17 Barbier Beaumarchais Prof
17 Barbier Beaumarchais Prof
17 Barbier Beaumarchais Prof
de Séville
Beaumarchais
Livret pédagogique
établi par Éloïse LIÈVRE-MOLKHOU,
attachée temporaire d’enseignement et de recherche
à l’université de Nice-Sophia-Antipolis
HACHETTE
Éducation
Conception graphique
Couverture et intérieur: Médiamax
Mise en page
Alinéa
Illustration
Rosine par Émile Bayard,© Hachette Livre-Photothèque
www.hachette-education.com
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122-4 et L.122-5, d’une part, que les
« copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation
collective » et, d’autre part, que « les analyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration,
«toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants
droit ou ayants cause,est illicite».
Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisation de l’éditeur ou du Centre
français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une
contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
SOMMAIRE
AVA N T - P R O P O S 4
TA B L E D E S CO R P U S 6
RÉPONSES AU X Q U E S T I O N S 10
B i l a n d e p re m i è re l e c t u re . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 0
Ac te I , s c è n e 2
Le c t u re a n a l y t i q u e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 2
Le c t u re s c ro i s é e s e t t rava u x d ’ é c r i t u re . . . . . . . . . . . . . . . . 1 7
Ac te I I , s c è n e 1 5
Le c t u re a n a l y t i q u e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 4
Le c t u re s c ro i s é e s e t t rava u x d ’ é c r i t u re . . . . . . . . . . . . . . . . 2 8
Ac te I I I , s c è n e 4
Le c t u re a n a l y t i q u e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 5
Le c t u re s c ro i s é e s e t t rava u x d ’ é c r i t u re . . . . . . . . . . . . . . . . 3 8
Ac te I I I , s c è n e 1 1
Le c t u re a n a l y t i q u e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 4
Le c t u re s c ro i s é e s e t t rava u x d ’ é c r i t u re . . . . . . . . . . . . . . . . 4 8
Ac te I V, s c è n e 6
Le c t u re a n a l y t i q u e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 4
Le c t u re s c ro i s é e s e t t rava u x d ’ é c r i t u re . . . . . . . . . . . . . . . . 5 7
BIBLIOGRAPHIE CO M P L É M E N TA I R E 64
AVANT-PROPOS
Les programmes de français au lycée sont ambitieux. Pour les mettre
en œuvre, il est demandé à la fois de conduire des lectures qui éclai-
rent les différents objets d’étude au programme et, par ces lectures, de
préparer les élèves aux techniques de l’épreuve écrite (lecture efficace
d’un corpus de textes, analyse d’une ou deux questions préliminaires,
techniques du commentaire, de la dissertation, de l’argumentation
contextualisée, de l’imitation…).
Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs.
Le Barbier de Séville, en l’occurrence, permettra de travailler sur le
grand mouvement littéraire du XVIIIe siècle : les Lumières, d’étudier le
genre de la comédie, de refléchir aux procédés de l’argumentation,
tout en s’exerçant à divers travaux d’écriture.
Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nou-
velle collection d’œuvres classiques, Bibliolycée, qui puisse à la fois :
– motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation du
texte, moderne et aérée, qui facilite la lecture de l’œuvre grâce à des
notes claires et quelques repères fondamentaux ;
– vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer les
élèves aux travaux d’écriture.
Cette double perspective a présidé aux choix suivants :
• Le texte de l’œuvre est annoté très précisément, en bas de page,
afin d’en favoriser la pleine compréhension.
• Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendre
la lecture attrayante et enrichissante, la plupart des reproductions
pouvant donner lieu à une exploitation en classe.
• Précédant et suivant le texte, des études synthétiques et des
tableaux donnent à l’élève les repères indispensables : biographie de
l’auteur, contexte historique, liens de l’œuvre avec son époque, genres
et registres du texte…
• Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné à
faciliter l’analyse de l’œuvre intégrale en classe. Présenté sur des pages
4
de couleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence du texte (sur
fond blanc), il comprend :
– Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classe
après un parcours cursif de l’œuvre. Il se compose de questions
courtes qui permettent de s’assurer que les élèves ont bien saisi le sens
général de l’œuvre.
– Cinq à sept questionnaires guidés en accompagnement des extraits
les plus représentatifs de l’œuvre : l’élève est invité à observer et à ana-
lyser le passage ; les notions indispensables sont rappelées et quelques
pistes sont proposées afin de guider sa réflexion et de l’amener à
construire sa propre lecture analytique du texte. On pourra procéder
en classe à une correction du questionnaire, ou interroger les élèves
pour construire avec eux l’analyse du texte.
– Cinq à sept corpus de textes (accompagnés parfois d’un document
iconographique) pour éclairer chacun des extraits ayant fait l’objet
d’un questionnaire guidé ; ces corpus sont suivis d’un questionnaire
d’analyse et de travaux d’écriture pouvant constituer un entraînement
à l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe de
Première, sur le « descriptif des lectures et activités » à titre de groupe-
ments de textes en rapport avec un objet d’étude ou de documents
complémentaires.
Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera, pour vous et vos
élèves, un outil de travail efficace, favorisant le plaisir de la lecture et la
réflexion.
5
TABLE DES CORPUS
Composition
Corpus
du corpus
6
Objet(s) d’étude Compléments aux travaux d’écriture
et niveau destinés aux séries technologiques
Commentaire
Vous étudierez les éléments qui font de ce poème un récit
pittoresque,avant d’en montrer sa valeur symbolique.
Commentaire
Vous étudierez le texte comme un véritable discours en
mettant en valeur le caractère général de sa thèse,son
objet et ses revendications,ainsi que la rhétorique qu’il
met en œuvre pour défendre les idées qu’il contient.
Commentaire
Vous vous intéresserez au style particulier de cette page
des Liaisons dangereuses,dû à la personnalité de Cécile
mais aussi à sa découverte de l’amour,puis vous
étudierez l’utilisation que l’auteur fait du topos de la
leçon de musique.
7
TABLE DES CORPUS
Composition
Corpus
du corpus
8
Objet(s) d’étude Compléments aux travaux d’écriture
et niveau destinés aux séries technologiques
Commentaire
Après avoir montré que cet extrait de roman
s’apparentait bien à une scène de comédie, vous
étudierez les différentes formes d’ironies qui sous-
tendent le jeu de dupes.
Commentaire
Vous direz dans un premier temps en quoi consiste
la péripétie finale,puis vous montrerez qu’elle relève
d’une relecture du mythe et de la tragédie elle-même,
et vous étudierez le rôle des dieux,essentiels à l’univers
tragique.
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
10
Bilan de première lecture
q Le Comte et Rosine communiquent par lettres (I, 3 ; II, 2 ; II, 14) et par
chansons (I, 6 ; III, 4). Mais, dans la scène 3 de l’acte I, ces deux moyens sont
liés puisque Rosine a laissé tomber un billet de sa jalousie en faisant croire à
Bartholo qu’il s’agissait de La Précaution inutile.
s Les deux valets de Bartholo sont l’Éveillé et la Jeunesse. Ces noms sont
comiques car ils disent le contraire de ce que sont les personnages : un jeune
homme « niais et endormi » et un très vieux domestique.
d Bazile est l’organiste maître de chant de Rosine mais aussi l’homme de
main de Bartholo. C’est lui que celui-ci charge de trouver un notaire pour
son mariage. Pour se défaire du Comte, il propose de le calomnier.
f Le second déguisement du Comte est celui d’un cavalier ivre.
g Rosine accuse Bartholo d’outrepasser les droits qu’il a sur elle en voulant
lire les lettres qu’elle reçoit.
h Pour retenir Bartholo qui veut se rendre auprès de Bazile, le Comte
déguisé en bachelier est obligé de se faire passer pour un espion à la solde du
docteur, de lui transmettre des informations sur le comte Almaviva, c’est-à-
dire sur lui-même, et de lui donner, pour preuve, la lettre qu’il a reçue de
Rosine.
j Figaro a pour mission de détourner l’attention de Bartholo afin que les
deux amoureux puissent s’entretenir un moment. Il parvient à s’emparer de
la clé qui ouvre la grille de la fenêtre de Rosine.
k À la scène 3 de l’acte IV, Rosine croit que Lindor l’a trompée parce que
Bartholo lui montre la lettre que le comte Almaviva, déguisé en bachelier, lui
a donnée. La jeune fille croit aussi alors que Lindor n’est qu’un intermédiaire
qui lui fait la cour pour le compte d’Almaviva.
l Une péripétie est un événement qui renverse la situation. À la scène 6, la
situation bascule une première fois lorsque le Comte dévoile son identité à
Rosine et une seconde fois lorsqu’ils se rendent compte que l’échelle qui
devait assurer leur retraite a été enlevée par Bartholo que Rosine, se croyant
trompée par « Lindor », avait mis au courant.
m C’est le notaire qui dénoue l’intrigue en mariant le Comte et Rosine.
w Bartholo arrive avec un alcade et des alguazils, autrement dit la police,
dans le but de faire arrêter le Comte et Figaro en flagrant délit de vol.
11
RÉPONSES AUX QUESTIONS
12
Acte I, scène 2
abolit la distance. Elle est ensuite explicitée par une célèbre réplique de
Figaro : « Aux vertus qu’on exige dans un domestique,Votre Excellence connaît-elle
beaucoup de maîtres qui fussent dignes d’être valets ? » (l. 121-123).
e L’apport d’informations est rendu vivant grâce au rythme endiablé sur
lequel s’enchaînent les répliques : celles-ci sont courtes, voire très courtes, et
de volume relativement semblable. Le Comte n’a pas la patience d’attendre
que Figaro fasse son récit, il le presse de ses questions. On peut particulière-
ment remarquer les interruptions des lignes 91 et 99 signalées par les points
de suspension : dans un cas, le Comte achève la phrase de Figaro ; dans l’autre,
il demande à Figaro d’abréger. C’est ensuite à Figaro d’interrompre le Comte
(l. 112 et 120), puis à nouveau au Comte, comme l’explicite la didascalie
« l’arrêtant » (l. 126) et la ponctuation (l. 130, 139 et 142).
r Ce passage n’est pas uniquement consacré à la présentation des deux per-
sonnages principaux, puisque leur conversation est interrompue à deux
reprises par le projet qui préoccupe le Comte. Une première fois (l. 78-83),
celui-ci demande à Figaro de l’appeler Lindor et non Monseigneur ; une
deuxième fois, plus significative, le Comte s’interrompt parce qu’il a cru voir
paraître Rosine à la jalousie ; enfin, c’est au tour de Figaro de suspendre lui-
même son discours : « Que regardez-vous donc toujours de côté ? » Ainsi
Beaumarchais construit-il une exposition dynamique : l’action, déjà entamée
dans la première scène avec l’attente du Comte, se poursuit en même temps
que les informations nécessaires à sa compréhension sont données au specta-
teur. Nous pouvons également remarquer, à ce propos, que Beaumarchais,
très attentif aux didascalies, inscrit dans les répliques de ses personnages des
indications scéniques (animation du décor, positions des acteurs, etc.).
t Figaro critique les rapports traditionnels entre noblesse et domesticité,
« grands » et « petits » essentiellement et à deux reprises. La réplique « Oui, je
vous reconnais ; voilà les bontés familières dont vous m’avez toujours honoré » (l. 70-
71) répond à l’injure dont l’a gratifié le Comte. Plus loin (l. 113-115), nous
trouvons : « un Grand nous fait assez de bien quand il ne nous fait pas de mal » ; et
enfin, la plus célèbre de ces répliques aux accents de revendications sociales :
« Aux vertus qu’on exige dans un domestique,Votre Excellence connaît-elle beaucoup
de maîtres qui fussent dignes d’être valets ? »
y La première de ces répliques est ironique, c’est une antiphrase. En effet, elle
contraste avec le contexte immédiat qui l’a suscitée ; les termes « bontés » et
13
RÉPONSES AUX QUESTIONS
14
Acte I, scène 2
15
RÉPONSES AUX QUESTIONS
forme de stoïcisme : quel que soit ce qu’il lui arrive, il reste « supérieur aux évé-
nements », il « supporte » les malheurs et profite du bonheur, synonyme de bonne
humeur. Il choisit le rire et la gaieté face à l’adversité.
g Cette philosophie est explicitée par l’adverbe « philosophiquement » (l. 163-
164), par la question du Comte à la suite de la tirade de Figaro (« Qui t’a
donné une philosophie aussi gaie ? ») et, précédemment, par l’expression de
« joyeuse colère » (l. 149) employée par le Comte. Elle est résumée par une
célèbre formule : « Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. »
La comédie apparaît alors comme un antidote au malheur. Les spectateurs
sont invités à profiter de cette occasion de rire et de se divertir.
h Figaro ne s’exprime pas comme on le fait habituellement dans une simple
conversation. En effet, ses répliques ne portent pas beaucoup de marques
d’oralité, elles sont au contraire très écrites. Cette caractéristique participe au
dispositif dramaturgique du théâtre dans le théâtre car, en prenant la parole,
Figaro entre en quelque sorte en représentation. Pour dire les choses encore
plus clairement, il « fait son numéro ». De fait, l’ancien valet n’est pas seule-
ment barbier, garçon apothicaire, poète, auteur dramatique, satiriste, il est
aussi meneur d’une intrigue à laquelle il participe, c’est-à-dire metteur en
scène (voir la « répétition » de la scène 4 de l’acte I) et acteur.
j Le style de la gaieté chez Figaro utilise d’abord l’ironie et en particulier
l’antiphrase (l. 70-71 et 74), mais aussi une ironie plus subtile reposant sur
l’emphase (dans ses déclarations d’allégeance et d’obligation au Comte, qu’il
continue à appeler Monseigneur après que celui-ci lui a demandé de cesser,
l. 77, 84-85, 151 et 169-171).
On trouve ensuite des jeux de mots (l. 91 : « médecines de cheval » ; l. 108 : « au
tragique » ; l. 156 : « maringouins » ; l. 169 : « faisant la barbe à tout le monde »), des
métaphores (l. 98 : les « Puissances », etc.), des périphrases (l. 109 : « l’amour des
lettres » ; l. 161 : « léger d’argent » ; etc.). On peut aussi remarquer la pratique
d’une esthétique du contraste, entre des formules respectueuses et une cer-
taine insolence, entre du vocabulaire concret et du vocabulaire abstrait.
Dans sa dernière tirade, on sera particulièrement sensible aux antithèses
(l. 160 : « de moi », « des autres » ; l. 161-162 : « utile », « vains » ; l. 165 : « accueilli »,
« emprisonné » ; etc.), aux rythmes ternaires et surtout binaires (l. 159-161)
auxquels celles-ci participent, ainsi qu’à nouveau à un contraste, entre l’accu-
mulation des groupes construits sur le principe de la symétrie et les parataxes
et hypotaxes de la dernière phrase (l. 169-171).
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Acte I, scène 2
17
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Trois textes sont caractérisés par une énonciation personnelle qui est ici la
marque de l’inscription du locuteur, sinon de l’auteur, dans son texte.
Nous savons que Beaumarchais a nourri le personnage de Figaro de sa
propre existence, mais les répliques de cette scène, et en particulier la tirade
finale, font sentir toute l’amertume de Beaumarchais à l’égard de la société
qui a tardé à reconnaître son talent. Sa philosophie de la gaieté et de l’insou-
ciance, qui s’exprime stylistiquement par les énumérations, les symétries et
les rythmes binaires, est née du souci et de « l’habitude du malheur ». C’est
dans cette faille humaine du personnage que s’inscrit l’auteur.
Dans l’extrait du poème de Ronsard, cette inscription est d’autant plus fla-
grante et signifiante que le nom du poète apparaît explicitement dans les
paroles que lui adresse la muse, comme si le texte portait en lui-même la
signature de son auteur. Le « je » présent dans les premiers vers peut donc
bien être identifié comme renvoyant à Ronsard et c’est son expérience per-
sonnelle de la condition de poète, caractérisée par un très grand orgueil et
une incessante volonté de se distinguer, qui est exprimée sous la forme d’un
récit mythologique.Voltaire est aussi présent dans son texte grâce à la 1re per-
sonne du singulier. Celle-ci fait de son texte un témoignage vivant (« j’ai
vu ») mais lui permet aussi de faire ouvertement ou de suggérer la critique de
la France (« J’avoue que c’est un de mes étonnements »). Il est très intéressant de
voir que Voltaire oppose à la fin du texte le « je » au « vous », à l’indéfini « on »
et à la 1re personne du pluriel « nous » : il distingue ainsi en lui le Français,
honteux de son pays, et l’écrivain qui peut en faire la critique.
Dans le texte D, la 1re personne du singulier n’apparaît pas, contrairement à
beaucoup d’autres poèmes des Fleurs du mal. Mais, dans le premier tercet, ce
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Acte I, scène 2
qui semble le récit d’une anecdote objective est émaillé de la modalité excla-
mative qui traduit l’expression des sentiments du narrateur.
Commentaire
Introduction
« L’Albatros » est le deuxième poème des Fleurs du mal, au début, donc, de la
première partie, « Spleen et Idéal ». Cette place permet de le considérer comme
une introduction à la poésie baudelairienne, introduction qui se fait par l’inter-
médiaire de la figure du poète, comme dans le premier texte, « Bénédiction ».
Alors que dans celui-ci, long poème, ce sont les discours de sa mère, de sa
femme et de lui-même qui peignent le portrait du poète, « L’Albatros » est un
sonnet fondé sur une comparaison opposant les quatrains et le premier tercet
au second. Cette dualité mêlant récit anecdotique et pittoresque et symbole
fait de ce poème une allégorie de la condition de l’artiste.
1. Du récit anecdotique au symbole
A. Une petite scène maritime
• À la lecture des deux quatrains et à première vue, le poème semble rappor-
ter une anecdote concernant le quotidien des marins. Ce statut narratif est
signalé par :
– l’inscription temporelle de la scène grâce aux adverbes de temps « souvent »
et « à peine », l’un indiquant la récurrence de la scène et l’autre la hiérarchisa-
tion des actions décrite dans l’une et l’autre strophes : le premier quatrain est
une présentation générale, le second saisit l’action dans son déroulement ;
– l’utilisation du présent d’habitude (« prennent », « suivent »), du passé com-
posé (« ont-ils déposés ») et du présent de narration (« agace », « mime ») ;
– le vocabulaire pittoresque (« hommes d’équipage », « brûle-gueule ») ;
– les actions d’humiliation de l’oiseau par les marins, caractérisant ces derniers
comme des êtres cruels et grossiers. Le complément de but du premier vers
« pour s’amuser » est significatif à cet égard. Cette cruauté et cette bêtise sont
soulignées par la caractérisation de l’oiseau qui apparaît comme un être
sociable, doux (« suivent », « indolents », « compagnons ») et pur (« ailes blanches »).
• Le caractère anecdotique de ces premières strophes peut être confirmé par
des indices biographiques. En effet, on suppose que Baudelaire a pu être
témoin de la scène rapportée ici : par exemple, au cours du voyage qu’il com-
mence sur le Paquebot-des-Mers-du-Sud et finit, pour rentrer plus tôt que
prévu, sur un autre bateau, entre 1841 et 1842.
19
RÉPONSES AUX QUESTIONS
20
Acte I, scène 2
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
Dissertation
Le sujet invitait à s’interroger sur le problème suivant : le public et les auteurs
des œuvres littéraires sont-ils toujours hostiles à la nouveauté ? et si oui,
pourquoi ? ou bien savent-ils aussi l’apprécier et la rechercher ?
On peut répondre à la question par une réflexion dialectique.
1. La nouveauté est souvent mal perçue
A. Le public préfère reconnaître que connaître
Cela flatte son goût et sa culture.Voir la domination du parti des Anciens au
XVIIe siècle, qui défendait l’imitation des grands auteurs antiques contre le
renouvellement de la création.
B. La nouveauté peut faire peur
Elle constitue une perte des repères. La poésie contemporaine, par exemple,
qui cherche toujours à découvrir de nouvelles formes, exclut souvent son
public par son hermétisme.
C. La nouveauté est rare et difficile
Ce rejet de la nouveauté ne s’observe pas seulement du côté de la réception
des œuvres mais aussi de celui de leur production. Il n’est pas facile d’inven-
ter du nouveau.
2. La nouveauté est cependant incontournable
A. Comme les sciences, la littérature et les arts connaissent le progrès
C’est la thèse des Modernes à la fin du XVIIe siècle, et en particulier de leur
chef de file, Perrault.
B. La nouveauté est excitante et intéressante
Le public aime dans la nouveauté la découverte et la surprise. C’est ce qui
explique le succès d’œuvres de fiction toujours plus fictionnelles (fantastique,
science-fiction).
C. C’est la nouveauté qui fonde l’originalité de l’auteur
C’est par la recherche du nouveau dans Les Fleurs du mal que Baudelaire
s’est distingué de ses influences à la fois classiques et romantiques : « [...] des
poètes illustres s’étaient partagé depuis longtemps les provinces les plus fleuries du
domaine poétique. Il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était
plus difficile, d’extraire la beauté du mal » (projet de préface pour la deuxième
édition).
22
Acte I, scène 2
Écriture d’invention
• Un discours de défense, ou plaidoyer, est un discours argumenté. Étant
donné que c’est l’accusé qui assure ici sa propre défense, on peut parler de
plaidoyer pro domo et attendre l’utilisation de la 1re personne du singulier ainsi
que des procédés rhétoriques qui expriment l’engagement du locuteur
(phrases exclamatives, interrogations rhétoriques, travail des rythmes, etc.).
• Pour le contenu, quelques suggestions :
– les « affaires » peuvent réclamer autant de passion que la littérature ;
– la pratique de la littérature peut être très instructive pour les affaires, être
l’occasion d’une ouverture d’esprit, d’une meilleure connaissance de ses
adversaires, un délassement qui permet de restaurer l’énergie dont on a
besoin pour les « affaires » ;
– on peut exercer deux activités complémentaires en s’organisant bien, en
divisant son temps de manière étanche entre les deux.
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
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Acte II, scène 15
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
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Acte II, scène 15
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
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Acte II, scène 15
Travaux d’écriture
Question préliminaire
La dénonciation de la condition féminine s’appuie sur :
– Le combat contre les préjugés au nom de la raison : l’oppression masculine
repose sur des préjugés et non sur la raison ou la nature (textes B et D). La
condition féminine est telle parce qu’elle est devenue une habitude ; les
femmes ont été conditionnées par les hommes et les lois qu’ils ont écrites
(textes B et D ; voir les termes « arbitraire », « caprice »).
– La revendication de l’égalité et des droits qui y sont associés, notamment le
droit à la liberté, le droit à disposer d’elle-même : la femme a les mêmes droits
que n’importe quel citoyen (texte A).
Le droit de la femme à l’égalité (textes C et D) et à l’amour, le droit de choi-
sir (textes A et C) sont des droits divins (texte C).
29
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Commentaire
Introduction
Au sein du récit, les dialogues entre les personnages sont l’occasion et le
moyen pour l’auteur d’exprimer des idées. Ici, la réplique de l’interlocuteur
de Consuelo s’étire en tirade. Elle constitue un véritable discours de type
épidictique, blâmant le mariage de raison, et met en œuvre une rhétorique
très claire et très efficace.
1. Du conseil particulier à la thèse générale
Ce discours présente tout d’abord une tension entre sa place et sa fonction
dans le récit et la thèse qu’il défend. George Sand utilise en effet une conver-
sation d’ordre privée pour exposer des idées politiques et sociales. Le texte
peut donc en premier lieu être analysé comme le point de rencontre entre
une énonciation intime et une pensée générale.
A. La situation d’énonciation : une conversation intime
• Alors que le discours de l’interlocuteur de Consuelo, par sa longueur et sa
forme, sur laquelle on reviendra, ressemble à une véritable harangue publique,
il ne s’adresse qu’à une seule personne. Cet interlocuteur place son discours
sous le signe de la familiarité la plus étroite, celle des relations familiales ou
celle de la religion, en se comparant à un « père » puis à un « confesseur ». Sa
parole serait donc de l’ordre de la confidence et du secret.
• Son interlocutrice est désignée par le pronom de 2e personne du singulier,
plus familier que le vous et qui marque la distance et la politesse.
• Cette interlocutrice est également la destinataire du discours ; c’est à elle
qu’il est adressé et c’est sur elle qu’il doit produire son effet ; c’est elle qu’il
doit convaincre. C’est pourquoi la personne de la jeune fille est inscrite dans
le discours même : par l’utilisation des interrogations rhétoriques qui miment
le questionnement de Consuelo et l’obligent à épouser le raisonnement
qu’on lui tient ; par l’utilisation des impératifs qui l’impliquent dans le dis-
cours et la sollicitent (« sois donc certaine » ; « penses-y bien, Consuelo »). C’est
aussi une façon de renvoyer la jeune fille à son choix et d’affirmer sa liberté.
B. Un discours à portée générale
Malgré son cadre d’énonciation et l’inscription en son sein d’un destinataire
précis et unique, ce discours a une portée générale qui apparaît dans :
– des énoncés présentant une tournure générique proche de celle de la for-
mule, voire de la maxime, faisant intervenir le présent de vérité générale,
l’article défini à valeur générique, les indéfinis (« La passivité de l’esclavage a
30
Acte II, scène 15
31
RÉPONSES AUX QUESTIONS
« méprise », « piège »). La femme est ainsi moralement avilie parce qu’elle fait
croire à son mari qu’elle l’aime, le mari parce qu’il est aveuglé ;
– la femme éprouve du ressentiment à l’égard de son mari qui, parce qu’il ne
la comprend pas, perd à ses yeux toute qualité, sa « grandeur », sa « délicatesse »
pouvant servir de support à l’estime.
3. Une rhétorique de la foi et de l’audace
Ce blâme du mariage de raison s’appuie sur une rhétorique inspirée qui
montre que son énonciateur – le « vieillard » est en réalité une femme – est
impliqué dans cette profession de foi subjective et audacieuse, tout comme
l’est sa créatrice George Sand, femme cachée derrière un nom masculin.
A. Une rhétorique de l’implication
L’implication de l’énonciateur dans son discours ne passe pas par la présence
de la 1re personne du singulier, mais s’appuie sur d’autres procédés :
– l’interrogation rhétorique revêtant une valeur exclamative ;
– la modalité exclamative exprimant, comme l’interrogation rhétorique,
l’indignation ;
– la construction binaire des phrases, avec répétition de l’adverbe « là » et du
présentatif en système négatif « il n’y a pas » (l. 22-24) ; anaphore de « ne le
dégraderais-tu pas », de l’adverbe « où », etc. ;
– le rythme des phrases. Cadence majeure aux lignes 13-15, 18-22, etc. ;
– la structure de certaines phrases simples, à l’allure d’énoncés de vérité : « Ils
portent le sceau de la désobéissance ».
B. Un discours osé
Le discours du « vieillard » et la position de George Sand sont un discours
audacieux pour l’époque, anticonformiste et, pour certains, sans doute
blasphématoire. Cette audace passe par :
– une radicalisation du lexique. George Sand choisit des mots et des expres-
sions frappants : « abjurer », « prostitution », « abrutissement », « monstrueux »,
« anti-humain », « haine », etc., mais aussi hyperboliques : « ils n’appartiennent pas
entièrement à l’humanité » ;
– les comparatifs et les superlatifs : « plus affreux et plus dégradants encore » ;
– l’accumulation d’adjectifs ou de participes passés (voir l. 31-32).
Conclusion
Face à l’audace de la rhétorique mise en œuvre dans ce discours et des argu-
ments qu’il développe, on peut faire l’hypothèse que le récit romanesque est
un habile masque des idées féministes en germe.
32
Acte II, scène 15
Dissertation
Ce sujet appelle un plan dialectique. Il ne faut pas remettre en cause l’utilité
de l’œuvre pour la société mais en examiner les modalités et l’efficacité.
1. Les moyens d’action des œuvres littéraires
Les œuvres littéraires peuvent contribuer à améliorer la société en jetant un
regard critique sur elle. Cette critique peut passer par la connaissance, par la
dénonciation, ou par l’engagement proprement dit.
A. La connaissance de la société
La première étape d’une action est celle de la prise de conscience. C’est cette
prise de conscience des réalités du monde du travail minier, par exemple, que
permettent les descriptions et la narration de Germinal de Zola.
B. La dénonciation
Certains genres littéraires ont pour mission explicite de corriger certains
éléments de la société. C’est le cas de la comédie au XVIIe siècle. Molière
caricature et dénonce le vice de la dévotion hypocrite dans Le Tartuffe, etc.
C. L’engagement
L’écrivain peut enfin contribuer à l’amélioration de la société par son enga-
gement proprement dit. C’est le cas de Zola prenant parti pour le capitaine
Dreyfus dans J’accuse, des écrivains surréalistes René Char, Robert Desnos,
Louis Aragon pendant la Seconde Guerre mondiale, etc.
2. Les limites de l’action des œuvres littéraires
A. L’œuvre abandonnée par son auteur
Alors que, dans le cadre de l’engagement, c’est la personne de l’auteur qui est
concernée, il n’est pas toujours là pour seconder ses œuvres dans leur mis-
sion. Certaines œuvres peuvent être mal interprétées et manquer leur but.
B. Des valeurs contraires au progrès
Certaines œuvres véhiculent également des valeurs contraires à celles qui
contribueraient à l’amélioration de la société. Par exemple, les valeurs de
Céline dans Voyage au bout de la nuit ou celles de Goethe dans Les Souffrances
du jeune Werther, qui amenèrent beaucoup de jeunes gens au suicide.
C. L’art pour l’art
Certains écrivains, en particulier des poètes, refusent que la littérature ait une
utilité consciente et voulue. Les poètes parnassiens (Gautier, Leconte de
Lisle) et, dans une certaine mesure, Baudelaire pensent donc que l’art ne doit
pas s’occuper de morale mais seulement de sa propre beauté plastique.
33
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Écriture d’invention
• On attend des élèves qu’ils sachent tout d’abord présenter un dialogue
(tirets, guillemets, etc.) et qu’ils respectent l’alternance des arguments et des
réponses à ces arguments dans la progression de la discussion.
• Quelques suggestions de contenu :
– le mariage est un signe que l’on adresse à l’autre/l’amour n’a pas forcément
besoin de ce signe ;
– ce signe peut aussi être adressé à ceux qui nous entourent. C’est un acte
individuel mais aussi social/on se marie pour soi ;
– le mariage présente aussi des commodités matérielles (rapprochement de
conjoints, assurance contre la précarité)/ce ne sont pas de bonnes raisons
pour se marier ;
– à une époque où l’on vit en couple sans mariage, celui-ci perd de sa signi-
fication/il apparaît comme un véritable choix et n’en a que plus de valeur.
34
Acte III, scène 4
35
RÉPONSES AUX QUESTIONS
36
Acte III, scène 4
37
RÉPONSES AUX QUESTIONS
38
Acte III, scène 4
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Les textes C et D se rencontrent non dans leur conception de la musique,
mais dans la définition de son but. En effet, pour Beaumarchais, la musique
doit « peindre la passion », et pour Rameau, elle doit « remuer les passions ». Pour
les deux, la musique se nourrit d’émotions et les provoque. C’est ce qu’illus-
trent les textes A et B en mettant en scène ou racontant comment deux
jeunes gens expriment leurs émois amoureux à travers la musique qui aug-
mente alors leur trouble. Les tableaux de Watteau et de Fragonard sont, à leur
tour, des représentations graphiques de cette interaction entre émotion et
musique. Dans le tableau de Fragonard, l’orientation des regards, la position
des bras du maître de musique, ainsi que la composition circulaire donnée
par la disposition des corps suggèrent l’intimité de la leçon, tandis que la
lumière, mettant en valeur la peau de l’élève, fait ressortir la sensualité. Dans
le tableau de Watteau, le jeu de regard suggestif est déplacé à gauche et seul
l’homme y participe, comme s’il convoitait la jeune fille innocente. On
retrouve par ailleurs une lumière comparable à celle du tableau de
Fragonard, l’émoi amoureux étant également signifié par la présence des
enfants, évoquant les amours antiques, au regard et au sourire espiègles.
39
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Commentaire
Introduction
Dans une lettre précédente, Cécile a raconté à son amie quel subterfuge avait
trouvé le chevalier Danceny pour lui exprimer son amour en cachette. Ne
pouvant plus supporter de le voir triste, elle va user du même procédé pour
lui répondre. Notre attention, dans ce court récit, doit être attirée par la
façon dont Laclos traduit stylistiquement le trouble de l’amour adolescent.
1. Le style de l’ingénue
Laclos prend soin de faire varier le style des lettres en fonction de leur auteur.
Ici, plusieurs éléments caractérisent le style naïf de l’adolescente ingénue.
A. La personnalisation
• La 1re personne, désignant Cécile, est très présente dans le texte.
• Mais on remarque surtout que Cécile s’adresse à sa correspondante en uti-
lisant la 2e personne du singulier (« figure-toi »). Elle entretient donc avec elle
une relation de familiarité qui convient à leur âge.
• Les deux autres personnages dont il est question dans ce récit sont Danceny
et Mme de Volanges. Le premier n’est désigné que par le pronom personnel
objet de 3e personne. Il est singulier qu’il ne soit pas nommé (même au début
de la lettre), comme si Cécile avait peur de se trahir en écrivant son nom.
• Cécile parle de sa mère en écrivant « Maman » avec une majuscule témoi-
gnant de son autorité. Cette désignation indique bien quelle est la relation de
la mère à la fille : soumission et crainte de l’enfant envers l’adulte.
B. Le parler de l’adolescence
Cécile ne maîtrise pas encore parfaitement la langue. C’est peut-être, de la
part de Laclos, une critique de l’éducation insuffisante donnée aux filles dans
les couvents. Ces lacunes apparaissent dans les faits suivants :
– la brièveté des phrases : Cécile préfère la phrase simple à la phrase com-
plexe, la coordination (« mais », « et après », « et moi », etc.) à la subordination.
Celle-ci est toutefois présente mais semble utilisée de façon maladroite, hési-
tante, répétitive (par exemple, plusieurs subordonnées de conséquence). En
tout cas, elle combine rarement coordination et subordination ;
– la prédominance d’un rythme binaire, souligné par l’emploi de la virgule :
« J’étais si troublée, que je n’osais le regarder. Il ne pouvait pas me parler, parce que
Maman était là. Je me doutais bien qu’il serait fâché, quand il verrait que je ne lui
avais pas écrit », etc. ;
– une syntaxe alambiquée, voire incorrecte : « il avait un air, qu’on aurait dit
40
Acte III, scène 4
qu’il était malade » ; « c’était d’un ton que j’en fus toute bouleversée » (il manque le
premier terme intensif de la subordination) ; « le cœur me battait » au lieu de
« mon cœur battait » ;
– un lexique limité et familier : abondance des verbes statifs avoir, être, faire.
Vocabulaire enfantin et familier (« Maman », « fâché », « bien pis », utilisation du
démonstratif « ça » dans « ça me faisait bien de la peine », etc.).
2. Le langage de l’amour
Cette façon d’écrire est due à l’âge de Cécile, mais aussi au trouble qu’elle
ressent face à l’amour.
A. Le style de l’amour
• Un style de l’intensité : nombreux marqueurs de l’intensité, comme des
adverbes renforçant les adjectifs (« si troublée », « si fort »), ou en système de
subordination de conséquence ; l’adverbe « bien » ; les superlatifs (« bien pis »).
• Un vocabulaire affectif : « troublée », « bouleversée », « peine », « j’avais bien peur ».
• L’expression de la perte des moyens grâce à la négation des verbes pouvoir,
savoir, oser : « je n’osais le regarder », « je ne savais quelle contenance faire », « sans savoir
ce que je faisais », « je ne savais pas », « je ne pourrais » ; grâce à la négation restric-
tive : « tout ce que je pus faire » (= « je ne pus que »). Ce trouble se retrouve chez
Danceny (« il ne me dit que ces deux mots ») et indique que l’expression de
l’amour ne peut se contenter du langage verbal.
B. Un langage extra-verbal
• Le regard : « je ne le regardai qu’un petit moment. Il ne me regardai pas, lui », etc.
• L’air : « contenance », « il avait un air ».
• La voix : les difficultés que rencontre Cécile à chanter, à produire des sons
avec sa gorge sont l’indice que celle-ci est nouée. Ce devrait être un signe
pour Danceny, signe que Cécile tente de masquer à cause de la présence de
sa mère en choisissant un air qu’elle ne connaît pas. On remarquera l’ambi-
guïté du pronom indéfini dans « on se serait aperçu de quelque chose ».
3. La leçon de musique : un intermédiaire
La leçon de musique est un moyen de communication pour les jeunes
amants à plusieurs titres.
A. Les fonctions de la harpe
• C’est matériellement que la leçon de musique sert aux jeunes gens à com-
muniquer, par l’intermédiaire de l’instrument de musique. La harpe est
d’abord une boîte aux lettres.
41
RÉPONSES AUX QUESTIONS
• Le mot « harpe » devient alors une sorte de code secret : par exemple, dans
les paroles de Danceny rapportées au discours indirect (« il me demanda si je
voulais qu’il allât chercher ma harpe » est une façon de demander à Cécile si elle
a répondu à sa lettre).
• La harpe peut enfin apparaître comme un substitut pour Danceny. Il lui
prête l’attention qu’il voudrait accorder à Cécile : « Il se mit à accorder ma harpe. »
Il s’occupe de l’instrument, ne pouvant s’accorder avec Cécile.
• La leçon de musique, le chant sont aussi un moyen de communication de
l’amour, mais en négatif, puisque c’est l’impossibilité de chanter qui exprime
ce dernier. Laclos joue ici avec la tradition de cette scène.
B. La structure du texte
L’alternance des parties du récit consacrées à la manipulation de la harpe, au
chant, et des parties qui expriment les sentiments de l’énonciatrice peut être
considérée comme la matérialisation textuelle du statut d’intermédiaire de
l’instrument et de la leçon de musique.
Conclusion
Laclos offre dans ce texte une variation sur le motif de la leçon de musique,
en le prenant en quelque sorte à contre-emploi. La leçon de chant n’est plus
l’occasion d’une mise en abyme mais exprime les sentiments des deux
jeunes gens par leur impossibilité de chanter correctement, submergés par
leur amour naissant.
Dissertation
La citation invite à s’interroger sur la fonction de la musique, ainsi que sur
son fonctionnement. Quelle est son action et comment agit-elle ?
1. La musique est effectivement une affaire de sensibilité
A. La musique est expression d’émotions
Les chansons, par exemple, sont souvent composées sous le coup d’une émo-
tion, d’un souvenir, pour commémorer l’une ou l’autre. Par exemple, la
chanson de Renaud Mistral gagnant a été composée lors de l’enregistrement
d’un album durant lequel le chanteur était éloigné de sa fille, éloignement
qui lui avait donné une violente nostalgie de l’enfance.
B. La musique suscite les émotions
• Elle s’adresse au cœur et à l’âme et transmet les sentiments. Ainsi, Julie de
Lespinasse écrivait dans sa correspondance en parlant de l’opéra de Gluck
42
Acte III, scène 4
43
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Écriture d’invention
• On attend des élèves qu’ils sachent identifier et mettre en œuvre les
éléments caractéristiques de la chanson :
– des vers, généralement courts (les alexandrins sont rares en chanson) ;
– des strophes, unités à la fois prosodiques (rimes) et thématiques ;
– un refrain.
• Il faut qu’ils respectent la contrainte générique et formelle de l’exercice :
– l’expression de sentiments grâce à un vocabulaire affectif ;
– la mise en abyme (la chanson décrit la situation de son énonciation).
44
Acte III, scène 11
prétexte que dans les scènes précédentes pour masquer les véritables inten-
tions des trois complices. Mais, dans cette réplique, Figaro joint aussi le geste
à la parole. Pour signifier son impatience mais aussi, peut-on penser, pour
couvrir la voix de Bazile qui répète sur un ton interrogatif le nom du sei-
gneur Alonzo, Figaro « frappe du pied ». Cette didascalie inscrit la réplique de
Figaro dans le répertoire du comique de gestes.
e Un énoncé contient plusieurs sens ou valeurs. Il a d’abord le sens qu’ex-
prime son contenu, indépendamment de la situation d’énonciation, puis ceux
que ce même contenu revêt dans une situation précise. La « valeur illocutoire »
d’un énoncé est l’acte de parole (déclaration, promesse, interrogation, inter-
diction, ordre, etc.) réalisé par tout énoncé. On appelle « valeur perlocutoire »
d’un énoncé l’effet concret que son énonciation produit dans une situation
donnée. Les énoncés des répliques des interlocuteurs de Bazile ont tous pour
but de faire taire celui-ci. La plupart ont donc une valeur illocutoire d’ordre.
Mais tous ont pour effet d’empêcher Bazile de parler ou d’être entendu, ils
couvrent sa voix et ses propos : c’est leur valeur perlocutoire.
r Cette entrée importune est en parfait accord avec le caractère et le rôle
dramaturgique de Bazile. Il n’est pas loin d’être le Diable personnifié, puis-
qu’il relève du type du « traître », vénal et corruptible. C’est à lui que l’on
doit dans la pièce le célèbre éloge de la calomnie de la scène 8 de l’acte II :
« Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde,
qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien [...]. Le mal
est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le
diable [...]. Qui diable y résisterait ? » Le terme dont se sert Figaro pour dési-
gner l’importun fait donc écho à cette célèbre tirade. Son entrée s’accorde
également à son rôle dramaturgique dans la mesure où il est l’adjuvant
de Bartholo et l’opposant au projet du Comte. Mais le caractère vénal du
personnage de Bazile inverse ce schéma à l’échelle de la pièce comme
à l’échelle de cette scène : finalement Bazile devient l’instrument de la
duperie du barbon.
t L’incompréhension de Bazile, qui fonde le quiproquo, repose sur le fait
que le Comte, depuis le début de l’acte, l’a fait participer à son insu à ses
mensonges. En effet, il a prétendu que Bazile était souffrant et qu’il venait le
remplacer, pour pouvoir transmettre des informations à Bartholo sur le
comte Almaviva. Le faux Alonzo a donc pris un risque en faisant participer à
son mensonge une personne susceptible d’infirmer ses dires.
45
RÉPONSES AUX QUESTIONS
46
Acte III, scène 11
s Cette scène peut enfin apparaître comme une nouvelle satire de la méde-
cine, dans la mesure où la situation oblige Bartholo à diagnostiquer une
grippe chez un sujet parfaitement bien-portant. Cette satire est soulignée par
le fait qu’il engage son honneur : « D’honneur, il sent la fièvre d’une lieue. » Le
docteur se moque sans le savoir de sa propre activité, il est sa propre victime.
d Ligne 512, le Comte appuie les propos de Bartholo et de Figaro : « Vous
nous faites mourir de frayeur. » Cette réplique a pour référent explicite la mala-
die que tous prêtent à Bazile pour le renvoyer chez lui et l’empêcher de
parler. Mais, si on la rattache à la situation que perçoivent le Comte, Figaro
et Rosine, la réplique prend un autre sens. Bazile ne les effraie pas parce
qu’il est malade (puisqu’il ne l’est pas) mais parce qu’il menace, par sa pré-
sence, le bonheur des amoureux. Elle relève donc d’une forme d’ironie : elle
énonce une chose tout en en signifiant une autre.
f Le rythme soutenu de cette scène est produit par la brièveté des répliques.
Certaines sont laconiques (l. 474-475, 480, 487, 510, etc.) et l’effet est ren-
forcé par la modalité exclamative qui domine le dialogue. Les enchaînements
des répliques sont aussi responsables du rythme trépidant. Pour empêcher
Bazile de parler, les autres personnages l’interrompent (l. 467, 469 et 474) et
c’est souvent un rebondissement sur le dernier mot de la réplique qui per-
met de passer à la suivante. Il n’y a donc aucune suspension, aucun silence
entre les répliques. Cette hâte est justifiée par la situation : Bazile étant
gênant, les autres personnages essaient de s’en débarrasser.
g C’est l’incompréhension de Bazile qui est essentiellement à l’origine de
l’enchaînement mot à mot des répliques. Ce procédé donne lieu à un
comique verbal particulier : le comique de répétition, et culmine dans
l’échange des lignes 493 à 500 : l’expression « l’homme de loi » revient à six
reprises à la fin de chacune des répliques. Outre sa portée comique, cette
répétition a une dimension musicale, comme si chaque voix d’un orchestre
reprenait tour à tour une même mélodie.
h On peut observer que cette scène est composée de séries de répliques
caractérisées par le fait que tous les personnages prennent la parole l’un après
l’autre. On peut, par exemple, relever les séries suivantes :
– Rosine, Bazile, le Comte, Bartholo (l. 474-479) ;
– Bazile, Bartholo, le Comte, Rosine, Figaro (l. 486-490) ;
– le Comte, Figaro, Bartholo, Rosine, Bazile, puis tous (l. 511-520) ;
– enfin, Bazile, Bartholo, le Comte, Figaro, Rosine (l. 522-529).
47
RÉPONSES AUX QUESTIONS
C’est dans la deuxième partie de la scène que cette répartition est la plus sys-
tématique. Elle détermine l’organisation et la progression de la scène, qui
comprend deux parties (l. 454-503 et l. 505 à la fin), la seconde étant compo-
sée de deux séries de prises de parole. Dans la première, on observe des micro-
structures faisant alterner des séries de prises de parole successives de tous les
personnages et des moments de « dialogue » entre Bazile et Figaro (l. 462-
468), Bazile et Bartholo (l. 478-485), le Comte et Bartholo (l. 501-504).
j À la fin de la scène, tous les personnages s’adressent à Bazile en même
temps. Dans ces deux répliques (l. 521 et l. 532), ces personnages forment
donc une sorte de chœur chantant à l’unisson. Cette particularité fait ressor-
tir le caractère arbitraire du langage dramatique.
48
Acte III, scène 11
sens différent pour l’un et l’autre. Par exemple, en évoquant « la bonne farce », il
ne pense pas à celle que Marcel croit avoir jouée à son parrain mais à celle
que lui-même a jouée à son ami. Feydeau joue également sur le décalage
entre le ton et le sens des répliques d’Étienne. Celui-ci rit de la même façon
que Marcel, lui fait scrupuleusement écho, mais ses raisons sont différentes :
c’est la signification de l’opposition entre « Oh ! non ! » et « Oh ! si ! ». Le ton
similaire des deux répliques masque provisoirement leur différence et rend la
découverte de la supercherie plus drôle encore.
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Pour que le jeu de dupes fonctionne, il faut que le personnage qui en est la
victime soit aveuglé par son désir, son but. La peur pousse Géronte à se
confier sans méfiance à Scapin. La volonté de garder Rosine pour lui et de
prendre toutes les précautions contre le Comte conduit Bartholo à suivre
sans aucune prise de distance les conseils d’Alonzo. Des Grieux, lui, est aveu-
glé par la passion qu’il éprouve pour Manon et ne voit pas l’évidence, à
savoir que l’autre frère prétendu de la jeune fille est sans doute, comme lui,
un de ses amants. Enfin, Marcel ne se rend pas compte qu’il est tombé dans
un piège, parce qu’il est trop occupé par le piège qu’il croit lui-même être en
train de tendre. Ces scènes de comédie apparaissent donc aussi comme des
réflexions sur la confiance et une critique de l’emportement, de l’excès, de
l’absence de prise de distance et de modération.
Commentaire
Introduction
La rencontre du prétendu « frère » de Manon a permis au héros Des Grieux
de s’introduire dans les milieux du jeu et de s’enrichir un peu. Mais, après
avoir été volé par ses domestiques, il est obligé d’accepter de jouer le rôle du
« petit frère » de Manon dans l’escroquerie du vieux G… M… Ce passage
constitue une véritable scène comique insérée dans le roman, mais qui est la
cible du comique dans cette scène ? qui est ridicule ? de qui se moque-t-on ?
1. Une scène de comédie
A. Les personnages
Les personnages mis en scène ici rencontrent les types de la comédie, et
notamment de celle de Beaumarchais Le Barbier de Séville. En effet, M. de
49
RÉPONSES AUX QUESTIONS
G… M… est un vieillard attiré par les jeunes femmes telles que Manon,
semblable en cela aux barbons de la tradition comique. Prévost se livre
cependant à un jeu de détournement de cette référence, puisque Manon n’a
rien d’une ingénue et il n’y a pas explicitement de personnages d’amoureux.
De plus, le texte suggère discrètement que M. de G… M… pourrait bien
aimer également les jeunes garçons :
– « Le vieil amant parut prendre plaisir à me voir » ;
– il a un geste équivoque : « il me donna deux ou trois petits coups sur la joue » ;
– il voit en lui un « joli garçon » ;
– il le met en garde contre la débauche parisienne, trahissant peut-être par là
sa propre pensée.
B. Une écriture dramatique
Au théâtre, le texte est composé exclusivement de dialogues et divisé en actes
et en scènes matérialisés par la typographie mais aussi par les entrées et les
sorties de personnages. Prévost utilise ici ces procédés pour signaler le début
et la fin de la « scène » et la structurer. On observera :
– la parole rapportée au discours direct, d’autant plus intéressant que ce pro-
cédé est assez rare dans le roman (l. 4 et sq., l. 17-28) ;
– le discours direct, relayé par du discours indirect (« en me disant que j’étais un
joli garçon ») ou narrativisé (« il m’ordonna de lui faire la révérence », etc.) qui met-
tent en valeur les gestes des personnages, équivalents des jeux de scène. De
même, des caractérisations comme « d’un air niais » ont valeur de didascalies ;
– les verbes de mouvement au début du texte : « vint me prendre par la main »,
« me conduisant » indiquant le déplacement, voire l’entrée des personnages.
C. L’explicitation du spectacle et du comique
Le texte explicite sa nature et son statut de scène comique par :
– la position de Manon, à la fois actrice et spectatrice de la scène. Elle ne
prend pas part au dialogue mais, public idéal de la comédie, perçoit tout le
comique de la scène comme l’indique la phrase : « Manon, qui était badine, fut
sur le point, plusieurs fois, de tout gâter par des éclats de rire » ;
– l’explicitation du comique par celle du rire. Dans un paragraphe précédant
cet extrait, le narrateur rappelle les raisons de cette comédie. Les complices
décident de faire passer Des Grieux pour le petit frère de Manon afin que le
vieux G… M… n’abuse pas trop d’elle et pour se « donner le plaisir d’une scène
agréable ». Les mots « plaisir » et « agréable » sont aussi significatifs que le mot
« scène ». À la fin du passage, le narrateur parle d’une « ridicule scène » : là encore,
50
Acte III, scène 11
51
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Dissertation
Le sujet invite à discuter de la validité de la définition bergsonienne du qui-
proquo. On pourra adopter le plan suivant :
1. Illustration du quiproquo comique et de son mécanisme
A. La rencontre de plusieurs histoires autonomes
Exemple du dernier acte du Mariage de Figaro, immense quiproquo dans
lequel chaque personnage a une attente qui ne correspond pas à la réalité : le
Comte croit avoir rendez-vous avec Suzanne et il trouve sa femme ; Figaro
croit être trompé et ne l’est pas ; etc.
B. La part du spectateur
Le quiproquo est un puissant ressort comique parce qu’il invite le spectateur
à se faire complice de l’auteur au-dessus des personnages.
52
Acte III, scène 11
53
RÉPONSES AUX QUESTIONS
Écriture d’invention
L’intitulé du sujet indique que l’élève n’est pas tenu de rédiger complète-
ment un texte narratif mais d’en faire le canevas, de façon schématique.
– Personnages : une bande d’amis de lycée, dont on distingue deux garçons.
– Enjeu : l’un veut se venger de l’autre qui lui a soufflé une petite amie.
– Ruse : pour cela, il lui fait une « fausse confidence » (il a surpris la jeune fille
en train d’embrasser un troisième garçon). Mais l’autre apprend par une qua-
trième personne, à qui le premier avait confié son projet, qu’il s’agit d’un
mensonge. Il fait alors dire à son ami par cet informateur qu’il a cherché à
attenter à ses jours de désespoir et qu’il est à l’hôpital entre la vie et la mort.
– Résultat : le trompeur reçoit la monnaie de sa pièce ; il est rongé par une
culpabilité dont il a lui-même créé les causes.
A c t e I V, s c è n e 6 ( p p . 1 8 6 à 1 8 9 )
54
A c t e I V, s c è n e 6
« L’heureux homme que vous voyez à vos pied n’est point Lindor ; je suis le comte
Almaviva. » Le changement est donc autant dans le geste et dans l’habit que
dans les mots. Le seconde péripétie est marquée par la modalité exclamative
traduisant la surprise et l’inquiétude des personnages mais aussi des specta-
teurs, et par un jeu de mots sur le participe passé du verbe enlever : c’est
l’échelle qui a été « enlevée », alors que c’était à Rosine d’être la victime
(consentante) d’un enlèvement.
e Les péripéties de cette scène sont la conséquence d’événements anté-
rieurs. Rosine a reçu froidement son amant, parce que Bartholo lui a montré
la lettre qu’elle lui avait écrite en lui disant qu’il la tenait d’une femme à qui
le Comte l’avait sacrifiée (acte IV, scène 3). Bartholo était en possession de
cette lettre, parce que le Comte avait été obligé de la lui laisser pour gagner
sa confiance et assurer son mensonge dans la scène 2 de l’acte III. La retraite
des complices est coupée, parce que, dans la scène 3 de l’acte IV, Rosine a
révélé à Bartholo son prochain rendez-vous avec Lindor.
r Pourquoi Figaro allume-t-il toutes les bougies ? Parce qu’il fait nuit, d’ac-
cord. Mais pourquoi les allumer toutes alors que cela risque d’attirer l’atten-
tion et que le Comte a le projet d’emmener Rosine pour l’épouser chez
Figaro ? Ici, la nécessité de l’espace scénique prime sur la logique. Beau-
marchais fait allumer les bougies parce qu’il ne peut pas déplacer ses person-
nages. Le mariage doit avoir lieu sur place et on a pour cela besoin de
lumière, juste assez pour créer une atmosphère nuptiale adéquate.
t Certaines répliques résument l’intégralité ou une partie de l’intrigue.
C’est le cas de la révélation du Comte : « je suis le comte Almaviva, qui meurt
d’amour et vous cherche en vain depuis six mois » ; ou encore cette phrase de
Rosine qui rappelle la scène 3 de l’acte IV : « J’ai tout avoué, tout trahi. »
D’autres répliques, elles, racontent par avance le dénouement et la façon
dont Beaumarchais va nous y conduire : « [Bartholo] sait que vous êtes ici et va
venir avec main-forte » (c’est ce qui arrive dans la dernière scène, mais trop
tard) ; « vous serez ma femme » (c’est ce qui arrive dans l’avant-dernière scène).
y Tout comme certaines répliques de cette scène rappellent ce qui s’est passé
ou annoncent ce qui va se passer, certaines autres indiquent ce qui aurait pu
se passer. Ces événements qui n’auront pas lieu, mais auxquels les person-
nages, le dramaturge et les spectateurs ont pu penser, sont plus graves que les
événements actualisés par la pièce. C’est en cela que l’on peut dire que
Beaumarchais inscrit dans cette scène des germes d’un drame possible, ou
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
plutôt de trois drames possibles. Les deux premiers sont énoncés au moment
où Rosine ne sait pas encore qui est Lindor. Son histoire aurait pu être celle
d’une jeune fille qui quitte tout pour suivre un bachelier sans argent (l. 166-
169 et l. 182-184), ou celle d’une orpheline vendue à un riche comte par un
bachelier sans scrupule. Le dernier drame possible apparaît dans les répliques
de Rosine après la révélation du Comte : « Ah ! Lindor… Ah ! monsieur ! que je
suis coupable ! j’allais me donner cette nuit même à mon tuteur » et « Ne voyez que
ma punition ! J’aurais passé ma vie à vous détester. Ah Lindor ! le plus affreux
supplice n’est-il pas de haïr, quand on sent qu’on est faite pour aimer ? »
u Beaumarchais traduit l’évolution des sentiments de Rosine par le change-
ment d’énonciation, les variations de ton et de style de ses répliques. La
didascalie initiale signale « un ton très composé », une certaine maîtrise, une froi-
deur qui contrastent avec ses transports, son langage exclamatif, troublé des
2e et 3e parties de la scène. Ces inflexions sont surtout soulignées par le chan-
gement des pronoms grâce auxquels Rosine s’adresse au Comte : elle utilise
d’abord la 2e personne du pluriel de politesse, mettant ainsi de la distance
entre lui et elle, puis exprime sa colère et son dégoût par le « tu » avant de
retrouver le « vous », mais cette fois pour exprimer le plus grand respect.
i L’analyse des sentiments de Rosine passe par leur simple expression, ver-
bale et extra-verbale (les larmes), mais aussi par leur commentaire. Dans sa
longue tirade, Rosine revient sur ses sentiments, son « remords » prochain, ses
« bontés » passées, sa « faiblesse ». Mais l’analyse est plus efficace encore dans les
maximes qu’énoncent tour à tour Figaro et la jeune fille : « la douce émotion de
la joie n’a jamais de suites fâcheuses » (l. 205-206) ; « le plus affreux supplice n’est-il
pas de haïr, quand on sent qu’on est faite pour aimer ? » (l. 212-213). On reconnaît
le présent de vérité générale et l’indéfini « on » qui permettent de dépasser
l’expression des sentiments dans leur analyse plus universelle.
o Beaumarchais exprime par l’intermédiaire de Rosine une pensée politique
et sociale revendiquant l’égalité des individus au-delà des distinctions de rang
et de richesse. « La naissance, la fortune ! Laissons là les jeux du hasard. » En utili-
sant la métaphore du jeu de hasard pour désigner ces critères de la hiérarchie
sociale, Beaumarchais se souvient peut-être de la pièce de Marivaux (Le Jeu de
l’amour et du hasard) dénonçant les mêmes réalités. Il exprime ainsi l’idée que
la place d’un individu dans la société doit être fondée sur son mérite et non
sur ses origines et ses biens, et annonce les revendications de la Révolution
française.
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
Travaux d’écriture
Question préliminaire
Pour Aristote et toute la dramaturgie classique, la péripétie doit être vraisem-
blable et nécessaire, c’est-à-dire d’abord que le spectateur doit pouvoir y
croire sans difficulté et ensuite qu’elle doit être liée aux événements précé-
dents par un lien de cause à effet.
Le coup de théâtre de L’Illusion comique est inattendu mais parfaitement vrai-
semblable si l’on admet l’hypothèse du magicien. Il est de plus préparé par le
brusque changement de décor et de ton entre les actes : cette inflexion peut
donner à deviner au spectateur de quoi il retourne.
En revanche, pour une fois, Racine a pris un peu de liberté, toute relative, à
l’égard des règles. En effet, le sauvetage in extremis d’Iphigénie par l’existence
d’une autre Iphigénie, qui durant toute la pièce est connue sous le nom
d’Ériphile, relève de la coïncidence et semble manquer de nécessité. Mais
Racine justifie son dénouement, fondé sur une « reconnaissance » originale, de
deux façons : il place la péripétie sous le signe des dieux et de la fatalité, lui
rendant ainsi sa nécessité, et il s’appuie sur une version existante du mythe. Il
prévient toute critique dans sa préface : « Je puis dire que j’ai été très heureux de
trouver dans les Anciens cette autre Iphigénie, que j’ai pu représenter telle qu’il m’a plu,
et qui, tombant dans le malheur où cette amante jalouse voulait précipiter sa rivale,
mérite en quelque façon d’être punie, sans être pourtant tout à fait indigne de compas-
sion. Ainsi le dénouement de la pièce est tiré du fond même de la pièce. » Il est vrai
que cette solution était pour les spectateurs de l’époque plus acceptable que le
miracle d’une autre version où Diane remplaçait la jeune fille par une biche.
Beaumarchais, comme souvent, met à distance les règles de la dramaturgie
classique en jouant sur le nombre, le rythme et l’éclat des péripéties.
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Giraudoux, lui, même s’il écrit à une tout autre époque, semble les respecter :
il n’est pas surprenant que ce soit par Demokos, belligérant hargneux tout au
long de la tragédie, que la guerre arrive finalement, et Giraudoux se sert pour
cela d’un ressort profondément humain, le mensonge et la vengeance, et
donc parfaitement vraisemblable.
Commentaire
Introduction
L’avant-dernière scène d’Iphigénie se termine par ce vers de Clytemnestre
apercevant Ulysse, qui avait soutenu le sacrifice d’Iphigénie : « C’est lui. Ma
fille est morte ! Arcas, il n’est plus temps. » La dernière scène dont est extrait le
texte à commenter dément ce dénouement pour clore la tragédie de façon
moins cruelle. Mais Racine prend soin de placer cette heureuse surprise sous
le signe des dieux et de la fatalité pour que la tragédie reste tragédie.
1. Une double surprise
Le retournement de situation porte en fait sur deux points :
A. Iphigénie en vie !
La révélation est soulignée d’abord par une opposition très marquée entre la
situation présente et la situation précédente :
– opposition mise en valeur par le parallélisme des tournures : « Ma fille est
morte ! » est démenti par « Votre fille vit », quasiment à la même place dans leur
vers respectif ;
– opposition des caractérisations dans la tirade-récit d’Ulysse : « heureux
moment », « de joie et de ravissement » s’opposent à « si mortel » (les deux éléments
étant de plus hyperboliques) et à « fatal », « funeste », « spectacle affreux » ;
– structure antithétique de la première partie du récit, qui oppose la menace à
sa résolution : premier temps de récit proprement dit marqué par l’anaphore
de l’adverbe « déjà » ; second temps constitué par les paroles de Calchas rappor-
tées au discours direct, qui expliquent l’oracle du dieu et sauvent Iphigénie ;
– opposition réfléchie à l’intérieur du récit par deux éléments : l’opposition
entre Achille et l’armée renforcée par un chiasme (« voyait pour elle Achille et
contre elle l’armée »), l’action d’Achille ayant pour conséquence la division des
dieux ; l’existence de deux Iphigénie elles-mêmes antithétiques (« Un autre
sang d’Hélène, une autre Iphigénie ») ;
– enfin, la péripétie exprimée par la modalité exclamative associée à la briè-
veté des propositions et aux interjections dans les répliques de Clytemnestre.
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
B. Un messager inattendu
La surprise de Clytemnestre porte autant sur l’annonce que sa fille est en vie
que sur l’identité de celui qui s’est chargé de cette annonce. En effet, Ulysse,
comme le rappelle sa deuxième réplique, avait poussé au sacrifice. Le change-
ment d’attitude du personnage est souligné par :
– l’utilisation du présentatif « c’est » suivi d’une subordonnée relative : « et c’est
vous qui venez me l’apprendre » (la nouvelle est d’autant plus incroyable que
c’est Ulysse qui l’apporte) ; tournure que reprend Ulysse : « Oui, c’est moi »,
« Moi, qui » ;
– le verbe « réparer » : Ulysse veut se racheter de sa conduite envers
Clytemnestre.
2. Une relecture de la tragédie et du mythe
A. Récit rétrospectif et bilan
La scène dernière de la pièce revient sur les événements passés. Elle clôt ainsi
la tragédie en la reflétant. Cette dimension rétrospective s’inscrit dans plu-
sieurs éléments :
– les temps verbaux : essentiellement le passé composé renvoyant à un passé
proche, qui a encore des liens avec le présent ; on trouve également l’impar-
fait, temps de la description, qui sert ici à rappeler les principaux événements
de la pièce, comme s’ils avaient lieu une seconde fois pour rencontrer un
dénouement différent (aspect sécant de l’imparfait contrairement à l’aspect
global du passé simple qui saisit l’action dans sa totalité achevée) ;
– les adverbes de temps « longtemps », « tantôt », « déjà » répétés plusieurs fois et
rappelant la dramatisation de l’action tragique tendue vers son dénouement.
Adverbes qui s’opposent à « enfin » (v. 8) ;
– le sujet « jour » (v. 14) rappelant l’unité de temps que doit respecter la
tragédie ;
– la tirade d’Ulysse résumant l’action de la pièce : les vers 19-21 rappelant la
lutte d’Achille pour sauver sa bien-aimée renvoient à la scène 6 de l’acte IV
dans laquelle Achille menace Agamemnon ;
– ce retour sur le passé de la tragédie crée un effet de clôture. En effet, le récit
d’Ulysse fait écho à celui d’Agamemnon dans la première scène de l’acte I
(« J’offris sur ses autels un secret sacrifice »).
B. Une version rare du mythe
Le récit d’Ulysse est également une relecture du mythe d’Iphigénie. En
effet, dans la version la plus courante (Eschyle, Sophocle, Lucrèce et
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Horace), la fille d’Agamemnon était bel et bien sacrifiée – ce qui était trop
cruel pour les bienséances classiques. Une autre version (Euripide et
Ovide) voulait que la déesse Diane la remplaçât par une biche au dernier
moment. Racine a préféré aller chercher (chez Pausanias) le personnage
d’Ériphile, amante jalouse, morbide et méchante d’Achille, pour sauver son
Iphigénie.
3. La volonté des dieux
A. La part des dieux
Même si la substitution d’une Iphigénie par une autre n’est pas un véritable
miracle, le dénouement est quand même orchestré par les dieux, présents
partout et sous toutes les formes stylistiques :
– désignation explicite : « les dieux sont contents » (v. 1), « quel dieu me l’a ren-
due ? » (v. 11), et aussi vers 21, 26, 28, 41 ;
– désignation métonymique : « le ciel a voulu vous la rendre » (v. 2), « le ciel est
apaisé » (v. 8), « ô ciel ! » (v. 10) ;
– désignation allégorique : « la Discorde maîtresse » (v. 15).
B. La rémission d’Ulysse
Il n’est pas innocent que ce soit Ulysse qui vienne annoncer la nouvelle à
Clytemnestre. Nous avons vu que c’est une façon de réparer ses torts envers
elle, mais c’est aussi prouver sa soumission aux dieux. Ulysse, dans la pièce, est
celui qui défend le parti de la guerre et donc du sacrifice, et ce même si les
dieux avaient été contraires à ce projet. Il le dit au vers 6, il était « jaloux tan-
tôt de l’honneur de [leurs] armes ».
De plus, dans la tradition littéraire depuis Homère, Ulysse est caractérisé par
sa ruse, c’est-à-dire qu’il est le représentant de l’intelligence humaine,
presque émancipée des dieux.
Dissertation
On pourra approfondir les pistes suivantes :
1. Justification de la lecture « dans l’ordre »
A. Le plaisir de la découverte et le charme du suspense
• Il favorise le processus d’identification.
• Il permet de vivre les aventures des héros en même temps qu’eux.
• Plaisir de l’angoisse dans l’attente du dénouement.
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RÉPONSES AUX QUESTIONS
Écriture d’invention
Pour écrire la dernière scène du « drame possible » suggéré par la scène 6 de
l’acte IV du Barbier de Séville, il faut d’abord rappeler ce qu’est un drame.
C’est une pièce de théâtre mettant en scène des personnages issus de la bour-
geoisie et destinée à la bourgeoisie. C’est une pièce de théâtre devant s’adres-
ser à la sensibilité du spectateur, le toucher profondément par des sentiments
et de la morale, éventuellement faire couler ses larmes. Pour jeter les bases
de ce dénouement « dramique » comme dirait Beaumarchais, il faut donc
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modifier un peu les données de la pièce et pour cela oublier ce qui précède
et ne retenir que la scène qui sert de point de départ.
Mettons donc que :
– le comte Almaviva n’existe pas ; Lindor est Lindor, ou plutôt Dorlin,
obtenu par anagramme et pour rappeler le Dorval du drame Le Fils naturel de
Diderot, un jeune homme pauvre et ignorant qui sont ses parents ;
– Rosine (ce nom n’a pas besoin d’être changé) pleure beaucoup croyant
avoir été trompée par son amant, croyant être déshonorée à jamais, Bartholo,
ou plutôt Barreau (nom à la fois évocateur de la prison mais également à
connotation bourgeoise et non italo-comique), refusant de lui pardonner et
la chassant de la maison ;
– voilà Dorlin qui arrive pour enlever Rosine et la priver de sa vertu. Devant
ses larmes, il renonce à son projet criminel et pleure avec elle à chaudes
larmes ;
– Barreau, le tuteur tyrannique, surgit à son tour, s’emporte d’abord, inter-
roge le jeune homme qui, en plaidant sa cause, fournit des informations capi-
tales permettant à Barreau de reconnaître son fils qu’il croyait perdu depuis
toujours. Ils tombent dans les bras l’un de l’autre et Barreau unit bientôt
Rosine à Dorlin, ses « enfants ».
Et Figaro dans tout cela ? Pour savoir si Figaro a sa place dans un drame, c’est
une autre histoire : elle s’appelle La Mère coupable.
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BIBLIOGRAPHIE C O M P L É M E N TA I R E