Cottin Christophe 2010

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N◦ d’ordre : 4089

THÈSE
présentée à
l’université Bordeaux I
École doctorale des sciences chimiques
par Christophe COTTIN
pour obtenir le grade de
Docteur
Spécialité : chimie-physique

Drainage dans des micromodèles de milieux poreux


Application à la récupération assistée du pétrole

Soutenue le 22 octobre 2010

Après avis de :

M. Jean-François ARGILLIER Rapporteur


M. Harold AURADOU Rapporteur

Devant la commission d’examen formée de :

M. Hugues BODIGUEL
Mme. Annie COLIN
M. Frieder MUGELE
M. Mikel MORVAN Président
M. Jean-François ARGILLIER Rapporteur
M. Harold AURADOU Rapporteur
2
Remerciements

Mes premiers remerciements s’adressent à Mathieu Joanicot, ancien directeur du LOF


pour m’avoir recruté sur ce sujet de thèse, et à Patrick Maestro, actuel directeur du labo-
ratoire, pour la considération qu’il m’a accordée au cours de ces trois années.
Je tiens à saluer tout particulièrement mes directeurs de thèse, Annie Colin et Hugues
Bodiguel, pour la qualité et la complémentarité de leur encadrement. Je leur suis infiniment
reconnaissant pour tout ce qu’ils m’ont apporté, j’ai le sentiment d’avoir beaucoup progressé
à leurs cotés. Merci à Annie pour ses explications, sa disponibilité, sa patience, merci à
Hugues de m’avoir appris rigueur et sens du détail. Je n’oublierai pas les discussions dans
la cuisine autour du tableau, où le devenir d’un petit ménisque eau-huile me laissait parfois
perplexe...
Je tiens également à remercier l’ensemble des membres du jury, Jean-François Argillier
et Harold Auradou rapporteurs, Mikel Morvan et Frieder Mugele, examinateurs, pour avoir
évalué mon travail avec beaucoup d’attention.
Je voudrais ensuite remercier toutes les personnes du LOF que j’ai côtoyées au cours
de ces trois années. Travailler dans ce laboratoire fut un réel plaisir, grâce à vous tous.
Merci en particulier à la team EOR, Guillaume, Max, Patrick et Philippe pour leurs
conseils et leur amitié. Ce fut une chance pour moi de travailler avec une telle équipe. Merci
à eux pour leurs conseils scientifiques mais aussi pour tous les bons moments en dehors
du labo. Je me rappellerai longtemps des soirées du jeudi soir...ma balance aussi ! Merci
aux thésards de l’équipe, Amandine et Lingguo. Bon courage à Lingguo pour dompter les
ménisques récalcitrants et bonnes séances de salle blanche à Amandine pour des canaux
de plus en plus petits et toujours plus beaux ! Bonne thèse à Julien, stagiaire avec qui j’ai
travaillé, qui a réalisé les expériences du chapitre six de ce manuscrit et qui va continuer à
injecter toutes sortes de fluides dans des micromodèles. Merci à Oriane, thésarde préférée
du chef (mais j’ai quand même publié avant elle !) et Laure, pour leur gentillesse et le temps
passé à me trouver de supers cadeaux. Merci à mes amis du Caes à 11h40 (et pas 42 !),
Chloé, une amie plutôt chou, Fanny, très attentive à ma ligne, l’infatigable et toujours
de bonne humeur Thomas et celui à qui aucun point oublié sur un graphe n’échappe,
Matthieu.
Merci également à Aurore, Inês et Julien qui ont commencé leur thèse en même temps
que moi et avec qui nous avons partagé nos doutes et nos attentes au cours de ces trois
ans. Merci à Aurore de m’avoir supporté et de n’avoir rien dit sur l’état de mon bureau au
cours de la période de rédaction.

3
4

Merci également à Céline, Martine et Sylvie pour avoir toujours réussi à résoudre en
un clin d’oeil n’importe quel problème administratif.
Merci aussi à mes amis de Haute-Savoie, membres du «Hawaii 2011 project», Christelle,
Julie, Claire et Jean-Pierre.
Merci à mes amis de CPB que je n’oublie pas même si on se voit peu, Audrey, Célia,
Marie, Mickaël, Sandrine, Stéphane.
Enfin, je tiens à remercier avec beaucoup d’affection ma famille pour son soutien per-
manent. Merci à mes parents, à ma soeur Isabelle et à ma grand-mère pour leur amour et
leur présence tout au long de mes études. J’ai une pensée émue pour mon oncle Claude qui
nous manque.
Enfin, merci à Adeline, grâce à qui cette dernière année de thèse fut si belle.
Ces trois années et le travail réalisés n’auraient pas été les mêmes sans toutes ces
personnes. Ce fut une réelle chance de commencer à travailler à vos côtés.
Table des matières

Introduction 9

I État de l’art : Écoulements diphasiques en milieux poreux,


mouillage. Outils développés au cours de la thèse 13
1 Écoulements en milieux poreux 15
1.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.2 Écoulements à l’échelle de Darcy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.2.1 Le cas monophasique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.3 Écoulements locaux à l’échelle du pore . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.3.1 La tension de surface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.3.2 Le mouillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.3.3 Drainage et imbibition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.4 Drainage en milieux poreux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.4.1 Forces en présence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.4.2 Loi de Darcy dans le cas diphasique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.4.3 Diagramme de phase de Lenormand . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.4.4 Digitations visqueuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.4.5 Déplacements stables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
1.4.6 Digitations capillaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1.4.7 Illustration simple du modèle de l’invasion percolation avec forces
visqueuses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
1.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
1.6 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33

2 Le mouillage 35
2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.2 Mouillage statique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.2.1 Caractérisation d’un état de mouillage . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.3 Mouillage et forces à longue portée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.3.1 Quelques rappels sur les interactions à longue portée . . . . . . . . 37
2.3.2 Conséquences pour le mouillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

5
6 Table des matières

2.3.2.1 Mouillage total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39


2.3.2.2 Mouillage pseudo-partiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.3.2.3 Mouillage partiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.3.3 Critère de mouillabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
2.3.4 Capillarité et pesanteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
2.4 Mouillage dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.4.1 Cas du mouillage partiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.4.2 Cas du mouillage total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
2.4.3 Films de coins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
2.5 Illustrations par des expériences dans des systèmes modèles . . . . . . . . . 50
2.5.1 Principe de l’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
2.5.2 Silanisation en capillaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.5.3 Cas du mouillage partiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.5.4 Cas du mouillage pseudo-partiel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.6 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.7 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

3 Outils expérimentaux développés 57


3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
3.2 Conception de milieux poreux modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
3.2.1 Poreux modèle en PDMS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
3.2.1.1 Etapes de microfabrication . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
3.2.1.2 Caractéristiques des micromodèles en PDMS fabriqués . . 61
3.2.2 Poreux modèle en verre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
3.2.2.1 Étapes de microfabrication . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
3.2.2.2 Etape de collage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
3.2.2.3 Caractéristiques des milieux poreux modèles fabriqués . . 66
3.2.3 Silanisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
3.2.3.1 Quelques informations sur le mécanisme réactionnel . . . . 67
3.2.3.2 Silanisation de milieux poreux modèles . . . . . . . . . . . 67
3.2.3.3 Comment s’assurer d’une silanisation réussie . . . . . . . . 68
3.2.4 Caractérisation des fluides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
3.2.5 Propriétés de Mouillage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
3.2.5.1 Le paramètre d’étalement . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
3.2.5.2 Types de mouillage étudiés . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
3.2.6 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
3.3 Principe des expériences réalisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
3.4 Analyse Matlab des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
3.4.1 Calcul du nombre capillaire imposé, Cai . . . . . . . . . . . . . . . 75
3.4.2 Calcul des vitesses locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
3.4.2.1 Détermination de la grille . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
3.4.2.2 Détermination de l’échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
3.4.2.3 Calcul direct par analyse du déplacement des ménisques . 78
Table des matières 7

3.4.2.4 Calcul indirect basé sur le calcul du champ de pression . . 80


3.4.3 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
3.5 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

II Drainage dans des milieux poreux modèles : Influence des


propriétés de mouillage 85
4 Mouillage partiel 87
4.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
4.2 Invasion du milieu poreux modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
4.2.1 Résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
4.2.2 Un modèle pour comprendre le mécanisme d’invasion . . . . . . . . 92
4.2.3 Résolutions numériques de l’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.2.3.1 Description de l’algorithme . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
4.2.3.2 Comparaison entre résultats numériques et expérimentaux 100
4.2.4 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.3 Drainage après percolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
4.3.1 Absence de drainage : faits expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . 102
4.3.2 Modèle pour expliquer le blocage des poches de fluide mouillant . . 103
4.3.3 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.4 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

5 Mouillage total et mouillage pseudo-partiel 107


5.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
5.2 Drainage en mouillage total . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
5.2.1 Invasion du milieu poreux modèle avant percolation . . . . . . . . . 108
5.2.1.1 Résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
5.2.1.2 Quelques analyses préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . 109
5.2.1.3 Détermination des vitesses locales . . . . . . . . . . . . . . 111
5.2.1.4 Obtention de courbes maîtresses . . . . . . . . . . . . . . 112
5.2.1.5 Discussion des résultats de l’invasion . . . . . . . . . . . . 115
5.2.1.6 Conclusions sur l’invasion en mouillage total . . . . . . . . 119
5.2.2 Après la percolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
5.2.2.1 Résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
5.2.2.2 Quelques interprétations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
5.2.2.3 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
5.3 Expériences de drainage en mouillage pseudo-partiel . . . . . . . . . . . . . 126
5.3.1 Résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
5.3.2 Quelques conclusions sur le drainage en mouillage pseudo-partiel . . 128
5.4 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
8 Table des matières

III Étude approfondie en mouillage partiel : rhéologie et che-


mins préférentiels 131
6 Influence de la rhéologie 133
6.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
6.2 Fluides non newtoniens : quelques rappels . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
6.2.1 Fluides simples, fluides complexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
6.2.2 Rhéofluidification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134
6.2.3 Viscoélasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
6.3 Rhéologie des solutions de HPAM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
6.4 Invasion du milieu poreux modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
6.5 Interprétation des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
6.5.1 Effet de la rhéofluidification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
6.5.2 Mesure des vitesses de glissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
6.5.2.1 Particle Image Velocimetry . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
6.5.2.2 Expériences de PIV avec du HPAM 18M à 250ppm . . . . 143
6.5.2.3 Validations des mesures locales . . . . . . . . . . . . . . . 144
6.5.2.4 Glissement à la paroi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
6.6 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146
6.7 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

7 Influence des chemins préférentiels 149


7.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
7.2 Principes des expériences réalisées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
7.3 Résultats expérimentaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
7.3.1 Images illustratrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
7.3.2 Détermination des vitesses locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
7.3.2.1 Comparaison drainage secondaire - drainage tertiaire . . . 153
7.3.2.2 Effets du ratio de viscosité, expériences de drainage tertiaire 155
7.4 Interprétations des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
7.4.1 Effet d’un balayage initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
7.4.2 Effet d’un ratio de viscosité défavorable . . . . . . . . . . . . . . . . 159
7.5 Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
7.6 Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

Conclusion et perspectives 163

A Invasion percolation et forces visqueuses : illustration par une simple


boucle 167
Introduction

L’exploitation du pétrole est aujourd’hui un des piliers de l’économie moderne, source


d’énergie et de matières premières. Le rapide développement technologique du XXème siècle
est dû en grande partie au pétrole.
Le pétrole est une huile plus ou moins visqueuse, formée essentiellement d’hydrocar-
bures. C’est un composé naturel, de couleur brune. La formation du pétrole est un processus
long et complexe.
La matière organique, d’origine végétale pour l’essentiel, s’est accumulée par gravité
et a été enfouie au sein de la matière minérale. Cette accumulation a été très lente et
s’est effectuée sur plusieurs centaines de millions d’années. Des couches de sédiments ont
ensuite recouvert cette matière organique, ce qui a entraîné une montée en température
et en pression de cette strate organique qui s’est transformée alors en kérogène, substance
intermédiaire entre la matière organique et les combustibles fossiles. La tectonique des
plaques a fait s’enfoncer ces couches sédimentaires lentement dans le sol, où la température
est plus élevée. Lorsque la température est devenue suffisamment importante (aux alentours
de 50◦ C, valeur variable selon le type de roches), le kérogène a commencé à se pyrolyser.
Cette pyrolyse décompose le kérogène en hydrocarbures. Cette décomposition est très lente,
l’âge du pétrole se situe ainsi autour de 100 millions d’années. Les hydrocarbures formés,
plus légers que l’eau, sont expulsés du kérogène. Ils sont piégés dans une zone perméable (du
sable ou des carbonates par exemple) appelée roche réservoir, roche qui est recouverte par
une couche imperméable (mélange d’argile, de schiste et de gypse) [1]. Il existe différents
types de pétrole, avec des compositions chimiques variées.
Le pétrole est à ce jour la première source mondiale d’énergie. En 2010, la consommation
mondiale est de 85.5 millions de barils par jour. Le FMI l’estime à 138.5 millions en 2030
[2], notamment à cause du besoin croissant en énergie des grands pays émergents comme
la Chine et l’Inde. Un rapport de 2007 du pétrolier British Petroleum (BP) estimait les
ressources de pétrole conventionnelles à 1208 milliards de barils, soit environ 60 années de
consommation [3]. Pour répondre à cette demande énergétique mondiale en croissance, il
faut découvrir de nouvelles réserves et surtout exploiter au mieux les champs matures, la
découverte de nouveaux gisements se faisant de plus en plus rare.
La récupération du pétrole s’effectue en plusieurs étapes. La première correspond à la
récupération dite primaire, le pétrole remonte spontanément à la surface, grâce à la diffé-
rence de pression entre l’intérieur du réservoir pétrolier et la surface. Ce procédé permet,
selon les réservoirs, de récupérer entre 5 et 30 % du pétrole en place. Pour augmenter

9
10

ce taux de récupération, les procédés secondaires consistent à injecter par un puits d’in-
jection du gaz ou de l’eau afin de venir «pousser» le pétrole et de récupérer par le puits
de production la fraction restée en place lors de la récupération primaire. Ces méthodes
sont employées couramment sur les gisements suffisamment importants ; elles permettent
d’atteindre un taux de récupération de l’ordre de 25% à 35% du pétrole en place.
Viennent ensuite les procédés de récupération tertiaire (Enhanced Oil Recovery - EOR
en anglais) qui permettent d’accroitre davantage ces taux de récupération. Trois techniques
distinctes peuvent être utilisées : l’EOR chimique, qui consiste à améliorer le balayage du
pétrole par l’eau ; l’injection de gaz tel que le CO2 qui en se mélangeant au pétrole va
favoriser sa production et enfin l’EOR thermique qui en chauffant le pétrole augmente sa
mobilité. Ces techniques permettraient un gain de 20% des taux de récupération pour les
champs matures. L’enjeu est de taille, puisqu’à l’échelle mondiale, chaque pour-cent gagné
représente deux années de consommation supplémentaires.
Les techniques d’EOR ne sont économiquement viables que lorsque le prix du baril de
pétrole est élevé, c’est pourquoi à la suite des chocs pétroliers des années 1970-80 lorsque
le prix du baril est devenu peu élevé (moins d’une dizaine de dollars US), les recherches
dans ce domaine ont cessé. Avec la hausse constante du prix du baril et l’appauvrissement
des ressources, l’industrie pétrolière reconsidère aujourd’hui les méthodes de récupération
assistée du pétrole.
Les problèmes qui restent à résoudre sont nombreux. Les études des années 1970-80 ont
montré qu’il fallait injecter des fluides visqueux et obtenir de faibles tensions de surface. A
ce stade, des problèmes de formulation demeurent. En effet, les conditions de pression, de
température et de salinité sont telles au fond d’un réservoir que les produits chimiques clas-
siques sont inadaptés pour cette application. De plus, les vitesses caractéristiques d’avancée
du pétrole sont de l’ordre de quelques centimètres par jour, les produits injectés doivent
donc être stables dans des conditions drastiques de température et de salinité, mais aussi
sur une durée de plusieurs mois. Les études et les résultats antérieurs se limitent au cas des
réservoirs mouillables à l’eau et faiblement fracturés. Les solutions techniques proposées ne
sont pas opérationnelles pour les roches mouillables à l’huile ou fracturées type carbonate.
Par conséquent, des recherches industrielles sont actuellement menées pour déterminer et
formuler des produits opérant dans de telles conditions. Le groupe de chimie Rhodia, qui
a financé cette thèse, souhaite se positionner sur ce marché.
Lors de la récupération assistée du pétrole, les propriétés de mouillage jouent un rôle
clé. Par exemple, pour les réservoirs du Moyen - Orient, réservoirs dits mouillables à
l’huile, où se concentrent 70% des réserves actuelles, le pétrole, de par sa forte affinité
avec la roche, est extrait difficilement. Dans certains réservoirs sablonneux d’Afrique, ré-
servoirs dits mouillables à l’eau, la récupération semble plus aisée. Comprendre les effets
du mouillage dans de tels systèmes a donc un intérêt industriel majeur.
Au niveau académique, les enjeux résident dans la compréhension de l’influence des
propriétés de mouillage dans un écoulement diphasique et dans l’identification des forces
pilotant un écoulement à très basse vitesse, en fonction du mouillage. Selon l’échelle choi-
sie, les paramètres à considérer sont différents : la description de l’écoulement global à
l’échelle du réservoir autorise des approximations qui ne sont plus permises lorsque l’on
11

analyse l’écoulement à l’échelle d’un pore microscopique. Nous avons choisi une approche
microfluidique avec la réalisation au laboratoire de micromodèles de milieux poreux. La
microfluidique permet une visualisation directe des écoulements, la géométrie du milieu
poreux est très bien contrôlée. De plus, en fonction des matériaux choisis pour la réalisa-
tion des micromodèles, il est possible de modifier et de contrôler les propriétés de mouillage
grâce à des techniques de traitement de surfaces. Nous avons travaillé tout d’abord avec
des fluides newtoniens pour bien analyser les effets liés au mouillage et poser les bases de
notre étude. Ensuite, l’effet de la physico-chimie est regardé avec des fluides complexes.
Le manuscrit est organisé comme suit. Une première partie permet de poser les bases
théoriques et expérimentales nécessaires pour la compréhension des travaux réalisés au
cours de cette thèse. Le premier chapitre définit les notions importantes concernant l’écou-
lement de fluides diphasiques dans des milieux poreux. Le second chapitre présente les
différents types de mouillage. Le troisième chapitre expose les outils expérimentaux déve-
loppés, en particulier notre approche microfluidique et le traitement d’image associé.
La seconde partie, coeur de ce manuscrit, présente l’influence du mouillage lors d’expé-
riences de drainage. Le quatrième chapitre est consacré aux résultats obtenus en mouillage
partiel et leurs interprétations. Le cinquième chapitre est quant à lui dédié à l’étude du
mouillage total et pseudo-partiel.
Enfin, la troisième partie de ce travail expose des résultats obtenus en mouillage partiel.
Après avoir bien identifié les mécanismes importants et les lois d’évolution dans le quatrième
chapitre, nous nous intéressons à l’influence de la rhéologie du fluide pousseur dans le
sixième chapitre et à celle de chemins préférentiels à l’eau dans le septième chapitre.
12
Première partie

État de l’art : Écoulements diphasiques


en milieux poreux, mouillage. Outils
développés au cours de la thèse

13
Chapitre 1

Écoulements en milieux poreux

1.1 Introduction
Dans ce chapitre sont présentés différents aspects de l’écoulement en milieux poreux.
Cette étude préliminaire permet de poser les bases théoriques nécessaires pour comprendre
les expériences menées ensuite dans des micromodèles de milieux poreux.
Tout d’abord, en se plaçant à l’échelle macroscopique est exposée la relation empirique
de Darcy dans le cas très simple où un seul fluide est présent. Nous regardons ensuite
comment évolue cette relation dans le cas diphasique. Enfin, nous regardons plus en détail
les phénomènes présents en milieux poreux à l’échelle du pore, phénomènes dont la prise
en compte est essentielle à très faible vitesse.

1.2 Écoulements à l’échelle de Darcy


1.2.1 Le cas monophasique
Un milieu poreux est une matrice constituée de pores et de canaux dont les tailles
peuvent être microscopiques, interconnectés, dans lesquels s’écoulent les fluides. Le sable
ou le sol sont des exemples typiques de milieux poreux.
L’étude de tels systèmes est difficile à cause de la grande complexité du réseau poreux.
La description complète de l’écoulement dans un milieu poreux nécessite de connaître
localement en détail la forme des canaux. Simuler un écoulement (au sens de résoudre
l’équation de Stokes) dans un réservoir dont la taille est proche du kilomètre est pour
l’heure impossible. De ce fait, l’ingénierie pétrolière n’étudie pas les phénomènes à l’échelle
d’un simple pore, mais considère des propriétés moyennes à une échelle intermédiaire entre
le pore et la globalité du réservoir, appelée échelle de Darcy.
La porosité φ et la perméabilité K sont deux paramètres importants pour caractériser
un milieu poreux. La porosité du milieu poreux est définie comme suit (1.1) :

volume des pores


φ= (1.1)
volume total du réseau

15
16 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

Le volume des pores est le volume total des pores contenus dans la matrice poreuse ; le
volume total du réseau est le volume de la matrice auquel s’ajoute le volume des pores. On
a donc nécessairement 0 ≤ φ ≤ 1. La porosité est moyennée à l’échelle de quelques pores,
par conséquent le volume de la matrice associée à ces pores doit être supérieur au volume
des pores seuls. La porosité peut souvent être considérée comme une donnée constante
pour décrire un milieu poreux.
La perméabilité K décrit la capacité du fluide à s’écouler dans le milieu poreux. K
est souvent appelée perméabilité absolue et sa valeur dépend seulement de la géométrie
du milieu étudié. Nous évoquerons dans le paragraphe suivant la notion de perméabilité
relative, qui dépend, en plus de la géométrie, du fluide qui s’écoule dans le milieu poreux.
Le lien entre porosité et perméabilité n’est pas trivial. Des modèles ont été développés, la
taille des pores est le paramètre le plus important [4].
Un fluide s’écoulant dans un milieu poreux est caractérisé par sa viscosité dynamique
η. La viscosité indique la résistance à l’écoulement due au cisaillement. Nous considérons
dans cette thèse le cas de fluides newtoniens incompressibles et isotropes pour lesquels la
viscosité est constante (à T fixée) et se caractérise par le seul coefficient η. Dans le chapitre
6, sera évoqué le cas de solutions de polymères qui obéissent à des lois rhéologiques plus
complexes.
L’écoulement d’un fluide newtonien monophasique s’écoulant dans un milieu poreux est
décrit par la loi de Darcy [5]. Considérons une matrice poreuse de perméabilité K soumise
à la gravité (homogène) ~g . Un fluide de viscosité η, de masse volumique ρ est injecté à
travers le milieu poreux, soumis à un gradient de pression ∇P ~ . Le débit du fluide Q est
donné par (1.2).

Q~ = − K · (∇P
~ − ρ~g ) (1.2)
η
Sous cette forme généralisée, l’équation de Darcy est très bien vérifiée par l’expérience si
les déformations du poreux sont négligeables et si l’écoulement du fluide à l’échelle du pore
vérifie l’équation de Stokes [6]. Les nombres de Reynlods impliqués sont faibles.
Outre cette équation de Darcy, les grandeurs qui décrivent à l’échelle macroscopique les
propriétés de l’écoulement doivent aussi vérifier une relation exprimant la conservation de
la masse du fluide, appelée équation de continuité, qui s’écrit pour un milieu poreux non
déformable (1.3) :
div(ρ~u) = 0 (1.3)
~
où ~u désigne la vitesse de Darcy, ~u = QS
. La description macroscopique à l’échelle du
réservoir se révèle assez simple dans le cas où un seul fluide est présent, le débit est alors
donné par une seule équation linéaire, que l’on sait résoudre. En revanche, lorsque deux
fluides s’écoulent dans le milieu poreux, la situation est plus complexe.
Examinons à présent les forces en présence et les grandeurs caractéristiques d’un écoule-
ment diphasique en milieu poreux. Nous regardons ensuite comment quantifier les vitesses
d’écoulement des fluides à travers le milieu poreux en fonction de la géométrie de celui-ci.
1.3. Écoulements locaux à l’échelle du pore 17

1.3 Écoulements locaux à l’échelle du pore


Une étude locale entre une phase en place dans un milieu poreux et une seconde
phase venant la déplacer (phases immiscibles) nécessite de regarder les effets intervenants
à l’échelle du pore. En particulier, il faut regarder les effets du mouillage et de la capillarité
entre les deux fluides. Ces deux propriétés sont essentielles pour décrire les écoulements à
travers des pores microscopiques à très basse vitesse. Dans cette partie, sont présentés des
résultats très généraux sur le mouillage. Puis, la notion de nombre capillaire est introduite.
Les différents types de mouillage et leur caractérisation font l’objet du chapitre suivant.
Nous regardons enfin comment s’exprime la loi de Darcy dans le cas diphasique et comment
la résoudre.

1.3.1 La tension de surface


Considérons deux liquides immiscibles (le même raisonnement s’appliquerait aussi pour
les solides). Au sein de chacun des liquides, les molécules s’attirent entre elles, ces forces
attractives sont responsables de la cohésion des liquides (ces interactions sont détaillées
dans le chapitre suivant). A l’interface des deux fluides, les interactions sont modifiées,
chaque liquide perdant des interactions attractives à cause de l’interface. Chaque liquide
va alors ajuster sa forme pour minimiser sa surface exposée à l’interface. Exposée à une
surface, une molécule est donc dans un état d’énergie défavorable. La tension de surface
mesure directement cet accroissement d’énergie par unité de surface.
Considérons une goutte d’eau, en équilibre avec sa vapeur, les forces gravitationnelles
sont négligées. La goutte adopte une forme sphérique pour minimiser son énergie de surface.
La courbure de la surface traduit une différence de pression entre la phase liquide et la phase
gaz. La pression à l’intérieur de la goutte du côté concave est supposée être supérieure à la
pression du côté convexe. On note γ la tension superficielle de la goutte. L’énergie libre de
surface de la goutte est donnée par 4πR2 γ, où R désigne le rayon de la goutte. Augmentons
de dR le rayon de cette goutte. L’incrément d’énergie de surface correspondant est donné
par 8πRγdR. Cette énergie doit être compensée par les forces de pression entre l’eau et
la vapeur. On note ∆p > 0 la différence de pression entre l’eau et la vapeur. Le travail
nécessaire pour augmenter la taille de la goutte de dR est donné par : ∆p · 4πR2 dR =
8πRγdR. Par conséquent, la pression entre la surface de la goutte et sa vapeur devient :

∆p = (1.4)
R
Cette équation est appelée équation de Young-Laplace, elle a été établie en 1805 [7]. Dans
le cas général, elle s’écrit (1.5) :
1 1
∆p = γ( + ) (1.5)
R1 R2
où R1 et R2 désignent les principaux rayons de courbure de l’interface. Le cas précédent
est simplement un cas particulier, puisque dans le cas d’une sphère R = R1 = R2 . Cette
18 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

différence de pression entre deux phases est appelée pression capillaire ou pression de
Laplace.

1.3.2 Le mouillage
Le mouillage est traité en détails dans le chapitre suivant. Seuls sont apportés ici
quelques éléments de base propres aux milieux poreux.
Le mouillage d’un liquide sur une surface est caractérisé par l’angle de contact formé
entre une goutte de ce liquide et une surface horizontale, on note cet angle θ. Cet angle
dépend des tensions de surface impliquées dans l’équilibre de la goutte.
Pour un écoulement diphasique en milieu poreux, l’angle de contact intervient dans la
définition de la pression capillaire. On note r le rayon d’un pore, θ l’angle entre l’interface
et la surface du pore, la pression capillaire de ce pore est la suivante (1.6), illustration
(FIG. 1.1) :

pc = cos(θ) (1.6)
r

2r
θ
pw po
r R

(a) (b)

Fig. 1.1 – (a) Écoulement diphasique dans un tube cylindrique de rayon r. Le fluide non mouillant
est foncé. La différence de pression à l’interface des deux fluides est donnée par la pression capillaire
pc = pw − po . (b) Représentation géométrique d’une surface incurvée avec un angle de mouillage
θ dans un tube de rayon r.

1.3.3 Drainage et imbibition


En fonction des propriétés de mouillage des fluides sur la surface du milieu poreux,
deux types de déplacements sont rencontrés en milieu poreux [8].
– le drainage, lorsqu’un fluide non mouillant pour la surface est injecté pour déplacer
un fluide en place mouillant.
– l’imbibition, cas inverse du drainage, rencontré lorsqu’un fluide mouillant est injecté
pour déplacer un fluide en place non mouillant.
Ces deux mécanismes sont assez différents : à très basse vitesse imposée, dans le cas du
drainage, le fluide pousseur va prioritairement envahir les pores les plus gros. Pour envahir
un pore dans cette situation, il est nécessaire d’appliquer au fluide pousseur une pression
seuil supérieure à la pression capillaire de ce pore (pression capillaire positive, donnée par
1.4. Drainage en milieux poreux 19

(1.6)). A l’inverse, dans le cas de situations d’imbibition, le fluide pousseur mouillant va


prioritairement envahir les pores les plus petits, le fluide pousseur n’a alors pas de seuil à
franchir pour se propager dans le milieu poreux (imbibition spontanée, la pression capillaire
est négative).

1.4 Drainage en milieux poreux


Le drainage en milieu poreux est un mécanisme où un fluide non mouillant vient déplacer
un fluide mouillant. Ces déplacements entraînent la formation de structures plus ou moins
ouvertes. Trois types de comportements peuvent être observés : digitations visqueuses (type
Saffman Taylor), digitations capillaires (modèle de l’invasion percolation) ou front stable.
A noter que ces comportements se rencontrent aussi dans le cas de l’imbibition. Nous allons
présenter sommairement dans quelle situation est observée chacun des ces comportements.
L’essentiel de cette thèse est consacré à l’étude de digitations capillaires en fonction de
diverses propriétés de mouillage, ces résultats font l’objet des chapitres 4 et 5.

1.4.1 Forces en présence


Lorsque l’on considère un écoulement diphasique en milieu poreux, trois types de forces
sont à considérer :
– les forces visqueuses liées au fluide pousseur
– les forces visqueuses liées au fluide en place
– les forces capillaires liées à l’interface entre les deux fluides
Deux nombres adimensionnés vont donc caractériser cet écoulement, le nombre capillaire,
Ca, et le ratio de viscosité M .
Le nombre capillaire est un nombre traduisant la compétition entre les forces visqueuses
et les forces capillaires. Pour l’estimer, considérons un milieu poreux avec une taille de pores
caractéristique a. La perte de charge visqueuse associée à la traversée de ce pore est donnée
par ∆pv ∼ ηva k
, où η désigne la viscosité du fluide, k la perméabilité locale et v la vitesse
locale de traversée du pore. De plus, si dans ce même pore est présent une interface eau-
huile, une pression capillaire est associée à celle-ci, ∆pc ∼ γa , en supposant que la courbure
de l’interface soit égale à la taille du pore. Le nombre capillaire, ratio entre les forces
visqueuses et les forces capillaires est donné par :

∆pv ηva2
Ca = = (1.7)
∆pc γk

La perméabilité du pore est approximativement donnée par a2 et nous obtenons la définition


usuelle du nombre capillaire (1.8) :
ηv
Ca = (1.8)
γ
Le nombre capillaire est défini à l’échelle du pore. Lorsque Ca<< 1, les effets capillaires
dominent les effets visqueux. A titre indicatif, dans l’application de récupération assistée
20 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

du pétrole, ce nombre se situe aux alentours de 10−6 voire en deça. Dans les expériences
menées au laboratoire sur des micromodèles de milieux poreux, de tels nombres capillaires
sont atteignables.
Dans un écoulement diphasique en milieu poreux, les forces capillaires sont locales
(liées aux interfaces pore-fluide) alors que les forces visqueuses jouent un rôle à plus grande
échelle. La structure locale observée lors d’expériences de drainage dépend d’une distribu-
tion de pressions capillaires (distribution liée à une distribution de tailles de pores).
Dans la suite de ce manuscrit, nous faisons le choix arbitraire de définir ce nombre
capillaire à partir de la viscosité du fluide pousseur. Cela nous permet, nous le verrons aux
chapitres 4 et 5, d’obtenir des courbes maîtresses. A priori, il est également possible de
définir le nombre capillaire à partir de la viscosité du fluide en place.
Le deuxième paramètre adimensionné de l’étude est le ratio de viscosité M entre les
deux fluides. On note η1 la viscosité du fluide pousseur, η2 la viscosité du fluide en place,
le ratio de viscosité est simplement donné par :

M = η1 /η2 (1.9)

Maintenant que nous avons vu quelles sont les principales forces en présence lorsque
deux fluides immiscibles s’écoulent dans un milieu poreux, regardons comment quantifier les
vitesses d’écoulements, en particulier comment s’écrit la loi de Darcy pour un écoulement
diphasique en milieu poreux.

1.4.2 Loi de Darcy dans le cas diphasique


La loi de Darcy permet d’extraire une vitesse moyenne de l’avancée d’un fluide en milieu
poreux, en se basant sur des grandeurs moyennes macroscopiques (telle que la perméabi-
lité). Les difficultés apparaissent lorsque l’on souhaite décrire un écoulement diphasique
dans un tel milieu. Les interactions microscopiques entre les deux fluides (pression capil-
laire) causent localement d’importantes fluctuations de pression que l’on doit prendre en
compte. De plus, lorsque deux fluides sont présents simultanément dans un milieu poreux,
la capacité d’un fluide à s’écouler dépend de la configuration locale de l’autre fluide. Ces
deux effets ont été d’une certaine façon «incorporés» dans l’équation de Darcy.
Considérons par exemple un réservoir saturé par de l’huile (o) qui va être déplacée par
de l’eau (w). La perméabilité absolue du réservoir est notée K, la viscosité de l’huile ηo ,
celle de l’eau ηw . Au début de l’expérience, seule de l’huile est produite en sortie du milieu
poreux, pendant que de l’eau envahit petit à petit le milieu. La totalité du volume de pores
n’est donc pas disponible pour l’huile ou pour l’eau. On note Q~w le débit de l’eau, Q ~o celui
de l’huile. L’équation de Darcy pour ce système s’écrit :

Q~w Kkrw ~
=− · ∇pw (1.10)
S ηw
~o
Q Kkro ~
=− · ∇po (1.11)
S ηo
1.4. Drainage en milieux poreux 21

Les forces gravitationnelles sont négligées, krw et kro désignent les perméabilités relatives
de l’eau et de l’huile, pw et po les pressions dans l’huile et dans l’eau respectivement.
Les saturations en eau et en huile sont notées Swi et Soi . La saturation d’un liquide
dans le milieu poreux est simplement donnée par le volume total de ce liquide injecté
dans le milieu, divisé par le volume des pores. Les perméabilités relatives dépendent des
saturations correspondantes. Par exemple, si l’eau envahit l’intégralité du milieu poreux,
il vient Sw = 1, donc krw = 1 et kro = 0. Le volume total de pores est conservé, selon
(1.12). Ces perméabilités relatives se déterminent expérimentalement (par des expériences
de coreflooding, voir le chapitre 6). Les variations typiques des perméabilités sont repré-
sentées sur la figure (FIG. 1.2). krw s’annule pour une valeur finie non nulle Swi de la
saturation. En effet, une valeur trop faible de la saturation en eau ne permet pas de créer
un chemin continu pour l’eau entre l’entrée et la sortie du milieu poreux. De même pour
l’huile, il faut une saturation minimum (1 − Soi ) pour créer un chemin et mettre l’huile en
mouvement. L’huile résiduelle est présente sous forme de goutelettes (ou de poches dans
un milieu en 2D). L’allure des courbes et les valeurs de Swi et Soi dépendent fortement du
nombre capillaire imposé lors de l’expérience. Plus celui-ci est fort, plus Soi tend vers zéro.

Sw + So = 1 (1.12)

Fig. 1.2 – Variations des perméabilités relatives en fonction de la saturation en eau Sw .

Nous traitons le cas diphasique, la pression dans l’huile diffère de celle dans l’eau, la
différence exacte entre ces deux pressions n’est connue qu’en l’absence de déplacement.
La pression capillaire entre les deux phases est donnée par pc = pw − po . Cette diffé-
rence de pression est fonction des effets capillaires. Généralement, dans un réservoir les
vitesses d’écoulement sont extrêmement faibles (de l’ordre du cm/jour), ce qui rend les ef-
fets visqueux négligeables. Ces effets capillaires, locaux, sont difficiles à prendre en compte
à l’échelle de Darcy. Néanmoins, à faible nombre capillaire, on ne peut pas négliger la
pression capillaire.
22 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

Pour résoudre l’équation de Darcy, plusieurs modèles ont été développés. Par exemple,
le modèle de Buckley-Leverett qui cherche à déterminer les perméabilités relatives à partir
de données expérimentales. On s’intéresse à l’évolution de la saturation en eau dans un
échantillon poreux, de section Σ, de porosité φ, avec un écoulement selon l’axe x. Pour un
débit appliqué constant, en chaque cote x, il vient :

Qt = Qw (x) + Qo (x) (1.13)

Pour tenir compte des changements de saturation en eau et en huile, les équations de
conservation s’écrivent :
∂Sw ∂Qw
φΣ + =0 (1.14)
∂t ∂x
∂So ∂Qo
φΣ + =0 (1.15)
∂t ∂x
Les débits Qw et Qo correspondent aux vitesses déterminées par les équations de Darcy
(1.10 et 1.11).
Nous observons que les cinq équations (1.10, 1.11, 1.12, 1.14 et 1.15) contiennent six
inconnues : Qw , Qo , Sw , So , pw et po . Il nous faut donc une équation supplémentaire pour
résoudre le système. Pour simplifier l’approche, le modèle de Buckley-Leverett consiste à
négliger les effets capillaires et à considérer que la pression dans l’eau et dans l’huile sont
égales. Ainsi, dpc /dS = 0 et pw = po .
En introduisant le concept d’écoulement fractionné, Buckley et Leverett dérivent l’équa-
tion de la saturation en eau Sw (x, t) pour obtenir l’equation de Buckley-Leverett [9].
∂Sw ∂Sw
+ U (Sw ) =0 (1.16)
∂t ∂x
avec
Q df
U (Sw ) ≡ ( ) (1.17)
φΣ dSw
Cette dernière équation (1.17) donne la vitesse du front de saturation en eau. Le volume
fractionnel en eau f est extrait des équations de Darcy (1.10 et 1.11).
Qw 1
f = f (Sw ) = = (1.18)
Qw + Qo 1 + kkwo ηηwo

Les solutions générales de l’équation de Buckley-Leverett sont de la forme Sw (x, t) =


Sw (x − U (Sw ), t), ce qui montre que U (Sw ) est bien la vitesse du front entre les fluides à
la saturation Sw .
De manière générale, la pression capillaire est fonction de la saturation résiduelle en
eau et en huile. La forme de cette fonction pc (S) dépend du nombre capillaire.
Si les effets de capillarité ne sont pas négligeables, regardons comment résoudre le
système. Chaque fluide obéit à l’équation de Darcy (équations 1.10 et 1.11). On suppose
po = constante (hypothèse réaliste si le fluide pousseur est plus visqueux que l’huile en
place). Chaque fluide vérifie également l’équation de continuité (équations 1.14 et 1.15).
1.4. Drainage en milieux poreux 23

Les perméabilités relatives sont fonction de la saturation. De plus, lorsque l’on prend
en compte les effets liés à la pression capillaire, il vient :
µ ¶
∂S ∂ Kkrw ∂(S)
φ − pc (S) =0 (1.19)
∂t ∂x ηw ∂x

On pose p˜0c (S) ∼ pc


γ/a
où a est la taille moyenne d’un pore, en adimensionnant 1.19 on
obtient :
∂S 1 ∂ ¡ ¢ ∂(S)
≈ krw p˜0c (S) (1.20)
∂t Ca ∂x ∂x
Cette équation (1.20) est semblable à une équation de diffusion, avec 1/Ca comme coef-
ficient de diffusion. La saturation dépend du nombre capillaire. Cette équation reflète les
observations faites lors d’expériences de drainage : à fort nombre capillaire, ce coefficient de
diffusion est petit, c’est pourquoi le front du fluide pousseur est compact. A bas nombre ca-
pillaire, ce coefficient de diffusion est important, le front du fluide présente des digitations.
Nous allons examiner quelles sont les digitations observées, selon les valeurs du nombre
capillaire et du ratio de viscosité.
Il est difficile à l’échelle de Darcy de se rendre compte en détail des phénomènes ca-
pillaires. Toute la physico-chimie du problème est contenue dans la fonction pc (S) (dans
la limite des faibles nombres capillaires, les effets visqueux dominent ensuite pour les plus
grands nombres capillaires). L’étude de cette fonction nécessite de se placer à l’échelle du
pore et de reproduire sur des systèmes modèles des expériences de drainage. De telles études
ont beaucoup été menées ces trentes dernières années. Parmi les nombreux travaux exis-
tants, ceux de Lenormand ou Payatakes font figures de référence. Nous résumons ci-après
succinctement leurs travaux [8, 10, 11, 12, 13].

1.4.3 Diagramme de phase de Lenormand


Lenormand a proposé en 1990 [12] un premier diagramme de phase pour des expé-
riences de drainage en milieu poreux. Dans un diagramme en deux dimensions, où l’axe
des abscisses représente le ratio de viscosité entre les deux fluides, l’axe des ordonnées le
nombre capillaire, plusieurs expériences et simulations numériques l’amènent à définir trois
zones (FIG. 1.3) :
– une zone à faible nombre capillaire, avec un rapport de viscosité supérieur à 1 (le
fluide pousseur est plus visqueux que le fluide en place). Dans cette zone, l’écoulement
est piloté par la taille des pores, les pores les plus gros sont envahis, on observe des
digitations capillaires (les forces visqueuses sont négligeables dans les deux fluides).
– une zone à fort nombre capillaire avec un ratio de viscosité défavorable : le fluide en
place est plus visqueux que le fluide pousseur, on observe la formation de digitations
visqueuses (la perte de charge est négligeable dans le fluide pousseur).
– un régime à fort nombre capillaire, avec un ratio de viscosité favorable, un front
stable se propage dans le milieu poreux (les forces capillaires sont faibles et la perte
de charge dans la phase déplacée est négligeable).
24 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

Les frontières entre chacune de ces zones sont définies qualitativement. De plus, la distri-
bution de taille de pores n’est pas considérée, de même que le mouillage. Ce diagramme
donne toutefois dans les grandes lignes les différents scénarios possibles en situation de
drainage en milieu poreux.

Fig. 1.3 – Diagramme de phase obtenu par Lenormand dans le cadre d’expériences de drainage,
d’après [12]. Sur ces illustrations, on considère une injection centrale du fluide pousseur, celui-ci
apparaît en noir sur la figure (le fluide en place est transparent). Le ratio de viscosité est défini
avec la viscosité du fluide pousseur au numérateur.

1.4.4 Digitations visqueuses


Selon la géométrie considérée, le mécanisme responsable de l’apparition de digitations
visqueuses est différent. Tout d’abord, regardons dans une géométrie simple les digitations
de Saffman Taylor [14]. Elles sont liées aux forces visqueuses dans le fluide en place, elles
sont obtenues en injectant un fluide moins visqueux que le fluide en place. Les effets ca-
pillaires et la perte de charge dans le fluide pousseur sont alors négligeables. Ce type de
digitations a été étudié par Saffman et Taylor en 1958. Dans une cellule de Hele-Shaw
(dispositif constitué de deux plaques parallèles de largeur w, espacées d’une distance b,
avec b << w), ils observent la formation d’une déstabilisation de l’interface air - glycérol et
la formation de doigts lorsque de l’air vient pousser du glycérol. La taille des doigts formés
dépend du nombre capillaire : plus celui-ci est petit, plus les doigts formés sont larges.
1.4. Drainage en milieux poreux 25

Cette taille de doigts adopte une taille limite égale à la moitié de la largeur de Hele-Shaw
aux plus forts nombres capillaires. L’instabilité est déclenchée par le contraste de viscosité
entre les deux fluides, la tension de surface pilote la forme des doigts [15].
Un doigt formé se caractérise par sa largeur relative λ = w/W , où w est la largeur du
doigt, W celle de la cellule. Saffman et Taylor [14] ont montré que le paramètre de contrôle
du système était le suivant :
µ ¶2
W
1/B = 12 Ca (1.21)
b
où b est la hauteur de la cellule de Hele-Shaw. Aux faibles vitesses (Ca faibles), les forces ca-
pillaires dominent et les doigts formés sont larges. Aux fortes vitesses, les forces visqueuses
dominent et entraînent des doigts de largeur plus petite. Cette largeur ne se réduit pas
indéfiniment mais converge vers un plateau donné par λ = 0.5 (FIG. 1.4). Cette limite est
restée inexpliquée pendant très longtemps. En négligeant la tension de surface, Saffman et
Taylor parvenaient à expliquer la forme des doigts, mais ce modèle ne rendait pas compte
des résultats à faible vitesse. En 1986, une démonstration analytique des doigts de Saffman
Taylor est apportée [16, 17, 18].

Fig. 1.4 – Largeur relative des doigts λ obtenue pour différents fluides (chaque fluide correspond
à un symbole sur le graphe) en cellule de Hele Shaw. Résultats issus de [14].

Dans un milieu poreux, le déclenchement de l’instabilité n’est pas forcément lié au


contraste de viscosité entre les deux fluides. Homsy [19] a montré que, dans le cas d’un
milieu poreux, la digitation visqueuse dépendait de la densité et du ratio de mobilité (qui
se définit comme le rapport entre la viscosité d’un fluide et sa perméabilité relative) des
fluides en présence. La tension de surface n’intervient pas dans le mécanisme. Considérons
que l’écoulement ait lieu à une vitesse V . Homsy montre que l’écoulement est instable
lorsque :
(ρ2 − ρ1 )g
V > η2 η1 (1.22)
( k2 − k1 )
où ρi désigne la densité d’un fluide, ηi sa viscosité, ki sa perméabilité relative. Des vitesses
26 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

trop rapides entraînent la formation de l’instabilité, une telle situation entraîne la formation
de doigts d’eau dans l’huile.
Modèle DLA En 1984, Paterson [20] a mis en évidence un parallèle entre l’agréga-
tion limitée par la diffusion (DLA diffusion-limited aggregation) [21, 22] et la digitation
visqueuse dans les milieux poreux. Ce mécanisme de DLA est lié au développement d’une
interface dans un champ laplacien, comme le champ de pression lors de déplacements en
milieu poreux. On peut résumer ce mécanisme ainsi [21, 22] : une particule est fixée à un
endroit dans un réseau. Une autre particule est émise, loin de cette première particule,
et son mouvement est aléatoire (mouvement Brownien). Cette seconde particule va être
stoppée lorsqu’elle va rejoindre la première particule. Une autre particule est alors émise et
sera piégée à ce même endroit. Un agrégat se forme alors et croît. Ce procédé de diffusion
conduit à l’obtention de structures très ramifiées. Il faut que la diffusion soit le premier
moteur de transport des particules. Ce procédé est décrit par une équation de diffusion :

∂C
= D∇2 C (1.23)
∂t
où C désigne la concentration en particules, fonction du temps et de l’espace, D la constante
de diffusion des particules dans le milieu. Lorsque le flux de particules est constant et que
la source se trouve éloignée de l’agrégat, ∂C/∂t = 0, l’équation (1.23) se résume ainsi au
seul Laplacien :
∇2 C = 0 (1.24)
Revenons au cas du milieu poreux. Dans la cas étudié, le fluide en place est plus visqueux
que le fluide pousseur. On suppose donc que toute la perte visqueuse se situe dans le fluide
en place et que le gradient de pression dans la phase envahissante est nul. Par conséquent,
la vitesse de l’écoulement est donnée par l’équation de Darcy, appliquée à la seule phase
en place (équation 1.2). En tenant compte également de l’incompressibilité des fluides et
de l’équation de continuité (1.3), il vient ∇2 p = 0.
Cette équation est la même que l’équation (1.24) en remplaçant p par C. Il y a tout de
même une grande différence entre le processus DLA classique et la croissance de doigts vis-
queux en milieux poreux puisque dans un premier cas, l’aggrégation est due à la trajectoire
aléatoire des particules et dans le second cas à la distribution de taille de pores du milieu
poreux étudié. Ce régime a également été étudié expérimentalement. Citons pas exemple
les travaux de Lovoll et al en 2004 [23]. Des expériences de drainage dans des cellules de
Hele Shaw remplies aléatoirement de billes de verre (formant ainsi des milieux poreux 2D)
sont menées. La croissance de doigts d’air poussant un mélange eau-glycérol est étudiée.
Plus le nombre capillaire imposé est grand, plus les digitations visqueuses se développent.
Cette observation est propre à ce type de digitations.

1.4.5 Déplacements stables


Dans ce cas, la force prépondérante est la force visqueuse, liée à la viscosité du fluide
pousseur. Cette fois-ci, contrairement au cas précédent, le fluide en place a une viscosité
1.4. Drainage en milieux poreux 27

moindre que le fluide injecté. Les nombres capillaires correspondant à de tels déplacements
sont élevés, donc les forces capillaires sont négligeables par rapport aux forces visqueuses.
Les structures qui se développent sont caractérisées par un front plat entre les deux phases.
Modèle anti DLA Paterson [20] a fait le lien entre un déplacement stable et le mo-
dèle anti-DLA en 1984. Le modèle consiste cette fois-ci à avoir un agrégat de particules
de fluide prisonnier. On envoie des particules de fluide pousseur (antiparticules) qui se
déplacent aléatoirement. Lorsqu’une antiparticule rencontre une particule de l’agrégat, ces
deux particules sont éjectées. La taille de l’agrégat diminue ainsi petit à petit. Ce modèle
anti DLA n’est valable que lorsque la viscosité du fluide pousseur est très supérieure à celle
du fluide en place. Le parallèle entre une structure formée par le procédé anti DLA et un
déplacement stable a été confirmé par Lenormand [10].

1.4.6 Digitations capillaires


Ce type de déplacement s’obtient lorsque le débit d’injection du fluide pousseur est très
faible. A ces très faibles nombres capillaires (10−6 et en deçà) les forces visqueuses sont
négligeables par rapport aux forces capillaires qui vont piloter l’écoulement. Les structures
observées vont dépendre, dans ce régime de très faible nombre capillaire, uniquement de
la distribution de taille de pores. Un front très large se développe. Des poches de fluide
en place restent prisonnières, leurs tailles pouvant aller du pore à la longueur totale du
milieu poreux. Étant donné que la pression capillaire pilote l’écoulement, les propriétés de
mouillage sont importantes [8, 24] : le fluide non mouillant entre dans un pore rempli de
fluide mouillant seulement si la pression excède la pression capillaire de ce pore, pression
seuil, donnée par PC = Pnw − Pw (l’indice nw se réfère au fluide non mouillant, l’indice w
au fluide mouillant).
Modèle de l’invasion percolation en l’absence de forces visqueuses
Ce modèle a été beaucoup étudié ces vingt dernières années. Il a été développé par
Wilkinson et Willemsen en 1983 [25] et illustre l’origine physique du phénomène.
La théorie associe à chaque pore une pression seuil, entre 0 et 1, qui reste constante
au cours de l’expérience. A chaque instant, l’interface se déplace de proche en proche en
envahissant le pore qui a la plus forte probabilité d’être envahi (pore le plus gros où la
pression capillaire est la plus petite). Le processus s’arrête lorsque le fluide envahisseur
percole, c’est à dire crée un chemin continu entre l’entrée et la sortie du milieu poreux.
Après percolation, le fluide en place non déplacé est alors prisonnier. Ce modèle n’est
valable qu’aux très faibles nombres capillaires, pour que seule la pression capillaire associée
à chaque pore compte. Wilkinson et Willemsen ont déterminé la dimension fractale de
l’interface obtenue à la percolation, en fonction de la masse M du fluide pousseur et de la
longueur L du milieu poreux. Ils prédisent l’évolution suivante :

M (L) ∝ LDtrap (1.25)

où Dtrap ≈ 1.82 est la dimension fractale du cluster en deux dimensions, en tenant compte
du piégeage derrière le front. Cette dimension fractale a été confirmée expérimentalement
28 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

par Lenormand et Zarcone [26]. Il est important de noter que, dans ce modèle, seules les
forces capillaires sont considérées. A chaque jonction, le pore le plus gros est envahi, il
n’y a pas de stabilisation du front possible par une contribution des forces visqueuses. Un
exemple d’invasion de milieu poreux modèle selon le processus d’invasion percolation est
présenté (FIG. 1.5).
Notons que la situation est différente lorsque l’injection du fluide pousseur est contrôlée
en débit ou en pression : lors d’un contrôle en pression, si la pression appliquée est infé-
rieure à la pression capillaire d’entrée d’un pore, le fluide pousseur n’entrera jamais dans
ce pore, donc le système peut ne jamais percoler s’il rencontre des pores trop petits. En
revanche en débit, même lorsque le débit appliqué est très faible, la pression peut s’adapter
localement pour entrer dans un pore, ainsi le système finit toujours par percoler.

Fig. 1.5 – Exemple d’invasion d’un milieu poreux modèle selon un processus d’invasion perco-
lation (grille carrée avec une distribution aléatoire de la taille des canaux). L’injection se fait sur
toute la partie gauche du milieu poreux modèle, le fluide en blanc est le fluide pousseur, le fluide
en noir le fluide prisonnier. Image Hugues Bodiguel.

Modèle de l’invasion percolation tenant compte des forces visqueuses


Le modèle de l’invasion en tenant compte des forces visqueuses et des forces gravita-
tionnelles à été proposé par Wilkinson en 1986 [27]. Maloy et al. [28] ont ensuite proposé un
mécanisme d’invasion percolation modifié, pour rendre compte de l’invasion brutale d’une
série de pores simultanément, cela grâce aux forces visqueuses.
La théorie de l’invasion percolation en présence de forces visqueuses a été proposée
par Xu et Salin [29]. Ils relient la taille du front au nombre capillaire imposé (FIG. 1.6).
Expérimentalement, l’invasion percolation en présence de forces visqueuses a été traitée
par [30, 31]. Frette et al. mesurent une variation de la taille du front du fluide pousseur ξ
−0.6(±0.2)
en fonction du nombre capillaire imposé, Cai , donnée par ξ ∝ Cai .
Numériquement, ce problème se résout par un algorithme basé sur un modèle de réseau
de pores (PNM : Pore Network Modeling). Aker et al. ont proposé un modèle [32]. Le
1.4. Drainage en milieux poreux 29

Fig. 1.6 – Schéma de l’invasion percolation en présence de forces visqueuses, d’après [29]. Les
forces visqueuses permettent de compacter le front, détails apportés au chapitre 4.

principe de cette résolution est détaillé au chapitre 4, où nous comparons nos résultats
expérimentaux aux résultats numériques obtenus par cette résolution.
Avec le développement récent des technologies microfluidiques [33] pour miniaturiser
les systèmes, les écoulements diphasiques dans des milieux poreux 2D ont été beaucoup
étudiés. Ces systèmes ont l’avantage d’être transparents, il est donc très facile de visualiser
et de contrôler les écoulements, la géométrie des pores est très précise, ces dispositifs
miniatures sont faciles à réaliser et peu chers, ce qui a donné lieu à de nombreuses études
comme par exemple [34, 35, 36, 37].
Le modèle de la boucle
Nous avons vu qu’à très bas nombre capillaire, lors d’expériences de drainage, le fluide
non mouillant n’envahissait que les pores les plus gros pour lesquels la pression capillaire
était supérieure ou égale à la pression d’entrée dans ce pore.
Pour notre étude, nous allons concevoir à l’échelle microfluidique (voir le chapitre 3
pour les détails) des milieux poreux modèles en verre ou en PDMS. Or, la conception de
tels systèmes, aussi précise soit-elle, n’est pas parfaite. Entre différents canaux, de petites
différences de taille sont observées. Regardons sur un cas simple comment ces très petites
différences de tailles influent l’écoulement, en fonction des forces capillaires et visqueuses
en présence.

1.4.7 Illustration simple du modèle de l’invasion percolation avec


forces visqueuses
Considérons un canal droit qui se sépare en deux pour former une boucle de longueur L.
On suppose alors qu’une des branches de cette boucle est un petit peu plus large que l’autre
(FIG. 1.7). En fonction du nombre capillaire et de cette différence de taille, l’écoulement
30 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

est plus ou moins impacté : lorsque l’hétérogénéité est grande et le nombre capillaire faible,
l’écoulement s’arrête dans le canal le plus petit et n’a lieu que dans le canal le plus large.
L’intégralité du calcul est présenté en annexe (Annexe A), seuls quelques résultats sont
présentés ici.

L
Rp

Rg = Rp(1+ε)
Fig. 1.7 – Boucle de longueur L, le canal le plus petit est noté Rp , le canal le plus grand Rg ,
avec Rg = Rp (1 + ²), où ² désigne l’hétérogénéité.

La vitesse dans une branche i est donnée par :


µ ¶
ri2 γcos(θ)
vi = α · ∆P − (1.26)
η1 ri

où α est un préfacteur dépendant de la géométrie, η1 la viscosité du fluide pousseur, γ


l’angle de mouillage entre le fluide et la surface.
La condition trouvée dans le cas général pour que l’écoulement s’arrête dans le petit
canal est la suivante (1.27) :
Rp
Ca < cos(θ)² f (M ) (1.27)
L
où f (M ) indique la dépendance en viscosité si le fluide en place et le fluide pousseur n’ont
pas la même viscosité (M est le rapport de viscosité entre le fluide pousseur et le fluide en
place).
Grâce à ce calcul, on peut évaluer l’évolution de la saturation en fonction du nombre
capillaire, de ² et du rapport de viscosité entre les deux fluides. Le nombre capillaire est
défini à partir du fluide pousseur, comme c’est le cas pour le reste des expériences présentées
dans ce manuscrit.
Dans notre exemple, on choisit de prendre une saturation égale à 0 lorsque le fluide
pousseur parcourt l’intégralité des deux boucles. Si la différence de taille entre les deux
canaux est telle que seul le plus gros canal rejoint la sortie, alors la saturation est donnée
par 1−xp où xp désigne la position à laquelle s’est arrêté le fluide dans le canal le plus petit
(au moment où le gros canal percole, on considère que l’écoulement est arrêté de suite dans
1.4. Drainage en milieux poreux 31

le petit canal). Par conséquent, sur les figures présentées ci-après, une valeur de saturation
égale à 1 signifie que l’écoulement a lieu uniquement dans le plus gros canal. Regardons
quelques cas (davantage d’exemples sont présentés en annexe). Le nombre capillaire varie
entre 10−7 et 10−2 , l’hétérogénéité ² varie sur le même domaine. Le rapport r/L est fixé,
on regarde l’influence du ratio de viscosité. Ce ratio est fixé dans un cas à 1, dans un autre
à 100, les résultats sont présentés (FIG. 1.8).

−7 −7 1

0.4
−6 −6 0.8

0.3
−5 −5 0.6
log(ε)

−4
0.2 log(ε) −4 0.4

−3 0.1 −3 0.2

−2 0 −2 0
−6 −4 −2 −6 −4 −2
log(Ca) log(Ca)
Fig. 1.8 – Variations de la saturation dans le plus petit canal de la boucle en fonction de ² et du
nombre capillaire. Figure de gauche : M = 100, figure de droite : M = 1. Le code couleur indique
les variations de saturation. Les deux échelles sont différentes car sur la figure de gauche, lorsque
M = 100, il n’y a jamais arrêt complet de l’écoulement dans le plus petit canal.

Ces figures illustrent la dépendance entre ² la taille de l’hétérogénéité, Ca et Γ. Plus


le ratio de viscosité est important, plus l’hétérogénéité doit être importante pour impacter
l’écoulement. Dans le cas d’un ratio égal à 100, nous voyons que dans la gamme de nombre
capillaire et de valeurs de ² sondés, nous n’obtenons pas de saturation égale à 1, l’écoulement
dans le petit canal n’est donc pas arrêté. En revanche, pour des rapports de viscosité plus
faibles, proches de ceux avec lesquels sont menées nos expériences, l’hétérogénéité peut
très rapidement modifier l’écoulement, avec un arrêt dans le petit canal significatif. Dans
la gamme de nombre capillaire 10−7 − 10−5 , zone d’intérêt de notre étude, nous voyons
que la saturation dépend fortement de ² : lorsque cette hétérogénéité devient suffisamment
importante, l’écoulement a lieu uniquement dans le plus grand canal.
A titre d’exemple, prenons Rp = 30µm, L=1cm (valeurs cohérentes avec nos poreux
modèles fabriqués au laboratoire, voir le chapitre 3). Si l’on se place à isoviscosité et à
un nombre capillaire de 10−5 , on trouve alors ² = 3.3 · 10−4 , ce qui donne Rg = 30.1µm.
Ainsi, dans cette configuration, s’il y 100 nanomètres de différence entre ces deux canaux,
l’écoulement est très perturbé et stoppé dans le petit canal. Lorsque Ca = 10−6 cette
différence de taille se réduit à 100 angströms pour que l’écoulement cesse dans le plus petit
32 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux

canal. De tels défauts sont incontrôlables lors de la microfabrication.


Par conséquent, la stratégie retenue dans la suite de cette thèse pour pallier l’hétéro-
généité de microfabrication inhérente au procédé utilisé est de générer des grilles modèles
avec une distribution de taille des canaux. On impose ainsi une hétérogénéité contrôlée
au système, hétérogénéité supérieure évidemment à celle induite lors de la fabrication du
dispositif microfluidique. Ainsi, on s’affranchit de l’impact de l’hétérogénéité de microfa-
brication. Les résultats des chapitres suivants ont été obtenus avec de tels dispositifs.

1.5 Conclusion
Nous avons vu que deux types de forces intervenaient lors d’écoulements diphasiques
en milieux poreux : les forces visqueuses et les forces capillaires. Cela nous amène à définir
deux nombres adimensionnés : le nombre capillaire, Ca, rapport entre les forces visqueuses
et les forces capillaires et M , le ratio de viscosité entre les deux fluides de notre étude. Nous
avons examiné dans un diagramme (M , Ca) quels étaient les différents scénarios possibles :
digitations visqueuses, digitations capillaires ou front stable.
Motivés par l’application de récupération assistée du pétrole, nous allons essentielle-
ment étudier dans cette thèse le cas correspondant à la formation puis à la propagation de
digitations capillaires, là où les nombres capillaires rencontrés sont très faibles. En parti-
culier, dans cette zone, les forces capillaires et donc le mouillage jouent un rôle clé. Dans
nos expériences, le fluide pousseur est plus visqueux que le fluide en place. Nous n’étudions
pas le cas de digitations visqueuses.
Pour se faire, nous avons choisi une approche microfluidique avec la réalisation au labo-
ratoire de micromodèles de milieux poreux dans lesquels seront conduites des expériences
de drainage à très faible nombre capillaire. La microfluidique permet une visualisation
directe des écoulements, la géométrie du milieu poreux est très bien contrôlée. De plus,
en fonction des matériaux choisis pour la réalisation des micromodèles, il est possible de
modifier et de contrôler les propriétés de mouillage grâce à des techniques de traitement
de surfaces.
En particulier, nous allons dans cette thèse étudier de manière quantitative la transi-
tion entre le régime capillaire et le régime stable, en fonction de différentes propriétés de
mouillage. Pour les différents types de mouillage étudiés, nous travaillons avec des fluides
newtoniens. Nous obtenons des données expérimentales probantes pour les différents sys-
tèmes étudiés. Certains résultats expérimentaux sont confirmés par une simulation numé-
rique.
Après avoir obtenu avec des fluides simples des courbes maîtresses traduisant l’invasion
du micromodèle, l’influence de la rhéologie via l’utilisation de fluides non newtoniens utilisés
comme fluides pousseurs est présentée.
Enfin, par analogie avec l’application de récupération assistée du pétrole, où une injec-
tion d’eau (récupération secondaire) précède une injection de polymères ou de tensio-actifs
(récupération tertiaire par voie chimique), nous regardons, dans un micromodèle 2D où
des chemins privilégiés ont été créés et des poches d’huile sont restées prisonnières, com-
1.6. Résumé 33

ment déplacer ces poches résiduelles et créer de nouveaux chemins. En particulier, nous
regardons quel doit être l’incrément en terme de nombre capillaire pour que la saturation
en huile baisse significativement.

1.6 Résumé
Écoulements en milieux poreux
– à l’échelle du réservoir, dans le cas monophasique, les propriétés (porosité, perméa-
bilité) sont moyennées, l’écoulement est facilement décrit par la loi de Darcy.
– dans le cas diphasique, résolution plus complexe de l’équation de Darcy, on doit
tenir compte d’une distribution de pression capillaire.
– une étude à l’échelle du pore démontre l’importance de la tension de surface et du
mouillage
– on distingue deux mécanismes : le drainage (un fluide non mouillant déplace un
fluide mouillant) et l’imbibition (cas inverse où un fluide mouillant déplace un
fluide non mouillant)
Étude approfondie du drainage en milieu poreux
– le nombre capillaire, Ca, traduit le rapport entre forces visqueuses et forces capil-
laires
– selon la valeur de Ca et du ratio de viscosité entre les deux fluides, plusieurs cas
de figure se présentent : digitations visqueuses, digitations capillaires ou dévelop-
pement d’un front stable
Application à la réalisation de dispositifs microfluidiques
– un calcul très simple dans le cas d’une boucle modèle montre que de très faibles
différences de taille entre les canaux permettent d’arrêter l’écoulement dans le canal
le plus petit : conception de micromodèles avec hétérogénéité contrôlée
34 Chapitre 1. Écoulements en milieux poreux
Chapitre 2

Le mouillage

2.1 Introduction
Le mouillage est l’étude de l’étalement d’un liquide déposé sur un substrat solide ou
liquide. Ce phénomène est rencontré dans de nombreux domaines industriels, très variés.
Citons par exemple le cas de l’industrie automobile où les propriétés de mouillage sont très
importantes dans la préparation des surfaces à peindre, dans le traitement des pneuma-
tiques qui doivent adhérer sur une surface sèche ou mouillée. Le mouillage est également
étudié dans l’industrie chimique où la formulation de peintures, de colorants, d’insecticides
requiert un contrôle précis des propriétés de mouillage. Le mouillage joue un rôle également
vital dans la nature, que cela concerne la montée de la sève dans un arbre ou encore le
déplacement d’un insecte sur l’eau.
Dans ce chapitre, nous expliquons comment caractériser les différents types de mouillage,
quelles sont les propriétés physiques de chacun de ces mouillages. La théorie présentée ici
est issue de [38, 39, 40, 41, 42]. Nous présentons ensuite des expériences très simples réali-
sées au laboratoire dans des dispositifs modèles. Ces expériences permettent de mettre en
évidence les conséquences de ces propriétés de mouillage prédites théoriquement.

2.2 Mouillage statique


2.2.1 Caractérisation d’un état de mouillage
Pour définir un état de mouillage, il convient de considérer un système composé de trois
phases en équilibre thermodynamique. L’une de ces phases, notée S, constitue le substrat.
Les deux autres phases, peuvent être par exemple une phase liquide, notée L et une phase
vapeur, V.
Lorsque l’on dépose une goutte de la phase L (en coexistence avec la phase V) sur le
substrat, deux états de mouillages différents peuvent se présenter. Si la goutte ne s’étale
pas et forme un angle macroscopique avec le substrat S, on parle de mouillage partiel. Si la
goutte s’étale pour former un film macroscopique et uniforme sur le substrat, on parle de

35
36 Chapitre 2. Le mouillage

mouillage total. Le substrat S peut être un solide, c’est le cas dans les expériences qui sont
présentées dans cette thèse. Ce n’est pas nécessairement le cas, il peut également s’agir
d’un liquide qui joue le rôle du substrat, dans le cas où les phases L et V sont deux liquides
partiellement miscibles, en équilibre avec leur vapeur. L’état de mouillage considéré est
alors celui de la phase liquide la plus dense.
Au cours de cette thèse, nous avons également étudié un troisième type de mouillage,
appelé mouillage pseudo-partiel et rencontré dès lors qu’un coating très fin (quelques na-
nomètres) recouvre une surface.
Comment savoir dans quel état de mouillage notre système se trouve ? Le paramètre
d’étalement, S, est une grandeur qui mesure la différence entre l’énergie de surface du
substrat sec et mouillé (par unité de surface). Cette grandeur est directement liée à l’état
de mouillage du système. Pour la déterminer, on réalise un bilan des tensions de surfaces
intervenant dans l’équilibre de la goutte.
La tension de surface appelée également tension interfaciale, notée γαβ , d’une interface
entre une phase α et une phase β représente l’énergie libre nécessaire pour augmenter d’une
unité l’aire de cette interface.
Dans le cas du mouillage, trois tensions interfaciales interviennent : la tension de surface
solide-vapeur, γSV , solide-liquide, γSL , et la tension liquide-vapeur, γLV , notée simplement
ensuite γ. Un bilan de ces trois tensions de surface permet de connaître l’état de mouillage
du système, on définit ainsi le paramètre d’étalement S :
substrat substrat
S=Esec - Emouillé
S =γSV - (γSL + γ)

Nous allons étudier selon le signe de S les différentes situations de mouillage possibles.
Lorsque S est positif, le mouillage est soit total soit pseudo partiel, lorsque S est négatif,
le mouillage est partiel. La grandeur S à elle seule ne permet donc pas de caractériser
l’ensemble des situations rencontrées. A très petite échelle, lorsque l’on souhaite étudier
l’étalement d’un film de mouillage de très faible épaisseur, typiquement inférieure à 100 na-
nomètres, il est nécessaire de considérer les interactions à longue portée entre molécules et
entre interfaces, une description du mouillage basée uniquement sur des grandeurs macro-
scopiques telles que la pression ou la tension superficielle ne suffit plus pour rendre compte
des phénomènes rencontrés [42]. Nous présentons sommairement quelles sont les forces in-
termoléculaires qui doivent être considérées, puis nous détaillons les caractéristiques de
chacun des types de mouillage étudiés selon le signe de S et le signe de A, constante de
Hamaker, qui traduit la contribution des forces de Van der Waals au système. La détermi-
nation expérimentale de S pour nos systèmes est présentée au chapitre 3, où est également
expliquée la méthode de mesure expérimentale des tensions interfaciales.

2.3 Mouillage et forces à longue portée


Nous commençons par rappeler quelques notions sur les différentes interactions exis-
tantes entre molécules et entre interfaces, puis nous examinons les conséquences de ces
2.3. Mouillage et forces à longue portée 37

interactions sur le mouillage.

2.3.1 Quelques rappels sur les interactions à longue portée


Dans cette thèse, les interactions électrostatiques sont négligées, nous avons majoritai-
rement travaillé avec un alcane, le dodécane, électriquement neutre.
Lorsque l’on s’intéresse aux interactions entre molécules, il y a lieu de distinguer les
interactions à courte portée (répulsives) et longue portée (attractives, forces de Van der
Walls).

Interactions à courte portée Les interactions à courte portée (en comparaison avec la
portée des interactions de Van der Walls) sont répulsives et sont dues à l’impossibilité que
deux molécules voisines interpénètrent leur nuage électronique. La notion de gène stérique
est employée parfois pour décrire ces interactions. La forme exacte de ces interactions est
inconnue, il existe de nombreux modèles pour les décrire , dont le plus connu est le potentiel
de Lennard-Jones [43]. h r
0 12 r0 6 i
u(r) = ² ( ) − ( ) (2.1)
r r
Le terme à la puissance six, attractif, domine à grande distance, on peut le calculer préci-
sément. En revanche, le terme à la puissance 12, répulsif et dominant à courte distance est
empirique, il s’agit de rendre compte d’un effet quantique, le principe d’exclusion de Pauli,
qui empêche l’interpénétration mutuelle des deux molécules considérées. Dans la formule
(2.1), r désigne la distance intermoléculaire, ² et r0 sont des constantes positives.

Interactions intermoléculaires de Van der Waals Toutes les molécules sont polari-
sables et possèdent un moment dipolaire, permanent ou induit. Les interactions attractives
entre ces moments dipolaires sont à l’origine de la cohésion des liquides. Elles sont appelées
interactions de Van der Waals. Trois types d’interaction se distinguent selon les moments
dipolaires concernés.

Interaction de Van der Waals-Keesom Deux molécules polaires, possédant cha-


cune un moment dipolaire permanent, subissent une interaction attractive. Calculé par
Keesom [44], le potentiel lié à cette interaction, pour un milieu de constante diélectrique ²
est donné par (2.2)
1 1 µ21 µ22
u(r) = − (2.2)
3(4π²0 ²)2 kB T r6
où ²0 est la permittivité du vide, kB la constante de Boltzmann, r la distance intermolécu-
laire entre molécules, T la température.

Interaction de Van der Waals - Debye Une molécule apolaire est polarisable,
de polarisabilité α. En présence d’une molécule polaire, elle possède un moment dipolaire
induit µi , induit par le champ électrique de la molécule polaire, µi = αE [45]. Ce moment
38 Chapitre 2. Le mouillage

dipolaire induit et le moment dipolaire permanent de la molécule polaire engendrent une at-
traction attractive, calculée par Debye [46]. Le potentiel correspondant à cette interaction,
dans un milieu de constante diélectrique ², est donné par (2.3).

1 αµ2
u(r) = − (2.3)
(4π²0 ²)2 r6
où α est la polarisabilité de la molécule apolaire, µ le moment dipolaire de la molécule
polaire.

Interaction de Van der Waals - London Il existe de nombreux liquides composés


de molécules apolaires (comme par exemple le dodécane utilisé dans les expériences de cette
thèse). Il existe donc une interaction de Van der Waals responsable de la cohésion de ces
liquides. Les forces de dispersion de London sont des forces faibles intermoléculaires créées
par des dipôles induits : en effet le nuage électronique d’une molécule apolaire subit au
cours du temps des fluctuations quantiques de densité électronique, de moyenne temporelle
nulle, qui sont à l’origine de ce moment dipolaire induit [45]. Pendant sa durée d’existence,
le moment dipolaire transitoire se comporte comme un champ électrostatique et induit à
son tour un moment dipolaire à ses molécules voisines. Deux molécules apolaires subissent
donc une attraction via leurs moments dipolaires induits respectifs. Dans le cas de molécules
polaires, cette interaction est très faible par rapport aux autres forces intermoléculaires.
L’expression de ce potentiel d’interaction entre deux molécules identiques de polarisabilité
α dans le vide est donné par (2.4), [47].

3hν α2
u(r) = − (2.4)
4(4π²0 )2 r6

où ν est une fréquence électronique d’absorption, h la constante de Planck, 6.626 · 10−34


J.s.
Les trois types d’interaction de Van der Waals sont attractifs et ont la même décrois-
sance en 1/r6 , où r désigne la distance intermoléculaire. On peut donc les inclure dans un
même potentiel d’interaction de Van der Waals [45]. Pour une molécule i et une molécule
j, l’énergie libre d’interaction de Van der Waals s’écrit (2.5).
cij
u(r) = − (2.5)
r6
où cij est la constante d’interaction de Van der Waals entre les molécules i et j, donnée
par la somme des contributions de Keesom, Debye et London, cij = kij + dij + lij .

Interactions entre interfaces Revenons au cas du mouillage et à l’étalement d’une


goutte ou d’un film sur un substrat. Lorsque les dimensions de cette goutte ou ce film sont
très supérieures à la portée des interactions entre molécules, une description basée unique-
ment sur des grandeurs macroscopiques, comme montré précédemment, suffit. En revanche,
lorsque la taille de ces objets devient petite (film de mouillage très fin par exemple dans
2.3. Mouillage et forces à longue portée 39

un microcanal), il faut considérer la portée des interactions à grande portée. Considérons


un support solide sur lequel est présent un film de très faible épaisseur e (inférieure à 100
nanomètres). L’énergie libre de ce film est donnée par (2.6).
F (e) = γsl + γ + P (e) (2.6)
où γsl désigne la tension interfaciale solide-liquide, et γ la tension liquide-liquide. P (e)
traduit la contribution des forces intermoléculaires (forces de Van der Waals, mais pas
seulement, liaisons hydrogènes, dipôle-dipôle et d’autres forces sont à considérer du fait
de la densité de liquide anormale aux parois du substrat [39]. Lorsque e tend vers l’infini,
P (e) tend vers zéro. Lorsque e tend vers zéro, P (e) = S = γso − γsl − γ. Lorsque e est très
supérieure à la taille d’une molécule a0 et que l’on considère uniquement les forces de Van
der Waals, P (e) est alors donnée par (2.7).
A
P (e) = (2.7)
12πe2
où A désigne la constante de Hamaker du système qui dépend des constantes intermolécu-
laires en présence.
A = π 2 k α¯L (α¯S − α¯L ) (2.8)
où k désigne une constante, ᾱ les polarisabilités de volume du liquide L et du solide S.
Lorsque α¯S = α¯L , A = 0, ce qui est normal car, si le liquide est identique au solide, il n’y a
plus d’énergie spécifique liée à l’épaisseur e. A peut être positive ou négative. L’expression
détaillée de la constante de Hamaker dans le cas spécifique d’une interaction à trois corps
est donnée dans le chapitre 3.
On introduit la notion de pression de disjonction, pression qu’il faut appliquer au film
pour le maintenir à l’épaisseur e en plus de la pression atmosphérique (2.9).
dP (e)
Π(e) = − (2.9)
de
Un état d’équilibre du film de mouillage correspond à une pression de disjonction Π(e)
nulle et de dérivée négative, le film de mouillage n’étant stable que si P (e) a une courbure
positive [42].
Le signe de S, le paramètre d’étalement, dépend du système, celui de la constante de
Hamaker, A, également. Regardons à présent les conséquences de ces interactions à longue
portée et des signes respectifs de S et A sur le mouillage. Cette étude nous est très utile,
car elle pose les bases pour l’analyse qui va suivre de l’influence des propriétés de mouillage
en milieux poreux modèle (chapitres 4 et 5).

2.3.2 Conséquences pour le mouillage


2.3.2.1 Mouillage total
L’énergie libre par unité de surface F (e) est donnée par l’équation (2.6). S est positif,
A est négatif. F (e) peut être monotone et décroissante, ou présenter un maximum pour
40 Chapitre 2. Le mouillage

e = em . La figure (FIG. 2.1) schématise ces différents cas. Pour e < em , la pression de
disjonction Π(e) est négative. Le mouillage total est étudié en détail dans la revue de PG
de Gennes de 1985 [38]. Quelle que soit la forme de F (e), l’état final de cette énergie libre
correspond à un solide, recouvert d’un film épais d’épaisseur e.

Fig. 2.1 – Représentation qualitative de l’énergie libre F/cm2 d’un film en fonction de son
épaisseur e. (a) F (e) décroit de manière monotone, (b) F (e) présente un maximum et un point
d’inflexion, (c) F (e) présente deux points d’inflexion. Dans tous les cas, F (e) est minimale pour
e− > ∞, caractéristique du mouillage total. D’après [39].

Fig. 2.2 – Etat final d’une goutte étalée sur une surface en mouillage total, coexistence d’un
solide sec avec une goutte en forme de crêpe, d’épaisseur eS .

Une petite goutte déposée sur une surface, dans le cas d’un mouillage total où le para-
mètre d’étalement S est positif, s’étale pour devenir une «crêpe» comme représenté sur la
figure (FIG. 2.2). L’énergie libre a le profil représenté sur le graphe (2.1). Ce profil résulte
d’une compétition entre le paramètre d’étalement S qui tend à favoriser l’étalement de
la goutte et les forces intermoléculaires qui tendent à augmenter l’épaisseur du film. La
construction de la tangente à la courbe F (e) montre l’existence d’une épaisseur seuil eS .
L’équation de cette épaisseur de crêpe est donnée par (2.10).

P (0) = S = P (eS ) + eS Π(eS ) (2.10)

On a coexistence entre un solide sec (e = 0) et un film d’épaisseur eS . Les films d’épaisseur


supérieure à eS sont stables, ceux d’épaisseur inférieure sont métastables ou instables.
L’épaisseur eS n’est pas forcément très faible, lorsque S << γ, cette épaisseur est supérieure
à l’épaisseur d’un film moléculaire [38]. Cependant, nous n’avons jamais pu quantifier cette
2.3. Mouillage et forces à longue portée 41

épaisseur expérimentalement. Une goutte en mouillage total s’étale donc jusqu’à atteindre
cette épaisseur eS . Si S est petit, cette épaisseur sera d’autant plus grande (P et eΠ tendent
vers zéro lorsque e devient grande, une faible valeur de S implique des films plus épais).

2.3.2.2 Mouillage pseudo-partiel


Le mouillage pseudo-partiel se caractérise par un paramètre d’étalement positif et une
constante de Hamaker positive. Les interactions à longue portée jouent un rôle important
et sont responsables de cet état de mouillage particulier. Ce mouillage se caractérise par
la présence d’un film de mouillage et d’un angle macroscopique (FIG. 2.4). L’énergie libre
correspondant à un tel mouillage est représentée sur le graphe (FIG. 2.3). L’énergie libre
présente nécessairement un minimum pour une certaine valeur d’épaisseur de film, notée
eM . On peut définir une tangente horizontale au point M à l’infini, qui correspond à un
équilibre entre un film de faible épaisseur et une goutte macroscopique. L’angle de contact
θ est obtenu en considérant l’ensemble des forces agissant sur la ligne de contact (2.11).
γe = γcos(θ) (2.11)
où γe = γ + eΠ + P est la tension de surface effective sur le film de mouillage. Lorsque
e = em , Π = 0 et γe = γ + P .

Fig. 2.3 – Représentation qualitative de l’énergie libre F (e) en fonction de l’épaisseur de film e
dans le cas du mouillage pseudo partiel.

Nous verrons dans la partie suivante de ce chapitre comment se traduit expérimentale-


ment cet équilibre film - angle macroscopique. Dans le chapitre 3, est montré un exemple de
goutte sphérique en mouillage pseudo-partiel. Au laboratoire, nous obtenons des systèmes
en mouillage pseudo-partiel avec des puces en verre silanisé avec un silane aliphatique.
Cette fine couche de silane (de l’ordre de quelques angströms) ne masque pas les propriétés
du verre, la goutte déposée «voit» en quelque sorte le verre en dessous. Le traitement de
surface permet de changer la polarisabilité de la surface, mais cette fine couche ne change
pas les propriétés du solide.
42 Chapitre 2. Le mouillage

Fig. 2.4 – Figure de gauche : En mouillage pseudo partiel, l’état final d’équilibre est une large
goutte sphérique et un film d’épaisseur eM , épaisseur correspondant au minimum de la fonction
F (e). Figure de droite : Profil d’une goutte en mouillage pseudo partiel, le film et la goutte se
raccordent par un profil hyperbolique [39, 48].

2.3.2.3 Mouillage partiel


Dernier cas étudié, le mouillage partiel : S est négatif, A est positif ou négatif. Une
goutte de liquide déposée sur une surface fait un angle de contact fini avec une surface
sèche (FIG. 2.7). L’allure de l’énergie libre correspondant à cette situation est schématisée
(FIG.2.6). L’angle de contact est donné par la relation de Young (2.12).
Lorsque S est négatif, la goutte ne s’étale pas et forme un angle macroscopique avec
le substrat. Cet angle de contact à l’équilibre est noté θE . Cet angle est caractéristique de
la mouillabilité d’un liquide sur une surface : s’il est compris entre 90◦ et 180◦ , le fluide
mouille partiellement la surface considérée. La surface est dans ce cas plutôt hydrophobe.
Le fluide est non mouillant pour la surface lorsque l’angle est de 180◦ . Au contraire, si cet
angle est compris entre 0◦ et 90◦ , le fluide mouille la surface, celle-ci est hydrophile.
Cet angle d’équilibre est rarement représentatif de la réalité. La surface présentant
souvent des défauts (rugosité de surface, hétérogénéités de mouillage...). Si l’on considère
une goutte de liquide sur une surface et que l’on fait grossir cette goutte, elle progresse en
faisant un angle de contact d’avancée θa avec la surface. Réciproquement si on la force à
diminuer de taille, elle le fait en formant un angle de contact de reculée θr . La différence (θa -
θr ) est appelée hystérésis d’angle de contact, l’angle d’équilibre considéré dans la relation
d’Young est compris entre ces deux valeurs. Cet hystérésis d’angle de contact est également
une caractérisation du mouillage partiel, sa valeur dépend grandement de la propreté de
la surface, plus celle-ci est propre, plus l’hystérésis est faible.
En situation de mouillage partiel, la goutte qui résiste à l’écoulement forme un angle de
contact macroscopique avec la surface, comme indiqué sur la figure (FIG. 2.5). La valeur
de cet angle est fixée à l’équilibre, les trois tensions de surface du système sont reliées entre
elles par la célèbre loi d’Young (1805) [49].

γ · cos(θE ) = (γSV − γSL ) (2.12)


Cette relation traduit l’équilibre des forces exercées par les trois tensions de surface sur
la ligne triple de contact entre les trois phases du système. En reportant la définition de S
dans cette équation d’Young , il vient :
2.3. Mouillage et forces à longue portée 43

S = γ(cos(θE ) − 1) (2.13)
Avec cette relation (2.13), on voit qu’on ne peut définir θE seulement si le paramètre
d’étalement est négatif. Le paramètre d’étalement sera d’autant plus faible que l’angle θE
est grand, c’est-à-dire que le liquide est non mouillant pour la surface considérée.

E
SO SL

Fig. 2.5 – Schéma de la loi de Young.

Fig. 2.6 – Représentation qualitative de l’énergie libre F (e) en fonction de l’épaisseur de film e
dans le cas du mouillage partiel, S est négatif dans les deux cas, mais A est négatif (a) et positif
(b).

Ces différentes situations de mouillage peuvent être rencontrées expérimentalement en


modifiant la nature des surfaces ou des fluides considérés. Nous traiterons dans les chapitres
4 et 5 le cas de milieux poreux modèles en situation de mouillage partiel, total et pseudo-
partiel. Néanmoins, afin de mieux comprendre les conséquences de ces interactions sur le
mouillage, nous présentons à la fin de ce chapitre des expériences très simples, menées dans
des systèmes modèles. Ne sont présentées dans cette fin de chapitre que des expériences
dans des capillaires en verre, les détails de protocole de préparation et caractérisation des
surfaces sont exposés dans le chapitre 3.
44 Chapitre 2. Le mouillage

Fig. 2.7 – État d’équilibre final d’une goutte en mouillage partiel. Le solide est sec aux bords
de la goutte, le profil est hyperbolique, courbé vers le bas lorsque A est négatif (a), vers le haut
lorsque A est positif (b).

2.3.3 Critère de mouillabilité


La nature du mouillage dépend de la surface, comment savoir quelles sont les surfaces
plutôt hydrophiles et celles plutôt hydrophobes ?
Sur les surfaces de haute énergie (HE) la plupart des liquides vont s’étaler. Les liaisons
HE sont très fortes, ioniques, covalentes ou métalliques. En revanche, les surfaces de basse
énergie (BE) sont peu mouillables (plastiques, etc.) et le mouillage total ou partiel va
dépendre du liquide considéré. Le critère empirique de Zisman [50, 51] permet de classer
les solides en fonction de leur tension de surface critique γC . Lorsque γ > γC , le mouillage
est partiel, lorsque γ < γC , le mouillage est total, γ désignant la tension superficielle
du liquide considéré. On mesure γC en étudiant le mouillage par une série d’homologues
chimiques (série de n-alcanes par exemple, avec n variable), on reporte cos(θE ) en fonction
de γ, la valeur de γC est obtenue pour cos(θE )=1 (par définition de γC ),(FIG. 2.8). Le
traitement de surface sur un matériau de haute énergie permet d’abaisser sa tension de
surface critique et donc de le rendre non mouillant, comme par exemple la silanisation
du verre, technique utilisée dans cette thèse pour le traitement de puces microfluidiques
(procédures détaillées dans le chapitre 3).
Le mouillage peut également être contrôlé par texturation de la surface, chimiquement
(hétérogénéités de mouillage) ou physiquement (rugosité de surface). Intéressons-nous au
cas des surfaces texturées hydrophobes, qualifiées alors de surfaces hyper-hydrophobes. La
rugosité de la surface peut grandement modifier l’angle de contact et son hystérèse. L’angle
de contact local, θ, est donné par la loi de Young, mais on doit introduire un angle de contact
apparent, θ∗ , lié à la rugosité de la surface r, r > 1, par la relation cos(θ∗ ) = r · cos(θE )
(relation de Wenzel). La relation de Cassie-Baxter donne également cet angle en fonction
de la fraction de surface solide ΦS située sous la goutte (2.14) :

cos(θ∗ ) = −1 + ΦS (cos(θE ) + 1) (2.14)

Lorsque la surface est très finement texturée, la goutte ne repose pas entièrement sur
la surface solide mais sur un composite formé d’air et de solide, le contact liquide-surface
est donc minimisé. La ligne triple reste accrochée, de l’air est piégé, ce qui renforce l’hy-
2.3. Mouillage et forces à longue portée 45

POLYETHYLENE TEFLON

Fig. 2.8 – Détermination de la tension critique du polyéthylène par une série d’alcanes (d’après
[51]).

drophobie de la surface. Cet effet est à l’origine du caractère super hydrophobe observé
naturellement sur les feuilles de lotus. Industriellement, on utilise cet effet pour fabriquer
des surfaces hydrophobes auto-nettoyantes (verre finement texturé).

2.3.4 Capillarité et pesanteur

Il existe une longueur caractéristique, appelée longueur capillaire au-delà de laquelle la


gravité devient importante. Cette grandeur, notée κ−1 est obtenue en comparant la pression
capillaire γ/κ−1 à la pression hydrostatique ρgκ−1 . L’égalité de ces deux pressions donne
la longueur capillaire.
r
−1 γ
κ = (2.15)
ρg

Lorsque la taille du système est plus petite que cette longueur capillaire, les forces
capillaires prédominent et les forces gravitationnelles peuvent être négligées. Pour nos sys-
tèmes, κ−1 ∼ 2mm. Les dimensions des microcanaux avec lesquels nous travaillons font au
maximum une centaine de µm. Par conséquent, dans toute la suite de ce manuscrit, les
effets liés à la gravité ne sont pas pris en compte.
Cette longueur capillaire est également responsable de la forme adoptée par une goutte
déposée sur une surface dans une situation de mouillage partiel : si le rayon de la goutte est
plus petit que κ−1 , seule la capillarité intervient et d’après l’équation de Laplace la goutte
est sphérique. Sinon, les effets de la gravité dominent et la goutte est aplatie par la gravité.
L’épaisseur de la goutte peut être connue en équilibrant les forces en présence (tension de
surface, pression hydrostatique).
46 Chapitre 2. Le mouillage

2.4 Mouillage dynamique


2.4.1 Cas du mouillage partiel
La dynamique d’une ligne triple, ligne de contact entre un premier fluide (liquide), un
second fluide (air) et une surface, met en jeu une compétition entre les forces capillaires
et les forces visqueuses. L’angle dynamique θd formé dépend non seulement de l’énergie
de surface mais également de la vitesse de déplacement de la ligne triple. A très basse
vitesse (Ca«1) les effets visqueux sont négligeables et l’angle dynamique est égal à l’angle
statique θe caractéristique de la mouillabilité du système. Plus la vitesse augmente et plus
θd augmente et s’éloigne de θe pour minimiser la dissipation visqueuse. Cox et Voïnov
ont développé un modèle reliant cet angle dynamique θd , l’angle statique θe et le nombre
capillaire Ca [52].
θd3 − θe3 = 9 · Ca · ln(K) (2.16)
où K désigne un facteur d’échelle. Pour que les corrections apportées à cet angle de contact
dynamique soient significatives, le nombre capillaire doit être supérieur à 10−3 . Dans toute
la suite de manuscrit, travaillant à de faibles nombres capillaires, ces corrections ne sont
pas prises en compte et les effets dynamiques de l’angle de contact n’interviennent pas.
Nous sommes donc toujours en présence d’une ligne triple.

2.4.2 Cas du mouillage total


Lorsqu’une goutte est déposée sur une surface dans une configuration de mouillage
total, combien de temps met-elle pour atteindre son état d’équilibre ? Cette question a été
résolue par Tanner [53]. Pour des surfaces propres et lisses, le résultat obtenu est donné par
(2.17). Cette dynamique d’étalement n’est valable que pour des petites gouttes, de rayon
inférieur à la longueur capillaire (sinon la gravité intervient).

θD = t−3/10 (2.17)

où θD désigne l’angle dynamique, t le temps d’étalement. Ce temps d’étalement est indé-


pendant du paramètre d’étalement S (si S est positif). Ceci est lié au fait qu’aux bords de
la goutte se développe un film de mouillage précurseur (de quelques nanomètres d’épais-
seur), qui s’étend bien plus loin que la goutte. Nous verrons dans la partie suivante quel
est l’état final de cette goutte.

Dynamique de films en mouillage total Considérons une plaque solide immergée


dans un bain liquide. En situation de mouillage total, lorsque l’on retire la plaque du
bain, sa surface est recouverte d’un film de liquide. Examinons quels sont les paramètres
permettant de fixer et de contrôler l’épaisseur de ce film.
Supposons qu’un substrat solide soit immergé dans un bain liquide, totalement mouillant
pour cette surface. On retire lentement et verticalement ce substrat hors du bain, celui-ci
va entraîner avec lui un film d’épaisseur e. Au voisinage de la ligne de contact, un ménisque
2.4. Mouillage dynamique 47

se forme, sa hauteur est de l’ordre de la longueur capillaire κ−1 . Lorsque le substrat est
retiré lentement du bain de liquide, le ménisque statique est perturbé par le film de liquide,
on note l la longueur de ce ménisque dynamique. L’interface solide/liquide est importante,
à cause de sa viscosité le liquide près du solide se déplace à la vitesse du solide et part
donc avec lui. L’interface liquide/vapeur est déformée par l’entraînement du film, ce à quoi
s’oppose la tension superficielle. A faible vitesse, l’action de la gravité est négligée.
Les forces visqueuses et les forces capillaires jouent donc un rôle antagoniste. Le nombre
capillaire, introduit au chapitre précédent, compare ces forces. Ce nombre est sans dimen-
sion, il faut donc introduire une longueur pour traduire les variations de l’épaisseur de film.
La longueur capillaire, liée au ménisque, est considérée. On a ainsi e = κ−1 f (Ca). Landau,
Levich et Derjaguin [54, 55] ont proposé un modèle (LLD en abrégé) pour rendre compte
des variations de la fonction f (Ca) et de l’épaisseur de film e. A bas nombre de Reynolds,
on peut se placer dans le cadre de l’approximation de la lubrification pour estimer simple-
ment l’ordre de grandeur des forces visqueuses par ηv/e2 . Les forces capillaires sont liées à
un gradient de courbure dans le ménisque dynamique (la courbure du film passe de celle
du ménisque statique à celle, nulle, du film entraîné). L’hypothèse du modèle LLD consiste
à considérer que la courbure du ménisque est peu perturbée par l’écoulement, par consé-
quent la courbure au point où l’on passe du ménisque statique au ménisque dynamique est
pratiquement celle qui règne en haut du ménisque statique, qui a pour ordre de grandeur κ.
Le gradient de pression capillaire associé à ce gradient de courbure vaut γκ/l. L’équilibre
de ces deux forces donne en terme d’ordre de grandeur :
ηv γκ
2
≈ (2.18)
e l
Cette équation (2.18) comporte deux inconnues (e et l), il faut donc une équation
supplémentaire. La seconde équation du modèle LLD est l’écriture du raccord des pressions,
donc des courbures, entre les ménisques statique et dynamique. La courbure du ménisque
statique est donnée par κ. Le ménisque dynamique est presque plat (raccord avec le film
plan), sa courbure se confond avec la dérivée seconde de son profil e(z), qui a pour ordre
de grandeur e/l2 . Ces deux courbures sont de même signe, leur équilibre s’écrit :
e
≈κ (2.19)
l2

L’extension du ménisque dynamique est donnée par l ≈ eκ−1 . On en déduit la loi LLD
qui traduit l’évolution de l’épaisseur du dépôt :

e ≈ κ−1 Ca2/3 (2.20)

La condition de validité de l’équation LLD est l <<Ca. En pratique, la loi LLD est vérifiée
pour des nombres capillaires inférieurs à 10−3 . Lorsque le nombre capillaire augmente, on
passe d’un régime capillaire à un régime de gravité. Pour caractériser ce régime, Derjaguin
[56] a proposé de rechercher une loi de dépôt sous la forme κ−1 Can où n est la valeur qui
rend cette dernière équation indépendante de γ, on trouve ainsi n = 12 .
48 Chapitre 2. Le mouillage

On peut également regarder comment évolue cette loi dans le cas où la surface n’est
plus une simple plaque, mais un tube de rayon b. Le changement de géométrie conduit à
une modification de la statique du problème, en effet, si le rayon b est de taille suffisamment
petite pour être inférieure à la longueur capillaire, la taille caractéristique du ménisque est
b également. Le dépôt dynamique d’un film dans une telle géométrie résulte comme dans le
cas précédent d’une compétition entre forces visqueuses et forces capillaires. L’expression
des forces visqueuses est analogue avec celle établie dans le cas d’une plaque, les forces
capillaires sont données par lbγ . L’équilibre entre forces visqueuses et gradient de pression
de Laplace s’écrit donc dans ce cas :
ηv γ
2
≈ (2.21)
e lb
L’équation de raccord des ménisques statique et dynamique est la suivante :
e 1
2
≈ (2.22)
l b
De ces deux équations, on tire la loi fixant l’épaisseur du dépôt sur les parois d’un tube
circulaire, connue sous le nom de loi de Bretherton [57] :

e ≈ b · Ca2/3 (2.23)

Cette loi n’est valable que lorsque e << b. Lorsque ce n’est plus le cas, des effets liés à
la géométrie sont à considérer [58]. Cette loi a été établie pour des bulles d’air déplaçant
de l’eau. Lorsque le fluide pousseur est visqueux, Schwartz et al. ont montré que la loi
de Bretherton reste pratiquement conservée avec un préfacteur qui dépend faiblement du
rapport des viscosités, à condition que l’on définisse le nombre capillaire avec la viscosité
du fluide déplacé [59].
Pour nos expériences en mouillage total et pseudo-partiel, estimons l’ordre de grandeur
du film d’huile de mouillage par cette loi de Bretherton. On considère un canal de 20µm de
rayon. Expérimentalement, le nombre capillaire varie entre 10−7 et 10−3 . Pour Ca = 10−3 ,
on a e ≈ 200nm. Pour Ca = 10−7 , il vient e ≈ 0.5nm. Une telle épaisseur n’a pas trop de
sens. En effet, l’approche de Bretherton néglige la pression de disjonction. Si cela paraît
justifié à 200nm, ce n’est certainement pas valide pour des épaisseurs inférieures à 10nm.
Même s’il est délicat de quantifier cette pression de disjonction, on peut s’attendre à des
épaisseurs de films proches de 10nm. Compte tenu des nombres capillaires auxquels nous
avons travaillé, les films de mouillage ont donc une épaisseur comprise entre 10 et 200nm.

2.4.3 Films de coins


Lors d’expériences de drainage, si les pores constituant le micromodèle de milieu poreux
sont de section circulaire, alors le fluide pousseur envahit l’intégralité de la section [60]. En
revanche, si la section des microcanaux n’est pas circulaire (elle est rectangulaire dans notre
cas), il reste des films macroscopiques du fluide en place dans les coins des microcanaux,
2.4. Mouillage dynamique 49

comme illustré sur la figure (FIG. 2.9). Ces films ont une importance cruciale dans l’étude
du mouillage lors d’expériences de drainage dans des micromodèles de milieux poreux. En
effet dans le cas d’un mouillage total, ces films sont continus, ils peuvent toujours drainer
de l’huile. En mouillage partiel en revanche, à cause de la présence d’une ligne triple, ces
films d’huile sont discontinus. Les conséquences de la continuité ou discontinuité des films
de coins sont analysées dans les chapitres 4 et 5.

P1
P2

Fig. 2.9 – Schéma de gauche : section d’un canal non circulaire, coexistence possible de deux
phases. Présence de films de coins macroscopiques (d’après [60]). Schéma de droite : dans le cas
d’un canal de section rectangulaire, possibilités d’adaptation de la courbure.

Essayons d’estimer l’épaisseur de ces films de coins, pour la comparer à l’épaisseur des
films de Bretherton. La différence de pression entre deux phases est toujours donnée par la
loi de Laplace P1 −P2 = γC. Lorsqu’on se rapproche des parois, la pression de disjonction est
à considérer, la différence de pression entre les deux phases est donnée par la loi de Laplace
généralisée P1 − P2 = γC + Π(e) (la pression de disjonction permet la coexistence d’un film
mince aux parois (plat) et d’un film de coin). Cette courbure dépend de la différence de
pression appliquée, lorsque la différence P1 − P2 est grande, la courbure est petite, les films
de coins sont importants. En revanche, lorsque cette différence de pression est petite, la
courbure est grande, les films de coins sont petits. Le système, par l’adaptation de cette
courbure, a un degré de liberté pour ajuster la différence de pression entre les deux phases.
Un schéma illustre cela (FIG. 2.9, schéma de droite).
Le volume d’huile contenu dans ces films de coins peut être important. Par exemple,
dans un tube circulaire de rayon r où deux phases sont présentes, la différence de pression
au niveau du ménisque est connue, elle est donnée par la loi de Laplace Pc = 2γ
h
. Le volume
contenu dans les films de coins est alors de l’ordre de h/2. Ce volume est comparable au
volume de la phase injectée. Nous verrons au chapitre 5 les conséquences de ces films de
coins importants lors de l’invasion du micromodèle.
50 Chapitre 2. Le mouillage

2.5 Illustrations par des expériences dans des systèmes


modèles
Nous présentons ici le cas d’expériences menées dans des tubes capillaires modèles en
verre. Nous présentons les résultats pour un système en mouillage partiel et un système en
mouillage pseudo-partiel. Le cas d’un système modèle en mouillage total est actuellement
traité par Lingguo DU, doctorant au laboratoire.

2.5.1 Principe de l’expérience


Pour mieux comprendre certains phénomènes rencontrés en milieu poreux, des expé-
riences sont réalisées avec des tubes capillaires en verre commerciaux (fournisseur CTS
UK). Ces expériences nous ont permis d’identifier les mécanismes clés observés dans les
micromodèles de milieux poreux. La surface de ces capillaires est également traitée. Tout
comme pour les expériences en milieu poreux qui sont présentées dans la seconde partie
de ce manuscrit, nous menons des expériences de drainage dans ces capillaires modèles, en
utilisant le même silane que dans le milieu poreux modèle et les mêmes fluides.
Le système est contrôlé en pression, on cherche à mesurer la vitesse du ménisque eau-
huile. Un grand soin doit être apporté à la conception de systèmes permettant de travailler
avec ces tubes capillaires. En effet, nous avions au début travaillé avec un système de
nanoports sciés. Un nanoport est un élément plastique circulaire collé sur le dispositif
microfluidique qui permet de venir raccorder le tubing et le système microfluidique, une
ferrule est placée à l’extrémité du tubing, elle est vissée ensuite dans ce nanoport (FIG.
2.10). Nous nous sommes rendus compte par la suite que ce dispositif n’était pas bon lors
d’expériences de drainage : une goutte de fluide mouillant, préalablement injecté, restait
sans doute coincée sous le nanoport, puis était relarguée petit à petit lors de l’expérience,
ce qui rendait impossible tout contrôle en pression de l’expérience.
Nous avons donc conçu un autre système, où le tube capillaire est directement en contact
avec le réservoir de chacun des fluides (FIG. 2.11). Ce dispositif est adapté à l’étude que l’on
souhaite mener : on remplit un réservoir avec de l’huile, l’autre réservoir avec le fluide non
mouillant (eau colorée par exemple). Nous mesurons les variations de vitesse du ménisque
eau-huile dans ce dispositif en filmant à la caméra cette interface. La pression est contrôlée
grâce à un régulateur de pression Fluigent de petite gamme (de 0 à 25mbars, avec une
précision de 1% de la pleine échelle). Pour un capillaire circulaire de 200µm de diamètre
interne et le couple eau colorée-dodécane, la pression capillaire du système, donnée par
Pc = 2·γ·cos(θ
R
a)
, où γ désigne la tension de surface eau-huile, cos(θa ) l’angle d’avancée du
système et R le rayon du capillaire, est égale à 3,8mbars. Nous avons en particulier regardé
ce qu’il se passait autour de cette valeur, et également comment se comportait le système
lorsqu’une grande différence de pression était appliquée.
Ainsi, il est important de bien préparer le système car il est extrêmement sensible aux
petites variations de pression. Avec notre dispositif, il est possible d’ajuster la hauteur
des fluides dans chacun des réservoirs en tenant compte de la différence de densité de
2.5. Illustrations par des expériences dans des systèmes modèles 51

l’huile et de l’eau : comme nous allons contrôler l’expérience en pression, il est important
que la mesure ne soit pas faussée par un mauvais ajustement de la hauteur des liquides
(1cm d’eau est équivalent à 1mbar). L’équilibre des pressions hydrostatiques entre l’eau
et le dodécane s’écrit ρeau · g · heau = ρdodécane · g · hdodécane , où ρeau , ρdodécane désignent
respectivement la densité de l’eau, du dodécane, heau , hdodécane la hauteur d’eau et de
dodécane dans leur réservoir respectifs ; g la constante de gravité. En tenant compte des
densités respectives de l’eau et du dodécane, pour qu’il y ait équilibre entre les deux fluides,
il vient hdodécane = 1, 33 · heau .

Fig. 2.10 – Schéma du système de tube capillaire initial

Fig. 2.11 – Schéma du système de tube capillaire optimisé


52 Chapitre 2. Le mouillage

2.5.2 Silanisation en capillaire


Le tube capillaire est préparé comme suit : nettoyage au piranha (mélange exother-
mique d’eau oxygénée et d’acide sulfurique), séchage sous azote, activation au plasma. La
silanisation s’effectue en bulk, le silane est concentré à 0.1% en masse dans son solvant
(toluène). On laisse le capillaire une heure en contact avec le silane. L’étape de rinçage
consiste à plonger le capillaire dans un vial rempli de chloroforme puis de mettre celui-ci
dans un bain à ultrasons pendant une trentaine de minutes. Après ces étapes, le capillaire
est introduit dans le dispositif, de la colle expoxy permet d’assurer l’étanchéité du système.

2.5.3 Cas du mouillage partiel


On remplit le tube capillaire d’huile. Une petite goutte d’huile s’échappe dans le réser-
voir d’eau, ce qui signifie que l’air initialement présent a été complètement éliminé. Cette
petite gouttelette n’a pas d’incidence sur la hauteur d’eau dans le réservoir. On applique
ensuite, grâce au régulateur de pression une différence de pression entre le réservoir d’eau et
le réservoir d’huile : cette différence doit être supérieure à la pression capillaire du système
pour que l’eau entre dans le capillaire. On effectue ensuite des mesures de vitesse sur toute
une gamme de pression, en apportant un grand soin aux mesures proches de la pression
capillaire.
Les résultats obtenus sont reportés dans la figure (FIG. 2.12). Deux zones sont à dis-
tinguer. Pour une pression appliquée très supérieure ou très inférieure à la pression du
système, on observe, dans un graphe représentant la vitesse du ménisque en fonction de
la pression appliquée, deux droites : une lorsque la pression est positive (drainage) et une
autre lorsque la pression est négative (imbibition). La pente de ces droites est simplement
donnée par la résistance hydrodynamique du système et est conforme à ce qui est attendu
(loi de Washburn, [61]). Pour une différence de pression appliquée proche de Pc , le système
adopte, sur toute une gamme de pression une vitesse extrêmement faible, très proche de
zéro. Ce plateau est dû à l’hystérésis d’angle de contact. Cet hystérésis, nous le verrons
dans le chapitre 4, joue un rôle primordial dans la stabilité aux temps longs des poches
d’huile.

2.5.4 Cas du mouillage pseudo-partiel


Ce même type d’expérience est mené dans le cas de systèmes en mouillage pseudo-
partiel. Les tubes capillaires sont nettoyés dans le piranha, puis séchés et enfin silanisés.
Le silane est le même que dans le cas du milieu poreux, il s’agit de l’OTS (octadécyl-
trichlorosilane). Il est mis en solution dans le toluène à une concentration de 0.16% en
volume. Le tube capillaire est introduit environ 1 heure dans cette solution, s’ensuivent
des étapes de rinçage au toluène, au chloroforme puis à l’eau. Le capillaire est ensuite in-
troduit dans le dispositif expérimental présenté précédemment(FIG. 2.11). Comme pour le
cas du mouillage partiel, le capillaire est initialement rempli de dodécane, puis on contrôle
la vitesse d’avancée de l’eau via un contrôleur de pression. On filme la vitesse d’avancée
2.5. Illustrations par des expériences dans des systèmes modèles 53

60

40

Vitesse (mm/s)
20

−20

−40

−40 −20 0 20 40 60
Pression appliquée (mbar)

Fig. 2.12 – Variation de la vitesse d’avancée du ménisque en fonction de la pression appliquée dans
un tube capillaire en verre silanisé et le couple de fluide eau colorée - dodécane. On remarque la
présence d’un plateau à vitesse nulle pour des pressions appliquées proches de la pression capillaire
du système. Résultats expérimentaux de L.Du.

du ménisque eau-huile, les résultats sont présentés sur la figure (FIG. 2.13).

80
Vitesse ménisque (m.s−1)

70
0.01
Angle θ (en degrés)

60

50

0 40

30

20
−0.01
10

0
−20 −10 0 10 20 −20 −10 0 10 20
Pression appliquée (mbar) Pression appliquée (mbar)

Fig. 2.13 – Tube capillaire modèle, section 200µm circulaire. Graphe de gauche : évolution de la
vitesse du ménisque eau-huile en fonction de la pression appliquée. Graphe de droite : variations
de l’angle θ entre l’eau et l’huile pour ces mêmes pressions appliquées.

Ces expériences mettent en évidence la présence d’un plateau dans la relation pression-
vitesse : sur une large gamme de pression, en deça de la pression capillaire du système (5
mbar ici), la vitesse du ménisque est quasi-nulle. Dans cette zone de très faibles vitesses,
la courbure du ménisque s’adapte, l’angle macroscopique eau-huile pouvant prendre des
valeurs allant jusqu’à 80o . La cause de cette adaptation n’est pas, comme en mouillage
partiel, l’hystérésis d’angle de contact, mais l’équilibre entre la courbure du ménisque et
54 Chapitre 2. Le mouillage

l’épaisseur du film de mouillage, comme nous l’avons vu dans le chapitre introductif. Les
dynamiques régissant cet équilibre sont complexes et étudiées de près actuellement au
laboratoire. Un soin particulier est apporté à la mise en équilibre du système, il semblerait
que selon les pressions imposées, le système mette un temps plus ou moins long pour
atteindre l’équilibre. De plus, des mesures d’ellipsométrie sont en cours pour essayer de
quantifier l’épaisseur du film de mouillage à l’équilibre.

Loin de ce plateau, à l’avancée, l’angle eau-huile est de 180o (caractéristique du mouillage


pseudo partiel), la pente de la vitesse est donnée par la résistance hydrodynamique du ca-
pillaire modèle.

Ce plateau à vitesse nulle est obtenu avec un capillaire modèle circulaire ou rectangu-
laire, la géométrie du canal ne semble pas influer (le blocage n’est pas dû à l’absence de
coins dans le cas du canal circulaire).

Le mouillage partiel et le mouillage pseudo partiel présentent tous deux un plateau à


vitesse nulle dans la relation pression - vitesse. Nous verrons dans les chapitres 4 et 5 les
conséquences de ce plateau sur l’évolution de la saturation en huile après percolation du
micromodèle.

2.6 Conclusions

Dans ce chapitre, nous avons examiné en détail les propriétés de mouillage statique et
dynamique entre un liquide et une surface. Lorsqu’une goutte est déposée sur une surface,
celle-ci peut s’étaler complètement (mouillage total) ou bien former un angle macroscopique
avec la surface (mouillage partiel). La gravité peut être négligée lorsque les objets ont une
taille inférieure à la longueur capillaire. Des effets dynamiques sont à considérer à forts
nombres capillaires. Si on regarde l’étalement de gouttes ou de films très fins, les effets des
forces à longue portée sont à considérer, en particulier, un troisième type de mouillage est
fonction de ces interactions : le mouillage pseudo-partiel. On examine qualitativement pour
chacun des types de mouillage la forme de l’énergie libre d’un film déposé sur une surface.
Ces trois types de mouillage sont examinés dans la suite de cette thèse : nous préparons des
dispositifs microfluidiques aux propriétés de mouillage bien définies, puis nous réalisons des
expériences de drainage. Dans le cas du mouillage partiel et du mouillage pseudo partiel, des
expériences dans des dispositifs simplifiés ont permis de mettre en évidence une gamme
de pression pour laquelle la vitesse d’avancée d’un ménisque eau-huile est nulle. Nous
examinons bien évidemment les conséquences de ce plateau lors d’expériences de drainage
dans des micromodèles de milieux poreux.
2.7. Résumé 55

2.7 Résumé
Le Mouillage
– étalement complet d’une goutte sur une surface (mouillage total) ou formation d’un
angle macroscopique avec la surface (mouillage partiel)
– définition du paramètre d’étalement S
– différences entre mouillage statique et mouillage dynamique
Influence des forces à longue portée
– les interactions à longue portée peuvent influer sur le mouillage
– existence du mouillage pseudo-partiel lorsque ces interactions comptent
Mouillage dynamique
– dans nos expériences, pas d’effet dynamique à considérer en mouillage partiel
– en mouillage total et pseudo-partiel : rôle important des films de coins en géométrie
rectangulaire
Illustrations dans des systèmes simples au mouillage bien contrôlé
– présence d’un plateau à vitesse nulle dans la relation pression-vitesse en mouillage
partiel et en mouillage pseudo-partiel
56 Chapitre 2. Le mouillage
Chapitre 3

Outils expérimentaux développés

3.1 Introduction
Dans cette thèse, nous cherchons à quantifier l’impact des propriétés de mouillage lors
d’expériences de drainage dans des milieux poreux modèles. Un contrôle accru de la géo-
métrie des micromodèles conçus au laboratoire est nécessaire, car nous souhaitons en par-
ticulier regarder les phénomènes intervenant à très basse vitesse, là où les forces capillaires
dominent (forces locales, directement reliées à la géométrie des pores).
Pour se faire, les expériences sont réalisées dans des milieux poreux modèles en verre
ou en PDMS. Dans ce chapitre, nous présentons les dispositifs fabriqués au laboratoire.
Ces dispositifs présentent l’avantage d’être transparents, il est ainsi possible d’extraire des
données telles que vitesses locales, envahissement d’un pore, saturation globale, et ce grâce
à une visualisation directe des phénomènes observés.
Nous expliquons dans une première partie les modes opératoires de fabrication de cha-
cun de ces dispositifs. Pour les systèmes en verre, un traitement de surface est nécessaire
avant l’utilisation de la puce, nous détaillons les différents traitements réalisés.
Nous exposons ensuite l’analyse Matlab qui a été développée pour quantifier les résul-
tats obtenus. Nous déterminons les vitesses locales d’avancée des ménisques dans le poreux
par deux méthodes distinctes : une première méthode dite « directe » basée sur le dé-
placement des ménisques dans le milieu poreux modèle et une seconde méthode qualifiée
d’« indirecte », basée sur le calcul du champ de pression de part et d’autre du milieu
poreux. Nous discutons des différences entre ces deux méthodes de calcul.

3.2 Conception de milieux poreux modèles


Le design des micromodèles de milieux poreux est conçu en utilisant le logiciel Clewin3
et Matlab. Celui-ci comporte trois zones : la zone d’injection, le poreux proprement dit et
la zone de sortie. L’injection et la sortie sont symétriques, dessinées de telle sorte que le
front soit le plus homogène possible dans la zone poreuse : une arborescence en 2n permet
d’équilibrer les différents chemins d’accès. La largeur des zones d’entrée et de sortie est 5

57
58 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

fois plus large que celle des canaux du poreux.


La zone poreuse consiste en un réseau de canaux interconnectés, de type grille. Elle
est carrée, de dimension 1.3 (PDMS) ou 2.5 cm (verre). Que ce soit avec la technologie
verre ou PDMS dont nous expliquons les principes ci-après, la microfabrication induit des
hétérogénéités, liées au fait que le dépôt de la résine photosensible à l’aide d’une tournette
ne peut être contrôlé au dixième de micron près. Comme nous l’avons vu dans le premier
chapitre avec le calcul de la boucle, à très faible nombre capillaire, des différences de
hauteur des canaux de l’ordre du micromètre sont suffisantes pour provoquer des digitations
capillaires.
Pour pallier cela et réellement contrôler l’invasion du milieu poreux, nous avons conçu
des poreux à hétérogénéité imposée, hétérogénéité supérieure à celle de la microfabrication.
La section des canaux est fixée de façon aléatoire autour d’une valeur centrale, valeur de 80
µm dans notre cas. La distribution de largeur des canaux s’effectue suivant une gaussienne
de largeur σw donnée (FIG. 3.1), il n’y a pas de corrélation spatiale. Ces géométries sont
ensuite imprimées sur un masque transparent qui sert lors de la photolithographie. On
définit la distance λ, longueur d’onde de notre réseau, comme étant égale à la largeur
d’un canal plus à l’espacement entre deux canaux consécutifs (FIG. 3.2). Cette longueur
est homogène sur tout le réseau poreux. Différents poreux modèles sont réalisés, leurs
caractéristiques sont résumées ci-après dans des tableaux (TAB. 3.1) et (TAB. 3.2).
Le fait d’avoir introduit une distribution de taille pour la largeur des canaux permet
un contrôle de l’écoulement du fluide pousseur, même à bas nombre capillaire, et d’être
quasiment insensible aux défauts naturellement induits par la microfabrication. Cette hé-
térogénéité de microfabrication est estimée à l’aide d’un profilomètre.
Nous détaillons dans la partie ci-dessous les protocoles expérimentaux utilisés pour la
microfabrication de nos micromodèles. Nous avons conçu des micromodèles de milieux po-
reux en PDMS et en verre, matériaux utilisés classiquement pour la réalisation de systèmes
microfluidiques. Les caractéristiques de ces dispositifs (taille, nombre de canaux, porosité,
perméabilité) sont également explicitées.

3.2.1 Poreux modèle en PDMS


3.2.1.1 Etapes de microfabrication
Nous avons réalisé des micromodèles de milieux poreux avec des puces fabriquées à base
d’un élastomère, le PolyDiméthylSiloxane (PDMS). Les procédés de fabrication de micro-
canaux avec cet élastomère sont bien connus [33] et sont schématisés sur la figure (FIG.
3.3). Ces systèmes présentent l’avantage d’être rapidement fabriqués (moins d’une journée
pour fabriquer entièrement une puce), peu chers, transparents. En revanche, l’élastomère
peut être déformé en présence de certains composés chimiques (gonflement en présence de
certaines huiles par exemple) et il est difficile de faire varier l’état de surface du matériau.
Nous avions tenté des modifications de surface par greffage de chaînes d’acide acrylique
sur la surface de PDMS 1 mais les résultats ne se sont pas révélés probants. Les principales
1
selon un mode opératoire décrit par [62, 63, 64]
3.2. Conception de milieux poreux modèles 59

1500 1500
Nombre de canaux

Nombre de canaux
1000 1000

500 500

0 0
70 75 80 85 90 0 50 100 150
Largeur des canaux (en µm) Largeur des canaux (en µm)

Fig. 3.1 – Exemple fonctions de distributions pour σw =2 et σw =20.

Fig. 3.2 – Exemple de masque utilisé. La taille réelle de la zone poreuse (carrée) est de 1.3cm.

étapes de microfabricaton par photolithographie sont les suivantes :


Fabrication du moule
Une couche de résine photosensible négative (les parties insolées resteront après dé-
veloppement), SU8 2000, est déposée à l’aide d’une tournette sur un wafer de silicium.
Au préalable ce wafer a été nettoyé (acétone, isopropanol), puis passé à l’ozone quelques
minutes, ceci pour favoriser l’accroche de la résine qui sera déposée. L’épaisseur du dépôt
60 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

est fonction de la vitesse de rotation de la tournette et de la viscosité de la résine choisie.


Cette épaisseur est bien contrôlée (au micron près). Après dépôt, la résine est recuite une
première fois pour la durcir un peu. On dépose ensuite sur cette couche de résine un masque
avec le réseau de microcanaux que l’on souhaite fabriquer. L’ensemble est introduit dans
un aligneur UV et soumis à un faisceau collimaté de rayonnement UV pendant quelques
dizaines de secondes. La résine située sous les parties transparentes du masque peut donc
réticuler. Cette réticulation se poursuit lors d’une seconde étape de recuit. Ensuite, une
étape de développement avec un solvant adapté permet d’éliminer la résine dans les zones
non réticulées (dissolution de la résine non réticulée). On obtient donc après cette étape un
réseau de canaux en relief sur notre wafer de silicium. La section des canaux de ce moule
est rectangulaire ou carrée (épaisseur fixée par l’étalement de la résine par la tournette,
largeur fonction du design de notre masque). Ce réseau va constituer le moule pour nos
futurs canaux de PDMS.
Moulage du PDMS
Un mélange 10 :1 en masse de PDMS liquide et de son agent réticulant sont mélangés.
Des bulles sont générées lors de ce mélange, bulles qui sont éliminées par dégazage sous
une cloche à vide. Ce mélange est ensuite versé sur le moule. Pour réticuler le mélange
celui-ci est placé dans une étuve à 65◦ C. Le temps de réticulation dépend des propriétés
(dureté, élasticité..) que l’on souhaite donner au PDMS. Dans nos applications, ce temps
est de 45 minutes. Après cuisson, on démoule le PDMS du wafer de silicium. A l’aide d’un
poinçon, on troue le PDMS aux endroits où sera placée la connectique (tubing Upchurch).
On obtient un bloc de PDMS de 5 à 6mm d’épaisseur au sein duquel figure le réseau de
microcanaux défini sur le masque initial.
Fermeture des canaux
Pour fermer notre réseau, on dépose sur une lame de verre, grâce à une tournette, une
couche de PDMS de quelques dizaines de microns d’épaisseur. Cette couche est également
réticulée, comme précédemment. Cela permettra d’obtenir, une fois le dispositif fermé, un
système de canaux avec quatre murs du même matériau et donc présentant les mêmes
propriétés de mouillage. Pour avoir un collage résistant (travail à des débits de quelques
millilitres par heure - correspondant à 2 ou 3 bars de pression) et durable (puce réutilisable),
on utilise un plasma à oxygène. Les deux parties (moule et lame de verre sur laquelle a
été déposée du PDMS) sont introduites dans l’enceinte du plasma, pendant une minute.
Le plasma à oxygène crée des radicaux de surface sur les deux parties, en les mettant en
contact, ces radicaux se recombinent pour former des liaisons covalentes. Après cette étape,
la puce microfluidique est créée.
A noter que le plasma modifie l’état de surface du PDMS : ce matériau, naturelle-
ment hydrophobe devient hydrophile après plasma pendant quelques heures ; le plasma
permettant de ioniser les fonctions silanols [65, 66, 67]. Pour retrouver l’état hydrophobe
du PDMS, il convient de laisser la puce 24h à l’étuve à 65◦ C. Ces deux états de mouillage
du PDMS sont utilisés par la suite.
3.2. Conception de milieux poreux modèles 61

(d)

(a)

(e)

(b)

(f)

(c)

(g)

Fig. 3.3 – Représentation schématique des différentes étapes de la photolithographie et du mou-


lage de puces en PDMS : (a) activation UV-Ozone du wafer de silicium, (b) étalement de la résine
par la tournette, (c) exposition UV, (d) révélation, (e) moulage du PDMS, (f) découpage, (g)
collage.

3.2.1.2 Caractéristiques des micromodèles en PDMS fabriqués

Nous allons à présent détailler les caractéristiques de nos micromodèles de poreux fa-
briqués. Les notations utilisées pour décrire les paramètres du système seront reprises dans
le paragraphe suivant pour la description des micromodèles en verre. Un grand soin a été
apporté à la caractérisation des systèmes réalisés.
– h correspond à la hauteur du réseau, elle est fonction du dépôt de la résine par la
tournette
– Nt correspond au nombre de canaux dans la direction parallèle au gradient de pression
– Nl correspond au nombre de canaux dans la direction perpendiculaire au gradient de
pression
– λ correspond à la longueur d’onde du réseau
– w représente la largeur d’un canal dessiné sur le masque
– w0 représente la largeur du canal réel. Dans le cas du PDMS, w=w0
– σw est la largeur de la distribution imposée lors de la création du masque. Trois
puces ont été fabriquées, avec trois valeurs de σw différentes, elles sont repérées par
les lettres a, b et c par la suite.
– σh est l’écart type dû aux fluctuations de hauteur des canaux. Il est estimé en mesu-
rant la hauteur des canaux grâce à un profilomètre. Dans le cas d’une résine de 50µm
d’épaisseur, déposée sur un wafer de 3" de diamètre (environ 7.6cm), cette variation
est estimée à ± 1µm.
– ² est la différence de courbure entre deux jonctions. Une valeur relative est donnée
par ² = 2 (σh /h2 + σw /w2 ) /C, où C désigne la courbure moyenne, C = 2 (1/h + 1/w).
– φ représente la porosité, elle est définie comme étant égale au rapport entre le volume
62 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

V
disponible au fluide et le volume total ; φ= disponible
Vtotal
– k est la perméabilité du milieu poreux modèle, définie comme étant égale à k =
Qη1 L/(Nt λh∆P ), avec Q le débit du fluide injecté, ∆P la perte de charge entre
l’entrée et la sortie du système et η1 la viscosité du fluide newtonien injecté. La
détermination de cette perméabilité est basée sur le calcul des résistances hydrody-
namiques théoriques du système (canaux de section rectangulaire, RH = α·η 1 ·L
h3 ·w
, où
α est un préfacteur fonction du rapport largeur/hauteur (voir [68] pour le détail du
calcul de α), L la longueur du canal). Cette porosité est calculée et non mesurée
expérimentalement. En effet, une mesure expérimentale de la perméabilité consiste-
rait à imposer un gradient de pression aux bornes de la puce, récupérer en sortie la
masse de fluide ayant circulé dans celle-ci, pour remonter au débit correspondant.
Or, dans notre géométrie, les résistances hydrodynamiques de l’arborescence d’en-
trée et de sortie sont comparables à la résistance du poreux, on ne peut donc pas
expérimentalement dé corréler les effets de la grille de ceux de l’entrée et la sortie.
Nous avons travaillé avec trois grilles présentant chacune une valeur de ² différente,
ces grilles sont notées a, b et c, et leurs caractéristiques sont présentées dans le tableau
ci-dessous.
a b c
Nt × N l 53 × 53 53 × 53 53 × 53
λ(µm) 250 250 250
w0 (µm) 80 80 80
w (µm) 80 80 80
h (µm) 50 50 50
σw (µm) 2 6 20
σh (µm) 0.1 0.1 0.1
² 0.016 0.035 0.1
φ 0.52 0.52 0.52
k (Darcy) 12.0 12.0 12.0
Tab. 3.1 – Caractéristiques des micromodèles en PDMS

3.2.2 Poreux modèle en verre


Autre matériau utilisé fréquemment pour la fabrication de microsystèmes, le verre. Le
verre permet d’obtenir des canaux rigides, donc non déformables en présence de fluides
très visqueux, ou lorsque de très fortes pressions sont appliquées aux bornes de la puce
(contrairement au cas du PDMS qui lui peut voir la géométrie de ses canaux modifiée dans
ce cas [69]). Également, grâce à la chimie des silanes, il est assez aisé de modifier l’état de
surface du verre de manière irréversible. En revanche, les procédés de microfabrication sont
un peu plus complexes et longs que précédemment avec le PDMS. Les différentes étapes
de microfabrication sont résumées ci-après (FIG. 3.4).
3.2. Conception de milieux poreux modèles 63

3.2.2.1 Étapes de microfabrication


Protection du wafer
L’acide fluorhydrique (HF) sert à graver le verre. Pour que l’acide n’attaque pas toutes
les zones du poreux, il est nécessaire que les zones que l’on ne souhaite pas graver soient
protégées. Cette protection est assurée grâce à différentes couches sacrificielles. Puis des
étapes de photolithographie permettent de sélectionner les zones à graver.
Une couche de chrome de 50nm d’épaisseur puis une couche d’or de 100nm d’épaisseur
sont déposées par évaporation sous vide sur le wafer, la couche de chrome permettant sim-
plement l’accroche de la couche d’or. On dépose ensuite via une tournette une couche d’en-
viron 3µm d’épaisseur de résine photosensible positive (les zones insolées seront dissoutes
au développement). On recuit quelques minutes cette résine à 105◦ C. Comme précédem-
ment, on apose un masque transparent sur le wafer avant insolation UV par un aligneur.
S’ensuivent plusieurs étapes de développement : la résine dans les zones insolées est enlevée
à l’aide d’une base, sur ces mêmes zones on enlève l’or puis le chrome à l’aide de solutions
oxydantes. Après ces trois étapes de développement, la résine est recuite pour durcir et
donc mieux résister à l’attaque HF. On obtient donc juste avant introduction dans le bain
de HF des zones où le verre est complètement déprotégé, ces zones seront gravées par le
HF et constitueront notre réseau de canaux. Les autres parties du wafer, protégées par la
couche de chrome, d’or et de résine, ne seront pas attaquées.
Gravure
Le HF acheté est concentré à 40% (VWR). Il est dilué deux fois. La gravure s’opère donc
avec un acide concentré à 20%. Dans ces conditions, le taux de gravure moyen observé est
de 1µm par minute environ. Il est important de noter que l’attaque à l’acide fluorhydrique
est isotrope. Par conséquent, les canaux obtenus ne sont pas de section rectangulaire ou
carrée ; mais ils présentent un arrondi aux extrémités (FIG. 3.5). Concernant les dimensions
des canaux, on obtient toujours un rapport d’aspect 1 sur 3 à cause de cette isotropie de
la gravure. Par exemple, si sur notre masque initial, le canal dessiné fait 10µm de largeur
et que l’on grave 30 minutes, nous obtenons au final un canal de 30µm de profondeur et
70µm de largeur (10µm liés au trait initial, 30µm liés à la gravure à gauche et 30µm pour
la gravure à droite). C’est pour cette raison que dans le tableau suivant où sont présentées
les caractéristiques des micromodèles réalisés, la largeur initiale w fixée sur le masque est
différente de la largeur réelle w0 . Pour obtenir des canaux bien définis, la qualité de verre
est cruciale. A noter qu’un wafer en verre coûte environ 35 USD pièce, notre fournisseur
est la société SensorPrepServices, USA. La rugosité de surface n’est pas trop importante,
on estime à moins de 1µm les variations de hauteur des canaux.
L’épaisseur des canaux est estimée grâce à un profilomètre. Si l’épaisseur est inférieure
à celle désirée, il suffit de réintroduire le wafer dans le bain HF. Une capture d’écran (FIG.
3.6) montre la régularité des canaux obtenue au profilomètre.
Après gravure et vérification de la profondeur des canaux, la résine est enlevée entière-
ment à l’acétone, l’or et le chrome sont quant à eux entièrement enlevés à l’aide de solutions
oxydantes. A l’aide d’une sableuse, on perce les trous qui serviront à introduire les fluides
dans la puce (un masque de cuivre est utilisé pour ne sabler que les zones d’intérêt et
64 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

Fig. 3.4 – Schéma de principe des étapes de fabrication d’une puce en verre : (a) évaporation
sous vide des couches de chrome et d’or, (b) dépôt de la résine, (c) exposition UV 2 x 15s, (d)
gravure dans l’acide fluorhydrique, (e) collage verre-verre.

Fig. 3.5 – Image confocale d’un microcanal en verre - objectif 10X. La largeur du canal est de
90µm, la hauteur de 25µm.

protéger le reste de la puce).

3.2.2.2 Etape de collage

Le collage de systèmes verre-verre n’est pas une chose aisée, et de nombreuses tentatives
de collage ont été réalisées au cours de cette thèse pour obtenir un protocole expérimental
robuste. Le wafer préalablement gravé doit être collé à un deuxième wafer, vierge, qui
permet de fermer le système fluidique. Juste avant collage, ces deux wafers sont introduits
une dizaine de minutes dans une solution de piranha (mélange exothermique à iso volume
d’acide sulfurique et d’eau oxygénée), solution oxydative qui va nettoyer les surfaces des
deux wafers. Les wafers sont ensuite rincés dans l’eau distillée puis séchés à l’azote. Une
petite goutte d’eau est déposée sur un des wafers puis ils sont mis en contact. A ce stade,
les forces capillaires seules permettent aux deux wafers de rester en contact. Il faut ensuite
coller irréversiblement ces wafers.
Compte tenu des équipements dont nous disposons au laboratoire, il a été décidé de
3.2. Conception de milieux poreux modèles 65

Fig. 3.6 – Exemple de scan obtenu au profilomètre sur quelques canaux consécutifs (l’unité des
deux axes est le micromètre).

coller ces wafers thermiquement. Le challenge consiste à monter suffisamment haut en


température pour dépasser la température de transition vitreuse (Tg ) du verre et faire
en sorte que les constituants de chacun des wafers s’entremêlent pour que le collage soit
robuste et supporte la pression. Toutefois, il ne faut pas monter trop haut en température,
cela pourrait déformer voire boucher les canaux. De nombreuses tentatives ont permis de
sélectionner des plages de températures et de temps optimales. Il est possible de coller
deux wafers d’épaisseur différente, en revanche il faut coller deux wafers du même type
de verre. En effet, en fonction de la composition du verre, la Tg peut être différente ainsi
que les coefficients de dilatation thermique, ce qui pourrait casser la puce lors de la phase
de refroidissement. Le verre avec lequel nous avons travaillé est du Schott Borofloat 33, sa
Tg est de 525◦ C. Le protocole mis au point monte progressivement jusqu’à 705◦ C, reste à
cette température une trentaine de minutes, puis redescend à 523◦ C et y reste six heures.
Le retour à la température ambiante se fait naturellement. Le processus de collage dure au
total une dizaine d’heures.
L’étape suivante consiste à coller des nanoports (Upchurch) qui servent à visser le
tubing d’entrée et de sortie pour permettre d’alimenter la puce. Ces nanoports sont fixés
avec de la colle époxy, colle qui résiste très bien pour des expériences réalisées à température
ambiante.
Après ces différentes étapes le dispositif microfluidique est prêt. Néanmoins, le verre
étant naturellement un matériau plutôt hydrophile, à haute énergie de surface et très
sensible aux impuretés, il est nécessaire de procéder à des étapes de traitement de surface
du verre (silanisation) avant utilisation de la puce microfluidique. Ces traitements vont
rendre le verre hydrophobe. Il sera ainsi plus aisé d’obtenir des expériences reproductibles.
66 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

Ces étapes sont détaillées dans le paragraphe suivant.

3.2.2.3 Caractéristiques des milieux poreux modèles fabriqués

Les mêmes notations sont utilisées que pour la description des poreux en PDMS faite
précédemment. Étant donnée l’anisotropie de la gravure, le facteur σw choisi est nécessai-
rement plus petit que pour le PDMS. En effet, pour le PDMS, la largeur des canaux choisie
était de 80µm et cela permettait de définir une distribution élargie autour de cette valeur.
Pour le verre, pour obtenir au final une largeur de canaux comparable, la largeur initiale
choisie est de 38µm, c’est pourquoi il est nécessaire de définir une largeur de gaussienne
plus petite pour ne pas avoir de largeurs aberrantes (négatives).

N t × Nl 106 × 106
λ (µm) 250
w0 (µm) 38
w (µm) 90
h (µm) 25
σ (µm) 6
σh (µm) 0.1
² (m−1 ) 0.018
φ 0.69
k (Darcy) 2.55
Tab. 3.2 – Caractéristiques des micromodèles en verre

La photo ci-dessous (FIG. 3.7) montre une puce ainsi préparée.

2,5cm

Fig. 3.7 – Exemple de puce en verre fabriquée au laboratoire. Les nanoports collés sur le dispositif
permettent d’alimenter la puce en fluides.
3.2. Conception de milieux poreux modèles 67

3.2.3 Silanisation
L’état de surface des puces en verre peut facilement être traité chimiquement. Des
mesures d’angle de contact permettent de quantifier l’état de mouillage obtenu. Nous ex-
pliquons les protocoles expérimentaux mis en oeuvre pour traiter le verre.
La silanisation permet d’abaisser l’énergie de surface du matériau. Le principe est
de greffer une chaîne organique plus ou moins longue (ce qui permet de faire varier le
mouillage) via une liaison covalente entre le silicium du silane et un atome d’oxygène du
substrat. Il est complexe d’obtenir un greffage homogène, ainsi il est fréquent que des ponts
se forment entre les chaînes de silane et forment un gel. Les deux voies classiques de si-
lanisation sont la phase vapeur et la phase liquide. Nous avons travaillé exclusivement en
voie liquide, en envoyant le silane en solution en flux dans la puce. Il était plus difficile en
phase vapeur de contrôler la silanisation à l’intérieur du milieu poreux modèle.

3.2.3.1 Quelques informations sur le mécanisme réactionnel


Nous avons travaillé avec deux types de silanes :
– l’octadécyltrichlorosilane, appelé par la suite OTS.
– le trichloro(1H,1H,2H,2H perfluorooctyl)silane 97% appelé par la suite silane fluoré.
Ces deux silanes appartiennent à la famille des organo-siliciés, il possèdent un atome de
silicium au bout d’une chaîne carbonée R, leur formule générale est RSiXn, où n désigne
la fonctionnalité (1, 2 ou 3). Le groupement X est facilement hydrolysable, c’est un atome
de chlore ici. Les autres groupements possibles pour X sont une fonction oxy (M eO), ou
amine (N (CH3 )2 ). Le mécanisme réactionnel dépend fortement de l’humidité, paramètre
difficile à contrôler [70, 71, 72] : la présence d’eau (adsorbée à la surface du substrat) est
nécessaire pour permettre l’hydrolyse du groupement halogène en silanol, toutefois, s’il y
a trop d’eau, le silane se dégrade, forme un précipité blanc ou peut aussi former un gel et
non une monocouche (ponts oxygénés entre les atomes de silicium). L’étape suivante est
la formation de la liaison covalente Si-O-Si par condensation des silanols de la chaîne de
silanes et du substrat.

3.2.3.2 Silanisation de milieux poreux modèles


Il est nécessaire de nettoyer les surfaces avant traitement. Pour cela, on injecte avec
une seringue en verre de 2.5 mL une solution de piranha dans le micromodèle pendant
une quinzaine de minutes [70, 73, 74, 72]. Un grand soin doit être apporté au remplissage
de cette seringue : le mélange étant exothermique et surtout effervescent, il convient de
laisser un peu d’air dans la seringue pour ne pas l’endommager. Ensuite, pour rincer, on
injecte deux seringues de 10mL d’eau distillée. L’étape de rinçage est importante, si des
traces d’acides du piranha venaient à rester, le silane serait dégradé. La puce est ensuite
introduite dans une étuve à vide pour séchage, sous azote, pour ne pas repolluer la surface.
Elle est enfin passée au plasma pour activer la surface du verre. La silanisation doit s’opérer
immédiatement après cette activation. Les deux silanes avec lesquels nous avons travaillé
sont déposés en flux.
68 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

Silanisation OTS
Le silane est mis en solution dans le toluène à une concentration de 0.5% en masse.
Une seringue de 5mL est injectée à un débit de 5mL par heure. Après cette injection, la
puce est rincée une fois au toluène, au chloroforme puis à l’eau. On injecte à chaque fois
d’une seringue de 5mL. Il est important de procéder aux étapes de rinçage immédiatement
après le dépôt du silane pour éviter que celui-ci ne forme un gel. La concentration en silane
choisie est telle que le silane est en large excès par rapport à la surface à couvrir, ainsi on
est certain de silaniser l’intégralité des canaux. Après ces étapes de rinçage, la puce est
introduite quelques heures dans une étuve pour finaliser la formation de liaisons covalentes
[75]. La puce est prête à l’emploi. La puce en verre silanisée avec de l’OTS est notée grille
d. par la suite.
Silanisation silane fluoré
Le silane est mis en solution dans l’huile fluorée FC40 à une concentration de 0.5%
en masse. Une seringue de 5mL est injectée à un débit de 5mL par heure. Après cette
injection, la puce est rincée au chloroforme, à l’éthanol, puis à l’eau. (Injection à chaque
fois d’une seringue de 5mL). Comme précédemment, il est important de procéder aux
étapes de rinçage tout de suite après le dépôt du silane. La puce en verre silanisée avec le
silane fluorée est notée grille e. par la suite.

3.2.3.3 Comment s’assurer d’une silanisation réussie


Pour s’assurer d’une silanisation homogène, une puce a été cassée et nous avons passé
quelques fragments au microscope AFM. Les quelques clichés réalisés montrent une surface
uniformément recouverte. Il n’y a pas de fortes variations d’épaisseur. Malheureusement,
du fait de leur mauvaise qualité, ces images ne sont pas peuvent être présentées ici. De
manière plus générale, nous regardons le remplissage de la piscine d’entrée. La géométrie
retenue présente une large piscine avant la zone poreuse. Nous menons des expériences de
drainage, le fluide non mouillant envahit donc les espaces les plus gros prioritairement.
Par conséquent, un remplissage uniforme de la piscine d’entrée par le fluide pousseur non
mouillant, avant que celui-ci n’envahisse la zone poreuse, permet de s’assurer d’une silani-
sation réussie.

3.2.4 Caractérisation des fluides


Viscosités des fluides utilisés
Dans les expériences réalisées, le fluide pousseur est non mouillant et le fluide en place
est mouillant (expériences de drainage). Comme fluide en place, nous avons majoritaire-
ment utilisé du dodécane et de l’huile silicone Rhodorsil V20. Le fluide pousseur est soit
de l’eau soit un mélange eau-glycérol voire un fluide complexe (voir chapitre 6). Pour l’ob-
servation à la caméra, une petite quantité de colorant est dissoute dans le fluide pousseur.
Ce colorant a un effet tensioactif dont nous tenons compte dans nos mesures. Dans la série
d’expériences menée avec le PDMS hydrophile, le fluide en place est l’eau colorée. Dans ce
cas, le fluide pousseur est de l’huile fluorée 3M FC40. La viscosité des fluides est mesurée
3.2. Conception de milieux poreux modèles 69

au rhéomètre (AR-G2, TA Instruments) avec une géométrie cône-plan sablée. Les mesures
sont faites à cisaillement imposé, en s’assurant d’atteindre l’état stationnaire pour chaque
point.
Dans le chapitre 6, nous nous intéressons au rôle de la rhéologie dans ces expériences
de drainage. Un fluide complexe (solution de polymère, micelle géante..) est utilisé comme
fluide pousseur. Les propriétés rhéologiques de ces fluides sont présentées au début de ce
chapitre 6.
Mesures de la tension de surface
La tension de surface fluide/air ou fluide1/fluide2 est mesurée par la méthode de la
goutte pendante. Cette méthode consiste à laisser pendre à l’extrémité d’une aiguille (de
diamètre connu) une goutte et d’attendre que celle-ci prenne sa forme d’équilibre (FIG.
3.8).

ρ2 ρ1

Fig. 3.8 – Goutte pendante, à l’équilibre, au bout d’une aiguille de rayon r

A l’équilibre, on note C la courbure de la goutte à l’équilibre, γ la tension superficielle


du liquide, et ρ sa masse volumique.

γC = ρgz (3.1)

On exprime la courbure C en coordonnées cylindriques, la goutte est axisymétrique


dr d2 r
autour de l’axe z. on note rz = dz et rzz = dz 2 , il vient :

rzz 1
C=− + (3.2)
(1 + rz2 )( 3/2) r(1 + rz2 )( 1/2)
Grâce à une caméra, on capture la forme de la courbure. Un programme Matlab permet
d’ajuster le profil par l’intégration de C. On résout alors numériquement l’équation (3.1)
et l’équation (3.2). Le diamètre de l’aiguille au bout de laquelle pend la goutte est connu,
il sert à la conversion des pixels en micromètres..
Cependant, cette technique ne fonctionne pas lorsque l’on souhaite déterminer, par
exemple, la tension superficielle entre l’eau colorée et l’huile fluorée. En effet, l’huile fluorée
70 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

étant plus dense (densité 1.850kg/m3 ) que l’eau (densité 1kg/m3 ), il convient de former une
goutte d’huile dans l’eau... Mais celle-ci étant colorée, toute visualisation est impossible.Le
colorant utilisé ayant un effet tensio actif, il convient de faire la mesure avec de l’eau colorée
et non de l’eau pure.
Par conséquent, l’autre technique utilisée dans ce cas est la méthode de la goutte tom-
bante. Le poids d’une goutte se détachant d’un capillaire de rayon interne r, immergé dans
un liquide de densité inférieure, est mesuré. Le volume de la goutte augmente de façon
incrémentale, de sorte qu’à chaque instant on puisse considérer être à l’équilibre. Lorsque
la goutte se détache, son poids compense exactement la force la maintenant par la tension
de surface [76]. Ceci permet d’écrire :
r
(ρ2 − ρ1 )V g = 2πrΓf ( √ 3
) (3.3)
V
où ρ1 , respectivement ρ2 , est la masse volumique du fluide injecté, respectivement du fluide
externe, V est le volume de la goutte, g est l’accélération de pesanteur et Γ est la tension
de surface. f est un facteur correctif qui prend en compte le volume de la goutte restant
r
attachée sur la pointe du capillaire lors de son détachement. Il est fonction de √ 3
V
. W. D.
Harkins et F. E. Brown [77] ont tabulé sa valeur de manière empirique. Il peut également
être calculé à partir de la fonction suivante :
r r r 2 r 3
f(√ 3
) = 0, 167 + 0, 193( √
3
) − 0, 0489( √
3
) − 0, 0496( √
3
) (3.4)
V V V V
Pour déterminer précisément le poids de la goutte, un grand nombre de gouttes (géné-
ralement entre 30 et 60) est pesé sur une balance dont la précision est de 0,1 mg.
Pour les fluides simples avec lesquels nous avons travaillé, le tableau (TAB. 3.3) résume
les paramètres de viscosité et de tension de surface mesurés (pour les fluides complexes, les
paramètres de viscosité seront mentionnés dans le chapitre 6).

Tension de surface (mN/m) Viscosité (mPa.s)


dodécane 25.3 1.4
Rhodorsil v20 20.6 19
3M FC-40 16 3.4
eau 50 1
eau/glycérol 55 100
Tab. 3.3 – Viscosités et tensions de surface

3.2.5 Propriétés de Mouillage


3.2.5.1 Le paramètre d’étalement
Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, lorsque l’on dépose une goutte d’eau
sur une surface, deux cas peuvent se présenter [42] :
3.2. Conception de milieux poreux modèles 71

– la goutte s’étale complètement (cas d’un verre très propre, juste sorti du piranha par
exemple).
– la goutte forme un angle avec la surface (si la surface est un film plastique par
exemple).
Ces comportements différents traduisent des propriétés de mouillage différentes. Le para-
mètre d’étalement, S, traduit cette différence de comportement : S mesure la différence
entre l’énergie du substrat sec et mouillé (par unité de surface).
substrat substrat
S=Esec - Emouillé
S =γeau/substrat - (γhuile/substrat + γ)

γeau/substrat , γhuile/substrat et γ représentent respectivement la tension de surface eau/surface,


huile/surface et eau/huile. γeau/huile est déterminé par la méthode de la goutte pendante.
Les grandeurs γhuile/substrat et γeau/substrat sont déduites de la relation d’Young.
Revenons à la détermination expérimentale de S. Les grandeurs γhuile/substrat et γeau/substrat
sont inconnues. La technique consiste à prendre un substrat avec le traitement de surface
souhaité et de déposer une goutte de chacun des liquides considérés puis de mesurer l’angle
de contact entre le liquide déposé et la surface et enfin d’appliquer la loi d’Young à chacun
des systèmes. Par exemple, on silanise une lame de verre avec de l’OTS (comme on le ferait
pour le poreux), puis on mesure l’angle de contact formé par une goutte d’eau et une goutte
d’huile posée sur cette lame (pour une bonne statistique, on dépose une dizaine de gouttes
de chaque liquide, on mesure les différents angles de contact et on calcule une moyenne de
ces angles). Il vient :
– loi d’Young pour la goutte d’eau (a) γeau/air cos(θ1 )= γSO -γeau/substrat .
– loi d’Young pour la goutte d’huile (b)γhuile/air cos(θ2 )= γSO -γhuile/substrat .
– la différence (a) - (b) donne γhuile/substrat -γeau/substrat .

3.2.5.2 Types de mouillage étudiés


Avec les traitements de surface réalisés, en considérant certains couples de fluides bien
définis, nous changeons de propriétés de mouillage. Nous rappelons ici sommairement les
types de mouillage étudiés. Les caractéristiques détaillées de ces mouillages ont été présen-
tées dans le chapitre deux.
Mouillage total
Le mouillage total se caractérise par un paramètre d’étalement positif. A l’équilibre, le
liquide s’étale complètement, un film de mouillage recouvre la surface.
Mouillage pseudo-partiel
La paramètre d’étalement est là aussi positif. Cependant, par rapport au cas du mouillage
total, les interactions à longue portée entre le substrat et la phase aqueuse sont attractives
(constante de Hamaker positive). Cela a pour conséquence la possible coexistence d’un
film de mouillage stable et d’un angle de contact macroscopique aux temps longs. Ceci est
illustré sur la figure (FIG. 3.9).
Mouillage partiel
72 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

Fig. 3.9 – Illustration du mouillage pseudo-partiel. à gauche : goutte de dodécane sur une lame
de verre silanisée à l’OTS, dans l’eau (θ = 40o ). à droite : goutte d’eau sur une lame de verre
silanisée à l’OTS, dans le dodécane (θ = 180o ). Le diamètre des gouttes déposées est de 1mm.

Le paramètre d’étalement est négatif. Il y a présence d’une ligne triple lors de l’invasion
du milieu poreux. Un hystérésis d’angle de contact caractérise ce mouillage.
Le tableau (TAB. 3.4) résume les valeurs d’angle de contact et de tension de surface
pour l’ensemble des fluides simples avec lesquels nous avons travaillé.

Paramètres
θa ( ) θr (o ) γ(N.m−1 )
o

Mouillage total
PDMS hydrophobe/eau/rhodorsil V20 180 - 21
PDMS hydrophobe/eau/dodécane 180 - 25
PDMS hydrophobe/eau-glycérol 100 mPa.s/dodécane 180 - 33
Mouillage pseudo-partiel
verre silanisé OTS/eau/dodécane 180 - 25
Mouillage partiel
verre silanisé Sifluo/eau/dodécane 140 110 25
PDMS hydrophile/FC40/eau 160 140 44
Tab. 3.4 – Valeurs des angles de contact d’avancée θa , de reculée θr et des tensions de surface γ
pour les couples eau+colorant vs. huile pour les différents systèmes de notre étude.

Les paramètres d’étalement et les valeurs des constantes de Hamaker sont mentionnés
dans le tableau (TAB. 3.5). Nous négligeons la présence du silane (épaisseur de quelques
nanomètres), ce qui revient à calculer la constante de Hamaker effective pour un système
à trois corps selon l’équation (3.5), d’après [45]. L’indice 1 se réfère au fluide pousseur,
l’indice 2 au substrat, et enfin l’indice 3 au fluide en place.

3 ²1 − ²3 ²2 − ²3 3hνe (n21 − n23 ) · (n22 − n23 )


A132 = kT · · + √ · 2
4 ²1 + ²3 ²2 + ²3 8 2 (n1 + n23 )1/2 · (n22 + n23 )1/2 · [(n21 + n23 )1/2 + (n22 + n23 )1/2 ]
(3.5)
où ²i désigne la permittivité relative du composé i, ni son indice de réfraction (mesuré au
laboratoire pour les fluides, pris dans la littérature (Handbook) pour les substrats comme
3.3. Principe des expériences réalisées 73

le verre ou le pdms réticulé), k est la constante de Boltzmann égale à 1.380 · 10−23 J.k −1 , T
la température prise à 298K, h est la constante de Planck, égale à 6.626 · 10−34 J.s et enfin
νe est la fréquence d’absorption dans l’ultraviolet, prise égale à 1015 , d’après [78].

Paramètres
S(N · m−1 ) A(N · m−1 )
Mouillage total
PDMS/eau/rhodorsil V20 6.1 · 10−3 −8.04 · 10−22
PDMS/eau/dodécane 7.7 · 10−3 −3.24 · 10−22
PDMS/eau 100 mPa.s/dodécane 4.3 · 10−3 −3.24 · 10−22
Mouillage pseudo-partiel
verre silanisé OTS/eau/dodécane 2.3 · 10−2 3.83 · 10−22
Mouillage partiel
verre silanisé Sifluo/eau/dodécane −2.9 · 10−3 3.83 · 10−22
PDMS/FC40/eau −1.87 · 10−2 1.93 · 10−21
Tab. 3.5 – Valeurs des paramètres d’étalement et constantes de Hamaker pour les différents
systèmes étudiés.

3.2.6 Conclusions
Nous avons ainsi à notre disposition deux types de micromodèles, en verre ou en PDMS.
Par traitement de surface, il est possible de venir modifier et contrôler les propriétés de
mouillage de ces micromodèles de milieux poreux. Les fluides utilisés sont caractérisés en
terme de viscosité et tension de surface avant injection dans le micromodèle. Le paramètre
d’étalement et la constante de Hamaker sont calculés pour chacun de nos systèmes ; selon le
micromodèle et le couple de fluides choisis, nous sommes en condition de mouillage partiel,
total ou pseudo-partiel.

3.3 Principe des expériences réalisées


Les expériences qui seront présentées dans la partie deux concernent des expériences
de drainage. Entre chaque expérience, la puce est nettoyée (avec de l’isopropanol) puis
reremplie avec le fluide non mouillant. Une expérience est réalisée pour un débit donné.
Avant chaque expérience, le micromodèle est rempli avec un fluide mouillant (ex : dodécane)
en utilisant un pousse seringues (Cetoni Nemesys). Ensuite, le fluide non mouillant est
injecté à un débit constant, compris entre 1 et 10000µL/h. Un système de vanne en T
permet de passer de l’injection du fluide mouillant au fluide non mouillant dans la puce,
en s’assurant de ne pas coincer de bulles d’air à l’interface des deux fluides. La puce
microfluidique est placée sur une table lumineuse fluorescente, permettant un éclairage
uniforme et constant, ce qui sera très utile pour le traitement d’images effectué ensuite.
74 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

Ca mé ra J AI

Filtre optique

P ous s e s e ringue
Ne mes ys

P uce microfluidique
Ba cklight Va nne e n T

Fig. 3.10 – Dispositif expérimental

Pour distinguer les deux fluides à la caméra, un colorant est dissout dans la phase aqueuse
ou dans la phase huile. Le contraste est renforcé en ajoutant un filtre adapté au colorant
dissout.
Comme nous l’avons expliqué précédemment, les micromodèles sont conçus avec une
piscine d’entrée plus large que les microcanaux de la zone poreuse. La pression capillaire
dans cette piscine est plus petite que dans la zone poreuse. Par exemple, en considé-
rant le couple eau colorée - dodécane et un poreux en verre décrit plus haut, il vient
Pcapillaire piscine = 20mbar, et Pcapillaire poreux = 26mbar. Par conséquent, lors d’une expé-
rience de drainage, le remplissage de la zone d’entrée s’effectuant à faible débit, le fluide
non mouillant remplit prioritairement la zone d’entrée avant de commencer à envahir le
poreux proprement dit, ce qui permet de définir précisément le temps zéro de l’expérience.
Ce temps est défini au moment où le fluide non mouillant commence à envahir les canaux
du milieu poreux modèle. Ce dispositif n’est pas adapté pour des expériences d’imbibition,
en effet le remplissage de l’arborescence d’entrée n’est jamais parfait. En imbibition, la pis-
cine d’entrée ne joue aucun rôle, le fluide pousseur mouillant envahissant prioritairement
les pores les plus petits. Il est donc très difficile d’obtenir un front homogène dans ce cas.
Une caméra (JAI CM-200 GE) avec une résolution de 1600x1200, une fréquence de 25Hz
sur laquelle est monté un objectif de 75mm (avec bagues de grossissement) est utilisée
pour l’acquisition d’images. Une caméra rapide sera utilisée pour les débits les plus forts.
L’ensemble du dispositif expérimental est présenté sur la figure (FIG. 3.10).
Lors des expériences réalisées, l’acquisition d’images peut durer quelques secondes pour
les expériences à nombre capillaire imposé élevé, voire quelques heures pour les très faibles
nombres capillaires imposés. Plusieurs milliers d’images sont ainsi générées, d’où la né-
cessité de disposer d’algorithmes robustes pour extraire des images les informations perti-
nentes. Nous expliquons les techniques d’analyses d’images développées pour le traitement
de ces données.
3.4. Analyse Matlab des résultats 75

3.4 Analyse Matlab des résultats


Les procédures d’analyse mises en place pour la partie mouillage (calcul des vitesses
dans le milieu poreux modèle basé sur la détection des ménisques eau-huile) et pour la
partie récupération tertiaire (chapitre 7 - calcul des vitesses à partir du champ de pression)
sont détaillées dans cette partie. Les informations que nous souhaitons obtenir à partir
de l’analyse d’images sont les vitesses locales instantanées d’avancée des ménisques, les
vitesses moyennes d’invasion, la saturation résiduelle en huile après balayage, la taille des
poches restantes, etc.

3.4.1 Calcul du nombre capillaire imposé, Cai


A partir des images enregistrées lors de l’invasion du micromodèle, nous estimons l’aire
de la phase non mouillante. Cela nous permet de déterminer le nombre capillaire imposé
(noté Cai ensuite). Également nous détectons la position de tous les ménisques en fonction
du temps avant percolation, pour nous permettre de définir ensuite un nombre capillaire
moyen local (noté par la suite hCal i). La procédure est détaillée ci-après.
Les images sont seuillées pour isoler la phase envahissante, ce qui est rendu possible
par un éclairage homogène et constant tout au long de l’expérience (ceci permet de définir
également en début d’expérience une image de fond, que l’on divise à nos images d’in-
térêt pour minimiser les inhomogénéités d’éclairage lors de la prise d’images), et par un
fort contraste entre les deux phases grâce au colorant. Les images sont ensuite binarisées
(exemple figure (FIG. 3.11) ; la valeur 1 est attribuée aux zones envahies par le fluide pous-
seur (en blanc), la valeur 0 aux zones où le fluide initialement en place est toujours présent
(en noir sur l’image). Les piscines d’entrée et de sortie sont enlevées avant binarisation
pour ne conserver que la zone poreuse d’intérêt.

Fig. 3.11 – Exemple d’image brute et d’image binarisée correspondante. L’écoulement s’effectue
de la gauche vers la droite.

Les images permettent de déterminer Ae , l’aire de la phase envahissante. Cette aire


augmente linéairement pour les temps inférieurs à tp , le temps de percolation. Ce temps
76 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

est défini à l’instant où l’entrée et la sortie de la puce sont connectées par un chemin continu.
On vérifie ainsi que le pousse seringue délivre un débit constant et continu (se référer à la
figure (FIG. 3.12 pour un exemple). On relie la surface envahie au débit appliqué q=dAe /dt.
On vérifie que cette mesure du débit est correcte en comparant cette valeur au débit imposé
Q (Q est exprimé en m3 s−1 ). La déviation observée est de l’ordre de 5%.

−9
x 10
4 1
Volume

2 0.8

So
0 0.6
0 100 200 300 400 500
Temps

Fig. 3.12 – Exemple de mesure du débit : la courbe pointillée représente la saturation en huile
(So ), la courbe en tirets représente l’évolution du volume du fluide pousseur dans le milieu poreux
modèle, la courbe en trait plein est l’ajustement à cette courbe. La flèche indique le temps de
percolation.

Les expériences sont menées en imposant le débit. Ce débit est utilisé lors de la déter-
mination du nombre capillaire imposé, Cai , grandeur directement reliée au débit calculé q.
Les différentes expériences réalisées sont comparées entre elles via Cai .
Dans une grille régulière, en monophasique, le débit se répartit entre les différents
canaux parallèles au gradient de pression, la vitesse moyenne dans ces canaux est donnée
par vi = Q/Nt S, où Nt est le nombre de canaux parallèles au gradient de pression, S la
section d’un canal. Cette grandeur est reliée au débit mesuré q par vi = q/Nt l où l est la
longueur d’un canal. On définit le capillaire imposé Cai = η1 vi /γ. η1 désigne la viscosité
du fluide envahissant ou fluide pousseur. La saturation en huile est également déduite des
images seuillées, elle est définie comme Sh = 1 − Ae /A0 φ, où φ désigne la porosité du
poreux 2D, calculée à partir du masque, A0 l’aire totale de la zone poreuse.
Le calcul des vitesses locales, par la méthode directe des ménisques ou par la méthode
du champ de pression est ensuite réalisé en se basant sur une grille, ajustée sur nos images,
qui nous est utile pour numéroter les jonctions et les intersections.
3.4. Analyse Matlab des résultats 77

3.4.2 Calcul des vitesses locales


3.4.2.1 Détermination de la grille
Après binarisation, une image est composée de 0 là où il reste le fluide initialement en
place (ex : l’huile) et de 1 aux endroits envahis. Les canaux constituant le milieu poreux
modèle sont de sections rectangulaires, ils sont disposés de façon régulière, il est donc
possible de venir calquer sur ce système une grille. On génère cette grille avec autant de
lignes et de canaux que notre masque initial. Un exemple d’une partie de cette grille est
montrée sur l’image (FIG. 3.13). On définit l’espacement entre les canaux de la grille pour
que ceux-ci soient superposés aux canaux de l’image. Ainsi, nous obtenons des lignes et
des colonnes avec des 0 ou des 1, correspondant respectivement aux zones non envahies et
envahies de l’image. Lors de la génération de la grille, il est très important que les canaux
du poreux modèle soient bien droits pour que celle-ci couvre tous les canaux. Si lors de la
prise d’images le poreux modèle n’était pas très droit, une rotation de l’image permet de
corriger cela pour que l’ajustement avec la grille soit parfait.
On ne retient pour la suite du calcul que les noeuds de la grille : ceux envahis sont
notés 1, les autres 0. L’intérêt de cette étape consiste à simplifier les calculs de vitesse qui
suivent, il est également aisé de repérer chacun des noeuds et de leurs attribuer position
et temps de remplissage.

100

150

200

250

300

350

400

600 650 700 750 800

Fig. 3.13 – Exemple de portion de grille ajustée sur les canaux.

3.4.2.2 Détermination de l’échelle


Les distances sur les images enregistrées sont exprimées en pixels. Une étape de conver-
sion est donc nécessaire pour obtenir ces données en mètres. La stratégie est la suivante : on
entre comme paramètre initial de notre programme la longueur d’onde λ de notre poreux.
Cette longueur est égale, rappellons-le, à la largeur d’un canal plus à l’espace entre deux
canaux consécutifs. Sur une image binarisée, on sélectionne une verticale où cette longueur
78 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

λ est répétée plusieurs fois (zone entre deux canaux verticaux, si on a n canaux horizon-
taux, la longueur λ se répète (n − 1) fois). On réalise la transformée de Fourier discrète
de cette séquence : dans le spectre obtenu la distance λ est majoritaire. On détermine la
position de ce maximum correspondant à λ en pixels, connaissant la valeur de λ en mètre,
la conversion est ainsi faite.

3.4.2.3 Calcul direct par analyse du déplacement des ménisques


On souhaite connaître par cette méthode l’ensemble des vitesses locales d’avancée des
ménisques eau/huile dans le poreux modèle, ceci avant la percolation. Considérons deux
images successives, espacées d’un certain intervalle de temps. Dans cet intervalle, certains
ménisques se sont déplacés à une vitesse donnée, vitesse que l’on souhaite quantifier. Pour ce
faire, prenons un noeud qui a été envahi, noté i. Grâce à la grille, on connait les coordonnées
de ce noeud, en particulier le temps auquel il a été envahi, noté ti . On regarde comment
ce noeud a été envahi en vérifiant les noeuds directement voisins est envahi. Plusieurs cas
sont possibles : le noeud de gauche, de droite, supérieur ou inférieur au noeud considéré
est envahi. Ce noeud voisin est noté j, son temps d’envahissement tj est connu. Dans
95% des cas, l’acquisition des images a été suffisamment rapide pour qu’entre deux images
successives le ménisque ait parcouru une distance l inférieure à λ, distance entre deux
noeuds voisins. On calcule ainsi la vitesse locale vij = λ/(ti − tj ). (Avec la caméra utilisée
(fréquence de 25Hz) la vitesse maximale pouvant être filmée est de 6,2mm/s, nous avons
vérifié que nos vitesses maximales étaient inférieures à cette limite).
En appliquant cet algorithme à tout le milieu poreux modèle, on cartographie les noeuds
envahis et les temps correspondants. On sait alors quand et comment chacun de ces noeuds
a été envahi : une petite flèche montre la direction de la vitesse, comme on peut le consta-
ter sur la figure (FIG. 3.15). On peut noter en comparant cette figure à l’image brute
correspondante que toutes les zones envahies se sont bien vues attribuer une vitesse.
On définit le nombre capillaire local Cal = η1 vij /γ. Ce nombre capillaire local est défini
pour tous les noeuds envahis de la grille avant la percolation. On effectue ensuite une
moyenne spatio-temporelle de l’ensemble de ces nombres capillaires locaux non nuls, cette
moyenne est notée hCal i, nombre capillaire moyen local. Nous verrons que la définition
de cette moyenne sur les temps est pertinente et représente assez bien ce qui se passe
sur l’ensemble de la zone poreuse. Le nombre capillaire moyen local est relié au nombre
capillaire imposé Cai , au nombre de canaux envahis Ne et au nombre total de canaux de
la puce Nt , par la relation Cai = N e
Nt
hCal i.
En fonction du mouillage et du capillaire imposé, nous étudierons comment varie cette
relation, en particulier la transition entre un balayage parfait lorsque le front du fluide
pousseur est compact et envahit directement l’ensemble des canaux du micromodèle, c’est
à dire Nt = Ne et lorsque, à plus bas capillaire imposé, des chemins préférentiels se créent.
Dans ce cas, le fluide pousseur n’envahit pas tous les canaux disponibles, hCal i devient plus
grand que Cai (un exemple de ces deux situations est montré sur la figure (FIG. 3.14)).
L’analyse de ces résultats valide notre méthode de calcul, nous retrouvons Cai = hCal i à
haut nombre capillaire imposé, et à très bas nombre capillaire imposé, hCal i = Nt · Cai .
3.4. Analyse Matlab des résultats 79

Fig. 3.14 – Exemple d’images à la percolation obtenues sur la grille c. Image de gauche : mouillage
partiel Cai = 1.02 · 10−4 , la balayage est très bon. Images de droite : mouillage partiel, Cai =
1.6 · 10−5 et Cai = 2.3 · 10−6 , des chemins préférentiels sont créés, il n’y a donc plus égalité entre
hCal i et Cai .

5
500
10

15
400
20

25
300
30

35 200

40

45 100

50
0
10 20 30 40 50

Fig. 3.15 – Exemple d’analyse des vitesses basée sur la position des ménisques. Le code couleur
correspond aux temps d’invasion.

Caractérisation de l’invasion du milieu poreux modèle Grâce à cet algorithme,


il est également possible de caractériser le remplissage du micromodèle de milieu poreux,
en mesurant la distance parcourue par un ménisque mobile. Pour se faire, considérons ce
ménisque à un noeud donné et regardons à l’instant suivant quel noeud à été envahi, noeud
situé à une distance r du précédent. Si le ménisque est allé tout droit et a rejoint le noeud
suivant, r est égale à zéro. Si le ménisque parcourt une distance égale à une jonction, r
sera égale à un ; cela signifie que le ménisque a bifurqué à droite ou à gauche (se référer
au schéma explicatif (FIG. 3.16) pour visualiser comment les différentes valeurs de r sont
attribuées).
Lorsque cette distance est supérieure à un, cela veut dire soit que le ménisque considéré
s’est arrêté et que l’écoulement est reparti d’un autre ménisque, soit qu’il s’est fortement
ralenti et a atteint la jonction suivante bien après cet autre ménisque. En fonction du
80 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

mouillage et de Cai nous regardons comment varie cette mesure. Ce calcul est effectué pour
l’ensemble des ménisques d’une expérience avant percolation, on calcule alors la densité de
probabilité p(r) associée à chaque valeur de r.

Fig. 3.16 – Caractérisation de l’invasion du micromodèle : soit un ménisque mobile situé au


noeud i, on regarde quel sera le noeud suivant envahi : si F est envahi alors r = 0, ¨ : r = 1,
N : r = 2, : r = 3, etc...

3.4.2.4 Calcul indirect basé sur le calcul du champ de pression


Nous présentons ici une autre méthode développée pour mesurer des vitesses locales
dans le milieu poreux modèle, basée sur un calcul de réseau de pores : à partir d’une
image obtenue après percolation (FIG. 3.18) on calcule le champ de pression associé, on
remonte ensuite facilement aux vitesses d’invasion du micromodèle. Cette méthode a sur-
tout été utilisée pour le calcul des vitesses dans les expériences de récupération tertiaire,
expériences qui sont présentées dans la troisième partie de ce manuscrit. Pour valider cette
autre méthode de calcul, nous avons vérifié sur des expériences de drainage secondaire,
pour lesquelles les vitesses avaient été déterminées par la méthode des ménisques, que les
résultats concordaient (se référer au chapitre 4, figure (FIG. 4.6)). La différence majeure
entre les deux méthodes de détermination des vitesses concerne l’information temporelle.
Avec le calcul du champ de pression, la vitesse d’invasion locale instantanée est perdue, on
n’obtient qu’une vitesse globale, moyennée en fin d’expérience.

Calcul du champ de pression Après percolation, il y a un chemin continu entre l’entrée


et la sortie du micromodèle de milieu poreux, certains chemins ont été envahis, d’autres
sont toujours remplis d’huile. Le calcul du champ de pression va reposer sur le principe
que la somme des vitesses à une jonction est nulle (conservation du débit), de plus après
percolation, le système se trouve dans un état stationnaire. Les conductances g du réseau
sont connues grâce à la grille : les canaux parallèles représentent les conductances parallèles,
de même, les canaux perpendiculaires représentent les conductances perpendiculaires. On
3.4. Analyse Matlab des résultats 81

suppose les sections uniformes. Une conductance remplie du fluide envahisseur se voit
affecter la valeur 1, une conductance non envahie la valeur 0.
Considérons un noeud (i, j) et écrivons l’équation à laquelle obéit la pression, les conduc-
tances se répartissent comme sur le schéma 3.17.

Pi+1,j

Pi,j
g┴ i+1,j

Pi,j-1 Pi,j+1
g║i,j-1

gi,j
gi,j┴

Pi-1,j

Fig. 3.17 – Schéma de répartition des conductances.

Une vitesse locale obéit à l’équation suivante (3.6) :


k k
vi,j−1 = gi,j−1 · (Pi,j−1 − Pi,j ) (3.6)

En appliquant cette relation à l’ensemble du noeud (i, j), il vient :


k k ⊥ ⊥
gi,j−1 ·(Pi,j−1 −Pi,j )+gi,j ·(Pi,j+1 −Pi,j )+gi−1,j ·(Pi−1,j −Pi,j )+gi,j ·(Pi+1,j −Pi,j ) = 0 (3.7)

De plus, on définit comme conditions limites pour la pression Pi,0 = 1 et Pi,N = 0. On


obtient ainsi un système d’équations linéaires d’inconnues Pi,j , dont la résolution numérique
est directe (inversion de matrices sous Matlab).
On écrit les conditions limites que doivent remplir les vitesses. Notons que lorsqu’une
zone n’est pas envahie, les conductances sont nulles, par conséquent le champ de pression
n’est pas défini à l’intérieur de cette zone. En comparant le champ de pression calculé avec
l’image initiale sur laquelle se base le calcul, on note que cette spécificité est bien prise en
compte.

Détermination de la vitesse A partir du champ de pression déterminé précédem-


ment, on calcule le gradient local de pression. Une distinction est faite entre les lignes et
les colonnes. Cette distinction est justifiée puisque nous distinguons par la suite vitesses
parallèles (dans le sens de l’écoulement) et vitesses perpendiculaires.
82 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

0.9

0.8

0.7

0.6

0.5

0.4

0.3

0.2

0.1

Fig. 3.18 – Exemple de champ de pression calculé à partir de l’image de référence de gauche.
Les zones déconnectées de l’image brute ne sont pas prises en compte dans le calcul du champ de
pression. Le code couleur se réfère à la pression.

Nous détaillons la démarche suivie pour la détermination des vitesses parallèles. Le


gradient local de pression est calculé pour chacune des lignes. Aux endroits où le champ
de pression n’est pas défini (présence de poches du fluide en place), la valeur zéro est
attribuée. On calcule ensuite les vitesses d’une même ligne en multipliant le gradient de
pression obtenu pour cette ligne par les conductances parallèles correspondantes, selon
l’équation (3.6).
La vitesse globale est obtenue en faisant une moyenne des vitesses parallèles de toutes
les lignes, moyenne calculée en ne considérant que les vitesses non nulles.
X
< v >= ( |vi,j |)/i (3.8)
i,vi,j 6=0

La moyenne des vitesses perpendiculaires au gradient de pression est négligeable et


n’est pas considérée.
Il faut ensuite convertir cette vitesse globale, obtenue en unité réduite, en unité réelle.
Le débit réel (exprimé en m3 · s−1 ) appliqué lors de l’expérience analysée est connu.
Suite à notre calcul, le débit en unité réduite est calculé en sommant sur une colonne
β les vitesses de chaque ligne. Il est évident que le choix de β n’influe pas le résultat, le
débit étant conservé. X
Q̃ = vi,β (3.9)
i
L’obtention de la vitesse moyenne en unité réel est ensuite immédiat :
Q<v>
< v >réelle = (3.10)
Q̃S
3.4. Analyse Matlab des résultats 83

où S est la section d’un canal (exprimée en m2 ). La vitesse moyenne obtenue est alors bien
exprimée m · s−1 .

Validation de la méthode Pour vérifier que le calcul est correcte, nous analysons trois
cas extrêmement simples, comme le montre la figure (FIG. 3.19) :
– premier cas : un seul canal a été envahi par le fluide pousseur
– second cas : cinq canaux envahis
– troisième cas : l’ensemble du micromodèle a été envahi
1

0.8

0.6

0.4

0.2

Fig. 3.19 – Validation du calcul des vitesses par la méthode indirecte, basée sur la détermination
du champ de pression. De gauche à droite : champ de pression pour un système avec un seul
canal envahi par le fluide pousseur, 5 canaux envahis, et l’intégralité du milieu poreux modèle
entièrement envahie. Le code couleur se réfère à la pression.

Dans les deux premiers cas, par conservation du débit, la relation hCal i = Nt · Cai
s’applique. Dans le dernier cas (image de droite sur la figure précédente), le gradient de
pression est homogène, ce qui est conforme avec une vitesse répartie équitablement sur
l’ensemble des canaux parallèles du micromodèle, par conséquent nous regardons que la
relation hCal i=Cai soit vérifiée.
Nous avons également analysé des cas intermédiaires, à chaque fois, le calcul du champ
de pression, suivi du calcul des vitesses locales, donne les résultats escomptés, ce qui valide
cette seconde méthode de calcul des vitesses. Dans les chapitre 4 et 5 sont comparés les
résultats obtenus par analyse du déplacement des ménisques avec cette méthode indirecte.

3.4.3 Conclusions
Nous avons présenté les outils développés pour l’analyse des images. Nous avons à notre
disposition deux méthodes, l’une basée sur le déplacement direct des ménisques, l’autre
basée sur le calcul du champ de pression suivi de la détermination d’une vitesse moyenne
globale pour l’ensemble du milieu poreux modèle. A la percolation, ces deux méthodes sont
équivalentes.
84 Chapitre 3. Outils expérimentaux développés

Nous allons dans les chapitres suivants réaliser des expériences de drainage dans ces
micromodèles, les conditions de mouillage sont rigoureusement contrôlées. Pour chaque
expérience, un débit est appliqué, nous filmons la propagation du fluide pousseur dans le
micromodèle et calculons la vitesse locale moyenne.

3.5 Résumé
Conception de micromodèles de milieu poreux à hétérogénéité contrôlée :
– poreux en PDMS pour des expériences en mouillage total
– poreux en verre pour des expériences en mouillage partiel et pseudo-partiel
Protocoles de traitements de surface :
– silanisation du verre par un silane aliphatique ou fluoré
– caractérisation des surfaces : mesure d’angle de contact, du paramètre d’étalement,
de la constante de Hamaker
Développement de techniques d’analyse d’images pour déterminer les vitesses locales
dans le milieu poreux modèle :
– analyse directe par suivi du déplacement des ménisques
– analyse indirecte par calcul du champ de pression
– concordance des deux méthodes de calcul, toutefois absence d’informations tempo-
relles avec la méthode indirecte
Deuxième partie

Drainage dans des milieux poreux


modèles : Influence des propriétés de
mouillage

85
Chapitre 4

Mouillage partiel

4.1 Introduction
Les premières séries d’expériences que nous présentons sont réalisées dans des conditions
de mouillage partiel. Pour cela, comme présenté au chapitre trois, nous travaillons soit avec
une puce en PDMS hydrophile (grille c.) dans laquelle de l’eau est en place, déplacée par
de l’huile fluorée, soit avec une puce en verre silanisée avec un silane fluoré (grille e.), dans
laquelle du dodécane est en place, poussé par de l’eau ou par un mélange eau-glycérol.
Nous réalisons des expériences de drainage qualifiées ici de «secondaires», par analogie
avec la récupération assistée du pétrole où cette récupération secondaire consiste à venir
pousser le pétrole avec de l’eau.
Dans ce chapitre, un premier fluide est injecté dans la puce microfluidique, il constitue
le fluide prisonnier. Un second fluide, immiscible avec le fluide en place est amené ensuite
dans le dispositif et pousse le fluide prisonnier. Une expérience consiste à appliquer un débit
constant au fluide pousseur et à filmer son évolution au sein du micromodèle. Au bout
d’un certain temps, après percolation, lorsque plus aucun ménisque n’est en mouvement,
l’expérience est considérée comme terminée, le micromodèle est alors rincé à l’isopropanol
avant d’être rerempli. Une autre expérience, à un débit différent, peut alors commencer.
Comme expliqué dans le chapitre précédent, une série d’expériences consiste à faire varier
le débit d’injection du fluide pousseur, pour un système donné. Grâce aux techniques de
microfluidique utilisées, il nous est possible de mesurer les vitesses locales d’invasion du
milieu poreux par le fluide pousseur.
Nous allons chercher à quantifier la relation entre le débit imposé et les vitesses locales
mesurées. Cela nous permet de définir les paramètres clés intervenant lors de la phase d’in-
vasion du milieu poreux modèle. Spécificité du mouillage partiel, la présence d’un hystérésis
d’angle de contact, responsable d’un plateau à vitesse nulle dans la relation pression-vitesse
comme nous l’avons vu dans le chapitre deux. Nous examinons le rôle de cet hystérésis, en
particulier après la percolation.
Ce chapitre est divisé en deux grandes parties. Avant la percolation, les résultats obtenus
sont analysés et expliqués par un modèle, modèle validé par une simulation numérique.

87
88 Chapitre 4. Mouillage partiel

Après percolation, une analyse permet de comprendre pourquoi des poches d’huile peuvent
rester prisonnières du milieu poreux modèle.

4.2 Invasion du milieu poreux modèle


4.2.1 Résultats expérimentaux
Pour bien se représenter le déroulement d’une expérience type, nous présentons deux
séries d’expériences réalisées sur la grille c. Dans cette expérience, le fluide en place est
coloré, le fluide pousseur est transparent - apparait en blanc sur les images. Pour cette
grille et le couple de fluide choisi, on réalise une série d’expériences en faisant varier le
débit. Quelques images caractéristiques de l’invasion sont présentées sur la figure (FIG.
4.1).1

Fig. 4.1 – Exemple de clichés obtenus lors d’expériences de drainage. Série d’images du haut :
Cai = 4.3 · 10−7 , série d’images du bas : Cai = 4 · 10−5 , M = 3.

Lors de ces expériences, pendant la phase d’invasion, le fluide pousseur remplit petit à
petit la puce avant de regagner la sortie. Comme nous pouvons le constater sur les images
(FIG. 4.1), pour les bas nombres capillaires imposés, une structure très ouverte grandit
1
Précisons que pour cette série d’expériences avec la grille c., on utilise les propriétés hydrophiles du
PDMS après passage au plasma. Cet état de mouillage n’étant pas stable dans le temps, une nouvelle puce
est utilisée pour chaque expérience afin de s’affranchir des problèmes d’altération de mouillage au cours du
temps. Le dispositif est utilisé immédiatement après collage au plasma, chaque expérience ne dure qu’une
dizaine de minutes (voire une vingtaine ou trentaine de minutes pour celles à plus bas nombre capillaire
imposé).
4.2. Invasion du milieu poreux modèle 89

et se propage dans le micromodèle. Pour les nombres capillaires imposés plus grands, le
front est beaucoup plus compact, le balayage beaucoup plus efficace. La taille des poches
du fluide en place laissées derrière le front décroit avec le nombre capillaire imposé.
Dès lors que le fluide rejoint la sortie de la puce et percole, la situation est figée :
aucun nouveau chemin n’est créé et la saturation en huile reste constante, même si le fluide
pousseur est toujours injecté en continu. Ce figeage est très net à bas nombre capillaire
imposé, où le système se gèle immédiatement après la percolation. A plus haut Ca, quelques
ménisques peuvent bouger un peu afin de rejoindre la sortie de la puce avant un figeage
net. Sur la figure (FIG. 4.2) sont représentées un grand nombre de courbes de saturations
en fonction du temps renormalisées. La percolation se caractérise par une nette cassure des
courbes. La valeur de la saturation en huile n’évolue pas après percolation. Plus le nombre
capillaire imposé est élevé, plus la saturation résiduelle en huile est faible.

0.8

0.6
So

0.4

0.2

0 −4 −3 −2
10 10 10
temps.Ca i

Fig. 4.2 – Évolution de la saturation résiduelle en huile pour plusieurs expériences. A la perco-
lation, le système se fige. Chaque courbe représente une expérience.

Regardons plus en détail ce qu’il se passe lors de la phase d’invasion. Pour chaque
expérience, l’ensemble des capillaires locaux est mesuré par la méthode des ménisques
(suivi direct du déplacement de chaque ménisque). Nous regardons comment varient ces
nombres capillaires locaux en fonction du temps. Pour cela, la zone poreuse du micromodèle
est divisée en dix tranches égales et nous calculons une moyenne temporelle de ces nombres
capillaires locaux tranche par tranche. Ainsi, la tranche 1 représente ce qu’il se passe au tout
début de l’invasion, la tranche 10 ce qu’il se passe juste avant la percolation. Ces résultats
sont représentés sur la figure (FIG. 4.3) pour différents nombres capillaires imposés.
Sur ce graphe, il apparaît clairement qu’après tpercol /10 un régime stationnaire est
atteint. La première valeur aux temps initiaux donne une valeur un petit plus élevée que
90 Chapitre 4. Mouillage partiel

les autres, cette moyenne est ensuite relativement constante.


Par conséquent, il nous est possible de considérer une moyenne globale avant percolation
pour l’ensemble des ménisques mobiles du micromodèle, cette moyenne spatio-temporelle
sur l’ensemble des nombres capillaires locaux avant percolation est notée hCal i par la
suite. C’est cette grandeur qui est choisie pour rendre compte des différents comportements
observés dans le micromodèle en fonction du débit imposé.
Dans la section suivante est expliqué pourquoi la valeur relevée dans la première tranche
du micromodèle est sensiblement supérieure aux autres. Notons toutefois que cette valeur
affecte très peu la mesure de hCal i.

2
10

1
i
Ca /Ca

10
l

0
10

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1


t/tpercol

Fig. 4.3 – Variations de Cal /Cai à différentes fractions du temps de percolation pour des expé-
riences faites à nombres capillaires imposés différents : (#) : Cai = 4, 2 · 10−7 ; (•) : 2, 5 · 10−6 ;
(2) : 4 · 10−6 ; et (+) : 1, 4 · 10−4 .

Bien que nous considérions pour un débit imposé une moyenne globale du nombre ca-
pillaire local mesuré, il est intéressant de regarder pour ces systèmes en mouillage partiel
la distribution des nombres capillaires locaux avant la percolation. Un débit constant est
imposé au système et on analyse quelle est la gamme de nombres capillaires locaux explo-
rée. On détermine pour cela la densité de probabilité correspondante. Ces données sont
présentées sur la figure (FIG. 4.4). De manière générale, pour un nombre capillaire imposé
donné, la gamme explorée varie sur une décade, avec une distribution sensiblement plus
large aux faibles nombres capillaires.
Ce même graphe est tracé dans le chapitre suivant consacré à l’étude du drainage en
mouillage total, il sera alors intéressant de noter les différences entre ces deux graphes.
Nous allons comparer les expériences entre elles en regardant l’évolution du nombre
4.2. Invasion du milieu poreux modèle 91

6
10

p(Ca) 10
4

2
10

−7 −5 −3
10 10 10
Evolution des Cal avant percolation

Fig. 4.4 – Répartitions des capillaires locaux mesurés pour différents Cai : (3) : Cai = 2.7 · 10−7 ;
(2) : 8.5 · 10−7 ; (•) : 8.5 · 10−5 et (+) : 3.1 · 10−6 .

capillaire local moyen avant percolation en fonction du nombre capillaire imposé. Ces ex-
périences sont réalisées sur une grille de PDMS hydrophile, comme présenté précédemment,
et également sur une grille en verre silanisée avec un silane fluoré. Nous présentons deux
séries d’expériences dans la figure (FIG. 4.5), chaque série est réalisée avec un ratio de
viscosité différent. Le ratio de viscosité, M, est défini comme étant égal au rapport entre
la viscosité du fluide injecté et la viscosité du fluide en place.
Quel que soit le micromodèle avec lequel nous travaillons, les données mettent en évi-
dence deux régimes. A bas nombre capillaire imposé, le fluide injecté n’envahit pas tous
les canaux disponibles, d’importantes poches d’huile sont laissées derrière le front, ce qui
implique que le nombre de canaux envahis, Ne , soit différent du nombre total de canaux
Nt . Rappelons que hCa li
Cai
=NNt
e
, donc lorsque Ne < Nt , il vient nécessairement hCal i > Cai .
Ce régime est appelé régime capillaire par la suite. A plus haut nombre capillaire imposé,
le front du fluide envahisseur se compacte, tous les canaux sont envahis, par conséquent
Ne = Nt . Ce régime correspond au régime visqueux (FIG. 4.5). Le rôle de M a peu d’in-
fluence lorsque le nombre capillaire est défini à partir de la viscosité du fluide pousseur, les
séries de données obtenues pour deux ratios de viscosité différents montrent des résultats
similaires.
Comme nous l’avons expliqué dans le chapitre 3, nous avons mis au point deux mé-
thodes pour mesurer les vitesses dans le milieu poreux : soit directement en calculant le
déplacement de chacun des ménisques, soit en se basant sur le calcul du champ de pres-
sion. Les figures précédentes montrent des vitesses locales obtenues par la méthode directe.
Nous calculons pour cette même série d’expérience les vitesses locales par la méthode du
92 Chapitre 4. Mouillage partiel

−3
10

<Ca>l −5
10

−7
10 −6 −4
10 10
Cai

Fig. 4.5 – Sur une grille en verre, variations de hCal i en fonction de Cai pour deux ratios
de viscosité différents : (♦) :M=0.7, (¨) :M=10. La droite en trait plein représente la courbe
hCal i = Cai .

calcul du champ de pression (FIG. 4.6). Les résultats entre les deux méthodes coïncident,
ce qui permet de valider cette seconde méthode de détermination des vitesses locales, mé-
thode dont nous nous resservirons dans le chapitre 6 pour le calcul des vitesses locales
lors d’expériences de drainage tertiaire. Notons cependant que ces deux méthodes ne sont
pas strictement équivalentes, l’information temporelle étant absente dans la méthode du
calcul du champ de pression. Par la méthode des ménisques, il est possible de connaître à
chaque instant de l’invasion quels sont les pores envahis et leur vitesse locale respective,
avec le calcul du champ de pression, on ne peut obtenir qu’une information globale après
la percolation. Ces deux méthodes coïncident car le régime stationnaire est rapidement
atteint.
Les données expérimentales ont mis en évidence deux régimes distincts. Dans la section
suivante, nous voyons comment quantifier la relation entre Ne et Nt dans chacun de ces
régimes et également prédire le passage d’un régime à l’autre. Cette transition dépend du
système considéré. Les paramètres suivants peuvent influencer : taille de l’hétérogénéité,
hystérésis d’angle de contact, taille des canaux, rapport de viscosité entre les deux fluides...

4.2.2 Un modèle pour comprendre le mécanisme d’invasion


Pour comprendre les expériences précédentes, reprenons le modèle de l’invasion-percolation
en présence de forces visqueuses. Comme expliqué dans le chapitre 2, en l’absence de forces
visqueuses, à très bas nombre capillaire, le fluide non mouillant n’entre que dans les pores
4.2. Invasion du milieu poreux modèle 93

−4
10

<Ca>l −5
10

−6
10

−7
10 −6 −4
10 10
Cai

Fig. 4.6 – Pour une même série d’expériences, variations de hCal i en fonction de Cai , soit par la
méthode des ménisques (¦), soit par le calcul du champ de pression ( ).La droite en trait plein
représente la courbe hCal i = Cai .

les plus gros, puisque l’écoulement n’est régi que par la pression capillaire, pression qui lors
d’expériences de drainage est d’autant plus petite que les pores sont larges. C’est pour-
quoi nous voyons se développer sur la figure (FIG. 4.1) des digitations capillaires qui se
déplacent et évoluent selon la géométrie du poreux. A chaque instant, le ménisque avance
de proche en proche dans le pore le plus gros.
Considérons maintenant les forces visqueuses, toujours dans le cas de faibles nombres
capillaires : un gradient de pression apparaît dans le fluide pousseur ainsi que dans le
fluide prisonnier. Plus le fluide pousseur va progresser dans le milieu poreux, plus la perte
visqueuse qui en résulte va devenir importante : à partir d’une certaine distance ξ, cette
perte visqueuse est comparable à la différence de pression capillaire existant entre un petit
pore et un pore plus large. Le mécanisme d’invasion-percolation au sens strict n’est alors
plus valable, puisque les forces visqueuses vont contribuer au remplissage du poreux par le
fluide non mouillant. Cette distance ξ définit la largeur du front qui se développe : au-delà
de cette distance, le front se compacte, il n’y a plus de digitations capillaires à l’échelle
d’un seul pore.
Bien que la théorie de l’invasion-percolation en présence de forces visqueuses ait été
déjà traitée [27, 29], nous proposons dans la suite un modèle très simplifié pour expliquer
les phénomènes observés lors de nos expériences.
Nous faisons l’hypothèse que le champ de pression dans la phase prisonnière reste
constant dans la région où le ménisque avance. On note cette pression égale à p2 . Cette
hypothèse se justifie lorsque le fluide pousseur est plus visqueux que le fluide en place
94 Chapitre 4. Mouillage partiel

(M>1). Lorsque ce rapport est légèrement inférieur à 1, nous verrons que, compte tenu de la
géométrie du milieu poreux modèle, cette hypothèse reste valable. La superficie couverte par
le fluide en place est grande comparée à l’avancée d’un seul doigt de fluide envahisseur. La
perte visqueuse se concentre uniquement dans le doigt qui avance. On valide cette hypothèse
expérimentalement en introduisant de petites billes de latex dans le fluide pousseur et en
regardant leurs déplacements, on observe un classique profil de Poiseuille. Cela confirme
que le champ de pression dans l’huile au voisinage d’un ménisque n’est pas impacté par
l’écoulement.
En se basant sur le schéma de la figure (FIG. 4.7), regardons l’avancée d’un doigt de
fluide pousseur. A bas nombre capillaire, ce doigt va se développer dans le pore le plus
large. On note p1 la pression dans le fluide pousseur au niveau du ménisque. La différence
p1 − p2 , où p2 désigne la pression dans l’huile va être égale à la pression capillaire au niveau
de ce ménisque (4.1).
1 1
p1 − p2 = pc = γ · ( + ) (4.1)
R1 R2
Comme nous considérons le cas de faibles nombres capillaires, les forces capillaires dominent
très largement par rapport aux forces visqueuses, donc nous négligeons pour ce régime les
modifications de courbures pouvant être liées aux forces visqueuses.

Fig. 4.7 – Schéma montrant la répartition des pressions dans le cas d’un mouillage partiel. Le
fluide coloré est le fluide envahisseur.

A l’intérieur du fluide pousseur, la pression loin du ménisque augmente à cause des


forces visqueuses : à une distance ξ de ce ménisque, la pression a augmenté de ∆p1 = αξηh21 V ,
où α est un facteur géométrique dépendant de la taille des canaux et du ratio largeur sur
épaisseur [68], η1 désigne la viscosité du fluide pousseur, et V sa vitesse d’avancée, h la
hauteur des canaux.
On définit la distance ξ comme la distance à partir de laquelle un ménisque initialement
bloqué dans un petit pore peut se remettre à avancer dans ce même pore : par conséquent,
l’incrément de pression dû aux forces visqueuses doit être supérieur à la pression capillaire
nécessaire pour entrer dans ce pore. Cet incrément de pression se traduit aussi en pression
capillaire par ∆p1 = f ²pc = f ²γ |cos θa | C, où ² est l’écart type relatif de courbure lié
à la dimension des canaux (imposé lors de la conception de la puce), f est un facteur
4.2. Invasion du milieu poreux modèle 95

numérique tenant compte de la distribution de taille des canaux, sa valeur est proche de 1.
Compte tenu de la distribution de taille dans la grille poreuse, il est difficile de déterminer
f rigoureusement.
Ainsi, il est possible de définir ξ comme suit :
²pc h2 Γ² |cos θa |
ξ' =λ , (4.2)
αη1 V Cal
Nous retrouvons la notation hCal i, correspondant au nombre capillaire moyen local mesuré
par la méthode directe de déplacement des ménisques. Une constante géométrique, Γ dé-
pendant de la géométrie des canaux est introduite, Γ = Ch2 /αλ. Pour nos micromodèles,
cette distance Γ est estimée à 2.2 · 10−2 pour les poreux en verre et 5.4 · 10−2 pour les
poreux en PDMS.
Revenons à la définition de ξ. Cette distance définit la taille de front du fluide pousseur.
Également, il est possible de considérer ξ comme la distance séparant deux ménisques
mobiles.
Nous allons chercher à relier ξ aux grandeurs Cai et hCal i. Par conservation du volume
du fluide pousseur, la distance ξ est reliée au nombre de canaux envahis et à la largeur du
micromodèle W par Ne = Wξ . De plus cette largeur W est reliée à la longueur d’onde λ et
au nombre total de canaux par W = λ · Nt . Le capillaire moyen et le capillaire imposé sont
Nt
reliés par la formule hCal i = Cai · Ne
, ce qui est équivalent à hCal i = Cai · NWt ·ξ . Il vient de
suite hCal i = Cai · λξ .
On reporte cette dernière égalité dans l’équation 4.2, il vient pour la largeur de front :
s
²Γ |cos θa |
ξ'λ , (4.3)
Cai

A partir de cette définition de ξ, regardons comment cela se traduit pour le nombre


capillaire moyen local hCal i.
p
hCal i = c ²Γ |cos θa | Cai , (4.4)

où la constante c est une constante numérique qui tient compte notamment du facteur
f , nous verrons comment l’estimer grâce à une résolution numérique dans le paragraphe
suivant .
Regardons maintenant comment évolue la relation entre hCal i et Cai . Comme observé
à partir des expériences, nous sommes en mesure de définir plusieurs zones distinctes en
fonction de la valeur de Cai :
– Un régime lié à la taille finie du poreux : dans ce régime, le déplacement d’un seul
ménisque est attendu, par conséquent, la relation hCal i = Nt ·Cai s’applique. Dans ce
régime, des doigts se développent, ce qui implique ξ/λ > 1, ou encore hCal i /Cai = Nt .
D’après (4.4) la limite haute de ce régime est donnée par Cai < c2 ²Γ |cos θ| /Nt2 . Dès
lors que le nombre capillaire imposé est plus petit que cette valeur, nous nous situons
dans ce régime. Expérimentalement, sur un poreux en verre comprenant 105 canaux,
96 Chapitre 4. Mouillage partiel

nous n’avons pu observer ce régime car il aurait fallu imposer des débits extrêmement
faibles (de l’ordre de 0,1µL/h), débits difficilement atteignables expérimentalement
avec un pousse seringues (celui-ci ne délivre alors plus un débit en continu, mais par
à coups successifs, qui perturbe grandement le processus d’invasion).
– Un régime à capillaire imposé intermédiaire (entre 10−6 et 5 · 10−5 ), que l’on appelle
par la suite régime capillaire, où la distance ξ reste plus grande que la distance λ : de
petits doigts se développent sur quelques jonctions. Dans cette zone, nous avons donc
hCal i = A · Ca0.5
i . Nous examinerons plus tard la valeur quantitative de ce préfacteur
A.
– Et enfin, un troisième régime se distingue, à haut nombre capillaire imposé, appelé
régime visqueux : le front est compact, les digitations ne se développent pas, ce qui
implique que le ratio ξ/λ soit inférieur à 1. On détermine le capillaire imposé à partir
duquel on entre dans ce régime : ξ/λ < 1, donne hCal i /Cai < 1, ce qui d’après (4.4),
implique une limite basse pour ce régime donnée par Cai = c2 ²Γ |cos θ|.
Nos résultats expérimentaux s’expliquent bien par ce modèle : en effet, dans la zone
intermédiaire (nombre capillaire imposé variant entre 10−6 et 5 · 10−5 ), le nombre capillaire
local moyenné varie selon une loi de puissance par rapport au nombre capillaire imposé avec
un exposant 0.5. Nous calculons les préfacteurs associés à nos expériences selon l’équation
(4.2) :
– Pour le poreux en verre et les couples de fluides eau-dodécane ou eau-glycérol dodé-
cane, ce préfacteur est égal à 1.7 · 10−2 .
– Pour le poreux en PDMS hydrophile et le couple huile fluorée-eau, le calcul de ce
préfacteur donne 7.1 · 10−2 .
Ces valeurs calculées sont un peu différentes de celles trouvées expérimentalement,
puisqu’en regardant le graphe (FIG. 4.8), on trouve la valeur de 5 · 10−3 pour le poreux
modèle en verre et 1.8 · 10−2 pour le poreux modèle en PDMS. En prenant un coefficient c
égale à 0.27, l’accord entre préfacteur théorique et expérimental est très bon. Nous verrons
dans la partie simulation que la valeur calculée pour ce coefficient est très proche de celle-ci.
L’exposant prédit par notre modèle est identique à celui donné par Tallakstad et al.
[79] dans des expériences faites en régime continu. Dans ces expériences, la dissipation
visqueuse est négligeable dans une des deux phases, hypothèse que l’on formule également.
Nous avons également voulu vérifier que la croissance de doigts liée aux digitations
capillaires se réduisait lorsque le nombre capillaire imposé augmentait : pour cela nous
regardons le comportement d’un ménisque lorsqu’il arrive à une jonction. Comme expliqué
au chapitre 3, nous suivons étape par étape l’invasion par le fluide envahisseur en regardant
l’évolution de la distance r, distance parcourue entre deux ménisques successifs avançant.
Cette distance varie théoriquement entre 0 (le ménisque entre dans le pore voisin) et
Nt , cas peu probable où le fluide arrêté à une jonction repartirait à l’autre extrémité
du poreux modèle. On calcule p(r) la densité de probabilité correspondant à chacune de
ces distributions.
A bas nombre capillaire imposé lorsque l’on crée des digitations, un ménisque va majo-
ritairement envahir la jonction suivante la plus grosse : la distance parcourue est inférieure
à ξ, les forces visqueuses ne jouent aucun rôle, c’est pourquoi on observe dans le graphe
4.2. Invasion du milieu poreux modèle 97

−3
10

−4
10

<Ca>l −5
10

−6
10

−7
10 −6 −4
10 10
Cai

Fig. 4.8 – Variations de hCal i en fonction de Cai avec les ajustements correspondants. Sur une
grille en verre : (♦) : M=0.7, (¨) : M=10, sur une grille de PDMS hydrophile : (4) : M=3.

p(r) en fonction de r un pic très net vers les valeurs r = 0 et r = 1.


A plus haut nombre capillaire imposé, la distance ξ se réduit, les forces visqueuses vont
tendre à lisser ce front, plusieurs ménisques vont avancer simultanément, et la fonction
p(r) est plus uniforme, il n’y a plus de pic très marqué dans la zone r = 0 et r = 1.
Nous présentons ici (FIG. 4.9) un graphe p(r) en fonction de r pour différents nombres
capillaires imposés en mouillage partiel : on observe très clairement une baisse de l’impor-
tance du pic aux valeurs de r faibles lorsque Cai augmente. Il est intéressant de tracer ce
graphe pour les mêmes valeurs de Cai en mouillage total, cela sera présenté au chapitre 5.
Après avoir vérifié que l’analyse de résultats expérimentaux n’était pas entachée d’arté-
facts grossiers (mauvaises définitions de la moyenne, résolution trop faible,...), nous avons
cherché à conforter notre modèle brut en résolvant numériquement ce type d’expériences
de drainage.

4.2.3 Résolutions numériques de l’expérience


Dans le but de déterminer le préfacteur c, une simulation numérique a été développée
au LOF par Hugues Bodiguel, en se basant sur un modèle simplifié de réseau de pores
(modèle PNM : Pore Network Model, développé ces vingt dernières années [32, 80, 10, 81].
Dans cette simulation, on calcule pas à pas le champ de pression lors de l’invasion : le
déplacement des ménisques est permis si localement, à l’échelle d’un pore, la perte de charge
excède la pression capillaire. La pression capillaire est distribuée aléatoirement suivant une
gaussienne de largeur ². Le milieu poreux modèle utilisé comme base de cette simulation
98 Chapitre 4. Mouillage partiel

0.5

0.4

p(r) 0.3

0.2

0.1

0
0 10 20 30
r
Fig. 4.9 – Variations de p(r) en fonction de la distance r en mouillage partiel pour trois valeurs
de Cai différentes. Cai = 4, 3 · 10−7 (tirets), 4 · 10−5 (pointillés), 9 · 10−5 (ligne continue).

est le même que celui utilisé lors des expériences (grille modèle carrée).

4.2.3.1 Description de l’algorithme


Comme dans le modèle PNM, il n’y a pas de volume associé aux noeuds du réseau. Les
jonctions parallèles et perpendiculaires du réseau, de largeur hétérogène, se voient attribuer
une conductance hydrodynamique gij = wij h3 /α(wij /h)η1 λ si la jonction est occupée par
le fluide pousseur, M gij sinon. Le facteur αij dépend du rapport d’aspect des canaux
rectangulaires, il est calculé selon la formule analytique présentée dans [68]. Comme lors
de la conception des micromodèles poreux, la largeur des canaux wij suit une distribution
gaussienne, de largeur σw et centrée en w. La pression capillaire, Pc n’est pas uniforme sur
tout le réseau, elle présente un écart type ², donné par ² = 2σw /w2 C.
Si un ménisque se trouve au milieu d’une jonction, entre les noeuds i et j, la conductance
est égale à zéro lorsque Pi − Pj < Pcij , où Pcij désigne la pression capillaire locale de cette
jonction ij, donnée par Pcij = γCij |cos θa |. Dans ce cas, ce ménisque est bloqué, sinon il
avance (on considère uniquement les ménisques avançant, on ne considère pas les cas où
les ménisques peuvent reculer).
Le débit local qij entre deux noeuds voisins est donnée par l’équation suivante :
¡ ¢
qij = νij0 gij Mij0 Pi − Pj − νij Pcij (4.5)

S’il n’y pas de ménisque entre les noeuds i et j, alors νij = 0. Dans les autres cas, νij = 1 si
le noeud i est occupé par le fluide pousseur et le noeud j par le fluide prisonnier, νij = −1
4.2. Invasion du milieu poreux modèle 99

dans le cas inverse. Dans l’équation précédente, νij0 = 1 sauf pour les ménisques bloqués,
où νij0 = 0. Mij0 = M si la jonction est envahie, Mij0 = 1 sinon.
A chaque noeud, la conservation du volume implique :
X
qij = 0 (4.6)
j

La somme est faite sur les noeuds voisins. Comme pour les expériences, nous considérons
une zone poreuse carrée, avec comme conditions limites une pression ∆P uniforme sur la
partie gauche de la puce (zone d’entrée du fluide pousseur) et une pression nulle à la droite
du milieu poreux (zone de sortie).
Pour les conditions initiales, la colonne de gauche est occupée par le fluide pousseur,
tous les autres noeuds de la zone poreuse le sont par le fluide à déplacer.
Les équations (4.5) et (4.6) forment un système d’équations linéaires que l’on peut
facilement résoudre. Cependant, dans nos expériences, un débit et non une pression est
imposé, on fait donc une petite approximation pour simplifier le calcul : dans l’équation
(4.5) nous remplaçons la pression capillaire locale Pcij par la pression capillaire moyenne
des ménisques se déplaçant, notée hPcm i. On définit le champ de pression visqueux Pv par
Pvi = Pi si le noeud i est occupé par le fluide déplacé, Pvi = Pi − hPcm i si le noeud i est
toujours occupé par le fluide pousseur. Remplacer P par Pv dans l’équation (4.5) conduit
à une équation simplifiée, donnée par :
¡ ¢
qij = νij0 gij Mij0 Pvi − Pvj (4.7)

Cette approximation nous permet donc d’obtenir une relation linéaire entre le débit imposé
Q et la pression visqueuse Pv . Le système d’équation est résolu en prenant ∆Pv = 1, les
résultats sont ensuite mis à l’échelle pour obtenir le débit réel.
Nous souhaitons comparer ce modèle numérique à notre modèle brut pour décrire nos
expériences, nous allons donc simplifier davantage notre système pour faciliter la résolution.
Nous faisons une grande approximation temporelle en considérant que tous les ménisques
avancent à la même vitesse, vitesse simplement donnée par Q/Ns S, où Ns est le nombre
de ménisques se déplaçant, et S la section des canaux. Avec cette approximation, tous les
ménisques vérifiant le critère de déplacement au temps ti atteignent le noeud suivant au
temps ti+1 . Cette dernière approximation réduit grandement le temps de calcul.
Cependant, cela entraîne des oscillations indésirables et incontrôlées lorsque l’on regarde
l’évolution de Ns en fonction du temps, surtout à haut Cai . C’est pourquoi nous regardons
la valeur moyenne, en faisant l’hypothèse qu’elle n’est pas trop affectée par ces oscillations.
Le déroulement de l’algorithme est donc le suivant :
(1) Le
¡ champ de
¢ pression visqueux Pv est résolu en utilisant l’équation (4.6) avec vij =
νij0 gMij0 Pvi − Pvj .
(2) Le champ de pression visqueux est mis à l’échelle pour obtenir le débit désiré, et
la pression capillaire moyenne des ménisques se déplaçant hPcm i est ajoutée aux noeuds
encore non envahis contenant le fluide pousseur.
100 Chapitre 4. Mouillage partiel

(3) Pour chaque ménisque séparant les deux phases, le critère de déplacement Pi − Pj >
Pcij est calculé pour vérifier s’il y aura déplacement ou non. Le nombre de ménisques se
déplaçant, Ns , est conservé pour calculer au final le nombre capillaire moyen local hCal i.
(4) Les conductances des jonctions contenant des ménisques sont égalées à zéro pour
les ménisques bloqués, à g pour les ménisques se déplaçant.
(5) Les noeuds atteints par un ménisque sont pris en compte et considérés remplis de
fluide pousseur. Ils ne sont plus considérés comme envahissables dans la séquence suivante.
Cette séquence se répète jusqu’à ce que le fluide pousseur atteigne l’extrémité droite de
la zone poreuse et percole.

4.2.3.2 Comparaison entre résultats numériques et expérimentaux


Une des données de sortie de la simulation concerne le nombre de ménisques avançant
simultanément, Ns . Ce nombre est directement lié au nombre capillaire moyen local par
hCal i /Cai = Nt /Ns . Comme le suggère l’équation (4.4), le paramètre pertinent ne semble
pas être le nombre capillaire, mais un nombre capillaire modifié Ca, ˜ définit par Ca ˜ =
Ca/Γ² |cos θa |. C’est ce nombre qui est représenté sur la figure (FIG. 4.10), où ses variations
sont analysées en fonction du nombre capillaire imposé modifié lui aussi de la même façon.
Tous les points obtenus par cette simulation numérique se regroupent sur une courbe
maîtresse. Trois régimes peuvent être mis en évidence sur cette courbe :
– Pour les très faibles nombres capillaires imposés Ca ˜ l i = Nt Ca
˜ i : hCa ˜ i . Dans ce régime,
la taille du front est plus grande que la taille du milieu poreux modèle. Seuls des effets
de taille finie du poreux modèle sont observés.
– Pour les valeurs de Ca ˜ i intermédiaires, la taille du front devient plus petite que la
taille de la zone poreuse et nous nous situons dans le régime capillaire, caractérisé par
une loi de puissance avec un exposant proche de 0,5. Comme attendu, la transition
entre le régime de taille finie et le régime capillaire dépend de la taille du micromodèle
choisie.
– Pour les hautes valeurs de Ca ˜ i , un régime visqueux est obtenu, caractérisé par hCa ˜ li =
Ca˜i
Comme dans cette simulation les paramètres ² et Γ peuvent varier indépendamment sur
une large gamme de valeurs (gamme plus large que celle accessible expérimentalement, en
particulier à cause de l’isotropie de la gravure du verre, il est difficile de faire beaucoup varier
²), les résultats numériques valident l’équation (4.4). Nous avons reporté sur la figure (FIG
4.10) les résultats expérimentaux précédemment présentés en début de ce chapitre. Ces
données expérimentales concordent parfaitement avec les résultats numériques. De plus,
notre résolution numérique prédit quantitativement la transition entre le régime capillaire
et le régime visqueux. Cela confirme la valeur du préfacteur numérique c à 0,27 (± 0.02).
Le très bon accord entre résultats expérimentaux et numériques, présentés sur la figure
(FIG. 4.10), indique que les approximations faites dans notre calcul numérique affectent
peu les résultats finaux. La moyenne des canaux envahis semble très vite converger vers un
état stable, aussi bien expérimentalement que numériquement.
Une analyse plus fine des fluctuations lors de l’invasion nécessiterait de supprimer les
4.2. Invasion du milieu poreux modèle 101

hypothèses simplificatrices faites dans notre résolution, ce qui augmenterait significative-


ment le temps de calcul [32].

˜ l i = hCal i /Γ² |cos θa | en fonction du


Fig. 4.10 – Variations du nombre capillaire local modifié hCa
nombre capillaire imposé modifié Ca ˜ i . Les résultats numériques (petits cercles) sont représentés
avec les résultats expérimentaux présentés sur la figure (4.8) (grands symboles). La droite avec
des tirets correspond à hCa ˜ l i = Ca
˜ i ; les points du régime visqueux sont situés sur cette droite.
p
La droite en trait plein correspond à hCa ˜ l i = 0.27 Ca˜ i , et sur cette droite figurent les points
du régime capillaire et enfin la droite avec alternance de tirets et de pointillés correspond à
hCa˜ l i = Nt Ca
˜ i , les données du régime taille finie, à nombre capillaire imposé extrêmement faible
figurent dessus. Les paramètres de la simulation sont les suivants : Cai (variant de 10−8 à 10−2 ),
² (variant entre 5 × 10−3 et 0.1), Γ (variant de 10−2 à 0.1), M (variant de 0.7 à 10), cos θa = −1,
et Nt = 50.

4.2.4 Conclusions
Les expériences de drainage réalisées dans des conditions de mouillage partiel peuvent
facilement s’interpréter par un modèle simple basé sur la pression capillaire. La contribution
des forces visqueuses au champ de pression du fluide pousseur permet, lorsqu’une certaine
distance ξ est parcourue, d’envahir de plus petites jonctions, non envahies lors du passage
du front. Cela a pour conséquence une compacité du front du fluide pousseur.
Ces résultats sont confirmés par une simulation numérique, basée sur un modèle simpli-
fié de réseau de pores. En particulier, les données expérimentales et numériques concordent
lorsque l’on définit un nombre capillaire modifié. Avec notre définition du nombre capillaire
modifié, Ca˜ = Ca/Γ² |cos θa |, on retrouve un changement de régime aux alentours de 1, ce
102 Chapitre 4. Mouillage partiel

qui est le cas de la plupart des nombres adimensionnés usuels, et ce qui n’est pas le cas
avec le nombre capillaire défini habituellement.

Après avoir examiné en détail le mécanisme de l’invasion avant percolation, nous regardons
maintenant ce qu’il se passe après la percolation dans le cas du mouillage partiel.

4.3 Drainage après percolation


4.3.1 Absence de drainage : faits expérimentaux
Très vite, après la percolation, la saturation résiduelle en huile n’évolue plus, ceci s’ob-
serve sur la figure (FIG. 4.2) : même si l’on continue à envahir la puce, on ne crée plus
de nouveaux chemins, tout le fluide envahisseur va emprunter les chemins déjà crées. Nous
allons laisser dans la puce de grandes poches stables de fluide prisonnier qui ne seront pas
délogées. Ceci peut également s’observer sur la figure (FIG. 4.11), où des expériences faites
sur la grille e. avec le couple eau-dodécane montrent une saturation en huile élevée à bas
nombre capillaire imposé et qui n’évolue plus.

0.8

0.6
So

0.4

0.2

0 −7 −5 −3
10 10 10
Cai

Fig. 4.11 – Variations de la saturation résiduelle en huile, So , en fonction du nombre capillaire


imposé, données obtenues sur la grille e.

Également, on cherche à quantifier la taille des poches restantes. Pour cela, on mesure la
longueur maximale dans le sens de l’écoulement de la poche résiduelle la plus grande. A bas
nombre capillaire imposé, cette taille de poche atteint la longueur entière du poreux, donc
la valeur mesurée tient compte seulement de la taille finie du micromodèle et n’apporte
4.3. Drainage après percolation 103

pas d’information. En revanche, il est intéressant d’étudier cette taille de poche lorsque
nous nous situons dans le régime capillaire. Considérons une poche qui se développe sur
une longueur L. La perte visqueuse associée à cette poche doit être de l’ordre de grandeur
de la pression capillaire de cette même poche, cela donne (4.8) :

η1 · vlocal · L γ
' (4.8)
R2 R
R
hCal i ' (4.9)
L
Comme nous nous situons dans √ le régime capillaire, hCal i est relié à Cai par hCal i '
0,5 1
A · Cai , par conséquent il vient Cai ' L . Cette variation est également en accord avec
le fait que les poches sont créés durant l’invasion. Leurs tailles varient donc comme la taille
du front, ce qui d’après l’équation (4.3) donne une variation en Ca−0,5 i (FIG. 4.12).

2
10
Taille maximale des poches

−1/2

1
10

−7 −5 −3
10 10 10
Cai

Fig. 4.12 – Variations de la longueur maximale des poches (longueur exprimée en unité de λ) en
fonction de Cai . La pente moyenne de ce graphe est -1/2, en accord avec notre modèle.

Ainsi, notre modèle est adapté pour décrire la taille des poches résiduelles en huile.

4.3.2 Modèle pour expliquer le blocage des poches de fluide mouillant


Nous expliquons dans cette partie le mécanisme à l’origine du blocage des poches d’huile,
mécanisme dans lequel l’hystérésis d’angle de contact joue un rôle important.
En mouillage partiel, il n’y a pas de film continu de mouillage mais présence d’une ligne
triple. Les poches de fluide prisonnier restant en place sont donc déconnectées les unes des
104 Chapitre 4. Mouillage partiel

autres. Pour que la saturation résiduelle en fluide prisonnier évolue après la percolation, il
est nécessaire que ces poches se déplacent macroscopiquement ; ils ne peuvent être drainés
par des films de mouillage. Nous avons vu (FIG. 4.12) que la taille de ces poches résiduelles
était similaire à la taille du front ξ, et variait selon notre modèle en Ca−0,5i . Voyons quelles
doivent être les conditions pour qu’il y ait déplacement de ces poches.
Un ménisque eau-huile bloqué peut se remettre à avancer si localement la pression entre
les deux phases considérées excède la pression capillaire d’avancée de ce ménisque, donnée
par pca = γ · cos(θa ) · Ca , où θa désigne l’angle d’avancée, Ca la courbure du ménisque bloqué
donnée par R11 + R12 avec R1 et R2 respectivement la demi-hauteur et la demi-largeur du
pore considéré.
De même, ce ménisque peut reculer lorsque la différence de pression est supérieure à la
pression capillaire locale de reculée donnée par pcr = γ · cos(θr ) · Cr , où θr désigne l’angle de
reculée. La distinction entre θa et θr est à considérer puisque les systèmes eau-dodécane sur
verre silanisé, par exemple présentent une forte hystérésis comme expliqué dans le chapitre
3 (hystérésis de 30o ).

Considérons une poche bloquée entre deux points (FIG. 4.13), notés 1 et i (points si-
tués dans le fluide envahisseur). Il y a présence d’un écoulement de 1 vers i. La poche
piégée peut avancer si la perte de charge entre ces deux points est supérieure à la pression
capillaire d’avancée du système, soit p1 − pi = ∆P1i >γ |cos θa | C1 − γ |cos θr | Ci . Par symé-
trie, cette poche peut reculer si la perte de charge entre ces deux points est inférieure à la
pression capillaire de reculée du système, donnée par γ |cos θr | C1 − γ |cos θa | Ci .

Fig. 4.13 – Schéma d’une poche prisonnière. Le fluide coloré est le fluide envahisseur. Les flèches
indiquent le sens de l’écoulement.

La perte visqueuse liée à l’écoulement entre ces deux points est donnée par ∆P1i =
αηV L1i
h2
,où L1i désigne la distance entre ces deux points. Le critère de stabilité d’une poche
4.3. Drainage après percolation 105

telle que celle présentée (FIG. 4.13) est par conséquent donné par les équations suivantes :

αηV L1i
γ |cos θr | C1 − γ |cos θa | Ci < < γ |cos θa | C1 − γ |cos θr | Ci (4.10)
h2

On introduit β = cos θa / cos θr et également on se ressert de la définition de ξ donnée


²pc h2
plus haut (4.2), ξ ' fαη 1V
, il vient comme critère de stabilité :

Ci f ²CL1i f ²CL1i
+ < C1 < β(Ci + ) (4.11)
β ξ ξ

Les courbures C1 et Ci ne peuvent que très peu varier (taille des pores fixée), il n’est pas
facile de se rendre compte si le critère donné par (4.11) peut être vérifié ou non. Toutefois,
les ménisques situés au bord d’une poche sont un peu particuliers, car ils n’ont pas été
remplis lors de l’invasion. Cela signifie que ces ménisques ont pu trouver une position pour
laquelle leur courbure vérifiait :

cos(θi ) f cos(θi )²CL1i


C1 = Ci + (4.12)
cos(θ1 ) ξcos(θ1 )

Les angles θ1 et θi sont compris entre θr et θa , par conséquent les positions pour lesquelles
le critère (4.12) est vérifié remplissent nécessairement le critère de stabilité énoncé (4.11).
Grâce à l’hystérésis d’angle de contact (élevé pour chacun des couples de fluides de notre
étude), il existe de nombreuses autres positions d’équilibre pour lesquelles (4.12) est vérifié.
Cela implique que les ménisques bloqués seront stables vis-à-vis des petites fluctuations
de pression : c’est pourquoi les poches prisonnières restent stables aux temps longs et la
saturation résiduelle du fluide prisonnier n’évolue plus après percolation.

4.3.3 Conclusions
En mouillage partiel, à faible nombre capillaire imposé, le balayage par le fluide pousseur
n’est pas parfait, des chemins préférentiels sont empruntés (pores les plus gros). Lorsque le
fluide pousseur percole et établit un chemin continu entre l’entrée et la sortie du dispositif,
la situation se fige et la saturation résiduelle en huile n’évolue plus. La taille des poches
d’huile à la percolation est fonction du nombre capillaire imposé et leur taille varie selon
un exposant −0.5 par rapport au nombre capillaire imposé.
Le mouillage partiel se caractérise par la présence d’un hystérésis d’angle de contact,
les angles d’avancée et de reculée sont différents. En considérant une poche bloquée entre
deux points et en écrivant les pressions capillaires en chacun de ces points, il est possible de
définir des positions stables pour cette poche, ce qui explique pourquoi elle reste bloquée
aux temps longs.
106 Chapitre 4. Mouillage partiel

4.4 Résumé
Dans ce chapitre, nous avons présenté des expériences de drainage secondaire, réalisées
dans des conditions de mouillage partiel. Nous distinguons ce qui se passe avant et
après la percolation.
Avant la percolation :
– lors de l’invasion du milieu poreux modèle, les expériences mettent en évidence
trois régimes distincts, avec une transition très nette entre digitations capillaires et
front compact
– un modèle tenant compte des spécificités géométriques des poreux modèles et des
fluides utilisés permet d’expliquer la transition entre ces régimes et également de
prédire la variation du nombre capillaire moyen local en fonction du nombre capil-
laire imposé
– une résolution numérique basée sur un modèle de réseau de pores (Pore Network
Model - PNM) permet d’obtenir un excellent accord quantitatif entre notre modèle
et les expériences
– en définissant un nombre capillaire moyen local modifié et un nombre capillaire
imposé modifié, il est possible sur un même graphe de regrouper parfaitement
résultats numériques et expérimentaux et de quantifier les transitions entre régimes.
Après la percolation :
– la saturation résiduelle en fluide prisonnier n’évolue plus, on observe des poches de
fluide initialement en place restées prisonnières
– une analyse des conditions de stabilité d’une poche de fluide prisonnier montre
qu’avec cet hystérésis, des poches peuvent être stables et insensibles aux petites
fluctuations de pression
Chapitre 5

Mouillage total et mouillage


pseudo-partiel

5.1 Introduction
Nous présentons dans ce chapitre des séries d’expériences réalisées en mouillage total
(expériences faites avec des micromodèles en PDMS) et en mouillage pseudo-partiel (faites
avec un des poreux en verre modèle silanisé). Pour toutes ces expériences, l’huile est en
place initialement. Le fluide pousseur est de l’eau ou un mélange eau-glycérol, avec une
viscosité fonction de la teneur en glycérol. Nous présentons les résultats expérimentaux
obtenus. Nous regardons comment se déroule le mécanisme d’invasion avant percolation
dans le cas du mouillage total, mouillage fondamentalement différent du mouillage partiel
à cause de la présence de films de mouillage continus d’huile sur la surface et l’absence
d’hystérésis d’angle de contact.
Enfin, nous évoquons le cas du mouillage pseudo-partiel. Là encore, la phase d’invasion
avant percolation est analysée, puis est regardé le comportement après percolation.
Dans ce chapitre, les résultats obtenus sont discutés et comparés par rapport au cas du
mouillage partiel. Pour cet état de mouillage, le mécanisme d’invasion du milieu poreux
modèle et l’évolution après percolation sont bien compris. Les résultats de ce chapitre sont
donc comparés aux résultats du mouillage partiel, qui font office de référence.

5.2 Drainage en mouillage total


Les mêmes expériences que celles décrites précédemment dans le chapitre du mouillage
partiel sont menées : le micromodèle est initialement rempli d’huile puis cette huile est
déplacée par un second fluide. Entre chaque expérience, le dispositif est nettoyé avec de
l’isopropanol. Nous rappelons que dans une situation de mouillage total, l’angle eau-huile
vaut 180o , il y a absence d’hystérésis d’angle de contact et le fluide pousseur n’est jamais
en contact avec la surface du micromodèle. Nous travaillons avec des canaux de section
rectangulaire, les films de coins sont importants et continus, mais cependant nous n’avons

107
108 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

pas pu expérimentalement mesurer leur épaisseur.


Comme précédemment, il convient de distinguer deux phases dans le remplissage du
micromodèle : une première phase d’invasion du milieu poreux, du début de l’expérience
jusqu’à la percolation, et une seconde phase après la percolation.

5.2.1 Invasion du milieu poreux modèle avant percolation


5.2.1.1 Résultats expérimentaux

Nous présentons une première série d’images, réalisées sur la grille b (première série), et
sur la grille c (seconde série). Ces deux expériences sont réalisées avec les mêmes fluides, du
dodécane est en place, poussé par un mélange eau-glycérol auquel a été ajouté un colorant.
Le ratio de viscosité est de 2 (FIG. 5.1).

1.

2.

Fig. 5.1 – Images illustrant l’invasion en mouillage total. Le fluide pousseur est de l’eau colorée.
Série 1 : grille b, Cai = 2.3 · 10−7 , images prises à t=43, 74, 174, 265 secondes du début de
l’expérience. Série 2, grille c, Cai = 2.2 · 10−5 , images prises à 3, 6, 9, 12, 18 secondes.

A première vue, qualitativement, l’invasion ressemble à ce qui est observé en mouillage


partiel : à très bas nombre capillaire imposé, le fluide pousseur n’envahit pas tous les canaux
et seuls les pores les plus gros sont balayés. Cependant, une différence est à remarquer :
un ménisque peut entrer dans une jonction, s’arrêter, pour ensuite repartir envahir de
nouveaux pores ou bien reculer. Parfois même, le ménisque effectue de petits allers-retours
dans la jonction. Ce dernier type de déplacement, à cause de la ligne triple eau-huile-
substrat, n’a jamais été observé en mouillage partiel. De même, ici les positions d’arrêt du
ménisque, à cause de l’absence d’hystérésis d’angle de contact, ne sont pas stables, ce qui
permet aux ménisques arrêtés à une jonction de facilement être remis en mouvement.
Nous allons maintenant quantifier ces résultats en mesurant les vitesses locales d’avan-
cée dans le milieu poreux modèle.
5.2. Drainage en mouillage total 109

5.2.1.2 Quelques analyses préliminaires


Les vitesses sont déterminées par la méthode des ménisques. On calcule pour l’ensemble
des ménisques mobiles leur vitesse locale puis on traduit cette information en termes de
nombre capillaire local. Comme pour le mouillage partiel, on regarde comment évolue la
moyenne glissante de ces nombres capillaires locaux aux différents instants de l’invasion
(FIG. 5.2). Comme on peut le constater, le rapport entre le nombre capillaire local et
le nombre capillaire imposé évolue peu au cours des différents temps de l’expérience. Le
régime stationnaire est atteint rapidement. Par conséquent, il est là aussi pertinent de
considérer une moyenne spatio-temporelle globale sur l’ensemble des nombres capillaires
locaux avant percolation, cette moyenne est notée hCal i.

2
10
Cal/Cai

1
10

0
10

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1


t/tpercol

Fig. 5.2 – Variations du rapport entre nombre capillaire local et nombre capillaire imposé à
différentes fractions du temps de percolation, pour des expériences faites à différents nombres
capillaires imposés : (3) : Cai = 9.8 · 10−7 ; (#) : 2, 2 · 10−6 ; (•) : 6.3 · 10−6 ; et (+) : 7, 6 · 10−5 .

Il est intéressant de regarder pour ces systèmes en mouillage total, la distribution des
nombres capillaires locaux avant la percolation. Bien que l’on impose au système un débit
constant, on analyse quelle est la gamme de nombres capillaires locaux explorée. Ainsi,
plus le nombre capillaire imposé est faible, plus la gamme de nombres capillaires explorée
est importante. A chaque nombre capillaire local, on associe la densité de probabilité cor-
respondante. Ces données sont présentées sur la figure (FIG. 5.3). Comme en mouillage
partiel, à un nombre capillaire imposé donné, la gamme de vitesse explorée est large.
En comparaison avec le mouillage partiel, en mouillage total, pour un même nombre
capillaire imposé, la gamme explorée est plus large, le système atteint des vitesses plus
rapides. La figure (FIG. 5.4) illustre cela, on représente l’évolution des nombres capillaires
locaux pour une même valeur de Cai , avec une expérience réalisée en mouillage partiel et
110 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

6
10

p(Ca) 4
10

2
10

−7 −5 −3
10 10 10
Evolution des Cal avant percolation

Fig. 5.3 – Répartitions des nombres capillaires locaux mesurés pour différents Cai en mouillage
total : (+) : Cai = 1.5 · 10−7 ; (2) : 6, 2 · 10−7 ; (•) : 1.3 · 10−5 ; et (3) : 1.6 · 10−4 .

l’autre en mouillage total. Les données montrent que pour un même nombre capillaire im-
posé, localement, des nombres capillaires plus élevés sont atteints localement en mouillage
total, par conséquent, pour un même Cai , le nombre capillaire moyen local hCal i est plus
important dans le cas du mouillage total que dans le cas du mouillage partiel. Cela signifie
que le système a tendance à favoriser l’avancée de doigts rapides plutôt que celle d’un front
plus compact. En mouillage total, de faibles différences sont observées sur la dynamique si
l’on change Cai , la largeur de la gamme de nombres capillaires explorés reste globalement
la même.
Un résultat équivalent est observé lorsque l’on s’intéresse à l’avancée d’un ménisque.
A un noeud donné, on regarde quel est le noeud suivant envahi, comme expliqué dans le
chapitre 3 (se référer au schéma explicatif FIG. 3.16). La distance r ainsi que la densité de
probabilité associée sont tracées sur la figure (FIG. 5.5). Sur cette figure sont comparées les
variations de p(r) en fonction de r en mouillage total et en mouillage partiel. Les nombres
capillaires imposés pour lesquels sont tracés chacun de ces graphes sont bien entendu les
mêmes pour les deux types de mouillage. A très bas nombre capillaire imposé (graphe de
gauche), les deux types de mouillage présentent un pic très marqué pour les valeurs r = 0
et r = 1, ce qui est conforme avec ce que l’on attend, à savoir le développement d’un doigt
dans les pores les plus gros (digitations capillaires). En revanche, les résultats obtenus à
plus grand nombre capillaire imposé (graphes de droite), présentent toujours un pic très
marqué aux faibles valeurs de r en mouillage total, ce qui n’est pas le cas en mouillage
partiel, le front se compactant suivant les critères établis dans le chapitre 4.
5.2. Drainage en mouillage total 111

5
10

4
10
p(Ca)

3
10

2
10 −7 −5 −3
10 10 10
Evolution des Cal avant percolation

Fig. 5.4 – Répartitions des nombres capillaires locaux mesurés. Cai = 2 · 10−6 , mouillage partiel
(#) et mouillage total ( ). Cai = 1 · 10−5 , mouillage partiel (2) et mouillage total (¥). Les flèches
indiquent le nombre capillaire imposé lors de l’expérience.

0.4 0.3 0.15


0.25
0.3
0.2 0.1
p(r)

p(r)

p(r)

0.2 0.15

0.1 0.05
0.1
0.05

0 0 0
0 10 20 30 0 10 20 30 0 10 20 30
r r r

Fig. 5.5 – Variations de p(r) en fonction de r en mouillage total (trait plein) et en mouillage
partiel (trait pointillé). De gauche à droite, Cai = 9.8 · 10−7 , 1.6 · 10−5 , et 2.3 · 10−7 .

5.2.1.3 Détermination des vitesses locales

Pour mieux caractériser l’invasion du milieu poreux modèle, nous présentons à présent
les résultats de calcul de vitesses locales avant la percolation. Comme nous l’avons vu
sur la figure (FIG. 5.2), il est pertinent de considérer une moyenne spatio-temporelle sur
l’ensemble des nombres capillaires locaux avant la percolation. Les résultats sont présentés
sur la figure (FIG. 5.6). Sur cette figure, l’influence de la viscosité du fluide pousseur est
112 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

considérée. La viscosité de l’huile en place varie (Rhodorsil V20, dodécane, hexadécane),


ces huiles sont toujours en mouillage total dans le système en PDMS. Toutes les expériences
sont menées sur la grille c. Toutes les courbes se rassemblent sur une courbe maîtresse. Ce
n’est pas le cas si le ratio de viscosité est défini à partir de la viscosité du fluide en place.
Comme pour le mouillage partiel, les variations du nombre capillaire moyen hCal i sont
présentées en fonction du nombre capillaire imposé, Cai . Les vitesses de cette figure sont
déterminées par le calcul direct basé sur la position des ménisques. Quelques unes de ces
vitesses (celles pour lesquelles le résultat est inattendu, dans la zone de nombres capillaires
imposés intermédiaires en particulier) sont revérifiées par la méthode indirecte (FIG. 5.7),
en déterminant le champ de pression puis la vitesse moyenne locale. L’accord entre ces
deux méthodes de calcul est très bon, ce qui confirme ces résultats.
Les propriétés de mouillage jouent un rôle très important sur le mécanisme d’invasion du
milieu poreux modèle, puisque la courbe obtenue est très différente de celle du mouillage
partiel. Le nombre de chemins sélectionnés ne suit pas du tout les mêmes règles qu’en
mouillage partiel. Sur cette figure (FIG. 5.6), trois régimes se distinguent :
– à très bas nombre capillaire imposé, le nombre capillaire local moyen est supérieur
au nombre capillaire imposé. Sa valeur est proche de 53 fois Cai (53 étant le nombre
total de canaux parallèles, noté Nt ), ce qui suppose que l’écoulement n’ait lieu que
dans un seul canal. Sur la figure (FIG. 5.6), ce régime est désigné par la lettre C.
– à nombre capillaire imposé intermédiaire (lettre I sur la figure (FIG. 5.6), sur une
gamme assez large entre 4 · 10−6 et 2 · 10−4 ) le nombre capillaire moyen local ne
dépend pas du nombre capillaire imposé, un plateau caractérise cette zone. Celui-ci
est propre au mouillage total. Pour cette gamme de Cai on ne retrouve pas ce type
de comportement en mouillage partiel. Dans cette zone, rappellons-le, en mouillage
partiel, le nombre capillaire moyen local varie selon une loi de puissance fonction du
nombre capillaire imposé, avec un exposant de 0.5.
Pour un micromodèle avec le même nombre de canaux et pour un même nombre
capillaire imposé, les nombres capillaires locaux du mouillage total sont plus élevés
que ceux du mouillage partiel, ce qui signifie qu’à la percolation, plus de chemins sont
envahis en mouillage partiel qu’en mouillage total. La photo (FIG. 5.8) corrobore ce
fait, avec une structure beaucoup plus ouverte et des poches d’huile beaucoup plus
grandes en mouillage total qu’en mouillage partiel.
– enfin, un régime à haut nombre capillaire imposé (2 · 10−4 et au delà, repéré sur le
graphe par la lettre V), où tous les canaux sont envahis simultanément, impliquant
une égalité entre nombre capillaire imposé et nombre capillaire moyen local (ce même
régime se retrouve en mouillage partiel).

5.2.1.4 Obtention de courbes maîtresses


L’obtention inattendue de ce régime intermédiaire, caractérisé par un plateau, nous
a amenés à faire varier les paramètres expérimentaux clés de l’étude pour voir comment
réagissait le système. En particulier, nous avons regardé l’effet d’une variation de l’hétérogé-
néité de la grille modèle (lors de la conception du micromodèle, on choisit une distribution
5.2. Drainage en mouillage total 113

−2
10

−4
10
<Ca>l

−6
10
C I V

−6 −4 −2
10 10 10
Cai

Fig. 5.6 – Variations du nombre capillaire moyen avant percolation (calcul par la méthode di-
recte), hCal i en fonction du nombre capillaire imposé, Cai pour un système en mouillage total pour
différents ratios de viscosité. Ligne en trait plein noire hCal i = Cai , ligne grise : hCal i = Nt · Cai .
Des faibles nombres capillaires imposés aux plus forts, regroupement des données expérimentales
suivant trois régimes : capillaire (lettre C), intermédiaire (lettre I), et visqueux (lettre V). Légende :
M=0.5(•), 0.7(#) , 2 (2), 5 (∗), 10 ( ), 30 (¥) et 70 (¨). Régime plateau entre Cai = 2 · 10−6 et
2 · 10−4 .

de taille de canaux plus ou moins grande, les autres paramètres restant identiques, se réfé-
rer au tableau (TAB. 3.1) du chapitre 3 pour les détails). Les résultats sont présentés sur
la figure (FIG. 5.9) : les trois mêmes régimes sont observés, les transitions entre régime
capillaire et régime intermédiaire ont tendance à augmenter un peu lorsque la largeur de
distribution des canaux augmente. La position des trois plateaux dépend de la taille de
l’hétérogénéité, ainsi plus celle ci est importante, plus le nombre capillaire moyen corres-
pondant est important. Pour ² = 0.016, hCal i = 5 · 10−5 ; ² = 0.035, hCal i = 7 · 10−5 ;
² = 0.1, hCal i = 2 · 10−4 . Par conséquent, il apparaît que la taille de l’hétérogénéité pilote
l’écoulement, en sélectionnant une vitesse moyenne avant percolation, et donc le nombre
de canaux envahis correspondant.
Les expériences en mouillage partiel concordaient parfaitement avec les résultats nu-
mériques en définissant un nombre capillaire modifié. Voyons selon ces mêmes paramètres
ce que donnent les données du mouillage total dans un repère (Cai /Γ², hCal i /Γ²), figure
(FIG. 5.10), cos(θ) étant pris égale à 1 vu que nous sommes en mouillage total. Sur ce
graphe, la droite hCal i = 0.27 · (Cai )0.5 est également représentée. Dans la zone de nombres
capillaires imposés intermédiaires, nous rappelons que l’accord était parfait en mouillage
partiel entre données de la simulation numérique (indiquant cette droite avec ce préfacteur
114 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

−3
10

<Ca>l −5
10

−7
10 −6 −4
10 10
Cai

Fig. 5.7 – Variations du nombre capillaire moyen avant percolation, hCal i, déterminé par nos deux
méthodes d’analyse en fonction du nombre capillaire imposé, Cai , pour un système en mouillage
total. (M=0.7) Légende : calcul de quelques vitesses par la méthode du champ de pression (¨),
par la méthode directe des ménisques (#).

Fig. 5.8 – Pour un même nombre capillaire imposé (Cai = 2 · 10−5 ), sur le même micromodèle
(grille a), photo à la percolation d’un système en mouillage total (image de gauche, puce PDMS
hydrophobe) et partiel (image de droite, puce PDMS hydrophile).

de 0.27) et données expérimentales.


En mouillage total, les données expérimentales ne sont pas en accord avec le résultat
numérique, en particulier dans la zone de nombres capillaires imposés intermédiaires. Tou-
tefois, on note que la simulation concorde avec l’expérience en ce qui concerne la valeur de
5.2. Drainage en mouillage total 115

−3
10

<Ca>l −5
10

−7
10 −6 −4
10 10
Cai

Fig. 5.9 – Variations du nombre capillaire moyen avant percolation, hCal i en fonction du nombre
capillaire imposé, pour différentes valeurs de ² : (•) : 0.016, (3) : 0.035, (#) : 0.1.

Cai pour laquelle on entre dans le régime visqueux, caractérisé par hCal i = Cai.
Bien que nous ayons des courbes maîtresses, elles sont différentes de celles obtenues
dans le cas du mouillage partiel et ne s’expliquent pas par notre modèle. Sur cette figure
(FIG. 5.10), les points expérimentaux correspondant à la grille avec l’hétérogénéité la plus
faible (•) ne se regroupent pas tout à fait avec les autres données expérimentales. Ceci
est dû au fait qu’avec cette hétérogénéité on sonde sans doute un peu l’hétérogénéité de
microfabrication non contrôlée.

5.2.1.5 Discussion des résultats de l’invasion


Les données du mouillage total avant percolation diffèrent de celles du mouillage partiel,
notre modèle établi précédemment ne reflète pas les phénomènes observés lors de l’invasion.
Durant l’invasion, il semble que les forces visqueuses jouent un rôle moindre que dans
le cas du mouillage partiel. Nous pensons que ceci est dû en partie à l’absence d’hystérésis
d’angle de contact. Les ménisques sont très sensibles aux petites fluctuations de pression,
cela se traduit par de nombreux allers-retours aux jonctions, observés dans le micromodèle.
Le système envahit un seul canal à la fois (pic très marqué dans la région r = 0 et r = 1
sur le graphe (FIG. 5.5)). Dans le cas du mouillage partiel, ce pic s’estompe pour les
plus fortes valeurs de Cai : une augmentation du nombre capillaire imposé se traduit par
une augmentation des forces visqueuses du fluide pousseur, à une distance ξ ces forces
visqueuses deviennent du même ordre de grandeur que la pression capillaire, le fluide
pousseur peut ainsi entrer dans de plus petites jonctions, ce qui a pour effet de compacter
116 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

−1
10

<Ca>l/Γ ε

−3
10

−5 −3 −1
10 10 10
Cai/Γ ε

˜ l i = hCal i /Γ²
Fig. 5.10 – Variations du nombre capillaire moyen modifié avant percolation, hCa
en fonction du nombre capillaire imposé modifié, Ca ˜ i = Cai /Γ², pour différentes valeur de ²
˜ l i = 0.27 · (Ca
(M=0.7) : (•) : 0.016, (3) : 0.035, (#) : 0.1. La droite en gras représente hCa ˜ i )0.5 ,
droite sur laquelle s’ajustaient données expérimentales et résultats numériques dans le cas du
mouillage partiel.

le front et donc d’atténuer le pic en r = 0 et r = 1 dans le graphe (FIG. 5.5). En revanche,


dans le cas du mouillage total, les forces visqueuses semblent jouer un rôle moindre, puisque
le pic reste très marqué pour les très faibles valeurs de r, ce qui indique que le nez avance
majoritairement, sans qu’il n’y ait compacité du front.
La distance ξ définie dans le chapitre précédent ne rend plus compte de la taille de
front observée. Les largeurs de front sont, dans le cas du mouillage total, beaucoup plus
Γ²
grandes que celles prédites par le calcul de ξ. Pour rappel : ξ ' λ hCa li
selon les critères
du chapitre 4. Par exemple, sur la grille b., pour Cai = 2 · 10 , ξcalculé = 6.4 · 10−4
−5

alors que ξmesuré = 4.3 · 10−3 , sur la grille a., pour Cai = 1 · 10−5 , ξcalculé = 2.7 · 10−4 et
ξmesuré = 3.2 · 10−3 .
A noter que si l’on considère les paramètres de la simulation numérique (hCal i /Γ², Cai /Γ²),
cos(θ) étant pris égal à 1 (mouillage total), nous obtenons une courbe maîtresse, mais tou-
tefois les résultats numériques ne rendent plus compte des résultats expérimentaux. Seule
la valeur de Cai pour laquelle on entre dans le régime visqueux est donnée par ce modèle
numérique (FIG. 5.10).
Toutes ces observations semblent indiquer un mécanisme d’invasion différent, ou bien
nécessitent de considérer des recirculations aux interfaces, ce qui n’est pas le cas de la si-
mulation numérique présentée au chapitre 4, qui tient compte seulement d’une distribution
de pression capillaire dans le milieu poreux modèle.
5.2. Drainage en mouillage total 117

Pour essayer de comprendre quelles peuvent être les différences entre l’invasion en
mouillage partiel et celle en mouillage total, nous introduisons des billes de latex de 1µm
dans le fluide pousseur, et plaçons notre dispositif expérimental sous un microscope. On
visualise l’écoulement à une jonction, dans un seul canal. Ce même protocole est opéré dans
le cas d’une puce en mouillage partiel. Les observations sont saisissantes : dans le cas du
mouillage partiel (images du bas FIG. 5.11), l’écoulement des latex est conforme à ce qui
est attendu, à savoir un écoulement de Poiseuille classique avec une vitesse de latex bien
plus rapide au centre du canal qu’aux parois. En revanche, pour le cas du mouillage total,
l’écoulement des latex est complètement différent. La vitesse des billes est maximale aux
parois, on observe de très fortes recirculations. L’écoulement est dissymétrique, il semble
affecté par le mouvement des ménisques alentours (malheureusement, il est difficile de sa-
voir quels sont les ménisques environnants mobiles au microscope...mais il est nécessaire
de travailler avec un microscope à assez fort grossissement (40x) pour observer le déplace-
ment de ces latex. Un compromis est donc à faire entre information locale et globale). La
densité de particules est telle que ces images sont difficilement exploitables par traitement
d’images, nous notons simplement le caractère très inattendu de l’écoulement à la paroi.
Avec de telles vitesses à l’interface, le champ de pression dans l’huile est forcément affecté,
même s’il est difficile de quantifier la portée de ces recirculations observées dans l’huile.
On observe également sur cette figure (FIG. 5.11 images du haut) les allers-retours
effectués par le ménisque à la jonction évoqués dans le paragraphe précédent.
Les mesures réalisées dans des poreux où le fluide prisonnier est totalement mouillant
ne peuvent pas être décrites par le modèle précédent. Ces mesures montrent que quel que
soit le nombre capillaire imposé, le fluide choisit une vitesse constante pour pouvoir avancer
dans plusieurs canaux. Ce résultat diffère de celui obtenu dans le cas du mouillage partiel.
Il est donc nécessaire de se demander quelles sont les hypothèses qui ne sont pas vérifiées
dans le cadre du mouillage total. Comme dans le cas précédent, les forces qui pilotent
l’écoulement sont les forces capillaires et les forces visqueuses. Les forces capillaires sont
légèrement différentes. Il n’existe pas d’angle d’avancée et de reculée pour les systèmes en
mouillage total. Toutefois, il demeure que pour avancer dans un pore il faut vaincre la
pression de Laplace. Quant aux forces visqueuses, elles sont les mêmes. Le système peut
toutefois être modifié par l’écoulement dans les coins de pores. En effet, dans le cadre
du mouillage total, ces films dans les coins restent parfaitement connectés et de l’huile y
circule rapidement, comme nous l’observons sur la figure (FIG. 5.11). En mouillage total,
les particules peuvent aller à certains moments plus rapidement aux bords qu’au centre
du canal. Il est possible de visualiser des périodes où l’écoulement principal se fait vers
l’amont et non l’aval de la puce. Ces mouvements sont causés par des flux dans les coins
d’huile. Cette expérience nous permet de comprendre pourquoi le modèle précédent ne
fonctionne pas. Les deux fluides pousseur et injecteur coulent côte à côte, le gradient de
pression qu’ils supportent est donc le même. Il est ainsi impossible aux forces visqueuses
dans le fluide pousseur de venir compenser la perte de charge due aux hétérogénéités de
pression de Laplace. Alors que nous avions négligé les gradients de pression dans l’huile
dans le cas du mouillage partiel, il semble que la présence de ces écoulements de coins ne
permettent plus de faire cette hypothèse.
118 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

Fig. 5.11 – Images typiques de ménisques en amont du front lors de la phase d’invasion (largeur
de canal 80µm). Pour les deux séries d’images, des billes de latex sont rajoutées dans le fluide
pousseur. Série d’images du haut réalisée en mouillage total (grille c.), Cai = 2 · 10−5 , de la gauche
vers la droite, images prises à t, t+11s, t+22s. Les allers-retours du ménisque sont clairement
observés (ménisque du haut sur les images) avec d’importantes recirculations aux parois. Série du
bas (grille e.), mouillage partiel, Cai = 2 · 10−5 , de la gauche vers la droite, images prises à t,
t+11s, t+22s. Ces images montrent que le ménisque en mouillage partiel est bloqué et ne bouge
pas, absence de recirculations à la paroi.

L’argument précédent est valide le long de l’écoulement mais n’est pas valide au niveau
du nez du ménisque, zone dans laquelle les deux fluides ne s’écoulent pas de façon parallèle.
Dans cette zone, les recirculations, dont on estime la portée effective sur la longueur de la
jonction, λ, induisent une augmentation de pression dans l’huile qui est proportionnelle à :
αηV ∆P
= (5.1)
h2 λ
Ainsi cette relation sélectionne une vitesse constante qui assure le partage en deux du
ménisque à la jonction. Cette vitesse est donnée par :
²γh2
V = (5.2)
Rηαλ
Ce qui correspond avec les variables adimensionnées précédemment définies : hCal i =
0.272 ²Γ. Le modèle suivant peut être proposé :
– si V i < V , le nombre de chemins envahis est de 1
– si V < V i < Nt · V , le nombre de chemins varie et chaque chemin avance à la vitesse
V
– si V i > Nt · V , le nombre de chemins envahis est Nt et Cai = hCal i
Ce modèle est qualitativement en accord avec nos données.
5.2. Drainage en mouillage total 119

5.2.1.6 Conclusions sur l’invasion en mouillage total


Le mécanisme d’invasion du milieu poreux modèle dans le cas du mouillage total est très
différent de celui observé en mouillage partiel. Le modèle défini précédemment ne décrit plus
les résultats expérimentaux. On obtient à la percolation des tailles de poches plus grandes
que celles prédites par le modèle, la représentation du nombre capillaire local modifié
en fonction du nombre capillaire imposé modifié ne rend plus compte des phénomènes
rencontrés. Les forces visqueuses semblent jouer un rôle moindre que précédemment : quelle
que soit la viscosité du fluide pousseur, on obtient une courbe maîtresse caractérisée par un
plateau dans la relation nombre capillaire moyen local - nombre capillaire imposé, ce qui
suggère que le gradient de pression soit du même ordre de grandeur dans la phase huile,
prisonnière, et dans la phase envahissante. La perte de charge entre les deux fluides est
donc très affectée par l’écoulement.
Lorsque nous avons introduit des latex dans le fluide pousseur, de très nombreuses et
rapides recirculations ont été observées aux interfaces (FIG. 5.11). Les profils de vitesse
dans cette phase envahissante sont extrêmement complexes. Ces recirculations semblent
indiquer que le champ de pression dans la phase eau et dans la phase huile est localement
fortement perturbé par la présence de l’écoulement. Cette observation conforte l’observa-
tion d’un plateau dans la relation (hCal i , Cai ) : sur toute une zone de nombres capillaires
imposés intermédiaires, le nombre capillaire moyen local reste constant, un incrément des
forces visqueuses via une augmentation de débit n’a pas d’effet sur la vitesse locale.
Les résultats de l’invasion avant percolation ayant été présentés, regardons mainte-
nant ce qui se passe après percolation. Là aussi, les résultats diffèrent de ceux obtenus en
mouillage partiel.

5.2.2 Après la percolation


5.2.2.1 Résultats expérimentaux
Dès que le système percole, alors qu’il se figeait en mouillage partiel, la situation est
ici très différente puisque la saturation en huile continue de baisser jusqu’à ce que le mi-
cromodèle soit entièrement vidé. Les séries d’images suivantes (FIG. 5.12) illustrent ce
phénomène.
Les courbes de saturation résiduelle en huile sont là-aussi très différentes de celles
obtenues en mouillage partiel, puisque le système continue d’évoluer après la percolation.
Quelle que soit la valeur du nombre capillaire imposé, cette valeur de saturation atteint
toujours zéro après injection d’un certain nombre de fois le volume de pores (FIG. 5.16).
Toutefois, il importe de distinguer deux types de comportements en fonction du nombre
capillaire imposé :
– à très bas nombre capillaire imposé, la percolation ne constitue pas un élément par-
ticulier : les courbes de saturation ne présentent pas de particularités singulières en
ce point. Une cassure est observée plus tard.
– à plus fort nombre capillaire imposé (à partir de 3 · 10−5 ), la percolation se traduit
directement par une rupture de pente dans la courbe de saturation.
120 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

1.

2.

Fig. 5.12 – Images après percolation pour deux systèmes en mouillage total. Série 1 : (M = 10),
Cai = 1 · 10−5 , image de gauche prise à la percolation, puis 120, 400, et 900 secondes après. Série
2 : (M = 2), Cai = 2.3 · 10−5 , image de gauche prise à la percolation, puis 50, 130 et 480 secondes
après.

Les graphes (FIG. 5.13) illustrent cela. Sur ces graphes, la percolation est notée par une
flèche. Nous verrons ensuite comment relier cette observation à la taille des poches rési-
duelles en huile.

1 1

0.8 0.8

0.6 0.6
So

So

0.4 0.4

0.2 0.2

0 −5 −3 −1
0 −5 −3
10 10 10 10 10
temps.Cai temps.Cai

Fig. 5.13 – Exemple de courbes de saturation résiduelle en huile en mouillage total. Graphe de
gauche : Cai = 3 · 10−5 (trait plein), 1 · 10−4 (pointillés) et 2.5 · 10−4 (tirets). Graphe de droite :
Cai = 3 · 10−7 (pointillés), 1.2 · 10−6 (tirets) et 8 · 10−6 (trait plein). Les petites flèches symbolisent
le temps de percolation.

La structure des poches à la percolation diffère selon le nombre capillaire imposé. Plus
celui-ci est faible, plus la saturation résiduelle en huile à la percolation est élevée, plus les
5.2. Drainage en mouillage total 121

poches sont grandes et ouvertes.


Les poches les plus grandes se vident prioritairement (FIG. 5.14 et FIG. 5.15). Les
poches les plus grosses se cassent pour former davantage de poches plus petites, et ce quel
que soit le nombre capillaire imposé.

30 40

25
Nombre de poches

Nombre de poches
30
20

15 20

10
10
5

0 0
0 200 400 600 0 100 200 300 400 500
Aire des poches Aire des poches

Fig. 5.14 – Évolution de la taille des poches pour Cai = 1 · 10−5 . Graphe de gauche : aire des
poches à la percolation. Graphe de droite : aire des poches 90 secondes après percolation (M = 10)

50 100

40 80
Nombre de poches

Nombre de poches

30 60

20 40

10 20

0 0
0 100 200 300 400 500 0 100 200 300 400 500
Aire des poches Aire des poches

Fig. 5.15 – Évolution de la taille des poches pour Cai = 3 · 10−5 . Graphe de gauche : aire des
poches à la percolation. Graphe de droite : aire des poches 90 secondes après percolation (M = 2).

Nous regardons maintenant les volumes injectés après percolation pour vider entière-
ment le milieu poreux modèle. Sur la figure (FIG. 5.16) est représenté le volume de pores
injecté après la percolation pour vider entièrement le micromodèle en fonction de Cai . Une
grande partie de nos résultats en mouillage total est regardée ici, c’est pourquoi à une
même valeur de Cai peuvent correspondre plusieurs valeurs de volume injecté.
122 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

Volume de pores injecté


10

1
10

0
10 −6 −4
10 10
Cai

Fig. 5.16 – En mouillage total, évolution du volume de pores injecté en fonction de Cai pour un
remplissage intégral du micromodèle par le fluide pousseur (différentes viscosités sont représentées
ici, information contenue dans le nombre capillaire).

La dynamique de vidage des poches est complexe. La figure (FIG. 5.16) montre que le
2/3
volume injecté pour un vidage complet du micromodèle varie comme Cai . Cela signifie
que le temps de vidange varie comme :
µ ¶2/3
η −1/3
tvidange ≈ Vi (5.3)
γ
Ce temps de vidage total semble donc peu dépendre de la vitesse imposée. La dépendance
avec la viscosité est complexe .

5.2.2.2 Quelques interprétations


Au vue des différents résultats obtenus, deux mécanismes semblent intervenir dans le
vidage des poches d’huile : si la structure est très ouverte (FIG. 5.12, série 1), le mécanisme
semble identique à celui de l’invasion, c’est-à-dire gouverné par la taille des pores, les plus
gros étant envahis prioritairement. Cela s’observe sur la figure (FIG. 5.17), où est regardée
l’évolution du nombre capillaire local en fonction du temps après percolation. Les vitesses
locales sont déterminées par la méthode de calcul directe, basée sur le déplacement des
ménisques. Ce nombre capillaire local reste constant pendant une durée significative après
percolation, de nouvelles zones du milieu poreux sont explorées, les plus grosses poches
se cassent prioritairement (FIG. 5.14), sans créer de nouveaux chemins pour autant. Puis
ce nombre capillaire local ne peut que décroitre au cours du temps, de nouveaux chemins
5.2. Drainage en mouillage total 123

étant créés entre l’entrée et la sortie du micromodèle poreux. La valeur finale atteinte est
hCal i = Cai lorsque tout le milieu poreux est rempli par le fluide pousseur.
Lorsque les poches sont davantage fermées à la percolation (ce qui est d’autant plus le
cas quand le nombre capillaire imposé est grand), l’huile restante piégée doit être drainée
par les films de coins, ce qui implique des temps de vidage plus longs, et comme de forts
débits sont appliqués, des volumes injectés importants (FIG. 5.16). D’ailleurs, à très haut
nombre capillaire imposé, la percolation se traduit par une nette cassure de la courbe de
saturation (FIG. 5.13). A ces forts nombres capillaires imposés, le front du fluide pousseur
est compact, plusieurs chemins percolent presque simultanément. Le fluide passe ensuite
majoritairement par ces chemins connectés, le reste du milieu poreux est donc envahi
moins rapidement, d’où la rupture de pente observée à l’endroit précis de la percolation.
Au contraire, à très bas nombre capillaire imposé, la percolation n’est pas un phénomène
particulier, comme en témoigne l’absence de rupture de pente dans la courbe de saturation
et la mesure des vitesses locales, qui restent après percolation identiques à celles d’avant
percolation (FIG. 5.17, graphe de gauche).
évolution <Ca>l après percolation

2
10
aire moyenne (pixels)

−4 1
10 10

0
10

−5 −1
10 −2 0 2 4
10 −2 0 2 4
10 10 10 10 10 10 10 10
temps après percolation temps après percolation

Fig. 5.17 – Évolution du nombre capillaire local (graphe de gauche) et de l’aire moyenne des
poches (à droite) après la percolation. (#) : Cai = 1 · 10−5 (M = 10) ; (¤) : Cai = 3 · 10−5
(M = 2). Sur chacun des graphes, pour chaque série, le premier point (tout à gauche) correspond
à la situation à la percolation (temps zéro défini arbitrairement à 0.1 pour éviter que ça ne diverge).

Voici quelques hypothèses pour expliquer les raisons de ce parfait remplissage observé.
Bien que nous soyons en mouillage total pour l’huile, une poche d’huile pourrait a priori
être stable. En effet, localement, pour chaque ménisque, la pression dans l’eau et celle
dans l’huile diffèrent de la pression capillaire. Celle-ci peut s’adapter aux jonctions, même
en l’absence d’hystérésis d’angle de contact (FIG. 5.18). Un gradient de pression peut
donc exister dans la phase eau, soumise à un écoulement, mais ne pas être présent dans
l’huile. L’huile pourrait donc a priori être immobile, en l’absence de toute recirculation aux
interfaces.
Le système génère des poches plus grandes qu’elles ne devraient l’être compte tenu du
124 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

R2

Pc2=
R2

EAU HUILE


Pc 1 =
R1 R1

Fig. 5.18 – Schéma basique de drainage d’un milieu poreux modèle en mouillage total. Présence
d’un gradient de pression dans l’eau, généré par l’écoulement, néanmoins absence de gradient de
pression dans l’huile, équilibre local de chacun des ménisques, la poche d’huile est stable a priori
(aucune hypothèse sur sa taille ni sur la présence de recirculations aux interfaces).

nombre capillaire imposé. Celles-ci ne sont pas stables, c’est d’ailleurs elles qui disparaissent
en premier comme nous l’avons vu. Prenons le cas de l’expérience précédente, menée à un
nombre capillaire imposé de 1 · 10−5 . Compte tenu des critères énoncés dans le chapitre
4, la taille des poches devrait être de l’ordre de grandeur de ξ =λ Γf hCa ²|cos θa |
li
, comme nous
considérons un cas de mouillage total, |cos θa | = 1, et donc ξ devrait être égale, compte
tenu de ces paramètres à 7.4 · 10−3 . A la percolation, la poche maximale fait la taille du
micromodèle poreux, soit 1.3 · 10−2 . Cette longueur étant supérieure à celle attendue, cela
explique pourquoi le système continue d’envahir le milieu poreux après percolation par le
même mécanisme qu’avant la percolation.
Lorsque la taille des poches devient suffisamment petite, c’est-à-dire de l’ordre de gran-
deur du ξ prédit, une baisse des vitesses locales est observée, mais les poches ne sont pas
stables pour autant, elles continuent de se vider, avec des vitesses beaucoup plus petites. Ce
second mécanisme semble être lié au drainage par les films d’huile, films importants dans les
coins de par la section rectangulaire des canaux en PDMS. En mouillage total, l’écoulement
perturbe le champ de pression des deux fluides, ce n’est pas le cas en mouillage partiel. Par
conséquent, même lorsque les poches adoptent une taille proche de ξ ; de petites fluctua-
tions de pression peuvent remettre un ménisque en mouvement, celui-ci pouvant bouger
très facilement. Lorsqu’une petite fluctuation a permis à un ménisque d’entrer dans un
canal, celui-ci ne peut plus s’arrêter, il n’y a aucun paramètre ajustable (impossible par
5.2. Drainage en mouillage total 125

exemple de faire varier l’angle d’avancée comme en mouillage partiel, absence d’un plateau
à vitesse nulle dans la relation pression appliquée - vitesse du ménisque).
Le critère de stabilité établi dans le chapitre précédent, s’écrit pour le mouillage total
(5.4) :

1 2 f L1i 1 2
( + )+ = + (5.4)
c1 h1 ξ ci hi

Il est difficile de dire si cette condition est remplie ou non, à cause de l’absence d’hysté-
résis d’angle de contact ; l’inégalité du chapitre précédent devient ici une égalité stricte. Il
n’est pas évident que des ménisques bordant une poche remplissent cette condition (5.4),
de plus si tel est le cas, la solution est unique. Les fluctuations de positions d’un ménisque
engendreront par conséquent un déplacement de l’ensemble des autres ménisques. Cela
explique pourquoi l’huile est évacuée du milieu poreux modèle, grâce aux films de coins
des canaux [82]. Le mouillage total est en effet le seul cas où il n’y a pas d’adaptation
possible des courbures des ménisques. Même à très faible débit imposé, il y écoulement
d’huile dans les films de coins. Les ménisques ne pouvant être bloqués de façon stables,
l’eau finit toujours par envahir l’intégralité du milieu poreux. Rappelons que le système est
toujours soumis à un gradient de pression. Compte tenu des résultats récents obtenus au
laboratoire, il semblerait également possible que le co-écoulement eau-huile permette loca-
lement au niveau du nez, d’abaisser la pression capillaire d’avancée du ménisque, celui-ci
pourrait alors avancer dès lors qu’il est soumis à un gradient de pression, aussi faible soit-il.
Ces résultats sont en cours d’analyse.
Notons que ce parfait balayage du milieu poreux modèle par le fluide pousseur est in-
changé lorsque nous travaillons avec des huiles en place plus visqueuses (Rhodorsil V100,
huile de paraffine, etc), où toujours en situation de mouillage total, nous observons un
remplissage complet du micromodèle par le fluide pousseur. Pour être convaincu que ce
résultat n’est pas lié au fait que de l’huile serait absorbée par la matrice, l’expérience sui-
vante est réalisée : le poreux est rempli de dodécane puis on injecte de l’eau en imposant
un certain débit, comme habituellement. Dès que le système percole, on stoppe immédia-
tement le débit du fluide pousseur. Comme attendu, l’huile se ré imbibe dans le milieu
poreux, la progression de l’eau dans le poreux est arrêtée nette. Si l’huile était absorbée
par le PDMS, alors, même à débit nul, l’eau devrait continuer d’envahir le milieu poreux.
Or ici l’imbibition spontanée d’huile et l’arrêt de l’avancée de l’eau dans le poreux modèle
montrent que les effets observés sont liés au mouillage et non à un artéfact expérimental
(gonflement de la matrice de PDMS).
Notre résultat est similaire à celui observé par Fenwick et al. [83, 84] qui observent une
saturation résiduelle nulle en mouillage total. Le résultat de Shahidzadeh et al. [85] diffère
du nôtre, mais la situation regardée est différente, puisqu’ils considèrent le déplacement
d’un alcane très volatil et de gaz, l’alcane pouvant s’évaporer et se condenser dans la phase
gaz.
126 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

5.2.2.3 Conclusions
La percolation n’est pas un évènement particulier pour les expériences en mouillage total
menées à très faible nombre capillaire imposé. Contrairement au cas du mouillage partiel,
où la percolation signifiait le figeage du système, il y a en mouillage total continuité des
vitesses. Le système continue d’être envahi selon le même mécanisme que lors de l’invasion
avant percolation. Les poches les plus grandes disparaissent prioritairement, au profit de
poches beaucoup plus petites et plus nombreuses. Lorsque les poches sont fermées et petites,
un mécanisme de vidage par drainage de l’huile par les films de coins semble intervenir,
caractérisé par des temps plus longs que ceux de l’invasion.
Dans le cas d’expériences menées à fort nombre capillaire imposé, la percolation se tra-
duit par un changement de la vitesse locale d’invasion. Les poches sont davantage fermées
et petites, d’où un vidage des poches qui semble s’opérer directement via les films de coins
et impliquent des volumes injectés importants pour extraire l’intégralité de l’huile piégée
dans le micromodèle. Pour aller plus loin, de futures études devraient considérer de plus
fortes différences de taille entre la zone poreuse du micromodèle et la piscine de sortie.
Ainsi, les pressions capillaires de la zone d’intérêt et de la sortie seraient très différentes et
il serait intéressant de voir comment cela impacte l’évolution après percolation.
Examinons à présent le processus d’invasion avant et après percolation dans le cas du
mouillage pseudo-partiel.

5.3 Expériences de drainage en mouillage pseudo-partiel


Les expériences présentées ici sont réalisées sur la grille d, poreux modèle en verre si-
lanisé avec un silane aliphatique (OTS). Dans cette série d’expériences, le dodécane est
initialement en place, il est déplacé par un mélange eau-glycérol (M=2). Nous nous in-
téressons tout d’abord à la phase d’invasion avant percolation, puis à l’évolution de la
saturation résiduelle en huile.

5.3.1 Résultats expérimentaux


Regardons sur quelques images la phase d’invasion du micromodèle (FIG. 5.19). L’eau
envahit le milieu poreux avant de rejoindre la sortie, une structure ouverte se développe et
remplit la puce. Comme précédemment, la taille des poches résiduelles en huile décroit en
fonction du nombre capillaire imposé. Le comportement après percolation (FIG. 5.20) est
différent de celui-ci observé en mouillage total ou en mouillage partiel. Le système continue
d’évoluer un peu après la percolation, rien ne se fige, mais néanmoins cette évolution est
limitée dans le temps, comme le montrent les courbes de saturation résiduelle en huile qui
restent à une valeur constante aux temps longs. De l’huile reste par conséquent prisonnière
du micromodèle. Comme en mouillage total, pour les bas nombres capillaires imposés, dans
les courbes de saturation, il n’y a pas rupture de pente immédiatement à la percolation.
Les vitesses locales d’invasion avant percolation sont mesurées par la méthode directe
des ménisques. On détermine comme pour les mouillages précédents un nombre capillaire
5.3. Expériences de drainage en mouillage pseudo-partiel 127

Fig. 5.19 – Expérience typique de drainage en mouillage pseudo-partiel, Cai = 3.8 · 10−6 . De
la gauche vers la droite, images prises à 110, 136 (percolation) et 7200 secondes du début de
l’expérience.

0.8

0.6
So

0.4

0.2

0 −4 −3
10 10
temps. Ca i

Fig. 5.20 – Évolution de la saturation résiduelle en huile, en fonction du temps pour trois
nombres capillaires imposés différents. La petite flèche indique la percolation. De haut en bas :
Cai = 7.2 · 10−7 , 2.5 · 10−6 et 3.8 · 10−5 .

local moyen avant percolation. La moyenne temporelle est faite sur tous les ménisques
mobiles avant percolation. Les résultats sont présentés sur la figure (FIG. 5.21). Deux
régimes peuvent être mis en évidence à partir de ces données expérimentales :
– Un régime visqueux pour des nombres capillaires imposés supérieurs à 5·10−5 . Dans ce
cas, tous les canaux du milieu poreux modèle sont envahis et on retrouve la situation
attendue où hCal i = Cai .
– Un régime intermédiaire, caractérisé par un plateau, pour une zone de nombres ca-
pillaires imposés situés entre 4.5 · 10−7 et 5 · 10−5 . Ce plateau rappelle la situation
rencontrée dans le cas du mouillage total.
128 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

−3
10

<Ca>l −5
10

−7
10 −6 −4
10 10
Cai

Fig. 5.21 – Évolution du nombre capillaire local, hCal i en fonction du nombre capillaire imposé,
Cai . La ligne continue représente hCal i = Cai , la ligne pointillée hCal i = Nt · Cai .

Le micromodèle avec lequel l’étude a été menée comporte 105 canaux parallèles. Ex-
périmentalement, il est très difficile de descendre davantage en nombre capillaire imposé
(nécessité d’utiliser alors deux seringues, risque élevé de piégeage de bulles d’air), c’est
pourquoi le régime «taille finie» n’a pas été observé. Si tel était le cas, on obtiendrait
des points situés sur la ligne pointillée du graphe (FIG. 5.21), ligne représentant la droite
hCal i = 105 · Cai , cas limite où le débit est tellement faible qu’un seul canal est envahi à
la percolation.
Pour montrer que ce comportement avant percolation est identique à celui du mouillage
total, nous considérons le repère nombre capillaire local modifié, nombre capillaire imposé
modifié, (Cai /Γ², hCal i /Γ²). Cette représentation permet de s’affranchir des différences
de micromodèles utilisés pour les deux séries d’expériences (grille c. en PDMS pour le
système en mouillage total, grille d. en verre pour le système en mouillage pseudo-partiel).
Comme on le constate sur la figure (FIG. 5.22), dans la zone de nombres capillaires imposés
intermédiaires, les données expérimentales des deux mouillages concordent. Là encore, le
modèle développé au chapitre quatre dans l’étude du mouillage partiel ne s’applique pas ici
puisque les données expérimentales ne se regroupent pas sur la droite hCa ˜ l i = 0.27·(Ca
˜ i )0.5 .

5.3.2 Quelques conclusions sur le drainage en mouillage pseudo-


partiel
Le mouillage pseudo-partiel est un cas intermédiaire entre le mouillage total et le
mouillage partiel. Le comportement observé lors d’expériences de drainage dans des mi-
5.3. Expériences de drainage en mouillage pseudo-partiel 129

−1
10

<Ca>l/Γ ε

−3
10

−5 −3 −1
10 10 10
Ca i /Γ ε

˜ l i = hCal i /Γ²
Fig. 5.22 – Variations du nombre capillaire moyen modifié avant percolation, hCa
en fonction du nombre capillaire imposé modifié,Ca ˜ i = Cai /Γ², pour un système en mouillage
pseudo-partiel (¥) et en mouillage total (#). La droite en gras représente hCa˜ l i = 0.27 · (Ca
˜ i )0.5 ,
droite sur laquelle s’ajustaient données expérimentales et résultats numériques dans le cas du
mouillage partiel, la droite en trait plein représente hCa˜ l i = Ca
˜ i.

cromodèles de milieux poreux va dans ce sens. Aux temps courts, les films de mouillage
sont épais, l’angle d’avancée du ménisque eau-huile est de 180o , on retrouve par conséquent
un plateau dans le graphe (Cai , hCal i), comme en mouillage total. Les recirculations aux
interfaces perturbent là encore le champ de pression de la phase prisonnière.
En revanche, aux temps longs, après percolation, les courbures des ménisques peuvent
s’adapter avec l’épaisseur du film de mouillage, ce qui au final est équivalent à un hystérésis
d’angle de contact (mis en évidence lors d’expériences dans un capillaire modèle, présentées
au chapitre 2). On piège alors de l’huile aux temps longs, selon le même mécanisme que
celui du mouillage partiel, expliqué au chapitre 4.
Si, comme dans le cas du mouillage total il y a présence de films continus d’huile en
mouillage pseudo-partiel, l’épaisseur de ceux-ci s’adapte avec la courbure pour arriver à un
équilibre. Ces films peuvent alors devenir tellement fins que le temps nécessaire au vidage
d’une poche par drainage via les films de mouillage est gigantesque, c’est pourquoi à l’échelle
de l’expérience du laboratoire, nous avions l’impression que la saturation en huile n’évolue
pratiquement plus après la percolation. L’équilibre entre épaisseur de film et courbure des
ménisques prend du temps à se mettre en place, les dynamiques sont complexes et sont
encore étudiées au laboratoire, il y a une forte influence de la façon dont le système a été
mis à l’équilibre. Dès lors que le système est soumis à un gradient de pression, un flux
d’huile existe dans les films de mouillage.
130 Chapitre 5. Mouillage total et mouillage pseudo-partiel

Examinons le temps nécessaire au vidage d’une poche carrée de cent micromètres de


largeur, compte tenu de la hauteur de la puce, son volume est de 3 · 10−13 m3 . Le débit
γe3 λ
d’huile à travers un film d’épaisseur e à travers une jonction est donné par Q = λαηR . Si
l’on considère une épaisseur de film de 5 nanomètres, on obtient compte tenu des paramètres
de notre poreux modèle, un débit de 6.5 · 10−21 m3 .s−1 . Le temps nécessaire au drainage
du volume de la poche avec ce débit est donc de 4.6 · 107 s, soit 534 jours. C’est pour ces
raisons, compte tenu de ces cinétiques extrêmement lentes, que la saturation en huile nous
semble ne plus évoluer après percolation. Si cette épaisseur de film de mouillage devient
de l’ordre du nanomètre, le temps de vidage est alors de 66000 jours.

5.4 Résumé
Expériences de drainage en mouillage total
– avant la percolation : invasion rapide, présence d’un plateau dans la relation
(Cai , hCal i), fortes recirculations observées aux interfaces, le modèle développé dans
le cas du mouillage partiel ne s’applique pas
– en considérant le co-écoulement eau-huile, possibilité d’obtention d’un plateau dans
la relation (Cai , hCal i)
– après la percolation : baisse continue de la saturation résiduelle en huile jusqu’à un
remplissage complet du micromodèle par le fluide pousseur, quel que soit le nombre
capillaire imposé
– dans la zone des très faibles nombres capillaires, la percolation ne constitue pas un
évènement particulier, la vitesse locale du fluide pousseur reste constante sur une
certaine durée après percolation
– à la percolation, cassure prioritaire des grosses poches, selon le même mécanisme
d’invasion (envahissement des pores les plus gros)
Expériences de drainage en mouillage pseudo-partiel
– comportement analogue au mouillage total avant la percolation : angle de 180o à
l’avancée, présence d’un plateau dans la relation (Cai , hCal i)
– présence d’un plateau à vitesse nulle dans la relation pression-vitesse du ménisque
eau-huile, dû à l’équilibre entre l’épaisseur du film de mouillage et la courbure des
ménisques
– après la percolation : cet équilibre film - courbure joue un rôle analogue à un
hystérésis d’angle de contact, piégeage d’huile aux temps longs
– les films de mouillage dans le cas du mouillage pseudo partiel peuvent devenir très
fins, engendrant des temps de vidange de poches d’huile via drainage par les films
gigantesques
Troisième partie

Étude approfondie en mouillage partiel :


rhéologie et chemins préférentiels

131
Chapitre 6

Influence de la rhéologie

6.1 Introduction
Dans ce chapitre, nous nous plaçons dans des conditions de mouillage partiel. Nous
regardons l’effet de la rhéologie lors d’expériences de drainage. Le dispositif utilisé est une
puce en verre silanisée avec un silane fluoré (grille e.), du dodécane est initialement piégé
dans le micromodèle. Au lieu d’injecter un fluide simple pour déloger l’huile comme dans
les chapitres précédents, on considère cette fois l’injection de solutions de polymères. Le
polymère utilisé est le polyacrilamide, HPAM, partiellement hydrolysé, utilisé habituelle-
ment pour des applications de récupération assistée du pétrole. Les résultats obtenus avec
ces fluides rhéofluidifiants sont comparés aux résultats obtenus avec des fluides newtoniens
(les données du chapitre 4 servent de référence).
Ce chapitre est divisé en deux parties. Tout d’abord, quelques notions concernant la
rhéologie des fluides complexes sont rappelées. Ensuite, nous regardons dans un repère
(Vi , hVl i) l’allure de la courbe obtenue avec deux HPAM de masse molaire différente à
iso concentration. Des expériences de PIV (Particle Image Velocimetry) sont présentées
dans des dispositifs simples. Ces quelques expériences de PIV permettent de quantifier
les vitesses locales en présence de polymères et ainsi de proposer une interprétation des
courbes obtenues avec ces fluides complexes.

6.2 Fluides non newtoniens : quelques rappels


Dans cette partie, nous rappelons quelques notions de rhéologie des polymères en solu-
tion, issues de [86, 87].

6.2.1 Fluides simples, fluides complexes


La matière peut se trouver à l’état solide ou à l’état fluide. Les deux cas extrêmes pour
la matière sont le solide élastique et le fluide visqueux. Le comportement solide parfait est
régi par la loi de Hooke, dans ce cas la déformation est directement proportionnelle à la

133
134 Chapitre 6. Influence de la rhéologie

contrainte :
σ = Go γ (6.1)
où σ est la contrainte appliquée, Go est l’élasticité , γ la déformation (constante). Si la
contrainte est supprimée, la déformation est nulle, le matériau retrouve sa forme initiale, ce
qui signifie qu’il a gardé en mémoire son état antérieur. Dans cette loi, le matériau répond
instantanément à une sollicitation mécanique, il n’y a pas de temps caractéristique.
Un fluide visqueux ou fluide simple obéit à la loi de Newton. Dans ce cas le taux de
déformation est directement proportionnel à la force appliquée.

σ = η γ̇ (6.2)

où σ est la contrainte appliquée, γ̇ le taux de cisaillement, et η la viscosité dynamique de


cisaillement. Un fluide qui suit cette loi est dit newtonien, le comportement rhéologique
de la plupart des fluides simples suit cette loi. Cependant, il existe un grand nombre de
fluides qui, sous écoulement, ont un comportement plus complexe. En effet, la notion de
fluide newtonien est assez restrictive, les contraintes de cisaillement sont proportionnelles
au gradient de vitesse. Cela implique que dans un écoulement de cisaillement simple, les
seules contraintes créées par l’écoulement soient des contraintes de cisaillement ; que la
viscosité soit indépendante du taux de cisaillement, du temps et que lorsque l’écoulement
est arrêté, les contraintes s’annulent immédiatement.
Toute déviation à ces règles est signe d’un comportement non newtonien pour le fluide.
Un tel fluide a un comportement intermédiaire entre le solide élastique et le fluide vis-
queux. Ces propriétés sont liées à un couplage entre la structure intrinsèque du fluide et
l’écoulement.

6.2.2 Rhéofluidification
Le caractère non newtonien le plus répandu est la variation de la viscosité avec le taux
de cisaillement. Ce type de comportement, obtenu par exemple avec des solutions de poly-
mères pour lesquelles la viscosité diminue au fur et à mesure que le cisaillement augmente,
est appelée rhéofluidification. Des exemples de rhéogrammes montrant l’évolution de la
viscosité en fonction du taux de cisaillement pour des solutions de HPAM sont présentés
dans la partie suivante de ce chapitre (FIG. 6.1).
Lorsque la viscosité n’est plus indépendante du taux de cisaillement, plusieurs modèles
empiriques ont été proposés pour décrire le comportement mécanique observé. Parmi ces
modèles, citons celui de Ostwald-De Waelhe qui relie dans une certaine gamme de taux de
cisaillement la viscosité à une loi de puissance de γ̇.

η = mγ̇ p−1 (6.3)

Le cas newtonien correspond à p = 1, le cas rhéofluidifiant à p < 1. Les coefficients p et m


n’ont pas d’interprétation physique simple. Cette loi traduit mal le comportement observé
à bas et haut cisaillement.
6.2. Fluides non newtoniens : quelques rappels 135

Ces propriétés rhéologiques peuvent également être mesurées lors d’expériences de core
flooding : on travaille avec un seul fluide, le dispositif est soumis à un gradient de pression
et on regarde le débit de sortie. Ce cas nous ramène au cas simple de l’équation de Darcy
dans le cas monophasique, étudié dans le chapitre 1.

6.2.3 Viscoélasticité
Une autre propriété importante des fluides non newtonien est le caractère viscoélas-
tique, rencontré par exemple avec des solutions de polymères. La réponse du fluide à une
déformation présente à la fois un aspect visqueux (contrainte proportionnelle à la vitesse
de déformation) et un aspect élastique (contrainte proportionnelle à la déformation). Ces
fluides présentent un temps caractéristique τ . Lorsque le matériau est soumis à une solli-
citation rapide, inférieure à τ , la réponse du matériau est élastique. En revanche, lorsque
la sollicitation du matériau est supérieure à τ , la réponse est visqueuse.
Comme la réponse du matériau aux temps courts est élastique, la contrainte croît
linéairement avec le temps. Ainsi σ = Gγ = Gγ̇t, où G désigne le module de cisaillement.
En revanche, aux temps longs, la réponse visqueuse obtenue est liée à une saturation de la
contrainte, telle que σ = η γ̇. Le temps de relaxation viscoélastique τ vaut :
η
τ= (6.4)
G
τ est le temps typique pendant lequel le matériau garde en mémoire sa forme initiale.
Au-delà de ce temps, le matériau oublie sa forme initiale. Cette description est valable en
régime linéaire seulement, régime pendant lequel le taux de cisaillement est suffisamment
petit pour que les objets caractéristiques du fluide (objets supposés déformables comme les
chaînes de polymères par exemple) subissent sous écoulement des déformations élastiques
proportionnelles au taux de cisaillement appliqué. Dans ce cas, le module élastique G est
constant, la structure du fluide change peu sous cisaillement, la viscosité est constante.

Le régime linéaire Un modèle combinant les équations (6.1) et (6.2) a été proposé par
Maxwell pour rendre compte du comportement viscoélastique linéaire à un seul temps de
relaxation. Par une analogie mécanique, le fluide viscoélastique peut être représenté par une
association en série d’un ressort (le solide élastique) et d’un piston (le liquide visqueux).
En série, les taux de déformations s’ajoutent, ainsi nous obtenons le taux de déformation
global du système :
σ̇ σ
γ̇ = γ̇R + γ̇P = + (6.5)
Go η
Cette équation est l’équation de Maxwell, elle est équivalente à :
σ + τ σ̇ = η γ̇ (6.6)
Un module complexe de cisaillement, solution de cette équation, peut alors être défini tel
que :
σ(t) = G? γ(t) = (G0 + iG00 )γ(t) (6.7)
136 Chapitre 6. Influence de la rhéologie

où G0 est le module élastique, ou module de conservation, et G00 le module visqueux, ou


module de perte. Ainsi pour un fluide de Maxwell soumis à un mouvement de déformation
oscillatoire de fréquence ω et d’amplitude suffisamment faible pour rester en régime linaire,
les modules élastiques et visqueux sont donnés par :

G0 ω 2 τ 2 G0 ωτ
G0 = G00 = . (6.8)
1 + ω2τ 2 1 + ω2τ 2
Deux régimes de comportement peuvent être distingués, délimités par le temps de relaxa-
tion de Maxwell. À basse fréquence (ω < 2π/τ ), c’est-à-dire aux temps longs, la réponse
du fluide est dominée par la composante visqueuse, le matériau se comporte comme un
liquide visqueux. À haute fréquence (ω > 2π/τ ), c’est-à-dire aux temps courts, la réponse
du fluide est dominée par la composante élastique, le matériau a un comportement proche
du solide élastique.

Le régime non linéaire Le régime d’écoulement est dit non linéaire dans le cas de
sollicitations pour lesquelles les « objets » constituant le fluide complexe n’ont pas le temps
de retrouver leur configuration de repos.
L’expérience classique de rhéologie non linéaire consiste à déterminer la relation entre
la contrainte et le taux de cisaillement subis par un échantillon de fluide. Dans le cas d’un
fluide newtonien, quelle que soit la gamme de contrainte, cette relation est linéaire, donnée
par l’équation (6.2), où η est la viscosité du fluide. Pour les fluides complexes, ou non
newtoniens, le régime non linéaire est caractérisé par l’apparition de nouvelles structures,
il y a un couplage entre la structure et l’écoulement.
En régime non linéaire, il convient de distinguer le régime transitoire du régime sta-
tionnaire. Les comportements discutés ici sont ceux du régime stationnaire, qui peut être
atteint plus ou moins rapidement selon les systèmes et la sollicitation. Le temps mis par
un système pour atteindre le régime stationnaire est différent du temps caractéristique τ
de ce système, et dépend de la sollicitation (c’est-à-dire du cisaillement ou de la contrainte
appliquée).
Les comportements peuvent être très variés. La viscosité effective du fluide est connue
en chaque point d’une courbe d’écoulement par le rapport σ/γ̇.
Après cette présentation succincte de la rhéologie des fluides complexes, regardons le
système étudié et l’allure des rhéogrammes.

6.3 Rhéologie des solutions de HPAM


Nous travaillons avec des solutions de polyacrilamide partiellement hydrolysé. Ce po-
lymère est un polymère industriel, avec sans doute une polydispersité importante. Nous
avons deux masses molaires à notre disposition :
– HPAM Mw = 8 · 106 g.mol−1 (noté 8M)
– HPAM Mw = 18 · 106 g.mol−1 (noté 18M)
6.3. Rhéologie des solutions de HPAM 137

Nous regardons l’effet de la masse molaire en préparant deux solutions à iso concentration
avec chacun des polymères. L’étude consiste à utiliser ces solutions de polymères comme
fluide pousseur et à faire un balayage en débit, comme ce qui a été fait dans les chapitres
précédents avec les fluides newtoniens. Les concentrations sont choisies de telle sorte que
la viscosité apparente dans le milieu poreux modèle se situe autour de 20cP. Les courbes
obtenues pourront ainsi être comparées avec celles obtenues avec des fluides newtoniens à
cette viscosité. La concentration de travail retenue est de 250ppm pour l’étude comparative
entre le HPAM 8M et 18M. La rhéologie de ces polymères sous cisaillement est mesurée
au moyen d’un rhéomètre de type AR G2 - TA instrument dans une géométrie cône plan
rugueux (l’angle du cône vaut 1.58◦ ). Voici les rhéogrammes obtenus pour ces systèmes
(FIG. 6.1).

1
10

0
10
η (Pa.s)

−1
10

−2
10

−3
10 −2 0 2 4
10 10 10 10
Taux de cisaillement (s−1)
Fig. 6.1 – Viscosité sous cisaillement pour des solutions de HPAM. (#) : HPAM 18M 250ppm,
(¤) : HPAM 8M 250 ppm.

L’appareil utilisé ne permet pas de sonder des cisaillements inférieurs à 10−2 s−1 . En
deça d’un tel cisaillement la contrainte mesurée est inférieure à la limite de détection
du rhéomètre (10−2 Pa avec notre appareil). Aux débits auxquels nous travaillons, nous
nous situons toujours au dessus de cette limite basse de détection, comme le montre le
rhéogramme issu des expériences de PIV présentées ci-après. Lors des expériences menées
dans nos micromodèles, la vitesse locale varie entre 3 · 10−5 m.s−1 et 3 · 10−3 m.s−1 . Cela
correspond à des taux de cisaillement variant entre 2.5 et 250 s−1 .
Ces courbes mettent en évidence le caractère rhéofluidifiant de ces polymères. Le co-
efficient de rhéofluidification est déterminé pour chacune de ces solutions. Pour le HPAM
18M à 250ppm et pour le HPAM 8M à 250ppm, ce coefficient n est de 0.5. Dans le micro-
modèle, compte tenu des taux de cisaillement de l’étude, seule la zone de rhéofluidification
138 Chapitre 6. Influence de la rhéologie

est explorée pour chacun des polymères.


Pour ces polymères, il convient de vérifier dans quel régime nous nous situons. La
concentration critique d’enchevêtrement définit le passage du régime dilué, où les pelotes
sont indépendantes, au régime semi-dilué où les pelotes s’enchevêtrent. Le solvant uti-
lisé est l’eau, notre système se trouve dans des conditions de bon solvant. Il a été établi
qu’en première approximation [86], la concentration critique d’enchevêtrement, notée ρ∗ ,
est proportionnelle à la masse molaire du polymère selon :

ρ∗ ∝ M −4/5 (6.9)

Pour des polymères de masses molaires 106 g.mol−1 , cette concentration critique ρ∗ est de
l’ordre de 0.005 g/cm3 . Il vient alors pour nos systèmes :
– ρ∗ HPAM 8M ≈ 9.5 · 10−4 g/cm3
– ρ∗ HPAM 18M ≈ 5 · 10−4 g/cm3
La concentration utilisée est de 250ppm, soit 2.5 · 10−4 g/cm3 . Cette concentration est
inférieure aux valeurs de ρ∗ déterminées, par conséquent l’ensemble des solutions de poly-
mères utilisées sont en régime dilué.
De plus, avec ces polymères, dès que la concentration augmente, dans la gamme de taux
de cisaillement explorée dans nos micromodèles, nous atteignons très vite des viscosités
très élevées. Il est alors délicat d’explorer le régime capillaire, nous nous retrouvons très
vite dans le régime visqueux. C’est pourquoi notre étude est restreinte aux concentrations
mentionnées.

6.4 Invasion du milieu poreux modèle


Comme dans les chapitres précédents, nous réalisons des expériences de drainage. Une
solution de polymères est utilisée comme fluide pousseur. Pour chaque solution, un balayage
en débit est effectué. On souhaite en particulier quantifier l’effet de √
l’injection de polymères
dans le régime capillaire, zone dans laquelle nous avions hCal i = A· Cai (avec A constante
pour les fluides newtoniens).
Comme il est difficile de connaître précisément la viscosité effective dans le milieu po-
reux modèle, au lieu d’utiliser la représentation habituelle (Cai , hCal i), nous regardons ici
les variations de vitesses dans un repère (Vi , hVl i), où Vi désigne la vitesse imposée contrô-
lée par le pousse seringue et hVl i la moyenne spatio-temporelle de tous les déplacements
locaux avant percolation. Nous comparons l’effet de l’injection de polymères par rapport à
l’injection de l’eau (FIG. 6.2), puis nous regardons plus en détail comment interpréter les
résultats obtenus avec nos solutions de HPAM (FIG. 6.3). Cette série d’expériences permet
de quantifier localement les effets liés au polymère. Des travaux antérieurs, comme ceux de
Perrin et al., présentaient une étude dans le cas monophasique [88].
6.5. Interprétation des résultats 139

−2
10

−3
10
<Vl>

−4
10

−5
10 −7 −5 −3
10 10 10
Vi

Fig. 6.2 – Variations de hVl i en fonction de Vi . (#) : HPAM 18M 250ppm, (¤) : HPAM 8M 250
ppm, (4) : fluide newtonien (15cP). Les lignes tirets correspondent à hVl i = Vi et hVl i = Nt ·Vi et
délimitent les bornes du systèmes. La ligne pointillée représente l’ajustement du fluide newtonien
(chapitre 4).

6.5 Interprétation des résultats

De manière générale, ces résultats obtenus avec des solutions de polymères ne sont pas
très bons en termes de nombres de chemins envahis et de saturation en huile à la percolation.
Bien que la viscosité dans la gamme de cisaillement explorée soit assez importante (entre
70 et 120 cP pour nos solutions de HPAM), les vitesses locales sont, dans la zone de vitesse
imposée intermédiaire (aux alentours de 10−4 m.s−1 ), comparables à celles obtenues avec
un fluide newtonien de viscosité moindre (FIG 6.2).
Sur la figure (FIG. 6.3) sont représentés uniquement les résultats correspondant à l’in-
jection de solutions de polymères, dans le repère (Vi , hVl i). Il a été établi au chapitre 4
que dans le cas newtonien, la vitesse locale variait selon un exposant 0.5 par rapport à la
vitesse imposée.
Dans le cas des solutions de polymères, deux régimes se distinguent : un premier aux
valeurs de vitesses imposées les plus élevées, régime que l’on parvient à ajuster par une
loi de puissance et un second régime aux basses vitesses, où les données sont en désaccord
avec le précédent ajustement, ce qui semble indiquer un second mécanisme.
Examinons, lorsque nous tenons compte de la rhéofluidification, quelle doit être la pente
de l’ajustement.
140 Chapitre 6. Influence de la rhéologie

6.5.1 Effet de la rhéofluidification


Nous avons établi au chapitre 4 pour un fluide newtonien la relation suivante :
r
² |cos θa | Ch2 0.5
hCal i = 0.27 Cai (6.10)
αλ
Lorsque le fluide injecté est rhéofluidifiant, il faut tenir compte de l’impact de la rhéo-
fluidification dans cette relation. L’indice n se réfère à ce coefficient de rhéofluidification,
estimé rappelons-le à 0.5 pour nos solutions de HPAM. Nous raisonnons à présent sur les
vitesses et non plus sur les nombres capillaires, car la viscosité dépend de γ̇.
Pour un fluide rhéofluidifiant, l’écoulement est régi par la loi rhéologique σ = Aγ̇ α , où
σ désigne la contrainte. On a ainsi :

∆P
σ(z) = z (6.11)
L
µ ¶1/α
∂V ∆P 1 1/α
= z (6.12)
∂z L A1/α
On intègre cette équation (6.12), avec comme la condition V = 0 en z = e, où e
représente la demi hauteur du canal. On l’intègre ensuite une seconde fois pour exprimer
le débit moyen, débit que l’on redivise par la section du canal afin d’obtenir une vitesse
moyenne. On obtient alors après deux intégrations successives, en l’absence de vitesse de
glissement :
µ ¶1/α
∆P e1/α+1
V = · (6.13)
L A1/α (1/α + 2)
On pose alors V = hVl i, L = ξ, et ∆P = ²pc . Compte tenu de la géométrie du poreux,
comme nous l’avons montré au chapitre 4, la relation (6.14) reste toujours valable.

hCal i ξ
≈ (6.14)
Cai λ

On réinjecte cette expression dans (6.13). La variation de la vitesse locale en fonction de


la vitesse imposée est ainsi donnée par :
"µ ¶ 1 #
²γ |cos θa | C α+1 ³ e ´µ 1
¶ α+1
α
1
hVl i = · V α+1
i (6.15)
λ A1/(α+1) 1/α + 2
Dans le cas d’un fluide newtonien, α = 1. On retrouve alors une expression analogue
à celle de l’équation (6.10). La grandeur α est reliée au coefficient de rhéofluidification n,
selon l’équation α = 1 − n. De plus, d’après le rhéogramme, la loi rhéologique η = A · γ̇ n
reflète le comportement du fluide. Le préfacteur A est l’ordonnée à l’origine, mesurée à
partir du rhéogramme.
6.5. Interprétation des résultats 141

−2
10

−3
10
<Vl>

−4
10

−5
10 −7 −5 −3
10 10 10
Vi

Fig. 6.3 – Variations de hVl i en fonction de Vi . (#) : HPAM 18M 250ppm, (¤) : HPAM 8M 250
ppm. Bornes du systèmes en tirets. Ajustement des données du HPAM selon l’équation hVl i =
2/3
0.11Vi .

Les données du HPAM 18M et 8M donnent des résultats proches. Seule la branche rhéo-
fluidifiante est explorée, la masse molaire du polymère influe peu. Les deux rhéogrammes
étaient similaires dans la zone de cisaillement sondée dans le micromodèle, par conséquent
on va ajuster les deux séries de la même façon.
Pour nos solutions de polymères, n = 0.50. D’après l’équation (6.15), l’ajustement doit
1
avoir une pente donnée par α+1 , soit 2/3, pente plus forte que celle déterminée pour le
fluide newtonien (0.5). Le préfacteur correspondant est calculé selon cette même équation,
il est 0.11. Cet ajustement est représenté sur le graphe (FIG. 6.3), il rend compte du
2/3
comportement à haute vitesse imposée. L’équation correspondante est hVl i = 0.11·Vi . Le
préfacteur associé à cet ajustement est calculé, il ne tient pas compte du facteur correctif
c introduit au chapitre 4 (pour les fluides newtoniens ce facteur correctif est nécessaire
pour retrouver les comportements observés). Des études complémentaires sont actuellement
menées, en particulier des simulations numériques, pour comprendre comment varie ce
facteur correctif dans le cas de fluides non newtoniens.
Dans le régime capillaire (vitesses imposées inférieures à 10−5 m.s−1 ), les vitesses locales
obtenues avec les solutions de polymères ne sont plus expliquées par la rhéofluidification,
l’ajustement proposé ne rend pas compte des résultats. Très peu de canaux sont envahis
(nous avons vérifié que les tensions de surfaces et angles de contact restaient inchangés en
présence de HPAM faiblement concentré par comparaison avec un mélange eau-glycérol à
15cP).
142 Chapitre 6. Influence de la rhéologie

Pour expliquer ces résultats à basses vitesses dans le cas des solutions concentrées à
250ppm nous essayons de quantifier le glissement à la paroi. En effet, pour les solutions de
polymères, il a été montré qu’une forte vitesse de glissement aux parois pouvait exister [89].
Nous allons chercher à mesurer ces vitesses de glissement par des expériences de PIV. Le
protocole expérimental que nous allons suivre est le suivant : nous allons mesurer dans un
tube capillaire rectangulaire modèle, la vitesse de glissement en fonction de la contrainte à
la paroi. Pour conclure sur d’éventuels effets dans le milieu poreux modèle, nous estimons
la contrainte correspondant aux plus basses vitesses mesurées dans le micromodèle.

6.5.2 Mesure des vitesses de glissement


6.5.2.1 Particle Image Velocimetry
Pour quantifier le glissement, il nous faut mesurer localement les profils de vitesses.
La PIV : Particle Image Velocimetry (vélocimétrie par imagerie de particules), technique
adaptée à la microfluidique [87] est utilisée. Les profils de vitesse sont obtenus en suivant le
déplacement de traceurs dispersés dans le fluide à étudier. Au moyen d’un dispositif adapté
aux vitesses que l’on souhaite mesurer (FIG. 6.4), on contrôle l’intervalle de temps entre
deux images consécutives, et on mesure le déplacement d’un traceur pendant cet intervalle
de temps. On a ainsi accès à un vecteur vitesse pour une position donnée. Le déplacement
des traceurs entre deux images successives est déterminé par la corrélation d’intensité de
ces deux images.
L’observation se fait via un microscope fluorescent inversé (Olympus modèle IX71).
L’objectif utilisé présente un grossissement de 60X. Le rayonnement ultraviolet éclaire un
plan focal du canal. La profondeur de champ est définie par l’optique, plus elle est grande
plus la barre d’erreur sur la vitesse mesurée est importante. L’acquisition d’images est réa-
lisée au moyen d’un système développé par la société R&D Vision constitué d’une caméra
couplée à un intensificateur (Hamamatsu), lui-même piloté par un boîtier de synchroni-
sation. L’acquisition des images se fait par paire et le boîtier de synchronisation permet
de contrôler le temps entre deux images, le temps d’intensification ainsi que la fréquence
d’acquisition des paires. L’intensité émise par les traceurs fluorescents est amplifiée par
l’intensificateur dont le gain est ajustable. Il permet notamment des mesures à temps d’in-
tensification très bas tout en ayant une image nette.
Généralement, pour avoir une bonne statistique, les déplacements sont moyennés sur
200 couples d’images acquis à une fréquence de 3Hz maximum. Les profils ainsi mesurés
ne sont pas instantanés mais stationnaires.
L’écoulement est généré par une perte de charge ∆P entre l’entrée et la sortie du
canal. La géométrie du tube capillaire utilisé a été choisie de façon à se placer dans un
écoulement à champ de contrainte et de vitesse non pas 2D mais 1D. En effet, avec un grand
rapport d’aspect, l’écoulement dans une telle géométrie, dite «fente», peut être assimilé à
un écoulement entre plaques parallèles infinies (FIG. 6.5). Le champ de vitesse est alors
invariant selon les axes X et Y. Par ailleurs, comme l’écoulement est unidirectionnel selon
la direction X, la vitesse est simplement donnée par V~ = V (z)X. ~
6.5. Interprétation des résultats 143

Y verre

Z
X plan focal

verre

δt Tint
objectif

t
piezo (contrôle Y)
1/f
camera CCD intensificateur

ordinateur
lampe UV

Fig. 6.4 – Schéma de principe du montage de PIV. Les temps minimums accessibles pour l’acqui-
sition d’images avec ce système sont de δt = 30µs entre deux images dans une paire ; Tint =100ns
pour le temps d’intensification, 1/f ≈ 100ms pour le temps entre deux paires.

Z Y

2h

2w

fente

Fig. 6.5 – Représentation d’un canal «fente». Le rapport d’aspect entre la largeur et la hauteur
du tube capillaire est tel que le profil de vitesse est unidirectionnel. On a accès à la rhéologie dans
le plan (X,Z).

6.5.2.2 Expériences de PIV avec du HPAM 18M à 250ppm


Les expériences de PIV sont menées dans un tube capillaire commercial de verre lisse
de longueur 10cm, présentant une hauteur de h de 100µm (108µm en réalité) pour une
largeur de 1mm. Un régulateur de pression Fluigent est utilisé pour imposer une pression
différentielle constante dans le canal. Le tube capillaire utilisé, du fait de sa rugosité de
surface et de ses dimensions est différent du milieu poreux modèle dans lequel ont été
conduites les expériences de drainage. Ce dispositif modèle est utilisé car sa géométrie est
parfaitement connue, il est facile de quantifier les vitesses locales. Les données quantitatives
obtenues ici sont donc difficilement extrapolables au cas du micromodèle, néanmoins cela
donne une indication quant à l’importance du glissement. Un exemple de profil obtenu
144 Chapitre 6. Influence de la rhéologie

pour une contrainte appliquée de 3mbars est montré (FIG. 6.6).

30

25
v (en µm.s−1)

20

15

10
0 50 100
z (en µm)
Fig. 6.6 – Ajustement du profil de vitesse obtenu pour une contrainte imposée de 3mbar. (profil
complet obtenu par symétrisation).

Les profils de vitesse obtenus, analogues à celui présenté ici, montrent un comportement
différent d’un profil de Poiseuille. Notamment, la vitesse aux parois (en z=0 et z=108µm)
n’est pas négligeable, elle est de 10µm par seconde pour une vitesse maximale au centre
du canal de 27µm par seconde. On peut supposer vraisemblablement que cette vitesse est
liée au phénomène de glissement des polymères sur des surfaces lisses telles que le verre
[87, 89].

6.5.2.3 Validations des mesures locales


Le tenseur des contraintes dans une telle géométrie est accessible par la résolution de
l’équation de Stokes en régime stationnaire :
−−→
divσ = grad(P ) (6.16)

Ce tenseur est considéré comme bidimensionnel, variant le long des axes Y et Z. Par
ailleurs, le cisaillement étant défini comme la dérivée de la vitesse, la mesure locale de
profils de vitesse permet de calculer les cisaillements locaux.
Ainsi, par la combinaison du calcul du champ de contrainte et de la mesure de profil de
vitesse VX (Y, Z), les différentes combinaisons (σ, γ̇) correspondant à chacune des positions
dans le microcanal permettent de reconstruire une courbe d’écoulement σ = f (γ̇). En
première approximation, la loi rhéologique du polymère est donnée par une loi de type
6.5. Interprétation des résultats 145

σ(z) = Aγ̇ n . Le cisaillement subit par le polymère est la pente locale du profil de vitesse
obtenu à la PIV, on reconstruit ainsi la courbe d’écoulement du polymère (FIG. 6.7) [90, 87].

1 2
10 10

0
10
0
10

η (Pa.s)
σ( Pa)

−1
10
−2
10
−2
10

−3 −4
10 10
0,01 1 100 0.01 1 100 -1
Taux de cisaillement (s-1) Taux de cisaillement (s )

Fig. 6.7 – Pour une solution de HPAM 18M à 250ppm, allure des courbes Contrainte appliquée en
fonction du taux de cisaillement (figure de gauche) et Viscosité en fonction du taux de cisaillement
(figure de droite) pour différentes valeurs de contraintes appliquées. La ligne continue représente
les donnés obtenues avec le rhéomètre. Légende : (/) : 3, (+) : 5, (#) : 8, (∗) : 10, (2) : 15 et (.)
= 50 mbars.

La concordance entre les données de la PIV et celles du rhéomètre valide les résultats
quantitatifs de la PIV. Regardons maintenant l’ordre de grandeur des vitesses de glissement
obtenues par PIV.

6.5.2.4 Glissement à la paroi


¡ ¢
La contrainte à la paroi est donnée par : σparoi = ∆P L
e où ∆P est la contrainte
appliquée sur un canal de longueur L et de demi épaisseur e. En injectant cette relation
dans l’équation (6.13), il vient alors :
µ ¶α µ ¶
hVl i 1
σparoi = A +2 (6.17)
e α

Considérons les résultats obtenus à très basse vitesse dans notre micromodèle, avec le
HPAM 18M. La vitesse moyenne locale est de 10−5 m.s−1 , le coefficient α de 0.3, la demi
épaisseur e de 12.5 · 10−6 m.s−1 et le coefficient A de 0.21. La contrainte à la paroi associée
est de 0.12Pa.
146 Chapitre 6. Influence de la rhéologie

Dans le profil de vitesse présenté (FIG 6.6), la perte de charge est de 3mbar, la demi
épaisseur de 50µm. La contrainte à la paroi associée est de 0.15Pa.

Ainsi, la contrainte à la paroi dans le micromodèle à basse vitesse est comparable à celle
calculée pour le tube capillaire modèle. Pour ce dernier, le profil de vitesse obtenu par PIV
montrait un glissement à la paroi non négligeable. Par conséquent, il parait vraisemblable
qu’un glissement du même ordre de grandeur soit présent dans le milieu poreux modèle.
Cette vitesse de glissement non négligeable permettrait d’expliquer pourquoi le modèle
basé uniquement sur la rhéofluidification seule ne rend pas compte des résultats à très
basse vitesse. Dans l’exemple présenté (FIG. 6.6), la vitesse de glissement est de 10µm.s−1 ,
ce qui est l’ordre de grandeur de la vitesse moyenne d’avancée des ménisques dans le milieu
poreux modèle.

6.6 Conclusion

Des expériences réalisées avec des solutions de HPAM de différentes masses molaires
ont permis de mettre en évidence deux régimes dans un repère (Vi , hVl i). Un premier
régime pour les vitesses supérieures à 10−4 m.s−1 s’explique par la rhéofluidification. Les
résultats se regroupent sur de nouvelles droites, dont la pente est fonction du coefficient de
rhéofluidification. Le préfacteur associé à ces ajustements est lui aussi correctement prédit
en tenant compte de la rhéofluidification. De nouvelles simulations seraient à prévoir pour
voir comment la rhéologie impacte ce préfacteur c. Des études complémentaires seraient à
mener pour clarifier le rôle de la masse molaire et de la concentration en polymères dans
ces expériences de drainage.

Un second régime à très basse vitesse imposée est obtenu. Les données expérimentales
obtenues pour ce second régime ne peuvent s’expliquer par la rhéofluidification. Des ex-
périences préliminaires de PIV ont permis de mettre en évidence le glissement à la paroi
pour ces solutions de polymères. Pour de faibles contraintes appliquées, correspondant aux
points obtenus à plus basse vitesse, la vitesse de glissement n’est pas négligeable. Des études
approfondies sont nécessaires pour confirmer ce résultat, mais la présence du glissement
semble expliquer ces résultats.

Enfin, de manière générale, contrairement à ce que l’on attendait, l’ajout de solutions


de polymères n’est pas forcément favorable pour balayer davantage d’huile.
6.7. Résumé 147

6.7 Résumé
Injection de solutions de HPAM dans des conditions de mouillage partiel
– solutions fortement rhéofluidifiantes, fortes masses molaires étudiées (8 et 18 mil-
lions g.mol−1 )
– aux taux de cisaillement explorés dans le milieu poreux modèle, sollicitation de la
zone rhéofluidifiante uniquement
Mesures de vitesses locales
– deux régimes mis en évidence dans un graphe (Vi , hVl i)
– un premier régime à hautes vitesses imposées (supérieures à 10−5 m.s−1 ) est expliqué
par la rhéofluidification et notre modèle du chapitre 4. Pentes et préfacteurs des
ajustements prédits par la théorie
– un second régime à très basses vitesses (inférieures à 10−5 m.s−1 ) avec des vitesses
locales plus importantes que celles prédites par la rhéofluidification
– peu de différences avec un fluide newtonien de même viscosité
Glissement à la paroi
– mis en évidence lors d’expériences de PIV, il pourrait expliquer les résultats à très
faible vitesse imposée
148 Chapitre 6. Influence de la rhéologie
Chapitre 7

Influence des chemins préférentiels

7.1 Introduction
Après avoir compris et analysé les phénomènes régissant l’invasion avant et après per-
colation en mouillage partiel, nous nous basons sur ces résultats pour analyser le rôle d’un
premier balayage dans des expériences de drainage. Nous imposons un premier débit très
faible et attendons la percolation, quelques chemins préférentiels sont ainsi créés. Nous
augmentons ensuite de manière incrémentale le débit et regardons l’évolution de la satu-
ration résiduelle en huile et l’évolution du nombre de chemins envahis. Dans ce chapitre,
les expériences réalisées sont en mouillage partiel, les résultats du chapitre 4 servent de
référence. Nous travaillons ici avec des fluides simples.

7.2 Principes des expériences réalisées


Le principe des expériences réalisées dans ce chapitre consiste à appliquer au système un
premier nombre capillaire imposé, relativement faible 1 . On attend que le système percole
et soit à l’équilibre. Des chemins préférentiels se créent, il reste des poches d’huile. Puis,
contrairement aux expériences précédentes où après ces étapes la puce était nettoyée à
l’isopropanol, nous continuons ici d’injecter le fluide pousseur en augmentant le nombre
capillaire imposé. Les trois leviers dont nous disposons pour augmenter ce nombre capillaire
sont bien identifiés : il s’agit soit d’augmenter la viscosité du fluide pousseur, soit d’abaisser
la tension superficielle entre les deux fluides, soit tout simplement d’augmenter la vitesse
d’injection du fluide pousseur. C’est cette dernière solution qui a été retenue, étant la plus
simple à réaliser expérimentalement.
Il s’agit de faire un parallèle avec l’application de récupération assistée du pétrole : après
l’étape de récupération primaire, de l’eau est injectée et crée des chemins préférentiels (ré-
cupération secondaire). Pour augmenter ensuite les taux d’extraction, une des méthodes
1
Nous allons travailler avec une puce en verre silanisée avec un silane fluoré (grille e., conditions de
mouillage partiel comme détaillé au chapitre 3), du dodécane est initialement introduit dans la puce, le
fluide pousseur est de l’eau colorée ou un mélange eau-glycérol.

149
150 Chapitre 7. Influence des chemins préférentiels

possibles est la récupération assistée du pétrole par voie chimique avec l’injection de poly-
mères ou de tensio-actifs par exemple. Ces additifs chimiques ont pour effet d’augmenter
le nombre capillaire. Cette série d’expériences modèles réalisées au laboratoire dans des
systèmes très simples a pour but de montrer les éventuelles différences entre un balayage
initial à l’eau à très bas nombre capillaire suivi de l’injection de solutions viscosantes, ou
bien de l’injection initiale de solutions un peu viscosantes. Ainsi, la question est de savoir
si la présence de chemins préférentiels créés par l’eau complique ou non le vidage du milieu
poreux modèle par la suite.

7.3 Résultats expérimentaux


Les expériences réalisées sont donc très simples : on impose au système un premier
débit, faible, et on attend l’équilibre. On l’augmente ensuite de façon incrémentale. Nous
rappelons que les fluides utilisés sont newtoniens.

7.3.1 Images illustratrices


Deux séries d’images sont présentées ci-après (FIG. 7.1 et FIG. 7.2) pour illustrer le
déroulement de l’expérience. Entre chaque débit imposé, on s’assure que le régime station-
naire soit atteint. Des poches sont créés lors du balayage initial et restent stables ensuite.
Nous allons étudier les paramètres permettant de déplacer ces poches.
Il semble que les chemins préférentiels perturbent fortement la création de nouveaux
chemins. En effet, pour un même nombre capillaire imposé, les valeurs de saturation sont
très différentes si le milieu poreux modèle a déjà été balayé à très bas nombre capillaire ou
non. La saturation résiduelle en huile est bien plus faible dans le cas où le poreux modèle
n’a pas été envahi auparavant (FIG. 7.3). La viscosité du fluide pousseur semble jouer un
rôle, plus celle-ci est élevée, plus il est facile de déplacer des poches.

7.3.2 Détermination des vitesses locales


Nous allons par la méthode du champ de pression calculer les vitesses locales moyennes
et comparer les expériences entre elles.
Il n’est pas possible par la méthode des ménisques de déterminer les vitesses locales
après la percolation : en effet, lorsque le débit augmente, une certaine fraction de celui-ci
sert à créer de nouveaux chemins, une autre fraction, plus conséquente, circule dans les
chemins déjà existants. Dans ces chemins, la détection du mouvement des ménisques n’est
pas possible, nous avons donc exclusivement déterminé les vitesses locales par la méthode
indirecte, basée sur le calcul du champ de pression. Ainsi, nous pouvons extraire une vi-
tesse locale moyenne après chaque augmentation de débit. La validation de ce calcul a été
montrée dans les chapitres précédents (FIG. 3.19 pour des cas simples dans le chapitre 3
et figure FIG. 4.6 pour des expériences en mouillage partiel dans le chapitre 4).
7.3. Résultats expérimentaux 151

Fig. 7.1 – Images illustrant les effets d’une augmentation du nombre capillaire imposé. M = 10.
Cai initial : 3.7 · 10−6 , puis augmentation progressive du débit, correspondant aux Cai suivants :
7, 4 · 10−6 , 1.5 · 10−5 , 3.7 · 10−5 , 7.4 · 10−5 , 1.5 · 10−4 , 3.7 · 10−4 et 1.9 · 10−3 .

Deux séries de comparaisons vont être menées :


– Comparaison entre expériences de drainage tertiaire et de drainage secondaire. Drai-
nage secondaire signifie simplement qu’un débit est appliqué au fluide pousseur, l’ex-
périence se déroule, puis le dispositif est nettoyé entre chaque expérience, comme c’est
le cas des expériences réalisées dans les deux chapitres précédents. Drainage tertiaire
désigne le cas où un premier débit faible est appliqué, puis le débit est augmenté
progressivement.
– Comparaison entre expériences de drainage tertiaire, l’influence du ratio de viscosité
entre les deux fluides en présence est regardée.
Toutes ces expériences sont comparées entre elles via le nombre capillaire imposé,
nombre défini à partir de la viscosité du fluide pousseur. Le tableau (TAB. 7.1) résume les
propriétés de viscosité des fluides utilisés (ratio de viscosité entre fluide en place et fluide
pousseur, viscosité du fluide pousseur intervenant dans la définition du nombre capillaire).
Deux représentations sont utilisées pour rendre compte des résultats : la première est
celle déja présentée dans les chapitres précédents, à savoir une représentation (Cai , hCal i),
(FIG. 7.8, graphe de gauche). On retrouve dans cette représentation l’allure des courbes
présentées dans le chapitre du mouillage partiel (FIG. 4.5). Une autre représentation peut
toutefois permettre de mieux visualiser les résultats, il s’agit de l’évolution du nombre
de chemins créés par le fluide pousseur en fonction du nombre capillaire imposé. Nombre
152 Chapitre 7. Influence des chemins préférentiels

Fig. 7.2 – Images illustrant les effets d’une augmentation du nombre capillaire imposé. M = 0.7.
Cai initial : 4, 7 · 10−7 , puis augmentation progressive du débit, correspondant aux Cai suivants :
2, 4 · 10−6 , 4, 7 · 10−6 , 9, 4 · 10−6 , 1, 8 · 10−5 , 2, 8 · 10−5 , 7, 1 · 10−5 et 1 · 10−4 .

Fig. 7.3 – Cas de deux images à Cai = 4.7 · 10−6 . Image de gauche : balayage initial à Cai =
4, 7 · 10−7 , puis augmentation progressive du débit pour atteindre la valeur de Cai mentionnée.
Image de droite : balayage direct à la valeur de Cai mentionnée. La valeur de la saturation en
huile diffère grandement sur ces deux images.

capillaire imposé et nombre capillaire moyen local, compte tenu de la géométrie de la grille,
sont reliés par Cai = hCal i Ne
Nt
, où Ne et Nt correspondent respectivement au nombre de
canaux envahis et au nombre total de jonctions parallèles dans le milieu poreux modèle.
7.3. Résultats expérimentaux 153

ratio de viscosité viscosité du fluide pousseur (cP)


1 0.5 10
2 0.7 0.7
3 2 40
4 10 14
Tab. 7.1 – Paramètres de viscosité des expériences menées.

Par conséquent, le nombre de chemins envahis dans le cas considéré ici est égal à
Cai
Ne = 105 · (7.1)
hCal i

Pour une représentation plus claire, la variation du nombre de chemins créés (Ne − N0 )
est considérée. N0 désigne le nombre de chemins crées lors du premier débit imposé, à très
bas nombre capillaire imposé (FIG. 7.5 et FIG. 7.8, graphes de droite).

7.3.2.1 Comparaison drainage secondaire - drainage tertiaire


Dans ce paragraphe, nous comparons les résultats obtenus lors d’expériences de drainage
secondaire à ceux obtenus lors d’expériences de drainage tertiaire. Pour ces deux types
d’expériences, lorsque que nous nous plaçons à iso nombre capillaire imposé, nous voyons
des différences en termes de saturation résiduelle en huile (FIG. 7.4) et nombres de chemins
envahis (FIG. 7.5), selon la nature de l’invasion. De plus, nous regardons l’évolution des
tailles et aires de poches dans chacun des cas (FIG. 7.6).
Ces résultats montrent que le nombre de chemins créés est toujours plus élevé lors
d’expériences de drainage secondaire que tertiaire. Pour un même nombre capillaire imposé,
la saturation résiduelle en huile est plus faible dans le cas du drainage secondaire, et ce
quelle que soit la viscosité du fluide pousseur. Par exemple, pour Cai = 1 · 10−4 , dans le
cas du drainage secondaire, la saturation en huile est de 4 et 2% pour M =0.7 et M =10.
Dans le cas du drainage tertiaire, cette saturation est de 50 et 22% respectivement, pour
ces mêmes valeurs de M . Le rapport de viscosité a une influence moindre que la nature du
drainage (secondaire ou tertiaire). Les saturations en huile sont plus basses dans le cas du
drainage secondaire avec M =0.7 que dans le cas tertaire avec M =10.
Ce résultat est un fait marquant et doit avoir des conséquences importantes au niveau
de l’application. Il suggère qu’au niveau d’un puits, il est préférable de ne pas effectuer
d’étape de récupération secondaire à l’eau.
154 Chapitre 7. Influence des chemins préférentiels

100

80

60
So
40

20

0 −6 −4 −2
10 10 10
Cai

Fig. 7.4 – Saturations résiduelles en huile en fonction du nombre capillaire imposé. (•) : M = 0.7,
(♦) : M = 10 : expériences de drainage tertiaire et (#) : M = 0.7, (∗) : M = 10 : expériences de
drainage secondaire.

100
Nombre de chemins crées

−3
10 80

60
<Ca >
l

−5
10 40

20

−7 0
10 −6 −4 −2 −6 −4 −2
10 10 10 10 10 10
Cai Cai

Fig. 7.5 – Graphe de gauche : Variations de hCal i en fonction de Cai pour des expériences de
drainage tertiaire et secondaire. Graphe de droite : Évolution du nombre de chemins créés en
fonction de Cai pour des expériences de drainage tertiaire et secondaire. Légende pour les deux
graphes : (•) : M = 0.7, (♦) : M = 10 : expériences de drainage tertiaire et (#) : M = 0.7,
(∗) : M = 10 : expériences de drainage secondaire.
7.3. Résultats expérimentaux 155

2
10
2
10
Longueur maximale

Aire moyenne
1
1
10
10

0 0
10 −6 −4 −2
10 −6 −4
10 10 10 10 10
Cai Cai

Fig. 7.6 – Graphe de gauche : Variations de la longueur maximale des poches d’huile en fonction
de Cai pour des expériences de drainage tertiaire ou secondaire. Graphe de droite : Évolution de
l’aire moyenne des poches en fonction de Cai , là encore pour des expériences de drainage tertiaire
ou secondaire. Quel que soit le paramètre étudié, on observe une saturation de la valeur aux très
bas Cai , ceci étant simplement dû à la taille finie du micromodèle de milieu poreux. Légendes
des figures : (•) : M = 0.7, (♦) : M = 10 : expériences de drainage tertiaire et (#) : M = 0.7,
(∗) : M = 10 : expériences de drainage secondaire.

7.3.2.2 Effets du ratio de viscosité, expériences de drainage tertiaire


A présent, nous regardons l’effet du ratio de viscosité sur des expériences de drainage
tertiaire afin d’analyser l’impact de ce paramètre.
Également, il peut être intéressant de regarder l’évolution de la saturation résiduelle
en huile lors de ces expériences (FIG. 7.7). Lorsque le ratio de viscosité est inférieur à
1, il y a toute une gamme de nombres capillaires imposés pour laquelle la saturation
en huile n’évolue pas. Cela s’observe également sur le graphe (FIG. 7.8) où on ne crée
pas de nouveaux chemins pour toute une gamme de nombres capillaires imposés. Une
augmentation du nombre capillaire imposé a pour seul effet d’augmenter la vitesse du
fluide pousseur dans les chemins déjà existants. En revanche, lorsque ce ratio est supérieur
à un, c’est-à-dire lorsque l’on pousse avec un fluide plus visqueux que le fluide en place,
une augmentation de Cai crée de nouveaux chemins et fait baisser la saturation résiduelle
en huile.
Lorsque le nombre capillaire imposé augmente, dans le cas d’un ratio de viscosité infé-
rieur à un, cela ne se traduit pas forcément par la création de nouveaux chemins continus.
Comme on peut le voir sur l’image de gauche (FIG. 7.11), les chemins précédemment créés
se cassent facilement, une structure très discontinue est obtenue contrairement au cas où
le ratio de viscosité est plus grand que un (cas de droite), où le nombre de chemins créés
croit avec le nombre capillaire imposé.
156 Chapitre 7. Influence des chemins préférentiels

0.8

0.6
So
0.4

0.2

0 −6 −4 −2
10 10 10
Cai

Fig. 7.7 – Évolution de la saturation résiduelle en huile en fonction du nombre capillaire imposé.
(+) : M = 0.5, (•) : M = 0.7, (¤) : M = 2, (♦) : M = 10.

70
Nombre de chemins crées

−3 60
10
50
<Ca >

40
l

−5
10 30

20

10
−7
10 −6 −4 −2
0 −6 −4 −2
10 10 10 10 10 10
Cai Cai

Fig. 7.8 – Graphe de gauche : Variations de hCal i en fonction de Cai pour des expériences
de drainage tertiaire, à différents ratio de viscosité. Graphe de droite : Evolution du nombre
de chemins créés en fonction de Cai lors d’expériences de drainage tertiaire uniquement. (+) :
M = 0.5, (•) : M = 0.7, (¤) : M = 2, (♦) : M = 10.

Regardons maintenant comment évoluent la taille et l’aire des poches lorsqu’augmentent


ces nombres capillaires imposés (FIG. 7.9). On retrouve une variation avec une pente -1/2
7.4. Interprétations des résultats 157

pour la variation de la longueur de la poche, comme celle qui était prédite par notre modèle
du chapitre 4. Il est intéressant de noter que lorsque le nombre capillaire est défini à partir
de la viscosité du fluide pousseur, des courbes maîtresses décrivant l’évolution de la taille
et de l’aire des poches sont obtenues.

2
10
2
10
longueur maxi

Aire moyenne
−1/2

1
1
10 −1
10

0 0
10 −6 −4 −2
10 −6 −4 −2
10 10 10 10 10 10
Cai Cai

Fig. 7.9 – Graphe de gauche : Variations de la longueur maximale des poches d’huile en fonction
de Cai pour des expériences de drainage tertiaire, à différents ratio de viscosité. Graphe de droite :
Évolution de l’aire moyenne des poches toujours en fonction de Cai . Quel que soit le paramètre
étudié, on observe une saturation de la valeur aux très bas Cai , ceci étant simplement dû à la taille
finie du micromodèle de milieu poreux. (+) : M = 0.5, (•) : M = 0.7, (¤) : M = 2, (♦) : M = 10.

7.4 Interprétations des résultats


Il importe de distinguer deux cas pour l’analyse :
– Lorsque des poches sont créés lors d’un premier balayage à faible nombre capillaire im-
posé, quel doit être ensuite l’incrément en termes de débit pour déplacer ces poches ?
Quel est l’impact de la viscosité ?
– Pourquoi lorsque le ratio est plus petit que 1 observe-t-on des poches se fragmenter
en petits ilôts déconnectés (FIG. 7.11) ?

7.4.1 Effet d’un balayage initial


Nous sommes en situation de mouillage partiel. Lorsqu’un premier balayage à faible
nombre capillaire imposé a lieu, des poches de taille caractéristique ξ sont créés. La taille
de ces poches évolue selon les variations prédites par notre modèle développé au chapitre
4 (la taille varie en Ca−0.5
i ).
158 Chapitre 7. Influence des chemins préférentiels

Les tailles de ces poches obtenues lors de ce premier balayage sont donc conformes à
celles attendues. Lorsqu’ensuite le nombre capillaire imposé augmente un petit peu, ces
poches restent stables et ne sont pas mises en mouvement, comme nous pouvons le voir sur
les images (FIG. 7.2). Cela signifie que le nombre de chemins créés n’évolue pas (FIG. 7.5,
graphe de droite) et la saturation en huile reste constante (FIG. 7.4). Le fluide pousseur
emprunte seulement les chemins déjà existants sans en créer de nouveaux. Étant donné
que nous sommes en mouillage partiel, lorsque le débit augmente de façon incrémentale,
l’hystérésis d’angle de contact permet de modifier la courbure des ménisques qui vont en
quelque sorte « absorber » cet incrément de vitesse, sans pour autant être déplacés.
Dans le cas du drainage secondaire, dès qu’un débit est appliqué, la taille de poche ξ
correspondante est sélectionnée. Plus le débit imposé augmente, plus cette taille diminue.
C’est pourquoi le nombre de chemins créés ou la saturation résiduelle en huile évoluent
sans cesse et ne présentent pas de zones où ces grandeurs resteraient fixes sur une plage de
nombre capillaire imposé (à part à fort nombre capillaire imposé où l’intégralité du milieu
poreux à été balayée par le fluide pousseur).
Revenons au cas du drainage tertiaire. Un premier faible débit ayant été appliqué, des
poches d’une certaine taille ont été créés et sont stables. Examinons le critère de stabilité
de celles-ci, selon le même raisonnement que celui de la fin du chapitre 4.
Considérons une poche, prisonnière entre les noeuds 1 et 2 (les extrémités de chaque
poche se trouvent dans un canal et non à une jonction). Supposons que le gradient de
pression aille de 1 vers 2. Au noeud 1, pour qu’il y ait déplacement de la poche, il faut
vaincre la pression capillaire donnée par P1 = γ |cos θa | C1 où θa représente l’angle d’avancée,
C1 la courbure au noeud 1. De même pour le noeud 2, la pression capillaire associée s’écrit
P2 = γ |cos θr | C2 , où θr représente l’angle de reculée, C2 la courbure au noeud 2.
Par conséquent pour déplacer cette poche de longueur L, il faut que la perte visqueuse
associée à l’écoulement entre ces deux points soit supérieure à la pression capillaire de la
poche, ce qui donne :
αηV L
> (γ |cos θa | C1 − γ |cos θr | C2 ) (7.2)
h2
où α désigne un préfacteur lié à la géométrie du micromodèle (égale à 12 ici), V la vitesse
d’avancée du fluide pousseur, h la hauteur du micromodèle. Ainsi, si on regarde quel doit
être l’incrément de vitesse pour remettre la poche en mouvement de façon certaine, il vient :
1 γh2
V > (|cos θa | C1 − |cos θr | ) · (7.3)
h Lηα
Il est nécessaire de passer en un point C2 = 1/h pour déplacer une poche. Cet incrément de
vitesse doit être significatif. Grâce à cette équation (7.3), on comprend que les poches les
plus grandes vont disparaître en premier puisqu’il faudra imposer une vitesse moindre que
pour déplacer les plus petites poches. De même, on voit que la viscosité du fluide pousseur
va faciliter le déplacement des poches, plus cette viscosité est importante, plus l’incrément
de vitesse doit être faible pour remettre ces poches en mouvement.
L’ordre de grandeur donné par l’équation (7.3) est bon. Par exemple, considérons le
cas de la seconde série d’images (FIG. 7.2). Lors du premier balayage, une grande poche
7.4. Interprétations des résultats 159

d’huile, avec une taille égale à la moitié du micromodèle est piégée. Le calcul de l’équation
ci-dessus indique qu’il faut appliquer un nombre capillaire plus grand que 7.1 · 10−6 pour
que la poche soit mise en mouvement. Sur les images, on voit que c’est seulement à partir
de Cai = 9.4 · 10−6 la taille de la poche diminue, ce qui est en accord avec le calcul.
Une fois que la vitesse imposée permet d’entrer dans une poche, celle-ci est cassée. Les
plus grandes prioritairement. Ceci a pour effet de créer davantage de poches comme on
peut le voir sur la figure (FIG. 7.10). On n’observe pas de déplacement macroscopique
d’une poche en intégralité.

2.7
10
nombre de poches

2.5
10

2.3
10

−6 −4 −2
10 10 10
Cai

Fig. 7.10 – Évolution du nombre de poches en drainage tertiaire en fonction du nombre capillaire
imposé, à différents ratios de viscosité : (+) : M = 0.5, (•) : M = 0.7, (¤) : M = 2, (♦) : M = 10.

7.4.2 Effet d’un ratio de viscosité défavorable


Lorsque le ratio de viscosité est plus petit que 1, même lorsque le nombre capillaire a
augmenté significativement, le nombre de chemins créés reste faible, la saturation résiduelle
en huile reste élevée. Regardons une image grossie dans le cas où ce ratio de viscosité est
défavorable, puis lorsque ce ratio est favorable (FIG. 7.11).
Lorsque l’huile en place est plus visqueuse que le fluide pousseur, la progression du
fluide pousseur n’est pas continue dans le micromodèle, mais on observe la formation d’ilôts
déconnectés. C’est pour cette raison que sur le graphe (FIG. 7.8) le nombre de chemins
créés ne croît pas forcément lorsque le débit augmente : la méthode de calcul des vitesses
locales se base sur une image à un instant donné. A l’instant suivant, selon le réarrangement
des ilôts en présence, le nombre de chemins connectés peut très vite varier : il suffit que
quelques gouttelettes coalescent pour reconnecter un chemin.
160 Chapitre 7. Influence des chemins préférentiels

Ilôts déconnectés

Fig. 7.11 – Images de gauche : bien que la saturation résiduelle en huile soit faible, peu de
chemins sont créés, présence d’une multitude de poches (M=0.7). Images de droite : la saturation
en huile est faible, le fluide pousseur crée des chemins continus (M=2).

Lorsque le fluide pousseur est plus visqueux que le fluide en place, on perd cet effet :
une augmentation du débit du fluide pousseur se traduit toujours par une augmentation
du nombre de chemins crées, ou une baisse de la saturation résiduelle en huile. Il n’y a pas
apparition de ces ilôts déconnectés.
La formation d’ilôts déconnectés peut être comparée au mécanisme d’émulsification.
Lorsque la phase externe est plus visqueuse que la phase que l’on souhaite disperser, il est
facile de fabriquer des gouttelettes [91, 92]. Dans notre étude, le déplacement de l’huile
induit, lorsqu’elle est plus visqueuse que le fluide pousseur, un morcellement de celui-ci.

7.5 Conclusions
Dans ce chapitre, nous avons analysé l’effet d’un balayage à l’eau initial à faible nombre
capillaire suivi d’une augmentation incrémentale du débit, dans des conditions de mouillage
partiel. Lors de ce premier balayage, des poches sont créés, leur taille ξ est celle prédite
par le modèle du chapitre 4. Lorsque le débit augmente un petit peu, ces poches restent
stables car elles peuvent absorber le petit incrément de vitesse par une modification de
leur courbure, modification permise grâce à l’hystérésis d’angle de contact. Le modèle du
chapitre 4 prédit l’incrément de vitesse nécessaire pour qu’il y ait rupture des poches. La
viscosité du fluide pousseur facilite la rupture de ces poches. Lorsque le ratio de viscosité est
défavorable, il y a formation de gouttelettes, selon les mécanismes prévus dans les théories
de l’émulsification.
Dans le cadre d’une application liée à la récupération du pétrole, ces petites expériences
montrent que la présence de chemins initiaux à l’eau est néfaste, puisque pour avoir la même
saturation résiduelle en huile, il faut dans le cas tertiaire, appliquer des débits beaucoup
plus importants que dans le cas secondaire. Toutefois, il ne faut pas oublier les conditions
expérimentales d’obtention de ces résultats : d’une part, nous travaillons avec des systèmes
7.6. Résumé 161

microfluidiques 2D où il est beaucoup plus facile de piéger des poches que dans le cas
réel d’une roche 3D et d’autre part après la percolation notre système se fige, ce qui n’est
jamais le cas dans l’application de récupération assistée du pétrole, où la mouillabilité est
hétérogène, et la situation jamais entièrement bloquée.
Dans le cas réel, il semblerait que la présence de chemins préférentiels n’ait qu’un effet
cinétique et que le temps nécessaire pour extraire la même quantité de pétrole dans un
réservoir qui a été balayé à l’eau par rapport à un réservoir qui ne l’a pas été soit juste
plus long.

7.6 Résumé
Expériences de drainage tertiaire en mouillage partiel
– effets néfastes d’un balayage à l’eau en terme de nombres de chemins créés et de
saturation résiduelle en huile
– piégeage de poches avec une taille caractéristique prédite par notre modèle du
chapitre 4
– quantification de l’incrément nécessaire en terme de nombre capillaire pour parvenir
à casser des poches existantes
– rôle important de la viscosité pour faciliter le déplacement des poches résiduelles
162 Chapitre 7. Influence des chemins préférentiels
Conclusion et perspectives

Dans cette thèse, nous avons montré l’influence de plusieurs paramètres sur les écoule-
ments diphasiques en milieux poreux modèles : mouillage, rhéologie et chemins préféren-
tiels.
Nous nous sommes appuyés sur les technologies microfluidiques usuelles pour la concep-
tion de micromodèles de milieux poreux en verre et en PDMS. Nous avons utilisé des
techniques de traitement de surface pour faire varier les propriétés de mouillage. Une vi-
sualisation directe des écoulements et des procédures de traitement d’images associées ont
permis d’extraire des expériences réalisées des résultats importants comme vitesse locale,
saturation résiduelle ou évolution du remplissage.
Ce travail a surtout permis de quantifier les transitions entre les différents régimes d’in-
vasion possibles en fonction du nombre capillaire imposé. Les résultats obtenus en mouillage
partiel sont expliqués par un modèle qui rend compte de l’invasion du micromodèle avant
percolation. Au début de l’expérience, à faible nombre capillaire imposé, seules les forces
capillaires comptent, des digitations capillaires se développent. Lorsque le front a parcouru
une distance ξ, la perte de charge liée aux forces visqueuses permet alors d’envahir des
jonctions plus petites en aval du front et ainsi de le compacter. Compte tenu de la géomé-
trie de nos micromodèles, le modèle suivant a été proposé pour expliquer l’évolution des
vitesses locales. r
² |cos θa | Ch2 0.5
hCal i = c Cai (7.4)
αλ
La valeur du préfacteur c a été déterminée par une simulation numérique basée sur un
modèle de réseau de pores. Avec ce préfacteur, les données expérimentales sont parfaitement
prédites par notre modèle.
En mouillage total et pseudo-partiel, le modèle précédent ne rend pas compte des ré-
sultats de l’invasion avant percolation. Un plateau est obtenu dans la relation (Cai , hCal i).
Des expériences menées avec un fluide pousseur ensemencé avec des latex ont permis de
mettre en évidence des recirculations importantes, en particulier aux parois.
Après percolation, le comportement est très différent selon la nature du mouillage.
L’hystérésis d’angle de contact, dans le cas du mouillage partiel, permet de bloquer de fa-
çon stable des poches d’huile dont la taille est prédite par notre modèle. La situation se fige
à la percolation et le fluide pousseur emprunte uniquement les chemins déjà existants et
sans en créer de nouveaux. Dans le cas du mouillage pseudo-partiel, les films de mouillage
deviennent très fins, du fait de l’équilibre films résiduels et courbure du ménisque, par

163
164

conséquent, des poches restent prisonnières du micromodèle. Les temps de vidange sont
gigantesques. Enfin, le mouillage total s’avère différent puisque l’intégralité du fluide ini-
tialement présent dans le micromodèle est évacuée, et ce quel que soit le débit appliqué.
Des expériences complémentaires sont toujours en cours au LOF pour bien comprendre les
raisons de ce parfait balayage, il semble que le co-écoulement eau-huile, via les films de
coins, joue un rôle clé.
Quelques expériences menées avec des fluides complexes, en situation de mouillage
partiel, ont permis de montrer le rôle de la rhéofluidification. Notre modèle est modifié en
fonction du coefficient de rhéofluidification du fluide injecté. Un régime à très bas nombre
capillaire n’est pas expliqué par la rhéologie, il semble lié au glissement du fluide à la paroi.
Ce glissement a été mis en évidence par des expériences de PIV dans des dispositifs simples,
mais il reste des travaux à mener pour quantifier ce glissement dans nos micromodèles de
milieux poreux. De manière surprenante, ces résultats obtenus avec des polymères sont
moins bons que ceux obtenus avec un fluide newtonien de viscosité équivalente.
Enfin, toujours en situation de mouillage partiel, le rôle des chemins préférentiels à
l’eau a été analysé. Lorsqu’un premier faible nombre capillaire est imposé au système,
de grandes poches restent prisonnières. Lorsque ce nombre capillaire augmente ensuite de
façon incrémentale, seuls les chemins déjà existants sont envahis. L’hystérésis d’angle de
contact permet de supporter les changements de pression liés à l’augmentation de Cai .
Là encore, notre modèle permet de prédire l’incrément nécessaire en terme de nombre
capillaire pour déloger les poches existantes et créer de nouveaux chemins.
Au vu des résultats obtenus au laboratoire, il conviendrait de se placer en situation
de mouillage total pour extraire un maximum de pétrole. Néanmoins, notons que dans le
cas d’un réel réservoir pétrolier, des différences sont observées. Il est en effet très difficile
d’extraire de l’huile d’un réservoir dans lequel l’huile mouille préférentiellement. Cela est
sans doute dû à la présence d’hétérogénéités de mouillage qui entraînent des discontinuités
des films de lubrification (un réservoir n’étant jamais entièrement mouillable à l’huile ou
entièrement mouillable à l’eau, mais présentant souvent des zones de mouillage hétéro-
gènes), et à la présence d’hétérogénéités géométriques importantes qui rendent le drainage
par les films plus difficile. Dans le cas de l’application, la situation la plus fréquente semble
être celle du mouillage partiel, où il convient de maximiser la viscosité du fluide pousseur
et d’abaisser la tension interfaciale eau-huile pour accroître les taux de récupération. Mo-
difier l’angle de contact entre le fluide pousseur et la surface est également une possibilité,
pour se rapprocher de θ = 90◦ . Les quelques tests effectués avec des solutions de polymères
semblent indiquer que la rhéofluidification ne soit pas un atout majeur pour envahir davan-
tage de canaux. Le glissement à la paroi semble également néfaste. La présence de chemins
préférentiels à l’eau semble compliquer le processus de récupération, puisque pour obtenir
une saturation en huile équivalente, il faut appliquer des débits beaucoup plus importants
lorsque le micromodèle a déjà été balayé à l’eau. Une solution pour une application de
récupération du pétrole serait donc de commencer directement par un processus tertiaire
et d’éviter le processus secondaire à l’eau. Les conditions de ce balayage tertiaire seraient
alors moins drastiques que lorsqu’il s’agit de commencer un processus tertiaire après que
le réservoir ait déjà été longuement balayé à l’eau. Toutefois, le cas réel est différent des
165

conditions rencontrées au laboratoire : le mouillage du réservoir pétrolier n’est jamais ho-


mogène, et la situation n’est jamais complètement bloquée comme en mouillage partiel avec
nos micromodèles poreux. Il semble que les chemins préférentiels aient un impact cinétique
important sur le processus de récupération.
Les perspectives de ce travail sont nombreuses. Au cours de cette thèse, le rôle du
mouillage a été clairement établi. Il reste à mener une étude avec des fluides complexes
afin de caractériser plus en détail l’effet de la rhéologie sur ces expériences de drainage. Les
recirculations observées en mouillage total avec des fluides simples montrent que le champ
de pression est très perturbé aux abords des parois, il serait intéressant de regarder le
comportement de fluides complexes dans cette situation. De même, l’injection de micelles
géantes comme fluide pousseur est à considérer. Seuls quelques tests préliminaires ont
pu être réalisés et les résultats étaient encourageants. Ce type de fluide semblait balayer
parfaitement le micromodèle, avec un effet sur la mouillabilité qui reste à clarifier. Enfin,
toujours dans le cas d’expériences de drainage, considérer l’injection de mousse ou de CO2
supercritique dans ces dispositifs de micromodèles poreux serait intéressant. L’injection
de tels fluides semble prometteuse pour l’application, mais les mécanismes clés restent à
identifier.
166
Annexe A

Invasion percolation et forces


visqueuses : illustration par une simple
boucle

On considère une boucle de longueur L, avec deux branches de rayons très légèrement
différents. Nous allons chercher à quantifier, en fonction de cette différence de taille, du
rapport de viscosité entre le fluide pousseur et le fluide en place et du rapport entre le rayon
du canal et la taille de la boucle, la position du fluide dans le petit canal. Les résultats de
ce calcul ont été montrés dans le chapitre 1.

L
Rp

Rg = Rp(1+ε)
Fig. A.1 – Boucle de longueur L, le canal le plus petit est noté Rp , le canal le plus grand Rg ,
avec Rg = Rp (1 + ²), où ² est la taille de l’hétérogénéité recherchée.

167
168Annexe A. Invasion percolation et forces visqueuses : illustration par une simple boucle

Paramètres - Notations
– L longueur de la boucle

– Rp : rayon du petit canal

– Rg : rayon du grand canal

– ² : difference de taille entre les canaux, Rg = Rp (1 + ²)

On introduit les paramètres adimensionés suivants :

η1
– M= η2
, rapport de viscosité, η1 fluide pousseur, η2 fluide en place
Rg
– r= L
, longueur caractéristique
η1 Q
– Ca = γRg2
le nombre capillaire (défini à partir du fluide en place)
Lη1
– τ= γCa
, temps caractéristique

– e
t= t
τ

xp
– xep = L

Equations de départ

π Rg2 γ
x˙g = (P − ) (A.1)
8 η1 xg + η2 (L − xg ) Rg

π Rp2 γ
x˙p = (P − ) (A.2)
8 η1 xp + η2 (L − xp ) Rp

Q
x˙p Rp2 + x˙g Rg2 = (A.3)

Conditions initiales
xp (0) = 0
xg (0) = 0
169

Adimensionnement des équations


On adimensionne ces équations avant résolution, de (3) on obtient :

x˙p 1
2
+ x˙g = (A.4)
(1 + ²) 4π
Les équations (1) et (2) deviennent :

π 1 r 1 P Rp
x˙p = ( − 1) (A.5)
8 Ca 1 + ² Γxep + (1 − xep ) γ

π 1 1 P Rg
x˙g = r ( − 1) (A.6)
8 Ca Γxeg + (1 − xeg ) γ

Résolution
En combinant ces trois équations adimensionnées, on obtient :
−² 2Ca
π 1+²
+(1+²)rπ 2
(Γxeg + (1 − xeg ))
x˙p = 1+² 1 (A.7)
8Ca r
(Γxep + (1 − xep )) + r(1+²)3 (Γx
eg + (1 − xeg ))

Résultats
r
Cette équation est résolue avec Matlab, on fait varier les paramètres de l’étude M , L
,
Ca et ².

Effet de M , rapport de viscosité


Le rapport Lr est fixé à 30 · 10−4 . On regarde la saturation résiduelle dans le petit canal :
lorsqu’on percole dans le grand canal, on considère que l’écoulement dans le petit canal
s’arrête. La différence entre la longueur totale et ce point d’arrêt donne la saturation re-
présentée. Le code couleur est le suivant : en bleu, les deux canaux sont envahis ; en rouge,
il y a écoulement dans le seul grand canal.

Lorsque le nombre capillaire est défini à partir du fluide pousseur, le rapport de viscosité
influe la saturation. Plus ce ratio est élevé, plus les forces visqueuses sont importantes, plus
l’hétérogénéité ² doit être importante pour avoir un effet sur l’écoulement. Par conséquent
on peut établir la relation suivante pour définir un capillaire seuil en deça duquel on aura
arrêt de l’écoulement dans le canal le plus petit.

Ca < ² Lr M1
170Annexe A. Invasion percolation et forces visqueuses : illustration par une simple boucle

−7 1 −7 1

−6 0.8 −6 0.8

−5 0.6 −5 0.6
log(ε)

log(ε)
−4 0.4 −4 0.4

−3 0.2 −3 0.2

−2 0 −2 0
−6 −4 −2 −6 −4 −2
log(Ca) log(Ca)

Fig. A.2 – variations du Ca et de ² pour M =0.1 (figure de gauche) et 10 (figure de droite)


(échelle log)

r
Effet de L

Comme précédemment, Ca et ² varient de 10−7 à 10−2 , on regarde la saturation pour


deux valeurs très différentes de Lr , M étant pris égale à 1.

−7 1 −7 1

−6 0.8 −6 0.8

−5 0.6 −5 0.6
log(ε)

log(ε)

−4 0.4 −4 0.4

−3 0.2 −3 0.2

−2 0 −2 0
−6 −4 −2 −6 −4 −2
log(Ca) log(Ca)

Fig. A.3 – variations du Ca et de ² pour Lr = 30 · 10−2 , boucle très petite 0.1mm (figure
de gauche) et Lr = 30 · 10−6 , grande boucle 1m (figure de droite).

Plus la boucle est grande, moins l’hétérogénéité ne perturbe l’écoulement. Plus la boucle
est grande, plus la perte visqueuse associée à l’écoulement est importante, par conséquent,
le système est moins sensible aux petites variations de pression capillaire induites par ².
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