Remarques Sur La Production Des Nombres
Remarques Sur La Production Des Nombres
Remarques Sur La Production Des Nombres
Palingénius
«Au commencement, avant l’origine de toutes choses, était l’Unité », disent les théogonies les plus
élevées de l’Occident, celles qui s’efforcent d’atteindre l’Être au-delà de sa manifestation ternaire, et
qui ne s’arrêtent point à l’universelle apparence du Binaire. Mais les théogonies de l’Orient et de
l’Extrême-Orient disent : « Avant le commencement, avant même l’Unité primordiale, était le Zéro »,
car elles savent qu’au-delà de l’Être il y a le Non- Être, qu’au-delà du manifesté il y a le non-manifesté
qui en est le principe, et que le Non-Être n’est point le Néant, mais qu’il est au contraire la Possibilité
infinie, identique au Tout universel, qui est en même temps la Perfection absolue et la Vérité
intégrale. D’après la Kabbale, l’Absolu, pour se manifester, se concentra en un point infiniment
lumineux, laissant les ténèbres autour de lui ; cette lumière dans les ténèbres, ce point dans
l’étendue métaphysique sans bornes, ce rien qui est tout dans un tout qui n’est rien, si l’on peut
s’exprimer ainsi, c’est l’Être au sein du Non-Être, la Perfection active dans la Perfection passive. Le
point lumineux, c’est l’Unité, affirmation du Zéro métaphysique, qui est représenté par l’étendue
illimitée, image de l’infinie Possibilité universelle. L’Unité, dès qu’elle s’affirme, pour se faire le centre
d’où émaneront comme de multiples rayons les manifestations indéfinies de l’Être, est unie au Zéro
qui la contenait en principe, à l’état de non manifestation ; ici déjà apparaît en potentialité le
Dénaire, qui sera le nombre parfait, le complet développement de l’Unité primordiale.
La Possibilité totale est en même temps la Passivité universelle, car elle contient toutes les
possibilités particulières, dont certaines seront manifestées, passeront de la puissance à l’acte, sous
l’action de l’Être-Unité. Chaque manifestation est un rayon de la circonférence qui figure la
manifestation totale ; et cette circonférence, dont les points sont en nombre indéfini, est encore le
Zéro par rapport à son centre qui est l’Unité. Mais la circonférence n’était point tracée dans l’Abyme
du Non-Être, et elle marque seulement la limite de la manifestation, du domaine de l’Être au sein du
Non-Être ; elle est donc le Zéro réalisé, et, par l’ensemble de sa manifestation suivant cette
circonférence indéfinie, l’Unité parfait son développement dans le Dénaire.
D’autre part, dès l’affirmation de l’Unité, avant même toute manifestation, si cette Unité s’opposait
au Zéro qui la contient en principe, on verrait apparaître le Binaire au sein de l’Absolu même, dans la
première différenciation qui aboutit à la distinction du Non-Être et de l’Être ; mais nous avons vu
dans notre étude sur le Démiurge ce qu’est cette distinction. Nous avons montré alors que l’Être, ou
la Perfection active, Khien, n’est point réellement distinct du Non-Être, ou de la Perfection passive,
Khouen, que cette distinction, point de départ de toute manifestation, n’existe que dans la mesure
où nous la créons nous-mêmes, parce que nous ne pouvons concevoir le Non-Être qu’à travers l’Être,
le non-manifesté qu’à travers le manifesté ; la différenciation de l’Absolu en Être et Non-Être
n’exprime donc que la façon dont nous nous représentons les choses, et rien de plus. En outre, si on
envisage les choses sous cet aspect, on peut dire que l’Absolu est le principe commun de l’Être et du
Non-Être, du manifesté et du non-manifesté, bien qu’en réalité il se confonde avec le Non-Être,
puisque celui-ci est le principe de l’Être, qui est lui-même à son tour le principe premier de toute
manifestation. Donc, si l’on voulait considérer ici le Binaire, on se trouverait immédiatement en
présence du Ternaire ; mais, pour qu’il y eût véritablement là un Ternaire, c’est-à-dire déjà une
manifestation, il faudrait que l’Absolu fût l’Unité primordiale, et nous avons vu que l’Unité
représente seulement l’Être, affirmation de l’Absolu. C’est cet Être-Unité qui se manifestera dans la
multiplicité indéfinie des nombres, qu’il contient tous en puissance d’être, et qu’il émanera comme
autant de sous-multiples de lui-même ; et tous les nombres sont compris dans le Dénaire, réalisé par
le parcours du cycle de la manifestation totale de l’Être, et dont nous allons avoir à considérer la
production à partir de l’Unité primordiale. Dans une étude précédente, nous avons vu que tous les
nombres peuvent être considérés comme émanant par couples de l’Unité ; ces couples de nombres
inverses ou complémentaires, que l’on peut regarder comme symbolisant les syzygies des Éons au
sein du Plérôme, existent dans l’Unité à l’état indifférencié ou non manifesté :
Chacun de ces groupes, 1/n x n, n’est point distinct de l’Unité, ni distinct des autres dans l’Unité, et il
ne le devient qu’en tant que l’on considère séparé-ment les deux éléments qui le constituent ; c’est
alors que naît la Dualité, distinguant l’un de l’autre deux principes, non point opposés comme on le
dit d’ordinaire à tort, mais complémentaires : actif et passif, positif et négatif, masculin et féminin.
Mais ces deux principes coexistent dans l’Unité, et leur indivisible dualité est elle-même une unité
secondaire, reflet de l’Unité primordiale ; ainsi, avec l’Unité qui les contient, les deux éléments
complémentaires constituent le Ternaire, qui est la première manifestation de l’Unité, car deux,
étant issu de un, ne peut pas être sans que trois soit aussitôt par là même : 1+ 2 = 3. Et, de même que
nous ne pouvons concevoir le Non-Être qu’à travers l’Être, nous ne pouvons concevoir l’Être-Unité
qu’à travers sa manifestation ternaire, conséquence nécessaire et immédiate de la différenci-ation
ou de la polarisation que notre intellect crée dans l’Unité. Cette manifestation ternaire, quel que soit
l’aspect sous lequel on l’envisage, est toujours une indissoluble Trinité, c’est-à-dire une Tri- Unité,
puisque ses trois termes ne sont point réellement distincts, qu’ils ne sont que la même Unité conçue
comme contenant en elle-même les deux pôles par lesquels se produira toute manifestation. Cette
polarisation se retrouve aussitôt dans le Ternaire, car, si l’on considère les trois termes de celui-ci
comme ayant une existence indépendante, on obtiendra par là même le nombre sénaire, impliquant
un nouveau ternaire qui est le reflet du premier :1+2+3 = 6.
Ce second ternaire n’a point d’existence réelle par lui-même; il est au premier ce que le Démiurge est
au Logos émanateur, une image ténébreuse et inversée, et nous verrons en effet par la suite que le
Sénaire est le nombre de la Création. Contentons-nous, pour le moment, de remar-quer que ce
nombre est réalisé par nous, en tant que nous distinguons entre eux les trois termes de la Tri-Unité,
au lieu d’envisager synthétiquement l’Unité principielle, indépendamment de toute distinction, c’est-
à-dire de toute manifestation.
Si l’on regarde le Ternaire comme manifestation de l’Unité, il faut envisager en même temps l’Unité
en tant que non manifestée, et alors cette Unité, jointe au Ternaire, produit le Quaternaire, qui peut
être figuré ici par le centre et les trois sommets d’un triangle. On peut dire aussi que le Ternaire,
symbolisé par un triangle dont les trois sommets corres-pondent aux trois premiers nombres,
suppose néces-sairement le Quaternaire, dont le premier terme, non-exprimé, est alors le Zéro, qui
en effet ne peut pas être représenté. On peut ainsi, dans le Quaternaire, envisager le premier terme,
soit comme le Zéro, soit comme l’Unité primordiale; dans le premier cas, le second terme sera l’Unité
en tant qu’elle se manifeste, et les deux autres constitueront sa double manifestation; au contraire,
dans le second cas, ces deux derniers, les deux éléments complémentaires dont nous avons parlé
plus haut, devront précéder logiquement le quatrième terme, qui n’est autre que leur union,
réalisant entre eux l’équilibre dans lequel se reflète l’Unité principielle. Enfin, si l’on considère le
Ternaire sous son aspect le plus inférieur, comme formé par les deux éléments complémentaires et
le terme équilibrant, ce dernier, étant l’union des deux autres, participe de l’un et de l’autre, de sorte
qu’on peut le regarder comme double, et, ici encore, le Ternaire implique immédiatement un
Quaternaire qui est son développement. Quelle que soit la façon dont on envisage le Quaternaire, on
peut dire qu’il contient tous les nombres, car, si on regarde ses quatre termes comme distincts, on
voit qu’il contient le Dénaire :
1 + 2 + 3 + 4 = 10. C’est pourquoi toutes les traditions disent: un a produit deux, deux a produit trois,
trois a produit tous les nombres; l’expansion de l’Unité dans le Quaternaire réalise immédiatement
sa manifestation totale, qui est le Dénaire. Le Quaternaire est représenté géométriquement par le
carré, si on l’envisage à l’état statique, et par la croix, si on l’envisage à l’état dynamique ; lorsque la
croix tourne autour de son centre, elle engendre la circonférence, qui, avec le centre, représente le
Dénaire. C’est là ce qu’on appelle la circulature du quadrant, et c’est la représentation géométrique
du fait arithmétique que nous venons d’énoncer; inversement, le problème hermétique de la
quadrature du cercle sera représenté par la division du cercle en quatre parties égales au moyen de
deux diamètres rectangulaires, et il s’exprimera numériquement par l’équation précédente écrite en
sens inverse : 10 = 1 + 2 + 3 + 4. Le Dénaire, considéré comme formé par l’ensemble des quatre
premiers nombres, est ce que Pythagore appelait la Tétraktys; le symbole qui la représentait était
dans son ensemble de forme ternaire, chacun de ses côtés extérieurs comprenant quatre éléments,
et se composait en tout de dix éléments; nous en avons donné la figure, en note, dans la traduction
du chapitre des Philosophumena relatif à Pythagore.
Si l’on considère l’expansion quaternaire de l’Unité comme distincte de cette Unité même, elle
produit, en s’y ajoutant, le nombre cinq; c’est ce que symbolise encore la croix par son centre et ses
quatre branches. D’ailleurs, il en sera de même pour chaque nouveau nombre, lorsqu’on le regardera
comme distinct de l’Unité, bien qu’il ne le soit point réel-lement, puisqu’il n’en est qu’une
manifestation; ce nombre, en s’ajoutant à l’Unité primordiale, donnera naissance au nombre suivant;
ayant signalé une fois pour toutes ce mode de production successive des nombres, nous n’aurons
plus à y revenir par la suite.
Si le centre de la croix est envisagé comme le point de départ des quatre branches, il représente
l’Unité primordiale; si au contraire il est envisagé seulement comme leur point d’intersection, il ne
représente que l’équilibre, reflet de cette Unité. À ce second point de vue, il est marqué kabbalis-
tiquement par la lettre ש, qui, se plaçant au centre du Tétragramme יהוהdont les quatre lettres
figurent sur les quatre branches de la croix, forme le nom pentagram-matique יהשוה, sur la
signification duquel nous n’insisterons pas ici, n’ayant voulu que signaler ce fait en passant. Les cinq
lettres du Pentagram-me se placent aux cinq pointes de l’Étoile Flamboyante, figure du Quinaire, qui
symbolise plus particulièrement le Microcosme ou l’homme individuel. La raison en est la suivante: si
l’on considère le quaternaire comme l’Émanation ou la manifestation totale du Verbe, chaque être
émané, sous-multiple de cette Émanation, sera également caractérise par le nombre quatre: il
deviendra un être individuel dans la mesure où il se distinguera de l’Unité ou du centre émanateur,
et nous venons de voir que cette distinction du quaternaire d’avec l’Unité est précisément la genèse
du Quinaire.
Nous avons dit, dans notre étude sur le Démiurge, que la distinction qui donne naissance à
l’existence individuelle est le point de départ de la Création: en effet, celle-ci existe dans la mesure
où l’ensemble des êtres individuels, carac-térisés par le nombre cinq, se considère comme distinct de
l’Unité, ce qui donne naissance au nombre six. Ce nombre peut, ainsi que nous l’avons vu
précédemment, être regardé comme formé de deux ternaires dont l’un est le reflet inversé de
l’autre; c’est ce que représentent les deux triangles du Sceau de Salomon, symbole du Macrocosme
ou du Monde créé.
Les choses sont distinctes de nous dans la mesure où nous les en distinguons; c’est dans cette même
mesure qu’elles nous deviennent extérieures, et qu’en même temps elles deviennent aussi distinctes
entre elles; elles apparaissent alors comme revêtues de formes, et cette Formation, qui est la
conséquence immédiate de la Création, est caractérisée par le nombre qui suit le Sénaire, c’est-à-dire
par le Septénaire. Nous ne ferons qu’indiquer la concordance de ce qui précède avec le premier
chapitre de la Genèse : les six lettres du mot, les six phases de la Création, et le rôle formateur des
sept Elohim, représentant , בראשיתl’ensemble des forces naturelles, et symbolisés par les sept
sphères planétaires, que l’on pourrait aussi faire correspondre aux sept premiers nombres, la sphère
la plus inférieure, qui est celle de la Lune, étant désignée comme le Monde de la Formation.
Le Septénaire, tel que nous venons de le considérer, peut être figuré, soit par le double triangle avec
son centre, soit par une étoile à sept pointes, autour de laquelle sont inscrits les signes des sept
planètes; c’est le symbole des forces naturelles, c’est-à-dire du Septénaire à l’état dynamique. Si on
l’envisageait à l’état statique, on pourrait le regarder comme formé par la réunion d’un Ternaire et
d’un Quater-naire, et il serait alors représenté par un carré surmonté d’un triangle; il y aurait
beaucoup à dire sur la signification de toutes ces formes géométriques, mais ces considérations nous
entraîneraient trop loin du sujet de la présente étude.
La Formation aboutit à ce qu’on peut appeler la réalisation matérielle, qui marque pour nous la limite
de la manifestation de l’Être, et qui sera alors caractérisée par le nombre huit. Celui-ci correspond au
Monde terrestre, compris à l’intérieur des sept sphères planétaires, et qui doit être considéré ici
comme symbolisant l’ensemble du Monde matériel tout entier; il est d’ailleurs bien entendu que
chaque Monde n’est point un lieu, mais un état ou une modalité de l’être. Le nombre huit
correspond aussi à une idée d’équilibre, parce que la réalisation matérielle est, comme nous venons
de le dire, une limitation, un point d’arrêt en quelque sorte dans la distinction que nous créons dans
les choses, distinction dont le degré mesure ce qui est désigné symboliquement comme la
profondeur de la chute; nous avons déjà dit que la chute n’est pas autre chose qu’une façon
d’exprimer cette distinction elle-même, qui crée l’existence individuelle en nous séparant de l’Unité
principielle.
Le nombre huit est représenté, à l’état statique, par deux carrés dont l’un est inscrit dans l’autre, de
façon que ses sommets soient les milieux des côtés de celui-ci. À l’état dynamique, il est figuré par
deux croix ayant même centre, de telle sorte que les branches de l’une soient les bis-sectrices des
angles droits formés par les branches de l’autre.
Si le nombre huit s’ajoute à l’Unité, il forme le nombre neuf, qui, limitant ainsi pour nous la
manifestation de l’Être, puisqu’il correspond à la réalisation matérielle distinguée de l’Unité, sera
représenté par la circonférence, et désignera la Multiplicité. Nous avons dit d’autre part que cette
circonférence, dont les points en nombre indéfini sont toutes les manifestations formelles de l’Être
(nous ne disons plus ici toutes les manifestations, mais seulement les manifestations formelles), peut
être regardée comme le Zéro réalisé. En effet, le nombre neuf, en s’ajoutant à l’Unité, forme le
nombre dix, qui résulte aussi de l’union du Zéro avec l’Unité, et qui est figuré par la circonférence
avec son centre.
D’autre part, le Novénaire peut encore être envisagé comme un triple Ternaire; à ce point de vue, qui
est le point de vue statique, il est représenté par trois triangles superposés, de telle sorte que chacun
soit le reflet de celui qui lui est immédiatement supérieur, d’où il résulte que le triangle intermédiaire
est inversé. Cette figure est le symbole des trois Mondes et de leurs rapports; c’est pourquoi le
Novénaire est souvent considéré comme le nombre de la hiérarchie.
Enfin, le Dénaire, correspondant à la circonférence avec son centre, est la manifestation totale de
l’Être, le développement complet de l’Unité; on peut donc le regarder comme n’étant pas autre
chose que cette Unité réalisée dans la Multiplicité. À partir de là, la série des nombres recommence
pour former un nouveau cycle: 11 = 10 + 1 ; 12 = 10 + 2 ;…; 20 = 10 + 10 ; puis vient un troisième
cycle, et ainsi de suite indéfiniment. Chacun de ces cycles peut être envisagé comme reproduisant le
premier, mais à un autre stade, ou, si l’on veut, dans une autre modalité; on les symbolisera donc par
autant de cercles placés parallèlement les uns au-dessus des autres, dans des plans différents; mais,
comme en réalité il n’y a point de discontinuité entre eux, il faut que ces cercles ne soient point
fermés, de façon que la fin de chacun d’eux soit en même temps le commencement du suivant. Ce ne
sont plus alors des cercles, mais les spires successives d’une hélice tracée sur un cylindre, et ces
spires sont en nombre indéfini, le cylindre lui-même étant indéfini; chacune de ces spires se projette
sur un plan perpendiculaire à l’axe du cylindre suivant un cercle, mais, en réalité, son point de départ
et son point d’arrivée ne sont pas dans le même plan. Nous aurons d’ailleurs à revenir sur ce sujet
lorsque, dans une autre étude, nous envisagerons la représentation géométrique de l’évolution.
Il nous faudrait maintenant considérer un autre mode de production des nombres, la production par
multiplication, et plus particulièrement par la multiplication d’un nombre par lui-même, donnant
naissance successivement aux diverses puissances de ce nombre. Mais ici la représentation
géométrique nous entraînerait à des considérations sur les dimensions de l’espace, qu’il est
préférable d’étudier séparément; nous aurons alors à considérer en particulier les puissances
successives du Dénaire, ce qui nous conduira à envisager sous un nouvel aspect la question des
limites de l’indéfini, et du passage de l’indéfini à l’Infini.
Dans les remarques précédentes, nous avons simplement voulu indiquer comment la production des
nombres à partir de l’Unité symbolise les différentes phases de la manifestation de l’Être dans leur
succession logique à partir du principe, c’est-à-dire de l’Être lui-même, qui est identique à l’Unité; et
même, si l’on fait intervenir le Zéro comme précédant l’Unité primordiale, on peut remonter ainsi au-
delà de l’Être, jusqu’au Non-Être, c’est-à-dire jusqu’à l’Absolu.
P.S. Dans la première partie de cette étude, il est un point qui peut prêter à une confusion, d’autant
plus facile à faire que ces idées sont extrêmement difficiles à exprimer clairement et d’une façon
précise dans les langues occidentales, si peu propres à l’exposition des doctrines métaphysiques.
Cette confusion porte sur la phrase suivante: «L’Être, ou perfection active, n’est pas réellement
distinct du Non-Être, ou perfection passive.»
Afin de la dissiper, notre Maître et collaborateur Matgioi a bien voulu nous donner sur ce point une
note explicative, dont nous le remercions vivement, et que nous insérons ci- dessous, persuadé que
nos lecteurs en comprendront toute l’importance.
"Le Non-Être, que nous appelons ainsi faute de mieux, et que nous pouvons représenter par le Zéro
Métaphysique, ne s’appelle ni Khien ni Khouen. Il n’a pas de nom: « Le nom qui a un nom n’est pas le
Nom », dit Lao-tseu, dont il faut toujours se souvenir. Mais, pour y penser, il faut bien rendre
intelligible la conception du Non-Être. Cette conceptibilité est Khien (possibilité de la volonté dans le
Non-Être, et naturel-lement de toute-puissance). Mais, pour en parler, il faut bien sensibiliser cette
conception. C’est Khouen (possibilité de l’action comme motif et comme but). D’ailleurs, du moment
qu’on dit: perfection active, ou: perfection passive, on ne dit plus: Perfection. Khien est donc la
volonté capable de se manifester; Khouen est l’objet intelligent de cette manifesta-tion. Disons, si
vous voulez, que Khien est la faculté agissante (Ciel), et que Khouen est la faculté plastique (Terre).
Mais, quel que soit le Principe par quoi on les détermine, sachons que Khien et Khouen n’existent
métaphysiquement que parce que nous sommes là et que nous désirons savoir.
Ce sont là les termes du Binaire. Leur conjonction (Ternaire) préside à la réalisation de toutes choses
(Quaternaire). Cette réalisation s’écoule dans le Courant des Formes, suivant la Voie, vortex
sphérique et non circulaire1, dont le Zéro Métaphysique, qui n’a ni commencement, ni fin, ni
mouvement, est cependant, en puissance, le générateur, le but, et le moteur."
MATGIOI.
1 C’est là un point sur lequel nous aurons à revenir dans d’autres études, qui compléteront celle -ci,
et auxquelles, d’ailleurs, nous avons déjà fait allusion dans le présent article ; nous donnerons alors à
ce sujet toutes les explications nécessaires. P.