Grange 2007
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Grange 2007
THESE DE DOCTORAT
DE L’ECOLE NORMALE SUPERIEURE DE CACHAN
Présentée par
SEBASTIEN GRANGE
Domaine :
MECANIQUE - GENIE MECANIQUE - GENIE CIVIL
Sujet de la thèse :
Expérimentation et modélisation de l’endommagement sous chargements
dynamiques de deux roches calcaires
Mon travail expérimental ne s’est pas arrêté dans les carrières belges et du Nord. J’ai également
réaliser de nombreux essais au LMT, remarquablement encadré, formé, materné... par Bumedjen Raka
et Xavier Pinelli. Merci à tous les deux pour avoir résolu les multiples problèmes que je devais af-
fronter devant les machines. Merci pour votre amitié et votre bonne humeur. J’ai également réalisé
des essais dans d’autres laboratoires. Je tiens à remercier Laurent Taravella du CEP d’Arcueil, Kamal
Safa et Gérard Gary du LMS pour leurs accueils et leurs aides. Je remercie également Pascal Forquin,
ton aide et ton analyse particulièrement judicieuse sur mon travail m’ont beaucoup fait progresser.
J’avoue que ton rapport de thèse fut un de mes livres de chevet préféré pendant ces trois années de
thèse.
Au LMT, j’ai souvent été confronté à divers problèmes d’ordre administratif, expérimental, in-
formatique, pédagogique (je pense aux soutenances blanches notamment)... mais il y a toujours eu
quelqu’un pour m’aider à les résoudre. Je remercie tous les personnes du LMT qui m’ont aidé lors de
ces années de thèse. Je remercie également toutes les personnes de mon UTR qui au cours de réunions
m’ont montré que la roche n’était pas le seul matériau d’étude en mécanique ! ! ! Je tiens à remercier
notamment Nicolas Malésys, merci pour ton aide diverse et variée et ton suivi dans mon travail.
Je remercie également les membres de mon jury que je n’ai pas encore cité : Jacky Mazars, André
Dragon, Michel Tijani et Nicolas Burlion. Merci d’avoir participé à ce jury et merci pour l’attention
particulière vous avez portée à mon travail.
Qui a dit qu’une thèse était un travail personnel ? Et pourtant je n’ai toujours pas remercier celui
qui m’a proposé le sujet, celui qui m’a encadré durant ces trois années : François Hild. Merci pour
ton soutien, pour ton travail, pour ta patience. Il était agréable de venir te voir à ton bureau avec
un problème insoluble... pensais-je. Après une attente certaine qui montre que je ne suis pas le seul
à apprécier ton entretien (heureusement qu’il y a un fauteuil et une fontaine devant ton bureau), tu
as toujours trouvé une solution à mon problème que je n’ai certes pas toujours su réaliser. Merci
également pour l’aide terriblement efficace que tu m’as donnée pour la rédaction de ce rapport.
Table des matières
Introduction 1
2.2 Porosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
3 Module d’Young et coefficient de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
4 Rupture en compression et en traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
4.1 Essais de compression uniaxiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
4.2 Essais de compression quasi œdométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
4.3 Rupture en tension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
5 Ténacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
5.1 Essai SENB (Single-Edge Notched Beam) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
5.2 Essai SB (Sandwiched Beam) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
5.3 Mesure de ténacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
6 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Bibliographie 153
Table des figures
2.1 Contrainte orthoradiale en fonction de la contrainte radiale pour une pression constante. 22
2.2 Cavité sphérique de rayon a sous une pression p(t) et repère sphérique associé. . . . 23
2.3 Contrainte orthoradiale en fonction de la contrainte radiale pour une pression "expo-
nentielle". . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.4 Modélisation des différentes zones de fragmentation. . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.5 Contrainte équivalente de von Mises. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.6 Contraintes maximales radiale et orthoradiale (ν = 0.3). . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.7 Contraintes maximales radiale et orthoradiale pour différentes valeurs du coefficient
de Poisson. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.8 Rayons de fragmentation multiple et de broyage. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.9 Valeur du facteur Y pour différentes géométries. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.10 Contrainte orthoradiale adimensionnée en fonction du rayon adimensionnée pour t¯ = 10. 31
2.11 Facteur d’intensité des contraintes en fonction du rayon adimensionné. . . . . . . . . 32
2.12 Déformation orthoradiale en fonction de la déformation radiale pour une pression
"exponentielle". . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.13 Travail des efforts extérieurs et énergies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.14 Travail des efforts extérieurs pour différents paramètres de l’explosif. . . . . . . . . . 34
2.15 Travail des efforts extérieurs pour différents paramètres du matériau. . . . . . . . . . 35
2.16 Cavité cylindrique de rayon a sous une pression p(t) et repère cylindrique associé. . 36
2.17 Contrainte orthoradiale en fonction de la contrainte radiale pour une pression "expo-
nentielle". . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
2.18 Contrainte équivalente de von Mises. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.19 Contraintes maximales radiale et orthoradiale (ν = 0.3). . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.20 Rayons de fragmentation multiple et de broyage pour une géométrie cylindrique. . . 41
2.21 Contrainte orthoradiale adimensionnée en fonction du rayon adimensionnée pour t¯ = 10. 41
2.22 Facteur d’intensité des contraintes en fonction du rayon adimensionné pour une géo-
métrie cylindrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.23 Déformation orthoradiale en fonction de la déformation radiale pour une pression
"exponentielle". . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
iv Table des figures
4.1 Essai d’impact sur la tranche observé à l’aide d’une caméra ultra-rapide. . . . . . . . 95
4.2 Observation à la caméra ultra-rapide de l’essai 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
4.3 Carreau reconstitué après l’essai 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
4.4 Observation à la caméra ultra-rapide de l’essai 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.5 Carreau reconstitué après l’essai 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.6 Observation à la caméra ultra-rapide de l’essai 3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.7 Carreau reconstitué après l’essai 3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.8 Essai d’impact sur la tranche en configuration "sarcophage". . . . . . . . . . . . . . 98
4.9 Micrographie de l’essai 1. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
4.10 Observation à la loupe binoculaire de l’essai 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
4.11 Micrographies de l’essai 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
4.12 Micrographies de l’essai 3. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
4.13 Maillage de l’essai d’impact sur la tranche. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.14 Contraintes radiale et orthoradiale en fonction du temps pour les essais 1 et 2. . . . . 102
4.15 Contraintes radiale et orthoradiale en fonction du temps pour les essais 1 et 3. . . . . 104
4.16 Vitesse de la contrainte orthoradiale pour l’essai 2. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.17 Comparaison de la zone de broyage expérimentale et simulée pour l’essai 2. . . . . . 105
4.18 Comparaison de la zone de broyage expérimentale et simulée pour l’essai 3. . . . . . 106
4.19 Influence de la limite d’élasticité sur la longueur de la zone de broyage. . . . . . . . 106
4.20 Contraintes radiale et orthoradiale en fonction du temps pour deux limites d’élasticité. 107
4.21 Pression hydrostatique en fonction du temps. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
4.22 Contrainte de Drucker-Prager en fonction du temps pour le modèle de Drucker-Prager. 110
4.23 contrainte KST en fonction du temps pour le modèle KST. . . . . . . . . . . . . . . 112
4.24 Simulation par éléments finis d’un chargement de traction σ0 sur une fissure perpen-
diculaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
4.25 Schématisation du mécanisme d’occultation [Denoual 98]. . . . . . . . . . . . . . . 114
4.26 Occultation du point P. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
4.27 Horizon du point P. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
4.28 Représentation des composantes de f (x) pour un chargement normal. . . . . . . . . 117
4.29 Représentation des composantes de g(x) pour un chargement de cisaillement. . . . . 117
4.30 Densité de fissure en fonction du temps et du module de Weibull. . . . . . . . . . . . 119
4.31 Influence du module de Weibull sur les zones d’occultation. . . . . . . . . . . . . . . 119
4.32 Endommagement en fonction du temps et du module de Weibull. . . . . . . . . . . . 121
4.33 Contrainte macroscopique en fonction du temps et du module de Weibull. . . . . . . 121
4.34 Contrainte ultime en fonction de la vitesse de chargement σ̇ des essais d’impact sur
la tranche. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
4.35 Contrainte de rupture moyenne en fonction de la vitesse de contrainte. . . . . . . . . 123
4.36 Contrainte principale maximale des essais d’impact sur la tranche. . . . . . . . . . . 125
4.37 Variable d’endommagement des essais d’impact sur la tranche. . . . . . . . . . . . . 126
4.38 Densité de fissuration des essais d’impact sur la tranche. . . . . . . . . . . . . . . . 127
5.1 Calcul de l’impédance des différents matériaux des essais d’explosion sur la tranche. 137
5.2 Paramètres des matériaux pour les simulations avec un comportement plastique parfait. 141
5.3 Vitesse de la contrainte orthoradiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
5.4 Paramètres des matériaux pour les simulations avec la loi d’endommagement couplée
à un comportement élasto-plastique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
viii Liste des tableaux
Introduction
L’industrie française des explosifs industriels est en pleine mutation. En effet, la concurrence de
l’exploitation mécanique ou celle des pays où la main d’œuvre est peu chère contraint les fournis-
seurs d’explosifs à faire évoluer leur métier. C’est pourquoi une entreprise qui fabrique des produits
explosifs tente d’accroître son rôle lors d’un tir en carrière. Le client ne sera plus l’acheteur d’explo-
sifs et d’accessoires mais l’acheteur de roche abattue. L’entreprise doit fabriquer les explosifs et les
détonateurs, les transporter jusqu’à la carrière, concevoir et réaliser les tirs en carrière. L’objectif est
donc de vendre du mètre cube de roche abattue.
Un impact balistique ou une explosion sur un matériau fragile créent une fragmentation, pro-
cessus discret, de l’éprouvette. Une fragmentation multiple est par exemple observée lors d’impacts
sur les céramiques [Strassburger 94]. Les matériaux fragiles ont été la source de nombreuses études de
blindages [den Reijer 91, Beylat 96]. Le verre utilisé pour les pare-brises armés se fragmentent aussi
lors d’un impact de balles [Hornemann 84, Cagnoux 85, Brajer 04]. De plus, il a été montré que la ré-
sistance à la rupture est augmentée d’au moins un ordre de grandeur lorsque le matériau est soumis à
un chargement dynamique [Rinehart 65]. Trois zones de fragmentation [Kutter 71] ont été identifiées
lorsqu’une roche est soumise à une explosion (fig. 1). Dans la zone de broyage près de l’explosif, la
roche est transformée en poussière. Lors d’un tir en carrière, cette zone est considérée comme perdue
car la roche n’y est pas exploitable. Dans la zone de fragmentation multiple, des morceaux ou blocs de
roche se détachent : c’est la zone utile d’un tir. Puis seulement quelques fissures débouchent de cette
zone pour créer une zone de fragmentation simple. Les mêmes zones ont été observées pour le béton
impacté par un projectile [Kennedy 76]. Cependant lorsque ces mêmes matériaux sont sollicités en
tension ou en flexion de manière quasi statique, ces zones ne sont plus observées. Seule une fissure est
créée et rompt l’éprouvette. De plus, la résistance à la rupture n’est plus un phénomène déterministe.
Les travaux présentés ici analysent la fragmentation de roches sous chargements dynamiques à
partir de ces trois zones. Quels processus d’endommagement entraînent ces trois zones ? Pourquoi y
a-t-il trois zones ? Ce document tente de répondre à ces questions en analysant le chargement d’une
cavité sous pression et en étudiant des essais dynamiques. Deux roches sont caractérisées afin d’iden-
2 Introduction
explosif
zone de broyage
tifier des modèles de comportement et d’endommagement. Une attention particulière a été portée sur
le fait d’utiliser des modèles les plus simples possible (avec le moins de paramètres à identifier). L’ob-
jectif de cette analyse est de valider une "méthodologie" afin d’étudier des essais dynamiques sur des
matériaux fragiles tels que les roches. Pour cela, afin d’observer et de modéliser cette fissuration, une
étude du comportement des roches en traction et en compression est nécessaire. Des essais balistiques
permettent de valider les différents modèles utilisés. Des essais pyrotechniques peuvent par la suite
être analysés.
Afin d’établir le contexte industriel étudié, le chapitre 1 détaille le tir en carrière en s’appuyant sur
des tirs réalisés avec de nombreuses instrumentations. Le chapitre 2 est consacré à l’analyse de la pro-
pagation d’une onde de compression pour différentes géométries afin de déterminer les causes et les
paramètres prépondérants provoquant l’endommagement. Par la suite, deux calcaires sont plus parti-
culièrement considérés. Ces roches sont présentées au chapitre 3. Une caractérisation quasi statique
des matériaux est également effectuée afin d’identifier les paramètres utiles à la modélisation d’es-
sais dynamiques. Une série d’essais dynamiques a ensuite été réalisée afin d’étudier le comportement
dynamique des roches. Des essais d’impact sur la tranche sont présentés au chapitre 4. Des modèles
de plasticité permettent de simuler l’endommagement sous confinement et une loi dynamique d’en-
dommagement en tension est décrite et utilisée pour simuler la fragmentation. Une validation des
modèles est alors réalisée. Enfin le chapitre 5 présente des essais effectués avec des explosifs sur des
échantillons de roche ainsi que leur simulation.
Chapitre 1
Sommaire
1 Abattage de roche à l’explosif en carrière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.1 Les produits explosifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2 Les détonateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3 La conception d’un tir d’abattage à l’explosif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
2 Tirs instrumentés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.1 Objectifs et contexte d’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
2.2 Organisation du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
2.3 Influence de la séquence d’amorçage sur le résultat d’un tir . . . . . . . . . . . . 14
3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
4 Tirs instrumentés pour l’abattage de roche à l’explosif en carrière
Les explosifs industriels couramment utilisés dans les mines et carrières sont généralement pré-
parés à partir de nitrate d’ammonium (NO3 NH4 ). La décomposition de nitrate d’ammonium libère
de l’oxygène, il est donc nécessaire de lui adjoindre un combustible de manière à obtenir le meilleur
rapport énergie/masse. Le combustible peut être du fuel, de la paraffine, de l’aluminium... Il est très
difficile de faire détoner du nitrate d’ammonium. Il faut donc augmenter sa sensibilité à l’amorçage
et à la détonation soit par un procédé chimique (dynamites) soit par un procédé physique (explosifs
nitratés). Deux types d’explosifs sont distingués (les % suivants sont des pourcentages massiques) :
– les dynamites sont des explosifs qui comportent au moins 12 % de nitroglycérine. La nitrogly-
cérine gèle à 8˚C, on y ajoute alors du nitroglycol qui permet d’utiliser ces produits jusqu’à
−25˚C sans risque de cristallisation. En revanche, ce dernier produit peut provoquer des maux
de tête et des nausées par inhalation ou pénétration par les pores de la peau ;
– les explosifs nitratés, qui sont eux-mêmes divisés en trois familles suivant leur concentration en
nitrate d’ammonium et en combustible :
• les nitrates-fuels (94 % de nitrate d’ammonium) dont le combustible est le fuel (6 %). Dans
certains cas, les nitrates-fuels peuvent contenir une quantité plus ou moins importante de
poudre d’aluminium ;
• les bouillies et les gels (35 à 60 % de nitrate d’ammonium) composés d’explosifs nobles (5 à
40 % de TNT), d’aluminium (2 à 5 %) et d’eau (5 %). Les bouillies et les gels sont distingués
par leur consistance respectivement liquide ou pâteuse ;
• les émulsions (70 à 80 % de nitrate d’ammonium) dont les combustibles sont des huiles
minérales (4 à 10 %) associées à de l’eau (8 à 15 %) et à une faible proportion d’émulsifiant
(≤ 5 %). Certaines émulsions sont assez peu sensibles. Elles doivent alors être sensibilisées
par addition de microbilles creuses, de moins de 1/10 mm de diamètre, ou de bulles gazeuses
générées par un agent chimique.
Les explosifs peuvent être livrés en vrac dans des sacs de 25 kg ou en cartouche. Le conditionne-
ment en cartouche est obligatoire pour les dynamites. Ces cartouches sont particulièrement utilisées
en présence d’eau dans les trous de forage. Les nitrates-fuels, les bouillies et les émulsions peuvent
aussi être livrés et fabriqués sur site avec des camions spéciaux : des unités mobiles de fabrication
d’explosifs (UMFE).
L’explosif libère brutalement une quantité importante d’énergie dans le massif. Cette énergie est
généralement partagée sous deux formes : l’énergie de choc et l’énergie de gaz. Lors d’un tir, la co-
lonne d’explosifs est transformée en quelques millisecondes en colonne de gaz animée d’une vitesse.
Ces gaz à haute pression et à haute vitesse entrent violemment en contact avec la paroi et créent une
onde de choc à l’interface explosif/roche. Cette onde de choc se propage dans la roche, elle sera étu-
diée au chapitre 2. Lorsque l’onde de choc atteint le front de tir, elle se réfléchit. Cette onde provoque
un phénomène de fissuration sensiblement parallèle au front (écaillage). Elle se propage vers l’arrière
et va croiser le réseau de fissurations radiales précédemment formé. Les gaz résiduels pénètrent dans
Abattage de roche à l’explosif en carrière 5
les fissures et les ouvrent. Lorsque la roche est fragmentée par l’effet combiné de la fracturation ra-
diale et de la fracturation réfléchie, les gaz résiduels propulsent les blocs de roches.
Il existe plusieurs méthodes de mesures de l’énergie. La méthode dite CUP (Coefficient d’Uti-
lisation Pratique) consiste à mesurer la masse d’explosif qui permet d’obtenir le même effet que 15 g
d’acide picrique (CUP = 100) lors d’un tir dans un bloc de plomb. Le CUP est une ancienne unité de
mesure développée uniquement en France et pratiquement plus utilisée car elle ne différencie pas l’ef-
fet de choc et l’effet de gaz. Une deuxième méthode, appelée Travail du Mortier Balistique (TMB),
consiste à faire détoner quelques dizaines de grammes d’explosif placés dans un mortier monté en
pendule. Un boulet en acier fait office de bourrage. Au moment du tir, les gaz propulsent le boulet, le
pendule est alors en oscillation. On enregistre sur un secteur gradué l’amplitude maximale du recul du
pendule. Le travail correspondant est rapporté au travail fourni par une même quantité d’explosif de
référence (acide picrique) tirée dans les mêmes conditions. Cette unité est de moins en moins utilisée
car la charge est réduite en diamètre et en masse, et donc très éloignée des conditions des tirs. De plus
cette méthode ne fournit qu’une estimation relative de l’énergie globale de détonation et ne prend pas
suffisamment en compte l’énergie de choc. Depuis quelques années, la méthode de mesure d’énergie
en piscine est majoritairement employée. Le principe consiste à faire détoner une charge explosive
dans un bassin. L’énergie de choc est estimée en mesurant la variation de pression dans l’eau par
rapport au temps. L’énergie de gaz est obtenue en mesurant la première pseudo-période de pulsation
de la bulle de gaz [GEMO 00].
Afin de choisir l’explosif lors d’un tir, différentes propriétés des explosifs sont également mesu-
rées :
– la densité est le rapport de la masse d’un certain volume d’explosif à celle du même volume
d’eau ;
– les indices de sécurité indiquent la capacité que possède un explosif à être amorcé par un choc,
par frottement et sous l’effet d’un détonateur. L’aptitude d’une masse d’explosif donnée à trans-
mettre la détonation à une masse de même nature placée dans son voisinage, la sensibilité à la
température et à la résistance l’eau sont aussi mesurées ;
– le diamètre critique de détonation est le plus petit diamètre à partir duquel la détonation d’un
explosif peut se propager, à l’air libre, dans une file de cartouches. Le diamètre critique dépend
de la nature et de la densité de la substance considérée. Ce paramètre détermine le diamètre
minimal du trou de mine, et dans le cas de l’emploi sous forme de cartouches, le diamètre
minimal de celle-ci. Le diamètre des explosifs encartouchés est supérieur au diamètre critique
du produit.
– la vitesse de détonation est la vitesse de décomposition des explosifs.
Le tableau 1.1 donne les caractéristiques de plusieurs produits des trois principaux fabricants fran-
çais d’explosifs civils. On peut observer que les dynamites ont une énergie de choc très importante,
c’est pourquoi elles sont souvent employées pour fragmenter le pied du front de tir. Depuis quelques
années, pour des raisons de sécurité, des émulsions à forte énergie de choc ont été mises au point. Elles
sont destinées à remplacer les dynamites. Les explosifs nitratés ont généralement un effet de gaz pré-
dominant, ils sont donc utilisés pour pousser la roche. De plus, ces explosifs étant moins onéreux que
les autres, il est intéressant de les placer en grande quantité dans le trou de mine.
TAB . 1.1: Densités, vitesses de détonation et énergies de différents explosifs français [Ceficem 06]
( - signifie que la propriété n’a pas été trouvée).
explosifs densité vitesse (m/s) énergies de choc/gaz (MJ/kg) Fabricant
dynamites
Dynaroc 6A 1.42 6200 2.10/1.90 Nitrochimie
Dynaroc 9A 1.45 6500 2.40/2.10 Nitrochimie
Eurodyn 2000 1.42 6200 2.09/1.92 Nobel
F 19 1.45 6500 2.38/2.09 Nobel
Titadyn 30 AG 1.50 6000 2.37/2.28 Titanite
émulsions encartouchées
Nitram 5 1.20 5500 1.70/1.80 Nitrochimie
Nitram 9 1.20 5500 1.70/2.10 Nitrochimie
Explus 1.28 5500 2.40/2.40 Nitrochimie
Emulstar 3000 1.26 5500 1.75/1.88 Nobel
Emulstar 5000 1.28 5500 1.82/2.07 Nobel
Emulstar 8000+ 1.28 5600 2.26/2.67 Nobel
Titamax 4000 1.20 4900 1.46/1.55 Titanite
Titamax 5000 1.20 4750 1.94/1.93 Titanite
Titamax 6000 1.28 5000 1.82/2.07 Titanite
Titamax 8000+ 1.28 5500 2.40/2.40 Titanite
nitrates fuels
Nitro D8 0.80 3200 -/- Nitrochimie
Nitral 0.81 3400 -/- Nitrochimie
NR 20 0.83 3700 1.05/1.69 Nobel
N 135 0.90 3900 1.37/2.06 Nobel
Anfolite 1 0.83 2900 1.55/2.24 Titanite
Anfolite 3 0.95 3260 1.67/2.47 Titanite
émulsions fabriquées sur site
Blendex 30 1.15 3400 -/- Nitrochimie
Blendex 30A 1.17 3500 -/- Nitrochimie
Blendex 70 1.22 4900 1.35/1.65 Nitrochimie
Blendex 70A 1.22 4500 1.62/1.95 Nitrochimie
Gemulsite 60 1.15 4000 1.31/1.73 Nobel
Gemulsite 80 1.25 5100 1.45/1.59 Nobel
Gemulsite 100 1.25 5100 1.71/1.78 Nobel
Emultex 100 1.25 5300 -/- Titanite
Emultex 200 1.15 5100 -/- Titanite
Emultex 300 0.95 - -/- Titanite
Abattage de roche à l’explosif en carrière 7
types de détonateurs sont principalement utilisés : les détonateurs électriques, les détonateurs non-
électriques et les détonateurs électroniques. La figure 1.1 représente le schéma de principe d’un dé-
tonateur électrique. Le courant qui parcourt le circuit de tir passe par chaque perle d’allumage. Si
l’intensité est suffisante, les perles d’allumage fondent. La chaleur dégagée initie les charges pyro-
techniques contenues dans le tube en zamac (aluminium + zinc) du détonateur. La charge primaire
(azoture de plomb) très sensible à la flamme génère un choc. Ce produit est en très faible quantité, trop
peu pour amorcer les explosifs. Cette charge va initier une charge secondaire (pentrite) qui à son tour
générera un choc suffisant pour initier les explosifs. Le détonateur instantané (fig. 1.1(a)) détone dans
un temps compris entre 0 et 3 ms. Dans les détonateurs à court retard et à retard ordinaire, on incor-
pore entre la perle d’allumage et la charge primaire une poudre retardatrice qui va introduire un délai
entre la fusion de la perle et la détonation de l’artifice (fig. 1.1(b)). Ce délai est appelé retard. Pour les
détonateurs à court retard, les retards vont de 25 ms à 500 ms (avec un pas de temps de 25 ms). Pour
les détonateurs à retard ordinaire, les retards vont de 500 ms à 6000 ms (avec un pas de temps de 500
ms). Pour les détonateurs électroniques, le retard est géré par un système électronique électronique,
ce qui permet de choisir n’importe quel retard. De plus la chronologie est mieux maîtrisée que pour
les détonateurs électriques.
étage supérieur
espacement
trous banquette
front
étage inférieur
front
bourage charge de colonne hauteur
F IG . 1.2: Schéma d’un front de tir. Les échelles des deux vues ne sont pas les mêmes.
Ils sont disposés soit les uns après les autres soit séparés par un bourrage. Le bourrage est composé de
granulats de roche. L’ensemble des explosifs non séparés forment une charge. Habituellement, deux
charges sont utilisées, une charge au bas du front appelée charge de pied et une autre au milieu du
trou appelée charge de colonne. La séquence d’initiation permet d’amorcer les explosifs de chaque
charge à différents instants en modifiant les retards des détonateurs.
Les carrières sont soumises à une législation souvent contraignante en matière de vibrations. C’est
pourquoi, l’amplitude maximale de la vitesse particulaire du sol est souvent mesurée au cours d’un
tir. Par habitude, on nomme vibrations cette mesure. Cette coutume sera conservée dans la suite de ce
chapitre.
Toutes les conclusions sur l’influence de paramètres sur le résultat d’un tir proviennent exclusive-
ment de constatations en carrière après des tirs et de l’expérience des carriers.
du diamètre de foration. De plus, l’explosif peut avoir une vitesse de détonation plus élevée lorsque
le diamètre augmente ce qui peut avoir une incidence sur le résultat du tir.
La banquette dépend des objectifs technico-économiques de la carrière dans le sens où elle est
un facteur clé de la consommation d’explosif et des résultats du tir : la banquette varie proportion-
nellement à l’énergie de la charge d’explosif. Les vibrations sont aussi influencées par ce paramètre
(paragraphe 2.2).
La surforation (fig. 1.2(b)) est liée à la banquette. Elle est souvent voisine de 0.3 fois la ban-
quette. Celle-ci favorise nettement la sortie du pied. Elle augmente aussi avec la profondeur du trou
et le nombre de rangées.
Le bourrage permet de diminuer les projections et le bruit ainsi que d’améliorer l’effet de confi-
nement des gaz des explosifs. Il dépend à la fois de la banquette et de l’amorçage. Pour un amorçage
latéral en mines profondes, sa longueur est souvent prise égale à la banquette. En mines courtes il peut
être faible : il peut descendre à la moitié de la banquette dans ce cas, ainsi que lorsque l’amorçage
est effectué en fond de trou en mines verticales profondes. Son efficacité dépend de sa nature : les
10 Tirs instrumentés pour l’abattage de roche à l’explosif en carrière
L’inclinaison du trou est un paramètre secondaire relativement indépendant lié toutefois au mode
de foration et à la qualité du foreur qui sont essentiels. L’inclinaison des trous entre 10˚ et 15˚ notam-
ment de la première rangée présente généralement un bon compromis.
Ces règles générales connues par les mineurs ne sont pas valables pour toutes les carrières. Chaque
tir est différent. Ces règles viennent la plupart du temps de l’observation du mineur, les mesures ef-
fectuées in situ sont rares. C’est pourquoi, afin d’optimiser la conception d’un tir et de mesurer l’in-
fluence de certains paramètres, un projet détonique, initié par l’entreprise Nitrochimie (appartenant au
groupe EPC) a vu le jour de septembre 2004 à juin 2005. Le paragraphe suivant explique la démarche
expérimentale adoptée et les différents résultats obtenus.
2 Tirs instrumentés
Le projet détonique a pour objectif d’améliorer la démarche de conception d’un tir. La compré-
hension de l’influence des différents paramètres de tir sur le résultat devient indispensable. Trois
paramètres semblent prépondérants : la séquence d’amorçage, l’énergie explosive et la maille. Seule
la variation de la séquence sera développée ici. De nombreuses mesures ont été effectuées lors des
tirs, des mesures classiques : vibrations, surpression aérienne, géométrie du tas et débit du concasseur,
mais aussi des mesures innovantes : mesure de la vitesse de détonation de l’explosif, mesure de pres-
sion à l’intérieur de la roche, observation de la chronologie de la fragmentation sur le front à l’aide
d’une caméra rapide et mesure de la granulométrie. Dans ce paragraphe les objectifs et le contexte de
l’étude sont tout d’abord commentés, puis la démarche de conception utilisée afin de débuter le projet
est expliquée. Ensuite, les différentes mesures sont détaillées et les résultats discutés.
modification du tir doivent être connues et discutées avec le carrier. C’est pourquoi les premiers tirs
devront utiliser des paramètres proches de ceux habituellement employés par les tirs antérieurs au
projet. Enfin une coopération sereine et une relation de confiance entre l’équipe de la carrière et celle
du projet sont indispensables afin de mener à bout le projet.
Le site choisi est la Carrière du Bassin de la Sambre (CBS) située à Limont Fontaine à côté
de Maubeuge (59). Cette carrière travaille dans le domaine des granulats destinés aux industries, aux
travaux publics et au bâtiment. La Société CBS possède un gisement calcaire de grande pureté et à
forte teneur en carbonate de calcium qui répond aux spécifications des industries les plus rigoureuses.
Le calcaire dur de CBS intervient dans la structure complète d’une chaussée offrant les résistances
mécaniques, les caractéristiques physiques et la mise en œuvre nécessaires au bon déroulement des
chantiers. De nature calcaire et de forme cubique, les granulats de roche massive de CBS présentent
une maniabilité et des résistances très intéressantes pour tout béton coulé ou moulé, ainsi que pour la
construction d’ouvrages d’art.
Le front utilisé pour le projet a une hauteur de 20 mètres et une longueur de 100 mètres. Pour les
tirs antérieurs au projet, la maille était de 4 × 4 m2 avec une seule rangée de 25 trous de diamètre 115
mm. Les tirs étaient réalisés en bi-détonation (2 charges par trous) avec une surforation d’environ 1
mètre et un bourrage de 4 mètres. La séquence utilisée est dite 15 ms/30 ms, c’est-à-dire que le retard
entre deux charges du même trou est de 15 ms et celui entre deux trous est de 30 ms (fig. 1.3). Ces
paramètres seront conservés tout au long du projet excepté pour la séquence.
F IG . 1.3: Coupe parallèle au front du tir présentant la séquence utilisée par les exploitants de la
carrière avant le projet.
où K et α sont des paramètres dépendant du massif rocheux (α est compris entre 1.2 et 2.4). L’utili-
sation d’une tri-détonation à la place d’une bi-détonation réduit la charge unitaire Q et diminue par là
même la vitesse particulaire du sol, donc le niveau de vibrations. Cependant l’utilisation de trous en
tri-détonation présente plusieurs inconvénients : ajouter une charge par trou augmente le prix du tir
(les détonateurs étaient électroniques), accroît le temps de chargement du tir. Dans l’optique de gé-
néraliser les résultats du projet à d’autres carrières, l’utilisation de la bi-détonation, majoritairement
employée, est indispensable. C’est pourquoi les premiers tirs du projet ont consisté à résoudre cette
difficulté.
Le premier objectif est d’identifier la charge qui crée le pic de vibrations. Pour cela, des mesures
de vibrations ont été effectuées tout autour des trous proches de la ferme. Les capteurs sont appe-
lés géophones ou sismographes. Ils sont constitués de trois bobines perpendiculaires dans lesquelles
coulisse un noyau métallique. Le champ magnétique induit est alors directement proportionnel à la
vitesse particulaire. Le capteur est scellé dans du plâtre. La qualité du scellement est primordiale pour
garantir que les mesures fournies par le capteur correspondent bien aux vibrations de la structure sur
laquelle il repose. L’orientation verticale du capteur est réalisée à l’aide d’un niveau à bulle. Les deux
autres voies sont placées parallèlement et perpendiculairement au front du tir. A l’aide de ces me-
sures, une chronologie vibratoire est effectuée. Il s’avère que la charge de pied du trou 1 (trou le plus
proche de la ferme) est la source du pic de vibrations. Ce trou se situe dans l’angle fermé du front
(fig. 1.4(a)). A cause de l’inclinaison des fronts, la banquette qui se situe devant cette charge de pied
est de 6 à 8 mètres au lieu de 4 mètres pour les autres trous. La loi Chapot (éq. (1.1)) montre que plus
la banquette D est importante, plus le pic de vibrations V sera élevé. Afin de diminuer la banquette
de ce trou, un avant-trou est placé devant le trou 1 (fig. 1.4(b)). Le pic de vibrations est alors environ
divisé par deux alors que tous les trous sont en bi-détonation.
La résolution du problème de vibrations a été effectuée en trois tirs. Cependant, seuls les 4 pre-
miers trous étaient en tri-détonation. Les autres trous ont permis d’éclairer quelques points de dis-
cussion au sein du groupe de projet. Certains préconisent que la charge de pied doit détoner avant la
charge de colonne afin que le pied soit mieux dégagé grâce au confinement de la roche sous la co-
lonne. En effet si la charge de colonne détone avant la charge de pied, lorsque cette dernière est mise
à feu, les gaz pourront s’échapper par le dessus puisque la colonne sera déjà endommagée. Ils parti-
ciperont donc moins au dégagement du pied du front, zone la plus difficile à découper. En revanche
d’autres pensent que si la charge de pied démarre en premier, la colonne commence de tomber alors
que l’explosif n’a pas encore détoné. La fragmentation de la colonne pourrait être plus grossière avec
le risque d’avoir de gros blocs. Afin de résoudre ce problème, lors d’un tir, dix trous ont commencé de
détoner par le pied et dix autres par la colonne. La vitesse de projection de pied du tir a été mesurée
à l’aide du logiciel Frontcalc [Latourte 02]. Un film permet de suivre la trajectoire de la roche tout au
long du tir. A l’aide d’une échelle de longueur et de temps, la vitesse de cette particule est alors esti-
mée. Une vitesse de projection du pied de 10 m.s−1 a été mesurée lorsque la charge de pied est partie
en premier alors qu’elle n’est que de 6 m.s−1 lorsque la charge de colonne est la première. Le pied
est donc mieux dégagé lorsque la charge de pied détone avant la charge de colonne. De plus, le BRH
(Brise Roche Hydraulique) a mis plus de temps pour "casser le pied" (c’est-à-dire enlever la roche
qui n’était pas dégagée au pied du front) lorsque la colonne est partie en premier. En revanche, aucun
gros bloc supplémentaire n’a été observé lorsque que le pied est parti en premier ce que craignaient
certaines personnes. Les retards entre deux charges sont toujours inférieurs à 60 ms (temps à partir
duquel le massif se déplace (paragraphe 2.3.3)), la colonne n’a donc pas le temps de tomber avant
Tirs instrumentés 13
étage supérieur
trous
5 4 3 2 1
4 mètres avant-trou
800 mètres
4 mètres front
front adjacent
étage inférieur
ferme
étage inférieur
que la charge de colonne détone lorsque le pied est parti en premier. La charge de colonne fragmente
donc correctement la roche. Etant donné ces constatations, il a été décidé de faire partir la charge de
pied avant la charge de colonne tout au long de projet.
On s’est aussi posé la question de la position du détonateur dans la charge : faut-il le placer
en haut ou en bas de la charge ? Le choix de la position du détonateur est influencé par le fait que les
produits explosifs tels que les émulsions peuvent être désensibilisés par la pression importante créée
par la détonation d’autres charges. En effet lorsqu’un explosif détone, il crée un front d’onde comme
représenté par la figure 1.5. A cause des fortes pressions induites à l’arrière des explosifs, lorsque
la charge de pied part en haut, cette détonation peut désensibiliser les explosifs placés en bas de la
charge de la colonne. C’est pourquoi les détonateurs sont placés en bas de la charge.
L’objectif du projet est de mesurer l’influence de la séquence d’amorçage sur le résultat du tir.
Pour cela, tous les paramètres autres que la séquence d’amorçage doivent rester les mêmes pour tous
les tirs. Or la géométrie du front n’est pas toujours identique, elle dépend du tir précédent. De la même
manière, la position des trous et leur inclinaison peuvent changer car il est impossible de forer à un
endroit très précis du fait de la rigidité aléatoire du sol et de la qualité du foreur. Les trous ne sont
jamais droits, la déviation peut être importante. C’est pourquoi une méthode dite d’énergie volumique
constante est utilisée. Cette méthode consiste à mesurer le volume de roche qui se trouve devant les
trous et de choisir les explosifs qui permettent d’obtenir une certaine valeur d’énergie par mètre cube
14 Tirs instrumentés pour l’abattage de roche à l’explosif en carrière
front d'onde
vitesse de détonation
de roche. Cette énergie dépend bien sûr de la quantité d’explosif placée et de son énergie totale (éner-
gie de choc + énergie de gaz). Afin de mesurer le volume de roche, la géométrie du front est scannée à
l’aide d’un géolaser. Cet appareil émet une onde sur le front et la réceptionne après réflexion. A partir
du temps de parcours de cette onde un relief du front est représenté (fig. 1.6) [Chavez 02, Chavez 07].
De plus, la position des trous par rapport au front ainsi que leur inclinaison sont mesurées à l’aide
100 mètres
20 mètres
d’un inclinomètre appelé pulsar. Le volume de roche devant les trous de tir peut alors être estimé.
Cette méthode permet de sécuriser le tir, il est fréquent que la déviation réduise la banquette ce qui af-
faiblit le volume de roche devant le trou et entraîne des projections. La méthode d’énergie volumique
constante permet de réduire l’énergie explosive dans ce cas et d’éviter les projections.
Tous les paramètres fixes des tirs sont maintenant déterminés, il reste à choisir les séquences
d’amorçage à tester. Six tirs sont planifiés, étant donné la dispersion attendue des résultats et la dif-
ficulté et le nombre de mesures, il a été décidé de doubler les tirs : deux tirs pour chaque séquence.
Les détonateurs électroniques seront utilisés afin de minimiser l’incertitude de séquence grâce à leur
grande précision par rapport aux détonateurs électriques. De plus, les détonateurs électroniques per-
mettent de choisir n’importe quelle séquence d’amorçage. La première séquence choisie est 15 ms/30
ms car c’est celle qu’utilisaient au préalable les exploitants de la carrière. Ensuite une séquence plus
rapide 5 ms/10 ms et une autre plus lente 25 ms/50 ms ont été choisies. La paragraphe suivant détaille
l’influence de la séquence d’amorçage sur le résultat du tir.
TAB . 1.2: Mesures moyennes de vibrations en fonction de la séquence d’amorçage. Les vibrations
latérales sont les mesures effectuées sur le côté du front, les vibrations en avant tir devant le front sur
l’étage inférieur et les vibrations en arrière du tir derrière le front sur l’étage supérieur.
séquence 5 ms/10 ms 15 ms/30 ms 25 ms/50 ms
vibrations latérales 2.8 mm.s−1 4.1 mm.s−1 5.0 mm.s−1
vibrations en avant du tir 1.4 mm.s−1 1.7 mm.s−1 1.7 mm.s−1
vibrations en arrière du tir 1.7 mm.s−1 2.4 mm.s−1 3.6 mm.s−1
sismographes ne peuvent donc pas être comparées. En revanche, la position des appareils de mesure
a été conservée pour tous les tirs. On peut donc comparer les vibrations d’un même sismographe pour
chaque séquence. Le tableau 1.2 montre que pour toutes les positions, le pic de vibrations augmente
avec la séquence. En revanche, le contenu fréquentiel des signaux est fortement modifié par la sé-
quence. La fréquence dominante est réduite lorsque les retards sont diminués. De plus, on observe
une amplification de la durée du signal lorsque la séquence décroît. En champ lointain, la durée de
vibrations peut être 4 fois plus longue que la durée de tir pour la séquence 5 ms/10 ms. Au contraire,
pour les retards de 50 ms, la durée de vibrations est augmentée de seulement 10 % par rapport à la
durée du tir.
Certains sismographes possèdent un capteur de surpression aérienne. Les mesures (tab. 1.3) in-
diquent une augmentation importante lorsque les retards sont réduits. Cela pourrait constituer la nui-
sance la plus perceptible pour les riverains éloignés, chez qui les vibrations sismiques sont très atté-
nuées.
TAB . 1.3: Mesures moyennes de surpressions aériennes en fonction de la séquence d’amorçage. Les
surpressions latérales sont les mesures effectuées sur le côté du front, les surpressions en avant tir
devant le front sur l’étage inférieur et les surpressions en arrière du tir derrière le front sur l’étage
supérieur.
séquence 5 ms/10 ms 15 ms/30 ms 25 ms/50 ms
surpressions latérales 114 dB 122 dB 118 dB
surpressions en avant du tir 131 dB 127 dB 123 dB
surpressions en arrière du tir 122 dB 114 dB 111 dB
vérifier la bonne réaction de l’explosif pendant le tir. Lors du projet, les explosifs ont parfaitement
détoné car les mesures trouvées sont très proches de celles données par les fabricants.
front, pas trop loin pour pouvoir zoomer sur la zone d’étude sur toute l’image mais pas trop près non
plus pour éviter que des blocs de roche ne viennent la percuter. C’est pourquoi la caméra a été placée
dans un coffre fort posé sur un trépied (fig. 1.7). De plus un bloc de roche est posé devant le trépied.
La caméra se trouve à environ 80 mètres du front. La zone d’observation se trouve juste devant la
charge de pied de l’un des trous. Afin de synchroniser le départ de la charge et de la caméra rapide,
le départ de l’enregistrement des images est piloté par un détonateur qui possède le même retard que
celui placé dans la charge de pied étudiée. Les images de la caméra permettent de constater que les
premières fissures sont détectées environ 10 ms après la mise à feu de la charge de pied, soit une
vitesse moyenne de 400 m.s−1 . Le mouvement de la roche débute à 60 ms. Ce temps est supérieur
aux retards entre deux trous voisins. Lorsqu’une charge détone, la colonne voisine ne s’est donc pas
effondrée. Ceci explique pourquoi des retards de plus de 100 ms sont très rarement utilisés en carrière.
L’efficacité de la charge explosive s’en trouverait amoindrie.
Une mesure de pression à l’intérieur de la roche est réalisée. Les mêmes jauges que celles em-
ployées pour les mesures d’énergies des explosifs lors de tirs en piscine sont utilisées [GEMO 00].
Tirs instrumentés 17
Pour que la jauge soit immergée dans l’eau, elle est placée dans un flacon de plastique mou. Afin de
placer la jauge à l’intérieur de la roche, des trous supplémentaires ont été forés. Le flacon, placé dans
le trou, est alors coulé dans du ciment. La position de la jauge est mesurée à l’aide du pulsar (fig.
1.8). On a tenté de la placer en face du milieu de la charge étudiée. Les figures 1.9(a) et 1.9(b) per-
étage supérieur
front
20 mètres charge de colonne
charge de pied
1.09 mètres jauge
étage inférieur
jauge 1.08 mètres
mettent d’observer que la jauge est suffisamment sensible pour détecter les détonations des charges
précédentes. La chronologie de détonation est bien celle programmée. La figure 1.9(c) montre que le
signal a une durée plus importante à l’avant de la charge. La durée du signal est certainement due aux
gaz. En effet la durée de l’onde de choc est très faible et décroît très rapidement avec la distance. En
revanche les gaz se propagent après l’onde de choc. Il est possible que les gaz restent sous pression
pendant une dizaine de millisecondes puisqu’on observe l’arrivée des fissures à partir de 10 ms. La
suite du signal (après 10 ms) n’est plus interprétable car les mouvements de la roche détruisent les
câbles des jauges. On observe donc que les gaz se dégagent plus facilement vers le bord libre, c’est-à-
dire le front. Ils s’échappent à partir de 10 ms. Etant donné que le niveau du signal est du même ordre
de grandeur que celui de l’onde de choc, il est alors manifeste que les gaz ont une grande influence sur
la fragmentation. Pour une séquence de 5 ms/10 ms, la figure 1.10 montre que la jauge détecte aussi la
charge qui suit celle devant laquelle elle se trouve. Etant donné la durée du signal, on peut penser que
ce sont les gaz qui sont détectés. Le milieu est déjà fissuré, les gaz y pénètrent donc plus facilement.
Ceci n’a été observé que pour la séquence la plus courte 5 ms/10 ms. Les gaz ne s’échappent donc
pas seulement par le front mais aussi par les trous voisins déjà fragmentés. Les gaz ne sont donc pas
tout de suite perdus, ils vont s’allier avec ceux d’autres trous pour pousser la roche. On devrait donc
obtenir un étalement plus important pour cette séquence.
tension (V)
1 du trou 13 du trou 11
charge de colonne
du trou 10
-90 -60 -30 0
temps (ms)
(a) Jauge placée devant la colonne d’explosifs.
du trou 11
charge de colonne
-1 du trou 10
-60 -30 0
temps (ms)
(b) Jauge placée derrière la colonne d’explosifs.
1
jauge avant
jauge arrière
0.8
0.6
tension (V)
0.4
0.2
0 1 2 3 4 5 6
temps (ms)
(c) Zoom des mesures.
F IG . 1.9: Mesures des jauges en carbone de la figure 1.8 pour la séquence 15 ms/30 ms.
Tirs instrumentés 19
0.5
tension (V)
0
-0.5
0 20 40 60
temps (ms)
(a) Jauge placée devant la colonne d’explosifs à 1.3 mètres.
-0.5
0 20 40 60
temps (ms)
(b) Jauge placée derrière la colonne d’explosifs à 0.7 mètre.
F IG . 1.10: Mesures des jauges en carbone sur la charge du haut pour la séquence 5 ms/10 ms.
3 Bilan
Le projet détonique a permis d’étudier l’impact de la séquence d’amorçage sur le résultat du tir. La
diminution des retards permet de réduire les vibrations, de réduire la granulométrie et d’augmenter le
débit de la carrière. En revanche, le bruit augmente lorsque la séquence diminue ce qui peut être gênant
pour le voisinage. On a pu constater que l’effet des gaz est important dans la projection des blocs et
donc l’étalement du tas. En diminuant les retards, les gaz des différents trous peuvent s’associer pour
dégager la roche.
Chapitre 2
Sommaire
1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2 Ondes sphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.1 Formulation du problème mécanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.2 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.3 Adimensionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.4 Analyse des contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.5 Analyse énergétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3 Ondes cylindriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.1 Formulation du problème mécanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.2 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.3 Adimensionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.4 Analyse des contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
3.5 Analyse énergétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
4 Comparaison des ondes sphériques et cylindriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
5 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
22 Etude analytique d’un chargement dynamique de compression
1 Introduction
Lors d’un tir d’abattage de roche (chapitre 1), la charge explosive soumet le massif à une onde
radiale de compression. Cependant, le caractère fragile des roches permet de penser que la fractura-
tion observée en carrière est provoquée par une tension importante. Une étude analytique d’une onde
de compression est donc présentée dans ce chapitre pour identifier le mécanisme de fracturation. Afin
de décrire au mieux le tir à l’explosif, les sollicitations par ondes divergentes sont étudiées. Ces sol-
licitations sont à symétrie polaire : une contrainte est créée localement, puis se propage de manière
sphérique ou cylindrique. L’état de contrainte n’est plus unidimensionnel mais est une fonction com-
plexe de l’espace et du temps.
L’état de contrainte engendré par la propagation d’une onde sphérique divergente a été proposé
par [Achenbach 75]. Le comportement du matériau est élastique. Le chargement est une cavité de
rayon a sous une pression p constante. L’évolution de la contrainte orthoradiale σθ en fonction de
la contrainte radiale σr est représentée sur la figure 2.1 pour différentes distances r du centre de la
cavité. Pour plus de lisibilité, les contraintes sont normées par la valeur de la pression de la cavité. Le
0.8
échelle temporelle adimensionnée
0.6 0 1 3 10
0.4
0.2 limite
σθ
stationnaire
σθ = 1/2 σr
0
r/a=1.6 r/a=2
-0.2
r/a=1.8 compression
triaxiale
r/a=1 r/a=1.4
-0.4 r/a=1.2 σθ = ν/(1-ν) σr
temps est arbitrairement adimensionné par 5 µs qui correspondra au temps caractéristique τ du char-
gement dans la suite de l’étude. Le seul paramètre modifiant les formes des courbes est le coefficient
de Poisson ν, choisi égal à 0.3. En effet, la pente du début de la courbe dépend de ν puisqu’une com-
pression triaxiale est tout d’abord observée : σθ = ν/(1 − ν)σr . La contrainte orthoradiale σθ croît
ensuite fortement pour devenir positive : l’état de contrainte est alors une compression - bitraction.
Cette tension est due au déplacement radial de la matière. Etant donné que la pression p est constante,
les contraintes radiale et orthoradiale ne tendent pas vers 0 mais vers la droite σθ = 1/2 σr . Le module
d’Young E modifie seulement l’échelle de temps puisqu’il intervient dans la célérité des ondes.
Le chargement modélisé par une pression constante p ne représente pas la décroissance d’une
charge explosive. Un chargement exponentiel est donc plus adapté pour la modélisation. Ce chapitre
présente les solutions analytiques d’une onde divergente de compression pour différentes géométries.
Ondes sphériques 23
2 Ondes sphériques
2.1 Formulation du problème mécanique
Le matériau est supposé homogène et isotrope. Le déplacement ne dépend que du rayon r (distance
du centre de la cavité) et du temps t. La seule composante non nulle du vecteur déplacement u est la
composante radiale : u = u(r,t)er . La figure 2.2 représente le schéma du problème et le système de
coordonnées sphériques. La relation entre les déformations et le déplacement associée à la relation
er
ez eφ
r
a
r eθ
p(t) θ
ey
onde sphérique
unidimensionnelle φ
ex
F IG . 2.2: Cavité sphérique de rayon a sous une pression p(t) et repère sphérique associé.
de comportement élastique linéaire isotrope permet de relier les contraintes radiale et orthoradiale au
déplacement radial
∂u u
σr = (λ + 2µ) + 2λ (2.1)
∂r r
∂u u
σθ = λ + 2(λ + µ) (2.2)
∂r r
où λ et µ sont les coefficients de Lamé. Les variables des contraintes et du déplacement sont le rayon
r et le temps t. De plus l’équation d’équilibre s’écrit
∂σr σr − σθ ∂2 u
+2 =ρ 2 (2.3)
∂r r ∂t
où ρ est la masse volumique du matériau. En insérant l’expression des contraintes (éqs. (2.1) et (2.2))
dans l’équation d’équilibre (éq. (2.3)), une équation différentielle du déplacement est obtenue
∂2 u 2 ∂u 2u 1 ∂2 u
+ − = (2.4)
∂r2 r ∂r r2 c2L ∂t 2
où cL est la vitesse des ondes longitudinales : c2L = (λ + 2µ)/ρ. Afin de simplifier l’écriture, le chan-
gement de variable u = ∂φ/∂r est utilisé. L’équation différentielle du déplacement (éq. (2.4)) s’écrit
alors
∂2 (rφ) 1 ∂2 (rφ)
= (2.5)
∂r2 c2L ∂t 2
24 Etude analytique d’un chargement dynamique de compression
Cette équation d’onde de célérité cL (appelée aussi équation de d’Alembert) a pour solution
µ ¶ µ ¶
1 r 1 r
φ(r,t) = f t − + g t+ (2.6)
r cL r cL
Les deux termes de l’équation (2.6) représentent les ondes divergentes ( f ) et les ondes conver-
gentes (g). Comme nous nous intéressons qu’aux ondes divergentes, on choisit
µ ¶
1 r
φ(r,t) = f t − (2.7)
r cL
Afin de prendre en compte le fait que l’onde soit initiée sur la paroi de la cavité pour r = a,
la variable de f sera s = t − (r − a)/cL . Le déplacement et les contraintes peuvent alors s’écrire en
fonction de f (s) de la manière suivante
f ′ (s) f (s)
u(r,t) = − − 2 (2.8)
cL r r
ρc2L (1 − ν) f ′′ (s)
µ µ ′ ¶¶
f (s) f (s)
σr (r,t) = + 2(1 − 2ν) + 3 (2.9)
1−ν c2L r cL r 2 r
ρc2L ν f ′′ (s) f ′ (s) f (s)
µ µ ¶¶
σθ (r,t) = − (1 − 2ν) + 3 (2.10)
1−ν c2L r cL r 2 r
où ν est le coefficient de Poisson.
aτ2
τ2 f ′′ (s) + 2τα f ′ (s) + (α2 + β2 ) f (s) = − p(s) (2.13)
ρ
√
1 − 2ν cL τ 1 − 2ν cL τ
avec α = et β =
1−ν a 1−ν a
2.3 Adimensionnement
Afin de simplifier les expressions et de mieux comprendre l’influence des facteurs prépondérants
d’une onde divergente, un adimensionnement est utilisé. Pour paramètres d’adimensionnement, les
paramètres de l’explosif peuvent être utilisés. En effet, ces paramètres permettent d’adimensionner
des contraintes, des temps et des longueurs à l’aide de p0 , de τ et de a qui est en fait le diamètre de la
cartouche d’explosif
r t σ
r̄ = t¯ = σ̄ = (2.14)
a τ p0
Ondes sphériques 25
p̄(s̄)
f¯′′ (s̄) + 2α f¯′ (s̄) + (α2 + β2 ) f¯(s̄) = − (2.16)
ρ̄
0.4
échelle temporelle adimensionnée
0 1 3 10
0.2
0
θ
σ
-0.2
r/a=1.75
compression
r/a=1.5 triaxiale
r/a=1.25 σθ = ν/(1-ν) σr
-0.4
r/a=1
-1 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0 0.2
σ
r
matériau subit une compression triaxiale dès les premiers instants et la contrainte orthoradiale devient
positive en raison du déplacement radial de la matière. Cependant, le niveau de positivité est plus
faible que celui de la solution d’Achenbach puisque la pression dans la cavité décroît avec le temps.
L’état stationnaire (contraintes quasiment nulles) est atteint à partir de l’instant adimensionné t¯ = 10
pour les rayons choisis. La figure 2.3 montre aussi que la contrainte radiale devient positive ce qui
n’est pas le cas lorsque la pression est constante. Ce phénomène provient d’un déplacement radial de
26 Etude analytique d’un chargement dynamique de compression
Afin d’étudier la fragmentation provoquée par une onde divergente de compression, des critères
sont énoncés pour chaque zone de fragmentation (fig. 1). Pour la zone de broyage, on suppose un en-
dommagement en compression. Afin de modéliser cette zone le plus simplement possible, un modèle
élasto-plastique parfait est utilisé (critère de von Mises)
σeq =| σr − σθ |≤ σcompression
r (2.18)
compression
où σr est la contrainte de rupture en compression supposée être égale à la limite élastique.
Pour la zone de fragmentation multiple, un critère de contrainte maximale (ou de Rankine) est écrit
σθ , σr ≤ σtension
r (2.19)
où σtension
r est la contrainte de rupture en tension. Pour le zone de fragmentation simple, un critère de
propagation de fissure est utilisé à l’aide de la ténacité
K ≤ Kc (2.20)
où K est le facteur d’intensité des contraintes et Kc la ténacité. La zone de broyage peut être définie
comme étant la zone où la contrainte équivalente de von Mises σeq est supérieure à la contrainte de
compression
rupture en compression σr . La zone pour laquelle le critère de von Mises (éq. (2.18)) est
vérifié et où une contrainte principale est supérieure à la contrainte de rupture en tension σtension
r est
la zone de fragmentation multiple. Enfin, la zone de fragmentation simple est limitée par la propaga-
tion des fissures radiales, c’est-à-dire lorsque le facteur d’intensité des contraintes est supérieur à la
ténacité Kc . La figure 2.4 définit la zone de broyage et les deux zones de fragmentation.
La figure 2.5 présente la contrainte équivalente adimensionnée σ̄eq en fonction du temps adi-
mensionné pour différentes distances du centre de la cavité. Hormis pour r = a, le maximum de la
contrainte équivalente est obtenu dès que l’onde arrive pour s = 0. Le critère de von Mises (éq. (2.18))
s’écrit alors pour un rayon r
1 − 2ν a
p0 ≤ σcompression (2.21)
1−ν r r
1 − 2ν p0
rbroy = a (2.22)
1 − ν σr
compression
L’équation (2.22) montre que plus le coefficient de Poisson est grand, plus la zone de broyage
est petite. Pour un coefficient de Poisson ν variant de 0.2 à 0.4 (valeurs usuelles pour les roches), le
rayon de la zone de broyage diminue de 55 %. En revanche le module d’Young n’intervient pas dans
ce critère tout comme le temps caractéristique τ. Un échelon ou une impulsion de même amplitude
créeront la même zone plastique pour ce modèle. Comme il a été supposé que la zone de broyage était
due à un endommagement en compression, il est normal de constater que plus la contrainte de rupture
en compression est élevée, plus la zone de broyage est petite.
Le critère de la contrainte maximale en tension (éq. (2.19)) est tracé sur la figure 2.6 pour les
contraintes radiale et orthoradiale. Pour r/a ≤ 2, la contrainte orthoradiale est supérieure à la contrainte
radiale. En revanche plus loin de la cavité, la contrainte radiale est supérieure à la contrainte orthora-
diale ce qui signifie que l’on devrait observer expérimentalement la création de fissures orthoradiales
dans une zone plus grande. La figure 2.7 montre que plus le coefficient de Poisson est grand, plus les
Ondes sphériques 27
cavité
zone de broyage
σeq>σrcompression
σeq<σrcompression
et
σr,σθ>σrtension
K>Kc
0.6 r/a=1
r/a=1.5
r/a=2.5
r/a=4
0.4
σ eq
0.2
0
0 2 4 6 8 10
t
0.3
contrainte radiale
contrainte orthoradiale
0.2
0.1
0
1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5
r/a
0.12 0.5
ν=0. ν=0.
contrainte orthoradiale maximale
adimensionnée
0.08
0.3
0.06 0.25
0.2
0.04 0.15
0.1
0.02
0.05
0 0
1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5
r/a r/a
(a) Contrainte radiale. (b) Contrainte orthoradiale.
Afin d’écrire le critère de la contrainte maximale, seul le premier ordre en 1/r sera conservé
dans l’expression des contraintes (éqs. (2.9) et (2.10)). Cette approximation permet d’avoir une ex-
pression analytique de la contrainte maximale. Les contraintes radiale et orthoradiale adimensionnées
peuvent être estimées par
A(ν, c̄L )
σ̄r = H(ν, c̄L , s̄) (2.23)
r̄
A(ν, c̄L ) ν
σ̄θ = H(ν, c̄L , s̄) (2.24)
r̄ 1−ν
avec
1
A(ν, c̄L ) = ³ ´ (2.25)
1−ν 1
c̄2L
− 2(1 − 2ν) c̄L −1
et
1−ν
H (ν, c̄L , s̄) = 2 exp(−s̄) (2.26)
c̄L
√ ν
µ µ ¶ µ ¶ ¶
1
+ −2 1 − 2ν + 1 − 2ν sin(βs̄) + 2(1 − 2ν) 1 − cos(βs̄) exp(−αs̄)
c̄L c̄L
√
1 − 2ν 1 − 2ν
α= c̄L , β= c̄L (2.27)
1−ν 1−ν
Pour exprimer le rayon de fragmentation multiple, on peut remarquer que les contraintes maxi-
males radiale et orthoradiale sont obtenues pour une valeur de s̄, notée s̄lim qui tend vers une valeur
stable lorsque r̄ ≥ 6. Pour des valeurs admissibles de ν (entre 0.15 et 0.45) et c̄L (entre 0.3 et 1) le
rapport entre la valeur maximale de s̄lim et sa valeur minimale est de l’ordre de 2. Nous choisirons
s̄lim = 2.3 pour la contrainte radiale et s̄lim = 2 pour la contrainte orthoradiale. On peut alors écrire un
rayon de fragmentation multiple pour la contrainte radiale rrf m et pour la contrainte orthoradiale rθf m
p0
rrf m = A(ν, c̄L )H(ν, c̄L , 2.3)a (2.28)
σr
tension
p0 ν
rθf m = A(ν, c̄L )H(ν, c̄L , 2)a (2.29)
σr
tension 1−ν
Pour ν = 0.3 et c̄L = 0.63, la figure 2.8 représente le rapport des rayons de fragmentation multiple
avec le rayon de broyage en fonction du rapport de la contrainte de rupture en compression avec celle
en tension. Le modèle prévoit une zone de fragmentation multiple radiale et orthoradiale proche. Elle
est un peu plus grande pour la contrainte radiale (c’est-à-dire une fissuration orthoradiale). Ceci est dû
au coefficient ν/(1 − ν) des expressions des rayons de fragmentation multiple (éqs. (2.28) et (2.29)).
Pour estimer le rayon de fragmentation simple, on considère une fissure proche de la cavité dont
le facteur d’intensité des contraintes KI est exprimé à l’aide d’un abaque [Murakami 87]
KI = Y σ πla
p
(2.30)
où Y est une constante, σ une contrainte homogène à laquelle est soumise la fissure et la la longueur de
la fissure. La figure 2.9 donne la valeur de Y pour différentes géométries. La figure 2.10 représente la
contrainte orthoradiale adimensionnée en fonction du rayon adimensionné. La fissure n’est sollicitée
30 Etude analytique d’un chargement dynamique de compression
4.5
3.5
rfm/rbroy
2.5
1.5
0.5
contrainte radiale
contrainte orthoradiale
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
compression
σr /σrtension
F IG . 2.8: Rapport des rayons de fragmentation multiple avec le rayon de broyage en fonction du
rapport de la contrainte de rupture en compression avec celle en tension (ν = 0.3 et c̄L = 0.63).
σ σ
R
r
R la
la la
0.02
la
0
-0.01
-0.02
-0.03
-0.04
-0.05
0 2 4 6 8 10
r/a
en traction (mode I) que sur une demi-période spatiale (environ 3a sur la figure 2.10). On va alors
supposer que la longueur de la fissure la est égale à la demi-période spatiale
π(1 − ν)
la = √ a (2.31)
1 − 2ν
√
En supposant que la contrainte à laquelle est soumise la fissure vaut 2/2 fois la contrainte
orthoradiale maximale
√ (moyenne sinusoidale), une expression du facteur d’intensité des contraintes
adimensionné par p0 a peut être écrite d’après les équations (2.24), (2.30) et (2.31)
s
1 π2 (1 − ν) ν
K̄I = Y √ A(ν, c̄L )H(ν, c̄L , 2) (2.32)
r̄ 2 1 − 2ν 1 − ν
La figure 2.11 représente le facteur d’intensité des contraintes adimensionné par rapport au rayon
adimensionné (dans le cas de la figure 2.9(a)). Comme les contraintes, il décroît en 1/r. Le rayon de
fragmentation simple r f s s’exprime alors
√ s
p0 a π2 (1 − ν) ν
rfs = Y √ A(ν, c̄L )H(ν, c̄L , 2) a (2.33)
Kc 2 1 − 2ν 1 − ν
Une estimation des différents rayons de fragmentation est réalisée avec les paramètres suivants :
p0 = 1 GPa, τ = 5 µs, a = 5 cm, ρ = 2700 kg.m −3 , E = 80 GPa, ν = 0.3, Y = 1.1, σcompression =
√ r
150 MPa, σtension
r = 20 MPa et K c = 1.5 MPa. m. Les résultats sont rassemblés dans le tableau
2.1. Le rayon de broyage est bien le plus petit et le rayon de fragmentation simple le plus grand. Les
rayons de fragmentation multiple radiale et orthoradiale sont de même ordre de grandeur. En revanche
le rayon de fragmentation simple est beaucoup plus grand que les autres.
Les déformations sont tracées sur la figure 2.12. La déformation orthoradiale est nulle à l’arri-
vée du front d’onde puis devient tout de suite positive contrairement à la contrainte orthoradiale (fig.
2.3).
32 Etude analytique d’un chargement dynamique de compression
0.35
0.3
0.25
KI 0.2
0.15
0.1
0.05
0
0 2 4 6 8 10 12
r/a
F IG . 2.11: Evolution du facteur d’intensité des contraintes en fonction du rayon adimensionné (pour
le cas de la figure 2.9(a)).
0.4
r/a=1
0.2
θ
ε
r/a=1.25
r/a=1.5
r/a=1.75
0
échelle temporelle adimensionnée
0 1 3 10
-1 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0
ε
r
a : b = ∑ ai j .bi j (2.35)
i, j
Les expressions des énergies sphérique et déviatorique dans une sphère creuse de rayon inté-
rieur a et de rayon extérieur R sont
Z r=R
2π
ES (t) = (σr (r,t) + 2σθ (r,t)) (εr (r,t) + 2εθ (r,t)) r2 dr (2.38)
3 r=a
4π r=R
Z
ED (t) = (σr (r,t) − σθ (r,t)) (εr (r,t) − εθ (r,t)) r2 dr (2.39)
3 r=a
– l’énergie cinétique dont l’expression est
∂u(r,t) 2 ∂u(r,t) 2 2
µ ¶ Z r=R µ ¶
1
Z
Ec (t) = ρ dΩ = 2πρ r dr (2.40)
2 Ω ∂t r=a ∂t
Le travail des efforts extérieurs Wext (t) de la pression imposée p(t) au rayon a s’écrit
∂u(r, T )
Z T =t Z T =t Z
Wext (t) = Pext (T ) dT = p(T ) dS dT
T =0 T =0 S ∂t
∂u(a, T )
Z T =t
= 4πa2 p(T ) dT (2.41)
T =0 ∂t
où Pext est la puissance extérieure. Ces diverses expressions montrent que l’adimensionnement d’une
énergie est
2 E
W̄ = W (2.42)
1 + ν p0 a3
2
La figure 2.13(a) montre que dans les premiers instants, l’énergie déviatorique est plus importante
que l’énergie sphérique mais que par la suite l’énergie sphérique tend vers une plus grande valeur
que l’énergie déviatorique. La figure 2.13(b) montre que la conservation de l’énergie est respectée :
Wext = EC + EI et que l’énergie cinétique et interne ont des valeurs comparables et tendent même vers
la même limite. Le travail total fourni par l’explosif a pour expression
34 Etude analytique d’un chargement dynamique de compression
2.5 4
ES
ED 3.5
EI
énergie adimensionnée
2
énergie adimensionnée
3
EC
2.5 EI
1.5
2 Wext
1 1.5
1
0.5
0.5
0 0
0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10
t t
(a) Composantes sphérique et déviatorique de l’énergie (b) Energies interne et cinétique et travail des forces
interne. extérieures.
F IG . 2.13: Evolution des différentes énergies et du travail adimensionnés par rapport au temps adi-
mensionné.
Wext (J)
Wext (J)
4
10
104 105
2
10
100 103
104 -8
107 108 109 1010 1011 10-8 10-7 10-6 10-5 10-4 10 10-7 10-6 10-5 10-4
p0 (Pa) τ (s) τ (s)
(a) Pression initiale p0 . (b) Temps caractéristique τ. (c) Pour p20 τ = 5 × 1014 Pa2 .s.
F IG . 2.14: Evolution du travail fourni par l’explosif en fonction des paramètres liés à l’explosif (p0
et τ).
Ondes cylindriques 35
2π(1 + c̄L )
W̄ext (t → ∞) = ³ ´ (2.43)
ρ̄c̄L 1 + 1−ν c̄L (1 + c̄L )
2(1−2ν)
La figure 2.14 montre la dépendance du travail fourni par l’explosif en fonction de la pression
initiale p0 et du temps caractéristique τ. L’énergie explosive est proportionnelle à p20 τ si τ est inférieur
à a/cL , sinon l’explosif est moins efficace. La figure 2.15 montre la dépendance du travail fourni par
l’explosion en fonction des propriétés du matériau. Lorsque le coefficient de Poisson est supérieur à
Wext/Wext(ρ=2700kg.m-3)
1.2
Wext/Wext(E=80GPa)
Wext/Wext(ν=0.22)
2 3
2.5 1
1.5 0.8
2
1 1.5 0.6
1 0.4
0.5
0.5 0.2
0 0 0
0 0.1 0.2 0.3 0.4 20 60 100 140 180 1000 2000 3000-3 4000
ν E(GPa) ρ(kg.m )
(a) Coefficient de Poisson ν. (b) Module d’Young E. (c) Masse volumique ρ.
F IG . 2.15: Evolution du travail fourni par l’explosif en fonction des paramètres du matériau (ν, E et
ρ).
0.3, l’efficacité de l’explosif sera accrue. Pour ν inférieur à 0.3, le travail est peu dépendant du coeffi-
cient de Poisson. L’influence du module d’Young est plus importante : plus il est faible, plus l’énergie
explosive sera efficace. Enfin la masse volumique n’influence guère cette énergie.
L’onde créée par la colonne d’explosifs lors d’un tir en carrière est plus proche d’une onde cylin-
drique que d’une onde sphérique. En effet, les trous des tirs présentés au chapitre 1 ont un diamètre
de 140 mm pour une hauteur de 20 m. Les carreaux des essais d’impacts sur la tranche présentés au
chapitre 4 sont aussi soumis à des ondes cylindriques.
3 Ondes cylindriques
Les ondes cylindriques ont été étudiées [Quint 93] pour déterminer le champ de contrainte dû à
l’explosif en régime élastique.
a r
ez
p(t)
ez ey
r
θ
eθ
onde cylindrique ex
unidimensionnelle
er
(a) Schéma d’une onde divergente (b) Système de coordonnées
cylindrique. cylindriques.
F IG . 2.16: Cavité cylindrique de rayon a sous une pression p(t) et repère cylindrique associé.
∂u u
σz = λ
+λ (2.46)
∂r r
où λ et µ sont les coefficients de Lamé. De plus l’équation d’équilibre s’écrit
∂σr σr − σθ ∂2 u
+ =ρ 2 (2.47)
∂r r ∂t
où ρ est la masse volumique du matériau. En insérant l’expression des contraintes (éqs. (2.44) et
(2.45)) dans l’équation d’équilibre (éq. (2.47)), une équation différentielle du déplacement est obtenue
∂2 u 1 ∂u u 1 ∂2 u
+ − = (2.48)
∂r2 r ∂r r2 c2L ∂t 2
où cL est la vitesse des ondes longitudinales : c2L = (λ + 2µ)/ρ. La même vitesse de propagation
des ondes est trouvée pour une √ géométrie sphérique ou cylindrique. Afin de simplifier l’écriture, le
changement de variable u = φ/ r est utilisé. L’équation différentielle du déplacement (éq. (2.48))
s’écrit alors
∂2 φ 3 ∂φ 1 ∂2 φ
− = (2.49)
∂r2 4r2 ∂r c2L ∂t 2
Contrairement au cas de l’onde sphérique, la solution de l’équation (2.49) n’est pas connue. Une
solution en série en 1/rk peut être obtenue
fk (t − crL )
φ(r,t) = ∑ rk
(2.50)
k≥0
En utilisant les expressions des contraintes (éqs. (2.44), (2.45) et (2.46)), on peut écrire
′′ (s) ′ (s)
à !
ρc2L fcyl fcyl fcyl (s)
σr (r,t) = k1 2 √ + k2 √ + k3 2 √ (2.53)
1−ν cL r cL r r r r
′′ (s) ′ (s)
à !
ρc2L f cyl f cyl f cyl (s)
σθ (r,t) = k′ √ + k2′ √ + k3′ 2 √ (2.54)
1 − ν 1 c2L r cL r r r r
′′ (s) ′ (s)
à !
ρcL2 f cyl f cyl f cyl (s)
σz (r,t) = k1′′ 2 √ + k2′′ √ + k3′′ 2 √ (2.55)
1−ν cL r cL r r r r
où ν est le coefficient de Poisson et où les facteurs ki , ki′ et ki′′ s’écrivent
7 15ν 9 15ν
k1 = 1 − ν k2 = − k3 = −
8 8 16 16
15ν 3 15ν
k1′ = ν k2′ = −1 + k3′ = − +
8 8 16
ν 3ν
k1′′ = ν ′′
k2 = − ′′
k3 = (2.56)
8 16
3.3 Adimensionnement
Le même adimensionnement que pour les ondes sphériques est réalisé à partir des paramètres de
l’explosif : p0 , τ et a. L’adimensionnement de fcyl est
2E fcyl (s̄)
f¯cyl (s̄) = √ (2.60)
(1 + ν)p0 a2 a
L’équation différentielle de fcyl (éq. (2.13)) s’écrit alors
p̄(s̄)
′′
f¯cyl ′
(s̄) + 2α f¯cyl (s̄) + (α2cyl + β2cyl ) f¯cyl (s̄) = − (2.61)
ρ̄
L’expression adimensionnée de fcyl est :
³ ´
1−α
exp(−s̄) + exp(−αcyl s̄) β cyl sin(βcyl s̄) − cos(βcyl s̄)
cyl
f¯cyl (s̄) = − ³ ´ (2.62)
ρ̄ 1 − 2αcyl + (αcyl + βcyl )
2 2
38 Etude analytique d’un chargement dynamique de compression
0.4
échelle temporelle adimensionnée
0 1 3 10
0.2
0
θ
σ
-0.2
compression
triaxiale
r/a=1.75 σθ = ν/(1-ν) σr
r/a=1.5
-0.4 r/a=1.25
r/a=1
-1 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0 0.2
σ
r
r/a=1
r/a=1.5
0.6
r/a=2.5
r/a=4
0.4
σ eq
0.2
0
0 5 10 15
t
L’équation (2.67) montre que plus le coefficient de Poisson est grand, plus la zone de broyage
est petite. Pour un coefficient de Poisson ν variant de 0.2 à 0.4 (valeurs usuelles pour les roches), le
rayon de la zone de broyage diminue de 80 % (alors qu’il diminuait seulement de 55 % pour les ondes
sphériques). Le module d’Young n’intervient pas dans ce critère tout comme le temps caractéristique
τ. Un échelon ou une impulsion de même amplitude créeront la même zone plastique pour ce modèle.
compression
Cependant le rapport de la pression p0 par la contrainte de rupture en compression σr inter-
vient au carré pour la dimension de la zone de broyage pour une géométrie cylindrique alors que ce
rapport était linéaire au rayon rbroy (éq. (2.22)) dans le cas sphérique.
Le critère de la contrainte maximale en tension (éq. (2.64)) est tracé sur la figure 2.19 pour les
contraintes radiale et orthoradiale. La tendance est la même que pour les ondes sphériques (fig. 2.6).
La contrainte axiale est toujours inférieure aux autres composantes.
√
Afin d’écrire le critère de la contrainte maximale, seul le premier ordre en 1/ r sera conservé
dans l’expression des contraintes. Les contraintes radiale et orthoradiale adimensionnées peuvent être
estimées par
Acyl (ν, c̄L )
σ̄r = √ Hcyl (ν, c̄L , s̄) (2.68)
r̄
Acyl (ν, c̄L ) ν
σ̄θ = √ Hcyl (ν, c̄L , s̄) (2.69)
r̄ 1−ν
avec
1
Acyl (ν, c̄L ) = (2.70)
1 − 2αcyl + α2cyl + β2cyl
et
0.1
0
1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5
r/a
√
7 − 15ν 95 − 174ν + 15ν2
αcyl = c̄L , βcyl = c̄L (2.72)
16(1 − ν) 16(1 − ν)
Pour exprimer le rayon de fragmentation multiple, on peut remarquer que les contraintes maxi-
males radiale et orthoradiale sont obtenues pour une valeur de s̄, notée s̄lim qui tend vers une va-
leur stable lorsque r̄ ≥ 8. Nous choisirons s̄lim = 3.5 pour la contrainte radiale et s̄lim = 3.2 pour la
contrainte orthoradiale. On peut alors écrire un rayon de fragmentation multiple pour la contrainte
radiale rrf m et pour la contrainte orthoradiale rθf m
µ ¶2
p0
rrf m = Acyl (ν, c̄L )Hcyl (ν, c̄L , 3.5) a (2.73)
σtension
r
ν
µ ¶2
p0
rθf m = Acyl (ν, c̄L )Hcyl (ν, c̄L , 3.2) a (2.74)
σtension
r 1−ν
Pour ν = 0.3 et c̄L = 0.63, la figure 2.20 représente le rapport des rayons de fragmentation mul-
tiple avec le rayon de broyage en fonction du rapport de la contrainte de rupture en compression avec
celle en tension. Contrairement aux ondes sphériques, le modèle prévoit une zone de fragmentation
compression
multiple radiale et orthoradiale assez différentes lorsque le rapport σr /σtension
r croît. Elle est
plus grande pour la contrainte radiale (c’est-à-dire une fissuration orthoradiale). Ceci est dû au coef-
ficient (ν/(1 − ν))2 des expressions des rayons de fragmentation multiple (éqs. (2.73) et (2.74)).
Pour estimer le rayon de fragmentation simple, on considère à nouveau une fissure proche du
rayon de la cavité dont le facteur d’intensité des contraintes KI est exprimé de la même manière que
pour la géométrie sphérique
KI = Y σ πla
p
(2.75)
où Y est une constante, σ une contrainte homogène à laquelle est soumise la fissure et la la longueur
de la fissure.
80
contrainte radiale
contrainte orthoradiale
70
60
50
rfm/rbroy
40
30
20
10
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
σrcompression/σrtension
F IG . 2.20: Rapport des rayons de fragmentation multiple avec le rayon de broyage en fonction du
rapport de la contrainte de rupture en compression avec celle en tension (ν = 0.3 et c̄L = 0.63).
0.06
0.04
0.02
contrainte orthoradiale adimensionnée
la
0
-0.02
-0.04
-0.06
-0.08
-0.1
-0.12
-0.14
0 2 4 6 8 10 12
r/a
sur la figure 2.21). On suppose à nouveau que la longueur de la fissure la est égale à la demi-période
spatiale
16π(1 − ν)
la = √ a (2.76)
95 − 174ν + 15ν2
√
En supposant que la contrainte à laquelle est soumise la fissure vaut 2/2 fois la contrainte √
orthoradiale maximale, une expression du facteur d’intensité des contraintes adimensionné par p0 a
peut être écrite
s
1 8π2 (1 − ν) ν
K̄I = Y √ √ Acyl (ν, c̄L )Hcyl (ν, c̄L , 3.2) (2.77)
r̄ 95 − 174ν + 15ν 1 − ν
2
La figure 2.22 représente le facteur d’intensité des contraintes adimensionné par rapport
√ au rayon
adimensionné (dans le cas de la figure 2.9(a)). Comme les contraintes, il décroît en 1/ r. Le rayon
0.4
0.35
0.3
0.25
KI
0.2
0.15
0.1
0.05
0 2 4 6 8 10 12
r/a
F IG . 2.22: Evolution du facteur d’intensité des contraintes en fonction du rayon adimensionné (pour
le cas de la figure 2.9(a)).
Une estimation des différents rayons de fragmentation est réalisée avec les√paramètres suivants :
p0 = 1 GPa, τ = 5 µs, a = 5 cm, ρ = 2700 kg.m −3 , E = 80 GPa, ν = 0.3, Y = 2/ π, σcompression = 150
√ r
MPa, σr tension = 20 MPa et Kc = 1.5 MPa. m. Les résultats sont rassemblés dans le tableau 2.2.
Comme pour les ondes sphériques, le rayon de broyage est le plus petit et le rayon de fragmentation
simple le plus grand. En revanche la différence entre les rayons de fragmentation multiple radiale et
orthoradiale est importante. De manière générale les zones de fragmentation sont plus étendues avec
une géométrie cylindrique. Cette propriété sera utilisée au chapitre 4.
Les déformations sont tracées sur la figure 2.23. La déformation orthoradiale est nulle à l’arri-
vée du front d’onde puis devient tout de suite positive contrairement à la contrainte orthoradiale (fig.
2.17).
Ondes cylindriques 43
0.4
r/a=1
r/a=1.25
0.2 r/a=1.5
θ
ε
r/a=1.75
0
échelle temporelle adimensionnée
0 1 3 10
π
Z r=R
ES (t) = (σr + σθ + σz ) (εr + εθ ) rdr (2.79)
3 r=a
π r=R
Z
ED (t) = (2σr − σθ − σz ) (2εr − εθ ) rdr (2.80)
9 r=a
π r=R
Z
+ (−σr + 2σθ − σz ) (−εr + 2εθ ) rdr
9 r=a
π r=R
Z
+ ((−σr − σθ + 2σz ) (−εr − εθ )) rdr
9 r=a
∂u(r,t) 2
Z r=R µ ¶
Ec (t) = πρ rdr (2.81)
r=a ∂t
∂u(a, T )
Z T =t
Wext (t) = 2πa
dT p(T ) (2.82)
T =0 ∂t
Ces énergies sont exprimées par unité de longueur de cylindre. La figure 2.24 montre l’évolution
de ces énergies en fonction du temps. La figure 2.25 montre que la conservation de l’énergie n’est pas
1.4 2.5
1.2
énergie adimensionnée
énergie adimensionnée
2
1
0.8 1.5
0.6
1
0.4
ES 0.5 EC
0.2 ED EI
EI Wext
0 0
0 2 4 6 8 0 2 4 6 8
t t
(a) Composantes sphérique et déviatorique de l’énergie (b) Energies interne et cinétique.
interne.
F IG . 2.24: Evolution des différentes énergies et du travail adimensionnés par rapport au temps adi-
mensionné.
respectée car la solution n’est pas exacte. L’erreur en énergie est inférieure à 5 % de la solution exacte
dans les premiers instants puisqu’on néglige les termes en 1/rk+1/2 pour k supérieur à 2. Lorsque
l’onde est proche de la cavité, l’approximation est alors très bonne. En revanche lorsque le temps tend
vers l’infini, l’erreur tend vers 25 %. Le travail total fourni par l’explosif a pour expression
π
µ ¶
1 3
W̄ext (t → ∞) = ³ ´ + (2.83)
ρ̄ 1 + 8(1−ν) c̄L + 16(1−ν) c̄L
7−15ν 9−15ν 2 c̄L 8
La dépendance du travail total par rapport aux paramètres de l’explosif ou du matériau est assez
semblable à celle des ondes sphériques. L’énergie explosive croît avec p0 et τ et est proportionnelle
Comparaison des ondes sphériques et cylindriques 45
0.25
0.2
ext
-W )/W
0.15
ext
0.1
tot
(E
0.05
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
t
F IG . 2.25: Erreur sur la conservation d’énergie de la solution analytique des ondes cylindriques
(Etot = Ec + Ei ).
à p20 τ si τ est inférieur à a/cL , sinon l’explosif est moins efficace. De même, lorsque le coefficient de
Poisson est supérieur à 0.3, l’efficacité de l’explosif sera accrue. Pour ν inférieur à 0.3, le travail est
peu dépendant du coefficient de Poisson. L’influence du module d’Young est plus importante : plus
il est faible, plus l’énergie explosive sera efficace. Enfin la masse volumique n’influence guère cette
énergie.
L’évolution des contraintes maximales (figs. 2.6 et 2.19) montre l’écart entre les deux géométries
en fonction du rayon. Si on suppose que la fragmentation a lieu tant qu’une des contraintes princi-
pales maximales adimensionnées est supérieure à 0.1 par exemple, les figures 2.6 et 2.19 montrent
que le rayon de la zone de fragmentation multiple est d’environ 2 a pour les ondes sphériques alors
qu’il est d’environ 6 a pour les ondes cylindriques. La zone de fragmentation est donc plus impor-
tante pour un chargement cylindrique, c’est pourquoi les essais dynamiques des chapitres 4 et 5 sont
effectués sur des éprouvettes dont l’une des dimensions est bien plus faible que les autres afin d’avoir
46 Etude analytique d’un chargement dynamique de compression
350 250
45
300
rbroycyl / rbroysph
rbroycyl / rbroysph
rbroycyl / rbroysph
40 250 200
35 200 150
30 150
100
100
25 50 50
20 0 0
0.2 0.24 0.28 0.32 0.36 107 108 109 1010 1011 0 50 100 150 200 250
ν p0 (MPa) σr (MPa)
(a) Coefficient de Poisson ν. (b) Pression initiale p0 . (c) Contrainte de rupture en
compression σr
compression
.
compression
F IG . 2.26: Comparaison des tailles de zones de broyage en fonction de ν, p0 et σr .
un chargement cylindrique. On peut de plus remarquer que pour une fragmentation correspondant à
une contrainte principale adimensionnée supérieure à 0.1, seule la contrainte orthoradiale dépasse le
seuil pour une géométrie sphérique. La fissuration devrait être exclusivement radiale dans la zone de
fragmentation multiple. En revanche dans le cas cylindrique, les contraintes radiale et orthoradiale
dépassent le seuil. A partir du rayon adimensionné 3, seule la contrainte radiale dépasse le seuil : la
fissuration orthoradiale devrait donc s’initier plus loin que la fissuration radiale.
Les équations différentielles que doivent vérifier f (éq. (2.16)) et fcyl (éq. (2.61)) sont de la même
forme : seuls les facteurs α et β sont modifiés. Les expressions de f (éq. (2.17)) et de fcyl (éq. (2.62))
montrent que α est un paramètre d’amortissement, et β intervient sur la période des oscillations. La
figure 2.27 montre l’influence du coefficient de Poisson ν sur α, β, αcyl et βcyl . L’amortissement est
0.9 α
β
αcyl
0.8
βcyl
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45
ν
plus important pour les ondes sphériques (α), ce qui va amplifier l’atténuation due à la dépendance
en 1/r. De plus, plus ν est petit plus l’amortissement est important. Les valeurs de β et βcyl montrent
que la période des oscillations est plus faible pour les ondes sphériques ce qui vient accentuer encore
Bilan 47
la convergence rapide de ces ondes vers la valeur finale. L’état stationnaire est donc atteint plus tardi-
vement pour les ondes cylindriques que pour les ondes sphériques. Ceci n’est pas dû à la vitesse des
ondes : c’est la même dans les deux cas.
L’étude énergétique (figs. 2.13 et 2.24) montre que chaque contribution a un rôle équivalent dans
les deux cas. Les oscillations semblent tout de même plus marquées pour les ondes sphériques. La
convergence est aussi plus lente pour les ondes cylindriques.
5 Bilan
L’étude de l’onde divergente de compression due à une cavité mise sous pression "exponentielle"
permet d’expliquer la fissuration radiale et orthoradiale observée expérimentalement. Le déplacement
radial de la matière entraînant une tension orthoradiale avait déjà été observé [Denoual 98] et employé
pour expliquer la fragmentation radiale. On peut de plus noter que lorsque le chargement décroît dans
le temps, ce qui est le cas d’une charge explosive ou d’un impact balistique, la matière a tendance à
revenir en direction de la cavité ce qui entraîne une tension radiale et donc une fragmentation ortho-
radiale.
Deux roches calcaires sont étudiées dans ces travaux : le calcaire cri-
noïde et la blanche de Beaucaire. Cette dernière provient du Gard et
est utilisée dans la cimenterie. Le calcaire crinoïde vient de Belgique et
permet de confectionner des sculptures ou des pierres tombales. L’ob-
jectif de ce chapitre est de présenter ces deux matériaux. Des propriétés
physiques seront abordées, une caractérisation quasi statique des para-
mètres élastiques est effectuée. Une étude du comportement des roches
en compression confinée est également réalisée. Les roches sont consi-
dérées comme des matériaux fragiles. Leur rupture est alors un phéno-
mène aléatoire. Afin de décrire ce comportement, la théorie de Weibull
[Weibull 39] est utilisée. Les paramètres de Weibull seront identifiés.
Dans le but d’étudier la fissuration de calcaires, une mesure de téna-
cité est enfin présentée.
Sommaire
1 Les matériaux étudiés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
1.1 Le calcaire crinoïde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
1.2 La blanche de Beaucaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2 Masse volumique et porosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2.1 Masse volumique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
2.2 Porosité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
3 Module d’Young et coefficient de Poisson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
4 Rupture en compression et en traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
4.1 Essais de compression uniaxiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
4.2 Essais de compression quasi œdométrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
4.3 Rupture en tension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
5 Ténacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
5.1 Essai SENB (Single-Edge Notched Beam) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
5.2 Essai SB (Sandwiched Beam) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
5.3 Mesure de ténacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
6 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Les matériaux étudiés 51
mesure des masses est de 0.01 g. Pour la densité de l’eau déminéralisée, l’incertitude vaut 110 g.m−3 .
Les masses volumiques des deux roches sont : ρc = 2700 ± 30 kg.m−3 pour le calcaire crinoïde
et ρb = 2230 ± 30 kg.m−3 pour la blanche de Beaucaire. Le calcul des incertitudes de mesure est
expliqué dans l’annexe.
2.2 Porosité
Le matériel classique permettant de déterminer la taille des pores, le volume, la distribution, la
densité et autres caractéristiques liées à la porosité tel que la porosimétrie au mercure ne fait pas
partie de l’équipement du LMT. Toutefois, une estimation de la porosité a été réalisée suivant certaines
hypothèses : on suppose que l’eau peut s’infiltrer dans tous les pores de l’échantillon. C’est pourquoi
les mesures ont été effectuées sur des éprouvettes ayant un rapport surface-volume important. Chaque
échantillon a été séché afin d’éliminer toute humidité. Il est ensuite pesé, son volume est calculé à
l’aide de la masse volumique. Puis, il est immergé dans un volume d’eau connu. La décroissance du
volume total (échantillon et eau) est assimilée à la porosité en supposant que l’eau s’infiltre dans les
pores. Etant donné les volumes des échantillons et l’échelle de mesure de volume utilisés, l’incertitude
de mesure de la porosité est de 1 %. Aucune décroissance du volume total n’a été observée pour le
calcaire crinoïde, on peut donc en déduire que la porosité de cette roche est inférieure à 1 %. La
porosité de la blanche de Beaucaire est de 14 ± 1 %.
Les valeurs mesurées pour chaque éprouvette sont rassemblées dans le tableau 3.2. Les valeurs
TAB . 3.2: Résultats de la mesure du module d’Young et du coefficient de Poisson des deux calcaires.
échantillon 1 2 3
matériau calcaire crinoïde
module d’Young 80.85 GPa 75.67 GPa 76.54 GPa
coefficient de Poisson 0.30 0.28 −
matériau blanche de Beaucaire
module d’Young 14.64 GPa 16.91 GPa 5.78 GPa
coefficient de Poisson − − 0.343
prenant en compte les différentes incertitudes comme expliqué dans l’annexe du module d’Young et
du coefficient de Poisson du calcaire crinoïde et de la blanche de Beaucaire sont respectivement :
Ec = 77.82 ± 0.04 GPa, νc = 0.28 ± 0.02 et Eb = 6.04 ± 0.05 GPa, νb = 0.343 ± 0.003. Les pro-
priétés élastiques du calcaire crinoïde sont assez proches de la moyenne arithmétique des trois essais
(tab. 3.2), en revanche la courbe contrainte-déformation du troisième essai de la blanche de Beau-
caire étant beaucoup plus linéaire que les autres, les valeurs du module d’Young et du coefficient de
Module d’Young et coefficient de Poisson 55
0
-4
-5 1.10
-10 -5
8.10
-15
-5
σ (MPa)
6.10
-20
εT
-5
-25 4.10
-30
-5
2.10
-35
-40 0
-4 -4 -4 -4 -4 -4 -4 -4 -4
-5.10 -4.10 -3.10 -2.10 -1.10 0 -3.210 -2.410 -1.610 -0.810 0
εL εL
0 -4
5.10
-2 -4
4.10
-4 -4
3.10
σ (MPa)
εT
-6 -4
2.10
-8 -4
1.10
-10 -3 0
-3 -3 -4 -3 -4 -4 -4 -4
-2.10 -1.510 -1.10 -5.10 0 -1.10 -8.10 -6.10 -4.10 -2.10 0
εL εL
Poisson de cette roche sont très proches de celles mesurées lors du troisième essai (tab. 3.2 et annexe).
Le module d’Young et le coefficient de Poisson peuvent être déterminés à partir de mesures ultra-
sonores. En effet, la vitesse de propagation des ondes dans le matériau est liée à ses caractéristiques
mécaniques élastiques statiques. Pour déterminer cette relation il faut résoudre un problème de dyna-
mique dans un milieu isotrope homogène. On trouve alors
où ρ est la masse volumique, cT et cL les vitesses des ondes transversales et longitudinales dans le
matériau. Pour mesurer ces vitesses, on utilise deux transducteurs (un émetteur, capable d’émettre une
onde transversale ou longitudinale et un récepteur). La mesure du temps que met l’onde pour traverser
l’éprouvette et celle de l’épaisseur de l’éprouvette permettent de déduire les vitesses longitudinales et
transversales. Deux mesures ont été effectuées sur deux échantillons pour chaque roche. L’incertitude
de mesure vaut 0.1 µs pour le temps et 0.5 mm pour l’épaisseur. Les célérités des ondes sont alors
cL = 6300 ± 100 m.s−1 , cT = 3300 ± 100 m.s−1 pour le calcaire crinoïde et cL = 3400 ± 100 m.s−1 ,
cT = 2100 ± 100 m.s−1 pour la blanche de Beaucaire. Les résultats du tableau 3.3 confirment les
mesures des propriétés élastiques pour le calcaire crinoïde réalisées lors des essais de compression.
En revanche, pour la blanche de Beaucaire les valeurs sont sensiblement différentes entre les essais
TAB . 3.3: Résultats de la mesure de la vitesse des ondes des deux calcaires.
échantillon 1 2
matériau calcaire crinoïde
vitesse longitudinale 6200 m.s−1 6500 m.s−1
vitesse transversale 3300 m.s−1 3400 m.s−1
matériau blanche de Beaucaire
vitesse longitudinale 3600 m.s−1 3200 m.s−1
vitesse transversale 2100 m.s−1 2100 m.s−1
de compression et les mesures ultrasonores. En effet, cette roche étant très poreuse, l’hypothèse de
matériau homogène est loin d’être respectée et la mesure ultrasonore est moins fiable.
essai dépend aussi de la géométrie de l’éprouvette et des conditions aux limites au niveau des mors
[Forquin 03] telles que le frottement.
Des essais de compression uniaxiale ont été menés sur une machine de capacité ±2500 kN pour le
calcaire crinoïde et de ±100 kN pour la blanche de Beaucaire. La section des éprouvettes est 50 × 50
mm2 et leur longueur mesure 100 mm. La figure 3.5(a) présente la courbe contrainte-déformation d’un
essai sur une éprouvette de calcaire crinoïde. Le comportement est linéaire jusqu’à 70 % de la charge
20 mm
0
-20
-40
-60
σ (MPa)
-80
-100
-120
ε ε ε
-140 L V T
-160
-3 -3 -3 -4 -4
-2. 10 -1.5 10 -1. 10 -5. 10 0 5. 10
déformation
(a) Courbe contrainte-déformation (εL est la déformation (b) Fissuration de l’éprouvette.
longitudinale, εT la déformation transversale et εV la
déformation volumique).
maximale. En étudiant la variation de volume de l’éprouvette sur le graphique 3.5(a), on voit que le
volume décroît pendant la phase linéaire. Lorsque le chargement dépasse 0.7σmax , le comportement
n’est plus linéaire. Pendant cette non-linéarité, on peut observer que la variation de volume change de
signe. On peut en déduire que la non-linéarité est certainement due à l’apparition de fissures dans la di-
rection de chargement (figure 3.5(b)). Ces fissures, sollicitées en mode I, montrent l’endommagement
de l’éprouvette et provoquent son gonflement qui entraîne une variation de volume positive. Trois
essais ont été effectués pour chaque roche. L’incertitude de mesure vaut, en effort, 10000 N pour le
calcaire crinoïde et 100 N pour la blanche de Beaucaire et 0.5 mm pour la dimension. Les contraintes
de rupture en compression sont donc σc = 147 ± 5 MPa pour le calcaire crinoïde et σb = 10.8 ± 0.4
MPa pour la blanche de Beaucaire. L’importante dispersion des mesures (tab. 3.4) est certainement
due aux conditions aux limites au niveau des mors qui diffèrent selon les éprouvettes.
TAB . 3.4: Résultats de la mesure de la contrainte de rupture en compression des deux calcaires.
échantillon 1 2 3
matériau calcaire crinoïde
contrainte de rupture en compression 144 MPa 167 MPa 136 MPa
matériau blanche de Beaucaire
contrainte de rupture en compression 12.4 MPa 8.56 MPa 9.50 MPa
58 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
0.9
pression hydrostatique
0.8
contrainte maximale adimensionnée
contrainte radiale
0.7
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
0.1
0
1 1.5 2 2.5 3 3.5 4 4.5 5
r/a
de la pression hydrostatique sur le comportement en rupture des roches. Une étude bibliographique
montre que la contrainte de rupture dépend surtout de deux paramètres : la vitesse de déformation et
la pression hydrostatique. Les travaux déjà réalisés montrent tous la même tendance : la contrainte
de rupture en compression augmente (en valeur absolue) avec la vitesse de déformation et la pression
hydrostatique. Par exemple, Li et al. [Li 99] ont soumis des éprouvettes cylindriques de granite de
diamètre 30 mm et de longueur 60 mm à quatre vitesses de déformation (10−4 , 10−3 , 10−1 et 100
s−1 ) et six pressions de confinement (20, 50, 80, 110, 140 et 170 MPa). Le dispositif est représenté
sur la figure 3.7(a). Les résultats montrent que pour des vitesses de déformation faibles (de 10−4 à
10−2 s−1 ) la contrainte ultime triple environ lorsque la pression de confinement varie de 20 MPa à
170 MPa. La figure 3.7(b) montre aussi que pour des vitesses de déformation plus grandes le rapport
de la contrainte ultime n’est plus que de deux pour les mêmes pressions de confinement. De plus,
Rupture en compression et en traction 59
20 MPa
50 MPa
80 MPa
110 MPa
charge
140 MPa
dynamique axiale
170 MPa
1200
piston
1000
valve 170 MPa
de sortie
800 140 MPa
σ1-σ2 (MPa)
110 MPa
80 MPa
600 50 MPa
20 MPa
valve échantillon 400
d'admission de roche
200
huile 10-5 10-4 10-3 10-2 10-1 100
sous pression taux de déformation (s-1)
(a) Dispositif de compression triaxiale. (b) Résultats.
pour des pressions de confinement élevées (ici 170 MPa) l’influence de la vitesse de déformation est
plus faible. D’autres travaux [Masuda 87, Donath 71, Olsson 91, Hamami 99, Sari 06] menés sur des
roches ont abouti aux mêmes conclusions. Des études sur des mortiers [Li 04] ou encore sur des bé-
tons (dont un bilan est réalisé par Bischoff et Perry [Bishoff 91]) montrent que la contrainte de rupture
en compression de ces matériaux a la même tendance vis-à-vis de la vitesse de déformation et de la
pression de confinement. Le fait que la vitesse de déformation et la pression de confinement aient le
même effet sur la contrainte de rupture en compression semble logique. En effet, on peut considérer
que l’essai de compression dynamique est le siège d’un confinement inertiel, c’est-à-dire d’une aug-
mentation de la pression hydrostatique au cœur de l’échantillon due à l’inertie radiale de la matière.
Pour réaliser un essai de compression confinée sur les roches, un essai quasi œdométrique [Burlion 97,
Gatuingt 99] est proposé. Cette configuration (fig. 3.8) consiste à réaliser un essai de compression sur
un cylindre enveloppé d’une cellule de matériau plus "résitant" qui va permettre de réduire les dépla-
cements radiaux de l’échantillon. Une jauge de déformation est placée à l’extérieur de la cellule, elle
permettra d’obtenir la mesure de la pression hydrostatique et de la contrainte équivalente de l’échan-
tillon. Un produit est introduit entre l’éprouvette et la cellule afin d’éviter toute compression uniaxiale.
En effet, les défauts de forme et de parallélisme sont quelquefois importants pour des éprouvettes de
géomatériaux. Si le matériau n’est pas en contact avec la cellule, il sera soumis à un essai de com-
pression uniaxiale jusqu’à ce qu’il touche la cellule. Or il risque de rompre avant d’être confiné. La
présence d’un produit d’interface permet de réduire ce problème. Le produit utilisé est une résine
époxyde bi-composant, le Chrysor C6120, utilisée habituellement comme colle à bétons pour com-
bler les vides. Le Chrysor est introduit dans la cellule sous sa forme liquide puis durcit au bout de 24
heures. Gatuingt [Gatuingt 99] a réalisé de nombreux essais de compression quasi œdométrique dy-
namique sur un micro-béton MB50. Ces essais montrent que le matériau subit un fort écrouissage. Ils
montrent aussi que la vitesse de déformation a une influence relativement faible par rapport aux essais
de compression simple étudiés auparavant. Cela conforte l’idée d’un confinement artificiel causé par
l’inertie radiale du matériau.
60 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
échantillon
de roche bouchon en acier
cellule de
confinement
Des essais quasi œdométriques ont été réalisés et analysés sur du béton et de l’aluminium [Forquin 06].
Les auteurs présentent une analyse des résultats d’essais qui sera utilisée pour les essais sur les cal-
caires. Afin d’exploiter les essais quasi œdométriques en vue d’identifier un modèle de comportement
en compression confinée, il est nécessaire d’effectuer une hypothèse importante. L’essai de compres-
sion quasi œdométrique est un essai piloté en déformation axiale. Le confinement de l’éprouvette
n’est pas piloté. La déformation axiale et la pression hydrostatique sont donc deux grandeurs liées.
Comment savoir alors, si la variation de la contrainte de rupture est due à l’augmentation de la défor-
mation axiale ou à l’augmentation de la pression hydrostatique ? Pour identifier les paramètres d’un
modèle à partir d’essais quasi œdométriques, il faut distinguer les deux phénomènes. Par exemple
Forquin et al. [Forquin 06] ont choisi de présenter le comportement en compression par une courbe
contrainte déviatorique/déformation équivalente pour l’aluminium et par une courbe contrainte dévia-
torique/pression hydrostatique pour le béton. Les auteurs ont donc supposé que la pression hydrosta-
tique a peu d’influence sur la rupture de l’aluminium, alors que pour le béton, ils supposent qu’il n’y
a pas d’influence de la variation de la déformation pour une pression fixe. Pour les calcaires, la même
hypothèse que celle faite pour le béton sera utilisée, c’est-à-dire que l’influence de l’augmentation de
la déformation est négligeable devant celle de la pression hydrostatique.
Pour identifier le comportement des calcaires, une seule cellule est utilisée. Pour cela, la cel-
lule est sollicitée de façon que son comportement reste élastique. Les mesures réalisées lors de l’essai
sont l’effort axial, la déformation axiale de l’éprouvette et la déformation orthoradiale sur la face
extérieure de la cellule. Une solution analytique relie la pression hydrostatique et la contrainte dévia-
torique de l’éprouvette aux mesures. L’objectif de cette analyse est de déterminer la relation entre la
contrainte équivalente de von Mises σeq et la pression hydrostatique p des roches. Pour cela, il faut
connaître les contraintes radiale et axiale auxquelles sont soumises les roches. En effet, le tenseur
des contraintes d’un matériau soumis à un essai quasi œdométrique d’axe (O,ez ) s’écrit dans la base
cylindrique (er ,eθ ,ez )
σradiale
0 0
σ= 0 σradiale 0 (3.3)
0 0 σaxiale (e ,e
r θ ,ez )
Rupture en compression et en traction 61
Les données géométriques sont représentées sur la figure 3.9. Les propriétés mécaniques du confi-
nement seront indexées par la lettre C. Le système de coordonnées cylindriques est utilisé. On suppose
σradiale h
ez
ri
re
que la cellule de confinement garde son comportement élastique (module d’Young E C = 205 GPa, co-
efficient de Poisson νC = 0.3). On note σradiale (fig. 3.9) la pression à laquelle est soumise la cellule
de confinement. On suppose que la cellule est sollicitée par cette pression sur toute sa hauteur et que
le déplacement de la cellule est exclusivement radial et ne dépend que du rayon r : uC = uC (r)er .
L’équilibre et la relation de comportement élastique linéaire isotrope conduisent à l’équation suivante
(voir chapitre 2)
r2 uC,rr (r) + ruC,r (r) − uC (r) = 0 (3.5)
dont la solution est
K2
uC (r) = K1 r + (3.6)
r
où K1 et K2 sont des constantes déterminées à l’aide des conditions aux limites
On en déduit que
1 + νC ri2 re ³ C r re ´
uCr (r) = − (1 − 2ν ) + σradiale (3.8)
E C re2 − ri2 re r
1 + νC ri2 ³ re2 ´
εCθ (r) = − 1 − 2νC
+ σradiale (3.9)
E C re2 − ri2 r2
62 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
L’équation (3.9) nous permet de déterminer σradiale à partir de la mesure de la déformation orho-
radiale de la cellule pour r = re . Pour calculer la contrainte axiale σaxiale , il faut déterminer la dé-
formation radiale εradiale à laquelle est soumise la roche puisqu’elle décrit la variation de section de
l’éprouvette
Faxiale
σaxiale = (3.10)
S0 (1 + εradiale )
où S0 est la section initiale de l’éprouvette. Cette expression prend également en compte le fait que
les bouchons ne se déforment quasiment pas par rapport à l’éprouvette [Forquin 06]. L’expression de
εradiale s’écrit à l’aide de la continuité du déplacement radial entre la roche et la cellule en r = ri
à µ ¶2 !
1 1 re
εradiale = + εCθ (re ) (3.11)
2 2(1 − ν ) ri
C
A partir des données Faxiale et εCθ (re ), les équations (3.9), (3.10) et (3.11) permettent de déterminer
σradiale et σaxiale et donc la contrainte déviatorique et la pression hydrostatique (éq. (3.4)).
Cependant, la solution analytique présentée nécessite des hypothèses discutables. En effet, le fait
que la pression σradiale ne s’applique pas sur la même hauteur au cours de l’essai et l’effet tonneau de
la cellule ne sont pas pris en compte. Pour cela, Forquin et al. [Forquin 06] ont utilisé un calcul aux
éléments finis de l’essai quasi œdométrique afin de s’affranchir de ces hypothèses. Des simulations de
la cellule soumise à une pression σradiale sont effectuées. Afin de prendre en compte la diminution de
hauteur sur laquelle la pression σradiale s’exerce, deux simulations sont réalisées : une pour la hauteur
de l’éprouvette (dans notre cas 40 mm) et une autre pour une déformation axiale de 15 %, soit une
hauteur de 34 mm. A partir de ces résultats, deux fonctions reliant σradiale et εCθ (re ) sont identifiées
pour chaque hauteur ( f40 (εCθ (re )) pour une hauteur de 40 mm et f34 (εCθ (re )) pour 34 mm) (fig. 3.10).
On suppose alors que la contrainte radiale est une fonction linéaire de la déformation axiale
-100 f40
f34
solution analytique
-200
-300
σradiale (MPa)
-400
-500
-600
-700
0 0.0005 0.001 0.0015 0.002
εθC(re)
εaxiale εaxiale
µ ¶ µ ¶
σradiale = 1 − f40 (εCθ (re )) + f34 (εCθ (re )) (3.12)
εre f εre f
Rupture en compression et en traction 63
où εre f = −0.15. La figure 3.10 montre que les fonctions f40 et f34 sont linéaires étant donné que le
comportement de la cellule est élastique. L’erreur relative de la pente entre f40 et f34 est de 14 % alors
que celle entre f40 et la solution analytique est de 16 %. Ceci montre bien l’intérêt de l’utilisation
d’une solution numérique.
De plus, l’effet tonneau est pris en compte pour déterminer εradiale . On suppose pour cela que
la dépendance du déplacement radial de la cellule par rapport à la variable z est parabolique
³ ´ µ 2z ¶2
C C C C
ur (z) = ur (z = 0) + ur (z = h/2) − ur (z = 0) (3.13)
h
On en déduit alors que la déformation radiale moyenne vaut
2 1
εradiale = εCθ (ri , z = 0) + εCθ (ri , z = h/2 −Uaxial ) (3.14)
3 3
La prise en compte de ce phénomène nécessite une nouvelle mesure de déformation sur la cellule.
La jauge de déformation est placée à z = 18 mm. Afin de relier les déformations du rayon intérieur à
celles du rayon extérieur, la simulation est une nouvelle fois utilisée. Le comportement de la cellule
étant toujours élastique, ces déformations sont proportionnelles. Pour prendre en compte le fait que la
hauteur de la sollicitation diminue au cours de l’essai, une moyenne est retenue entre une hauteur de 40
mm et une de 34 mm. Le rapport εCθ (ri , z = 0)/εCθ (re , z = 0) vaut alors 3.04 et εCθ (ri , z = 20)/εCθ (re , z =
18) vaut alors 2.28. La solution analytique donne un rapport constant de 3.28.
4.2.3 Expérimentations
Trois essais quasi œdométriques ont été réalisés sur chaque roche. Ils ont été effectués au Labora-
toire de Mécanique des Solides (LMS) de l’Ecole Polytechnique à Palaiseau (92). Afin de mettre en
place l’éprouvette dans la cellule, un montage a été réalisé par Safa et Forquin au LMS. Les carac-
téristiques des différents composants sont données dans le tableau 3.5. Pour placer le Chrysor entre
la cellule et l’éprouvette, le produit est tout d’abord placé dans la cellule puis l’échantillon est inséré
dans la cellule remplie de Chrysor liquide à l’aide d’une presse manuelle. Le Chrysor s’écoule alors
entre la cellule et l’éprouvette, puis déborde pour être sûr qu’il n’y a pas des vides d’air. Le tout sèche
64 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
Les propriétés géométriques des éprouvettes testées sont récapitulées dans le tableau 3.6. Les
essais ont été réalisés sur des barres d’Hopkinson [Hopkinson 14] en acier de 80 mm de diamètre. La
contrainte et la déformation axiales sont mesurées de manière classique à l’aide de jauges placées sur
les barres entrante et sortante. Avec un projectile, on induit une onde longitudinale de compression
dans la barre entrante. Une partie de cette onde se réfléchit à l’interface barre-échantillon, une autre
se transmet à l’échantillon puis dans la barre sortante (fig. 3.11). Dans l’hypothèse d’une propagation
onde réfléchie
Malgré les différences de vitesses du projectile des essais, la vitesse de déformation axiale est
assez proche pour chacun des essais. Il sera donc impossible d’estimer l’influence de la vitesse de
déformation à partir de ces seuls essais. Les vitesses de projectile ont été choisies afin de solliciter la
cellule élastiquement.
Les figures 3.12 et 3.13 montrent les comportements déviatorique et sphérique des deux roches.
640
350
560
contrainte équivalente (MPa)
0 0
0 200 400 600 800 0 200 400 600 800
pression hydrostatique (MPa) pression hydrostatique (MPa)
(a) Calcaire crinoïde. (b) Blanche de Beaucaire.
800
800 700
pression hydrostatique (MPa)
pression hydrostatique (MPa)
600
600
500
400
400
300
essai C1
essai C2 200
200 essai C3 essai B1
essai B2
100 essai B3
0 0
-0.05 -0.04 -0.03 -0.02 -0.01 0 -0.16 -0.12 -0.08 -0.04 0
déformation volumique déformation volumique
(a) Calcaire crinoïde. (b) Blanche de Beaucaire.
(fig. 3.12) montre que plus la vitesse du projectile est importante, plus le signal est entaché de vi-
brations sauf pour l’essai C3. Pour ce dernier essai, il a été décidé d’utiliser un "pulse shaper". C’est
un morceau de plomb placé sur la surface d’impact du projectile et de la barre entrante. Ce "pulse
shaper" permet d’atténuer la pente du front de montée de la sollicitation. La figure 3.12 confirme
la grande sensibilité des deux roches à la pression hydrostatique. Les trois essais de la blanche de
Beaucaire (fig. 3.12(b)) ont un comportement déviatorique très proche. L’essai B3 atteint une pres-
sion de confinement de 800 MPa pour laquelle la contrainte équivalente vaut environ 350 MPa. Alors
que la contrainte de rupture de la blanche de Beaucaire est de 11 MPa en compression simple, la
contrainte équivalente atteint 120 MPa dès 200 MPa de confinement. Pour le calcaire crinoïde, il est
difficile d’interpréter les essais C1 et C2 à cause des vibrations. En revanche l’essai C3 montre que la
contrainte équivalente atteint 320 MPa dès 200 MPa de confinement alors que la contrainte de rupture
de cette roche est de 150 MPa en compression simple. Cet essai atteint une pression de confinement
de 900 MPa pour laquelle la contrainte équivalente vaut environ 630 MPa.
Le comportement sphérique de la blanche de Beaucaire (fig. 3.13(b)) est assez proche pour les
trois essais. Pour une déformation volumique faible (≤ 1 %) la pente est plus élevée puis diminue par
la suite. Pour l’essai B3 la déformation volumique atteint 18 % alors que la porosité est d’environ
14 %. Cependant aucune rupture de pente n’est observée pour une déformation volumique de 14 %.
Les vibrations observées pour les essais C1 et C2 ne permettent pas d’observer la pente au début de
la courbe du comportement sphérique (fig. 3.13(a)). Pour l’essai C3, la rupture de pente est moins
importante en début de courbe que pour la blanche de Beaucaire. Ensuite la courbe est quasiment
linéaire.
contrainte
équivalente
d
pression
hydrostatique
L’identification des paramètres du modèle de Drucker-Prager est seulement faite à partir de l’essai
C3 pour le calcaire crinoïde (fig. 3.15). La régression linéaire est réalisée à partir d’une contrainte
640
560
24.8°
480
contrainte équivalente (MPa)
400
320
240
160
80
0
0 200 400 600 800
proche pour les deux roches, ce qui signifie que la pression hydrostatique a environ la même influence
pour ces matériaux. En revanche, le facteur de cohésion du calcaire crinoïde est supérieur à celui de
la blanche de Beaucaire. Ce résultat était attendu étant donné que les caractéristiques mécaniques
du calcaire crinoïde sont toujours plus élevées que celles de la blanche de Beaucaire. Cependant, on
peut noter que le rapport des facteurs de cohésions des deux roches (environ 3.5) est beaucoup plus
faible que celui des contraintes de rupture en compression uniaxiale (environ 13). Cela signifie que le
confinement améliore davantage la résistance de la blanche de Beaucaire.
Modèle KST (Krieg-Swensson-Taylor) Afin de décrire le comportement des roches pour de forts
chargements dynamiques, Krieg [Krieg 72], Swensson et Taylor [Swenson 83] ont écrit un modèle
représentant à la fois la rupture en tension et les comportements déviatorique et sphérique du matériau.
68 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
La fragmentation est décrite par un critère sur la contrainte maximale principale qui ne sera pas utilisé.
L’influence de la pression hydrostatique sur la limite d’élasticité est prise en compte de manière
parabolique (et non linéaire comme le modèle de Drucker-Prager). La fonction de charge s’écrit alors
r
3 1 ³ ´
f = σeq − a2 p + a1 p + a0 avec σeq = σD : σD et p = − Tr σ
p
2 (3.22)
2 3
Ce modèle permet de plus de décrire l’influence de la déformation volumique εV sur le comporte-
ment sphérique et notamment sur le module de compressibilité K
Forquin et al. [Forquin 07] proposent une loi linéaire par morceau entre la pression hydrostatique
p et la déformation volumique εV (fig. 3.16)
(2)
−Ki εV lorsque εV ≤ εV
(i) (i−1)
εV −εV (i) εV −εV
(i−1) (i)
p= p(i−1) (i−1) (i) + p (i) (i−1) lorsque εV ≤ εV ≤ εV (3.24)
εV −εV εV −εV
−K ε (n)
lorsque εV ≥ εV
f V
pression
hydrostatique
Kf
(4)
(3)
(2)
(1) Ki
déformation
volumique
L’dentification des différents paramètres du modèle KST est rassemblée dans le tableau 3.8. Elle
TAB . 3.8: Résultats de l’identification des paramètres du comportement déviatorique du modèle KST.
L’essai "blanche de Beaucaire" est la moyenne des essais B1, B2 et B3.
nom de l’essai a0 a1 a2 σmax
eq σmin
eq
C3 −63700 MPa2 777 MPa −0.297 635 MPa 150 MPa
B1 3600 MPa2 86.1 MPa 0.0816 350 MPa 10 MPa
B2 629 MPa 2 63.4 MPa 0.123 350 MPa 10 MPa
B3 1490 MPa2 90.2 MPa 0.0660 350 MPa 10 MPa
blanche de Beaucaire 1800 MPa 2 80 MPa 0.09 350 MPa 10 MPa
a été réalisée à partir d’une contrainte équivalente supérieure à 150 MPa et à l’aide seulement de l’es-
sai C3 pour le calcaire crinoïde et à partir d’une pression hydrostatique de 100 MPa pour la blanche
Rupture en compression et en traction 69
700
640
600
400
350
300
200
calcaire crinoïde
100 blanche de Beaucaire
0
0 200 400 600 800 1000
de Beaucaire. La figure 3.17 montre la modélisation du comportement déviatorique des deux roches.
On peut observer que le comportement déviatorique de la blanche de Beaucaire est quasiment linéaire
contrairement à celui du calcaire crinoïde. Le niveau de la contrainte équivalente est plus élevé pour le
calcaire crinoïde. Une contrainte équivalente minimale σmin eq est utilisée pour éviter une résistance en
compression trop faible. Elle est choisie égale à la contrainte de rupture en compression uniaxiale σc .
Une contrainte équivalente maximale σmaxeq est utilisée car la résistance n’est pas infinie. Leurs valeurs
sont déduites de la valeur maximale mesurée lors des essais (tab. 3.8). Le comportement sphérique
est modélisé par deux droites brisées dont les points sont indiqués dans le tableau 3.9. Il est repré-
TAB . 3.9: Résultats de l’identification des paramètres du comportement sphérique du modèle KST.
Les points (2) et (3) sont définis dans la figure 3.16. εV est la déformation volumique et p la pression
hydrostatique.
point (2) point (3)
calcaire crinoïde
εV (2) = −0.01 p(2) = 193 MPa εV (3) = −0.051 p(3) = 900 MPa
blanche de Beaucaire
εV (2) = −0.013 p(2) = 130 MPa εV (3) = −0.18 p(3) = 810 MPa
senté sur la figure 3.18. Comme observé sur la courbe expérimentale (fig.3.13(a)), le comportement
sphérique du calcaire crinoïde est quasiment linéaire. En raison de la grande porosité de la blanche de
Beaucaire, son module de compressibilité est plus faible que celui du calcaire crinoïde.
800
400
calcaire crinoide
200 blanche de Beaucaire
0
-0.2 -0.15 -0.1 -0.05 0
déformation volumique
phénomènes sont dûs à la présence de défauts ou d’inclusions dans la matière, qui sont à l’origine
de la naissance des fissures conduisant à la rupture de l’éprouvette. La théorie de Weibull permet
de modéliser ce caractère aléatoire de la rupture en établissant des liens entre la microstructure et le
comportement macroscopique du matériau.
Ve f f σr m
µ µ ¶ ¶
Pr = 1 − exp − (3.25)
V0 σ0
+∞
µ ¶2 µ ¶
¡ et ¢2 Z dPr V0 m 2
σr = (σr − σr )
2
dσ = σ0
2
Γ 1+ − σr (3.28)
0 dσr Ve f f m
Rupture en compression et en traction 71
La probabilité de rupture énoncée par Weibull (éq. (3.25)) peut être retrouvée à l’aide d’une hy-
pothèse de répartition Point-Poissonnienne des défauts [Jeulin 91]. Dans une structure Ω, le nombre
moyen de défauts N(Ω) est défini par sa densité λ(x)
Z
N(Ω) = λ(x)dΩ (3.30)
Ω
avec x un point de Ω. Pour une densité constante λ(x) = λ, le processus est dit stationnaire et N(Ω) =
λV ou V est le volume de Ω. On peut alors définir la probabilité de trouver δ défauts dans la structure
Ω
(λV )δ
P(δ) = exp(−λV ) (3.31)
δ!
On suppose que la rupture a pour origine le maillon le plus faible, c’est-à-dire que la rupture
d’un seul défaut entraîne la rupture de la structure. Cela signifie que la probabilité de survie de la
structure Ω de volume V, Ps est égale à la probabilité de ne trouver aucun défaut actif dans le volume
V , P(δ = 0). On peut alors exprimer la probabilité de rupture du volume V , Pr
Pr = 1 − Ps = 1 − P(δ = 0) = 1 − exp(−λV ) (3.32)
On suppose que la densité de défaut actif pour une contrainte uniforme σ suit la loi suivante
σ
µ ¶m
λ = λ0 (3.33)
σ0
où m est le module de Weibull et λ0 /σm0 le paramètre d’échelle de Weibull, identifiés sous chargement
quasi statique. On trouve la probabilité de rupture
V σr m
µ µ ¶ ¶
Pr = 1 − exp − (3.34)
V0 σ0
avec σr la contrainte de rupture et V0 = 1/λ0 . Pour un état de contraintes hétérogènes dans la structure
Ω, la probabilité de rupture s’écrit alors comme celle énoncée par Weibull (éq. (3.25))
Ve f f σr m
µ Z ¶ µ µ ¶ ¶
Pr = 1 − exp − λ (σ(x)) dΩ = 1 − exp − (3.35)
Ω V0 σ0
Le modèle de microstructure (éq. (3.33)) est valable même si l’hypothèse du maillon le plus faible
n’est plus valable. Il sera d’ailleurs utilisé pour la modélisation de la fragmentation dynamique du
chapitre 4. De plus, l’identification quasi statique des paramètres de Weibull peut être utilisée pour la
modélisation dynamique [Grange 07].
72 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
4.3.3 Expérimentation
La machine utilisée a une capacité de ±100 kN. Le montage permet d’avoir une distance maximale
entre appuis de 150 mm. L’accostage a été effectué à effort imposé (jusqu’à ce que l’effort soit non
nul) puis, pendant l’essai, le déplacement a été imposé. Le diagramme de Weibull est tracé sur la
figure 3.20. La pente des courbes représente le module de Weibull. Les résultats sont mc = 22.3 ± 0.1
et σ0c = 18.6 ± 0.7 MPa pour V0c = 1 cm3 pour le calcaire crinoïde et mb = 3.8 ± 0.5 et σ0b = 5 ± 2
MPa pour V0b = 1 cm3 pour la blanche de Beaucaire. La figure 3.20 montre que la dispersion de
la contrainte de rupture en tension du calcaire crinoïde est plus faible que celle de la blanche de
Beaucaire ce qui explique la différence de module de Weibull. Plus la dispersion est importante,
plus le module de Weibull est faible. De plus, le niveau de contrainte est plus élevé pour le calcaire
crinoïde, ce qui est cohérent avec le comportement en compression. Pour un volume effectif de 1 cm3 ,
la contrainte de rupture en tension du calcaire crinoïde est de 18 ± 0.7 MPa et de 4.5 ± 2 MPa pour la
blanche de Beaucaire.
5 Ténacité
La ténacité est la valeur critique du facteur d’intensité des contraintes lors de la propagation de la
fissure. En effet, lorsque le facteur d’intensité des contraintes dépasse la ténacité du matériau, la fissure
se propagera de manière instable. La ténacité est une grandeur mécanique qui permet de caractériser
la résistance à la propagation de fissures dans un matériau. Cette propriété a une grande influence sur
la fissuration des roches. Notamment en carrière, celle-ci peut permettre d’anticiper les fissures dans
le massif induites par les tirs précédents par la caractérisation du rayon de fragmentation simple par
exemple (chapitre 2). Afin de caractériser le facteur d’intensité des contraintes, plusieurs géométries
Ténacité 73
-1
ln(-ln(1-Pr))
-2
-3
calcaire crinoïde
-4 blanche de Beaucaire
-5
14 14.5 15 15.5 16 16.5 17
ln[σr(Pa)]
d’éprouvettes peuvent être utilisées [Murakami 87], dont les plus courantes sont : l’éprouvette de
traction compacte (éprouvette CT) et l’éprouvette de flexion. Si le comportement du matériau en cours
d’essai est parfaitement élastique, il est possible de déterminer la ténacité à partir de la mesure de la
charge à rupture [Srawley 76]. On peut supposer que cette hypothèse est vérifiée pour les matériaux
tels que les calcaires. Les éprouvettes utilisées doivent être entaillées, la géométrie de cette entaille
doit être la plus proche possible de celle d’une fissure. Pour les matériaux fragiles, la propagation
de la fissure est un phénomène instable qui amène à la ruine de l’éprouvette. Différentes méthodes
de préfissuration d’éprouvettes de matériaux fragiles peuvent être utilisées [Nose 88, Lawn 93], dont
l’essai sandwich [Pancheri 98] est un des plus simples à réaliser. Cet essai permet la préfissuration
d’éprouvettes de calcaire. Afin d’observer la préfissure lors de l’essai une méthode de corrélation
d’images est utilisée [Forquin 04]. Les résultats des essais de flexion, choisis pour mesurer la ténacité
sont discutés. La mesure de la ténacité est à la fois déterminée en utilisant l’essai normalisé et la charge
à rupture [Srawley 76] ou en utilisant les déplacements mesurés par corrélation d’images [Roux 06].
LP a
KI = 3/2
f (α) où α = et L = 4w (3.40)
bw w
3 √ 1.99 − α(1 − α)(2.15 − 3.93α + 2.7α2 )
avec f (α) = α
2 (1 + 2α)(1 − α)3/2
L’équation (3.40) montre que la fonction f permet de calculer la ténacité KIc pour une géométrie
et un effort critique Pc . Etant donné que f est une fonction strictement croissante, il ne peut pas y
avoir de phase stable de propagation. En effet, lorsque l’éprouvette est soumise à l’effort Pc pour
lequel la fissure commence à se propager, on observe une rupture catastrophique. L’effort appliqué et
la géométrie restent inchangés. Seule la longueur de la fissure a augmente ce qui a pour conséquence
74 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
w b
d’augmenter le facteur d’intensité des contraintes (puisque f est croissante) qui reste au dessus de la
valeur de la ténacité. La fissure se propage donc jusqu’à rupture de l’éprouvette. Pour avoir l’arrêt de
la fissure, il faut que f ait un maximum. C’est pourquoi on peut utiliser une configuration sandwich
pour préfissurer l’éprouvette.
Ptot
bA
wA Poutre A
wn Poutre n bn
wB Poutre B
bB
L
frottement entre les poutres est négligé et il est supposé que les hypothèses classiques du modèle de
poutre sont vérifiées. La rigidité d’une poutre en flexion est (EI) où E est le module d’Young et I
le moment d’inertie de la poutre en flexion (I = bw3 /12). Pour le système de l’essai sandwich (fig.
3.22(a)), la rigidité en flexion vaut
(EI)tot = ∑(EI)i où i est l’indice de la poutre (A, B ou n). (3.41)
i
Chaque poutre subit la même déflexion, on en déduit que le moment fléchissant de chaque poutre
Mi s’écrit
(EI)i
Mi = Mtot (3.42)
(EI)tot
Ténacité 75
où Mtot = Ptot L/4 et Ptot est la charge à laquelle est soumis l’ensemble des poutres. On en déduit la
charge à laquelle est soumise chaque poutre i
4Mi (EI)i
Pi = = Ptot (3.43)
L (EI)tot
Chaque poutre i est soumise à une charge Pi en flexion trois points. La poutre n est entaillée sur une
longueur a. L’équation (3.40) permet de calculer le facteur d’intensité des contraintes en connaissant
la charge Pn (en assimilant l’entaille à une fissure)
(EI)n
Pn = Ptot (3.44)
(EI)tot
Il faut donc exprimer la rigidité de la poutre n en fonction de sa géométrie et de la longueur de la
fissure a. La mécanique de la rupture permet d’écrire
µ Z a/w ¶−1
(EI)n
= 1 + 2(1 − ν )
2 2
f (α)dα (3.45)
(EI)0 0
bw3
(EI)0 = (3.46)
12
Pancheri et al. [Pancheri 98] estiment l’expression (3.45) par
µ ¶
(EI)n
= (1 − α)3/2 (0.992 + 1.639α − 6.225α2 + 7.063α3 − 3.324α4 ) (3.47)
(EI)0 approx
On peut alors calculer le facteur d’intensité des contraintes de la poutre n à l’aide des équations
(3.40) et (3.43)
Ptot L
KI = 3/2 f (α)φ(α) (3.48)
bw
où φ s’écrit
(EI)n 1 (EI)A + (EI)B
φ(α) = = avec r 0 = (3.49)
(EI)tot 1 + r0 (EI)0
(EI)n
(EI)0
L’équation (3.49) montre que le matériau ductile n’intervient que dans l’expression r0 . L’équation
(3.48) montre que la dépendance du facteur d’intensité des contraintes KI par rapport à α est f (α)φ(α)
et non plus f (α) comme pour l’essai de flexion trois points SENB (éq. (3.40)). Le graphique 3.23 re-
présente, pour une charge et une géométrie données, l’évolution du facteur d’intensité des contraintes
en fonction de la longueur de la fissure a. Contrairement à f (α), la fonction f (α)φ(α) possède un
maximum et tend vers zéro lorsque la fissure se propage. C’est pour cette raison que le facteur d’inten-
sité des contraintes deviendra inférieur à la ténacité et que la fissure s’arrêtera lors de l’essai sandwich.
Pour comprendre le déroulement d’un essai de préfissuration, l’essai sandwich est supposé être
piloté en effort. Le graphique 3.24 représente KI en fonction de la longueur de la préfissure pour dif-
férentes charges. Avant l’essai sandwich, l’éprouvette n est entaillée d’une longueur représentée par
le point A sur la figure 3.24. Il faut appliquer un effort Ptot = P1 pour que la fissure commence à se
propager. Elle se propagera brusquement jusqu’en B si l’effort reste à Ptot = P1 . Si l’effort augmente
pendant la propagation jusqu’à Ptot = P2 , la fissure s’arrêtera en C. Si l’entaille initiale est plus grande
que A′ , la fissure ne se propagera pas brutalement.
L’équation (3.49) montre que l’effet du matériau ductile sur le facteur d’intensité des contraintes
76 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
0.5
0.4
0.3
f.φ
0.2
ν=0
ν=0.3
ν=0.5
0.1
solution de Pancheri
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
a/w
0.4
P3
Ptot r0=5.25
P2 0.35 r0=2
P1
KIc
0.3
P0
0.25
f.φ
KI
0.2
0.15
0.1
0.05
0
A A' B C 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
a/w a/w
intervient seulement par le coefficient r0 . De plus, pour une même géométrie on peut observer que
plus le matériaux est raide (module d’Young élevé), plus r0 est élevé. La figure 3.25 montre l’allure
de f (α)φ(α) en fonction de α pour deux valeur de r0 . Ce graphique montre que l’arrêt de la fissure
a lieu pour une valeur de α plus petite lorsque r0 est élevé. En revanche, la fissure est moins stable
pour une valeur de r0 plus élevée car la courbe est plus plate. Les poutres A et B (fig. 3.22(a)) choisies
pour les essais sur les roches calcaires, sont des poutres d’acier de section carrée de 20 mm de côté,
de 100 mm de longueur et de module d’Young E = 210 GPa. On choisira les mêmes dimensions pour
les roches calcaires. Etant donné que la hauteur de l’épouvette est de 20 mm, la distance entre appuis
de l’essai de flexion 3 points est 80 mm pour respecter la norme des essais SENB (éq. (3.40)).
Afin d’imposer le lieu de la préfissure, une entaille est réalisée à l’aide d’une scie à fil (fig. 3.26).
Le fil est en acier et a un diamètre de 50 µm. Un abrasif (chlorure de bore) est déposé à l’aide d’un
dispositif de goutte à goutte pour réaliser l’entaille. La figure 3.27 montre que la largeur des entailles
est d’environ 100 µm pour les deux roches.
L’objectif de l’essai sandwich est de créer une préfissure la plus courte possible pour que l’es-
sai SENB suivant ait un effort de rupture le plus grand possible. C’est pourquoi, il est important de
détecter rapidement la préfissure lorsqu’elle existe. Une estimation de la charge critique pour laquelle
la préfissure apparaît peut être estimée. L’équation (3.48) s’écrit pour la première charge critique P1c
P1c L KIc bw3/2
KIc = f (αA )φ(αA ) ⇒ P 1c = (3.50)
bw3/2 L f (αA )φ(αA )
où αA est la longueur adimensionnée de l’entaille avant l’essai. Pour déterminer P1C , il est donc in-
dispensable de connaître, outre la géométrie de l’éprouvette, un ordre de grandeur de la ténacité du
matériau. Une estimation est alors faite pour les deux calcaires étudiés : KIcc = 1 MPa.m1/2 et K b =
Ic
0.3 MPa.m1/2 [Grange 04]. Le graphique 3.28 montre que pour une entaille de 20% de la hauteur
30000
calcaire crinoïde
blanche de Beaucaire
20000
P1c (N)
10000
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
α
de l’éprouvette (αA = 0.2), la première charge critique vaut : P1c = 5260 N pour le calcaire crinoïde
et P1c = 10400 N pour la blanche de Beaucaire. Ces premières charges critiques ne sont pas du tout
vérifiées expérimentalement ce qui est la conséquence du frottement entre les poutres, négligé lors de
la modélisation. C’est pourquoi la corrélation d’images est utilisée pour détecter la préfissure.
Afin d’évaluer le rôle du frottement lors d’un essai sandwich, des simulations sont réalisées à
l’aide du code aux éléments finis Abaqus. Les deux points du bas du montage de flexion sont fixes, le
troisième est piloté en déplacement lors des simulations. Les paramètres nécessaires à la simulation
(excepté le coefficient de frottement f ) sont rassemblés dans le tableau 3.10. Le comportement des
poutres A, B et n (fig. 3.22(a)) est élastique.
Pour calculer le facteur d’intensité en pointe de fissure, le code de calcul évalue l’intégrale de
Rice J
∂u
Z µ ¶
J= We dx − T dΓ (3.51)
Γ ∂x
où Γ est un contour ouvert entourant la pointe de fissure, We la densité d’énergie de déformation
élastique, T le vecteur contrainte en un point M du contour Γ avec la normale n tournée vers l’extérieur
Ténacité 79
et u le déplacement au même point (fig. 3.29). En supposant que l’essai sandwich se déroule en
y
T
n
M u
dΓ
déformation plane, l’intégrale de Rice J et le facteur d’intensité des contraintes KI sont reliés par
1 − ν2 2
J= KI (3.52)
E
où E et ν sont respectivement le module d’Young et le coefficient de Poisson du matériau pris en
sandwich.
La figure 3.30 montre le déplacement imposé pour obtenir un facteur d’intensité des contraintes
de 0.3 MPa.m1/2 pour la blanche de Beaucaire et de 1 MPa.m1/2 pour le calcaire crinoïde. La figure
3.30(b) montre que pour le calcaire crinoïde plus le frottement est important, plus le déplacement
80 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
6 0.105
1 0.075
0 0.07
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
f f
(a) Blanche de Beaucaire. (b) Calcaire crinoïde.
F IG . 3.30: Influence du frottement sur le déplacement à imposer pour atteindre un facteur d’intensité
de 0.3 MPa.m1/2 pour la blanche de Beaucaire et de 1 MPa.m1/2 pour le calcaire crinoïde.
imposé doit être grand pour atteindre le facteur d’intensité des contraintes de 1 MPa.m1/2 . Cette ten-
dance peut s’expliquer par le fait que le frottement diminue le déplacement de l’éprouvette de roche
suivant l’axe perpendiculaire à l’entaille. L’entaille (assimilée à une fissure) est alors moins sollicitée
pour un déplacement imposé donné et un grand coefficient de frottement. On observe que l’augmenta-
tion du déplacement imposé est d’environ 50 % entre un coefficient de frottement nul et égal à l’unité.
En revanche, le coefficient de frottement a une plus grande influence pour la blanche de Beaucaire
(fig. 3.30(a)). A partir de f = 0.2, le déplacement imposé croît énormément pour décroître à partir
de f = 0.32. Pour expliquer la raison de la forme de la courbe 3.30(a), la figure 3.31 présente la
contrainte normale (σ11 ) des différentes poutres de l’essai sandwich pour différents coefficients de
frottement pour atteindre un facteur d’intensité des contraintes de 0.3 MPa.m1/2 . Les figures 3.31(c),
3.31(d), 3.31(e) et 3.31(f) montrent tout d’abord que la contrainte normale dans les poutres d’acier est
cohérente avec une sollicitation de flexion 3 points. La contrainte normale est négative au dessus de la
ligne neutre et positive au dessous de celle-ci quelque soit le coefficient de frottement. En revanche,
dans la poutre de blanche de Beaucaire, la contrainte normale dépend du coefficient de frottement.
Pour f = 0, σ11 est linéaire par rapport à l’axe 2, s’annule sur la ligne neutre et est positive autour de
l’entaille. Plus f augmente, plus la contrainte normale autour de l’entaille diminue et devient même
négative. Cette contrainte négative vient du fait qu’à l’interface entre la poutre de blanche de Beau-
caire et la poutre d’acier, le déplacement de la roche est réduit à cause du frottement. En effet, la
différence de module d’Young entre les deux matériaux (E = 6 GPa pour la blanche de Beaucaire et
E = 210 GPa pour l’acier) est tellement importante que lorsque le coefficient de frottement est élevé
la contrainte normale est négative au niveau de l’entaille. Cette dernière n’est donc pas sollicitée de
la même manière suivant le coefficient de frottement. La figure 3.32 montre les différents modes de
sollicitation de l’entaille pour les différents coefficients de frottement. Pour f = 0, l’entaille est solli-
citée suivant le mode I par la contrainte normale positive. En revanche lorsque f dépasse 0.32, cette
tension n’existe plus, il faut donc que la contrainte de compression σ22 soit importante pour que le
facteur d’intensité des contraintes dépasse la ténacité. Lorsque f est supérieur à 0.5 c’est la compres-
sion suivant l’axe 1 qui fait augmenter le facteur d’intensité des contraintes.
Le coefficient de frottement blanche de Beaucaire-acier n’est pas très bien connu et n’a pas été
mesuré. Cependant, sa valeur se situe entre 0.2 et 0.5. Lorsque les essais sandwich de la blanche de
Ténacité 81
déplacement imposé
σ11 (MPa)
poutre en acier
10
8 2
6
4 poutre en blanche de Beaucaire
entaille
2
0 poutre en acier
-2
-4 1
F IG . 3.31: Contrainte normale (σ11 ) des différentes poutres de l’essai sandwich pour différents coeffi-
cients de frottement (les poutres sandwich sont en acier, la poutre centrale est en blanche de Beaucaire
(tab. 3.10)).
σ22
σ22 σ22 σ22
Beaucaire ont été effectués, les éprouvettes de roche se sont rompues en compression (d’axe 2) avant
que le préfissure ne soit créée. La figure 3.33 montre l’évolution de la contrainte maximale de com-
pression σ22 en fonction du coefficient de frottemment f lorsque le facteur d’intensité des contraintes
vaut 0.3 MPa.m1/2 pour la blanche de Beaucaire. On peut voir que lorsque le frottement dépasse la
0
σc
contrainte de compression maximale (MPa)
-50
-100
-150
-200
valeur de 0.2, la contrainte σ22 est supérieure (en norme) à la contrainte de rupture en compression
σc de la blanche de Beaucaire. Cela explique pourquoi les éprouvettes rompent en compression lors
d’essais sandwich sur la blanche de Beaucaire avec des poutres en acier.
Afin de remédier à ce problème, des poutres en alliage d’aluminium sont utilisées pour les essais
sandwich de la blanche de Beaucaire. L’alliage d’aluminium a un module d’Young trois fois moins
élevé que l’acier. La figure 3.34(a) montre d’ailleurs que l’augmentation du déplacement imposé a
lieu pour un coefficient de frottement plus élevé (0.65 au lieu de 0.32 pour l’acier). Etant donné que
le coefficient de frottement blanche de Beaucaire-aluminium est compris entre 0.2 et 0.5, la figure
3.34(b) montre que σ22 est toujours supérieure (en norme) à la contrainte de rupture en compression
σc . Les éprouvettes de blanche de Beaucaire se sont en effet bien préfissurées avec les poutres d’alu-
minium. Aucune n’a été rompue en compression.
Mesure de champs de déplacement par corrélation d’images Ce paragraphe a pour but d’énon-
cer brièvement les principes de la corrélation d’images utilisés par CORRELILMT [Hild 99, Hild 02,
Besnard 06]. La corrélation d’images permet de déterminer le déplacement entre deux images :
l’image de référence et l’image déformée. Pour cela, l’image (ou la région d’étude) est décomposée en
zones d’étude où l’hypothèse d’une déformation uniforme est faite. Soient f et g respectivement les
distributions de niveaux de gris de l’image de référence et de l’image déformée, u (x) le déplacement
Ténacité 83
6 -50
déplacement imposé (mm)
4 -100
2 -150
0 -200
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1
f f
(a) Déplacement imposé. (b) Contrainte de compression σ22 .
Le problème nécessite des hypothèses de régularité pour être résolu. Supposons que f et g soient
suffisamment régulières et que le déplacement v soit petit en amplitude pour appliquer un développe-
ment de Taylor au premier ordre de Φ
Z
Φ (v) = [g (x) − f (x) + v (x) .∇g (x)]2 dx (3.55)
L’équation (3.55) montre que le déplacement ne peut être mesuré que dans la direction du gradient.
Afin de résoudre ce problème, le champ de déplacement est écrit comme une combinaison linéaire
d’une base de fonctions V i (x)
v (x) = ∑ viV i (x) (3.56)
i
La minimisation de Φ s’écrit alors pour tout j
·Z ¸ Z
(∇g ⊗ ∇g) (x) : V j ⊗V k (x) dx vk = [ f (x) − g (x)] ∇g (x) .V j (x) dx
¡ ¢
(3.57)
où ⊗ et : sont respectivement les produits tensoriel et contracté. L’équation (3.57) peut se mettre sous
la forme d’un système linéaire
MV = F (3.58)
où V contient les composantes vi recherchées et M et F sont connus à partir de f , g et V i . Cette
méthode est limitée par l’hypothèse d’une amplitude de déplacement faible pour le développement
84 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
de Taylor (éq. (3.55)). Une stratégie multi-échelles est alors utilisée [Hild 02, Besnard 06]. L’algo-
rithme de corrélation comporte alors plusieurs étapes à des échelles différentes : c’est-à-dire pour des
régions d’étude de tailles différentes, de la plus grande à la plus petite. La première étape calcule un
déplacement "grossier" qui sera déjà pris en compte pour la deuxième étape. Ceci permet donc de
limiter l’amplitude des déplacements pour chaque étape de calcul. La base utilisée pour décomposer
le déplacement peut être diverse. On peut notamment utiliser les éléments Q4 comme pour les calculs
aux éléments finis. Cette base permet d’avoir une continuité du champ de déplacement. C’est ce qui
a été fait ici.
Pour capturer les images, un appareil photo (CANON EOS 350) caméra 12 bits est utilisé. L’image
de référence est prise pour un effort proche de 1 kN pour compenser tous les jeux de la machine et
du montage. Pendant l’essai, l’effort augmente. Lorsqu’il s’approche de la première charge critique,
l’essai est arrêté pour prendre une image à effort constant. Si l’analyse de cette image ne montre pas
la création d’une fissure, l’essai continue. Sinon l’essai est terminé. Les figures 3.35 et 3.36 montrent
le champ de déplacement vertical mesuré par corrélation. Elles permettent d’observer la création et la
progression de la préfissure. Pour le calcaire crinoïde la préfissure a été créée entre 8800 N et 9100 N
et pour la blanche de Beaucaire entre 4300 N et 4800 N.
−2 −2
1000 −3 1000 −3
−3.5 −3.5
1500 1500
200 400 600 8001000 200 400 600 8001000
(a) Mouchetis. (b) F=8400 N. (c) F=8800 N.
−2 −2 −2
F IG . 3.35: Champ de déplacement vertical mesuré par corrélation pour une éprouvette de calcaire
crinoïde pour différents efforts. La zone d’étude fait 16 × 16 pixels, 1 pixel ↔ 20.8 µm.
0 0
500 500
2 2
1000 4 1000 4
1500 6 1500 6
0 0 0
500 500 500
2 2 2
F IG . 3.36: Champ de déplacement vertical mesuré par corrélation pour une éprouvette de blanche de
Beaucaire pour différents efforts. La zone d’étude fait 16 × 16 pixels, 1 pixel ↔ 20.8 µm.
TAB . 3.11: Ténacité mesurée pour chaque éprouvette à l’aide de l’essai SENB.
matériau calcaire crinoïde
charge critique (N) 338 220 381
α 0.52 0.67 0.47
ténacité (MPa.m1/2 ) 1.34 1.53 1.34
matériau blanche de Beaucaire
charge critique (N) 230 149 125
α 0.34 0.33 0.35
1/2
ténacité (MPa.m ) 0.58 0.38 0.36
pour le calcaire crinoïde est 1.40 MPa.m1/2 alors que pour la blanche de Beaucaire, elle vaut 0.44
MPa.m1/2 .
Mesure du facteur d’intensité des contraintes par corrélation d’images Afin de déterminer le
facteur d’intensité des contraintes par corrélation d’images, des fonctions contribuant aux déplace-
86 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
Ψ1 (z) = 1 (3.59)
Ψ2 (z) = i
Ψ3 (z) = iz
Ψ4 (z) = (κ − 1) z + 2z̄
√ ³ iθ/2 ´
Ψ5 (z) = r 2κe − e3iθ/2 − e−iθ/2
√ ³ ´
Ψ6 (z) = i r 2κeiθ/2 + e3iθ/2 − 3e−iθ/2
√ ³ ´
Ψ7 (z) = 3
r 2κe 3iθ/2
− 3e iθ/2
+e −3iθ/2
√ ³ ´
Ψ8 (z) = i r3 2κe3iθ/2 + 3eiθ/2 − 5e−3iθ/2
avec
L’origine du repère est la pointe de la fissure. z = reiθ sont les coordonnées polaires. Le dépla-
cement de corps rigide est pris en compte par les fonctions Ψ1 , Ψ2 (translation) et Ψ3 (rotation). Ψ4
permet de prendre en compte la contrainte T . La présence de la fissure engendre deux champs de
déplacement singuliers indépendants correspondant au mode I (Ψ5 ) et au mode II (Ψ6 ) dont l’ampli-
tude permet de déterminer les facteurs d’intensité des contraintes. Enfin, afin d’enrichir la base, des
champs sub-singuliers sont ajoutés (Ψ7 ) et (Ψ8 ).
Deux méthodes peuvent être utilisées afin de déterminer le facteur d’intensité des contraintes :
– par post-traitement, en projetant le champ de déplacement mesuré par corrélation d’images sur
la base Ψ ;
– par une approche intégrée [Roux 06], en utilisant la base Ψ pour la décomposition de v lors de
la mesure du champ de déplacement. Cette méthode ne sera pas utilisée.
Pour déterminer la ténacité des roches à partir des facteurs d’intensité des contraintes pour dif-
férents efforts une régression linéaire est effectuée car l’équation (3.40) montre que P et KI sont
proportionnels pour une géométrie donnée. La ténacité est alors la valeur du facteur d’intensité des
contraintes pour l’effort de rupture Pc . Une étude de l’influence de la base choisie sur le facteur d’in-
tensité des contraintes est effectuée (figs. 3.37 et 3.38). Les figures 3.37(a), 3.37(b), 3.38(a) et 3.38(b)
montrent que la fonction Ψ6 n’a pas une grande influence sur la détermination du facteur d’intensité
des contraintes. Ceci est normal puisque pour un essai de flexion trois points, la fissure n’est sollicitée
qu’en mode I pour une géométrie parfaite. Le champ correspondant à la contrainte T n’influe pas
non plus beaucoup la valeur de KI . Ce résultat est logique car pour l’essai SB celui-ci reste faible.
En revanche les fonctions des champs sub-singuliers Ψ7 et Ψ8 diminuent le facteur d’intensité des
Ténacité 87
KIC
2 2 KIC
KI (MPa.m1/2)
KI (MPa.m1/2)
1.5 1.5
1 1
0.5 0.5
PC PC
0 0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 50 100 150 200 250 300 350 400
effort (N) effort (N)
(a) Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 et Ψ5 . (b) Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ5 et Ψ6 .
y = -0.17132 + 0.0055723x R= 0.98048 y = -0.093679 + 0.0042729x R= 0.97781
2.5 2
KIC
2 KIC
1.5
KI (MPa.m1/2)
KI (MPa.m1/2)
1.5
1
1
0.5
0.5
PC PC
0 0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 50 100 150 200 250 300 350 400
effort (N) effort (N)
(c) Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 et Ψ6 . (d) Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 , Ψ6 , Ψ7 et Ψ8 .
F IG . 3.37: Influence de la base sur le facteur d’intensité des contraintes pour une éprouvette de
calcaire crinoïde. La légende des différentes figures donne les fonctions utilisées (éq. (3.59)). Pc est
l’effort à rupture et KIc la ténacité.
88 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
KI (MPa.m1/2)
KI (MPa.m1/2)
0.3 0.3
0.2 0.2
0.1 0.1
PC PC
0 0
0 20 40 60 80 100 120 140 0 20 40 60 80 100 120 140
effort (N) effort (N)
(a) Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 et Ψ5 . (b) Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ5 et Ψ6 .
y = -0.073744 + 0.003229x R= 0.96509 y = -0.06307 + 0.0027497x R= 0.96358
0.5 0.35
KIC KIC
0.3
0.4
0.25
KI (MPa.m1/2)
KI (MPa.m1/2)
0.3
0.2
0.2 0.15
0.1
0.1
0.05
PC PC
0 0
0 20 40 60 80 100 120 140 0 20 40 60 80 100 120 140
effort (N) effort (N)
(c) Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 et Ψ6 . (d) Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 , Ψ6 , Ψ7 et Ψ8 .
F IG . 3.38: Influence de la base sur le facteur d’intensité des contraintes pour une éprouvette de
blanche de Beaucaire. La légende des différentes figures donne les fonctions utilisées (éq. (3.59)). Pc
est l’effort à rupture et KIc la ténacité.
Ténacité 89
contraintes.
√ Ces fonctions ont une faible influence proche de la pointe de fissure puisque qu’elles va-
rient en r3 . En revanche, plus on s’éloigne de la pointe de fissure, plus elles sont influentes. Elles
traduisent donc que l’éprouvette de roche n’est pas un milieu infini : hypothèse supposée pour les
solutions analytiques de déplacement en pointe de fissure. Le tableau 3.12 donne les différentes té-
nacités trouvées en fonction de la base utilisée pour chacune des roches. Les figures 3.39 et 3.40
TAB . 3.12: Ténacité pour différentes bases de projection utilisées pour une des éprouvettes de chaque
roche.
fonctions utilisées dans la base calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ5 2.03 MPa.m1/2 0.432 MPa.m1/2
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ5 , Ψ6 1.94 MPa.m1/2 0.414 MPa.m1/2
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 , Ψ6 2.00 MPa.m1/2 0.408 MPa.m1/2
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 , Ψ6 , Ψ7 , Ψ8 1.53 MPa.m1/2 0.347 MPa.m1/2
montrent les déplacements horizontaux lors des essais SENB. Le saut de déplacement en bas au
F IG . 3.39: Champ de déplacement horizontal mesuré par corrélation pour une éprouvette de calcaire
crinoïde pour différents efforts. L’effort de rupture est de 381 N. La zone d’étude fait 16 × 16 pixels,
1 pixel ↔ 16.8 µm. La croix sur la dernière figure indique la position de la pointe de fissure.
centre des images est le signe de la présence d’une fissure. En fait, pour les deux figures, la fissure
est tout d’abord verticale : c’est l’entaille faite à la scie à fil. Puis la fissure bifurque à gauche, c’est la
préfissure qui a eu lieu lors de l’essai SB. Nous observons de plus que plus l’effort est élevé, plus le
saut est important. Le tableau 3.13 rassemble les différentes mesures de ténacité de chaque éprouvette
testée en utilisant les huit fonctions Ψ. En effet, les huits fonctions permettent de mieux prendre en
compte le champ de déplacement mesurés lors des essais SB. D’ailleurs, l’erreur en déplacement est
la plus faible lorsque toutes les fonctions sont utilisées (tab. 3.14). On peut remarquer de plus que
plus l’effort est important (et donc les déplacements aussi), plus l’erreur relative aux déplacements
est faible. La qualité de la méthode pour l’incertitude en déplacement dépend de la texture de l’image
c’est-à-dire la dynamique du niveau de gris et la taille de la zone d’étude. Afin d’estimer l’incertitude
en déplacement associée à l’algorithme de corrélation utilisé, une image artificielle est construite en
90 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
400 2 400 2
600 1.8 600 1.8
800 1.6 800 1.6
1000 1000
1.4 1.4
200 400 600 800 200 400 600 800
(a) Mouchetis. (b) F=110 N. (c) F=120 N.
F IG . 3.40: Champ de déplacement horizontal mesuré par corrélation pour une éprouvette de blanche
de Beaucaire pour différents efforts. L’effort de rupture est de 149 N. La zone d’étude fait 16 × 16
pixels, 1 pixel ↔ 16.8 µm. La croix sur la dernière figure indique la position de la pointe de fissure.
TAB . 3.13: Ténacité mesurée pour chaque éprouvette à l’aide de la corrélation d’images.
matériau calcaire crinoïde
1/2
ténacité (MPa.m ) 1.51 1.28 1.53
matériau blanche de Beaucaire
1/2
ténacité (MPa.m ) 0.28 0.41 0.37
TAB . 3.14: Erreur en déplacement pour différentes bases de projection utilisées pour l’analyse de
l’image juste avant la rupture d’une des éprouvettes de chaque roche (l’unité est le pixel).
fonctions utilisées dans la base calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ5 5.0 × 10−2 6.6 × 10−2
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ5 , Ψ6 5.0 × 10−2 5.6 × 10−2
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 , Ψ6 4.9 × 10−2 5.5 × 10−2
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 , Ψ6 , Ψ7 , Ψ8 4.7 × 10 −2 4.7 × 10−2
Bilan 91
translatant l’image de référence d’un déplacement sub-pixel (compris entre 0 et 1 pixel). Une analyse
de corrélation d’images est ensuite réalisée entre ces deux images ce qui permet d’évaluer l’incer-
titude. La figure 3.41 montre l’influence de la taille de la zone d’étude l (pour l = 23 , 24 , 25 , 26 et
27 pixels) sur l’incertitude en déplacement σu . Une forte décroissance de σu est observée en loi de
10-1 10-1
incertitude en déplacement (pixel)
10-3 10-3
10-4 10-4
10-5 0 10-5 0
10 101 102 103 10 101 102 103
taille de la zone d'étude (pixels) taille de la zone d'étude (pixels)
(a) Calcaire crinoïde. (b) Blanche de Beaucaire.
puissance σu ≈ A1+α /l α avec A ≈ 1.96 pixel et α ≈ 2.39 pour le calcaire crinoïde et A ≈ 1.14 pixel
et α ≈ 2.16 pour la blanche de Beaucaire. La figure 3.41 montre de plus que pour une taille de zone
d’étude de 16 pixels (celle utilisée pour les analyses précédemment réalisées), l’incertitude en dé-
placement que permet d’atteindre la texture est d’environ 2 × 10−2 pixel pour le calcaire crinoïde et
4 × 10−3 pour la blanche de Beaucaire. Or l’erreur en déplacement est de 4.7 × 10−2 pixel pour les
deux roches (tab. 3.14). La différence provient de bruits de mesure et de la présence de la fissure. On
peut remarquer que l’erreur et l’incertitude sont assez proches pour le calcaire crinoïde.
La position de la pointe de la fissure est estimée être environ la même lorsque l’on utilise soit
Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ5 , soit Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ5 et Ψ6 , soit Ψ1 , Ψ2 , Ψ3 , Ψ4 , Ψ5 et Ψ6 . La différence est environ
de 25 pixels soit environ 400 µm. En revanche si on utilise toutes les fonctions, la fissure est toujours
plus longue que précedemment d’environ 50 pixels soit 840 µm.
La ténacité moyenne trouvée pour le calcaire crinoïde est 1.44 MPa.m1/2 alors que pour la blanche
de Beaucaire, elle vaut 0.35 MPa.m1/2 .
6 Bilan
Le calcaire crinoïde et la blanche de Beaucaire sont deux calcaires aux propriétés mécaniques
très différentes. Le calcaire crinoïde est une roche peu poreuse, dure et dense. Ses caractéristiques
élastiques sont proches de celles des alliages d’aluminium. La rupture en compression uniaxiale ou
confinée est obtenue pour des valeurs proches des meilleurs bétons tels que le ductal [Forquin 03].
La rupture en tension est peu dispersive et dépend peu du volume étudié étant donné que son module
de Weibull est élevé. Son niveau est proche de celui des meilleurs bétons. En revanche la blanche
de Beaucaire est une roche poreuse, friable et peu dense. Ses propriétés élastiques sont faibles tout
comme sa résistance en compression. Ce calcaire s’apparente plus à des bétons classiques tels que le
MB50 [Forquin 03]. De plus sa dispersion en rupture en tension est très importante et dépend donc
92 Présentation des matériaux, propriétés physiques et caractérisation quasi statique
beaucoup du volume considéré. Les propriétés des deux calcaires ainsi que celles du béton ductal et
MB50 sont récapitulés dans le tableau 3.15. A partir des ces données, les essais dynamiques pourront
être modélisés.
TAB . 3.15: Propriétés mécaniques des deux roches et de deux bétons [Forquin 03].
Sommaire
1 Expérimentations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
1.1 Observation à l’aide de la caméra ultra-rapide (CUR) . . . . . . . . . . . . . . . 95
1.2 Observation post-mortem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
2 Etude de l’endommagement en compression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
2.1 Influence du chargement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
2.2 Modèle de Drucker-Prager . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
2.3 Modèle KST . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
2.4 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
3 Loi d’endommagement dynamique en tension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
3.1 Mécanisme d’occultation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
3.2 Estimation de l’expression de la zone d’occultation . . . . . . . . . . . . . . . . 116
3.3 Solution analytique et adimensionnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
3.4 Loi d’endommagement en tension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
3.5 Passage micro-macro . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
3.6 Modèle multi-échelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
3.7 Simulations par éléments finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
4 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
94 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
Le chapitre 2 a permis de connaître les sollicitations auxquelles sont soumis des matériaux élas-
tiques et homogènes face à un chargement dynamique. Cependant, l’hypothèse de continuité n’est
pas vérifiée lors d’essais balistiques ou pyrotechniques. En effet, une fragmentation multiple (phé-
nomène discret) est observée lors d’essais d’impact sur des céramiques [Strassburger 94] comme sur
des roches [Kutter 71]. Contrairement à la rupture en tension quasi statique, plusieurs fissures appa-
raissent dans les matériaux avant la rupture lorsqu’il est soumis à un chargement dynamique. Il y a
donc une différence importante de fragmentation entre la rupture dynamique et les essais quasi sta-
tiques (chapitre 3) où le principe du maillon le plus faible impose seulement une fragmentation simple.
L’observation de ces différentes zones [Shockey 74] a montré que la création des macro-fissures est
due à l’activation, la croissance puis éventuellement la coalescence de défauts. Lors d’essais d’impact,
des zones de broyage, de fragmentation multiple et simple sont observées sur du béton [Kennedy 76].
Afin de modéliser ces différentes zones, un modèle d’endommagement sera utilisé. Le modèle PRM
(Pontiroli-Rouquand-Mazars) [Mazars 86, Pontiroli 95, Berthet-Rambaud 04, Mazars 04] permet de
différencier l’endommagement en compression (zone de broyage) de l’endommagement en tension
(zone de fragmentation). C’est un modèle écrit en trois dimensions qui permet de prendre en compte
la dissymétrie en tension et compression, les déformations inélastiques, l’effet des vitesses de défor-
mation et la dissipation hystérétique au sein du matériau. De plus, le modèle PRM décrit les effets
d’ouverture-fermeture des fissures. Ce modèle a permis de simuler des impacts de blocs rocheux sur
les structures en béton [Berthet-Rambaud 05] ou l’effet d’une avalanche sur des structures en béton
armé [Berthet-Rambaud 07]. Afin de simuler les essais d’impact sur la tranche, un autre modèle, uti-
lisant les caractéristiques mécaniques identifiées au chapitre 3, sera utilisé. Ce modèle comporte très
peu de paramètres à identifier et permet d’estimer les densités de fissuration. Dans ce chapitre, des
essais d’impact sur la tranche vont être présentés et analysés. La zone de broyage supposée être cau-
sée par un endommagement en compression sera ensuite modélisée. Pour cela différents modèles de
plasticité seront présentés. La modélisation des zones de fragmentation mutiple et simple est ensuite
réalisée à l’aide d’une loi d’endommagement dynamique. Cette dernière sera couplée à un modèle de
plasticité pour la simulation des essais sur le calcaire crinoïde et la blanche de Beaucaire.
1 Expérimentations
Les essais d’impact sur la tranche sont des essais balistiques. Un projectile, le plus souvent en acier
ou en alliage d’aluminium, est envoyé sur un carreau du matériau étudié. La surface d’impact est située
sur la dimension la plus faible du carreau d’où le terme "tranche". L’onde transmise dans le carreau
est donc une onde cylindrique. Le chapitre 2 montre que la décroissance des contraintes est plus
lente pour cette géométrie par rapport à la géométrie sphérique. Il sera donc plus aisé d’observer les
différentes zones de fragmentation car elles sont plus étendues. Les essais présentés ont été effectués
au CEP (Centre d’Expertise Parisien) à Arcueil (94). Les premiers essais ont été réalisés en observant
la fragmentation à l’aide d’une caméra ultra-rapide (CUR) [Riou 96] et en reconstituant le puzzle
des différents fragments retrouvés. Une deuxième configuration, dite "sarcophage" [Denoual 98], a
également été utilisée. Les propriétés mécaniques du calcaire crinoïde et de la blanche de Beaucaire
étant assez proches respectivement de celles du ductal non fibré et du MB50, le dimensionnement
des essais utilisé les données obtenues lors des essais réalisés sur ces bétons [Forquin 03]. De plus,
la taille du carreau est contrainte par celle du sarcophage. L’objectif de ces essais est d’observer les
différentes zones de broyage et de fragmentation. Afin de diminuer la zone de broyage un dispositif
de confinement a été placé près de la zone d’impact. En effet, plus la roche est confinée, c’est-à-dire
plus la pression hydrostatique est grande, plus la résistance augmente (chapitre 3). Ainsi, la zone de
broyage peut être limitée. Trois essais pour chaque configuration ont été menés, ce qui en fait six en
tout. Les mêmes paramètres ont été gardés pour chacune des configurations. Le tableau 4.1 détaille
les caractéristiques de chaque essai.
Expérimentations 95
F IG . 4.1: Schéma de la configuration de l’essai d’impact sur la tranche observé à l’aide d’une caméra
ultra-rapide (demi-coupe) [Riou 96, Denoual 98]. Un confinement dynamique est également utilisé
[Forquin 03].
de 50 mm. Le flash associé à la caméra ultra-rapide est activé à partir du signal de la deuxième diode.
Un film conducteur est déposé à l’endroit de l’impact afin de déclencher la caméra ultra-rapide. En
effet, lorsque le projectile touche le film conducteur, il ferme un contacteur ce qui provoque le déclen-
chement de la caméra.
Un carreau de calcaire crinoïde d’épaisseur 15 mm (essai 1 du tableau 4.1) est impacté par un
projectile en alliage d’aluminium ayant une vitesse de 102 m.s−1 . La figure 4.2 montre les images
obtenues par la caméra ultra-rapide. Après l’essai, le carreau est reconstitué (fig. 4.3). La fenêtre de
visualisation fait un peu plus de 60 mm de largeur. Il a été choisi de prendre des photos à intervalles
96 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
réguliers entre 15 et 100 µs. Une seule fissure orthoradiale est observable à l’aide de la caméra ultra-
rapide (fig. 4.2). Elle correspond à la troisième macro-fissure (en partant du coin en bas à gauche)
du puzzle reconstitué (fig. 4.3). De plus, on peut constater l’absence de zone de broyage. La vitesse
de propagation de la fissure mesurée à l’aide de la longueur de la fissure observée est sous-estimée.
Ces photos ne permettent pas d’observer la pointe de fissure car l’écartement des lèvres est trop petit.
On ne peut pas voir la propagation des fissures car ces dernières ont des ouvertures trop petites. Nous
avons vu lors des essais SB du chapitre 3 que le saut de déplacement des lèvres de la fissure était
de moins d’un pixel, soit moins de 16.8 µm. Cela paraît alors normal de ne pas voir la propagation
des fissures à l’oeil nu. La figure 4.3 montre deux directions de fissuration privilégiées qui vont dans
le sens des conclusions de l’étude analytique des ondes et de la positivité de contraintes radiale et
orthoradiale. En revanche, les images de la caméra ne nous permettent pas d’identifier la chronologie
de la fragmentation : la fissuration radiale précède-t-elle la fissuration orthoradiale ?
Un troisième essai d’impact sur la tranche a été réalisé sur la blanche de Beaucaire avec des para-
mètres assez proches de l’essai 1 afin de pouvoir comparer le comportement des deux roches (tableau
4.1). Les figures 4.6 et 4.7 montrent les résultats obtenus. La fissuration est observable à l’aide de la
caméra ultra-rapide, dans la zone de broyage les fissures sont orthoradiales et radiales. Les fissures or-
thoradiales sont d’ailleurs plus visibles et semblent être les premières. Les figures 4.4 et 4.6 montrent
un front de fissures débouchantes circulaires après le confinement. Ce front de fissures, en forme de
coquillage, a déjà été observé sur du béton MB50 [Forquin 07]. Ces fissures sont dues à une rupture
en compression non confinée (puisqu’elles se situent juste derrière le confinement dynamique). Au
Expérimentations 97
delà de ce front, on peut observer des fissures radiales [Grange 07]. La chronologie de la fragmenta-
tion est proche de celle du premier essai. En revanche la mesure de la vitesse de fissuration à l’aide
de ces images n’a pas donné de résultats concluants pour les mêmes raisons que précedemment. La
reconstitution du carreau (fig. 4.7) montre l’apparition d’une seule macro-fissure : il n’y a pas de zone
de fragmentation multiple. L’énergie dépensée dans la zone de broyage peut en être une raison, mais
elle n’est certainement pas suffisante. Le fait que la fissure macroscopique soit radiale confirme la
chronologie supposée entre fragmentation radiale et orthoradiale déduites au chapitre 2.
Ces essais ont permis d’observer la fragmentation des calcaires à l’échelle macroscopique. Une
configuration dite "sarcophage", permet une observation plus fine. Cette analyse est présentée dans la
suite.
phage en alliage d’aluminium est placé autour du carreau de roche. Afin de modifier le moins possible
le parcours des ondes par rapport aux essais précedents, un jeu de quelques dixièmes de millimètres
est maintenu entre le sarcophage et les faces latérales du carreau. De plus, des cales en carton sont
collées sur les différentes tranches du carreau. Après l’impact, les fragments sont imprégnés d’une
résine époxyde coulée sous vide et durcie à pression ambiante. Le carreau est ensuite découpé, puis
poli pour permettre des analyses au microscope.
Le premier essai a été analysé à la loupe binoculaire mais aucune fissure n’est visible dans le car-
reau découpé. Une analyse au microscope optique permet d’observer quelques fissures (figs. 4.9(a)
et 4.9(b)). Ces deux photos ont été prises au bord de la surface d’impact (à gauche du centre du pro-
jectile). Il y a très peu d’endommagement à cette échelle, peu de fissures traversent les images. La
fissuration principale est radiale ce qui signifie qu’elle est certainement due à une tension orthoradiale
ou à une forte compression puisqu’elle se situe proche de la surface d’impact. Les fissures passent par
plusieurs inclusions mais il est difficile de savoir si elles sont le siège de l’amorçage ou si la création
de la fissure a eu lieu sur un défaut de surface.
La figure 4.10 montre une photo de l’échantillon de l’essai 2. Les traces blanches que l’on voit
au bas de la photo sont le signe d’une fissuration intense car la résine a pu s’infiltrer en abondance.
C’est la zone de broyage. Les micrographies 4.11(a), 4.11(b) et 4.11(c) sont situées dans la zone de
broyage respectivement à gauche, au dessus et à droite de la surface d’impact. Ces images montrent
Expérimentations 99
une direction de fissuration privilégiée : la direction radiale. Les fissures orthoradiales apparaissent
mais sont moins nombreuses. Cette observation permet d’envisager deux sources de fissuration :
– soit la fragmentation observée provient d’un endommagement en compression dû à des contraintes
fortement négatives par rapport à la contrainte de rupture en compression. La direction de fis-
suration peut être comparée à celle observée lors des essais quasi statiques (fig. 3.5(b)) ;
– soit la positivité de la contrainte orthoradiale est plus importante que celle de la contrainte ra-
diale comme on a pu l’observer avec les solutions analytiques des ondes cylindriques (fig. 2.19).
Les fissures passent par des défauts mais on peut remarquer que tous les défauts ne créent pas
de fissures.
Un carreau de blanche de Beaucaire a été impacté (essai 3) puis analysé (figs. 4.12(a) et 4.12(b)).
Comme l’avaient montrées les images de la caméra ultra-rapide (fig. 4.6), la zone de broyage est
caractérisée par une fissuration en forme de coquillage due à une sollicitation de compression et cou-
ramment rencontrée dans les bétons [Forquin 07]. Une fissuration faible est également observée en
dehors de cette zone.
Afin d’interpréter les différentes observations, différents modèles de compression sont proposés.
Des simulations par éléments finis pourront être comparées à l’expérimentation.
refermeture des fissures, le rétablissement du module d’Young ou encore la dissipation due aux frotte-
ments des fissures a également été proposé [Halm 98]. Dans ce paragraphe, des modèles de plasticité
plus simples et plus faciles à identifier sont présentés.
1+ν ν ³ ´
ε= σ − Tr σ I (4.1)
E E
où E et ν sont respectivement le module d’Young et le coefficient de Poisson, ε, σ et I sont les tenseurs
des déformations et des contraintes, et le tenseur identité. Le critère de von Mises pour une plasticité
parfaite permet d’écrire la fonction de charge f
r
3
f = σeq − σY avec σeq = σ :σ (4.2)
2 D D
où σY est la limite d’élasticité, σeq la contrainte équivalente de von Mises et σD le tenseur des
contraintes déviatorique. Ce modèle est implanté pour un calcul dynamique explicite. L’estimateur
élastique σest est calculé à l’aide de l’équation (4.1). Si cet estimateur vérifie le critère de von Mises
f ≤ 0, la réponse est élastique. Sinon une correction plastique est estimée
σY 1
σD = q σest
D
et σ = σD + Tr(σest )I (4.3)
3
2 σD : σest
3 est
D
des matériaux mesurées au chapitre 3 (tab. 4.2). La valeur de la limite d’élasticité σY est prise égale
à la contrainte de rupture en compression uniaxiale σc (chapitre 3). On néglige alors l’effet de la
102 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
-50
contrainte radiale (MPa)
Essai1 1Φ
Essai1 2Φ
-100 Essai1 4Φ
Essai2 1Φ
Essai2 2Φ
Essai2 4Φ
-150
-200
0 10 20 30 40 50
temps (µs)
(a) Contrainte radiale.
100
50
contrainte orthoradiale (MPa)
Essai1 1Φ
Essai1 2Φ
0 Essai1 4Φ
Essai2 1Φ
Essai2 2Φ
Essai2 4Φ
-50
-100
0 10 20 30 40 50
temps (µs)
(b) Contrainte orthoradiale.
F IG . 4.14: Evolution des contraintes radiale et orthoradiale en fonction du temps pour différentes
distances de la surface d’impact (1Φ = distance égale à un diamètre de projectile) pour les essais 1 et
2 (tab. 4.1).
Etude de l’endommagement en compression 103
TAB . 4.2: Paramètres des matériaux pour les simulations avec un comportement plastique parfait.
essai 1 2 3
matériau calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
−1
vitesse du projectile (m.s ) 100 200 100
E (GPa) 78 78 6
ν 0.28 0.28 0.34
σY (MPa) 147 147 11
pression hydrostatique.
La figure 4.14 montre les contraintes radiale et orthoradiale pour les essais 1 et 2. Ces contraintes
sont très proches entre les deux essais pour chaque distance de la surface d’impact alors que la vitesse
du projectile et l’épaisseur du carreau sont très différentes. Pour la contrainte radiale, les deux courbes
sont quasiment superposées. C’est uniquement un chargement de compression qui décroît avec la dis-
tance. La contrainte radiale est proche de la limite d’élasticité (σY = 147 MPa) pour une distance
égale à un diamètre de projectile car dans cette zone le comportement est plastique. Le chargement
orthoradial à une distance d’un diamètre de projectile de la surface d’impact est négatif et semble un
peu différent entre les deux essais. En revanche, pour les deux autres distances, le chargement est en
tension et très proche. Ces figures montrent qu’avec un modèle élasto-plastique parfait, le chargement
n’est piloté ni par l’épaisseur du carreau, ni par la vitesse du projectile.
La figure 4.15 représente les contraintes radiale et orthoradiale pour les essais 1 et 3 (tab. 4.1).
Les courbes sont très différentes, le chargement dépend donc plus du matériau (notamment de la
limite d’élasticité σY ) pour un modèle élasto-plastique que de la géométrie ou des conditions aux
limites. Le paragraphe suivant tente d’évaluer l’influence de la limite d’élasticité.
La figure 4.16 donne un ordre de grandeur de la vitesse de contrainte orthoradiale pour l’essai 1
sur le calcaire crinoïde. La vitesse maximale est de l’ordre de 1013 Pa.s−1 pour une distance égale
à deux diamètres de projectile et 5 × 1012 Pa.s−1 pour quatre diamètres de projectile. Les vitesses
sont environ multipliées par deux pour l’essai 2 et divisées par 10 pour l’essai 3 avec la blanche de
Beaucaire.
-50
contrainte radiale (MPa)
Essai1 1Φ
Essai1 2Φ
-100 Essai1 4Φ
Essai3 1Φ
Essai3 2Φ
Essai3 4Φ
-150
-200
0 10 20 30 40 50
temps (µs)
(a) Contrainte radiale.
100
50
contrainte orthoradiale (MPa)
Essai1 1Φ
Essai1 2Φ
0 Essai1 4Φ
Essai3 1Φ
Essai3 2Φ
Essai3 4Φ
-50
-100
0 10 20 30 40 50
temps (µs)
(b) Contrainte orthoradiale.
F IG . 4.15: Evolution des contraintes radiale et orthoradiale en fonction du temps pour différentes
distances de la surface d’impact (1Φ= distance égale à un diamètre de projectile) pour les essais 1 et
3 (tab. 4.1).
Etude de l’endommagement en compression 105
100
80 Essai1 2Φ
Essai1 4Φ
contrainte orthoradiale (MPa)
60 6 µs .
σ=3.8 1012 Pa.s-1
40
.
σ=8.7 1012 Pa.s-1
20
.
σ=0.98 1012 Pa.s-1
.
0 σ=4.7 1012 Pa.s-1
-20
0 10 20 30 40 50
temps (µs)
(a) Mesure de la zone de broyage expérimentale. (b) Mesure de la zone de broyage simulée.
F IG . 4.17: Comparaison de la zone de broyage expérimentale et simulée pour l’essai 2 (tab 4.1).
Seule la moitié a été simulée.
106 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
F IG . 4.18: Comparaison de la zone de broyage expérimentale et simulée pour l’essai 3 (tab 4.1).
Seule la moitié a été simulée.
pour plusieurs limites d’élasticité. La limite d’élasticité égale au double de la contrainte de rupture
50
37
longueur expérimentale pour l'essai 2
30
essai 2
essai 3
20
10
0
2 4 6 8 10
σY/σC
F IG . 4.19: Influence de la limite d’élasticité sur la longueur de la zone de broyage (σc est la contrainte
de rupture en compression uniaxiale.
La figure 4.20 compare le chargement pour deux limites d’élasticité : la contrainte de rupture en
compression uniaxiale σc et deux fois cette valeur. La contrainte radiale est quasiment doublée pour
Etude de l’endommagement en compression 107
-50
-100 σY=σC 1Φ
contrainte radiale (MPa)
σY=σC 2Φ
-150 σY=σC 4Φ
σY=2σC 1Φ
-200
σY=2σC 2Φ
-250 σY=2σC 4Φ
-300
-350
0 10 20 30 40 50
temps (µs)
(a) Contrainte radiale.
150
100
50 σY=σC 1Φ
contrainte orthoradiale (MPa)
σY=σC 2Φ
0 σY=σC 4Φ
σY=2σC 1Φ
-50
σY=2σC 2Φ
-100 σY=2σC 4Φ
-150
-200
0 10 20 30 40 50
temps (µs)
(b) Contrainte orthoradiale.
F IG . 4.20: Evolution des contraintes radiale et orthoradiale en fonction du temps pour différentes
distances de la surface d’impact (1Φ = distance égale à un diamètre de projectile) et pour deux limites
d’élasticité (σc et 2σc où σc est la contrainte de rupture en compression uniaxiale quasi statique).
108 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
chaque distance de la surface d’impact. Sa valeur est très proche de la limite d’élasticité pour une
distance d’un diamètre de projectile car ce point se trouve dans la zone plastique. Pour la contrainte
orthoradiale la différence est moins importante mais va dans le même sens. Ces courbes permettent
d’affirmer que le niveau de chargement d’un impact sur la tranche est principalement piloté par la
limite élastique du matériau. Afin de prendre en compte le fait que l’essai est dynamique et que la
limite d’élasticité dépend, entre autres de la pression hydrostatique, le modèle de Drucker-Prager est
utilisé.
où σest
D
est calculé à l’aide de la relation de comportement élastique (éq. (4.1)). La loi d’écoulement
supposée normale permet d’écrire
q
2 σD : σD − (p tan β + d)
3 est
σ est
µ ¶
3 D
ε =λ
p
+ tanβI avec λ = (4.7)
2 σeq 3G
TAB . 4.3: Paramètres des matériaux pour les simulations avec un comportement plastique utilisant le
modèle de Drucker-Prager.
essai 1 2 3
materiau calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
vitesse du projectile (m.s−1 ) 100 200 100
E (GPa) 78 78 6
ν 0.28 0.28 0.34
β (˚) 24.8 24.8 20.3
d (MPa) 240 240 68.5
300 300
1/4Φ 1/4Φ
pression hydrostatique (MPa)
1Φ 250 1Φ
2Φ 2Φ
200 4Φ 4Φ
200
150
150
100
100
50
50
0
-50 0
-100 -50
0 5 10 15 20 25 0 10 20 30 40 50
temps (µs) temps (µs)
(a) Essai 1. (b) Essai 3.
400
350 160
300
120
250
ptanβ+d (MPa)
ptanβ+d (MPa)
200
80
150
100 1/4Φ
1/2Φ 40 1/4Φ
1Φ 1/2Φ
50 2Φ 2Φ
4Φ 1Φ
4Φ
0 0
0 5 10 15 20 25 0 10 20 30 40 50
temps (µs) temps (µs)
(a) Essai 1. (b) Essai 3.
Une estimation de la zone de broyage est réalisée de la même manière que dans le paragraphe
2.1.3. La zone de broyage est la zone dans laquelle le comportement plastique a eu lieu. Pour mesu-
rer numériquement cette zone, la différence entre la contrainte de Drucker-Prager (p tan β + d) et la
contrainte équivalente de von Mises est calculée. Lorsque cette différence est nulle, la zone a un com-
portement plastique. Les dimensions trouvées sont très proches de celles déterminées avec le modèle
plastique parfait et σY = 2 σc : 37.5 × 24 mm2 pour l’essai 2 et 42 × 28 mm2 pour l’essai 3 ce qui est
très proche des tailles expérimentales (figs. 4.17(a) et 4.18(a)).
L’identification de cette loi a été réalisée au paragraphe 4.2.4 du chapitre 3 à l’aide d’une fonction
linéaire par morceaux.
Etude de l’endommagement en compression 111
Dans l’implantation de cette loi, le comportement sphérique est tout d’abord utilisé (éq. (4.9))
afin de calculer la pression hydrostatique en tenant compte de la compaction. Puis à l’aide d’un esti-
mateur élastique σest
D
calculé à l’aide de la relation de comportement élastique (éq. (4.1)), la correction
plastique est calculée
p
a2 p2 + a1 p + a0 est 1
σD = q σD et σ = σD + Tr(σest )I (4.10)
σ : σest
3 est 3
2 D D
TAB . 4.4: Paramètres des matériaux pour les simulations avec un comportement plastique utilisant le
modèle KST.
essai 1 2 3
materiau calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
−1
vitesse du projectile (m.s ) 100 200 100
E (GPa) 78 78 6
ν 0.28 0.28 0.34
comportement déviatorique
a0 (MPa2 ) −63400 −63400 1800
a1 (MPa) 777 777 80
a2 −0.297 −0.297 0.09
σeq (MPa)
min 150 150 11
σmax
eq (MPa) 635 635 350
comportement sphérique
εV (2) −0.01 −0.01 −0.013
p(2) (MPa) 193 193 130
εV (3) −0.051 −0.051 −0.18
p(3) (MPa) 900 900 810
roches sont représentés sur les figures 3.17 et 3.18 du chapitre 3. Les niveaux de pression hydrosta-
tique des trois essais sont semblables entre la simulationp utilisant le modèle de Drucker-Prager ou le
modèle KST. En revanche, la contrainte KST (σKST = a2 p2 + a1 p + a0 ) est différente. La figure
4.23 montre la contrainte KST des essais 1 et 3. Son minimum pour le modèle KST est σmin eq prise
égale à la contrainte de rupture en compression uniaxiale. Ce point sera discuté dans la suite. Pour des
distances supérieures à un diamètre de projectile, la surface de charge est égale à σmin
eq car la pression
hydrostatique est faible. Pour l’essai 2, elle dépasse de très peu σeq (elle atteint 240 MPa) et très peu
min
√
de temps (pendant 1 µs). Pour le troisième essai, la contrainte KST minimale est a0 ≈ 42 MPa et
non σmin
eq . Dès que la pression hydrostatique est positive, la limite élastique est donc augmentée.
Une estimation de la zone de broyage est réalisée de la même manière que dans le paragraphe
2.1.3. La zone de broyage est la zone dans laquelle le comportement
pplastique a eu lieu. Pour mesurer
numériquement cette zone, la différence entre la contrainte KST ( a2 p2 + a1 p + a0 ) et la contrainte
équivalente de von Mises est calculée. Lorsque cette différence est nulle, la zone a un comportement
plastique. Les dimensions trouvées sont supérieures à celles trouvées avec le modèle plastique par-
fait : 52 × 36 mm2 pour l’essai 2. On se trouve dans le même cas de figure que pour le modèle de
112 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
350
160
1/4Φ
300 1/2Φ
140 1Φ
(a2p2+a1p+a0)1/2 (MPa)
(a2p2+a1p+a0)1/2 (MPa)
2Φ
250 120 4Φ
200 100
80
150
60
100
1/4Φ 40
1/2Φ
50 1Φ
2Φ 20
4Φ
0 0
0 5 10 15 20 25 0 10 20 30 40 50
temps (µs) temps (µs)
(a) Essai 1. (b) Essai 3.
plasticité parfaite avec une limite d’élasticité égale à 150 MPa. Or, une limite d’élasticité deux fois su-
périeure à la contrainte de rupture en compression est plus adaptée pour identifier la zone de broyage
(fig. 4.17(a)). Pour le troisième essai, étant donné que la contrainte KST est toujours supérieure à
√
a0 ≈ 42 MPa la taille de la zone de broyage est environ la même que pour le modèle plastique
parfait ou le modèle de Drucker-Prager.
2.4 Bilan
Trois modèles de compression ont été utilisés afin de décrire la zone de broyage des essais d’im-
pact sur la tranche. Le modèle le plus simple est le modèle de plasticité parfaite pour lequel un
seul paramètre, la limite d’élasticité, est à identifier. Nous avons observé que la valeur égale à deux
fois la contrainte de rupture en compression uniaxiale permet de simuler correctement la zone de
broyage pour les deux roches. Il semble que ce rapport 2 soit bien adapté pour les essais d’impact
sur la tranche mais il est difficile de prétendre qu’il est le même pour d’autres essais. C’est pourquoi,
afin de prendre en compte l’influence de la pression hydrostatique sur la limite d’élasticité d’autres
modèles ont été utilisés. L’inconvénient de ces modèles est qu’ils demandent des essais complexes
(ici quasi œdométriques) pour être identifiés. Grâce au modèle de Drucker-Prager, de bons résultats
sont obtenus. En revanche le modèle KST surestime la zone de broyage pour le calcaire crinoïde. Le
même problème que celui du modèle plastique parfait est posé : comment choisir la limite d’élasti-
cité minimum σmin eq ? Là encore la valeur égale à deux fois la contrainte de rupture de compression
uniaxiale semble la meilleure pour ces essais. Afin d’éviter tout recalage en utilisant le modèle KST,
une pression hydrostatique limite est utilisée en dessous de laquelle, la zone de broyage ne peut pas
apparaître. Cependant, les simulations montrent que la taille de la zone de broyage est très dépendante
de cette pression limite. De plus, hormis sous les confinements dynamiques, la pression hydrostatique
est faible (fig. 4.21). Cette remarque permet d’affirmer que la zone de broyage n’est pas seulement
due à un endommagement en compression confinée.
F IG . 4.24: Simulation par éléments finis d’un chargement de traction σ0 sur une fissure perpendicu-
laire.
ne créent pas d’autres fissures. Ce phénomène peut expliquer pourquoi quelques défauts paraissent
vierges dans les micrographies des différents impacts sur la tranche.
La figure 4.25 envisage le scénario du mécanisme d’occultation pour quatre défauts dans un es-
pace unidimensionnel en supposant que la contrainte est une fonction croissante du temps. Le défaut
M1 a la contrainte de rupture la plus faible, il est donc le premier à rompre à l’instant T1 . Cette rup-
ture crée une fissure et une zone d’occultation. Cette dernière est représentée par un segment sur
la figure 4.25. Etant donné que la fissure se propage avec le temps, la zone d’occultation augmente
également. Par exemple, la zone d’occultation du défaut M1 à l’instant T2 est représentée par le seg-
M1
ment Zobs (T2 − T1 ) (fig. 4.25). A l’instant T2 , le défaut M2 est également activé puisqu’il n’appartient
pas à la zone d’occultation créée par M1 . Cette rupture crée une nouvelle fissure accompagnée de sa
zone d’occultation. Lorsque la contrainte de rupture de M3 est atteinte, ce défaut ne rompt pas car il
appartient à la zone d’occultation initiée par M1 . Le défaut M4 est aussi occulté.
défauts occultés
contrainte
temps
M
Zobs1(T2-T1) zone occultée
T2 σ(T2)
fissure
T1 σ(T1)
M 3 M1 M4 M2 espace
Un défaut peut appartenir à une zone d’occultation (densité λo (σ (T ))) ou non (λb (σ (T ))) avec
λb (σ (T )) = λt (σ (T )) − λo (σ (T )) (4.11)
La probabilité d’occultation Po (T ) est définie comme étant la probabilité qu’un défaut P soit
occulté à l’instant T . Po (T ) est le rapport entre les défauts qui vont être occultés entre les instants T
et T + dt et la variation des défauts critiques entre T et T + dt
λo (σ (T + dt)) − λo (σ (T )) = Po (T ) (λt (σ (T + dt)) − λt (σ (T ))) (4.12)
En faisant tendre dt vers 0, on trouve
dλo (σ (T )) dλt (σ (T ))
= Po (T ) (4.13)
dt dt
D’après l’équation (4.11), on en déduit
dλb (σ (T )) dλt (σ (T ))
= (1 − Po (T )) (4.14)
dt dt
L’équation (4.14) signifie que le défaut initie une fissure au point P si ce défaut n’est pas occulté :
(1 − Po (T )) représente la probabilité qu’il ne soit pas occulté.
3.1.3 Horizon
Pour que le défaut, situé au point P (qui rompt pour σ(T )), soit occulté à l’instant T (fig. 4.26),
il suffit qu’antérieurement un défaut, situé au point M par exemple, ait créé une fissure à l’instant t
et que P se trouve dans le volume Zobs M (T − t). On nommera l’ensemble des points géométriques M,
horizon de P (fig. 4.27). La présence d’une seule fissure dans l’horizon de P permet d’occulter P.
∆Pem (t → t + ∆t) est la probabilité élémentaire pour qu’un défaut soit activé entre t et t + ∆t et qu’il
vienne occulter le défaut P à l’instant T . Si aucun défaut n’apparaît dans l’horizon pour chaque instant
précédent T , le défaut ne sera pas occulté. La probabilité que le défaut P ne soit pas occulté est donc
égal à la probabilité qu’il n’y ait pas de défaut dans l’horizon pour chaque instant t
t=T
1 − Po (T ) = ∏ (1 − ∆Pem (t → t + ∆t)) (4.15)
t=0
La densité de fissures qui sont activées entre t et t + ∆t passe de λt (t) à λt (t + ∆t). Le nombre de
fissures qui sont activées entre t et t + ∆t et qui occultent le défaut P à l’instant T , Nt→∆t s’écrit
dλt (t)
Nt→∆t = (λt (t + ∆t) − λt (t)) Zo (T − t) = ∆tZo (T − t) (4.16)
dt
Loi d’endommagement dynamique en tension 115
contrainte
Zobs(T-t) défaut occulté
temps
T σ(T)
zone occultée
fissure
t σ(t)
M P espace
défaut
contrainte
temps
T σ(T)
horizon
M P espace
L’amorçage des défauts pendant un incrément de temps suit un processus de Poisson (paragraphe
4.3 du chapitre 3), soit
µ ¶
dλt (t)
∆Pem (t → t + ∆t) = 1 − exp − ∆tZo (T − t) (4.17)
dt
D’après l’équation (4.15), une nouvelle expression de la probabilité d’occultation Po (T ) est dé-
duite à !
t=T
dλt (t)
Po (T ) = 1 − exp − ∑ ∆tZo (T − t) (4.18)
t=0 dt
σ(T ) m
µ ¶
λt (T ) = λ0 (4.20)
σ0
où m est le module de Weibull et λ0 /σm 0 le paramètre d’échelle, identifiés sous chargement quasi
statique. Ceci suppose que la population de défauts responsable de la fragmentation quasi statique et
dynamique est identique. C’est une des hypothèses fondamentales du modèle.
où n est la dimension de l’espace, S est un facteur de forme, t est l’instant où le défaut a rompu et T
l’instant présent (S = 34 π pour une sphère dans un milieu 3D, S = π pour un disque dans un milieu 2D
ou S = 2 dans un milieu 1D). L’expression de S pour une fissure est estimée au paragraphe 3.2.
où x est le vecteur position et un chargement de cisaillement σ012 suivant le plan tangent de la fissure
Les fonctions fi j et gi j sont représentées respectivement sur les figures 4.28 et 4.29.
Loi d’endommagement dynamique en tension 117
2 2 2
0.8 1 0.2
1.5 0.6 1.5 0.8 1.5
0.4 0.6 0
1 1 1
0.2 0.4
0.5 0.5 0.5 -0.2
0.2
0
0 0 0 0 -0.4
-0.2
-0.2
-0.5 -0.4 -0.5 -0.5 -0.6
-0.4
-1 -0.6 -1 -0.6 -1 -0.8
-1.5 -0.8 -0.8 -1.5
-1.5
-1 -1 -1
-2 -2 -2
-2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2
(a) Représentation de f11 (x). (b) Représentation de f12 (x). (c) Représentation de f22 (x).
2 2 2
1 0.8 1
1.5 0.8 1.5 0.6 1.5 0.8
1 0.6 1 0.4 1 0.6
0.4 0.4
0.5 0.5 0.2 0.5
0.2 0.2
0
0 0 0 0 0
-0.2
-0.2 -0.2
-0.5 -0.5 -0.4 -0.5
-0.4 -0.4
-1 -0.6 -1 -0.6 -1 -0.6
-1.5 -0.8 -1.5 -0.8 -1.5 -0.8
-1 -1 -1
-2 -2 -2
-2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 -2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2
(a) Représentation de g11 (x). (b) Représentation de g12 (x). (c) Représentation de g22 (x).
La figure 4.28 montre que seule la contrainte σ11 est affectée de manière significative par la pré-
sence de la fissure pour un chargement normal (σ011 ) alors que pour un chargement de cisaillement
(σ012 ), ce sont les contraintes σ12 et σ13 (fig. 4.29). La contrainte locale autour d’une fissure est ap-
prochée par [Denoual 98]
σ11 (1 − f (x)) σ012 (1 − g(x)) σ013 (1 − g(x))
0
pour un chargement σ0 quelconque. La solution de Fabrikant n’est pas valable pour une faible densité
de fissures. Pour simplifier le problème, les zones de relaxation des contraintes normales (Zn ) et
tangentielles (Zt ) sont découplées
σ11 (1 − ZZn ) σ012 (1 − ZZt ) σ013 (1 − ZZt )
0
Pour estimer les zones de relaxation Zn et Zt , les solutions de Fabrikant et la relation entre les
contraintes microscopique et macroscopique sont utilisées
1
Z
Σ= σ(x)dω (4.26)
Z Ω
Z Z
n
Zn = f (x)dω = a Sn Zt = g(x)dω = an St avec a = kC(T − t) (4.27)
Ω Ω
La valeur numérique de Sn est 3.68. La valeur de St , dépendant de ν, vaut 1.44 pour ν = 0.3.
118 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
Pour être certain d’avoir au moins un défaut dans la zone d’étude, il est imposé que
λc Zc = 1 (4.29)
La densité de défauts rompus croît avec le temps pour atteindre une valeur de saturation causée
par une occultation de tout le volume d’étude (fig. 4.30). Une expression de la valeur de la densité de
fissures à saturation λ̄b (T̄ = ∞) peut s’écrire [Forquin 03]
m
Γ (m + n + 1)
µ ¶ µ ¶
m+n m
λ̄b (T̄ = ∞) = Γ +1
Γ (m + 1) n! m+n
La figure 4.30 montre que la densité de fissures à saturation λ̄b (T̄ = ∞) augmente avec m. La fi-
gure 4.31 en montre la raison : plus le module de Weibull est grand, plus la dispersion des contraintes
de rupture est faible, moins de défauts seront occultés et plus la densité de fissuration sera importante
(fig. 4.31(b)). La différence de module de Weibull des deux calcaires peut ainsi expliquer la différence
de fragmentation observée lors des impacts sur la tranche (figs 4.5 et 4.7).
3
10 m=5
-1
10
-3
10
-5
10
10 -1 10 0 10 1
temps adimensionné
contrainte
temps
temps
T4 σ(T4)
T3 σ(T3)
T2 σ(T2) T4 σ(T4)
T3 σ(T3)
T1 T2 σ(T2)
σ(T1) T1 σ(T1)
M3 M1 M4 M2 espace M3 M1 M4 M2 espace
(a) Mécanisme d’occultation pour un module (b) Mécanisme d’occultation pour un module
de Weibull faible. de Weibull fort.
Le front de montée de la contrainte orthoradiale est d’environ 6 µs pour le premier essai à deux
diamètres de projectile de la surface d’impact (fig. 4.16). Or le temps caractéristique pour cet essai
est de 1.1 µs. On peut donc supposer que la densité de fissures à saturation λ̄b (T̄ = ∞) a été atteinte
lors du premier essai d’impact sur la tranche à cette distance. Le tableau 4.5 montre que le front de
montée ∆t de la contrainte orthoradiale est supérieur au temps caractéristique tc pour tous les essais.
Une estimation de la densité de fissures peut être déduite de la solution analytique [Grange 07]. Cette
estimation est réalisée à une distance de deux diamètres de projectile de la surface d’impact. La si-
mulation réalisée au paragraphe 2.1.2 permet de calculer la vitesse de chargement σ̇ en ce point (tab.
4.5). La densité de fissures est d’environ 15 fissures par mm3 pour l’essai 1, 170 fissures par mm3 pour
TAB . 4.5: Paramètres caractéristiques des essais d’impact sur la tranche pour un point situé à deux
diamètres de projectile de la surface d’impact. Le volume considéré est le volume d’un élément fini
lors des simulations.
essai 1 2 3
matériau calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
m 22.3 22.3 3.8
Ve f f (mm ) 3 17 9.1 14
σ̇ (Pa.s−1 ) 2 × 1013 5 × 1013 2 × 1012
tc (µs) 1.1 0.47 3.4
∆t (µs) 6 4 7
σc (MPa) 21 24 6.8
λc (m−3 ) 1.7 × 107 1.9 × 108 3.2 × 106
λ̄b (T̄ = ∞) 910 910 6.1
l’essai 2 et 0.019 fissure par mm3 pour l’essai 3. Cette dernière valeur montre que pour la blanche de
Beaucaire, la fragmentation multiple n’a pas lieu à cette distance. Nous verrons plus loin comment le
prendre en compte. Plus le module de Weibull est grand, plus la densité de fissures à saturation est
élevée. Ceci peut donc expliquer la différence de fissures observée expérimentalement lors des essais
d’impact sur la tranche.
Zo
D(T ) ≈ = Po (T ) (4.34)
Z
Pour une vitesse de contrainte constante, l’expression de l’endommagement en tension s’écrit
alors
Γ(m + 1)n! m+n
µ ¶
D(T̄ ) = 1 − exp − T̄ (4.35)
Γ(m + n + 1)
Une contrainte macroscopique Σ et une contrainte ultime Σu peuvent être définies
1
1 Γ(m + n)
µ ¶
dΣ m+n
Σu = Σ(tu ) avec tu tel que (tu ) = 0 Σu = σc (4.37)
dt e Γ(m + 1)n!
Les figures 4.32 et 4.33 montrent l’évolution de l’endommagement et de la contrainte macrosco-
pique en fonction du temps adimensionné et du module de Weibull. Plus m est grand, plus l’endom-
1 1.2
m=15 m=15
m=20 m=20
m=25 0.8 m=25
0.6
0.6
0.4
0.4
0.2
0.2
0 0
0.5 1 1.5 2 0 0.5 1 1.5 2
temps adimensionné temps adimensionné
magement passe rapidement de 0 à 1 (fig. 4.32). En effet, les contraintes de rupture des défauts étant
proches, la création des fissures et donc l’endommagement sont pratiquement instantannés lorsque le
module de Weibull est grand. Tant que l’endommagement est nul, la contrainte macroscopique croît
linéairement avec le temps (fig. 4.33). Puis, lorsque la contrainte ultime est atteinte, la contrainte ma-
croscopique décroît très rapidement quand m est grand car la fissuration est très rapide. La contrainte
ultime adimensionnée est peu influencée par le module de Weibull.
1
1−D1 −ν −ν 0 0 0
−ν 1
1−D2 −ν 0 0 0
1
−ν −ν 0 0 0
D 1 1−D3
S = 1+ν (4.38)
0
E 0 0 (1−D2 )α (1−D3 )α 0 0
0 1+ν
0 0 0 (1−D3 )α (1−D1 )α 0
1+ν
0 0 0 0 0 (1−D1 )α (1−D2 )α
où 1 − Di est la fraction de volume effectivement relaxée dans la direction i pour la contrainte normale
à la fissure Σii et (1 − Di )α pour les contraintes tangentielles Σi j (i 6= j) avec α le rapport St /Sn
(α = 0.39 pour ν = 0.3).
122 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
40
calcaire crinoïde
35
blanche de Beaucaire
30
contrainte ultime (MPa)
25
20
calcaire crinoïde
15
blanche de
Beaucaire
10 10 11 12 13 14 15
10 10 10 10 10 10
-1
vitesse de chargement (Pa.s )
rupture moyenne σ̄r (tab. 4.6 et fig. 4.34) du calcaire crinoïde est plus grande que celle de la blanche
de Beaucaire. σ̄r est quasiment la même pour les essais 1 et 2 bien que le volume considéré Ve f f soit
différent (hauteur divisée quasiment par 2) en raison du module de Weibull élevé du calcaire crinoïde.
La pente de la courbe représentant la contrainte ultime en fonction de la vitesse de chargement σ̇ est
3/(m + 3) (fig. 4.34 et éq. (4.37)). Plus le module de Weibull est faible, plus l’influence de la vitesse
de chargement est importante. Lorsque σ̇ passe de 1013 Pa.s−1 à 1014 Pa.s−1 , la résistance est multi-
pliée par environ 2.6 pour la blanche de Beaucaire alors qu’elle est seulement multipliée par 1.3 pour
le calcaire crinoïde. La figure 4.34 présente la vitesse de chargement des trois essais pour un point
situé à deux diamètres de projectile de la surface d’impact. A cette distance, la fragmentation simple a
lieu pour l’essai 3 ce qui peut expliquer la présence d’une seule macro-fissure (fig. 4.7). En revanche,
la fragmentation multiple a lieu pour les essais 1 et 2 en accord avec l’expérimentation.
Loi d’endommagement dynamique en tension 123
Un modèle multi-échelles est proposé [Denoual 98] avec pour paramètre aléatoire, la contrainte de
rupture du premier défaut donnée par la loi de Weibull (paragraphe 4.3.1 du chapitre 3) [Weibull 39].
Une simulation par la méthode de Monte-Carlo a été effectuée [Denoual 98] pour une céramique S-
SiC (m = 9.3) et est représentée par la figure 4.35. Lorsque la vitesse de chargement est élevée, la
contrainte ultime tend vers la valeur de l’équation (4.37) et son écart-type est faible. Ce caractère
déterministe vient des nombreuses fissures dans le volume considéré. En revanche lorsque la vitesse
de chargement est faible la loi de Weibull quasi statique (éqs. (3.27) et (3.28)) est vérifiée puisque peu
de fissures sont présentes.
Ce raisonnement par nombre de fissures du caractère aléatoire ou non du modèle impose que la
transition n’est pas seulement liée à la vitesse de chargement mais aussi au volume considéré. C’est
une transition fragmentation multiple - fragmentation simple :
½
Z/Zc < G(m) fragmentation simple
(4.39)
Z/Zc ≥ G(m) fragmentation multiple
où Z est le volume d’étude, Zc le volume caractéristique (éq. (4.30)) et G(m) une fonction du module
de Weibull m et de la dimension de l’espace n
¶ m µ
Γ(m + 1)n! m+n 1 m
µ ¶
G(m) = e Γ 1+ (4.40)
Γ(m + n) m
Afin d’implanter la transition dans un code aux éléments finis, le premier défaut seul est modélisé
pour chaque élément fini. Ce défaut a une contrainte de rupture aléatoire σk dont la probabilité est
donnée par la loi de Weibull. Si la contrainte σ appliquée à l’élément est inférieure à σk , l’élément est
supposé vierge de toute rupture. Lorsque la contrainte σ est supérieure à σk , il y a au moins un défaut
rompu dans l’élément. La variable λt a comme expression
λt ZEF = 0 ³ si σ ≤ ³σk ´
(
m ´ (4.41)
λt ZEF = max ZEF λ0 σσ0 , 1 si σ ≥ σk
124 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
où ZEF est le volume d’un élément fini. L’écriture incrémentale de la loi d’endommagement est
d n−1
µ ¶
1 dDi dσi
= λt (σi (t)) n!S(kC)n lorsque > 0 et σi > 0 (4.42)
dt n−1 1 − Di dt dt
Une implentation de cette loi d’endommagement dynamique dans un code éléments finis permet
de simuler les essais d’impact sur la tranche.
TAB . 4.7: Paramètres des matériaux pour les simulations avec la loi d’endommagement couplée à un
comportement élasto-plastique.
essai 1 2 3
matériau calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
−1
vitesse du projectile (m.s ) 100 200 100
propriété élasto-plastique
E (GPa) 78 78 6
ν 0.28 0.28 0.34
σY (MPa) 294 294 22
k 0.38 0.38 0.38
S 3.74 3.74 3.74
paramètres de Weibull
m 22.3 22.3 3.8
Ve f f (mm3 ) 17 9.1 14
σ̄r (MPa) 21.8 22.4 14
La figure 4.36 montre la contrainte principale maximale des trois essais d’impact sur la tranche.
Cette contrainte est à comparer à la contrainte ultime. Si elle est supérieure ou égale à la contrainte
ultime alors la fragmentation (simple ou multiple) peut avoir lieu. Les figures 4.36(a) et 4.36(b)
montrent que la contrainte principale maximale est supérieure à la contrainte ultime quasi statique
σ̄r dans une grande partie des carreaux de calcaire crinoïde des essais 1 et 2. En revanche pour le
troisième essai (fig. 4.36(c)) elle est pratiquement toujours inférieure à σ̄r . La fragmentation ne peut
avoir lieu qu’à proximité de la surface d’impact du carreau de blanche de Beaucaire.
La figure 4.37 montre que la variable d’endommagement vaut 1 dans une petite zone proche du
point d’impact pour l’essai 3. La zone endommagée est nettement plus étendue pour les deux autres
essais à cause de la fragmentation multiple.
La figure 4.38 montre que la densité de fissures est plus importante dans les carreaux de calcaire
crinoïde (essais 1 et 2) que dans celui de blanche de Beaucaire (essai 3). Cette différence est principa-
lement due aux modules de Weibull des deux roches (tab. 4.7). Plus le module de Weibull est élevé,
plus la dispersion des contraintes de rupture est faible, plus de fissures peuvent être observées dans un
volume donné. La densité de fissuration calculée à partir des simulations est de 6.8 mm−3 pour l’essai
1 et 14 mm−3 pour l’essai 2 pour une distance de deux diamètres de projectile du point d’impact. Le
Loi d’endommagement dynamique en tension 125
(a) Essai 1.
(b) Essai 2.
(c) Essai 3.
(a) Essai 1.
(b) Essai 2.
(c) Essai 3.
F IG . 4.37: Variable d’endommagement des essais d’impact sur la tranche suivant la direction parallèle
à l’axe du projectile.
Loi d’endommagement dynamique en tension 127
(a) Essai 1.
(b) Essai 2.
(c) Essai 3.
F IG . 4.38: Densité de fissuration des essais d’impact sur la tranche suivant la direction parallèle à
l’axe du projectile.
128 Analyse expérimentale et modélisation de l’essai d’impact sur la tranche
rapport de densité entre les deux essais est de deux alors qu’il est environ de dix avec la solution ana-
lytique (paragraphe 3.3). De plus, la densité de fissures est plus faible pour les simulations. Cet écart
provient du modèle multi-échelles : la solution analytique ne prend en compte que la fragmentation
multiple. La vitesse de chargement maximale σ̇ a été choisie pour la solution analytique ce qui amène
à surestimer le densité de fissuration. Aucune fissure n’est trouvée à deux diamètres de projectile de
la surface d’impact dans les simulations de l’impact de blanche de Beaucaire. L’expérience et les
simulations donnent donc des résultats comparables.
4 Bilan
Les essais d’impact sur la tranche permettent de valider la modélisation des essais dynamiques.
L’expérimentation montre les zones couramment observées : la zone de broyage à proximité de la
surface d’impact puis les zones de fragmentation multiple et simple. En effet différents types d’en-
dommagement sont rencontrés. La zone de broyage semble être caractérisée par un endommagement
en compression confinée ou non. Près de la surface d’impact les contraintes de compression sont les
plus élevées, de nombreuses fissures radiales et orthoradiales sont alors observées. Au delà de la zone
confinée, après le confinement dynamique, l’endommagement en compression se caractérise par un
front de fissures débouchantes circulaires en forme de coquillage. Ensuite, les zones de fragmentation
multiple et simple proviennent d’un endommagement en tension. En effet, le chapitre 2 a montré que
pour un matériau homogène et élastique les contraintes orthoradiales et radiales deviennent positives.
Les matériaux fragiles tels que les roches ont des contraintes de rupture en tension beaucoup plus
faibles qu’en compression.
Afin de modéliser les essais d’impacts sur la tranche, les deux types d’endommagement ont été
étudiés séparément. Il a été choisi de modéliser le plus simplement possible l’endommagement en
compression à l’aide d’un modèle de plasticité parfaite. Pour recaler la limite d’élasticité σY , les
tailles des zones de broyage expérimentales et simulées ont été comparées. Il a été montré de plus que
σY pilote le niveau de chargement du carreau. Afin d’éviter ce recalage par rapport aux essais dyna-
miques et de prendre en compte l’influence de la pression hydrostatique sur la limite d’élasticité des
géomatériaux, d’autres modèles ont été utilisés. Le modèle de Drucker-Prager linéaire et le modèle
KST ont permis d’obtenir de bons résultats bien que le dernier oblige, tout comme le modèle plastique
parfait, un recalage de la zone de broyage. L’inconvénient de ces modèles est qu’ils demandent des
essais difficiles à mettre en oeuvre pour être identifiés.
Une loi d’endommagement en tension a été utilisée pour modéliser les zones de fragmentation
multiple et simple. Cette loi fait apparaître l’importance du module de Weibull sur la fragmentation.
Plus le module de Weibull est élevé, plus la densité de fissuration est importante. Un modèle multi-
échelles permet de différencier la zone de fragmentation multiple de la zone de fragmentation simple.
La transition entre ces deux zones peut être exprimée soit en vitesse de contrainte soit en taille de
volume considéré. Les simulations des différents impacts ont permis de valider ces modèles en les
comparant à l’expérimentation.
Des essai pyrotechniques vont maintenant être présentés et analysés de la même façon que les
essais d’impact sur la tranche.
Chapitre 5
Sommaire
1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
2 Explosions sur la tranche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
2.1 Fragmentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
2.2 Mesures de contrainte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
2.3 Simulations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
3 Bilan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
130 Analyse expérimentale et modélisation d’essais pyrotechniques
1 Introduction
Des essais pyrotechniques sur des cylindres de roche ont été réalisés dans le cadre du projet eu-
ropéen "Less Fines". L’objectif de cette étude était de déterminer les facteurs prépondérants d’un tir
à l’explosif afin de diminuer les granulats fins dont le prix de vente est faible. Pour cela des essais à
l’échelle du "laboratoire" ont permis d’établir la relation entre la fragmentation et l’énergie explosive
utilisée [Moser 03]. La fragmentation est mesurée en surface spécifique, c’est la surface créée par la
fissuration. Six roches ont été étudiées dont cinq calcaires. Différents cylindres de diamètre allant de
100 à 300 mm et de hauteur allant de 40 à 500 mm ont été testés. Un trou de 5 mm a été percé au
centre du cylindre afin de placer la charge explosive : du Nitropenta désensibilisé. Les trois zones de
fragmentation identifiées par Kutter et Fairhurst [Kutter 71], sont observées lors de ces essais pyro-
techniques : une zone de broyage proche de la charge explosive puis une zone de multi-fragmentation
et enfin une zone de fragmentation simple. Pour les six roches, une relation linéaire a été identifiée
entre la charge spécifique de l’explosif et la surface spécifique. La charge croît avec la surface spéci-
fique. La granulométrie est aussi influencée par la charge spécifique : plus la charge est importante,
plus la granulométrie est fine.
Des essais pyrotechniques ont également été réalisés en laboratoire sur des cylindres de calcaire
[Rouabhi 05]. Un modèle d’endommagement couplé à un comportement élasto-viscoplastique a été
écrit. Ce modèle permet après un post-traitement d’exprimer la fragmentation des blocs de roche sou-
mis à un chargement explosif. Afin d’observer l’influence d’un chargement pyrotechnique sur des
échantillons de calcaire crinoïde et de blanche de Beaucaire, une campagne d’essais à l’explosif a été
menée.
Peu de travaux ont permis de mesurer un signal (de contrainte, de déformation ou autre) lors
d’essais pyrotechniques. Ce chapitre présente des essais appelés explosion sur la tranche dont la géo-
métrie des éprouvettes de roches permet d’avoir un chargement de compression cylindrique divergente
et donc une décroissance des ondes plus lente que pour les ondes sphériques (chapitre 2). Une mesure
dite de "pression" est effectuée lors de ces essais.
2.1 Fragmentation
Un carreau de blanche de Beaucaire et un autre de calcaire crinoïde ont subi un essai d’explosion
sur la tranche (fig. 5.1(a)). Un détonateur électrique permet de déclencher l’explosion. Un peu d’ex-
plosif dépasse du carreau pour qu’il soit en contact avec le détonateur. La mousse placée sur la plaque
permet de protéger les câbles (fig. 5.1(b)). La figure 5.2 montre la fragmentation des plaques des
deux calcaires après l’essai. La blanche de Beaucaire est bien plus fissurée que la plaque de calcaire
crinoïde. Cette constation est en contradiction avec l’observation des essais d’impact sur la tranche.
En effet plus le module de Weibull est élevé, plus la fragmentation est importante. Or le module de
Explosions sur la tranche 131
poste d'acquisition
sonde de
déclenchement
F IG . 5.2: Fragmentation des roches lors d’un essai d’explosion sur la tranche.
132 Analyse expérimentale et modélisation d’essais pyrotechniques
Weibull de la blanche de Beaucaire est plus faible que celui du calcaire crinoïde. Plusieurs explica-
tions peuvent être avancées. Les contraintes subies par la plaque de calcaire crinoïde sont trop faibles
pour atteindre la rupture des défauts de cette roche. En revanche comme la contrainte de rupture de la
blanche de Beaucaire est plus faible, une fissuration plus importante peut avoir lieu dans ce calcaire.
Lorsque l’explosif détone, il dégage un volume de gaz. Ce gaz pourrait avoir soulevé la plaque de la
blanche de Beaucaire (plus légère que celle du calcaire crinoïde). La fissuration aurait pu être créée
par le choc avec le sol. Ces gaz peuvent aussi s’infiltrer plus facilement dans la blanche de Beaucaire,
roche très poreuse, et donc créer plus de fissuration que dans le calcaire crinoïde.
Un trou de 6 mm est percé dans la roche pour chaque jauge (fig. 5.3). Afin que la jauge en carbone
φ 6 mm φ 14 mm
50 mm jauge explosif
250 mm
subisse les mêmes déformations que la roche à un endroit donné, la résistance doit être liée à la roche
par l’intermédiaire d’un matériau ayant la même impédance que la roche pour éviter les réflexions
à l’interface. Le premier matériau utilisé est le ciment [Grare 02]. Cependant ce matériau n’adhérait
pas suffisamment à la jauge, après l’explosion la résistance et la roche étaient complètement désoli-
darisées. L’araldite a donc été choisie par la suite [Ricciardi 03, Grange 04]. Ce matériau a permis un
bon maintien à la roche et une bonne reproductibilité des résultats malgré une impédance plus faible
Explosions sur la tranche 133
que la roche. Lors de l’installation des jauges, une attention particulière a été portée afin d’enlever les
bulles d’air à l’intérieur du trou et de placer la résistance parallèle au trou pour qu’elle soit en face
de l’explosif. Pour chaque carreau quatre jauges, réparties en diagonale, sont installées. L’ensemble
sèche durant 24 heures avant l’essai.
-F
identification
roche par éléments finis
identification
expérimentale
F σroche=KQS.σjauge=αjauge.KQS.∆R
Essais quasi statiques Les jauges sont liées dans la roche exactement de la même manière que lors
des essais d’explosion sur la tranche. L’effort exercé est aussi mesuré pour en déduire la contrainte
axiale dans la roche supposée uniforme. La figure 5.6 montre la relation entre la contrainte axiale
de la roche σroche et la variation de résistance de la jauge ∆R. Cette relation peut être considérée
linéaire pour le calcaire crinoïde, on trouve alors que α jauge × KQS = 1.35 × 103 MPa.Ω−1 . Pour la
blanche de Beaucaire (fig. 5.6(b)) la linéarité est moins respectée, cependant nous allons supposer que
α jauge × KQS = 6.57 × 102 MPa.Ω−1 .
Modélisation par éléments finis Un calcul par éléments finis est réalisé afin d’identifier le facteur
KQS . Les paramètres élastiques de l’araldite et de la jauge ont été estimés à partir de données des
fabriquants. Les valeurs utilisées pour les simulations sont : E = 5 GPa et ν = 0.4 pour l’araldite et
E = 100 GPa et ν = 0.3 pour la jauge. La figure 5.7 permet de vérifier que l’uniformité des contraintes
dans chaque matériau est assez bien respectée. Pour le calcaire crinoïde KQS = 1.82 et pour la blanche
de Beaucaire KQS = 0.77. Des simulations ont été réalisées en inclinant la jauge de 10˚ car il est
difficile de maîtriser l’inclinaison de la jauge lorsque qu’on la place dans l’araldite. Aucune différence
134 Analyse expérimentale et modélisation d’essais pyrotechniques
0 0
-0.002
-0.005
∆R (Ω)
∆R (Ω)
-0.004
-0.01 -0.006
-0.008
-0.015
-20 -15 -10 -5 0 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0
σroche (MPa) σroche (MPa)
F IG . 5.7: Simulation par éléments finis de l’essai de compression quasi statique. Représentation de
la contrainte suivant l’axe de compression en MPa.
Explosions sur la tranche 135
significative de contrainte à l’intérieur de la jauge n’est observée par rapport à la simulation sans
inclinaison.
Identification de α jauge Les essais quasi statiques couplés avec la modélisation par éléments fi-
nis permettent d’identifier α jauge pour les deux roches. Pour le calcaire crinoïde α jauge = 7.42 × 102
MPa.Ω−1 et pour la blanche de Beaucaire α jauge = 8.53 × 102 MPa.Ω−1 . La valeur du calcaire cri-
noïde paraît plus fiable car la linéarité expérimentale (fig. 5.6) est meilleure que celle de la blanche de
Beaucaire. La non-linéarité dans ce calcaire est certainement causée par sa porosité. L’araldite peut
s’infiltrer dans la roche au delà du cylindre percé.
identification
par modélisation
αjauge KDyn
∆R σjauge σroche
identification
quasi statique
eθ
ez σroche=KDyn.σjauge=αjauge.KDyn.∆R
er
F IG . 5.9: Identification dynamique de la
F IG . 5.8: Schéma de la jauge en carbone. jauge en carbone.
lors de l’essai provient des variations dimensionnelles de la jauge. L’expression de la résistance s’écrit
Lj Lj
R = ρj = ρj 2 (5.1)
Sj πr j
Extrapolation dynamique L’identification de la mesure physique des jauges en carbone a été réali-
sée sous sollicitation quasi statique en reliant la variation de la résistance de la jauge et une contrainte
uniaxiale. Lors d’un essai d’explosion sur la tranche, étant donné que le carreau de roche a une épais-
seur bien plus petite que ses côtés, on peut supposer qu’une onde cylindrique se propage. Les jauges
mesurent donc une onde de compression supposée cylindrique. Si la contrainte axiale est négligée, la
jauge sera donc sollicitée par des contraintes radiale et orthoradiale. L’onde cylindrique traverse deux
interfaces avant d’arriver à la jauge : entre la roche et l’araldite et entre l’araldite et la jauge. Une
étude des ondes transmises aux interfaces est donc nécessaire afin de déterminer KDyn (fig. 5.9).
On étudie l’interface entre deux milieux 1 et 2 (fig. 5.10). On suppose qu’elle est plane et que
milieu 1 milieu 2
onde incidente
ui, vi, σi
onde transmise
ut, vt, σt
onde réfléchie
ur, vr, σr
les deux milieux sont isotropes et élastiques. On étudie une onde dont l’expression du vecteur dépla-
cement est
u(x,t) = f (x − cL t)x (5.5)
où x est la position du point considéré, t le temps, cL la vitesse des ondes longitudinales et x le vecteur
directeur de l’onde (fig. 5.10) et f une fonction monovariable. L’expression de la déformation est
alors
ε(u) = f ′ (x − ct) (x ⊗ x) (5.6)
où ⊗ est le produit tensoriel tel que (a ⊗ b)i j = ai b j . La relation de comportement en élasticité isotrope
permet d’en déduire le tenseur des contraintes
σ = f ′ (x − ct) λI + 2µx ⊗ x
¡ ¢
(5.7)
Pour le calcaire crinoïde KDyn = 1.9 ± 0.4 et pour la blanche de Beaucaire KDyn = 1.0 ± 0.3. Ces
valeurs sont déduites des données du tableau 5.1. Les incertitudes sont calculées à partir des méthodes
énoncées dans l’annexe. On peut remarquer que KDyn et KQS sont du même ordre de grandeur. KDyn
est légèrement supérieur à KQS pour les deux roches.
TAB . 5.1: Calcul de l’impédance des différents matériaux intervenant dans le calcul de KDyn .
matériau ρ (kg.m−3 ) cL (m.s−1 ) Z × 10−6 (kg.m−2 .s−1 )
calcaire crinoïde 2700 ± 30 6300 ± 100 17.0 ± 0.5
blanche de Beaucaire 2230 ± 30 3400 ± 100 7.5 ± 0.3
araldite 1180 ± 30 2630 ± 100 3.1 ± 0.2
jauge 2500 ± 100 7500 ± 300 18.8 ± 1.5
Différents appareils sont utilisés pour réaliser l’acquisition des mesures (fig. 5.11) :
– un pont de jauge afin de transformer la mesure de variation de résistance en une mesure de
variation de tension ;
– un poste d’acquisition qui enregistre toutes les données ;
– une sonde de déclenchement qui donne le début de la mesure au poste d’acquisition dès l’amor-
çage du détonateur.
Cette méthode de déclenchement des mesures crée du bruit de mesure dû au démarrage de la
sonde de déclenchement. Il faudrait que la sonde de déclenchement se mette en route juste avant l’ex-
plosion pour éviter ces bruits. C’est pourquoi cinq détonateurs ont été utilisés : un lié à la charge et les
autres dans le sable (fig. 5.11). Si l’un des quatre explosifs situé dans le sable s’amorce en premier,
il déclenchera l’acquisition juste avant que le détonateur lié à la charge s’amorce. Cette technique a
80 % de chance d’éviter le bruit de mesure dû au démarrage de la sonde de déclenchement.
La jauge est principalement sollicitée par une contrainte de compression radiale et orthoradiale
dans les premiers instants. La mesure des jauges ne sera utilisée qu’aux premiers instants des essais
pyrotechniques car elle est très vite artéfactée par la déflagration. C’est pourquoi, on ne garde que
la valeur maximale du signal. L’étude des ondes cylindriques (chapitre 2) en milieu élastique pro-
voquées par un chargement exponentiel (ressemblant au chargement pyrotechnique) a montré que la
sollicitation de compression était maximale dans les premiers instants. De plus, le matériau subit alors
138 Analyse expérimentale et modélisation d’essais pyrotechniques
poste d'acquisition
jauge
protection
F IG . 5.11: Schéma de la chaîne d’acquisition lors d’un tir d’explosion sur la tranche.
une compression triaxiale où les contraintes radiale et orthoradiale sont reliées par
ν
σθ = σr (5.13)
1−ν
où σr et σθ sont respectivement les contraintes radiale et orthoradiale et ν est le coefficient de Poisson.
On suppose donc que les valeurs maximales de la variation de la résistance de la jauge et de la
contrainte radiale de compression sont reliées par
σmax
α jauge KDyn ∆Rmax = σmax + σmax
θ =
r
(5.14)
r
1−ν
La contrainte radiale maximale est tracée en fonction de la distance du centre de l’explosif sur
la figure 5.12. La contrainte décroît très rapidement avec le rayon pour les deux roches. Il est aussi
intéressant de noter que la contrainte mesurée dans la blanche de Beaucaire est supérieure à celle du
calcaire crinoïde. Ce résultat paraît étonnant mais il est en accord avec l’observation de la fragmen-
tation des carreaux des deux calcaires (figs. 5.2(a) et 5.2(b)). Plus les contraintes sont élevées, plus
la fragmentation sera importante surtout que la blanche a des contraintes de rupture bien plus faibles
que le calcaire crinoïde.
2.3 Simulations
Afin de mieux comprendre les essais d’explosion sur la tranche, des simulations sont présentées
dans ce paragraphe.
7000
6000
calcaire crinoide
4000
3000
2000
1000
0
0 20 40 60 80 100 120
r (mm)
F IG . 5.12: Contrainte radiale maximale en fonction de la distance du centre de l’explosif lors des tirs
d’explosion sur la tranche.
∂ρv
+ ∇ ρv ⊗ v + pI = 0
¡ ¢
(5.16)
∂t
∂ρE
+ ∇ (ρEv + pv) = 0 (5.17)
∂t
où ρ est la densité, v le vecteur vitesse, t le temps, p la pression et E l’energie totale définie par
E = e + 1/2 v.v avec e l’énergie interne. La pression p est donnée par une loi d’état des mélanges.
En cours de réaction, l’explosif passe de l’état solide à l’état gazeux. Trois états sont pris en compte :
l’état où l’explosif solide est intact, l’état où l’explosif a complètement réagi et est composé exclusive-
ment de gaz et un état intermédiaire composé de gaz et de solide dans la zone de réaction de l’explosif.
Lorsque le milieu est sujet à des transformations chimiques, comme c’est le cas lors de la pro-
pagation d’une détonation, les équations d’Euler ne sont plus suffisantes. Une équation permettant de
suivre les concentrations en solide et en gaz est alors ajoutée. L’équation d’évolution de la fraction
volumique de gaz λ s’écrit
∂ρλ
+ ∇ (ρλv) = ρλ̇ f (5.18)
∂t
où la fonction de l’espace f est un indicateur permettant de localiser l’explosif. En effet la loi de
décomposition ne doit être appliquée qu’aux points où l’explosif est présent et non dans les matériaux
inertes. La fonction f vaut initialement 0 partout, sauf dans l’explosif où elle vaut 1. Son évolution
est donnée par
∂ρ f
+ ∇ (ρ f v) = 0 (5.19)
∂t
Une loi puissance est utilisée pour la modélisation de la cinétique de décomposition
λ̇ = (1 − λ) apn (5.20)
La figure 5.13 montre la pression simulée par HYDRO3D pour un cylindre de nitralex de dia-
mètre 14 mm et de longueur 50 mm.
5 109
4 109
3 109
pression (Pa)
2 109
1 109
0
5 10-6 1 10-5 1.5 10-5 2 10-5 2.5 10-5 3 10-5 3.5 10-5 4 10-5
temps (s)
F IG . 5.13: Courbe de pression simulée du nitralex utilisé lors des essais d’explosion sur la tranche.
La contrainte radiale est maximale à l’arrivée du front d’onde, c’est à dire lorsque s = 0 (nota-
tion du chapitre 2). Pour un comportement élastique l’expression (2.53) permet d’écrire√la contrainte
′ (s = 0) = 0 et f ′′ (s = 0) = −p
radiale maximale en remarquant que fcyl (s = 0) = fcyl cyl 0 a/ρ
r
a
σmax
r (r) = p0 (5.22)
r
où a est le rayon du trou dans lequel est placé l’explosif. Dans ce modèle la contrainte radiale maxi-
male ne dépend pas du matériau. La figure 5.14 compare la solution élastique à la mesure. Pour les
premiers rayons, la contrainte mesurée est plus forte que la contrainte analytique et même plus grande
que p0 . La cause peut être due à la modélisation de la pression du Nitralex ou encore à l’hypothèse de
compression triaxiale (éq. (5.13)) valable qu’en élasticité. La quantité et la qualité de l’explosif sont
difficiles à mesurer. L’explosif dépassait du carreau afin qu’il soit bien en contact avec le détonateur.
En revanche, la contrainte simulée décroît beaucoup moins vite que la mesure. Le modèle élastique
ne simule que l’onde de choc mais pas l’arrivée des gaz. De plus le modèle suppose que la contrainte
radiale maximale est la même pour tous les matériaux. Le comportement élastique montre ici ses
limites.
La modélisation élastique n’est pas acceptable pour un tel niveau de contrainte. De plus le fait
Explosions sur la tranche 141
6000
contrainte radiale maximale (MPa)
5000
4000
3000
2000
1000
0
0 20 40 60 80 100 120
r (mm)
que les contraintes radiales mesurées soit supérieures à p0 met en doute soit la simulation de la pres-
sion de nitralex soit la mesure de contrainte. Or la simulation surestime le chargement de l’explosif
comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant. En effet, les gaz créés par l’explosif s’échappent
très facilement par dessus ou par dessous le carreau lors de l’essai d’explosion sur la tranche. Cela
signifie qu’une grande majorité du chargement ne fragmente pas la roche.
TAB . 5.2: Paramètres des matériaux pour les simulations avec un comportement plastique parfait.
matériau calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
E (GPa) 78 6
ν 0.28 0.34
σY (MPa) 294 22
terminer à quel chargement l’explosif soumet le carreau. Pour cela la cinétique du chargement est
supposée inchangée, seul le niveau de pression est modifié. Ce recalage permet de prendre en compte
le fait que les gaz créés par l’explosif s’échappent du carreau au lieu de le solliciter. La figure 5.15
142 Analyse expérimentale et modélisation d’essais pyrotechniques
montre l’influence du niveau de pression sur la taille de la zone de broyage. Le niveau de pression
50
calcaire crinoide
40 blanche de Beaucaire
rayon de la zone de broyage (mm)
30
rayon expérimental pour la blanche de Beaucaire 26
20
10
0
0 0.02 0.04 0.06 0.08 0.1
simulé par HYDRO3D divisé par 20 est celui qui recale le mieux les tailles de zone de broyage expé-
rimentale et simulée. Comme dans le paragraphe 2.1.3 du chapitre 4, la zone de broyage simulée est
la zone dans laquelle le comportement plastique a eu lieu.
Les figures 5.16 et 5.17 montrent les contraintes radiale et orthoradiale pour différentes distances
de l’explosif. La figure 5.16(a) montre que la contrainte radiale est toujours inférieure (en norme) à la
limite d’élasticité du calcaire crinoïde ce qui montre que le comportement plastique n’a pas lieu dans
le carreau. La contrainte radiale est alors tout d’abord négative puis devient positive comme l’a montré
le chapitre 2. Pour la blanche de Beaucaire, le comportement est plastique dans les premiers instants
pour une distance égale à un diamètre du trou d’explosif. L’allure des contraintes est la même que
celle du calcaire crinoïde. Le tableau 5.3 donne la moyenne de la vitesse de la contrainte orthoradiale
du premier front de montée.
TAB . 5.3: Vitesse de la contrainte orthoradiale du premier front de montée pour trois distances du
centre de l’explosif (1Φ = distance égale à un diamètre de trou d’explosif). Le chiffre entre parenthèses
est la durée du front de montée.
matériau calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
1Φ 4.1 × 10 Pa.s (3.5 µs) 2.5 × 1013 Pa.s−1 (3.2 µs)
13 −1
2Φ 1.6 × 1013 Pa.s−1 (3.2 µs) 4.5 × 1012 Pa.s−1 (4.7 µs)
4Φ 1.3 × 1013 Pa.s−1 (3.4 µs) 2.7 × 1012 Pa.s−1 (3.1 µs)
Fragmentation Afin d’étudier la fragmentation de la roche au cours des essais d’explosion sur
la tranche, la loi d’endommagement en tension du chapitre 4 est utilisée. Le tableau 5.4 donne les
Explosions sur la tranche 143
60
40
-50
20
-100
1Φ 0
2Φ
4Φ
-150 -20
-200 -40
0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 50
temps (µs) temps (µs)
(a) Contrainte radiale. (b) Contrainte orthoradiale.
F IG . 5.16: Evolution des contraintes radiale et orthoradiale en fonction du temps pour différentes
distances du centre de l’explosif (1Φ = distance égale à un diamètre de trou d’explosif) pour les essais
sur le calcaire crinoïde.
0
20
contrainte orthoradiale (MPa)
-20
contrainte radiale (MPa)
-40
-20
-60 -40
1Φ 1Φ
2Φ 2Φ
4Φ 4Φ
-80 -60
-100 -80
0 10 20 30 40 50 0 10 20 30 40 50
temps (µs) temps (µs)
(a) Contrainte radiale. (b) Contrainte orthoradiale.
F IG . 5.17: Evolution des contraintes radiale et orthoradiale en fonction du temps pour différentes
distances du centre de l’explosif (1Φ = distance égale à un diamètre de trou d’explosif) pour les essais
sur la blanche de Beaucaire.
TAB . 5.4: Paramètres des matériaux pour les simulations avec la loi d’endommagement couplée à un
comportement élasto-plastique.
matériau calcaire crinoïde blanche de Beaucaire
m 22.3 3.8
3
Ve f f (mm ) 4 4
σ̄r (MPa) 23.3 19.3
144 Analyse expérimentale et modélisation d’essais pyrotechniques
différents paramètres utilisés pour la simulation. La figure 5.18 montre les régimes "quasi statique"
et "dynamique" pour les deux roches pour un volume égal à celui d’un élément fini des simulations.
La fragmentation multiple peut avoir lieu dans le carreau de calcaire crinoïde mais la figure 5.16(a)
40
calcaire crinoïde
35
blanche de Beaucaire
30
contrainte ultime (MPa)
25
20
crinoïde 2Φ et 4Φ
crinoïde 1Φ
blanche 4Φ
blanche 2Φ
blanche 1Φ
15
10 10 11 12 13 14 15
10 10 10 10 10 10
-1
vitesse de chargement (Pa.s )
montre que la contrainte orthoradiale est plus faible que la contrainte de rupture "quasi statique" dès
la distance 2Φ. Pour la blanche de Beaucaire la fragmentation multiple ne pourrait avoir lieu que dans
une zone très proche de l’explosif mais cette zone est endommagée en compression en premier lieu.
La contrainte orthoradiale est encore supérieure à la contrainte de rupture "quasi statique" pour la
distance 2Φ. Les faibles niveaux de contrainte expliquent le peu de fissures observées sur le calcaire
crinoïde, en revanche la simulation n’explique pas la fragmentation plus importante du carreau de
blanche de Beaucaire (fig 5.2). Différentes hypothèses peuvent alors être émises. Le modèle ne prend
pas en compte les gaz qui s’infiltrent dans les fissures et augmentent donc la fissuration. Le carreau
de blanche de Beaucaire a peut-être été soulevé par les gaz créés par l’explosif. Le choc aurait alors
accentué la fragmentation.
3 Bilan
Les essais pyrotechniques sont des essais difficiles à réaliser. Il est délicat de maîtriser le charge-
ment explosif et d’effectuer des mesures dans la roche comme on le fait pour d’autres expériences.
Cependant, ces essais ont permis de mettre en évidence que le modèle d’endommagement couplé à
un comportement plastique parfait donne des résultats raisonnables. En effet, il a été montré dans
ce chapitre que le faible niveau de contrainte dans le carreau de calcaire crinoïde explique la faible
fissuration expérimentale. Cependant, la fragmentation du carreau de blanche de Beaucaire n’est pas
expliquée par ce modèle. Une modification du modèle prenant en compte l’effet des gaz permettrait
de se rapprocher de l’expérience. De plus, un étalonnage dynamique ainsi qu’une caractérisation des
propriétés des jauges semblent indispensables pour une comparaison des contraintes expérimentales
et simulées.
Conclusion et perspectives
Les essais d’impacts sur la tranche ont mis en évidence les trois zones de fragmentation observées
expérimentalement lors d’essais dynamiques : la zone de broyage et les zones de fragmentation mul-
tiple et simple. Quels processus d’endommagement entraînent ces trois zones ? Pourquoi y a-t-il trois
zones ? Telles étaient les questions posées au début de ce mémoire.
Pour répondre à ces questions, une étude analytique d’un chargement dynamique de compres-
sion a été réalisé. On peut observer que le matériau (supposé élastique et homogène) est tout d’abord
soumis à une forte compression. La zone de broyage semble donc être caractérisée par un endom-
magement en compression. Hormis les propriétés "classiques" des lois de comportement (densité,
module d’Young, coefficient de Poisson), seule la limite d’élasticité doit être identifiée. Même si l’es-
sai d’impact sur la tranche a une géométrie cylindrique, le matériau subit un fort confinement autour
de la surface d’impact (confinements dynamique et inertiel). C’est pourquoi un recalage est nécessaire
pour déterminer la limite élastique. Le double de la contrainte de rupture en compression uniaxiale
permet d’obtenir une dimension de la zone de broyage proche de celle observée expérimentalement
pour les deux roches. La faible résistance en compression de la blanche de Beaucaire par rapport au
calcaire crinoïde explique alors que pour des essais aux propriétés assez similaires (essais 1 et 3), le
carreau de blanche de Beaucaire soit complètement broyé dans une grande zone alors qu’aucune zone
de broyage n’est observée pour le calcaire crinoïde. Afin de prendre en compte l’influence du confi-
nement sur le comportement en compression des roches, et d’éviter ainsi un recalage, les modèles
de Drucker-Prager (linéaire) et KST ont été utilisés et ont permis d’obtenir une bonne prévision de
la zone de broyage. Cependant ces modèles demandent une identification plus difficile que celle du
modèle plastique parfait de Von Mises. En effet, les essais quasi œdométriques sont longs à préparer
car l’éprouvette doit être carottée puis rectifiée avec soin, un montage particulier est nécessaire pour
la placer dans la cellule de confinement. De plus pour atteindre des pressions élevées, une machine
de grande capacité est nécessaire. Pour modéliser des essais dynamiques de géométrie cylindrique
(comme les essais d’impact sur la tranche) qui limite le confinement et favorise la rupture en tension,
le modèle de plasticité parfait de Von Mises semble être le meilleur compromis pour modéliser la
zone de broyage.
146 Conclusion et perspectives
L’étude analytique montre aussi que les contraintes radiale et orthoradiale deviennent positives
après la compression. Les matériaux fragiles tels que les roches ont des contraintes de rupture en
tension beaucoup plus faibles qu’en compression. A partir d’un certain rayon, les contraintes de com-
pression sont trop faibles pour broyer la roche, cependant la contrainte de rupture en tension est
atteinte. Ce sont les zones de fragmentation multiple et simple. La positivité des contraintes radiale
et orthoradiale explique aussi les directions privilégiées de fissuration. Afin de modéliser les zones de
fragmentation, une loi d’endommagement en tension a été utilisée. Cette loi fait intervenir, en plus
des paramètres du comportement du matériau, seulement les paramètres de Weibull. Ces derniers né-
cessitent certes un nombre important d’essais pour être identifiés (ici 40 pour chaque roche) mais ce
sont des essais simples où seul l’effort de rupture est mesuré. Un modèle multi-échelles a de plus
permis de faire apparaître deux régimes de fragmentation. Une zone où la contrainte de rupture aug-
mente avec la vitesse de contrainte et est quasiment déterministe : la zone de fragmentation multiple.
Une zone où l’hypothèse du maillon le plus faible est vérifiée, c’est-à-dire que la rupture d’un défaut
entraîne la ruine de la structure et où la containte de rupture est aléatoire et égale à celle mesurée en
quasi statique : la zone de fragmentation simple.
La loi d’endommagement en tension couplée à un modèle de plasticité parfaite ou non est donc
validée par les essais d’impact sur la tranche. Ce modèle permet d’identifier les trois zones de frag-
mentation expérimentales. Des essais pyrotechniques ont été menés et une analyse équivalente à la
précédente a été réalisée. Cependant le chargement des essais pyrotechniques est difficilement maî-
trisable. En effet les gaz créés par l’explosif ne sollicitent pas complètement le carreau, une grande
partie s’échappe surtout avec un géométrie cylindrique. Même lors de tirs en carrière, on s’est aperçu
que les gaz participent à la fois à la fracturation et à la projection des blocs. Cependant, malgré toutes
ces difficultés, le modèle parvient à expliquer la différence de fragmentation des deux roches.
Ces derniers essais ouvrent la porte à de nouvelles études sur les essais pyrotechniques. Des
jauges ont été placées dans les carreaux lors des essais pyrotechniques cependant un étalonnage quasi
statique et des simulations n’ont pas permis d’exploiter pleinement les mesures. Un étalonnage dyna-
mique, aux barres d’Hopkinson par exemple, et une caractérisation des matériaux de la jauge devraient
permettre d’améliorer les résultats obtenus. On pourrait aussi penser utiliser des accéléromètres ou
d’autres moyens de mesure plus classiques. De plus ces jauges ont été utilisées en carrière avec succès
que ce soit pour mesurer une pression dans l’explosif ou dans le bourrage. Il semble alors intéressant
de continuer avec ce moyen de mesure.
L’objectif de ces travaux était également d’ouvrir la voie pour la simulation d’un tir en carrière. La
figure 5.19 montre un algorithme de la loi de comportement permettant de simuler la fragmentation
de la roche face à un chargement dynamique utilisé lors de ces travaux. Cette figure montre que peu
de paramètres du matériaux sont nécessaires :
– la masse volumique ρ, indispensable en dynamique ;
– les paramètres élastiques E et ν ;
– Les paramètres d’un modèle plastique ;
– trois paramètres du modèle de Weibull pour le modèle de fragmentation multiple.
Lorsque l’on choisit un modèle élasto-plastique parfait, seulement sept paramètres du matériau
sont à identifier. Cependant, le modèle doit être encore amélioré. La loi d’endommagement présentée
modélise seulement l’initiation des fissures, pas la propagation. Une extension de cette loi, prenant en
compte la propagation des fissures, a déjà été réalisée [Brajer 04] pour des défauts de surface du verre.
La figure 5.20 montre comment cette loi peut être implantée. Tout se passe dans la "case fragmen-
tation simple" de la figure 5.19. Le but est de modéliser la coalescence des différentes fissures et la
propagation mésoscopique. Pour cela une variable d’endommagement δi peut se propager d’éléments
en éléments. Son évolution est définie par la même loi incrémentale que celle utilisée auparavant (éq.
Conclusion et perspectives 147
CARACTERISTIQUES DU MATERIAU
paramètres élastiques : ρ, E, ν
paramètres plastiques :
paramètres de Weibull : m, σr, Veff
- plastique parfait : σY
- DP : β, d
- KST : a0, a1, a2, (εV(i), p(i))
pas d'endommagement
si Ki<Kc δi=δi-1
supplémentaire
nouvelle variable
calcul de KI pour chaque
d'endommagement
élément où l'endommagement
(1-DiT)=(1-Di)(1-δi)
est non nul loi incrémentale avec
si Ki>Kc δi>δi-1
λt=1/ZEF
fragmentation simple
(4.42)) avec λt = 1/ZEF où ZEF est le volume d’un élément fini. Une nouvelle variable d’endomma-
gement DT est alors définie
1 − DT = (1 − D)(1 − δ) (5.23)
La figure 5.20 montre aussi que le paramètre du matériau intervenant dans le critère de propaga-
tion est la ténacité Kc . Un seul paramètre supplémentaire permet donc de modéliser la propagation.
De plus, une prise en compte de l’effet des gaz dans la simulation permettrait de connaître leur
rôle dans la fragmentation. Swenson et Taylor [Swenson 83] ont déjà introduit dans leur modèle l’effet
d’un pression constante dans une fissure. Cette pression est prise en compte dans le calcul de la projec-
tion normale à la fissure de ∆ε (fig. 5.19). Des critères de propagation ont même été écrit en fonction
de la ténacité du matériau pour une pression non-uniforme dans la fissure [Garagash 97, Haimson 04].
Cette partie devra donc être implantée dans la "case comportement plastique" de la figure 5.19. Ce-
pendant, quelle sera la valeur de la pression ? Elle dépend bien sûr de la densité de fissuration. Il sera
alors nécessaire de faire des boucles entre la pression dans les fissures et la densité de fissuration
jusqu’à la convergence.
Le chapitre 5 a montré aussi les limites de la simulation du chargement d’un explosif. Le cal-
cul brièvement présenté [Saurel 99] a été très simplifié pour diminuer le temps de calcul. En résumé,
pour pouvoir un jour modéliser un tir en carrière, trois points semblent indispensables :
– améliorer le calcul hydromécanique ;
– ajouter la propagation de fissure au modèle ;
– prendre en compte l’effet des gaz.
D’autres problèmes seront alors à résoudre et notamment l’effet d’échelle du modèle. Les élé-
ments du maillage ne seront plus millimétriques lors de la simulation d’un tir en carrière.
Enfin, il semble important de réaliser des essais pyrotechniques en effectuant des mesures de
déformations dans la roche et en observant la trajectoire des gaz. Une validation du modèle est in-
dispensable. Quels essais peut-on faire pour observer l’effet des gaz ? Cette question est ouverte. Les
essais en laboratoire sont-ils représentatifs de ce qu’il se passe en carrière ? D’importants et passion-
nants travaux expérimentaux seront à réaliser pour valider les modèles et arriver jusqu’à la prévision
d’un tir en carrière complet.
Annexe : calcul d’incertitude
Quelques définitions
Erreur et incertitude L’erreur absolue de mesure δx est la différence entre le résultat de la mesure
d’une grandeur x, et la valeur réelle x0 de la grandeur. On appelle incertitude absolue d’une mesure
∆x la borne supérieure de l’erreur.
Propagation des erreurs Si le mesurande Y est une fonction des grandeurs X1 , X2 , ..., Xn mesurées
avec des écart-types σ1 , σ2 , ..., σn
Y = f (X1 , X2 , ..., Xn )
alors l’écart-type sur Y est
s
∂f
n µ ¶2
σY = ∑ ∂Xi
σ2i
i=1
à condition que les grandeurs Xi soient indépendantes. On peut déduire de cette relation la formule de
l’incertitude ∆Y s µ
n
∂f 2 2
¶
∆Y = ∑ ∆Xi
i=1 ∂Xi
où mair et meau sont respectivement la masse de l’échantillon mesurée dans l’air et dans l’eau et ρeau
la masse volumique de l’eau. La propagation des erreurs implique
s
∂ρ 2 2 ∂ρ 2 2 ∂ρ 2 2
µ ¶ µ ¶ µ ¶
∆ρ = ∆mair + ∆meau + ∆ρeau
∂mair ∂meau ∂ρeau
L’incertitude de mesure des masses est estimée par : ∆mair = ∆meau = 0.01 g. Pour la masse
volumique de l’eau, l’incertitude est estimé à : ∆ρeau = 0.11 kg.m−3 (elle provient surtout de l’erreur
de lecture de la température de l’eau). Huit échantillons ont été testés pour les deux roches :
– pour le calcaire crinoïde : ρ = 2700 ± 30 kg.m−3 ;
– pour la blanche de Beaucaire : ρ = 2230 ± 30 kg.m−3 .
n
¡ ¢2
y − a − bx
χ2 (a, b) = ∑
i i
La résolution de ce système ne peut pas se faire analytiquement, mais il permet tout de même de
déterminer a, b, σa et σb .
σ = EεL εT = νεL
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