canalaires et des modifications
5.4. L’AMPULLOME VATERIEN : du parenchyme pancréatiques. L’IRM tend à remplacer la
Cliniquement l’ictère est intermittent et peut s’associer CPRE pour montrer les anomalies du canal de Wirsung
à un méléna. et de la VBP.
L’échographie montre une dilatation bi-canalaire. La
TDM montre soit une dilatation bi-canalaire s’arrêtant en 5.8. LES AUTRES :
regard d’un épaississement duodénal et de la papille soit 5.8.1. COMPRESSION GANGLIONNAIRE HILAIRE OU
une dilatation de la VBP jusqu’à un niveau distal sans PÉDICULAIRE :
masse céphalique pancréatique, la lésion étant souvent Plus souvent de nature tumorale.
difficile à mettre en évidence ; elle fait, dans le même
temps, le bilan d’extension préopératoire. L’écho-endos- 5.8.2. SYNDROME DE MIRIZZI :
copie et la CRPE permettent de faire le diagnostic posi- Il s’agit d’une compression de la VBP par un volumineux
tif, de réaliser des biopsies et éventuellement un drai- calcul enclavé au niveau du collet vésiculaire ou dans le
nage biliaire. canal cystique.

5.8.3. CHOLANGITE SCLÉROSANTE :


5.5. LE CHOLANGIOCARCINOME : Atteinte fibreuse sténosante et diffuse des parois bi-
Tumeur maligne rare de la 5e 6e décade. Elle se déve- liaires essentiellement des VBIH. La VBP peut être inté-
loppe à partir de la muqueuse de la paroi des voies bi- ressée en association avec celle des VBIH ou isolément.
liaires. Cliniquement il s’agit d’un ictère franc d’intensité L’échographie et à la TDM montrent une dilatation seg-
progressive associé à une altération de l’état général. mentaire des voies biliaires avec épaississement de leurs
Deux sièges sont possibles : parois. La C-IRM montre des sténoses étagées des voies
− Hilaire (appelée tumeur de Klatskin) : tumeur dévelop- biliaires réalisant l’aspect en « arbre mort ». Le diagnos-
pée au dépens de la convergence biliaire supérieure ; la tic de certitude est basé sur l’examen histologique de la
plus fréquente 80 % cas. biopsie hépatique.
− La VBP : 20 % des cas.
L’échographie permet de préciser le siège de l’obstacle : 5.8.4. MALADIE DE CAROLI :
au niveau hilaire en cas de dilatation des VBIH bi-lobaire Affection congénitale faite d’une dilatation kystique des
ou plus rarement uni-lobaire ou au niveau de la VBP en VBIH. Elle est le plus souvent révélée par des poussées
cas de dilatation des VBIH et EH. La TDM multibarette d’angiocholite. L’imagerie montre une dilatation kystique
et la C-IRM sont les examens de choix pour faire le dia- des VBIH et des calculs biliaires intrahépatiques. La
gnostic positif et le bilan d’extension. Les opacifications C-IRM est très performante pour faire le diagnostic.
directes peuvent être réalisées pour faire une cartogra-
phie et un bilan d’extension biliaires précis. 5.8.5. KYSTE DU CHOLÉDOQUE :
Malformation congénitale découverte le plus souvent à
5.6. LE CANCER DE LA VESICULE BILIAIRE : l’enfance, mais parfois à l’âge adulte. Elle se manifeste
Il survient avec prédilection chez les femmes après l’âge cliniquement par des poussées d’angiocholites.
de 60 ans. 80 % des patients sont porteurs de lithiases La C-IRM montre une dilatation kystique de la VBP avec
vésiculaires. L’ictère par rétention est la traduction de ou sans dilatation de la convergence biliaire supérieure.
l’envahissement du hile hépatique et des voies biliaires. L’indication thérapeutique est chirurgicale du fait du
L’échographie montre une masse tissulaire, hétérogène risque élevé de survenue de cholangiocarcinome.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 209


5.8.6. STÉNOSE CICATRICIELLE DE LA VBP POST 6. CONCLUSION :
TRAUMATIQUE OU IATROGÈNE POST OPÉRATOIRE :
Le plus souvent après cholécystectomie sous cœliosco- L’exploration de l’ictère par rétention a bénéficié de l’ap-
pie. port de l’imagerie, basée de première intention sur
l’échographie qui confirme le diagnostic d’obstacle de la
VBP, précise son siège et approche sa nature. Les autres
moyens d’imagerie (TDM, IRM, écho-endoscopie) sont in-
diqués de deuxième intention et guidés par les données
clinico-biologiques et échographiques. La cholangio-IRM
devenu un examen incontournable du diagnostic.
Les étiologies sont dominées par la LVBP, le cancer de
tête du pancréas et le kyste hydatique du foie compliqué.

TESTS D’ÉVALUATION
Question 1 : Citer le 1er examen d’imagerie à faire en cas d’ictère rétentionnel et préciser ses intérêts.

Question 2 : En cas de lithiase de la VBP :


a) L’échographie est le meilleur examen pour mettre en évidence le calcul, quel que soit son siège.
b) L’échographie montre une dilatation des voies biliaires intrahépatiques et extra hépatiques en amont de l’obstacle.
c) L’échographie montre une dilatation bi-canalaire (cholédoque et canal de Wirsung).
d) Les micro-calculs sont mieux identifiés par l’écho-endoscopie.
e) Les calculs vésiculaires sont identifiés par l’écho-endoscopie préférentiellement.

Question 3 : En cas de cancer de la tête du pancréas :


a) La TDM est moins performante que l’échographie pour la mise en évidence des signes indirects.
b) La TDM fait le bilan d’extension.
c) L’écho-endoscopie est peu performante pour faire le diagnostic des tumeurs de la tête du pancréas de moins de 2 cm.
d) L’IRM peut être indiquée en cas de contre-indications de la TDM.

Réponse 3 : B-D.
Réponse 2 : B-D.
malignes.
de nature dans certains cas, participe au bilan d’extension des pathologies
siège (zone de transition entre voies biliaires fines et dilatées), diagnostic
Ses intérêts : diagnostic positif (dilatation des voies biliaires), diagnostic de
Réponse 1 : L’échographie abdominale.

RÉPONSES

210 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


TRANSPLANTATIONS D’ORGANES

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
- Définir la transplantation d’organes.
- Définir les principes généraux qui conditionnent l’indication de la transplantation d’or-
ganes.
- Décrire les étapes de la préparation d’un candidat à la greffe.
- Définir les différents types de donneurs.
- Décrire les principes régissant un prélèvement d’organes à partir d’un donneur en état
de mort cérébrale.
- Décrire les principes régissant un prélèvement d’organes à partir d’un donneur vivant.
- Enumérer les conséquences immunologiques des transplants.

I. DEFINITIONS (OBJECTIF N° 1) : celui de l’organe natif (exemple : transplantation du foie,


du cœur).
On parle de transplantation ou de greffe quand ce site
Le terme de transplantation désigne l’implantation d’un est différent (exemple : transplantation du rein ou du
organe entier ou partiel provenant d’un autre organisme, pancréas).
avec rétablissement de connexions vasculaires et cana-
laires (voies urinaires, biliaires, digestives).
Le termegreffe désigne l’implantation d’un fragment de
tissu (greffe de peau, de moelle, etc…) et ne comporte Figure 1 : Foie en position
donc pas d’anastomose vasculaire. orthotopique
Dans la pratique, on parle volontiers de greffe de tissus
ou de greffe d’organes, et de transplantation ou de greffe
de cellules (cellules souches, cellules spécialisées, cel-
lules génétiquement modifiées…).

A. DÉFINITION EN FONCTION DE L’ESPÈCE


On utilise le terme :
- D’homotransplantation ou allotransplantation (ho-
mogreffes ou allogreffes) quand il s’agit d’organismes Figure 2 :
de la même espèce mais entre individus génétique- Rein (flèche)
ment non identiques. Elle représente le mode le plus en position
largement utilisé de par le monde. hétérotopique
- D’isotransplantation (isogreffe) quand il s’agit d’orga-
nismes de la même espèce entre individus génétique-
ment identiques. Elle est rare mais ne nécessite pas
d’immunosupression puisqu’il n’y a pas dans ce cas de
phénomène de rejet.
- Enfin d’hétérotransplantation ou la xénotransplanta-
tion (hétérogreffe ou xénogreffe) quand il s’agit d’or-
ganismes d’espèces différentes.Elle relève encore de
l’expérimentation et se heurte à de multiples obstacles
tels que la maîtrise du rejet, la prévention de la trans- C. DÉFINITION EN FONCTION DU NOMBRE
mission des zoonoses ou encore des obstacles d’ordre D’ORGANES TRANSPLANTÉS
éthique. Il arrive de plus en plus souvent qu’un malade est deux
ou plusieurs insuffisances d’organes. On peut envisager
B. DÉFINITION EN FONCTION DU SITE alors une transplantation combinée (cœur-poumons,
ANATOMIQUE D’IMPLANTATION rein-foie, rein-pancréas…). Dans certaines conditions
On parle de transplantation ou de greffe orthotopique, encore plus rares on peut réaliser une transplantation
quand le site anatomique d’implantation de l’organe du multi organes (plus de deux organes ou avec un organe
donneur dans l’organisme du receveur, est le même que combiné à tout ou partie du tube digestif).

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 211


D. AUTRE DÉFINITIONS remplacer. Il ne doit être ni trop bon (la transplantation
On utilise couramment les termes suivants : risque d’être inutile) ni trop mauvais (les résultats de la
Le receveur : est utilisé pour désigner l’organisme qui transplantation risquent d’être très mauvais).
recevra l’organe ou la greffe et donc le malade. L’indication doit également tenir compte du risque en-
Le donneur : est l’individu qui fait le don de tout ou par- couru par le greffon (infection, extension ou récidive
tie d’un organe, de plusieurs organes, de tissus ou de d’un cancer, rejet par manque de compliance du malade
cellules. à la prise en charge post opératoire). Les principales
Le greffon : désigne le tissu, les cellules ou l’organe à contre-indications actuellement retenues :
greffer. - Altération sévère d’une Grande Fonction (autre que
L’organe natif : désigne l’organe à remplacer (natif avec celle pour laquelle le malade doit être transplanté).
lequel est né cet individu). - Infection systémique non traitée ou non maîtrisée par
le traitement.
IV. ORGANISATION DE LA - Cancers évolutifs ou traités de façon palliative ou avec
TRANSPLANTATION D’ORGANE un recul insuffisant du traitement curatif.
- Des conditions favorisant le manque de compliance du
La transplantation d’organe est uneméthode thérapeu- malade (Ethylisme actif, Toxicomanie, Troubles neu-
tique complexe qui a pour but de substituer à un orga- ropsychiques…).
nisme malade la fonction d’un organe défaillant en pré-
levant sur l’organisme d’un deuxième individu un organe 3/ L’INDICATION DE LA GREFFE EST RETENUE...
sain dont il en fait DON. C’EST L’ATTENTE !
On distingueainsi, même s’ils ont pour finalité commune a/ Inscription sur la liste d’attente
le traitement du malade, deux processus médicaux dis- Lorsque l’indication de la greffe est retenue, le malade
tincts : est immédiatement inscrit sur une liste nationale d’at-
- le prélèvement d’organes qui prépare, réalise et prend tente de greffe. Il y a une liste nationale pour chaque
en charge le suivi du prélèvement du ou des greffons organe (rein, cœur, foie…). Cette liste est gérée par un
sur l’organisme du DONNEUR organisme national qui sécurise et attribue les greffons :
- la transplantation proprement dite qui prépare, ré- en Tunisie c’est le Centre National pour la Promotion de
alise et prend en charge le suivi de l’implantation du la Transplantation d’Organes (CNPTO).
greffon sur l’organisme du RECEVEUR Plus le délai d’attente est court meilleur sera le résultat
de la greffe. Pour la greffe rénale les meilleurs résultats
A. LA PRÉPARATION DU RECEVEUR s’observent chez les malades ayant eu une greffe rénale
préemptive c’est-à-dire avant le recours à une épuration
1/ INDICATION DE LA TRANSPLANTATION D’ORGANE extra rénale. Cette condition idéale n’est malheureuse-
La transplantation d’organe est un traitement lourdqui ment pas courante en raison d’un important déficit en
vise à suppléer la défaillance d’un organe dans les si- greffons par apport à un nombre de receveurs toujours
tuations où il n’existe aucune autre alternative médicale croissant.
d’efficacité comparable. b/ Prévenir et traiter les complications
L’indication la plus courante de la transplantation d’or- Au cours de cette phase d’attente, de nombreuses com-
gane est l’insuffisance d’organe chronique et termi- plications peuvent survenir, inhérentes à l’insuffisance de
nale. L’insuffisance est la défaillance de la fonction de la fonction de l’organe en question ou à la décompensa-
cet organe. Chroniquetraduit le caractère irréversible de tion d’une autre fonction, voire à une infection quiescente
l’insuffisance et Terminale indique la nécessitéd’un trai- et qui risque de se déclarer après la transplantation.
tement de suppléance. Dans l’insuffisance rénale chronique :
Certaines tumeurs hépatiques primitives et peu évoluées - Des complications cardio-vasculaires fréquentes par
dont la résection chirurgicale comporte un risque impor- accumulation de sel dans l’organisme et la sécrétion
tant d’insuffisance hépatique post opératoire peuvent exagérée d’hormones hypertensives.
également constituerune indication de transplantation. - Des troubles phospho-calciques entraînant un rachi-
Il existe plus rarement d’autres circonstances où l’évolu- tisme (enfant) ou une fragilité osseuse (adulte.
tion de la maladie se fait selon un mode suraigu (exemple - Une anémie par un déficit de sécrétion d’érythropoïé-
certains cas d’hépatite fulminante). tine
Pour chaque organe et chaque pathologie, l’indication - La dénutrition est fréquente, l’accumulation des dé-
d’une transplantation est retenue sur des critères précis chets ayant un effet anorexigène.
consensuels qui prennent en compte la gravité et l’évo- Dans l’insuffisance hépatique terminale
lutivité de l’insuffisance d’organe d’une part et le risque - Les complications secondaires à l’hypertension portale
encouru par le malade (fragilité du terrain, comorbidi- (hémorragie digestive par rupture de varices, ascite et
tés…) d’autre part. Il faudrait en définitive mettre en ba- infection d’ascite, syndrome hépato-rénal, encéphalo-
lance le pronostic de la maladie à court et moyen termes pathie, hypersplénisme…)
avec le risque inhérent à la procédure de transplantation. - Les complications secondaires à l’insuffisance hépa-
to-cellulaire (troubles de l’hémostase par défaut de
2/ LES CONTRE-INDICATIONS À LA synthèse, ictère, dénutrition, diabète…)
TRANSPLANTATION D’ORGANE - Le risque d’apparition d’un carcinome hépatocellulaire
L’indication doit tenir compte de l’état de l’organisme Toutes ces complications doivent être prévenues, rapide-
du receveur en dehors de l’insuffisance de l’organe à ment détectées et traitées lorsqu’elles surviennent.

212 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


c/ Instituer un traitement de suppléance Figure 5 : les étapes de la préparation du receveur
à l’insuffisance d’organe
Pour les malades insuffisants rénaux chroniques au
stade terminal, qui représentent la grande majorité
des candidats à une greffe, les méthodes d’épuration
extra rénale comme, l’hémodialyse ou la dialyse péri-
tonéale sont considérées comme un bon traitement de
suppléance. Mais elles restent, malgré les nombreuses
améliorations techniques, astreignantes, couteuses et
non dénuées de risque. La durée et la qualité de vie après
une transplantation rénale sont nettement meilleures.

Figure 3 : hémodialyse

Figure 6 : les statistiques tunisienes de l’insuffisance rénale


chronique terminale

Figure 4 : la dialyse péritonéale

B. IDENTIFICATION DES DONNEURS…


LES GREFFONS SONT PRECIEUX

Cette étape est tout aussi importante que la précédente


car sans organes (greffons) on ne peut pas transplanter.
L’identification des donneurs est un acte médical. Dans
tous les pays qui greffent, on observe une pénurie des
greffons par apport à un nombre croissant de candidats
à une greffe. Cette pénurie est encore plus importante en
Tunisie. D’où l’importance de cette étape :
Pour les autres organes, les méthodes de suppléance
sont encore au stade de l’expérimentation, très cou- 1/ ORIGINE DES DONNEURS
teuses et d’efficacité encore peu concluantes : le foie Les greffons peuvent provenir de deux types de donneurs
bio-artificiel, le cœur artificiel… pour ces malades, en différents :
absence de transplantation, la mort survient en l’espace a/ Les donneurs vivants
de quelques mois. Chez qui on ne prélève qu’une partie ou un organe entier
non indispensable à la vie. Le don se fait presque tou-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 213


jours en Tunisie à partir d’un donneur vivant apparenté cardiaques, mais un phénomène progressif et irréver-
au receveur. Il s’agit d’un sujet sain qui fait là un acte sible.La mort encéphalique (ou mort cérébrale), définie
de noblesse, d’altruisme des plus respectés.Ilest donc comme ladestruction du tronc cérébral associée à celle
indispensable de s’entourer de précautions médicales, des hémisphères du cerveau, implique, à très court
sociales et juridiques draconiennes pour minimiser au terme, la destruction de l’organisme entier. Elle traduit
maximum les conséquences d’un acte qui peut être l’arrêt complet de la circulation cérébrale et la destruc-
considéré comme une agression même si le donneur en tion irréversible de l’ensemble des fonctions cérébrales
tire un bénéfice psychologique certain en sauvant la vie chez un sujet à cœur encore battant.
d’un être proche.
- L’Evaluation médicale du donneur doit pouvoir: Sur le plan clinique
o Apprécier le risque opératoire et de l’anesthésie gé- Le patient en mort encéphalique est inconscient, sans
nérale réflexe du tronc cérébral et sans respiration spontanée.
o Prévoir le geste opératoire et l’évolution post-opéra- Il faut impérativement :
toire en réalisant une évaluation précise de l’anato- - éliminer toutes les circonstances qui peuvent être
mie et de la fonction de l’organe à prélever confondantes avec le diagnostic de mort encéphalique :
o Réaliser les tests de dépistage des maladies trans- les intoxications (anesthésiques et neurodépresseurs),
missibles en application de la réglementation en vi- l’hypothermie, l’hypotension majeure, les comas méta-
gueur boliques
o Déterminer le groupe sanguin et le groupe tissulaire - avoir une cause connue de l’atteinte cérébrale authen-
HLA, d’effectuer des tests de compatibilité (cross- tifiée à la tomodensitométrie ou à l’imagerie par réson-
match) nance magnétique de la région cérébrale.
- Les conditions légales requises en Tunisie : Le donneur
doit être (1) majeur, (2) capable de donner un consente- Chaque fois qu’un prélèvement multiorgane est envisagé
ment, (3) bien éclairé sur les risques encourus, (4) sans - Il faut s’assurer, comme pour le donneur vivant, que les
mettre sa vie en péril.Le donneur doit être informé par organes à prélever sont bien fonctionnels et qu’ils ne
écrit des conséquences éventuelles d’ordre physique véhiculeront pas d’infection systémique vers les éven-
et psychique, ainsi que des répercussions éventuelles tuels receveurs. La mort encéphalique a pour consé-
sur la vie personnelle, familiale et professionnelle.Le quence une suppression de la commande centrale
consentement du donneur est exprimé devant le pré- conduisant à un arrêt respiratoire, une hypotension
sident du tribunal de première instance. artérielle, une hypothermie et un diabète insipide. Des
- L’équipe soignante devra vérifier l’absence de pression mesures de réanimation sont donc nécessaires pour
ou de toute forme de transaction (financière, sociale, maintenir le plus longtemps possible les organes bien
familiale, professionnelle…). fonctionnels.
- La législation tunisienne nous oblige avant tout prélè-
b/ Les donneurs décédés vement, à confirmer la mort encéphaliquepar un élec-
Le prélèvement d’organes à partir d’un donneur décédé troencéphalogramme montrant un tracé plat ou par la
nécessite 2 conditionsessentielles : pratique d’une angiographie ou mieux actuellement
- la certitude du décès du donneur. d’un angioscanner cérébral sous une technique bien
- Un état encore fonctionnel des organes à prélever : codifiée montrant l’absence de circulation artérielle in-
c’est-à-dire maintenus avec une irrigation et une oxy- tracérébrale.
génation efficaces. - Il faut vérifier que le donneur ne s’est pas opposé de
Dans le monde, les circonstances du prélèvement sur un son vivant à un prélèvement d’organes en consultant
donneur décédé sont de trois types : (1)le prélèvement le registre du refus. En absence de refus enregistré sur
sur un donneur en état de mort encéphalique. (2) le pré- le registre et de la mention « donneur » sur la carte
lèvement sur un donneur décédé par arrêt circulatoire. d’identité nationale, on fera l’approche de la famille
(3) le prélèvement sur donneur à cœur arrêté suite à pour recueillir leur consentement.
l’arrêt programmé des traitements. En Tunisie, seul le - La coordination du prélèvement sur donneur en état de
premier type est aujourd’hui réalisable. mort encéphalique est gérée par le centre national pour
la promotion de la transplantation d’organes (CNPTO)
Le donneur en état de mort encéphalique qui a la lourde tâche de vérifier que le prélèvement se
La notion de mort encéphalique : déroule dans le respect de la législation en vigueur. Le
La vision ancestrale de la mort était la cessation des ac- CNPTO est le garant de la qualité et de la sécurité des
tivités cardiorespiratoires. Or, les progrès de la réanima- organes à prélever ainsi que de leur attribution.
tion (massage cardiaque, ventilation artificielle, assis-
tance circulatoire…) ont permis de ressusciter un certain Le donneur décédé à cœur arrêté
nombre de ces « arrêts cardiorespiratoires ». Quelques Aucun prélèvement à cœur arrêté n’a encore été réalisé
malades parmi ceux qui ont repris une activité cardiaque en Tunisie.Deuxcirconstancessont plus souvent obser-
spontanée, demeuraient dans un coma aréflectique- vées dans le monde.
qu’on qualifiait, il n’y a pas longtemps,de « coma dépas- - Dans la première circonstance l’arrêt cardiaque en-
sé »sans aucun espoir de récupération. Ce coma ne du- trainant l’arrêt de la circulation sanguine survient de
rait pas longtemps (quelques heures à quelques jours). façon inopinée, le plus souvent à domicile ou sur la
La mort n’est plus considérée comme un phénomène voie publique. Si les tentatives de réanimation s’avèrent
instantané, global, consécutif à l’arrêt des battements inefficaces, le décès clinique est confirmé après la

214 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


constatation d’un arrêt cardiaque irréversible, enregis- Figure 7 : irrigation des solutions de conservation des
tré pendant 5 minutes après l’arrêt des manœuvres de organes au cours d’un prélèvement multo organe sur
réanimation. Si aucune activité circulatoire ne survient donneur décédé
dans ce laps de temps, le procès-verbal de constat de
la mort est signé par le médecin, et si un prélèvement
d’organes est envisagé les manœuvres de réanimation
sont reprises pour maintenir l’irrigation et l’oxygéna-
tion des organes et les démarches réglementaires sont
réalisées comme dans le cas du donneur en mort en-
céphalique.
- Dans la deuxième circonstance,l’arrêt circulatoire sur-
vient chez des personnes en fin de viepour lesquels une
décision de limitation ou d’un arrêt des thérapeutiques
a été prise en accord avec la volonté du malade et de
ses proches. Cette attitude n’est pas encore acceptée
par la réglementation tunisienne.

2/ LE PROFIL DES DONNEURS


La pénurie actuelle des greffons par apport à un nombre
croissant de candidat à une greffe, fait qu’aucune per-
sonne n’est écartée d’emblée du prélèvement pour des
questions d’âge ou d’état de santé. En effet, lorsqu’un
prélèvement est envisagé, ce qui est d’abord pris en
compte c’est l’état de chaque organe, évalué au cas par
cas par l’équipe médicale pour s’assurer de la qualité de
la greffe qui sera réalisée. Quelque soit le prélèvement on commence par le contrôle
Si certaines maladies ou certains traitements médicaux des pédicules vasculaires puis par leur clampage : c’est
peuvent constituer un frein au prélèvement, ce dernier le début de l’ischémie. Le prélèvement sur donneur dé-
pourra néanmoins être envisagé si l’on identifie un ma- cédé est habituellement un prélèvement multi organes
lade à qui la greffe de l’organe apportera plus de béné- où plusieurs équipes travaillent ensemble selon un pro-
fices que de risques. tocole opératoire bien codifié. Les gros vaisseaux sont
Par exemple, un organe atteint d’une hépatite peut être d’abord canulés puis on débute le lavage et le refroidis-
greffé à un patient qui a déjà fait face à cette maladie par sement des organes en les irrigant par une solution de
le passé, ou encore à un patient qu’il faut greffer en ex- conservation spécifique à 4°C. Les organes sont par la
trême urgence car sa vie en dépend. L’hépatite est alors suite explantés selon le même protocole et placés stéri-
traitée si besoin après la greffe. Dans tous les cas, le pa- lement dans des récipients contenant la même solution
tient est informé des enjeux et il doit donner son auto- de conservation, maintenue à 4°C. Chez le donneur vi-
risation en toutes connaissances de cause avant d’être vant l’irrigation de l’organe par la solution de conserva-
greffé. tion se fait une fois le greffon « explanté » donc en dehors
du corps du donneur.
3/ DÉROULEMENT DU PRÉLÈVEMENT
a/ Que peut-on prélever chez un donneur ? c/ Les délais de la transplantation
Après avoir respecté les procédures réglementaires la Ils sont variables selon les organeset la solution de
législation tunisienne autorise le prélèvement de tous conservation utilisée, mais d’une façon générale il est
les organes, tissus et cellules à l’exception de ceux qui toujours préférable de transplanter les organes le plus
mettent immédiatement la vie du donneur en jeu et des rapidement possible. Le délai ou temps d’ischémie froi-
organes de reproduction porteurs de gènes de l’hérédité. delimite est :
Les plus couramment prélevés pour le donneur cada- - Pour le reinde 48 heures
vérique sont les reins, le foie, le cœur, les poumons, le - Pour le foie de 15 heures
pancréas, l’intestin, les cornées, la peau, les vaisseaux, - Pour le cœur de 4 à 6 heures
les os… En Tunisie on prélève essentiellement les reins,
le foie, le cœur, les poumons, les cornées, les têtes fé- C. L’ATTRIBUTION DES ORGANES
morales, la membrane amniotique.
Cette étape concerne uniquement le donneur décédé
b/ Les principes du prélèvement puisque pour le donneur vivant le receveur est connu.
Il existe des impératifs à tous ces prélèvements : Toute cette étape est gérée par le CNPTO. Celui-ci pré-
- Il s’agit d’une intervention chirurgicale des plus rigou- vient les équipes de transplantation avant le prélèvement.
reuses qui doit se dérouler dans des conditions d’asep- Il leur fournira les informations nécessaires concernant
sie drastique. le donneur : âge, poids, taille, groupe sanguin ainsi que
- Pour les donneurs vivants, tout doit être fait pour évi- les autres paramètres cliniques et biologiques du don-
ter toute complication. Pour les donneurs décédés, la neur. Ces informations sont introduites dans le logiciel
famille doit récupérer un corps entier avec une restau- de gestion de la liste d’attente nationale pour chaque
ration tégumentaire décente et soignée. organe. Selon l’âge du receveur, sa date d’inscription

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 215


sur la liste d’attente, la compatibilité du receveur au L’objectif du traitement vise essentiellement à prévenir
donneur (poids, groupe sanguin, groupe HLA), l’urgence la survenue d’un épisode de rejet irréversible sans en-
de l’état du receveur… une liste nominative de receveurs traîner des complications irrémédiables liées à un excès
prioritaires est affichée par le logiciel pour l’attribu- d’immunosuppression.
tion de l’organe. Le CNPTO prévient l’équipe soignante e/ Les complications des immunosuppresseurs
qu’un organe est disponible pour le receveursélection- Les infections virales (CMV, Epstein Barr), bactériennes
né. Le CNPTO procédera toujours par le premier classé: (infections à germes opportunistes) et fongiques (can-
il ne passera au second que lorsqu’il existe uneentrave didoses, aspergilloses) qui sont surtout fréquentes à la
majeure (décès, complications qui contre-indiquent la phase initiale lorsque l’immunosuppression est mainte-
greffe, cross-match positif…) à la transplantation chez le nue à des taux élevés.
premier. Les cancers viraux-induits, particulièrement chez les
enfants, entraînant des lymphoproliférations.
D. LES RÉSULTATS DE LA GREFFE L’hypertension artérielle et les complications métabo-
liques (diabète, dyslipidémie, obésité…) sont aggravées
1/ IMMUNOLOGIE DE LA GREFFE ET REJET par le traitement immunosuppresseur. Elles peuvent
La transplantation allogénique est avant tout caractérisée même conduire à une insuffisance rénale.
par une réponse immunitaire contre l’organe, qui conduit
au rejet. L’intensité du rejet de greffe est sous la dépen- 2/ LES AUTRES COMPLICATIONS DE LA GREFFE
dance de gènes régulateurs. Selon le mécanisme et la a/ Les complications précoces
chronologie du rejet, on distingue trois types de rejet. Le non fonctionnement primaire
a/ Le rejet hyperaigu : Il se voit surtout après transplantation hépatique. La mau-
Il survient immédiatement après la transplantation. Il vaise conservation du greffon en représente la cause prin-
s’observe chez les sujets possédant déjà des anticorps cipale : une ischémie froide prolongée ou d’une ischémie
anti-donneur (Ac anti ABO ou anti CMH) et entraîne une chaude avant la vascularisation du greffon.
nécrose hémorragique très rapide du transplant. Les complications chirurgicales
b/ Le rejet aigu : Les infections du site opératoire (abcès, fistules, héma-
Il apparaît après quelques jours, il est lié à des phéno- tomes ou lymphocèles infectés).
mènes d’immunité cellulaire et il est sensible aux traite- Les complications vasculaires : thromboses et les sté-
ments immunosuppresseurs. noses peuvent conduire à la perte du greffon
c/ Le rejet chronique : b/ Les complications tardives
Il apparaît au cours des mois ou des années qui suivent Elles sont dominées en dehors du rejet chronique, par la
la transplantation. Il se caractérise par l’épaississement RECIDIVE DE LA MALADIE INITIALE. Classique pour des
fibreux de l’intima des vaisseaux et une souffrance chro- maladies mettant en cause une origine virales elle voit son
nique de l’organe transplanté. Son mécanisme est mal incidence augmentée même pour les autres étiologies
connu. Il est peu sensible au traitement immunosup- (auto-immunes voir héréditaires) à mesure de la longévité
presseur. des greffons.
d/ Le traitement immunosuppresseur
Il vise à prévenir essentiellement le rejet aigu, cellulaire. 3/ LA SURVIE DES PATIENTS ET DES GREFFONS
Ils agissent en : D’énormes progrès ont été faits en matière de longueur et
- Inhibant la migration et/ou l’activation des cellules de qualité de la survie. La conséquence immédiate est une
dendritiques. explosion des indications à la greffe, entraînant une mul-
- Détruisant les lymphocytes T. tiplication exponentielle du nombre des candidats pour
- Empêchant l’activation et la prolifération des lympho- une offre en greffons qui croît lentement voire pas du tout
cytes par inhibition d’un ou plusieurs des 4 signaux comme c’est actuellement le cas de notre pays.
d’activation.
- Bloquant l’infiltration du greffon. V. CONCLUSION :
Les molécules actuellement les plus utilisées sont les
inhibiteurs calciques (cyclosporine A ou Néoral® et le La transplantation d’organe constitue un progrès médi-
tacrolimus ou FK 506 ou Prograf®) qui bloquent l’acti- cal majeur et indiscutable. C’est une thérapeutique vitale
vation et la prolifération des lymphocytes. Ils sont le plus mais également très coûteuse et parfois peu accessible.
souvent associées au mycophénolate mofetyl (MMF® ou Elle constitue aujourd’hui le seul recours thérapeutique
Cellcept®), un inhibiteur des bases puriques plus ra- pour un grand nombre de maladies d’organe au stade
rement la rapamycine (Sirolimus®), des anticorps mo- terminal. La connaissance de ces indications et de ces
noclonaux (Zenapax®, Simulect®). D’autres molécules contre-indications est indispensable pour tout médecin.
plus anciennes azathioprine (Imurel®) ou les corticoïdes
sont encore utilisése dans des conditions spécifiques.

216 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


ANNEXES

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 217


218 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2
TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 (Objectif n° 1) : Définir la transplantation d’organes.

Test n° 2 (Objectif n° 3) : Quels sont les critères d’une mort cérébrale ?

Test n° 3 (Objectif n° 4) : Quels sont les éléments de surveillance d’un patient en mort cérébrale en vue d’un prélève-
ment d’organes ?

Test n° 4 (Objectif n° 6) : Citer le mécanisme du rejet aigu d’une greffe.

Test n° 5 (Objectif n° 7) : Quelles sont les indications et les contre-indications d’une transplantation de foie ?

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 219


MALADIE DIVERTICULAIRE DU COLON

Prérequis
• Anatomie du colon et ses rapports
• Microbiologie intestinale
• Sepsis
• Infection collectée et son traitement

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir la diverticulose colique
2. Indiquer les complications de la diverticulose colique
3. Décrire la sigmoïdite diverticulaire dans sa forme clinique habituelle
4. Citez les examens complémentaires utiles au diagnostic de sigmoïdite diverticulaire.
5. Énumérer les modalités évolutives d’une sigmoïdite
6. Énoncer le principe du traitement de la sigmoïdite diverticulaire et ses complications.

INTRODUCTION 1. DEFINITIONS :

La diverticulose colique est la maladie organique la 1.1. LE DIVERTICULE COLIQUE :


plus fréquente du côlon. Elle est rare en Tunisie. Ex- Le diverticule colique est une hernie de la muqueuse co-
ceptionnelle avant 30 ans, la fréquence de cette mala- lique à travers la musculeuse, repoussant la séreuse. Il
die augmente avec l’âge. En occident, elle est observée résulte de l’hyperpression intraluminale, favorisée par le
chez plus de 50 % des individus de plus de 70 ans. Le faible volume du contenu colique. Alors que le diverticule
plus souvent la diverticulose colique est asymptoma- de type I refoule l’ensemble de la paroi colique, le diver-
tique et découverte à l’occasion de l’exploration du ticule de type  II, le plus fréquent, constitue une hernie
côlon, en général pour rechercher une tumeur ou pour muqueuse au travers de la musculeuse. C’est au niveau
des symptômes évocateurs de troubles fonctionnels des bandelettes (taeniae coli) de la couche musculaire
intestinaux. longitudinale là où les vaisseaux droits traversent la pa-
Les complications de la diverticulose colique sont roi colique, qu’il existe un point de faiblesse à l’origine de
fréquentes, parfois graves pouvant mettre en jeu le la formation du diverticule (fig 1).
pronostique vitale du malade le plus souvent age. Le
traitement de la maladie diverticulaire du colon et ses 1.2. LA DIVERTICULOSE COLIQUE :
complications est médico-chirurgicale. La diverticulose colique est caractérisée par la présence
de diverticules multiples. Elle prédomine au niveau du
côlon sigmoïde (95 % des cas), mais peut atteindre tous

Fig 1. Aspect à la coupe d’un diverticule colique

220 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


les segments du côlon. Elle n’est responsable d’aucun 2. PHYSIOPATHOLOGIE
symptôme lorsqu’elle n’est pas compliquée (fig 2).
La formation des diverticules serait la conséquence de
l’association de troubles de la motricité colique à des
anomalies des parois musculaires du côlon. L’apparition
de contractions excessives, liée au faible volume d’une
selle souvent déshydratée, entraînerait la création de
zones d’hyperpression localisée et une hypersegmen-
tation colique. Les forces de pression ainsi développées
sont maximales au niveau du sigmoïde où le diamètre
colique est le plus petit. Ces importantes forces de pul-
sion favorisent la formation d’une hernie muqueuse aux
points de faiblesse de la paroi, habituellement au niveau
des points de pénétration des vaisseaux.
Ce mécanisme est essentiellement favorisé par un régime
pauvre en fibres. Ceci explique que la diverticulose est
beaucoup plus fréquente dans les pays occidentaux que
dans les contrées rurales d’Asie et d’Afrique. L’appauvris-
sement du régime alimentaire en fibres est responsable
d’une moindre rétention d’eau par la selle, et, par voie de
conséquence, d’une diminution de volume du bol fécal, lui
fig. 2 : Diverticulose colique même à l’origine de modifications de la motricité colique.
À ces anomalies de la motricité colique, s’ajoute une al-
tération progressive du tissu collagène et élastique de
la paroi intestinale, essentiellement favorisée par l’âge.
Celle-ci contribue à une moindre résistance de la paroi
colique à la distension, facilitant ainsi la constitution des
diverticules.

3. ÉTUDE CLINIQUE

3.1. DIAGNOSTIC POSITIF


A. LA DIVERTICULITE SIGMOÏDIENNE DANS SA FORME
HABITUELLE :
La diverticulose colique non compliquée est en règle
générale asymptomatique. Certains sujets peuvent ce-
pendant se plaindre de douleurs ou d’une sensibilité ab-
dominale, de ballonnements ou encore de troubles du
transit (préférentiellement une constipation). Ces symp-
tômes seront le plus souvent rattachés à des troubles
fig. 3 : Sigmoïdite diverticulaire fonctionnels intestinaux qu’à une conséquence directe
de la diverticulose.
1.3. DIVERTICULITE ET SIGMOÏDITE a. 1. l’examen physique
DIVERTICULAIRE : Dans ce cas de figure, l’examen est le plus souvent nor-
La diverticulite est la principale complication de la diver- mal, même si l’on peut palper, chez certains patients, un
ticulose colique. cordon sensible dans la fosse iliaque gauche, correspon-
On appelle diverticulite : l’inflammation d’un diverticule dant au sigmoïde.
due à son infection. Cette infection, débutant dans un di- En revanche, la diverticulite sigmoïdienne s’exprime ha-
verticule et sa paroi, diffuse dans la graisse des mésos bituellement par l’association :
du colon et peut former un abcès peri-colique. -de douleurs de la fosse iliaque gauche,
Le point de départ de la diverticulite est le plus souvent -de troubles du transit à type de constipation voire su-
la conséquence de l’encombrement d’un diverticule par bocclusion plutôt que diarrhée,
des matières fécales desséchées et dures, formant un -de la fièvre (38,5-39 °C), voire des frissons,
véritable calcul stercoral appelé stercolithe. Celui-ci peut -d’une défense de la fosse iliaque gauche, dont l’intensité
éroder la muqueuse et/ou favoriser l’apparition d’une in- dépend de la gravité ou de l’extension de la diverticulite,
fection à partir des germes intestinaux prisonniers dans Des signes urinaires (pollakiurie, brûlures mictionnelles)
le diverticule. sont parfois associés aux symptômes digestifs.
La sigmoïdite diverticulaire est toujours une périsigmoï- Dans cette situation clinique, la palpation abdominale
dite. Elle résulte de la diffusion de l’infection ou de l’ab- met en évidence une douleur, et parfois une défense
cédation qui se forme autour de la diverticulite (fig. 3). de la fosse iliaque gauche ; rarement une masse ou un
On désigne ainsi sous le nom de maladie diverticulaire, empâtement. Le toucher rectal, habituellement normal,
la diverticulose et ses complications. peut être douloureux dans les localisations pelviennes.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 221


a.2. les examens complémentaires (fig.5). En outre, cet examen permet de rechercher des
les examens complémentaires les plus utiles au dia- signes de gravité ou de complications (gaz ou produit de
gnostic, sont radiologiques. Si la numération formule contraste extraluminal, abcès, etc.… )
sanguine montre une hyperleucocytose à polynucléaires
neutrophiles, associée à une accélération de la vitesse a.2.4. Recto-sigmoïdoscopie
de sédimentation et une élévation du taux de protéine L’endoscopie est d’un intérêt limité en phase aiguë. Le
C-réactive, ce sont l’entéro- scanner qui est l’examen plus souvent, elle permet certes d’affirmer la diverticu-
de choix et le lavement aux hydrosolubles (de moins en lose sigmoïdienne, mais il est rare d’observer au cours
moins réalisé) au moment de la poussée, qui permet- de l’examen endoscopique un écoulement de pus par un
tront de confirmer le diagnostic. orifice diverticulaire, seul signe pathognomonique de la
diverticulite. Elle reprend tout son intérêt à distance pour
a.2.1. ASP éliminer un cancer colique.
Les clichés de l’abdomen sans préparation, même s’il
est habituel de les faire de première intention, en parti- B. LES AUTRES COMPLICATIONS DE LA
culier devant un tableau clinique sévère, à la recherche DIVERTICULOSE SIGMOÏDIENNE :
de niveaux hydroaériques, ou, dans les formes les plus À côté de la diverticulite, les autres complications de
graves, d’un pneumopéritoine signant une perforation la diverticulose sigmoïdienne (abcès péridiverticulaire,
colique, n’apportent que peu d’informations. perforation avec péritonite, fistules, hémorragie ou oc-
clusion intestinale) sont rares, mais doivent être recon-
a.2.2.lavement aux hydrosolubles nues rapidement afin de mettre en œuvre les mesures
Le lavement opaque à faible pression, utilisant un pro- thérapeutiques appropriées.
duit hydrosoluble peut montrer d’une part la présence
de diverticules, et d’autre part, une atteinte du sigmoïde b.1. L’abcès péridiverticulaire :
dont la muqueuse apparaît irrégulière, dite en spicules, La perforation d’un diverticule infecté aboutit à la forma-
œdémateuse, voire un rétrécissement de la lumière co- tion d’un abcès péridiverticulaire. Dans cette situation, le
lique (fig4). On lui préfère l’entéro-scanner. patient se plaint le plus souvent de douleurs pulsatiles de
la fosse iliaque gauche associées à une fièvre à 39-40 °C
et fréquemment des frissons. La palpation abdominale
peut révéler une masse douloureuse de la fosse iliaque
gauche qui est parfois également perceptible au toucher
rectal. Le meilleur examen pour confirmer le diagnostic
est alors la tomodensitométrie abdominale qui montre
une collection liquidienne péricolique contenant parfois
une image gazeuse (fig.6).

Fig.4 : Lavement baryte

a.2.3. l’entéro-scanner
La tomodensitométrie abdominale avec opacification di-
gestive basse est l’examen le plus utile pour confirmer
le diagnostic clinique. Cet examen montre un épaissis-
sement localisé de la paroi colique, touchant l’ensemble
des couches pariétales, une augmentation de la densi-
té de la graisse péricolique, ainsi que le(s) diverticule(s)

Fig.6 : Abcès peri-diverticulaire

b.2. Péritonite diverticulaire :


Il s’agit d’une complication rare, mais redoutable. Elle
peut être due à trois mécanismes : la perforation du di-
verticule, l’ouverture dans la cavité péritonéale d’un ab-
cès périsigmoïdien, ou enfin, la diffusion de l’infection à
partir d’une diverticulite.
La péritonite d’origine diverticulaire est classée en
quatre stades de gravite croissante. (fig.7).
La symptomathologie clinique est alors plus bruyante,
associant une douleur habituellement brutale et violente,
Fig.5 : Aspect scanographique de la sigmoïdite diverticulaire
continue, de localisation hypogastrique ou sous-ombili-

222 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


cale, ou s’étendant à tout l’abdomen, à des signes d’oc- en période hémorragique (débit = 0,5  ml/minute), elle
clusion (vomissements, arrêt du transit), une fièvre avec permet de localiser le site de l’hémorragie chez environ
des frissons, ainsi que des signes généraux (tachycardie, 60 à 80 % de patients.
instabilité tensionnelle, etc. pouvant aller jusqu’au choc L’hémorragie d’origine diverticulaire cesse spontanément
septique). dans 80 % des cas, et un geste chirurgical d’hémostase
À l’examen physique : il existe au début une défense plus n’est nécessaire que dans moins de 10 % des cas.
marquée dans la fosse iliaque gauche puis une contrac- Le risque de récidive est fonction de l’importance du
ture généralisée. premier saignement (s’il a nécessité la transfusion d’au
L’abdomen sans préparation montre un pneumopéri- moins trois culots globulaires, ce risque est de 60 %), et
toine, éventuellement associé à des niveaux hydroaé- du nombre total de récidives hémorragiques. Celui de la
riques signant l’iléus réactionnel. première récidive est globalement évalué à 25  %, celui
d’une deuxième récidive, à 50 %.
Fig.7 : Classification de Hinchey
Stade I Phlegmon ou abcès péricolique b. 5. Occlusion intestinale :
L’occlusion peut survenir dans la phase aiguë d’une di-
Stade II Abcès pelvien, abdominal ou verticulite sigmoïdienne. Elle est alors soit d’origine
retropéritonéal (péritonite localisée) fonctionnelle (iléus réflexe), soit mécanique, liée à la
Stade III Péritonite généralisée purulente compression par la masse inflammatoire d’un segment
Stades IV Péritonite stercorale grêle ou colique voisin. En dehors des poussées, l’occlu-
sion colique peut résulter de la formation d’une sténose
b. 3. Fistules : inflammatoire du côlon qui est le résultat d’une longue
Une fistule peut se développer entre le côlon inflam- évolution, habituellement émaillée de plusieurs pous-
matoire (avec ou sans abcès) et un organe de voisinage sées de diverticulite. Dans ces deux cas, le tableau cli-
[digestif (côlon, intestin grêle ou rectum), gynécologique nique est celui d’une occlusion intestinale basse associé
(vagin ou utérus), ou urinaire (vessie)], voire exception- ou non à des signes de diverticulite.
nellement vers la paroi abdominale (fistule colo-cutanée)
(fig3). La fistule colo-vésicale est la plus fréquente (plus
de 65 % des cas de fistule). Elle se manifeste à des degrés 4. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL :
divers par une pneumaturie, une fécalurie ou une pyurie,
parfois simplement par des infections urinaires à répé- La question du diagnostic différentiel se pose essentiel-
tition survenants après un épisode initial, apparemment lement dans deux circonstances cliniques : celle de l’oc-
banal, de diverticulite. L’examen cytobactériologique des clusion colique, et celle de l’hémorragie digestive basse.
urines montre la présence de plusieurs germes fécaux, Dans le premier cas, il faut toujours craindre (et donc
l’abdomen sans préparation montre un niveau hydroaé- éliminer) l’existence d’un cancer colique. Typiquement,
rique dans la vessie. aux examens radiologiques, la sténose de la sigmoïdite
est centrée, progressive, à bord réguliers, s’opposant à
b. 4. Hémorragie : la sténose excentrée et à bords irréguliers (appelée en
La diverticulose colique est la cause la plus fréquente « trognon de pomme ») de la sténose cancéreuse. Cer-
d’hémorragie digestive basse. Celle-ci survient chez en- tains cas sont parfois difficiles à résoudre par la seule
viron 10 % des malades ayant une diverticulose colique. radiologie. C’est ici que la coloscopie trouve sa place en
Elle est alors le plus souvent inaugurale (80 % des cas), permettant souvent d’exclure une sténose colique intra-
révélant la maladie diverticulaire. Souvent peu abon- luminale (un cancer colique), hypothèse confirmée par
dante, elle peut parfois être grave, associée à des signes la négativité des biopsies. Dans certaines circonstances
d’instabilité hémodynamique, en particulier chez la per- néanmoins (en particulier lorsque la sténose est infran-
sonne âgée. Généralement, elle ne vient pas compliquer chissable), il n’est pas possible d’infirmer définitivement
une poussée de diverticulite. le diagnostic de cancer colique. Le diagnostic final ne
C’est une hémorragie d’origine artériolaire compliquant peut alors être assuré que par l’examen anatomopatho-
l’érosion d’une artériole suite à l’agression mécanique logique de la pièce opératoire.
par un stercolithe, le plus souvent au niveau du dôme En cas d’hémorragie, il est absolument nécessaire d’éli-
ou du collet du diverticule. L’hémorragie diverticulaire miner les autres grandes causes d’hémorragie digestive
semble influencée par la prise d’AINS et/ou d’anticoa- par voie basse : polype ou cancer colique, angiodysplasie
gulants. cæcale ou grêle, plus rarement, hémorragie d’origine
Prouver l’origine diverticulaire d’une hémorragie diges- hémorroïdaire.
tive basse est parfois difficile. Il convient en premier lieu
d’éliminer une origine haute (en particulier un ulcère bul-
baire), en pratiquant une fibroscopie oeso-gastro-duodé- 5. ÉVOLUTION DE LA DIVERTICULITE
nale. Si celle-ci est normale, une recto-sigmoïdoscopie SIGMOIDIENNE :
est rapidement réalisée, en particulier pour rechercher
une autre cause d’hémorragie digestive basse. Elle est La poussée de sigmoïdite peut évoluer vers la régres-
complétée dans un second temps (lorsque l’hémorragie sion, exposant à de nouvelles poussées, ou vers la for-
est tarie et le côlon préparé) par une coloscopie totale. Si mation d’un abcès périsigmoïdien cloisonné donnant un
l’hémorragie est sévère, l’artériographie mésentérique empâtement douloureux de la fosse iliaque gauche. Elle
supérieure et inférieure est l’examen de choix. Pratiqué peut aussi entraîner une péritonite stercorale ou puru-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 223


lente si les défenses de l’organisme ne suffisent pas à fragilis surtout) parfois des streptocoques (Streptococ-
circonscrire le phénomène inflammatoire et surtout in- cus fæcalis notamment).
fectieux, une fistule dans les organes de voisinage, en
particulier la vessie, ou encore une subocclusion par A. LE TABLEAU CLINIQUE :
sténose du sigmoïde due à la rétraction et surtout à la Il est brutal : la douleur s’installe rapidement au niveau
scléro-lipomatose hypertrophique de la paroi colique qui de l’hypogastre ou sous l’ombilic. Les nausées, les vo-
s’installe au fur et à mesure des épisodes successifs de missements et l’arrêt du transit complètent le tableau
diverticulite. typique. À l’examen physique, la contracture est de règle,
parfois remplacée par une défense généralisée ou lo-
calisée au niveau sous-ombilical. Les touchers pelviens
6. FORMES CLINIQUES : déclenchent une douleur vive du cul-de-sac de Douglas.
Parfois le tableau est très grave avec un choc septique.
6. 1. SIGMOÏDITE DIVERTICULAIRE
COMPLIQUÉE D’ABCÈS : B. LA BIOLOGIE :
L’abcès est habituellement la conséquence de la perfo- Il existe une hyperleucocytose à polynucléaires neutro-
ration d’un diverticule plutôt que de la diffusion d’une philes.
infection à partir d’une diverticulite avec périsigmoïdite.
Sa localisation peut être péricolique, mésentérique ou C . LE CLICHÉ D’ABDOMEN SANS PRÉPARATION
abdomino-pelvienne. Il peut mettre en évidence un pneumopéritoine
(évoquant une origine sigmoïdienne lorsqu’il est abon-
A. CLINIQUEMENT : dant et siège sous les 2 coupoles) et des anses intes-
La fièvre est constante et la palpation abdominale trouve tinales distendues, en raison de l’iléus réactionnel à la
dans la moitié des cas une masse du flanc gauche. péritonite.

B. BIOLOGIQUEMENT : D . LA TOMODENSITOMÉTRIE ABDOMINALE :


Le syndrome inflammatoire est franc. Si elle est réalisée, elle montre un côlon épaissi et diver-
L’absence de signes cliniques et biologiques spécifiques ticulaire, un épanchement abdominal et un pneumopé-
rend le diagnostic difficile. C’est la persistance de la ritoine.
symptomatologie sous un traitement bien conduit qui
amènera à évoquer un abcès plus qu’une poussée de di- E. LE TRAITEMENT :
verticulite. Il débute par les mesures de réanimation et la mise en
route d’une antibiothérapie de façon à amener le pa-
C. LA TOMODENSITOMÉTRIE ABDOMINALE : tient dans les meilleures conditions au bloc opératoire.
C’est l’examen le plus performant : elle met en évidence On réalise ensuite une exérèse colique avec fermeture
un épaississement pseudotumoral de la paroi colique, du moignon rectal et extériorisation du côlon d’amont
une inflammation péricolique avec épaississement et en colostomie terminale (opération de Hartmann) a cote
hétérogénéité de la graisse, et une collection liquidienne d’un lavage péritonéal. La continuité est rétablie dans un
péricolique contenant ou non du gaz. L’injection du pro- second temps, souvent 4 mois après l’épisode initial.
duit de contraste se traduit par un rehaussement de den-
sité des parois de l’abcès (fig 6). 6.3. LA FISTULE COLOVÉSICALE
ET COLOVAGINALE D’ORIGINE
D. LA PRISE EN CHARGE : DIVERTICULAIRE :
Elle comprend dans un premier temps un traitement Les fistules succèdent à des épisodes de diverticulites
médical associant une antibiothérapie intraveineuse et subaiguës non traitées et récidivantes. La fistule interne
un drainage radiologique de l’abcès sous contrôle scan- se développe lorsque les organes de voisinage viennent
nographique. Dans un second temps soit 2 à 3 mois s’accoler au côlon dans la zone atteinte par l’inflamma-
après sera réalisée une résection sigmoïdienne avec ré- tion.
tablissement de la continuité en un temps. La plus fréquente est la fistule colovésicale, elle peut
Un drainage percutané inefficace peut nécessiter la ré- se manifester par une pneumaturie, une fécalurie, des
alisation d’une intervention de Hartmann (résection sig- infections urinaires à répétition. Le diagnostic est fait
moïdienne, colostomie du bout proximal et fermeture du par la tomodensitométrie abdomino-pelvienne, surtout
moignon rectal). lorsqu’elle objective la présence de gaz dans la vessie ou
lorsqu’elle matérialise le trajet fistuleux lors de l’opacifi-
6. 2. LA PÉRITONITE D’ORIGINE cation du côlon (fig5).
DIVERTICULAIRE : La fistule colovaginale est favorisée par une hystérecto-
Les péritonites d’origine diverticulaire sont des com- mie préalable. Elle se manifeste par des pertes vaginales
plications très graves, mais rares, elles sont dues soit malodorantes voire fécaloïdes. Beaucoup plus rarement,
à la rupture directe d’un diverticule, réalisant alors une il existe des fistules colo-coliques, colo-cutanées, colo-
péritonite pyostercorale, soit à l’ouverture dans la cavité entérales, colo-utérines.
abdominale d’un abcès périsigmoïdien, soit à la diffusion Le traitement est chirurgical, de préférence réalisé à
d’une diverticulite aiguë. L’inoculation bactérienne est froid, lorsque la fistule est devenue chronique sans infec-
polymicrobienne, associant des entérobactéries (Esche- tion évolutive. Il consiste en une résection sigmoïdienne
richia Coli le plus souvent), des anaérobies (Bacteroïdes avec fermeture de la fistule.

224 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


6.4. L’HÉMORRAGIE COLIQUE D’ORIGINE 7. PRINCIPES DE TRAITEMENT
DIVERTICULAIRE : DE LA SIGMOIDITE DIVERTICULAIRE :
L’hémorragie complique classiquement 10 à 30  % des
diverticuloses. Elle est due à l’action mécanique d’un Le traitement de la sigmoïdite diverticulaire est d’abord
coprolithe (bouchon de selles durci) qui érode la mince médical, et sera assuré au mieux en milieu hospitalier.
paroi du sac diverticulaire et l’artériole sous-jacente. Il associe une diète (arrêt de l’alimentation orale, mise
Parfois, on trouve une cause favorisante telle que la prise en place d’une perfusion intraveineuse), à des mesures
d’AINS ou d’aspirine. antalgiques (glace sur le ventre, sonde gastrique en as-
piration douce en cas de syndrome subocclusif ou occlu-
A. CLINIQUEMENT : sif associé, antispasmodiques musculotropes), et à une
Le saignement survient brutalement et est souvent abon- antibiothérapie par voie systémique, active sur les ba-
dant, fait de sang rouge avec des caillots entremêlés de cilles à Gram négatif et les germes anaérobies. Il s’agit le
sang noir ou brunâtre. Le patient souvent âgé doit être plus souvent de l’association d’une pénicilline A ou d’une
hospitalisé en unité de soins intensifs pour apprécier et céphalosporine de 3e génération à du métronidazole.
surveiller la tolérance hémodynamique. Dans les formes plus sévères sur le plan infectieux, une
la volémie est restaurée par des transfusions. triple antibiothérapie ajoutant un aminoside (si la fonc-
tion rénale le permet) est parfois nécessaire durant les
B. LA CONDUITE À TENIR : premiers jours. Enfin, si des hémocultures sont posi-
Elle dépend de l’évolution et plusieurs cas peuvent se tives, l’antibiothérapie sera bien entendue adaptée aux
présenter : données de l’antibiogramme.
• Le saignement s’est tari spontanément (80 % des cas) : La surveillance est médico-chirurgicale, clinique (me-
on réalise «  à froid «  une coloscopie totale. Celle-ci sure de la température centrale, palpation abdominale,
permet de vérifier la présence de diverticules coliques, pluriquotidiennes), et biologiques (hyperleucocytose,
d’éliminer d’autres causes de rectorragie (angio- syndrome inflammatoire, hémocultures si l’évolution cli-
dysplasie en premier lieu, colite ischémique, cancer du nique le nécessite).
côlon), mais découvre rarement le diverticule respon- L’exérèse chirurgicale du sigmoïde pathologique est indi-
sable de l’hémorragie avec un caillot adhérant au col- quée après refroidissement de la poussée, en particulier
let diverticulaire. Le traitement est symptomatique et chez les patients à fort risque de récidive ou ceux ayant
consiste, si la spoliation sanguine le justifie, en trans- présenté une complication ayant répondu au traitement
fusions sanguines et éventuellement correction d’un médical initial (abcès, occlusion par sub-occlusion co-
trouble de la coagulation. lique, par exemple). Cette exérèse est de plus en plus
• Le saignement persiste  : la présence de sang et de souvent faite par cœlioscopie.
matières fécales gêne considérablement la réalisation
de la coloscopie. L’artériographie sélective des artères
mésentériques supérieure et inférieure trouve ici une 8. CONCLUSION :
indication de choix. Elle permet d’exclure les autres
causes d’hémorragie (angiodysplasie, tumeur, isché- La diverticulose colique correspond à une hernie ac-
mie), de localiser le diverticule responsable, soit grâce quise de la muqueuse et de la sous-muqueuse à tra-
à une image de fuite artérielle si le débit est supérieur à vers les deux couches musculaires de la paroi colique.
0,5 ml/min, soit le plus souvent en montrant une flaque Le siège le plus fréquent est le sigmoïde (95 % des cas),
de produit de contraste, témoignant de l’extravasation ; mais l’atteinte peut être plus diffuse. La diverticulose co-
. L’origine du saignement étant authentifiée, le geste lique non compliquée est en général asymptomatique,
chirurgical sera à type de résection segmentaire du mais elle peut se compliquer sur un mode inflammatoire
sigmoïde. et/ou infectieux, ou hémorragique.
• Dans les cas très rares où l’abondance de l’hémorra-
gie impose l’intervention rapide sans que le siège du
saignement ne soit connu, la tendance actuelle est de
réaliser une colectomie totale avec anastomose iléo-
rectale.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 225


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1
Concernant la diverticulose colique, quelle est ou quelles sont la (les) proposition(s) exacte(s) ?
a) Elle peut être responsable d’un aspect pseudo-tumoral à l’endoscopie
b) Elle peut se compliquer de péritonite généralisée par perforation
c) Une pneumaturie peut être le mode de révélation d’une diverticulose colique compliquée
d) La diverticulose sigmoïdienne se complique parfois de rectorragies
e) Les diverticules sont le plus souvent localisés au niveau du côlon gauche

Test n° 2
Concernant la diverticulose colique :
a) Sa fréquence augmente avec l’âge
b) Elle s’accompagne fréquemment d’une diverticulose du grêle
c) Elle peut se révéler par une sténose sigmoïdienne
d) Elle peut se révéler par un abcès profond
e) Elle est le plus souvent asymptomatique

Test n° 3
Quelle(s) est (sont) la (les) proposition(s) vraie(s) concernant les diverticules coliques ?
a) Ils peuvent se compliquer de sténose sigmoïdienne
b) Ils peuvent se compliquer d’hémorragie digestive sévère
c) Ils peuvent se compliquer d’abcès intrapéritonéaux
d) Leur découverte impose une colectomie emportant les diverticules
e) Ils sont difficilement détectables au lavement baryté

Testn° 4
Les complications de la diverticulose sigmoïdienne incluent :
a) Rectorragie
b) Sigmoïdite
c) Cancer du sigmoïde
d) Abcès périsigmoïdien
e) Sténose inflammatoire du sigmoïde

226 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LES HERNIES ET LES ÉVENTRATIONS

Prérequis
Anatomie de la paroi ventro-latérale de l’abdomen (Thème XIV).

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1) Définir une hernie et une éventration
2) Décrire les différentes variétés anatomiques des hernies de l’aine.
3) Réunir les arguments cliniques qui permettent de poser le diagnostic d’étranglement
herniaire.
4) Évaluer par l’interrogatoire et l’examen physique les facteurs favorisants la survenue
d’une hernie par faiblesse pariétale (facteurs d’hyperpression abdominale).
5) Citer les différents procédés chirurgicaux de traitement des hernies de l’aine.
6) Planifier la prise en charge d’une hernie tenant compte de sa variété anatomique, du
terrain sur lequel elle survient et de son caractère compliqué ou non.

LES HERNIES

I DEFINITION – GENERALITE: II ÉPIDÉMIOLOGIE :

La hernie (en dehors des hernies internes) se définit Il s’agit d’une pathologie fréquente qui représente la
comme étant l’issue de viscères abdominaux entou- deuxième cause d’interventions chirurgicales dans les
rés d’un sac péritonéal à travers une zone de faiblesse services de chirurgie générale. Les caractéristiques épi-
anatomique de la paroi abdominale. Le sac péritonéal démiologiques varient en fonction du type de hernie.
correspond à une évagination du péritoine qui contient
un ou plusieurs organes intra péritonéaux qui font A/LES HERNIES DE L’AINE :
saillie sous la peau après avoir traversé une zone de Elles regroupent les hernies inguinales et les hernies
faiblesse pariétale appelée le collet du sac herniaire. crurales.
On distingue principalement les hernies externes (om-
bilicale, épigastrique, inguinale, crurale…) des hernies 1) LES HERNIES INGUINALES :
internes qui sont toujours congénitales et qui sont se- Il s’agit de hernies qui saillent au-dessus de l’arcade cru-
condaires à un défaut d’accolement de l’anse primitive rale. Elles regroupent 3 types anatomiques :
(hernies paraduodénale, paracaecale, à travers l’hia- • Les hernies obliques externes : Elles représentent les
tus de Winslow, transmésentérique …….). On s’inté- hernies les plus fréquentes et touchent essentielle-
ressera dans ce cours aux hernies externes qui sont ment l’adulte jeune.
les plus fréquentes. • Les hernies directes : Elles sont moins fréquentes que
L’étranglement herniaire est une complication grave les hernies obliques externes et surviennent essentiel-
des hernies et constitue une urgence chirurgicale ma- lement chez les sujet âgés de sexe masculin.
jeure pouvant mettre en jeu le pronostic vital. • Les hernies obliques internes : Elles sont exception-
Ainsi, tout omnipraticien doit être capable de diagnos- nelles et se voient chez les vieillards souffrant d’une
tiquer à temps cette affection et d’indiquer en consé- déficience musculo-aponévrotique.
quent une thérapeutique adaptée.
2) LES HERNIES CRURALES :
Il s’agit d’une hernie qui saille au-dessous de l’arcade
crurale. C’est une variété rare de hernie qui touche es-
sentiellement la femme âgée. Le risque d’étranglement
est très élevé par rapport aux autres types de hernies.

B) LES HERNIES OMBILICALES :


Il s’agit d’une voussure siégeant dans la région ombili-
cale de taille variable qui déplisse l’ombilic. Elle est plus

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 227


fréquente chez les femmes, les sujets obèses, les multi- • Le plan postérieur de la paroi inguinale est constitué
pares et chez les cirrhotiques. Le risque d’étranglement par le fascia transversalis
est élevé. Les hernies ombilicales sont également fré- • Le plan profond constitue le plan de résistance de la
quentes chez l’enfant et sont alors congénitales. région inguinale.
• L’orifice musculo-pectinéal est limité par des éléments
C) LES HERNIES ÉPIGASTRIQUES : solides constitués par le muscle grand droit de l’ab-
Il s’agit d’une hernie dont le collet est situé sur la ligne domen (pilier interne), le muscle psoas iliaque (pilier
blanche entre l’appendice xiphoïde et l’ombilic. Ces her- externe), la crête pectinéale du pubis (bord inférieur),
nies sont fréquentes et touchent aussi bien l’homme que l’arcade musculaire réalisée par les muscles petit
la femme. oblique et transverse (bord supérieur). Cet orifice est
alors fermé par le seul fascia transversalis.
• Deux zones de faiblesses sont alors bien identifiées :
III RAPPEL ANATOMIQUE (FIGURE 1,2, 3) : o Le canal inguinal situé au-dessus de l’arcade crurale
et donne passage au cordon spermatique.
L’anatomie de la paroi ventrolatérale de l’abdomen est o Le canal crural situé sous l’arcade crurale donne
considérée comme un pré requis, néanmoins nous allons passage aux vaisseaux fémoraux.
faire un petit rappel anatomique de la région inguinale et
crurale en s’aidant de différentes coupes anatomiques
qui serviront de base à l’étude anatomopathologique et IV PHYSIOPATHOLOGIE :
aux modalités chirurgicales.
La paroi inguinale est constituée par la superposition de Sur le plan physiopathologique, on oppose les hernies
différentes structures : congénitales et les hernies acquises.
• Superficiellement  : le plan aponévrotique du grand • Les hernies congénitales sont secondaires à un défaut
oblique, de fermeture de canaux comme la persistance du canal
• Profondément : un complexe musculo- facial constitué péritonéo-vaginal en cas de hernie inguinale oblique
par l’arcade musculaire du petit externe et l’absence de fermeture du canal ombilical
oblique doublé à sa face profonde du muscle transverse. pour la hernie ombilicale chez l’enfant.

Figure1 : Coupe anatomique :


Orifice musculo-pectinéal. Figure 2 : Coupe anatomique :
Canal inguinal droit.

Figure3 : Coupe anatomique :


Canal fémoral droit.

228 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


• Les hernies acquises tel que la hernie crurale, la hernie terne en dehors des vaisseaux épigastriques. Elle sort
inguinale directe et la hernie ombilicale chez l’adulte, de l’abdomen par la fossette inguinale externe. Son col-
sont favorisées par la maladie herniaire qui associe le let est souvent étroit. Une hernie inguinale volumineuse
couple « faiblesse pariétale » et « facteurs d’hyperpres- peut être appelée hernie inguino-scrotale si le contenu
sion abdominale ». du sac descend jusqu’au niveau des bourses. Le sac peut
o La faiblesse pariétale peut être secondaire à un âge contenir le colon (hernie par glissement), l’intestin grêle,
avancé, une dénutrition avec amyotrophie ou encore l’ovaire homolatéral, l’épiploon et la vessie intrapérito-
une myopathie. néale (corne vésicale).
o Les facteurs d’hyperpression abdominale sont :
−Bronchite
− chronique • LA HERNIE DIRECTE :
−Obésité
− La hernie directe a un trajet direct d’avant en arrière. Elle
−Constipation
− chronique est située en dedans du pédicule épigastrique et est in-
−Ascite
− chez les cirrhotiques dépendante du cordon. Il s’agit d’une déhiscence de la
−Multiparité
− chez la femme paroi abdominale à la hauteur du fascia transversalis, au
−Prostatisme
− chez l’homme niveau de la fossette inguinale moyenne. Son collet est
souvent large. Elle peut contenir les anses intestinales,
l’épiploon et la vessie sous-péritonéale.
V ANATOMIE PATHOLOGIQUE :
• LA HERNIE OBLIQUE INTERNE :
En dehors des hernies internes, toute hernie est définie Elle est exceptionnelle. Elle sort de l’abdomen par la
par 3 éléments : fossette inguinale interne. Elle survient chez le vieillard
• Un sac qui correspond à l’évagination du péritoine et porteur d’une déficience musculo-aponévrotique. Elle
qui peut être surmontée d’un lipome pré herniaire. contient le plus souvent la vessie. Elle fait saillie au-des-
• Un collet qui correspond à la jonction du sac avec le sus du pubis sur la ligne médiane.
péritoine
• Un contenu qui est variable (grêle, colon, épiploon, ves- 2) LES HERNIES CRURALES :
sie, ovaire) • Les hernies crurales communes représentent la forme
anatomique la plus fréquente. Le sac péritonéal est
A/LES HERNIES DE L’AINE (figure4) : presque constamment précédé d’un lipome pré-her-
Elles incluent les hernies inguinales et les hernies cru- niaire et se situe dans un plan sagittal comme une
rales. hernie directe, en dedans des vaisseaux épigastriques
après un passage sous l’arcade crurale.
1) LES HERNIES INGUINALES : • Les hernies crurales plus rares :
Elles font saillie au-dessus de l’arcade crurale contraire- o Hernie de Laugier : elle passe au travers du ligament
ment aux hernies crurales. de Gimbernat.
On distingue 3 variétés de hernies inguinales : les her- o Hernie de la loge vasculaire en dehors de la gaine
nies obliques externes, les hernies directes et les her- passant entre le psoas et l’artère fémorale en dehors
nies obliques internes. de la gaine vasculaire.
o Hernie de la loge vasculaire qui passe dans la gaine
• LA HERNIE OBLIQUE EXTERNE : vasculaire.
Elle a un trajet oblique suivant le cordon et est entourée
de la fibreuse commune. Son collet est en situation ex-

Hernie oblique externe Hernie directe Hernie crurale


Figure 4 : les hernies de l’aine

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 229


B) LES HERNIES OMBILICALES (figure 5) : qui s’exacerbent à la marche, lors d’un effort physique ou
Le trajet des hernies ombilicales est le plus souvent à la toux. L’interrogatoire s’acharnera à rechercher des
direct. Les enveloppes formées par la distension pro- facteurs d’hyperpression abdominale.
gressive sont minces. Le sac péritonéal adhère au revê-
tement cutané et à l’anneau aponévrotique ou collet. La B) EXAMEN PHYSIQUE
peau est amincie, parfois ulcérée surtout dans les her- L’examen physique se fait sur un patient dévêtu, en po-
nies volumineuses. sition couchée et debout, éventuellement après un effort
de toux qui peut faire apparaître la voussure herniaire.
L’inspection permettre de constater la voussure qui
apparaît en position debout et qui peut disparaître en
position couchée témoignant de son caractère sponta-
nément réductible. On pourra demander au patient de
tousser pour faire apparaître la hernie.
La palpation permet de rechercher les signes cardinaux
d’une hernie non compliquée :
• l’indolence
• la réductibilité soit spontanée en position couchée ou
moyennant une pression douce et progressive à par-
tir du fond du sac permettant de réintégrer le contenu
dans la cavité abdominale. On pourra alors apprécier
la taille du collet et le contenu du sac (un contenu gar-
gouillant témoigne d’un contenu intestinal, le caractère
mou d’un contenu épiploique)
• l’impulsivité à la toux : la hernie réduite réapparaît à la
toux.
• L’expansivité à la toux : la hernie augmente de volume
Figure 5 : Aspect schématique en coupe d’une hernie à la toux.
ombilicale L’examen physique doit être complet et doit insister sur :
• l’examen des autres orifices herniaires.
C) LES HERNIES EPIGASTRIQUES : • La recherche de facteurs d’hyperpression abdominale
La ligne blanche est formée par l’entrecroisement des (toucher rectal appréciant la taille de la prostate, aus-
fibres aponévrotiques des trois muscles larges de l’ab- cultation pulmonaire…)
domen en dedans des deux gaines des muscles grands L’examen physique d’une hernie de l’aine a certaines
droits. Elle est tendue de l’appendice xiphoïde à la sym- particularités :
physe pubienne et présente deux parties séparées par Il commence par le repérage de la ligne de Malgaigne qui
l’ombilic. La partie inférieure est étroite contrairement est une ligne virtuelle joignant l’épine iliaque antéro-su-
à la partie supérieure qui est large et qui peut être le périeure à l’épine du pubis et qui correspond à la projec-
siège d’une déhiscence. Toutes les hernies de la ligne tion de l’arcade crurale. Toute hernie saillant au-dessus
blanche sont appelées hernies épigastriques. La taille de de cette ligne est inguinale, au-dessous elle est crurale.
ces hernies est petite ce qui fait qu’elles sont souvent - L’examen d’une hernie inguinale chez l’homme est ef-
méconnues et de découverte fortuite. Elles contiennent fectué avec douceur par l’index coiffé par la peau scro-
le plus souvent le ligament rond. tale en suivant le trajet du cordon. Le doigt remonte
vers l’orifice inguinal superficiel, puis dans le canal in-
D) LES HERNIES RARES : guinal à la recherche d’un contact avec le sac herniaire
• Hernie de Spiegel qui peut n’apparaître qu’à l’effort de toux. On pourra
• Hernie lombaire ainsi repérer la position du sac par rapport à l’artère
• Hernie ischiatique épigastrique dont les battements sont facilement per-
• Hernie obturatrice çus ce qui nous permettra de différencier entre hernie
• Hernie périnéale oblique externe (sac en dehors de l’artère épigastrique)
ou directe (sac en dedans de l’artère épigastrique).
- L’examen d’une hernie crurale se fait volontiers sur un
VI DIAGNOSTIC POSITIF D’UNE HERNIE malade couché et relâché. La taille réduite de la her-
NON COMPLIQUEE DE L’ADULTE : nie peut rendre difficile son identification surtout chez la
femme obèse. Pour cela, la position de décubitus dor-
Le diagnostic positif des hernies externes est clinique. sale, abduction de la cuisse et jambe pendant hors du lit
Il repose sur un interrogatoire précis et un examen phy- permet de réduire la masse graisseuse au niveau de la
sique minutieux. racine de la cuisse facilitant l’examen de cette région.

A) SIGNES FONCTIONNELS
Ils sont habituellement discrets en cas de hernie non VII DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
compliquée. La symptomatologie se résume alors à une
voussure de la paroi abdominale, un tiraillement, une pe- Les hernies qui peuvent prêter à confusion avec une
santeur ou des douleurs en regard d’un orifice herniaire autre pathologie sont essentiellement les hernies de

230 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


l’aine. Un examen méthodique et minutieux peut per- parle alors de « hernie ayant perdu droit de cité ». Cette
mettre de faire la part des choses. entité est donc différente d’une hernie étranglée.
La hernie inguinale oblique externe peut prêter à confu-
sion avec : C) LES FORMES SYMPTOMATIQUES
• une ectopie testiculaire (intérêt de l’examen des La hernie symptôme est une hernie dont la symptoma-
bourses) tologie douloureuse peut cacher une pathologie sous
• un kyste du cordon (absence d’impulsivité) jacente qui est en fait la réelle cause de la douleur.
• une adénopathie inguinale (elle antérieure lors de la L’exemple type est la hernie épigastrique qui peut ca-
palpation par l’index) cher une pathologie gastro-duodénale ou hépatobiliaire
• un lipome inguinal sous-cutané (il s’agit d’une masse à l’origine des épigastralgies.
sous-cutanée)
• une hydrocèle vaginale (elle peut être associée à une D) LES FORMES SELON LE TERRAIN
hernie inguino-scrotale) 1. Chez le garçon, la hernie inguinale est congénitale.
• une tumeur testiculaire Elle est oblique externe par persistance du canal pé-
ritonéo-vaginal.
La hernie crurale peut donner le change avec : 2. Chez la fille, la hernie inguinale est également congé-
• une adénopathie du scarpa nitale par persistance anormale du canal de Nucq.
• un lipome L’ovaire peut venir s’incarcérer dans la hernie.
3. Chez le cirrhotique, la rupture ombilicale entraîne
un écoulement de l’ascite avec une surinfection ; ses
VIII LES FORMES CLINIQUES conséquences peuvent être dramatiques. On peut
être amené à différer le traitement chirurgical de la
A) LES FORMES COMPLIQUÉES hernie en privilégiant dans un premier temps le trai-
D’ÉTRANGLEMENT tement de l’infection de l’ascite.

La complication majeure de toute hernie est l’étrangle-


ment. Cette complication est d’autant plus grave que le IX TRAITEMENT
contenu herniaire est intestinal réalisant un tableau d’oc-
clusion intestinale aiguë par strangulation qui constitue Le traitement des hernies est chirurgical. Il n’y a au-
une urgence chirurgicale par excellence. Tout retard jourd’hui plus d’indication de prescription de bandages her-
diagnostique ou thérapeutique aboutit à une ischémie niaires. En effet le traitement chirurgical des hernies peut
avec nécrose de l’organe. Si la nécrose d’un contenu épi- être effectué sous anesthésie générale, mais également
ploique n’a pas de conséquences majeures, celle de l’in- sous anesthésie locale, même chez des patients âgés.
testin aboutit à une nécrose intestinale qui peut évoluer
vers la constitution d’un phlegmon pyostercoral dont le A) TECHNIQUES CHIRURGICALES
pronostic est réservé. L’intervention chirurgicale comporte deux temps : la dis-
Dans certains cas, c’est l’étranglement herniaire qui est section du sac herniaire puis la réparation pariétale.
le mode de révélation de la hernie notamment dans le
cas d’une hernie crurale. Pour cela, devant tout syn- 1) LA DISSECTION DU SAC HERNIAIRE
drome occlusif il est impératif d’examiner systématique- La dissection du sac herniaire consiste en une exposition
ment et minutieusement les orifices herniaires. des différents plans musculo-aponévrotiques puis dans
Parfois la hernie crurale étranglée peut se manifester le repérage et la dissection du cordon. Le sac herniaire
par un syndrome cholériforme fait d’une diarrhée mo- est identifié et disséqué jusqu’au niveau de son collet. Le
trice profuse qui est expliquée par l’incarcération d’une sac herniaire est réséqué et lié puis refoulé dans la ca-
partie de l’anse intestinal avec pincement latéral de sa vité abdominale après résection et suture de l’excédent
paroi entraînant un hyper péristaltisme d’amont. Ce ta- de péritoine. Les viscères en l’absence de complications
bleau peut constituer un piège diagnostique, il faut donc sont réintégrés dans la cavité abdominale.
penser à un étranglement herniaire devant un tableau
similaire surtout chez une femme âgée. 2) LA RÉPARATION PARIÉTALE
Sur le plan clinique, la hernie devient douloureuse au La réparation de la paroi peut se faire selon plusieurs
maximum au niveau du collet, elle est irréductible, non techniques qui ont toutes pour objectif de renforcer
impulsive ni expansive à la toux. les mécanismes de solidité pariétale. On distingue au-
Afin d’éviter l’étranglement, toute hernie diagnostiquée jourd’hui les réparations avec tension pariétale et les
chez l’adulte doit être opérée. réparations sans tension pariétale. La voie d’abord peut
être conventionnelle ou laparoscopique.
B) LES FORMES ÉVOLUTIVES
L’évolution spontanée d’une hernie est lente et progres- a) Techniques avec tension : Les pariétorraphies
sive. Elle se fait vers l’augmentation progressive de son - Pariétorraphie dans les hernies ombilicales et épi-
volume. Les épisodes répétés de protrusion et de réduc- gastriques
tion spontannée de l’organe hernié aboutit à la forma- Une fois le sac réséqué, l’orifice aponévrotique est suturé
tion d’adhérences fibreuses entre le sac herniaire et son par un paletot.
contenu. Au maximum la hernie devient non réductible, - Pariétorraphies dans les hernies de l’aine
mais reste indolore, impulsive et expansive à la toux et on - Intervention de Bassini. Elle consiste en un rapproche-

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 231


ment du tendon conjoint et de l’arcade crurale sans ré- plasties sont contre indiquées en cas d’infection et no-
section du fascia transversalis. tamment dans les hernies étranglées.
- Intervention de Mac Vay. Il s’agit d’un abaissement sur a) Pariétoplasties dans les hernies ombilicales et
le ligament du Cooper sur le tendon conjoint. Cette épigastriques
technique est la seule qui permet de traiter les hernies La pariétoplastie pour hernie ombilicale ou épi-
crurales. gastrique peut se faire par voie classique ou cœlios-
- Intervention de Shouldice. Cette technique consiste en copique. Dans ce dernier cas, la plaque est placée
une réfection pariétale en trois plans, réparant suc- en intrapéritonéale. La présence d’un film de silicone
cessivement le fascia transversalis, le tendon conjoint sur la face qui est au contact des anses permet d’évi-
abaissé à l’arcade crurale et l’aponévrose du grand ter les adhérences et l’érosion de ces dernières.
oblique. Actuellement elle est la technique de réfé- b) Pariétoplasties dans les hernies de l’aine
rence dans le traitement des hernies inguinales. - Technique de Lichtenstein : elle consiste en la mise
en place d’une plaque de renforcement pariétal dou-
b) Techniques sans tension : Les pariétoplasties blant le fascia transversalis.
Cette technique consiste à interposer un matériau pro- - Technique du « plug » : il s’agit de la mise en place
thétique en pro péritonéal (en avant du péritoine) qui va d’un matériau prothétique remplissant l’orifice her-
entraîner une réaction inflammatoire fibroblastique avec niaire et l’oblitérant.
production d’une fibrose collagène permettant un ren- - Technique laparoscopique : 2 abords laparoscopiques
forcement pariétal. C’est la méthode de choix dans le sont utilisés ; la technique extrapéritonéale (TEP) et
traitement des hernies par faiblesse pariétale chez les la technique intrapéritonéale (TAPP).
sujets âgés, en présence de facteurs d’hyperpression
abdominale et en cas de récidive herniaire. Les pariéto- B) LES INDICATIONS

HERNIE

HERNIE NON COMPLIQUEE HERNIE ETRANGLEE

- Hernie récidivée
CHIRURGIE EN URGENCE
- Hernie à collet large
-résection su sac
- Présence de facteurs
- résection du contenu en cas de
d’hyperpression abdominale
nécrose sinon réintégration
- Sujet âgé avec faiblesse pariétale

OUI NON

Pariétoplastie Pariétorraphie

Hernie ombilicale ou
Hernie crurale Hernie inguinale
épigastrique

Raphie en paletot Mac Vay Bassini Shouldice

232 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LES ÉVENTRATIONS

Les éventrations sont définies par l’issue de viscères - une malfacon technique lors de la fermeture pariétale
sous la peau à travers une zone de faiblesse acquise de - la survenue d’une hyperpression abdominale dans les
la paroi. Elles sont rarement spontannées (rachitisme, suites opératoires
paralysie, congénitale), le plus souvent traumatique et - le mauvais état général du patient dont le pouvoir de
surtout postopératoire. L’éventration apparaît sur une cicatrisztion tissulaire est affaibli par
cicatrice de laparotomie. Lorsqu’elle siège sur une cica- o une dénutrition
trice d’une chirurgie herniaire antérieure, elle sera plu- o une corticothérapie
tôt appelée hernie récidivée. o un diabète
o une chimiothérapie antimitotique…
Le risque d’étranglement existe et dépend de la taille du
collet. Ce risque est d’autant plus élevé que le collet est
petit.
Le traitement des éventrations est chirurgical. Il repose
sur la pariétoplastie qui peut être réalisée soit par voie
classique dans l’espace pro péritonéal rétromusculaire
soit par voie laparoscopique.

CONCLUSION
Les hernies et les éventrations sont des pathologies
fréquentes. Elles constituent une urgence diagnostique
du fait du risque imprévisible d’étranglement. L’étran-
Figure montrant une coupe horizontale d’une éventration glement est une complication grave représentant une
médiane. urgence chirurgicale majeure pouvant mettre en jeu le
Plusieurs facteurs favorisent la survenue d’une éventra- pronostic vital. Le diagnostic d’une hernie ou d’une éven-
tion : tration est clinique se basant sur un interrogatoire et un
- l’infection de paroi dans les suites de la première inter- examen physique minutieux. Le traitement est chirurgi-
vention cal et a bénéficié ces dernières années de l’apport de la
- une incision non systématisée, délabrante sectionnant coelio-chirurgie.
les nerfs et les muscles

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 233


TESTS D’ÉVALUATION
QCM : Parmi les propositions suivantes une ou plusieurs sont justes.
1) Dans les hernies obliques externes chez l’homme
a. le sac herniaire est toujours néoformé n Vrai n Faux
b. Le sac est intrafuniculaire (au contact du cordon spermatique) n Vrai n Faux
c. Il s’agit souvent de patients âgés de plus de 70 ans n Vrai n Faux
d. Le sac ne contient jamais la vessie n Vrai n Faux
e. Le sac peut contenir le cæcum et l’appendice n Vrai n Faux
f. Le sac peut contenir le côlon sigmoïde n Vrai n Faux
g. la fibreuse commune enveloppe le sac n Vrai n Faux
h. les muscles crémasters sont à l’intérieur du sac herniaire n Vrai n Faux

2) Faire correspondre les particularités des HOE selon le sexe


A) Chez l’homme B) Chez la femme
1) Elle représente la hernie la plus fréquente de toutes les hernies
2) Elle est secondaire à la persistance du canal péritonéo-vaginal
3) Elle est secondaire à la persistance du canal de Nucq
4) Elle peut contenir l’épiploon, le grêle et la vessie intrapéritonéale
5) Elle est souvent de petite taille
6) Le sac est en contact avec le cordon spermatique.

3) Faire correspondre les propositions suivantes aux types de hernies :


A) Hernie directe B) Hernie oblique externe
1) Elle est secondaire à une maladie herniair
2) Elle est secondaire à une faiblesse pariétale
3) Elle est toujours acquise
4) Elle est plus fréquente chez la femme que chez l’homme
5) Elle se complique moins fréquemment d’étranglement
6) Elle est l’apanage des sujets âgés
7) Son collet est généralement large

4) QROC : Citer 5 facteurs d’hyper pression abdominale favorisants le développement d’une hernie directe.

5) QROC : Comment peut-on apprécier le contenu d’une hernie inguinale ?

234 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


6) QROC : Qu’est-ce qu’une hernie sentinelle (ou symptôme) ?

7) CAS CLINIQUE
Un homme de 45 ans, Maçon dans une entreprise d’immobilier, tabagique chronique à 50 PA, bronchitique chronique
irrégulièrement suivi, consulte pour une tuméfaction inguinale droite intermittente augmentant de volume lors des ef-
forts de toux.
- Quel est votre diagnostic ?

- Que proposez-vous comme traitement ?

Ce patient est perdu de vue et reconsulte après une année pour une augmentation importante du volume de la bourse
en continuité avec une tuméfaction inguinale droite de grande taille et dont le contenu est gargouillant et impossible à
réduire, ce tableau évoluant depuis 3 mois avec une gène à la marche et une constipation.
-Quel est votre diagnostic ?

-Comment expliquer la constipation ?

Après un traitement chirurgical dont les suites sont simples, le malade consulte à nouveau après une année pour une
récidive de sa tuméfaction.
- Quel est votre diagnostic ?

- Quelles sont les modalités de prise en charge que vous lui proposez ?

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 235


LES ISCHÉMIES AIGUËS MÉSENTÉRIQUES

Prérequis
Vascularisation du tube digestif

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir l’ischémie aiguë mésentérique
2. Reconnaître les mécanismes étiopathogéniques de l ischémie aiguë mésentérique
3. Décrire les conséquences physiopathologiques de l’ischémie aiguë mésentérique
4. Décrire les lésions anatomopathologiques observées au cours des ischémies aiguës
mésentériques
5. Diagnostiquer une ischémie aiguë mésentérique sur des arguments cliniques, biolo-
giques et morphologiques e, fonction des différentes formes cliniques.
6. Différencier une ischémie aiguë mésentérique d’autres diagnostics pouvant simuler le
même tableau
7. Énoncer les principes du traitement d’une ischémie aiguë mésentérique

INTÉRÊT DU SUJET : digestif ou d’une hémorragie digestive peut également


masquer les symptômes initiaux d’ischémie mésenté-
L’ischémie aigüe mésentérique est une urgence rique. Les facteurs de risque et l’évolution clinique de
chirurgicale potentiellement létale. Elle nécessite un l’ischémie aiguë mésentérique peuvent différer en fonc-
diagnostic précoce et une intervention rapide afin de tion du terrain. La nécrose intestinale va entraîner des
restaurer le flux sanguin mésentérique et éviter la répercussions métaboliques pouvant aboutir à la défail-
nécrose intestinale pouvant être à l’origine de décès. lance poly viscérale et au décès. C’est la mise en œuvre
Les causes sont multiples et le pronostic en dépend rapide des moyens diagnostiques et thérapeutiques qui
étroitement. Malgré les progrès récents dans la com- va permettre de réduire la mortalité de l’ischémie aiguë
préhension de la pathogénie et le développement des mésentérique.
nouvelles modalités thérapeutiques, le diagnostic d’is-
chémie aiguë mésentérique demeure un challenge et
tout retard diagnostique contribue au taux de mortalité 2. ETIOPATHOGENIE (OBJECTIF 2)
élevé.
Habituellement, la circulation splanchnique reçoit 25 %
du débit cardiaque et 35 % en période post prandiale. La
1. INTRODUCTION (OBJECTIF 1) majeure partie de ce débit splanchnique (70 %) est desti-
né à la vascularisation de la muqueuse et de la sous-mu-
L’ischémie aiguë mésentérique est définie par la diminu- queuse, alors que le reste va vasculariser la musculeuse
tion du flux sanguin dans les vaisseaux mésentériques, et la séreuse. La régulation du débit splanchnique est
le plus souvent du fait de la présence d’un obstacle en- elle-même complexe faisant intervenir des systèmes de
do-luminal. C’est une urgence chirurgicale potentiel- régulation intrinsèques comme le taux d’oxygénation
lement létale avec une mortalité variant de 45 à 90  %. tissulaire ou les baro-récepteurs musculaires à l’origine
Son incidence est en augmentation. Les mécanismes de la modification des résistances vasculaires, ou extrin-
physiopathologiques sont variés, mais aboutissent tous sèques comme la régulation du débit sanguin par les
à la nécrose intestinale. Le taux de survie globale n’a pas récepteurs essentiellement et adrénergique, mais éga-
augmenté au cours des 20 dernières années et la rai- lement dopaminergiques.
son majeure reste la difficulté de reconnaître les signes On dénombre 4 causes distinctes d’ischémie aiguë mé-
précoces précédents l’infarctus, c ‘est-à-dire la nécrose sentérique :
intestinale irréversible.
Les signes cliniques ne sont pas spécifiques et sont ca- 2.1. L’EMBOLIE ARTÉRIELLE :
ractérisés par la discordance, à la phase de début, entre C’est la cause la plus fréquente retrouvée dans 40 à
des signes fonctionnels bruyants, surtout à type de dou- 50  % des cas. La plupart des embolies artérielles ont
leurs abdominales et un examen physique abdominal pour origine le cœur. Elles se forment en cas d’ischémie
relativement pauvre. La survenue d’une occlusion fonc- myocardique ou d’infarctus du myocarde, de tachycardie
tionnelle, d’une péritonite aiguë par perforation du tube auriculaire, d’endocardite ou de maladie valvulaire. Ces

236 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


facteurs de risque favorisent le développement de throm- teignent les vaisseaux intramuraux du tube digestif. Le
bi intra-cavitaires qui peuvent emboliser les artères mé- thrombus est généralement palpable dans la veine mé-
sentériques. Le territoire de prédilection des embolies sentérique. L’atteinte de la veine mésentérique inférieure
artérielles est l artère mésentérique supérieure à cause est exceptionnelle. La mortalité dépend de l’étendue de
de l’angle qu’elle forme avec l’aorte : 15 % des embolies l’atteinte veineuse mésentérique et se situe autour de
artérielles se font à l’origine de l’artère mésentérique 30%à 30 jours.
supérieure alors que 50 % se font à distance de son ori-
gine.
3. CONSÉQUENCES PHYSIOPATHOLO-
2.2. LA THROMBOSE ARTÉRIELLE : GIQUES : (OBJECTIF 3)
Elle est à l’origine de 25 à 30 % des ischémies aiguës mé-
sentériques et survient sur des plaques d’athérome en L’ischémie aiguë mésentérique va entraîner une atteinte
rapport avec une athérosclérose. Cette thrombose sur- du tube digestif dont l’étendue va varier en fonction du
vient le plus fréquemment à l’origine de l’artère mésen- caractère proximal ou distal de l’atteinte vasculaire d’une
térique supérieure. Elle s’installe insidieusement, ce qui part, et d’autre part en fonction de la durée et de l’impor-
laisse le temps au développement d’une circulation col- tance de l’ischémie.
latérale. L’ischémie survient en cas d’obstruction com- L’interruption vasculaire va entraîner un bas débit san-
plète de la dernière artère perméable ou des branches guin au niveau de la muqueuse intestinale ce qui limite
collatérales. La nécrose va atteindre tout le tube digestif l’apport d’oxygène à ce niveau. Le métabolisme devient
du duodénum jusqu ‘au côlon transverse. anaérobie et entraîne une destruction tissulaire avec
une nécrose irréversible qui évolue vers la perforation
digestive avec constitution d’un troisième secteur, pullu-
2.3. L’ISCHÉMIE MÉSENTÉRIQUE NON lation microbienne et production de substances toxiques
OCCLUSIVE : vaso-actives. Il s’ensuit un état de choc à double com-
Elle survient dans 20 % des cas. Sa pathogénie reste mal posante hypovolémique et septique qui va entraîner le
connue, mais deux facteurs sont souvent incriminés  : décès.
un bas débit cardiaque et une vasoconstriction mésen- Dans d’autres cas, lorsque l’ischémie s’installe, mais
térique diffuse. Il en résulte un bas débit mésentérique qu’elle est de courte durée, elle peut entraîner des lé-
à l’origine d’une hypoxie intestinale puis d une nécrose. sions tissulaires en rapport avec la re perfusion des tis-
Les agents vasoconstricteurs endogènes ou exogènes, la sus qui est à l’origine de la libération dans la circulation
coagulation intravasculaire disséminée et le syndrome de systémique de radicaux libres toxiques, de germes, d’en-
re perfusion mésentérique peuvent également y contri- dotoxines bactériennes, mais aussi de leucocytes. Ces
buer. Les facteurs favorisant l’ischémie mésentérique éléments peuvent entraîner des répercussions sur des
non occlusive sont l’âge supérieur à 50 ans, l’infarctus du organes comme le foie, le poumon ou le rein avec aux
myocarde, l’insuffisance cardiaque congestive, l’insuffi- stades ultimes un syndrome inflammatoire systémique
sance aortique, les hépatopathies et les néphropathies. progressant rapidement vers la défaillance poly viscérale
Cependant, dans certains cas, aucun facteur de risque et le décès.
n’est retrouvé. Cette entité a également été décrite chez Donc en fonction de la durée de l’ischémie, le malade
les malades hospitalisés en réanimation au décours des ca être exposé soit au syndrome de re perfusion soit à
grands traumatismes ou de chirurgie majeure abdomi- l’effet prédominant de l’ischémie une fois les lésions de
nale ou cardiovasculaire. Le mécanisme pathogénique nécrose tissulaire constituées.
incriminé dans ce cas est la discordance entre les be-
soins sanguins mésentériques induits par l’alimentation
entérale et les apports faibles du fait d’une hypo perfu- 4. ANATOMOPATHOLOGIE (OBJECTIF 4)
sion systémique et d ‘une vasoconstriction des vaisseaux
mésentériques. 4.1. LES LÉSIONS VASCULAIRES :
Elles dépendent étroitement de mécanisme de l’isché-
2.4. LA THROMBOSE VEINEUSE mie.
MÉSENTÉRIQUE :
C’est la cause la moins fréquente d’infarctus mésenté- A. L’EMBOLIE ARTÉRIELLE :
rique qui est retrouvée dans 10  % des cas. On a long- Il s ‘agit le plus souvent d’une embolie de l’artère mésen-
temps cru qu’elle était en rapport avec la présence d’une térique supérieure avec un caillot situé dans la lumière
autre pathologie intrapéritonéale telle qu’une infection artérielle et bloqué par le premier rétrécissement vas-
abdominale, une pancréatite aiguë ou un cancer digestif. culaire juste après le départ de la colica-média ce qui va
Actuellement, avec l’amélioration des moyens diagnos- préserver la vascularisation du côlon transverse. En plus
tic, il a été démontré qu’elle est dans la majorité des cas de ce caillot, il peut exister une thrombose d’aval qui va
en rapport avec un trouble de l’hémostase et que seuls aggraver et pérenniser l’ischémie.
10  % des thromboses veineuses mésentériques sont
classées idiopathiques. La thrombose veineuse mésen- B. THROMBOSE ARTÉRIELLE :
térique est habituellement segmentaire avec un œdème Elle se constitue sur des plaques d’athérome et peut être
et une hémorragie de la paroi du tube digestif, ainsi que complète ou partielle. L’atteinte artérielle peut se situer
des abrasions étendues de la muqueuse. L’infarctus soit sur l’ostium soit sur les premiers centimètres du
survient progressivement lorsque les microthrombi at- tronc artériel lui-même.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 237


C. LA THROMBOSE VEINEUSE : -d’infarctus du myocarde récent ou ancien.
Elle empêche le retour veineux entraînant une sténose -d’insuffisance cardiaque congestive.
ischémiante. -de douleurs abdominales post prandiales avec amai-
grissement.
4.2. LES LÉSIONS INTESTINALES La symptomatologie fonctionnelle est peu spécifique,
Le degré d’atteinte du tube digestif va varier avec la du- mais les douleurs abdominales sont constantes. Leurs
rée et le degré d’ischémie avec des lésions qui vont pro- caractéristiques peuvent dans certains cas orienter vers
gresser de la muqueuse vers al séreuse. l’étiologie :
-Dans les embolies artérielles, le tableau est drama-
A. L’OBSTRUCTION ARTÉRIELLE : tique avec des douleurs abdominales particulièrement
Au stade de début la souffrance du tube digestif entraîne intenses, d’installation brutale, le plus souvent géné-
une pâleur de la muqueuse qui est la première compo- ralisées à tout l’abdomen. Ces douleurs sont à type
sante de la paroi intestinale à subir des modifications de de crampes ou de torsions et évoluent généralement
fait de la majorité du flux splanchnique circulant. Le tube par crises paroxystiques sur un fond douloureux per-
digestif est à ce moment le siège de nombreux mou- manent. Elles s’associent à des vomissements et une
vements péristaltiques anarchiques. Cette phase peut diarrhée.
durer jusqu’à 3 heures.par la suite survient une phase -En revanche, dans les thromboses artérielles, l’in-
d’atonie intestinale avec un œdème et une cyanose de la terrogatoire recherchera la survenue dans les jours
paroi. Sur le plan histologique, on assiste à l’apparition précédents de douleurs abdominales post prandiales,
d’érosions muqueuses. Au niveau du péritoine apparaît de nausées ou d’amaigrissement témoignant du ca-
un épanchement séro-sanglant. La phase suivante sur- ractère évolutif insidieux de la thrombose. À la phase
vient au bout de 6 heures d’ischémie avec une nécrose d’état, la symptomatologie clinique est similaire à celle
intestinale trans murale qui devient irréversible, spha- de l’embolie artérielle.
cèle puis perforation intestinale aboutissant à une pé- -Quant aux malades présentant une ischémie mésenté-
ritonite. En fonction du segment vasculaire atteint, ces rique non occlusive, le diagnostic est encore plus diffi-
lésions peuvent intéresser le grêle sur quelques centi- cile d’autant plus que le ce syndrome survient le plus
mètres ou prendre tout le territoire mésentérique supé- souvent au décours d’un état de choc et chez des ma-
rieur épargnant uniquement les 30 premiers centimètres lades intubés, ventilés et sous drogues vaso-actives. La
du jéjunum et intéressant tout le grêle et le colon droit. non réponse à la réanimation bien conduite doit faire
évoquer de principe ce diagnostic.
B. LA THROMBOSE VEINEUSE MÉSENTÉRIQUE : -Pour les malades présentant une thrombose veineuse
La cyanose du tube digestif est rapide avec une paroi qui mésentérique, les signes sont également non spé-
devient épaissie et turgescente et une infiltration œdé- cifiques et l’interrogatoire trouve le plus souvent des
mateuse du mésentère correspondant. À un stade de douleurs abdominales vagues, surtout sous ombili-
plus on assiste au sphacèle et à la nécrose intestinale cales associées parfois à une diarrhée et une anorexie
qui est le plus souvent limitée par rapport aux lésions dans les deux semaines ayant précédé la phase aiguë.
de cyanose. Une compression artérielle surajoutée et À la phase d’état, les douleurs abdominales deviennent
induite par la stase veineuse peut aggraver encore plus diffuses et s’associent à un ballonnement abdominal,
l’ischémie avec une évolution plus rapide vers des lé- des vomissements, un arrêt plus ou moins franc des
sions irréversibles. matières et des gaz et parfois des rectorragies de faible
abondance très évocatrices du diagnostic.
C. L’ISCHÉMIE MÉSENTÉRIQUE NON OCCLUSIVE :
Les lésions sont le plus souvent diffuses allant de l’angle 5.2. L’EXAMEN PHYSIQUE :
duodéno-jéjunal jusqu’à la charnière recto-sigmoï- Les signes d’examen sont très variables d’un malade à
dienne avec quelques intervalles de tube digestif d’appa- l’autre et généralement, ce syndrome abdominal aigu
rence normale. La paroi du tube digestif est peu épaisse, peut se manifester de deux façons :
fragile, d’aspect grisâtre et le siège d’hématomes diffus -les signes prédominants sont occlusifs : l’abdomen est
de taille variable. L’aspect général est mal systématisé distendu et symétrique à l’inspection, le plus souvent
avec alternance de lésions d’intensité différente dont sensibles à la palpation dans son ensemble et tympa-
certaines de nécrose et de sphacèle. nique à la percussion. Les orifices herniaires sont libres.
À l’auscultation abdominale, les bruits sont peu fréquents
et faibles, voire absents du fait de l’atonie intestinale. Le
5. ÉTUDE CLINIQUE : toucher rectal peut ramener du sang très évocateur dans
ce contexte.
5.1 INTERROGATOIRE : -Les signes prédominants sont péritonéaux  : l’abdo-
Il s’agit le plus souvent d’un homme âgé de 60 ans et men est peu distendu à l’inspection. La sensibilité à la
plus qui se présente en urgence pour un syndrome ab- palpation est nette, parfois même remplacée par une
dominal aigu. défense abdominale qui peut être localisée ou généra-
On recherche des antécédents : lisée. Le toucher rectal peut ramener du sans.
-de troubles de rythme cardiaque connus et traités en Dans tous les cas, on recherchera un pouls irrégulier té-
particulier une arythmie complète par fibrillation au- moignant d’une arythmie, des signes d’insuffisance car-
riculaire. diaque congestive ou d’embolie artérielle périphérique.

238 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


5.3 EXAMENS COMPLÉMENTAIRES : 6. FORMES CLINIQUES :
A. BIOLOGIE :
Les signes biologiques essentiels en faveur d’une isché- 6.1. FORMES SURAIGUËS :
mie mésentérique sont l’acidose métabolique et l’hyper- Le tableau s’installe rapidement en quelques heures
lactatémie. Lorsqu’on peut en disposer, le dosage du avec une évolution rapide vers la nécrose intestinale qui
D-lactate peut avoir une grande valeur d’orientation avec peut être très étendue. En cas d’infarcissement de l’ar-
une sensibilité de 90 % et une spécificité de 87 % dans tère mésentérique supérieure, la totalité du grêle ainsi
le diagnostic d’ischémie aiguë mésentérique permettant que le côlon ascendant vont rapidement évoluer vers la
ainsi d’éviter des laparotomies inutiles. nécrose irréversible.
Sinon, le reste du bilan biologique recherchera une hy- Le tableau clinique est celui d’un abdomen aigu avec état
perleucocytose et une hémoconcentration. Une hype- de choc imposant l’intervention en urgence.
ramylasémie, une augmentation des ASAT de la LDH et
de la CPK peuvent être observées, mais aucun de ces 6.2. FORMES CHRONIQUES :
paramètres pris séparément n ‘set assez spécifique pour Elles réalisent l’angor intestinal qui va associer :
le diagnostic. -douleurs épigastriques à type de crampes post pran-
diales précoces
B. L’ABDOMEN SANS PRÉPARATION : -amaigrissement
Il est très peu contributif au diagnostic d’ischémie mé- -souffle systolique épigastrique
sentérique et ne révèle que des signes indirects : épais- Le diagnostic est évoqué devant les antécédents de ma-
sissement inter-anses en faveur d’un épanchement in- ladie athéromateuse et le caractère normal de la fibros-
trapéritonéal ou distension gazeuse intéressant le plus copie digestive.
souvent le grêle et le colon.

C. L’ANGIO-SCANNER ABDOMINAL : 7. DIAGNOSTICS DIFFÉRENTIELS :


Avec le développement récent des technologies mul-
ti-barettes, le diagnostic d’ischémie aiguë mésentérique Il s’agit essentiellement d’autres affections chirurgi-
embolique ou thrombotique se trouve facilité. En plus cales :
de l’obstacle vasculaire, l’examen tomodensitométrique
abdominal va révéler un épaississement de la paroi du 7.1. L’OCCLUSION INTESTINALE AIGUË :
tube digestif intéressé par l’ischémie, une dilatation plus On évoquera ce diagnostic devant des antécédents de
ou moins étendue du grêle et du colon avec parfois une laparotomie s’il s’agit d’une occlusion de type grêlique.
pneumatose pariétale, l’infarcissement éventuel d’autres En cas d’occlusion colique, les antécédents de constipa-
viscères et un épanchement intrapéritonéal. tion et de syndromes sub occlusif peuvent faire évoquer
le volvulus du côlon sigmoïde alors que les troubles du
D. L’ARTÉRIOGRAPHIE MÉSENTÉRIQUE : transit et les rectorragies sont en faveur d’un cancer co-
Elle a longtemps été l’examen clé pour le diagnostic, lorectal.
mais, actuellement, elle a perdu beaucoup de ses in-
dications avec l’avènement de la tomodensitométrie 7.2. LA PÉRITONITE AIGUË :
multi-barettes. Elle ne peut être réalisée qu’en absence Le siège initial des douleurs et la présence d’une contrac-
d’indication chirurgicale en urgence. L’opacification vas- ture abdominale généralisée font évoquer ce diagnostic.
culaire va permettre de mettre en évidence des images Valeur du pneumopéritoine à la radiographie en cas de
évocatrices soit d’embolie soit de thrombose artérielle. suspicion de perforation ulcéreuse gastro-duodénale.
Les embolies siègent généralement après les premières
branches de division artérielle alors que les thromboses 7.3. L’HÉMORRAGIE DIGESTIVE BASSE :
siègent plutôt à l’origine de l’artère avec une absence Ce diagnostic évoqué devant la présence de rectorragies
totale d’opacification du réseau artériel. Les clichés tar- d’abondance variable ou la présence de sang au toucher
difs aux temps veineux peuvent également mettre en évi- rectal sera rapidement éliminé devant les douleurs ab-
dence une thrombose veineuse soit mésentérique, soit dominales et les signes péritonéaux ou occlusifs de l’is-
portale. chémie aiguë mésentérique.
Cet examen permet également le diagnostic d’ischémie
mésentérique non occlusive lorsque, malgré la sympto- 7.4. LA PANCRÉATITE AIGUË :
matologie typique, il révèle l’intégrité des troncs vascu- On recherchera des antécédents de lithiase biliaire ou
laires artériels et veineux mésentériques. hyperlipémie en faveur de ce diagnostic, mais c’est le
dosage de l’amaylasémie et surtout de la lipasémie qui
E. L’ÉCHO-DOPPLER MÉSENTÉRIQUE : permettra de l’éliminer.
C ‘set un examen non invasif, mais opérateur dépendant
et techniquement difficile en cas d’iléus. Il peut per- 8. TRAITEMENT (OBJECTIF 7) :
mettre dans certains cas de mesurer le diamètre et les
flux vasculaires mésentérique et de déceler un obstacle 8.1. BUT
intra-luminal à leur origine. La prise en charge thérapeutique de l’ischémie aiguë
mésentérique est multidisciplinaire faisant intervenir
anesthésiste-réanimateur, radiologue ou cardiologue in-
terventionnel et chirurgien.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 239


Une fois le diagnostic ischémie aiguë mésentérique La nécrose intestinale nécessite la résection du segment
posé, le but du traitement est de rétablir la circulation intestinal nécrosé.
artério-veineuse mésentérique en absence de signes de En cas d’infarctus veineux mésentérique, le traitement
nécrose intestinale. anticoagulant par héparine permet de réduire le risque
En cas de nécrose intestinale irréversible, seule l’exérèse d’extension des la nécrose et la mortalité
du tube digestif infarci va permettre de préserver la vie
du malade. 8.3. INDICATIONS :
Elles dépendent de la sévérité et de l’étendue des lé-
8.2. MOYENS : sions.
A. LA RÉANIMATION : Les lésions de nécrose digestive imposent la résection
Son intensité et sa durée seront fonction de l’état du ma- du segment intestinal nécrosé suivie d’une double sto-
lade et elle ne devra pas retarder un geste de sauvetage : mie, mais lorsque les lésions sont très étendues prenant
exérèse du segment intestinal nécrosé. la totalité du grêle, tout geste de résection devient illu-
Elle consistera en une correction de la volémie par rem- soire et l’abstention chirurgicale devient de mise.
plissage vasculaire et une rééquilibration en hydro-élec- La revascularisation chirurgicale sera réalisée en cas de
trolytique adaptée à l’acidose et à l’acidose et l’hypok- lésions d’ischémie réversible. La réversibilité des lésions
aliémie. L’utilisation d’amines vasoactives en cas d’état sera appréciée après infiltration du mésentère par la li-
de choc sera prudente cas elles peuvent aggraver l’hy- docaïne et son réchauffement par du sérum chaud.
po perfusion mésentérique. Une antibiothérapie à large Le cathétérisme percutané ne sera réalisé qu’en cas de
spectre doit être instaurée. certitude de lésions réversibles.

B. LE CATHÉTÉRISME PERCUTANÉ :
Il est mené par voie fémorale. Le cathéter est poussé 9. PRONOSTIC :
jusqu’à l’origine de l’artère mésentérique supérieure
et permet, en plus de la confirmation du diagnostic par Il reste globalement sombre malgré le développement
l’opacification, la réalisation de gestes thérapeutiques des technologies interventionnelles percutanées au
endo lumineux comme une embolectomie à l’aide d’une cours des deux dernières décennies. Ce mauvais pro-
sonde de Fogarty ou une angioplastie à l’aide d’une nostic avec une mortalité qui varie de 45 à90 % est sur-
sonde à ballonnet. tout dû au fait que le diagnostic est rarement fait à un
En cas d’ischémie artérielle non occlusive, l’injection de stade utile de la maladie et le plus souvent en urgence
vasodilatateur comme la papavérine peut rétablir le flux devant des lésions devenues irréversibles sur des ter-
vasculaire. Le cathétérisme percutané est contre indiqué rains particulièrement débilités.
en cas de nécrose intestinale.

C. LA CHIRURGIE EN URGENCE : 10. CONCLUSIONS :


Elle demeure le traitement de la plupart des étiologies.
Le geste chirurgical dépendra de l’étendue et de la sévé- L’ischémie aiguë mésentérique reste grave et potentiel-
rité des lésions. lement létale. Le diagnostic repose sur des éléments
La revascularisation des artères digestives peut se faire cliniques  : douleurs abdominales, signes locaux abdo-
par : minaux, rectorragies et pouls irrégulier. L’artériographie
-embolectomie chirurgicale après artériotomie ou veino- mésentérique permet de confirmer le diagnostic avec
tomie certitude et permet également de réaliser un geste thé-
-pontage aorto-mésentérique à l’aide d’un greffon vei- rapeutique. Elle reste cependant rarement réalisée du
neux fait de la présence dans la majorité des cas de signes de
nécrose intestinale

240 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


LES STOMIES DIGESTIVES

Prérequis
1. Anatomie du tube digestif (cours d’anatomie).
2. Physiologie de la digestion.
3. Cours de pathologie chirurgicale (cancer du rectum, cancer du côlon, cancer de l’esto-
mac, cancer de l’œsophage, occlusion intestinale aiguë, péritonite aiguë, brûlure caustique
du tractus digestif supérieur, volvulus du colon pelvien).

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Définir les différentes variétés de stomies digestives.
2. Énumérer les segments digestifs qui peuvent être mis à la peau.
3. Expliquer les indications des différentes stomies digestives.
4. Convaincre le patient de la nécessité de la stomie digestive dans le programme théra-
peutique qui lui est proposé.
5. Préparer le patient psychologiquement pour affronter la vie avec une stomie digestive
définitive ou temporaire.
6. Décrire les différentes modalités des stomies digestives.
7. Expliquer les conséquences physiopathologiques des stomies digestives.
8. Décrire les soins à apporter à un patient porteur de stomies digestives
9. Énumérer les complications des stomies digestives.

Activités d’apprentissage
• Lecture du document de base.
• Activités dans le stage :
• Prendre part à l’information du malade de la nécessité d’une stomie digestive.
• Pratiquer les soins locaux d’une stomie d’évacuation.
• Prendre connaissance des différents types d’appareillages de stomie d’évacuation.
• Préparer les poches collectrices pour l’appareillage d’une stomie d’évacuation.
• Connaître les différents composants de la préparation d’un régime pour un patient por-
teur d’une stomie d’alimentation.
• En postopératoire, rassurer un patient porteur d’une stomie sur la qualité de sa vie.

INTÉRÊT DU SUJET : gestives et la nécessité d’une prise en charge adéquate


des patients porteurs de stomie.
Une stomie digestive est le résultat d’une intervention
chirurgicale rendue nécessaire pour permettre la gué-
rison d’une affection du tube digestif. Elle représente I. DEFINITIONS (OBJECTIF N° 1) :
pour tout individu un événement important dans le
cours de son existence. Cette stomie digestive, modi- Une stomie digestive est définie comme l’abouchement
fication provisoire ou définitive de l’image corporelle, intentionnel au niveau de la paroi, par incision chirurgi-
ne doit plus être vécue par le patient comme l’irrémé- cale, d’un segment du tube digestif. Il s’agit le plus sou-
diable interruption de sa vie. vent de l’abouchement de l’intestin au niveau de la paroi
De 1991 à 1995, dans un service de chirurgie générale antérieure de l’abdomen.
d’un centre hospitalier de Tunis, il a été réalisé 201 Cette définition permet d’exclure les fistules digestives
stomies de dérivation. Ce nombre, bien que relatif à un en rapport avec une complication anastomotique ou une
seul service, met en relief la fréquence des stomies di- pathologie intestinale sous jacente.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 241


L’indication d’une stomie digestive s’impose : chyme intestinal est alcalin, riche en enzyme. Le volume
• soit comme un acte faisant partie d’une séquence thé- du chyme intestinal est estimé à 10 litres par jour au ni-
rapeutique ; veau du jéjunum. Au niveau de l’iléon terminal, par ab-
• soit comme l’issue inéluctable d’un acte thérapeutique. sorption, ce volume n’est plus que de 1 litre à 2 litres par
Ces stomies digestives peuvent être individualisées : jour. Les anses grêles peuvent être facilement amenées
• en fonction du siège : au niveau de la paroi abdominale.
−l’œsophagostomie :
− abouchement de l’œsophage cer-
vical au niveau du cou ; 5/LE CÔLON :
−la
− gastrostomie : abouchement de l’estomac au niveau Il est constitué par le côlon droit et le côlon gauche. Le
de la paroi abdominale ; côlon droit intervient dans l’absorption de l’eau et du sel
−l’iléostomie :
− abouchement de l’iléon à la paroi abdo- alors que le côlon gauche assure le stockage des ma-
minale ; tières fécales déshydratées. Ainsi le chyme intestinal,
−la
− colostomie : abouchement du colon à la paroi ab- dont la consistance est celle d’une bouillie liquide au
dominale. niveau du côlon droit, au fur et à mesure qu’il transite
• en fonction de son caractère : dans le côlon sera transformé en matières fécales par
−stomie
− définitive ; absorption d’eau. Le côlon comporte des segments mo-
−stomie
− temporaire. biles pouvant être facilement extériorisés tels le cæcum,
• en fonction de son aspect : le côlon transverse et le sigmoïde. Les autres segments
−stomie
− terminale ; coliques sont fixés et ils ne peuvent être spontanément
−stomie
− latérale. amenés au niveau de la paroi abdominale.

II. RAPPEL ANATOMO-PHYSIOLOGIQUE III. INDICATION DES STOMIES


(OBJECTIF N° 2) : (OBJECTIF N° 3) :
La compréhension des répercussions liées à la confection Une stomie digestive peut être indiquée pour deux rai-
des stomies digestives nécessite le rappel de quelques sons différentes :
notions de base d’anatomie et de physiologie du tractus • soit dans un but d’alimentation ;
digestif, ainsi que de certains éléments se rapportant à • soit dans but d’évacuation ou de dérivation des matières.
la physiologie de la digestion.
Le rôle du tractus digestif est d’assurer la progression A. LES STOMIES D’ALIMENTATION :
des aliments, leur digestion et enfin l’absorption des élé- Elles sont destinées à assurer une alimentation entérale
ments nutritifs. Le tractus digestif est composé de diffé- à partir d’un segment du tube digestif. Les stomies d’ali-
rents segments qui sont : mentation siègent toujours en aval de la cause imposant
l’interruption du circuit digestif. Elles sont effectuées
1/L’ŒSOPHAGE : essentiellement sur l’estomac (gastrostomie d’alimen-
C’est un organe profond et en majeure partie de siège tation) ou le jéjunum (jéjunostomie d’alimentation). Les
thoracique. Il intervient dans l’acheminement des ali- stomies d’alimentation seront le support à une alimen-
ments de la bouche vers l’estomac. Seule la partie cer- tation entérale qui sera :
vicale peut être utilisée pour la confection d’une stomie. • soit définitive, en cas de tumeur inextirpable du trac-
tus digestif supérieur (exemple : gastrostomie pour un
2/L’ESTOMAC : cancer de l’œsophage inextirpable, jéjunostomie pour
Il réalise l’équivalent d’un réservoir ou a lieu le bras- un cancer de l’estomac inextirpable) ;
sage des aliments et l’acidification du contenu. Le suc • soit temporaire, dans le cas d’une intervention majeure
gastrique est acide. Le volume de l’estomac ne permet sur le tractus digestif supérieur (exemple : une jéjunos-
pas son extériorisation à la peau. Il ne peut qu’être ame- tomie à la suite d’une œsophagectomie pour un cancer
né au niveau de la paroi abdominale antérieure. de l’œsophage, d’une gastrectomie totale pour un can-
cer de l’estomac, d’une gastrectomie totale associée à
3/LE DUODÉNUM : un stripping de l’œsophage pour une brûlure caustique
C’est un organe profond et rétropéritonéal. Il intervient œso-gastrique stade IV ou d’une duodénopancréatec-
essentiellement dans la digestion des aliments grâce tomie céphalique pour un cancer de la tête du pancréas
aux enzymes bilio-pancréatiques. Le suc duodénal est ou pour une tumeur oddienne).
alcalin. La topographie du duodénum et ses rapports
étroits avec la tête du pancréas ne permettent pas de B. LES STOMIES D’ÉVACUATION :
l’amener au niveau de la paroi abdominale. Elles sont destinées à assurer l’évacuation des matières
en amont d’un segment digestif pathologique. Cette dé-
4/L’INTESTIN GRÊLE : rivation des matières peut être envisagée soit à titre dé-
Il est constitué par le jéjunum et l’iléon. C’est un seg- finitif soit à titre temporaire. Elles sont réalisées essen-
ment mobile du tube digestif. Il intervient aussi dans tiellement au niveau de l’iléon et du côlon.
la digestion, mais surtout dans l’absorption des nu-
triments. C’est au niveau de l’iléon que sont absorbés 1/STOMIES D’ÉVACUATION DÉFINITIVE :
les glucides, les protéines et les lipides, ainsi que l’eau, Elles constituent une phase irréversible dans la séquence
les électrolytes, la vitamine B12, le fer et le calcium. Le thérapeutique de la maladie causale. Une fois cette

242 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


phase réalisée, aucun rétablissement de la continuité • d’une iléostomie dans les péritonites par perforation du
n’est possible. Ces stomies sont réalisées chaque fois grêle vues tardivement ou d’occlusion par volvulus du
qu’un sacrifice de l’appareil sphinctérien doit être envi- grêle vue au stade de péritonite ;
sagé soit pour des impératifs thérapeutiques (exemple : • d’une colostomie en cas de péritonite par perforation
un cancer du rectum dont le pôle inférieur siège à moins colique traumatique, après exérèse en urgence d’un
de 5  cm de la marge anale), soit pour des raisons lo- cancer du côlon gauche en occlusion ou après exérèse
cales (exemple  : délabrement périnéal important avec du sigmoïde pour un volvulus du sigmoïde avec nécrose
destruction sphinctérienne dans certaines formes de la intestinale.
rectocolite hémorragique après une longue évolution de
la maladie ou dans les localisations ano-périnéales de
la maladie de CROHN). rectocolitefamiliale. Mais plus IV. PRÉPARATION DU PATIENT A LA STOMIE
fréquemment, il s’agit de colostomie terminale définitive (OBJECTIFS N° 4 ET 5) :
après amputation abdomino-périnéale pour des tumeurs
du bas rectum. La confection d’une stomie d’évacuation a pour consé-
quence la perte du contrôle volontaire de l’exonération
2/STOMIES D’ÉVACUATION TEMPORAIRE : des matières, contrôle qui est à la base de la vie commu-
Elles constituent une phase transitoire dans une sé- nautaire et sociale. Qu’elle soit temporaire ou définitive,
quence thérapeutique. Une fois cette phase achevée, la cette stomie devra être supportée durant une période
stomie est refermée permettant ainsi le rétablissement plus au moins longue selon l’étiologie et le pronostic de
de la continuité digestive. En fonction des situations l’affection causale. La décision de réaliser une stomie di-
cliniques, ces stomies temporaires peuvent être subdi- gestive doit être formulée au patient en pré opératoire et
visées en stomie de dérivation, stomie de protection et l’emplacement de cette stomie doit être bien choisi.
stomie de sauvetage.
A. INFORMATION DU PATIENT :
a/Les stomies de dérivation : L’éventualité de la création d’une stomie doit être annon-
Elles ont pour but de dériver la totalité des aliments en cée au patient non seulement dans le cadre d’une inter-
amont d’un segment digestif pathologique. C’est ain- vention réglée et à froid, mais aussi dans le cadre de l’ur-
si qu’en présence d’un obstacle tumoral celui-ci sera gence et dans toute situation où l’on sait qu’une stomie
contourné et qu’en présence de lésions inflammatoires, le risque d’être réalisée (occlusion, péritonite...).
tube digestif pathologique sera mis au repos par exclusion. Cette information doit être faite par le chirurgien qui
Ces stomies doivent siéger en amont du segment digestif prend en charge le patient. Cette stomie digestive ne doit
lésé. Elles sont pratiquées lorsque l’état général et/ou lo- jamais être une surprise pour l’opéré à son réveil en pos-
cal ne permet pas d’effectuer d’emblée la totalité du trai- topératoire. Une stomie est d’autant plus mal vécue par
tement chirurgical nécessaire. De ce fait, ces stomies de le patient que sa réalisation n’avait pas été évoquée en
dérivation s’intègrent dans un programme thérapeutique pré opératoire.
visant à traiter le segment digestif pathologique, et elles
ne représentent que le premier temps de ce programme. B. CHOIX DE L’EMPLACEMENT DE LA STOMIE :
L’exemple type en est la colostomie première de proche Cet emplacement est primordial, car il conditionne la vie
amont par voie élective en cas d’occlusion néoplasique du ultérieure du stomisé. Mal placée, la stomie peut être
côlon gauche. Nous pouvons en rapprocher : inappareillable et handicaper fortement le patient. Le
• l’œsophagostomie cervicale dans le traitement des siège d’une stomie est déterminé sur un patient exami-
perforations traumatiques de l’œsophage ; né en position couchée, mais aussi en position debout
• et les colostomies en amont de lésions inflammatoires et assis. La stomie doit être bien visible et accessible au
coliques ou rectales. patient lui-même. Elle doit être placée à distance des in-
cisions, des reliefs osseux (rebord costal, crête iliaque),
b/Les stomies de protection : de l’ombilic, d’un repli cutané ou d’une cicatrice.
Elles sont réalisées pour protéger une anastomose sous
jacente à haut risque de lâchage. Il peut s’agir :
• d’une iléostomie en amont d’une anastomose iléo- V. MODALITÉS ET DIFFERENTS TYPES DE
anale sur réservoir après coloproctectomie pour une STOMIES (OBJECTIF N° 6) :
rectocolite hémorragique ou une polypose rectocolite
familiale ; La réalisation d’une stomie digestive nécessite d’amener
• d’une iléostomie ou une colostomie en amont d’une un segment du tube digestif au niveau de la paroi. Cette
anastomose colorectale basse ou coloanale pour un mise à la peau peut se faire directement ou indirecte-
cancer du tiers moyen du rectum ou d’une réparation ment.
d’une plaie de la jonction recto-sigmoïdienne.
A. STOMIE INDIRECTE :
c/Les stomies de sauvetage : Elle se fait par l’intermédiaire d’une sonde introduite
Elles sont pratiquées chaque fois qu’une suture diges- dans un segment digestif et auquel la sonde est fixée.
tive est contre indiquée en raison d’un risque élevé de Le segment digestif est amené au niveau de la face pos-
lâchage anastomotique. Ces risques dus aux conditions térieure de la paroi par la sonde qui est extériorisée au
locales s’observent au cours des péritonites, abcès, as- niveau de la paroi abdominale et fixée à la peau. Cette
cites. Il peut s’agir : technique est le plus souvent utilisée en cas de stomie

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 243


d’alimentation. Elle siège exclusivement au niveau de B. STOMIE DIRECTE :
l’estomac et le jéjunum (gastrostomie et jéjunostomie Le segment digestif est extériorisé à la peau à travers
d’alimentation). Elle peut être définitive ou temporaire. la paroi. Cette technique nécessite l’utilisation d’un seg-
Lorsqu’elle est temporaire, le simple retrait de la sonde ment digestif suffisamment mobile pour être extériorisé.
permet la fermeture de la stomie. Deux types de mon- En pratique deux types de stomies directes doivent être
tages sont fréquemment réalisés. Il s’agit de la stomie individualisées : les stomies latérales et les stomies ter-
d’alimentation sur sonde à trajet non tunnellisé (tech- minales.
nique de FONTAN) et de la stomie sur sonde à trajet tun-
nelisé (technique de WITZEL). 1/LES STOMIES LATÉRALES SUR BAGUETTE :
Elles consistent à amener un segment digestif libre à la
1/LA STOMIE À LA FONTAN : paroi et à le maintenir extériorisé à l’aide d’une baguette
Elle consiste, après ouverture à minima d’un segment en verre passée à travers le méso (Figure N° 1). L’ouver-
digestif, en l’introduction d’une sonde de gros calibre qui ture du segment digestif est immédiate. Ainsi, on obtient
est fixée par une bourse à la paroi intestinale. La sonde deux orifices l’un d’amont fonctionnel et l’autre d’aval
est extériorisée par une contre incision pariétale et le exclu. Ces stomies latérales sur baguettes sont des sto-
segment digestif est fixé à l’aponévrose postérieure au mies d’évacuation (exemple les stomies de dérivation et
niveau de l’orifice profond de la contre incision. La sonde les stomies de protection). Ces stomies latérales sont le
est fixée à la peau. On reproche à cette technique de ne plus souvent temporaires.
pas comporter un système anti-reflux. En effet en cas de
reflux du liquide digestif, le contact direct du liquide gas- 2/LES STOMIES TERMINALES :
trique ou jéjunal corrosif pour la peau est responsable de Elles consistent en l’abouchement cutané direct à la
lésions cutanées sévères. peau de la totalité de la section d’un segment digestif. En
fonction du nombre d’orifice stomial réalisé, on distingue
2/LA STOMIE À LA WITZEL : les stomies terminales à un seul orifice et les stomies
Elle consiste, après ouverture à minima d’un segment du terminales à deux orifices voire à plusieurs orifices.
tube digestif, en l’introduction d’une sonde de gros ca-
libre qui est fixée par une bourse, puis la sonde est tun- a/Les stomies terminales à un seul orifice :
nellisée aux dépens de la paroi du segment digestif par Il s’agit le plus souvent de stomie définitive. À titre
un surjet sur une dizaine de cm. On termine par l’extério- d’exemple, la colostomie iliaque gauche terminale dé-
risation de la sonde par une contre incision au niveau de finitive après amputation abdomino-périnéale pour un
la paroi avec fixation du segment digestif à l’aponévrose cancer du bas rectum. Dans certains cas, il s’agit d’une
profonde au niveau de la contre incision et fixation de la stomie temporaire, le bout d’amont ayant pu être amené
sonde à la peau. Cette technique a pour but d’éviter le à la peau et le bout distal ne pouvant être amené à la
contact du liquide digestif avec la peau par le système de peau a été suturé et abandonné dans la cavité périto-
valve anti-reflux réalisé après la tunnellisation. néale (exemple : colostomie terminale iliaque gauche et
Nous pouvons rapprocher de ces stomies indirectes, ré- fermeture du bout rectal après résection du côlon sig-
alisées sur des segments digestifs mobiles pouvant être moïde pour occlusion sur cancer du côlon sigmoïde  :
amenées à la peau et ne comportant pas donc de trajet l’intervention de HARTMANN, Figure N°  4). Nous pou-
intermédiaire, les stomies indirectes avec trajet intermé- vons en rapprocher l’œsophagostomie cervicale termi-
diaire réalisées sur des segments digestifs ne pouvant nale temporaire après gastrectomie totale et stripping
être amenées à la paroi. L’exemple type en est la duodé- de l’œsophage pour brûlure caustique grave du tractus
nostomie d’évacuation. digestif supérieur.

b/Les stomies terminales à deux


orifices voire plusieurs orifices :
Il s’agit souvent de stomie temporaire
de sauvetage. Après résection d’un
segment digestif, le rétablissement de
la continuité ne pouvant être fait en rai-
son de contre-indications locales. Dans
ce type de stomie, le bout d’amont est
fonctionnel et le bout d’aval est exclu
non fonctionnel. L’idéal est d’extério-
riser les deux stomies adossées l’une
à l’autre ce qui autoriserait le rétablis-
sement de la continuité digestive par
voie élective (exemple : stomie de sau-
vetage après péritonite par sphacèle
iléal secondaire à une occlusion méca-
nique du grêle vue tard, abouchement
à la paroi de deux bouts coliques après
résection sigmoïdienne sans rétablis-
sement immédiat pour un volvulus du

244 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


côlon pelvien avec nécrose intestinale : l’intervention de En fait, la gravité des perturbations hydroélectrolytiques
BOUILLY-VOLKMANN, Figure N°  3, ou l’abouchement et le déficit nutritionnel sont fonction du site de la stomie
de l’iléon terminal sous forme d’iléostomie terminale sur le grêle.
au niveau de la fosse iliaque droite et du bout distal du • Pour les stomies siégeant sur l’iléon terminal, il
sigmoïde sous forme de sigmoïdostomie terminale au n’existe pas de déficit nutritionnel et les perturbations
niveau de la fosse iliaque gauche après colectomie sub- hydroélectrolytiques sont minimes, voire absentes.
totale pour colite aiguë grave Figure N° 2). Elles ne se dévoilent qu’en cas de défaut d’apport (res-
Lorsque la stomie proximale est de siège haut sur le triction alimentaire) ou d’excès de perte (diarrhée ai-
grêle, les deux stomies seront extériorisées par des ori- guë).
fices séparés, mais du même côté. • Pour les stomies siégeant sur l’iléon proximal, le débit
de la stomie est important. Il est responsable de com-
plications hydroélectrolytiques sévères à type d’hypo-
VI. CONSÉQUENCES PHYSIOPATHOLO- natrémie, d’hypokaliémie, d’acidose hyperchlorémique
GIQUES DES STOMIES (OBJECTIF N° 7) : et d’insuffisance rénale aiguë. Le déficit nutritionnel
n’est pas négligeable, il est représenté par un défaut
Elles ne concernent que les stomies de drainage. La d’absorption de la vitamine B12 et par une malabsorp-
confection d’une stomie digestive de drainage a pour co- tion des acides biliaires à l’origine d’une bile lithogène
rollaire : et d’une malabsorption des graisses.
• la perte de la fonction de continence avec fuite des ma- • Les stomies siégeant au niveau du jéjunum sont res-
tières de façon plus ou moins continue par la stomie ponsables de perturbations hydroélectrolytiques graves
qui est appareillée par un collecteur ; et de troubles nutritionnels sévères par perturbation de
• et le court-circuit d’un segment digestif d’aval plus ou la digestion et un défaut d’absorption.
moins important pouvant interférer sur la digestion.
Les perturbations hydroélectrolytiques et métaboliques L’élimination au niveau de l’iléostomie est continue et
sont différentes et variables en fonction du siège de la l’effluent à une consistance semi-liquide ou plus ou
stomie : moins pâteux et il est corrosif. Ainsi, les stomies termi-
nales au niveau du grêle doivent être ourlées pour for-
1/LES ŒSOPHAGOSTOMIES : mer une trompe facilitant l’appareillage et éviter l’irrita-
Elles n’entraînent aucune perturbation tion cutanée.

2/LES GASTROSTOMIES : 4/LES COLOSTOMIES :


Elles sont à l’origine d’une perte du liquide gastrique Elles n’entraînent pas de retentissement hydro-électro-
riche en acide chlorhydrique. Les pertes, si elles ne sont lytique ni nutritionnel. Il se produit une réadaptation du
pas compensées, seront à l’origine de perturbation hy- côlon dont le but est de diminuer la teneur en eau des
droélectrolytique à type d’alcalose hypochlorémique hy- selles grâce à l’augmentation de la sécrétion d’aldosté-
pokaliémique et d’insuffisance rénale aiguë à l’instar de rone et de vasopressine et à la diminution de la motilité
ce qui est observé en cas de sténose du pylore. colique.
Une colostomie gauche va se traduire par des émissions
3/LES JÉJUNOSTOMIES de selles normales en qualité et en quantité. Au niveau
ET LES ILÉOSTOMIES : du côlon, les stomies terminales, vu le caractère non
Elles sont à l’origine d’une perte hydroélectrolytique et agressif des selles, seront fixées à la peau sans aucun
d’un déficit nutritionnel. Les pertes en sels et en eau artifice.
sont corrélées avec le débit de l’iléostomie. Pour com-
penser ses pertes, l’organisme réagit par un hyperaldos-
téronisme secondaire à l’origine d’une rétention d’eau et VII. PRISE EN CHARGE D’UNE STOMIE EN
de sel par le rein, et d’une augmentation d’absorption de POSTOPÉRATOIRE (OBJECTIF N° 8) :
l’eau et des sels au niveau de l’iléon terminal qui est le
site d’action de l’aldostérone. La période postopératoire est une étape cruciale tant sur
D’autre part, les pertes en sels dans l’effluent iléal sont le plan physique que sur le plan psychologique pour les
supérieures à celles du chlore. L’excès de chlore dans patients stomisés qui sont confrontés à :
l’organisme induit une acidose hyperchlorémique qui est • des problèmes locaux de soins et d’appareillage ;
compensée par une élimination accrue de chlore par le • des problèmes psychologiques liés à la perte du sché-
rein. Ce dernier joue un rôle primordial pour compenser ma corporel normal ;
ces perturbations en réalisant : • et à des problèmes de réinsertions sociale et profes-
• une rétention d’eau et de sel à l’origine d’une diminu- sionnelle.
tion de la diurèse avec baisse du rapport Na+/K+ ; Deux étapes préliminaires, à savoir, l’information en
• et une élimination du chlore associée à une fuite forcée préopératoire du patient et la réalisation en peropéra-
d’ammonium, vu que les urines contiennent déjà très toire d’une stomie techniquement parfaite, contribuent
peu de sodium, pour éviter l’acidose. largement à faciliter la réussite de cette prise en charge
Ainsi, les urines des iléostomisés sont concentrées et postopératoire.
acides, deux facteurs favorisant la formation de calculs
uriques.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 245


A. LES SOINS LOCAUX : • soit au système bibloc avec une poche vidangeable et
Les objectifs de soins locaux de la stomie sont : un support qui devra être découpé à la taille de la sto-
• une surveillance de la stomie ; mie. Les poches seront changées tous les jours et le
• l’autonomie du stomisé ; support sera gardé 4 à 5 jours sans risque de lésion
• le choix du matériel d’appareillage en cas de stomies péristomiale.
d’évacuation. En cas de colostomie, 3 types d’appareillages peuvent
être proposés :
1/LA SURVEILLANCE DE LA STOMIE : • le système monobloc avec poche fermée adhésive ;
Au début, elle doit être intégrée dans le cadre d’une sur- • le système bibloc (figure  5, 6) avec poche fermée se
veillance globale en postopératoire et permet de détecter connectant à un support adhésif ;
précocement les complications locales. Ultérieurement, • l’obturateur externe avec filtre associé à l’irrigation co-
le stomisé doit apprendre à déceler l’apparition de compli- lique qui ne peut être utilisé qu’en cas de colostomie
cations tardives et en particulier les irritations cutanées. définitive gauche. Les irrigations coliques permettent
d’obtenir l’absence quasi totale de selles entre les
2/L’AUTONOMIE DU STOMISÉ : séances d’irrigations. De ce fait elles permettent au
Elle est obtenue par une intégration progressive du pa- patient porteur d’une colostomie iliaque gauche de ne
tient stomisé dans les différentes phases des soins lo- pas recourir au port de poche pour l’appareillage. La
caux qui doivent être simples. Elle se déroule en deux stomie est tout simplement obturée par un obturateur
étapes : externe adhésif avec filtre. L’irrigation colique est faite
• au début, les soins se dérouleront au lit et chaque geste à une heure précise de la journée avec 500 cc à 750 cc
exécuté par le médecin ou l’infirmier est expliqué au d’eau tiède passée en 5 à 10 minutes et à l’évacuation
stomisé ; du contenu colique immédiatement durant 15 à 30 mi-
• plus tard, les soins seront effectués par le stomisé lui- nutes. Cette technique permet une meilleure tolérance
même sous contrôle médical. de la stomie sur les plans physique et psychologique,
La finalité de cet apprentissage est d’aboutir à la prise en facteurs déterminants pour une réinsertion sociale de
charge complète par le stomisé : qualité.
• des soins locaux ;
• de changement de l’appareillage en cas de stomies
d’évacuation ;
• et de connaître ses besoins énergétiques quotidiens et Figure5 : Appareillage
les modalités de la préparation du régime en cas de d’une stomie d’évacuation
stomie d’alimentation. bibloc

3/LE CHOIX DU MATÉRIEL D’APPAREILLAGE :


Il doit être le plus simple possible et adapté à la stomie
à savoir son type, la qualité de ses éliminations, leur vo-
lume et leur caractère continu ou non. Le choix du type
d’appareillage ne se fera qu’après essais des divers
modèles compatibles avec la stomie, l’état cutané, les
effluents, le confort du stomisé et parfois le coût. Dans
ce choix, la simplicité du changement de l’appareillage
doit être prise en considération. Ce changement doit être Figure 6 :
simple et non fastidieux et comporte quatre temps : Stomie
• la mesure du diamètre de la stomie et la découpe de d’évacuation
l’orifice de la poche ou du support à la taille adéquate ; appareillée
• le nettoyage de la peau qui sera lavée à l’eau et au sa- (support en
von de Marseille et le séchage ; place)
• la pose de la poche ;
• et l’entretien se fait en fonction de la stomie et du type
d’appareillage.
Une stomie d’évacuation sera appareillée : Alimentation par une stomie (figure 7,8) :
• soit par un système monobloc comportant une poche Les stomies d’alimentation comme leur nom l’indique,
adhésive fermée ou vidangeable munie de protecteur sont réalisées dans le but d’une alimentation entérale.
de paroi ; Cette alimentation est le plus souvent réalisée par l’in-
• soit par un système bibloc comportant une poche fer- termédiaire d’une nutripompe à débit réglable. Elle est
mée ou vidangeable se connectant à un support adhésif réalisée le plus souvent avec des produits industriels.
muni d’un protecteur de paroi. Les produits standard correspondent aux normes d’une
En cas d’iléostomie, en raison de leur débit on aura re- alimentation équilibrée  : 55  % de glucides, 30  % de li-
cours : pides et 15  % de protéines environ. Des préparations
• soit au système monobloc avec des poches vidan- riches en calories (hypercaloriques) et en protéines (hy-
geables qui doivent être changées au moins tous les perprotéinés) sont également disponibles.
deux jours pour éviter les lésions cutanées péristo-
miales ;

246 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


Toutes ces perturbations rendent compte de l’importance
de la préparation psychologique du patient et de son entou-
rage avant l’intervention et durant les mois qui vont suivre.

Figure7 : Exemple de préparation C. LA RÉINSERTION SOCIALE


pour une alimentation entérale ET PROFESSIONNELLE :
Le patient porteur d’une stomie doit être persuadé que
malgré son infirmité, il est apte à mener une vie normale.
Dès sa sortie de l’hôpital, le stomisé aura besoin du
soutien familial dans l’apprentissage de sa nouvelle vie.
Mais, il faudrait éviter d’en faire un assisté.
Sur le plan professionnel, en dehors des métiers de
Figure 8 : force, une reprise de l’activé antérieure est souhaitable.
Nutripompe à faible En effet, la réinsertion professionnelle conforte le sto-
encombrement (portable) misé dans sa nouvelle identité d’individu autonome et
productif dans la société.
La pratique de sports non violents et les voyages sont
vivement recommandés.
Dans certaines situations, il est utile d’informer l’entou-
rage de l’existence d’une stomie. Cette information per-
mettrait la compréhension de la part de l’entourage et
contribuerait à faciliter la réinsertion du stomisé.
À l’heure actuelle, les progrès réalisés au niveau de la
prise en charge des patients stomisés l’ont été grâce au
développement de la stomathérapie et aux efforts des
stomathérapeutes. Cette spécialité nouvelle, qui a pour
but d’aider les stomisés, se définit comme l’ensemble de
l’aide, de l’information et des soins à porter aux stomisés
en dehors des soins médicaux qui concernent leur ma-
B. PERTURBATIONS PSYCHOLOGIQUES : ladie ou leur intervention. Elle s’intéresse aux problèmes
La confection d’une stomie digestive induit une pertur- d’appareillage, de soins locaux, d’adaptation psycholo-
bation du schéma corporel avec pour conséquence des gique et de réinsertion socioprofessionnelle.
perturbations psychologiques. L’adaptation psycholo-
gique du patient stomisé n’est pas facile et le change-
ment intervenu dans l’image corporelle ne peut être ré- VIII. LES COMPLICATIONS DES STOMIES
solu d’une manière simple. Après une première période (OBJECTIF N° 9) :
d’agressivité, vis-à-vis de l’entourage, le patient passe
par une phase de résignation et finalement d’accepta- Elles peuvent être soit inhérentes à une technique
tion. Cette dernière étape est instable avec des périodes chirurgicale défectueuse soit à des perturbations méta-
de rejets favorisées par les difficultés d’appareillage ou boliques.
les conflits socioprofessionnels.
L’intensité des réactions psychologiques est fonction : A. COMPLICATIONS PROPRES AUX STOMIES :
• du contexte pathologique lié à la nature, à la gravité et La fréquence de ces complications est variable, elles sont
au pronostic de la maladie causale ; inhérentes dans la plupart des cas à un défaut technique.
• des conditions de la préparation psychologique à la De gravité variable, elles peuvent perturber les soins et
stomie avant l’intervention ; la prise en charge du stomisé. Ces complications s’ob-
• du terrain : âge, profil psychologique antérieur, accep- servent aussi bien pour les stomies d’alimentation que
tation de la perte de l’intégrité du schéma corporel et la pour les stomies d’évacuation.
capacité à faire un deuil ;
• des conséquences associées inhérentes à l’acte chirur- 1/LES COMPLICATIONS DES STOMIES
gical (exemple : troubles sexuels après amputation ab- D’ALIMENTATION :
domino-périnéale) ; Elles sont peu fréquentes et représentées essentielle-
• et de la capacité de l’entourage à accepter et à s’adap- ment par :
ter à cette nouvelle situation. • la péritonite postopératoire secondaire au lâchage du
Les perturbations psychologiques sont variables : montage, elle impose la réintervention ;
• un état maniaque, un repli dans une hyperactivité mor- • la chute de la sonde dont la remise en place lorsqu’il
bide ou un état dépressif traduisent une pathologie de s’agit d’une stomie tunnellisée peut s’avérer difficile ;
deuil ; • les lésions cutanées qui sont observées en cas d’orifice
• une dépersonnalisation avec angoisse traduit l’incapa- stomial large par rapport à la sonde.
cité à supporter la modification corporelle ;
• la décompensation de personnalité névrotique ou pho- 2/COMPLICATIONS DES STOMIES D’ÉVACUATION :
bique par la culpabilité associée à la perte du contrôle Elles sont plus fréquentes et sont subdivisées en compli-
de l’évacuation des selles ; cations précoces et tardives.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 247


a/Les complications précoces : −les
− lésions cutanées sont variables allant du simple
Elles sont représentées par : érythème jusqu’aux ulcérations cutanées surinfec-
• L’hémorragie postopératoire  : elle est due soit à un tées.
défaut d’hémostase au niveau de la traversée mus- Toutes ces complications rendent la prise en charge du
culo-aponévrotique soit à une ligature imparfaite du stomisé laborieuse avec des difficultés d’appareillage
mésentère ou du mésocôlon. Le diagnostic est facile qui peuvent aggraver l’état psychologique du patient.
lorsque l’hémorragie est extériorisée. Lorsqu’elle est Elles peuvent être évitées par une technique rigoureuse
intrapéritonéale, elle se traduit par un tableau d’hé- et par un choix judicieux de l’emplacement de la sto-
morragie interne. mie. Si la réalisation d’une stomie digestive termine le
• La nécrose de la stomie  : elle est le plus souvent en plus souvent une intervention longue et complexe, sa
rapport avec une stomie extériorisée sous traction, confection ne doit pas souffrir de la baisse de vigilance
rarement par une compression du pédicule vasculaire de l’équipe chirurgicale. En effet, le peu de temps consa-
nourricier par un orifice aponévrotique étroit ou par cré à sa réalisation pèse lourd sur l’avenir du patient et
une dévascularisation du segment digestif extériorisé conditionne son confort ultérieur. Ainsi, l’hémostase doit
sous forme de stomie. Le diagnostic repose sur l’ins- être soigneuse, la stomie bien vascularisée et amenée à
pection régulière de la stomie. Une nécrose totale et la peau sans traction, l’orifice pariétal adapté à la taille
étendue impose la réintervention ; du segment digestif extériorisé et éviter l’inoculation du
• La rétraction de la stomie  : c’est une complication trajet pariétal.
grave, car elle augmente le risque de sepsis péristo-
mial et expose à une inoculation septique de la cavi- B. LES COMPLICATIONS MÉTABOLIQUES :
té péritonéale. Elle est secondaire à l’extériorisation Ces complications sont l’apanage des iléostomies et sont
d’une stomie sous traction. plus sévères encore dans les iléostomies proximales.
• L’infection péristomiale  : c’est la plus fréquente des Elles peuvent être graves et engager le pronostic vital en
complications précoces. Elle est le plus souvent en cas de retard thérapeutique. Il peut s’agir de :
rapport avec une contamination du trajet pariétal lors
de l’extériorisation de la stomie ou lors de sa confection 1/LES TROUBLES HYDRO-ÉLECTROLYTIQUES :
au cours d’une intervention septique. Elle est parfois Les déperditions d’eau et de sodium, lorsqu’elles ne sont
secondaire à une hémorragie ou à une rétraction sto- pas compensées, aboutissent à l’apparition d’une dés-
miale. hydratation avec hyponatrémie dont l’expression clinique
• L’éviscération parastomiale : elle est favorisée par un est variable en fonction de l’intensité de ce déficit.
orifice aponévrotique trop large. Elle impose une réin- La déplétion potassique, le plus souvent secondaire à la
tervention en urgence. déplétion sodée, est rare.
• L’occlusion postopératoire : en dehors des occlusions La déplétion en magnésium, observée dans les iléosto-
sur brides, elle peut être en rapport avec l’incarcération mies à fort débit, peut se traduire par une tétanie. Celle-
d’une anse à travers la brèche entéropariétale. ci est liée à l’hypocalcémie secondaire au déficit en ma-
gnésium. La carence en vitamine B12 est rare et tardive.
b/Les complications tardives : Elle est notée le plus souvent après une résection de
Elles sont les plus fréquentes et représentent les trois l’iléon terminal. Mais elle peut se voir en cas d’iléostomie
quarts des complications. terminale sans résection. Une évaluation quotidienne
• L’éventration péristomiale  : elle est plus fréquente des besoins permet d’éviter ces complications.
après une colostomie qu’après une iléostomie. Le dia-
mètre de l’orifice pariétal représente un facteur déter- 2/LA LITHIASE URINAIRE ET VÉSICULAIRE :
minant dans la genèse de cette complication. D’autres Leur prévalence chez les patients porteurs d’iléostomie
facteurs interviennent à un degré moindre : les compli- est augmentée par rapport à la population normale.
cations péristomiales et le terrain. L’éventration péris-
tomiale est souvent asymptomatique et peu gênante.
• La sténose de la stomie : elle est favorisée par une ré- IX. CONCLUSION :
section cutanée insuffisante et par l’infection péristo-
miale. Lorsque la sténose est serrée, elle peut devenir La réalisation d’une stomie digestive est indispensable
symptomatique et nécessiter une réintervention. au cours de la prise en charge de certaines affections du
• Le prolapsus  : il peut se voir aussi bien sur une sto- tube digestif. La stomie digestive vise soit à assurer un
mie terminale que latérale et il est en rapport avec une apport nutritif, soit à exclure un segment pathologique
technique imparfaite. Le prolapsus, s’il est volumineux du tube digestif. Elle constitue pour le patient une agres-
ou devient irréductible, impose la réintervention. sion psychique qui sera d’autant mieux surmontée que :
• Les complications cutanées péristomiales  : les plus • sa réalisation et son emplacement avaient été envisa-
fréquentes des complications tardives. Elles sont se- gés en préopératoire,
condaires à : • la technique chirurgicale est parfaite,
−un
− défaut d’appareillage de la stomie placée à proxi- • et que la prise en charge en postopératoire a permis
mité d’un pli de flexion, d’un relief osseux, ou inacces- de rendre au stomisé son autonomie et a abouti à sa
sible à la vue ; réinsertion socioprofessionnelle.
−des
− soins inadaptés avec un changement fréquent de
l’appareillage ou l’utilisation de produits irritants pour
le nettoyage du revêtement cutané péristomial ;

248 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


TESTS D’ÉVALUATION
Test n° 1 : Quels sont les segments suivants du tube digestif qu’on ne peut extérioriser au niveau de la paroi ?
a) Le duodénum. b) Le jéjunum. c) L’estomac.
d) L’iléon. e) L’œsophage thoracique.

Test n° 2 : Indiquer la ou (les) proposition (s) exacte (s) concernant les stomies d’alimentation :
a) siègent en amont de l’affection causale. b) sont toujours temporaires.
c) sont des stomies indirectes. d) sont uniquement réalisées au niveau du jéjunum.
e) ne sont pas toujours indiquées à titre palliatif.

Test n° 3 : Quelles sont les propositions qui s’appliquent à une stomie définitive d’évacuation ?
a) Est terminale dans tous les cas. b) Est réalisée en amont de la cause.
c) Est une stomie de protection. d) Siège sur le colon ou le grêle.
e) Est indiquée en cas de tumeur de la jonction recto-sigmoïdienne.

Test n° 4 : Quelle (s) est (sont) parmi les affirmations suivantes celle (s) qui est (sont) exacte (s) ?
a) La décision de réaliser une stomie est toujours prise en peropératoire.
b) Le choix de l’emplacement d’une stomie est fait sur patient debout, assis et couché.
c) La stomie est placée au niveau de l’incision chirurgicale.
d) La stomie doit siéger loin des plis et prés des reliefs osseux.
e) La stomie doit siéger loin des plis et des reliefs osseux.

Test n° 5 : Parmi les affirmations suivantes concernant l’intervention de HARTMANN,


la (es) quelle (s) est (sont) exacte(s) ?
a) Est une stomie latérale. b) Est une stomie temporaire.
c) Est une stomie indirecte. d) Est un abouchement en canon de fusil du côlon.
e) Le rétablissement nécessite la réintervention.

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 249


TRAITEMENT CHIRURGICAL DES MALADIES INFLAMMATOIRES
ET CHRONIQUES DE L’INTESTIN

Prérequis
1. Cours de gastro-entérologie : les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin

Les objectifs éducationnels


Au terme de ce cours, l’étudiant pourra :
1. Énoncer les modalités et les principes du traitement chirurgical des maladies inflam-
matoires et chroniques de l’intestin
2. Citer les différents procédés chirurgicaux de traitement des maladies inflammatoires et
chroniques de l’intestin
3. Connaître les indications chirurgicales et planifier la prise en charge chirurgicale des
maladies inflammatoires et chroniques de l’intestin
4. Planifier la stratégie thérapeutique devant une maladie inflammatoire et chronique de
l’intestin

I. INTRODUCTION : II. TRAITEMENT CHIRURGICAL


DE LA MALADIE DE CROHN :
Les maladies inflammatoires chroniques intestinales
(MICI) représentent un groupe de maladies idiopa- A. OBJECTIFS ET PRINCIPES GÉNÉRAUX DE
thiques caractérisées par une inflammation chronique LA CHIRURGIE :
de l’intestin. Ce groupe correspond à deux grandes La chirurgie est une composante essentielle dans la
affections : la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite prise en charge de la MC. Elle n’est pas curative puisque
hémorragique (RCH). Ces affections sont récidivantes, la maladie peut récidiver sur n’importe quel segment di-
atteignent certains segments du tube digestif avec des gestif.
manifestations cliniques variées et souvent une évolu- Les principes de cette chirurgie sont donc les suivants :
tion chronique peu prévisible. Malgré l’amélioration du • traiter les symptômes ; • limiter l’étendue de la résec-
traitement médical et des stratégies thérapeutiques, tion intestinale, en particulier sur l’intestin grêle, afin
la chirurgie est nécessaire chez plus de 60 % des pa- d’éviter au maximum le risque de grêle court ;
tients atteints de maladie de Crohn et près de 30  % • préserver les résultats fonctionnels, en particulier dans
des malades atteints de rectocolite hémorragique. La les formes avec une atteinte colorectale, afin de limiter
chirurgie a beaucoup évolué au cours des 20 dernières autant que possible le risque d’iléostomie définitive.
années, notamment dans le type d’intervention réali-
sée et la voie d’abord utilisée avec le développement 1. LIMITER L’ÉTENDUE DE LA RÉSECTION
de la laparoscopie. INTESTINALE
Le point essentiel est d’éviter des exérèses intestinales
trop étendues, risquant de mener lors d’éventuelles réin-
terventions pour récidive à un syndrome de grêle court.
Il est maintenant bien établi qu’il faut enlever les zones
malades avec une marge de sécurité macroscopique
courte. Par conséquent, il est formellement contre-in-
diqué de réséquer des zones d’intestin jugées comme
pathologiques sur les seuls examens morphologiques,
mais sans conséquence clinique.

2. LA PRÉPARATION PRÉOPÉRATOIRE :
En dehors de l’urgence, la nécessité d’une préparation
à l’intervention peut être discutée dans deux éventuali-
tés. La première est le sevrage d’une corticothérapie. La
deuxième est la réalisation d’une assistance nutrition-
nelle dès qu’existent une dénutrition sévère et un taux
d’albumine inférieur à 30 g/l, associés à un risque accru
de complications

250 ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2


3. INSTALLATION DU PATIENT ET VOIE D’ABORD B. MÉTHODES ET INDICATIONS :
CHIRURGICALE B1/INTERVENTIONS À FROID :
La voie d’abord est habituellement la laparotomie mé- 1/Interventions sur l’intestin grêle
diane. La laparoscopie prend une place de plus en plus L’atteinte du grêle est la plus fréquente de la MC et
marquée. Plusieurs arguments plaident pour son utilisa- concerne plus de la moitié des malades au diagnos-
tion dans la MC : tic initial. Dans près de 70  % des cas, cette atteinte ne
– le moindre traumatisme de la paroi chez les sujets concerne que la dernière anse iléale.
jeunes (où le souci esthétique est important)
– le risque élevé d’interventions itératives a/Indications du traitement chirurgical :
– la réduction de la douleur postopératoire et de la durée Deux principales indications peuvent en effet être distin-
d’hospitalisation permettant une reprise plus rapide de guées :
l’activité professionnelle. • La forme sténosante  : la chirurgie est indiquée dans
deux situations :
4. L’EXPLORATION PRÉ- ET PEROPÉRATOIRE −atteinte
− iléale terminale inflammatoire, responsable
Avant toute résection intestinale pour MC, il est néces- de symptomatologie occlusive (syndrome de Kœnig)
saire d’avoir un bilan intestinal le plus complet. L’exten- ne cédant pas après traitement médical
sion des lésions sur l’intestin grêle est recherchée au −sténose
− de l’intestin grêle, symptomatique, sans signe
mieux par la réalisation d’un entéroscanner ou d’une en- d’activité inflammatoire (biologique et radiologique)
téro-IRM. À ce bilan s’ajoute la réalisation systématique • La forme perforante responsable de fistule et d’abcès.
d’une iléocoloscopie avec biopsies. (Figures 1,2)
b/Résections intestinales (figure 3) :
L’intervention débute par une exploration complète de
l’abdomen permettant l’inventaire des lésions. La ré-
section doit emporter les lésions intestinales macrosco-
piques. Les résections les plus souvent réalisées sont :
• la résection iléo-cæcale pour iléite terminale : le cæ-
cum et le côlon ascendant sont mobilisés et la section
colique est effectuée en zone macroscopiquement
saine, habituellement quelques centimètres en aval du
cæcum. Cette résection peut être étendue sur le grêle
d’amont en cas d’autres lésions synchrones. En règle
générale, le rétablissement de la continuité se fait dans
le même temps que la résection sous la forme d’une
anastomose iléo-colique latéro-latérale.
• les résections segmentaires du grêle pour traiter des
lésions jéjunales ou iléales non terminales.

Figure 1 : Entéro-IRM d’une maladie de Crohn de l’iléon


terminal.

Figure  3  : Résection iléo-cæcale avec anastomose iléo-co-


lique latéro-latérale

c/Stricturoplasties (figure 4) :
Figure 2 : TDM d’une maladie de Crohn de l’iléon terminal. En présence de multiples atteintes de l’intestin grêle,
(Flèche : épaississement pariétal circonférentiel de l’iléon avec des résections étendues ou multiples risqueraient de
prise de contraste pariétale) conduire à un grêle court. Pour éviter ces séquelles, on
peut réaliser une plastie d’élargissement des sténoses.
Lors de toute laparotomie pour MC, il est indispensable Ces stricturoplasties peuvent être multiples en cas de
de libérer l’ensemble de l’intestin grêle afin de s’assurer sténoses étagées. Plusieurs types de stricturoplastie ont
de l’absence de sténose passée inaperçue sur les exa- été proposés selon la longueur de la sténose :
mens préopératoires, et qui pourrait faire discuter une • Stricturoplasties courtes type Heineke-Mikulicz  : in-
résection associée. diquées en cas de sténoses de moins de 10 cm. Elles

ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018 / CHIRURGIE GENERALE / DCEM2 251


consistent en une incision longitudinale faite sur le c/Colectomie totale avec anastomose iléorectale (AIR)
bord antimésentérique de la sténose. L’incision est en- Elle est indiquée en cas d’atteinte colorectale étendue
suite fermée transversalement selon le principe d’une dans tous les cas où le rectum est sain ou peu malade
pyloroplastie. et en l’absence de manifestations anopérinéales sévères.
• Les stricturoplasties type Finney : indiquées en cas de En effet, cette intervention permet d’obtenir des résultats
sténoses plus longues de 10 à 20 cm. fonctionnels à moyen et long termes satisfaisants et per-
met de retarder l’éventuel recours
à une iléostomie terminale défini-
tive.

d/Coloproctectomie totale avec


iléostomie terminale définitive :
Elle est indiquée chez les patients
atteints de MC pancolique et chez
qui le rectum n’est pas conser-
vable. En l’absence de dysplasie
Figure 4 : Stricturoplastie selon Heineke-Mikulicz. ou de cancer, la dissection rectale est menée le long du
tube digestif afin de limiter au maximum les risques de
2/Atteintes colorectales (Arbre décisionnel.) : séquelles
L’atteinte colique concerne près du tiers des malades at-
teints de MC.

a/Indication du traitement chirurgical : Les indi-


cations de la chirurgie peuvent être résumées en
quatre situations :

Maladie de Crohn colorectale réfractaire au


traitement médical :
Trois situations sont retenues comme des indi-
cations :
• si les symptômes sont mal contrôlés après un
traitement médical optimisé ;
• si le traitement médical à long terme expose le
patient à un risque élevé de complications liées
à ce traitement, en particulier en cas de corti-
codépendance ;
• si les effets secondaires du traitement médical
sont mal tolérés.

Formes sténosantes symptomatiques :


Les formes sténosantes symptomatiques relèvent d’un Arbre décisionnel. Prise en charge chirurgicale de la maladie
traitement chirurgical si l’atteinte est résistante au trai- de Crohn colorectale
tement médical ou si elle apparaît fibreuse et non in-
flammatoire sur les examens d’imagerie et en particulier B2/ CHIRURGIE EN URGENCE
l’entéro-IRM. Les sténoses coliques de MC doivent faire Les indications de chirurgie en urgence dans la MC sont
systématiquement rechercher une dégénérescence adé- largement dominées par la colite aiguë grave qui est
nocarcinomateuse présente dans 7 % des cas. moins fréquente dans la MC que dans la RCH.
Elle nécessite une colectomie subtotale (CST) en urgence
Formes perforantes compliquées  : Les formes perfo- avec iléo-sigmoïdostomie. Le rétablissement de la conti-
rantes de MC colorectales sont de prise en charge tout nuité digestive sera fait le plus souvent en AIR.
à fait superposable aux formes perforantes de l’intestin La MC de l’intestin grêle peut être à l’origine d’une per-
grêle. Les abcès intra-abdominaux doivent si possible foration intestinale en péritoine libre, responsable d’une
être drainés sous contrôle radiologique en préopératoire, péritonite aiguë.
suivi d’une antibiothérapie.
C. RÉSULTATS :
Maladie de Crohn et cancer : qui reste moins fréquent On considère qu’environ 15 à 20 % des patients nécessi-
que dans le cadre d’une RCH. teront une chirurgie d’exérèse intestinale un an après le
diagnostic et 50 % à 10 ans. Après cette première chirur-
b/Colectomie segmentaire gie, le taux de récidive clinique sur l’intestin restant né-
Elle est indiquée en cas de MC colorectales localisées, cessitant un nouveau geste d’exérèse se situe entre 25 %
avec atteinte limitée à moins d’un tiers du côlon. Les et 65 % à 10 ans.
sections des mésocôlons sont réalisées près du tube di-
gestif, sans curage carcinologique

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III. TRAITEMENT CHIRURGICAL b/Coloproctectomie totale avec iléostomie terminale
DE LA RECTOCOLITE HÉMORRAGIQUE : La coloproctectomie totale avec iléostomie définitive est
la deuxième intervention permettant de guérir la RCH.
A. OBJECTIFS ET PRINCIPES GÉNÉRAUX DE Elle est cependant réalisée au prix du sacrifice définitif
LA CHIRURGIE : de la fonction
Dans la RCH, la chirurgie est considérée comme poten- sphinctérienne entraînant donc une altération de la qua-
tiellement curative puisque la maladie ne touche que le lité de vie.
côlon et le rectum. Les objectifs du traitement chirurgi- Elle reste indiquée dans les échecs ou contre-indications
cal sont : de l’AIA, et en cas de RCH compliquée de cancer du très
• réaliser une ablation de la muqueuse colorectale po- bas rectum.
tentiellement malade afin de contrôler les symptômes
et de prévenir le risque de dégénérescence c/Anastomose iléorectale
• préserver, si possible, la fonction sphinctérienne La conservation rectale dans la RCH protège en effet des
inconvénients de l’AIA, mais expose au risque de dégé-
B. MÉTHODES ET INDICATIONS : nérescence sur le rectum restant. Elle peut être discutée
B1/ INTERVENTIONS À FROID : pour les patients atteints de RCH, en alternative à l’AIA,
1/Indications du traitement chirurgical : si :
En situation élective, le traitement chirurgical dans la • le rectum est conservable : absence d’atteinte sévère
RCH est indiqué dans 3 situations principales : ou de microrectum ;
• une colite réfractaire au traitement médical, • la maladie évolue depuis moins de 10 ans ;
• une sténose colique et • il n’y a pas de lésions de dysplasie, et a fortiori de can-
• une RCH compliquée de dysplasie ou de cancer. cer colorectal, sur l’ensemble du cadre colique et du
2/Types de geste : rectum ;
Trois interventions peuvent être proposées dans le traite- • une surveillance étroite, à vie, est possible et acceptée
ment chirurgical électif de la RCH :
B2/ CHIRURGIE EN URGENCE : LA COLITE AIGUË GRAVE
a/Coloproctectomie totale avec anastomose iléoanale Elle atteint 20 % des malades suivis pour une RCH. Le
(figure 5) : traitement chirurgical de référence reste la colectomie
La coloproctectomie totale avec AIA est actuellement le subtotale (CST) sans rétablissement de la continuité di-
traitement de référence de la RCH puisqu’elle permet de gestive.
guérir définitivement la maladie en permettant l’ablation
de l’ensemble de la muqueuse colorectale à risque, tout Le diagnostic de colite aiguë grave : est affirmé devant
en conservant la fonction sphinctérienne. l’association d’une diarrhée glairosanglante avec plus de
Elle consiste en la résection du colon et du rectum. Les six selles par jour et la présence d’au moins un des cri-
sections des mésocôlons et du mésorectum sont réali- tères suivants :
sées près du tube digestif, sans curage carcinologique, • température corporelle supérieure à 37,8 ◦C ;
afin de limiter le risque de lésion nerveuse, en particulier • tachycardie supérieure à 90 bat/min ;
des plexus périrectaux. • hémoglobinémie inférieure à 10,5 g/dl ;
Après réalisation de la coloproctectomie totale, le réta- • vitesse de sédimentation supérieure à 30 mm/h ;
blissement de la continuité est réalisé moyennant une • protéine C réactive supérieure à 30 mg/l.
anastomose iléo anale (AIA) manuelle ou mécanique. Un
réservoir iléal est confectionné à l’aide de pinces méca- La gravité des poussées doit être évaluée selon un score
niques. Plusieurs autres types de réservoirs ont été pro- clinicobiologique (Truelove et Witts).
posés, on utilise souvent un réservoir en J de 18 cm. Le Lorsque le diagnostic de CAG est établi, le bilan doit être
geste est terminé par une iléostomie de protection. complété par :
• Un scanner abdomino-pelvien afin de re-
chercher d’éventuelles complications (pneu-
mopéritoine en rapport avec une perforation,
colectasie)
• Une rectosigmoïdoscopie  : qui permet de
confirmer le diagnostic de CAG en recher-
chant des critères de gravité endoscopiques,
de réaliser des prélèvements histologiques
et d’exclure l’origine infectieuse de la colite.

Figure 5 : Montage d’une anastomose


iléoanale avec un réservoir en J

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Indications du traitement chirurgical Une pochite peut être observée chez près de 50  % des
La chirurgie est indiquée d’emblée en cas de survenue malades dans les 10 ans qui suivent la réalisation de
d’une complication de la CAG : l’AIA. Il s’agit d’une inflammation non spécifique du ré-
• perforation, responsable de péritonite ou d’abcès ; servoir responsable de douleurs hypogastriques, de
• hémorragie digestive massive ; diarrhée et de fièvre. Le traitement médical repose sur
• mégacôlon toxique (ou colectasie), définie par une l’antibiothérapie.
distension du côlon transverse de plus de 6 cm de dia- À long terme, le risque principal de l’AIA est la perte du
mètre, associée à des signes cliniques de mauvaise tolé- réservoir avec nécessité de réalisation d’une iléostomie
rance (tachycardie, fièvre, voire signes de choc). définitive.
Ailleurs ; on aura recours a la chirurgie en cas d’échec du La morbidité après anastomose iléo-anale est élevée
traitement médical bien conduit (1ère ligne : corticothé- témoignant de la complexité du geste chirurgical, du
rapie intraveineuse à forte dose suivie par un traitement terrain (RCH), ou de l’immunodépression associée (TRT
de deuxième ligne à base de ciclosporine ou infliximab). corticoïde, etc.). Parmi les complications postopératoires
qui peuvent apparaître :
Colectomie subtotale avec double stomie : Les fistules anastomotiques et les sepsis pelviens sont
Elle consiste à réséquer la quasi-totalité du côlon ma- fréquents et redoutables en raison du risque fonctionnel
lade sans réaliser d’anastomose, afin de limiter au maxi- qu’ils impliquent.
mum le risque de complications septiques postopéra- L’occlusion intestinale (souvent sur bride) est aussi une
toires. L’intervention est terminée par une iléostomie et complication fréquente
une sigmoïdostomie terminales. Le rétablissement de la Parmi les autres complications, il faut citer les sténoses
continuité digestive est habituellement envisagé 3 mois d’anastomose, les complications urogénitales…
plus tard. Il consiste en une proctectomie complémen-
taire avec réalisation d’une AIA.
IV. CONCLUSION :
C. RÉSULTATS :
Les résultats fonctionnels après AIA pour RCH sont Malgré les progrès récents des traitements médicaux, la
marqués par un nombre de selles de 8 à 10/24 heures, chirurgie reste une composante essentielle dans la prise
avec quelques épisodes de fuites nocturnes, une impé- en charge des maladies inflammatoires chroniques de
riosité, une mauvaise discrimination gaz-selles ainsi que l’intestin. Elle guérit la RCH. Mais elle n’est pas cura-
des complications sexuelles. À long terme, les résultats tive pour la MC puisque la maladie peut récidiver. Cette
fonctionnels sont plutôt satisfaisants. Enfin, la réalisa- chirurgie obéit à des indications et des principes qui
tion d’une AIA a un impact significatif sur la fécondité des doivent être respectés afin d’assurer de bons résultats
patientes opérées. fonctionnels et d’éviter les récidives.

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