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LEMPATHIE

Aprs la lecture du livre de S. Tisseron Lempathie au cur du jeu social , j'ai eu envie de partager
quelques notes que javais prises, qui constituaient des lments de rflexion sur la complexit de
lempathie.
Cette lecture est un point de dpart. Mais des questions importantes restaient en suspend, alors jai
complt ce thme avec dautres apports. Il sagit au final dune recherche largie, sans toutefois tre
exhaustive sur un thme qui me tient cur et que je continue dexplorer.

Le premier postulat est qu'il ny a pas de communication russie sans empathie, que cest une
composante essentielle pour que les mondes de chacun puissent se rejoindre, si lon admet que la
communication est rellement laction dtablir une relation avec un autre, de se mettre en lien.

Une empathie riche et nuance associe dans de bonnes proportions plusieurs dimensions
complmentaires, dont la dlicatesse et lattention savoir respecter le rythme de lautre.
De plus, accepter dtre surpris, ce qui arrive lorsque deux tres humains entrent en contact, et accepter
de ne pas contrler ses proches sont les premiers pas vers la sagesse, et cest aussi cela, lempathie.

Lempathie est complexe, multifactorielle : son absence tout comme son excs peuvent tre la cl de
certains troubles en psychopathologie, quil sagisse de lincapacit ressentir des motions, se
reprsenter celles dautrui tout comme lincapacit distinguer le soi dautrui.

Lempathie reprsente, pour le thrapeute, une disposition centrale et incontournable dont il convient de
cerner la juste mesure. Je reviendrai sur la question de la juste distance.

Dfinition :

Lempathie se dfinit comme la capacit comprendre les motions, sentiments et sensations dautrui,
sans confusion entre soi et lautre, grce la perception du milieu environnant de lautre, ou lintuition
de ce quil prouve dans ses tats affectifs. Elle permet la perception immdiate de son actualit
affective, de sa manire dtre au monde et constitue ainsi un puissant moyen de communication.

La rponse empathique aux tats affectifs d'autrui peut se produire sans que l'on ressente soi-mme la
mme motion ou mme une motion quelle qu'elle soit. En toute rigueur, l'empathie motionnelle peut
ne pas tre du tout dirige vers le bien-tre d'autrui l'inverse de la sympathie et se mettre la place de
lautre nest pas forcment prouver ses motions. En cela, elle permet danticiper et de comprendre les
ractions dautrui. Ainsi il est possible de comprendre que faire acte de sadisme requiert une capacit
empathique pour connatre le ressenti dautrui, en l'occurrence la souffrance, et d'en tirer un plaisir. La
capacit connatre lautre peut tre utilise au service de redoutables perversions et sappelle quand
mme empathie.

Cest en cela quelle diffre de la sympathie, qui consiste aussi comprendre les affects d'une autre
personne mais comporte une dimension affective supplmentaire. Alors que l'empathie repose sur une
capacit de reprsentation de l'tat mental d'autrui indpendamment de tout jugement de valeur, la
sympathie est une rponse motivationnelle qui vise donc amliorer le bien-tre de lautre.
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L'objet de l'empathie est la comprhension. L'objet de la sympathie est le bien-tre de l'autre. En

somme, l'empathie est un mode de connaissance ; la sympathie est un mode de rencontre.

L'empathie se diffrencie de la contagion motionnelle. Le fou rire est un exemple de contagion

motionnelle : un sentiment de gat est ressenti par deux personnes. La colre peut parfois se propager
par contagion galement. On parle de contagion motionnelle quand il ne sagit pas de la comprhension
dun tat affectif, mais dun transfert motionnel spontan et involontaire.

En 1970, Marvin Simner a montr que des nouveau-ns de 5 jours se mettent pleurer en entendant
dautres nouveau-ns pleurer. Puis en 1987, une srie dtudes de Grace Martin et Russel Clark tablit
que les nouveau-ns ne ragissent pas aux pleurs des chimpanzs, ni aux enregistrements de leurs
propres pleurs, ni aux pleurs dun bb plus g. Sagit-il de contagion motionnelle ou dune rponse
affective envers autrui qui on peut sidentifier ? Ces rsultats montrent que le nouveau-n possde les
deux aspects essentiels lexpression de lempathie : le partage dmotion avec les personnes avec
lesquelles il peut sidentifier et la distinction implicite en soi et autrui. On parle dveil empathique. Ces
capacits vont continuer se dvelopper. (source : Jean Decety)

S. Tisseron nomme empathisme lattitude qui consiste vouloir apporter absolument une aide. Laide
apporte nest alors plus un moyen dentrer en relation mais un but. Cette attitude fausse la perception
de ce dont lautre a besoin pour le remplacer par ce quon pourrait bien faire pour lui, dans une forme de
volontarisme totalitaire. Il prend lexemple dune personne ge, contrainte de traverser parce quelle est
arrte devant un passage piton.alors que ce nest pas son intention !
Une autre forme dempathisme est celle vcue par une personne qui se sent devine par la
comprhension de lautre et le supporte trs mal, le vivant comme une intrusion insupportable. En cela,
lexercice de lempathie ncessite de la dlicatesse.

La compassion est diffrente. Etymologiquement, cela vient du latin cum patior je souffre avec ; la
compassion peut pousser agir pour soulager les souffrances de lautre, dans une raction de solidarit
active. Mais elle peut galement provoquer une affliction si forte que la capacit aider est altre, voir
neutralise. Il existe galement une dimension religieuse de la compassion.

Le : je ne voudrais pas tre sa place est autre chose que lempathie (surtout sil sagit du regard
pos sur un handicap). Cest mme son exact oppos : il sagit de la commisration, voire pire encore,
de la piti. Ce nest pas tre sensible ce que lautre ressent, cest mme tenter dy chapper.
Il sagit dune faille dans la construction de lestime de soi-mme, base sur la supposition quil y a des
individus suprieurs et dautres infrieurs. Le sentiment de supriorit, rarement prouv comme tel, est
le plus souvent masqu par un autre : la piti. La piti consiste percevoir les autres comme infrieurs
soiet les plaindre sincrement. Elle vite la culpabilit quil y aurait se sentir suprieur. En plus,
elle fait du bien celui qui lprouve, qui se sent gnreux. Le problme est que ceux qui en sont lobjet
se sentent juste titre incompris. Lempathisme lgard des handicaps fournit un contingent
dindigns permanents, principaux bnficiaires du sentiment dtre justes et bons. Le fantasme de
rparation, tout comme la piti et la charit, rconforte surtout celui qui lprouve.

La synchronisation des corps est prconise dans certaines techniques, comme la PNL. En imitant son
interlocuteur, on le met en confiance et il baisse la garde. La voie de la manipulation est ouverte, et cest
sans doute un cueil connatre.
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Physiologie et pathologie

Lempathie est habituellement prsente comme ayant 2 visages :

- dune part, la composante cognitive. Cest--dire celle qui nous permet davoir une reprsentation du
fonctionnement mental et affectif de nos interlocuteurs Elle est extrmement utile car elle permet de
comprendre la manire dont chacun se situe ;
- dautre part, une composante motionnelle ou affective, celle qui nous fait entrer en rsonance avec les
tats sensoriels et motionnels et nous permet dtre affect par nos semblables.

Lempathie affective complte, pour S. Tisseron, comporte 3 tages :

Le premier est la capacit de tout tre humain ressentir ce que lautre prouve, en se mettant sa place.
Le second est lempathie rciproque qui suppose de renoncer contrler autrui et daccepter qu'il puisse
se mettre ma place.
Enfin, le troisime est lempathie extimisante : jaccepte que lautre me rvle moi-mme. Lempathie
est alors une construction mutuelle et dynamique beaucoup plus complexe que le seul fait de
ressentir ce que lautre prouve .

Ces 2 composantes, lempathie cognitive et lempathie affective, se construisent en plusieurs tapes

successives, diffrentes dans les 2 cas. Cest pourquoi elles peuvent si facilement tre dissocies. Pour
comprendre les diverses formes et tapes de lempathie, lthologue Frans de Waal propose limage de
la poupe russe. Dans le modle propos par De Waal, la poupe la plus profonde celle qui est au
cur- est constitue par la propension rpondre ltat motionnel dautrui par un tat motionnel
semblable.

La seconde tape serait la distinction entre soi et lautre, repre par lexprience du miroir, et donnerait
la possibilit de venir en aide un congnre. Lempathie exige linhibition momentane de son propre
point de vue tout en gardant le sentiment de soi. Elle est une double sensation vcue dans le corps et
lesprit.
Son absence extrme signe lautisme. On retrouve galement des dficits motionnels lors de lsions
vasculaires crbrales, un dficit dans lexpression des motions ou une perturbation du ressenti
motionnel lis des lsions du cortex. Linhibition sociale, lindiffrence, lincapacit comprendre
autrui sont des tmoignages de linsuffisance dempathie.
A linverse, le syndrome de Stockholm montre bien une perte de repres, avec une identification
lagresseur et une empathie extrme. La situation particulirement stressante et la proximit que
constitue la prise en otage dclenche un sentiment de dpendance affective, didentification et /ou de
fascination chez la victime.

De nombreux dangers guettent lenfant dnu dempathie pour lui-mme :

- A dfaut de savoir ce quil dsire vraiment, il est menac de faire confiance aux jugements dun autre.
Il risque de faire aveuglment confiance un chef de bande. Il peut la limite adopter une attitude de
cruaut sans tats dme si cest ce que son chef ou sa collectivit attend de lui. .
- Il risque de percevoir le manque de comprhension son gard de manire errone. Lorsquil se sent
incompris, il ne rapporte pas cette situation aux limites intellectuelles ou motionnelles de son
interlocuteur, mais se convainc aussitt que son interlocuteur a des intentions sadiques son gard.
- Chaque rprimande lui donne limpression dtre humili et entrane une raction arrogante, voire
mme agressive.
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- Lnergie quil mettra pour malmener un autre enfant est souvent le moyen le plus simple quil a
trouv pour se dbarrasser dune partie de lui-mme qui langoisse au plus haut point : une partie battue,
crase, impuissante, bref, honteuse.

Chez lenfant ayant manqu dempathie, tout est mis en place pour un cercle vicieux sans fin enchanant
des agressions de plus en plus graves avec des punitions toujours aussi inefficaces. Ces comportements
peuvent bien sr se prolonger voire s'amplifier l'tat adulte.

Des programmes existent pour tenter de rduire les violences lcole.

1 - Une mesure que S. Tisseron juge proccupante : identifier le plus tt possible les jeunes qui
manquent dempathie afin de leur proposer des mdicaments.
2 - Des programmes pdagogiques axs sur la gratification proposs dans certains pays. Les
encouragements sont en effet plus efficaces que les punitions pour modifier les comportements.
3 - Un autre moyen est de renforcer le sentiment dappartenance.

Le problme de ces programmes est que cela risque de produire une aptitude sociale de faade plus
quune relle disposition empathique. Lenfant apprend manifester des attitudes sociales adaptes
lorsquun adulte est prsent, mais peut adopter une attitude agressive aussitt quil se sait protg. Les
comportements appris sont en effet coups des racines profondes de la personnalit et susceptibles dtre
abandonns aussitt que la situation le permet.

Cependant, partant de ces essais, on peut conclure que lempathie peut sapprendre, et ce tire, quelle
doit tre enseigne. Et il faut pour cela mobiliser le corps et certainement pas se contenter dapprendre
lenfant des formules de politesse qui linciteraient plutt lhypocrisie sociale. Idalement avant 4 ans,
en utilisant des scnes imagines et mis en scnes par les enfants, accompagns dadulte, au cours
desquels ils joueront tour de rle chacune des positions : victime, bourreau.

Notre formation en APO nous ouvre la mise en mouvement du corps lors des sances, laccs
lempathie et son intgration grce aux outils dont nous disposons.

Lempathie dans notre pratique

La peur de se trouver dbord ou manipul par les motions dautrui peut inhiber la capacit
dempathie. Peur intense de la fusion ou angoisse dtre rduit un objet passif et manipulable, cela
parle sans doute de la valorisation de lindpendance. Le psychanalyste anglais Mickal Balint la
compris et ne dfinissait pas la maturit comme le fait dtre indpendant, mais comme celui daccepter
notre dpendance vis--vis de ceux qui nous font du bien.

Le contact avec la souffrance humaine est confrontant.

Si les mdecins des services des urgences se mettaient prouver les douleurs de leurs patients, ils
seraient vite paralyss ! Il sagirait certes de compassion plutt que dempathie.
Pour soccuper rapidement et efficacement des cas qui leur arrivent, ils doivent tre capables la fois
de comprendre et ressentir la ralit du malade et rester centrs sur les actes accomplir pour le
soulager. Cest un exercice qui peut tre, on le comprend aisment, trs prouvant. Des sances de
dbriefing reprsentent bien sur un accompagnement salutaire.
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Le principal outil du thrapeute cest la relation. Lempathie est un des leviers qui aide baliser le
terrain de la rencontre, constituant une scurit minimum pour ne pas mettre en danger le sentiment
dexister tel quil sest construit et donc la reprsentation que la personne a de son identit. Cest dans la
relation au thrapeute et essentiellement dans la faon dont celui-ci exerce son empathie que son
interlocuteur peut se sentir accompagn la fois dans une distinction entre pense et ralisation et dans
un processus quilibr entre subjectivit et inter subjectivit, dans une distinction des places et des
temps.

Dans le champ thrapeutique, lempathie permet de ractualiser la construction du processus

dattachement en ractivant ou en crant progressivement une base de scurit centre sur lautre, utile
si le patient a manqu dempathie. Si le thrapeute oublie la valeur des stratgies du patient dans leur
relation, il peut prendre de la distance de crainte de simposer ou au contraire imposer son ressenti tant il
redoute de le voir agir ; dans les deux cas il est en difficult pour moduler la double dimension de
lempathie. Cette mise en place est sous la dpendance dune matrise cognitive du thrapeute et
tmoigne du travail opr sur ses propres reprsentations et de sa possibilit de grer lempathie en
chappant la rptition de lhistoire du sujet.

Il sagit daccompagner lautre dans le ddale de ses stratgies dattachement en essayant de ne pas sy
perdre. Le travail va justement consister ce que le client vive, souvent linverse de ce quil a
expriment dans son histoire, que la distance prise par le thrapeute ne renvoie pas un abandon ou
une agression mme si dans un premier temps il ne peut que la ressentir ainsi. Il importe ce moment de
maintenir la continuit de la prsence, de moduler ventuellement laccompagnement. Ce qui est source
de scurit est que le thrapeute laccueille et reste reli, mme sil a un ressenti diffrent.

La sympathie facilite certainement la mise en place et la poursuite de la relation ; lantipathie ou la

rpulsion devant des aspects physiques, psychologiques, comportementaux jouent linverse un rle
inhibiteur. Il est alors plus facile de faire preuve dempathie si lon est susceptible de reprer et de
comprendre les processus motionnels (positifs ou ngatifs) qui ne manquent pas de sintroduire dans la
relation. Au niveau thrapeutique, lexistence dune empathie totalement vierge dimplication
motionnelle semble cependant aussi illusoire quune empathie dbouchant sur la possibilit dtre
littralement dans la peau de lautre. Les ressentis ngatifs du thrapeute , sils ne peuvent tre
vits, doivent tre reconnus quand cela se produit et utiliss alors comme un vritable outil. Se donner
les moyens daccueillir des prouvs, comprendre ventuellement la place quils occupent, ne saurait se
confondre avec le fait dapprouver ou de tolrer les mises en acte qui peuvent en dcouler.

Lempathie se construit dans le contenant psychique que le thrapeute offre son patient.

Une empathie authentique comporte avant tout la sparation et la diffrenciation, l'attention et la

capacit de maintenir une pense thorique oprationnelle. Cest la capacit de savoir donner un nom
aux choses dans de bonnes conditions de contact avec elles.
Lempathie doit tre matrise :
- la tentation peut tre de souhaiter tre le bon parent, en opposition aux imagos parentales. Il ne sagit
pas de combler les manques de lenfance du client par des satisfactions substitutives. Ce dsir de trop
grande identification fusionnelle peut aussi cacher un dsir narcissique de supriorit et de domination :
je peux tout donner, tout accepter, ainsi je suis suprieur
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- Lempathie ne doit pas bloquer lvolution du patient. Il faut parfois que le client puisse se librer de
sa haine et que cette haine puisse tre supporte par le thrapeute sans rejet du patient mais en
lacceptant sereinement, pour quainsi la haine perde son pouvoir terrifiant.
- Le syndrome de lescalier dcrit par Chiland illustre un autre aspect de la juste mesure dans
lempathie : Le patient a le sentiment davoir livr trop de choses dun coup, probablement encourag
par le thrapeute trop empathique et il le ralise dans laprs-coup avec un sentiment massif de honte et
de culpabilitLespace idal entre les deux psychismes doit assurer une bonne identification avec une
bonne matrise des interventions, tout en gardant la juste distance qui permette de ne pas trop se noyer
dans et avec lautre et, ainsi, lui permettre de bouger et dlaborer ses difficults.

Au cours de la thrapie, la manifestation par le client dune forme dempathie lgard de son
thrapeute ou de son entourage constitue un repre prcieux dans lvolution de la mise en place de
lintersubjectivit mais lindication de la relever explicitement doit tre rflchie.

Lempathie au 21e sicle :

Quelle empathie pour demain ?

- Dans nos cultures dmocratiques, la gnralisation de la surveillance reprsente un danger. Le contrle

de lidentit, et la mise en fiche dinformations centralises dans des banques de donnes qui nous
chappent, banalise la surveillance. Dans le mme temps, des informations circulent et nous chappent.
Le danger est une mise mal de la confiance et un sentiment de suspicion.
Ainsi risque de sinstaurer une socit de la paranoa.

- Sur les sites de rencontre, la connaissance verbale et intellectuelle prime sur la connaissance sensible.
Le logiciel vous dit quand vous pouvez vous engager en vous informant, en mme temps que votre
partenaire potentiel, des chances que vous avez de constituer un couple russi.
Dans les espaces virtuels, il ny a pas de corps, et chacun peut interrompre instantanment sa
communication avec son interlocuteur sans donner de raisonni se proccuper de son
dsappointement !

- Dans un monde qui se passe par avatars interposs, la capacit dun candidat se crer un profil
attractif et original est de bon augure. Alors, lentement et srement, les repres se brouillent. Ce nest
plus seulement la capacit dempathie qui est menace, cest le sentiment de ralit mme : celle des
penses et des motions et finalement le monde. Un sentiment de dralisation sinstalle, qui peut aller
jusqu limpression que la vie ne vaut pas la peine dtre vcue.

- Pour terminer cette perspective, on peut se demander quel impact pourrait avoir le dveloppement des
robots ? La tentation sera probablement grande de prfrer sentourer de robots correspondant
parfaitement nos attentes. Cette relation pourrait mme devenir, terme, plus intense que celle qui
prvaut entre humains. Si le systme dvelopp aujourdhui par Hiroshi Ishiguro devait tre appliqu
large chelle, le propritaire de chaque robot pourrait en effet lui apprendre ce qui lui fait plaisir, que
cela soit licite ou non. Serge Tisseron imagine quil faudrait prvoir un correctif : programmer les robots
pour quils sauto-connectent rgulirement sur Internet de manire corriger une ventuelle ducation
dviante ou pathogne. Cependant, aussi loin que nous prterons aux robots la possibilit de penser
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comme nous, notre empathie leur gard restera toujours unilatrale et confortera notre attente obtenir
un accueil inconditionnel.

Enfin, il importe de savoir que nous accordons aux objets une capacit nous rparer. Sous leffet dun
coup de dprime, nous pouvons avoir envie de nous acheter de nouveaux vtements, de changer de
dcor. Ce type de fonctionnement ne disparat pas avec la comprhension que nous en avons, parce quil
sagit dune tendance fondamentale et primitive de ltre humain.

Conclusion

Y aurait-il un devoir dempathie ou de compassion, comme il y a un devoir de mmoire ? Et, si le devoir

de mmoire doit lutter contre la tendance loubli, contre quoi devrait lutter le devoir dempathie ?

Lempathie - dfinie comme la double capacit davoir dune part une reprsentation du fonctionnement
mental et affectif de nos interlocuteurs, et dautre part dtre en rsonance avec leurs tats sensoriels et
motionnels pour nous permettre den tre affect - est bien ncessaire pour une communication relle
avec autrui. Ce qui ne prsume pas de la qualit de la relation.
Difficile daccepter quun prdateur sera dautant plus efficace quil possde cette aptitude.
Il est donc utile de se rappeler que le principal ennemi de lempathie bienveillante est le dsir demprise
ou lenvie de matriser son prochain qui habite plus ou moins chacun dentre nous. Le juste milieu dans
lempathie est finalement ce qui permet lhomme de vivre avec autrui tout en restant lui-mme, dans
une relation dynamique et rciproque. Ce qui illustre laffirmation selon laquelle la libert de chacun
sarrte l o commence celle de lautre.

Alors, si le principal ennemi de lempathie bienveillante rside dans le dsir demprise, ses allies sont
la confiance suffisante dans le monde et une estime de soi raliste.
Et si le secret de notre sensibilit aux motions dautrui se trouve dans une thorie de lesprit qui met au
premier plan la comprhension cognitive, ou, pour les neurosciences, dans les neurones miroirs,
lempathie rside plus srement dans le renoncement contrler notre semblable et lacceptation quil
puisse nous aider nous comprendre nous-mme.

Accepter une prise de risque - et donc une part dimprvisibilit en faisant confiance soi, aux autres et
au monde - cest aussi cela lempathie. Bien sur, si nous faisons confiance, nous risquons dtre dus
dans certains cas, mais si nous ne le faisons pas, nous serons dus quoi quil arrive.