Thème 7 - La Theorie Des Risques

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Université Paris-Dauphine

LSO – DEGEAD 2 – UE 07

LA THEORIE DES RISQUES


Position du problème :

Lorsqu’une obligation ne peut plus être exécutée par suite d’un évènement de force majeure, le
débiteur est libéré par une impossibilité d’exécution. Si l’obligation est issue d’un contrat unilatéral,
elle s’éteint. Mais qu’en est-il lorsque l’obligation est issue d’un contrat synallagmatique ? En effet la
question ne se pose pas de la même manière dans les deux types de contrats : le contrat
synallagmatique fait naitre deux obligations corrélatives et la disparition de l’une pose la question du
sort de l’autre.

La théorie des risques permet de déterminer ce qu’il advient des obligations contractuelles lorsque
l’une des parties à un contrat synallagmatique ne peut exécuter son obligation à la suite d’un
évènement de force majeure :
- L’impossibilité d’exécuter sa prestation libère le débiteur, sans qu’il soit en faute.
- Le cocontractant est-il libéré de son obligation alors qu’il n’y a pas pour lui d’impossibilité
d’exécution ?

Ex. 1 : dans un contrat de bail, si le local est détruit par un incendie (force majeure), le bailleur
est libéré de son obligation de mettre ce local à disposition. Mais le locataire doit-il continuer à
payer le loyer ?

Ex 2 : dans un contrat de vente, si le navire transportant la marchandise est détruit suite à une
tempête (force majeure), le vendeur est libéré de son obligation de livrer la chose. Mais
l’acquéreur doit-il payer le prix ?

La réforme opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 n’a pas complété le Code civil sur ce point.
On y trouve quelques réponses éparses pour quelques contrats particuliers aussi il est revenu à la
jurisprudence de poser des règles générales.

Pour répondre à cette question, la jurisprudence a élaboré deux règles dont le champ d’application
dépend de la nature du contrat.

1° Les contrats non translatifs de propriété : application de la règle Res perit debitori

L’attribution des risques peut être réglée par une clause du contrat. A défaut, deux théories ont été
proposées :

- La règle Res perit creditori (les risques pèsent sur le créancier) selon laquelle le créancier de
l’obligation inexécutée supporte les risques de la chose. Alors le créancier doit exécuter son
obligation (dans l’exemple, le locataire paye le loyer).
- La règle Res perit debitori (les risques pèsent sur le débiteur) selon laquelle le débiteur de
l’obligation inexécutée supporte les risques de la chose. Alors le créancier est libéré de son
obligation (dans l’exemple, le locataire n’a plus à payer les loyers). La solution est logique
puisque dans les contrats synallagmatiques les obligations sont interdépendantes.

La jurisprudence a retenu la seconde solution.


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© H. Tissandier et A.-S. Dallemagne –janvier 2018
Université Paris-Dauphine
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2° Les contrats translatifs de propriété : application de la règle Res perit domino

Dans les contrats translatifs de propriété (vente, échange, etc.), les risques de la chose sont
supportés par le propriétaire. Si la chose est détruite par un évènement de force majeure, le
propriétaire ne peut invoquer la perte pour s’affranchir de ses propres obligations (dans l’exemple de
la vente du navire, l’acquéreur doit s’acquitter du prix).

Attention, pour rappel :

- le transfert de propriété est immédiat dès l’échange des consentements : on parle de


transfert solo consensu de la propriété. Dans un contrat de vente, le transfert de propriété
s’opère immédiatement même si la chose n’a pas été livrée ou le prix payé : c’est alors
l’acheteur qui supporte les risques, même si la chose est détruite avant d’être livrée. Il peut
donc être prudent de prévoir dans le contrat une clause retardant le transfert de propriété
jusqu’à la livraison ou le paiement du prix.
- Pour les choses de genre (ex : blé, pétrole), le transfert de propriété n’a lieu qu’après
individualisation de la chose.
- En l’absence de livraison dans les délais, la mise en demeure du débiteur (non propriétaire)
de livrer ou restituer la chose entraine de nouveau le transfert des risques à la charge du
débiteur.
Ex. : en cas de vente, les risques sont en principe à la charge de l’acheteur qui, même en cas
de perte de la chose, doit en payer le prix. Mais si le vendeur ne livre pas et qu’il est mis en
demeure de le faire, alors les risques sont de nouveau à sa charge. Par conséquent, si la
chose disparait après la mise en demeure, le vendeur supporte les risques (il ne peut
réclamer le paiement).

Avez-vous bien compris ? Test de connaissance

M. Dauphinois achète une voiture chez un concessionnaire. Mais le véhicule brûle dans
l’entrepôt avant la livraison :
a. M. Dauphinois doit quand même payer le prix
b. M. Dauphinois ne doit pas payer le prix puisqu’il n’a pas été livré

M. Dauphinois est joailler et Mme Gratin lui commande la réalisation d’une bague avec une belle
émeraude. Quelques jours plus tard, alors que le bijou est presque achevé, M. Dauphinois est
victime d’un effondrement de terrain dans lequel tous les bijoux de son atelier disparaissent.
a. Mme Gratin doit payer la rémunération du travail
b. Mme Gratin ne doit pas payer la rémunération du travail puisque le bijou ne lui a pas été
livré

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© H. Tissandier et A.-S. Dallemagne –janvier 2018
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LSO – DEGEAD 2 – UE 07

Cas pratique résolu

Les dernières éruptions volcaniques de la Chaîne des Puys remontent à quelques milliers d’années.
Installé au sein du Parc des Volcans d’Auvergne, Vulcania rend hommage à une histoire volcanique
mouvementée et spectaculaire. C’est cette « Aventure de la terre » que M. Dauphinois souhaitait
précisément vivre le weekend du 1er mai 2010. Il avait en effet réservé deux nuits (le 1er et le 2 mai)
dans un hôtel au cœur de l’Auvergne et se réjouissait de pouvoir passer cette fin de semaine en
famille. Arrivé sur le site le 1er mai, il apprend qu’il a été fermé le matin même car les services du parc
ont enregistré des secousses, laissant penser à un réveil des volcans de la Chaîne des Puys pourtant
endormis depuis très longtemps. Le parc Vulcania reste donc malheureusement fermé tout le
weekend du 1er mai et les responsables attendent l’autorisation pour pouvoir à nouveau ouvrir et
accueillir des visiteurs.
M. Dauphinois vous consulte pour savoir s’il peut obtenir le remboursement du prix de ses
billets d’entrée.

- sur la demande de remboursement :


Contrat synallagmatique – force majeure (extérieur, irrésistible et imprévisible)
Application de la théorie des risques : res perit debitori / risques pèsent sur le débiteur de
l’obligation qui ne peut plus être exécutée en raison de la force majeure (en l’espèce,
Vulcania). Vulcania ne peut prétendre au versement du prix de sa prestation qu’elle n’assure
pas et doit par conséquent restituer le prix qui lui a été versée.

Solution du quizz

1. a. On applique la maxime Res perit domino puisqu’il s’agit d’un contrat de vente (sauf clause
de retard du transfert de propriété/des risques)
2. b. On applique la maxime Res perit debitori, contrat d’entreprise, le joailler supporte les
risques, Mme Gratin n’a pas à payer.

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© H. Tissandier et A.-S. Dallemagne –janvier 2018

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