Chap5 - Le Portefeuille de Credits

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CHAPITRE 5

Le portefeuille de crédits

Ce chapitre traite des problèmes et des procédures spécifiques à l'au-


dit des soldes de comptes les plus importants d'une institution de mi-
crofinance : le portefeuille de crédits et les provisions pour créances
douteuses.

Le portefeuille de crédits et les provisions pour créances douteuses qui lui sont as-
sociées sont les postes les plus importants des états financiers d'une institution de
microfinance. Le portefeuille de crédits constitue généralement l'essentiel de l'ac-
tif de l'institution. Le portefeuille et les provisions sont les postes les plus suscep-
tibles de comporter des anomalies significatives. Le portefeuille est la principale La plupart des faillites
source de risques d'exploitation pour une institution de microfinance : la plupart
d'institutions de
des faillites d'institutions de microfinance sont dues à la détérioration de la qua-
lité du portefeuille de crédits. Plus encore que dans tout autre domaine, un audit microfinance sont
efficace du portefeuille de crédits implique que les auditeurs et les clients : dues à la détérioration
● connaissent l'existence de risques spécifiques, et de la qualité du
● s'entendent sur les risques qui doivent faire l'objet de tests, et sur les procédures
à mettre en œuvre pour ces tests. portefeuille de crédits

Plutôt que de se contenter d'accepter un examen « standard » du portefeuille,


uniquement déterminé par les normes et politiques pratiquées par l'auditeur, le
client de l'audit doit s'efforcer de discuter avec l'auditeur des procédures relatives
au portefeuille, pour aboutir à une définition de tests et procédures adaptés à ses
besoins spécifiques. Ensuite, le client doit s'efforcer de déterminer ceux qui se-
ront effectués dans le cadre du travail d'audit, et ceux qui devront faire l'objet
d'un contrat distinct d'examen sur la base de procédures convenues.
Certains auditeurs externes s'opposent, par principe, à une telle discussion
avec leurs clients. Dans ce cas, les institutions de microfinance qui veulent s'as-
surer que l'audit leur fournira une assurance fiable sur la situation de leur porte-
feuille, doivent envisager de chercher un autre auditeur.

5.1 Considérations générales sur l'examen du portefeuille de crédits

Trois éléments principaux doivent être pris en considération lors du planning de


l'examen du portefeuille : les caractéristiques propres à l'activité de microcrédit,
l'étendue de l'examen, et les systèmes à évaluer.

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42 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

5.1.1 Caractéristiques de l'activité de crédit d'une institution


de microfinance
Il est nécessaire que toutes les parties concernées par l'audit comprennent les par-
ticularités de l'activité de microcrédit, qui induisent des risques de portefeuille
différents de ceux d'une institution financière classique.
Un certain nombre de ces particularités sont traitées dans les volumes 1 et 2,
mais les principales peuvent être résumées ainsi :
● Les institutions de microfinance octroient de nombreux petits crédits et reçoi-
La décentralisation vent un nombre encore plus important de remboursements de faible montant.
peut augmenter les De plus, les activités des institutions de microfinance sont souvent largement
dispersées géographiquement. C'est pourquoi, pour être efficaces, les institu-
opportunités de fraude tions de microfinance ont besoin de structures opérationnelles légères et dé-
ou de dérives par centralisées. Ces facteurs rendent plus délicat le maintien de systèmes efficaces
d'information et de gestion du portefeuille.
rapport aux politiques
● La décentralisation implique qu'un petit nombre de personnes participe au
fixées processus d'approbation, de décaissement, de suivi et de recouvrement des cré-
dits. Ceci peut augmenter les opportunités de fraude ou de dérives par rap-
port aux politiques fixées. La décentralisation peut également accroître le risque
d'erreur ou de manipulations frauduleuses lors du transfert de l'information
des agences au siège.
● Pour traiter efficacement de petites opérations, les institutions de microfinance
sont obligées de réduire fortement leurs coûts, parfois au détriment de contrôles
et d'informations adéquats sur le portefeuille, ou au détriment de la supervi-
sion des clients et agents de crédit.
● Les portefeuilles des institutions de microfinance sont souvent en croissance
rapide. Cette croissance exerce une pression sur les systèmes et peut masquer
des problèmes de remboursement. Un portefeuille en croissance rapide com-
prend un pourcentage important de crédits en début de remboursement. Or
les problèmes d'impayés sont plus fréquents en fin de cycle de remboursement.
● Généralement, les institutions de microfinance n'aiment pas faire de provi-
sions pour créances douteuses ou passer ces dernières en perte. Ils veulent
maintenir une bonne image de l'institution aux yeux des observateurs exté-
rieurs, notamment des bailleurs de fonds. Les institutions de microfinance
peuvent considérer, souvent à tort, qu'elles ne peuvent pas passer un crédit en
perte sans envoyer au client et à l'agent de crédit un message indiquant au
premier qu'il peut cesser ses efforts de remboursement, et au second qu'il
peut cesser les tentatives de recouvrement. Par ailleurs, la plupart des institutions
de microfinance ne paient pas d'impôts, de sorte que le provisionnement ne
représente pas pour elles un allégement d'impôt par la réduction du revenu
imposable.
● Pour des raisons que l'on verra plus loin, les systèmes d'information des insti-
tutions de microfinance destinés au suivi opérationnel des crédits sont rare-
ment intégrés dans leurs systèmes comptables.
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 43

5.1.2 Quelle doit être l'étendue de l'examen du portefeuille ?


De nombreuses procédures peuvent être utilisées pour évaluer les systèmes de ges-
tion du portefeuille de crédits. Certaines s'inscrivent dans le cadre d'un audit des
états financiers classique, tandis que d'autres sont considérées comme procédures
convenues. La frontière entre les deux n'est pas toujours très nette. L'essentiel est
d'identifier les procédures appropriées à chaque institution de microfinance, et
de s'assurer qu'elles sont bien mises en œuvre, soit dans le cadre de l'audit des
états financiers, soit en tant que procédures additionnelles.
Concernant l'examen du portefeuille, il est impossible de définir un ensemble Pour déterminer
de procédures qui convienne à toutes les institutions de microfinance. L'examen
du portefeuille, plus encore que tout autre domaine audité d'une institution de
l'étendue de l'examen
microfinance, doit être adapté aux particularités de chaque institution de mi- des soldes du
crofinance.
portefeuille de crédits,
Dans une certaine mesure, le choix des procédures dépend des systèmes de
suivi du portefeuille et des contrôles internes de l'institution de microfinance. clients et auditeurs
Lorsque ces derniers s'avèrent fiables, il n'est pas nécessaire que l'auditeur effec- doivent donc prendre
tue de nombreux tests indépendants du système d'information.
Par ailleurs, l'étendue de l'examen du portefeuille dépend du niveau de ga- en compte le degré
rantie requis par le client de l'audit, niveau lui-même lié au degré de développe- de développement de
ment de l'institution de microfinance. Pour une institution ayant une activité ré-
cente, les auditeurs peuvent tester le portefeuille avec un petit nombre de procédures
l'institution de
de base, prévues par les normes d'audit. À l'inverse, un investisseur privé envisa- microfinance auditée
geant d'investir plusieurs millions de dollars dans une institution de microfinance
importante peut engager un cabinet d'audit externe pour « certifier » ou « attes-
ter » la qualité du portefeuille, c'est-à-dire fournir une assurance catégorique qui
s'appuie sur un examen extrêmement rigoureux et détaillé. Il en est de même pour
une institution de microfinance qui souhaite sécuriser son portefeuille pour se re-
financer sur les marchés financiers. Cependant, quasiment aucune des institu-
tions de microfinance existant à l'heure actuelle ne possède de systèmes de comp-
tabilité, de suivi et de gestion des crédits permettant à un réviseur externe de
conduire les tests nécessaires à l'expression d'une telle certification. Cela ne si-
gnifie pas que les institutions de microfinance n'ont pas de portefeuilles sains,
mais plutôt qu'elles n'ont pas les systèmes d'information et de contrôle permet-
tant une certification indépendante et incontestable de la qualité de leurs porte-
feuilles pour des investisseurs extérieurs.
Pour déterminer l'étendue de l'examen des soldes du portefeuille de crédits, les
clients et les auditeurs doivent donc prendre en compte le degré de développe-
ment de l'institution de microfinance auditée. La typologie proposée ci-dessous
peut les y aider. Cette typologie n'est que conceptuelle : de nombreuses institu-
tions de microfinance présentent des caractéristiques qui ne correspondent pas
exactement aux trois étapes décrites. Cependant, cette typologie fournit un cadre
d'analyse qui correspond globalement à la situation de la plupart des institutions
de microfinance.
44 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

PHASE DE DÉMARRAGE
À ce stade, l'institution de microfinance est de petite taille, disons moins de 3 000
clients. Elle peut avoir trois ans d'existence, ou moins, bien que certaines institu-
tions demeurent petites plus longtemps. L'attention de la direction se concentre
davantage sur le développement d'une méthodologie de crédit adéquate que sur
les systèmes d'information et de contrôle. L'institution emploie une à deux dou-
zaines de personnes et possède peu d'agences. Elle est suffisamment petite pour
que les dirigeants puissent s'impliquer dans ses activités et rester proches du per-
sonnel. Ainsi, ils sont souvent en mesure d'identifier et de résoudre les problèmes
sans recourir à des systèmes formels complexes. La mise en place de systèmes éla-
borés peut détourner la direction de la tâche plus fondamentale d'amélioration
de la méthodologie de crédit, et entraîner des coûts disproportionnés par rapport
à la taille du portefeuille. Alors que la plupart des institutions de microfinance de
cette taille souhaitent se développer, en réalité nombre d'entre elles ne sont pas for-
tement engagées dans un processus de croissance massive.
À ce stade, il n'est pas nécessaire d'aller au-delà des procédures élémentaires d'exa-
men du portefeuille mises en œuvre dans le cadre d'un audit des états financiers,
à moins que l'institution n'envisage de se développer considérablement, et ne sou-
haite l'aide des auditeurs pour mettre en place les systèmes adaptés à l'accroisse-
ment du volume d'activité.

PHASE DE TRANSITION
Certaines institutions de microfinance se trouvent en phase de transition trois à
cinq ans après avoir débuté leur activité. Elles sont à un stade de développement
massif de leur activité. Elles ont tendance à maintenir un rythme élevé de crois-
sance, accroissant leur clientèle de 50 à 100 % par an.
Tandis que la gestion peut encore être personnelle et informelle, les problèmes
commencent à surgir du fait que les systèmes d'origine ne sont plus adaptés.
L'institution de microfinance en phase de transition réalise qu'elle ne peut conti-
nuer à se développer sans mettre en place des systèmes plus élaborés.
À ce stade, la partie de l'audit des états financiers concernant l'examen du por-
tefeuille doit être plus approfondie et il peut être nécessaire de recourir à des procé-
dures convenues en plus de l'audit des états financiers. Il est nécessaire de procé-
der à des tests plus détaillés du portefeuille car les risques augmentent du fait que
le volume d'activité ne permet plus un contrôle des dirigeants aussi approfondi
qu'auparavant. En outre, l'ampleur de l'activité de l'institution justifie un pro-
cessus d'audit plus important. Cet examen plus détaillé peut avoir des résultats dé-
concertants. Il révèle souvent de nombreux défauts, mais peut constituer une aide
précieuse pour la direction en ce qui concerne la conception et la mise en place
de systèmes plus élaborés, nécessaires à la poursuite de la croissance.

LA PHASE D’INSTITUTIONNALISATION
À ce stade, l'institution de microfinance compte plus de 15 000 clients, une cen-
taine d'employés et une douzaine d'agences. Le taux de croissance du nombre de
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 45

clients se ralentit pour atteindre 25 à 35 % par an. Les membres de la direction


ne peuvent plus s'impliquer dans les niveaux les plus bas de l'activité. Les risques
de mauvaise gestion des crédits, de camouflage des retards et de fraude sont de
plus en plus importants. À ce niveau, il est nécessaire de consolider les systèmes
d'information et de contrôle interne, ainsi que les procédures et politiques de ges-
tion des crédits. C'est souvent le moment de mettre en place un véritable service
d'audit interne.
À ce stade, l'institution de microfinance peut souhaiter être agréée et devenir
une institution financière réglementée. Ce changement nécessite des systèmes Il est nécessaire qu'une
d'information et de contrôle interne sophistiqués, car une institution de micro-
finance agréée est soumise à un contrôle régulier des autorités de supervision. Bien institution en phase
que ce contrôle concerne principalement la qualité du portefeuille, il est peu réa- d'institutionnalisation
liste de s'attendre, dans la plupart des pays pauvres, à un examen très efficace. Les
effectue un examen
inspecteurs ne maîtrisent généralement pas le fonctionnement du microcrédit et,
en outre, l'autorité de supervision est habituellement très occupée à remplir sa externe approfondi de
fonction principale de contrôle des banques commerciales du pays. son système de suivi de
Il est nécessaire qu'une institution de microfinance en phase d'institutionna-
lisation effectue un examen externe approfondi de son système de suivi de porte- portefeuille, débordant
feuille, débordant du simple cadre des travaux d'audit des états financiers. Cet du simple cadre des
examen détaillé doit être effectué chaque année, jusqu'à ce que l'institution soit
certaine du bon fonctionnement de ses systèmes. Par la suite, des tests approfon- travaux d'audit des
dis doivent également être réalisés chaque fois qu'un changement majeur survient états financiers
dans les systèmes.
Lorsqu'une institution de microfinance souhaite un examen de son système de
suivi de portefeuille qui déborde du cadre de l'audit annuel, son choix ne se limite
pas à un examen sur la base de procédures convenues. Elle peut aussi envisager de
faire appel à un consultant expert en microfinance − bien que les consultants ayant
l'expérience recherchée en matière de systèmes de gestion et de suivi du porte-
feuille ne soient pas faciles à trouver. Une autre institution de microfinance, ap-
pliquant une méthodologie de crédit similaire, réputée pour la fiabilité de son
système de suivi de portefeuille, et ayant derrière elle de longues années d'activité
réussie, peut se substituer à l'expert recherché.
Tout au long du processus de développement d'une institution de microfinance,
il existe une relation étroite entre systèmes internes et contrôles d'audit externe.
D'une part, une institution de microfinance, même au stade de démarrage, peut
prendre l'initiative de demander un examen externe plus étendu du portefeuille, afin
d'orienter ses efforts pour le développement de systèmes. D'autre part, des per-
sonnes extérieures telles que des bailleurs de fonds, des banques commerciales ou
des investisseurs, peuvent exiger un niveau d'assurance supérieur. Quand tel est le
cas, le coût de ces garanties supplémentaires peut être très élevé si les systèmes in-
ternes n'ont pas été développés en conséquence. Lorsque l'on demande à l'auditeur
de fournir une assurance sur un élément que les systèmes internes ne couvrent pas,
ou pas complètement, alors l'auditeur n'a pas d'autre choix que de mettre en œuvre
un ensemble de tests directs nécessitant une somme importante de travail.
46 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

Le paragraphe 5.3 présente les différents domaines liés au portefeuille qui peu-
vent être examinés dans le cadre d'un audit. Pour sélectionner les domaines à exa-
miner et les procédures à mettre en œuvre, clients et auditeurs doivent prendre en
considération les éléments énumérés ci-dessus, dont plus généralement :
● la taille de l'institution de microfinance et son niveau de développement ;
● les ambitions de l'institution en termes de croissance, d'accès aux sources de
financement commerciales, et d'agrément ;
● la volonté de l'institution de recourir à un examen externe pour aider à la
Trois systèmes conception et à la consolidation de ses systèmes internes.
principaux sont associés
au portefeuille de 5.1.3 Aperçu de l'ensemble des systèmes
crédits de l'institution : Afin de clarifier l'exposé complexe de ce chapitre, il importe de distinguer trois
systèmes au sein de l'institution. Dans la pratique, il est possible que ces systèmes
le système comptable,
se recoupent, mais en théorie ils sont distincts. Le système comptable et le système
le système de suivi des de suivi des crédits produisent de l'information. Le système de gestion des crédits cor-
crédits et le système respond aux politiques et procédures qui régissent les activités de crédit.

de gestion des crédits LE SYSTÈME COMPTABLE


Le système comptable reçoit des informations sur chaque opération de crédit mais
son but est de produire une information globale qui alimente les états financiers.

LE SYSTÈME D’INFORMATION DE GESTION DE SUIVI DES CRÉDITS


Le système de suivi des crédits est centré sur l'information afférente aux crédits par
individu, dont :
● l'identité du client ;
● le montant décaissé ;
● les conditions du crédit, comme le taux d'intérêt, les commissions, la date d'é-
chéance, etc. ;
● le calendrier de remboursement (montants et dates) ;
● le montant et la date des remboursements perçus ;
● le montant et la balance âgée des crédits en retard ;
● l'encours de crédits.

Idéalement, le système de suivi des crédits doit contenir ces informations non
seulement pour les crédits en cours, mais aussi pour les anciens crédits. En pra-
tique, la plupart des institutions de microfinance ne conservent pas cette information,
du moins sous une forme exploitable, pour les crédits recouvrés ou passés en perte.
L'objet principal du système de suivi des crédits est de fournir des informations
pertinentes pour l'administration du portefeuille, indépendamment du fait que cette
information alimente ou non les états financiers. Certaines des données retenues
par le système de suivi des crédits sont également retenues directement par le
système comptable − par exemple, les décaissements, les remboursements ou les
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 47

intérêts échus (à noter que le système comptable et le système de suivi des crédits
peuvent retenir des données relatives aux crédits à des moments différents et à
partir de sources différentes, ce qui peut mener à des divergences entre les deux
systèmes). Certaines données du système de suivi des crédits n'alimentent qu'in-
directement le système comptable et les états financiers − comme l'information
sur les impayés qui est utilisée pour estimer les dotations aux provisions dans le
système comptable. D'autres données du système de suivi des crédits n'entrent
jamais dans le système comptable − par exemple l'identité des clients ou les ca-
lendriers de remboursements. Les logiciels intégrés
Idéalement, le système de suivi des crédits doit être parfaitement intégré au
système comptable. En pratique, c'est rarement le cas. Les institutions de micro- conçus pour
finance ne peuvent pas utiliser les logiciels intégrés conçus pour les banques parce les institutions de
que leurs systèmes de crédit sont trop différents de ceux des banques. Plusieurs lo-
microfinance offrent
giciels intégrés ont été conçus pour les institutions de microfinance, mais ils of-
frent rarement l'appui technique local immédiat qui est indispensable lors de mo- rarement l'appui
difications ou de pannes inévitables du système. En conséquence, de nombreuses technique local
institutions pensent qu'un système comptable standard (informatisé ou manuel)
peut être adapté à leurs besoins spécifiques mais qu'en ce qui concerne le système immédiat qui est
de suivi des crédits, elles doivent concevoir sur mesure leur propre système (en- indispensable lors de
core une fois, informatisé ou manuel)1.
modifications ou
LE SYSTÈME DE GESTION DES CRÉDITS de pannes du système
Le système de gestion des crédits n'est pas un système d'information, mais concerne
plutôt l'ensemble des politiques et procédures, écrites ou non écrites, qui régissent
les opérations de crédit de l'institution, à savoir :
● le marketing du crédit ;
● l'évaluation des clients et des crédits ;
● la taille et les conditions du crédit ;
● l'approbation du crédit ;
● le traitement des décaissements et des remboursements par les agents de cré-
dit et les caissiers ;
● l'enregistrement des décaissements et des remboursements dans le service d'en-
registrement ;
● la supervision des clients ;
● les politiques de recouvrement des impayés ;
● le rééchelonnement des crédits en retard ;
● les contrôles internes, à la fois opérationnels et ex post.

5.2 Domaines spécifiques de l'examen du portefeuille

Les institutions de microfinance et leurs auditeurs doivent prendre en considéra-


tion douze domaines spécifiques pour concevoir l'examen du portefeuille de l'ins-
titution et des systèmes qui y sont associés.
48 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

5.2.1 Exactitude du système d'information de gestion de suivi


des crédits
Le système de suivi des crédits reflète-t-il correctement les décaissements de crédits, les
remboursements perçus, et l'état des remboursement à jour dans les encours de crédits ?
L'auditeur externe doit examiner un nombre statistiquement significatif de
crédits, répartis dans les différentes agences, sélectionnés sur la base de critères si-
gnificatifs ou au hasard. Les documents de crédits et les enregistrements d'opéra-
tions doivent être comparés aux comptes spécifiques du grand livre, au calendrier
L'envoi d'un courrier de remboursement fixé, aux grandes lignes de la politique de crédit de l'institu-
tion et aux rapports de suivi des retards produits par le système de suivi des cré-
de confirmation à dits. Les auditeurs doivent vérifier les montants décaissés, les sommes perçues, les
chaque emprunteur est dates de remboursement et l'état de remboursement des crédits. Ils vérifient éga-
lement que l'institution enregistre bien les opérations à la date où elles ont lieu,
quasiment inutile
que le système de suivi répartit correctement les remboursements dans les comptes
dans la plupart des appropriés, et que l'encours de crédits, qui apparaît dans le système de suivi,
audits d'institution concorde avec le solde calculé en appliquant la politique de crédit de l'institution.
Outre l'examen de ces documents, l'auditeur doit prendre directement contact
de microfinance avec un échantillon d'emprunteurs afin de s'assurer qu'ils existent et que le solde
de compte enregistré par l'institution est exact. La pratique courante consistant à
envoyer un courrier de confirmation à chaque emprunteur est quasiment inutile
dans la plupart des audits d'institution de microfinance. La plupart des clients
des institutions de microfinance sont illettrés, et plus nombreux encore sont ceux
qui n'ont pas de service postal. C'est pourquoi les auditeurs doivent localiser les
clients et prendre directement contact avec eux.
Lors de la planification des visites aux clients, la définition de la taille de l'é-
chantillon peut s'avérer délicate. Le nombre de clients à visiter dépend de diffé-
rents facteurs, notamment des normes d'audit applicables, des politiques internes
au cabinet d'audit, de la fiabilité des contrôles internes et du service d'audit in-
terne de l'institution, et du niveau d'assurance demandé par le client de l'audit. Le
chapitre 6 du volume 2 donne un exemple de définition de la taille d'un échantillon.
L'auditeur externe doit d'abord déterminer si l'institution de microfinance
possède un système d'audit interne qui contrôle régulièrement le système de suivi
des crédits, y compris par confirmation directe auprès du client. Si ce n'est pas le
cas, ou si ce système ne fonctionne pas correctement, ou encore si l'auditeur dé-
couvre des faiblesses importantes dans le système de suivi des crédits, alors le
nombre d'opérations à tester et de clients à visiter doit être plus élevé, afin de s'as-
surer que le portefeuille et le montant des provisions indiqués dans les états fi-
nanciers ne comportent pas d'anomalie significative.
Ces procédures peuvent être longues et coûteuses. Dans le cadre d'un audit
annuel classique, l'application des normes couramment pratiquées par l'auditeur
aboutit généralement à une mise en œuvre relativement superficielle de ces tests.
Une institution de microfinance en phase de transition (telle qu'elle est dé-
crite plus haut), ou même en phase de démarrage, qui souhaite mettre en place
des systèmes de suivi des crédits adaptés à une forte croissance, peut souhaiter né-
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 49

gocier un niveau de contrôle des opérations (y compris le nombre de visites aux


clients) qui soit supérieur aux normes minimales d'audit.
Pour une institution de microfinance qui envisage sérieusement une forte ex-
pansion, la crédibilité du système d'information de gestion de suivi des crédits
auprès du personnel de l'institution est fondamentale. Si dans l'organisation per-
sonne ne s'attend à ce que le système de suivi des crédits soit fiable à 99 %, le per-
sonnel aura tendance à être moins consciencieux.
Les situations et les tendances qui devraient être interprétées comme des si-
gnaux d'alarme sont parfois ignorées parce qu'elles sont considérées comme des
problèmes techniques internes au système d'information, plutôt que comme de
véritables problèmes relatifs à la qualité du portefeuille. Et lorsque les gens pen-
sent que la plupart des anomalies résultent de problèmes inhérents au système
d'information de gestion, la fraude est plus tentante parce qu'elle est moins sus-
ceptible d'être détectée rapidement.

5.2.2 Sécurité et efficacité des systèmes d'information de gestion liés


au portefeuille
Les systèmes comptables et de suivi des crédits sont-ils physiquement sûrs ? Leurs in-
formations sont-elles produites, et exploitées, sans délai ?
Ces questions s'appliquent au système d'information de gestion dans son en-
semble et pas seulement aux éléments relatifs au portefeuille. Elles sont traitées
ici car les problèmes survenant dans ce domaine peuvent avoir des conséquences
particulièrement importantes sur la gestion du portefeuille.

SÉCURITÉ
L'auditeur doit contrôler la sécurité des systèmes informatisés de comptabilité et
de suivi des crédits, notamment les éléments suivants :
● environnement externe de sécurité du matériel informatique, dont la sécurité
d'accès et la climatisation ;
● caractéristiques internes de sécurité du logiciel informatique ;
● mesures de contrôle d'accès (qui peut entrer, modifier, ou lire les données) ;
● procédures de sauvegarde et vérification d'intégrité de la sauvegarde, y com-
pris mesures de sécurité concernant les fichiers de sauvegarde.

Lorsque le système de suivi des crédits est manuel, l'auditeur doit examiner
les procédures de contrôle interne relatives à la préparation et à la vérification des
registres d'opérations, la sécurité physique des registres comptables et autres do-
cuments, et les contrôles d'accès aux données.

EFFICACITÉ DU SYSTÈME D’INFORMATION DE GESTION


Même si les données sont exactes et sûres, elles présentent peu d'intérêt tant que
le personnel, à tous les niveaux de l'organisation, ne les reçoit pas en temps utile
sous forme de rapports intelligibles et n'utilise pas cette information.
50 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

Le problème potentiel le plus courant et le plus dangereux est que les agents
de crédit et les dirigeants n'obtiennent pas les informations relatives aux retards
de remboursement sous une forme qui facilite leur suivi immédiat.
Un audit annuel prête généralement attention à ces éléments, particulièrement
à la sécurité du système d'information de gestion. Toutefois, y prêter attention
n'équivaut pas à un examen approfondi du système. Les institutions de microfi-
nance doivent demander que ces éléments fassent l'objet de commentaires dans
la note à la direction. Un examen approfondi nécessiterait de mettre en œuvre des
Le problème potentiel procédures convenues, ou une évaluation du système d'information de gestion
menée séparément par l'auditeur ou par un autre consultant.
le plus dangereux est
que les agents de crédit
5.2.3 Importance des postes d'ajustement
et les dirigeants
Lorsque les données du système de suivi des crédits ne concordent pas avec les données
n'obtiennent pas les du système comptable, les différences constituent-elles un problème sérieux, soit parce
informations relatives qu'elles sont d'un montant important, soit parce qu'elles révèlent des incohérences fon-
damentales entre les deux systèmes ?
aux retards de Il n'est pas rare de trouver de telles divergences dans les institutions de mi-
remboursement sous crofinance, du fait du volume important de leurs opérations, et parce que les
systèmes comptables et de suivi des crédits ne sont pas parfaitement intégrés. Ces
une forme qui facilite différences peuvent ou non être inquiétantes.
leur suivi immédiat Par exemple, de nombreux programmes de microfinance prévoient que les rem-
boursements des clients soient déposés dans des banques, pour des raisons de sé-
curité. Comme les banques attendent généralement plusieurs jours avant d'envoyer
les documents relatifs aux remboursements perçus, les institutions peuvent de-
mander aux clients une copie de l'attestation de dépôt de remboursement. Une
fois reçue cette copie de l'attestation, le système de suivi des crédits enregistre le rem-
boursement. Il en résulte un décalage temporaire avec le système comptable, qui
n'enregistre l'opération qu'ultérieurement, quand la banque envoie sa copie de l'at-
testation de dépôt. Cependant, lorsque cette attestation de la banque arrive, elle peut
être incomplète ou affectée à un compte incorrect, de sorte que certains rembour-
sements restent dans des comptes d'attente jusqu'à ce qu'ils soient complètement
soldés. Si, au bout d'un certain temps, un grand nombre d'opérations s'accumu-
lent dans des comptes d'attente qui ne sont pas rigoureusement contrôlés, des dis-
torsions majeures peuvent survenir, révélant une faiblesse du système de gestion
des crédits à laquelle il faut remédier. Si le montant est important, cela peut empê-
cher l'auditeur d'émettre une opinion sans réserve. Si le montant n'est pas signifi-
catif, mais que les divergences révèlent un sérieux décalage entre les deux systèmes,
le problème doit être soulevé dans la note à la direction.

5.2.4 Représentation inexacte des crédits soldés


Lorsque le système de suivi des crédits indique qu'un crédit est soldé, le client a-
t-il réellement démontré sa volonté et sa capacité à s'acquitter de sa dette ou bien
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 51

le remboursement apparent n'est il que le résultat d'une substitution d'un compte


à un autre ?
Les agents de crédit ou les dirigeants d'institutions de microfinance ont sou-
vent recours à des pratiques qui permettent de faire apparaître un crédit comme
soldé dans le système de suivi des crédits, même si le client n'a en réalité pas eu la
volonté ou la capacité de s'acquitter de sa dette. Ce type de pratiques courantes peut
prendre quatre formes :
● Refinancement. Supposons qu'un client ait des difficultés pour rembourser
son prêt. L'agent de crédit s'inquiète de l'incapacité du client à maintenir son Le refinancement
crédit à jour, mais veut dissimuler le problème. Il propose simplement un nou- peut masquer
veau crédit à son client, qui utilise le montant de ce nouveau crédit pour rem-
bourser l'ancien. En fin de compte, le client se trouvera probablement dans un problème tout
l'incapacité de faire face aux remboursements de ce nouveau crédit, et le cycle en le laissant s'aggraver
se répètera. Le problème du « crédit permanent » n'est pas particulier à la mi-
crofinance. Dans certains pays, les banques commerciales le pratiquent régu-
au fil du temps
lièrement. Le refinancement peut masquer un problème tout en le laissant s'ag-
graver au fil du temps. Lorsque le système s'effondre, le prêteur a perdu une
somme bien plus importante que si le problème avait été traité à son appari-
tion (le rééchelonnement est similaire au refinancement, à ceci près qu'aucun
nouveau crédit n'est consenti. L'ancien crédit est renégocié avec un délai sup-
plémentaire et les intérêts impayés sont ajoutés au montant du principal. Le réé-
chelonnement est traité séparément dans la section suivante 5.2.5).
● Crédits parallèles. Lorsque l'institution de microfinance propose plusieurs types
de crédits, un agent de crédit peut consentir un second prêt à un client dé-
faillant. Mais les deux crédits restent en cours. Pendant un certain temps, le
client utilise l'argent du nouveau prêt pour s'acquitter du remboursement du
premier prêt, mais il sera en fin de compte probablement incapable d'honorer
le remboursement des deux prêts.
● Remboursement par chèque. Le client est autorisé à solder son prêt en remet-
tant un chèque à l'institution, mais celui-ci est généralement postdaté, et ne peut
donc être honoré. Le système de suivi des crédits indique que le crédit est rem-
boursé, tandis que le chèque est imputé au compte créances diverses, et n'ap-
paraît pas dans les rapports de suivi des retards de l'agent de crédit (ou de l'ins-
titution de microfinance).
● Remboursement avec dépôt de garantie. Les institutions de microfinance ac-
ceptent parfois une garantie matérielle, par exemple des équipements, en rem-
boursement d'un crédit en retard. Le crédit est considéré comme soldé à la ré-
ception des équipements. Ceux-ci apparaissent sur un compte d'actifs
immobilisés, mais il arrive qu'ils ne soient jamais vendus à un prix suffisant
pour couvrir le montant de la dette. Il serait plus judicieux d'enregistrer pro-
visoirement que le crédit a été soldé par un chèque ou une garantie, le compte
ne pouvant être totalement crédité qu'au moment où le chèque est encaissé ou
la garantie vendue pour un montant permettant de couvrir l'encours de crédits.
52 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

De telles pratiques dissimulent fréquemment de sérieux problèmes relatifs à la


qualité du portefeuille de crédits et aboutissent à une sous-estimation importante
des provisions pour créances douteuses dans les états financiers. Plus important
encore, la direction peut ignorer des problèmes qui risquent d'échapper à tout
contrôle s'ils ne sont pas traités immédiatement.
Idéalement, le système de suivi des crédits doit constituer un premier moyen
de défense contre de telles pratiques, et faciliter le travail de détection de l'audi-
teur. Par exemple, le système d'information peut être conçu pour signaler auto-
Malheureusement, matiquement les cas de renouvellement de crédit (y compris un crédit parallèle)
à un client qui a eu de sérieuses difficultés de remboursement sur son prêt précé-
nombreuses sont dent, ou les cas de remboursement par chèque ou par dépôt de garantie maté-
les institutions dont les rielle. Rares sont les institutions de microfinance qui possèdent un système de
suivi des crédits permettant cette détection automatique.
systèmes ne conservent
Il faut au minimum que le système d'information conserve l'historique des
pas les données performances de remboursement des clients sur les anciens crédits. Cela facilite
historiques sur les crédits la détection de ce type de pratiques pour l'auditeur. Malheureusement, nom-
breuses sont les institutions dont les systèmes ne conservent pas ces données his-
toriques sur les crédits (cette lacune majeure doit être mentionnée dans la note à
la direction). Dans ce cas, le seul recours possible pour l'auditeur est d'examiner
un échantillon de dossiers de crédits. Ce faisant, il doit prêter particulièrement
attention aux cas où le remboursement total du crédit apparaît consécutivement
à une période de difficultés, surtout si ce remboursement a été effectué avant l'é-
chéance, ou si un nouveau crédit est accordé au client à la suite de ce problème
de remboursement. Ces cas doivent être examinés afin de vérifier que le rem-
boursement du crédit enregistré dans le système correspond réellement à un ver-
sement en espèces par le client.
Les vérifications effectuées dans ce domaine, par le biais de l'examen de do-
cuments couvrant un échantillon représentatif du portefeuille de l'institution,
sont une tâche importante, mais qui n'entre normalement pas dans le cadre d'un
audit annuel des états financiers. Seules les pratiques les plus évidentes, comme l'an-
nulation de crédits au moyen de chèques post-datés, sont susceptibles d'être dé-
celées. En l'absence d'un système de suivi des crédits efficace, le seul moyen pour
le client d'obtenir une pleine assurance sur ces points est de contracter une mis-
sion d'examen sur la base de procédures convenues.

5.2.5 Rééchelonnement
Les problèmes de qualité des crédits sont-ils dissimulés par un rééchelonnement inap-
proprié des crédits qui ne seront probablement pas totalement remboursés, ou par une
incapacité à traiter séparément les crédits rééchelonnés au moment du calcul des pro-
visions pour créances douteuses ?
Lorsqu'un client a des difficultés de remboursement, les institutions de mi-
crofinance rééchelonnent (on dit aussi restructurent ou renégocient) souvent le
crédit. En général, l'échéance du crédit est reportée, les intérêts en retard sont
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 53

ajoutés au montant du principal, et un nouveau calendrier de remboursement est


établi. L'ancien crédit « à problème » disparaît, remplacé par un nouveau contrat
de prêt qui apparaît comme étant à jour, au moins jusqu'à l'échéance du premier
remboursement. Parfois, un tel rééchelonnement occulte d'importants problèmes
de portefeuille, en qualifiant de crédits à jour des prêts qui sont en réalité peu sus-
ceptibles d'être remboursés intégralement. En fait, le rééchelonnement est sou-
vent le moyen le plus facile de « corriger » un portefeuille peu performant.
C'est pourquoi les auditeurs doivent prêter particulièrement attention aux cré-
dits rééchelonnés. La politique et la pratique de rééchelonnement sont-elles ap- La non-distinction des
propriées ? Les crédits rééchelonnés sont-ils distingués des autres crédits dans le
système de suivi des crédits ? Les provisions pour créances douteuses appliquées crédits rééchelonnés
aux crédits rééchelonnés sont-elles adaptées ? constitue une sérieuse
L'institution de microfinance doit établir des politiques et procédures détaillées
faiblesse du système
relatives au rééchelonnement de crédits, qui répondent aux questions suivantes :
● Quelles conditions doivent être réunies pour justifier le rééchelonnement ?
(Certaines institutions interdisent le rééchelonnement. La plupart l'autorisent.
L'idéal est de mettre en place des procédures suffisamment souples pour sou-
tenir occasionnellement un client dans une situation réellement difficile, mais
aussi suffisamment strictes pour prévenir les abus.)
● Combien de fois un client peut-il obtenir un rééchelonnement de son crédit ?
● Qui a le pouvoir d'approuver un rééchelonnement ?
● Comment un crédit qui a été rééchelonné est-il comptabilisé ?
● La comptabilisation du produit des intérêts est-elle stoppée jusqu'au verse-
ment des remboursements consécutifs au rééchelonnement ?
● Un crédit rééchelonné est-il automatiquement classé dans la catégorie « crédit
à jour » ou existe-t-il une catégorie distincte ?

Qu'il existe ou non des politiques appropriées, la question reste posée : qu'en
est-il dans la pratique ? Pour le savoir, il faut examiner un échantillon de crédits
rééchelonnés. Le système de suivi des crédits doit produire des rapports réguliers
identifiant automatiquement tous les crédits rééchelonnés, ou contenant au moins
les informations nécessaires pour produire une liste des crédits rééchelonnés.
Lorsqu'une telle liste est disponible, l'auditeur peut sélectionner un échan-
tillon de crédits afin de déterminer si les politiques de l'institution sont mises en
pratique. Il est plus compliqué de déterminer si le rééchelonnement se fonde sur
une prévision réaliste de la capacité du client à rembourser son crédit, ou s'il a
pour but de camoufler des prêts qui ne seront probablement jamais recouvrés.
On peut pour cela examiner l'historique des remboursements sur un échantillon
de crédits rééchelonnés.
Lorsque l'institution peut produire une liste complète des crédits rééchelonnés,
elle est en mesure de négocier avec l'auditeur l'ajout des tests mentionnés plus
haut dans l'audit annuel. La plupart des institutions de microfinance, cependant,
ne distinguent pas les crédits rééchelonnés dans leur système de suivi. Cela consti-
54 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

tue une sérieuse faiblesse du système, qui doit être mentionnée dans la note à la
direction. S'il n'existe pas de liste des crédits rééchelonnés, le seul recours de l'au-
diteur est d'examiner l'historique d'un échantillon du portefeuille de crédits ac-
tuel. Si le système de suivi des crédits ne conserve pas les données historiques de
remboursement des anciens crédits, l'auditeur est obligé d'examiner les documents
papier relatifs aux enregistrements des opérations antérieures (en supposant que
l'institution les conserve). Ce type de travail nécessite dans la plupart des cas la mise
en œuvre de procédures convenues dépassant le cadre courant de l'audit annuel.
Si les contrôles font Comme on le verra ultérieurement dans ce chapitre, les crédits rééchelonnés
doivent être signalés dans la balance âgée des retards du portefeuille, particulière-
apparaître un écart de ment lorsque le provisionnement pour créances douteuses se fonde sur cette balance
rendement important, âgée. Un crédit qui a été rééchelonné présente un risque de pertes plus important
qu'un crédit remboursé à chaque échéance selon l'échéancier prévu. Présenter ces
l'auditeur doit en
deux crédits comme « à jour » masque la grande différence entre les deux.
rechercher la cause et
l'inscrire dans son
5.2.6 Produit des intérêts : écart de rendement et politique
rapport de comptabilisation des intérêts à recevoir
Le produit des intérêts générés par le portefeuille est-il équivalent au rendement théo-
rique calculé d'après les termes des contrats de prêts ? Si l'institution comptabilise le pro-
duit des intérêts échus, sa politique de comptabilisation est-elle appropriée ?
En analysant les conditions des contrats de prêts de l'institution, l'auditeur
peut déduire une valeur théorique du rendement des intérêts − correspondant au
montant des revenus que le portefeuille devrait produire si tous les intérêts étaient
payés à temps et conformément au contrat 2. Ce rendement théorique doit être com-
paré au montant du produit réel des intérêts à chaque période 3. Cette analyse
révèle souvent un large écart entre le produit que devrait normalement générer
l'institution et le produit réel.
Par exemple, une institution qui recouvre ses crédits par des remboursements
mensuels devrait avoir un taux contractuel effectif de 2,5 % du portefeuille moyen
par mois, alors que les intérêts qu'elle perçoit réellement ne se montent qu'à 1,5 %
par mois.
Cette analyse de l'écart de rendement doit normalement s'inscrire dans le cadre
de l'évaluation des comptes de revenus. Elle est mentionnée ici car la principale
cause d'un écart de rendement étant les impayés, ce test permet un recoupement
des données sur la qualité du portefeuille4.
D'autres situations peuvent également contribuer à générer un écart de ren-
dement. Si une institution se développe très rapidement, et adopte une compta-
bilité de caisse, le produit des intérêts peut être inférieur au rendement théorique
parce qu'un large pourcentage de son portefeuille est composé de nouveaux cré-
dits dont le premier remboursement n'est pas encore arrivé à échéance. Parfois, un
écart de rendement s'explique par une indication erronée du montant du solde du
portefeuille de crédits dans le système comptable.
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 55

Si le solde du portefeuille de crédits est actualisé en ajoutant les décaissements


et en soustrayant les remboursements et abandons de créances sans vérification
indépendante, les erreurs commises au cours des années précédentes peuvent se
reporter d'année en année.
Si les contrôles font apparaître un écart de rendement important, l'auditeur doit
en rechercher la cause et l'inscrire dans son rapport. S'il ne parvient pas à identi-
fier cette cause, il doit l'indiquer clairement dans son rapport d'audit ou le préci-
ser dans les annexes aux états financiers.
Cette analyse de l'écart de rendement peut s'avérer encore plus compliquée si On constate souvent
l'institution comptabilise le produit des intérêts échus mais non versés. Lorsqu'une
institution de microfinance comptabilise des montants importants d'intérêts à rece- un décalage
voir, l'auditeur doit s'efforcer de comprendre cette politique de comptabilisation et doit méthodologique, du
évaluer sa pertinence. Il doit en particulier déterminer si l'institution stoppe la comp-
fait que le personnel
tabilisation des intérêts futurs, et annule les intérêts échus mais non payés, pour les cré-
dits dont le remboursement a un retard tel que le recouvrement des sommes dues est for- n'est pas suffisamment
tement improbable. Si la politique de l'institution de microfinance manque de formé et que
rigueur sur ce point, cela peut conduire à une surestimation importante du pro-
duit. En supposant que la politique de l'institution est satisfaisante, l'auditeur doit la supervision est
malgré tout vérifier qu'elle est méthodiquement appliquée dans la pratique. insuffisante

5.2.7 Mise en œuvre cohérente du système de gestion des crédits


Les procédures d'administration des crédits et la méthodologie de crédit de l'institu-
tion de microfinance sont elles appliquées par les agents et les comités de crédit ?
Les auditeurs externes doivent vérifier la conformité aux politiques et procé-
dures fondamentales qui régissent l'administration des crédits dans l'institution
de microfinance. Parfois, ces politiques et procédures sont détaillées dans les ma-
nuels de crédits. Dans d'autres cas, notamment dans les petites institutions de mi-
crofinance en phase de démarrage, elles doivent être déterminées lors des entre-
tiens avec la direction. En raison de la décentralisation des prises de décisions et
de la supervision dans les institutions de microfinance, le respect de ces politiques
et procédures pose souvent problème, particulièrement pour les institutions qui
sont passées de la phase de démarrage à la phase « de transition » ou d'« institu-
tionnalisation », comme décrit précédemment.
On constate souvent un décalage méthodologique, du fait que le personnel
n'est pas suffisamment formé et que la supervision est insuffisante. Avec le temps,
dans une structure décentralisée, les agents de crédit commencent à prendre des
décisions qui vont à l'encontre des principes de crédit de l'institution. Par exemple,
la taille du prêt initial peut fortement augmenter ou le montant des crédits suc-
cessifs accordés à un client peut croître trop rapidement. Cela engendre des risques
de crédit en permettant aux clients d'atteindre trop rapidement les limites de leur
capacité de remboursement. Il est également courant que les comités de crédit
soient réduits à une pure formalité, de sorte que les crédits ne font plus l'objet de
56 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

réelles discussions. Cette absence de contrôle effectif par les pairs augmente les
risques de crédit.
Les auditeurs externes ne sont pas et n'ont pas pour vocation de devenir des
experts en microfinance. C'est pourquoi leurs tests doivent se limiter aux éléments
fondamentaux de la méthodologie de crédit et aux principales procédures de ges-
tion des crédits, dont :
● la comparaison des critères d'attribution des crédits figurant dans le manuel de
crédit avec les pratiques réelles, en ce qui concerne la taille, les termes et les condi-
La plupart des cas tions des crédits initiaux ; les plafonds des crédits renouvelés ; les garanties
de fraude dans une exigées ; et le calcul des ratios financiers de base utilisés pour déterminer la ca-
pacité de remboursement dans les dossiers de demande de crédit ;
institution de ● la vérification du respect des procédures élémentaires de gestion des crédits, telles
microfinance sont liés que la transmission rapide des informations sur les impayés aux agents de cré-
dit et les visites immédiates à tous les emprunteurs défaillants.
aux activités de crédit
Dans un audit annuel régulier des états financiers, ce type d'examen est effec-
tué de façon sommaire, et éventuellement commenté dans la note à la direction.
Cette tâche est accomplie plus efficacement par une unité d'audit opérationnelle
interne à l'institution, comme il est suggéré à la fin du paragraphe 3.2. Cette ap-
proche présente un autre avantage : l'information produite est traitée plus rapi-
dement, et est directement intégrée dans les activités quotidiennes et dans le pro-
cessus de conception des produits. Lorsqu'un tel service interne fonctionne, les
auditeurs externes peuvent se contenter d'examiner et de commenter la qualité
du travail effectué par ce service.
Les autorités de supervision des banques, chargées du contrôle des institutions
de microfinance agréées, doivent comprendre que ce type d'examen est essentiel
pour détecter rapidement les risques de contrepartie. Pour effectuer ce type d'exa-
men, l'autorité délivrant l'agrément doit faire appel à des experts en microcrédit.

5.2.8 Contrôle de la fraude associée au portefeuille


L'institution de microfinance possède-t-elle une fonction d'audit interne opération-
nelle capable de détecter les types de fraude les plus courants en microfinance ?
Bien que les auditeurs externes puissent déceler des cas de fraude dans le dé-
roulement normal de leur programme d'audit, leur mission première n'est pas de
détecter la fraude, mais d'identifier les situations qui augmentent les occasions de
fraude. En dehors des cas de fraude liés à la trésorerie et au travail du caissier, ca-
ractéristiques de tout établissement bancaire, les auditeurs externes ne sont pas à
même de détecter les types de fraude auxquels les institutions de microfinance
sont habituellement confrontées. Le travail classique des auditeurs internes peut
ne pas non plus être efficace dans la détection de la fraude, pour les raisons dé-
crites dans le chapitre 3.
La plupart des cas de fraude dans une institution de microfinance sont liés aux
activités de crédit. En outre, la fraude n'apparaît pas dans les livres de compte. Les
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 57

remboursements de crédits sont détournés avant même d'être enregistrés, ne lais-


sant aucune trace écrite susceptible d'être vérifiée par l'auditeur en dehors d'un
éventuel rapport sur les crédits en retard. Il arrive également que l'agent de crédit
crée des prêts fantômes, souvent avec la complicité du client, et empoche une par-
tie ou l'intégralité des sommes versées. En fin de compte, les remboursements ar-
rivent à échéance et ne sont pas versés.
Cependant, étant donné le volume important des opérations, il est peu pro-
bable que l'auditeur enquête sur le non-remboursement d'un crédit qui se révèle
être frauduleux. Pour découvrir un prêt fantôme effectué avec la complicité d'un
client, il faut que l'auditeur rende visite au client et sache comment l'interroger
de manière à lui faire avouer la fraude.
Presque toutes les institutions de microfinance font, à un moment ou un autre,
l'expérience de problèmes de fraude associée au portefeuille. Pour la plupart, cela
n'atteint pas des proportions épidémiques. Mais d'autres ont moins de chance.
Comme cela a été suggéré dans le chapitre 3, les contrôles opérationnels exercés
par les agents de crédit expérimentés sont un moyen plus efficace de détection de
la fraude que les audits externes. En ce qui concerne la fraude associée au porte-
feuille, le rôle de l'auditeur annuel externe peut se limiter à un commentaire sur
les garanties opérationnelles et autres contrôles internes de l'institution de mi-
crofinance (naturellement, si une fraude est décelée au cours des visites aux clients
ou par le biais d'autres tests, elle devra être indiquée dans le rapport d'audit).

5.2.9 Adéquation des informations de suivi des crédits


Le système de suivi des crédits produit-il des informations permettant une présenta-
tion fiable de la qualité du portefeuille, et une gestion précise et quotidienne de ce
portefeuille ?
Les systèmes de suivi des crédits doivent indiquer la balance âgée des crédits
en retard, l'historique des crédits aux clients, l'existence de pratiques de crédit ris-
quées, et la segmentation du portefeuille.

BALANCE ÂGÉE DES CRÉDITS EN RETARD


Le système de suivi des crédits doit établir une balance âgée des crédits en retard,
c'est-à-dire les regrouper en fonction de la période écoulée depuis l'échéance du
dernier remboursement non versé. Cette information est importante non seule-
ment pour établir les provisions pour créances douteuses, mais aussi pour per-
mettre une gestion efficace du portefeuille. Les catégories de la balance âgée doi-
vent normalement correspondre à la périodicité de remboursement des crédits.
Par exemple, pour les crédits remboursés sur une base hebdomadaire, le retard
doit être comptabilisé en semaines (7 jours de retard, 14, 21, 28, etc.), alors que
pour les crédits dont le remboursement est mensuel, le retard doit être compta-
bilisé en mois (30 jours de retard, 60, 90, 120, etc.).
Souvent, les catégories de la balance âgée des crédits en retard ne correspon-
dent pas aux intervalles de remboursement. Par exemple, dans une institution de
58 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

microfinance importante, un crédit dont le remboursement est normalement heb-


domadaire et qui présente des impayés, n'est pas considéré comme crédit « en re-
tard » avant 50 semaines. De même, dans une autre grande institution de micro-
finance, bien que les crédits soient remboursés chaque semaine, les provisions sont
fondées sur une balance âgée dont les catégories sont de 30, 60, 90 et 120 jours.
Les catégories de la balance âgée doivent autant que possible prendre en compte
l'augmentation du risque de non-remboursement. Pour cette raison, il est im-
portant que les crédits rééchelonnés soient clairement distingués dans la balance
Les crédits rééchelonnés âgée, plutôt que d'être classés dans la même catégorie que les autres crédits.
Les retards de remboursement de crédits indiquent qu'il existe un risque accru
doivent être clairement non seulement pour ces remboursements précis, mais aussi pour l'encours de cré-
distingués dans la dits total. C'est pourquoi la balance âgée doit faire apparaître le total de l'encours
de crédits en retard, et pas seulement le montant des remboursements en retard5.
balance âgée
Si les rapports de suivi des retards de l'institution de microfinance n'établis-
sent pas la balance âgée des crédits en retard, l'auditeur doit le mentionner comme
une faiblesse majeure du système. S'il existe une balance âgée, mais que les caté-
gories définies sont inappropriées, un commentaire doit être inclus dans les an-
nexes ou dans la note à la direction.

HISTORIQUE DES CRÉDITS


Comme on l'a vu précédemment, le système de suivi des crédits doit fournir un
résumé des informations concernant l'historique des crédits et des performances
de remboursement de chaque client. Cette information est primordiale pour
prendre des décisions motivées dans le cas de demandes de renouvellement de
crédit. Si les renouvellements de crédit sont consentis sans une prise en compte
effective des informations sur les performances de remboursement passées du
client, ceci constitue un risque majeur pour le portefeuille qui doit être mentionné
dans l'audit annuel des états financiers. En outre, conserver les informations sur
les crédits antérieurs dans le système d'information de gestion est également im-
portant pour divers travaux d'analyse mentionnés dans ce chapitre.

IDENTIFICATION DE PRATIQUES DE CRÉDIT RISQUÉES


Idéalement, le système de suivi des crédits doit automatiquement détecter la pré-
sence de certaines situations risquées, comme celles que l'on a vu dans les para-
graphes 5.2.4 et 5.2.5. Dans la pratique, il doit au moins permettre d'identifier
des situations telles que :
● l'attribution d'un nouveau crédit à un client ayant des difficultés de rem-
boursement sur un crédit déjà existant ;
● le remboursement d'un crédit en retard par refinancement, c'est-à-dire par l'é-
mission d'un nouveau crédit dont le montant est utilisé pour solder le premier ;
● les rééchelonnements répétés ou inappropriés ;
● le remboursement de crédits au moyen de chèques post-datés ou du dépôt
d'une garantie matérielle.
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 59

SEGMENTATION
Dans le cas d'institutions de microfinance en phase de « transition » ou « d'insti-
tutionnalisation », le système de suivi des crédits doit permettre la segmentation
du portefeuille, en particulier des crédits en retard du portefeuille. Une segmen-
tation appropriée peut se faire par région, par agence, par agent de crédit, par type
de crédit, et éventuellement en fonction d'autres catégories relatives aux princi-
paux domaines de risque. Cette segmentation peut contribuer à déterminer avec
précision les provisions pour créances douteuses. Plus important encore, elle per-
met une meilleure gestion quotidienne du portefeuille. Les crédits doivent
être passés en perte
5.2.10 Abandons de créances lorsque la probabilité
L'institution de microfinance a-t-elle défini une politique appropriée d'abandon de
de recouvrement
créances irrécouvrables ? Cette politique est-elle appliquée de façon cohérente ?
La plupart des institutions de microfinance n'ont pas de politique d'abandon devient très faible
de créances définie. Les abandons de créances sont souvent faits de façon non vo-
lontariste et arbitraire. Une institution peut avoir le sentiment, souvent à tort,
que reconnaître ouvertement un crédit comme une créance douteuse revient à
envoyer aux agents de crédit et aux clients un message indiquant que l'institution
ne s'intéresse plus au recouvrement de cet encours de crédits. C'est pourquoi l'ins-
titution préfère conserver le crédit en retard dans ses comptes. Comme la plupart
des institutions de microfinance sont des organisations à but non lucratif, et ne
paient pas d'impôts sur le revenu, elles ne sont pas concernées par les mesures fis-
cales incitatives qui pourraient les encourager à l'abandon de créances.
Par exemple, au Guatemala, une institution de microfinance a reporté pen-
dant des années toutes ses créances douteuses sur ses registres, faisant grimper l'in-
dicateur de risque du portefeuille à près de 15 %. Ce qui signifie que 15 % de ses
encours de crédits étaient considérés comme des crédits à problèmes, parmi les-
quels 9 sur 10 avaient un retard de plus de 180 jours, donc étaient peu susceptibles
d'être recouvrés. Si l'institution avait passé en perte chaque année tous les crédits
ayant un retard supérieur à 180 jours, son taux de risque de portefeuille n'aurait
été que de 1,5 %. Cependant, l'institution ne voulait pas corriger cette distorsion
parce que cela aurait entraîné, d'un seul coup, une perte énorme dans son compte
de résultat. Au lieu de cela, l'institution a continué d'éviter de passer ses créances
douteuses en perte, surestimant ainsi ses produits et ses actifs, et faisant apparaître
son portefeuille courant plus mauvais qu'il ne l'était réellement.
Lorsqu'une politique d'abandon de créances a été définie dans une institution
de microfinance, l'auditeur doit déterminer si elle est appropriée. S'il n'existe en re-
vanche aucune politique dans ce domaine, l'auditeur doit en proposer une. Cette
politique doit tenir compte du fait que, dans la plupart des pays pauvres, le re-
couvrement par voie juridique de crédits de petite taille n'est pas rentable. Les ins-
titutions de microfinance peuvent engager une procédure judiciaire à l'encontre
de leurs clients défaillants pour l'exemple, mais les frais de justice dépassent géné-
60 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

ralement le montant à recouvrer, ce qui entraîne un recouvrement net négatif. Les


crédits doivent être passés en perte lorsque la probabilité de recouvrement devient
très faible, ce qui arrive souvent bien avant que les recours légaux n'aient été épuisés.
En supposant que l'institution ait une politique d'abandon de créances ra-
tionnelle, la question suivante est de savoir si celle-ci est appliquée de façon mé-
thodique. Dans le cas d'une banque commerciale normale, l'auditeur externe ef-
fectue un examen détaillé de chaque abandon de créances, le confrontant à la
politique et aux réglementations en vigueur. Une telle approche ne serait proba-
La politique de blement pas rentable dans le cadre d'un audit d'institution de microfinance ; on
se contentera donc de tester un échantillon modeste de crédits passés en perte.
provisionnement doit Tout audit des états financiers d'une institution de microfinance doit inclure
dépendre à la fois de un examen des pratiques d'abandon de créances. Cependant le caractère signifi-
catif de cette question, ainsi que la somme d'efforts à y consacrer, dépendra de la
l’historique des pertes et
qualité du portefeuille de l'institution. Dans les cas où les impayés sont réelle-
de la situation actuelle ment faibles, la question de l'abandon de créances est moins significative pour les
du portefeuille états financiers dans leur ensemble.
L'auditeur doit, au minimum, se faire expliquer la politique et les pratiques
d'abandon de créances de l'institution, et les décrire dans une annexe aux états fi-
nanciers. Lorsqu'aucune politique n'a été définie, ou que l'auditeur a des doutes
quant à sa pertinence, cela doit être notifié à l'endroit approprié − dans la note à
la direction, les états financiers, ou même dans l'opinion écrite émise par l'audi-
teur, suivant la gravité et le caractère significatif du problème.

5.2.11 Provisions pour créances douteuses


La politique et les pratiques de provisionnement pour créances douteuses de l'institu-
tion de microfinance sont-elles appropriées, au vu des données historiques de pertes et
de la situation actuelle des retards de remboursements ?
Les provisions pour créances douteuses inscrites dans les états financiers des ins-
titutions de microfinance sont souvent très inadaptées. Pourtant, les auditeurs ex-
ternes émettent souvent des opinions sans réserve sur les états financiers de ces
institutions, sans avoir suffisamment approfondi, et encore moins évalué, leur po-
litique de provisionnement.
La majeure partie de l'exposé qui suit est consacrée au provisionnement « scien-
tifique », fondé sur une balance âgée du portefeuille en cours et une analyse de la
performance historique des données du portefeuille des années précédentes. Les pe-
tites institutions de microfinance ont intérêt à préférer un système moins élaboré.
Quelle que soit l'approche, l'essentiel est que la politique de provisionnement dé-
pende à la fois de l'historique des pertes et de la situation actuelle du portefeuille.
Une petite institution peut simplement provisionner un pourcentage fixe de
son portefeuille, fondé sur l'expérience globale des pertes des années précédentes.
Parfois, un certain pourcentage de chaque crédit est provisionné au moment du
décaissement. Dans ce cas, l'institution doit faire des vérifications occasionnelles
pour s'assurer que le montant cumulé des provisions reste adapté au total du por-
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 61

tefeuille. Dans d'autres cas, les crédits ne sont pas provisionnés individuellement
au moment où ils sont octroyés, mais les provisions sur l'ensemble du portefeuille
sont régulièrement ajustées de façon à être maintenues à un pourcentage adéquat.
Lorsque ces méthodes simples sont utilisées, le pourcentage provisionné doit
être fondé sur les taux historiques de pertes (du moins dans les cas où l'institution
est suffisamment ancienne pour avoir des données historiques). C'est pourquoi
l'auditeur doit examiner la façon dont ces taux de pertes ont été déterminés. Le
pourcentage de provisionnement doit se fonder sur les montants passés en perte
chaque année, par rapport à l'encours de crédits moyen sur l'année. Cependant,
comme on l'a vu plus haut, de nombreuses institutions de microfinance n'ont pas
une pratique d'abandon de créances très volontariste ni cohérente. Dans ce cas, le
pourcentage de provisionnement doit être lié, non pas aux abandons de créances
enregistrés, mais à la part réelle des anciens crédits qui se sont avérés irrécouvrables.
Une fois le taux historique de pertes approximativement estimé, il faut aussi
prendre en compte la situation courante du portefeuille pour déterminer le pro-
visionnement. Si le niveau d'impayés actuel est supérieur à ce qu'il a été dans le
passé, le provisionnement doit être fixé à un niveau plus élevé que le taux histo-
rique de pertes. Cela est également vrai si l'institution de microfinance estime
qu'un autre facteur (comme une crise économique) est susceptible de réduire la
probabilité de recouvrement des crédits en cours.
La pertinence des méthodes de provisionnement dépend de la qualité du por-
tefeuille de l'institution. Si les auditeurs externes estiment que les niveaux d'im-
payés et de créances douteuses sont réellement très bas, il est moins important de
procéder à des évaluations approfondies et à l'ajustement minutieux du pourcen-
tage de provisionnement de l'institution.
Les grandes institutions de microfinance, ou celles qui se préparent à une forte
croissance, doivent prendre en compte une approche plus scientifique du provi- TABLEAU 5.1
sionnement, qui est habituelle dans le secteur bancaire. Cette approche nécessite Exemple de balance âgée
de segmenter le portefeuille de crédits en classes d'ancienneté − c'est-à-dire par caté- avec provisionnement
gorie, en fonction du nombre de jours de retard depuis le dernier rembourse- pour créances douteuses
ment − et de définir ensuite un pourcentage de provisionnement différent pour correspondant
chaque catégorie, en fonction du niveau de risque estimé.
Les catégories retenues doivent être définies en fonction de la fréquence de Situation Pourcentage
du crédit de provisionnement
remboursement des crédits (disons hebdomadaire ou mensuelle) et des données
clés du processus de suivi des crédits en retard. Par exemple, si le directeur d'agence Non rééchelonné
intervient dans le suivi après 90 jours, cela peut constituer un point de repère dans À jour 0
la balance âgée. Les crédits qui sont en retard, ne serait-ce que d'un jour, doivent Retard de 1 à 30 jours 10
Retard de 31 à 90 jours 25
être impérativement distingués des crédits sains. Un exemple de balance âgée, avec Retard de 91 à 180 jours 50
les pourcentages de provisionnement pour chaque classe d'ancienneté, est donné Retard de plus de 180 jours 100
dans le tableau 5.1. Dans cet exemple, le pourcentage de provisionnement est appli- Rééchelonné
qué à l'encours total des crédits de chaque catégorie et pas seulement au montant des À jour 10
remboursements en retard. Retard de 1 à 30 jours 25
Le pourcentage de provisionnement fixé pour chaque classe d'ancienneté dé- Retard de 31 à 90 jours 50
Retard de plus de 90 jours 100
termine le total des provisions pour créances douteuses.
62 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

Dans une institution de microfinance agréée, la balance âgée et les pourcen-


tages de provisionnement sont habituellement imposés par l'autorité réglementaire,
de sorte que l'auditeur n'a qu'à vérifier si le provisionnement de l'institution est
conforme à la réglementation.
Dans les institutions de microfinance non agréées, la méthode la plus courante
consiste à fonder les pourcentages de provisionnement sur une analyse historique
des performances du portefeuille. Selon cette méthode, l'institution sélectionne
une série de crédits d'une période antérieure, suffisamment reculée dans le temps,
Supposer qu'un taux pour que le résultat final sur la majorité des crédits soit connu. Cette série de cré-
dits est segmentée selon la même balance âgée que celle utilisée pour le porte-
de recouvrement feuille actuel. Ensuite, l'institution détermine, pour chaque catégorie de cette série
de 97 % équivaut à historique, quel pourcentage des crédits n'a pas été recouvré. Ces pourcentages
sont alors appliqués, dans les mêmes catégories, pour le provisionnement du por-
un taux de pertes
tefeuille actuel, à moins qu'un changement important survenu dans le portefeuille
annuel de 3 % est une n'implique des pourcentages différents6.
grave erreur La plupart des institutions de microfinance ne sont pas en mesure de produire
ce type d'analyse historique. Les pourcentages de provisionnement pour chaque
catégorie se fondent sur les estimations de la direction. Dans ce cas, l'auditeur
peut tester ces pourcentages de provisionnement en sélectionnant un échantillon
d'anciens crédits, afin de vérifier si les montants effectivement recouvrés sur ces
crédits correspondent aux estimations réalisées par l'institution. Il appartient au
client et à l'auditeur de déterminer ensemble si ces tests doivent être inclus dans
la cadre de l'audit annuel des états financiers, ou s'ils doivent faire l'objet d'un
examen sur la base de procédures convenues.
Lorsque les données historiques de pertes ne sont pas disponibles, les institu-
tions de microfinance font parfois une estimation du provisionnement pour
créances douteuses en se fondant sur l'indicateur de « taux de recouvrement » qui
divise les montants effectivement perçus pendant une période donnée par les mon-
tants qui arrivent à échéance selon les conditions du contrat de prêt durant la
même période. Il est tentant de supposer qu'un taux de recouvrement de 97 %,
par exemple, équivaut à un taux de pertes annuel de 3 % du portefeuille.
Mais il s'agit d'une grave erreur, car c'est oublier : 1) que le taux de recouvrement
est fondé sur les montants décaissés, qui peuvent être pratiquement deux fois supé-
rieurs à la valeur du portefeuille apparaissant dans les comptes de l'institution, et 2)
que le montant des pertes indiqué par le taux de recouvrement est produit à chaque
cycle de prêt et non chaque année. Pour une institution proposant des crédits à trois
mois remboursés sur une base hebdomadaire, un taux de recouvrement courant de
97 % équivaut à une perte de 22 % du portefeuille moyen chaque année.
Même lorsque les auditeurs estiment que la politique de provisionnement
d'une institution de microfinance est pertinente, ils doivent vérifier qu'elle est
correctement mise en pratique.
Plus important encore, même la meilleure politique de provisionnement au
monde ne saurait produire des résultats fiables si elle est appliquée à une informa-
tion erronée sur le portefeuille. Comme on l'a vu au début de ce paragraphe, la
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 63

première démarche de l'auditeur doit consister à vérifier l'exactitude de l'informa-


tion du système de suivi des crédits concernant les montants et les situations d'im-
payés. Tant que cela n'implique que la vérification de la concordance des données
chiffrées sur les retards avec les autres données et documents du système, cette tâche
ne pose normalement pas problème aux auditeurs. Cependant, nous avons vu dans
les paragraphes précédents que, dans certains domaines, les défauts du système
d'information de gestion peuvent masquer les informations nécessaires à l'évalua-
tion du portefeuille. En outre, dans certaines situations, telles que le détournement
de fonds par un agent de crédit, même un système d'information sans défaut ne
peut être d'aucune d'utilité, car le problème se situe en amont de l'entrée des do-
cuments dans le système. Les tests de détail et les visites aux clients effectués par
les auditeurs peuvent résoudre certains de ces problèmes, mais le coût de ces procé-
dures peut être élevé et leur degré de fiabilité est parfois discutable.
Pour les clients qui accordent beaucoup d'importance à la qualité du portefeuille
et à la pertinence des provisions pour créances douteuses, certaines conclusions pra-
tiques peuvent être répétées ici :
● On surestime trop facilement le degré d'assurance fourni par l'audit annuel
classique sur la qualité du portefeuille et sur la pertinence des provisions pour
créances douteuses.
● Plutôt que d'accepter un programme d'audit standard, les clients doivent avoir
des discussions approfondies avec les auditeurs sur le type d'approche et de
procédures à mettre en œuvre pour tester le portefeuille.
● Pour certains domaines importants de risque de portefeuille, des garanties opé-
rationnelles internes sont plus appropriées qu'un audit traditionnel ex post.

5.2.12 Autres risques d'exploitation associés au portefeuille


L'institution augmente-t-elle la taille de ses crédits au-delà des limites définies par sa
méthodologie de crédit ? Est-elle soumise à un niveau significatif de risque de taux ou
de risque de change ? Gère-t-elle efficacement son risque d'illiquidité ?
Les institutions de microfinance traitent généralement des crédits à court terme
de petite taille, en utilisant des méthodes de prêt fondées sur l'analyse du profil in-
dividuel du client. Celles-ci reposent essentiellement sur des procédures de sélec-
tion effectuées par les pairs, sur les performances de remboursement du client sur
les crédits précédents, et sur une analyse de sa capacité de remboursement, qui se
fonde souvent davantage sur la situation de trésorerie actuelle du client que sur
une projection des flux de trésorerie qui seront générés par l'investissement prévu.
Il arrive qu'une institution qui a géré avec succès des crédits de 100 à 1 000
dollars selon cette méthode, entreprenne d'offrir des crédits de 10 000 dollars ou
plus, en employant la même méthode.
L'expérience montre que cette situation est dangereuse. Les crédits plus im-
portants requièrent en effet la plupart du temps une méthode différente, qui com-
prend une analyse plus complète des flux de trésorerie du client, et éventuelle-
ment des conditions plus strictes en matière de garantie. En présence d'une telle
64 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

situation, en particulier si un petit nombre de gros crédits constitue un pourcen-


tage élevé du portefeuille, l'auditeur doit procéder à des commentaires.
Parfois, les institutions de microfinance sont exposées au risque de change lors-
qu'elles sont financées par des emprunts en devises fortes, mais que leurs crédits
sont libellés en monnaie locale. Une forte dévaluation de la devise locale peut
avoir des conséquences catastrophiques pour une telle institution. L'institution
peut également être exposée à un risque de taux important si elle a défini un taux
d'intérêt fixe sur les crédits à long terme de ses clients, alors que les intérêts qu'elle
Le risque d'illiquidité paye sur ses propres ressources sont soumis à des fluctuations à court terme.
Le risque d'illiquidité est particulièrement présent dans les institutions de mi-
est particulièrement crofinance, pour deux raisons. Premièrement, nombre d'entre elles sont dépendantes
présent dans des ressources des bailleurs de fonds, dont la régularité de versement n'est pas tou-
jours fiable. Deuxièmement, et plus important encore, les conséquences d'une
les institutions de
crise d'illiquidité sont particulièrement dangereuses pour une institution de mi-
microfinance crofinance. Lorsqu'une banque commerciale classique manque de liquidités pour
octroyer des crédits, elle peut cesser d'émettre de nouveaux prêts, sans conséquence
désastreuse pour le remboursement de son portefeuille existant. Il n'en va pas de
même pour les institutions de microfinance, à cause de la nature des motivations
à rembourser. Généralement, les clients d'une institution de microfinance rem-
boursent parce qu'ils ont confiance dans le contrat implicite selon lequel tout
remboursement versé aujourd'hui leur garantit l'accès aux services financiers pour
demain. Si un problème de liquidité empêche le décaissement rapide de crédits re-
nouvelés, la nouvelle se répand vite. La clientèle constate que l'institution a rompu
le contrat implicite, et le remboursement des crédits en cours peut chuter préci-
pitamment. Le secteur de la microfinance n'a pas encore assez d'années d'expé-
rience pour définir des ratios de liquidités normalisés. En attendant, l'auditeur
doit vérifier que l'institution réalise des projections sur ses besoins en trésorerie,
et gère ses emplois et ressources de fonds de manière à conserver une réserve pru-
dente pour parer à toute éventualité.
Ces analyses entrent dans le cadre d'un audit annuel des états financiers. Lorsque
des risques significatifs sont observés, cela doit être mentionné dans les annexes
qui accompagnent les états financiers ou dans la note à la direction.

5.3 Définition de procédures d'audit du portefeuille de crédits

Il peut s'avérer compliqué de déterminer et de négocier un ensemble de procédures


appropriées pour tester le portefeuille d'une institution de microfinance. Même
après avoir lu ce guide, peu d'institutions seront en mesure de définir le travail
qu'elles veulent sans une consultation préalable de l'auditeur. En outre, la ma-
nière dont l'auditeur teste le portefeuille est en partie dictée par les normes d'au-
dit courantes ou par les politiques propres au cabinet d'audit. Certains cabinets
d'audit ont une politique qui s'oppose aux discussions avec le client sur le détail
des procédures de test.
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 65

Face à ces difficultés, de nombreuses institutions préfèrent laisser l'auditeur conce-


voir entièrement les procédures d'examen du portefeuille (ainsi que le reste du travail
de l'audit). Pour les raisons évoquées plus haut, un audit réalisé de cette manière est
peu susceptible de fournir une assurance fiable sur les systèmes et soldes liés au porte-
feuille de crédits d'une institution.
Les clients qui souhaitent un examen approfondi du portefeuille de crédits de
leur institution de microfinance doivent engager un réel dialogue avec leur audi-
teur. L'objectif premier des chapitres de ce guide consacrés au portefeuille est pré-
cisément de fournir une base à ce dialogue. Dans l'idéal, cette conversation doit per- Les clients qui
mettre de dégager une idée précise du type de tests et procédures voulus, et du
mode de contrat à établir pour chacun ; cela consiste à déterminer lesquels peuvent souhaitent un examen
être effectués dans le cadre régulier de l'audit des états financiers annuel, et lesquels approfondi du
doivent faire l'objet d'un examen distinct sur la base de procédures convenues.
portefeuille de crédits de
Comme on l'a vu au début de ce chapitre, si l'auditeur refuse d'entrer dans ce
type de discussion, le client n'a aucun moyen de s'assurer de la fiabilité de l'audit leur institution de
de son portefeuille. L'expérience montre que la simple confiance dans les normes microfinance doivent
et procédures habituelles de l'auditeur ne constitue pas une telle assurance.
Les clients doivent se rappeler qu'en principe, les procédures mises en œuvre engager un réel dialogue
dans le cadre de l'audit des états financiers donnent lieu à une opinion mais pas avec leur auditeur
à un rapport sur leurs résultats. Après un audit, il est souvent difficile d'obtenir
des auditeurs qu'ils expliquent les procédures employées de manière suffisamment
détaillée pour se forger une opinion indépendante sur la pertinence de ces procé-
dures. D'un autre côté, un examen sur la base de procédures convenues donne
lieu à un rapport sur les résultats mais pas à une opinion. Finalement, ces pro-
duits sont conçus d'une manière qui n'aide pas beaucoup le client. Cependant, cer-
tains auditeurs sont prêts à faire preuve de souplesse en discutant des procédures
avec le client, à la fois avant et après l'audit.
L'annexe D donne l'exemple d'un ensemble de procédures servant à tester
deux domaines clés du portefeuille : la fiabilité de l'information relative aux rem-
boursements et aux impayés dans le système de suivi des crédits, et la cohérence
avec laquelle sont appliquées les politiques et procédures de crédit définies par
l'institution. Les circonstances détermineront les procédures qui peuvent s'inté-
grer à l'audit classique et celles qui doivent faire l'objet de procédures convenues.
Cette annexe n'a pas pour objectif de fournir un modèle applicable à toutes les ins-
titutions de microfinance ; elle a pour but d'aider les institutions et leurs audi-
teurs à réfléchir aux procédures qui seront les mieux adaptées à leur propre cas.

Notes

1. Les institutions de microfinance qui prévoient de revaloriser leur système d'information


de gestion et qui sont prêtes à y investir des efforts importants pourront consulter l'ouvrage de
Charles Waterfield et Nick Ramsing, Systèmes d'information de gestion pour les institutions de mi-
crofinance - Guide pratique (traduction française, Paris : Gret, 1999, pour le CGAP).
66 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1

2. On peut trouver une méthode traitant des rendements théoriques informatisés dans
Microcredit Interest Rates, CGAP Occasional Paper no 1, août 1996. Ce document est dis-
ponible en anglais sur le site web du CGAP, http://www.cgap.org. Il est possible d'obtenir
des versions papier en anglais, français (« Les taux d'intérêt applicables aux microcrédits »,
Étude spéciale du CGAP no 1) ou espagnol auprès de : CGAP, 1818 Street NW, Room
Q 4-022, Washington DC 20433, USA.
3. Les commissions diverses sur crédits peuvent être soit intégrées au produit des
intérêts, soit traitées à part. Si le rendement théorique diffère selon la taille des prêts ac-
cordés par l'institution, le calcul de la moyenne pondérée peut permettre une estimation
globale du rendement. La comparaison entre rendement théorique et rendement réel doit
être faite sur une base mensuelle, ou alors, si elle est effectuée sur une base annuelle, se fon-
der sur une moyenne mensuelle du portefeuille de crédits. S'il est impossible d'obtenir
une estimation globale du rendement, on peut effectuer des tests de détails : on sélec-
tionne un échantillon de crédits individuels, on calcule l'intérêt escompté pour la période,
et on vérifie l'intérêt effectivement perçu. Lorsque cette méthode est utilisée, les tests doi-
vent couvrir toute la période auditée.
4. Une méthode de calcul de l'impact d'un niveau donné d'impayés sur l'écart de ren-
dement d'une institution de microfinance est proposée dans l'ouvrage de Martin Holtmann
et Rochus Mommartz, Technical Guide for Analyzing the Efficiency of Credit-Granting Non-
Governmental Organizations (NGOs), (Saarbrücken : Verlag für Entwicklungspolitik
Saarbrücken GmbH, 1996).
5. La mesure utilisée le plus couramment par les institutions de microfinance en cas
d'impayés consiste à diviser les remboursements en retard par l'encours de crédits total.
Non seulement cet indicateur n'est pas pertinent, mais il est trompeur. On peut expli-
quer ce problème en imaginant un portefeuille de 1 000 crédits immobiliers, tous ac-
cordés le 1er janvier, remboursables en 100 mensualités. Supposons que le 1er février, aucun
client ne verse la première mensualité. En appliquant le ratio classique d'impayés, une
institution de microfinance dans ce cas n'estimerait son taux d'impayés (NDT : ou de re-
tard) qu'à 1 %, chiffre sans aucune relation avec la gravité du problème.
Un calcul plus significatif est le « portefeuille à risque » (on parle parfois d'« encours
contaminé »), un indicateur dont le numérateur est constitué par l'encours des crédits en
retard de plus de x jours, et le dénominateur par l'encours total des crédits du portefeuille.
Une alternative acceptable utilisée par certaines institutions de microfinance est le « taux
de recouvrement global sur la période » qui divise les remboursements effectivement perçus
pendant une période donnée par les remboursements normalement dus au cours de cette
même période d'après les termes du contrat de crédit initial. Les remboursements anticipés
et les remboursements en retard faisant fluctuer cet indicateur selon les mois, il est important
de l'analyser sur une plus longue période.
6. Pour plus d'informations sur les provisions pour créances douteuses et les abandons
de créances, voir le paragraphe 2.2.2 de l'ouvrage de Robert Peck Christen, Banking Services
for the Poor : Managing for Financial Success (Somerville, Mass. : Accion International, 1997).

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