Giorgio Agamben Guy Lardreau Fictions Philosophiques Et Sciencefiction PDF
Giorgio Agamben Guy Lardreau Fictions Philosophiques Et Sciencefiction PDF
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1988-1989
ÉDITIONS DU SEUIL
27, rue Jacob, Paris VI•
ISBN 2-02-011398-8.
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Giorgio Agamben
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forme d'un ti, mais qu'il doit être évoqué uniquement par l'auto,
c'est-à-dire par une pure anaphore, sans référence propre.
Ainsi voit-on se dessiner clairement l'aporie constitutive de la
thèse de Lacan-Milner, qui veut que Je réel soit supposé à la
fois comme l'un des trois ronds et comme l'instant de leur
dénouage. Le dédoublement apparent du réel que cela implique
n'est pas une conséquence fâcheuse, qu'il s'agirait d'éviter ou de
réduire : il constitue le centre même de la thèse, qu'il ne faut
pas craindre d'assumer sans réserve. Le risque est ici d'autant
plus grand que ce à quoi l'on a affaire est de l'ordre de ce que
Kant appelle une « apparence transcendantale » (transzendentale
Schein) 3, une illusion, pour ainsi dire, inévitable, qui ne disparaît
pas, même une fois qu'on l'a reconnue en tant que telle.
Les auteurs que nous avons évoqués à côté de Lardreau ne
peuvent que s'exposer constamment au danger - auquel aucun
« navigant » qui s'engage vers le « pays de la vérité 4 » ne saurait
se soustraire - de voir le réel tantôt comme ce qui est sous
jacent au dénouage, tantôt comme le dénouage lui-même ; chez
Milner, c'est le « sans nom ni forme» qui advient dans l'instant
d'horreur où le nœud se défait ; chez Badiou, c'est « ce-qui-n'est
pas-l'être » que l'événement fait advenir ; chez Lardreau, enfin,
c'est l'Autre absolu du monde, qui, dans un livre précédent, se
présentait en même temps comme « ce par quoi tout ce qui est
lié se trouve lié » et « ce par quoi tout lien est défait » 5•
Comme le noumène kantien, le réel est un concept limite
(Grenzbegri.ff), qu'on ne peut penser que comme un espace vide
ou excédant (leerer Raum, Raum ubrig), où rien ne peut ni ne
doit advenir. Le « dehors », qui semble se situer au-delà du mur
du langage, n'est pas un autre espace, mais une extériorité pure.
On aurait pu souhaiter que le problème kantien fût thémati
q �ement abordé dans le livre, car la position kantienne de l_a
ra�son pure peut bien être envisagée (ainsi que Kant le fait lm
meme dans la préface à la deuxième édition de la Critique)
comme une expérience parfaitement symétrique de celle dont
Lardreau s'autorise, et qui aurait pour objet non pas le réel, mais
la raison elle-même (Kant l'appelle, en effet, Experiment der
reine_n V�rnunft 6 ) . Si la fiction est une expérience que la philo
sophie fa,t sur elle-même, la tâche à laquelle Lardreau va sans
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