Les Fondements Des Théories Migratoires Contemporaines
Les Fondements Des Théories Migratoires Contemporaines
Les Fondements Des Théories Migratoires Contemporaines
Les fondements
des thories migratoires contemporaines (1)
Victor Pich
(1) Je remercie Olivia Samuel et Martine Rousso-Rossmann pour les commentaires sur la premire
version de ce chapitre.
(2) La migration force appartient un autre paradigme que celui qui domine le champ migratoire
et qui repose sur la notion de prise de dcision rationnelle. Nous y reviendrons.
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
dont nous parlerons plus loin. En outre, le texte fait le lien entre les causes (les
cots et bnfices) et les effets (retour sur investissement). En effet, lauteur
considre la migration comme un investissement qui augmente la productivit
des ressources humaines , investissement qui comporte des cots et rapporte
galement des bnfices. Les cots ne sont pas que montaires et il suggre
de considrer les cots non montaires (cots dopportunit, i.e. le manque
gagner accumul pendant le voyage et durant la recherche et lapprentissage
dun nouveau travail ; cot psychique ). Malheureusement, lide dexami-
ner la fois les causes et les effets sera largement ignore dans les recherches
qui suivront et le champ migratoire restera divis entre la recherche des
causes et celle des effets des migrations.
Une autre proposition de lauteur, elle aussi largement ignore du fait de
cette division, concerne la distinction entre les taux bruts et les taux nets
de migration, distinction qui aboutit un paradoxe. Comme il laffirme, si
lon considre le dpart de 62 500 personnes comme tant la preuve que le
Mississippi est une zone faibles revenus, nous devons accepter, de la mme
manire, que larrive de 51 900 personnes prouve inversement quil sagit
effectivement dun bon endroit o gagner sa vie . En fait, Sjaastad introduit
ici la notion de migration slective : si lmigration concerne surtout des per-
sonnes peu qualifies alors que limmigration est davantage qualifie, le r-
sultat net peut produire une augmentation du revenu par habitant dans la
localit en question. Il conclut alors quil est possible denvisager des condi-
tions qui causeraient une augmentation dautant plus rapide des revenus que
le solde migratoire serait faible .
Lapport le plus significatif de Sjaastad est certainement lintroduction de la
notion de capital humain dans la thorie migratoire afin de contourner la diffi-
cult lie lestimation des bnfices. Ainsi, dit-il, il est particulirement utile
demployer le concept de capital humain et denvisager les migrations, la forma-
tion et lexprience comme des investissements dans le facteur humain . Lapproche
de Sjaastad est explicite sur le postulat de base, savoir que lanalyse des cots
et bnfices individuels nest valable que dans le cas de migrations volontaires
qui, dans une conomie concurrentielle, vise une rpartition optimale des
ressources. Il conclut que les migrations ne peuvent tre tudies isolment ;
les investissements complmentaires dans le facteur humain sont probablement
aussi, sinon plus, importants que le processus de migration lui-mme .
Le texte de Sjaastad, tout comme le texte de Stouffer (1940) sur les op-
portunits intermdiaires ou les facteurs mdiateurs ( intervening opportu-
nities ) ont ouvert la voie au cadre gnral prsent par Everett Lee en 1966
(chapitre 4). La thorie de Lee se fonde sur les caractristiques individuelles
pour expliquer le volume de mme que les courants et contre-courants mi-
gratoires. Partant galement du postulat que la migration est le rsultat dun
calcul individuel fond sur les facteurs dattraction (lieu de destination) et
les facteurs de rpulsion (lieu dorigine), cette valuation des facteurs sap-
parente grandement lanalyse cot-bnfice suggre par Sjaastad (1962),
mme si lui-mme nutilise pas ce vocable (5).
(5) Lee fait allusion dans son texte au fait que la dcision de migrer nest pas tout fait rationnelle,
mais cet aspect sera compltement vacu dans la suite de son argumentation.
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
(6) Pour qui sintresse lhistoire des ides, les rfrences bibliographiques donnes par Zelinsky,
dont la plupart sont aujourdhui oublies, constituent un bon point de dpart.
(7) En ce qui concerne lexemple africain, on peut consulter lexcellent ouvrage dIttmann, Cordell
et Maddox, 2010.
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salaire vers les rgions dveloppes, ne sest pas ralise. La pnurie de main-
duvre peu qualifie dans certains secteurs des conomies dveloppes sest
certes avre relle, mais Zelinski na pas prvu que les tats du Nord labo-
reraient des programmes de travailleurs migrants temporaires pour combler
ces besoins. Nous reviendrons sur ce point dans la prochaine section.
Malgr le vocabulaire ancien et dpass de larticle de Zelinski, sa contri-
bution est significative deux niveaux. Dans un premier temps, il propose
dintgrer la migration au sein de la thorie de la transition dmographique
prise dans son ensemble. Il se rfre dailleurs la thorie de la rponse mul-
tiphase ( multiphasic response ) de Davis (1963) qui relie lensemble des com-
portements dmographiques (fcondit, mortalit, migration) aux contextes
historiques de chaque socit.
Dune part, cette hypothse permet de dpasser la fragmentation du
champ dmographique en faisant appel la notion de rgime dmographique.
Selon les poques, chaque socit dveloppe des stratgies de reproduction
dmographique en combinant les mcanismes reproductifs que sont la fcon-
dit, la mortalit et la migration. Ainsi, la migration nest pas une stratgie
isole : elle est articule aux autres comportements. Les rgimes dmogra-
phiques constituent le rsultat de lensemble des stratgies : par exemple, dans
une socit non marchande o le travail domestique prdomine, les enfants
sont des atouts (do une fcondit leve), et tout est fait pour viter la mort
selon les connaissances en cours. Avec la montarisation de lconomie, la mi-
gration des membres de la famille viendra complter les besoins montaires
(Gregory et Pich, 1985).
Dautre part, lintuition initiale de Zelinski a t suivie, quoique de faon
fort limite, par des travaux tentant dtablir une thorie plus gnrale de la
transition dmographique. On pense ici aux rflexions thoriques de Walter
Mertens (1995) qui tente dtendre la notion de transition dmographique
lensemble des composantes dmographiques. Il parle alors de trois transi-
tions fondamentales : (1) la transition dmographique au sens strict, incluant
la transition de la fcondit (transition familiale, transition dans le rle des
femmes), la transition de la mortalit (transition de sant, transition pidmio-
logique) et la transition des ges ; (2) la transition de la population active ; (3) la
transition urbaine (transition migratoire). Outre lidentification des diverses
transitions, limportant est de montrer que ces transitions interagissent, pro-
duisant ainsi une thorie globale du changement dmographique.
Enfin, mme si sa prsentation de la thorie de la transition dmogra-
phique (vitale) est aujourdhui largement dpasse, celle de la transition de la
mobilit est intressante, surtout dans sa phase avance. Malheureusement,
peu de travaux ont suivi cette voie. Les travaux dAlan Simmons constituent
une exception. Dans un texte publi en 1995, Simmons adopte une approche
historique faisant le lien entre les diverses phases du dveloppement du capi-
talisme. Il affirme que si lobjectif est danalyser la migration internationale
et le rle de ltat sur une longue priode, lutilit de la thorie du systme
monde ne fait pas de doute. En revanche, la thorie de la nouvelle division
du travail, bien dveloppe par Cohen (1987), apporte un clairage plus
concret pour comprendre le statut des migrants, leur place dans la structure
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(9) Voir se sujet lchange entre Sanders et Nee (1992) et Portes et Jansen (1992).
(10) Cette revue de littrature sera reprise et largie dans un ouvrage incontournable, savoir
Massey et al., 1998.
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(11) Bourdieu aborde la question de capital social dans ses nombreux travaux quil serait trop long
de citer ici. Parmi ses premires bauches, voir Bourdieu (1980).
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(12) Pour un tour dhorizon sur ltat du trafic des tres humains dans le monde, voir Laczko et
Gozdziak, 2005.
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(13) Les 102 chapitres prsents dans les quatre volumes colligs par Zimmermann et Bauer en
2002 illustrent ltat du dbat et surtout la divergence dans les apprciations des effets
conomiques.
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LES THORIES DE LA MIGRATION
2. Migration et dveloppement :
le cas des pays en dveloppement
Dans les pays en dveloppement, les dbats sur les effets conomiques de
la migration ont pris une tournure radicalement diffrente. Ce nest plus la
situation des rgions dimmigration qui proccupe les chercheurs, mais plutt
les liens entre lmigration et le dveloppement dans les rgions dmigra-
tion. Cela na pas toujours t le cas, comme en tmoigne le texte dOberai et
Manmohan (1980, chapitre 14). Comme ils laffirment :
Jusqu prsent, les recherches consacres aux migrations des
campagnes vers les villes dans les pays en dveloppement ont sur-
tout vis les effets de ces mouvements sur les rgions de destinations,
en particulier les conomies urbaines.
Ainsi, on a accord beaucoup moins dattention aux effets quils produi-
saient dans les zones rurales. Le grand mrite de ce texte est justement de
renverser la problmatique en considrant les liens entre les migrants et les
zones de dpart travers la notion de transferts montaires qui constituent,
selon eux, lun des vecteurs cl de limpact de lmigration dans les pays en d-
veloppement. On doit donc aux auteurs le mrite davoir initier les premires
rflexions ce sujet. Leffet prcis de ces envois de fonds sur lconomie rurale
est difficile dterminer a priori. Ils peuvent sajouter des investissements
productifs visant dvelopper et diversifier lagriculture ou des activits
non agricoles dans les zones rurales, tre consacrs au logement ou lduca-
tion ou, tout simplement, servir soulager la misre de ceux qui restent dans
les villages. Ainsi, les transferts peuvent aussi tre utiliss de faon improduc-
tive, et ce sera lun des leitmotivs des recherches venir, savoir comment
rendre plus productifs les transferts montaires.
Les auteurs mentionnent que le migrant saisonnier ou objectif limit
peut commencer envoyer des fonds assez rapidement, ide qui sera reprise
par plusieurs auteurs dont Portes (2009) qui, dans son bilan de la recherche,
conclut que la migration temporaire est celle qui produit le plus deffets po-
sitifs. Oberai et Manmohan mentionnent galement que leffet relatif des en-
vois de fonds est plus grand sur les mnages les plus pauvres ; il y aurait donc
une amlioration visible de la rpartition du revenu lintrieur de la catgo-
rie des mnages dmigrants.
quoi servent les transferts de fonds ? Selon les donnes prsentes par
les auteurs, plus des trois quarts des mnages dpensent les fonds quils ont
reus en nourriture et en vtements et plus dun quart en articles mnagers,
la seule autre rubrique dune certaine importance tant les crmonies et
mariages . Seule une faible proportion des mnages (6,1 %) les consacre
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(14) Pour une revue plus ancienne tendue lensemble des rgions du monde, voir Massey et al.,
1988, chapitres 8 et 9.
(15) Pour une excellente synthse critique de cette littrature, voir Hran, 2002.
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
natif type sont peine affects par lentre dimmigrants sur le march du
travail local. Cette dcouverte inattendue soulve une question importante :
pourquoi les preuves empiriques et les ides rpandues dans le dbat politique
divergent-elles ce point ? Toujours selon Borjas, labsence de tout effet ngatif
substantiel sexplique peut-tre, de la manire la plus plausible, par le fait que
limmigration aux tats-Unis au cours des deux dernires dcennies, bien
quimportante et croissante en taille, a constitu une composante relative-
ment modeste des changements dmographiques, particulirement en termes
de contribution de limmigration la croissance de la population active.
En revanche, les immigrants sont susceptibles davoir un effet ngatif,
quoique faible, sur leurs propres revenus. En dautres termes, les immigrants
sont plus substituables eux-mmes qu des natifs. Plusieurs travaux ont ga-
lement montr que limpact de limmigration peut avoir un effet dpressif sur
les revenus des travailleurs natifs moins qualifis, mais encore une fois, les
effets demeurent minimes, voire mme ngligeables (Card, 2009).
Il faut reconnatre que Borjas a quelque peu chang dide depuis cette pu-
blication (Hran, 2002, p. 55). Dans son livre publi en 1999, intitul Heavens
Door, Borjas est devenu plus ngatif face limmigration, rclamant une im-
migration davantage slective en faveur des plus qualifis. Malgr le caractre
trs scientifique, et parfois trs conomtrique des tudes, les points de vue
sur les effets de limmigration sont devenus parfois virulents. Entre autres,
on a pu constater laffrontement entre deux conomistes rputs, Borjas dun
ct, et Card de lautre (16). Bref, le dbat nest pas clos. Si Borjas reste la rf-
rence dans ce domaine, la littrature conomique sur les diffrences de reve-
nus entre natifs et immigrants demeure contradictoire.
Dans les pays en dveloppement, la problmatique de limpact de la mi-
gration au niveau individuel a pris une orientation un peu diffrente. Dune
certaine faon, le dbat se ressemble dans la mesure o saffrontent les points
de vue ngatifs et positifs. Mais il diverge en ce quil se concentre sur le sort
des populations migrantes dans les marchs de travail des grandes villes. La
perception principale concernant les liens entre migration et emploi dans
les pays moins dvelopps a longtemps t le faible potentiel dinsertion des
migrants et des migrantes dans un march de travail dj limit, voire sa-
tur. Dans cette approche, lexode rural participe la cration dun chmage
urbain massif et la marginalisation dune portion importante des popula-
tions urbaines (17). Cette conception de la non-insertion pose nanmoins
un dilemme important : comment expliquer lafflux constant de populations
migrantes dans les villes des pays pauvres si la seule perspective est la pau-
vret extrme ? Depuis le milieu des annes 1980, de nombreuses recherches
ont montr la faon dont les migrants dveloppent leur capacit dinsertion
en milieu urbain par la prolifration des petites entreprises informelles
(Portes et Benton, 1984 ; Portes et Schauffler, 1993)(18). Un deuxime courant
(16) Voir Card, 2005 ; voir galement le compte rendu de ce dbat dans Lowenstein, 2006.
(17) Cette perspective est partage autant par les thories noclassiques de lhyperurbanisation
(e.g. Bairoch, 1973) que par les thories marxistes prsentant les populations migrantes comme
les exclus de lconomie urbaine moderne (Gregory et Pich, 1978).
(18) Mentionnons le texte fondateur de Hart (1973).
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(19) Cette hypothse est particulirement bien dveloppe dans les premires formulations du
modle de Todaro (1969).
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
(20) Le nom de Bonacich est galement rattach ce type de recherche (Bonacich et Modell, 1980).
(21) Au Canada, ce sont les travaux de Jeffrey Reitz (1980 et 1998) qui ont le plus marqu la re-
cherche sur lentreprenariat ethnique.
(22) Bien que le concept denclave ou dconomie ethnique ne soit pas prsent, les travaux
dAlain Tarrius ont trait des rseaux commerants informels entre le Maghreb et lEurope, don-
nant naissance une nouvelle expression de mondialisation par le bas (Tarrius, 1992).
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entre migration et dveloppement dont nous avons parl plus haut, Castles a
dj suggr que rien ne prouvait que la migration contribue en quoi que ce
soit au dveloppement des rgions dorigine. Cest plutt par des politiques de
dveloppement conomique et social que lon pourra sattaquer aux probl-
mes de dsquilibres entre les rgions du monde.
Les hypothses de Castles sont encore trs pertinentes dans le monde
actuel. Deux courants de recherche se sont particulirement dvelopps.
Dabord, presque tous les travaux sur les facteurs dinsertion conomique sug-
grent que la discrimination joue un rle important dans les difficults din-
sertion de certains groupes dimmigrants, en particulier ceux que lon appelle
les minorits visibles, selon le vocable en vogue en Amrique du Nord. Les
travaux sur linsertion conomique des immigrants montrent que leffet net
de lorigine nationale demeure mme aprs le contrle des autres facteurs,
indiquant ainsi que la discrimination touche certains groupes, notamment
ceux provenant des pays en dveloppement (Pich, Renaud, Gingras, 2002 ;
Richard, 2004). Le deuxime courant porte sur les effets de limmigration sur
les identits nationales. Ici aussi, les dbats sociaux et politiques sont particu-
lirement virulents entre les tenants du pluralisme et ceux qui pensent que
limmigration remet en question les valeurs nationales. La monte des partis
dextrme-droite un peu partout dans le monde sappuie entre autres sur des
discours anti-immigration, parfois lis lislamophobie.
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
(23) Pour une tude de cas dtaille de lAfrique de lOuest, voir Kabbanji, 2010.
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LES THORIES DE LA MIGRATION
(24) Les 3 D correspondent en anglais aux termes dirty, difficult and dangerous
(25) Pour une analyse plus approfondie sur les interventions des Nations-Unies en matire de
multilatralisme, voir Pich (2009).
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
(26) Kabbanji (2011) prsente une synthse dtaille des politiques migratoires dans le contexte
de lintgration rgionale.
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Comme nous lavons dit, cest le spectre de la monte des flux migratoires
irrguliers (clandestins) qui faonne une partie du discours politique actuel
et sert justifier les mesures restrictives. Malheureusement, la recherche
scientifique concernant ces flux migratoires fait dfaut. Le texte de Georges
Tapinos (2000) est une exception et complte bien les analyses de Bimal
Gosh, surtout en ce qui concerne les migrations irrgulires (chapitre 21).
Selon Tapinos, examiner les enjeux conomiques et politiques de la migration
clandestine, cest sinterroger sur ce quil y a de spcifique dans la migration
clandestine par rapport la migration rgulire. Au-del des problmes de
mesure, cest limpact conomique de la migration irrgulire qui fait souvent
lobjet de dbats. Pour lauteur, les avantages de la migration irrgulire se
trouvent du ct de lemployeur. Ltat dirrgularit est propice des pra-
tiques discriminatoires, compte tenu de la situation de prcarit du migrant
irrgulier et de son faible pouvoir de ngociation.
Selon lui, les migrants employs irrgulirement sont un des lments de
lconomie souterraine, ils nen sont pas la cause. Cependant, lexistence dune
conomie souterraine renforce la possibilit de recruter des migrants clan-
destins et ce, dautant plus que les rseaux de migrants facilitent lembauche
de ceux-ci dans le secteur informel. la question pose prcdemment par
Borjas concernant limpact de lemploi des immigrants clandestins sur lem-
ploi et les salaires des natifs et des immigrants lgaux, Tapinos propose une
rponse positive. La conclusion de Tapinos va dans le sens de celle de Gosh.
En effet, le problme de la matrise des migrations ne se pose pas de faon
bilatrale : la gestion de la migration internationale passe par la coordination
entre les gouvernements. Il sagit donc dune gestion multilatrale, car selon
Tapinos, il est anachronique denvisager le contrle de limmigration exclusi-
vement en termes de souverainet.
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
(27) Nous reprenons ici les analyses prsentes dans Pich, 2004.
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Genre Genre
Facteurs Rseaux/ Facteurs
macro- Capital micro-
structurels (B1) social (B3) individuels (B2)
Rtroaction/Causalit cumulative
Rtroaction/Causalit cumulative
Retours/transferts
Genre Genre
Facteurs Rseaux/ Facteurs
macro- Capital micro-
structurels (C1) social (C3) individuels (C2)
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
la socit dorigine, les facteurs tels que : les niveaux de dveloppement, din-
dustrialisation, durbanisation et de scolarisation ; les systmes politiques ; les
politiques de ltat affectant les migrations ; les guerres ; les catastrophes na-
turelles , etc. Pour la socit daccueil, des exemples de facteurs (C1) seraient
les conditions conomiques et dmographiques, la segmentation du march
de travail, le degr de pluralisme, les niveaux de discrimination, durbanisa-
tion et de stratification, les politiques gouvernementales et, en particulier, la
demande de main-duvre et les politiques dimmigration. Les travaux de
Sassen, Castles, Gosh, Zolberg et al. et Tapinos identifient plusieurs de ces
facteurs macro-structurels.
Les caractristiques pr-migratoires individuelles (B2) rfrent essen-
tiellement au capital humain (lducation, la qualification professionnelle,
lexprience de travail), aux origines sociales et aux caractristiques dmo-
graphiques. Il en va de mme pour les caractristiques post-migratoires
individuelles (C2) qui comprennent les mmes caractristiques quau dpart,
mais qui doivent tre rengocies dans la nouvelle socit. Par ailleurs, il faut
ajouter le statut dimmigration qui constitue une variable cl de lintgration.
Il sagit, la plupart du temps, de thories mettant laccent sur le capital humain
(Sjaastad) ou sur les analyses rationnelles des cots et bnfices ralises par
le migrant individuel (Lee).
Les variables de rseaux impliquent les conditions dans lesquelles sef-
fectue la migration en tant que tel (B3) et le processus dintgration dans la
socit daccueil (C3). Dans les deux cas, il sagit essentiellement du rle de
la famille, des rseaux formels (les glises, les communauts ethniques, les
syndicats, les associations patronales, etc.) et des rseaux informels (les in-
termdiaires, les amis, etc.), lensemble de ces facteurs constituant le capital
social. En gnral, les rseaux sont supposs faciliter lmigration ( lorigine)
et lintgration ( la destination). On retrouve ici les contributions essentielles
de Stark et Bloom, Boyd et Massey. Par ailleurs, en accord avec la critique de
Krissman (2005), ces rseaux peuvent galement comprendre des passeurs et
des employeurs peu scrupuleux, contrecarrant les projets des migrants.
Le genre constitue un facteur-cl et se situe la fois entre les facteurs de
rseau et les facteurs micro-individuels, dune part, et entre les rseaux et les
facteurs macrostructurels dautre part. Comme lont montr Morokvasic et
Boyd, il ne sagit pas uniquement de considrer le sexe comme une variable
individuelle comme les autres, mais bien comme une construction sociale
refltant les rapports hommes-femmes et la division sexuelle du travail tant
dans la socit dorigine que dans la socit daccueil.
Tous les types de facteurs mentionns ici expliquent, chacun leur ni-
veau, les modalits multiples dintgration des immigrants (Wilson et Portes).
Ils interviennent galement pour comprendre les effets de limmigration
tant sur les revenus des natifs (Borjas) que sur la structure sociale (Castles et
Kosack). Le schma fait galement une place centrale au temps et la dure :
le processus dintgration est fortement fonction de la dure de sjour dans
la socit daccueil, de mme que limpact de la migration ne se comprend
qu long terme. Malheureusement, peu dtudes incorporent cette dimension
dans leurs analyses.
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LES THORIES DE LA MIGRATION
Conclusion
Les textes fondateurs prsents ici sarrtent lan 2000. Est-ce dire que
depuis cette date il ny a pas eu de dveloppement thorique important dans
les tudes migratoires ? Si lon se fie aux revues de littrature qui ont vu le
jour depuis 2000, on serait tenter de rpondre par laffirmative. Si on ana-
lyse, par exemple, louvrage dirig par Alejandro Portes et Josh DeWind en
2007, ou encore celui de Corrado Bonifazi, Marek Okolski, Jeannette Schoorl
et Patrick Simon paru en 2008, les thmes traits ne se dmarquent pas de
ceux quont abords les textes fondateurs. Dune certaine faon, on peut dire
que les chercheurs ont leur disposition un corpus thorique fort dvelopp
quil sagit maintenant dapprofondir et surtout dappliquer dans des contextes
historiques et gographiques spcifiques.
Deux dimensions de la migration mriteraient dtre davantage thorises
dans lavenir. La premire dimension a trait lapparition du nouveau para-
digme migratoire dont nous avons parl, savoir celui de la mondialisation
des flux migratoires, qui est en train de changer fondamentalement la donne
en ce qui concerne le rle des migrations internationales dans les socits
actuelles. Mme si quelques auteurs ont abord cette question, il reste lim-
portant dfi dexpliquer les tendances actuelles. En particulier, deux ques-
tions doivent tre davantage tudies : (1) quels sont et seront les nouveaux
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CHAPITRE I LES FONDEMENTS DES THORIES MIGRATOIRES CONTEMPORAINES
Rfrences bibliographiques
Les rfrences prcdes dun * reprsentent les chapitres inclus dans le prsent ouvrage
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