Cognition Et Didactique de La Comprehension Et de La Production Decrit en FLE S en Contexte Plurilingue Et Diglossique
Cognition Et Didactique de La Comprehension Et de La Production Decrit en FLE S en Contexte Plurilingue Et Diglossique
Cognition Et Didactique de La Comprehension Et de La Production Decrit en FLE S en Contexte Plurilingue Et Diglossique
sous la direction de
Nous remercions tous les jeunes collègues magistérants et doctorants de l’équipe TICE,
Contextes, Langage et Cognition pour leurs contributions.
Nous remercions Yann Hoareau (La Réunion, Laboratoire CHArt, Université de Paris 8) pour
la coordination scientifique.
Nous remercions Charles Tijus, directeur du Laboratoire CHArt, et Djillali Attatfa, directeur
du LANADIF, pour leur soutien.
Nous remercions Abdelkader Henni, directeur de l’ENS d’Alger pour son précieux et amical
soutien.
i
Sommaire
Préface
Djillali ATTATFA
Mais, pour apprendre à apprendre, encore faut-il savoir ce qu’est apprendre. C’est là
que les sciences cognitives viennent au secours de la didactique pour mettre au jour ce qui se
passe dans cette « boîte noire » qu’est le cerveau dans le processus d’apprentissage. En effet,
il n’est pas d’enseignement efficace sans la recherche en didactique.
Mais la didactique n’est pas un champ clos, fermé sur lui-même. Rappelons cette
anecdote. Au cours d’une soutenance de doctorat, portant sur une thèse en didactique dans
laquelle la candidate avait justement travaillé sur l’apport des sciences cognitives à
l’amélioration de la compréhension des textes, un membre du jury avait lancé aux étudiants
présents dans la salle : « Il faut défendre votre discipline [la didactique] ; sinon, elle finira
par disparaître, détrônée par les sciences cognitives. » En fait, didactique et sciences
cognitives ne sont pas des disciplines concurrentes mais complémentaires. On en donnera
pour preuve le concept nouveau de « didactique cognitive », qui apparaît dans certaines des
recherches présentées dans cet ouvrage.
Dans le contexte algérien, il y a des données qui doivent être prises en compte : le
plurilinguisme, le statut spécifique du français, un champ médiatique ouvert sur l’extérieur,
un enseignement universitaire partiellement dispensé en français, etc. Si certains de ces
facteurs sont facilitateurs, d’autres au contraire peuvent constituer un handicap : le facteur
facilitateur, il faut savoir l’exploiter ; le handicap, il faut savoir le surmonter. Dans les deux
cas, il faut mettre au point des systèmes d’aide à l’apprentissage, et c’est ce à quoi s’attelle
l’équipe de jeunes chercheurs qui active dans le cadre du laboratoire « Cognition humaine et
artificielle ». Le fait que ces chercheurs soient jeunes n’empêche pas que leurs travaux soient
de qualité ; comme dit Corneille, « la valeur n’attend point le nombre des années ». Et l’on
saura gré au professeur Denis LEGROS qui encadre cette équipe et qui a su lui insuffler la
dynamique nécessaire pour atteindre des résultats intéressants, dont le présent ouvrage nous
donne un échantillon.
iv
Il nous paraît important que ce soient des chercheurs algériens qui réfléchissent sur les
problèmes de l’apprentissage en contexte algérien. En effet, ils sont les mieux placés pour
percevoir les besoins des apprenants, leurs difficultés et les modalités de remédiation les plus
appropriées car tenant compte d’une réalité qu’ils connaissent mieux que quiconque.
Cette communauté d’intérêt fait qu’il est éminemment souhaitable que s’établissent
des relations de partenariat entre nos deux laboratoires, tant il est vrai que, malgré les
différences que peuvent présenter les situations didactiques selon les contextes locaux, les
chercheurs peuvent s’inspirer mutuellement des systèmes d’aide mis au point par les uns et les
autres.
Djillali ATTATFA
Maître de conférences, ENS Bouzaréa-Alger
Directeur du LANADIF
v
Présentation
Ali MECHERBET
Il est plausible de penser que la mission dévolue aux spécialistes des sciences de
l’éducation est de développer la recherche scientifique sur les questions liées entre autres à
l’apprentissage. En Algérie, et ailleurs, force est de constater que les sciences de l’éducation
sont ancrées dans de multiples références théoriques et doctrinaires au point que l’identité de
cette discipline a toujours été remise en cause, particulièrement par les psychologues.
Ce constat a été déjà fait… en 1982 par S. Moscovici pour ce qui concerne la France.
En réponse à une question de J. Ardoino relative au statut épistémologique des sciences de
l’éducation, il répondait ce qui suit : « Je ne vois pas très bien ce que sont les sciences de
l’éducation. Et pour moi ce n’est pas un problème épistémologique. C’est la conséquence
d’une carence, d’une insuffisance ou d’une inconsistance de la recherche. Les sciences de
l’éducation dessinent mal leurs contours, avant tout parce qu’il y a peu d’activités réellement
(1)
Le mérite de cette publication revient en premier lieu aux jeunes auteurs qui ont fait preuve de beaucoup de
professionnalisme, et de ténacité bravant le contexte particulièrement éprouvant de la recherche régnant au sein
des établissements d’enseignement supérieur.
(2)
Lorsque j’ai fait part au professeur Denis Legros du projet d’une publication d’un ouvrage portant sur le
thème « Cognition et apprentissage » , il m’a spontanément posé deux exigences : la première étant que cet
ouvrage fasse connaître les travaux des jeunes chercheurs algériens et la deuxième qu’il paraisse en Algérie. La
deuxième exigence témoigne du grand mérite du professeur Denis Legros de faire avancer la recherche au sein
de différentes universités algériennes, engagement pour lequel il ne sera jamais assez remercié.
vi
scientifiques (…). Vous pourrez me citer, comme à l’ordinaire, les travaux de Baudelot,
Establet, Bourdieu, Passeron, mais ce sont avant tout, des travaux de sociologues ayant
choisi de travailler d’un point de vue de sociologue dans le champ éducatif, ce ne sont pas
des recherches pédagogiques. » (3)
Tout d’abord, il faut souligner que l’année 1973 coïncide avec la mise en place de la
réforme de l’enseignement supérieur dont l’objectif principal a été de « démocratiser l’accès à
l’enseignement supérieur d’une part et de faire de l’université un lieu de formation du citoyen
conscient et engagé ». La pesanteur idéologique est incontestable dans ce choix, tout comme
celui de ne pas enseigner l’ethnologie en Algérie qui fut étiquetée comme « une science
coloniale » par le Ministre de l’enseignement supérieur de l’époque à la même époque.
Si l’on revient à des critères plus neutres, on s’aperçoit quand même que ce qui
caractérise les programmes de formation de cette spécialité (demeurés inchangés dans
l’ensemble jusqu’à ce jour), c’est la prépondérance du paradigme sociologique placé au cœur
de l’analyse de la formation des étudiants et de l’analyse du système éducatif.
Un regard sur les mémoires de fin de formation, ainsi que les thèses de Magister
réalisés à cette époque, conforte ce constat : tous les dysfonctionnements de l’institution
éducative sont ramenés à des déterminations sociologiques, si bien qu’il est plus juste de
parler, dans le cas algérien, de sociologie de l’éducation plutôt que de sciences de l’éducation.
L’influence des enseignants coopérants (français) de l’époque n’est pas aussi étrangère à cet
état de fait. Hommes et femmes de gauche, acteurs de Mai 1968 pour certains d’entre eux, ils
ont profondément orienté l’enseignement vers une voie unilatérale qui n’a pas duré avec
l’arabisation des sciences sociales décidée par le nouveau pouvoir en 1982. Cette décision,
s’inscrivant dans la « déboumédienisation » de l’Algérie, a fait de ces disciplines un banal
appendice des… lettres arabes.
Dans ce nouveau contexte, les problèmes de l’école, quand ils sont présentés aux
étudiants par la nouvelle vague d’enseignants venus en masse du Moyen orient à la suite de
l’arabisation de l’enseignement supérieur, sont traités sous l’angle de la morale et de l’analyse
subjective. Le paradigme sociologique, toujours présent dans la culture universitaire en dépit
(3)
Revue Pratiques de formation. N°4. Université de Paris VIII. 1982. Page 5O.
Ce constat m’a été fait dernièrement d’une façon plus subjective par un professeur français de psychologie
cognitive, notoirement connu, exaspéré par le retrait de ses collègues des sciences de l’éducation vis-à-vis des
problèmes d’apprentissage que rencontrent les enfants à l’école. Il me disait ce qui suit : « Quand un enfant a des
difficultés dans l’apprentissage de quelque nature soient-elles, c’est au cognitiviste de s’en occuper pendant que
ceux à qui cette tâche est en principe dévolue, les spécialistes de sciences de l’éducation, se contentent depuis
trente ans de faire des discours sur l’école. »
vii
de ces changements, commença par s’effriter pour être réduit à une médiocre caricature au
point où il était devenu impossible de trouver l’ombre de la moindre objectivation dans
l’enseignement des sciences de l’éducation.
Ali MECHERBET
Maître de conférences, département de psychologie de Tlemcen.
Responsable du domaine de formation Sciences sociales et humaines
Faculté des Lettres et des Sciences humaines et Sociales. Tlemcen
(1)
Le constat est toujours d’actualité. Il a été fait par le professeur René Pry qui me disait rencontrer
régulièrement lors de ses « séjours dans les universités du Maghreb de nombreux collègues autochtones ayant
côtoyé durant leur formation universitaire de grands professeurs français, sans être arrivés un jour à mettre en
place une recherche scientifique à la hauteur de leurs qualifications ».
1
Introduction
L’école, qui tente de réformer ses programmes et de s’adapter, mais aussi la société,
interrogent la recherche qui doit prendre en compte ces bouleversements, la connaissance
étant la source première de la richesse de notre temps (Bereiter, 2002). De plus, dans le
domaine des TICE, avec le développement de l’apprentissage en réseau et du co-
2
Dans le cadre d’un projet scientifique ; le projet Numéral2, des chercheurs et des
doctorants ont créé l’équipe TICE, Contextes, Langage et Cognition 3 (Laboratoire CHArt)
afin de conduire des recherches expérimentales sur le (co)apprentissage, la
(co)compréhension et la (co)écriture en prenant en compte les contextes linguistiques et
culturels locaux, et de contribuer au développement, à partir du même cadre théorique, d’une
didactique cognitive de l’apprentissage en contexte plurilingue et pluriculturel. Ce projet vise
à contribuer au renouvellement des cadres théoriques de référence, à ouvrir la recherche en
analysant l’effet des contextes linguistiques et culturels des élèves sur la construction des
connaissances (Hoareau & Legros, 2008). Le but est de contribuer au développement des
nouveaux « designs pédagogiques » et des « nouvelles littératies en émergence », à partir d’un
même modèle théorique intégrateur (Coiro, Knobel, Lankshear & Leu, sous presse ; Leu,
Kinzer, Coiro & Cammack, 2004), mais aussi d’anticiper sur les nouveaux systèmes d’aide à
l’apprentissage, en particulier dans le domaine du traitement automatique des langues
(Hoareau, El Ghali & Legros 2009a, 2009b).
Cet ouvrage est constitué de la synthèse de quelques-uns de ces travaux conduits par
de jeunes collègues chercheurs, docteurs ou doctorants et, en particulier, de doctorants de
l’EDAF (Ecole Doctorale Algéro-Française). L’objectif est de présenter dans une même
cohérence théorique différentes préoccupations que nous pouvons regrouper ainsi :
La première préoccupation est de collecter des données sur les modifications des
comportements induits par les TICE dans des situations d’apprentissage interculturel en
contextes plurilingues. Plus précisément, nous observons ces comportements et les effets de
ces comportements sur l’activation des connaissances dans des tâches de compréhension, de
production et de révision de textes et, plus généralement, de construction de connaissances
(Coiro, 2009 ; Sweet & Snow, 2003).
1
Ces thématiques constituent des axes de recherche de base du Laboratoire National de Didactique du Français
(LANADIF) mis en place dans le cadre du projet FSP « Amélioration de la qualité de la formation des
enseignants de français en Algérie ».
2
Projet Numéral (Numérique et Apprentissages Locaux) du programme TCAN-CNRS (Traitement des
connaissances et apprentissages locaux) (voir site du programme : http://www.dr4.cnrs.fr/tcan/). Ce projet
scientifique interdisciplinaire est conduit à l’IUFM de Créteil avec des collègues enseignants et des équipes du
Maghreb, de l’Afrique sub-saharienne, de Patagonie, du Canada et de la Chine (voir rapport Legros & Hoareau,
2004, http://w3test.dr4.cnrs.fr/tcan/tcan/documents/appel2004/Rapports/RapportFinal_Legros.doc ).
3
Voir travaux sur le site : http://classe-numerique.cite-sciences.fr/numeral/textes/
3
Les résultats des travaux réalisés dans ce cadre, ainsi que ceux obtenus dans d’autres
recherches de notre programme (voir Acuña, Latorre, Huenaiuen & Legros, 2004 ; Cordier,
Legros & Hoareau, 2005 ; Legros et al., sous presse ; Xu & Legros, 2008), permettent de
poser les bases d’expérimentations qui tiennent compte des contextes locaux et des usages des
outils cognitifs internes que sont la langue, l’écriture et les textes.
Les travaux réunis dans cet ouvrage sont le fruit du travail d’une équipe de jeunes
chercheurs préoccupés par le seul souci de travailler ensemble sur des recherches qui
s’inscrivent dans les paradigmes de la recherche actuelle et qui tentent de renouveler les
conceptions de l’apprentissage-enseignement à l’heure de la mondialisation et du co-
apprentissage à distance.
Cet ouvrage comprend quatre parties, consacrées (i) à la compréhension et aux aides à
la compréhension de textes en L2 en contexte plurilingue et diglossique, (ii) à la production et
aux aides à la production de textes en L2, (iii) à la construction des connaissances en L2, et
enfin (iv) aux perspectives de ces travaux pour la recherche sur la multilittératie plurilingue.
Yann Hoareau, dans le 1er chapitre de la première partie de cet ouvrage sur les Aides
à la Compréhension de texte en FLE en contexte plurilingue, présente un modèle issu de
la psychologie cognitive de la compréhension et de la production de texte qui permet de servir
de cadre théorique de référence pour l’ensemble des recherches présentées dans cet ouvrage.
Il propose une analyse du modèle de la Mémoire de Travail à Long Terme (MTLT) comme
cadre théorique commun pour penser les phénomènes cognitifs à la fois dans le domaine de la
compréhension et dans le domaine de la production écrite. Il montre comment des chercheurs
comme Kellogg (2001) ont proposé d'appliquer le modèle de compréhension de Kintsch
(1998) à la production écrite. À partir de là, il s'appuie sur les prédictions de la théorie de la
MTLT pour dissocier deux niveaux de traitement différents : ceux dépendant de la MTLT et
ceux ne dépendant pas de la MTLT (la fluidité verbale). Il propose des options théoriques de
la MTLT sur deux axes. Le premier concerne la modélisation de l’effet de l’activation des
connaissances culturelles sur la compréhension de texte. Le deuxième concerne la
modélisation au niveau de l’activation et de la structuration des connaissances en mémoire, du
développement de l’expertise en production écrite. De nombreuses recherches empiriques
futures sur le développement de la littératie en contexte plurilingue et pluriculturel se situent
sur le point de rencontre de ces deux axes.
La recherche présentée dans le chapitre 2 par Fatima Zorha Benaicha avec des
lycéens algériens de deuxième année de cours secondaire, âgés de 15 à 20 ans, a pour objectif
d'étudier l'effet de l'utilisation de la langue maternelle (L1, arabe), lors de la relecture d’un
texte explicatif proposé aux élèves en français langue étrangère (L2), sur la réécriture du
rappel du texte et par hypothèse sur la compréhension. Les informations rappelées et réécrites
au cours de deux rappels suivant la lecture et la relecture permettent d’étudier l'effet de la
relecture et de la langue sur la réactivation des connaissances antérieures et sur la
compréhension. Les résultats sont compatibles avec l’hypothèse selon laquelle le recours à la
4
langue d'origine des élèves (L1) facilite la réactivation et la récupération des connaissances en
mémoire et améliore ainsi le rappel en langue étrangère L2. Les résultats montrent que les
propositions ajoutées lors du second rappel (réécriture du premier jet) renvoient davantage au
modèle de la situation évoquée par le texte plutôt qu’au contenu du texte. Cette recherche
permet d'identifier les types de stratégies dans lesquelles s’engagent les élèves et ainsi de
contribuer à la mise en œuvre d’une didactique de la compréhension de texte en L2 en
contexte plurilingue et à la conception d’aides à l’apprentissage en FLE.
Carole Mbengone Ekouma présente dans le chapitre 3 les résultats d’une expérience
conduite au Gabon avec des élèves de cours moyen deuxième année, âgés de 9 à 16 ans, afin
d’examiner l’hypothèse selon laquelle les élèves issus d’une culture caractérisée par la
tradition orale traitent l’information d’une façon différente de ceux issus d’une culture
caractérisée par la tradition écrite. Ses résultats indiquent que le mode de présentation orale de
l’information n’a pas d’influence chez les élèves issus de la tradition orale, contrairement à
ceux vivant dans une société où prédomine l’écrit. L’analyse des données permet de supposer
que les élèves, quelle que soit leur origine culturelle, mettent en jeu une activité inférentielle
dans le but d’activer les connaissances construites dans leur environnement culturel. Les
résultats sont compatibles avec l’hypothèse selon laquelle l’activation des connaissances
construites dans la culture de l’auditeur est primordiale dans la compréhension et le rappel de
textes en langue seconde (L2), plus précisément en situation de diglossie.
Nawal Boudechiche, dans le chapitre 4, étudie chez des étudiants bilingues algériens
l’effet de deux types de questionnaires d’aide sur la compréhension, la production et la
révision de texte explicatif en L2 (français) et l’effet de la langue utilisée dans les
questionnaires (arabe vs français). Les questions portaient soit sur les connaissances évoquées
par le texte (G1) et renvoyant au modèle de situation, soit sur le contenu du texte (G2). Dans
un premier temps, les participants lisent un texte explicatif en français, puis produisent par
écrit un premier rappel en français de ce qu’ils ont retenu et compris. Dans un second temps,
le groupe G1 répond à des questions portant sur les connaissances activées lors de la lecture et
renvoyant au “modèle de situation” évoqué par le texte, questions proposées et rédigées soit
en langue arabe (G1/L1) soit en langue française (G1/L2). Le groupe G2 répond à des
questions (Questions “micro”) portant sur les informations renvoyant au contenu du texte,
questions proposées et rédigées soit en langue arabe (G2/L1) soit en langue française (G2/L2).
Enfin, les participants produisent un second rappel. À partir de l’analyse des ajouts produits
lors du second rappel, l’auteure évalue les effets du type de questions (macro vs micro) et de
la langue utilisée (L1 vs L2), sur la réactivation des connaissances et la réécriture d’un texte
en L2, en fonction du niveau de connaissances des participants en L2.
Emilien Duvelson présente, dans le chapitre 5, une recherche conduite en Haiti qui a
pour but d’étudier, chez des enfants haïtiens de CM2, les effets de l’oralité lors de la relecture
sur la compréhension d’un texte explicatif. Deux groupes d’élèves de CM2 d’écoles de Haïtï
ont participé à l’expérience. La moitié des élèves issue de milieux défavorisés et imprégnée de
la culture orale était scolarisée dans des écoles publiques (G1), alors que l’autre moitié issue
de milieux favorisés fréquentait les écoles privées. Dans une première séance, les élèves ont
lu un texte en français, puis produit par écrit un premier rappel de ce qu’ils ont compris et
retenu. Dans une deuxième séance, le texte a été à nouveau présenté aux deux groupes dans
trois conditions : relecture du texte en L2, audition du texte en L2 et audition du texte en
langue créole L1. Enfin, les participants ont produit un second rappel. Les informations
ajoutées au cours du second rappel ont été analysées en fonction des groupes et des modalités
de relecture du texte. Les résultats indiquent un effet de l’oral et de la langue maternelle sur la
réactivation des connaissances, le retraitement et la compréhension du texte en L2.
5
Dans le domaine des TICE et des aides à la construction des connaissances, Fatima
Zohra Dziri, dans le chapitre 9, présente une expérience qui a consisté à proposer à un groupe
d’étudiants en didactique du français de l’université de Ouargla un questionnaire de
connaissances sur les catastrophes naturelles. Des questions portaient sur la description des
phénomènes physiques et d’autres sur les représentations épistémiques de ces phénomènes et,
en particulier, les relations de causalité (causes des catastrophes naturelles). Au cours d’une
deuxième séance, la lecture d’un texte documentaire/scientifique en L2 a été proposée aux
étudiants soit sur papier soit sur écran, suivie d’un questionnaire constitué de questions
renvoyant à la base de texte ou au modèle de situation évoqué par le texte. La principale
hypothèse consistait à supposer (i) un effet du système de connaissances/croyances évalué à
partir du questionnaire initial sur l’activité mémorielle et la compréhension des différents
niveaux du contenu sémantique du texte, et (ii) un effet des modalités de lecture. Les résultats
montrent un effet des connaissances initiales et du niveau de langue en L2 sur les réponses
produites et sur le niveau de représentation construite (micro vs macro). De plus, les effets de
la lecture sur écran varient en fonction du niveau de connaissances en L2. Les résultats
6
Dorsaf Ben Ismail présente, dans le chapitre 10, une expérience qui vise à étudier les
processus de compréhension, de co-compréhension et de construction de connaissances
scientifiques. Après lecture et relecture d’un texte décrivant les variations de la pression
artérielle et les moyens de rétablir l’équilibre homéostatique - texte suivi de différents types
de liens hypertextes d’aide à l’inférence - les participants écrivent ou co-écrivent dans
différentes conditions ce qu’ils ont compris. L’analyse des différentes productions -
production et co-production de rappels de textes et construction de cartes conceptuelles - vise
à mesurer l’effet des différents types et des différentes modalités d’information sur le
processus de construction des représentations individuelles et collectives des connaissances
scientifiques. Les aides proposées dans cette recherche visent à favoriser la (co)construction
des concepts indispensables à l’élaboration de la représentation des systèmes complexes, et en
l’occurrence du système biologique « régulation », tels qu’ils sont décrits dans les textes
scientifiques.
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10
Première partie
Chapitre 1
Ces données permettent d’établir une distinction importante entre les processus
locaux, de bas niveaux et spécifiques à la langue d'apprentissage et les processus de traitement
sémantique. Ces processus qui portent sur le traitement du contenu du texte et de sa structure
seraient davantage transférables dans les apprentissages.
Les travaux sur les effets de l’interaction entre les deux langues L1 et L2 sur la
compréhension de texte en L2 et la construction de connaissances en L2 dépendent de l’âge et
du niveau de connaissances des sujets sur les textes et le domaine de connaissances évoqué
par ces textes. Mais ils dépendent aussi du rapport de similitude entre les langues (voir aussi
Armand, 2000). D’après Singual (1998) les schémas de contenu et les connaissances sur le
monde fournissent en effet au lecteur une base de connaissances communes au traitement des
textes. Le schéma formel, souvent appelé schéma textuel, se réfère aux formes
organisationnelles et aux structures rhétoriques du texte écrit. Les connaissances de ce schéma
formel incluent les connaissances sur les différents types de textes et leurs différents niveaux
de structuration, mais aussi les structures de la langue, du vocabulaire, de la grammaire qui
leur sont associées. Selon l’auteure, l’activation de schémas inappropriés serait à la base
d’interférences qui provoqueraient de faibles résultats en termes de performances.
Si ces recherches mettent en évidence d’une part les facteurs influençant l’interaction
bénéfique ou les interférences délétères entre deux systèmes « langue-culture », bien qu’elles
évaluent la compréhension de texte et la construction de connaissance à partir de documents
textuels, elles ne décrivent pas les processus cognitifs qui y sont associés, dans les termes qui
sont ceux de la recherche en psychologie cognitive du traitement du texte.
Il nous semble que le modèle de la Mémoire de Travail à Long Terme (Ericsson &
Kintsch, 1995) propose un cadre permettant de rendre compte de l’effet de l’activation des
1
Etude conduite dans le cadre de sa thèse de doctorat (Laboratoire CHArt, Université de Paris 8), Dir. D. Legros.
12
connaissances en L1 pour les apprentissages à partir de textes en L2. Nous allons décrire le
modèle Construction-Intégration (Kintsch, 1998) ainsi que son couplage avec la Mémoire de
Travail à Long Terme (Kintsch, Patel & Ericsson, 1999). Nous verrons que ce couplage CI-
MTLT permet de rendre compte de l’effet des connaissances d’un apprenant sur la qualité de
la compréhension d’un texte. C’est à ce titre que le modèle permet de comprendre l’effet de
l’activation des connaissances en L1 pour les apprentissages en L2.
Pour comprendre un texte, le lecteur doit cependant aller plus loin en termes de
traitement et faire appel à ses connaissances du monde. Il met alors en œuvre des inférences
d’enrichissement (« elaborative inference ») qui favorisent l’intégration de l’information
fournie par le texte dans un cadre de connaissances plus large et qui permettent la
spécification des aspects non explicités dans le texte. Le résultat de ces inférences est le “
modèle de situation ” (Van Dijk & Kintsch, 1983). Celui-ci intègre les informations du texte
et les informations activées par ce texte et provenant des connaissances du monde du sujet
(Kintsch, 1998). Il en résulte une représentation mentale permettant une compréhension plus
profonde du texte. Cette représentation mentale n’est plus uniquement une unité isolée de la
mémoire épisodique, elle est liée aux connaissances en Mémoire à Long Terme (MLT) du
lecteur (MacNamara, Kintsch, Songer & Kintsch, 1996 ; Kintsch, 1998).
Orthogonalité et interactions des processus abstractifs
Bien que présentés généralement de façon distincte, « la base de texte et le modèle de
situation correspondent à des aspects différents de la même trace d’un texte en mémoire
épisodique […] que l’on distingue pour les besoins de l’analyse scientifique, car cette
distinction est souvent efficace pour la recherche et l’enseignement” (Kintsch, 1998, p. 291).
La représentation mentale issue de la lecture d’un texte n’est pas le modèle de situation lui-
même mais “ une mixture de la base de texte et du modèle de situation, bien que l’un ou
l’autre des composants puissent prédominer ” (Kintsch, 1998, p. 232), en fonction du niveau
de connaissance du sujet et de l'activation de ses connaissances en MLT (MacNamara &
Kintsch, 1996).
Lorsque le sujet possède des connaissances sur le domaine évoqué par le texte, les
structures de rappel élaborées et/ou activées permettent un fonctionnement optimal de la
MTLT pour une meilleure compréhension du texte (Ericsson & Kintsch, 1995 ; Kintsch,
1998). C’est d’ailleurs à cette modélisation que se réfère Kellogg (2001) pour appréhender le
rôle des connaissances sur le développement des compétences en tâche de production écrite.
Pour ce qui est de l'expertise en compréhension, Kintsch propose une distinction entre
bon et mauvais lecteur en caractérisant la relation qui existe entre les connaissances du sujet,
14
celles véhiculées par le texte et l’effet de leur interaction sur la qualité de fonctionnement de
la MTLT1.
Lorsqu’une nouvelle proposition est formée après la lecture d’une phrase, elle est
intégrée à la structure Base de texte/ Modèle de situation. Au niveau de la microstructure, la
proposition est reliée du fait de la reprise d’arguments communs, de relations temporelles,
spatiales ou causales (connecteurs). Au niveau de la macrostructure, d’autres liens sont créés,
car des ensembles de micropropositions sont subordonnés à une macroproposition commune.
La nouvelle proposition fait partie d’une des propositions associées à une macroproposition
qui elle-même est reliée à des connaissances inter-reliées au sein de la MLT. Ainsi, la
nouvelle proposition est reliée aux connaissances en MLT, l’ensemble constituant un réseau.
Lors du rappel, l’activation de cette proposition permet l’activation du réseau de
connaissances.
d’élaborer le contenu sémantique du texte qu’il veut produire. Les connaissances discursives
concernent les connaissances linguistiques et pragmatiques. Le troisième composant, le
processus d’écriture (« Knowledge Telling Process ») gère les opérations de mise en relation
des deux autres composants, et, en particulier, la planification du texte à produire en fonction
des objectifs du rédacteur et des connaissances dont celui-ci dispose. Cette stratégie des
connaissances racontées permet de produire un texte sans que le rédacteur ne ré-élabore ce
qu’il écrit. Elle est donc économique, mais elle ne permet d’assurer qu’une cohérence très
locale du texte produit.
La stratégie des connaissances transformées
La stratégie des connaissances transformées nécessite l’activation des trois
composants présents dans la stratégie des connaissances racontées : représentation du but,
représentation des connaissances et connaissances discursives. Mais à la différence de la
stratégie des connaissances racontées, cette stratégie implique un système de résolution de
problème complexe qui ré-élabore les connaissances en fonction de la mobilisation des deux
premiers composants que sont la représentation mentale des instructions, des connaissances
du sujet sur le domaine et de ses connaissances discursives. Cette ré-élaboration intervient
avant que le processus d’écriture ne soit réalisé. Alors qu’avec la stratégie des connaissances
racontées, le rédacteur introduit dans son texte les informations telles qu’elles étaient activées
en MLT, avec l’usage de la stratégie des connaissances transformées, les informations font
l’objet d’un traitement supplémentaire via le système de résolution de problème. La première
stratégie, qui est celle du novice, contraint le sujet à énoncer les informations dans le texte
qu’il produit de la manière dont elles lui « viennent à l’esprit » et dont elles sont stockées en
MLT. La deuxième stratégie qui est celle de l’expert, du fait de l’existence du système de
résolution de problème, permet au rédacteur de réaliser des traitements qui le conduisent à
modifier l’organisation de ses connaissances en MLT afin de produire un texte plus cohérent
et de meilleure qualité.
Ces deux stratégies ne sont pas conçues par les auteurs comme deux étapes dans le
développement de l’expertise rédactionnelle, mais plutôt comme deux extrêmes sur un
continuum. Le développement de l’expertise en écriture est considéré comme un passage
progressif de « la stratégie des connaissances racontées » à « la stratégie des connaissances
transformées » via des stratégies intermédiaires (pour plus de précisions, voir Chanquoy &
Alamargot, 2002).
La MTLT : interface mémorielle du développement des compétences en production écrite
La théorie de la MTLT (Ericsson & Kintsch, 1995) a été proposée pour rendre compte
des phénomènes liés à l'expertise dans un domaine de connaissance en général et dans le
domaine de la compréhension en lecture en particulier (Kintsch, 1998). La MTLT rend
compte des calculs réalisés lors de l'interaction entre les informations du texte et les
connaissances stockées en mémoire à long terme. Plus particulièrement, cette structure rend
compte de l'effet de l'expérience d’un individu, de ses connaissances antérieures et de son
niveau d'expertise sur sa compréhension et son apprentissage (McNamara et al., 1996 ;
McNamara & Kintsch, 1996).
Lorsqu’un individu possède des connaissances sur le domaine évoqué par le texte à
comprendre ou à produire (Kellogg, 2001), les structures de rappel élaborées et/ou activées
permettent un fonctionnement optimal de la MTLT pour une meilleure qualité dans le
traitement inférentiel lors de la compréhension du texte (Ericsson & Kintsch, 1995 ; Kintsch,
1998). McCutchen (2000) insiste sur le fait que la théorie de la MTLT, dissociant justement
Mémoire de Travail à Long Terme (où les connaissances sont inter-reliées) et Mémoire de
16
Travail à Court Terme (où les connaissances sont isolées), permet de rendre compte au niveau
de l'interface avec les connaissances en MLT, des stratégies de production, à la fois, du novice
et de l'expert.
Mc Cutchen (2000) insiste sur le fait que la théorie de la MTLT, dissociant justement
MTLT et MTCT, permet de rendre compte au niveau de l'interface avec les connaissances en
MLT des stratégies de production à la fois du novice et de l'expert caractérisées
respectivement par ce que Bereiter et Scardamalia (1987 ; Scardamalia & Bereiler, 1991) ont
appelé la "Telling knowledge strategy" et la "Transforming knowledge strategy" (voir
Alamargot & Chanquoy, 2001).
L'ensemble des travaux de ces auteurs a pour effet de proposer la MTLT comme cadre
théorique commun pour penser les phénomènes cognitifs à la fois dans le domaine de la
compréhension et dans le domaine de la production écrite. Plus concrètement, Kellogg (2001)
propose d'appliquer le modèle CI à la production écrite. A partir de là, il s'appuie sur les
prédictions de la théorie de la MTLT pour dissocier deux niveaux de traitement différents :
ceux dépendant de la MTLT (le niveau d'expertise des sujets par rapport au base-ball par
exemple) et ceux ne dépendant pas de la MTLT (la fluidité verbale).
Au terme de notre travail nous avons décliné les options théoriques de la MTLT sur
deux axes. Le premier concerne la modélisation de l’effet de l’activation des connaissances
culturelles sur la compréhension de texte. Le deuxième concerne la modélisation au niveau de
l’activation et de la structuration des connaissances en mémoire, du développement de
l’expertise en production écrite.
Références bibliographiques
Alamargot, D., & Chanquoy, L. (Eds.), (2001). Through the models of writing. Dordrecht,
Boston, London : Kluwer academic publishers.
Alamargot, D., & Chanquoy, L. (2001). General introduction. A definition of writing and a
presentation of the main models. In D. Alamargot & L. Chanquoy (Eds.), Through the
models of writing (pp.1-32). Dordrecht, Boston, London : Kluwer Academic Publishers.
17
Chapitre 2
Plus précisément, cette recherche vise à analyser (i) les informations ajoutées lors de la
réécriture du premier jet et (ii) à comparer les réponses aux deux questionnaires (initial et
final), pour distinguer les différences qui ont surgi, et d'analyser les ajouts, en supposant qu'ils
constituent l'indice de nouvelles connaissances construites (Hoareau, Legros, Gabsi,
Makhlouf & Khebbeb, 2006). Nous visons à analyser les propositions ajoutées au texte source
et celles au rappel (R1). Ce qui permet d'expliquer par la suite l'activité inférentielle.
Ces objectifs nous offrent la possibilité de comprendre comment l'élève pourra traiter
les informations lors de la compréhension et la réécriture d'un texte explicatif en L2 en
prenant en compte le contenu informationnel du texte d'aide (texte source), la complexité des
liens de causalité qui l'organisent et ses connaissances antérieures. Le but final est de proposer
quelques aides textuelles facilitant ainsi la production en L2, pour des élèves de classe
secondaire, et plus précisément en contexte plurilingue.
Notre étude se situe dans le cadre de l'élaboration d'une didactique cognitive fondée
sur la psychologie cognitive et qui analyse le fonctionnement cognitif de l'apprenant et son
rôle actif dans l'apprentissage. Elle permet de concevoir une didactique cognitive favorable au
développement d’une pédagogie basée sur le passage d'une logique d'enseignement à une
logique d'apprentissage des compétences en contexte plurilingue et à la conception d’aides à
l’apprentissage en FLE.
1
Recherche conduite par Fatima Benaicha sous la direction de Denis Legros dans le cadre de son magistère de
français (Ecole doctorale algéro-française).
2
Cette recherche est conduite dans le cadre d'un mémoire de magistère en didactique (Ecole doctorale algéro-
française), Benaïcha, Fatima Zohra. (2008). Effet de la relecture d'un texte d'aide en L1 sur la compréhension et
la réécriture d'un texte explicatif en L2 en contexte plurilingue. Centre universitaire de Mascara (dir. Denis
Legros).
2
Recherche conduite dans le cadre du projet Numéral (Numérique et apprentissages locaux), Programme
TCAN-CNRS (Technologies de la Connaissance et Apprentissages Numériques, 2004-2007).
19
L’hypothèse générale de notre recherche est que le recours à la langue d'origine des
élèves algériens (L1) facilite la réactivation et la récupération des connaissances en mémoire
et améliore ainsi le rappel en L2 (Hoareau & Legros ; 2006 ; 2008). Notre démarche a permis
de rendre compte de l'effet du contexte linguistique et culturel des participants sur les
processus d'activation de connaissances stockées en mémoire à long terme (MLT) lors de
l'activité de compréhension et de rappels de textes explicatifs en L2, par hypothèse, sur
l'apprentissage en L2. Cette recherche permet d'identifier les types de stratégies dans
lesquelles s’engagent les élèves et ainsi de contribuer à la mise en œuvre d’une didactique de
la compréhension de texte en L2 en contexte plurilingue et à la conception d’aides à
l’apprentissage en FLE.
1. Le rôle du contexte linguistique et culturel dans l’activation de connaissances en
langue L2
Les modèles cognitivistes récents du traitement du texte (Van Dijk, 1999) ont pris en
compte le constat que le paradigme cognitiviste classique a souvent réduit le contexte à de
simples variables indépendantes, comme l’âge, le but du lecteur ou son niveau de
connaissance antérieur (voir Legros & Maître de Pembroke, 2002). Toutefois, une nouvelle
génération de recherche étudie l’effet des contextes sur la lecture, la compréhension et la
production de textes (Daguet, Ghiglione, Legros & Denhière, 1999). Les résultats indiquent
que la prise en compte des contextes linguistique et culturel de l'apprenant est nécessaire pour
comprendre et analyser le traitement du texte, étant donné que ces contextes constituent des
composantes centrales dans le fonctionnement cognitif de l'individu, et particulièrement dans
celui du traitement cognitif des informations textuelles.
Les recherches actuelles qui analysent les processus cognitifs intervenant lors de la
compréhension et de la production en français langue L2 de textes documentaires/explicatifs
en contexte plurilingue, nous conduit à nous intéresser au contexte linguistique des élèves. En
effet, notre étude se limite à l'effet de la L1 sur la compréhension et la réécriture en L2.
Ainsi, une série de recherches conduites au Burkina Faso8 (Sawadogo & Legros,
2005 ; 2007), porte non sur les aides à la réécriture, mais sur les aides à la production de
textes explicatifs en L2 en contexte diglossique. Ces recherches visent à tester l’effet de
questionnements à distance via Internet élaborés par des élèves (en L1 vs L2) sur l’activité de
planification. Elle s’inscrit dans les travaux sur la conception du co-apprentissage à distance
en contexte plurilingue avec des systèmes d’aide dits ouverts ou « open-ended Internet
environments » (Legros et al., 2006).
8
Recherches conduites au Burkina Faso par François Sawadogo dans le cadre de sa thèse.
21
Les résultats obtenus par ces recherches expérimentales sont compatibles avec notre
hypothèse générale selon laquelle l’utilisation de la L1 dans les textes d’aide favorise
l’activation des connaissances et, par conséquent, facilite l’activité de réécriture en français
L2. Nos résultats qui vont dans le sens de ceux obtenus dans des travaux récents sur la co-
révision à distance (Hoareau et al., 2006) ouvrent des perspectives quant à la compréhension
du rôle que pourrait jouer la langue L1 dans les situations de co-construction à distance et aux
fondements de nouvelles approches didactiques qui prennent en compte les contextes
linguistiques.
3. Le rôle de l'activité inférentielle dans la compréhension du texte explicatif en français
langue L2 en contexte plurilingue
Selon les spécialistes de la didactique du texte, il est important de concevoir et de
proposer des aides aux élèves afin de favoriser l’activation des connaissances qu'ils possèdent
sur le contenu sémantique du texte. Ils arrivent ainsi à élaborer une structure mentale
cohérente qui leur permettra d'intégrer le contenu du texte et de réaliser les inférences
nécessaires afin de combler les « trous sémantiques » laissés par le texte c’'est-à-dire, qu’il est
nécessaire d'établir un lien entre le contenu sémantique du texte et les connaissances
antérieures du lecteur afin que celui-ci puisse construire une représentation cohérente de ce
qui est dit.
Or, il est nécessaire de mettre en œuvre les connaissances du lecteur construites dans
sa langue maternelle et son contexte culturel et mises à sa disposition face à une nouvelle
connaissance (Hoareau & Legros, 2006). C'est à ce stade que se manifeste l'importance de
l'activité inférentielle. Lorsque le lecteur traite le contenu sémantique textuel, il infère
l'ensemble des connaissances évoquées par le texte et activées lors de la lecture. C’est ainsi
que l'élève est amené à produire des inférences relatives à un ensemble de connaissances,
dans la mesure où certaines informations ne sont pas exprimées dans le texte, mais qui
doivent nécessairement être évoquées dans la situation décrite par le texte, alors qu'elles n'y
sont pas citées. L'inférence peut être plus facilement et plus efficacement produite si elle
reçoit de l'activation de plusieurs sources (L1 vs L2).
Compte tenu du contexte linguistique et culturel dans lesquels grandissent les élèves,
nous pouvons comprendre l’intérêt de la notion de modèles de situation développés par Van
Dijk et Kintsch (1983) qui considèrent la compréhension comme un processus constructif. En
effet, au cours de la lecture, l'élève tente de construire la signification du texte par un
ensemble d’opérations complexes : identifier des mots, saisir l’organisation syntaxique et
morphosyntaxique des phrases, mémoriser et mettre en relation les informations issues du
texte avec les connaissances activées (Van Dijk & Kintsch, 1983 ; Kintsch, 1998 ; Kintsch &
Van Dijk, 1978).
L’inférence consiste d'un côté, à mettre en relation le contenu textuel explicite et les
connaissances activées par le lecteur, et d'un autre côté, elle fait intervenir le contexte
linguistique et culturel à travers les connaissances antérieures de l'élève. Les connaissances
sous-jacentes au texte et activées lors de la lecture des textes explicatifs jouent un rôle
considérable dans la compréhension de textes et, plus précisément, dans l'activité inférentielle.
22
Le contenu proposé dans les textes explicatifs exige des connaissances minimales sur
le domaine et, par conséquent, une activité inférentielle plus complexe pour construire la
cohérence de la signification du texte. Comprendre un texte explicatif/scientifique en langue
L2 par des élèves, dont la langue arabe représente la langue de scolarisation, revient donc à
activer les connaissances antérieures et de les mettre en cohérence avec celles véhiculées par
le texte. Le lecteur tente d’élaborer une représentation mentale associée aux connaissances
construites en L1 et stockées en mémoire à long terme (MLT) (Kinstch, 1998).
Par ailleurs, les inférences sont fortement activées au cours de la relecture en L1. Cette
activation est facilitée par l'utilisation de la langue L1 dans les textes d'aide à la réécriture en
langue L2 (français). Dans ce cas, les inférences ont une possibilité d'autant plus élevée d'être
produites qu'elles sont activées à partir de textes relus en L1. La compréhension de texte
dépend ainsi des connaissances antérieures de l'élève, des informations fournies par le texte et
des inférences que la L1 peut favoriser.
C'est pourquoi, nous nous attachons à l'activité inférentielle en tant que processus
permettant la construction ou le transfert des connaissances. Les inférences relatives au
modèle de la situation décrite par le texte servent à enrichir et à compléter la représentation
propositionnelle. L’activation du modèle de situation est favorisée particulièrement par
l'utilisation de la L1 dans les textes proposés aux élèves au cours de la relecture. Les
inférences issues de la base du texte c’est-à-dire du contenu sémantique du texte assurent la
cohérence locale du texte (mots, phrases, paragraphes) et globale.
Notre recherche vise précisément à étudier les processus cognitifs qui favorisent la
récupération de ces connaissances construites préalablement en langue L2 et qui sont
indispensables à la compréhension et à la production de texte en langue L2.. Dans ce cadre, la
langue et la culture de l'élève constituent des éléments de base nécessaires à l’analyse des
processus cognitifs intervenant à la fois dans la compréhension et la production de textes en
L2 (Hoareau & Legros, 2005a ; 2008).
Dans notre travail, le rappel de ces deux types de propositions a été catégorisé soit en
informations de type T1, soit en informations de type T2. Ces deux modalités de rappel sont
relatives, par hypothèse, à des traitements différents. La première catégorie (T1) est liée aux
propositions ajoutées non retraitées, c'est-à-dire copiées du texte source (la surface textuelle)
et rappelées sans modification lors de la réécriture. La seconde catégorie (T2) concerne les
informations ajoutées retraitées, renvoyant au modèle mental, absentes du contenu textuel,
mais activées lors de la relecture.
Ainsi, ce type d'informations ajoutées (T2) suppose que les participants ont activé un
ensemble de connaissances qui ne se limite pas à la récupération des informations mémorisées
au cours de la lecture en L2 et la relecture en L1, mais qu'ils sont capables de mettre en œuvre
ces informations en fonction du contexte local et global du texte. Nous supposons donc que
les élèves mettent en jeu toutes leurs ressources cognitives les plus coûteuses, afin de tenter
d'associer les informations textuelles entre elles et à leurs connaissances antérieures activées
au cours de l'activité de lecture.
Dans notre recherche, les propositions (T1) sont des informations identiques au texte
source. L'élève reproduit lors du second rappel les mêmes informations que celles du texte
initial sans retraitement de son contenu. En effet, il traite les propositions assurant seulement
la cohérence locale et globale. Par ailleurs, les propositions (T1) dépendent généralement de
la microstructure et de la macrostructure du premier texte. Il cherche à se rappeler davantage
les mots et non les significations du texte. Ce type d’information ajoutée n’est pas l’indice
d’un retraitement sémantique.
Dans notre expérimentation, les propositions analysées dans les productions des
participants étaient soit en rapport avec la base du texte, au niveau de la microstructure et la
macrostructure (T1), soit en rapport avec le modèle de situation évoqué par le texte (T2).
Selon notre hypothèse générale, le contexte linguistique, via la L1, favoriserait chez les élèves
l'activation de connaissances évoquées par le contenu sémantique du texte. En revanche, le
groupe G2, à qui nous avons proposé une relecture en L2, traite davantage la surface textuelle.
Nous prédisions que grâce à la L1, les élèves comprennent mieux le contenu sémantique du
texte explicatif, dans la mesure où la L1 constitue une aide à l'activation des connaissances
déjà construites dans leurs contextes linguistiques et culturels.
H.4. Effet des questionnaires sur le type des informations ajoutées (Q1, Q2, Q3)
Nous formulons l'hypothèse que les questionnaires d'aide à la compréhension
permettront de produire un nombre important d'ajouts de propositions de type (Q3), renvoyant
au modèle de situation évoqué par le texte. Concernant les informations ajoutées par le groupe
G2, nous supposons que ces élèves produiront plus d'informations ajoutées de type (Q1, Q2),
26
Prédiction 4. Effet des questionnaires sur le type d’information ajoutée (Q1, Q2, Q3)
G2 > G1 pour le nombre de propositions ajoutées (Q1, Q2, micro + macro)
G1 > G2 pour le nombre de propositions ajoutées (Q3, propositions revoyant au modèle de
situation)
6. Méthode
6.1. Participants
Deux classes de deuxième année secondaire du lycée « Djamel Eddine El Afghani » de
la wilaya de Mascara ont participé à l’expérience. Les analyses conduites dans cette recherche
ont été réalisées à partir des protocoles de 40 élèves. Nous avons proposé à deux groupes
d'élèves, deux versions d'un texte explicatif d'aide à la compréhension et à la réécriture en L2.
La première en langue L2 (français), la seconde en L1. Les groupes expérimentaux ont été
choisis de façon aléatoire. 20 élèves de la classe 2LL1 ont formé le groupe G1 et 20 élèves de
la classe 2LP1 ont composé le groupe G2.
6.1.1. Matériel
Le matériel expérimental que nous avons utilisé pour cette expérience est constitué de
deux questionnaires de connaissances (initial et final) et d'un texte explicatif dont l'intitulé est
: « À propos du réchauffement climatique : des causes et de grandes conséquences »
« À ce stade, nous vous demandons de rédiger un texte qui explique d'une manière claire et
précise les diverses causes du réchauffement climatique et ses conséquences. Donnez
suffisamment d’informations et essayez d'être précis de manière à ce que vos rédactions
soient claires, simples et faciles à lire. Utilisez les idées que vous avez déjà recueillies la
séance passée. Vous devez rendre les textes à la fin de cette séance ». (Le temps imparti pour
la production du premier jet était de 30 minutes)
Le facteur Groupe indique globalement que le nombre total d’ajouts varie peu d'un
groupe à l'autre (G1 27,15 ; G2 = 25,35). Le facteur Pertinence montre que les élèves
28
produisent plus d'ajouts très pertinents que d'ajouts non pertinents (30,65 vs 19). C'est-à-dire
que les informations ajoutées par les deux groupes sont davantage des propositions très
pertinentes cohérentes avec l'ensemble du texte, correspondant ainsi à l'objectif de l'écriture
que de propositions non pertinentes.
Les élèves du groupe G1 produisent plus d'ajouts très pertinents (18,15) que les élèves
du groupe G2 (10,6). Le nombre d'ajouts non pertinents du Groupe G2 est supérieur à celui du
Groupe G1 (10,5 vs 3,8). En revanche, on n’observe pas de différences sensibles entre les
groupes (G1 vs G2) lors de la production d'ajouts moyennement pertinents (5,2 vs 4,25).
L'interaction des facteurs Groupe et Pertinence montre que la supériorité des ajouts
très pertinents sur les ajouts moyennement ou non pertinents varie en fonction des groupes
(28,75 vs 23,75). (voir Figure 1).
La prédiction 1 est validée : L1 (G1) > L2 (G2) pour le nombre et la pertinence des
propositions ajoutées lors de la réécriture
20
18
16
14
12
10
8 G1
6 G2
4
2
0
Très Pertinents Moyennement Non Pertinents
Pertinents
Figure 1. La supériorité des ajouts très pertinents sur les ajouts moyennement ou non pertinents varie
en fonction des groupes
La double interaction des facteurs Groupe, Pertinence et types d'ajouts indique que les
élèves (G1) qui ont lu le texte d'aide en L1 rajoutent plus de propositions très pertinentes et
appartenant au modèle mental (13,8) que d'ajouts très pertinents et appartenant à la base de
texte (4,35).
À l'opposé des élèves du groupe G1 qui ont lu le texte d'aide en langue L1 et rajoutant
plus d'informations très pertinentes de type modèle mental (13,8) que de propositions très
pertinentes de type base de texte (4,53), les élèves du groupe G2 tendent à rajouter des
informations très pertinentes et renvoyant au contenu du texte (9,45) que d'ajouts très
pertinents et renvoyant au modèle mental (1,15) (voir Figure. 2).
14
12
10
29
Figure 2. La différence entre les ajouts de type (BT vs MM) en fonction de la langue utilisée
L'interaction des facteurs Pertinence et Types d'ajouts indique que les propositions
ajoutées très pertinentes (28,75) – plus nombreuses que les propositions moyennement
pertinentes (9,45) – sont plus des informations issues des connaissances des participants
(22,65) que des propositions issues du contenu du texte (15,55). Les élèves du groupe G1,
contrairement à ceux du groupe G2, utilisent davantage une stratégie rédactionnelle dite «
Knowledge Transforming Strategy » (stratégie des connaissances transformées). Tandis que
les participants du groupe G2 ont tendance à produire des ajouts envoyant à la « Knowledge
Telling Strategy » (stratégie des connaissances rapportées). (voir Figure 3).
25
20
15
G1T2
10
G2T1
5
0
Très pertinents Moyennement pertinents
Le facteur Groupe indique globalement, qu'il n'y a pas de différence sensible entre le
nombre de propositions ajoutées au questionnaire final selon les deux groupes (G1 = 6.533 vs
G2 = 7,208).
Vue la nuance entre les ajouts, nous ne pouvons pas déterminer le rapport entre les
propositions ajoutées et le processus d'activation de connaissances mises en œuvre par les
élèves lors des réponses au questionnaire final. C'est pourquoi, nous avons analysé les ajouts
en fonction de leur niveau de pertinence.
Cette analyse contrastive nous permet de constater une différence entre les trois
questions proposées :
Q1 P3 vs Q2 P3 vs Q3 P3 (6,8 vs 5,275 vs 5,25)
Q1 P2 vs Q2 P2 vs Q3 P2 (5,35 vs 4,15 vs 5,175)
Q1 P1 vs Q2 P1 vs Q3 P1 (2,225 vs 4,7 vs 4,6)
L'interaction entre les facteurs Question et Groupe montre que les réponses varient en
fonction des questions et des groupes. Pour ce qui est des trois types de questions (Q1, Q2,
Q3), les élèves du groupe G1 font plus d'ajouts très pertinents à la question Q3 (8,75) par
rapport aux questions Q1 (7,35) et Q2 (6,86). Concernant le groupe G2, les informations
ajoutées très pertinentes renvoient à la question Q1 (6,25), contrairement aux questions Q2
(3,7) et Q3 (1,75) (voir Figure 4).
31
9
8
7
6
5
4 G1
3 G2
2
1
0
Q1 Q2 Q3
8. Interprétation
La première série d'hypothèses formulées concerne la tâche de réécriture. Nous avions
fait l'hypothèse selon laquelle le recours à la L1 exerce un effet sur le Niveau de Pertinence
des informations ajoutées, sur le Type d'ajouts (Base de Texte vs Modèle Mental) et sur le
Type de Traitement utilisé (Knowledge Telling Strategy vs Knowledge Transforming
Strategy)
Dans le cadre de l'effet de la L1 utilisée dans les textes d'aide sur le type de
propositions ajoutées lors de la réécriture en langue L2, nous formulions l'hypothèse (H.2)
selon laquelle les élèves du groupe G1 produiraient lors du retraitement du premier jet un
nombre supérieur d'ajouts renvoyant au modèle mental ou modèle de situation (T2) et moins
32
Nous pouvons interpréter ce résultat, en notant que l'aide textuelle en langue L1 lors
de la relecture, conduit les élèves à inférer davantage d’informations absentes du contenu
textuel et à réactiver les informations mémorisées de ce même contenu.
Ces deux stratégies représentent un indice qui nous permet de comprendre les
processus cognitifs intervenant au cours de l'activité de retraitement des informations du
premier texte produit. Nous remarquons ainsi, une différence de traitement des informations
via la langue utilisée dans les aides chez les participants du groupe G1 et G2. Lorsque, le texte
d'aide est proposé en L1, les participants, quel que soit leur niveau en L2, produisent plus de
propositions de type T2. Néanmoins, lorsqu'il est présenté en langue L2 (français), les
participants tendent à ajouter un nombre important de propositions de type T1.
Concernant l'effet des questionnaires sur l'activité inférentielle des élèves, nous
formulions l'hypothèse (H.8) que les participants du groupe expérimental G1 ajouteraient un
nombre supérieur de réponses au cours du questionnaire final, que les participants du groupe
G2. Notre hypothèse n'est pas validée. Les résultats obtenus nous indiquent qu'il n'y a pas de
différence sensible entre le nombre de propositions ajoutées au questionnaire final selon les
deux groupes.
33
Pour ce qui est des trois types de questions (Q1, Q2, Q3), les élèves du groupe G1
ajouteraient plus d'informations très pertinentes à la question Q3 par rapport aux questions Q1
et Q2. Concernant les élèves du groupe G2, les informations ajoutées très pertinentes
renvoient à la question Q1, contrairement aux questions Q2 et Q3. Nous constatons que
l'interaction des facteurs « Groupe * Pertinence » indique que les élèves du groupe G1 font
plus d'ajouts très pertinents que ceux du groupe G2. En revanche, les participants du groupe
G2 ajoutent plus d'informations moyennement et non pertinentes, contrairement à ceux du
groupe G1.
Nos résultats renforcent donc ceux obtenus par des travaux antérieurs sur la
compréhension et la production de texte conduits en contexte plurilingue (Legros, Maître de
Pembroke & Makhlouf, 2003 ; Hoareau et al., 2006 ; Boudechiche & Legros, 2007) qui
témoignent d’un effet de la L1 des apprenants sur la révision et la réécriture des textes
explicatifs en langue L2.
9. Discussion et conclusion
Les résultats de cette recherche sur l’effet de la L1 utilisée lors de la relecture d’un
texte explicatif proposé à des lycéens sur la réactivation des connaissances et la réécriture, ont
permis de faire des avancées sur l'appréhension du rôle de la L1, lors de l'activité de
compréhension et au cours de la production des textes explicatifs/documentaires en français
L2. Notre recherche a mis en évidence l'importance de la démarche didactique consistant à
aider les élèves à comprendre et réécrire des textes explicatifs pertinents et cohérents, en leur
fournissant des aides en. L1.
Ils valident nos principales hypothèses. Ils montrent en effet que les propositions
ajoutées lors du second rappel (réécriture du premier jet) renvoient davantage au modèle de
situation (Van Dijk & Kintsch, 1983) sous-jacent au texte, et contribuent à maintenir la
cohérence du contenu sémantique du texte. Cette recherche permet d'identifier les types de
stratégies dans lesquelles s’engagent les élèves et ainsi de contribuer à la mise en œuvre d’une
didactique de la compréhension de texte en L2 en contexte plurilingue.
Les deux groupes d'élèves ont mis en œuvre deux stratégies rédactionnelles
d'activation de processus implicites qui se rapprochent de la stratégie dite « stratégie des
connaissances transformées » (knowledge transforming strategy) ou la stratégie dite «
stratégie des connaissances racontées ou rapportées » (knowledge telling strategy) (Bereiter &
Scardamalia, 1987). Il ressort qu'en fonction de la pertinence et du type d'informations
rappelées ou ajoutées, nous reconnaissons la qualité du traitement inférentiel des
informations. Cela nous conduit à faire l'hypothèse que la relecture en L1 exerce un effet non
seulement sur la compréhension de textes explicatifs/scientifiques, mais aussi le rappel des
propositions pertinentes correspondant au but final de la réécriture en français langue L2. De
plus, elle favorise l'activation de connaissances renvoyant au modèle de situation, et donc aux
informations sous-jacentes évoquées par le contenu textuel. .
En effet, pour traiter les informations du texte, l'élève est appelé à combiner les
propositions fournies par le texte, les informations contextuelles et ses connaissances
antérieures. Ces informations aident à élaborer une représentation cohérente du texte. Il en
résulte qu'en contexte plurilingue et pluriculturel, la compréhension et le rappel de textes
prennent en compte les connaissances liées au contexte linguistique et culturel du sujet.
Par ailleurs, les résultats du questionnaire final ayant montré des effets sur l'ajout
d'informations de type (Q3, modèle de situation) que d'ajouts de type (Q1/Q2, micro/macro)
vu l'aide bénéficiée préalablement en L1 pour les élèves du groupe G1. Ils indiquent une
différence de traitement au niveau du type de propositions ajoutées. Dans l'ensemble, ces
données nous conduisent à supposer que bénéficier d'aides en langue L1 favorise, d'une part,
une compréhension profonde du contenu du texte en L2, et d'autre part, une mise en mot
d'informations pertinentes lors de la réécriture et lors des réponses à des questionnaires de
connaissances.
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37
Chapitre 3
L’étude s’inscrit dans le courant de Goody (1987) pour qui la littératie ausculte les
modalités d’appropriation de l’écrit dans des systèmes sociaux différents où les partages entre
l’oralité et l’écriture ne s’opèrent pas de la même manière.
Rechercher les relations entre les dimensions culturelles et cognitives dans les tâches
de lecture et d’écriture, distinguer la scripturalité et la textualité, reprendre sur d’autres bases
les dichotomies culture de l’écrit/culture de l’oral constituent la problématique générale dans
laquelle s’inscrit cette étude. L’effet du mode de présentation de l’information sur la
compréhension et le rappel d’un récit par des élèves français monolingues, des élèves
bilingues et plurilingues gabonais issus d’une tradition orale, nous conduit à mettre en lien au
niveau théorique, la tradition orale, la compréhension orale de texte en psychologie cognitive
dans la perspective d’un locuteur de l’oralité.
Définie comme l'ensemble de tous les types de témoignages (contes, mais aussi fables,
épopées, mythes, chants…) transmis oralement par un peuple sur son passé de génération en
génération (Sall, 1999), la tradition orale constitue un mode spécifique de traitement de
l’information. C’est à partir de ces supports oraux, que les locuteurs, issus de tradition orale,
développent différentes stratégies, propres à leur culture, pour comprendre un texte présenté
oralement.
1
Cette étude est menée en contexte gabonais. Ce contexte présente une diglossie caractérisée par la
prédominance de la langue française sur les langues locales notamment en zone rurale. Des études similaires ont
été menées au Togo et en Algérie. Les résultats montrent que les élèves vivant dans un contexte d’oralité
retiennent mieux les informations qui leur sont présentées en mode oral.
38
prise en compte dans la conception des littéracies émergentes avec le développement des
nouvelles technologies (Leu, Kinzer, Coiro & Cammack, 2004). De ce fait, la tradition orale
ne peut donc être ignorée, puisqu’elle est constitutive de l’identité de l’élève gabonais, de ses
processus de compréhension orale de textes, mais aussi de ses stratégies.
Les travaux sur la compréhension orale sont centrés sur les phénomènes de l’attention,
du décodage auditif, du mode d’organisation de la mémoire, des qualités de l’auditeur et du
rôle joué par les connaissances antérieures (Witkin, 1990 ; Cornaire, 1998). Selon les modèles
de référence sur la compréhension d’énoncé, lorsque nous lisons ou écoutons un texte, nous
récupérons des mots et des connaissances stockés dans notre mémoire que nous assemblons
afin de construire une représentation cohérente du contenu du récit écouté (Kintsch, 1988 ;
Kintsch & van Dijk, 1978).
Comprendre un texte présenté oralement n’est donc pas une simple activité de
réception, plus ou moins passive, car dans tous les cas, il s’agit de construire la signification
d’une phrase, d’un discours ou d’un énoncé oral (Kinstch, 1998) et d'identifier sa fonction
communicative (Gineste & Le Ny, 2002). La compréhension orale suppose donc la
connaissance du système phonologique ou discursif, la valeur fonctionnelle et sémantique des
structures linguistiques véhiculées, mais aussi la connaissance des règles socioculturelles de la
communauté dans laquelle s’effectue la communication. De plus interviennent, dans la
compréhension orale, les facteurs extra-linguistiques, comme les gestes, les mimiques, les
rythmes ou tout autre indice qu’un lecteur ou un auditeur utilise consciemment ou non.
délimitant des unités qu’il va conserver en mémoire sous forme d’images qui seront
examinées, comparées et testées par rapport à ses expériences.
Les sujets issus de tradition orale ont donc développé des stratégies bimodales de
traitement de l’information, mode de traitement utilisé dans la plupart des pratiques
d’enseignement/apprentissage de l’école gabonaise.
1
Nous référons au mode de traitement bimodal de l’information, dans la mesure où dans les sociétés à tradition
orale, le visuel correspond à la gestuelle, l’auditif au contenu sémantique des récits, des contes ou des fables.
40
Dans cette étude, nous émettons l’hypothèse générale selon laquelle la présentation en
mode oral du récit favorise chez les sujets issus de la tradition orale un meilleur niveau de
compréhension que chez les élèves appartenant à la culture de l’écrit. Nous prédisons que les
élèves issus de la tradition orale comprendront et rappelleront mieux le conte présenté
oralement.
H.3. Effet de l’oral sur les modalités (identique vs similaires) et le type de rappel
(immédiat vs différé)
41
Prédiction 3 :
- G1, G2 > G3 pour les propositions identiques en tâche immédiate ;
- G1, G2 > G3 pour les propositions similaires en tâche différée ;
- G3 > G1, G2 pour les propositions identiques et similaires en tâche immédiate
comme en tâche différée.
H.4. Effet de l’oral sur le rappel des propositions ajoutées (A1 + A2)
Prédiction 4. - G1, G2 > G3 pour le nombre de propositions (A1 + A2) produites
lors du rappel.
H.6. Effet de l’oral sur le type (immédiat vs différé) et les modalités de rappel
(A1 vs A2)
Prédiction 6 :
- G1, G2 > G3 pour le nombre de propositions A2 produites en tâche immédiate et
différée ;
- G 3 > G1, G2 pour le nombre de propositions A1 produites en tâche immédiate et
différée.
3- Méthode
3.1- Participants
Nous avons proposé à trois groupes de sujets un conte, d’origine gabonaise, lu par
l’expérimentateur et rappelé sous forme écrite par les sujets. Les groupes de sujets
42
expérimentaux appartiennent à trois groupes définis par des caractéristiques qui permettent de
spécifier trois contextes culturels différents.
3.2- Matériel
Nous avons proposé aux participants un conte gabonais : « Les trois fils d’Ada ». Le
conte a été analysé en propositions sémantiques élargies, c’est-à-dire en unités correspondant
aux syntagmes minimaux de chaque phrase (Legros & Baudet, 1997 ; Crinon & Legros,
2002).
La procédure expérimentale a consisté à lire aux élèves le conte à haute voix pendant
15 minutes.
Ensuite, nous avons donné une fiche de renseignements à remplir et portant sur le
profil scolaire et linguistique des élèves. Cette activité qui tenait lieu de tâche distractive leur
a pris 10 minutes. Puis l’épreuve de rappel immédiat a débuté. Elle a duré 20 minutes.
Huit jours après, sans que les élèves ne soient prévenus, nous sommes revenus dans la
classe pour l’épreuve de rappel différé. Nous avons demandé aux élèves de réécrire tout ce
dont ils se souvenaient du texte qui leur avait été lu une semaine plus tôt.
Afin d’évaluer l’effet du mode oral de présentation du récit chez des auditeurs
d’origines culturelles différentes, deux analyses ont été réalisées dans le cadre de cette étude.
Dans la première, nous avons analysé les productions des élèves en fonction des types de
rappel (immédiat vs différé) et des modalités de propositions rappelées (identiques vs
similaires). La seconde analyse a porté sur les propositions ajoutées lors du rappel du conte et
donc, par hypothèse, sur l’effet des connaissances évoquées par le contenu du conte [(la base
de texte (A1) et des connaissances liées à la culture du lecteur (A2)].
La première analyse concerne les types de rappels (immédiat vs différé), les modalités
de rappel (identique vs similaire) produits en fonction des trois groupes (G1, G2, G3).
L'analyse des contrastes indique que les élèves du Groupe G3 rappellent plus de
propositions que ceux du Groupe G1 et G2 (25,534 vs 10,876), F (2,73) = 48,479 <.0001. Les
élèves du groupe G2 rappellent plus de propositions que ceux du groupe G1, (12,348 vs
9,404), mais la différence n'est pas significative (p > 1). Les élèves du groupe G3 rappellent
plus de propositions que ceux du groupe G1, (25,534 vs 9,404), F (2,73) = 44,772 <.0001 et
du groupe G2, (25,534 vs 12,348), F (2,73) = 30,952 <.0001. Les élèves du groupe G1
produisent moins de propositions que ceux des groupes G2 et G3 (9,404 vs 18,94), F (2,73) =
22,356, p<.0001.
40
35
30
25
Ident iques
20
Similaires
15
10
0
G1 G2 G3
Figure 1: Effet de l’oral sur les modalités de propositions rappelées en fonction des groupes
Le facteur Groupe exerce un effet significatif, F (2,73) = 4,96, p <.01. Les élèves des
groupes G1 et G2 (m = 5,438) scolarisés au Gabon produisent plus de propositions ajoutées
que les élèves du groupe G3 (m = 3,795) scolarisés en région parisienne.
La prédiction P.4 est validée : G1, G2 > G3 pour le nombre de propositions ajoutées
(A1+ A2).
L'analyse des contrastes indique que les élèves du groupe G2 produisent davantage de
propositions (m = 5,348) que les élèves du groupe G3 (m = 3,795), F (2,73)=30,952< .0001.
Les élèves du groupe G1 produisent sensiblement plus de propositions (m = 5,429) que ceux
des groupes G2 et G3 (m = 4,571), F (2,73) = 3,374, p< .07. Les élèves du groupe G1
produisent davantage de propositions (m = 5,529) que les élèves du groupe G3 (m = 3,795), F
(2,73)=6,429, p< 01.
5 A1
4 A2
0
G1 G2 G3
L'analyse des contrastes indique que la différence de rappel entre les élèves du groupe
G1 et ceux des groupes G2 et G3 varie en fonction des modalités de propositions rappelées
(A1 vs A2).
Les élèves du groupe G1 produisent sensiblement plus de propositions (m= 5,529) que
ceux du groupe G2 (m= 5,348), F (2,73) = 41,201<.0001.
Nous constatons que les élèves des groupes G1 et G2 produisent plus de propositions
ajoutées (A1 + A2) que les élèves du groupe G3.
En ce qui concerne les modalités des propositions rappelées, nous observons que les
élèves des groupes G1 et G2 produisent plus de propositions ajoutées A2. En revanche, les
élèves du groupe G3 produisent plus de propositions ajoutées A1.
Nous faisions l’hypothèse (H.1.) que les élèves du groupe G1 produiraient, après
écoute du conte, plus de propositions que les élèves des groupes G2 et G3. Si nous supposions
que les élèves du groupe G1 issus de la tradition orale produiraient plus de propositions
lorsque le conte est présenté en mode oral, cela signifierait que les élèves du groupe G1 ont
développé des stratégies de rétention de l’information propre à leur culture. Contrairement à
nos attentes, les résultats indiquent que les élèves du groupe G3 rappellent plus de
propositions (identiques + similaires) que les élèves des groupes G1 et G2. Nous constatons,
dans l’ensemble, que les élèves gabonais (G1 & G2) produisent moins de propositions
(similaires + identiques) que ceux du groupe G3. Notre hypothèse H.1 n’est pas validée.
L’interprétation que nous proposons est que les élèves du groupe G3 ont adapté leurs
stratégies de rétention de l’information en fonction du texte qui leur est présenté. Nous
émettons l’hypothèse que la modalité orale entraîne des stratégies de traitement variable selon
les cultures. La tradition orale a pour objectif la transmission des connaissances, des savoir-
faire et des savoir-être à partir de la parole. Les élèves issus de cette tradition mettront en
mémoire ces savoirs qu’ils réactiveront à des occasions bien précises comme lors de
cérémonies ou de rituels bien spécifiques. Le passage de l’oral à l’écrit chez les élèves issus
de tradition orale n’est pas favorable au rappel écrit du contenu sémantique du récit. L’écrit
qui est supposé ne pas faire partie de leur culture constitue un obstacle à la restitution sous
forme écrite d’un récit présenté oralement (Noyau & Cissé, 2001). En revanche, les élèves
vivant dans une société où l’écrit prédomine traitent de façon différente les informations,
l’oral n’étant qu’une modalité de présentation.
Pour ce qui est des modalités de propositions rappelées, nous constatons que, quels
que soient les groupes, les élèves produisent plus de propositions similaires que de
propositions identiques. Ce résultat valide en partie l’hypothèse H.2 selon laquelle les élèves
47
Nous avons émis l’hypothèse H.4 que les élèves des groupes G1 et G2 produiraient
plus de propositions (A1 + A2) que les élèves du groupe G3 pour comprendre un récit
présenté en mode oral. Nous observons que les élèves du groupe G3 (Paris), produisent moins
de propositions ajoutées que ceux des groupes G1 et G2 (Gabon). Ce résultat valide
l'hypothèse H.4. Ainsi, nous pensons légitime d’interpréter ce résultat en termes d’effet des
connaissances culturelles sur les activités de compréhension et de rappel de récit.
Ces résultats nous permettent de conclure que les connaissances antérieures façonnées
dans la culture du lecteur bilingue et plurilingue, en situation de diglossie et activées lors de
l’écoute d’un texte favorisent la compréhension orale en L2 (Hoareau & Legros, 2005b).
6- Discussion et conclusion
Cette expérience visait à étudier l’effet du mode de présentation orale d’un texte sur le
rappel sous forme écrite chez des élèves de cultures différentes. Les résultats observés nous
conduisent à faire une distinction entre l’oralité comme variable culturelle et l’oralité comme
mode de présentation de l’information en compréhension orale de textes. La compréhension
d’un récit présenté oralement varie selon que l’élève est issu de la tradition orale ou de la
tradition écrite. Un conte lu chez un élève de tradition orale est traité différemment d’un conte
lu chez un élève de culture écrite. Dans la culture gabonaise, ce sont les grands-parents qui
racontent les récits sans support visuel. En revanche dans la culture occidentale, les parents,
l’école lisent les histoires sur un support écrit. Les enfants, dès leur plus jeune âge, traitent les
informations de façon bimodale (auditif + visuel).
48
Pour comprendre un texte présenté oralement, les élèves recourent aux connaissances
façonnées dans leur culture et aux connaissances en rapport avec le contenu du texte. Les
élèves bilingues (G1), plurilingues (G2) et monolingues (G3) verbalisent tous par écrit des
connaissances inférentielles lors du rappel. Cette activité inférentielle, déclenchée par les
connaissances antérieures du lecteur est un processus utilisé par tous les lecteurs, quelle que
soit leur origine culturelle, mais ils activent des connaissances non seulement générales, mais
aussi spécifiques à leur culture (Fayol, 1985b). Les connaissances générales favorisent
l’activité de compréhension, les connaissances idiosyncratiques, qui ne sont généralement pas
prises en compte dans les modèles de référence sont à la base de l’activité d’interprétation.
Nos résultats sont compatibles avec l’hypothèse selon laquelle l’interprétation aide les
sujets bilingues, en contexte diglossique, à construire la signification d’un texte. Ce qui nous
conduit à conclure que l’interprétation est le produit d’un traitement qui doit être pris en
compte dans la compréhension, la mémorisation et la production de textes, mais aussi dans la
didactique cognitive de la compréhension de textes en contexte de diglossie. De ce fait,
d’autres études doivent être réalisées, afin de voir dans quelle mesure, l’interprétation aide les
élèves à comprendre un texte en contexte plurilingue et multiculturel (Zaghba & Legros.,
2006).
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50
Witkin, B.R. (1990). Listening theory and research: The state of the art" Journal of the
International Listening Association, 4 7-32
51
Chapitre 4
Nawal BOUDECHICHE
1. Objectifs de l’expérience
Le but de la recherche présentée dans ce chapitre est d’analyser les effets de la prise en
compte du contexte linguistique plurilingue d’enseignement/apprentissage en Algérie sur le
développement des stratégies de compréhension de texte documentaire scientifique et la
production écrite de rappel de texte en langue étrangère. Il s’agit essentiellement d’analyser
chez des étudiants plurilingues les effets de la langue de scolarisation (arabe) et de la langue
étrangère (français), utilisées dans deux types d’outils didactiques d’aide au traitement des
informations (Macrostructure versus microstructure), sur le produit de la compréhension de
texte, et par hypothèse sur les processus cognitifs en amont de ce produit.
Pour réaliser ces objectifs, il nous paraît utile de conduire des recherches sur les effets
de l’environnement d’apprentissage sur le développement des stratégies de travail, activées
par les apprenants. À la lumière des avancées actuelles des recherches en Didactique, en
Neurosciences et en Psychologie, il semble plus fructueux de nous intéresser aux processus
cognitifs mis en œuvre dans l’acquisition et le développement des compétences langagières,
dans le but de concevoir des aides et des systèmes d’aide à l’apprentissage. Cette démarche
peut, à notre avis, faire progresser significativement notre compréhension des activités
langagières de construction de connaissances et fournir des résultats significatifs pour
l’ensemble de nos apprenants.
Pour ce faire, nous nous sommes référés aux modélisations de Van Dijk & Kintsch
(1983) et de Kintsch (1988 & 1998) en matière de traitement des informations. Ces travaux et
les recherches qu’ils ont inspirées, ont ébranlé les conceptions classiques (Rumelhart, 1980),
qui reposaient sur le concept de schéma et sur l’existence de structures préexistantes de
connaissances fixes et rigides intervenant sur la compréhension. Au contraire, pour rendre
compte précisément, des mécanismes mentaux à la base de cette activité, les auteurs
privilégient la flexibilité cognitive et l’activation de connaissances au moment de leur
utilisation en fonction de la situation dans laquelle se trouve le lecteur. En effet, toute
1
Recherche conduite par Nawal Boudechiche sous la direction de Saddek Aouadi et Denis Legros dans le cadre
de sa thèse de didactique du français (équipe TICE, Contextes, Langage et cognition, Laboratoire CHArt,
Université de Paris 8)
52
Dans des expériences réalisées avec des étudiants de sciences agronomiques du Centre
Universitaire d’El Tarf, nous avons analysé les effets de deux types d’outil didactique d’aide à
la compréhension et à la réécriture (Macrostructure vs microstructure), ainsi que le rôle du
contexte linguistique (langue de scolarisation vs langue étrangère) sur la qualité de la
production écrite d’un rappel de texte en FLE et par hypothèse sur les processus cognitifs
activés lors de la compréhension du texte explicatif. Le protocole expérimental a consisté lors
d’une première séance de travail à faire lire et produire à l’ensemble des étudiants, un rappel
du texte, c’est-à-dire une réécriture de tout ce qu’ils ont compris et retenu du texte. Une
semaine plus tard, lors d’une seconde séance de travail, les participants du groupe G1,
répondent à un questionnaire renvoyant aux informations implicites évoquées par le texte,
proposé dans deux conditions expérimentales, en langue de scolarisation L1, et en français,
L2. Ceux du groupe G2, répondent à un questionnaire sur les informations explicitement
mentionnées dans le texte, également en langue L1 vs en langue L2. Les participants du
groupe G3 représentent le groupe témoin qui ne bénéficient d’aucune aide. Enfin, le premier
rappel de texte est distribué à l’ensemble des participants. Ils doivent le réécrire et produire un
second rappel plus élaboré et plus précis en informations relatives aux effets du dérèglement
du climat sur la population et l’environnement. Cette démarche de travail nous a permis
d’analyser les informations rappelées conçues comme des traces mémorielles persistantes
d’un rappel à l’autre ainsi que les effets des questionnaires en tant qu’outil didactique (Macro
vs micro) et de la langue (L1 vs L2) sur les stratégies de réécriture en langue L2, et par
hypothèse sur les processus cognitifs activés par les étudiants lors de la compréhension de
textes explicatifs.
Notre première hypothèse est que les outils didactiques d’aide à la compréhension et à
la réécriture favorisent la construction des connaissances en langue L2. Ainsi, nous prédisons
que les participants bénéficiant de ces outils didactiques réécrivent mieux leur texte, en y
ajoutant un nombre plus important d’informations en relation avec le thème du dérèglement
du climat. Ils pourront ainsi, plus facilement réactiver leurs connaissances antérieures
nécessaires à l’enrichissement de leurs écrits, en fonction des spécificités de la situation
d’apprentissage.
Nous avons pour l’ensemble du corpus, réalisé une analyse statistique avec le logiciel
« Super Anova » (Brantmeier, 2004) des informations ajoutées lors du second rappel du texte
selon les deux critères ci-dessous :
-les propositions ajoutées issues du contenu du texte : ajouts "micro".
Ces ajouts d’informations proviennent du texte et résultent d’un traitement assurant
uniquement la cohérence locale, néanmoins nécessaire à la construction de la représentation
de la "base de texte".
-les propositions ajoutées non présentes dans le texte, mais en relation avec son contenu.
Elles sont construites antérieurement par l’apprenant et issues de sa mémoire, en fonction des
spécificités de la situation d’enseignement/apprentissage:" ajouts macro".
Hypothèse 1 : Effet des outils didactiques sur le traitement des informations et la réécriture en
contexte plurilingue
Prédiction 1 : G1vs G2 > G3 pour le nombre d’informations ajoutées au rappel de texte
Prédiction 2 : G1>G2 pour le nombre d’inférences ajoutées
Hypothèse 2 : Rôle de la langue de scolarisation sur les stratégies de travail des apprenants
Prédiction : L1 (G1 vs G2)>L2 (G1 vs G2)
2. Méthode
2.1 Participants
54
Matériel expérimental
Texte explicatif (extrait)
Le dérèglement du climat entraîne une recrudescence de catastrophes naturelles qui se
manifestent sous la forme de coups de vent, tempêtes, cyclones, tornades, pluies diluviennes,
inondations, éboulements, coulées de boue et sécheresses qui n'épargnent pas les centres
urbains. Elles toucheront en particulier les régions équatoriales très peuplées, pauvres, et donc
moins aptes à réagir efficacement. L'Europe et la France ne sont pas à l'abri des effets du
dérèglement mondial du climat. Les tempêtes de décembre 1999 et les inondations de l'hiver
2000-2001 sont là pour le rappeler. En France, le risque d'inondations touche aujourd'hui plus
d'une commune sur quatre et provoque en moyenne plus d'une quinzaine de morts par an.
Les apprenants effectuent une lecture silencieuse du texte explicatif "Le dérèglement
du climat" avec la consigne suivante: «Vous allez lire un texte intitulé "Le dérèglement du
climat". Lisez-le attentivement de façon à comprendre toutes les informations proposées par
le texte. Essayez de vous concentrer au maximum, de bien comprendre le texte et de retenir le
plus d’informations possibles car après la lecture, vous serez interrogés sur le contenu de ce
texte».
Une tâche distractive est proposée dont le but est d’inciter ultérieurement les lecteurs à
un traitement sémantique des significations du texte et non à un traitement mot à mot. Enfin,
l’épreuve de rappel immédiat a débuté avec la consigne suivante : « Vous allez écrire en
français, tout ce que vous avez compris et retenu du texte que vous avez lu. Je ne vous
demande pas de faire un résumé, mais d’écrire toutes les informations du texte dont vous vous
souvenez. Je vous demande d’être le plus complet possible. Ce qui m’intéresse ce n’est pas
l’orthographe, c’est ce que vous avez compris et retenu du texte. Il s’agit d’écrire tout ce dont
vous vous souvenez du texte explicatif que je vous ai proposé ».
2ème séance
Les questionnaires d’aide au traitement des informations sont distribués aux
participants des groupes expérimentaux. Ces questionnaires se distinguent par le type
d’informations auxquelles ils renvoient, ainsi que par la langue dans laquelle ils sont proposés
aux lecteurs. Suite à cette tâche de réponse aux questionnaires, l’ensemble des étudiants (ceux
des groupes expérimentaux et ceux du groupe témoin) ont relu le texte explicatif proposé en
français. Les buts de la tâche de relecture proposée dans ce contexte expérimental sont
multiples. Cette tâche aboutit en effet à des modifications (enrichissements) des significations
du texte, à la détection des insuffisances d’informations du premier rappel du texte rédigé une
semaine auparavant. Enfin, la relecture du texte explicatif représente une occasion que les
participants devront exploiter pour retenir les informations suscitées par les questionnaires
d’aide à la compréhension proposés.
Nous avons enfin demandé à l’ensemble des participants de réécrire durant une
trentaine de minutes un second rappel du texte. Le but est d’apporter davantage
d’informations et de précisions à leur premier rappel. La consigne est la suivante :
“Vous allez relire le texte que vous avez rédigé la semaine dernière. Il s’agit d’écrire à
nouveau sur une autre feuille, pour une classe d’étudiants, un second texte en français en
essayant d’enrichir, d’améliorer et de préciser le plus possible les informations par rapport à
votre premier jet. Les questions auxquelles vous avez répondu vous donnent d’autres idées,
d’autres détails qui peut-être ne sont pas contenus dans le texte, mais sont en relation avec
les effets du dérèglement du climat. Essayez à nouveau de réécrire le texte en étant le plus
précis possible”.
plus riche en informations lors de la réécriture que ceux du groupe témoin G3. De ce fait, les
résultats de l’analyse des variations intergroupes indiquent une importante différence de
traitement des informations entre les groupes G1, G2 vs G3 (8,74 vs 4,846). (Voir figure 1).
9,5
9 9
8,5 8,481
8
7,5
7
6,5
5,5
5
4,846
4,5
G1 G2 G3
Ce premier résultat fournit des informations importantes sur le rôle que peuvent avoir
les outils didactiques accompagnant le texte lors de la compréhension et/ou de la production
de texte, en situation plurilingue. En effet, ces outils favorisent la cohérence entre les
informations issues du texte et les connaissances antérieures de l’apprenant augmentant ainsi
les compétences de traitement des informations, activées par les apprenants. Ces outils
didactiques sous- tendraient donc les différentes formes d’apprentissage. Nous référant aux
travaux de Kail (1990), nous pouvons ajouter que la présentation de ces outils didactiques
(Questionnaires, Notes de bas de page, Liens hypertextes, Schémas, Vidéo, Prise de notes)
doit varier en fonction du contenu sémantique des textes à traiter (complexité du contenu du
texte : texte de vulgarisation scientifique, texte encyclopédique, texte scientifique élaboré et
complexe), mais aussi en fonction non seulement des objectifs de la production écrite, en aval
de la lecture (résumé de texte, rappel de texte, dissertation), mais également, du niveau de
connaissances linguistiques des apprenants en langue étrangère et référentielles, et
connaissances dans le domaine ou le champ conceptuel concerné (experts vs novices). Les
outils didactiques accompagnant le texte auraient par conséquent le rôle de ‘stimuli simples’,
perçus et traités par le système nerveux, dont le but est la mise en œuvre d’une dynamique
globale, et l’émergence d’un phénomène de niveau supérieur ‘l’information’.
10
9,5 9,469
8,5
7,5
7
6,694
6,5
N1 N2
14
12 11,846 11,538
10,462
10
9,2 9
8,643
8 Ajout macro
7,308
6,571 Ajout micro
6
5,067 5
4
2,833 2,857
2
Figure 3: Variation du type d’ajouts (macro vs micro) en fonction du Groupe et du Niveau des
participants en langue L2 (N1 vs N2).
Le résultat obtenu nous permet de noter que l’outil didactique renvoyant au modèle de
situation sous-jacent au texte (Van Dijk & Kintsch, 1983) contribue d’une part, à une
meilleure construction de la signification du contenu du texte, via la reconnaissance du champ
lexical concerné, et d’autre part, à relier les connaissances antérieures des apprenants aux
informations proposées et évoquées par le texte. Ce type d’outil didactique permet donc
l’activation d’un ensemble de représentations liées à ce champ lexical. Opération conduisant à
un traitement plus ‘fin’ et plus ‘approfondi’ du texte, en langue étrangère.
Enfin, concernant l’effet de la langue arabe utilisée dans les outils didactiques d’aide à
la réécriture, le résultat de l’interaction «Groupe et Langue» permet de supposer que la langue
arabe facilite l’activation des connaissances lorsqu’elle est utilisée dans l’outil didactique
d’aide à la compréhension, renvoyant aux informations proposées par le texte, c'est-à-dire à
celles qui sont présentes dans le texte. La langue arabe permettrait de ce fait au lecteur de
traiter la signification des informations mentionnées au niveau du texte, et de le conduire à
construire une représentation cohérente du contenu de la base de texte. Sans ce premier niveau
de traitement des informations, le lecteur ne pourrait traiter la signification des propositions
du texte, et élaborer des hypothèses de sens sur les relations sémantiques qui les fondent. Ce
premier niveau de traitement des informations du texte contribue par conséquent, à faciliter la
production de texte en langue étrangère, dans le but de conserver les informations lues, et
supposées comprises.
sur ce même thème, et produire ainsi en français, un texte riche en informations générales et
spécifiques sur les causes, les conséquences et les exemples de dérèglement du climat.
11 10,567
10,5
9,818
10
9,5
9
G1
8,5
G2
8 7,562
7,192
7,5
7
6,5
6
L1 L2
Les résultats des effets du contexte linguistique (L1 vs L2) sur les compétences en
matière de compréhension de texte, en contexte plurilingue, nous permettent de noter que les
apprenants, en l’occurrence des étudiants universitaires, ont développé des compétences en L1
et en L2, qu’il est nécessaire de prendre en considération lors de situation de construction de
connaissances. En effet, les résultats montrent que la langue arabe, utilisée dans les outils
didactiques, contribue à faciliter l’interprétation des informations mentionnées au niveau du
texte. La langue L1 permet ainsi de dépasser les difficultés que rencontre le lecteur lors de la
construction de la signification (i) des mots monosémiques du texte explicatif et (ii) des
relations sémantiques qui relient les propositions du texte. De même, il semble fructueux
d’orienter, en langue étrangère, les ressources attentionnelles des apprenants vers les contenus
sémantiques en relation avec la thématique du texte. Les apprenants parviennent ainsi à
enrichir leur rappel de texte en y ajoutant des informations issues de leurs connaissances
antérieures.
4. Conclusions et perspectives
Sur le plan didactique, les travaux des psychologues cognitivistes ont montré que les
individus ont des ressources limitées, en temps, en mémoire et en puissance de traitement. Il
nous incombe, en tant qu’enseignant du FLE, de concevoir les démarches et les outils de
travail les plus adaptés aux besoins de nos apprenants, pour développer leurs compétences de
traitement de l’écrit. Il s’agit donc de proposer des aides externes afin de développer les
connaissances déclaratives et procédurales des apprenants, lors de tâches complexes, en
langue L2. Ces aides, en l’occurrence des outils didactiques, permettent de réactiver le savoir
de l’apprenant, c’est-à-dire ses informations sur le contenu ou ses connaissances explicites.
Cette mise en action de ces connaissances est possible, du fait que les outils didactiques
accompagnant le texte offrent des conditions relativement ‘satisfaisantes’ à la mise en œuvre
du savoir-faire de l’apprenant, permettant ainsi de diminuer l’effort cognitif nécessaire à la
conversion du savoir emmagasiné en comportement observable, au moment opportun.
reste une nécessité incontournable, et un domaine de recherche fondamental, aussi bien dans
le cadre des neurosciences, de la psychologie cognitive, de la psychologie sociale, que dans
celui de la didactique en général, et de celle du FLE en particulier. Ces domaines de recherche
nous permettent de noter que l’analyse des stratégies d’enseignement/apprentissage en FLE,
via la compréhension et la production écrite, représente un moyen privilégié de progrès
humain, d’adaptation globale à l’environnement social, culturel et cognitif de notre ère. Cet
intérêt se nourrit également de l’importance de la compréhension des mécanismes complexes
« de rouages et de poulies de la machine corporelles » pour les problématiques médicales,
éducatives et sociales des temps modernes.
Il nous parait important d’ajouter, que puisque ces aides externes auraient le rôle de
sources de connaissances, et d’organisateurs de l’activité cognitive de l’apprenant (Norman,
1993), il est important de noter que ces aides externes sont à proposer en fonction du niveau
de connaissances linguistiques des apprenants, en langue étrangère, de leurs connaissances
référentielles, et de leur contexte linguistique.
Dans cette optique linguistique, les résultats de l’effet du contexte linguistique sur les
stratégies de travail mises en oeuvre indiquent que les apprenants ont développé une
sensibilité, des connaissances et des compétences dans les domaines interculturels, qui nous
permettent d’inclure ce travail dans les recherches qui contribuent à la participation à la
construction d’une société mondiale interculturelle de l’information. Ainsi, chacune des deux
langues présentes dans le contexte linguistique algérien contribue, en fonction de certaines
spécificités, à enrichir les stratégies de travail des étudiants. Dans le cadre de la didactique du
FLE, les effets du contexte linguistique plurilingue algérien sur les stratégies de traitement des
informations et de production écrite en langue L2, nous incite à élaborer des outils didactiques
d’aide à la compréhension et à la réécriture aussi bien en langue L1 qu’en langue étrangère, en
fonction non seulement des caractéristiques linguistiques et sémantiques des textes à traiter,
mais également, en fonction des connaissances lexicales des apprenants, dans la mesure où la
représentation sémantique nécessite l’accès au lexique (Bernhardt, 1987).
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Acquisition et utilisation d'une langue étrangère : l'approche cognitive, Ed : D.
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61
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Van Dijk, T.A. & Kintsch, W. (1983). Strategies of discourse compréhension. New York:
Academy Press.
Chapitre 5
Emilien DUVELSON
La capacité pour un sujet de comprendre un texte suppose une habileté à traiter les
divers niveaux de complexité du texte. L’étude de cette capacité est d’un intérêt théorique
fondamental pour les recherches en sciences cognitives, plus particulièrement en
psycholinguistique, car elle met en jeu un ensemble d’opérations simultanées ou séquentielles
de traitement d’informations appliquées à des stimuli de divers niveaux.
Il faut noter que le modèle princeps de la compréhension de texte a été élaboré par
Kintsch et Van Djik (1978) qui stipulent que plusieurs processus complexes opèrent en
parallèle et de manière interactive. Selon ce modèle, le lecteur aurait pour tâche principale de
construire « une base de texte », c’est-à-dire une micro/ et une macro/structure sémantiques
cohérentes du contenu du texte. La microstructure s’organise à partir d’un microtraitement qui
consiste à construire une représentation propositionnelle cohérente des phrases lues. Dans
cette structure, les cycles de traitement du texte s’effectuent de manière séquentielle, tronçon
par tronçon où chaque tronçon correspond à un ensemble de propositions. Quant à la
macrostructure sémantique, elle correspond à un traitement global du texte sous le contrôle
d’un schéma cognitif qui est fonction des buts du lecteur. Au même titre que la première
structure, la macrostructure est aussi composée de prépositions. La cohérence d’un texte ou
d’un discours dépend de ces deux niveaux de structure et de leur relation.
1
Expérience conduite en Haïti par Emilien Duvelson dans le cadre de sa thèse (Laboratoire CHArt, Université
de Paris 8), Direction Denis Legros et Geneviève Marouby- Terriou
63
Ce dernier modèle répond bien aux objectifs que nous nous sommes fixés dans le
cadre de cette recherche, car il est une architecture qui permet de prendre en compte les
contextes linguistiques et culturels de l’apprenant/lecteur ou l’auditeur.
Se basant sur ces différents modèles, Mbengone Ekouma (2006) montre que la réussite
du processus de compréhension implique la construction en mémoire d’une représentation
cohérente de la situation décrite dans le texte. Cette représentation cohérente serait un
déterminant donnant lieu à une production plus fine et plus rapprochée de la base de texte. Ce
qui permet de penser que le processus de production est aussi un facteur déterminant, d’un
point de vue psychologique, et qui permet de rendre compte du rôle de la compréhension en
tant que processus cognitif.
1. Objectif de la recherche.
Cette recherche sur la compréhension et le rappel d’un texte explicatif par des élèves
de CM2, de culture et d’origine sociale différentes, a pour but d’analyser les effets, lors de la
relecture/audition, de la langue (L1, Créole vs L2, Français) et de la modalité de présentation
(écrite vs orale) d’un texte explicatif sur le retraitement des connaissances. Elle s’inscrit dans
la lignée des travaux récents conduits en psychologie cognitive de la compréhension de texte
en contexte plurilingue et qui ont mis en évidence l’effet de la langue maternelle sur le
retraitement lors de la relecture d’un texte proposé en langue L2, langue de scolarisation, en
contexte diglossique ou plurilingue (Hoareau, Legros, Gabsi, Makhlouf & Khebbeb, 2006).
En nous appuyant sur les travaux conduits en psychologie cognitive du traitement de texte,
nous envisageons la compréhension comme le résultat d’une interaction entre un texte et les
systèmes de connaissances/croyances que les lecteurs activent lors de la lecture (Denhière &
Legros, 1989 ; Legros & Baudet, 1997). En effet, comprendre un texte nécessite, non
seulement d’activer la signification des mots du texte, mais parallèlement, de construire d’une
part, la signification locale (microstructure) et globale (macrostructure) de ce texte, et, d’autre
part, la cohérence de ces différentes composantes, à l’aide des connaissances du monde
évoquées par le texte et appartenant au modèle de situation sous-jacent à son contenu. La
compréhension du texte explicatif, beaucoup plus difficile que celle du texte narratif met en
œuvre des processus et des stratégies déployés par le lecteur, processus qui sont différents de
ceux mis en œuvre lors de l’activité de compréhension du texte narratif (Graesser, McNamara
& Louwerse, 2003). A la suite des travaux de Weaver et Kintsch (1991) et de Graesser et al.
(2003), certains auteurs (Ben Ismail Ben Romdhane, Legros, Ben Chaouacha & Pudelko, 2007)
soulignent que ces textes comportent en effet un vocabulaire spécialisé renvoyant à des
concepts plus complexes et plus spécifiques à traiter et des structures textuelles non familières
et qui influencent la compréhension et le rappel. Les recherches conduites par Millis, Simon,
et TenBroek (1998) ont, pour leur part, mis en évidence l’effet de la relecture sur l’aide à la
construction des différents niveaux de la représentation du contenu d’un texte explicatif, tels
qu’ils sont modélisés par van Dijk et Kintsch (1983).
De plus, comprendre et produire un texte explicatif qui décrit les causes et les
conséquences de phénomènes naturels, comme une catastrophe par exemple (Hoareau &
Legros, 2008), ou un texte scientifique qui décrit les mécanismes physiologiques de
régulation de la pression artérielle (Ben Ismail et al., 2007), nécessite de construire des
relations de causalité entre les différents événements décrivant les phénomènes physiques
proposés dans le texte à comprendre (Jamet, Legros & Pudelko, 2004). L’élaboration de la
représentation de chaque événement (microstructure) est nécessaire à la construction de la
représentation de l’ensemble du phénomène et de la construction de la signification globale
(macrostructure (Sawadogo & Legros, 2005, 2007). Pour rendre compte des activités de
64
Lors de la lecture de ces derniers textes, sont requis des types d’inférences renvoyant
principalement à la causalité du monde physique, plus complexe à traiter que la causalité
intentionnelle (Denhière & Baudet, 1992 ; Graesser et al., 2005 ; Legros, Mervant, Denhière
& Salvan, 1998 ; Mannes & Kintsch, 1987). Or, en contexte diglossique, l’une des grandes
difficultés rencontrées par le lecteur de textes en langue L2 est la difficulté à élaborer la
signification locale et globale du contenu sémantique du texte. Dans ce contexte, le lecteur
doit activer ses connaissances de la langue (L2), et ses connaissances du monde évoquées par
le texte et qui lui permettent de faire les inférences nécessaires à la construction de la
cohérence de la signification du texte.
Les recherches conduites par Hoareau et Legros (2005, 2008) ont montré la pertinence
du couplage de la théorie de la Mémoire de Travail à Long Terme (MTLT) de Ericsson et
Kintsch (1995) et du modèle “Construction-Intégration” de Kintsch (1998) pour rendre
compte de l'interaction entre le texte et les structures mémorielles du sujet dans le cas des
apprentissages en contextes diglossiques et plurilingues. Les résultats de ces travaux vérifient
l’hypothèse selon laquelle ces structures permettent de rendre compte de l'effet de l'expérience
du sujet, de ses connaissances antérieures et de son niveau d'expertise sur la compréhension et
l'apprentissage (McNamara, Kintsch, Songer & Kintsch, 1996). Lorsque le sujet a des
connaissances sur le domaine évoqué par le texte, et notamment lorsque ces connaissances
construites dans la langue maternelle sont activées, les structures de rappel élaborées et/ou
activées permettent un fonctionnement optimal de la MTLT et donc une meilleure
compréhension et une meilleure production de textes, lors du rappel. Des données
expérimentales conduites dans différents contextes linguistiques et culturels ont montré que la
présentation orale des informations favorisaient, chez des enfants de culture orale, l’activation
des connaissances de leur monde environnant et pouvaient favoriser la mise en œuvre de
l’activité inférentielle (Acuña, Latorre, Huenaiuen & Legros, 2004 ; Legros et al., 2007).
Cette expérimentation conduite en Haïti vise à étudier les effets, lors de la relecture, de
l’oralité et du niveau socioculturel des participants sur la compréhension d’un texte explicatif.
Des travaux ont en effet montré l’effet de l’oralité sur la compréhension d’un récit en L2 en
contexte bilingue (Marin, Legros & Prodeau, sous presse) ou diglossique (Mbengone-
Ekouma, 2006), mais aucune recherche pour le moment n’a évalué l’effet de l’oralité et de la
relecture en L1 sur la compréhension d’un texte explicatif en L2.
Cette expérimentation a été menée avec deux groupes d’élèves de CM2 âgés de 9 à 16
ans. Les participants du groupe G1, issus de culture orale et de milieux défavorisés, sont
scolarisés dans des écoles publiques, et ceux du groupe G2, de milieux favorisés sont
scolarisés dans des écoles privées (écoles congréganistes) et intégrés dans la culture écrite.
Cette expérimentation a fait l’objet de trois analyses. La première concerne l’effet des
facteurs « Modalités de présentation du texte (oral vs écrit) » lors de la relecture/audition sur
65
le second rappel R2 produit par les participants en fonction des groupes. La deuxième a trait à
l’effet de ces facteurs sur l’activité de hiérarchisation des informations lors de la relecture et
au niveau d’importance des propositions produites lors du rappel R2. Enfin, la dernière
analyse concerne l’étude des informations non présentes dans le texte (ajouts) mais produites
lors du second rappel. Ces dernières sont les résultantes de la réactivation des connaissances
et la production des informations appartenant au modèle de situation évoqué par le texte.
Dans cet article, nous présentons les résultats de la première analyse et nous testons l’effet de
la relecture et des modalités de présentation des informations (oral vs écrit) sur le second
rappel en fonction de la culture des élèves (G1 vs G2).
Nous partons de deux principales hypothèses mettant en jeux les différents facteurs qui
influencent les propositions rappelées par les participants (la lecture et la relecture/audition, la
modalité de présentation de l’information, la langue et le contexte social)
Nous émettons l’hypothèse que les participants qui ont lu le texte en langue
seconde (M1) rappelleront moins de propositions que ceux qui l’ont entendu en langue
seconde (M2) et en langue maternelle (M3). En effet, nous supposons que, compte tenu du
manque de matériel imprimé dans les écoles du milieu défavorisé, les pratiques enseignantes
et la transmission des connaissances ont tendance à s’opérer à l’oral.
3. Méthode
3.1. Participants
Deux groupes de participants de cycle 3, scolarisés dans des écoles en milieu favorisé
et en milieu défavorisé de Port-au-Prince ont pris part à cette expérience. Nos deux groupes se
subdivisent chacun en trois sous-groupes (G1.1, G1.2, G1.3) et (G2.1, G2.2, G2.3) suivant les
origines sociales des participants et les modalités de présentation de l’information (orale vs
écrite). Les participants (N = 247) sont âgés de 9 à 16 ans (en moyenne 12,5 ans), de même
niveau scolaire (CM2) et se répartissent en fonction de la langue qu’ils utilisent à la maison et
en milieu scolaire.
Les sous-groupes G1.1, G1.2 et G1.3 sont constitués d`élèves de classe CM2 vivant en
zone défavorisée et parlant uniquement le créole à la maison, mais ils apprennent en français
et le parlent rarement à l’école avec leurs camarades de classe.
66
Les sous-groupes G2.1, G2.2 et G2.3 sont constitués d`élèves de classe CM2 vivant en
zone favorisée et parlant le français et le créole à la maison, mais ils parlent uniquement le
français à l’école.
3.2. Matériel
Le matériel expérimental se compose d’un texte explicatif qui décrit les causes et les
conséquences du changement climatique. Une version du texte a été proposée en créole
(langue maternelle de nos participants) à une partie des deux sous- groupes (G1.3, G2.3) et en
français aux autres (G1.1, G1.2) et (G2.1, G2.2).
1ère séance
Tout d`abord, l`expérimentateur présente l`expérience à laquelle les élèves sont invités
à participer.
Épreuve de lecture
G1.1 et G2.1 : Vous allez lire un texte sur le changement climatique. Vous le lisez de
façon à bien le comprendre. Lisez-le attentivement de façon à bien comprendre le contenu
précis du texte. Car après la lecture, vous aurez besoin d`avoir bien compris ce texte et les
informations qu`il contient pour poursuivre le travail. Dès que vous aurez terminé la lecture,
vous retournez la feuille.
G1.2 et G2.2 : Je vais vous lire un texte qui décrit le changement climatique et ses
conséquences. Je vous demande de vous concentrer au maximum, d`être le plus attentif
possible afin de bien comprendre et de bien retenir toutes les informations de ce texte. Car
ensuite, vous aurez besoin d`avoir très bien compris ce texte et les informations qu`il contient
pour poursuivre le travail.
G1.3 et G2.3 : Je vais vous lire un texte (en créole) qui décrit le changement
climatique et ses conséquences. Je vous demande de vous concentrer au maximum, d`être le
plus attentif possible afin de bien comprendre et de bien retenir toutes les informations de ce
texte. Car ensuite, vous aurez besoin d`avoir très bien compris ce texte et les informations
qu`il contient pour poursuivre le travail.
L`expérimentateur distribue les textes (retournés sur la table), ou il le lit aux élèves.
Il lit la consigne aux élèves. Et ensuite il donne le signal, les élèves qui devaient lire
eux-mêmes retournent le texte et commencent la lecture ; pour ceux à qui il lit le texte, il leur
demande d’être très attentifs afin de bien saisir le contenu du texte.
Épreuve de rappel
67
Une fois que les élèves ont terminé avec la lecture, ou une fois que nous avons fini
avec la présentation orale du texte, nous donnons une feuille aux élèves dans laquelle nous
leur demandons d’écrire leur nom et prénom, leur âge et leur sexe avant de débuter l’épreuve
du rappel.
La consigne de rappel était la suivante : « Vous allez maintenant écrire ce dont vous vous
souvenez du texte. Essayez de réécrire le texte le plus précisément possible. Si à la fin de
votre rappel, vous vous souvenez d`une information que vous avez oubliée, vous indiquez un
numéro à l`endroit du texte où vous pensez l`avoir oubliée, et vous la réécrivez au bas de
votre texte en la faisant précéder du numéro qui convient. »
Quelques jours plus tard
2ème séance
G1.1 et G2.1 : Vous allez relire une deuxième fois le texte sur lequel vous avez déjà travaillé
et qui décrit le changement climatique et ses conséquences. Je vous demande de vous
concentrer au maximum, et de le lire le plus précisément possible afin de bien comprendre et
de bien retenir toutes les informations de ce texte. Car ensuite, vous aurez besoin d`avoir très
bien compris ce texte et les informations qu`il contient pour poursuivre le travail.
G1.2 et G2.2 : Je vais vous lire le texte sur lequel vous avez déjà travaillé et qui décrit le
changement climatique et ses conséquences. Je vous demande de vous concentrer au
maximum, d`être le plus attentif possible afin de bien comprendre et de bien retenir toutes les
informations de ce texte. Car ensuite, vous aurez besoin d`avoir très bien compris ce texte et
les informations qu`il contient pour poursuivre le travail.
G1.3 et G2.3 : Je vais vous relire le texte (en créole) sur lequel vous avez déjà travaillé et qui
décrit le changement climatique et ses conséquences. Je vous demande de vous concentrer au
maximum, d`être le plus attentif possible afin de bien comprendre et de bien retenir toutes les
informations de ce texte. Car ensuite, vous aurez besoin d`avoir très bien compris ce texte et
les informations qu`il contient pour poursuivre le travail.
Consigne pour le deuxième rappel
Vous allez à nouveau écrire tout ce que vous souvenez du texte. Comme l`autre jour, il ne
s`agit pas de faire un résumé de ce texte, mais d`écrire tout ce dont vous vous souvenez.
Essayez d`être encore plus précis et plus complet que la dernière fois. Si à la fin, vous vous
apercevez que vous avez oublié une information, vous l`ajoutez en bas de votre copie en
mettant un numéro dans le texte indiquant où se situe cette information.
4. Résultats
Les données ont été analysées selon le plan S<G2 * M3> * R2 dans lequel les lettres
S, G, M, R renvoient respectivement aux facteurs Sujet (facteur aléatoire), Groupe (G1 =
milieu défavorisé ; G2 = milieu favorisé), Modalité (M1 = texte lu en L2 ; M2 = texte entendu
68
Le facteur Groupe n’est pas significatif (P>1). Globalement, tous les autres facteurs
étant confondus, les sujets favorisés (G2) ne rappellent pas plus d’informations que les sujets
défavorisés (G1) (28,387 vs 29,10).
Le facteur Modalité est significatif : F (2,240) = 16,214, <.0001. Les participants, les
groupes étant confondus, qui ont entendu le texte en L2 (M2) produisent un meilleur rappel
(38,693) que ceux qui ont entendu le texte en L1 (M3) (30,368), F (2,240) = 5,407, <.02, ou
lu le texte en L2 (M1) (19,158), F (2,240) = 32,156, <.0001.
L’interaction entre les facteurs Groupe et Modalité est significative, F (2,240) = 6,701
<.0015. Les participants du groupe favorisé (G2) produisent un rappel (R1 et R2 confondus)
supérieur à ceux du groupe défavorisé (G1) lorsque le texte est présenté sous forme écrite
(M1) (25,444 vs 13,5). En revanche, lorsque le texte est présenté sous forme orale en langue
L2 (M2), les participants du groupe défavorisé (G1) produisent un rappel supérieur à ceux du
groupe favorisé (G2) (G1 = 42,188 vs G2 = 35,442). De même, lorsque le texte est présenté
sous forme orale en L1 (M3), les participants du groupe défavorisé (G1) produisent un rappel
supérieur à ceux du groupe favorisé (G2) (36,429 vs 23,939). (voir Figure 1).
45
40
35
30
G1
25
G2
20
15
10
5
M1 M2 M3
Figure 1 : Rappel des groupes en fonction des modalités de présentation (M1 vs M2 vs M3)
45
40
35
30
25 R1
20 R2
15
10
5
0
G1 G2
Figure 2 : Nombre de propositions produites lors des deux rappels (R1 et R2) par les participants des
deux groupes
60
50
40
R1
30
R2
20
10
0
M1 M2 M3
Figure 3 : Nombre moyen de propositions produites lors des deux rappels en fonction des modalités
de présentation des informations
L’analyse des contrastes indique que les différences entre les deux rappels ne varient
pas entre les conditions M1 et M3. La supériorité du rappel R2 sur le rappel R1 n’est pas
significativement différente entre les conditions M1 et M3 (P>1). En revanche, la supériorité
du rappel R2 sur le rappel R1 est significativement plus importante dans la condition M2 par
rapport à la condition M1 (F(2,240) = 16,134, <.0001) et M3 (F(2,240) = 16,134, <.001).
70
60
50
40
R1
30 R2
20
10
0
G1M1 G1M2 G1M3 G2M1 G2M2 G2M3
Figure 4 : Nombre moyen de propositions produites lors des deux rappels par les deux groupes en
fonction des modalités de présentation des informations.
L’étude réalisée ici a pour but d’interroger les processus cognitifs mis en œuvre dans
l’activité de lecture et de relecture/audition de texte explicatif en contexte de diglossie. Deux
groupes d’élèves scolarisés dans les milieux défavorisé et favorisé à Port-au-Prince ont
participé à cette expérience.
Les données nous laissent à observer, que l’écoute en langue seconde (L2),
contrairement à la lecture, permet aux participants de produire de meilleurs rappels. Il en est
de même pour l’écoute en langue maternelle. Mais le rappel est meilleur pour ceux qui
écoutent le texte en français que ceux qui l’écoutent en créole. Ce résultat est compatible à
notre hypothèse sur l’effet des modalités de présentation de l’information via différentes
langues.
72
Concernant les interactions entre les facteurs « Rappel et Modalité », les résultats nous
montrent que les sujets deviennent plus habiles dans la deuxième lecture que dans la
première, au cours de laquelle ils font face pour la première fois avec le texte qui pourrait
avoir un aspect difficile pour eux. Car dans les trois modalités de présentation de
l’information (M1, M2 et M3) après la deuxième lecture, le nombre de propositions produites
est supérieur à ce produit après la première lecture.
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76
Deuxième partie
Chapitre 6
Yamina BOUNOUARA
La production écrite est souvent définie en psychologie cognitive comme une activité
cognitive particulièrement complexe. Elle suppose, d’un côté, le recours à un ensemble de
connaissances, à la fois référentielles, linguistiques et pragmatiques, et, de l’autre, l’activation
et l’articulation d’un nombre important de processus (Alamargot & Chanquoy, 2002). Selon
les travaux princeps de Hayes et Flower (1980), trois types de processus cognitifs sont activés
de façon récursive, lors de la production de l’écrit chez l’adulte expert en production écrite :
planification, mise en texte et révision.
1
Recherche conduite par Yamina Bounouara (2009), sous la direction de Denis Legros, dans le cadre d’un
magistère en didactique du FLE, à l’EDAF de Batna.
78
La première stratégie décrit la démarche des rédacteurs habiles qui, avant toute
formulation linguistique, procèdent à la réorganisation de la structure des connaissances
relatives au thème du texte, en fonction des paramètres textuels et contextuels (Alamargot &
Chanquoy, 2004). Selon Cornaire et Raymond (1999), le scripteur habile est censé travailler
et retravailler son plan et réviser à maintes reprises la forme et le contenu, dans le but de faire
parvenir aux lecteurs un message organisé et compréhensible. Il ressort de cette description
que la mise en œuvre de la « stratégie des connaissances transformées » (Knowledge
transforming strategy) exige une importante planification du contenu du texte en fonction des
contraintes pragmatiques, rhétoriques et communicatives.
Aussi ressort-il de cette comparaison un lien très étroit entre la quantité et la qualité
des connaissances disponibles en mémoire, d’une part, et leur mode d’utilisation par le
processus de planification, d’autre part. Eu égard à ce lien, et dans la perspective pédagogique
que nous adoptons, il semble que l’enrichissement de la base de connaissances des apprenants
puisse constituer une aide à la planification. Pour ce faire, nous estimons que la lecture de
textes ressources serait un moyen efficace, permettant à la fois l’enrichissement de la base de
connaissances référentielles et linguistiques des rédacteurs en langue étrangère.
Le recours aux textes ressources est fréquent au début des séquences didactiques dans
les pratiques d’enseignement classiques. Ces textes fonctionnent le plus souvent comme des
textes modèles, en ce sens que l’apprenti-scripteur est supposé pouvoir produire, à la fin de la
séquence, un texte respectant les caractéristiques textuelles et linguistiques du type de texte en
question. Toutefois, selon Plane (1996), la lecture et l’étude d’un texte d’expert ne peuvent
répondre aux problèmes que rencontre l’apprenti-scripteur lors de la production écrite s’il n’a
79
pas eu, préalablement, le temps de se poser des questions. Ainsi semble-il plus intéressant de
n’introduire les textes ressources qu’une fois le problème rencontré. Cela suppose qu’une
première production ait lieu, faisant apparaitre une difficulté particulière à traiter lors de la
réécriture succédant à la lecture des textes fournis.
Selon Reuter (1996), c’est en effet autour de la notion de « réécriture » que se jouent
les enjeux d’une didactique de l’écriture axée sur les notions fondamentales de révision et
d’autoévaluation. En cela, les orientations didactiques s’accordent avec les conceptions
cognitivistes qui accordent un rôle clé aux opérations de révision dans le processus
rédactionnel. Si au départ, le modèle princeps de Hayes et Flower (1980) a attribué au
processus de révision un rôle de « réexamen » du texte, avec les deux sous processus de
« lecture » et d’« édition », les modèles suivants se sont proposé d’en spécifier davantage la
fonction.
En effet, dans le modèle « des processus cognitifs de révision » conçu par Hayes,
Flower, Schriver, Stratman et Carey en 1987, la révision assure une fonction de réflexion et
de contrôle de l’activité rédactionnelle (voir Roussey & Piolat, 2005). Quatre mécanismes
interagissent dans ce modèle : la définition de la tâche ; l’évaluation, qui débouche sur une
représentation du problème ; la sélection d’une stratégie (d’intervention) et la modification du
texte ou du plan. La révision apparait dans ce modèle comme une activité hautement délibérée
et stratégique (Piolat & Roussey, 1992) permettant au scripteur de réguler sa production pour
produire, petit à petit, un texte conforme à ses attentes. Les opérations de révision sont donc
manifestement de nature métacognitive. D’où les problèmes d’ordre métacognitif rencontrés
par les scripteurs en apprentissage.
Selon Daiute et Kruidenier (1985), les novices ne révisent pas efficacement leur
propre écrit pour trois raisons : ils ne peuvent avoir une perspective objective sur leur texte,
ils pensent qu’ils n’ont pas besoin de relire leur propre texte, car ils savent ce qui y est dit, et
ils ignorent ce qu’il faut faire quand il leur est demandé de réviser leur écrit. Il semble
également que, faute d’une distanciation suffisante par rapport à leur propre texte (Fayol &
Schneuwley, 1987), les novices ne peuvent avoir une approche réfléchie et suffisamment
différenciée par rapport au texte en cours de rédaction ou de révision1 (Piolat & Roussey,
1991). C’est ce qui explique les différences quantitatives et qualitatives entre les novices et
les experts quant à la mise en œuvre du processus de révision et ses effets.
En effet, les scripteurs novices révisent beaucoup moins que les scripteurs experts
(Fayol, 1991 ; Hayes et al., 1987 ; Olive & Piolat, 2003). En outre, comparativement aux
adultes expérimentés en production écrite, qui révisent le fond et la surface de leur texte, les
novices révisent principalement les aspects superficiels de leur texte (sa formulation), et au
moment même de sa production (Olive & Piolat, 2003). Ainsi se limitent-ils, le plus souvent,
à un toilettage superficiel de leur texte au lieu d’en améliorer le contenu sémantique et la
cohérence. C’est la raison pour laquelle, des chercheurs en psychologie cognitive (Crinon &
Legros, 2002 ; Legros, Crinon & Marin, 2006) ont conçu des aides favorisant le retour sur le
texte pour un retraitement sémantique de la version originale de productions écrites de jeunes
scripteurs écrivant en langue maternelle.
1
D’où l’idée de la révision par pairs ou la co-révision. Selon Fayol et Schneuwley (1987), Bartlett, a réussi à
montrer que des sujets de dix-onze ans corrigent plus facilement des ambiguïtés référentielles dans les textes
d’autrui que dans les leurs.
80
Ces auteurs constatent, en effet, qu’en didactique, ce sont généralement les aides de
type métalinguistique qui sont fournies aux apprenants scripteurs : enseignement des
caractéristiques textuelles et linguistiques d’un genre ou d’un type de texte, en interaction
avec l’élaboration ou la révision du texte de l’apprenant. Ces enseignements ne touchant que
la surface textuelle, ces auteurs estiment, au contraire, que la lecture de textes d’experts, ou
textes ressources, lors de la phase de révision, serait une procédure plus efficace et une étape
nécessaire à la réécriture. Selon ces auteurs, le modèle mental 1 sous-jacent au texte modèle
peut interagir avec le modèle mental sous-jacent au texte de l’apprenant scripteur et favoriser,
ainsi, un traitement sémantique lors du travail de réécriture. C’est ce retraitement sémantique
qui renseigne sur l’activité cognitive de replanification du texte initial lors de sa réécriture.
La prise de notes peut être conçue comme un moyen permettant de finaliser la lecture
des textes d’aide à la réécriture, et d’aider au traitement des informations qu’ils contiennent
(Marin, Crinon, & Legros, 2002). Selon Piolat (2004), les sujets notent d’habitude pour ne pas
oublier les informations entendues ou lues, mais il s’est avéré aussi que la fonction de la prise
de notes ne se limite pas uniquement au stockage externe de l’information. Il semble en effet
que les noteurs mémorisent au fur et à mesure qu’ils notent, c’est pourquoi les auteurs parlent
d’une fonction de mémoire interne de la prise de notes2. La mémorisation interne des
informations lors de leur prise en notes résulterait des activités de sélection et de
hiérarchisation effectuées par les noteurs en vue de prendre les informations les plus
pertinentes et les plus utiles à la tâche intellectuelle pour laquelle ces notes sont prises
(Roussey & Piolat, 2003).
Compte tenu de la tâche de prise de notes, la lecture des textes d’aide à la réécriture
acquiert un autre statut que celui qui lui est habituellement attribué. Au lieu de se contenter de
lire pour comprendre, les sujets lisent pour rechercher des informations et en prélever celles
dont ils ont besoin en fonction de leur propre projet d’écriture. Autrement dit, la prise de
notes, conçue d’abord comme une aide à la mémorisation externe des idées à prélever des
textes ressources en vue d’enrichir « la deuxième strate d’écriture » de leur texte (Marin,
Crinon & Legros, 2002, p. 55), est aussi envisagée comme un traitement de l’information, en
ce sens que les notes prises n’auront pas pour visée de garder une trace fidèle des textes à lire,
mais seront finalisées par l’usage qui va en être fait, par le jugement de la pertinence des
éléments des textes à lire par rapport au propos (Ibid.).
2. Expérimentation
En nous basant sur ce cadre théorique, nous orientons notre problématique générale,
axée sur les aides à la production écrite en classe de langue, vers les aides à la planification et
à la révision de textes produits par des apprentis-scripteurs écrivant en français langue
1
C’est-à-dire la structure de connaissances ou de croyances sous-jacente au domaine évoqué par le texte
(Legros, Crinon & Marin, 2006).
2
Certaines études (voir Roussey & Piolat, 2003) ayant porté sur l’évaluation des connaissances acquises par des
étudiants, selon qu’ils ont pris ou non des notes, indiquent que l’encodage des informations lors de la prise de
notes favorise une rétention conséquente de ces informations.
81
2.2. Méthode
Participants
Matériel expérimental
Les textes ressources que nous avons utilisés dans cette étude sont au nombre de trois
(voir Annexe). Il s’agit de textes argumentatifs plus ou moins courts, portant sur le thème du
portable à l’école. Nous les avons fabriqués sur la base de commentaires d’internautes publiés
dans des forums en ligne, dédiés au débat sur ce sujet. Nous avons reformulé et relié entre eux
ces commentaires de façon à obtenir des textes cohérents. En outre, nous avons veillé à ce que
chaque texte comporte à la fois des arguments pour et d’autres contre, et que les arguments
contenus dans chaque texte soient différents de ceux qui se trouvent dans les deux autres.
L’expérimentation s’est déroulée sur trois séances d’une durée d’une heure chacune et
espacées de quelques jours. Lors de la première séance, les trois groupes, G1, G2 et G3, ont
1
Il est à noter que, bien qu’ayant porté sur des scripteurs rédigeant en L1, les travaux de Hayes et Flower (1980)
comme ceux de Scardamalia et Bereiter (1991) sont tout à fait utilisables en L2, vu leur utilité dans une
perspective pédagogique ; telle a été la conclusion à laquelle est arrivée Barbier (2004), après avoir présenté
deux modèles récents d’écriture en L2 (ceux de Wang et Wen (2002) et Zimmermann (2000)).
82
produit le premier jet d’une lettre ouverte à adresser à un député qui demande au Ministre de
l’Éducation nationale d’interdire les portables dans tous les établissements scolaires, en classe
et dans la cour, de sorte que les élèves n’aient plus le droit d’amener un mobile dans leur
établissement. Qu’ils soient pour ou contre cette demande, les élèves devaient s’adresser
directement à ce député pour lui exprimer leur point de vue sur ce sujet en ayant pour objectif
d’approuver ou de désapprouver sa demande.
Quelques jours plus tard, les participants des groupes G1 et G2 ont lu individuellement
les trois textes ressources. Il a été prescrit aux élèves du groupe G1 de prendre des notes en
lisant tandis que les élèves du groupe G2 devaient lire sans prise de notes. La consigne était
de lire attentivement les textes distribués pour y chercher des idées ou arguments intéressants
à réutiliser lors de la séance suivante pour réécrire le premier jet. Le groupe G3, étant groupe
témoin, n’a pas bénéficié de la lecture des textes ressources.
Quelques jours plus tard, les participants des trois groupes ont réécrit leur premier jet
en ayant ce dernier sous les yeux, en plus des notes prises pour le groupe G1. Il leur a été
demandé de réécrire leur premier jet pour le rendre plus convaincant. Ils ont ainsi produit le
2ème jet.
Les données recueillies sont les deux productions des participants (1er jet et réécriture).
Ces productions ont fait l’objet de trois analyses ayant pour but d’étudier l’effet de la lecture
des textes ressources sur la révision et la replanification du 1er jet lors de sa réécriture. Ces
analyses nous ont permis de valider, ou non, nos quatre principales hypothèses (énoncées ci-
dessous). Nous avons analysé le 2ème jet des participants du point de vue des propositions
sémantiques (unités sémantiques minimales) qui y sont ajoutées comparativement au 1er jet.
Nous avons donc procédé à une analyse propositionnelle des informations ajoutées au 1 er jet
(Kintsch, 1998).
La première analyse porte sur le nombre et le niveau de pertinence des ajouts. Ces
derniers peuvent être très pertinents (TP) lorsqu’il s’agit de nouveaux arguments fondés ;
moyennement ou peu pertinents (MPP) en cas de développement ou de reformulation
d’arguments existant déjà dans le 1er jet ; non pertinents (NP) quand il s’agit de contre-
arguments ou d’arguments non fondés.
Hypothèse H1
Nous émettons l’hypothèse que la lecture des textes ressources aura un effet sur la
replanification et la réécriture du 1er jet. Nous nous attendons à ce que les informations
ajoutées au premier jet par les groupes G1 et G2, ces deux groupes ayant bénéficié de la
lecture des textes ressources avant la réécriture, soient plus nombreuses et plus pertinentes
que celles ajoutées par le groupe témoin G3.
Hypothèse H2
Nous formulons l’hypothèse que l’activité de prise de notes lors de la lecture des
textes ressources, comme procédé mnémotechnique et aide à la sélection et à la
hiérarchisation des informations, et l’utilisation, lors de la réécriture, des informations ainsi
83
notées, favoriseront le retraitement sémantique du 1er jet. Nous prédisons que le groupe G1,
ayant lu les textes ressources avec prise de notes, produira plus d’ajouts très pertinents que le
groupe G2, ayant également lu les textes ressources, mais sans prise de notes.
La deuxième analyse de la réécriture porte sur l’origine des ajouts pour les groupes G1
et G2. Les propositions ajoutées peuvent être issues soit des textes ressources lus quelques
jours avant la réécriture, soit des connaissances antérieures des participants.
Hypothèse H3
Nous émettons l’hypothèse que les participants des deux groupes G1 et G2 produiront
davantage d’ajouts issus des textes ressources que d’ajouts issus de leurs connaissances
antérieures. Plus particulièrement, nous nous attendons à ce que les ajouts ayant pour origine
les textes lus, soient plus nombreux chez le groupe G1, étant donné que ses participants se
baseront sur les informations notées lors de la lecture de ces textes. En revanche, nous
prédisons que les ajouts issus des connaissances antérieures des participants seront plus
nombreuses chez le groupe G2 qui réécrit sans avoir ni les textes ni une prise de notes sous les
yeux.
La troisième analyse de la réécriture a pour objet les modalités de traitement des ajouts
issus des textes ressources chez les participants des deux groupes G1 et G2. Les ajouts
peuvent, en effet, être copiés des textes ressources et collés, sans aucun changement, sur les
textes à produire, comme ils peuvent être retraités sémantiquement et linguistiquement pour y
être intégrés de façon cohérente.
Hypothèse H4
Nous formulons l’hypothèse que le groupe G1 réutilisera les informations notées lors
de la lecture des textes ressources en les retraitant pour les intégrer de façon cohérente dans le
2ème jet. De même, nous nous attendons à ce que le groupe G2 se rappelle les informations
lues dans les textes ressources, les retraite et les intègre dans le 2ème jet. Nous prédisons donc
une supériorité des ajouts retraités sur les ajouts copiés, et ce, dans les deux groupes.
3. Résultats
Les données ont été analysées selon le plan d’expérience S<G3>*P3, dans lequel les
lettres S, G, P renvoient respectivement aux facteurs Sujet, Groupe (G1= groupe ayant
bénéficié de la lecture des textes ressources avec prise de notes ; G2= groupe ayant bénéficié
de la lecture des textes ressources mais sans prise de notes ; G3= groupe (témoin) n’ayant pas
bénéficié de la lecture des textes ressources), Pertinence (P1= ajout très pertinent ; P2= ajout
moyennement ou peu pertinent ; P3= ajout non pertinent).
84
Le facteur Groupe indique que la moyenne des ajouts varie entre, d’un côté, les
groupes G1 (45,75) et G2 (40,5) et, de l’autre côté, le groupe témoin G3 (25,1). Ainsi, les
groupes G1 et G2 ont produit plus d’ajouts que le groupe G3 (voir Figure 1).
Le facteur Pertinence est largement significatif. Globalement, les participants des trois
groupes ont produit davantage d’ajouts très pertinents (22,91) que d’ajouts moyennement ou
peu pertinents (12,08) et d’ajouts non pertinents (2.11) (voir Figure 2).
Les données ont été analysées selon le plan d’expérience S<G2>*O2 dans lequel les
lettres S, G, O renvoient respectivement aux facteurs Sujet, Groupe (G1= groupe ayant
bénéficié de la lecture des textes ressources avec prise de notes ; G2= groupe ayant bénéficié
de la lecture des textes ressources mais sans prise de notes), Origine (O1= ajout issu des
textes ressources ; O2= ajout issu des connaissances antérieures des participants).
L’interaction des facteurs Groupe et Origine indique que la différence entre les ajouts
issus des textes ressources et des ajouts issus des connaissances antérieures des participants
varie en fonction des groupes. Le groupe G1 a produit plus d’ajouts issus des textes que le
groupe G2 (39,3 vs 31,75). En revanche, les participants du groupe G2 ont produit davantage
d’ajouts issus de leurs connaissances antérieures que les participants du groupe G1 (8,85 vs
6,45) (voir Figure 5). Ainsi, l’hypothèse H3 est validée.
86
Les données ont été analysées selon le plan d’expérience S<G2>*T2 dans lequel les
lettres S, G, T renvoient respectivement aux facteurs Sujet, Groupe (G1= groupe ayant
bénéficié de la lecture des textes ressources avec prise de notes ; G2= groupe ayant bénéficié
de la lecture des textes ressources mais sans prise de notes), Traitement (T1= ajout copié ;
T2= ajout retraité).
Le facteur Traitement est significatif. Il indique la supériorité des ajouts retraités sur
les ajouts copiés (20,42 vs 15,1), et ce, indépendamment des groupes (voir Figure 6).
L’interaction des facteurs Groupe et Traitement indique que la moyenne des ajouts
retraités du groupe G1 est supérieure à celle du groupe G2 (20,9 vs 19,95). De même, c’est le
groupe G1 qui a également produit plus d’ajouts copiés des textes ressources que le groupe
G2 (18,4 vs 11,8) (voir Figure 7). Les résultats ont ainsi validé l’hypothèse H4.
87
Les résultats obtenus dans le cadre de notre recherche nous ont permis de constater
l’effet positif de la lecture des textes ressources sur la replanification du 1er jet lors de sa
réécriture. Les participants des deux groupes G1 et G2, groupes ayant bénéficié de la lecture
de ces textes, avec ou sans prise de notes, ont amélioré leur 1er jet. Ils y ont ajouté des idées et
arguments très pertinents. En revanche, les participants du groupe témoin G3 ont produit
beaucoup plus d’ajouts moyennement ou peu pertinents et d’ajouts non pertinents que
d’ajouts très pertinents. Autrement dit, les participants des deux premiers groupes ont retraité
sémantiquement leur texte en y insérant de nouvelles idées et de nouveaux arguments tout en
le replanifiant pour répondre à la consigne de l’activité de réécriture qui était de rendre leur
argumentation plus convaincante. En procédant à la réécriture du 1er jet, ils étaient ainsi
appelés à le replanifier pour en préserver ce qu’ils souhaitaient et, en même temps, à y
intégrer les nouveaux arguments. En revanche, les participants du groupe témoin (G3), qui ont
produit plus d’ajouts peu ou non pertinents, se sont contentés de reformuler leurs idées
contenues dans le 1er jet alors que la consigne leur demandait clairement de rendre plus
convaincante leur argumentation.
Aussi, la lecture des textes ressources a eu plus d’effet quand elle a été accompagnée
d’une tâche de prise de notes. La prise de notes a en effet davantage favorisé la réécriture en
ce sens qu’elle a eu un impact sur le nombre et le niveau de pertinence des ajouts. Ainsi, les
participants du groupe G1, ayant pris des notes en lisant les textes ressources, ont produit plus
d’ajouts et leurs ajouts très pertinents étaient plus nombreux que ceux des participants du
groupe G2, groupe ayant lu les textes sans prise de notes. Dans notre expérimentation, la prise
de notes était un procédé mnémotechnique, aidant les apprenants à mémoriser les idées
repérées lors de la lecture des textes ressources. Il semble qu’elle a également favorisé la
sélection et la hiérarchisation des informations pertinentes à réutiliser lors de la réécriture du
1er jet. C’est ce qui explique le nombre plus élevé des ajouts très pertinents chez les élèves du
groupe G1.
Par ailleurs, l’effet des textes ressources se manifeste particulièrement dans l’origine
des ajouts produits par l’ensemble des participants des deux groupes G1 et G2. Les
participants de ces deux groupes ont, dans l’ensemble, replanifié leur 1 er jet en se basant sur
les arguments extraits des textes lus quelques jours avant la réécriture. Le nombre d’ajouts
issus de ces textes est considérablement plus élevé que celui des ajouts originaux issus des
connaissances antérieures des participants.
88
La prise de notes constitue un facteur significatif quant à l’origine des ajouts. C’est le
groupe G1 qui a produit davantage d’ajouts provenant des textes ressources, comparativement
au groupe G2, qui en a produit moins et qui a, en même temps, produit plus d’ajouts issus des
connaissances antérieures des apprenants que le groupe G1. Il semble ainsi que les
participants ayant lu les textes avec prise de notes (G1) se sont basés plus sur leur prise de
notes pour réécrire. Les participants qui ont lu sans avoir pris des notes (G2), et du fait qu’ils
ont réécrit sans avoir les textes sous les yeux, ont dû se rappeler les idées repérées dans les
textes lus quelques jours auparavant, mais ils ont aussi activé leurs connaissances antérieures
pour pallier la non disposition des textes ressources lors de la réécriture de leur texte. Ces
connaissances, et du moment qu’elles n’étaient pas contenues dans le 1er jet, seraient ainsi
activées par la lecture des textes ressources, et donc là aussi nous constatons l’effet de la
lecture de ces textes sur la réécriture. En d’autres termes, en lisant des textes ressources
traitant du même sujet que celui de la production demandée, les apprenants y puisent des
idées, mais ces idées pourraient, de surcroît, activer dans leur mémoire des connaissances
référentielles en rapport avec le sujet.
La lecture des textes ressources a également exercé un effet positif sur les stratégies de
(re)planification employées par les participants de notre expérimentation. Nous avons
constaté que les participants des deux groupes G1 et G2 ont, dans l’ensemble, procédé à un
retraitement sémantique et linguistique des ajouts issus des textes ressources en vue de leur
intégration de façon cohérente dans leur texte. Le nombre d’ajouts retraités est plus élevé que
celui des ajouts copiés, et ce, indépendamment des groupes. Ce résultat s’expliquerait par le
fait que les participants ne disposaient pas de ces textes lors de la réécriture. À noter que la
tâche de lecture des textes a été clairement finalisée, la consigne ayant été de chercher des
arguments intéressants à réutiliser, quelques jours plus tard, lors de la réécriture. Un grand
nombre d’ajouts a ainsi fait l’objet d’un traitement compatible avec la « stratégie des
connaissances transformées », évoquée plus haut.
Cependant, les participants du groupe G1 étaient ceux qui avaient produit le plus
d’ajouts « copiés » des textes ressources et « collés » tels quels sur les textes produits que
ceux du groupe G2. Bien que nous n’ayons pas procédé, dans le cadre de cette recherche, à
une analyse des prises de notes des participants du groupe G1, nous supposons, compte tenu
des travaux antérieurs (Sebane & Legros, 2008), une corrélation entre la qualité des notes
prises et la stratégie de planification adoptée. Les élèves qui avaient copié des passages des
textes ressources lors de la prise de notes auraient copié sur leur texte ces mêmes passages
sans passer par leur transformation. À l’inverse, ceux qui s’étaient servi de la tâche de prise de
notes pour noter des mots-clés renvoyant aux arguments repérés et sélectionnés seraient ceux
qui avaient procédé à la transformation de ces idées en vue de leur intégration avec cohérence
dans leur production.
En conclusion, le bilan général de cette étude montre un effet positif de la lecture des
textes ressources, comme moyen d’enrichissement de la base de connaissances des apprenants
scripteurs, en phase de révision et avec une tâche de prise de notes, sur la replanification du
texte initial. À la différence des activités linguistiques classiques (lexique, orthographe,
syntaxe…), la lecture des textes ressources engage les scripteurs dans un retraitement
sémantique de leur version originale favorisant ainsi sa replanification.
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df
Sebane, M., & Legros, D. (2008, soumis). L’effet de la prise de notes dans deux situations
d’apprentissage (cours magistral vs lecture du polycopié) sur la réécriture d’un texte
scientifique en L2 chez des étudiants de master algérien. Annals of the University of
Craiova, Series Philology, Linguistics.
Texte 1
Pour moi, ce n’est pas une mauvaise chose en soi que l’élève ait un portable. Au
contraire, grâce au portable, l’élève et ses parents maintiennent le contact. En effet, nombre de
parents achètent un mobile à leur enfant pour garder un lien avec lui. Cela leur donne un
sentiment de sécurité. Cependant, je pense que cet appareil doit rester à la maison pour
plusieurs raisons. D’abord, parce que la tentation de l’utiliser en cours accélère le décrochage
des élèves déjà en difficulté qui se réfugient dans leurs textos pendant les cours. En plus, avec
Internet incorporé à leur mobile, donnant accès à des sites pornographiques et des contenus
illicites, certains élèves passent leur temps à surfer en classe au lieu de se concentrer sur les
cours. Enfin, le portable est un instrument redoutable de fraude à la disposition des élèves.
Non seulement ils se servent des calculettes incorporées dans les appareils mais ils peuvent
aussi communiquer avec l’extérieur lors des épreuves d’examens pour se faire dicter les
réponses aux sujets. C’est pourquoi, j’estime qu’il faut interdire le téléphone mobile à l’école.
Texte 2
Il est clair qu’il faut éteindre le portable en classe ou du moins le mettre en mode
silencieux car s’il sonne en plein milieu de la leçon, cela va perturber le cours et exaspérer le
professeur. Cependant, dans la cour, je ne vois pas qui cela dérange. Et même en classe,
utiliser le portable pour voir quelle heure il est ne peut, à mon avis, perturber le cours ou
déranger personne. Il faut vivre avec son temps, les jeunes d’aujourd’hui ne mettent plus de
montre. Ils préfèrent se servir de leur portable qui est devenu pour eux la chose à tout faire.
De même, envoyer ou recevoir un sms entre les cours, dans les couloirs ou pendant la
récréation ne dérange pas pour autant les études. Donc, je dis qu’interdire complètement le
portable à l’école c’est entraver la liberté individuelle et porter atteinte au droit des jeunes
d’aujourd’hui à accéder aux nouvelles technologies. Au lieu de l’interdire, il faudrait plutôt
penser à la réglementation de son usage au sein des établissements scolaires.
Texte 3
Chapitre 7
François SAWADOGO
1. Introduction
1
Recherche réalisée dans le cadre d’une thèse conduite au Burkina Faso (Université de Paris 8), direction D.
Legros.
93
notre travail. Notre recherche sur le rôle des contextes culturels et linguistiques sur la co-
planification et la co-écriture s’inscrit dans les tentatives d’analyse des implications de ces
nouveaux cadres d’apprentissage au niveau du modèle classique de production de textes.
2. Le concept de Littératie
La notion de systèmes d’aide peut être définie comme tout dispositif supplémentaire
mis en place dans le cadre d’un processus d’apprentissage, qui peut porter sur des activités de
compréhension ou de production, afin d’aider les apprenants à réaliser de manière optimale
l’activité dans le cadre de la zone proximale de développement (ZPD) définie par Vygotski
(1934).
Avec l’expansion des TICE, de nouvelles possibilités pour les aides aux
apprentissages se sont aussi développées. Ces systèmes d’aide sont de deux types : ceux dits
systèmes d’aide fermés et ceux dits systèmes d’aide ouverts.
Dans le premier type, nous retrouvons les closed hypertext systems et les systèmes de
questionnement fermé (Rouet & Vidal-Abarca, 2002). Les systèmes hypertextuels permettent
de rompre la lecture linéaire d’un texte pour accéder à des sources complémentaires
d’informations dont le but est d’aider à une meilleure compréhension du texte et de
développer les capacités d’apprentissage (Charney, 1994 ; Legros & Crinon, 2002 ; Rouet &
Levonen, 1996).
94
Si ces systèmes fermés d’aide sont efficaces pour certains sujets, ils sont statiques et,
une fois conçus et réalisés, ils ne permettent pas d’introduire de nouveaux nœuds ou de
nouveaux liens. Ils ne sont pas adaptables et peuvent avoir un niveau d’utilité relativement
faible en fonction du contexte de la tâche, du contexte linguistique, du sujet et de ses objectifs
personnels.
L’ensemble de ces aides de type closed systems visent à développer, chez les élèves, la
compétence à inférer et donc à élaborer les relations de causalité entre les informations
indispensables à la construction de la signification globale et cohérente du contenu du texte.
Les résultats ont montré que les élèves qui bénéficient d’une aide à l’inférence sont capables,
non seulement d’améliorer leur production sur le plan quantitatif, mais aussi sur le plan
qualitatif en produisant davantage d’informations vraies.
Dans les situations diglossiques, des travaux récents (Cordier, Legros, Maître de
Pembroke & Noyau, 2003 ; Sawadogo & Legros 2005) indiquent que la prise en compte du
contexte linguistique dans ces systèmes d’aide améliore leur efficacité. En effet, ces travaux
montrent que l’utilisation de questionnement, en l’occurrence de type causal en langue L1
plutôt qu’en langue L2, chez des sujets en situation diglossique, permet une meilleure
activation des connaissances générales et la génération d’inférences causales permettant la
construction de la cohérence globale du texte et donc, l’amélioration de la production écrite en
langue L2.
Le second type constitué par des systèmes ouverts d’aide, vise à favoriser l’émergence
des inférences nécessaires à la compréhension ou à la réalisation d’une tâche de production
écrite sans cloisonner les possibilités d’activation de connaissances et de génération
d’inférences.
Ces systèmes d’aide qui sont mis en œuvre dans des situations de co-compréhension et
de co-écriture sont essentiellement fondés sur les échanges et la mutualisation des
connaissances. Dans le cadre de notre recherche, nous utilisons ce type de systèmes d’aide en
introduisant une activité de questionnement libre (L1 vs L2) dans le but d’améliorer la co-
planification et donc la production écrite en L2.
Ces caractéristiques sont, en effet, des facteurs indispensables pour comprendre les
activités de co-compréhension et de co-construction de connaissances via la co-écriture à
95
distance en contexte diglossique et plurilingue (Hoareau et al., 2006). Leur prise en compte
entre dans le cadre d’une conception de la littératie du monde de la connaissance dans la cité
mondialisée (Lyman-Hager, Johns, Nocon & Davis, 2002).
4. Présentation de la recherche
Le but de cette recherche est d’étudier l’effet des questionnements entre partenaires
distants via internet sur l’activité de planification dans une tâche de production de textes
explicatifs en langue seconde et en contexte diglossique.
Les travaux conduits par l’équipe (N)TIC, Contextes, Langages et Cognitions1 ont
permis de montrer que l’utilisation de liens hypertextes ou de questionnements en langue
maternelle (L1) (Legros, Boudechiche, Legros & Hoareau, 2006) favorise la compréhension
de textes en langue seconde (L2) en contexte plurilingue et pluriculturels (Legros, Hoareau,
Boudechiche Makhlouf & Gabsi, 2007). Nawal Boudechiche 2 a étudié chez des adultes
bilingues algériens l’effet de deux types de questionnement d’aide à la compréhension de
texte explicatif en L2 (français) : questions portant sur les connaissances évoquées par le texte
(G1) et renvoyant au modèle de situation versus questions portant sur le contenu du texte (G2)
et de la langue utilisée dans les questionnaires (L1, arabe vs L2, français). Les résultats
indiquent un effet du type de question (question macro vs question micro) et de la langue
utilisée dans ces questions (langue maternelle L1, arabe vs langue française L2) sur la
relecture, le retraitement et le second rappel. En effet, les sujets qui utilisent la langue L1
produisent plus d’ajouts et donc activent davantage de connaissances lors d’une relecture du
texte consécutive aux réponses aux questionnaires.
Ces données sont compatibles avec les travaux qui ont montré la pertinence du modèle
fondé sur le couplage de la théorie de la Mémoire de Travail à Long Terme (MTLT) (Ericsson
& Kintsch, 1995) et du modèle “ Construction-Intégration ” de Kintsch (1988) pour rendre
compte de l'interaction entre le texte et les structures mémorielles du sujet dans le cas des
apprentissages plurilingues (Hoareau & Legros 2006). Les réponses aux questions en langue
maternelle portant sur le modèle de situation favorisent l’activation de ces structures
mémorielles et donc facilitent l’activation des connaissances lors de la relecture, du
retraitement et du rappel du texte. Ces travaux permettent de concevoir des systèmes
multimédias (closed hypertext systems) d’aide à la compréhension en situation plurilingue et
en contexte numérique.
Dans le domaine des aides à la production de textes, les travaux de l’équipe ont utilisé
le paradigme de la révision ou de la réécriture de texte en vue d’étudier les effets de
l’interaction de la langue maternelle L1 et de la langue seconde L2 lors de la production de
texte en contexte plurilingue (Hoareau, Legros, Gabsi, Makhlouf & Khebbeb, 2006). Ces
travaux ont mis en évidence le rôle de la langue maternelle utilisée dans les textes d’aide sur
la révision et la réécriture à distance d’un texte explicatif en langue L2 (Marin & Legros,
2006).
La présente recherche, conduite au Burkina Faso, porte, non plus sur les aides à la
réécriture, mais sur les aides à la production de textes explicatifs en langue L2 en contexte
diglossique. Elle vise à tester l’effet de questionnements à distance via Internet élaborés par
des élèves (en L1 vs L2) sur l’activité de planification. Elle s’inscrit dans les travaux sur la
1
http://classe-numerique.cite-sciences.fr/numeral/textes/
2
Expérience conduite dans le cadre de la thèse de Mme Nawal Boudéchiche (Ecole doctorale, Université d’El
Tarf).
96
5. L’expérience
L’expérience a consisté à faire réaliser à des groupes de sujets, et dans des contextes
linguistiques différents, un travail d’élaboration de questions qui ont guidé une recherche
d’information sur Internet en vue d’élaborer un texte explicatif sur le thème de l’eau potable.
De nombreux travaux ont mis en évidence les effets du questionnement sur la (co)
compréhension, la (co)écriture et la (co)construction de connaissances. Pour Graesser et
Franklin (1990), le questionnement de type causal est le point de départ de la construction des
connaissances causales sur un phénomène, une tâche ou une procédure. Dans le “QUEST
model ” (Graesser & Franklin 1990), les questions entraînent une activation de nœuds directe
ou contextuelle liée au champ de connaissances.
L’hypothèse générale est que la langue (langue maternelle L1 vs langue seconde L2)
exerce un effet sur le type de questions élaborées par les élèves et donc sur la qualité de
l’activation des connaissances lors de l’activité de planification.
5.1. Méthode
Participants
1
Tous nos remerciements aux différentes administrations et aux élèves du collège d’enseignement bilingue de
Loumbila et du collège Nelson Mandela qui ont participé activement à la réalisation de cette étude
97
Matériel
Un ordinateur avec connexion Internet pour chaque groupe. Une liste de sites éducatifs
sur l’eau (inspirée de la liste élaborée par le groupe de travail sur l’eau GDR CNRS IUFM).
Procédure
Questionnement
Le travail d’élaboration de questions s’est fait en langue L1 pour une partie des
groupes et en langue L2 par les autres groupes.
Chaque groupe de cinq sujets établit une liste de questions. Les discussions dans les
groupes (GBL1 et GBL1_I) sont en langue L1 et les écrits (liste des questions) ont été
produits en L1. Les discussions dans les groupes de sujets (GL2 et GL2_I) se sont faites en
langue L2 et la liste des questions produites en langue L2.
La recherche d’informations s’est faite sur des sites internet éducatifs traitant de la
question de l’eau dans deux conditions expérimentales :
- une condition dite interactive qui consiste pour les groupes de sujets (i) à échanger
via Internet leurs questions et réagir sur les questions avec un groupe de sujets distant (ii) à
rechercher des informations sur les sites Internet éducatifs sur l’eau.
- une condition dite non interactive où les groupes de sujets effectuent uniquement la
recherche sur Internet sans échanger avec un groupe distant
Les groupes ont échangé leurs propositions sur le choix, la pertinence et l’importance
des informations à sélectionner et à retenir (co-planification) avant de mettre en mots et de co-
écrire leur texte.
98
5.2. Résultats
1ere analyse : Effet de l’échange lors du questionnement entre groupes de pairs via
internet sur la production
En ce qui concerne les ajouts d’idées pertinentes par rapport à ceux évoqués lors de la
phase de questionnement, le facteur groupe est significatif F(3,50) =60,84 p<.05. Le nombre
moyen d’ajouts faits par les sujets de groupe bilingue qui ont échangé avec un groupe distant
est supérieur à celui de ceux du groupe bilingue sans échange (6.5 vs 0).
Au niveau des groupes de sujets qui utilisent uniquement la langue L2, l’analyse des
effets de l’échange à distance montre qu’au niveau des propositions pertinentes produites
(P1), le facteur Groupe est significatif F(1,44) = 648 p<.05. Les sujets du groupe GL2_I qui
échangent avec un groupe distant obtiennent un nombre moyen de P1 supérieur à celui du
groupe GL2 sans échange distant (13 vs 1).
L’analyse des productions des groupes interactifs montre que, pour le nombre de
propositions pertinentes produites P1, le facteur groupe est significatif F (0,0004) = 18 p<.05.
Les sujets qui utilisent la langue L1 et échangent avec un groupe distant ont une production
moyenne (P1) supérieure à celle des groupes qui utilisent uniquement la langue L2 (15 vs 13).
99
En ce qui concerne les propositions reproduites sans traitement (P2), le facteur Groupe
est également significatif F (2,32) = 88,2 p<.05. Le nombre de propositions P2 diffère selon
les groupes, les sujets du groupe GBL1_I ont en moyenne moins de propositions copiées sans
traitement P2 que ceux des groupes GL2_I (1 vs 4)
L’analyse des ajouts d’idées pertinentes montre que l’effet Groupe est F (3,50)= 60 84
p<.05. Les sujets des groupes GBL1_I font en moyenne plus d’ajouts que ceux des groupes
GL2_I (6,5 vs 0).
16
14
12
P roduc tions
m oyennes
10
8
6
4 G B L 1_I
2 G L 2_I
0
P1 P2 A
T ype s de produc tions (propos itions (P 1
&P 2), ajouts
Interprétation
A propos de l’effet des échanges sur les questions via internet avec des pairs sur la
production de connaissance, nous faisions l’hypothèse que l’échange améliorerait le processus
de planification donc la production des groupes qui échangent avec un groupe distant serait
supérieure à celle des groupes qui n’ont pas eu d’échanges sur leurs questions.
Les résultats montrent une différence significative, que ce soit chez les sujets qui ont
utilisé la langue L1 ou chez ceux qui ont utilisé uniquement la langue L2, entre les groupes
qui ont échangé et les groupes sans échange avec un groupe distant. Les sujets GBL1_I font
plus de traitement des informations collectées et produisent plus de propositions pertinentes
que les sujets GBL1 (prédiction 1 validée). Ces sujets GBL1_I reproduisent moins de
propositions non traitées (P2). Ils font également plus d’ajouts pertinents à la production du
texte par rapport à la phase de questionnement (prédiction 3 validée).
Il en est de même au niveau des groupes de sujets utilisant uniquement la langue L2.
Les sujets GL2_I font plus de traitement des informations collectées et produisent plus de
propositions pertinentes que les sujets GL2, sauf au niveau des ajouts (A) où il n’y a pas de
différence notable entre les ajouts au niveau de ces groupes. Cependant on note que les sujets
GL2 qui n’ont pas eu d’échanges avec un groupe de pairs distant ont essentiellement reproduit
dans leur texte des propositions copiées sur les sites sans traitement, ceci en laissant plusieurs
idées pertinentes qu’ils avaient évoquées à la phase de questionnement. Ces sujets, en
100
Les résultats montrent que l’utilisation de la langue L1 (sujets GBL1_I) lors des
discussions et du questionnement a un effet favorisant du point de vue du processus de
planification en termes d’activation et d’organisation et de restructuration des idées.
Les sujets GBL_I ont mieux traité les informations collectées en fonction de leur
questionnement et produisent plus de propositions pertinentes et plus d’ajouts pertinents. Il y
a une meilleure appropriation des connaissances puisqu’ils reproduisent moins de
propositions non traitées que ceux du groupe GBL2_I.
6. Bilan et perspectives
Le résultat de ce travail, qui fait suite à plusieurs travaux de recherches menés sur
l’effet de la langue maternelle L1 en situation de diglossie sur les processus cognitif
d’apprentissage et de construction des connaissances, renforce l’hypothèse selon laquelle la
langue d’activation notamment la langue L1 permet de réduire le coût cognitif de traitement
réalisé au sein de l’espace de résolution de problème (Hoareau & Legros, 2006).
Cette recherche montre un rôle que pourrait jouer la langue L1 dans les situations
d’apprentissage et de co-construction de connaissances à distance. L’association de la langue
L1 à la L2 dans des situations d’interaction via internet permet au sujet bilingue d’améliorer
le processus de planification (Bereiter et Scardamalia, 1986 ; Hayes & Flower, 1980 ;
Schneuwly, 1988), par une meilleure activation et une meilleure organisation des
connaissances activées et, partant, une meilleure compréhension et une meilleure construction
des connaissances.
Nos résultats, qui vont dans le sens de ceux obtenus par des travaux récents sur la co-
révision à distance (Hoareau, Legros, Gabsi, Makhlouf & Khebbeb, 2006), ouvrent des
perspectives quant à la compréhension du rôle que pourrait jouer la langue L1 dans les
situations de co-construction à distance et aux fondements de nouvelles approches didactiques
qui prennent en compte les différences contextuelles.
pour résoudre les déficits énormes en offre éducative et de formation, ce qui incite à la mise
en œuvre de formation à distance et d’espace de travail collaboratif via internet. Mais très
souvent, la dimension culturelle et linguistique est ignorée. Nos résultats, qui montrent l’effet
de systèmes d’aide en langue L1 sur la construction de connaissances, invitent à prendre en
compte ces facteurs dans le cadre de l’ingénierie de la formation dans ces nouveaux
dispositifs de formation.
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104
Chapitre 8
Mounia SEBANE
Cette recherche présentée dans ce chapitre a pour objectif d’analyser l’effet de la prise
de notes dans deux situations de prise d’information de tradition universitaire (le cours
magistral et la lecture d’un polycopié) sur la compréhension et sur la réécriture d’un texte
explicatif en langue L2.
Notre étude s’inscrit dans le cadre des travaux menés par l’équipe « TICE Contextes,
Langage et cognition » qui vise à mettre en place une base de données dans des contextes
linguistiques et culturels divers et à élaborer des aides à la compréhension et à la réécriture
des textes scientifiques en langue étrangère.
La prise de notes (PDN) présente des caractéristiques particulières qui font d’elle un
écrit bien spécifique. Elle implique en effet l’activation simultanée de plusieurs processus
inhérents à la compréhension, à la production et à la réécriture. En effet le noteur doit d'abord
repérer les informations importantes et les noter dans le but de les réutiliser lors de la
réécriture.
Le cadre théorique de notre expérimentation s’est inspiré des modèles références sur la
compréhension (Kintsch & Van Dijk, 1978 ; Van Dijk & Kintsch, 1983) et sur la réécriture
(Bereiter & Scardamalia, 1987) des rédacteurs experts en l’occurrence des étudiants algériens
inscrits en master d’économie.
L’activité de compréhension d’un texte explicatif est difficile surtout quand le texte
présente des informations qui obligent le lecteur ou l’auditeur à activer des connaissances sur
le monde évoqué par le texte. Ce type de textes se caractérise par un vocabulaire spécifique,
par des structures textuelles nouvelles (objectivité, précision, concision, anaphores,
vocabulaire abstrait, effacement de l’auteur, par des structures syntaxiques complexes (la
forme passive, la nominalisation) et par une ponctuation bien spécifique : deux points, les
guillemets, les parenthèses.
1
Recherche conduite par Mounia Sebane sous la direction de Denis Legros et Claude Springer dans le cadre de
sa thèse de didactique du français et soutenue le 20 décembre 2008 à l’université de Mostaganem.
105
de causalité du monde physique (Jamet, Legros & Pudelko, 2004) en langue maternelle et les
transposer en langue L2.Notons également que les étudiants ont des connaissances acquises
en langue arabe.
Ce qui rend l’activité inférentielle (Mckoon & Ratcliff, 1995) difficile pour l’étudiant
étant donné qu’il éprouve des difficultés pour accéder aux connaissances indispensables à la
construction d’un modèle de situation implicite au contenu sémantique du texte, à
sélectionner et hiérarchiser les informations importantes et pertinentes et à construire la
cohérence de ces informations textuelles. (Kintsch, 1988 ; 1998). La construction de la
représentation de chaque information fournie par le texte étant nécessaire afin de construire la
cohérence de la signification globale du texte (macrostructure).
Le noteur doit donc comprendre ce qu’il entend ou ce qu’il lit en mettant en œuvre les
mêmes processus que ceux qui interviennent dans l’activité de compréhension de texte.
Rappelons que Kintsch (1998) définit la compréhension comme une activité cognitive qui
opère sur différents niveaux de la représentation du contenu sémantique du texte: la surface
textuelle, la base de texte (microstructure et macrostructure) et le modèle de situation. De
plus, les connaissances antérieures du lecteur sont activées lors de la construction de la
cohérence de la signification globale du texte (la macrostructure).
Le noteur fait le lien entre ses connaissances activées et les informations qu’il entend
ou lit. C’est ainsi qu’il met en œuvre les différents processus inhérents à la compréhension
d’un texte explicatif. Il hiérarchise et sélectionne les informations entendues ou lues en
utilisant les procédés de suppression, de soulignement, de fléchage, de numérotation. Selon
Piolat et ses collaborateurs (2003), ces procédés sont employés par les étudiants contraints par
exemple, pour la préparation d’un examen de résumer en une seule page les informations
présentées dans un document.
On retrouve dans l’activité de prise de notes les mêmes facteurs de variabilité que dans
l’activité de compréhension. La diversité des connaissances antérieures stockées en mémoire
et activées, les difficultés de compréhension, variables d’un sujet à l’autre, en fonction de
multiples facteurs se retrouvent dans la situation de prise de note. De plus, les deux situations
de prise de notes contribuent à accentuer les facteurs de variabilité interindividuelle et les
différences de traitement d’un noteur à l’autre sont ainsi accentuées (Kiewra & Benton, 1988).
De ce fait, le noteur construit des représentations très variées entre la prise de notes
d’informations entendues lors d’un cours magistral et celle d’informations lues lors du
traitement d’un texte présenté sur un polycopié. Les individus traitent en effet l’information
en fonction de leur niveau de connaissances antérieures, et le temps de traitement varie en
fonction de ce niveau de connaissances.
forme et de réécrire un texte. Dans la lecture et la prise de notes du cours polycopié, les
différents traitements du texte sont différents en raison des contraintes de temps différentes.
L’hypothèse générale que nous avons posée dans ce chapitre est la suivante : le cours
magistral (CM) présente des effets positifs sur la compréhension et par conséquent sur la
qualité des notes produites par les étudiants et sur la qualité du retraitement lors de la
réécriture d’un texte explicatif. Les ajouts résultant de l’activité inférentielle constituent un
indice des processus cognitifs activés par les apprenants et permettent à l’enseignant de
proposer des outils didactiques adéquats pour développer l’activation de ce type de processus.
2. Méthode
Participants à l’expérimentation
Les participants sont des étudiants de master en économie, âgés de 22 ans à 50 ans. Ils
sont répartis de façon aléatoire dans deux groupes expérimentaux.
Le niveau en langue L2 des participants a été évalué non seulement sur la base des
notes obtenues en 1ere année de cursus de licence dans le module de français, mais aussi à
l’aide du test CLES (test en ligne selon les items du Cadre Commun Européen de Références
des Langues, CECR).
Matériel expérimental
Dans une deuxième séance, les étudiants du groupe G1 suivent un cours magistral
(CM) présenté par un spécialiste de la question. Il est demandé aux participants de prendre en
notes les informations qu’ils jugent les plus importantes sur le contenu du cours.
107
Au cours d’une troisième séance, les deux groupes (CM et POLY) réécrivent un 2ème
jet de leur texte à l’aide des notes prises lors de l’écoute du cours magistral et de la lecture du
cours polycopié.
Séance 1 (G1, G2)
Tâche Production d’un texte sur « Les causes et les conséquences de la mondialisation » (1h)
Consigne
« Vous allez écrire un texte qui analyse et explique les causes et les conséquences de
la mondialisation. Réfléchissez très attentivement et écrivez de la manière la plus claire, la
plus précise et la plus complète possible un texte qui explique tout ce que vous savez sur ce
thème afin que votre texte puisse aider un non spécialiste en économie à comprendre ce
phénomène ».
Séance 2G1
Tâche Écoute du cours magistral et prise de notes (1h30).
Consigne
« Écoutez très attentivement le professeur qui présente un cours magistral sur «Les
causes et les conséquences de la mondialisation». Soyez très attentifs et
Prenez en notes sur une feuille de brouillon les informations qui vous paraissent les plus
importantes et qui peuvent vous aider à comprendre le phénomène. Vous aurez besoin de vos
notes pour la suite du travail ». Indiquez vos nom et prénoms sur la feuille de brouillon.
Séance 2 G2
Tâche Lecture du texte polycopie et prise de notes (1h30).
Consigne
« Je vais vous distribuer un polycopié qui traite et explique les causes et des
conséquences de la mondialisation. (Le polycopié est retourné sur la table).
Attention, vous ne devez lire qu’une seule fois, très attentivement le polycopié.
Prenez en notes les informations qui vous paraissent les plus importantes sur une feuille de
brouillon et qui peuvent vous aider à comprendre le phénomène. Vous aurez besoin de vos
notes pour la suite du travail ». Indiquez vos noms et prénoms sur la feuille de brouillon.
vous avez écrit au cours de la 1ère séance sur les causes et conséquences de la
mondialisation. Á partir de ces deux supports, rédigez un nouveau texte cohérent, riche,
précis et intéressant sur le thème de la mondialisation. Indiquez également vos noms et
prénoms.
Essayez d’être le plus clair, le plus précis et le plus cohérent possible. N’oubliez pas que
votre texte vise à expliquer le phénomène à des personnes qui n’ont pas suivi le cours et qui
doivent comprendre le phénomène. Vous devez enrichir et préciser davantage la première
version de votre texte que vous devez réécrire et améliorer en vous aidant de vos notes prises
lors de l’audition du cours magistral ». Indiquez également vos noms et prénoms.
Méthode d’analyse
Nous avons procédé à l’analyse des informations ajoutées lors de la réécriture du texte
explicatif à l’aide de l’analyse propositionnelle (Kintsch, 1974). Cette analyse permet de
décomposer les informations ajoutées en unités de signification minimale, c’est-à-dire en
propositions sémantiques composées d’un prédicat (verbe ou adjectif) et de n arguments
(agent, instrument, objet). Une proposition peut devenir argument d’une autre proposition et
un texte peut être présenté et hiérarchisé sous forme d’une suite de propositions. La cohérence
inter propositionnelle (microstructure) est marquée par le chevauchement d’un argument
commun à deux propositions.
3. Principales hypothèses
Hypothèse 1
Nous avons posé comme hypothèse H.1 que les étudiants qui ont suivi le cours
magistral (G1) vont prendre globalement plus de notes que ceux qui lisent le cours polycopié.
Nous avons supposé en effet que l’écoute du cours favorise le traitement sémantique et la
compréhension du texte.
109
Hypothèse 2
Nous supposons que les participants du groupe G1, grâce à l’effet « CM » traitent
davantage le niveau sémantique du contenu du cours et réactivent plus de connaissances sur le
domaine évoqué par le cours que les participants du groupe G2. Nous nous attendons à ce
qu’ils sélectionnent dans les notes prises davantage d’informations très importantes (I1) que
les participants du groupe G2 qui ont lu le texte polycopié.
Hypothèse 3
Nous supposons que les participants sont capables de sélectionner les informations en
fonction de leur niveau d’importance relative en raison de leur expertise dans le domaine
économique et donc qu’ils prennent en notes les informations les plus importantes.
Nous attendons une interaction des facteurs Groupe et Type d’ajouts. Nous supposons en effet
que les sujets du groupe G1 (CM) rajouteront plus d’informations Très pertinentes lors de la
réécriture que les sujets du groupe G2 (Poly).
Hypothèse 4
Nous supposons que les étudiants d’un bon niveau en langue L2 vont traiter les
informations entendues (CM) lors du cours magistral (G1) ou lues lors de la lecture du
polycopié (G2) vont lire le texte d’aide, replanifier, c’est-à-dire réactiver les connaissances à
mettre en mots d’une façon plus efficace que les sujets d’un moins bon niveau en langue L2.
Et donc, nous faisons l’hypothèse qu’ils produiront plus d’ajouts.
4. Principaux résultats
Les résultats ont été analysés selon le plan S15 <G2> * I3 dans lequel les lettres S, G,
P renvoient respectivement aux facteurs Sujet (facteur aléatoire), Groupe (G1 = CM;
G2 = Polycopié); Niveau d’importance (I3 = Très important ; I2 = Moyennement important;
I1 = Peu ou Non important) des notes prises lors du CM et de la lecture du polycopié.
Les résultats obtenus montrent que les participants du groupe G1 ont tendance à
produire globalement, tout type étant confondu, plus de notes que les participants du groupe
G2 (25,044 vs 19,889). Cependant la différence n’est pas significative P>1 (voir Tableau 1 et
Figure 1).
27
25
23
Série1
21
19
17
15
G1 G2
Le facteur Types de notes est significatif : F (1,28) =15,977 <.0001. Les notes
produites de type Très important (32,1) sont significativement supérieures à celles de type
Moyennement important (19,767) et celles de type Peu important (17,033), (voir Tableau 2 et
Figure 2).
moyenne écart
I1: Très important 32,1 17,476
I2 : Moyennement important 19,767 13,513
I3 : Peu important 17,033 12,419
111
35
30
25
20
Série1
15
10
0
I1 I2 I3
Figure 2. Moyennes des différents types de notes produites par l’ensemble des sujets
Cette analyse porte sur la pertinence des propositions ajoutées en fonction du niveau
d’importance des notes produites .Les résultats obtenus ont été réalisées selon le plan S15 <
G2 *N2 > *A3 dans lequel les lettres S, G, N, A renvoient respectivement aux facteurs Sujet
(facteur aléatoire), Groupe
(G1 = CM ; G2 = Polycopié), Niveau (N1 = Sujets ayant produit les notes les plus
importantes ; N2 = Sujets ayant produit les notes les moins importantes), Ajouts (A1 = Ajouts
très pertinents ; A2 = Ajouts moyennement pertinents ; A3= Ajouts peu pertinents).
A1 A2 A3
Moyenne écart Moyenne écart Moyenne écart
G1 40,267 22,011 27,467 13,726 23 20,469
G2 22,2 11,906 51,667 25,39 68,6 26,595
112
70
60
50
40
G1
30 G2
20
10
0
A1 A2 A3
Figure 3. Moyennes des différents ajouts produits par les différents groupe
(A1 = ajouts très pertinents ; A2 = ajouts moyennement pertinents ; A3 = ajouts peu pertinents)
Les participants du groupe G1 qui ont suivi le cours magistral produisent plus d’ajouts
très pertinents (40,267), lors de la réécriture que d’ajouts moyennement ou non pertinents
(25,23). En revanche, les participants du groupe G2 qui ont lu le polycopié produisent plus
d’ajouts moyennement ou peu pertinents (60,13) que d’ajouts Très pertinents (22,200).
Moyenne écart
NL1 42,583 28,549
NL2 34,619 23,183
113
Mean
45
40
35
Mean
30
25
20
15
NL1 NL2
Nous avons supposé dans l’hypothèse H.1, que les étudiants soumis à l’écoute du CM
activent avec l’aide du professeur, plus de connaissances. En effet, l’écoute, selon notre
hypothèse, favorise la sélection et la hiérarchisation des informations présentées par
l’enseignant. Le nombre de notes produites est supérieur à celles produites par les étudiants
qui ont lu le texte. Les résultats obtenus nous permettent de confirmer l’hypothèse selon
laquelle l’audition d’un cours magistral favorise le traitement des informations et en
particulier l’activité de hiérarchisation de ces informations. La prédiction 1 est confirmée
Nous avons formulé dans l’hypothèse H.2, que les participants qui ont suivi le cours
magistral réactivaient plus de connaissances que ceux qui lisent seul le texte polycopié. C’est
effectivement les participants du groupe (G1, CM) qui produisent plus de notes importantes
que les étudiants du groupe (G2, Poly). Nous pouvons conclure que le cours magistral avec
toutes ses caractéristiques (Bouchard & Parpette, 2003) favorise le traitement des
informations et en particulier l’activité de hiérarchisation et de sélection de ces informations.
114
Nous avons supposé (H.3) que les étudiants du groupe G1 qui ont suivi le cours
magistral ajoutent plus d’informations lors de la réécriture de leur 1 er jet que les participants
du groupe G2 qui ont lu le texte polycopié.
Nous avons supposé en effet, que le groupe G1 produit un plus grand nombre d’ajouts
que le groupe G2. Notons que les ajouts sont des indices significatifs pour analyser la
stratégie d’écriture utilisée par ces participants. Cependant, nous observons un résultat
contraire à l’hypothèse H.3 En effet, selon les données obtenues, ce sont les participants du
groupe G2 qui ont produit un plus grand nombre d’ajouts (des ajouts moyennement ou peu
pertinents) que les participants du groupe G1.lors de la réécriture. Donc cette hypothèse n’est
pas confirmée.
Nous prédisions dans l’hypothèse H.4 que les étudiants des deux groupes (G1 et G2)
qui maîtrisent le mieux le français L2 vont produire un texte avec plus d’informations
importantes que leur texte initial. Ils seraient donc capables de retraiter l’information et donc
mieux réécrire. La prédiction 4 est confirmée. Ces résultats sont compatibles avec l’hypothèse
selon laquelle les sujets qui ont un bon niveau de maîtrise de la langue L2 sont les plus
capables de tirer profit des deux situations d’apprentissage (CM vs Poly) et lors de la
réécriture d’ajouter des informations à leur premier jet. En revanche, les participants qui ont
un niveau plus faible manifestent moins de capacités à traiter l’information et à réécrire.
6. Conclusion
Les résultats obtenus nous conduisent à faire une différence entre le traitement du
cours magistral (CM) et celui du polycopié (POLY) de ce cours. Il s’agit de deux types d’aide
à l’apprentissage, et plus précisément d’aides textuelles à la compréhension et à la production
de textes dans deux différentes modalités de prise d’informations. Le fait de suivre un cours
magistral (G1) a conduit les étudiants de ce groupe à extraire un plus grand nombre
d’informations nécessaires à la compréhension. Ce qui n’est pas le cas pour les étudiants du
groupe G2 qui ont moins sélectionné d’informations importantes à la lecture du polycopié.
Par ailleurs, nous avons observé un effet positif du cours magistral sur l’activité de
sélection et de hiérarchisation des informations. Nous pouvons dès lors penser que ces
différences entre le CM et le Polycopié vont s’observer également chez l’ensemble des
115
Nous avons observé des résultats intéressants lorsque nous avons analysé le niveau de
pertinence des propositions ajoutées au 1er jet en fonction des notes produites par les deux
groupes lors de la réécriture du texte documentaire/ scientifique en L2. Les données indiquent
que les étudiants du Groupe G1, produisent plus d’ajouts pertinents, lors de la réécriture du
texte explicatif. Autrement dit, les textes produits par ces étudiants contiennent des
informations plus pertinentes que les textes produits par le Groupe G2.
Ce qui nous amène à conclure que les étudiants qui produisent des ajouts très
pertinents sont ceux qui ont été capables de traiter et de hiérarchiser les informations de
manière plus judicieuse (G1) que ceux qui rajoutent des informations peu importantes (G2).
Ce résultat est confirmé par le fait que les étudiants du groupe G1 ont pris plus de notes
renvoyant à des informations importantes.
L’activité inférentielle favorisée par le traitement auditif (CM, G1) permet aux
étudiants d’activer avec plus d’efficacité les connaissances nécessaires à la signification du
texte. Selon les spécialistes du rôle de la mémoire (voir Blanc & Brouillet, 2004 ; Hoareau &
Legros, 2006 ; 2008), le traitement inférentiel dépendrait de la qualité du fonctionnement de
la mémoire à long terme (MLT) lors de la compréhension (Van Dijk & Kintsch, 1983). Il est
cependant favorisé par le traitement auditif en langue L2 (Marin, Legros & Prodeau, 2007).
Le cours magistral a donc un effet positif sur la qualité des notes produites par les
étudiants et sur la qualité du retraitement lors de la réécriture (Sebane ,2008). L’activité de
retraitement de l’information et de réécriture s’évalue, non pas en fonction du nombre
d’informations ajoutées, mais en fonction de la qualité de celles-ci (le niveau de pertinence
des ajouts).
Le scripteur expert dans le domaine linguistique n’est pas celui qui va produire un
texte long, mais celui qui va produire un texte précis et contenant des informations
pertinentes. Un bon niveau de connaissances en langue et dans le domaine est indispensable
pour produire un texte de bonne qualité informationnelle. L’activité de retraitement et de
réécriture ne doit pas uniquement s’évaluer par le nombre d’informations réécrites, mais par
116
Références bibliographiques
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Van Dijk, T.A., & Kintsch, W.(1983). Strategies of discourse comprehension. New York:
Academic Press.
118
Troisième partie
Chapitre 9
1. Introduction
Les modules proposés dans le cursus universitaire des licenciés en français langue
étrangère visent à favoriser l’appropriation des connaissances linguistiques et littéraires des
étudiants par l’intermédiaire d’un ensemble de supports, notamment des textes à dominante
littéraire, voire narrative (extraits de romans, poèmes, scènes de pièces théâtrales,
autobiographies, récits historiques, essais et critiques).
L’une des difficultés majeures rencontrées par les lecteurs et, en particulier, par les
lecteurs/producteurs de textes en langue seconde réside dans la difficulté à élaborer la
cohérence des significations locales et globales du contenu sémantique du texte. De nombreux
travaux ont mis en évidence l’effet des contextes linguistiques et en particulier de la langue
maternelle sur l’activation des connaissances et l’activité inférentielle lors de la
compréhension de textes documentaires en langue L2 (Boudechiche, Legros, & Hoareau,
2007 ; Hoareau et al., 2006 ; Legros et al., 2007 ; Sawadogo & Legros, 2007). Cependant, peu
1
Recherche de Fatima Zohra Dziri conduite dans le cadre de sa thèse (école doctorale algéro-française). (Équipe
TICE, Contextes, Langage et cognition, Laboratoire CHArt, Université de Paris 8)
120
Dans cette expérience, nous nous référons au modèle de vérité-cohérence (Legros &
Baudet, 1996) qui conçoit la vérité non comme un objet théorique extérieur au système
cognitif de l’individu, mais comme le produit final du processus de référenciation dans le
modèle mental sous jacent au texte et à son contenu sémantique. Lors de cette activité de
référenciation, le lecteur peut attester de la vérité vs fausseté d’une proposition sans pour
autant la confronter au monde physique, mais seulement se contenter d’opérer des relations
avec une autre proposition déjà connue comme vraie ou fausse (Legros & Baudet, 1996).
C’est l’ensemble des propositions jugées vraies qui permet au sujet lors de la lecture d’un
texte explicatif de construire ses connaissances qui, par la suite, s’intègrent dans des systèmes
plus structurés que ceux qui intègrent les croyances (Baudet, Jean Larose et Legros, 1994).
Les résultats attendus permettent alors de mieux comprendre le rôle des « systèmes culturels »
dans la compréhension des textes scientifiques et dans la construction des connaissances,
c’est-à-dire le rôle des connaissances/croyances des individus, inférées à partir de la valeur de
vérité attribuée aux réponses des sujets sur les causes des catastrophes naturelles (causalité du
monde physique (connaissances) vs causalité du monde « religieux » (croyances)) sur
l’activité mnémonique dans la compréhension de texte et la construction des connaissances.
2. Objectifs de recherche
Le but de cette expérience est double Nous analysons tout d’abord l’effet des
systèmes de croyances/connaissances de l’individu sur les processus de construction et
d’intégration des connaissances scientifiques nouvelles. Pour ce faire, nous proposons la
lecture d’un texte documentaire1 en français L2 à des étudiants de Français de niveau variable
(G1= bon niveau en L2 ; G2= faible en L2), sur la base des représentations (croyances vs
connaissances) antérieures. Ensuite, nous analysons l’effet du support multimédia sur le type
de réponses produit par les sujets, en particulier, les sujets de niveau faible en L2 par
opposition à ceux de bon niveau. L’hypothèse de ce bénéfice trouve sa légitimité dans les
résultats de maintes recherches sur l’apprentissage et la construction des représentations des
connaissances scientifiques avec le multimédia pour des apprenants en mathématique, en
physique, en chimie et en sciences de la vie (Jamet, 2002). Cependant, dans ces
environnements, deux paramètres sont à prendre en considération : la familiarité de l’usage
de l’outil ainsi que le coût cognitif et la charge attentionnelle requis dans un tel
environnement.
1
Voir l’annexe n°1
2
Voir l’annexe n°2
3
Voir l’annexe n°2
121
Les analyses ont porté sur les réponses aux questionnaires initial et final des
participants, en fonction de leur Niveau de connaissances en L2 (G1 vs G2), de leur Niveau de
connaissances scientifiques (N1 vs N2), et de leur Type de réponses (T1 vs T2).
3. Hypothèses
Les hypothèses de notre expérience sont les suivantes :
4. Méthode
4.1. Participants
L’expérience s’est déroulée au sein du département de Français de l’Université de
Ouargla ayant pour échantillon d’étude les étudiants de première année de la licence. Au
nombre de 56, les sujets étaient répartis en deux groupes (G1= 28 ; G2= 28) sur la base des
résultats obtenus dans le module de TEEO (Techniques d’Expression Ecrite et Orale). Chaque
groupe est scindé en deux sous groupes en fonction du Niveau de connaissances en L2 et du
Niveau de connaissances scientifiques (G1N1 ; G1N2 ; G2N1 ; G2N2). Il est à signaler que le
G1 est le groupe des apprenants qui ont eu de bons résultats aux EMD, par opposition aux
apprenants du G2 qui sont considérés comme les plus faibles et ceci en référence unique à
leur prestation durant les épreuves écrites.
Les sujets de notre recherche sont invités à lire et à répondre à un questionnaire (initial
et final), mais dans deux situations expérimentales différentes : le groupe G1 utilise le support
papier pour l’activité de lecture du texte scientifique alors que le groupe G2 lit la version
numérique du texte sur un écran d’ordinateur.
4.2. Matériel expérimental
Le support qui a servi de matériel expérimental pour l’activité de lecture est un texte
scientifique authentique intitulé « La Terre en mouvements »1 extrait de la revue L’Express
international (Biais, 2005), un numéro spécial consacré aux catastrophes naturelles et
spécialement au tsunami. L’auteur a accompagné son article d’une figue illustrant les
1
Voir l’annexe n°1
122
différentes strates de la Terre, d’une carte géographique des plaques tectoniques, d’images et
de bilans des grandes secousses du siècle.
La longueur (le texte s’étale sur trois pages et comprend dix paragraphes), l’emploi
des termes scientifiques et techniques et la dense masse informative rend la tâche de
compréhension et de traitement des unités très complexe pour les étudiants qui ne possèdent
pas au préalable de connaissances antérieures sur le thème. Dès lors, l’activation des
connaissances sur le domaine en Mémoire à long terme et la construction/intégration de
nouvelles connaissances sont difficiles. De plus la présentation numérique du texte représente
un coût cognitif et attentionnel plus élevé. Toutes ces difficultés nous permettent de supposer
que les apprenants vont surtout mettre en œuvre un traitement local des informations
renvoyant à la microstructure plutôt qu’un traitement global permettant l’élaboration d’un
modèle de situation sous jacent à l’ensemble du contenu sémantique du texte.
4.3. Procédure
L’expérience s’est déroulée sur une période de 15 jours (2006/2007) en trois étapes
distantes de quelques jours : la première, commune aux deux groupes, est consacrée à une
tâche (30 min) de connaissances scientifiques sur les causes et les conséquences des
catastrophes naturelles. La deuxième séance est une séance de lecture du texte (01 : 30 min)
sous forme papier pour le groupe G1, et sur ordinateur pour le groupe G2. Nous avons
accordé 30 min de plus aux apprenants du groupe G2 pour les familiariser avec l’outil
informatique et leur expliquer le scénario qu’ils devaient suivre. Certains sujets n’avaient
aucune culture informatique : ils étaient incapables de se servir de la souris, de faire défiler le
texte, de s’orienter dans la page affichée.
La consigne était la suivante : « Vous avez sous les yeux un texte scientifique ; lisez-le
attentivement, puis prenez notes des informations que vous jugées les plus importantes pour
comprendre le texte ».
La troisième séance est consacrée aux réponses au questionnaire final qui reprend
certaines questions du test initial. Le but est d’analyser l’effet des connaissances/croyances
sur la construction de nouvelles connaissances scientifiques. Le tableau ci-dessous reprend le
déroulement des activités :
5. Principaux résultats
En vue d’analyser l’effet des représentations (scientifiques vs culturelles) et l’apport
des NTIC sur la construction de connaissances scientifiques, nous avons analysé et comparé
les réponses des apprenants aux deux questionnaires. Les analyses réalisées ont pour but de
rendre compte d’abord, du nombre des propositions produites par les sujets. Ensuite, du type
des réponses renvoyant aux connaissances vs croyances en fonction des groupes (G1 vs G2),
du Niveau en L2 (L1 vs L2) et du niveau de connaissances scientifiques.
123
10
9
8
7
6
N1
5
N2
4
3
2
1
0
1 0
Figure 1. Moyenne et écart type des réponses en fonction du niveau des participants
4
3,5
3
2,5
2
N1
1,5 N2
1
0,5
0
Mean Mean Mean
Figure 2. Moyenne et écart type des réponses en fonction du niveau des connaissances en L2 des
participants
3,5
2,5
2
N1
1,5
N2
1
0,5
0
Mean Mean Mean
Figure 3. Moyenne et écart type des réponses en fonction du niveau des connaissances scientifiques
des participants
0,8
0,7
0,6
0,5
Croyances
0,4 Connaissances
0,3
0,2
0,1
G1N1 G1N2 G2N1 G2N2
Figure 4. Moyennes et écarts types des types de réponses (Croyances vs Connaissances) produites
par les participants en fonction de leur niveau en L2 et leur niveau de connaissances scientifiques
produisent moins de Non réponses que ceux du G1 (2,75 vs 4,697). Voir la figure
5
5 G1
4 G2
1
VRAI FAUX NR
Figure 5. Moyennes et écarts types des types de réponses (VRAI/FAUX/NR) produites par les
participants en fonction des groupes
N1
5
N2
4
2
VRAI FAUX NR
Figure 6. Moyennes et écarts types des types de réponses (VRAI/FAUX/NR) produites par les
participants en fonction des niveaux de connaissances scientifiques
6. Analyse et discussion
En dépit de leur formation initiale (80 % des étudiants sont issus de filières littéraires),
les sujets de l’expérience possèdent certaines connaissances scientifiques se rapportant au
thème des catastrophes naturelles, des connaissances déclaratives, de type «Telling » qu’ils
activent lors de la réponse sur les questions de l’énumération et des conséquences des
catastrophes ; les apprenants ont acquis et mémorisé cette connaissance, selon notre
hypothèse du moment qu’elle relève du monde physique, de l’observable. Ces informations
sont activées en fonction du Niveau en L2. Les sujets d’un bon niveau répondent plus que les
sujets d’un faible niveau. Mais lorsque les questions sont relatives au monde abstrait, au non
observable (les causes), nous remarquons une supériorité des réponses Faux/Croyances et les
sujets recourent à leur système de croyances et activent de la sorte des acquis qui serviraient
pour réponses à des questions qu’ils ignorent. Ainsi, nous comparons leur système de
croyances à un système de secours qui les aident à dépasser le manque de connaissances
scientifiques. Ceci est noté pour l’ensemble des réponses, et aussi pour le niveau en L2 qui
détermine lui aussi le recours au système de connaissances vs croyances.
Après la lecture du texte support, et dans les deux situations, nos sujets ont acquis de
nouvelles connaissances scientifiques relatives à la microstructure du texte ; ce qui nous
permet d’avancer qu’ils ont opéré un traitement local de la signification. Leur Niveau en L2 et
en connaissances scientifiques est décisif : ceux qui possèdent un bon niveau produisent plus
de réponses « Vrai » et activent de la sorte leur connaissances sur le monde évoqué par le
texte. Ces mêmes sujets font moins appel à leur système de croyances : les informations
fournies par le texte se sont intégrées à leur système de connaissances et modifient alors leur
suites de symboles qui sont dans leur « boite à croyances » (Livet, 2002).
Il est à signaler que la présentation numérique du texte est d’un apport positif pour les
sujets du groupe G2 ; ces derniers sont motivés et fournissent plus d’effort dans l’activité de
lecture et traitement des informations, ce qui expliquerait le nombre de réponses « Vrai » qui
128
dépasse de loin celui des sujets du groupe G1. Toutefois, et contrairement à notre hypothèse,
les sujets du groupe G2 de faible niveau en L2 et en connaissances scientifiques (N2) n’ont
pas bénéficié de cette opportunité où nous remarquons un nombre élevé de réponses
Faux/Croyances. Les sujets du groupe G2N2 classent la causalité divine dans leur système de
croyance comme une information de haut niveau non susceptible d’être modifiée par les
informations fournies par la microstructure du texte scientifique. Cette position dans le
système de croyances inhibe la construction de nouvelles connaissances scientifiques via
l’activité de lecture.
7. Conclusion
Les résultats obtenus auprès de nos sujets mettent en évidence l’effet du niveau de
connaissances en français dans la construction des représentations scientifiques sur la base des
connaissances antérieures. Les sujets de niveau moyen et bon ont procédé à un remaniement
de leur système de connaissances en intégrant des informations jugées vraies, des
informations fournies par le texte en révisant leurs croyances par un processus involontaire et
en grande partie non conscient ((Livet, 2002). Les sujets de niveau faible en L2, quant à eux,
ont conservé leurs croyances estimées très importantes et enracinées que l’on ne change pas
face aux informations issues du texte lu ; ce qui nous conduit à conclure que l’impact de la
culture véhiculée en langue arabe est très décisif quant au processus de construction de
connaissances scientifiques ; le processus qui est inhibé par des prérequis culturels en
contradiction avec la charge informative du texte scientifique.
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l’activation des connaissances et l’activité de planification lors de la co-écriture de
textes explicatifs en langue seconde en contexte diglossique. Conférence EIAH'2007
(Environnements Informatiques pour l'Apprentissage Humain), 27, 28 et 29 juin 2007 à
Lausanne
(Suisse).http://archiveseiah.univlemans.fr/article.php@identifier=oaiX511hal.archives-
ouvertes.frX511hal-00161369_v1
Annexes
Annexe n°1
La Terre en mouvements
Par Jean-Marc Biais, mis à jour le 31/12/2004 - publié le 03/01/2005
Trois cas de figure existent. Deux plaques peuvent converger. L'une va plonger sous l'autre,
qui elle-même va fusionner avec le manteau supérieur. Ainsi se fait la confrontation entre les
plaques eurasienne et indo-australienne, à l'origine du séisme générateur du récent tsunami.
Elles peuvent aussi diverger et s'éloigner l'une de l'autre. Se créent alors les dorsales au fond
des océans. Enfin, elles peuvent coulisser l'une contre l'autre. La faille de San Andréas, qui
traverse San Francisco, en est un exemple. Ces mouvements imposent de très fortes
contraintes aux roches de surface. Celles-ci se déforment jusqu'à atteindre un point de rupture
et se cassent. La terre se met alors à trembler. «On peut comparer une plaque à une brique
tirée par un élastique, explique Pascal Bernard, chercheur à l'Institut de physique du globe de
Paris, auteur de Qu'est-ce qui fait trembler la terre? (EDP Sciences). Celle-ci reste immobile
sur le sol en raison des aspérités de la surface de contact. L'élastique se tend peu à peu. La
traction augmente régulièrement, jusqu'à ce que, brusquement, la brique glisse. Puis elle se
bloque de nouveau et l'élastique se retend jusqu'au prochain mouvement. La surface de
contact représente la faille, zone de faiblesse dans l'écorce terrestre qui finit toujours par
casser et glisser pour rattraper, à chaque grand séisme, le mouvement imposé par les plaques.
C'est ce qui s'est produit le 26 décembre au large de Sumatra. Pendant plusieurs siècles, la
frontière entre les deux plaques est restée bloquée. Une énorme énergie s'est accumulée qui,
brutalement, s'est libérée.» Le choc provoqué génère de la chaleur, mais aussi des vibrations.
Certaines de ces ondes voyagent à la surface du globe. D'autres la traversent. Leur mesure
permet de localiser, à grande distance et avec précision, l'épicentre. C'est ce que réalisent
régulièrement les dizaines d'observatoires sismologiques existant dans le monde.
Les volcans sont un autre moyen dont dispose notre planète pour évacuer l'énergie qu'elle
fabrique. Au sein même du manteau terrestre, dans certaines conditions de température - plus
de 1 000 degrés - et surtout de pression, les roches se liquéfient par endroits et dégazent. Ainsi
se forme le magma. Plus léger et plus chaud que le milieu environnant, il a tendance à
remonter vers la surface en profitant des zones fragilisées de l'écorce terrestre. Il s'accumule
dans de gigantesques réservoirs, les chambres magmatiques. Lorsque la pression des gaz
dissous devient trop forte, l'écorce se fissure et expulse ce mélange. C'est l'éruption. On
dénombre, sur les différents continents, plus de 1 300 volcans potentiellement actifs. Mais,
soulignent les spécialistes, ces édifices coniques, spectaculaires dans le paysage, ne sont pas
significatifs. Ils ne rejettent qu'une faible partie du magma émis à la surface de la terre.
L'essentiel (90%) provient des dorsales océaniques!
Faute d'être capables d'empêcher ces catastrophes, pouvons-nous au moins les prévoir? Pour
les volcans, l'exercice est relativement facile. Une éruption prévient plusieurs semaines à
l'avance: la modification de la chambre magmatique entraîne une série de changements
perceptibles en surface (déformation du cône, émissions de gaz...). Pour guetter ces signes
avant-coureurs, les experts disposent de toute une panoplie d'outils, l'un des plus efficaces
étant l'observation par satellite.
Pour les tremblements de terre, la prévision est beaucoup plus délicate. L'approche historique
est fondamentale. Sur les failles connues, aux frontières des plaques tectoniques, les
sismologues étudient dans le détail les événements passés. Dans certains cas, ils peuvent
remonter très loin dans le temps. Par exemple sur la faille nord-anatolienne, située en Turquie.
«Nous avons des traces écrites de l'époque ottomane», précise Geoffrey King, chercheur à
l'Institut de physique du globe de Paris, spécialiste de cette région. La description des
dommages permet de cerner l'épicentre, d'estimer une magnitude probable et d'attribuer
chaque séisme historique à un ou plusieurs segments de la faille. Les experts peuvent
déterminer les zones encore dangereuses, où les plaques restent bloquées. Le passé n'explique
toutefois pas tout. «Il y a des failles qu'on ignorait, en Afrique de l'Ouest et au cœur de l'Inde,
qui ont cassé dans les années 1990, précise Pascal Bernard. Il y a aussi des régions, comme
les Antilles, pour lesquelles les magnitudes maximales envisagées pourraient être revues à la
hausse.»
Munis de tous ces éléments, les experts sont unanimes et désignent les trois zones où pourrait
avoir lieu un séisme majeur dans la prochaine décennie. Elus comme «big ones»: la
Californie, Tokyo et la région d'Istanbul.
133
Chapitre 10
1. Introduction
Nous supposons que les étudiants, ayant des compétences de lecture en LE limités à
des textes de type prescriptifs (qui incite à l’action, tel que le protocole expérimental)
éprouvent des difficultés à construire des concepts et à élaborer la représentation cohérente du
contenu des textes explicatifs2 avec les principes scientifiques fondamentaux du domaine.
Leur bagage conceptuel est souvent insuffisant ou entre en conflit avec les principes
scientifiques implicites ou énoncés dans les textes (Otero et al. 2002).. Ces difficultés
amènent ainsi les apprenants à développer des conceptions naïves inappropriées et à recourir à
des stratégies d’apprentissage souvent inadaptées aux objectifs pédagogiques visées [Marin et
al. 07]. Les résultats d'une recherche en langue étrangère ont montré que les lecteurs ont
tendance à construire une représentation propositionnelle, proche de la surface textuelle et non
pas une représentation de la situation à laquelle se rapporte le texte (Acuňa, 2002). Ces
individus consacrent une part importante de leurs ressources cognitives au traitement des
aspects littéraux du texte lu. Lorsque ils abordent le texte en LE, la maîtrise insuffisante des
opérations liées à la manipulation du code graphémique (Cziko, 1980 ; Acuňa, 1999)
perturbe, voire empêche l'utilisation des stratégies fondées sur des opérations de haut niveau
en rapport avec les aspects discursifs du texte. Selon les auteurs comme (Johnson laid, 1983 ;
1993 ; Kintsch & van Dijk, 1978, 1988 ; van Dijk & Kintsch, 1983), la compréhension d'un
texte passe par des étapes distinctes : une étape relative à la construction d'une représentation
propositionnelle proche de la surface du texte, et une étape relative à l'élaboration d'un modèle
analogue à la situation à laquelle se rapporte le texte.
1Recherche de Dorsaf Ben Ismail Ben Romdhane conduite dans le cadre de sa thèse de doctorat (Université de
Tunis et Université de Paris 8), direction Denis Legros.
2 Reprenons le terminologie de Jean Michel ADAM (1985) Jean-Pierre ASTOLFI et Yvette GINSBURGER
VOGEL (1987), parlent de "texte expositif", nous y substituons ici le terme de texte explicatif doué d'une
acception plus spécifique.
134
La recherche1 que nous présentons ici, a deux objectifs principaux : (i) Concevoir et
valider des aides à la compréhension et à la construction de connaissances d’un domaine
complexe de la biologie (Ben Ismail et al. 2008), (ii) Étudier comment des sujets qui ont eu la
lecture, l'écriture, la réécriture, la co-écriture, la révision et la construction de cartes
conceptuelles comme moyens de construction-intégration des connaissances ; construisent
une représentation propositionnelle du texte lu en LE et comment, à partir de cette
représentation, ils élaborent un modèle de la situation (enrichie de connaissances du monde).
2. Hypothèses et prédictions
Nous avons pour l'ensemble du corpus (texte source, notes explicatives et protocoles
de rappel immédiat) réalisé une analyse prédicative (Kintsch, 1974 cité dans Kintsch, 1998, p.
39).. Pour ce qui est des indicateurs de l'activité inférentielle, nous avons catégorisé les
propositions selon les trois critères suivants :
P1: Les propositions ponctuelles, ces propositions sont identiques à celles du texte source.
Nous supposons qu'elles ont bénéficié d'un traitement "mot à mot" du type "copier/ coller".
Nous considérons ce type de propositions comme "peu pertinentes", car elles ont été rappelées
par les participants sans aucune tentative d'inférence.
P2: Les propositions qui se référent au système simple. Ces propositions sont restituées
avec tentative d'inférence. Nous admettons que ces propositions sont partiellement différentes
de celles du texte initial.
P3: les propositions se rapportant au système complexe qui mettent en relation deux ou
plus d'un système de régulation physiologique, sont le produit du phénomène d'inférence.
Nous considérons ces propositions comme autant de tentatives du sujet de lier les
informations du texte source, ainsi que les notes d'aide à la compréhension qu'il véhicule,
entre elles et avec ses connaissances en MLT.
Les propositions de type P2 et P3 impliquent un traitement inférentiel soit de type
"Intrasystème" (renvoient à la causalité micromonde), soit de type "Intersystème" (renvoient à
la causalité macromonde).
Pour ce qui est des indicateurs de la pertinence des propositions, nous avons catégorisé
les mêmes propositions (P1, P2 et P3) en fonction de leur adéquation avec le topic du texte à
restituer. Les propositions rappelées peuvent être "très pertinentes" (P3) c'est-à-dire apporter
une information qui répond directement à la question posée, ou "moyennement pertinentes"
(P2), c'est-à-dire apporter une information à partiellement pertinente. Enfin, on peut aussi
avoir des propositions type "peu pertinentes" (P1) c'est-à-dire sans rapport direct avec la
question posée.
Hypothèse 1 : Effet du facteur Type d’ajout (A1 vs A2) sur le rappel (R3).
Nous formulons l'hypothèse que, lors du rappel (R3), les étudiants ayant reçu des notes
explicatives de type "Intersystème" (A2), contrairement aux étudiants bénéficiant de notes
type "Intrasystème" (A1) produiront plus d'informations en (R3) que dans le texte du 1er et du
2ème jet.
Hypothèse 2 : Effet de la troisième lecture (L3) avec notes explicatives type (Intra vs Inter)
sur le niveau de pertinence des informations rappelées lors du rappel (R3)
1Conduite avec des étudiants Tunisiens, de LMD de biotechnologie de l'Institut Supérieur de Biotechnologie de
Sidi Thabet
135
Nous formulons l'hypothèse que les rappels (R3) de l'ensemble des groupes contiennent plus
d'informations de type (P3) renvoyant au système complexe que le rappel (R2). En revanche
le rappel (R2) contient plus d'informations de type (P1) renvoyant à une relation causale
ponctuelle et (P2) renvoyant au système simple.
Nous attendons un effet du facteur "Niveau de pertinence" variable selon les rappels (R2 vs
R3).
Hypothèse 3 : Effet de la troisième lecture (L3) avec notes explicatives type (Intra vs Inter) et
de la co-écriture/co-révision entre partenaires et des types d'ajouts d'informations sur la co-
compréhension et le rappel (R3).
Nous formulons l'hypothèse que les étudiants du groupe (G2) bénéficiant d'une activité
collaborative de co-écriture via la messagerie électronique produiront plus d'informations de
type (P3) renvoyant à une relation causale "Intersystème" que les participants des groupes
(G1 et G3).
Ce sont les étudiants du groupe (G3) qui produiront le plus d'informations renvoyant à une
relation causale ponctuelle (P1), ainsi que des informations renvoyant à un système simple
(P2). En revanche les participants du groupe (G2) produiront le moins d'informations
renvoyant à une relation causale ponctuelle (P1).
Après toutes les activités auxquelles les étudiants ont participé, nous attendons un effet de
l'interaction des facteurs Groupe * Niveau de pertinence.
3. Expérimentation
3.1. Méthode
3.1.1. Participants
Le groupe G2 lisait et relisait le texte sur un écran d’ordinateur avec les mêmes notes
explicatives, mais celles-ci étaient présentées à l’aide de liens hypertextes. Pour le groupe
G2.1, les liens Hypertextes renvoyaient aux informations de type "Intrasystème". Pour le
groupe G2.2, les liens Hypertextes renvoyaient aux informations de type "Intersystème". Le
groupe témoin G3 relisait le texte sans notes explicatives.
3.1.2. Matériel expérimental
À la suite des réponses aux questionnaires initial et final, il est demandé aux
participants de construire une carte conceptuelle qui décrit tous les concepts scientifiques
évoqués dans le texte ainsi que les relations entre ces concepts.
3.1.3. Procédure
Dans une première séance, le questionnaire initial est proposé à l’ensemble des
groupes qui doivent répondre aux questions et, ensuite, construire une carte conceptuelle du
système des régulations physiologiques de la pression artérielle. Cette tâche est suivie dans
une 2è séance par la lecture linéaire du texte (papier). Au cours de la passation de cette tâche,
les problèmes de compréhension qui pouvaient résulter de la méconnaissance d'items lexicaux
ont été élucidés au fur et à mesure, et à la demande des lecteurs. Une fois la lecture terminée
les sujets devaient effectuer un premier rappel (R1) par écrit des informations retenues et, par
hypothèse, comprises. Il s’agit au cours de ce rappel (R1) de mettre en évidence les difficultés
des étudiants à faire des inférences et à activer les informations présentées dans le cours, et
donc à construire la représentation cohérente et structurée des connaissances. La mise en
relation des productions et des réponses aux deux types de question (Intrasystème et
Intersystème) permet de comprendre les niveaux de difficulté de traitement des inférences en
fonction des types de connaissances qu’elles mettent en œuvre, connaissances renvoyant au
système de la régulation de la pression artérielle ou aux (sous-)systèmes qui le contrôlent.
Dans une troisième séance, nous proposons au groupe G1 le même texte à relire
accompagné de notes explicatives. Ces notes apportent des ajouts d’informations, soit de type
"Intrasystème" pour le sous-groupe G1.1, soit de type "Intersystème" pour le groupe G1.2..
Nous proposons aux participants du groupeG2, répartis en G2.1 et G2.2, le même texte, mais
sur écran d’ordinateur et avec les mêmes types de notes présentées, mais sous forme de liens
Hypertextes.
Au cours d’une 4è séance, les groupes procèdent à une tâche de révision en binômes, à
distance de leur texte. Le but est d’analyser les effets de la co-révision, dans les différentes
conditions, sur la production finale du texte. Les binômes sont constitués de participants de
deux sous-groupes du groupe G1 (G1.1 et G1.2) avec échanges de leur texte et du groupe G2
(G2.1 et G2.2) avec co-révision via Internet (messagerie électronique). Les participants
doivent au cours de cette tâche corriger, critiquer et compléter le texte de leur partenaire. Le
but est de tester les effets des deux conditions de travail (papier vs travail à distance à l’aide
d’Internet) sur la réécriture du texte produit.
Au cours de la dernière séance, les participants réécrivent leur propre texte de rappel
(R3). Le but est d’analyser les effets des différentes tâches proposées et des différentes
conditions expérimentales (papier vs TICE) sur la (co)construction des connaissances
scientifiques.
Enfin les participants répondent à nouveau aux mêmes questions que celles proposées
lors du questionnaire initial et construisent une nouvelle carte conceptuelle. Le but étant
137
d’évaluer à l’aide de ces deux modalités de production, l’effet des différentes tâches sur la
construction de la représentation des concepts nécessaires à la compréhension d’un texte
scientifique décrivant un système complexe.
4. Principaux résultats
4.1. Analyse du rappel (R1), suite à la première lecture du texte scientifique L1
Lors du rappel initial, les réponses ne varient pas en fonction des groupes. En effet, les
sujets des différents groupes réalisent les mêmes performances à l’épreuve de rappel (R1). Ce
qui confirme l’homogénéité du niveau culturel des participants.
Ces résultats sont conformes aux hypothèses et indiquent que les sujets dans les
mêmes conditions de lecture, traitent l’information de façon similaire.
Nous analysons dans le Rappel R2 les effets de la relecture (L2) avec notes
"Intrasystème" (A1) ou "Intersystème" (A2) sur la production écrite, en fonction des
modalités de présentation des informations (G1, Papier), (G2, Hypertexte).
Les informations restituées sont analysées selon le plan S<G3*A2> * P3 dans lequel
les lettres S,G,A,P renvoient respectivement aux facteurs Sujet (facteur aléatoire), Groupe
(identiques à ceux de la première lecture), Type d’ajout (A1 = Note ajoutée de type
Intrasystème ; A2 = Note ajoutée de type Intersystème), et Niveau de pertinence des
informations rappelées (P1 = information ponctuelle, qui n’est pas insérée dans une relation
causale systémique ; P2 = information insérée dans une relation causale microstructurelle,
c’est-à-dire renvoyant à un système simple; P3 = information insérée dans une relation
causale macrostructurelle, c’est-à-dire renvoyant à une relation causale intersystème.
Comme dans l’analyse précédente, le facteur Groupe n’est pas significatif (P>1). Les
rappels des sujets ne varient pas significativement d’un groupe à l’autre (MG1 = 12,990 ;
MG2 = 12,391 ; MG3 = 11,267). L’analyse des contrastes n’indique pas de différences
significatives entre les groupes G1G2 vs G3 (P>1) ni entre les groupes G1 vs G2 (p>1).
celles de type (P3) renvoyant à une relation causale Intersystème ou système complexe,
(6,321) ou à une relation causale ponctuelle, (P1) (9,667).
Donc, même si les notes décrivant les relations "Intersystème" ne favorisent pas le
rappel des informations de type (P3), elles contribuent à diminuer le rappel de celles de type
(P1).
Ces notes semblent donc favoriser la compréhension des systèmes simples, mais elles
ne contribuent pas pour autant à favoriser la compréhension des systèmes complexes.
Comme dans les analyses précédentes, le facteur Pertinence est significatif (F(2,150)
= 94,824, p<.0001) et indiquent que les sujets dans leur ensemble, les groupes étant
confondus, rappellent mieux, lors du rappel (R3), les informations de type (P2), renvoyant à
un système simple (20,148) que celles de type (P3) renvoyant à une relation causale
Intersystème ou système complexe, (9,679) ou à une relation causale ponctuelle, (P1) (7,494).
On observe par rapport au rappel (R2) une diminution du rappel des informations de
Type (P1) (P1R2 = 9,667 ; P1R3 = 7,494) et une augmentation du rappel des informations de
type (P3) (P3R2 = 6,321 vs P3R3 = 9,679). Les rappels des informations de type (P2) sont
similaires dans les deux rappels (R2 = 20,877 ; R3 = 20,148).
les participants des groupes G1 (Groupe papier) et G3 (Groupe témoin) (8,106). D’autre part,
elle montre que ce sont les participants du même groupe Hypertexte G2 qui rappellent le
moins d’informations renvoyant à une relation causale ponctuelle (P1) (MG2 = 4,391 ;
MG1G3 = 8,854).
5. Discussion
L'effet du facteur Type d'ajout, contrairement à notre prévision, n'est pas significatif,
ce qui témoigne d'une activité de rappel (R3) semblable pour les trois groupes bénéficiant ou
pas de notes explicatives. Ce résultat pourrait être dû aux compétences insuffisantes des
lecteurs à traiter les informations renvoyant au système complexe, qui même en troisième
lecture restent inabordables par les scripteurs novices.
L'effet positif du facteur Niveau de pertinence qui est conforme à notre prévision,
reflète une perte des informations de Type (P1) entre le rappel (R2) et le rappel (R3) pour
l'ensemble des groupes et une augmentation du rappel des informations de type (P3). Ce
résultat met en évidence l'effet des modifications des situations d'apprentissage (classique vs
échange entre pairs via Internet) sur les processus cognitifs à l'œuvre dans la construction de
connaissances et le développement des connaissances scientifiques dans le domaine de la
physiologie humaine.
L'effet positif des facteurs Groupe * Pertinence, confirme notre hypothèse 10 qui
concerne la tâche de réécriture 2 (R3). Nous avions fait l'hypothèse de l'effet de la co-
écriture/co-révision croisée à distance sur les stratégies de production.
Les étudiants du groupe G2 qui ont bénéficié d'un avantage pour ce qui concerne la
qualité du traitement inférentiel lors de la phase collaborative de co-écriture via la messagerie
électronique ont réinvesti cet avantage en termes de pertinence dans les modifications
apportées lors de la réécriture 2 (R3).
Les résultats sont compatibles avec l'hypothèse selon laquelle la lecture L3 avec la co-
révision du rappel R2 d'un pair distant favorisent le retraitement du texte du deuxième jet, la
réactivation de son contenu sémantique sous-jacent et ainsi la possibilité de mettre en œuvre
une stratégie de type "knowledge transforming" au niveau de son propre rappel (R3).
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141
Quatrième partie
Chapitre 11
Les recherches en didactique des disciplines ont montré que l’apprenant doit
s’approprier le contenu disciplinaire correspondant (mathématiques, français…) (Caillot,
1992). Or, la question de l’appropriation renvoie immédiatement à celle de l’apprentissage et
de ses conditions ; question qui concerne en premier lieu le psychologue cognitiviste. Celui-ci
se voit donc interpellé par la problématique de l’apprentissage des langues étrangères qui est
notre propos. De même, les recherches conduites en psychologie cognitive intéressent de
premier abord le didacticien des langues, en ce sens qu’elles lui permettent de « mieux
comprendre ce qui se passe dans le chef de l’apprenant quand il parvient petit à petit à
perfectionner la maitrise de l’objet linguistique » (Billières & Spanghero-Gaillard, 2008, p.
11).
C’est cette rencontre possible entre psychologues cognitivistes et didacticiens qui fut à
l’origine de la naissance récente du concept de didactique cognitive en janvier 2005, à
Toulouse, lors du Premier Colloque International de Didactique Cognitive DIDCOG
(Billières & Spanghero-Gaillard, 2005). Selon Billières et Spanghero-Gaillard (2008), « La
didactique cognitive des langues étudie les processus mentaux mis en œuvre par les apprenants
dans leur processus d’apprentissage/appropriation des différentes facettes d’une langue étrangère
(L2) à l’oral comme à l’écrit, tant en perception et production qu’en compréhension. » (p. 1).
Selon ces auteurs, la didactique cognitive, qui s’impose dans le monde actuel de la
recherche et de l’enseignement, se présente comme un espace de rencontre entre deux cultures
différentes : celle des didacticiens, qui se battent avec la réalité concrète de la classe, et celle
des psychologues cognitivistes, qui se basent sur des recherches expérimentales réalisées en
laboratoire de façon à isoler et à étudier les différents facteurs et leurs effets sur
l’apprentissage. Parmi les premiers, la didactique cognitive intéresse ceux qui considèrent que
les conduites langagières des apprenants sont les résultats de faits psychologiques dont il
importe de comprendre le fonctionnement. Et parmi les seconds, elle intéresse ceux qui sont
conscients que leurs recherches ne sont pas exclusivement adressées à la communauté
scientifique, mais peuvent contribuer à améliorer les pratiques pédagogiques.
Les concepteurs des nouveaux programmes du lycée, par exemple, en ont explicité le
cadre théorique dans le programme de première année. Ce cadre théorique est basé non
seulement sur les acquis de la linguistique de l’énonciation, de l’approche communicative et
de l’approche par les compétences, mais aussi sur l’apport du cognitivisme. Une lecture des
textes officiels fait apparaitre la référence de la Commission Nationale des Programmes
(CNP, 2005) aux théories cognitivistes :
- L’élaboration des structures de connaissance est progressive, selon des paliers et des
stades.
- Le déséquilibre cognitif chez le sujet se fait non seulement entre le sujet et le milieu,
mais également par la prise de conscience d’un désaccord interindividuel.
Selon la CNP (2005), les concepts issus de ces théories permettent d’éclairer la nature
des connaissances à faire construire par l’apprenant et les méthodes à utiliser. L’institution
scolaire met ainsi en valeur les acquis des « théories cognitivistes [qui] considèrent la langue
non comme un savoir "inerte", mais comme une construction intellectuelle dans laquelle
l’apprenant doit s’impliquer, en mobilisant toutes ses ressources. » (Ibid.). C’est pourquoi son
enseignement-apprentissage ne peut plus s’effectuer selon une logique d’exposition (de la
langue), mais doit être structuré sur la base de compétences à installer : compétences de
lecture, de production à l’oral et de production à l’écrit.
En outre, nous constatons dans les textes officiels une référence claire aux travaux
issus de la psychologie cognitive de la production écrite. En effet, les auteurs des nouveaux
programmes précisent qu’en production écrite, les capacités à développer chez l’apprenti-
scripteur sont : la planification de la production au plan pragmatique et au plan du contenu ;
l’organisation de la production ; l’utilisation de la langue de façon appropriée et la révision de
l’écrit. Ce sont là les composantes du processus rédactionnel tel que conçu et décrit par les
psychologues Hayes et Flower, en 1980, dans leur modèle princeps des processus cognitifs de
la production verbale écrite.
1
Selon Brassart (1990), la didactique des langues « ne saurait être une psycho-linguistique ou une psychologie
du langage appliquée, pas plus qu’elle n’a pu et ne peut être une linguistique appliquée. » (p. 40).
144
Par voie de conséquence, la didactique des langues étrangères se trouve plus que
jamais fortement interpellée par ce nouveau contexte plurilingue, et s’oriente davantage vers
« une approche plurilingue » de l’enseignement-apprentissage des langues.
(…) l’approche plurilingue met l’accent sur le fait que, au fur et à mesure que l’expérience
langagière d’un individu dans son contexte culturel s’étend de la langue familiale à celle
du groupe social puis à celle d’autres groupes (que ce soit par apprentissage scolaire ou
sur le tas), il/elle ne classe pas ces langues et ces cultures dans des compartiments séparés
mais construit plutôt une compétence communicative à laquelle contribuent toute
connaissance et toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en
corrélation et interagissent. Dans des situations différentes un locuteur peut faire appel
avec souplesse aux différentes parties de cette compétence pour entrer efficacement en
communication avec un interlocuteur donné. Des partenaires peuvent, par exemple, passer
d’une langue ou d’un dialecte à l’autre, chacun exploitant la capacité de l’un et de l’autre
pour s’exprimer dans une langue et comprendre l’autre. (Conseil de l’Europe, 2001, p.
11).
L’Algérie, qui s’est inscrite dans le giron mondial du plurilinguisme, a opté pour cette
nouvelle tendance ambiante, et ce, par le biais de la réforme du système éducatif qu’elle a
lancée à la rentrée scolaire 2003. En plus de la réorganisation des durées des cycles primaire
et moyen (réduction du premier à 5 ans et allongement du second à 4 ans), la refonte du
système éducatif touche directement l’enseignement des langues : le français, première langue
étrangère, est introduit dès la deuxième année primaire1 ; et l’anglais, deuxième langue
étrangère, dès la première année moyenne.
1
Il est à noter qu’après une année où le français fut effectivement introduit en deuxième année primaire, il a été
décidé de retarder son apprentissage à la troisième année.
145
La modification des programmes des langues, arabe et berbère compris, et leur mode
d’organisation introduisent l’Algérie dans la perspective plurilingue et pluriculturelle. Nous
observons, par exemple, que les nouveaux programmes de première année du lycée, publiés
en 2005, portent sur quatre langues à la fois : arabe, tamazight, français et anglais. De même,
les guides du professeur de terminale de 2005, portent sur cinq langues en même temps :
tamazight, français, anglais, espagnol et allemand. Nous observons également dans le
nouveau manuel d’anglais de 2ème année moyenne certaines activités où la consigne vise à
traduire des passages dans une des langues que l’élève connait : arabe, tamazight ou français.
Selon les cognitivistes (voir Marin & Legros, 2007), il est nécessaire de s’appuyer sur
une psycholinguistique cognitive du traitement du texte pour pouvoir développer un cadre
théorique commun et concevoir de façon cohérente une didactique cognitive du traitement du
texte, en compréhension et en production, et des systèmes d’aide à la compréhension
interculturelle du texte. La psycholinguistique cognitive du traitement du texte permet de
rendre possible l’analyse des rapports, non seulement entre représentations et langages, mais
aussi entre langages, langues, représentations et cultures. Les données recueillies dans ce
domaine conduisent, en effet, à considérer que de nombreuses difficultés d’apprentissage des
apprenants ne sont plus à rechercher dans des dysfonctionnements cognitifs de ces derniers,
mais dans des modèles de référence inadaptés, voire ethnocentrés, ignorant le contexte
linguistique et culturel des élèves et ses effets sur l’apprentissage.
sémantique cognitive montrent, de leur côté, que le référent des signifiés n’est pas le monde
mais plutôt « le monde expériencé » (Johnson-Laird, 1983) ou « le monde épistémique »,
c’est-à-dire le monde conceptualisé par l’esprit, lui-même façonné par la culture (voir Legros
et al., sous presse). Ainsi, la signification psychologique, qui détermine le sens linguistique,
serait le produit de l’activation d’un réseau de représentations du « monde expériencé »,
variable selon les expériences des individus, leurs apprentissages et les contextes dans
lesquels elles ont été construites (Legros & Baudet, 1996).
1
Dans la perspective de la didactique cognitive dans laquelle nous nous inscrivons, nous préférons remplacer
l’expression courante d’ « enseignement-apprentissage » par celle d’ « apprentissage-enseignement », dans la
mesure où les recherches en psychologie cognitive ont montré la nécessité de prendre en compte le
fonctionnement cognitif de l’apprenant pour concevoir des stratégies d’enseignement.
2
Site de l'équipe : http://classe-numerique.cite-sciences.fr/numeral/textes/
3
Site du laboratoire : http://www.cognition-usages.org/chart/index.php?option=com_frontpage&Itemid=1
147
De nombreux travaux ont étudié les effets de l’utilisation des TICE sur les processus
cognitifs de lecture, de compréhension et de production, et ont mis en évidence les
changements apportés par la lecture des textes numériques et hypertextuels sur les processus
de traitement (Legros & Crinon, 2002). Par ailleurs, la masse d’informations mise à la
disposition des individus grâce à l’Internet facilite la construction des connaissances, mais
encore faut-il développer de nouvelles habiletés indispensables à la recherche et à la gestion
de ces informations. Il est en effet nécessaire de déployer de nouvelles stratégies de recherche
et de sélection des informations en fonction de leur niveau de pertinence par rapport à la tâche
et aux buts de lecture.
À l’école, les TICE ont un impact particulier sur les réseaux de communication et
d’interaction dans la classe et offrent la possibilité d’établir des situations d’apprentissage
collaboratif et/ou à distance portant sur des tâches de compréhension et de production de
l’écrit et de construction des connaissances. L’utilisation de ces technologies en classe de
langue entraine l’émergence de nouvelles possibilités d’interaction entre l’apprenant,
l’enseignant et les différents outils de médiation culturelle. De nombreuses activités sont
possibles : apprentissages individualisés à l’aide de systèmes multimédias, échanges à
distance, tutorat, contacts entre pairs, apprentissage collaboratif, etc. (Pudelko, Henri &
Legros, 2003). Ces nouvelles situations d’apprentissage provoquent des bouleversements dans
la façon d’appréhender la compréhension et la production de l’écrit en classe de langue. Aussi
nécessitent-elles de nouvelles recherches qui permettent de rendre compte des effets cognitifs
des interactions verbales sur le traitement du texte et la construction des connaissances via les
textes, et qui soient conduites en interaction avec la réalité de la classe et les contextes
linguistiques et culturels des apprenants.
Ainsi, et comme nous l’avons signalé plus haut, les chercheurs de notre équipe, ayant
collaboré à cet ouvrage, se sont proposé de conduire des recherches expérimentales sur le
(co)apprentissage, la (co)compréhension et la (co)écriture en prenant en compte les différents
148
contextes des apprenants, et ce, dans le but de développer une didactique cognitive de
l’apprentissage en contexte plurilingue et pluriculturel. Ces recherches sont menées dans le
cadre du projet scientifique Numéral1 qui vise à contribuer au renouvellement des cadres
théoriques de référence, à ouvrir la recherche en prenant en compte les contextes locaux et à
inscrire les travaux de cette équipe dans les nouveaux champs de recherche, les nouveaux
« designs pédagogiques » et les « nouvelles littératies en émergence », à la recherche d’un
modèle intégrateur2 (Leu, Kinzer, Coiro & Cammack, 2004).
5. Conclusion
La synthèse théorique dont il était question dans ce chapitre avait pour objectif
d’amorcer une réflexion sur les débuts d’une didactique cognitive du FLE en contexte
plurilingue algérien. Ce contexte, qui ne caractérise pas uniquement l’Algérie, permet de
reformuler les questionnements et les problématiques liés aux modèles de compréhension et
de production du langage, et d’ouvrir sur de nouvelles perspectives dans ce nouveau domaine
de didactique cognitive du FLE et en FLE en contexte plurilingue et pluriculturel.
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1
Projet Numéral (Numérique et Apprentissages Locaux) du programme TCAN-CNRS (Traitement des
connaissances et apprentissages locaux) (voir site du programme : http://www.dr4.cnrs.fr/tcan/). Ce projet
scientifique interdisciplinaire est conduit à l’IUFM de Créteil avec des collègues enseignants et des équipes du
Maghreb, de l’Afrique sub-saharienne, de Patagonie, du Canada et de la Chine.
2
Voir travaux sur le site : http://classe-numerique.cite-sciences.fr/numeral/textes/
149
http://www.inrp.fr/publications/edition-electronique/revue-francaise-de-
pedagogie/RF090.pdf
Conseil de l’Europe (2001). Un cadre européen commun de référence commun pour les
langues : apprendre, enseigner, évaluer. Paris : Les Éditions Didier. En ligne :
http://www.scribd.com/doc/7326649/CECR
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Interdisciplinaire des Sciences du Langage et Cognition. Toulouse, 26-28 janvier 2005.
En ligne : http://acoustic31.univ-tlse2.fr/didcog/resume/resume.htm#Anchor-
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Hoareau, Y., Legros, D., Cordier, M., Makhlouf, M., Acuna, T., & Khalis, A. (2005). Etude
du rôle de la lecture de texte en français langue de scolarité en contexte bilingue et en
situation de diglossie sur la réécriture d’un texte explicatif. Effet d’une tâche
d’activation des connaissances antérieures sur la cohérence du texte réécrit. 1er colloque
international de didactique cognitive. Français langue étrangère/langue
seconde/langue maternelle. (DidCog, 2005). Centre Interdisciplinaire des Sciences du
Langage et Cognition. Toulouse, 26-28 janvier 2005. En ligne : http://acoustic31.univ-
tlse2.fr/didcog/resume/resume.htm#Anchor-Etude-21683
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Legros, D. & Baudet, S. (1996). Le rôle des modalisateurs épistémiques dans l'attribution de la vérité
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multimédias sur la cognition, l’apprentissage et l’enseignement. Éducation et
Formations, 56, 77-84.
Legros, D., Bounouara, Y., Acuna, T., Benaicha, F., Hoareau, Y., & Sawadogo, F. (sous
presse). TICE et Cognition de la Littératie plurilingue. Vers un modèle intégrateur1.
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Leu, D.J., Jr., Kinzer, C.K., Coiro, J., & Cammack, D. (2004). Toward a theory of new
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International Reading Association. En ligne :
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Pudelko, B., Henri, F., & Legros, D. (2003) Entre la conversation et l’écriture : les deux faces
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l’Université du Québec.
Tyner, K. (1998). Literacy in a digital world. Teaching and Learning in the age of
information. Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum Associates.
1
Recherche conduite dans le cadre du projet Numéral (Numérique et apprentissages locaux), Programme
TCAN-CNRS (Technologies de la Connaissance et Apprentissages Numériques, 2004-2007).
151
BEN ISMAIL BEN ROMDHANE Dorsaf : EDIPS, ISEFC (Institut Supérieur de l’Education et de
la Formation Continue), 43, rue de la Liberté 2019. Le Bardo, Tunisie. Laboratoire
CHArt (Université de Paris 8).
[email protected]
BOUDECHICHE Nawal : Université d’El Tarf. Laboratoire CRASC. Laboratoire CHArt (Université
de Paris 8).
[email protected]
DUVELSON Emilien : (Haiti) Université de Paris 8, Laboratoire CHArt (Université de Paris 8).
[email protected]
DZIRI Fatima Zohra: Université de Khenchela. Laboratoire CHArt (Université de Paris 8).
[email protected]