La Méthode Des Coûts Complets

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La méthode des coûts complets

La méthode des coûts complets est fondée sur le principe d’une prise en compte
complète des coûts directs et des coûts indirects de l’entreprise, par le biais d’une
répartition préalable pour les seconds, dans des « centres d’analyse ». Malgré ses
imperfections, la méthode reste encore solidement implantée dans les entreprises et
la compréhension de ses principes est donc nécessaire. Sa mise en œuvre nécessite
la maîtrise d’un minimum de concepts et de définitions. Cette leçon a pour objectif
d’exposer le mécanisme d’affectation des charges au coût des produits. Elle sera
complétée par la leçon suivante sur le calcul du coût de revient.

1. L’affectation des charges en comptabilité analytique

La méthode des coûts complets repose sur le principe d’une affectation de toutes
les charges de la comptabilité analytique au coût des produits fabriqués. Le
problème essentiel est celui de l’affectation des charges de la comptabilité générale
dans le système analytique, puis de leur imputation au coût des produits.

1.1 PRINCIPE GÉNÉRAL


Le principe général de calcul du coût d’un produit repose sur l’affectation de
l’ensemble des charges incorporables de la comptabilité générale et s’il en existe,
des charges supplétives, au coût du produit. Le schéma ci-après résume cette
approche :

Tableau 1.1-1 : principe général d’affectation des charges incorporables de la comptabilité générale au
coût des produits
S’agissant de coûts directs, comme de la matière première ou de la main-d’œuvre,
dont on peut percevoir le lien immédiat avec le produit fabriqué, l’affectation se
fera généralement au prorata des quantités consommées.
En revanche, l’allocation (c'est-à-dire la répartition) des charges indirectes exige un
traitement préalable. Avant d’être imputées aux produits fabriqués selon des
modalités qu’il reste à définir, elles font l’objet d’un regroupement préalable dans
des centres appelés « centres d’analyse ».

1.2 LE TRAITEMENT DES CHARGES INDIRECTES DANS LES CENTRES


D’ANALYSE
La complexité de cette opération oblige à distinguer plusieurs étapes : il faut
commencer par définir la notion de centre d’analyse ; ensuite pourra être précisé ce
que l’on entend par répartition primaire et secondaire ; enfin, pourront être étudiées
plus en détail les modalités pratiques d’affectation des charges à l’aide de clés de
répartition.

1.2.1 Les centres d’analyse


Le recours aux centres d’analyse vient de ce qu’en apparence, il n’existe pas de lien
direct entre le produit et la charge enregistrée en comptabilité. Quelle est ainsi la
part de la « secrétaire de direction » dans une chaise fabriquée ?
Sont donc regroupées dans les centres d’analyse, des charges communes à plusieurs
produits, sans qu’il soit possible a priori de déterminer la part exacte imputable à
tel ou tel autre produit. Pour prendre une image, il s’agit en quelque sorte de
« boîtes » dans lesquelles tous les éléments que l’on ne sait pas ranger directement
à un endroit précis, sont placés en attente d’une affectation ultérieure.
☞ Les centres d’analyse correspondent à des subdivisions comptables de
l’entreprise dans lesquelles sont regroupés, préalablement à leur imputation aux
coûts, les éléments de charges qui ne peuvent leur être directement affectés.
On notera avec intérêt que les centres d’analyse, s’ils sont en principe indépendants
de l’organigramme, correspondent le plus souvent à des centres de
responsabilités (cf. fiche 4-1).
Le cas « Arc-en-ciel », servira tout au long de cette leçon (et de la suivante) pour
illustrer et étudier chaque point de la méthodologie à mettre en œuvre dans
l’élaboration des coûts complets. Il montre, dans une première étape, comment se
répartissent les charges de la comptabilité générale dans la comptabilité analytique.
✍ La société Arc-en-ciel sous-traite la fabrication de tissu pour une entreprise de
confection. Dans le but de calculer les coûts et les résultats, cinq centres d'analyse
ont été définis : prestations connexes (administration…), approvisionnements,
atelier filage, atelier tissage, magasin.
Schématiquement, la répartition des charges de la comptabilité générale dans les
différents centres de responsabilité peut être illustrée par le schéma ci-après :
Tableau 1.2-2 : exemple d’affectation des charges incorporables de la comptabilité générale aux centres
d’analyse de la société Arc-en-ciel

1.2.2 Répartition primaire et répartition secondaire


En réalité, postérieurement à l’affectation présentée ci-dessus, on opère une
seconde répartition. L’existence de deux niveaux de répartition des charges provient
de ce que certaines activités interviennent plus directement en apparence que
d’autres dans le processus productif. On considère ainsi, que les ressources
consommées dans les services opérationnels sont expliquées par la production
réalisée dans ces derniers. En d’autres termes, ce sont fondamentalement les
services opérationnels (approvisionnement, production, distribution…) qui
constitueraient la cause essentielle des coûts des produits.
En revanche, s’agissant des services fonctionnels, leur existence ne serait justifiée
que par celle des services opérationnels et leur coût est considéré comme un
accessoire des seconds. Ce dernier doit donc être imputé au préalable aux services
opérationnels.
On distingue ainsi, deux catégories de centres d’analyse :
 les centres principaux : ce sont les centres où sont mis en œuvre les moyens
de production et de vente de l’entreprise. Ils correspondent au cycle « achat-
production-vente ». Ils sont généralement représentés par un ou plusieurs
centres se rattachant respectivement à l’approvisionnement, à la production
ou à la distribution ;
 les centres auxiliaires : ils ont pour rôle de gérer les facteurs de production
mis en œuvre. Ils correspondent à des fonctions de support comme la gestion
du personnel, l’entretien, le matériel et les bâtiments administratifs, la
fonction financière et comptable, etc.

Cette approche implique qu’une sorte de redistribution soit opérée, préalablement à


celle des centres directement concernés par la production et explique l’existence
d’une répartition « secondaire » après une répartition « primaire ». La première
correspond au déversement des charges en comptabilité analytique décrit plus haut
et la seconde, à la réaffectation des charges des centres auxiliaires sur les centres
principaux. A titre d’exemple, dans une entreprise structurée par fonctions, dont
l’une est d’assurer l’entretien du matériel, le coût de ce service sera répercuté sur
les différents centres dans lesquels il intervient. Chaque fonction opérationnelle
recevra ainsi une quote-part de charges correspondant grosso modo à son utilisation
du centre entretien. Ce processus est résumé dans le schéma ci-après :

Figure 1.2-3 : schéma de répartition primaire puis secondaire des charges indirectes

✍ Pour le mois de mai, la société Arc-en-ciel dispose des renseignements


suivants :
 répartition primaire des charges indirectes :
o prestations connexes : 147 950 €,

o approvisionnements : 580 000 €,


o atelier filage : 432 650 €,
o atelier tissage : 439 450 €,
o magasin : 362 750 € ;
 répartition secondaire

le centre "prestations connexes" est un centre auxiliaire de la société Arc-en-ciel


qui se répartit entre les trois centres principaux : filage, tissage et magasin, dans
l'ordre ci-dessus, proportionnellement aux nombres 3, 7 et 1.
Le tableau de répartition des charges indirectes ci-après met en évidence la
première répartition correspondant au déversement des charges de la comptabilité
générale dans l’analytique (elles sont affectées aux cinq centres d’analyse de la
société), puis la seconde répartition correspondant à l’affectation des charges du
centre auxiliaire dans les centres principaux (le calcul se fait proportionnellement
au nombre 11 = 3 + 7 + 1 ; soit respectivement 3/11ème, 7/11ème et 1/11ème du
montant des prestations connexes) :
Tableau de répartition des charges indirectes

Centre
Centres principaux
auxiliaire

Prestations Approvision- Production Distribution

Total connexes nements Filage Tissage Magasin


Répartition
primaire 147 950 580 000 432 650 439 450 362 750

Répartition - 147 950 - 40 350 94 150 13 450


secondaire =0 580 000 473 000 533 600 376 200
Tableau 1.2-1: tableau de répartition primaire et secondaire
Malgré l’apparente simplicité de cette technique, les répartitions primaire et
secondaire posent des difficultés liées aux clés de répartition. Il faut approfondir ce
point pour comprendre les faiblesses actuelles du modèle de comptabilité en coûts
complets.

1.2.3 Les clés de répartition


Au premier niveau (répartition primaire, ou encore déversement des charges de la
comptabilité générale en comptabilité analytique) se pose le problème de
l’affectation des charges aux différents centres d’analyse. Deux cas sont
envisageables :
 les charges sont directement liées au fonctionnement du centre. Des
fournitures administratives peuvent ainsi être affectées a priori au
fonctionnement de l’administration de l’entreprise ;
 les charges ne sont pas directement liées au fonctionnement d’un centre en
particulier. Ce peut être le cas par exemple, de l’eau ou de l’électricité. Dans
ce cas, si les dépenses peuvent être individualisées grâce à des compteurs,
leur affectation se fera au prorata de leur consommation. Dans le cas
contraire, on utilisera une « clé de répartition », comme c’est le cas dans
l’exemple de la société Arc-en-ciel. Ce second procédé est parfois entaché
d’arbitraire et peut donc être contestable.

⚡ Observons d’emblée que selon le mode de répartition choisi, les coûts in fine ne
seront évidemment pas les mêmes : ceci doit vous inciter à relativiser les calculs de
coûts. Ce n’est pas parce-que le logiciel permet de calculer à la dixième décimale
ou plus si l’on veut, que le calcul du coût est « juste » : il est exact
arithmétiquement, mais il peut-être totalement faux, si les hypothèses sur lesquelles
il est construit s’avèrent fausses.
Le même type de problèmes est rencontré au second niveau, dans l’affectation des
charges des centres d’analyse secondaires aux centres d’analyse principaux. Si les
consommations de services sont mesurables, le biais introduit dans le calcul du
produit est peu important. Dans le cas contraire, le poids de la clé de répartition va
jouer de manière extrêmement forte.
✍ Sur dix millions d’euros, une variation d’un point en pourcentage représente
cent mille francs. Sur cent mille produits fabriqués, cela fait donc déjà 1 € par
unité. Quand un bien fabriqué est vendu 1 000 €, l’impact est peu important ; mais
s’il coûte 10 €, l’impact est de 10 %. Selon les circonstances, le choix de la clé de
répartition peut par conséquent, avoir des répercussions importantes sur la
rentabilité présumée d’un produit.
Tant que les charges indirectes ne représentent qu’une faible part du coût des
produits et que les processus de production demeurent simples, il est clair que la
méthode peut être considérée comme satisfaisante. Ce n’est plus le cas dans
beaucoup de situations, ce qui explique en partie l’émergence de la comptabilité en
coûts par activités.

2. L’imputation des charges aux produits

L’imputation des charges aux produits (ou aux services) est réalisée à l’aide
d’unités d’œuvre ou de taux de frais. Ceux-ci constituent un élément central dans
la méthode des coûts complets. Aussi, est-il important d’en étudier les
caractéristiques et les limites.

2.1.DÉFINITIONS ET CARACTÉRISTIQUES DES UNITÉS D’ŒUVRE


Une fois la répartition secondaire effectuée, on peut alors envisager d’imputer les
coûts des centres sur les produits (ou services) fabriqués. Cette opération est
réalisée sur la base de coefficients appelés « unités d’œuvre » ou « taux de frais »
selon la nature des centres. L’unité d’œuvre doit être impérativement choisie en
fonction du lien étroit qui caractérise l’activité de l’atelier et la fabrication d’un
produit.
✍ En sus du prix payé pour des matières premières, on imagine aisément qu’il
faille ajouter des charges liées à la commande, au transport, la manutention, etc.
En supposant que l’ensemble de ces charges ait été regroupé dans un centre
approvisionnement, on peut alors d’envisager une imputation des charges du
centre au prorata des quantités de produits achetés, ou encore des lots manipulés.
On obtiendra ainsi un coût d’achat par kg acheté ou par lot transporté qui
comprendra le prix d’achat, augmenté du coût d’approvisionnement.
En principe, la meilleure unité d’œuvre est celle dont la quantité varie, au cours de
plusieurs périodes successives, en corrélation la plus étroite avec le montant du
coût variable du centre. Cette relation peut être mise en évidence par tout moyen, y
compris à l’aide de statistiques.
✍ On a observé dans un atelier que, grosso modo, les dépenses évoluaient
sensiblement dans une même proportion que le temps que passaient les ouvriers
sur les machines. Ces dernières peuvent donc être considérées comme une mesure
de l’activité de l’atelier. Connaissant le temps nécessaire pour fabriquer un
produit, les charges de l’atelier seront ainsi imputées en fonction du temps global
qui a été nécessaire pour produire la quantité voulue (ou réalisée).
☞ Une unité d’œuvre correspond à une mesure de l’activité d’un centre d’analyse
exprimée sous forme volumique (quantités de travail, de matières premières
achetées, de produits fabriqués ou vendus, etc.).
Le rapport entre l’unité d’œuvre choisie et le nombre d’unités d’œuvre constitue le
coût d’unité d’œuvre, qui sert d’unité de calcul pour déterminer le coût du produit
(il s’agit en fait d’un simple rapport de proportionnalité).
Le schéma ci-après présente une synthèse de la manière dont sont affectées les
charges :
Tableau 2.1-4 : schéma global d’affectation des charges dans la comptabilité en coûts complets

On notera que parmi les centres d’analyse principaux, on opère également une
distinction entre les centres opérationnels pour lesquels l’affectation des coûts se
fait proportionnellement à des quantités de matière ou d’heures d’une part, les
unités d’œuvre et les « centres de structure », pour lesquels l’affectation peut
s’effectuer en fonction de valeurs monétaires, appelées alors « taux de frais »,
d’autre part.
☞ Un taux de frais correspond à une mesure de l’activité d’un centre d’analyse
exprimée sous la forme d’un montant en Francs, ou d’un pourcentage.
✍ La société Arc-en-ciel fabrique deux types de pièces de tissus U et V,
correspondant à deux qualités différentes. Chacun de ces produits est traité
successivement dans les deux ateliers filage et tissage, puis passe par le magasin
qui s’occupe du conditionnement et de l’expédition. Les unités d’œuvre ou taux de
frais sont les suivants :
 approvisionnements : le kg de matière achetée;
 atelier filage : l’heure de main d’œuvre directe (MOD) ;

 atelier tissage : l’unité de produit fini ;


 magasin : 100 € de ventes.

On possède par ailleurs les informations suivantes pour le mois de mai :


 achats de matières premières : 50 000 kg pour un montant total de
2 320 000 €
 heures de main d’œuvre directe : 4 300
 nombre de rouleaux produits : 5 800
 nombre de rouleaux U vendus : 3 000 à 1 000 € l’unité
 nombre de rouleaux V vendus : 3 200 à 1 200 € l’unité

Le tableau de répartition des charges indirectes s’établit comme suit en reprenant


les données de la page 4 :
Tableau de répartition des charges indirectes

Centre
Centres principaux
auxiliaire

Prestations Approvision- Production Distribution

Total après connexes nements Filage Tissage Magasin


répartition
secondaire 0 580 000 473 000 533 600 376 200

Unités le kg de l’heure de 100 € de


le rouleau
d’œuvre matière MOD ventes

Nombre
50 000 4 300 5 800 68 400
d’U.O.

Coût de
11,60 110,00 92,00 5,50
l’U.O.
Tableau 2.1-1 : tableau de répartition des charges indirectes de la société Arc-en-ciel
Le taux de frais pour la distribution est calculé ainsi :
Chiffre d’affaires total : (3 000 × 1 000) + (3 200 × 1 200) = 6 840 000 €
Or, il y a 6 840 000/100 = 68 400 fois 100 € dans le chiffre d’affaires. D’où le taux
de frais suivant : 376 200/68 400 = 5,50 €. Cela revient à dire également que
chaque fois que l’on réalise 100 € de chiffre d’affaires, cela coûte 5,50 € de frais
de distribution...Si l’on rapporte 5,50 à 100 €, cela signifie aussi que le taux de
frais est de 5,50 % du chiffre d’affaires.

2.2.LIMITES ET DANGERS DES UNITÉS D’ŒUVRE


Idéalement, l’unité d’œuvre doit être choisie en fonction du lien de causalité qui
existe entre la consommation de ressources et l’élaboration du produit. Mais, dans
la réalité, les activités d’un centre de responsabilité sont nombreuses : ainsi,
l’approvisionnement peut-il recouvrir la passation des commandes, la gestion de
l’acheminement des produits, le contrôle de la qualité, du stockage, etc. Autant
d’opérations qui diffèrent par leur nature. Aussi, le choix d’une unité d’œuvre
s’avère-t-il particulièrement délicat.
✍ Le nombre de lots transportés dans un centre approvisionnement peut avoir un
lien plus direct avec son activité, que le nombre d’heures de présence des ouvriers.
En effet, si l’activité du centre n’est pas régulière, les employés auront tendance à
ajuster leur activité au temps de présence, et non l’inverse. Il vaut donc mieux,
dans ce cas, considérer l’activité réelle mesurée par le nombre de lots
mouvementés.
Par facilité et/ou par habitude, les unités d’œuvre retenues sont le plus souvent, les
heures de main-d’œuvre directe, les heures machine, ou les quantités consommées.
Cela revient à centrer le calcul des coûts autour des volumes produits, puisque ces
unités d’œuvre sont plus ou moins proportionnelles aux quantités produites.
S’agissant de charges indirectes, on agit ainsi, comme si la consommation de
ressources était uniquement liée à la taille de la production de biens ou de services
dans un rapport de causalité, alors que nombre de dépenses dépendent d’autres
facteurs : les frais liés à l’achat de matières résultent au moins autant des
transactions qui s’opèrent autour de l’opération que des quantités achetées (on
pense notamment au choix des fournisseurs, aux coûts administratifs de la
commande, à la gestion des stocks, au traitement comptable, etc.).
On comprend, dès lors, la fragilité du modèle des coûts complets et la nécessité de
relativiser la pertinence des coûts : clés de répartition et unités d’œuvre peuvent
aboutir à des conclusions erronées. Or, dans un contexte de concurrence accrue, la
connaissance des coûts de manière fiable devient essentielle. Nous verrons
également, que le calcul de coût centré autour du produit ne doit pas être l’objectif
central de la comptabilité de gestion, mais au contraire, qu’il est utile de calculer
des coûts « partiels » liés aux activités

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