L'Arrêté Des Comptes
L'Arrêté Des Comptes
L'Arrêté Des Comptes
Plan :
Bibliographie :
ANDREFF Wladimir, Les multinationales globales, La découverte, 1996.
BERGER Suzanne, Made in Monde, Le Seuil, 2006.
HATEM Fabrice, Les multinationales en l’an 2000, Economica, 1995.
MUCCHIELLI Jean-Louis, Multinationales et mondialisation, Seuil, 1998.
REICH Robert, L’économie mondialisée, Dunod, 1993.
Chronologie :
Au lieu d’être vu comme un rival, le capital étranger doit être considéré comme un auxiliaire très
précieux, car il permet une plus grande quantité de travail productif et d’entreprises efficaces.
Alexander Hamilton, 1791, dans un rapport adressé au Congrès américain
Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l'Amérique
Charles Wilson, PDG du groupe, 1953.
L’entreprise privée étrangère, du fait du transfert officiel ou clandestin de la plus grande partie de
ses profits, n’a pas d’effet accélérateur et n’intervient pas ou que fort peu dans le processus de
développement cumulatif du pays où elle travaille, mais elle ne s’intègre pas non plus, ou très
exceptionnellement, dans le plan de développement du pays d’accueil, elle est en règle générale
et sous tous ses aspects une « concession » étrangère dans ce pays.
Pierre Jalée, Le pillage du tiers monde, 1965, p. 90.
Ce n’est pas parce que les firmes multinationales investissent en Afrique que cette dernière est
sous développée, c’est au contraire parce qu’elles n’y sont pas assez présentes !
Arghiri Emmanuel, Technologies appropriées ou technologie sous-développées, 1982.
Il importe que des mesures soient rapidement prises pour montrer que la France reste accueillante
aux investisseurs étrangers,' [Plus loin :] ' la part des non-résidents, dans la capitalisation
boursière française, fait l'objet, désormais, d'une prise de conscience collective : celle de la
faiblesse de l'assise domestique du capital de nos entreprises.
Rapport au Premier Ministre sur l’attractivité du territoire français, juillet 2001.
En France, l’entreprise ne suscite des élans de tendresse qu’à deux moments de sa vie : quand
elle meurt ou quand elle va être rachetée par un étranger.
Denis Kessler, Université d’été du Medef, 2005.
Que l’on délocalise pour vendre sur d’autres marchés, je suis prêt à le comprendre. Mais que l’on
délocalise pour fabriquer à l’extérieur des voitures qu’on vendra en France, je ne suis pas
d’accord.
Nicolas Sarkozy, Interview dans le Figaro Magazine, 12 mars 2010.
La théorie ancienne du commerce international ne prenait en compte que les nations, en négligeant
la place des firmes. Or ce sont évidemment celles-ci qui effectuent l’essentiel des relations économiques
entre les territoires, soit en exportant, soit en produisant à l’étranger. Généralement, pour les entreprises,
l’exportation précède la production à l’étranger.
Le professeur Perlmutter prévoyait au début des années 1970 que 80% des actifs industriels
mondiaux seraient détenus par 200 à 300 FMN dès 1985. Et les pronostics les plus inquiétants circulaient
sur ces entreprises apatrides, déplaçant leurs capitaux en fonction d’intérêts plus ou moins avouables. Or la
part des investissements industriels détenue par les 300 plus grandes FMN ne dépasse pas 25%. De plus,
la multinationalisation s’ouvre largement à de nouveaux pays et de nouvelles firmes.
Dans son édition 2007 du Rapport mondial sur l’investissement, la CNUCED recensait 78 400 FMN
(contre 7 000 à la fin des années 1960) s’appuyant sur plus de 780 000 filiales étrangères ; elles
employaient 57 millions de personnes, représentent 25% de la production mondiale. Les filiales étrangères
représentent 10% du PIB mondial et un tiers des exportations mondiales. Le stock mondial des
investissements à l’étranger représentait à la fin 2006 l’équivalent de 26% du PIB mondial (un record
historique), contre 5,7% en 1980.
Leurs décisions de localisation jouent un rôle majeur déterminant dans l’affectation du capital
productif, et la question des délocalisations revient régulièrement dans l’actualité. Dans ce chapitre, nous
analyserons les causes, l’importance et les effets de la multinationalisation.
A) Définition de la FMN :
Le commerce international est réalisé par des firmes. Mais celles-ci peuvent aussi s’implanter à
l’étranger pour mieux contrôler leurs marchés ou leurs sources d’approvisionnement. En établissant une
unité de production à l’étranger, la firme devient multinationale.
Une FMN est une firme qui possède au moins une unité de production à l’étranger.
Une entreprise peut avoir une représentation commerciale à l’étranger, mais elle ne sera vraiment
multinationale que si elle fabrique tout ou partie de sa production à l’extérieur de son territoire national,
souvent par le biais de filiales.
En principe, une filiale devrait appartenir à plus de 50% à la maison mère. Toutefois, les travaux
statistiques sur les FMN considèrent en général que, lorsqu’une firme possède au moins 10% du capital
d’une entreprise étrangère, cette dernière peut être considérée comme une filiale de la première. C’est le
seuil retenu par l’ONU. Dans le cas où plusieurs entreprises détiennent des participations dans une même
filiale à l’étranger, la filiale est comptabilisée pour l’entreprise qui détient la plus forte participation. Le statut
de FMN est en fait une question de degré : il n’y a pas deux situations extrêmes : être ou ne pas être FMN. Il
existe un continuum le long duquel l’entreprise est de plus en plus multinationale.
Les modes d’implantation sur le territoire d’accueil :
1) La création ex-nihilo d’une filiale de production possédée à 100% par la maison-mère. Cette situation est
appelée en anglais Greenfield investment, c’est-à-dire une implantation sur terrain vierge. Forme
majoritaire dans les années 1950 et 1960.
2) L’acquisition d’une firme locale déjà existante. Appelé en anglais Brownfield investment : c'est-à-dire
investissement sur un ancien site industriel. Forme qui s’est développée à partir des années 1980 et
considérée comme moins coûteuse que la précédente, plus rapide, et moins risquée. Souvent financé
par l’échange d’actions.
3) La joint-venture : mise en commun de moyens humains, techniques et financiers dans le cadre d’une
filiale commune. C’est souvent le cas en Chine où le recours à un partenaire local est indispensable
Elles sont nombreuses dans le secteur des hautes technologies en raison des coûts élevés de R&D. En
1999 a été créé Fujitsu-Siemens Computers dans les micro-ordinateurs et les serveurs, coentreprise
détenue par les deux groupes. En 2001, Sony et Ericsson ont créé une coentreprise à 50/50 dans les
téléphones portables. Dans l’agro-alimentaire, Coca-Cola et Nestlé ont crée en 1991 une coentreprise
pour vendre du thé glacé (Nestea).
4) Les licences : l’accord de licence accorde à une entreprise étrangère le droit de fabrication d’un produit
(utilisation de la technologie et de la marque) en contrepartie d’un paiement (royalties) prenant la forme
d’un % du chiffre d’affaires ou des bénéfices. Intérêt : permettre une présence sur un marché protégé ou
trop petit pour justifier une filiale locale.
5) La sous-traitance : tirer parti de coûts locaux bas sans prendre soi-même le risque de l’investissement.
Forme présente dans la confection (Lévy-Strauss), l’assemblage informatique (Taiwan est un sous-
traitant de la Silicon Valley). Nike sous-traite 90% de sa production en Asie et se présente comme une
firme spécialiste en concept, innovation et commercialisation.
Les nouvelles formes d’investissement à l’étranger regroupent les catégories 3, 4 et 5, ainsi que les
alliances : IBM a passé des alliances avec 40 partenaires dans le monde. Nestlé et Coca-Cola s’associent
pour la fabrication de boissons au café et au thé, Olivetti et Dell pour les ordinateurs portables. Ces
nouvelles formes d’investissement, en plein essor, correspondent à un partenariat interentreprises. Le mode
d’entrée partenarial présente l’avantage de l’apprentissage accéléré du marché grâce au partenaire
étranger ; c’est important en période de réduction de la durée de vie des technologies et des produits.
Initialement, les FMN avaient tendance à s’implanter à l’étranger à l’aide de filiales à 100% ou grâce
à des prises de participations majoritaires. Au contraire, ces dernières années on observe un développement
d’accords de coopération entre FMN, de prises de participation réciproques, de filiales communes. Ces
nouvelles formes d’investissement se sont développées à partir des années 1970 en réaction aux politiques
restrictives de PED à l’égard des IDE, à leur instabilité politique et aux discours anti FMN. Ces partenariats
concernent surtout les secteurs de haute technologie comme l’électronique, l’informatique ou l’aérospatiale,
ou les secteurs à maturité faisant l’objet de renouveau technologique comme l’automobile. Ils ont pour but de
partager les frais de R&D afin de permettre des économies d’échelle et d’échanger des connaissances. Par
exemple, Siemens et Motorola ont conclu un accord en 1995 pour investir 7.5 milliards de francs dans une
usine commune aux EU devant produire des semi-conducteurs.
Filiale 1
Maison
mère
Filiale 2 Filiale 3
La firme réseau
Au lieu de créer des filiales strictement contrôlées, il devient profitable de tisser des relations
contractuelles avec les partenaires. Le partenariat présente l’avantage de réduire les apports de capitaux et
réduire le nombre de cadres expatriés, de ménager les susceptibilités nationales et mieux s’intégrer au
contexte local. Ce modèle est facilité par le développement des moyens de communication.
Cette firme réseau a été décrite par Reich (1991). La grande entreprise centralisée, conçue pour la
production de masse, éclate pour laisser la place à un réseau étendu à l’échelle mondiale. Ce réseau est
caractérisé par des centres de profits indépendants, des joint-ventures, des franchises, de la sous-traitance.
Flux et stocks
Les flux d’IDE représentent les mouvements de capitaux émis entre un pays (d’origine ou d’accueil)
et l’étranger sur une période donnée.
Les stocks d’IDE correspondent à la valeur à un moment donné des capitaux étrangers dans un
pays ou symétriquement des capitaux qu’un pays possède à l’étranger.
Pour 1996, le stock des IDE est estimé à 3 178 milliards de $, soit 10% de la production mondiale ;
les flux d’IDE sortants sont estimés à 347 milliards de $ soit 1.1% de la production mondiale ou 5.6% du
commerce mondial.
1
Pour les IDE de toute origine, l’ONU estime la part des profits réinvestis à 45% en 1970-1972 et 58% en 1978-1980.
II) L’évolution des investissements directs à l’étranger depuis la fin du
XIXème siècle
2
Jean-Jacques Servan-Schreiber, Le défi américain, Denoël, 1967.
Les pays d’accueil
Au niveau des pays d’accueil, les PED ne sont plus le pôle d’attraction qu’ils constituaient au début
du siècle : ils ne reçoivent plus que 30% du stock mondial d’IDE.
Les IDE représentent pendant les 30 glorieuses un phénomène entre pays développés, qui sont à
l’origine de 97% de ceux-ci et en accueillent près de 70%.
Les IDE ex-nihilo sont la forme majoritaire jusqu’à la fin des années 1960, c’est le cas de 62% des IDE
américains en 1951-1960.
Les secteurs d’activité
Cette évolution coïncide avec celle de la structure des IDE, qui se réalisent de plus en plus dans les
produits manufacturés (35% en 1960 contre 25% en 1938).
La forme la plus répandue est la FMN à stratégie de marché avec intégration verticale en aval et
production sur le lieu de vente avec des filiales relais produisant les mêmes produits que la société mère ; la
production à l’étranger est un substitut aux exportations. Ceci est cohérent avec la théorie de Vernon selon
laquelle la production à l’étranger prolonge l’exportation quand le produit se banalise et les coûts inférieurs.
Les PECO ont attiré de nombreux IDE, notamment d’Europe de l’Ouest, après la chute du
communisme. 40% des IDE venus de l’étranger ont été liés aux privatisations depuis le début des années
1990. Volkswagen a acheté Skoda, Renault a acheté Dacia, Fiat et Daewoo ont investi en Pologne, Peugeot
et Kia Motors en Slovaquie. Les constructeurs automobiles ont été attirés par des coûts salariaux peu élevés
et l’accès garanti au marché de l’Union européenne. Banques et télécom sont très touchées aussi.
En moyenne annuelle sur la période 1997-2002, la Russie (3 milliards de $) a reçu moins d’IDE que
la Pologne (6 milliards) ou la République tchèque (5 milliards). En Russie, les investisseurs potentiels se
plaignent de la complexité des procédures d’enregistrement, de l’absence de protection adéquate de leurs
droits de propriété, du prix des services publics plus élevé pour les entreprises étrangères.
L’Amérique latine a elle aussi connu un afflux de capitaux étrangers dans la décennie 1990 en
raison de l’assainissement économique et financier, d’incitations fiscales, de la liberté de rapatriement des
dividendes, de mécanismes de conversion de la dette en actions d’entreprises publiques, de privatisations et
de la multiplication des unions douanières et des zones de libre-échange. L’Argentine avait à partir de 1991
offert le cadre le plus libéral : suppression des autorisations préalables pour de nombreux secteurs,
possibilité d’un contrôle à 100% dans la quasi-totalité des activités, liberté de transferts de bénéfices et de
rapatriement des capitaux. Les IDE y atteignaient 6.7 milliards de $ en 1994. Le Mexique permet depuis
1993 aux sociétés étrangères de détenir une participation majoritaire dans de nombreux secteurs (sauf
transports, banque, assurance, pétrole, radio, TV…), d’investir dans des zones franches, et accorde le
traitement national aux filiales américaines (à cause de l’ALENA).
L’Afrique est restée longtemps en dehors de ce mouvement. Sur la période 1997-2002, elle a reçu
1,4% des flux mondiaux d’IDE, chiffre assez stable depuis le début des années 1980. Cette faiblesse
s’explique par un environnement peu propice aux investissements (conflits armés, instabilité politique,
corruption, non respect des droits de propriété). Elle compte 6 des 10 pays jugés les plus risqués pour les
affaires. Cependant, sous la pression des investissements chinois, indiens et brésiliens, notamment pour
accéder à des produits agricoles et miniers, l’Afrique a enregistré 34 milliards d’entrées d’IDE en 2005,
contre une moyenne de 4 milliards en 1991-1996 et 11 milliards en 1997-2002.
Dans les années 1960 et 1970, les tiers-mondistes prétendaient que les FMN avaient un rôle néfaste
et contribuaient au sous développement du Tiers-Monde. Pourtant aujourd’hui force est de constater que
l’Afrique est à la fois le continent le plus pauvre et celui où les FMN sont le moins implantées. « Ce n’est pas
parce que les firmes multinationales investissent en Afrique que cette dernière est sous développée, c’est au
contraire parce qu’elles n’y sont pas assez présentes ! » affirmera Arghiri Emmanuel en 1982. Quel chemin
parcouru par l’auteur de L’échange inégal ! Les IDE dans les PVD permettent des transferts de technologie,
des créations d’activités et évitent l’endettement.
L’Inde reçoit également de plus en plus d’IDE, notamment dans les services, à tel point qu’elle a été
surnommée le bureau du monde. En 2003 elle a réalisé 55% du chiffre d’affaires des entreprises
délocalisées dans les activités de services consacrées aux technologies de l’information et au traitement
informatique des entreprises.
Les atouts de l’Inde sont un haut de formation dans les Instituts de technologie qui livrent chaque
près de 300 000 ingénieurs, la maitrise de l’anglais, et un coût salarial qui reste bas (cf. P.N. Giraud). Selon
le ministère US du Travail, le salaire moyen d’un programmateur informatique en Inde est de 11 000$ contre
77 000$ dans la Silicon Valley (chiffres de 2003). Bangalore est devenue la Silicon Valley indienne, une des
capitales mondiales du high tech, à tel point qu’il y plus d’ingénieurs que dans la vraie Silicon Valley.
Dans les années 1990, sont principalement concernés des emplois peu qualifiés, notamment dans
les centres d’appel, la comptabilité, le traitement de relevés de cartes, les réclamations d’assurance, le
traitement des dossiers de crédit. Ex : Swissair installe dès 1991 à Bombay une partie de ses activités de
comptabilité et des fonctions liées au transport de passagers (liste d’attente, programmation des places). Les
renseignements téléphoniques des chemins de fer anglais sont aussi sous-traités en Inde.
Les délocalisations touchent ensuite des emplois plus qualifiés : informatique, finance, conseil,
biotechnologie. L’inde accueille le centre de R&D de Microsoft. Oracle emploie 4 200 personnes à
Bangalore, HP 8 000. IBM et Accenture (conseil) 10 000. D’autres entreprises s’y sont installées : General
Electric, Intel, Microsoft. Des entreprises européennes sont aussi concernées : le RU avec Aviva, Prudential,
Tesco (supermarchés), LLoyd’s. La France aussi : Atos origin, ST Microelectronics, Schneider electric,
Biomérieux, Axa.
Ces activités délocalisées ont besoins de sous-traitants, suscitant de nouveaux marchés pour des
entreprises locales. Dans l’informatique, on compte déjà 3 géants indiens : Tata (TCS), Infosys, Wipro.
On peut aussi citer le brésilien AmBew qui acquiert le belge Interbrew en 2004 et l’américain
Budweiser en 2008 pour devenir le plus grand brasseur du monde InBev. Le cimentier mexicain Cemex
rachète en 2005 son homologue anglais RMC group.
Les firmes des PVD se délocalisent en raison de l’appréciation de la monnaie locale, de la montée
du niveau des salaires et des menaces protectionnistes des pays développés. Elles possèdent des atouts
spécifiques : produits de qualité au moindre coût, marges plus élevées, modes d’organisation plus flexible
assemblant les meilleures pratiques disponibles dans le monde, structure plus légère éclatée sur plusieurs
continents, équipes multiculturelles.
Selon une étude du cabinet Ernst & Young de 2008 basée sur le top 1000 des plus grosses sociétés
mondiale, 100 venaient des pays émergents en 2000, 221 en 2007 ; les économies émergentes
représentaient 5% de la capitalisation boursière en 2000 contre 19% en 2007. Par rapport aux firmes des
pays développés, les marges opérationnelles sont plus élevés (25% contre 14% en moyenne), les cours
boursiers progressent 2,2 fois plus vite.
Les pays émergents sont à l’origine de 17% des flux mondiaux d’IDE en 2005, et possèdent 12% du
stock mondial d’IDE.
Classement 2004 des flux d’IDE :
N°1 N°2 N°3 UE pour information
Pays destinataire USA : 95 RU : 78 Chine : 60 196
Pays d’origine USA : 229 RU : 65 France : 47 276
E) Le cas de la France :
Elle avait un retard par rapport aux autres pays jusqu’aux années 1970 mais le mouvement s’est
accéléré dans les années 1980. Alors qu’en 1978, plus de 50% des IDE se trouvaient dans 3 pays
er
limitrophes : RFA, Belgique et Italie, les Etats-Unis sont devenus le 1 pays d’accueil (1/4), suivis par le RU
et l’Allemagne. C’est le résultat de fusions ou acquisitions menées par des entreprises françaises : Michelin
a acheté Uniroyal, BSN a acheté Nabisco, Rhône Poulenc a acheté Rorer, Pechiney a acheté American
National Can. La politique de libéralisation du gouvernement français a engendré un climat favorable. On
constate une concentration sur le plan des effectifs et du chiffre d’affaires.
Depuis les années 1980, les investissements étrangers en France sont (sauf en 1995) inférieurs aux
investissements français à l’étranger. Ainsi, en 2002, les IDE vers la France se montaient à 52 milliards
d’euros et les investissements français à l’étranger à 71 milliards.
Les IDE vers la France sont élevés : 41% du PIB contre 36% pour le RU, 24 pour l’Allemagne, 13%
en Italie. (Chiffres de 2004). La France est donc un pays très internationalisé en termes d’IDE. Ainsi, selon
Patrick Artus, 85% des résultats des sociétés du CAC 40 sont obtenus hors de France, alors que les
sociétés cotées US réalisent 85% de leur chiffre d’affaires aux USA. A titre d’exemple, Publicis réalisait 70%
de son chiffre d’affaires en France vers 1995, 10% en 2005 (45% du chiffre d’affaires aux USA).
La part des investisseurs étrangers dans le capital des sociétés du CAC 40 était de 44,2% en juin
2004 contre 33% en 1997 (Statistiques de la Banque de France). Notons que la part des non résidents dans
le capital des grosses sociétés est moins élevé à l’étranger : pour l’an 2000, 36,5% en France, 30% au
Royaume-Uni, 20% en Allemagne, 15% en Italie, 10% aux USA. En France, l’épargne est investie
massivement en obligations d’Etat, nous avons très peu de fonds de pension investis en actions.
Quels sont les atouts du made in France ? Une étude du cabinet Ernst & Young en 2002 auprès de
ère
200 managers internationaux révélait la 1 place de la France sur 3 plans : la qualité de la vie (environnement,
offre de loisirs, divertissements culturels, art de vivre), les infrastructures de télécommunications et les pôles
d’excellence scientifiques et techniques (à relier à la qualité de la main d’œuvre). On peut rajouter la place
assez centrale en Europe de l’Ouest, ce qui a pu influencer le choix de Disney en faveur de Marne-la-Vallée ou
Toyota en faveur de Valenciennes. La France bénéficie aussi d’IDE des pays voisins à hauts coûts de main
d’œuvre (Suisse, Allemagne). Implantation de l’usine Swatchmobile en Lorraine, PME suisses en Alsace et
Franche-Comté.
Cependant, de nombreux IDE vers la France concernent plus des fusions-acquisitions que des
créations ex-nihilo. Cela montre plus la faiblesse des entreprises françaises, notamment le manque de fonds
propres, que le pouvoir d’attraction intrinsèque du territoire national. Les handicaps de la France sont une
fiscalité élevée, un code du travail rigide, une bureaucratie pénalisante, une insécurité juridique, des grèves
fréquentes.
Dans le classement de l’indice de compétitivité global établi par le Forum économique mondial, la
ème ème
France a perdu des places. Elle se situait au 12 rang mondial en 2005, au 23 rang en 2014.
ème
La France se classe au 82 rang mondial en termes d’attractivité fiscale pour les PME (cotisations
sociales), selon une étude de 2007 PricewaterhouseCoopers réalisée en partenariat avec la Banque mondiale,
prenant pour cas type une PME de 60 salariés exerçant une activité de fabrication et réalisant un CA annuel de
2 à 3 millions d’euros.
III) les déterminants de la multinationalisation des firmes :
Partons de l’exemple donné par P. Krugman, Economie internationale. En termes de production
automobile, le Mexique est largement autosuffisant puisqu’on y assemble la plupart des voitures vendues.
Cependant, les entreprises qui produisent des voitures sont des filiales des firmes américaines. Cette
situation nous est familière, mais nous devons envisager qu’il y pourrait y avoir deux autres possibilités : d’un
côté, les firmes américaines pourraient produire aux Etats-Unis et exporter au Mexique plutôt que de
produire au Mexique ; d’un autre côté, les firmes produisant ces voitures pourraient être possédées par des
mexicains. Cela nous amène à envisager deux sous questions qui composent la question générale de la
multinationalisation.
1- Pourquoi un bien est–il produit dans plusieurs pays plutôt que dans un seul ? C’est la question de la
localisation.
2- Pourquoi la production dans les différents lieux est-elle assurée par la même entreprise plutôt que par
des entreprises séparées ? C’est la question de l’internalisation.
La réponse à ces deux questions a été synthétisée par Dunning (1981) dans sa théorie éclectique
ou encore paradigme OLI. Il fait de la multinationalisation le résultat d’une combinaison de trois éléments
interdépendants :
- O : ownership : avantage spécifique de la firme
- L : localisation : avantage à produire à l’étranger
- I : internalisation : avantage à exploiter les actifs à l’intérieur de la firme
L’auteur étudie les trois voies principales de pénétration des marchés étrangers. L’IDE est choisi lorsque la
firme réunit simultanément les trois types d’avantages O, L, I.
Cette théorie permet d’expliquer les différences observées entre pays de niveau de développement
différent. Plus un pays est développé, plus ses firmes vont acquérir des avantages spécifiques et des
avantages à s’internaliser, ses firmes vont alors se multi nationaliser, les pays étrangers représentant pour
elles des sites où les coûts de production sont plus bas. A l’inverse, si le pays est moins développé, il n’aura
pas de firmes capables de se multi nationaliser mais en revanche les firmes étrangères seront tentées de se
délocaliser sur son territoire pour bénéficier des bas coûts de main d’œuvre.
Par ex les USA sont devenus pays d’accueil des FMN car les firmes américaines subissent un
affaiblissement de leurs avantages spécifiques et la délocalisation aux USA est plus avantageuse (baisse du
dollar, protectionnisme).
L’avantage est difficilement transférable dans le cas d’une matière première unique : Exemple d’une
source d’eau minérale comme Perrier ; l’entreprise Nestlé, détentrice de la marque depuis 1992, peut
difficilement envisager une production de cette eau à l’étranger. Cependant, cet avantage en confère
d’autres comme un savoir-faire, une connaissance du secteur, une forte image de marque, et Perrier
exploite 14 marques d’eau minérale aux Etats-Unis.
L’avantage est partiellement transférable en cas de spécificités fortes de la main d’œuvre nationale
ou de l’organisation de la production : ce fut le cas des entreprises japonaises lorsqu’elles se sont installées
en Occident. Les avantages spécifiques des firmes japonaises sont la culture d’entreprise, les cercles de
qualité, le zéro défaut, le nombre d’heures travaillées important, le juste-à-temps, un réseau de sous-
traitants dense. A l’expérience, si la productivité de la main d’œuvre dans les filiales est souvent inférieure à
celles des firmes japonaises, elle est supérieure à celle des firmes concurrentes du pays d’accueil. Une
partie de la culture et de l’organisation du travail a pu être transférée, grâce notamment à un encadrement
japonais et l’intégration de certains principes de management japonais. Exemple de l’usine NUMMI (New
United Motor Manufacturing Inc.), joint-venture entre General Motors et Toyota créée en 1984 à Fremont aux
Etats-Unis. Les cadres supérieurs venaient de chez Toyota et le travail en petites équipes fut instauré. La
NUMMI rivalisait dès 1986 avec Toyota pour la qualité et la productivité, les performances en termes de
stocks et de d’espace utilisé se situaient entre celles de GM et de Toyota.
Il apparaît que l’efficacité et la qualité japonaises sont partiellement transférées dans les usines
étrangères même si elles n’égalent pas les meilleures unités japonaises. Les méthodes d’organisation de la
production sont plus faciles à transférer que les méthodes de gestion des ressources humaines.
L’exemple d’Euro Disney à Marne la Vallée illustre les difficultés du transfert d’avantages
spécifiques. La FMN World Disney Company dispose de plusieurs avantages spécifiques :
- une marque bénéficiant d’une grande notoriété (Mickey)
- un savoir-faire, issu de ses studios de dessin et de cinéma, dans les domaines des films d’animation et
dans les personnages de bande dessinée
- un accès privilégié aux marchés : l’investissement du parc parisien a été de 25 milliards de francs, dont
20 milliards ont été empruntés
- des économies d’échelle et de gamme en raison de la conception de nombreux parcs antérieurs
- des aides en matière de prix des terrains, d’aménagement ferroviaire (RER et TGV)
Pourtant en 1994, Euro Disney a traversé une crise liée à de mauvais résultats d’exploitation. On a
pu se demander si un parc copié sur le modèle américain correspondait au goût du public européen. Cela a
conduit à une réorientation de la stratégie : baisse des tarifs, diversification et européanisation des
attractions. Cela a permis une nette hausse de la fréquentation et un retour aux bénéfices.
L’avantage spécifique peut aussi être acquis en achetant une firme locale, il n’a donc plus besoin
d’être transféré. Cette stratégie est tentante pour les firmes disposant de grandes possibilités financières
mais elle présente des risques car cet avantage peut disparaître ou devenir obsolète. Ainsi Bull a acheté la
partie informatique de Zenith aux EU en 1989 mais en 1995, Bull-Zenith ne réussissait à vendre qu’un 1%
des micro-ordinateurs dans le monde. Dans l’automobile, les grands groupes américains ont acquis des
marques de prestige ; ainsi Ford a repris Jaguar (1989) et Aston-Martin, GM a repris Saab (1989), et
pourtant ces constructeurs ont frôlé la faillite en 2009.
Pour se délocaliser, une firme doit avoir un quelconque avantage à exploiter par rapport aux
entreprises locales du pays d’accueil. Mais ce n’est pas une condition suffisante car elle pourrait exploiter
son avantage sous forme de licence. Il faut donc examiner l’intérêt que peut avoir une firme à s’agrandir.
B) La théorie de l’internalisation :
1) Le concept d’internalisation
La théorie de l’internalisation démontre l’intérêt que peut avoir une firme à produire elle-même les
consommations intermédiaires dont elle a besoin pour élaborer son produit, au lieu de recourir au marché.
Les transactions vont être internalisées ; elles s’effectueront entre les filiales de la même entreprise
et non plus entre firmes indépendantes. L’explication de ce comportement remonte à l’analyse de la nature
de la firme en tant qu’organisation complexe ; cf. Ronald Coase, La nature de la firme, 1937. Pour cet
auteur, la firme a pour raison d’être la diminution des couts de transaction, c'est-à-dire :
- les coûts de coordination entre l’offre et le demandeur
- les coûts de négociation pour s’accorder sur le prix
- les coûts liés aux défauts de qualité du produit (coût d’utilisation et de réparation)
- les coûts liés au non respect des délais de livraison
- les coûts de recours devant la justice
- les coûts liés au risque de dévoilement ou d’imitation de sa technologie
Quand les coûts de transaction sur les marchés sont plus élevés que les coûts de l’organisation de
la firme, les marchés seront internalisés.
Il y a des liaisons étroites entre les opérations d’une FMN dans les différents pays. La production
d’une filiale sert souvent de produits intermédiaires dans la production d’une autre filiale ; la technologie mise
au point par une filiale peur être utilisée par d’autres ; un service de gestion peut coordonner les activités des
usines de plusieurs pays. Ce sont ces transactions qui font l’unité d’une firme et on peut présumer que la
FMN existe pour faciliter ces transactions. Toutefois, ces transactions pourraient être effectuées à l’extérieur
de la firme, c’est à dire sur le marché.
L’existence de la FMN provient du fait qu’il est profitable d’effectuer ces transactions au sein de la
firme plutôt que par de passer par le marché. On dit que l’existence de la FMN provient d’un motif
d’internalisation. L’internalisation consiste pour la firme multinationale à réduire le commerce international à
des échanges à l’intérieur d’un réseau de filiales. Toute internalisation d’un marché étranger engendre alors
une multinationalisation de la firme.
Dans cette approche prenant la firme comme élément central d’analyse, l’investissement à l’étranger
apparaît comme la conséquence de son processus de croissance. Plus la firme croît, plus elle pourra
envisager d’intégrer au sein de son organisation des activités nécessaires à sa production, qu’elle se
procurait auparavant sur les marchés. Elle effectue alors un calcul coût / avantages des différentes
méthodes d’expansion.
L’intégration horizontale ou verticale au sein de la FMN restreint les aléas dus aux marchés
internationaux et aux contrats passés avec des entreprises lointaines et mal connues. La mise en place de la
FMN permet de diminuer les coûts de transaction, notamment en ce qui concerne la technologie.
La technologie peut être cédée sous forme de licence. Il y a toutefois des difficultés considérables à
procéder ainsi. Souvent la technologie utilisée n’a pas été mise par écrit, elle est incorporée dans les
connaissances d’un groupe d’individus mais ne peut être empaquetée et donc vendue. De plus, la
technologie vendue peut être imitée car il est difficile d’établir des droits de propriété sur les connaissances.
Si la firme vend en licence une technologie, elle risque de dévoiler tout le contenu technologique de son
produit. Si la firme se décide à s’en réserver les fruits dans d’autres pays en établissant des filiales à
l’étranger, l’échange est alors internalisé entre filiales d’une même firme, et ces risques sont dissipés.
Pour ces nombreuses raisons, la firme sera tentée de réaliser une intégration complète de sa
production, intégration verticale dans la mesure où toutes les étapes du processus de fabrication peuvent
être réalisées par elle-même. Elle pourra même réaliser une intégration horizontale (plusieurs filiales pour
les matières premières) afin de mieux contrôler les débouchés et augmenter sa part de marché.
Pour résumé, une FMN est une firme internalisant en son sein des activités situées dans divers pays
pour baisser les coûts de transaction et pour protéger sa technologie. Internaliser les activités à l’étranger
permet à la firme d’assurer son approvisionnement, la continuité internationale de son processus de
fabrication tout en protégeant sa technologie, et ses débouchés extérieurs, et sa marque.
Une firme qui possède un avantage spécifique et qui a intérêt à internaliser les transactions peut se
contenter d’exporter pour atteindre les marchés étrangers. Pour devenir multinationale, il faut qu’elle ait
intérêt à produire à l’étranger. C’est la troisième condition de la multinationalisation que nous allons étudier
maintenant à travers la théorie de la localisation des firmes.
IDE et spécialisation
Les IDE peuvent aussi changer la spécialisation du pays. Ils peuvent à la fois renforcer les
avantages existants et les faire évoluer grâce à l’introduction de nouvelles technologies, l’amélioration des
qualifications, l’accès aux réseaux internationaux d’approvisionnement et de vente. Des pays comme la
Malaisie, la Thaïlande, les Philippines, exportent des produits plus intensifs en technologie.
Ozawa (1992) propose un modèle dynamique de la spécialisation et de l’investissement japonais en
quatre phases :
1- expansion de l’industrie légère et hausse des salaires : délocalisation vers des pays à main d’œuvre
bon marché
2- expansion de l’industrie lourde et manque d’espace et de matière première : délocalisation pour
sécuriser l’approvisionnement en matière première
3- expansion des industries de biens de consommation : délocalisation pour contourner le
protectionnisme des PDEM
4- expansion des industries de biens de haute technologie : alliances entre firmes
En même temps, les délocalisations permettent au Japon de modifier sa spécialisation.
Markusen (1993) a montré que la libre circulation des facteurs conduit à un renforcement des
spécialisations et donc des échanges commerciaux lorsque le commerce international ne repose pas sur
des différences de dotations factorielles, mais sur des différences de technologie, des économies d’échelle
ou une concurrence imparfaite.
B) FMN et emploi
L’emploi dans les FMN
L’ONU estimait qu’en 1992, les FMN employaient 73 millions de personnes dont 30 millions à
l’étranger (7 millions étaient employés dans des PVD). D’après le BIT, le volume d’emploi aurait peu changé
depuis car les stratégies récentes de fusions acquisitions engendrent l’intégration ou la restructuration
d’emplois existants plutôt que la création nette d’emplois.
La part des filiales étrangères dans l’emploi total reste limitée, de l’ordre de 4% dans les PDEM. Le
tableau suivant permet de voir les différences entre les trois éléments de la Triade.
Le poids des filiales étrangères dans l’emploi de l’industrie manufacturière est lui plus élevé et plus
disparate. Au début des années 1990, il dépasse 40% au Canada, en Irlande et aux Pays-Bas, il atteint 35%
au Mexique, plus de 20% en Italie, France et Royaume-Uni, 12% aux Etats-Unis et en Allemagne, 2% au
Japon.
Dans les PVD, l’emploi dans les FMN représente rarement plus de 2% de l’emploi total. Cependant
certains pays ont connu une croissance considérable de cet emploi du fait du développement des zones
franches et/ou des zones de libre-échange : Chine, Mexique, République dominicaine, Brésil, Malaisie,
Tunisie, Ile Maurice, Taïwan, Sri Lanka, Guatemala. Il s’agit essentiellement d’emplois dans le secteur du
textile et de l’électronique.
ère
En matière de recrutement, en général dans une 1 phase les responsables des filiales ont la
nationalité de la société mère. Avec l’extension des filiales, des managers ayant la nationalité du pays
d’accueil sont progressivement installés. Cela permet de mieux connaître les habitudes locales, d’avoir de
meilleures relations avec l’administration et d’atténuer le caractère étranger de la firme.
Cependant, selon une étude de Kletzer sur les USA (2001), seuls 63% des travailleurs licenciés au
cours de la période 1979-1999 ont été réemployés mais avec une perte de salaire hebdomadaire de 13% en
moyenne. S. Berger (2006) reconnaît aussi que les travailleurs qui perdent leur emploi du fait des
délocalisations et en retrouvent un autre, c’est avec un salaire inférieur en général.
La peur actuelle vient du fait que le mouvement de délocalisation et d’externalisation s’étend aux
services et semble menacer non plus seulement les ouvriers mais la classe moyenne. British Airways a
délocalisé ses activités de réservation en Inde, AXA et la Société Générale leur comptabilité, Nathan fait
er
numériser ses livres à l’Ile Maurice, Rank Xerox installe ses centres d’appel en Irlande. L’Inde en est le 1
pays bénéficiaire des télé-services. Tous les grands groupes de technologies de l’information ont ouvert des
centres de recherche à Bangalore.
La délocalisation ne concerne pas les activités essentielles : « Pour l’instant, si nous déployons de
nouvelles équipes de R&D en Inde, la maîtrise des grands projets logiciels reste dans la Silicon Valley »
selon le PDG de Business Objects.
La relocalisation
Geneviève Lethu, Atol, Smoby, Samas (meubles de bureau), La Mascotte (pull-overs) sont revenues
en France, pour des questions de délais, de qualité de finition, de suivi des commandes ou d’inadaptation à
des productions personnalisées, non protection des savoir-faire, coûts de transport, difficulté de gérer à
distance, voire parfois la hausse des salaires dans les pays émergents. Sur 100 entreprises ayant
délocalisé, 7 à 8 sont revenues en France (Figaro magazine, 20 mars 2010).
Geneviève Lethu, spécialiste des arts de la table, relocalise sa production en Europe. Elle faisait
fabriquer 40% de ses collections en Asie en 2003, moins de 10% en 2008. Cette marque attire une clientèle
moyen et haut de gamme, ce qui l’oblige à travailler sur des produits exclusifs et à favoriser le made in
France. Ainsi la coutellerie sera réalisée désormais à Thiers et le linge de table dans les Vosges.
La marque de prêt-à-porter Caroll a ainsi relocalisé dans les Vosges une partie de sa production dès
1996 pour coller au plus près aux goûts des consommateurs, être réactif, produire en petites séries pour
limiter les coûts de stockage, éviter des problèmes de délais, éviter d’accumuler des stocks ou de se
retrouver en rupture de stock.
De même, le fabricant français de jouets Smoby a relocalisé en Bretagne une chaîne de fabrication
chinoise ; le producteur allemand de piles électriques Varta a recentré sa production en Allemagne plutôt
qu’à Singapour.
C) Autres effets
Les FMN augmentent les inégalités au sein des pays selon une étude du FMI de 2007. Comme ils
concernent généralement les secteurs les plus intensifs en technologie, ils renforcent la position des
qualifiés et contribuent à accroitre les inégalités, au Nord comme au Sud.
Les FMN contribuent à faire naître des instances de représentation du personnel au niveau
international. Ainsi une directive de la Commission européenne de 1994 a créé un comité d’entreprise
européen - réunissant les représentants des salariés - obligatoire pour les entreprises de taille européenne.
En 1994, dans 32 FMN existait un comité d’entreprise mondial.
Les FMN, malgré leur grande taille, accroissent le degré de concurrence car le nombre de joueurs
s’accroit sur chaque marché national ; cf. le cas de l’automobile dans les années 1980, dans chaque pays la
part de marché des premières entreprises a baissé sensiblement, par ex celle de GM aux USA et celle de
Fiat en Italie (baisse de plus de 10 points).
Les FMN n’aboutissent pas à une uniformisation du monde. Même si le déplacement du capital
conduit à rapprocher les ratios de dotations globales en capital des pays, cela ne signifie pas une
atténuation des avantages relatifs. Ceux-ci s’expriment à travers d’autres déterminants (connaissances,
compétences, technologie, etc.) qui demeurent localisées.
Les FMN ne remettent pas fondamentalement en cause la souveraineté des Etats malgré leurs
chiffres d’affaires parfois plus élevé que le PIB de certains pays. Dans certains pays (Guatemala, Costa
Rica, Malaisie), les IDE sont libres. Ces pays ne sont pas pour autant contrôlés par les investisseurs
étrangers. Les marchés des changes et financiers transmettent les forces économiques plus rapidement que
les entreprises et d’une manière plus difficile à contrer. Ainsi la crise de la livre en 1992 a bien plus
efficacement montré les limites de la souveraineté que l’investissement d’un groupe automobile japonais
n’aurait pu le faire.
La délocalisation entraine des flux de revenus sous forme de dividendes, ce qui n’est pas le cas des
échanges internationaux de biens et services.
Signalons l’intérêt des IDE par rapport aux autres formes de financement :
Moyen non inflationniste de financer le développement
Promotion des exportations
Pas de hausse de la dette extérieure
Les FMN, substitut à l’immigration ?
Les FMN peuvent ralentir les migrations de travail : « En un certain sens, la délocalisation de la
production est un phénomène symétrique de la migration des travailleurs » selon C.A. Michalet. Par
exemple, si les firmes américaines investissent au Mexique, les Mexicains travaillant dans ces firmes
n’auront pas besoin de traverser la frontière pour trouver du travail. Sur le plan macroéconomique, la
délocalisation est donc un substitut partiel à l’immigration.
Par rapport à l’immigration, la délocalisation présente deux avantages. Elle permet de profiter de
coûts salariaux moins élevés que ceux d’une main d’œuvre immigrée qui bénéficierait de notre protection
sociale. Elle est donc plus avantageuse pour le consommateur. Elle est plus souple que l’immigration :
quand les coûts de main d’œuvre deviennent excessifs dans un pays, on peut déplacer la production ailleurs
sans trop de difficultés.
IDE et crise
Les IDE s’accélèrent généralement en période de crise, les entreprises cherchant à l’étranger des
opportunités de profit qu’elles ne trouvent pas chez elles.
1870-1895 : IDE augmente plus vite que l’investissement intérieur
années 1930 : IDE anglais, français et hollandais s’accélèrent alors que les PNB chutent.
Années 1970-1980 : hausse de 15% en moyenne de l’IDE.
Toutefois en 2008 et 2009, les IDE ont chuté d’environ 30% suite à la crise financière.
Imaginons que l’Angleterre et le Portugal disposent chacun de 300 heures de travail. Si les Anglais
se spécialisent dans le drap ils produiront 3 draps et si les Portugais se spécialisent dans le vin ils produiront
2,5 tonneaux de vin.
Or s’il est possible que la terre soit un facteur immobile, les techniques peuvent franchir les
frontières. Les Anglais ont intérêt à exporter leur technique viticole au Portugal puisqu’ils peuvent produire 1
tonneau de vin avec moins d’heures de travail. Si les Anglais exportent leur technique au Portugal, il sera
possible de produire 3 tonneaux de vin au lieu de 2,5. Par conséquent, l’offre globale de vin est supérieure à
celle qui prévalait avec l‘échange international. Comme le résume Bertrand Lemennicier, dans La morale
face à l’économie, p. 266, « La globalisation est donc préférable à la mondialisation ou à l’échange
international et celui-ci est préférable à l’autarcie ».
V) La politiques des Etats à l’égard des FMN :
Les FMN ont longtemps été considérées par les Etats comme potentiellement dangereuses. Elles
pouvaient menacer la souveraineté nationale (cf. les accusations portées contre ITT lors du coup d’Etat
contre le Président Allende au Chili en 1973) et elles négligeraient la sécurité, surtout dans les PVD. La
catastrophe de Bhopal en 1984 en Inde, dans une usine d’Union Carbide, tua plus de 14 000 personnes
selon les chiffres officiels, près du double selon les ONG, et entraîna des troubles respiratoires, des
malformations congénitales ou des cancers chez plus de 100 000 victimes. En 1989, Union Carbide fût
condamnée par la Cour suprême indienne à verser 470 millions de dollars pour régler l’affaire. 570 000
personnes ont touché en moyenne 500 dollars de compensation. En 2001, Dow Chemical a racheté le
groupe Union Carbide et refuse d’endosser la responsabilité des événements de 1984.
Les FMN sont devenues par la suite des alliés potentiels, rendant possible la croissance, l’emploi et
les transferts de technologie.
La tendance jusqu’aux années 1970 fut de restreindre le champ d’action des FMN. Les Etats sont
ainsi infléchi les politiques de réglementation, sans doute sous l’effet de la crise, pour passer à des politiques
d’attraction.
VI) La globalisation
Lénine à écrit en 1916, L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme dans lequel il définissait
l’impérialisme par l’exportation de capitaux, notamment vers les pays arriérés, car « les profits y sont élevés,
les capitaux peu nombreux, le prix de la terre faible, les salaires bas, les matières premières bon marché »
et par la course à l’hégémonie des monopoles. L’investissement international, permettant de résoudre le
problème de l’écoulement de l’excès des capitaux, caractériserait le stade final du capitalisme.
Il a caractérisé l’impérialisme « comme un capitalisme de transition, ou plus exactement un
capitalisme agonisant ». L’agonie est longue ! Ironie de l’histoire : les anciens pays communistes essayent
d’attirer le maximum d’IDE. Le marxiste Pierre Jalée avait déjà observé dans Le pillage du tiers monde,
(1965) que se produit au contraire une diminution des IDE vers le tiers monde et un accroissement des IDE
entre PDEM. Il en concluait que les échanges de marchandises intéressent davantage l’impérialisme que les
investissements de capitaux.
Si la thèse léniniste s’est révélée fausse, il n’en reste pas moins que le mouvement de globalisation
des économies est croissant depuis le début des années 1980, ce que nous allons analyser dans cette
dernière partie.
3
Les Echos, 11 avril 2011, p. 5.
Dans The borderless world (1990), K. Ohmae généralise à l’ensemble de l’économie et aux relations
entre les nations le modèle de l’entreprise globale. Nous entrons dans l’ère de l’économie inter reliée
(Interlinked economy) car les trois ensembles de la triade sont pris dans un écheveau de relations croisées
et le nationalisme économique devient sans fondement. L’infirmation circule sans entrave. La nation n’a plus
d’initiative politique, c’est un espace géographique de déploiement de l’activité des firmes. La firme globale
doit nouer des alliances pour avoir des économies d’échelle et toute la gamme des produits sur tous les
marchés. La culture d’entreprise devient la véritable nationalité de la firme globale.
Pour résumer, la firme globale considère le marché mondial comme un seul et même marché et
lance le produit simultanément en Amérique, Europe et Asie. Elle est présente dans la plupart des pays sous
la forme d’un réseau de filiales de production, de commercialisation et de R&D ainsi que de sous-traitants et
d’alliances. La spécialisation par filiale entraîne un accroissement rapide des flux internationaux de biens et
de services intra-firme. Les relations hiérarchiques société mère/filiale disparaissent au profit de relations de
coopération entre les différentes filiales principales. L’entreprise devient progressivement un vaste réseau en
forme de toile d’araignée intercontinentale, c’est à dire une galaxie d’entreprises autour d’elles qui lui sont
plus ou moins liées sous diverses formes contractuelles : sous-traitance, franchise, ventes de licences, etc.
L’exemple type est Fijitsu qui opère avec des centaines de partenaires extérieurs par l’intermédiaire de
participations ou d’investissements croisés ou de simples contrats.
Cela rejoint le concept de firme sans usines comme Nike, Benetton, Virgin ou Dell. Le cœur de
métier est réduit à la conception des modèles, à la commercialisation des produits finis et à la gestion de la
marque, la partie production est externalisée grâce à la sous-traitance. On peut aussi prendre l’exemple
d’Apple, dont le sous-traitant principal Foxconn, entreprise à capitaux taïwanais, fabrique ses produits dans
la région de Shenzen. « Designed by Apple in California, assembled in China » est le slogan affiché par la
firme de Steve Jobs. Alors que les deux firmes réalisent en 2010 un chiffre d’affaires comparable (environ 60
milliards de dollars), Apple emploie 46 000 employés contre 1 million pour Foxconn.