Chap5 - Le Portefeuille de Credits
Chap5 - Le Portefeuille de Credits
Chap5 - Le Portefeuille de Credits
Le portefeuille de crédits
Le portefeuille de crédits et les provisions pour créances douteuses qui lui sont as-
sociées sont les postes les plus importants des états financiers d'une institution de
microfinance. Le portefeuille de crédits constitue généralement l'essentiel de l'ac-
tif de l'institution. Le portefeuille et les provisions sont les postes les plus suscep-
tibles de comporter des anomalies significatives. Le portefeuille est la principale La plupart des faillites
source de risques d'exploitation pour une institution de microfinance : la plupart
d'institutions de
des faillites d'institutions de microfinance sont dues à la détérioration de la qua-
lité du portefeuille de crédits. Plus encore que dans tout autre domaine, un audit microfinance sont
efficace du portefeuille de crédits implique que les auditeurs et les clients : dues à la détérioration
● connaissent l'existence de risques spécifiques, et de la qualité du
● s'entendent sur les risques qui doivent faire l'objet de tests, et sur les procédures
à mettre en œuvre pour ces tests. portefeuille de crédits
41
42 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1
PHASE DE DÉMARRAGE
À ce stade, l'institution de microfinance est de petite taille, disons moins de 3 000
clients. Elle peut avoir trois ans d'existence, ou moins, bien que certaines institu-
tions demeurent petites plus longtemps. L'attention de la direction se concentre
davantage sur le développement d'une méthodologie de crédit adéquate que sur
les systèmes d'information et de contrôle. L'institution emploie une à deux dou-
zaines de personnes et possède peu d'agences. Elle est suffisamment petite pour
que les dirigeants puissent s'impliquer dans ses activités et rester proches du per-
sonnel. Ainsi, ils sont souvent en mesure d'identifier et de résoudre les problèmes
sans recourir à des systèmes formels complexes. La mise en place de systèmes éla-
borés peut détourner la direction de la tâche plus fondamentale d'amélioration
de la méthodologie de crédit, et entraîner des coûts disproportionnés par rapport
à la taille du portefeuille. Alors que la plupart des institutions de microfinance de
cette taille souhaitent se développer, en réalité nombre d'entre elles ne sont pas for-
tement engagées dans un processus de croissance massive.
À ce stade, il n'est pas nécessaire d'aller au-delà des procédures élémentaires d'exa-
men du portefeuille mises en œuvre dans le cadre d'un audit des états financiers,
à moins que l'institution n'envisage de se développer considérablement, et ne sou-
haite l'aide des auditeurs pour mettre en place les systèmes adaptés à l'accroisse-
ment du volume d'activité.
PHASE DE TRANSITION
Certaines institutions de microfinance se trouvent en phase de transition trois à
cinq ans après avoir débuté leur activité. Elles sont à un stade de développement
massif de leur activité. Elles ont tendance à maintenir un rythme élevé de crois-
sance, accroissant leur clientèle de 50 à 100 % par an.
Tandis que la gestion peut encore être personnelle et informelle, les problèmes
commencent à surgir du fait que les systèmes d'origine ne sont plus adaptés.
L'institution de microfinance en phase de transition réalise qu'elle ne peut conti-
nuer à se développer sans mettre en place des systèmes plus élaborés.
À ce stade, la partie de l'audit des états financiers concernant l'examen du por-
tefeuille doit être plus approfondie et il peut être nécessaire de recourir à des procé-
dures convenues en plus de l'audit des états financiers. Il est nécessaire de procé-
der à des tests plus détaillés du portefeuille car les risques augmentent du fait que
le volume d'activité ne permet plus un contrôle des dirigeants aussi approfondi
qu'auparavant. En outre, l'ampleur de l'activité de l'institution justifie un pro-
cessus d'audit plus important. Cet examen plus détaillé peut avoir des résultats dé-
concertants. Il révèle souvent de nombreux défauts, mais peut constituer une aide
précieuse pour la direction en ce qui concerne la conception et la mise en place
de systèmes plus élaborés, nécessaires à la poursuite de la croissance.
LA PHASE D’INSTITUTIONNALISATION
À ce stade, l'institution de microfinance compte plus de 15 000 clients, une cen-
taine d'employés et une douzaine d'agences. Le taux de croissance du nombre de
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 45
Le paragraphe 5.3 présente les différents domaines liés au portefeuille qui peu-
vent être examinés dans le cadre d'un audit. Pour sélectionner les domaines à exa-
miner et les procédures à mettre en œuvre, clients et auditeurs doivent prendre en
considération les éléments énumérés ci-dessus, dont plus généralement :
● la taille de l'institution de microfinance et son niveau de développement ;
● les ambitions de l'institution en termes de croissance, d'accès aux sources de
financement commerciales, et d'agrément ;
● la volonté de l'institution de recourir à un examen externe pour aider à la
Trois systèmes conception et à la consolidation de ses systèmes internes.
principaux sont associés
au portefeuille de 5.1.3 Aperçu de l'ensemble des systèmes
crédits de l'institution : Afin de clarifier l'exposé complexe de ce chapitre, il importe de distinguer trois
systèmes au sein de l'institution. Dans la pratique, il est possible que ces systèmes
le système comptable,
se recoupent, mais en théorie ils sont distincts. Le système comptable et le système
le système de suivi des de suivi des crédits produisent de l'information. Le système de gestion des crédits cor-
crédits et le système respond aux politiques et procédures qui régissent les activités de crédit.
Idéalement, le système de suivi des crédits doit contenir ces informations non
seulement pour les crédits en cours, mais aussi pour les anciens crédits. En pra-
tique, la plupart des institutions de microfinance ne conservent pas cette information,
du moins sous une forme exploitable, pour les crédits recouvrés ou passés en perte.
L'objet principal du système de suivi des crédits est de fournir des informations
pertinentes pour l'administration du portefeuille, indépendamment du fait que cette
information alimente ou non les états financiers. Certaines des données retenues
par le système de suivi des crédits sont également retenues directement par le
système comptable − par exemple, les décaissements, les remboursements ou les
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 47
intérêts échus (à noter que le système comptable et le système de suivi des crédits
peuvent retenir des données relatives aux crédits à des moments différents et à
partir de sources différentes, ce qui peut mener à des divergences entre les deux
systèmes). Certaines données du système de suivi des crédits n'alimentent qu'in-
directement le système comptable et les états financiers − comme l'information
sur les impayés qui est utilisée pour estimer les dotations aux provisions dans le
système comptable. D'autres données du système de suivi des crédits n'entrent
jamais dans le système comptable − par exemple l'identité des clients ou les ca-
lendriers de remboursements. Les logiciels intégrés
Idéalement, le système de suivi des crédits doit être parfaitement intégré au
système comptable. En pratique, c'est rarement le cas. Les institutions de micro- conçus pour
finance ne peuvent pas utiliser les logiciels intégrés conçus pour les banques parce les institutions de
que leurs systèmes de crédit sont trop différents de ceux des banques. Plusieurs lo-
microfinance offrent
giciels intégrés ont été conçus pour les institutions de microfinance, mais ils of-
frent rarement l'appui technique local immédiat qui est indispensable lors de mo- rarement l'appui
difications ou de pannes inévitables du système. En conséquence, de nombreuses technique local
institutions pensent qu'un système comptable standard (informatisé ou manuel)
peut être adapté à leurs besoins spécifiques mais qu'en ce qui concerne le système immédiat qui est
de suivi des crédits, elles doivent concevoir sur mesure leur propre système (en- indispensable lors de
core une fois, informatisé ou manuel)1.
modifications ou
LE SYSTÈME DE GESTION DES CRÉDITS de pannes du système
Le système de gestion des crédits n'est pas un système d'information, mais concerne
plutôt l'ensemble des politiques et procédures, écrites ou non écrites, qui régissent
les opérations de crédit de l'institution, à savoir :
● le marketing du crédit ;
● l'évaluation des clients et des crédits ;
● la taille et les conditions du crédit ;
● l'approbation du crédit ;
● le traitement des décaissements et des remboursements par les agents de cré-
dit et les caissiers ;
● l'enregistrement des décaissements et des remboursements dans le service d'en-
registrement ;
● la supervision des clients ;
● les politiques de recouvrement des impayés ;
● le rééchelonnement des crédits en retard ;
● les contrôles internes, à la fois opérationnels et ex post.
SÉCURITÉ
L'auditeur doit contrôler la sécurité des systèmes informatisés de comptabilité et
de suivi des crédits, notamment les éléments suivants :
● environnement externe de sécurité du matériel informatique, dont la sécurité
d'accès et la climatisation ;
● caractéristiques internes de sécurité du logiciel informatique ;
● mesures de contrôle d'accès (qui peut entrer, modifier, ou lire les données) ;
● procédures de sauvegarde et vérification d'intégrité de la sauvegarde, y com-
pris mesures de sécurité concernant les fichiers de sauvegarde.
Lorsque le système de suivi des crédits est manuel, l'auditeur doit examiner
les procédures de contrôle interne relatives à la préparation et à la vérification des
registres d'opérations, la sécurité physique des registres comptables et autres do-
cuments, et les contrôles d'accès aux données.
Le problème potentiel le plus courant et le plus dangereux est que les agents
de crédit et les dirigeants n'obtiennent pas les informations relatives aux retards
de remboursement sous une forme qui facilite leur suivi immédiat.
Un audit annuel prête généralement attention à ces éléments, particulièrement
à la sécurité du système d'information de gestion. Toutefois, y prêter attention
n'équivaut pas à un examen approfondi du système. Les institutions de microfi-
nance doivent demander que ces éléments fassent l'objet de commentaires dans
la note à la direction. Un examen approfondi nécessiterait de mettre en œuvre des
Le problème potentiel procédures convenues, ou une évaluation du système d'information de gestion
menée séparément par l'auditeur ou par un autre consultant.
le plus dangereux est
que les agents de crédit
5.2.3 Importance des postes d'ajustement
et les dirigeants
Lorsque les données du système de suivi des crédits ne concordent pas avec les données
n'obtiennent pas les du système comptable, les différences constituent-elles un problème sérieux, soit parce
informations relatives qu'elles sont d'un montant important, soit parce qu'elles révèlent des incohérences fon-
damentales entre les deux systèmes ?
aux retards de Il n'est pas rare de trouver de telles divergences dans les institutions de mi-
remboursement sous crofinance, du fait du volume important de leurs opérations, et parce que les
systèmes comptables et de suivi des crédits ne sont pas parfaitement intégrés. Ces
une forme qui facilite différences peuvent ou non être inquiétantes.
leur suivi immédiat Par exemple, de nombreux programmes de microfinance prévoient que les rem-
boursements des clients soient déposés dans des banques, pour des raisons de sé-
curité. Comme les banques attendent généralement plusieurs jours avant d'envoyer
les documents relatifs aux remboursements perçus, les institutions peuvent de-
mander aux clients une copie de l'attestation de dépôt de remboursement. Une
fois reçue cette copie de l'attestation, le système de suivi des crédits enregistre le rem-
boursement. Il en résulte un décalage temporaire avec le système comptable, qui
n'enregistre l'opération qu'ultérieurement, quand la banque envoie sa copie de l'at-
testation de dépôt. Cependant, lorsque cette attestation de la banque arrive, elle peut
être incomplète ou affectée à un compte incorrect, de sorte que certains rembour-
sements restent dans des comptes d'attente jusqu'à ce qu'ils soient complètement
soldés. Si, au bout d'un certain temps, un grand nombre d'opérations s'accumu-
lent dans des comptes d'attente qui ne sont pas rigoureusement contrôlés, des dis-
torsions majeures peuvent survenir, révélant une faiblesse du système de gestion
des crédits à laquelle il faut remédier. Si le montant est important, cela peut empê-
cher l'auditeur d'émettre une opinion sans réserve. Si le montant n'est pas signifi-
catif, mais que les divergences révèlent un sérieux décalage entre les deux systèmes,
le problème doit être soulevé dans la note à la direction.
5.2.5 Rééchelonnement
Les problèmes de qualité des crédits sont-ils dissimulés par un rééchelonnement inap-
proprié des crédits qui ne seront probablement pas totalement remboursés, ou par une
incapacité à traiter séparément les crédits rééchelonnés au moment du calcul des pro-
visions pour créances douteuses ?
Lorsqu'un client a des difficultés de remboursement, les institutions de mi-
crofinance rééchelonnent (on dit aussi restructurent ou renégocient) souvent le
crédit. En général, l'échéance du crédit est reportée, les intérêts en retard sont
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 53
Qu'il existe ou non des politiques appropriées, la question reste posée : qu'en
est-il dans la pratique ? Pour le savoir, il faut examiner un échantillon de crédits
rééchelonnés. Le système de suivi des crédits doit produire des rapports réguliers
identifiant automatiquement tous les crédits rééchelonnés, ou contenant au moins
les informations nécessaires pour produire une liste des crédits rééchelonnés.
Lorsqu'une telle liste est disponible, l'auditeur peut sélectionner un échan-
tillon de crédits afin de déterminer si les politiques de l'institution sont mises en
pratique. Il est plus compliqué de déterminer si le rééchelonnement se fonde sur
une prévision réaliste de la capacité du client à rembourser son crédit, ou s'il a
pour but de camoufler des prêts qui ne seront probablement jamais recouvrés.
On peut pour cela examiner l'historique des remboursements sur un échantillon
de crédits rééchelonnés.
Lorsque l'institution peut produire une liste complète des crédits rééchelonnés,
elle est en mesure de négocier avec l'auditeur l'ajout des tests mentionnés plus
haut dans l'audit annuel. La plupart des institutions de microfinance, cependant,
ne distinguent pas les crédits rééchelonnés dans leur système de suivi. Cela consti-
54 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1
tue une sérieuse faiblesse du système, qui doit être mentionnée dans la note à la
direction. S'il n'existe pas de liste des crédits rééchelonnés, le seul recours de l'au-
diteur est d'examiner l'historique d'un échantillon du portefeuille de crédits ac-
tuel. Si le système de suivi des crédits ne conserve pas les données historiques de
remboursement des anciens crédits, l'auditeur est obligé d'examiner les documents
papier relatifs aux enregistrements des opérations antérieures (en supposant que
l'institution les conserve). Ce type de travail nécessite dans la plupart des cas la mise
en œuvre de procédures convenues dépassant le cadre courant de l'audit annuel.
Si les contrôles font Comme on le verra ultérieurement dans ce chapitre, les crédits rééchelonnés
doivent être signalés dans la balance âgée des retards du portefeuille, particulière-
apparaître un écart de ment lorsque le provisionnement pour créances douteuses se fonde sur cette balance
rendement important, âgée. Un crédit qui a été rééchelonné présente un risque de pertes plus important
qu'un crédit remboursé à chaque échéance selon l'échéancier prévu. Présenter ces
l'auditeur doit en
deux crédits comme « à jour » masque la grande différence entre les deux.
rechercher la cause et
l'inscrire dans son
5.2.6 Produit des intérêts : écart de rendement et politique
rapport de comptabilisation des intérêts à recevoir
Le produit des intérêts générés par le portefeuille est-il équivalent au rendement théo-
rique calculé d'après les termes des contrats de prêts ? Si l'institution comptabilise le pro-
duit des intérêts échus, sa politique de comptabilisation est-elle appropriée ?
En analysant les conditions des contrats de prêts de l'institution, l'auditeur
peut déduire une valeur théorique du rendement des intérêts − correspondant au
montant des revenus que le portefeuille devrait produire si tous les intérêts étaient
payés à temps et conformément au contrat 2. Ce rendement théorique doit être com-
paré au montant du produit réel des intérêts à chaque période 3. Cette analyse
révèle souvent un large écart entre le produit que devrait normalement générer
l'institution et le produit réel.
Par exemple, une institution qui recouvre ses crédits par des remboursements
mensuels devrait avoir un taux contractuel effectif de 2,5 % du portefeuille moyen
par mois, alors que les intérêts qu'elle perçoit réellement ne se montent qu'à 1,5 %
par mois.
Cette analyse de l'écart de rendement doit normalement s'inscrire dans le cadre
de l'évaluation des comptes de revenus. Elle est mentionnée ici car la principale
cause d'un écart de rendement étant les impayés, ce test permet un recoupement
des données sur la qualité du portefeuille4.
D'autres situations peuvent également contribuer à générer un écart de ren-
dement. Si une institution se développe très rapidement, et adopte une compta-
bilité de caisse, le produit des intérêts peut être inférieur au rendement théorique
parce qu'un large pourcentage de son portefeuille est composé de nouveaux cré-
dits dont le premier remboursement n'est pas encore arrivé à échéance. Parfois, un
écart de rendement s'explique par une indication erronée du montant du solde du
portefeuille de crédits dans le système comptable.
LE PORTEFEUILLE DE CRÉDITS 55
réelles discussions. Cette absence de contrôle effectif par les pairs augmente les
risques de crédit.
Les auditeurs externes ne sont pas et n'ont pas pour vocation de devenir des
experts en microfinance. C'est pourquoi leurs tests doivent se limiter aux éléments
fondamentaux de la méthodologie de crédit et aux principales procédures de ges-
tion des crédits, dont :
● la comparaison des critères d'attribution des crédits figurant dans le manuel de
crédit avec les pratiques réelles, en ce qui concerne la taille, les termes et les condi-
La plupart des cas tions des crédits initiaux ; les plafonds des crédits renouvelés ; les garanties
de fraude dans une exigées ; et le calcul des ratios financiers de base utilisés pour déterminer la ca-
pacité de remboursement dans les dossiers de demande de crédit ;
institution de ● la vérification du respect des procédures élémentaires de gestion des crédits, telles
microfinance sont liés que la transmission rapide des informations sur les impayés aux agents de cré-
dit et les visites immédiates à tous les emprunteurs défaillants.
aux activités de crédit
Dans un audit annuel régulier des états financiers, ce type d'examen est effec-
tué de façon sommaire, et éventuellement commenté dans la note à la direction.
Cette tâche est accomplie plus efficacement par une unité d'audit opérationnelle
interne à l'institution, comme il est suggéré à la fin du paragraphe 3.2. Cette ap-
proche présente un autre avantage : l'information produite est traitée plus rapi-
dement, et est directement intégrée dans les activités quotidiennes et dans le pro-
cessus de conception des produits. Lorsqu'un tel service interne fonctionne, les
auditeurs externes peuvent se contenter d'examiner et de commenter la qualité
du travail effectué par ce service.
Les autorités de supervision des banques, chargées du contrôle des institutions
de microfinance agréées, doivent comprendre que ce type d'examen est essentiel
pour détecter rapidement les risques de contrepartie. Pour effectuer ce type d'exa-
men, l'autorité délivrant l'agrément doit faire appel à des experts en microcrédit.
SEGMENTATION
Dans le cas d'institutions de microfinance en phase de « transition » ou « d'insti-
tutionnalisation », le système de suivi des crédits doit permettre la segmentation
du portefeuille, en particulier des crédits en retard du portefeuille. Une segmen-
tation appropriée peut se faire par région, par agence, par agent de crédit, par type
de crédit, et éventuellement en fonction d'autres catégories relatives aux princi-
paux domaines de risque. Cette segmentation peut contribuer à déterminer avec
précision les provisions pour créances douteuses. Plus important encore, elle per-
met une meilleure gestion quotidienne du portefeuille. Les crédits doivent
être passés en perte
5.2.10 Abandons de créances lorsque la probabilité
L'institution de microfinance a-t-elle défini une politique appropriée d'abandon de
de recouvrement
créances irrécouvrables ? Cette politique est-elle appliquée de façon cohérente ?
La plupart des institutions de microfinance n'ont pas de politique d'abandon devient très faible
de créances définie. Les abandons de créances sont souvent faits de façon non vo-
lontariste et arbitraire. Une institution peut avoir le sentiment, souvent à tort,
que reconnaître ouvertement un crédit comme une créance douteuse revient à
envoyer aux agents de crédit et aux clients un message indiquant que l'institution
ne s'intéresse plus au recouvrement de cet encours de crédits. C'est pourquoi l'ins-
titution préfère conserver le crédit en retard dans ses comptes. Comme la plupart
des institutions de microfinance sont des organisations à but non lucratif, et ne
paient pas d'impôts sur le revenu, elles ne sont pas concernées par les mesures fis-
cales incitatives qui pourraient les encourager à l'abandon de créances.
Par exemple, au Guatemala, une institution de microfinance a reporté pen-
dant des années toutes ses créances douteuses sur ses registres, faisant grimper l'in-
dicateur de risque du portefeuille à près de 15 %. Ce qui signifie que 15 % de ses
encours de crédits étaient considérés comme des crédits à problèmes, parmi les-
quels 9 sur 10 avaient un retard de plus de 180 jours, donc étaient peu susceptibles
d'être recouvrés. Si l'institution avait passé en perte chaque année tous les crédits
ayant un retard supérieur à 180 jours, son taux de risque de portefeuille n'aurait
été que de 1,5 %. Cependant, l'institution ne voulait pas corriger cette distorsion
parce que cela aurait entraîné, d'un seul coup, une perte énorme dans son compte
de résultat. Au lieu de cela, l'institution a continué d'éviter de passer ses créances
douteuses en perte, surestimant ainsi ses produits et ses actifs, et faisant apparaître
son portefeuille courant plus mauvais qu'il ne l'était réellement.
Lorsqu'une politique d'abandon de créances a été définie dans une institution
de microfinance, l'auditeur doit déterminer si elle est appropriée. S'il n'existe en re-
vanche aucune politique dans ce domaine, l'auditeur doit en proposer une. Cette
politique doit tenir compte du fait que, dans la plupart des pays pauvres, le re-
couvrement par voie juridique de crédits de petite taille n'est pas rentable. Les ins-
titutions de microfinance peuvent engager une procédure judiciaire à l'encontre
de leurs clients défaillants pour l'exemple, mais les frais de justice dépassent géné-
60 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1
tefeuille. Dans d'autres cas, les crédits ne sont pas provisionnés individuellement
au moment où ils sont octroyés, mais les provisions sur l'ensemble du portefeuille
sont régulièrement ajustées de façon à être maintenues à un pourcentage adéquat.
Lorsque ces méthodes simples sont utilisées, le pourcentage provisionné doit
être fondé sur les taux historiques de pertes (du moins dans les cas où l'institution
est suffisamment ancienne pour avoir des données historiques). C'est pourquoi
l'auditeur doit examiner la façon dont ces taux de pertes ont été déterminés. Le
pourcentage de provisionnement doit se fonder sur les montants passés en perte
chaque année, par rapport à l'encours de crédits moyen sur l'année. Cependant,
comme on l'a vu plus haut, de nombreuses institutions de microfinance n'ont pas
une pratique d'abandon de créances très volontariste ni cohérente. Dans ce cas, le
pourcentage de provisionnement doit être lié, non pas aux abandons de créances
enregistrés, mais à la part réelle des anciens crédits qui se sont avérés irrécouvrables.
Une fois le taux historique de pertes approximativement estimé, il faut aussi
prendre en compte la situation courante du portefeuille pour déterminer le pro-
visionnement. Si le niveau d'impayés actuel est supérieur à ce qu'il a été dans le
passé, le provisionnement doit être fixé à un niveau plus élevé que le taux histo-
rique de pertes. Cela est également vrai si l'institution de microfinance estime
qu'un autre facteur (comme une crise économique) est susceptible de réduire la
probabilité de recouvrement des crédits en cours.
La pertinence des méthodes de provisionnement dépend de la qualité du por-
tefeuille de l'institution. Si les auditeurs externes estiment que les niveaux d'im-
payés et de créances douteuses sont réellement très bas, il est moins important de
procéder à des évaluations approfondies et à l'ajustement minutieux du pourcen-
tage de provisionnement de l'institution.
Les grandes institutions de microfinance, ou celles qui se préparent à une forte
croissance, doivent prendre en compte une approche plus scientifique du provi- TABLEAU 5.1
sionnement, qui est habituelle dans le secteur bancaire. Cette approche nécessite Exemple de balance âgée
de segmenter le portefeuille de crédits en classes d'ancienneté − c'est-à-dire par caté- avec provisionnement
gorie, en fonction du nombre de jours de retard depuis le dernier rembourse- pour créances douteuses
ment − et de définir ensuite un pourcentage de provisionnement différent pour correspondant
chaque catégorie, en fonction du niveau de risque estimé.
Les catégories retenues doivent être définies en fonction de la fréquence de Situation Pourcentage
du crédit de provisionnement
remboursement des crédits (disons hebdomadaire ou mensuelle) et des données
clés du processus de suivi des crédits en retard. Par exemple, si le directeur d'agence Non rééchelonné
intervient dans le suivi après 90 jours, cela peut constituer un point de repère dans À jour 0
la balance âgée. Les crédits qui sont en retard, ne serait-ce que d'un jour, doivent Retard de 1 à 30 jours 10
Retard de 31 à 90 jours 25
être impérativement distingués des crédits sains. Un exemple de balance âgée, avec Retard de 91 à 180 jours 50
les pourcentages de provisionnement pour chaque classe d'ancienneté, est donné Retard de plus de 180 jours 100
dans le tableau 5.1. Dans cet exemple, le pourcentage de provisionnement est appli- Rééchelonné
qué à l'encours total des crédits de chaque catégorie et pas seulement au montant des À jour 10
remboursements en retard. Retard de 1 à 30 jours 25
Le pourcentage de provisionnement fixé pour chaque classe d'ancienneté dé- Retard de 31 à 90 jours 50
Retard de plus de 90 jours 100
termine le total des provisions pour créances douteuses.
62 AUDIT EXTERNE DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE : GUIDE PRATIQUE, VOLUME 1
Notes
2. On peut trouver une méthode traitant des rendements théoriques informatisés dans
Microcredit Interest Rates, CGAP Occasional Paper no 1, août 1996. Ce document est dis-
ponible en anglais sur le site web du CGAP, http://www.cgap.org. Il est possible d'obtenir
des versions papier en anglais, français (« Les taux d'intérêt applicables aux microcrédits »,
Étude spéciale du CGAP no 1) ou espagnol auprès de : CGAP, 1818 Street NW, Room
Q 4-022, Washington DC 20433, USA.
3. Les commissions diverses sur crédits peuvent être soit intégrées au produit des
intérêts, soit traitées à part. Si le rendement théorique diffère selon la taille des prêts ac-
cordés par l'institution, le calcul de la moyenne pondérée peut permettre une estimation
globale du rendement. La comparaison entre rendement théorique et rendement réel doit
être faite sur une base mensuelle, ou alors, si elle est effectuée sur une base annuelle, se fon-
der sur une moyenne mensuelle du portefeuille de crédits. S'il est impossible d'obtenir
une estimation globale du rendement, on peut effectuer des tests de détails : on sélec-
tionne un échantillon de crédits individuels, on calcule l'intérêt escompté pour la période,
et on vérifie l'intérêt effectivement perçu. Lorsque cette méthode est utilisée, les tests doi-
vent couvrir toute la période auditée.
4. Une méthode de calcul de l'impact d'un niveau donné d'impayés sur l'écart de ren-
dement d'une institution de microfinance est proposée dans l'ouvrage de Martin Holtmann
et Rochus Mommartz, Technical Guide for Analyzing the Efficiency of Credit-Granting Non-
Governmental Organizations (NGOs), (Saarbrücken : Verlag für Entwicklungspolitik
Saarbrücken GmbH, 1996).
5. La mesure utilisée le plus couramment par les institutions de microfinance en cas
d'impayés consiste à diviser les remboursements en retard par l'encours de crédits total.
Non seulement cet indicateur n'est pas pertinent, mais il est trompeur. On peut expli-
quer ce problème en imaginant un portefeuille de 1 000 crédits immobiliers, tous ac-
cordés le 1er janvier, remboursables en 100 mensualités. Supposons que le 1er février, aucun
client ne verse la première mensualité. En appliquant le ratio classique d'impayés, une
institution de microfinance dans ce cas n'estimerait son taux d'impayés (NDT : ou de re-
tard) qu'à 1 %, chiffre sans aucune relation avec la gravité du problème.
Un calcul plus significatif est le « portefeuille à risque » (on parle parfois d'« encours
contaminé »), un indicateur dont le numérateur est constitué par l'encours des crédits en
retard de plus de x jours, et le dénominateur par l'encours total des crédits du portefeuille.
Une alternative acceptable utilisée par certaines institutions de microfinance est le « taux
de recouvrement global sur la période » qui divise les remboursements effectivement perçus
pendant une période donnée par les remboursements normalement dus au cours de cette
même période d'après les termes du contrat de crédit initial. Les remboursements anticipés
et les remboursements en retard faisant fluctuer cet indicateur selon les mois, il est important
de l'analyser sur une plus longue période.
6. Pour plus d'informations sur les provisions pour créances douteuses et les abandons
de créances, voir le paragraphe 2.2.2 de l'ouvrage de Robert Peck Christen, Banking Services
for the Poor : Managing for Financial Success (Somerville, Mass. : Accion International, 1997).