Le Cosmopolite - Oeuvres
Le Cosmopolite - Oeuvres
Le Cosmopolite - Oeuvres
OE y V R B s
D V
COSMOPOLITE»
Dmfi^w mis Parties*
craGraGn’JraerafiTS stasn cratfécnGiQfin
TROIS TRAITEZ,
Dans Iefquels font expliquez les
trois Principes de la Philofophie
Naturelle.
NOVVELLE LVMIERE
CHIMYQVE,
Divisée en doufe Traitez^
A PAR I iÿ,r
Chez Iean d’.Hov r y , àiTrdfg^
Iean, au bout du Pont-neuf, fur le
Quay des Auguftins.
M. DC. LXIX.
A rEC PRIVILEGE DT R O K
ou<^. Pt^r- cu>.
WM’Ï
àïïJO .
a.
P R E F A CE
l'Art Chymiqué urays
enfans âHermes
,,
A tous les Inquifiteurs de
S A L V T.
ÛNSiD ER AN T EN MOf-
M E S'M E , lAwy Lettéur ,
combien de faujjes recettes
â'^lchymijl'es ( quils appellent ) &*
combien de livres contrefaits & per¬
nicieux , dans lefquels on ne fç.turoit
remarquer la moindre trace delà vérité,
ont efté compofeT^p aria fraude & l'a¬
varice des Impojieurs , dont la lediure
a trompé & trompe encore tous les tours
PREFACE.
les véritables Inquifitettrs des >Arts
des fecrets de la Nature les plus ca-
cbeX, » MJ crû que ie ne pouvois rien
faire de plus utile <& de plus profitable,
que de communiquer aux urays fils cÿ*
heritiers delafcience, le Talent qu’il a
plû au Pere des lumières me confier:
afin de donner a connaître a la pojleritéy
que Dieu a octroyé cette bénédiction Sin¬
gulière , & ce threfor Pbilofophique à
quelques fignaleXperfonnagél nonfeule¬
ment és fiecles paffemais encores à
quelques-uns de nofire temps. Plufieürs
raifcns mont obligé a ne pas publier
mon nom , parce que ie ne recherche
point d’ejlre lotie & efiimé, & que ie
nay autre deffein que de rendre office
aux Amateurs de la Philofophie. Ielaif,
fie librement ce vain defir de gloire à
ceux qui aiment mieux paraître fçavans
que de l’ejlre en effet. Ce que i’écris en
peu de paroles pourfervir de témoignage
de la vérité & de la certitude de cette
fcience y aeflé confirmé par /’ expérience
PREFACE.
manuelle que ï en ayfaite, auec la grâce
du Très-haut , afn d’exhorter ceux qui
ont déjà posé les premiers & réels fon-
demens de cette louable fcience , à ne
pas abandonner l’exercice & pratique
des belles chofes , & les garantir par
ce moyen de la méchante&frauduleufe
troupe de charlatans & vendeurs de fu¬
mée , auxquels rien n’ejl f doux que de
tromper. Ce ne font point des fonges ,
comme parle le vulgaire ignorant j ce
ne font point de vaines fêlions de quel¬
ques hommes oififs, comme ejliment les
fols & infenfeX^ quife mocquent de cet
<Art. C’ejl la pure vérité Philofophique,
dont ie fuis pafiomé feâîateur que le
vous veux découvrir , & que ie nay pii
ny dû vous cacher, ny paffer fous filen-
ce,parce que ce feroit refufer mon ap-
puy & mon fecours à la uraye fcience
Chymique indignement décriée quoy
quelle appréhende extrêmement de pa¬
raître en public dans ce fiecle mal-heu¬
reux & pervers, ou Je vice marche de
PREFACE.
pair avec la vertu, à caufe de /’ingrati¬
tude & de la perfidie des hommes, fans
parler des male dirions yuan vomit
contre les Philofophes. le pourrois rap->
porter plufieurs graves Autheurs pour
témoins de la certitude de cette fcicnce}
conformement au commun (y* unanime
confentement que la venerable Anti¬
quité a donné parmy plufieurs nations
differentes. Mais les chofes que nous
voyons fènfiblement, & dont nous fam¬
ines convaincus parnojlre prorpre expé¬
riencej nont pas befotn d’aucune preuve,
il n’y a pas long temps , & 1en parle
comme fçavant, que plufieurs perfonnes
de grande & petite conditionnant vû cet¬
te Diane toute nue. Et quoy quil Je trou¬
ve trouve quelques efprits oifeux , qui
par envie , ou par malice , ou par la
crainte qu’ils ont que leurs impofiuresne
fotent découvertes prient incejjammenty
que par un certain artifice, qu'ils cou¬
vrent fous vne vaine oftentation de pa¬
roles fajbeufes & ampoullées , l’en
PREFACE.
petit extraire î ame de L’or, & U rendre
à un autre corps. Ce qu’ils entrepren¬
nent temerairement 3 & nonfans grande
perte de temps , de labeur & d’argent.
Que les enfans d’Hermes fçachent &
tiennent pour certain que cette extra¬
ction d’ame (pourparler en leurs termes)
foit de £ or, foit de la Lune} par quelque
voye Sophifiiquc vulgaire qu elle fe faf
fe }nejl autre chofe qu’une purefiant aifie
& une vaineperfuafion. Cequeplufieurs
ne croyent pas ; mais qu’ils feront enfin
contraints de croire d leur dommage s
l'erfqutls en feront îexpérience, Seule
& uniqueMaiJîreJJe delà vérité :
contraire ie puis affeurer avec raifon
que celuy qui pourra par voye Philofo-
phiqtte,fansfiude &fans àéguifemcnt,
teindre réellement le moindre métal du
monde, foi t avec profit 3foit fans profit,
en couleur de Sol ou de Lune, demeurant
& refijlant k toute forte £ examens re¬
quis &. ne ceffair es > aura toutes les por¬
tes delà Nature ouvertes pour recher-
PREFACE.
cher dlautres plus hauts & plus excel¬
lent fecrets, & mefmes les acquérir,
avec U grâce O" la benedichon de Dieu,
si u refie 3 ]’offre aux en fans de. lafaence
Cesprefem Traite-^, <& que i ay écrits
fur ma propre expérience, afin quefiu-
dians & mettant toute leur application
& toute la for ce de leur efprit, a la re¬
cherche des operations cachées de la
Nature , ils puiffeni par la découvrir O*
connaître la vérité des chofes,& la Na¬
ture mefmes en laquelle feule connoiffan-
ce confijle toute la perfeçlion de ce faint
sirt Philofiphique ? pourveu qu en y
procédé par le chemin Roy al,que la Na¬
ture nou^apreferit en toutes fis aélions
& operations. C’efi pourquoy, ieveux
icy avertir le LeEleurqu il ne jupe, point
de mes é crits félon /Y cor ce & lefins ex¬
térieur des paroles, mais plufiofipar la
force de la Nature, de peur quen apres
il ne déplore fin temps , fon travail,
& fin bien vainement dépenfeQu’il
confidere que cefi lafcience des Sages,
PREFACE.
& non pas U fcience des fois & des
ignorans ; & que î intention des Philo*
Jophes eji mite autre que ne la peuuent
comprendre tous ce s glorieux Thrafonsy
tous ces. LetpreZjnocqueurs, tous ces hom¬
mes 'vicieux & pervers , ( qui ne Je
pouvants mettre en réputation par leurs
propres venus , tachent de fe rendre
tlkjlres par leurs crimes , & par leur
calomnie & impojlures contre les gens
d'honneur ) tous ces vagabonds
ignorans fouffleurs qui ont déjà
prejque trompé tout le monde , avec
leurs blanchijpmens & rubipcations,
non fans grande diffamation & igno¬
minie de cette noble fcience. Les per-
fonnes de cette farine ne front ia-
mais admis dans les plus fecrets my-
fleres de ce Sainél Art ; parce que
cefl un don de Dieu , auquel on ne
peut parvenir que par la feule grâce
de ce Très-haut , qui vienne à illu¬
miner Hefprit de çeluy qui la luy de-
PREFACE.
mande avec une patiente & religieufe
humilité, ou par une démonstration oeu-
laire d’un ma/Jlrefidele & expert ; C’efi
pourquoy Dieu refufe à bon droit la re-
uelation de fes fecrets à ceux qui font
ejloignex. de fa grâce.
Pour ce qui ejl du refie , ie prie in-
fiamment les enfans de l’*4rt qu’ils
prennent en bonne part l’envie que iay
de leur rendre fervice, & lorfquils
auront fait que ce qui ejl Occulte de¬
vienne Manifefte > & que fuiuant U
volonté de Dieu par leur travail con¬
fiant & afidu 3 ils auront atteint le
port deftré des Pbilofophes , ils ex¬
cluent de la connoiffance de cet ^4rt,
d l’exemple des Sages 3 tous ceux qui en
font indignes : Qujls fe fouviennent de
la charité qu’ils doivent à leur pro¬
chain pauvre & incommodé } qui
viura en la crainte de Dieu ; qu’ils lè
faffent fans aucune vaine ofientation :
çÿ* qu’en reconnoiffance de ce don-fpe-
PREFACE.
ci al , duquel ils nabuferont pets , ils
chantent fans çeffe & en leur particu-
culier, & dans i’intérieur de leur cœur,
des louanges à Dieu Tout-puijfant> très-
bon & très-grand.
. ‘>»un
• ■'v-x.'ï •.
:"\ -iü iA -i.Q J1X
-'.V. Vk\^ _ i
..y' V?X <'•" ■■ 7. '
LA NATVRE
EN GENERAL.
TRAITE' I.
Ce que cejî que la Nature , & quels
H
doivent ejb'e les ferutateurs
d’icclle.
TRAITE’ II.
DE IIOPER^TION D E LA
Nature ennojirepfopofuion &
Jemence.
TRAITE’ I I I.
DE LA VRATE ET V R E~
miere matière des Métaux.
£ AT Q.V ELLE F ^ CO N
les Métaux font engendrex^aux
entrailles de la terre.
TRAITE’ V.
VE LA GENERATION"
de toute forte de pierre.
TRAITE’ VII.
VE LA V E RT V VELA
première matière.
ï"&
TRAITE’ VIII.
DE £ ART, ET COMME
U Nature opéré par l’art en la
Jemence.
TRAITE’ IX.
DELA C OM H I X T I ON
' de s métaux, ou de la façon de tirer
la femence métallique.. ,
«&&»&*****»*
TRAITE’ X.
DE LA GENERATION
fumaturelle du fis du Soleil.
TRAITE’ XI.
DELA PRATIQVE ET
compofm'on de la pierre ou
teinture phyficpte félon
Part.
ScyJv-ÀJ~i C-
EN GENERAL. 47
ment comprendre la pratique, laquelle en
imitant la Nature fe doit faire en cette fa¬
çon. Prens de noftre terre par unzede-
grez, unze grains , & de naftre or ( non
de l’or vulgaire ) un grain jacnoftre ar¬
gent, & non de l’argent vulgaire , deux
grains : mais je t’avertis fur tout de ne
prendre or ny argent vulgaire, car ils font
morts, & n'ont aucune vie ; prens les nô¬
tres qui font vifs, puis les mets dans nôtre
feu, & il fe fera de là une liqueur fechej
premièrement la terre fe refoudra en une
eau , qui s’appelle le Mercure des Philo-
fophes, & cette eau refout les corps du
Soleil & de la Lune, & les confume , de
façon qu’il n’en demeure que la dixiéme
partie, avec une part , & voila ce qu’on
appelle humide radical métallique. Puis
apres, prens de l’eau de fel nitre, tirée de
noftre terre, en laquelle cft le ruifleau 8c
l’onde vive ; lï tu fçais caver & fouir dans
la folle naïfve& naturelle , prens-donc
en icelle de l’eau qui foit bien claire , 8c
dans cette eau tu mettras cét humide ra¬
dical -, mets le tout au feu de putréfaction
& génération , non tel toutefois comme
tu as fait en la première operation ; gou-
. vcrnc le tout avec grand artifice Sc difcre-
• w,9ihf-
4S DE LA N A T V R £
tion, jufquesà ce que les couleurs appa-
loiffent comme une queue de Paon .-gou¬
verne bien en digérant toujours , juf-
ques à ce que les couleurs cciTent , &
qu’en toutPta matière il n’y ayt qu’une
feule couleur verdc qui apparoiiïc , &
qu’il ne t’ennuye point , & ainfi des
autres : Sc quand tu verras au fonds du
vaifièait des cendres de couleur brune,&
l’eau comme rouge: ouvre ton vaifieau,
alors mouille une plume, & en oingts un
morceau de fer ; s’il teint, aye foudain de
l’eau, de laquelle nous parlerons tantoft,
8c y mers autant de cette eau, qu’il y a
entré d’air cru ; cuis le tout derechef avec
lemefmefeu quedeflus jufquesàce qu’il
teigne. L’experience que j’en ay fait eft
renuë jufques à ce point , je ne puis
|uecela, je n’ay rien trouvé davantage,
lofais cette eau que je dis , doit eftre le
menftruë du monde, tiré de la Sphere de la
Lune , tant de fois rectifié qu’il puiflè
calciner le Soleil. le t’ay voulu découvrir
cy tout, & fi quelquefois tu entends mon
intention, non mes paroles, ou les fylla-
. bes, je t’ay révélé tout, principalement
tu premier & fécond œuvre. Mais il nous
refte encore quelque chofe à dire touchant
TRAITE’ XII.
DE IA PIERRE ET DE
fa 'vertu.
A U feule Trinité'fait
louange & gloire.
EN GENERAL 87
'4*
SOYLPHRE
SECOND PRINCIPE
de la Nature.
A PARIS,
Chez I e A n d’H o v R y , à l’Image
S* Iean, au bout du Pont-neuf, fur le
Quay des Auguftins.
M. DC. LxTxT*
'AVEC PRIVILEGE D V RO K
' • K ■ 3I
, fa jjjocf V. e ruîslî
A eofa \r/xp
PREFACE
AV LHCTEYR
My .Lectevr , D’au*
tant qu’il ne me fl pas per¬
mis, d’écrire plus clairement
quont fait autrefois les an¬
ciens Philojophes ,pent-ejke aujsi ne fe-
ras- tu pas Content de mes écrit;, venprin-
cipalement que tu as entre tes mains tant
4'autres livres debonsPhilojophes. Mais
croy auj?i que je naypos bejoin d'en com-
pofer aucttn,parce queienejpereé.i tirer
nulprept, ny n enrechercbe aucunevai-
| ne gloire y C'eft pourquiy ie naypoint vou¬
lu j ny ne veux pas encore faire connoijlrf
au public qui ie fuis. Les Traite^, que
\ay déjà mis au tour en ta faveur, ntt
PREFACE.'
fe Mêlaient te devoir plus quefitffire ,psU?
le refie i'ay dejiiné de te le remettre dans
,
nofire Traité de l'Harmonie où ie me
fuis propofé de àifcowir amplement des
chojês naturelles. Toutefois pour con-
descendre aux prières de mes amis il a
fallu que l'aye encore écrit ce petit livre
du Soulphre, dans lequel ie ne fçaypas s’il
fera befoin d’ajouter quelque chofe à mes
premiers ouvrages -,1e nefçay pas ntefme
fi ce livre te fatisfera,puifque les écrits
de tant de Vhilofophesne te fatisfont pM\
& principalement qu'aucuns autres
exemples ne te pourront fervir, fi tune
prends pour exemple l'operation journaliè¬
re de la Nature. Car fi d'un meur juge¬
ment tu confiderois comment la Nature
opéré, tu n aurais point befoin de tant de
volumes,parce que félon mon fentmeiït
il vaut mieux l’apprendre de la Nature]
qui efi nofire Maifirefiè, que non pas des
difciples. let'ay ajpx^amplement mon¬
tré en la Préfacé de mes douxe Traite
& encore dans le premier Traité, qu’il
PREFACE.
y et tant de livres écrits de cette Jcience i
qu’ils embrouillent plujlojl le cerveau de
ceux qui les lijcnt, qu'ils ne fervent k les
éclaircir de ce qu’ils doutent : Ce qui eji
arrivé k caufe des grands Commentaires
que les Philofophes ont fait furies laconi¬
ques préceptes d'hermes, lefquels de tour
à autre femblent vouloir s’éclipfer de
nous. Pour moy ie croy que fe defordre a
eflé caufé par les envieux pojfèfjeurs de
cette Jcience, qui enta deffein embarrafje
lespreceptes d'hermes 3 veu que tes igno-
rans ne Jçaventpas ce qu’ils faut aiouter
ou diminuer , fi ce n'ejl qu’il arrive par
hitXjrd qu'ils lifent mal les écrits des
tuteurs. Car s'ily a quelque Jcience
dans laquelle un mot de trop ou de manque
importe beaucoup pour aider ou pour nui¬
re, a bien comprendre la volonté de l'au¬
teur 3 c'ejl particulièrement en ceüe-cy:
par exemple, il ejl écrit en un lieu , Tu
méfieras puis après ceseauës enfem-
ble: l’autre aioute cét adverbe 5ne ce ;
quifait ? tu ne méfieras puis après ces
PREFACE.
eauës enfèmble. N’ayant mis (fut
deux lettres, il a 'véritablement aioüti
peu de chofe , l'y* neanmoins ‘ tout le feus
tnejl ptrverty.
Que le diligent Scrutateur de cette
fciencefçache que les abeilles ont l’induf-
trie detirerleur miel, mefmes des herbes
Veneneufes ; & que luy pareillement ysil
fçait rapporter ce qu’il lit a la pofibilùé
de la Nature, ill refoudra facilement les
Sophifmes-, c’ejlà dire , tp ’il difcerneH
aifément ce qui le peut tromper: qu’il ne
eejje donc de lire, car un 'ivre explique
l’autre. l’ay oiiy dire que . es livres de
Geberontejié envenimés par. les fophtf
mes de ceux qui les ont expliquez ; Et qui
fçait s’il n enn a pasejlé de mefine des li¬
vres des autres fduteurs ? en telle maniéré
qn auiourâ'huy on nepeut ny on ne doit les
entendre, qu apres les avoir leu mille &
pnüe fois 5 & encore s faut-il que cefok
m efprittres-docîe & tres-fubtil qui les
life, car les ignorans ne doivent pas fe
tnejlerde cette leéîure- il y en a plufieur-l
PREFACE
qui ont entreprit et interpréter G cher &
ies autres tuteurs > dont l’explication eji
beaucoup plus difficile à entendre que n’ejt
pas le texte mefme. C’efl pourquoy te te
confeiüe de tarrefler plujlojlautexte, &
rapporter letoutàlapoJ?ibilité de la Na¬
ture ^recherchant en premier lieu ce que
cefique U Nature. Tous difentbien una¬
nimement que cef\ une chofe commune de
vil prix & facile à avoir il eftvray,
mais ils dévoient aiouter, à ceux qui la
fçavent. Car quiconque lafçait, la con-
noijlra bien dans toute forte d’ordures ;
mais ceux qui Vignorent., ne croyentpas
mefme quelle foit dans l’or. Que fi ceux
qui ont écrit ces livres fi obfcurs, le/quels
font neantmoins tres-vrays , n’euffent
pointfçeu l’\Art, & qu’il leur eut fallu le
chercher, ie croy qu'ilsy euffènt euplus de
peine , que rien ont pas.aujourahuy les
Modernes : le ne veux pas louer mes
écrits ) l’en laiffè iuger a celuy qni les ap¬
pliquera a la pofïibilité> & au cours de la
Nature. Que fi de la letture de mes œu-
PREFACE.
mres, par mes confeils (y* mes exemples
il nepeut comoijire Voperation de la Na¬
ture , &{es minijîres lès ejprits vitaux
qui refreignent l'air , ny quelle ejl U
première matitre, a grandi peine le pour-
ra-il par les œuvres de Lutté. Carilefl
tres-difficile de croire que les ejprits-
ayent tant de pouvoir dans le ventre à
vent, l'ay ejlé aujsi contraint de paffer
cette ForeJl,& la multiplier comme les
autres ont fait > mais en telle maniéré
que les plantes que j'y anteray fervirotit:
de gui de aux inquiftieurs de cettefcience,
qui veulent pafjer par cette Forejii car¬
mes plantes font comme des ejprits cor¬
porels. il ri en ncjlpas de ce fiecle comm
des fieclespajpXj, aufquels on s'entr-ay«
mois avec tant d'affeü'ion qu'un amy dé¬
clarait de mot k mot cette fcience k fin-
amy : on ne l'acquiert aujourd'huy que-
par une Sainte inspiration de Dieu. C'ejl:
pourquoy quiconque l'hynie & le craint>,
la pourra pojjeder: qu'il ne defefpere pas>>
s'il laxhenheilla trouvera > parce qu'm
^ PR AF A CE.
• lapeut flufiojl obtenir de la bonté de
Dieu , que du /falloir <£aucun homme.
Car fa mifericorde ejl infinie-, & ha-
bandonne ïamais ceux qui efperent en
luy s il ne fait point acception de perfon-
nes-,&iine reietteiamais un cœur con¬
trit & humilié. C’ejl luy qui a eu pitié
de moy, qui fuis la plus indigne de toutes
les Créatures , & qui fuis incapable de
raconter fa puiffance ffi bonté, & fin
ineffable miféricorde qu’il luy a pli me
témoigner.
Que fi te ne puis luy rendre grâces plus
particulières, pour le moins ie ne cefferay
point de confacrer mes ouvrages à fagloi-
re.^yes-donc bon courage, amyLeéteur9
car fi tu adores Dieu dévotement, que ta
l’invocques, & que tu mettes toute ton
efperance en luy, il ne te. déniera pas U
me finegrâce quilm'a concédée : il Cou¬
vrira: la porte de la Nature , la où tu
verras.comme elle opéré tres-fimplement*
• Sçaches pour certain que la Nature eJÈ;
tres-fimple, & quelle ne fi deleéie quem
PREFACE.
la fimplicité: &■ croy moy que tout ce qliî
,
eji deplus noble en la Nature cji aufiile
plus facile le plus fimple, car toute ve¬
nte ejljimp le. Dieu le Créateur de toutes
chojes n a rien mis de difficile en la Na¬
ture : Si donc tu veux imiter la Nattire ,
je te confeille de demeurer en fa fimple
voye, & ^ trouveras toute for te de biens.
Que fi mes écrits & mes avertiffemens
ne teplaifentpas, ayes recours à d’autns>
Je n écris pas de grands volumes, tant
afin de ne te faire guère dépendre à les
acheter, qucpource quetù les ayes plù-
tojl leus -, car puis après tu auras du temps
four confùlter les autres ^Auteurs : Ne
iennuye donc point de chercher, on ouvre
à celuy qui heurte } joint que voicy le
temps que plufieurs fecrets de la Nature
feront découverts. Voicy le commence¬
ment d’une quatrième Monarchie, qui
régnera vers le Septentrion. Le temps
s approc he-Aa mere desfcicnces viendras
On verra bien des chofes plus grandes &
plus excellentes qu’on ri a pas fait durant
PREFACE.
les trois autres Monarchiespafféts.Parce
que Dieu( félon le préfacé des Anciens )
plantera cette quatrième Monarchie par
un?rince orné de toutes vertu* > & qui
peut-eftre ejl déjà né. Car nous avons en
ces parties boréales un Prince tres-fkge
très belliqueux , que nul Monarque n’a
furmonté en victoires , & qui furpaffè
tout autre en pieté & humanité. Sans
doute, Dieu le Créateur permettra, qu’on
découvnraplus de fecrets de la Nature
pendant le temps de cette Monarchie bo¬
réale, qu’il ne s’en efldé couvert,pendant
les trois autres Monarchies, que les Prin¬
ces e fiaient ou Payens ou Tyrans. Mais
tu dois entendre ces Monarchies au mef-
mefens des Philofophes,qui ne les content
pas félon la puiffance des Grands, mais
félonies quatre points Cardinaux du mon¬
de. La première a efié Orientale: la fé¬
condé Méridionale la troiftéme qui
régné encores auiourd’huy ejl Occidenta¬
le ton attend la derniere en ces pais Sep¬
tentrionaux : de toutes lefquelles chofes
PREFACE.
nous parlerons en nojlre T rai té de l'Har¬
monie. Dans cette Monarchie Stpten•|
( comme dit
trionale, attraBive polaire
lePfalmifie)h Mifericorde & la pieté
fe rencontreront, la pieté & la Iuftice
fe baifèrontenfsi'nbicîla vérité for-
tirade la terre, &la Iuftice regarde¬
ra du Ciel. Il n’y aura qu’un trou¬
peau , & un Pafteur $ & plufiem
fciencesfans envie, c ejlce que t’attends
avec defir. Quant a toy ( amy LeElew )
prie Dieu, crains-le, & l’aime,puislis
diligemment mes écrits, & tu découvri¬
ras toute forte de biens : Que fi par l’aide
,
de Dieu &par l’operation de U Nature,
( quetu dois touiours f livre, ) tu arrives
5
an port deftré de cette Monarchie tu ver¬
ras alors & connoifiras que ie ne t ay rien
dit) qui ne fait bon & véritable .
Mdieu.
TABLE
DES CHAPITRES.',
Contenus en ce Traité du Soulphrc.
CHAPITRE IL
Ve l’Elément de la T erre.
Wftfifïito -tir
CHAPITRE III.
De l’Elément de l'Eau.
CHAPITRE IV.
De l'Elément de l'^iir.
CHAPITRE V.
De VElément du feu,
CHAPITRE VI.
l
Incontinent après que Dieu eut conftitué
la Nature, pour régir toute la Monarchie
çlu monde , elle commença à diftribuer à
'chaque choie des places 5c des dignitez félon
leurs mérités. ' Elle conftitua premièrement
,les quatre Eléments, Princes du monde, &
afin que la volonté du Très-haut ( de la¬
quelle dépend toute la Nature) fut accom-
1 plie : elle ordonna que chacun de ces Elé¬
ments agiroit inceflamment fur l’autié : Le
feu commença donc d’agir contre Tait , SC
■■ de cette àdion fut produit le foulphre : l’ait
pareillement commença à agir contre l'eau,
& cette adion a produit le Mercure. L’eau
auiïi commença à agir contre la terre ; & le
• Sel a efté produit'de[ cette adion. Mais la
: terre ne trouvantplus d’autre Elément con¬
tre qui elle put agir, ne put aullî rien pro¬
duire, mais elle reteint en fon fein ce que
les trois autres Eléments a voient produit;
C’eft la raifon pour laquelle il n’y a que trois
Principes, SC que la terre demeure la matri¬
ce & la nourrice des autres Eléments.
Il y eut , comme nous avons dit , trois
Principes produits, es que les anciens Phi-
4<S TRAIT E*
lofophes n'ayans pasfi..exa£temcnt confiée,
•ré , n’onc fait mention feulement que de
deux actions des Eléments ( car qui poun*
juger s’ils ne les avoient pas connus tous
trois, & qu’ils nous ayent voulu induftrieu-
fement cacher l’un d’Âccux, puis qu’ils n’ont
écrit que pour les enfans de la feienre ) &
qu’ils ont dit que le Soulphre & le Mercure
eftoient la matière dos métaux, 8c mefme de
la pierre des Philofophes; 8c que ces deux
principes nous fuffifoient. Quiconque veut
donc rechercher cette Sainte fcience.
Soir necelfairement fçavpir les accidents &
çonnoiftre l’accident mefme , afin qu’il ap¬
prenne à quelfujet ou à quel Elément,il fe
propofe d’arriver ; afin qu’il procédé par des
milieus ou moyens convenables s’il defire
accomplir le nombre quaternaire. Car
comme les quatre Eléments ont produit les
trois Principes, de mefme en diminuant il
faut que ces trois en produifent dcux . fça-
voirlemafle 8c la femelle; & que ces deux
en produifent un qui foie incorruptible,;
dans lequel ces quatre Eléments doivent
eftre anatiques, c’eft à dire,également puif
fants, parfaitement digerez & purifiez, &
ainfi le quadrangle répondra au quadran-
gle. Et c’eft là cette quinte- eftènee beau»
DV SOVLPHRE. 4?
Æoup necelfaire à tout Artifte, feparée des
Elements exempts.de leurs contrariété. Et
de cette for ce tu trouveras en chaque com-*
pofé Phyfique durs ces trois Principes un
corps, un efprit & une ame cachée ; & fi tu
conjoints enfetnble ces trois principes, après
lesavoirfeparé & bien purgé, comme nous
avonsdit ,.fans doute en imitant la Nature,
ils te; donneront un fruit très pur. Car en¬
core que l’ame foirprife d’un très-noble lieu,
elle ne fçauroit neantmoins arriver où elle
tend., que le moycn.dc fon efprir, qui eft le
lieu & le domicile de ,1’ame, laquelle fi tu
yeux faire rentrer en lieu dû, il la fa ut.pr e-
mierement laver de tout-péché', &c que'le
lieu foir suffi purifié, afin que l’amepuiflè
eftre glorifiée en iceluy , 5c qu’elle ne s’en
puiile plus jamais feparer.. Tu as donc main¬
tenant l’origine,des trois Principes, defquels
en imitant la Nature., tu dois produire le
Mercure des Philofophes , & leur première
matière, & rapporter à ton intention les
principes des chofes naturelles, & particu-
îierementdes métaux. Car il eft impoffible
:que fans ces principes tu meine quelque cho-
feàperfecHonparle moyen de l’Art, puif-
quela- Nature mefme ne peut rien faireny
produire fans-eux. Ces ttois .principes font
'48 TRAITE'
en toutes les chofes, & fans eux il ne fe faiif
rien au monde, & jamais ne fe fera rien na¬
turellement.
Mais parce que nous avons écrit cy def-
fus que les anciens Philofophes n’ont fait
mention que de deux Principesfeulemet,afin
que l’Inquifîteur de la fcience ne fe trompe
point, il faut qu’il fçache qu’encores qu’ils
n’ayent parlé que duSoulphre & du Mer¬
cure , neantmoins fans le Sel ils n’euflènt
jamais pû arriver à la ‘perfection de cette
œuvrepuifque c’eft Iuy qui eftla clef & le
Principe de cette divine fcience ; c’eft Iuy qui
ouvre les portes dé la Iultice'• c’eft Iuy qui a
lesdefspourouvrirles prifons dans lefquels
le Soulpnre eft enfermé, comme je Iedécla-
reray quelque jour plus amplement en écri¬
vant du Sel, dans noftre troifiéme Traité
des Principes. Maintenant retournons à nô¬
tre propos. Ces trois Principes nous font
abfolumentneceflaires,parce qu’ils font la
matière prochaine : car il y a deux matières
des métaux, l’une plus proche, l’autre plus
«floignée: La plus proche font le Soulphre
Sc le Mercure * La plus efloignée font lés
quatre Eléments , defquels il n’appartient
qu’à Dieu feuL de creer les chofes. Laide
donc les Eléments, parce que tu ne feras
rieti
D? S O V LP H RE. 4Î>
-rien d’iceux, & que tu n’en fçaurois pro¬
duire que ces trois Principes,veu que là Na¬
ture mefme n’en peut produire autre chofe.
Et fi des quatre Eléments tu ne peux rien
produire que les trois Principes , pourquoy
t’amufes-tu à vn fi vain labeur que de cher¬
cher ou vouloir faire ce que la Nature a
déjà engendré ? Ne vaut-il pas mieux che¬
miner trois mille lieues que quatre; Qu’il
tefuffife donc d’avoir les trois Principes,
dont la Nature produit toutes chofes dans
la terre , & fur la terre , lefqueîs auffitu
trouveras entièrement en toutes chofes. De
leurdeue feparàtion & conjonction la Na¬
ture produit dans le régné minerai les mé¬
taux & les pierres; dans le régné végétal, les
arbres , les gerbes, & autres chofes ; 8c
dans le régné animal, le corps, l’efprit, 8c
famé : ce qui quadre très-bien avec l’œu¬
vre des Phiiofophes. Le corps c’eft la te#re ,
i’efprit c’eft l’eau, l’ame c’eft le feu, ou le
Wphre de l’or. L’efprit augmente la
quantité du corps, & le feu augmente la
vertu. Maisparceqaeeû égard au poids
il y a plus d’efpritque de feu, l’efprit s’exal¬
te , opprime le feu & l’attire à foy : De ma¬
niéré qu’un chacun de ces deux s’augmen¬
te en vertu > & la terre qui fait le milieu
5o TRAITE’
entre-eux croift en poids. Que tout In-
quifîteur de l’Art détermine donc en fon
efprit j quel eft celuy des trois Principes
qu’il cherche, & qu’il le fecoure, afin qu’il
puifle vaincre fon contraire; & puis après
qu’il adjoûte lôn poids au poids de la Natu¬
re 3 afin que l’Art accompliiïc le defaut de
la Nature: & ainfi le Principe qu’il cher¬
che fur montera fon con tra ire. Nous avons
dit au Chapitre de l’Element de la Terre,
qu’elle n’efl: que le réceptacle des autres
Eléments, c’eft à dire, le fujet dans lequel
le feu & l’eau fe combattent par i’inter-
yention de l’air ; Que fi en ce combat l’eau
jTurmonte le feu j elle produit des chofcsde
peu dedurée& corruptibles: mais quefile
feu furmonte l’eau , il produit des choies
perpétuelles & incorruptibles. Confideré
donc ce qui t’eft neffaire.
Sçache encore que le feu & Peau fonten
chaquecholè, mais ny le feu ny l’eau ne
produifent rien, parce qu’ils ne font feule-,
ment que difputer & combatreenfemble,
qui des deux aura plus de vitelïè & de ver¬
tu , ce qu’ils ne Içautoient faire*d’eux
mefmes s’ils n’eftoicnc excitez par une cha¬
leur extrinfeque , que le mou vement des
. venus celeltes allume w centre de la terre,
DV SOVLPHRE. ji
- fans laquelle chaleur le feu & l’eau ne fc-
toient jamais rien, & chacun d’eux demeu-
reroic toûjours en fon terme & en fou
poids: mais après que la Nature les a tous
deux conjoints dans un fujet en une deue &
■convenable proportion , alors elle les ex-
•cire par une chaleur extrinfeque, & ainû
le feu & l’eau commencent à combatte l’un
■contre l’autre, & chacun d’eux'appelle fon
fèmblableàfonfecours, & en cette forte,
ils montent & croifient jufquesàce que la
terre ne puiflè plus monter avec eux. Ce¬
pendant qu’ils font tous deux retenus dans
la terre, ils fe fubtilient( car la terre eftle
liijet dans lequel le feu 5c l’eau montent
•fanscefle, &produifentleur action parles
pores de la terre que l’air leur a ouvert 6c
préparé) & de cette fubtiliation du feu &c
de l’eau naiflent des fleurs & des fruits,
dans lefquels le feu & l’eau deviennent
amis, comme on peut voir aux arbres, èar
plus l’eau Scie feu font fubtilicz & patinez
en montant, ils produifent de plus excel¬
lents fruits, principalement fi lotfque le feu
& l’eau finifl'ent leur operation, leurs for¬
ces vnies enfemble font également puif-
: fautes.
Ayant donc purifié les chofes defquclles
jt TRAITE"
tu te veux fervir,fais que le feu &Teauede-
vienneiîtamis, ce qu’ils feront facile mnt
dansleut terre qui eftoic montée avec eux;
alors tu achèveras ton ouvrage pluftoftque
la Nature , fi tu fçais bien conjoindee l’eau
aveclefeufelonle poids de la Nature,non ,
pas comme ils ont efté auparavant, mais
comme la Nature le requiert, Si comme
il t’eftneceflâire, parce que dans tous les
compolèz la Nature met moins de feu que
des trois autres Eléments. Ij y a toujours'
moins de feu , mais la Nature félon fon
plaifir ajoute un feu extrinfeque pour ex¬
citer .l’interne , félon le. plus ou le moins
qu’il eft de befoin à chaque chofe, & ce
pendanrun plus long ou un plus petit efpacc
de temps. Et félon cette operation, fi le
feuintrinfequefurmonte. ou eftfurmonts
par les autres Eléments , il en arrive des
chofes parfaites ou imparfaites, foit es mi¬
néraux ou és végétaux. A la vérité le feu
extripiêque n’entre pas eflentiellemenr en
la compofîtion de la chofe, mais feulement
en vertujparce que le feu intrinfeque mate¬
riel contient en foy tour ce qui luy eft neccf
faire,pour veu qu’il aie feulement de la nour¬
riture. Et le feu extrinfeque luy fert de,
nourriture, de mefme que le bois entre-
DVS'OVLPHRE. î3
tient te feu Elémentaire,. & fuivant le plus
ouïe moins qu’il a de nourriture il croift 8c
Ce multiplie.
Il fe faut toutefois donner' de
garde que le feu extnnfeque ne (bit trop
grand, parce qu’il fuffoqueroit l’intrinfc-
que, de mefme que fi un homme mangeoit
, p'us quM ne pourroit , il feroit bien toft
fuffoqué: une grande flamme dévore un
! périr feu. Le feu extnnfeque doit eftre
■ multiplicatif, nourriflànt, & non pas dé¬
vorant , car de cette maniéré les chofes
viennent à leur perfection. La decoCtion
. donceftla perfection de toutes chofes:Et
ainfî la Nature ajoute la vertu au poids, Sc -
perfectionne fou ouvrage. Mais à caufe
qu’il eft difficile d’a joûter quelque chofe au
compofé, veu que cela demande un long
. travail, je te confcille d?ofter autant du fu-
E erflu qu’il en eft befoin , 8c que la Nature
requiert; mefle-le aux fuperfluitez oftées,
la Nature te montrera après ce que tu as
cherché. Tu connoiftras mefme fi la Na¬
ture à bien ou mal conjoint les Eléments,
Veu que tous les Eléments ne fubfificnt que
par leur conjonction. Mais plufîeurs ar-
tiftcsfementdcla pail'epour du bled fro¬
ment j quelques-uns fement l’un Si l’au-
54 TRAITE*
trc, pluficurs rejettent ce que les Philofo-
phes aiment , & quelques-ans commen¬
cent & achèvent en mcfme-temps,cequi
«'arrive que par leur inçonftance. Ils pro-
fcfTentim Art difficile, & ils cherchentuiï
travail facile. ils rejettent les bonnes ma¬
tières '&fètnent les mauvaifes. Et comme
les bons Auteurs au commencement de
leurs Livres cachent cette fcience : De
jnefme les Artiftes au commencement de
leur travail rejettent la vraye matière/
Nous difons que céc Art n’eft autre choie
que les vertus des Eléments également'
méfiées cnlêmble, une égalité naturelle du
chaud, du froid, du fec Si de l’humide, une
conjonâaôii du malle & de la femelle, & .
que certe mcfme femelle g engendré ce
mille ( c’clr à dire ) uire conjondion du
feu Si de l’humide radical des métaux:
confiderant que le Mercure des Philofo-
phes a en foy fon propre Sûalphre qui eft
d’autant meilleur que la Nature l’a plus ou
moins cuit & dépuré. Tu pourras parfaire
toutes chofes du Mercure. Que fi tu fçais
-ajouter tonpoids au poids de la Nature, eu
doublant le Mercure, & triplant le Soûl-
phre, il deviendra dans peu de temps bon,
Sc après meilleur, Si enfin très-bon: quoy
DV SOVLPHRE. fs
qu’il n’y ait qu’un feul Soulphre apparant,
& deuxMercures d’une mefme racine, ny
trop cruds ny trop cuits , mais toutefois
purgez &diflbuts,fitu m’as entendu.
Iln’eitpas ncceffaire que je déclaré par
écrit la matière du Mercure des Philofo-
phes , ny la matière de leur Soulphre. Ia-
maishomme n’a encore pu jufquesàpre-
fent, 5c ne pourra mefme à l’advenir la.
déclarer plus ouvertement, & plus claire¬
ment que les anciens Philofophes l’ont dé¬
crite, & nommée, s’il ne veut dire ana¬
thème de l’An. Car elle eft fi communé¬
ment nommée, qu’on n’en fait pas mefme
d’eftat ; c’cft ce qui fait que les Inquiiitems
de cette fcience s’addonnent pluiloft à la
recherche de quelques vaines fttbtilitez,'
que de demeurer en la fimpücité de la Na¬
ture. Nous-ne difonS pas toutefois que le
Mercure des Philofophes foit quelque cho-
fe commune ,• & qu’il foit ctairemenr nom¬
mé par fon propre nom : mais qu’ils ont
fenfiblement defignéia matière de laquelle
les Philofophes excrâyent leur Mercure Sc
leur Soulphre : parce que le Mercure des
Philofophes ne fe trou ve point de foy fur la
terre,mais il fe tire par artifice du Soul¬
phre Si du Mercure conjoints enfetnble» il
H iiij
5S TRAITE’
ne fe montre point, car il eft nud; néant*
moins la"Naturel’a merveilleufement en¬
veloppé. Pour conclure nous difons en
répétant que le Soulphre & le Mercure ,
( conjoints toutefois enfemble ), font k
Minière de noftre argent-vif, lequel a le ..
pouvoir de djfloudre les métaux, les mor¬
tifier, & les vivifier;;lla reçeu cette puif-
fanee du Soulphre aigre qui eft de la mefme
nature queluy. Mais afin que tu puiflès '
encore? mieux comprendre, écoute quelle ‘
différence il y a entre noftre argent-vif & ■
celuy du vulgaire. L’argent vif vulgaire
ne diffout point l’or ny l’argent, & ne fe
méfié point avec ettx infeparablcmcntr
mais noftre argent-vif diffout l’or & Far¬
ge it,&d une fois il s’eft méfié avec eux,
on ne les peut jamais feparer, non plusque .
de l’eau meflée avec de l’eau. Le Mercure
vulgaire a enfoy un Soulphre combuftiblé
mauvais qui le noircit 5 noftre Mercure a
un Soulphre incombuftible , fixe , bon,
tres-blanc, & rouge. Le Mercure vulgaite
eft froid & humide : le noftre eft chaud &
humide. Le Mercure vulgaire noircit & ta¬
che les corps : noftre argent-vif les blanchit ,
jufques à les rendre clairs comme le cryftal.
En précipitant le Mercure vulgaire , on.
D V S O V LP HR E. f7
le convertie en une poudie de couleur de
citron , & en un mauvais Soulphre : au
lieu que noflre argent-vif par le moyen de
la chaleur fc convertit en un Soulphre tres-
blanc, bon , fixe, & fufible. Le Mercure
vulgaire devient d’autant plus fufible., qu’il
eft cuit : mais plus on donne de co-
: ftion à noftre argent-vif, plus il s’épaiflïc
&fe coagule. Toutes ces circonftanccs te
peuvent donc faire connoiftre combien il
y a de différence entre le Mercure vulgaire
de l’argent-vif des Philofophes. Que fi tu
ne m’entends pas encore, tu attendras en
vain : n’efpere point que jamais homme
vivant te découvre tes chofes plus claire¬
ment que je viens de faire. Mais parlons
àprefentdes vertus de noftre argent-vif.
U a une vertu & une force, fi efficace que
de foy il fuffit alïêz, Si pour toy, & pour
luy, c’eft à dire, que tu n’as befoin que de
lay feul, fans aucune addition de choie
ffftrangere, veu que par la feule decoftion
naturelle, il fe dillbut & fe congele luy-
mefme. Mais tes Philofophes dans la
concodtion , pour acconrcir 1c temps , y
adjoûremfon Soulphre bien digefte & bien
Hieur,& fontainfi leur operation.
• Nouseuffions bien pû citer lesPhilofo »
H v
jt TRAITE*
phes qui confirment noftre difcouts; mais
parce que nos écrits font plus clairs que
les leurs , ils n’ont pas befoin de leur ap¬
probation car quiconque les entendra,
nous entendra bien auffi. Si tu veux donc
fuivre noftre ad vis , nous te confeillons,
avant que t’appliquer àcét Art, que tuap-
prennes premièrement à retenir ta langue.
Après, que tu ayes à rechercher la Nature
des minières, des métaux , & végétaux,'
parce que noftre Mercure Ce trouve en tout
fujet, & que le Mercure des Philofophesfe.
peut extraire de toute chofe, quoy qu’on
le trouveplus prochainement en un fujet
qu’en un autre. Sçaches auffi pour certain
que cette fciencc ne confifte pas dans le
hazard & dans une invention fortuite Si
cafuclle, mais qu’elle eft appuyée fur une
reelle connoiflance : & il n’y a que cette
feule matière au monde, par laquelle, Si
de laquelle on prépare la pierre des Philo-
faphes, Elle eft véritablement en toutes les
chofesdu monde , mais la vie de l’homme
ne ferait pas aflez longue pour en faire
l’cxtra&ion.Si toutefois tu y travailles fans
la connoiflance des chofes naturelles, prin¬
cipalement au régné minerai, tu feras fem-
blafale à un aveugle qui chemine par habi-
DV SOVLPI-ÏRE. 55
rade. Quiconque travaille de cette forte,
fon labeur eft tout à fait fortuit & cafoel:
& mefme( comme il arrive fouvent) en¬
core que quelqu’un par hazard travaille
fur la vraye matière de noftre argent-vif,
neantmoins il advient qu’il cefïc d’operer
là où il devroit commencer; car comme
fortuitement il l’a trouvée, auffi la perd-il
fortuitement , à caufe qu’il n’a peint de
fondement, for lequel il puiflè bien afleu-
rer fon intention. CYft pourquoy cette
fcienceeft un pur don de Dieu très-haut,
& ne peut eftre que difficilement connue,
fînon par révélation divine, ou par la de-
monftration qu’un amy nous en fait. Car
nous ne pouvons pas eftre tous des Gebers,
nydesLuIles; Si encores que Lulle fût un
efprittrcs fobtil, neantmoins fi Arnault ne
luy eut donné la connoilïance de l’Art, cer¬
tes il auroit reflèmblé aux autres , qui la
recherchent avec tant de difficulté : & Ar-
nault mefme confeiïè l’avoir apprife d’urf*
fien amy. Il eft facile d’écrire à celuy au¬
quel la Nature diète elle-mcfme : Et com¬
me on die en commun proverbe: il eft fort
aifé d’ajouter à ce qui a déjà efté inventé.
Tout Art Si toute fcience eft facile aux
maiftres, mais aux difciples qui ne font que
6e TR AI T E*
commencer j il n’en va pas de mefme; Et
pour acquérir cette fcîcnce il y faut un long
temps, pluficurs vaifleaux ,de grandes dé-
penfes, un travail journalier, avec de gran¬
des méditations, mais routes choies font
aifées & Icgeres àceluy qui le Içaic,
Nous, difons en concluant, que cette
fcience eft un don de Dieu feul, & que ce-
luyquienala vraye conhoiftance ,ie doit '
inceflammsnt prier, afin qu’il luy plaife bé¬
nir cét Art de fes Saintes grâces; car fans,
la benedidion Divine il eft tout à fait inu- 1
til ; Comme nous l’avons nous mefmes;
expérimenté , larfque pour cette fcience
nous avons foufferts de très-grands dan¬
gers , & que nous en avons reçeu plus
d'infortune & d'incommodité que d'utilité;,
mais c’cft l’ordinaire des. hommes de deve¬
nir fages un peu trop. tard. Les jugemens
dç Dieu font pluficurs abyfmes ; toutefois,
dans toutes nos. infortunes, nous avons
tqûjours admiré la providence Divine:
C.ar noftte S,ouvétain Créateur nous a.
toujours donné un.e telle protedion qu’au¬
cun de nos ennemis ne nous à jamais pû
opprimer , nous avons toûjours eu noftre
Ange Gardien qui nous a efté envoyé de.
Dieu, pour conferver cette Arche dans.lae
DV SOVLPHRE. 6t
quelle il a plû. à Dieu de renfermer un fi
grand threfor, & qu’il protégé jufques a
prefent. Nous avons oüy dire que nosen-
nemis font tombez dans les Iacqs qu’ils
nous avoient preparé'.qye ceux qui aVoient
attentéà noftre vie, ont efté privez de la
leur : que ceux qui fe font emparez de nos
biens , ont perdu leur bien propre ; quel¬
ques-uns mefme d’emre-eux ont cité chât¬
iez de leur Royaumes. Nous feavons que
plulieurs de ceux qui ont detra&é contre-
noftre honneur, ont pery dans la honte Sc
dans l’infamie: tant nous avons eftéaflèu-
rez fous là garde du Créateur de toutes
chofcs,qui dés le berceau nous a toujours
confervé fous l'ombre de fes ailles, & nous
a jnlpiréun efprit d?intelligcnce des chofcs.
naturelles ; auquel foit louange & gloire
par infinis fieclcs des fiedes. Nous avons
reçeutantde bienfaits du Très-haut noftre
Créateur, que tant s’en faut que nous les
publions écrire, que nous ne pouvons pas
feulement les imaginer: à peine y a-ilau¬
cun des mortels à qui cette bonté infinie
air accordé plus de grâces j voire mefmes
autan: quelle a fait à nous. Plut à. Dieu
en reconnoilfonce, que nous eulfions aflez
de force allez d’entendement, Sc aflez-
et TRAITE’
d’éloquence pour luy rendre les grâces que
nous devons, car nous confelîbns n’àvoir
pas tant mérité de nous mefcncs , mais
nous croyons que toute neftre félicité eft
venue de ce que nous avons efperé, que
nous efperons, & efpererons toujours en
luy. Car nous fçavons qu’il n’y a perfohnè
encre les mortels qui nous puiffe aider, &
quec’eftdcDieu lcul noftre Créateur que
nous devons efperer noftre fecours, parce
quc-e’eft en vain que nous mettrions noftre
confiance en la pcrlonne des Princes, qui
font hommes mortels comme nous, félon
le Pfalmiftc ; Ils ont tous reçeu de
Dieu Tefprit de vie, lequel eftant ofté’, le
relie n’eft plus que pouffiçrc -, mais que c’eft
une chofe tres-alïeurée de mettre fon efpe-
rance en Dieu noftre Seigneur, duquel,
comme d’uue lôurce de bonté , tous les
biens precedent avec abondance. Toy
donc qui defires arriver au but de cette
Sainte Icience, mets tout ton elpoir en
Dieu ton Créateur , & le prie incellàm-
ment ,&croy fermement qu’il ne t’aban¬
donnera point: car s’il connoift que ton
coeurfoit franc & fincere, & que tu ayes
fondé toute ton efperance en luy, il te don¬
nera un moyen tres-facilc, & te montrera
D V SOVLPHRE.
!a-voyc que tu dois tenir pour jouir du bon-
heurquetu defires fi ardemment. Le com¬
mencement de la fœgejfe eft la crainte de
Dieu i prie-le , Sc travaille neantmoins.
Dieu àla verirédonne l’entendement, mais
il faut que tu en fçaehes ufer; car comme
le bon entendement & la bonne oçcafton
font des dons de Dieu, de mcfme nous les
perdons auffi pour la peine de nos pé¬
chez.
Mais pour retourner à noftre propos:
Nous difons que l’argent-vif eft la premiè¬
re matière de cét oeuvre ; & qu’effe&ive-
ment il n’y a rien autre cnofe, puifque toqt
çe qu’on y adjoûte, a pris fon origine de
Iuy. Nous avons dit en quelque endroit
quetoutesleschofes du monde fe font 6c
font engendrez des trois Principes : mais
nous en purgeons quelques uns de leurs
accidents -, 6c eftans bien purs, nous les
conjoignons derechef ; en adjoûtant ce que
nous devons y adjoûter, nous accomplit
forts ce qui y manque; & en imitantlaNa-
ture, nouscuifonsjufques au dernier degré
de perfection, ce que la Nature n’a pû pa¬
rachever, àcaufede quelque accident, &
qu’elle a déjà finy où l’Art doit commen¬
cer. C’eft pourquoy Ci tu veux imiter la
64 TRAIT E'
Nature, imite-Ia és chofcs , cfquellès' elle
opéré , & ne te fâches point de ec que nos
écrits fembient fc contrarier en quelques
endroits : Il faut que cela folnt ainfi, de
crainte que l’Art ne foit trop divulgué.
Mais pour roy choifîs les chofes qui s’ac¬
cordent avec la Nature, pic ns Ja rofe, &
laifle les épines. Si tu prétends faire quel¬
que. métal , prens un métal pour fonde¬
ment materiel, parce que d’un chien il ne-
s’en engendre qu’un chien, & d’im métal
il ne s’engendre qu’un métal : Car fçaehes-
pour certain,, que fi tu ne prens l’humide
radical du métal parfaitement feparë ; tu-
ne feras jamais rien. C’eft en vain que tu
laboure la. terre , fi tu n’as aucun
grain de froment pour y femer : Il n’y a
qu’une feule matière, un feul Art, & une
foule operation. Sidonc tu veux produire
un métal, tulbfermenteras par un métal:
mais fi ta veux produire un arbre, il faut
que la femence d’un arbre de là mefme
clpéceque ceiuy que tu veux produire, te
ferve de ferment ou dé levain pour cette
production II n’ÿ a , comme j’ay dit,
qu’une feule operation, hors laquelle il n’y
en a aucune autre qui foie vraye. Tous
ceux-lr donc fe trompent, qui difont que
DV SOVLPHRE. tfj
hors cette unique voye 8c cette feule matiè¬
re naturelle,il y a quelque particulier qui clt
vray ; car on ne peut pas avoir aucune
branche , fi elle n’ell cueillie du tronc de
l’arbre : C’efl une chofe impoflible & mef-
raeune folle catreptifè, de vouloir pluftoft
faire venir le rameau, que l’arbre d’où il
doit fortir.il eft plus facile de faire la pierre,
qu’aucu petit & trcs-fîmple particulier,qui
foit utile, 8c qui foûricnne les efpreuves
comme le natuvel.il y en a neantmoins pla¬
ideurs qui fe vantent de pouvoir faire: une
Lune fixe, mais ils feraient mieux s’ilsfi-
xoient le plomb-,ou.rçllain;.vcu qu’à mon
jugement c’eft une mefrne chofe : parce
queceschofesne refiftent pointàTexamen
du feu , pendant qu’ils font en leur propre
nature : la Lune en Cànature ell alFez fixe >
Sc n’a pasbefoind’aucune fixation fophifti-
ftique ; mais comme il y a autant de telles
qu’il y a de fenrimens, nous lailfous à un
chacun ion opinion ; que celuy qui ne vou¬
dra pas. luivre noftre confeil, Sc imiter la
Nature, demeure dans fou erreur. A la vé¬
rité , on peut bien faire des particuliers,
quand on a l’arbre : les rejetions duquel
peuvent, dire entez à pluficurs autres ar-
66 TRAITE’
brcs ; tout ainfî qu’avec une eau, on peut
faire cuire diverfcs fortes de viandes, felorr
Iadiverfîré defquelles, le bouillon aurad'i-
verfe laveur ; 5c neantmoins ne fera fait
que d’une rnefme eau 8c d’un mefme prin¬
cipe. Nous concluons donc , qu’il n’y a
qu’une unique Nature , tant és métaux,
5 qu’ésautreschofes,mais fon operation cft
diverfe.il y a auffi félon Ffermes , une ma¬
tière uni verfelle, <t/ïinji d'une feule choje'
foutes chofes ont pris leurorigineAlf a route*
fois plufieurs At tiftes qui travaillent chacun
àleurfantaifîe; ils cherchent une nouvelle
matière ; c’eft pourquoy aufîi ils trouvent
un nouveau rien recemmentin venté, parce
qu’ils interprètent les écrits des Philofo-
phes félonie fens îiteral, & ne regardent
pasla poffibilité delà Nature :mai&ces for¬
tes de gens font compagnons de ceux dont
nous avons parlé en noftre Dialogue dfr
Mercure avec l’Alchy mille , lefqucîs rc-
rournerenten leurs maifoas fans avoir tien-
conçîud. Ils cherchent la fin de l’œuvre',
non feulement fans aucun infiniment
moyen, mais encore fans aucun principe :
Et cela vient de ce qu’ils s’efforcent de par¬
venir à cét Art., fans en avoir appris les vé¬
ritables fondemens ou par la méditation
f dv sovlphre; 67
' des ouvrages de la Nature, ou parlalcdu-
re des livres des Philofophes, & qu’ils s’a-
mufent aux receptes-Sophifliques de quel¬
ques coureurs ( qaoy qu’à prefent les livre»
•_ des Philofophes ont pu eftre altérez & cor¬
rompus en plusieurs endroits par les en¬
vieux qui ont adjouté ou dim’nuc félon leur
caprice & àleurfantaifie) & après comme
ils ne reüfllflent pas , ils ont recours aux fe-
phiftications, & font une infinité de vaincs
'.épreuves, en blanchiffant, rubifiant, fi¬
xant la Lune, tirant l’ame de l’or : ce que
nous avons foutenune fe pouvoir faire dans
noftrc Préfacé des douze Traitez. Nous
ne voulons pas nier, ains an- contraire nous
croyons qu’il elî abfolument necelïàire
d’extrairel’amemétallique:non pas pour,
l’employer aux operations Sophiftiques,
mais à l’œuvre des Philofophes : laquelle
ame ayant efté extraite-» Si eftanr bien
purgée doit eftre derechef jointe à (on corps
afin qu’il fe £üîè une véritable refurreéïion
du corps glorifié. Nous ne nous femmes
jamais propofez de pouvoir multiplier le
fiomènt fans un grain de froment j mais
fçaehes anlli qu’il eft très-faux que cette
ame extraite piiific teindre quelqu’autre
métal par un moyen Sophiftique ; 6c to^S
U TRAITE’
ceurqui font gloire de ce travail, font des
kmkiies & des menteurs: mais nous par¬
lerons plus-amplement de ces operation* .
dans noftre troifiéme Traité du Sel ,.veu :
que ce neft pas icy le lieu de s’eftendiefut
ce fujer.
*»• mm-mw?tirsto : ■
CHAPITRE VII,
Du Soulphre.
******
C O N C t V S I O N. t
F I N.
TRAIT E
D V
S E L
TROISIEME PRINCIPE
des çhofes minérales.
A PARIS,
Chez I e a n d’H o v r y, à rimagc S.
lean , au bout du Pont-neuf, fur le
Quay des Auguftins.
M. DC. L XIX.
'uiVEC fKIVJLBGS VF ROY,
v a
- '.XI M ! .3 a .M
,ct 63.^k’
AV LECTEVR-
0 My L É CTBV K'yJSlèmiiiüé
point, ie te prie, t enquérir, quel
ejl l'jZmheur de ce petit Traité,
&ne cherche point à penetrer la raifort
• pour laquelle i il’ a écrit, lin ejl pasbefoin
non plus q'ue tu fiaches qui ie fùù-moy-
mtfme. Tien feulement pour tres-afjeuré
que l'^utheur de ce petit Opufcule'p.f-
fedeparfaitement la pi erre des Philofo-
fhes, & qu'il l'a dé}afait. Et parce que
nous avions une fciricere & mutuelle
bienveillance L'un pour l’autre ,ieluy de~
mandaypour marque de fin amitié qu'il
m'expliqua les trois premiers Principes,
qui font le Mercure, leSoulphre, & le
Sel-,Te lepriay au fi de me dire s’il fallait
chercher la pierre des Philofophes en,
ceux que nous voyons & qui font com¬
muns, ou que s'ilyen avaitd’autres, il mes
le déclarât en paroles très- claires (y* d'un-
AV LECTEVR.
fî'ile fimple & non embarafe. Ce qùe
m ayant ac cordé, apres avoirtiré ce que
te pus des ces petits T raitexjt la dérobée,
ie me. fuis perfùadè qu’en les fefànt im¬
primer, bien que contre leplaifirde l'Au*
theur, quiejlj'u tout hors d’ambition,les
vrays Amateurs de laP.hilofophie m’en
auroient.obligation : Car ie nedoutepeint
que les. ayant, leu & bien exactement
cpnfideré , ils fe donneront mieux g.trie
des impojleurs, &feront moins de perte-,
de temps, d’argent, d’honneur & de ré¬
putation. Vrens donc (:amy Leéîeur) en
bonne part i’intention que nous avons de
te rendre ferviçe ,,mets toute ton efperan-
ce en Dieu-) adores-le de tout-ton çmr i
& le révérés -avec crainte 3.gardes le
Jilence avec foin . ) aymes le prochain
avec bi.enveiUance}0*.Dieu t’accordera
toutes ehofes, •
ke commencement de la Sagcffe,
dit de cxaindcc Dieu.
T A B L E
DES CHAPITRES,
CHAPITRE I.
CHAPITRE II.
ISiSiiiliiiiiiii;.
CHAPITRE III.
Vê la dévolution:■
WW «W •£*» ^^
CHAPITRE IV.
Comment riojire Sel ejl divifé en qua¬
tre Eléments, félon l’intention des
Vhilofophes. '
CHAPITRE y,
De la préparation de Diane plus
blanche que la neige.
CHAPITRE VI.
CHAPITRE VII.
iililliSilliilli
CHAPITRE VIII.
Ve la vertu admirable de nojlrePierre
falée & aqueufc.
L à L V N E.
Le Soleil.
REC4VITVLAT10N.
DIALOGVE
en Df'corr^s pzks
amplement U préparation de
la Pierre Philofcphale.
FIN.
LETTRE
PHILOSOPHIQUE.
Traduite
ci Alleman en François.
A PARIS,
Chez Iean d’H o u r y , à Plmagë
S. Iean, au bout du Pont-neuf, furie
Quay des Auguftins.
M. DC. LXXL
.SUD IHCI02 O J IH(i
sàubmT -j|
*;f, îïmsüs>\\K *. Æ
ti a v u ci :i /; i o t u a ui -
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É(rirjoH'a mai! s$iK3K
liwl SiJm-jnoU«b ïr/od i;k~ nwl .2 ÿ
3
.r:u^A E b vatjP ;.-J
- j . . y. s \d a .m 1
.SI* 14 g.
^55^gi?Ç^^S^ 5^5
LETTRE
PH 1LOSOPHIQVE.
i
donnant aux tenebres la demeure in¬
ferieure & moyenne , comme à la lu¬
mière la fuperieure. Ilfépara Gen. i.
'verf, 6. les eaux d’avec les eaux , pla¬
int la materielle & grolïïeredansla
mer & dans la terre, & élevant la fub-
u'Ie & fpirituelle au deflbus & au deil
, fus du firmament, Gen. 148. 'ver/'. 4.
j à ce qu’elle pût fërvir de véhiculé,
' d’inftrument & de médiatrice àl’Efi-
prit univerfel, pour porter les ordres
& les aides avives aux efprits paflife
& particuliers des fublunaires. Cela
ne fuffifant pas, Dieu donna le troi-
fiéme degré de lumieré , réparant la
terre, ou le fec des eaux & de la mer,
afin que la terte ne fuft empêchée par
lé mélange excellif des eaux, de pro¬
duire les herbes & les arbres portans
fruits. Il fépara auffi par l’étendue des
Cieux, les eaux inferieures des fupe-
rieures, & aiTembla de la lumière dif-
fulè, des luminaires pour diftinguer
le temps & les faifons, afin d’operec
parleurs rayons ou influences mefu-
rées fur les créatures, lefquelles
il créa de leurs élemens diftinguez
pour vivre eniceux , & habiter cét &
difice admirable, dont il donna la Sei¬
gneurie à rhomme, fait à fon image’
ôc félon fa reifemblançe, pour le fer»
vir & bénir.
D i L’élement eft un corps feparé du
eicmïi chaos , afin que les chofes elememées
n’era! par luy & en luy : c’eft le
' principe d’une chofe, comme 1 a lettre
de la fyllabe. La doélrine des élemens
eft très importante , eftant la clef des
fàcrez mifteres de la nature. Leséle»
mens confpirent enfemble,& fe chair-
gent facilement l’un en l’au tre,& nous
voyons la terre fe-changer en eau-,
l’eau en air, & l’air en feu. La terre fe
change en eau, quand l’eau, par le
mouvement de la chaleur, du centre
de la terre en pénétré les conduits en
forme de vapeur, & en reçoit par cet¬
te exhalaifonreiïencefubtile, en for¬
te qu’il n’apparoit aucune différence
en tre l’eau & la terre. Cette terre re-’
duite en eau par la chaleur du Soleil
ôc élevée en la région moyenne de
l’air, y eftant quelque temps digerée,
fe change enfeu, & forme les tonner*
PHILOSOPHIQUE, tjf
rës& les foudres. Celùy qui connoîf
le rtioyen de changer un élément en
l’àutre, & rendreieS/chofes pefames'
legeres, & les legeres pefantes , le
peut dire vrayPhilofophe. Cela ne Ce
peut que moyennant un certain chaos
univerfel, dont le centre contient Ies!
vertus des chofés fuperièurès & infe J
heures, reduifantla terre en eau, l’eaü
en air, 8c l’air en feu. Jamais un élé¬
ment n’eft fans l’autre , car lefeu fans
air s’éteint, l’eau fans air Ce pourrit:
la terre mefme ne fçauroit faire üti
globe fans l’eau, qui fans les autres
elemens ne produit quoy que ce foit.
Le feupurgel’air, l’air l’eau, & l’eau
la terre, & par le mouvement du feu,
l’un Ce perfectionne dans l’autre. Le
feu eft toujours le moindre en quan¬
tité , comme le premier en qualité ; ou
il domine, il engendre des chofes par-
| faites, 8c ou il eft dominé, ne viennent
que les imparfaites. Les elemens font
aétifs, quand ils. travaillent fur un
corps pour en former quelque chofd
de nouveau > pafllfs quand l’un fou-
fre que -Kautre en fafte quelque cho-*
?4 LETTRE
agit fur le feu, le concentrant pat la
reclufion dans fon corps ; le feu tra¬
vaille far la terre, afin de l’élever à là
propre dignité, & cela durera jufques
à tant que tous les elemens par une
aébion mutuelle atteignent la fauve,
mine perfe&ion. Les élemens fupe.
tieurs agilfent bien plus parfaitement
que les inferieurs, comme il appert
par les actions du Ciel ou du feu, à
caufe de fa pureté & élévation, en
vertu de laquelle ils exaltent les ele¬
mens inferieurs, comme les inferieurs
en échange abailfent ou attirent &
.humilient les fuperieurs. Et c’eft par
le moyen de cette attradion &expuL.
lion, que le monde refpire & vit,
communiquant l’eftre des chofes fu-
perieures ( comme dit eft ) aux infe¬
rieures,. & ainfi réciproquement. Cet.
te operation merveillcufe fe fait
moyennant l’efprit del’Univers invi¬
sible & impalpable en foy, fi ce n’eft
qu’il fe rend tel, à railon de fa fitua-
tion & defon véhiculé. D’autant que
ce Mercure , ce melfager du Ciel, &
qui en porte les ordonnances en terre,
prend .de certaines ailles propres à
PHILOSOPHIQUE. if
feciliter fon vol. Cet inftrument eft
vifible & palpable, mais l'efprit en
foy-mefme ne l’eft pas , pour eftre
d une nature absolument fpirituelle,
& donc l’elTence fuit les fens. Pour
mieux comprendre ce myftere , qui
eft très-grand & excellent, confîde-
rons que la terre & l’eau occupent
{'habitacle inferieur, pour eftre moins
excellent que le Ciel, qui eft le feu,
& eft ficué au deftus, comme l’air qui
eft un élément moyen entre le feu fub-
til, & la terre ; & l’eau grofliere Ce
place entre- deux. Or afin que la terre
fût exaltée par le feu & élevée à la
fouveraine perfeétion, il eftoit necef-
faire que le feu la repurgéat de fa craf-
fe immonde, Se qu’à cet effet il fut
pofé dans fon ventre pour y operer
jufqu’à tant qu’ayant féparé toute
l’impureté de la terre, il en attirât
l'efTenee pure & fans fèces. Mais cet¬
te terre vierge ne pouvant agir fans
les élemens moyens, le feu agit fur
l’eau, quicompofe un mefme globe
avec la terre, & ce moyennant l’air,
fubtilifànt cette eau pat fa chaleur
la reduifant en vapeur, uniflant à met
16 ' LETTRE
me temps la terre à fa nature. Ainfila
nature, qui procédé toujours avec or¬
dre, tend depuis lès chofes baffes par
les moyennes au fommet de perfec¬
tion, & comme la terre eft un corps
compaéte, l’eau ne la peut pas tout à
la fois transformer en fa propre natu¬
re : c’eft pourquoy elle s’élève fou-
vent moyennant la chaleur du Soleil,
la diftillant & la renvoyant fur la ter¬
re , afin d’y porter la vertu du feu, à
ce que par fes afperfions reïterées, la
terre fe refolve dans fes femences, car
les femences de la terre inhérentes,
ont en foy le feu de la nature, parti¬
cipant du feu celefte , lequel refout
moyennant des vapeurs tres-fubtiles,
la terre en eau , pour pouvoir péné¬
trer & vivifier les entrailles des fe¬
mences. Apres cela, il la convertit
par une digeftion continuelle, en une
huile criftaline , qui reprefente l’air
par là clarté diafane, & l’allume enfin,
apres l’avoir dépouillée de toutes fes
impuretez, de là flâme ardente, la fai-
fant expirer de jour en jour, & mon¬
ter aux lieux fuperieurs à travers de
l’air, ôc la réduifant à la mefme elfen-
ce
PHILOSOPHIQUE' vf
ce dû feû. Voila- comme un élément
participe de la nature de l’autre : l’é-
lement donc eft un corps fpirituel con¬
tenant une matière & groffiere & vi-
lible ; ils ne peuvent repofer , mais
font dans un mouvement perpétuel,
pour moyenner la procréation des
chofes : les uns panehenc plus dans
leur inégalité vers la forme corporel r
le, les autres vers la nature fpirituel-
le. Quand ces élemens feront un jour
{par l’émotion nouvelle de la nou¬
velle création ) denuëz de toute im¬
pureté , alors leur corps & leur efpriç
feront en jufte balance , & attachez-
enfemblè parle lienfacré de l’éterni-
jté ; l’inégalité oftée , le mouvement
le fera; pareillement ,, qui compofe le'
temps, & là oùil n’y en a plus, l’éter¬
nité apparoift d’elïemefme. De tou¬
tes les matières que nous connoiflbns,.
la plus également compofée eft l’or,
jtjui ayant des qlemens purs & defti-
tuez; ^inégalité, approche plus de
l’éternité , qu’aucune autre matière,
.& donne,,eftaur-rendu fpirituel & ap-
plicab! eau corps humain, une Méde¬
cine qui furpalle de bien loin toutes
ïS LETTRE
autres Médecines. Et faits Pobftacle
dé la nialedi&iou que le péché attirés
& fur nos propres élemens & fur nos
. aîimens, cette excellente Médecine
feroit bien un autre effet encore. Par¬
lant tàntoft de l’hatmonie, je touche-
ray cette corde plus diftinétement,
fàiiartt roir qu’il n’eft pas impoffible
de reprefënter mechaniquemént le
Macrocofme avec les élemens de cet
Univers, fous la forme d’un mouve¬
ment perpétuel : j’avoiie cependant
que nous ne le connoiffons qu’eh par¬
tie , le péché nous ayant chaffé hors
du Paradis, dont l’entrée nous eft dé¬
fendue en cette vie caduque & mife-
rable. Nous effayerons neantmoins
d’attraper quelque branche qui palïè
par deiïus la muraille du jardin d’E*
den, & ne pouvans y entrer ny man¬
ger du fruit de l’arbre de vie , nous
tacherons d’en avoir du moins quel¬
que feüille, bien que {comme dit eft )
fechée & corrompue par noftte ini¬
quité malbeureufe.
De: Le feu & l’air font les eleinens fitpe-
titmh rieurs. Le feu eft le premier, préfé-
rabietnent à tous autres, à taufe de
PHILOSOPHIQUE, x9
fa pureté, fubtilité & perfe&ion eau- “'"‘J»
fée de fa fimplicité, qui le'rend plus f«»
noble & plus puilïàht ; l’cfpritdei’U-
nivers le polTéde & fortifie merveil- uùn,
deufement. L’air pour eftre moins pur
ne le pçnetre jamais à fonds, ny ne
. s’unit totalement à luy , fi ce n’efh
apres eftre purifié de fes fèces. Le feu
élémentaire n’agit que quand il eft
concentré, c’eft alors que ces rayons
prennent force, & jettent puiflàm»
ment leurs influences. Apres que
Dieu eut concentré Ge». 1. 'Ver/'. 10.
les elemens & Verf. u. les choies éle-
ïnentées , concentrant le feu ou le
•point aftral dedans les femences par¬
ticulières , i! concentra auffi Ver/ 14.
la lumière diffltfe en des certains lu¬
minaires pour envoyer verf. jj. leurs
rayons en terre, & les y faire operer.
Quand il veut agir, il chaflè {s’il eft
îeplusforten un corps) les vapeurs
impures & fuperfluës dans Pair, pour
y eftré digérées ; s’il eft le plus foible,
les vapeurs Popprimeht & le fuffb-
quent. Car le feu tâche de purifier
tontes diofes & les réduire à lafoit-
veraine perfection, comme les Philo-
20 . LETTRE
fophes fçavent ,• Et tant pins qu’un
élément eft pénétrant, tant plus aufij
eft-il agiïïanr. Il eft pur & ne fouffre
point d’impureté.. Il y en a de deux
fortes, car il eft ou intérieur ou exté¬
rieur ; l’exterieur fubvient à I’inte-
rieur, l’excitant pour agiter les qua.
litez différentes du corps qu’il pene-
ire, & parachever l’ceuvre de kna.
ture : ces deux feux font fi- familiers
Sc collateraux , que fe rencontrant a-
vec leurs forces en un mefine fujet,
l’un fortifie l’autre pour atteindre au
fommet de la perfection. Le feu eft
un élément qui agit dans le centre de
chaque cliofe , par le mouvement de
la nature,, qui caufe l’émotion., l’é¬
motion l’air, l’air le feu, & le feu fe-
pare, purge, digéré, colore, & meu-
rit chaque femence dans la matrice Si
dans la fituation que le Créateur luy
a affigné dés le commencement. Cet
élément ne peut fouffrir l’eau crue,
mais il la chaffe & réduit en vapeur
moyennant fa chaleur.. Ce n’eft pas
qu’il foit impofïïble de rendre l’eau
compatible avec, le feu ; & de la faire
durer dans la plus grande fkmejjuff
PHILOSOPHIQUE, u
qu’à-rendre l’eau mféparable du feu,
mais le chemin en eft connu à rres-
peude gens , & appartient à la caba¬
le de la Philofophie fecrette. Le feu
élémentaire eft le Ciel ou le firma¬
ment nïefme où refident les aftres,
dont les influences vifibles convain¬
quent d'erreur ceux qui le nient. Il
contient abondamment l’Eiprit de
.l’Univers, qui eft le feu, & fe commu¬
nique par le véhiculé de l’air aux,cho>-
lés fublunaires , & leur donnant vier
Car ia vie n’eft qu’un flux de feu natu¬
rel dans le corps vivant. 'Ceci fedoit
entendre de. la vie animale, car la vie
de l’arhe ràifonnabîe eft un flux de feu
bien plus noble &pluspur defubftan-
ce furcelefte , tirantfon feu extérieur
immédiatement de l’Efprit de Dieu,
qui la vivifie & purifie, commançant
par I’attraélion des rayons de fafoy,
& par la cbmmunication ouimpref-
fion des rayons de fa grâce & lumière,
à luy infpirer les principes de la vie:
éternelle , en attandant qu’accompa¬
gnée d’un corps dépoüillé de toucep
impuretez , elle puifle comparoiftre
glorifiée devantle trône de Dieu. Les
ïi LETTRE
corps qui fubfiftent dans le Ciel, en
attirent leur nourriture, & envoyent
en fuitte leurs rayons ou influences
fur la terre , pour empecher que pat
cette emiffion leur vertu ne vienne à
diminuer : l’Eternel a ordonné pat fa
fageffe ineffable, qu’ils attiralFentau-
tant d’élemens purifiez de la terre
qu’ils y en renvoyent. Et c’eft ainfi
que fe fait la circulation admirable de
la nature, dont cette operation de ra¬
yons eft la grande roue. Le feu fupre-
me eft le Ciel empirée, où refidenc
les Aftres fpirituels, qui n’ont point
de corps de lumière compacte , ils
font d’une eflence plus fubtile & emi-
nente que les aftres vifibles , & ont
bien plus de pouvoir : ce font des Ef-
f>rits qui reprefentent chacun les for¬
ces & les Vertus de cet Univers, joüif-
fans à raifon de leur grande fimplici-
ré, pureté & perfection d’une béati¬
tude permanence.
Les tenebres qui voilent nos âmes
dans ce monde corruptible nous ren¬
dent les Aftres, qui affiftent devant la
Majefté Sacrée de l’Etemel, inviîî-
blés, ils voyeiit ( hors du temps ) -à
PHILOSOPHIQUE, ij
iriefme témps & tout à la fois, & ce
que nous connoiflbns & ce que nous
ne connoilïons pas. Les eaux fur ce-
leftes avec leur air & leur feu fouve-
rainement purs, compofent le Ciei
empirée. Il eft parlé de ceseauxfut-
celeftes. Gen j. Dan. jTfal. 104.3.
C’eft une fubftance tres-pure, luifan-
te, fubtile, enflammée, mais non pas
confommée, quiconftituë l’habitacle
des Anges ( fchamaijm ) & des bien¬
heureux , le vray Paradis compofé
d’éiemens incorruptibles & parfaits,
comme eftoient ceux dont Adam
jouiflbit avant le péché. Le Macro-
cofine fuperieur contient tout ce qu’a
l’inférieur. C’eft de l’influence conti-
huelle de cette eau incorruptible que
S’animent & difpofent toutes chofes
en ce bas monde. S’eftant communi¬
quées aux Aftres vifibles , elle pafîb
ries Aftres en l’air, de l’air & de l’eau
& par l’tau en la terre, de forte qu’il
hppert clairement que le monde in¬
ferieur tft l’image du monde fupe-
rieut. Et comme en ce monde l’air fe
tient fur Peau, & le fèu fur Pair, ainft
“dans le monde Angélique, Pair fur-
24 LETTRE
celefte eft par dellus les eaux furce-
leftes j & au lieu le plus éminent.eft
le feu fouverainement pur qui com-
pofe la lumiereinacceffible , où Dieu
a conftirué l'habitacle de fa Majefté.
Que perfonne ne nous b!âme d’enta¬
mer une matière fi haute, outre qu’on
ne dit rien qui foit indigne de noftre
Dieu, ny qui contrarie a fa fainte Pa¬
role : il y a une clef fecrette qui ou¬
vre la porte de ces- feerets , elle eft
cachée dans un corps très commun, &
contemprible aux yeux du vulgaire,
mais tres-precieufe à ceux des vrays
Philofophes.
L’air eft un Elément fubtil diafane,
leger & invifible , le Ken entre les
chpfes fuperieures & inferieures , le
domicile des, Meteores. Il n’y a rien
au monde qui puilfe.fe pafler de cet
élément. Toutes les-créatures en ti¬
rent leur vie & leur nourriture, il for¬
tifie l’humide radical & alimente, les
efprits vitaux. Rien ne viendroit en
ce monde, fi l’air ne penetrpit & atti-
roit la npurriture multiplicative; L’air
contient un efprit congelé meilleur
que toute la terre habitable : céc éle-
PHILOSOPHIQUE, iy
ïnent eft plus pur que l’eaü, & moins
purquele Ciel, il participe de la pu¬
reté de l’élément fuperieur, & de l’im¬
pureté des inferieurs , & eft riche¬
ment doiié de PEiprit de l’Univers.
Les Elemens inferieurs font Peau f
te la terre , leur exaltation dépend de
I’eminence des fuperieurs, & eft ne-
ceflàire que pour fe perfectionner, ils
foyent fouvent élevez & enrichis des
vertus fuperiéures : il faut dis-je que
la terre s’élève fouvent par le moyen
de l’eau, afin que |l"e feu , refidant
dans les entrailles de la terre, appa¬
reillé dans fes operations : Peau ne
revient jamais à la terre qu’elle ne foie
amandée , & ne porte quelque nou¬
velle vertu. La pluye opéré plus que
Peau fimple, dont le jardinier arroufe.
L’eau ne penetreroit pasla terr'e,fi elle
h’eftoit animée de la chaleur fuperieu-
re ou inferieure, comme en Efté que
la chaleur du Soleil & la centrale fub-
tilifent Peau, & la font monter par
les racines dans les végétaux pour l’a¬
chever de digerer & réduire en plan¬
tes , fleurs & fruits : la chaleur fait
monter l’humidité de la terre en
Ç
\6 LETTRE^
brouillard ? qui eftant levé retombe
en pluye par fa pefanteur , & rend
l'humidité à la terre pour la faire fri}. >
«SHfier. Car cette marée univerfelfe
s’engroiTe du Ciel, & en rapporte à,
chaque fojs de nouvelles vertus.L’eau
eftun élepent hqmide & groffier, il
eft l’habitacle des poilTons, la nour¬
riture des plantes & des minéraux,
le fafiraichiffemént des animaux , Lai¬
de de la génération, & le véhiculé,pk
le moyen duquel les corps confiftentj
és élemens inferieurs, & reçoivent les
influences du Ciel. Cet element con¬
tient les trois autres, & fert à produi¬
re , confêrver & augmenter tous les,
corps que nous voyons. II contient,
une Médecine excellente, douée des,
vertus fuperieures & inferieures.Heu¬
reux celuy qui la fait fixer avec foq
efprit. Comme le feu fepare les cho-
fes qui font jointes, l’eau rejoint cel¬
les qui font feparées ; la nature joi¬
gnant les chofes fuperieures avec les,
inferieures par les moyennes, fefetlj
de l’eau pour communiqCTer à la terre,,
ce que le feu diftile en eau , par lé
moyen de l’air ; car l’eflence du feu(
PHILOSOPHIQUE. iT
tombant en l’air, celle de l’un & de
l'autre fe jette dans l’eau, & celle là
dans la terre, qui eft le réceptacle de
toutes les fèmences : fl l’eau ne paf-
foit & repafloit inceflàmment par les
conduits de la terre, le feu aftral la
confommeroit par l’intemperie de fon
mouvement, & en paflànt par la ter.
re, elle en attire la nature, s’habillant
de fon eflence la plus délicate, & ai¬
dant à la putrefa&ion, qui eft la mere
de la génération, car fans ea u, il ne fe
fait point de putréfaction. Paflànt par
des lieux bitumineux & enfouffrez,
elle en attire cette chaleur & vertu
que nous voyons és bains chauds de
Ballaruc & ailleurs. Paflànt par des
veines enrichies de minéraux ou four-
ces métalliques, elle en attire pareil¬
lement la vertu, & produit les eaux
fàIutaires,dont les fontaines fe voyent
à Spaà & ailleurs. Car l’eau fent tou¬
jours ce qui a efté échauffe avec elle,
comme l’on void danslacompofition
des boitillons que les Cuifiniers ap-
preftent tous les jours. La chaleur
centrale fait ( comme dit eft ) tous les
jours le mefme avec Peau elementaL
Cij
a8 LETTRE
re, & les fruits des entrailles de là
terre. Voila comment l’Oeconome
& le Seigneur abfolu du monde fait fa
diftillation dans le Macrocofme : un
jour fa bonté paternelle exaltera fa
Majefté glorieufe par fa toute puif-
fance, rehauflànt ce feu tres-pur qui
fert de firmament aux eaux furcelef-
tes, & renforçant le degré de la cha¬
leur centrale pour réduire toutes les
eaux en air, & calciner la terre , à ce
que toutes les impuretez confommées
par le feu, il rend à la terre purifiée
une eau circulée dans l’air, & pareil¬
lement purifiée pour compofer un
nouveau monde confiftant en un nou¬
veau Ciel & en une nouvelle terre,
Apocu. 7. ou dans des élemens fou-
verainement purs, immuables & exal¬
tez , vivront les corps glorifiez des
éleus de Dieu , apres qu’ils feront
changez r. Cor. iy. yi. pour eftre glô-
rifi ez , c’eft à dire purifiez de la craiïe
periffable & peccante , qui voile nos
âmes en cette vie miferable , pour la
rendre capable de joüir de la clarté
divine immédiatement. Ef. 60. 19.
A°» O Seigneur ! quand verrons nous
PHILOSOPHIQUE. l§
la fainte face , jufques à quand crou¬
pirons, nous dans les tenebres de l’i-
.gnorance & delà mifere ou le péché '
nous tient enchainez > En fomme l’eau
par un fel imperceptible aux fens, dif.
fout les femences que la terre con-
: tient : cette diflolution fepàre les
corps, cette feparation les mene à la
putrefa&ion , & cette putrefa&ion à.
une nouvelle vie.
Le dernier élément eft la terre, du¬
re , craffe , impure, aride, l’habita- ^
cle des animaux, des plantes, dès mé¬
taux & des minéraux , remplie de fe¬
mences infinies,' moins fimple que
les autres elernens , dont la terre efl:
proprement le rebut & le réceptacle.
C’eft un corps fixe, qui retient les im-
preffions des influences d’en haut plus
parfaitement, que ne font les autres
elemens. L’eau & l’air ne les retien¬
nent' pas fi bien, car elles pénétrent
jufques au centre de la terre, d’où el¬
les reviennent copieufement à la fu-
perficie. Laterre & l’eau conftituenc
un mefme globe, & opèrent conjoin¬
tement enfemble à la prcçreation des
animaux, des végétaux & des mine-
JO LETTRE
raux: elle poflede un efprit nourrit
Tant les corps materiels ; comme il eft
de la nature du fel, il fe diflout aife-
mentpar l’eau, qui pénétré les pores
de la terre, pour prendre la nature des
végétaux, la terre confolide les corps
-& tempérant l’humidité dé l'eau, à ce
•qu’ils prennent la forme à quoy ils
fout deftinez : l’eau & le feu contef.
tent inceflamment dans cet element
moyennant l’air, fi l’eau prédominé,
il naift des chofes corruptibles , fi le
feu , il en vient des chofes durables;
la terre enferre les chofes pefantes en
foy & jette les legeres, c’eft la mere
Si la matrice de toutes les femence6
& de toutes les compofitions. C’eft
auffi bien que l’eau, la matrice delà
Medecine univerfelle. Car l’efprit de
l’Univers fe trouve fixe en elle, mais
te n’eft pas univerfellement & par
tout. Pour cet effet il faut changer la
terre en eau, l’eau en air, & l’air en
feu. On tire de la terre, qui nous vient
d’enhaut , le mouvement perpétuel,
fi elle fe diflout dans fon eau, moyen¬
nant le feu Philofophique , après
qu’elle a repris la forme du chaos.
PHILOSOPHIQUE. $ï
qii’avoientles elemens avant la fepa-
ràtion des chofes elèmentées.
Ayant àinfi ébauché le chaos & les Dts
élëmëhs , faifons-en de mefme des
rhofès élementëes. Cé font dés fub- ,e'es£r
fiancés qui proviennent des élëmeris,Vrwït
•& ont de l’affinité avec eùx;ils font ou
fpiritùëlè ou corporels. Les premiers p"w‘
font créés de l’eflence des elemens IeS
plus fubtils ; tant plus ils font fubtils,
tant- plüs ils ont de force &de pouvoir,
l’excellence de l’operation dépendant
absolument de la fubtilité de l’efTen-
Les elemens les plus purs ont les
efprits les plus fubtils qui fervent d’ir*-
ftruméns à la parole etërnèlle de
E)iem Lés Efprits font fuperieurs, oü
inferieurs : lés premiers habitent dans
le Ciel, & font de la première ou de
la fécondé claffe : ceux de la première
font très-purs, & habitent le Ciel etri-
pirée, & comme ils font au defïùs du
firmament & du mouvement mefuré
des Aftres, ils ne font point füjets au
temps : ils entendent & comprennent
les chofes non fucceffivement, mais
tout à la fois : ils font diftinguez
par Ordres & puiffances. Cor. i.
fz LETTRE
Îr ayant des Archanges i. Thejf- 4. j6.
es Anges eflant diftinguez dés Puif-
Tances, 2^ew. S. 58. Les Efpritsdelà
féconde çiafle font ceux qui habitent
dans le firmament és Affres vifibles:
comme ils prefident és operations du
feu Aftral, on les a appeliez des Sa¬
lamandres : ils fervent d’inftrumens
aux operations que les Anges bien¬
heureux exercent dans les Créatures
balTes : la lumière d’enhaut parfaite
ne fe communiquant à la bafle impar¬
faite que par ce moyen ou milieu. Ces
Efprits font innombrables , & ont
leurs fondions diftindes & détermi¬
nées , comme les créatures qui habi¬
tent le globe de la terre. Autant qu’il
y a d’Etoiles différentes au firmament,
autant y a t’il d’ordres divers d’Ef-
prits : il y en a de Solaires, de Lunai¬
res , de Saturniens, Mercuriaux, qui
dominent le globe de la terre par leurs
influences : ce font eux qui exploitent
mefme les fondions morales dans
l’homme, le portaris aux adions de
probité civile , dont nous avons veu
les payens ornez ; Mais comme cela
ne vient que du Ciel fubalterne, il faut
PHILOSOPHIQUE. J5
des rayons de la lumière de l’Efprit
fupreme -, pour crucifier noftre propre
chair , & la facrifîer mefme pour la
gloire divine , renonçans à toutes nos
félicitez corruptibles pour l’incorrup¬
tible , jufqu’à aimer nos ennemis 8c
haïr noftre propre nature corrompue.
Les affrétions qui vont au delà de
l’ordre dé la nature, viennent immé¬
diatement de la lumière non crée de
l’Efprit de Dieu. Les efprits qui prè-
iîdent dedans l’air confomment en
eux, & convertiflent en leur propre
nature , ce chaos qui eft compofé de
toutes chofes, dont aucune des chofes
crées ne fe peut paffer ; ils conduifent
les Meteores & produifent fouvent
par la volonté du fouverain Créateur,
les effets prodigieux du vept & du
tonnerre ; ils ne font pas tous mau¬
vais ny fujets au Prince de ce monde
qui régné dans l’air. Ils ne font point
univerfels, mais diftribuez en des cer¬
taines difpofitions pour differentes
frétions. Le rémanent des Eiprits ter-
reftres & aquatiques ont pareillement
les leurs fuivantles ordres del’Eter-
nel ; ils font de part 8c d’autre moins
H LETTRE
püiiTans.queles aérés. Ce que les Ef-
prits opèrent de bon dans Iê Cours de
la nature provient de ceux qui font
èohs, &que Dieu a crées élémentai¬
res à cet effet ; ce qu’il y a de mauvais
& de finiftre vient des Efprits malins
jettezhors du Cielempiréeàcaufede
leur rébellion, pour laquelle ils font
condamnez de vivre auffi bien que
l’homme pecheur, au lieu des élément
pars & incorruptibles, dans les im¬
purs &periffables. Lés Efprits malins
qui font les diables joiient artificieux
femènt des elemehs fpirituels & cor¬
porels dans les chofes elementéeà
pour les ruiner, & fur tout l’hemmej
dans lequel ils haiffent l’image del’E-
ternel qu’ils tachent par une envie
malicieufe de corrompre, anéantir &
plonger dans les rentres : mais com¬
me les tenebres ne fervent qu’à ren¬
dre l’excellence de la lumière plus ap¬
parente & belle,àuflï leur malic e noire
ne fait que fervir à exalter dautant
plus la bonté & la lumière du Tout-
puilïànt, qui les fait coopérer mefme
dans leur damnation malgré eux , à
glorifier la Juftice 8c la gloire de fon
PHILOSOPHIQUE. 35
pouvoir infini, par leur vaine re liftan¬
te & infruéfcueufe.
Ayant traité de tout ce que deflus^ Du
il faut defcendre pour contempler les p"”
corps palpables & fujets à nos fens. «>»«
Après les Elemens fpirituels, confide-
ions les corps, tirez des Elemens ex- «.j
terieurement d’une nature corporel¬
le, intérieurement d’une nature fpi-
rituelle. Car les corps ne font que les
prifons qui enferment les Efprits in¬
térieurs & aétifs pour les limiter, ils
font limitez de vie & de mort, tant
plus ils ont d’organes, tant plus ils
font corruptibles. La feule unité é-
tant immortelle, car la compofirion
préfuppofelafeparation. La premie-
'rechofe qui fe doit contempler ence-
cy, font les principes hypoftatiques:
ce font des fubftances actives, tirées
des elemens convenans de tempéra¬
ment, afin de compofer les chofes é-
lementées. Nous appelions ces trois
- principes, le fel, le fouffire & le Mer¬
cure. Là où ils font bien proportion¬
nez , ils forment une fubftance dura¬
ble : là où ils ne le font pas, la choie
fe dit & eft impure & perilfable. La
3<j LETTRE
pureté confifte dans l’harmonie &
proportion des trois, l’impureté dans
l’inégalité.
Le fel eftlafubftancedes chofes,&
un principe fixe accomparable à l'élé¬
ment de la terre. II nourrit le fouffie
& le Mercure qui agifl'ent fur luy, juf-
ques à ce qu’ils l’ayent rendu volatile
quant & eux, l’élevant à leur perfe¬
ction. Le fel les retient eii recompen-
fe & les coagule, leur communiquant
' la nature fixe , & comme il eft fixe&
fec , il alfemble ce qui eft liquide, é-
tant dilfolu dans une liqueur conve¬
nable , il aide à difloudre les corps
folides, comme fa nature fixe d’autre
parties confolide : fa vigueurnaiflàn-
te luy donne des forces alors qu’il eft
diiïblu parle moyen du Mercure &
du fouffie , il n’eft aCtif-qu’entant
qu’il eft rendu tel par le minifteredes
deux autres principes , alors fa puif-
fance fe réduit en aéte. Car à force
. que l’harmonie eft grande entre les
trois principes, l’une ne fçauroit eftre
ny açir fans l’autre. C’eft le fel & le
fouffie qui prefervent les corps de
putréfaction,dechaffant les humiditez
PHILOSOPHIQUE. J7
fuperflué's capables de caufer cette
pourriture. Nul corps folide n’eft
deftitué de ce fel, qui Ce dit le princi¬
pe fixe, lèc, & ferme; il eftimpoflî-
ble que fans ce principe, on puiilè
former un corps. Quand on brûle du
bois, l’humidité groflîerement Mer¬
curiale & fuperfluë , s’évapore : la
matière groflîerement fulfurée & bi¬
tumineuse le confpmme par le feu &
évapore pareillement , tendant à la
perfe&ion par fon élévation , mais
le fel demeure dans les cendres avec
l’humide radical fixe, qui ne fe peut
confommer hy détruire.
Le foufifre eft un principe gras & d»
huileux , qui lie les deux autres prin-
cipes entièrement differens pour
■l’excès de leur fecherelTe & humidi¬
té,, de forte qu’il leur fert de milieu
& de ligament pour les joindre & fai¬
re tenir enfemble, car il participe de
l’une & de l’autre fubftance, ayant
partie de la folidité du fel, 8c partie
de la volatilité du Mercure: il eft
fufceptible du feu opérant par la de-
ficcation & confomme le fuperflu:
en vertu de cette operation qu’il
)8 LETTRE
coagule le Mercure , mais,il ne l’a-
cheve pas feul, car le Tel qràluyeft
incorporé^ intimement l’aflifle puif-
famment:lefoufre produit les odeurs*
mais lafubftance entière du Tel fixe,
tirée de l’iuterieur du foufre, fe treu-
ye également difFufe par toutes les
parties du corps, il aura coagulé fon
Mercure en telle forte que ce corps
là ne donnera nulle odeur , comme
nous voyons dans l’or & dansTar-
gent.
Le Mercure efl: une liqueur fpiri-
tuele aérée , rare, engroffée d’un
peu de foufre, & l’inftrument leplus'
proche de la chaleur naturelle : il
donne vie & vigueur aux créatures
fublunaires , & fortifie celles qui
font debiles : il tient de la nature de
l’air, & fe montre tel pat fon eva-,
poration , alors qu’il fent la moin¬
dre chaleur, quoy qu’il foit accom-
parable à l’eau par fa fluxjbilité , &
ne le contient pas dans les propres:
termes , mais dans des termes etran¬
gers, c’eft àdire -dans l'humidité ; il:
domine dans les corps imparfaits &
corruptibles , car il poiTcde rrop peu
PHILOSOPHIQUE. i9
du Tel &c du foufre, mais là où il eft
réduit en une même nature bien pro¬
portionnée avec les deux autres prin¬
cipes , il compofe un corps incor¬
ruptible , comme nous voyons de¬
dans l’or , dont 4 çauf&de cette ad¬
mirable proportion, on peut tirer vjnç
Medecine tres-excellente & falutaire.
Apres la contemplation des trois
principes de la nature,il faut dire deux*
mots de la femence. Ç’eft un extrait
tiré, exalté & leparé d’un corp^par
le moyen d’une liqueur CQnyençiblâ
meuri dans les vafes propres pour
la propagation de fon eipece. Le
baume naturel qui eft une eilènce
fpirituelle des trois principes , un
Efprit celefte , criftalin , & invilîble
habitant en un corps viable,, anime
la femence. Cette femence , entant,
que femence, n’eft pas un corps fen-
fible , mais plutôt fon réceptacle ; il
fe. produit moyennant la chaleur , 8c:
cela. non parl’a,rt mais par la nature;
il ne fçauroit durer. s’il eft procréé
d’elemens corruptibles., ç’eft ce, que
devroient noter ceux qui cherchent
une Médecine incorruptible dans des
%o LETTRE
corps corruptibles & imparfaits des
Animaux , Végétaux & Minéraux.
Aucune femence ne peut croitre ny
multiplier, fi on la prive de fa vertu
aétive par une chaleur étrangère ; le
poulet roty n’engendre plus. Cha¬
que1 femence ne fe mêle jamais hors
de fon régné, les Métaux ne fouf-
frent aucun mélangé des Végétaux,,
ny les Végétaux des animaux dans
leur procréation. Toutes fortes de
fèmences font fpirituellement inftrui-,
tes du Créateur pour achever mecha-
niquement le. cours de leur procréa*
tion du temps déterminé, moyen¬
nant leur teinture & leur pouvoir,
qui fe manifefte quand les empeche-
mens font levés : car il les faut ôter
fi une génération légitimé fe doit
faire : & il n’y a point de matière qui
n’ait fes vertus particulières & defi-
gnées pour coopérer ( fi elle eft pure)
à la femence , & marcher de con¬
cert avec elle à la fin deftinée par le
fouverain Créateur; eftant impofli-
ble que cette vertu intérieure & ex¬
térieure demeure infruétueufe, fi elle
eft bien difpofée. La femence s’ha-
PHILOSOPHIQUE. 4ï
bille d’un corps élémentaire propre
à foy, attirant par fa vertu magnéti¬
que la nourriture dont elle a befoin.
Tout ce que delTus agit fur les ele-
mens paflïfs , qui font la terre maili-
ve & groffiere, & l’eau de mêmes
qualitez , dont la concentration avec
les Principes actifs en une même
matière infeparable, eft le chef d’œu¬
vre des Philofophes, ou plutôt de
la grâce & de la toute puilîànce de
TEternel nôtre Dieu.
Des trois principes de la nature
ainfi embauchez ; il y aies trois acci-
dens de la nature és chofes élemen-
tées à confiderer , qui font la géné¬
ration la confervation & la deftruc-.
tion. La génération de chaque corps
en particulier, fe fait de fa propre
femence , & cela dans fa propre ma¬
trice, car fi la femence n’eft pas cor¬
recte, ou la matrice pure & naturels
le , il ne fe peut faire aucune géné¬
ration. La femence animale requiert
une matrice animale , la femence ve-
getable demande une matrice vege-
table , & la femence minérale veut
pnematrice minérale:ce qui fe doit
4i LETTRE
bien obferver pour éviter les erreurs
vulgaires : & c’eft la proprement
une bonne matrice & fortable qui
répond abfolumentà la femence de
fon régné, & comment fe pourroit-
il qu’une femence naturelle & légi¬
timé , purifiée deuement de fes ac-
cidens étrangers & nuifîbles, pofée
ou par la nature fans artifice , ou par
l’artifice félon la nature dans fa vé¬
ritable matrice , faillit à produire
fon femblable J ne voyons-nous
pas journellement les jardiniers &
les laboureurs operer en entant en
greffe , &femant en bonne terre,
produire ce que ceux qui fe difent à
grand tort grands Philofophes, igno¬
rent de faire dans le régné minerai.
Mais ileftauffiimpoffible fans la na¬
ture d’augmenter & de faire croître
par tous les artifices imaginables un
bœuf, que de la laiduë , ou de l’or.
Au contraire il eft abfolument ne-
celïaire fi quelque génération fe doit
faire par artifice, que cet artifice fe
conforme totalement à la nature
qui contient l’ordre que le Créateur
Eternel a prefcrit dés le commence».
PHILOSOPHIQUE. &
ment aux Créatures, aucune defquel-
les, ny mêmes les Anges bien-heu¬
reux n'ont le pouvoir de rien chan¬
ger en cét ordre.
Que ceux donc qui ignorent cet
ordre , l’apprennent avant que de
bazarder de rien tenter contre cet
ordre , & s’ils ne peuvent le com.
prendre ou apprendre, ils feront bien
de laifler operer la génération à la
nature fans eux , puis qu’auffi bien fe
fera-elle fans eux , quand ils n’en
„ feroient point d’avis. Je plains ces
miferables qui veulent copier un
original qui leur efl inconnu, & tra¬
vailler en une operation dont ils ne
fçauroient parler feulement. Je con¬
clus donc que ceux qui veulent opé¬
rer en imitant la nature doivent en
connoîcre premièrement les femen-
ces , 8c puis anfli les matrices , &
alors s’ils choififlent la véritable fe-
mence telle que la nature l’a formée
dans fon habitacle, & pareillement
la matrice ainfi que la nature l’a for¬
mée , & qu’ils mettent cette femen-
ce bien purgée & bien conditionnée
dans cette matrice, remettant la de5
» h
44 t LETTRE
coètion à la nature du feu, inherant
enèux, alors dis-je,-ils pourront en
attendre un fuccez favorable. En cet
article il ne fuffit pas de connoître
la femence particulière de chaque
corps des trois régnés de la nature,
qui l’a ordinairement inherant en
foy-mefme , il faut encore connoître
la femence de l’Efprit univerfel qu’il
infufe admirablement aux animaux,
aux végétaux & aux minéraux, fins
qui rien ne fubfifte ny ne s’engendre:
car cet Efprit, ce cinquième element,
cet inftrument de TEternel eft abfo-
lument requis dans' la procréation
des chofes-. Ainfî comme il contient
la teinture univerfelle des femencesj
il a pareillement le pouvoir d’opei
rer fur I’univerfel, 8c doit raifonna-
blement fervir de bafe à la Médeci¬
ne univerfelle, laquelle jamais per-
fonne n’a tiré ny ne tirera d’un corps
particulier des animaux , des végé¬
taux, ny des minéraux. Rien ne peut
naître d’aucune femence, qui ne fe
pourriife moyennant une chaleur
naturelle 8c douce , quand fon fel
eftaixt. refolu dans une liqueur eon-
PHILOSOPHIQUE. ^
yenable, pénétré par ce chemin la
fubftaneé de la femence, à ce que
LÉfprit inclus fe forme de'fa matière
un habitacle propre à la multiplica¬
tion de fon efpece. Les animaux fe
multiplient parles animaux , les vé¬
gétaux parles végétaux, & les mi¬
néraux par les minéraux , il faut
que cela fe falTe par ordre dans
chaque efpece , comme on voidi
que fEternel l'a ordonnée Genefh
24. il 11e fe fait point de putre-
fa&ion fans folution, & point de
folution lans liqueur, mais cette li¬
queur doit eftre proportionnée à
.chaque efpece ; premièrement fui-
vantfonefFenceou fa qualité, apres
félon fa quantité. Le fécond article
neceflàire à cette génération eft fe
feu , qui doit eftre lent & doux , à ce
que la liqueur qui contient le feî
naturel de la matière, ne s’en fepa-
re en évaporant, ce qui cauferoit au
lieu de la génération , la deftru-
dion , & au lieu de la vie, la mort.
La matrice contenant la femence doit
eftre bien fermée pour concentrer
la vertu de b’Efpik agiflànt, & la ma.
Ag LETTRE
tiere ne doit point eftre fortie de fà
matrice , où elle travaille à la putre-
fa&ion , car fi vous fortez le grain
du blé dilToiu pendant fa putrefa&ion
de fa terre, il périra. La vertu des fe-
mences varie fuivant celle des ma¬
trices. Les femences doivent eftre
égalés, tant le mafle que la femelle
fans mélangé, de peur que la confu-
fion des efpeces n’engendre des mon-
ftres. La génération eft fuivie de I4
régénération : elle eft ou naturelle
ou artificielle. La naturelle fe fait
par la feule nature , quand les fe¬
mences meuries tombent en terre &
renaiiTent en fe multipliant. L’arti¬
ficielle eft quand l’ouvrier opéré
moyennant la nature, &en l’imitant
& préparant les matrices , comme
fait le laboureur en bêchant, fumant,
arroufant & préparant la terre. .Ainfi
le Philofophe doit traitter fa terre
Philofophique , dont les pores font
refferrés & compares , il les doit
humeéler, penetrer,amollir, rendre
fubtile , nourrir & faire meurir
moyennant cette nourriture, la ren¬
dant plus que fimplement parfaite &
PHILOSOPHIQUE. 47
capable , moyennant cette régéné¬
ration , defe multiplier à une fécon¬
dé vie. C’eft là le Phénix qui renaît
de fes cendres. C’eft là la Salaman¬
dre quifùbfifte dans le feu. C’eft là
le Caméléon univerfel, qui a le pou.
voir de fe reveftir de toutes les cou¬
leurs & propriétés qu’on luyoppofe.
Confiderez le rapport admirable
qu’ont les chofes éternelles & les
temporellesjes fpirituelies & les cor¬
porelles, les immaterielles & les ma¬
terielles , & voyez fuivant les lumiè¬
res que Dieu nous a données, fi vous
ne treuverés ;pas l’image bien qu’iml
parfaitement des chofes fuperieures
dans les inferieures. L’homme cor¬
rompu par le péché, & fujet à perdi¬
tion , devoit moyenant la régénéra¬
tion remonter à la gloire de la vie
eterneile ,8c rapprocher de la vie 8c
clarté divine, dont il eftoit fequeftré,
c’eft pourquoy pour y atteindre il a
fallu que la parole immaterielle de
Dieu defcendit { à parler ainfi ) du
Ciel & fut faite chair, afin qu’elle
fatisfit en cette chair parfaite 8c fa-
crée pour les hommes imparfaits 8c
*8 LETTRE
damnez, îefqaelspourveu qu’ils s'in¬
corporent fpirituellement parla foy,
la perfection & le mérité de cette
parole incarnée, participent de Ton
Eternité & de fa gloire. Là ou ceux
qui n’y participent pas demeurent
en perdition. Voyez dis-je comment
cette merveille ineffable & incom-
prehenlîble de la fage Providence de
Dieu nous eft ébauchée & depeinte
dans la créature fubalterne. Pour
donner ( par exemple ) aux corps im¬
parfaits & corruptibles la perfection
6cla confiance qui leur manque, ne
faut-il pas que I’Efprit univerfel &
celefte prenneleur forme & les falTe
renaître pourfubfifter j, moyenant la
régénération dans la fécondé vie,
comme nous voyons journellement
es régnés des animaux & des végé¬
taux ? Et la cabale de la Philofopftie
fecrette ne fait-elle pas voir à ceux
qui en font, quecét Efprit univerfel
incorporé par une manipulation auflï
admirable que cachée à la terre Phi-
lofophique , la mene par les degrez
que Iuy diCte le cours prefcrit de la
nature , à cette perfection, qui eftanr
PHILOSOPHIQUE. 40
ën fuite appréhendée par les corps
defeétueux & perillables , les fait re-
naiftre en une nouvelle vie, oui ils
font hors de la urifdrélion des ele-
raens tranfitoiresj cette refle&ion a
dépeint l’irjcarnation du Fils Eternel
de Dieu „ avant qu’il fut manifefté en
Chair; aux Philofophes payens, & a
obligé les Mages d’Orient dans le
temps de fon apparition , à diftin-
guer & reconnqî|re fon Etoile, & à
le venir adorqc.,a . Bethlehem : cette
meure, refleélion nous doit auiïi por¬
ter à reconnoître l'harmonie, mifte-
rieufe de la parole; non creée avec la
créature ,fubalterne de la parole ré¬
vélée, immédiatement, & de la vo¬
lonté, divine en.pétp. mediatement, &
en un mot des œuvres fpirituelles &
materielles de l’Eternçl nôtre Dieu,
dont nous devons incelîàmment louer
la Majefté tres-haute qui s’ell mani-
feftée à nous, pauvres créatures indi¬
gnes ,. d’une façon fouverainemenc
excellente, pour nous préparer à le
magnifier uu jour parfaitement dans
fon régné fpirituel , comme nous le
magnifions maintenant imparfaite-
p LETTRE
ment dans Ton régné materiel. S'en¬
fuit la confervation des Créatures
Llementées qui Ce fait par les mef-
mes choies que la génération. Mais
comme cette confervation Ce fait
moyennant Paflqmption des matiè¬
res extérieures, il y a toujours quel¬
que matière qu’elle ^approprie &
incorpore comme Convenable à fa
nature , 8c quelque matière qu'elle
rejette comme mal propre â fa Mi
lure. La nourriture 'qui pperé cette1
confervation eft fpirittielle ou cor-;
porelle ; la dernière eft vifible &’
palpable, la première invifible &
impalpable , mais 'dé deùx1 différen¬
tes fortes , dont Pune iriherente à la
matière nourriflânte e'ft moins épu¬
rée , la fécondé bien plus pure, puis1
que ce n’eft que l’Éiprit univerlèÇ
prefentà toutes choies’, qui eft coni- '
me le Gouverneur de cet Efprit par¬
ticulier , & le lien qui attache le ma¬
teriel vifible avec le materiel inyifi-i
ble , c’eft à dire le corps 8c l’Efprir
enfemble. Tant plus que les Elemens'
,&Iesalimens qui nourriflcnt quel¬
que corps font purs & fequeftre’z
PHILOSOPHIQUE, jr
d’impuretés, tant plus la nourriture
en eft-elle parfaite. Ce qui eft le plus
capable de perfectionner cette nour¬
riture , eft la fimplicité de fa com-
pofition quand elle n’eftpas faite de
beaucoup de différentes efpeces.
Quand cette nourriture eft excellen¬
te, elle peut caufer une renovation
entière drns le corps qui fe l’appro¬
prie. Lelèrpent fe renouvelle ou ra¬
jeunit en changeant de peau, l’hom¬
me en fait autant quand par l’affom-
ption d’une Medecine excellente SC
univerfelle , fon poil blanc fe chan¬
ge en noir , & fa peau ridée en un
teint frais. Les plantes de même re-
verdilïènt par l’application de la Me¬
decine univerfelle , & l’or rajeunit
alors qu’il fe change en liqueur dans
le Mercure par le bénéfice du feu ;
Je pourrois dire beaucoup de cho-
fes def cette confervation , fi je ne
craignois de faire un livre au liep d’u¬
ne lettre.
Refte la deftruétion des chofes
elementées , qui fe fait d’ordinaire
par fon contraire , quand l’une des
qualités furmonte l’autre : Elle fe
E'î
’jt LETTRE
fait ou par la diflolution ou par la
coagulation : cette diflolution eliant
grofllere , la dellrudion fe fait pat
falelliires, cheute , fradion , dilïe-
dion : la diflolution délicate fe fait
pai* corrofion & par inflammation:
il y a pourtant une folution douce,
qui fe fait par le chemin delà nature,
& tranfplante le corps à une nature
plus confiante, & parfaite. La coa¬
gulation caufe en échange une de¬
ftrudion , quand le liquide fe coa-
' gule en forte que cela tire la deftru-.
dion en confequence. Alors que les
Efprits & les vapeurs fe deflèchent
ou s’enferment par des obftrudions,
gls Cette çonfideration finie , on jette
~*jiru avecjuftice les yeux vers les opera¬
tions fuperieures des Etoiles defti-
néesà infufer leurs propriétés aiftin-
desvés trois régnés jpour la propaga¬
tion de leurs lèmences diftindes : La
lumière inherente en ces corps ne
peut repofer, mais elle travaille con¬
tinuellement à élever la,lumière in¬
herente dans les corps particuliers,
comme celuy-cy travaille à attirer
fe fuperieure. Cette influence eil un
PHILOSOPHIQUE. 0
efprk doué du pouvoir de ie commu¬
niquer par le moyen des rayons aux
corps fublunaires. Quand ces in¬
fluences font. Amples , c’eft à dire
d’une feule Etoile, elles n’operent
que Amplement. Mais l’influence
jointe des rayons de differentes Etoi¬
les, qui unifient leurs rayons , opéré
diversement és corps inferieurs , ou
pour en hafter ou pour en empecher
les actions. Les Etoiles Axes font cel¬
les dont le mouvement eft moins
perceptible , à raifon de fa tardiveté,
qui reprefente les intervalles &c les
figures toujours de mefme.
Pour abréger je vous renvoyé à
ceux qui font profelïïon d’en traitter
plus amplement, ne voulant dire que
deux mots des Planettes , qui font
des Etoiles , dont le mouvement eft
viflble , & l’effet remarquable, tant
à nuire qu’à profiter ; leur afpedfc
eftant tres-puiflant , foit qu'il foie
droit , ou collateral, qu’il opéré par
conjonction ou par oppofition : les
principaux font le Soleil & là Lune,
dont le premier fe peut dire une four-
ce abondante de lumière & de cha-;
E iij
S4 f LETTRE
leur. L’ame du monde ou l’Efprit
univèrfel poflede puiflamment cét
aftre , qui fe décoché par fes rayons
pour donner vie & mouyement à
l’univers.
Les vertus de toutes chofes font
inhérentes au Soleil, & fon mouve¬
ment réglé celuy des faifons , & des
corps qui font fous la clafle des fai¬
fons. Et comme Dieu a voulu que
les chofes fuperieures euflent leurs
images dans les inferieures, il fe trou¬
ve qu’on en void une du Soleil dans
Tor, qui poflede les vertus dilatées
du Soleil, relTerrées dans fon corps,
lefquelles fi on les réduit de puiflan-
ce en a&e , ont dequoy rendre large¬
ment aux corps imparfaits ou mala¬
des, la vertu folaire & vivifiante qui
leur manque. Le Soleil attire par fa
vertu magnétique les efprits les plus
purs , & les, pefrfedionne pour les
renvoyer par fes rayons , afin de re-
ltaurer & faire augmenter les corps
des créatures particulières. La Lune
tire fa lumière & fes influences du
Soleil, les renvoyant la huit en terre,
& marque par fon mouvement rat
coilrcy , les mois. Cette EvtTtirée de
lacofted’Àdam ( ou Soleil) fait dan»
l’operation fufdite l’office de la fe¬
melle , & prefide dans la matière hu¬
mide , féminine & paffive, comme
le Soleil fait dans la matière feche,
mâle & aétive.
Les Planettes moindres font pre¬
mièrement les Heterodromes qui
font leurs cours par un mouvement
divers & en temps inégal : Ce font
Jupiter , Saturne & Mars, le pre¬
mier achevé fon cours en douze ansj
le fécond en trente, & le troifiémeen
deux années.
Les Homodromes qui font leur
chemin d’une vîcelTe prefque égale,
font Venus & Mercure: Le premier
achevé fon cercle dans une année,
& le fécond de même. Parlant des
Métaux, peut-eftre toucheray-je un
mot de leur affinité & harmonie avec
les Plantes. ; Cependant lailTant à
part les Meteores . ie me contente
de vous dire generalement qu’ils
s’engendrent dans l’air , comme les
Minéraux en terre des vapeurs , & le
reduifent parla vertu dés. Etoiles en
5* LETTRE
de certaines formes : ils font de qua’«
tre fortes fuivant les Elemens, le»
Cometes & Etoiles tombantes , qui
font des foudres , tenans du feu : le
vent de Pair : lapluye & Iagrele, de
Peau : les pierres des foudres, & de
la terre,
*>“ Cette contemplation ( où je laide :
l’egnu le champ libre à vos méditations )
de u finie , relient à confiderer les cho- j
,rs. fes Elementées inferieures, qui coin- j
pofent les trois régnés de la nature.
Mi*'- alïàvoir l'Animal, le Végétal & le
raL Minerai.
Commençons parle dernier, Si
obfervons que chaque Métal cache \
fpirituelement tous les autres en foy,
d’autant qti’ils proviennent tous d’u¬
ne même racine, aftavoir du foufre,
dufel,&du Mercure. Le Mercure
eft une liqueur crade, laquelle bien
préparée , le feu ne peut confommer;
elle eft engendrée dans les entrailles
de la terre, & eft fpirituelle, blanche,
en apparence, humide& froide,mais
en effet & en pouvoir chaude, rou¬
ge &feche. Le Mercure reçoit vo¬
lontiers en foy les chofes qui Vont de
PHILOSOPHIQUE. f7
fa nature, &feles incorpore. Cette
eau métallique engloutit avidement
les Métaux parfaits, afin de £è fervir
de leur perfe&ion pour fa propre
exaltation. La nature luy ayant im¬
primé cet inftinét,- comme à totftes
créatures, de tendre par la voye lé¬
gitimé à l'amendement , & à la mul¬
tiplication de fon efipece. Xe foufre,
qui engroife le Mercure, eft le feu
qui luy eft inhérent & naturel , &
qui moyennant le mouvement exté¬
rieur delà nature l’acheve de digerer
&meurir. Ilne fait pas un corps fe-
paré , mais une -faculté feparée dti
■ Mercure , & luy eft inhérent & in¬
corporé. Le fel eft une confidence
feche & fpirituelle , pareillement in¬
hérent au Mercure & au foufre, don¬
nant à ce dernier le pouvoir de digé¬
rer le premier en métal. Or comme
dans le cours de la nature ordinaire
& avant la coagulation du métal , le
fel eft très infirme, Dieu a infpiréaux
Phiîofophes la voye d’ajouter au
Mercure un fel pur, fixe & parfait,
pour operer en peu de temps ce que
la nature ne fait qu’avec un travail
jS LETTRÉ
de plufieurs années. La génération
des métaux fe fait comme il s'enfuit;
I’Efprit univerfel femelle à l'eau, &
à la terre, & en tire un efprit gras
qu'il diftille dans le centre de la ter¬
re , pour le rehauflèr de là, & le pla¬
cer dedans fa matrice convenable, où
il fe digéré en Mercure , accompagné
de fon fel & de fon foufre, dont en
fuitte fe forme le Métal ; ce qui fe
fait quand la teinture cachée dans
le Mercure fe montre & vient à naî¬
tre, car alors le Mercure fe trouve
congelé & changé en métal, fouvent
le Mercure fe charge dans cette ma¬
trice d’un foufre impur,qui l’empe-
che de fe perfeétionner en pur or,
ou argeut, à quoy l’influence des
Planètes moindres , & la conftitu-
tion de la matrice contribuent , &
le font devenir plomb, ou fer, ou
cuivre, qui ne foufrent point l’exa¬
men du.feu. Cette decoâion requiert
une chaleur extérieure temperée &
continuelle , laquelle fécondée de
l’efprit métallique intérieur, atteint
finalement fa maturité. La confer-
yation des Métaux fe fait moyen*'
PHILOSOPHIQUE. y5>
nant le foufre Métallique intérieur,
& alors qu’ils fubfiftent dans un lieu
qui leur eft propre. La deftruétion
des Métaux fe fait par le moyen des
chofes qui n’ont aucune harmonie
avec eux, comme font les eaux &
matières corrofives , ce que les Cu¬
rieux ont bien à noter.
L’or eft un métal parfait, & donc
les elemens font fi generalement ba¬
lancés , que l’un ne prédominé point
à l’autre ; C’eft pourquoy les anciens
Philofophes ont cherché dans ce
corps parfair une Médecine parfaite,
Sc qui ne fe trouve en aucun autre
corps fujet à eftre deftruit par quel¬
que inégalité , car une chofe fujette
d’elle-même à deftruébion , ne fçau-
roit donner à d’autres une fanté ou
un amendement de confequence. La
queftion eft de rendre l’or vivant,
fpirituel & applicable à la nature hu¬
maine , ce qu’il n’eft pas en fa natu«
re fimple & compacte : pour parve¬
nir à cette perfeétion il doit eftre
réduit dans fa femelle à la première
nature , & refaire par fa rétrograda¬
tion le chemin de la régénération f
So LETTRE
dont j’ay'parlécy-deffus. L’or mort
en foy-même n’eft bon à rien, & eft
fterile.-mais rendu vivant il a dequoy
germer & fe multiplier. L’^fprit Mé¬
tallique vivifiant eft caché tant qu’il
refide dans un corps compaSte &
terreftre-, mais réduit de Ton pouvoir
en a&e , il eft capable d’operer non
feulement en la propagation de Ton
efpece, mais encores à caufe de fes
elemens également proportionnés,
il rétablira la fanté & la vigueur dans
le corps des animaux. Comme le So¬
leil celefte communique fa clarté aux
Planettes, ainfi l’or peut communi¬
quer fa perfe&ion & fa vertu aux
Métaux imparfaits. C’eft pourquoy
les anciens Cabaliftes ont defigné les
Plantes & les Métaux par des mê¬
mes cara&eres, & ce n’eft pas fans
grande raifon- , que le Soleil & l’or
ont efté figuré par un cercle entier &
fon centre, à caufe que l’un & l’au¬
tre contient en foy les vertus de tout
l’univers ; le centre fignifie la terre,
le cercle le ciel: Celuy qui fçait ré¬
duire les vertus centrales de l’or à la
circonférence,acquiert les vertus de
PHILOSOPHIQUE, éi
tout l’univers dans une feule Méde¬
cine. L’or paroit & eft extérieure¬
ment fixe, mais intérieurement il eft
volatil : cette nature fpirituelle & vo¬
latile proprement contient fa vertu
. Médicinale & pénétrante : Car fans
folution il ne fait rien ; .L’or a une
affinité tres-grande avec le Mercure,
& il n’y a qu’à les joindre apres les
avoir rendus purs & fans macules,
pour les unir enfemble , eftans l’un
8c l’autre incorruptibles & parfaits:
l’un de ces corps eft l’inferieur , &
l’autre le fuperieur , dont parle Her¬
mès : Mais notez que l’or en fa na¬
ture compacte, maflïve & corporel¬
le eft inutile à aucune Medecine , ou
transplantation. C’eft pourquoy il
le faut prendre en fa nature volatile
& fpirituelle. La rotondité fe defi?
gnant par la perfection de l’or, qui
jette fe s rayons diamétralement rne-
furez du centre à la circonférence,
& lés quatre qualitez également ba¬
lancées dans l’or reprefenrans les
quatre lignes égales pofées enreéhtn-,
gle, qui forme le quarré équilatéral.
La Cabale feçrette treuve dans J a
'<% LETTRE
matière de ce métal, la forme pro¬
bable & perceptible de la quadrature
du cercle. Mais comme peu de gens
font capables de comprendre des mi-
fteres cachez , il n’eft pas à propos
de les profaner & étaler à la veuë des
indignes»
L’argent bien que plus parfait que
les autres Métaux, l’eft moins que
l’or , il Ce rapporte à la luné celefte,
& enpoflede la vertu comme IeCa-
râétere. Il eft tres-utile en fon efpe-
ce aux Philophes experts. Comme
l’or a lafignature dans le Macrocof-
me, du Soleil , dedans le Microcof-
me , du cœur ; ainfi l’argent a la iî-
gnature dans le Macrocofme , de la
de la Lune, 8c dans le Microcofme
du cerveau, ckmt il eft une Mede-
çine ftnguliere , s’il eft rendu fpiri-
tuel & impalpable.
Les Métaux moindres font deux
mois , alïavoir le plomb & l’etain ; &
deux durs , aiTavoir le fer & le cuivre;
Ils font compofez d?un foufre impur
& d’un Mercure non meur: Chacun
eftant doüé d'un efprit limité à cer¬
tain degré, ne domine dans les cures
PHILOSOPHIQUE. 6$
PhiloFophiques que fur les maladies
ou prefîde un efprit fubalterne à ce-
luy qui eft inhérent à l’un de ces mé¬
taux.
Les pierres precieufes font diffe¬
rentes à raifon de leur digeftion, &
fbnt diaphanes à caufe qu’elles font
congelées de l’eau pure avec l’Efprir
de 1 Univers , doüées de certaines
teintures, non tout à fait diflembla-
bles de celles .des métaux, qui leur
donnent & la couleur & la vertu.
Les pierres communes & non trans¬
parentes font congelées de terre craf-
fe & impure , meflée d’une humidi¬
té tenace & gluante,laquelle deffe-
chée compolela pierre dure, molle,
ou fablonneufe , plus ou moins, fé¬
lon la quantité ou qualité de cette
humidité.
Lés Minéraux fbnt les matières
qui ne font ny pierres ny métal. Le
vitriol, le Mercure commun & I’An-
tfmoine participent Ie plu's de la ma¬
tière métallique. Le dernier eft la
matrice &c la vene de l’or, & le fe4
minâire de fa teinture : l’un & l’au¬
tre contient une Medecine excellai-
r(f+ LETTRE
îe. Le fel commun , PArmoniaç , le
falpetre, le falgemme , & P Alun le
fuivent & s’engendrent des eaux Ta¬
lées. Le foufre au contraire eft con-
gelé de la fechereiïè pure terreftre. .
Pour le Bitume il s’en trouve de
plusieurs fortes ; C’eft un fuc de la»
terre tenace & fufceptible du feu:
il y en. a de dur & de liquide , le pre-
mier eft PAlfpalte , PifTafpalte &
l’Ambre jaune : le fécond eft oleagi- ,
neux comme le Na'fre & l’Ambre,
Arabique : Les Minéraux de la troi-
iîeme efpece font l’orpiment ,,]e fan-
darac, le gyp, la croye, l’argile, la
terre d’Arménie,& la terre figelée.
Apres la contemplation du Régné
Minerai ébauchée fuperficielemeur,,
il en faut autant faire, mais fommair
rement du Végétal, de peur que cet-;
te lettre ne devienne infenfîblement -
un livre entre les mains d’un hom¬
me qui n’en fit, ny ne fera jamais.
Les Végétaux font des corps qui ont',
racine dans terre , & pouffent leur,
tige, feüilles, fleurs & fruits dans
l’air. Leur femence intérieure aidée
d’une chaleur extérieure 3 Si fur tout
ani-
PHILOSOPHIQUE. */
animée del’Efprit univerfel, moyen¬
nant l’influence des Aftres , fe fait
voir dans là propagation de Ton cf-
pece. Cpnfiderezde vôtre chef dans
les parties d’un végétal folides & li¬
quides , fpirituelles & corporelles,
leur baume naturel, qui eft a propre¬
ment parler , leur foufre corporel
qui les agite avec leur humidité, ou
le Mercure qui les humeébe, & fou-
tienr. Leur Anatomie vous montre¬
ra dans leur folidité leur chair, dans
leurs Iigamens comme les arteres ôc
Je s venes qui fervent aux démarchés
que fait en eux l’efprit univerfel. Le
rémanent de leurs membres font la
racine, la tige, l'écorfe ,1a moële, le
bois , les branches , les fueilles , les
fleurs, & les fruits, la moufle, le fuc,
la gomme ou racine: Où vôtre mé¬
ditation vous diétera fur le pied de
ce que j’ay ditcy-defliis, tant au fu-
jet de l’univerfel des Créatures, qu’à
raifon des créatures en particulier,
ce qu’il y aàobferver concernant leur
génération, confervation, & deftrit-
éfcion : elles font fujettes aux faifons
qui arre Aient ou luttent, fuivantlear
éS LETTRE
proprietez, les qualitez inhérentes
à chaque plante feparément , pour
luy faire faire fon cours deftiné dés
ia fondation du monde. On n’auroit
jamais fait de parler de leurs elpeces
& vertus differentes, comme auffi de
leur fignature & conftellation , ou
bien de les diftribuer & arranger fous
les Aftres qui dominent chaque plan¬
te en particulier , & démontrer aux
fens que les fignatures fe rapportent
à diverfes rïraladies avec l’harmonie
des efprits fubalternes, qui gouver¬
nent , & les perfections des plantes,
& les imperfections des maladies:
Mais ce chemin , bien que merveil-
leufement beau 8c agréable , eft trop
long , & ne fait que tournoyer autour
du centre Cabaliftiqne , ou on arri-
ve par un fentier infiniment plus
court & aifé, fi on confidere exa¬
ctement le commencement & la fin
de cette lettre. A mon avis ayant la
clef delafcience generale ,on péné¬
tré aifément les propriétés des créa¬
tures particulières , mais il eft tres-
difficile de grimper du particulier au
general, car naturellement on def-
PHILOSOPHIQUE.' Cy
tend bien plus aifément qu’on ne
monte, & la peine eft toujours plus
grande de parler au Prince même
qu’à Tes domeftiques.
L’Animal eft un corps mobile &fe
nourrit des végétaux & des minéraux: Du*>•
: Car ces deux derniers participent les gn‘m*û
uns des autres : Comme ce feroit un
ouvrage ample & grand d’en dechi-
frer par le menu les parties & les ef.
peces , je n’y toucheray qu’en paf-
fant. Les animaux font compofez du
corps & de famé : le premier eftprn-
prement l’habitacle du fécond. Les
corps font tous penetrables aux âmes
animales. Et ont des parties plus ou
mpins condenfées & relatives aux
elemens du Macrocofme. Les os qui
font ce qu’il y a de plus fec font fem-
blables & approchans de la terre.
Les cartilages font des parties moins-
dures 'que les os.& pldyables, com-'
me auffi les ligamens , membranes,-
nerfs , arteres, venes ; dont je me
rapporte aux Anatomiftes, auffi bien
que des autres parties extérieures ôc
intérieures purement corporelles : oii
nous trouverons quelles fe rappos-
’éS LETTRE
tent aux elemerts, les feches à H
terre , les humides a l’eau, &les fpi_
rituelles à l’àir.& au feu. Les efprits
animaux font des vapeurs fubriles : il
y en a de fuperieurs & d’inferieurs;
ceux-cy font ou aquatiques ou rerre-
ftres , & prefident dans Tes parties
du corps quiTeur conviennent le plus
à l’exemple des efprits duMaccocof-
me , qui contribuent leurs fondions
aux elemens dont ils tirent leur ori¬
gine. L’efpritdu feu ou celefte, refi-
de dans le cœur, & anime les autres
par fon a&ivité : ils opèrent propre¬
ment dans Te Microcofme ce qu’il
fait dans le Macrocofme , à la refer-
ve de ce qu’il eft particulier dans l’un,
comme il eft general dans l’autre,
où il a de l’attachement avec les ef.
pries fubalternes du grand monde,
ainfi qu’il fait dans l’animal avec les
efprits fubalternes du périt monde,
chaque animal fe pouvant qualifier
tel, bien que plus imparfaitement
queue fait l’homme,fait feul à l’i¬
mage de Dieu : A peine m’empefche-
ray-j'e de parler plus que je ne voulois ,
faire de famé fenfitive, & de fa di-
PHILOSOPHIQUE, éÿ
verfité avec la raifonnaWe.
L’aine fenfitive eft une fubltarice
Ipirituelle , elle refide entant que tel¬
le dans le cerveau, & domine les ef-
prits animaux, eftant inftruite & ren¬
due capable par le Créateur, de fe in¬
timent, d’appetit, & de motion. A
i’appeller de fonnom c’eft une étin¬
celle de Pefprît univerfel, tirée par
le Souverain de l’efience du ciel fi-
deré , & imprimée à la femence ani¬
male pour la régir dans la c!afle ou
elle eli pofée : les rayons de cette ame
n’éclairent pas au delà des limites de
leurs efprits animaux, l'Ho'mme ani¬
mal même ,ne comprenant point les
chofes qui font de Pefprit de Dieu:
Car comme cette ame animale n’eft
qiife dè la dalle fiderée , elle ne fçau-
roit élever ion vol au deflus de la
patrie. Au contraire , il faut que tou¬
tes les facultés animales & terminées
foient comme aiïbupies és régéné¬
rés , quand l'ame raifonnable s'élè¬
ve à Dieu , & fe profterne devant le
Trône de fa Majelîé pour en tirer les
lumières fpiritüeües. De forte que
les rayons de cette ame fenfitive oh
70 L E T T R. E
animale fouffient, pour refider dans
les efprits animaux & élémentaires,
un melangetres-grand des tenebres
attachées à la matière crafFe & im¬
pure , ce qui la rend moins fuhtile &
pénétrante, l'empêchant de connoî-
tre les chofes que par la feule fuper-
ficie. La refleCtion de ces rayons en-*
flamme l’imagination, 8c émeut l’ap.
petit qui tient lieu de Volonté à cet¬
te ame, &caufe l’emotian des par¬
ties corporelles, qui en dépendent,
fuivant les organes & leur perfection
ou defaut , d’ou vient que les unes
opèrent plus où moins parfaitement
que les autres.
L’hçmme eft la plus parfaite des
créatures , ion corps eft .plus excel¬
lemment 8c délicatement organisé'
que celuy des autres animaux , c.ela
eftant requis à fes fonctions domi¬
nantes. La matière de ce corps n’eft
guere differente de celle des autres
animaux , mais bien la forme , des
parties de laquelle je me rapporte à
ceux qui en ont compofé des Volu¬
mes , de peur d’en faire un de redi-
tes. Son ame raifonnable eft de la
PHILOSOPHIQUE. 7?
nature fiderée , douée par le Créa¬
teur de la faculté d’entendre ce qui
fe fait fous le Ciel Empiré, & ce que
le Macrocofme contient. Quand le
Créateur forma Ehomme G en. 2. %•
7. de terre, il n’eft pas dit qu’il fit
fon ame d’aucune matiere;mais qu’il
la luy infufa, fouflant és narines d’i-
celuy refpiration de vie, dont l’hom--
me fut fait en ame vivante 8c immor¬
telle rfi elle eft pure , elle eft dis-je
capable de connoîcre ce qui eft du
Macrocofme,& d’en juger. Elle peut
exercer fes operations intelleéhiel-
les concentrée en elle-même, &-fans
l’aide des fens extérieurs ou mate¬
riels , ce que l’aine animale ne feau-
roit faire. Car les fens liez, toutes fes
fondrions font accrochées. L’amerair
fonnable eft un miroir qui reprefen-
te les cliofeà fort éloignées , ♦e que'
les fens materiels ne fçauroient fai¬
re .- elle pénétré même par un rai-
fonnemeni folide les chofes invifi-
bles & impalpables. Tant qu’elle
empêtre fes facultés dans les chofes
materielles , elle a peine d’élever fon
oeil aux chofes fiiblimes ; mais fi elle
n ' LETTRE
eft affiliée de la grâce divine pour
pour fe depétrer , alors elle peut em¬
ployer Tes forces entières, & exploi¬
ter fortement : Car de même qire
les Aftres fiiperieurs & inferieurs, ie
dis, les generaux & les particuliers,
tirent leur lumière & leur vie de la.
lumière concentrée du Soleil : Ainlî
les âmes raifonnables .ne peuvent
rien d’elles-mêmes fi elles ne font
illuminées des rayons de la grâce du
Soleil dejuftice noftre Seigneur Je-
fus-Chrift , par le moyen de font S.
Efprit.
La Providence admirable du Pere
de lumière ayant voulu que fur la fin
du troifiéme jour & vers le com-
mencement du quatrième de la créa-,
tion , la lumière dilFufe auparavant
prit forme dans le Soleil qui éclaire
le nfbnde temporel, & que vers la
fin des trois mille années après la
création, la Majefté divine prit chair
pour éclairer & régir le monde éter¬
nel. Et comme nos âmes font éter¬
nelles , elles font ( je dis celles des
Eleus ) dés cette vie , habitacles &
Temples du faint Efpritt qui les con-
PHILOSOPHIQUE. 7?
duic & le perfectionne „ comme l’es¬
prit de l’Univers fait les efprits ma-
teriaux.O que nous ferions heureux,,
fi le péché maudit n’obfcurcilToït la
çlartéidc ftos i.ames^ qui depuis ce
malheureux accident ne connoifient
qu’en partie; &eerte$ à lèbien pren¬
dre, aflezimparfaitement. Tout,je
dis abfolument tout , ce qui nous re¬
lie de la lumière excellente que
lame voit en fa création,ne nous eft
départi que par mefure de la pure
mifericorde de Dieu, .& félon fon
bon pkifir , fans quoy nôtre ame
abrutie eft comme confondue avec
l’animale,& fous fa domination,pour
Vivre & mourir avec elle ; car elle la
précipité dans la mort, comme de
l’autre çofté I’ame regeherée par l’ef-
prit de Dieu vivifie & éleve l’ame
animale à la vie eternelle. Ceux donc
qui voudroient perfectionner leur
ame ft doivent addrefler en ferme
§£, dépouiller par une fe«
çieifie rçperttance l’ordure 'du péché,
pou; obtenir le faint Efprit, qui eft
?e gage afieuié de 'leiir falot, & qui les
C9nduiK.4o grâce, en: gîaec, £t de lu-
G
7$ - LETTRE
miere en lumiere,jufqu’àce qu’ayant
depofé fuivant l’ordre prefent là
cralfe perilfable qui voile l’ame, ils
puilfenr reveftir dans la fécondé vie
le même corps, mais purifié & rendu
fpirituel, afin defe prefertter devant
le Trône de l’Eternel, & le magni¬
fier & glorifier en toute éternité. Sa
Mifericorde paternelle nous y con¬
duire pour l’amour de fon Fils aimé
Jefus-Chrift ,auquel avec le Perè &
le faintElprit,foit honneur >oiré
à tout jamais.
La génération dans le régné ani¬
mal eft afTez vifîble, & commiéivtous
en trouvez des defcriptions amples,
ie m’en difpenfe. La confervation des
animaux fe fait par le moyen des ele'4
mens , des alimens & dds medica-
mens , dont la quantité & là qualité
leur caufe plus ou moins de bien &
de mal.Leur deftrü&ion fe fait quand
Lun des principes prédominé Faut ré:
cette inégalité catïfe’léurdMïèniipèiirël
Là où l'humidité abond»;;viehkëht
les maladies qui en partidijafht, ébfhi
me catharres, hydrôpiftesPfîTé-fedj
des fietres ardentes iCÊqâfdbitpbr?
PHILOSOPHIQUE. 70
ter dans la recherche des cures, l’eu
prit des Curieux vers le remede ca¬
pable de remettre & conferver cette
balance des principes , qui caufe la
fanté. Refte l’harmonie des cbôfes,
.qui eft une matière aufli ample que
belle & utile. Tout ce que je yiens
de vous dire cy-deflus, ne parle que
décela , & quand ien’en dircisautre
chofe, ie croiroisy avoir amplement
fatisfait. Neahtmoins pour conten¬
ter voftrecuripfité , je vous diray en
forme d’Epilogue, que le rapport
doit eftre grand d’une créature à l’au¬
tre , puifque la matière n’en diffère
pas, mais feulement la forme. Les
.Rlemens mêmes .tirez d’un feul chaos
ne diffèrent entr’eux qu’à raifon de
leur.difpofition. Toutes chofes font
émanées de l’unité, & y retournent.
Cette contemplation eft comme la
clef des fecrets les plus grands.de la
Nature , où nous voyons que tout
eft ordonné dans le temps, dans la
rnefure & dans le poids. Obfervant
Ja génération , la çonfervation & la
deftru&ion des trois régnés de la Na¬
ture , vous verrez qu’ils convicn-
G ij
8o LETTRE
nent entièrement entr’eux en cè
-point ;ils n aident des trois principes
de la Nature , où l’aéfcif tient lieu de
mâle, 8c le pafïïf de femelle , & ce
parla chaleur intérieure de lafemen-
ce , & par I'exterieure de la décoc¬
tion; n importe que L’origine en foit
différente en forme, comme les créa¬
tures , au® ledont éntr’elles ; Ils fub-
lîftent & font confervez par l’attra-
<âkm dubapme femblable à celuy
qui leur eft inhérent, qui leur fert
d’alimént, par la chaleur extérieure,-
& qui fortifie l’interieure , confei-i
vant les humeurs en équilibré. Ils
font détruits par l’attra&ion de l’in-
temperie refidente és alimens 8c ele«
mens , que l*Ëternel a maudit. Geti,
3. 27. à caufe du péché de l’hom¬
me , par la diminution des organes
8c par l’intemperie héréditaire au
fang. Il faut à chaque corps des trois
régnés, la femence, la matrice), fon
mouvement , ou fa chaleur double
& proportionnée , de forte qu’ils ne
different entr’eux que dans la {Situa¬
tion que le Créateur leur a donné
avec leur forme ,8c VuiKiitioa de
PHILOSOPHIQUE, Si
Le multiplier chacun dansfon efpece,
■Çefi. j. ii. Il ne fuffit pas de con¬
naître l’harmonie des chofes terre-
Ares eflentielles, mais il faut obfer-
.ver leur concert avec les iuperieu-
*es. Le Soleil eJementaire auneref-
•femblance tres-grande avec le cen¬
tral 5 ils fe renvoyent l’un à l’autre
leurs rayons & attrapions par une
réverbération continuelle & tecipro-
■que , pour faciliter par ce mouve.
ment la propagation des creaturesj
La Lune & les Etoiles ont pareille¬
ment un commerce continuel avec
les puiiîànces àitraîês, inhérentes és
corps fublunaires , où refide des ef-
prits, fe rapportans de vertu & d’in-
clination les uns aux autres. Consi¬
dérez en fuite l’harmonie des efprits
'& des corps avec leurs operations
parallèles , comme je les ay crayon¬
nées legerement cy-deflus. Et fut
tout admirez de rapport du monde
fpimuèl au materiel ; l’un porte l’i¬
mage de l’autre, & ce qui paroitra
un iour exalté dans le monde fupe-
rieur , fe void ébauché en quelque
façon dans l’inferieur. Le Soleil ebe?
Æi _ LETTRE
mentaire prefide au gouvernement
du monde periflable , & le Soleil de
juftice prefide à la dire&ion du mon¬
de eternel, le tempseftantun mou¬
vement , Ton dire&eur créé eft mo¬
bile , & rEternitè^confiftant en un
un repos confiant , eft ■ regie pat
l'immuable qui a efté , qui eft , &
qui fera le mefme de fiecles en fic¬
elés. .Quand il apparoîtra immédia¬
tement dans la perfonne glorifiée
de fon Verbe eternel en chair,com¬
me il apparoift mediateinent dans
les inftrimiens materiels, difpofez
pour la direction de l'œuvre admi¬
rable de la Création,fa lumière im-
menfe ternira celle qu’il a diftinguée
du .chaos, pour regler le mouve¬
ment du.temps, lequel finira dans
le même inftant que le feu de cette
nouvelle clarté incomprehenfible
bannira le periflable & l’obfcur,
exaltant nos corps à cette .diaphani-
té lumineufe, dont fa. bonté pater¬
nelle 3 fait voir un échantillon ad¬
mirable, Match; 17. V. i. & Marc.
S». >. j. Comme aufli r. y.iu
ou la prefence de l’Eternel à l’enle-
tes les chofes émanées de l’unité in-
comprehenfible de l’Eternel, ayant
parfait leur cours dans l’harmonie
du Macrocofme inferieur , retourne¬
ront à cette union purifiées des te-
nebres , lefquelles tiendront lieu de
terre damnée dans cette nouvelle
création, & ferviront d’habitacle aux
efprits des hommes malins , exclus
de la lumière & prefence de l’Eter¬
nel. Tout de mefme que les Anges
& les hommes bien-heureux habi¬
teront dans la gloire incomprehen-
fible pour le loüer, bénir & exalter
à jamais. Sa Bonté & Mifericorde
Paternelle nous vueille pardonner
nos offènfes, & nous raflafier des
biens de la maifon pour l’amour de
fon Fils unique Noftre Seigneur Ie-
fus-Chrift, auquel avec le Pere &
le fainéh Efprit, foit gloire & hon¬
neur à tout jamais. Amen.
Voila , Monfieur, l’extrait de ma
le&ure des Philofophes, fimple &
fans affèdation d’ornement , n’y
$4 LETTRE PHILOSOPH.
d'oftentation , dont je vous fais
prefent d’auflï boa cccut que je
fuis,
MONSIEVR; |