E Vernette PDF
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Giannelloni
É. Vernette
4e É D I T I O N
ETUDES DE
MARCHE
Collection Gestion
Études
de marché
4e édition
V
Avant-propos
Positionnement
Le positionnement n’a pas varié depuis la première édition de cet ouvrage, parue en 1995 : être le
manuel de référence des étudiants qui suivent un cursus marketing faisant appel aux études de
marché, tout en étant le support indispensable des professionnels des études.
Le domaine couvert est vaste et complexe. Pour traiter le sujet, trois approches étaient envisageables :
. L’approche du généraliste, centrée sur une description rapide des principales techniques.
. L’approche du spécialiste, fondée sur une présentation approfondie des méthodes indispensables à
Objectifs
Notre objectif majeur est de donner au lecteur un bagage méthodologique solide et une maîtrise
réelle du domaine des études, de façon à :
. Être capable de choisir la technique d’étude la plus adéquate, selon la nature du problème posé et
recommandations formulées.
Notre volonté est d’atteindre ces objectifs en gardant un langage accessible au plus grand nombre,
mais sans transiger sur la nécessaire rigueur qui s’impose pour toute démarche d’étude sérieuse.
Cibles visées
À qui est plus particulièrement destiné cet ouvrage ? Notre positionnement le destine prioritaire-
ment à trois types de publics :
. Les élèves des écoles de management et les étudiants des universités/IAE.
Une quatrième édition actualisée pour suivre l’évolution du marché des études
La troisième édition de ce manuel datait de 2012. Si nous ne souhaitons pas inonder le marché en
proposant de trop fréquentes mises à jour, plus proches d’un suivi de modes passagères que d’un
véritable progrès dans l’appréhension ou la compréhension des marchés et des comportements
d’achat, il est clair que, depuis cette date, l’environnement marketing et le monde des études ont
encore évolué. La pénétration de plus en plus massive d’Internet et des réseaux sociaux en ligne
obligent à remettre en cause certaines méthodes. Par ailleurs, de nouveaux instruments d’étude et
de nouvelles technologies digitales sont apparus. Enfin, les préoccupations en matière de coûts et les
exigences des managers, confrontés à l’immédiateté et à l’urgence de la décision, modifient les
enjeux pour les chargés d’études.
L’ambition de cette quatrième édition consiste à rendre compte de l’ensemble des évolutions du
métier et du contexte, tout en respectant le positionnement initial de l’ouvrage. Les modifications
apportées sont d’une double nature :
. Sur la forme, nous avons repris l’ensemble des chapitres afin de rendre encore plus accessibles les
passages les plus techniques. De nombreux exemples et études de cas ont été ajoutés ou
complétés.
. Sur le fond, nous avons mis à jour tous les chapitres comprenant des éléments soumis à la pression
du temps et à l’évolution des techniques, notamment l’ensemble des données relatives au marché
des études.
Première partie
Réflexions préalables
à l'étude
Cette première partie de l’ouvrage, consacrée à la présentation des réflexions et des travaux
préalables au démarrage de l’étude, se fonde sur trois étapes séquentielles : la formulation du
problème (chapitre 1), les études préparatoires (chapitre 2) et le projet d’étude (chapitre 3).
Le novice sous-estime généralement l’importance de ces phases préparatoires, au détriment
des opérations de collecte et d’analyse des informations. Pourtant, le chargé d’études confirmé
sait, par expérience, que ces trois étapes sont déterminantes pour la réussite globale du
processus.
PARTIE 1
Réflexions
préalables à l’étude
Formulation du problème
Projet d’étude
Terrain
de
l’étude PARTIE 3
PARTIE 2
Approche Approche
qualitative Analyse quantitative
des
données
Conclusions et recommandations
1
Chapitre 1
Cadrage de l’étude
Dynamitez vos certitudes...
A. SOLÉ
Cadrer une étude c’est définir correctement le périmètre des investigations. Cela commence par une
analyse minutieuse du problème posé, puis, le cas échéant, par une reformulation. En effet, selon un
adage bien connu, un problème bien formulé est déjà à moitié résolu. Si tel est bien le cas, ce chapitre
montre au lecteur pourquoi bon nombre de problèmes ne sont finalement pas résolus de manière
satisfaisante...
Le chargé d’études néophyte est parfois surpris par la manière dont le problème est posé par le manager :
exprimé de manière vague, en quelques lignes, ou, au contraire, développé de manière excessive,
embrassant des pans entiers de stratégie marketing. De manière surprenante, lors des discussions préli-
minaires, des suggestions concernant les résultats attendus sont parfois énoncées. Nous verrons au cours
de ce chapitre les raisons pour lesquelles la compréhension du problème, puis la définition des objectifs
de l’étude ne sont pas si faciles à réaliser. Comme le montre la figure 1.1., nous réaliserons cela en deux
temps : analyse du problème à résoudre, puis compréhension de l’objectif de l’étude.
Cadrage de l’étude
Études préparatoires
Projet d’étude
2 P REMIÈRE PARTIE . RÉFLEXIONS PRÉALABLES À L ’ ÉTUDE
A. Émergence du problème
Un problème surgit généralement quand un manager est confronté à une décision incertaine.
L’incertitude existe lorsque celui-ci envisage plusieurs solutions ou événements sans pouvoir déter-
miner lequel est préférable. Or la valeur ajoutée de l’étude de marché est la réduction de l’incerti-
tude du décideur par la production d’informations utilisables pour résoudre un problème spécifique.
Les renseignements fournis permettent d’évaluer les risques associés à chaque solution, par
exemple :
« Quels sont les risques d’échec respectifs d’un lancement de produit effectué avec l’emballage
A, B ou C ? »
« Quel prix retenir pour le lancement : 1,50 euro, 1,75 euro ou 1,80 euro ? »
Dans cette perspective, un des critères d’appréciation de l’efficacité d’une étude réside dans sa
capacité à orienter le manager vers les « bonnes » décisions.
Lorsque le problème à résoudre atteint un seuil critique, c’est-à-dire quand le décideur perçoit
que les conséquences (financières, commerciales, organisationnelles, etc.) découlant d’un mauvais
choix seront néfastes et durables, l’étude s’impose comme une solution possible pour réduire les
risques.
Exemple
..................................................................................................................................................................................
Imaginons le cas suivant. Monsieur Businaisse est directeur général d’une importante société de
matériel hi-fi haut de gamme destiné aux mélomanes exigeants. Depuis quelque temps,
Monsieur Businaisse voit ses parts de marché s’éroder et son chiffre d’affaires stagner. Il
demande alors à Mademoiselle Jouvencelle, responsable de recherche marketing, « une petite
étude pour découvrir les causes de cette situation ». Ainsi posé, le problème n’est pas directement
soluble, car il ne permet pas d’orienter les futures investigations. Pour répondre à cette question
managériale, il existe en effet un faisceau de réponses possibles qui constituent autant d’hypo-
thèses de travail, donc autant de sujets potentiels d’études.
En se fondant sur sa bonne connaissance des grandes surfaces spécialisées, acquise au cours
d’un emploi précédent, Monsieur Businaisse est persuadé que la mévente actuelle vient d’un
prix de vente public trop élevé par rapport à la concurrence. En oubliant que cette information
n’est qu’une simple hypothèse, Mademoiselle Jouvencelle opte pour une méthode d’investiga-
tion fondée sur l’observation : elle relève les prix pratiqués par les principaux concurrents dans
les différents canaux. L’analyse des résultats est claire : ce n’est pas un problème de prix. En
formulant cette conclusion, la chargée d’étude va probablement s’attirer la réflexion suivante :
« Alors, puisqu’il ne s’agit pas d’un problème de prix, vous allez certainement me dire maintenant
quelle est la cause, que j’ignore toujours, de la mévente actuelle. Après tout, c’est bien l’objectif que je
vous ai fixé, non ? »
..................................................................................................................................................................................
Nous avons réuni, dans la figure 1.2., quelques exemples courants de préoccupations managé-
riales et leurs traductions possibles en questions d’étude. On notera la multiplicité des orientations
découlant d’une interrogation managériale en apparence fort simple. Une part importante du métier
de responsable d’études réside dans sa capacité à sélectionner « la » ou « les » bonnes questions
parmi une foule d’investigations possibles. Les rencontres préliminaires avec les demandeurs et
utilisateurs des travaux sont souvent indispensables pour effectuer une conversion correcte des
préoccupations managériales en choix d’étude.
préférables. Le problème est que si l’on suit son intuition, c’est bien beau, mais encore faut-il qu’elle
ne vous trompe pas ! Certes, quand on s’appelle Steve Jobs, patron d’Apple, on peut aligner des
succès formidables (iTunes, iPod, iPhone, iBook, iPad, etc.). Dès lors, quand un tel patron visionnaire
affirme qu’il ne fait pas d’études de marché, une telle déclaration met sérieusement en question la
valeur ajoutée des études (voir flash-étude 1.1.).
Flash-Étude 1.1.
1. Extraits traduits et adaptés d’un interview de Steve Jobs réalisé par Betsie MORRIS, Fortune, mars 2004.
C HAPITRE 1. C ADRAGE DE L ’ ÉTUDE 5
avons lancé les magasins Apple Stores. Nous n’engageons pas de consultants. Nous voulons juste faire
de grands produits.
Quand nous avons créé l’iTunes Music Store, nous l’avons fait parce que nous pensions que ce serait bien
de pouvoir acheter de la musique de manière digitale, pas parce que nous voulions redéfinir l’industrie
musicale. Je veux dire que c’est comme écrire sur un mur que toute la musique devrait être distribuée de
manière électronique. Cela semblait évident. Pourquoi supporter un coût [de distribution] ? L’industrie
musicale fait des profits énormes. Pourquoi accepter cette charge quand vous pouvez simplement
envoyer des électrons si facilement ? »
Plus précisément, les critiques formulées par les opposants aux études s’appuient sur deux
arguments :
Flash-Étude 1.2.
Macintosh portable. Lancé en 1989, son retrait intervient deux ans plus tard. Il coûtait
6 500 dollars et pesait plus de 7 kg. Une véritable méconnaissance des attentes des consomma-
teurs.
Newton. Ancêtre du Palm (l’organisateur de poche), ce produit, très en avance sur son temps,
sortit en 1993. Mais il souffrait de problèmes techniques importants : difficulté à reconnaître
l’écriture manuelle, lenteur décourageante et un prix jugé astronomique (1 000 $). Il fut retiré
du marché six ans plus tard.
Macintosh TV. Premier Macintosh à tuner TV intégré, véritable hybride qui mêlait un téléviseur
Sony Trinitron et un Apple Performa 520, il fut lancé en 1993. Il permettait de regarder la
télévision, mais on ne pouvait pas l’utiliser en même temps en tant qu’ordinateur. Il était peu
évolutif et peu puissant. Produit à 10 000 exemplaires, il disparut six mois plus tard.
Pippin. Développée en partenariat avec le fabricant Bandai dans le courant de l’année 1996, cette
console vidéo ne disposait que d’une vingtaine de jeux à sa sortie. Elle ne réussit jamais à s’imposer
sur un marché ultra-concurrentiel où s’affrontaient déjà la Nintendo 64, la Saturn de Sega et la
PlayStation de Sony.
G4 Cube. Sorti en juillet 2000, ce nouveau micro-ordinateur proposait un design original en forme
de cube, avec une éjection verticale des CD, comme pour un grille-pain. Bien que ciblant les
professionnels, son prix était considéré comme trop élevé. Le Power Mac G4, plus performant,
l’éclipsa totalement. Le Cube fut retiré du marché environ un an plus tard.
2. VON HIPPEL E, « Lead users : a source of novel product concept », Management Science, vol. 32, no 7, 1986, pp. 791-805 ;
FRANKE N., VON HIPPEL E., SCHREIER M., « Finding commercially attractive user innovations : a test of lead-user theory », Journal of
Product Innovation Management, vol. 23, no 4, 2006, pp. 301-315.
3. HOFFMAN D., KOPALLE P. et NOVAK T., « The ‘‘right’’ consumers for better concepts : identifying consumers high in emergent nature
to develop new product concepts », Journal of Marketing Research, vol. 47, 2010, pp. 854-865.
4. COVA B., « Développer une communauté de marque autour d’un produit de base : my nutella The Community», Décisions
Marketing, no 42, 2008, pp. 55-62 ; COVA B., « Consumer Made : quand le consommateur devient producteur », Décisions
Marketing, no 50, 2008, pp. 19-27 ; FÜLLER J., JAWECKI G et MÜHLBACHER H., « Développement de produits et services en
coopération avec les communautés en ligne », Décisions Marketing, no 48, 2007, pp. 47-58.
C HAPITRE 1. C ADRAGE DE L ’ ÉTUDE 7
Flash-Étude 1.3.
5. TISSIER DESBORDES E. et VERNETTE É., « La participation du client, la co-production, la co-création, un nouvel eldorado pour le
marketing ? », Décisions Marketing, no 65, 2012, pp. 3-6 ; RAMASWANY V. et GROUILLART F., L’entreprise co-créative, 2011,Vuibert.
8 P REMIÈRE PARTIE . RÉFLEXIONS PRÉALABLES À L ’ ÉTUDE
prime abord séduisantes, n’ont pas fait l’objet d’une validation solide. La méconnaissance de leurs
limites se traduit souvent par une confiance aveugle.
C. Clarification du problème
Comment faciliter cette clarification ? Nous proposons une démarche en deux temps : connaître
les sources habituelles de difficultés, déterminer le niveau de décision auquel se situe l’étude.
6. DARPY D., Comportements du consommateur, Dunod, 3e éd., 2012 ; SOLOMON M., DUMAS L., EL KAMEL L., ROY J. Le comportement du
consommateur, Pearson, 2013.
7. BLATTBERG R. et HOCH S., « Modèles à base de données et intuition managériales : 50 % modèle + 50 % manager », Recherche et
Applications en marketing, vol. 6, no 4, 1991, pp. 79-98.
8. ACKOFF R. A., Scientific Method, New York, John Wiley, 1962, p. 71, cité par CHURCHILL G. A. Jr., Marketing Research, 4e éd., Dryden
Press, 1987.
C HAPITRE 1. C ADRAGE DE L ’ ÉTUDE 9
b. L’incomplet
Une deuxième difficulté survient lorsque les informations fournies par le manager sont insuffi-
santes pour rédiger le projet d’étude. Souvent, par manque de temps, le demandeur rencontre
brièvement le chargé d’études, ce qui réduit le volume et la qualité des informations échangées. Un
cas extrême est celui de la rétention volontaire d’informations : le décideur considère que c’est à
l’institut ou au chargé d’études de prouver sa compétence en complétant les bribes d’informations
et en retrouvant de lui-même les hypothèses les plus plausibles 9.
c. L’enchevêtrement
L’expérience montre que l’efficacité ultérieure de l’étude de marché dépend en grande partie du
soin avec lequel le problème initial a été décomposé en sous-parties. Ce travail préliminaire facilite la
compréhension d’un problème complexe. Le groupe Danone, après l’audit d’un échantillon de 88
études réalisées pour son compte, a observé que la cause de la mauvaise qualité de ces dernières
venait, dans 20 % des cas, d’un problème initial mal formulé 10.
Exemple
..................................................................................................................................................................................
Soit, par exemple, la préoccupation suivante : « Comment réaliser une campagne de publicité
efficace ? » Toute une série d’études sont envisageables si l’on ne répond pas clairement aux
questions suivantes :
– Faut-il mesurer cette efficacité par l’image de marque ou par la notoriété spontanée ?
– Doit-on définir un budget publicitaire optimal ou arbitrer entre divers plans médias ?
– S’agit-il de choisir un axe de communication ?
..................................................................................................................................................................................
9. LE MAIRE P., « Comment améliorer les relations entre les cabinets d’études et leurs clients ? », Revue française du marketing, 1979/4,
pp. 41-49.
10. BOSS J.-F. et LINDON D., « L’efficacité des études de marché », Revue française du marketing, no 134, 1991/4, pp. 35-49.
11. FAIVRE J.-P., « Des études classiques aux études stratégiques », Revue française du marketing, no 142-143, 1993/2-3,
pp. 75-88.
10 P REMIÈRE PARTIE . RÉFLEXIONS PRÉALABLES À L ’ ÉTUDE
A. Principaux obstacles
Nous avons vu que le but le plus courant assigné à l’étude de marché est la réduction de
l’incertitude pour faciliter la prise de décision. En réalité, les finalités d’une étude sont multiples.
1. Information ou décision
Le postulat de départ : « l’étude doit apporter une meilleure information pour une meilleure déci-
sion » tend à être transformé en « toujours plus d’informations », d’où le risque de surinformation. Ce
fait pose deux questions : l’information sert-elle à décider et aide-t-elle à décider ? Certains travaux
montrent que, beaucoup plus souvent que l’on ne croit, le manager demande de l’information « non
pas pour décider, ou pour mieux décider, mais au contraire pour ne pas décider 12 ». La collecte
d’informations demande du temps, et donc permet d’obtenir un délai supplémentaire de
« réflexion » vis-à-vis de la décision à prendre. Lorsqu’elle est achevée, l’analyse débouche générale-
ment sur la conclusion que le problème est « complexe », que les solutions envisagées au départ
sont risquées, qu’il convient de faire preuve d’une grande prudence, les informations disponibles
sont contradictoires ou incomplètes... bref, les études peuvent légitimer l’absence de décision.
12. SOLE A., « L’information aide-t-elle la décision ? », Revue française du marketing, no 142-143, 1993/2-3, pp. 89-96.
C HAPITRE 1. C ADRAGE DE L ’ ÉTUDE 11
attribué au départ à l’étude. L’investigation devient une « pseudo-recherche » dans les situations
suivantes 13 :
– Acquisition ou conservation d’un pouvoir. Ces motifs sont justifiés par des considérations de
politique interne à une organisation.
– Promotion d’un service ou d’une personne. Il s’agit de montrer que l’on ne reste pas inactif face à
une situation donnée. Le simple fait de recueillir des informations a plus d’importance que les
conclusions.
– Satisfaction personnelle. Un manager entreprend une étude pour se faire plaisir ou pour se
rassurer.
Missions et préoccupations – Accorde peu d’intérêt au déroule- – Accorde peu d’intérêt aux
ment de l’étude. circonstances qui ont motivé l’étude.
– Peut contrôler la démarche en – Situation de conseiller, médiateur,
modifiant les hypothèses. avocat, arbitre.
– Poids des contraintes organisa- – Poids des contraintes méthodolo-
tionnelles. giques.
– Actions à court terme. – Actions à moyen terme.
– Synthèse simplificatrice. – Démarche analytique.
Source : adapté de NICHOLSON P., « Marketing : réconcilier les hommes d’études et les décideurs »,
Revue française de gestion, janvier/février 1987, no 61, p. 25.
13. SMITH S. M., « Research and Pseudo Research in Marketing », Harvard Business Review, avril 1974, pp. 73-76.
12 P REMIÈRE PARTIE . RÉFLEXIONS PRÉALABLES À L ’ ÉTUDE
(1) L’étude exploratoire correspond à une étude de débroussaillage destinée à comprendre les grandes dimensions d’un
problème, énoncer des hypothèses, répertorier différentes solutions, etc. Les objectifs sont exprimés en termes assez
vagues et le champ des recommandations possibles est large.
(2) L’étude appliquée doit produire des résultats concrets. Les objectifs de l’étude sont précis et le manager attend du
chargé d’études une recommandation claire et pragmatique.
(3) L’étude paratonnerre recouvre une variété de situations correspondant à des « pseudo-recherches ». Les objectifs de
l’étude sont vagues ; les résultats ne sont admis que s’ils confirment l’intuition initiale du demandeur ou s’ils offrent des
arguments utiles pour une négociation. De même, si la recommandation n’est pas conforme aux prévisions, elle a peu de
chance d’être appliquée.
(4) L’étude confirmatoire s’apparente à une étude sanction, proche d’une expertise destinée à arbitrer différentes
positions. Les objectifs sont clairs et la recommandation est considérée comme un jugement. La méthodologie et les
résultats seront passés au crible et probablement contestés par l’une ou l’autre des parties prenantes.
14. NICHOLSON P., « Marketing : réconcilier les hommes d’études et les décideurs », Revue française de gestion, no 61, janvier/février
1987, pp. 22-32 ; WALISER B., « Évaluation des études d’aide à la décision dans les administrations centrales », « Le processus de
décision dans les organisations », Journée d’études AFCET, Paris, 1980.
C HAPITRE 1. C ADRAGE DE L ’ ÉTUDE 13
questions d’étude. Ceci revient à formuler un diagnostic d’étude ; ce processus se fonde sur trois
séries d’éléments que nous répertorions dans la figure 1.6.
Dans les situations simples, l’obtention de ces éléments ne pose guère de difficultés : la formu-
lation initiale du problème est simple, le recensement des causes du problème a permis d’établir un
diagnostic marketing clair et solide 15. L’exactitude de ce dernier est un élément crucial, car, selon le
type de diagnostic, les questions d’étude varient considérablement. Théoriquement, ce travail n’est
pas du ressort du chargé d’études (interne ou extérieur à l’entreprise), car il remonte bien en aval du
problème d’étude. La logique voudrait donc que le diagnostic soit préalablement effectué par le
directeur marketing. Mais la tendance actuelle s’oriente vers une contribution plus active du chargé
d’études qui, du coup, se transforme en « consultant marketing ». Ceci ne va pas sans poser de
problèmes : allongement de la phase préparatoire, augmentation du devis d’étude, difficulté d’accès
aux informations, réticence du donneur d’ordre qui voit dans cette démarche une remise en cause
des choix marketing antérieurs, etc.
2 – Examen du problème
. Analyse des causes présumées
. Recensement des informations
disponibles et manquantes
. Validation du diagnostic marketing
"
15. Pour un approfondissement du diagnostic du marketing, le lecteur se reportera aux manuels de base, tels que, par exemple :
DUBOIS P.-L., JOLIBERT A., GAVARD-PERRET M.-L. et FOURNIER C. Le marketing, 4e éd., Economica, 2014 ; HELFER J.-P., ORSONI J., et
SABRI O. Marketing, Vuibert, 13e éd., 2014 ; VERNETTE É., L'essentiel du marketing, 3e éd., Éditions d'Organisation, 2008.
14 P REMIÈRE PARTIE . RÉFLEXIONS PRÉALABLES À L ’ ÉTUDE
Exemple
..................................................................................................................................................................................
Outre l’exactitude du diagnostic marketing, la formulation des questions d’étude peut nécessiter
la recherche d’informations complémentaires pour délimiter et hiérarchiser les problèmes posés :
différentes techniques sont utilisables, telles que l’analyse documentaire, l’utilisation des panels, les
rencontres avec les commanditaires de l’étude. Ces différentes investigations préliminaires sont
traitées dans le chapitre suivant. Lorsque le chargé d’études dispose de ces informations, la fixation
des questions d’étude ne pose pas de difficulté majeure. Nous proposons, dans la fiche tech-
nique 1.1., un exemple d’application illustrant les différentes phases de ce travail 16.
16. Cet exemple se fonde sur une approche simplifiée d'un appel d'offres réel (SEATM, 22 octobre 1991). Bien que le contexte
d’étude soit ancien, la qualité de la démarche d’établissement du diagnostic et la fixation des objectifs et questions d’étude en font
un véritable modèle du genre.
C HAPITRE 1. C ADRAGE DE L ’ ÉTUDE 15
Fiche technique 1.1. Comment déterminer et rédiger les objectifs et questions d’étude ?
1 – Exposé du problème managérial 3 – Fixation des objectifs et questions d’étude
Le marché de l’immobilier de montagne français a connu En analysant pas à pas les scénarios de l’appel d’offres,
une crise sérieuse au début des années 1990. En effet, la nous pouvons lister les points suivants :
fréquentation des stations de sports d’hiver avait sensi- a) Problème managérial : effondrement du marché
blement baissé, puisque le nombre de skieurs est passé immobilier en montagne.
de 6 millions en 1985 à environ 5 millions en 1991.
Cette réduction du taux de départ des Français aux b) Recensement des causes présumées :
sports d’hiver s’est traduite par une récession importante – réduction du taux de départ en vacances d’hiver ;
du marché de l’immobilier en montagne : arrêt des – surcapacité d’hébergement (offre supérieure à la
programmes d’investissement, baisse sensible de la demande) ;
qualité du parc disponible, fuite de la clientèle potentielle – faible rentabilité du produit (concurrence des autres
vers d’autres destinations de vacances. Que pouvait-on placements) ;
faire pour sortir de ce cercle vicieux ?
– produit immobilier de mauvaise qualité (bas de
2 – Examen du problème à résoudre gamme) ;
Les causes de cette récession sont globalement connues. – frein culturel (baisse de l’attrait de la résidence secon-
À la stagnation de la fréquentation se sont ajoutées des daire).
causes propres au marché immobilier de montagne :
faible rentabilité financière du produit, concurrence c) Diagnostic et contraintes marketing :
d’autres placements financiers, faibles perspectives de – existence de créneaux pour un « nouvel immobilier
plus-values, paupérisation du produit, manque de profes- de montagne » ;
sionnalisme des acteurs de l’immobilier, effet de mode et – construction d’un programme immobilier à taille
moindre attirance pour la résidence secondaire. humaine.
Si, globalement et quantitativement, l’offre immobilière d) Fixation des questions prioritaires auxquelles l’étude doit
peut apparaître supérieure à la demande, il n’en reste répondre :
pas moins que ce marché n’est pas toujours adapté à la
demande de la clientèle des vacanciers : manque – pondérer les attentes de la clientèle finale en matière
d’hébergements locatifs adaptés aux stratégies des de produits immobiliers moyenne gamme : confort,
opérateurs, notamment en ce qui concerne les stations surface, nature du programme, environnement de la
moyennes, hébergements ayant vieilli prématurément et station (écologie, altitude) ;
ne répondant plus aux critères de confort indispensa- – déterminer le potentiel de ventes d’un tel marché ;
bles, etc. – comment attirer les investisseurs pour des produits de
Quelles sont les conditions à réunir, d’abord, pour moyenne gamme (série limitée) et de rénovation du bas
espérer à moyen terme une reprise de l’immobilier de de gamme : évaluation des coûts de construction, mode
loisirs en montagne et surtout pour que le produit d’acquisition des terrains, viabilisation, plan de finance-
corresponde à la demande de la clientèle des vacanciers ment, aides à la construction, prêts spécifiques ;
et s’insère dans une vision de l’aménagement de la – comment communiquer ces attentes aux responsa-
montagne respectueuse des grands équilibres économi- bles locaux et nationaux (offices du tourisme, collecti-
ques et naturels de la montagne ? vités locales et territoriales, etc.). Quelles actions mener ?
L’étude a donc pour objectif de définir quelles pourraient La liste précédente montre la multiplicité des questions
être les stratégies d’anticipation et d’actions possibles auxquelles l’étude doit répondre. On voit assez rapide-
pour mettre en place les conditions permettant de favo- ment que les personnes susceptibles d’être interrogées
riser l’émergence d’un produit immobilier répondant aux seront différentes : utilisateurs finaux (skieurs), acheteurs
orientations définies ci-dessus. du produit (investisseurs publics et privés), concepteurs
16 P REMIÈRE PARTIE . RÉFLEXIONS PRÉALABLES À L ’ ÉTUDE
(promoteurs, collectivités locales), distributeurs (offices du tourisme, voyagistes), etc. Certaines questions imposent
des réponses quantitatives chiffrées (nombre de logements, pondération des attentes des utilisateurs), alors que
d’autres débouchent sur des réponses qualitatives (recenser les actions de promotion, construire un argumentaire,
etc.).
Les développements précédents révèlent que le succès de l’étude dépend en grande partie de la
qualité de la collaboration entre les partenaires. La figure 1.7. présente le partage des responsabilités
entre le manager et le chargé d’études pour un bon cadrage de la future étude. La validation du
diagnostic marketing est au cœur du processus de cadrage. Elle élimine les fausses pistes d’études,
c’est-à-dire les études inutiles car elles n’apporteront pas de valeur ajoutée au manager. En second
lieu, elle permet de hiérarchiser les questions d’étude, en évitant la prolifération de questions
secondaires, souvent coûteuses et finalement peu utiles pour les décisions ultérieures. Enfin, la
rédaction du projet d’étude est facilitée par un diagnostic marketing clair et précis.
Existence non
oui
d’un diagnostic marketing
Responsabilité de l’action
Manager
Manager et chargé d’études
Chargé d’études
Le lecteur sera peut-être surpris par l’importance que nous avons donnée à la phase de cadrage
de l’étude. Il est vrai que dans la pratique, faute de temps ou par excès de confiance, cette étape est
rapidement parcourue, voire carrément occultée, au profit des questions ultérieures de collecte et
d’analyse des données. Mais les conséquences d’un cadrage raté, voire d’une absence d’étude
préliminaire, sont toujours dommageables pour l’entreprise. Le flash-étude 1.4. qui revient sur
l’échec du lancement du New Coke et sur le retrait prématuré d’Artic Coca le montre clairement.
C HAPITRE 1. C ADRAGE DE L ’ ÉTUDE 17
Flash-Étude 1.4.
De l’étude mal cadrée à l’absence d’étude : échec du New Coke et retrait prématuré
de l’Artic Coke 17
Le marketing de Coca-Cola est réputé pour être l’un des meilleurs du monde. Pourtant, l’échec du
lancement du New Coke en 1985 est resté célèbre et a souvent été présenté comme un exemple
d’une défaillance des études de marché. Le recul et les différents audits montrent aujourd’hui que
les causes résident en grande partie dans une mauvaise formulation des questions d’étude. Un
quart de siècle plus tard, en 2011, Coca apporte son obole au marketing durable en changeant la
couleur de sa célèbre canette et en s’engageant à verser 3 millions de dollars au WWF. En
apparence, il n’y a aucune raison d’envisager une étude sur la perception du nouveau packaging,
puisqu’il s’agit d’une opération caritative qui, de surcroît, est limitée dans le temps. Et pourtant, cela
aurait été nécessaire...
17. Cette analyse se fonde en grande partie sur les documents disponibles dans les sites Web suivants : www.snopes2.com/cokelore/
newcoke.htm ou www.toptown.com/hp/mikeyb/coke.htm ; voir aussi les articles dans Newsweek, 24 juin 1985 ; Times, 22 juillet
1985 ; SCHNINDLER R., « The Real Lesson of New Coke », Marketing Research, 25 décembre 1992. http://www.e-marketing.fr/
Breves/Coca-Cola-fait-un-flop-avec-ses-canettes-blanches-de-Noel-42901.htm ; http://www.thecoca-colacompany.com/dynamic/
press_center/2011/10/iconic-coca-cola-red-cans-turn-arctic-white.html
18 P REMIÈRE PARTIE . RÉFLEXIONS PRÉALABLES À L ’ ÉTUDE
Conclusion
La première phase des réflexions nécessaires pour un bon cadrage de l’étude de marché est
achevée. Nous avons montré que la formulation du problème, primordiale pour l’efficacité de
l’étude, comportait nombre de difficultés.
Il ne faudrait cependant pas en déduire trop rapidement que toutes les formulations sont
complexes et nécessitent un flair digne de Sherlock Holmes. La plupart du temps, le problème
est clairement posé, le diagnostic marketing a été validé avec soin, les questions d’étude sont bien
délimitées. Dans un tel cas, le chargé d’études peut directement passer à la rédaction du projet, à
condition qu’il dispose d’une bonne connaissance générale du marché correspondant aux produits
ou services qui font l’objet de l’étude. Mais dans le cas contraire, il doit, préalablement à la rédaction
du projet, engager des études documentaires préliminaires. Ce sera l’objectif du prochain chapitre.
C HAPITRE 1. C ADRAGE DE L ’ ÉTUDE 19
TEST DE CONNAISSANCE
(Cochez une seule réponse par question.)
Bibliographie
BOSS J.-F. et LINDON D., « L’efficacité des études de marché », Revue française du marketing,
no 134, 1991/4, pp. 35-49.
FAIVRE J.-P., « Des études classiques aux études stratégiques », Revue française du marketing,
no 142-143, 1993/2-3, pp. 75-88.
FLORES L., « Web 2.0 et études de marché : vers une nouvelle génération d’études de
marché ? », Revue française du marketing, no 220, 2008, pp. 7-16.
GILLES M., « Le consommateur change, les études aussi. État des lieux après la tempête »,
Revue française du marketing, no G201, 2005, pp. 111-126.
LE MAIRE P., « Comment améliorer les relations entre les cabinets d’études et leurs clients ? »,
Revue française du marketing, 1979/4, pp. 41-49.
NICHOLSON P., « Marketing : réconcilier les hommes d’études et les décideurs », Revue
française de gestion, no 61, janvier/février 1987, pp. 22-32.
SMITH S.M., « Research and pseudo research in marketing », Harvard Business Review, avril
1974, pp. 73-76.
SOLE A., « L’information aide-t-elle la décision ? », Revue française du marketing, no 142-143,
1993/2-3, pp. 89-96.
WALISER B., « Évaluation des études d’aide à la décision dans les administrations centrales »,
« Le processus de décision dans les organisations », Journée d’études AFCET, Paris, 1980.
631
Avant-propos V
Introduction VII
Première partie :
Réflexions préalables à l'étude
1. Cadrage de l’étude 1
I. Analyse du problème à résoudre 2
A. Émergence du problème 2
B. Perception managériale du problème et questions d’étude 2
C. Clarification du problème 8
II. Compréhension de l’objectif de l’étude 10
A. Principaux obstacles 10
B. Utilisation des résultats 12
C. Diagnostic des questions d’étude 12
Conclusion 18
2. Études préparatoires 21
I. Identifier les informations nécessaires 22
A. Quand faut-il engager une étude préparatoire ? 22
B. Nature des informations à identifier 23
C. Partage, exclusivité et régularité de l’information 23
II. Exploiter les informations disponibles 26
A. Étude documentaire : « le point sur l’existant » 27
B. Brief avec le client : le complément d’information 34
III. Approfondir les informations
grâce aux panels 36
A. Objectifs et catégories de panels 36
B. Apport d’un panel de consommateurs 39
C. Apport d’un panel de distributeurs 42
D. Apport d’un panel-test 47
E. Administration d’un panel 50
F. Bilan 51
Conclusion 52
632 É TUDES DE MARCHÉ
3. Projet d’étude 55
I. Qui fait l’étude ? 56
A. Étude interne ou sous-traitée ? 56
B. Gestion d’un appel d’offres 59
II. Étude vs recherche marketing 62
A. Perspectives différentes 62
B. Préoccupations convergentes 64
C. Étude et recherche marketing : sources d’insight marketing 67
III. Démarche qualitative ou quantitative ? 70
A. Approche qualitative 70
B. Approche quantitative 73
C. Synthèse 74
IV. Contenu de la proposition d’étude 75
A. Rubriques d’une proposition d’étude 75
B. Adoption du projet d’étude 81
V. Marché des études 83
A. Marché français 83
B. Marché mondial 86
Conclusion 87
Deuxième partie :
Approche qualitative
Conclusion 222
Conclusion 275
T ABLE DES MATIÈRES 635
Troisième partie :
Approche quantitative
8. Échantillonnage 281
I. Préparation de l’échantillonnage 282
A. Définir la population à étudier 282
B. Déterminer la base de sondage 284
II. Sélection de l’échantillon : choix d’une méthode de tirage 285
A. Méthodes d’échantillonnage aléatoire 285
B. Méthodes d’échantillonnage empirique 292
C. Synthèse 297
III. Détermination de la taille de l’échantillon 299
A. Éléments à prendre en compte 300
B. Taille d’échantillon pour estimer une moyenne 300
C. Taille d’échantillon pour estimer une proportion 302
Conclusion 303
Conclusion 344
Conclusion 369
Conclusion 392
Conclusion 422
Conclusion 448
T ABLE DES MATIÈRES 637
Conclusions et recommandations
Annexes
Bibliographie générale 623
Index 627
LES INDISPENSABLES VUIBERT
e n 1 d e l a r é u s s i te
Les 3
La seule collection qui vous propose à la fois :
le cours en fiches
Sommaire
Réflexions préalables à l’étude. 1. Cadrage de l’étude. 2. Études préparatoires.
3. Projet d’étude. Approche qualitative. 4. Investigation par entretien individuel.
5. Investigation par interactions en groupe. 6. Investigation par observation.
7. Techniques de recherche et d’interprétation du sens. Approche quantitative.
8. Échantillonnage. 9. Construction du questionnaire. 10. Administration du
questionnaire. 11. Analyses de base. 12. Tests statistiques. 13. Analyses d’association
et de dépendance. 14. Analyses multivariées. 15. Expérimentation et modélisation
en marketing. Conclusions et recommandations. Présentation du rapport d’étude
et mise en œuvre.
ISBN : 978-2-311-40148-6
www. .frr