Ken Wilber - La Physique, Le Mysticisme Et Le Nouveau Paradigme Holographique 1984
Ken Wilber - La Physique, Le Mysticisme Et Le Nouveau Paradigme Holographique 1984
Ken Wilber - La Physique, Le Mysticisme Et Le Nouveau Paradigme Holographique 1984
Dans ce qui suit, je vais rsumer la philosophia perennis laissant, toutefois, beaucoup
de dtails de ct , puis j'appliquerai cette philosophie une lucidation et une
critique du "paradigme holographique" et de la "nouvelle physique", touchant brivement
chacun des points cls en question.
Le trait le plus frappant de la philosophie / psychologie prenne est qu'elle prsente l'tre
et la conscience comme une hirarchie de niveaux dimensionnels, allant des domaines les
plus bas, les plus denses et les plus fragmentaires ceux qui sont les plus levs, les plus
subtils et les plus unitaires. Dans l'hindouisme, par exemple, le niveau le plus bas est
appel annamayakosa, ce qui signifie le niveau fait d'aliments c'est--dire le corps
physique et le cosmos matriel. Le niveau suivant est prnamayakosa l'enveloppe faite
de fonctions biologiques, de souffle vital, d'motions, de bionergie et ainsi de suite. Ces
deux niveaux, dans le bouddhisme Mahayana, sont appels les cinq vijnnas le
domaine des cinq sens et de leurs objets physiques.
Passant par le domaine causal, la conscience se rveille son royaume absolu. C'est la
conscience-comme-telle, et non seulement c'est la limite infinie du spectre de l'tre, mais
c'est la nature, la source et l'en-soi de chaque niveau du spectre. Elle englobe
radicalement tout, elle est sans gale. A ce point mais pas avant tous les niveaux
sont vus comme tant des manifestations parfaites et gales de ce Mystre ultime. Il n'y a
alors ni niveaux, ni dimensions, ni suprieur, ni infrieur, ni sacr, ni profane, de faon si
prosaque que le zen le dcrit ainsi:
Quand le vent fait onduler les saules
Des billes de velours volent dans l'air.
Quand la pluie tombe sur les fleurs de poiriers
Des papillons blancs dansent dans le ciel.
Tableau 1
1. Physique matire / nergie non vivante
2. Biologique matire / nergie vivante, prnique, sensible
3. Mental ego, logique, pense
4. Subtil archtypal, transindividuel, intuitif
5. Causal radiance sans forme, transcendance parfaite
6. Ultime conscience-en-tant-que-telle, la source et la nature de tous les autres
niveaux.
Selon les traditions prennes, chacun de ces divers niveaux a un champ d'tude appropri.
L'tude du niveau 1 est fondamentalement celui de la physique et de la chimie, l'tude des
choses non vivantes. Le niveau 2 est le domaine de la biologie, l'tude des processus
vitaux. Le niveau 3 est le niveau de la psychologie (quand la conscience est tourne "vers
l'intrieur") et de la philosophie (lorsque elle est tourne "vers l'extrieur"). Le niveau 4,
le subtil, est le domaine de la religion des saints, c'est--dire la religion qui vise l'insight
visionnaire, les halos de lumire et d'extase, l'intuition anglique ou archtypale et ainsi
de suite. Le niveau 5, le causal, est le royaume de la religion des sages, qui ne vise pas
tant les expriences suprieures que la dissolution et la transcendance du sujet et de
l'exprience. Cette voie sage implique la transcendance de toute dualit sujet-objet dans
la conscience sans forme. Le niveau 6, l'ultime, attend quiconque franchit les barrires
finales des niveaux 4 et 5 de faon s'veiller radicalement en tant que conscience
ultime.
Remarquez que ces diffrentes disciplines, comme les niveaux qu'elles abordent, sont
hirarchiques. C'est--dire, tout comme chaque niveau du spectre transcende mais inclut
son prdcesseur, ainsi chaque tude suprieure enveloppe ses disciplines cadettes
mais pas l'inverse. Ainsi, par exemple, l'tude de la biologie utilise la physique, mais
l'tude de la physique n'utilise pas la biologie.
C'est une autre faon de dire que les niveaux infrieurs n'embrassent pas, et ne peuvent
embrasser les niveaux suprieurs. Le principe premier de la philosophie prenne est que
le suprieur ne peut tre expliqu par l'infrieur ni dcouler de l'infrieur. (En fait, comme
nous le verrons, l'infrieur est cr partir du suprieur, un processus appel
"involution".)
Bien que les divers niveaux dimensionnels soient hirarchiques, ceci ne veut pas dire
qu'ils sont radicalement spars, discrets et isols les uns des autres. Ce sont en fait des
niveaux diffrents, mais des niveaux diffrents de conscience. Par consquent, on dit que
les divers niveaux s'interpntrent mutuellement. En voici une excellente description:
Ces "mondes" [ou niveaux dimensionnels] ne sont pas des rgions distinctes,
spatialement divises les unes des autres, de manire ce qu'il faille se dplacer dans
l'espace pour passer de l'une l'autre. Les mondes suprieurs sont en interpntration
complte avec les mondes infrieurs, qui sont faonns et soutenus par leurs activits.
Ce qui les divise, c'est que chaque monde a un niveau de conscience plus restreint et plus
contrl que le monde au-dessus de lui. La conscience infrieure est incapable de faire
l'exprience de la vie des mondes suprieurs et est mme inconsciente de leur existence,
bien qu'elle soit interpntre par eux.
Mais si les tres d'un monde infrieur peuvent lever leur conscience jusqu' un niveau
suprieur, alors ce monde suprieur leur devient manifeste, et on peut dire qu'ils sont
passs un monde suprieur, bien qu'ils ne se soient pas dplacs dans l'espace.
(Shepherd, 1977)
Cette vaguelette, trs rarfie, est la rgion causale (niveau 5), le tout dbut, bien que
faible, de la vague du moi. ce point, toutefois, elle est encore trs subtile, encore
"proche" de l'infini, encore extatique.
Mais en quelque sorte, pas vraiment satisfaite, pas profondment paisible. Car afin de
trouver cette paix ultime, la vaguelette devrait retourner l'ocan, se dissoudre nouveau
dans l'infini radieux, s'oublier et se rappeler l'absolu. Mais pour cela, il lui faudrait mourir
il lui faudrait accepter la mort de son sens du moi distinct. Et elle en est terrifie.
L'infini est tout ce qu'elle veut, mais puisqu'elle est terrifie d'accepter la mort ncessaire,
elle se met chercher l'infini par des faons qui l'en empchent. Puisque la vaguelette
veut la libration et en a peur en mme temps, elle arrange un compromis et un substitut.
Au lieu de trouver la vraie divinit, la vaguelette prtend tre Dieu, cosmocentrique,
hroque, suffisante et immortelle. C'est non seulement le commencement du narcissisme
et la bataille de la vie contre la mort, c'est une version rduite ou restreinte de la
conscience, parce que la vaguelette ne fait plus un avec l'ocan, elle essaie d'tre elle-
mme l'ocan.
Pousse par ce projet Atman la tentative d'atteindre l'infini par des moyens qui l'en
empchent et la forcent des gratifications substitutives , la vaguelette cre des modes
de conscience toujours plus troits et plus restreints. Trouvant le causal moins que parfait,
elle rduit la conscience pour crer le subtil (niveau 4). Finissant par trouver le Subtil
moins qu'idal, elle rduit la conscience une fois de lus pour crer le mental (3). chouant
l, elle la rduit au plan prnique, puis au plan matriel, o, finalement, puisant son
dsir d'tre Dieu, elle tombe dans un sommeil inconscient.
1Ce qui suit est, approximativement, une combinaison du Lankavatara Sotra, du Livre
des morts du Tibet et de l'existentialisme occidental. Pour un compte rendu plus dtaill,
voir The Atman Project (Wheaton, Quest, 1980).
Ainsi, ce mouvement du suprieur l'infrieur qui est l'involution est en mme temps
un acte de pure cration et de radiance fulgurante (de la part de l'Atman) et une tragique
histoire de souffrance et de malheur pique (de la part du moi-vaguelette entreprenant le
projet Atman). Le but ultime de l'volution le mouvement de l'infrieur au suprieur
est de s'veiller en tant qu'Atman, et par consquent de retenir la gloire de la cration
sans tre forc de jouer dans le drame de la souffrance du moi.
Au cours de l'histoire de notre univers (et la science nous aide ici), nous avons volu du
niveau 1 (qui commena il y a approximativement 15 milliards d'annes avec le Big
Bang) au niveau 2 (qui se produisit plusieurs milliards d'annes plus tard lorsque la
matire s'veilla une certaine comprhension de la vie) au niveau 3 (qui jusqu'ici n'a t
pleinement atteint que par les humains). L'volution est, pourrait-on dire, demi
complte. "L'humanit, disait Plotin, est en quilibre mi-chemin entre les dieux et les
btes."
En fait, il y a certaines hirarchies l'intrieur de chaque niveau, mais ce ne sont pas des
hirarchies de statut, comme celle de grandeur. Par exemple, une plante est plus grosse
qu'une pierre, un systme solaire est plus gros qu'une plante, une galaxie plus grosse
qu'un systme solaire. C'est une hirarchie de grandeur, et non un statut ontologique,
parce qu'ils sont tous galement du plan matriel. De mme, toutes les hirarchies
l'intrieur de chaque dimension sont d'lments quivalents.
Ainsi, sur le plan physique, aucune particule lmentaire n'est "la plus fondamentale"
(elles semblent toutes en bootstrap). Sur le plan nutritif, aucune vitamine n'est finalement
plus essentielle (retirez-en une et vous tes galement mort). Dans la sphre morale,
aucune vertu n'est plus grande qu'une autre elles semblent toutes se recouper
rciproquement (comme Socrate le savait et comme Maslow le dcouvrit pour les valeurs
B). Au niveau du subtil, tous les archtypes sont des reflets quivalents de Dieu, tout
comme tous les Sambhogakaya sont des aspects quivalents du Dharmakaya.
L'essentiel est que tous les lments d'un niveau donn Sont approximativement
quivalents en statut et s'interpntrent mutuellement en fait. Tous en un et un dans tous
holographiquement, pourrait-on dire. Mais, cause de la hirarchie, tout lment d'un
niveau suprieur est plus lev en statut ontologique que tout lment d'une dimension
infrieure (par ex.: la vertu de compassion n'est pas l'quivalent de la vitamine B-12).
L'interconnectivit mutuelle des lments de tout niveau particulier est une
interpntration unidimensionnelle avec quivalence. C'est un genre d'holoarchie existant
l'intrieur de chaque niveau de hirarchie. Ainsi, la faon la plus simple de rsumer la
perspective mystique du monde:
PHYSIQUE ET MYSTICISME
L'une des doctrines mystiques les plus frquemment mentionnes est celle de
l"interpntration mutuelle" telle que prsente, par exemple, dans l'cole Kegon du
bouddhisme, les Discours de Meher Baba, les cinq rangs du zen Soto, etc. Par
"interpntration mutuelle", le mystique veut dire les deux formes d'interpntration
exposes ci-dessus: unidimensionnelle et multidimensionnelle, holoarchique et
hirarchique, horizontale et verticale.
Imaginez les six niveaux de la conscience comme un difice six tages: le mystique
veut dire que tous les lments de chaque tage interagissent harmonieusement, et, ce qui
est plus important, que chacun des tages est en interaction avec chaque autre. Pour ce
qui est de l'interaction entre plusieurs niveaux, le mystique veut dire que les lments
physiques interagissent avec les lments biologiques qui interagissent avec le mental qui
interagit avec le subtil qui interagit avec le causal qui passe l'infini, chaque niveau
succdant son prdcesseur mais en interpntration mutuelle avec lui. Et ainsi, parlant
de tous ces niveaux, le mystique dit, pour employer les termes de Meher Baba: "Ils
s'interpntrent tous les uns les autres et existent ensemble."
Or, il advient que le physicien moderne, travaillant au domaine le plus bas celui des
processus matriels, inconscients et non vivants a dcouvert l'interpntration
unidimensionnelle du plan matriel: il a dcouvert que tous les hadrons, les leptons, etc.,
sont en interpntration et en interdpendance mutuelles. Comme l'explique Capra:
La thorie des quanta nous oblige voir l'univers non pas comme une collection d'objets
physiques, mais plutt comme un tissu compliqu de relations entre les diverses parties
d'un ensemble unifi ... Toutes les particules [physiques] sont dynamiquement composes
les unes des autres de faon cohrente en soi, et en ce sens, on peut dire qu'elles se
"contiennent" les unes les autres. Dans [cette thorie], l'accent est mis sur l'interaction,
ou l'"interpntration" de toutes les particules (1977).
En rsum, parlant de ces particules, ondes et champs subatomiques, le physicien dit: "Ils
sont en interpntration mutuelle et existent ensemble." Or, une personne peu prudente,
voyant que le mystique et le physicien ont utilis prcisment les mmes mots pour parler
de leurs ralits, en concluraient que les ralits doivent aussi tre les mmes. Et ce n'est
pas le cas.
Le physicien, avec son interpntration unidimensionnelle, nous dit que toutes sortes
d'vnements atomiques sont tisss les uns avec les autres ce qui en soi est une
dcouverte significative. Mais il ne nous dit rien, et ne peut rien nous dire de l'interaction
de la matire non vivante avec le niveau biologique, et de l'interaction de ce niveau avec
le champ mental quelle relation le plasma ionique a-t-il avec, disons, les buts et les
pulsions de l'ego? Et au-del de cela, que dire de l'interaction du champ mental avec le
subtil, et du subtil avec le causal, et de l'interaction et de l'interpntration inverses
revenant en descendant travers les niveaux infrieurs? Que peut nous dire la nouvelle
physique ce sujet?
Ce qui est nouveau de la nouvelle physique, ce n'est pas qu'elle ait quelque chose voir
avec les niveaux suprieurs de la ralit. A part quelques exceptions mineures (dont nous
parlerons bientt), elle ne tente mme pas d'expliquer le niveau 2 ou d'en rendre compte
(sans parler des niveaux 3 6). Plutt, en poussant aux extrmes des dimensions
matrielles, elle a apparemment dcouvert l'holoarchie fondamentale du niveau 1, et cela,
en fait, est nouveau. L-dessus, du moins, la physique et le mysticisme s'entendent.
Pourtant, mme ici, nous devons tre prudents. Dans la hte de marier physique et
mysticisme, par la force de la gnralisation, nous tendons oublier que la ralit
quantique n'a presque aucune porte dans le monde rel des processus macroscopiques.
Comme le dit le physicien Walker, dans le monde ordinaire des "automobiles et du
basket-ball, les quanta sont sans consquence". Cela a depuis longtemps t clairement
reconnu par les physiciens. Le niveau des quanta est tellement sous-microscopique que
ses interactions peuvent toutes fins pratiques tre ignores dans le macro-monde. Les
intenses interactions entre msons subatomiques, qui semblent tellement mystiques, ne
sont pas du tout observes entre macro-objets, entre pierres, gens et arbres. Comme
l'explique soigneusement Capra: "L'unit fondamentale de l'univers ... devient apparente
au niveau atomique et se manifeste de plus en plus mesure qu'on pntre plus
profondment ... dans le domaine des particules subatomiques" [les italiques sont de moi]
(1977).
Mais c'est prcisment dans le domaine ordinaire des pierres et des arbres que le
mystique voit son interpntration mutuelle de toute matire. Son unit fondamentale de
l'univers ne "commence" pas "au niveau atomique". Lorsque le mystique regarde un
oiseau volant au-dessus d'un ruisseau en cascades et dit "Ils ne font qu'un, parfaitement",
il ne veut pas dire que si nous apportions un supermicroscope et examinions la situation,
nous verrions l'oiseau et le ruisseau changer des msons d'une faon unitaire. Sa vision
unitaire est un impact immdiat exprimant sa comprhension personnelle que "En vrit,
tout ce monde est Brahman".
C'est--dire que mme l'accord entre mystique et physicien au niveau 1 doit tre
considr soit comme quelque peu tnu ou comme une heureuse concidence. Demandez
presque n'importe quel physicien si les rapports entre, disons, un arbre et une rivire
macroscopiques sont aussi intenses et aussi unitaires que ceux entre des particules
subatomiques, et il dira non. Le mystique, lui, dira oui.
C'est une question fondamentale et cela dmontre, en fait, que le physicien et le mystique
ne parlent mme pas du mme monde. Le physicien dit: "Le monde newtonien ordinaire
est, toutes fins pratiques, spar et discret, mais le monde subatomique est un pattern
unifi." Le mystique dit: "Le monde newtonien ordinaire est, comme je le perois
directement, un ensemble indivisible; quant au domaine subatomique, je ne l'ai jamais
vu."
La question ici est cruciale, parce que, comme l'explique (1978) Jeremy Bernstein,
professeur de physique au Stevens Institute: "Si j'tais un mystique oriental, la dernire
chose au monde que je voudrais, ce serait une rconciliation avec la science moderne."
Son argument est qu'il est dans la nature mme des dcouvertes scientifiques de changer
et de s'altrer sans cesse, que la preuve scientifique de la dernire dcennie est la fausset
de cette dcennie, et qu'on ne peut empcher aucun fait scientifique majeur d'tre
profondment modifi par le temps et l'exprimentation ultrieure. Et si nous disions que
l'illumination de Bouddha vient d'tre corrobore par la physique'? Qu'arrivera-t-il alors
lorsque, dans une dcennie, de nouveaux faits scientifiques remplaceront (comme il se
doit) les faits actuels? Bouddha perdra-t-il alors son illumination? Nous ne pouvons pas
jouer sur deux tableaux. Si nous attelons le mysticisme la physique maintenant, ne
devrons-nous pas le laisser tomber plus tard? Qu'est-ce que cela signifie que de confondre
des faits scientifiques temporels avec des domaines contemplatifs intemporels? "Atteler
une philosophie religieuse [transpersonnelle] une science contemporaine", dit le Dr
Bernstein, "est un moyen sr de les rendre obsolescentes."
L'ORDRE IMPLICITE
Le mme genre de difficults entoure l'usage populaire du concept, introduit par David
Bohm, d'un "ordre implicite" de la matire. Le public en gnral, et bien des
psychologues en particulier, considrent le domaine implicite comme s'il transcendait les
particules physiques et atteignait d'une certaine faon un tat suprieur d'unit et de
totalit. En fait, le domaine implicite ne transcende pas la matire il lui est immanent
et exprime une cohrence, une unit et une totalit de tout le plan physique, ou niveau 1.
Il va, en fait, au-del de la matire explicite, mais d'une faon immanente ou sous-jacente,
mais qui n'est pas transcendante. D'ailleurs, le concept exclut explicitement tous
domaines suprieurs tels que l'esprit et la conscience.
Et Bohm lui-mme l'a dit trs clairement. D'abord, Bohm est nettement oppos au fait
d'essayer d'introduire l'esprit ou la conscience dans le formalisme de la mcanique
quantique (MQ), comme certains physiciens aimeraient le faire. Comme Hiley et lui
l'expriment dans un article rcent: "Nous dmontrons que l'introduction de l'esprit
conscient dans la physique... est motive par certaines considrations tout fait gnrales
qui ont peu de choses voir avec la mcanique quantique elle-mme. Cette approche fait
contraste avec nos propres recherches utilisant le potentiel quantique... Notre but est, en
fait, de dcrire cet ordre sans y introduire l'observateur dans quelque rle fondamental"
[les italiques sont de moi] (1975). La conclusion du travail de Bohm est qu'il semble y
avoir certains phnomnes quantiques qui "nous mettent en prsence d'un nouvel ordre
ou d'un nouveau processus de structure, qui ne s'insre pas dans l'ancien plan newtonien."
(1975)
Mais en dernire analyse, cette mer implicite, bien que "plus fine" que la matire
explicite, fait encore partie du domaine de la physis ou de la masse / nergie non vivante
en gnral. C'est vident parce que 1) Bohm a dj exclu les domaines suprieurs, tels
que la conscience mentale, de la mcanique quantique, et 2) on dit que les quations de la
MQ "dcrivent l'ordre implicite". Le fait de se dplier partir du domaine implicite est,
dit-il, "une ide directe de ce qu'on entend par les mathmatiques (de la mcanique
quantique). Ce qu'on appelle la transformation unitaire ou la description mathmatique de
base du mouvement en mcanique quantique est exactement ce dont nous parlons."
(1978) Or, les quations de la MQ ne dfinissent pas la vie biologique, ou niveau 2; elles
ne dcrivent pas la vie mentale, ou niveau 3; elles ne dcrivent pas, non plus, les
domaines subtil, causal ou absolu. Elles dcrivent quelque chose qui se passe dans le
domaine de la physis et nulle part ailleurs. Par ailleurs, Bohm affirme clairement que
"l'ordre implicite est toujours de la matire".
Il faut reconnatre que Bohm, dans ses crits thoriques, affirme trs clairement qu'il ne
tente pas d'introduire la conscience ou l'esprit dans le formalisme de la MQ, ou qu'il
n'essaie pas ainsi de "prouver" l'existence des tats suprieurs d'tre par des quations qui
dcrivent clairement non pas la vie animale (niveau 2) mais plutt les processus
inconscients. Car il est certain que si le domaine implicite repose sur une interprtation
lgante des faits engendrs par la MQ, il est alors tout aussi certain qu'il n'a pas
d'identit fondamentale avec aucun des niveaux de 2 6. Bref, l'ordre implicite, comme
je l'noncerais, est la structure unitaire profonde (holoarchie) du niveau 1, qui est
immanente aux structures explicites de surface des particules lmentaires et des ondes,
ou qui les sous-tend.
En mme temps, Bohm lui-mme est parfaitement conscient du fait que la notion d'un
ordre implicite non local de la physis est encore loin de la seule interprtation possible de
la MQ, et loin, en fait, d'en tre le cas absolu de toute faon: "A l'heure actuelle, dit-il, il
est ncessaire de rsister la tentation de conclure que tout [dans le domaine physique]
est reli tout le reste sans gard aux sparations d'espace et de temps. Les preuves ce
jour indiquent que les effets non locaux [que le public en est en gnral arriv appeler
les vnements holographiques ou d'ordre implicite] surviennent dans des conditions trs
particulires et que toutes les corrlations qui ont t tablies tendent tre morceles
plutt rapidement, de telle faon que notre approche traditionnelle d'analyser les systmes
en sous-systmes autonomes est, en gnral, tout fait valable." (1975)
L'essentiel est que l'insight du mystique ne repose pas sur ce que ces physiciens finissent
par dcider [2].
Ce n'est pas parce que l'ordre implicite n'a t valid qu'au seul niveau de la physis qu'il
ne peut tre appliqu, en tant que mtaphore (et non modle), des niveaux Suprieurs
il peut l'tre (et Bohm lui-mme a de plus en plus spcul en ce sens). Mais il faudrait
observer certaines prcautions.
D'abord, la mtaphore implicite / explicite, parce qu'elle ne fournit que deux dimensions
majeures (trois au plus, si on ajoute un domaine "au-del des deux"), n'offre qu'une trs
vague reprsentation de la Grande Chane de l'tre, qui, comme l'a dmontr Huston
Smith, doit possder au moins quatre et de prfrence cinq niveaux si elle veut se
rclamer un tant soit peu de la compltude (nous avons dj rsum la version
hindoue/bouddhiste six niveaux de cette Grande Chane). Il est acceptable de parler
grossirement des "gradations du domaine implicite", afin d'tirer la mtaphore pour
rendre compte de toute la Chane; mais moins de pouvoir spcifier la nature prcise de
ces "gradations", rien n'a t gagn. Et naturellement, nous ne pouvons pas imaginer que
nous avons l'autorisation de la physique pour le faire.
2 Dans cet article, j'exclus la diffrence la plus radicale et la plus rpandue entre
mysticisme et tout genre de paradigme physique ou holographique, parce que c'est aussi
la plus vidente. savoir: 1) La comprhension des principes holographiques est un acte
de l'esprit, alors que la comprhension de la vrit mystique est un acte de contemplation
transmentale; et 2) Si on dit en fait que les thories holographiques dcrivent des vrits
transcendantes, ou qu'elles sont la mme chose que le fait de vritablement transcender, il
se produit un violent sophisme appel erreur de catgorie [au sujet de celle-ci, voir
Wilber (1979)]. Certains ont mme suggr qu'un simple apprentissage du paradigme
holographique serait la mme chose que la vritable transcendance, et, en l'occurrence,
ces thories hypothtiques sont non seulement errones, mais elles sont prjudiciables.
Par ailleurs, si nous comprimons la Grande Chane de l'tre afin de la faire concider avec
la mtaphore implicite / explicite, nous perdons la grande prcision et la globalit de la
hirarchie traditionnelle de la conscience. John Welwood, par exemple, a prsent une
belle version de la Chane de l'tre consistant en six niveaux: l'esprit pensant (niveau 1),
l'assise situationnelle du corps (niveau 2), l'assise personnelle de l'esprit (niveau 3),
l'assise transpersonnelle (niveaux 4 et 5), et l'assise ouverte (niveau 6). Mais afin de la
mettre en corrlation de quelque faon avec la mtaphore implicite / explicite, il a d
comprimer son modle seulement trois niveaux avec une perte consquente et
substantielle de prcision, et aucun gain vident de clart. Encore l, ceci est parfaitement
acceptable et utile dans une certaine mesure. (En ce cas, Welwood crivait dans un style
lmentaire simple, et a joliment russi en cela [1979].) Mais si nous poussons la
mtaphore au-del des gnralisations grossires et de l'hyperbole introductoire, rien n'est
gagn; au contraire, il en rsulte certaines erreurs spcifiables.
Tout cela est trs bien pour la dimension de la physis. Mais les niveaux vritablement
suprieurs ne sont pas en relation mutuellement exclusive avec les niveaux infrieurs
le suprieur, comme nous l'avons dit, transcende mais inclut l'infrieur. Considrez mme
un exemple simple: lorsque le niveau 2 (la bio-vie) est d'abord apparu et a transcend la
matire, il n'a pas dispers l'ordre explicite de la matire il ne l'a ni annihil ni dispers
en potentialit replie. Il l'a transcend mais l'a inclus d'une faon parfaitement explicite
comme un aspect ou une partie de lui-mme. C'est l'volution, ou enveloppement
explicite, et non l'involution, ou dispersion implicite. L'une des plus belles illustrations de
ceci est le cerveau humain: le cerveau reptilien est envelopp par le cerveau limbique qui
est envelopp par le nocortex, tous tant parfaitement explicites mais subsums,
reprsentant et retenant l'volution ou le dpliement de reptile mammifre humain.
L'essentiel est que, moins que ce ne soit fait avec un soin et une prcision extrmes (et
cela peut se faire en utilisant cette mtaphore) [ 3], l'usage de la mtaphore de l'ordre
3 J'ai, dans Atman Project (Wilber, 1980), tent de le faire selon les lignes directrices
suivantes. L'aspect souvent nglig est que s'il y a des gradations de l'ordre implicite, il y
a tout autant des gradations de l'ordre explicite, et, en fait, elles sont rciproquement
parallles travers l'volution. "Implicite", lorsqu'utilis en tant que mtaphore, a presque
la connotation d'tre plus rel, plus fondamental, et plus lmentaire que le monde
explicite des entits manifestes. En fait, cependant, ils alternent. Ce qui est implicite un
niveau de la conscience devient explicite au niveau suivant. C'est--dire que chaque
niveau est implicite pour son prdcesseur mais explicite pour son successeur. Le prna,
par exemple, est implicite de la matire et explicite de l'esprit, tout comme l'esprit est
implicite a tendance engendrer une description de l'involution, qui est un mouvement
rgressif. La mtaphore implicite qui en rsulte est un "modle rduit": l'absolu, au lieu
de transcender parfaitement et de subsumer les distinctions, ne fait que les oblitrer et les
disperser. Mais la grce, comme le savait saint Thomas, parfait la nature, elle ne
l'embrouille pas.
Ce qui donne leur lan ces formulations rside dans ce qu'on appelle le "problme de la
mesure", et le problme de la mesure est une abrviation de certaines quations
mathmatiques trs sophistiques et trs labores, et de certains paradoxes qu'elles
engendrent.
Or, ce qui est trange, c'est que l'vnement, lorsqu'il se produit, se produit dans une seule
rgion. C'est presque (mais pas tout fait) comme si un statisticien essayait de prdire par
laquelle de trois portes vous tes susceptible d'entrer et, pour diverses raisons, il en
arrivera aux rsultats: 50 pour 100 des chances pour la porte A, 30 pour 100 pour la porte
B, 20 pour 100 pour la porte C. Il ne peut pas prdire exactement laquelle des portes ce
sera, seulement les pourcentages. Mais lorsque vous finissez par entrer, vous ne passez
que par une seule porte vous n'allez pas 50 pour 100 par la porte A, 30 pour 100
par B et 20 pour 100 par C.
Mais au-del de cela, l'analogie s'croule. Le statisticien avait des raisons de croire que
vous existiez avant d'entrer par n'importe laquelle des portes il peut aller vous voir,
premirement. Mais le physicien n'a pas ce genre d'assurance au sujet de ses particules
quantiques, parce qu'il n'y a pas moyen qu'il aille voir la particule (pour notre propos
moins que prcis, contentons-nous de dire qu'elle est trop petite pour qu'on la voie
parfaitement). Sa seule faon de regarder la particule, c'est d'utiliser certains instruments
c'est--dire en la mesurant en un sens. Mais pour mesurer la particule, il doit, en fait,
la faire passer par les portes de ses instruments. Et voil le problme: pour trouver ce qui
est derrire la porte, le physicien doit utiliser une porte. Dans tous les cas, ses
phnomnes ne peuvent tre dtects que lorsqu'ils passent travers diverses portes, et
que les quations qui dcrivent ces "passages" sont purement probabilistes: 50 / 30 / 20,
disons.
Le physicien fait donc face un problme conceptuel: avant le mesurage, tout ce qu'il
peut dire au sujet d'un vnement quantique est qu'il est (et non a) une certaine tendance
exister (par ex., 50 / 30 / 20). L'vnement lui-mme, si on le laisse tel quel (sans le
mesurer) se "propagera travers l'espace-temps" selon la fonction ondulatoire de
Schrdinger, qui, au carr, donne la probabilit de trouver l'vnement dans un certain
environnement (50/30/20). Mais avant le mesurage vritable, il n'y a absolument aucun
moyen de savoir prcisment dans quelle rgion la particule se manifestera. Et pourtant,
lorsqu'elle est finalement dtecte, elle se produit de fait dans une seule rgion (disons B)
et ne s'tend pas travers les trois portes. Ceci est appel l'effondrement du vecteur d'tat
ou paquet d'ondes, parce que lorsque le mesurage dtermine que la particule est en B, la
probabilit qu'elle soit en A ou en C s'effondre zro. L'effondrement du vecteur d'tat
signifie que l'vnement a fait un saut depuis tre une "tendance exister"
(50A/30B/20C) jusqu' tre un "vnement rel" (B).
part un grand nombre de philosophes qui soutiennent (non sans certaines justifications)
que ce qui fait s'effondrer le paquet d'ondes, ce n'est ni l'esprit ni la matire mais de la
mauvaise mtaphysique, il y a diverses coles de penses quant ce "problme de
mesurage", offertes par les physiciens eux-mmes:
2. Les thories des variables caches. Ces thories soutiennent qu'il y a de fait des
facteurs spcifiables "derrire le dcor" de l'effondrement du paquet d'ondes. Ces
processus subquantiques sont dcrits par des variables prsentement caches, mais il est
possible qu'ils finissent par devenir techniquement accessibles. Dans les termes les plus
grossiers, cette thorie dit que les vnements quantiques ne sont pas purement fortuits, et
que la particule franchit une porte spcifique pour une raison "cache", une raison que la
particule "connat" et que nous devrions tre capables de dcouvrir. Bohm et ses
collgues, travaillant avec le potentiel quantique (et l'ordre implicite), sont de cette cole,
comme, prsumment, Einstein. Le thorme de Bell, qui a beaucoup attir l'attention
populaire, est souvent utilis par certains tenants de cette cole pour souligner l'apparent
transfert non local (non confin une rgion locale de causalit spatiale) d'information
entre rgions de l'espace largement isoles. On considre gnralement que le thorme
de Bell signifie que si la MQ est par ailleurs correcte, et s'il y a un genre de variables
caches, alors ces variables caches sont donc non locales un genre de causalit
"instantane" non spare par le temps ou l'espace. Bohm et ses collges considrent cela
comme un exemple d'ordre implicite possible ; Sarfatti le considre comme un exemple
de "communication" plus rapide que la lumire; d'autres (comme Einstein) le considrent
comme un non-sens.
3. L'hypothse des mondes nombreux. Celle-ci est propose par Everett, Wheeler et
Graham (EWG). Selon l'interprtation de Copenhague (thorie numro 1), lorsque la
4C'est grossirement nonc, mais c'est aussi ce sur quoi est fonde l'accusation de
mauvaise mtaphysique.
particule 50A /30B / 20C est mesure et qu'on dcouvre quelle se produit dans la rgion
B, alors les deux autres possibilits (A et C) s'effondrent elles ne se produisent tout
simplement pas (tout comme, par exemple, si vous lancez une pice de monnaie en l'air et
qu'elle tombe pile, la possibilit qu'elle tombe face s'effondre zro). Or, selon EWG,
toutes les possibilits rciproquement exclusives contenues dans la fonction ondulatoire
se produisent, mais dans diffrentes branches de l'univers. Au moment o la particule
touche B dans cet univers, deux autres univers se ramifient, dont l'un contient la particule
touchant A, et l'autre contient la particule touchant C. Ou, ds que j'attrape "pile" dans cet
univers, j'attrape aussi "face", mais dans un univers entirement diffrent. Aucun des
deux "je" ne connat l'autre. Ceci a t labor d'une faon mathmatique trs
sophistique.
Il est facile, en entendant ce genre de thorie, de sympathiser avec Franois Mauriac: "Ce
que dit ce professeur est beaucoup plus incroyable que ce que nous pauvres chrtiens
croyons." Mais ce qui est vritablement essentiel, c'est qu'il est dj vident que ce qu'on
appelle la "nouvelle physique" est loin de faire le consensus sur la nature de la ralit
subatomique, un fait qui nous mnera ventuellement certaines conclusions suggestives.
Entretemps, nous passons la quatrime grande thorie engendre par le "problme du
mesurage".
Cette vue gnrale, sous une forme ou une autre, est soutenue par Wigner, Sarfatti,
Walker et Muses. "Selon moi, dit Sarfatti, le principe quantique implique l'esprit d'une
manire essentielle... l'esprit cre la matire."(1974) Walker identifie les variables
caches, supposant qu'elles sont l, la conscience; Muses fait intervenir la conscience
dans le potentiel de vide quantique. Mais Beinam rsume tout cela par: "C'est la
conscience elle-mme qui fait s'effondrer le vecteur d'tat." C'est cette thorie que nous
allons maintenant examiner, parce qu'on dit que c'est la connexion entre physique et
parapsychologie/mysticisme.
Pour commencer, y a-t-il quelque chose dans la philosophie prenne qui s'accorderait
avec l'affirmation gnrale: "L'esprit cre la matire"? La rponse de premire
approximation est certainement affirmative. On considre la matire, dans toutes les
traditions philosophiques, comme tant un prcipit dans le champ mental. Mais elles
l'expriment plus prcisment. Ce n'est pas directement l'esprit (niveau 3) qui cre la
matire (niveau 1), mais le prna (niveau 2). L'esprit cre le prna; le prna cre la
matire.
Ainsi, les physiciens seraient plus prcis, selon la tradition, s'ils ne disaient pas que c'est
l'"esprit" mais plutt le "prna", la "bionergie" ou la "conscience biologique" qui est
directement suprieur la matire. Von Weizsacker l'a dj fait de faon explicite (utiliser
le mot prna), ainsi que plusieurs autres. Cela ne serait pas un problme pour ces
physiciens, parce que les caractristiques qu'ils attribuent dj l'"esprit" comme tant
ncessaires l'effondrement du paquet d'ondes sont en ralit des caractristiques du
prna. C'est--dire que ces physiciens ne disent habituellement pas que des "concepts",
des "ides" ou de la "logique" font s'effondrer le vecteur d'tat. Plutt, ils utilisent des
termes comme "systmes biologiques"(Sarfatti), "tre conscient" (Walker), "sensation"
(Wigner), qui possdent des caractristiques distales par rapport l'esprit mais
proximales par rapport au prna (ou tout systme vivant). L'esprit pourrait aussi faire
s'effondrer le vecteur, mais via le prna. Cela conciderait aussi avec les suggestions de
Sarfatti, parce que tous les systmes biologiques contribueraient au mouvement brownien
quantique alatoire, mais un esprit disciplin (qui n'est pas prsent chez les animaux)
pourrait le contrler [5].
Tout cela semble vouloir dire que cette version de la MQ est bien en accord avec la
vision mystique, du moins en ce qui concerne les niveaux 1 et 2 (c'est--dire que le
niveau 2 cre le niveau 1). Et pourtant, nous devons encore une fois tre trs prcis ici,
parce qu'il est beaucoup trop facile de tirer des conclusions htives.
Tout d'abord, lorsque le mystique dit que la matire est cre par le prna, il ne veut pas
dire que le prna lui-mme doit tre prsent d'une faon manifeste (et, partir d'ici, pour
plus de commodit, j'utiliserai "esprit" au lieu de prna, en rappelant les importantes
prcisions donnes ci-dessus). C'est--dire: l'esprit ne cre pas la matire en la percevant,
ou en la sentant, ou en la "mesurant" ce qui est, comme nous l'avons vu, la forme de la
thorie soutenue par les physiciens de la MQ dont nous discutons. Plutt, la matire se
prcipite tout simplement hors de l'esprit, que l'esprit y prte attention ou non. En fait,
durant l'involution, l'esprit engendre la matire, puis "quitte" tout fait la scne. Il ne
reste pas l pour surveiller la matire et ainsi l'engendrer.
5 Ilfaudrait dire, bien que je finirai par tre en dsaccord avec cette cole de MQ quant
la nature de la gnration de la matire par l'esprit, que je n'exclus pas qu'ils puissent
avoir des choses importantes et brillantes dire au sujet de l'influence de l'esprit sur la
matire, aprs le fait de la gnration de la matire par l'esprit. C'est un accord trs tnu,
mais un accord nanmoins, et certaines branches trs prcises de la parapsychologie (et
non du mysticisme en gnral) trouveront peut-tre une rsonance avec ces thoriciens.
aprs cela, c'est son affaire l'uf continue d'exister, qu'il soit peru ou non. En fait,
durant l'involution, la poule est, eh bien, enterre. Ce qu'elle laisse derrire elle, c'est une
version rduite de la poulit, une version rduite de l'esprit appele la matire (l'uf).
Mais l'uf-matire a, repli en lui, le potentiel de raliser ("couver") une nouvelle poule,
ou l'esprit mme, et c'est exactement ce qui se produit dans l'volution. Mais en aucun cas
la poule ne cre l'uf en l'observant.
C'est pour des raisons semblables que la plupart des physiciens rejettent eux-mmes cette
version de l'interprtation de la MQ. Comme l'explique David Bohm lui-mme:
"L'introduction par Wigner de l'esprit conscient en physique est motive par certaines
considrations tout fait gnrales qui n'ont pas grand-chose voir avec la mcanique
quantique elle-mme." Et, parlant de cette tendance conclure htivement que
l'observation par l'esprit est requise pour produire la matire (mesurage), Bohm rpond
succinctement: "En fait, ceci est souvent pouss un tel extrme qu'on croirait que rien
n'arrive jamais sans l'observateur. Cependant, nous connaissons de nombreux processus
physiques, mme au niveau des phnomnes quantiques, qui se produisent de fait sans
aucune intervention directe de la part de l'observateur. Prenez par exemple les processus
qui se produisent dans une toile loigne. Ils semblent obir des lois connues de la
physique et les processus se produisent, et se sont produits, sans aucune intervention
significative de notre part." (l975)
Bref, la philosophie prenne admettrait que la matire est cre partir de l'esprit (prna),
mais par un acte de prcipitation et de cristallisation, et non de perception et de mesurage.
Mais la MQ ne peut expliquer, tout au plus, que cette dernire thorie seulement, et par
consquent l'accord de la MQ et du mysticisme l-dessus est pure concidence [ 6]. S'il
s'avrait, par consquent, que l'on dmontre que cette interprtation particulire de la MQ
est incorrecte (et je suis d'accord avec Bohm et d'autres que cela arrivera), cela
n'affecterait aucunement la vision du monde du sage-mystique.
1. La "nouvelle physique" est loin de faire le grand consensus en ce qui a trait la nature
mme de la ralit subatomique. Raccorder mysticisme / psychologie transpersonnelle au
6 Lorsque l'vque Berkeley (mme s'il n'tait pas un puriste vis--vis de la philosophie
prenne) disait qu'tre c'est tre peru, il voulait dire ultimement peru par Dieu, ou la
conscience absolue. Mais, comme il le savait, l'tre et la perception ne font qu'un dans la
conscience absolue; c'est--dire: ce n'est pas que les entits existent parce qu'elles sont
perues par la conscience, mais que leur existence est conscience. Elles ne sont pas cres
en tant vues par Dieu, elles sont tout simplement Dieu de cur. Autrement dit, Berkeley
ne voulait pas dire tre par la perception (ou la conscience), mais qu'tre est la
conscience. La conscience ne cre par une chose en la regardant; elle est tout simplement
cette chose, et les "perceptions" spcifiques ne sont pas pertinentes.
consensus de la nouvelle physique quantique n'est pas possible, parce qu'il n'y a pas de
consensus. Ces rapports qui ont t tablis entre physique et mysticisme sont du genre
slectif. Les dtails rels des diverses interprtations de la MQ sont, comme nous l'avons
vu, largement en exclusion mutuelle. Ne prendre qu'un dtail d'une interprtation, puis un
autre, un peu de bootstrap ici, un peu d'ordre implicite l, est, selon le physicien
Bernstein, "travestir et desservir" les thories en question.
3. Le point le plus important est que quelle que soit la version de la thorie de la MQ qui
sera finalement accepte, cela n'affectera pas profondment la perspective ou vision du
monde du mystique. En premier lieu, en aucun cas elle ne pourrait invalider la vision du
monde du mystique. Lorsque la "vision du monde fracture" de Newton tait "la vrit",
elle n'a pas invalid la vision mystique. Si l'interprtation de Copenhague est "la vrit",
elle n'invalidera pas la vision mystique. Si n'importe laquelle des interprtations de la MQ
est vraie, elle n'invalidera pas la vision mystique. Et, par consquent, comme nous le dira
tout pistmologiste, en aucun cas une interprtation ne pourrait valider la vision du
monde mystique. S'il n'y a aucune preuve physique concevable qui puisse dmentir la
vision mystique, et il n'y en a pas, alors il n'y en a aucune concevable qui la corroborerait
non plus.
4. On dit parfois qu'au moins la nouvelle physique s'accorde avec la vision du monde
mystique. Je crois que nous pouvons aisment convenir que certains aspects de certaines
interprtations de formalismes quantiques mathmatiques, lorsqu'on les traduit en
langage courant, sembleraient similaires des aspects de la vision du mystique, non du
monde (niveaux 1 6), mais du niveau 1. L'insight du mystique, cependant, ne trouve pas
sa validation ni son explication dans ce possible accord. Mais si cet accord permet de
"lgitimer" le mysticisme aux yeux du public, si du moins il ne fait en sorte que ses
adhrents nient radicalement les tats mystiques comme tant hallucinatoires, s'il ouvre la
voie une plus grande acceptation de l'exprience mystique alors, nous devrons
vraiment remercier la nouvelle physique.
LE CERVEAU HOLOGRAPHIQUE
Alors que les thories holographique/ implicite de la physique concernent sans quivoque
le niveau 1, les thories des processus du cerveau holographique concernent,
apparemment, le niveau 3, ou l'esprit et la mmoire. En tandem, alors, ces thories
couvriraient, plus ou moins, les niveaux 1 3.
Mais au-del de cela, certains suggrent que si l'esprit tait holographique, alors cela
pourrait aussi expliquer des expriences transpersonnelles suprieures, par l'intermdiaire
de l'esprit se fondant dans le flou holographique au-del des distinctions explicites. Ce
flou holographique est appel un "domaine de frquence" o, supposment, les objets
dans l'espace et le temps "n'existent pas". Le flou holographique ou domaine de frquence
est dcrit ainsi: "Pas d'espace, pas de temps que des vnements (ou des frquences)."
vitons les difficults d'avoir des vnements existant sans aucune sorte d'espace ou de
temps; ignorons aussi le fait que des objets physiques (des choses de l'espace-temps)
soient ncessaires au dpart pour produire des hologrammes. A part cela, comment cet
esprit holographique conciderait-il avec la philosophie prenne?
Je ne doute aucunement que ceci soit fondamentalement vrai que la mmoire est
enregistre holographiquement, exactement comme on le dit. Je crois aussi que la
recherche qui dmontre cela est brillante. Mais au-del de cela, comment ceci est reli de
quelque faon aux tats transcendants est loin d'tre clair. Bien sr, il y a des similitudes
de langage le flou holographique ("sans espace ni temps") donne l'impression d'tre un
tat mystique. Il ressemble aussi au fait de s'vanouir. Il y a un monde de diffrence entre
la conscience prtemporelle, qui n'a ni espace ni temps, et la conscience transtemporelle,
qui dpasse l'espace et le temps tout en les embrassant toujours. "L'ternit", aprs tout,
"est amoureuse des productions du temps". Cela ne prouve aucunement que le flou
holographique n'est pas un tat transcendantal; cela dmontre qu'on ne peut en dcider
ainsi en se fondant sur des corrlations de langage.
Nanmoins, on dit qu'un virage vers une "perception du flou holographique" produirait
des tats transcendants. Puisque c'est la mmoire qui est holographiquement enregistre
[7], qu'est-ce que cela signifierait en fait que de changer pour une perception du contenu
d'enregistrement de la mmoire personnelle? Cela serait-il le nirvna, une conscience
directe qui a transcend mais qui a inclus toute manifestation?
Selon la thorie elle-mme, je ne crois pas que cela rsulterait ou pourrait rsulter en
quoi que ce soit d'autre qu'une exprience du contenu d'enregistrement de sa propre
mmoire, embrouill comme il se doit et sans l'avantage de la lecture linaire. Comment
quelqu'un pourrait sauter d'un flou de sa propre mmoire une conscience claire comme
du cristal qui transcende l'esprit, le corps, le moi et le monde, Cela n'est pas du tout
clarifi. C'est un saut thorique farfelu que d'aller de "la mmoire personnelle et
holographiquement enregistre" "par consquent, tous les esprits font partie d'un
hologramme transpersonnel".
Cette "thorie a gagn un soutien croissant et n'a pas t srieusement mise en question.
Un corps impressionnant de recherche dans de nombreux laboratoires a dmontr que les
structures du cerveau voient, entendent, gotent, sentent et touchent grce l'analyse
mathmatique sophistique de frquences temporelles et / ou spatiales [d'o la primaut
du domaine des frquences)" (ReVision, 1978). Je ne conteste pas cette thorie; je rpte,
et dis sincrement, que je suis tout fait impressionn. Je ne suis pas impressionn,
toutefois, par des spculations qui donnent des "frquences temporelles et / ou
spatiales" le nom de "sans espace ni temps". Et c'est justement dans ce lapsus smantique
que cette thorie donne l'impression d'tre vivante.
Il va sans dire, ce tour de passe-passe smantique, qui remplace le flou personnel par
l'unit transpersonnelle, ne sert ni le brillant travail de ces chercheurs du cerveau
Pribram, par exemple ni la difficile tche des transpersonnalistes qui tentent
d'expliquer la transcendance.
Outre ce qui prcde, il nous reste un autre fil de l'argument qui a t propos. Pour ce fil,
supposons priori que l'esprit en gnral est holographique dans son fonctionnement.
Cela s'insrerait-il dans la philosophie prenne et, au-del de cela, cela nexpliquerait-il
pas les niveaux de conscience suprieurs?
J'ai bien peur que, mme pourvus de cette gnreuse avance, nous n'allions pas plus loin.
D'abord, le fait que la structure profonde du champ mental soit holographique
n'expliquerait pas en soi les niveaux transpersonnels, ou les niveaux 4 6. Les raisons,
selon les traditions prennes sont que: 1) chaque niveau est une holoarchie, et non
seulement l'esprit; et 2) de faire l'exprience de l'holoarchie de chaque niveau n'amne
personne au-del de ce niveau, mais ne fait que permettre des insights plus profonds dans
ce niveau. Tout comme l'holoarchie du niveau 1 n'implique ni n'exige les niveaux 2, 3, 4,
5 ou 6, l'holoarchie du niveau 3 n'explique automatiquement aucun des niveaux au-dessus
de lui (niveaux 4, 5 ou 6).
Mais empathie interpersonnelle n'est pas identit transpersonnelle. Dans des tats de
conscience transpersonnels (au-del de certaines pratiques introductoires), que l'esprit soit
ou non prsent, explicite ou implicite, net ou holographiquement embrouill tout cela
n'est pas pertinent. Les domaines suprieurs transcendent mais peuvent aisment inclure
l'esprit, et que lesprit lui-mme surgisse, cela na pas d'importance. Lexistence des tats
levs ne peut tre explique en termes de quelque chose qui peut arriver ou non un tat
infrieur, que cet tat soit dpli et projet ou repli et flou. Autant dire qu'on peut
expliquer le niveau 2 en embrouillant suffisamment le niveau 1. Ce rductionnisme
dguis a amen Willis Harman faire ce commentaire: "Ces thories holographiques
interprteraient encore la donne primaire, la conscience, en termes d'une autre chose
ultimement quantifiable [c'est--dire en termes de mesurages de niveau physique
infrieur]. Ces thories ne sont pas encore de la nouvelle science, mais plutt de
l'ancienne, o l'on tente de se dbarrasser de la conscience en l'expliquant, plutt que de
la comprendre."
vient dire "un individu" ou "une personne" et "toutes" en vient dire, non pas toutes les
autres cellules crbrales personnelles, mais toutes les autres personnes, point la ligne.
4. Des livres comme Le Tao de la physique et The Dancing Wu-Li Masters (La danse des
lments) et des publications telles que le Brain/Mind Bulletin de Marilyn Ferguson
prsentent de vastes quantits de gens non seulement l'intrigue de la science et de la
physique occidentales, mais aussi des aspects de la sagesse et de la pense orientales, et
de faons qui n'auraient tout simplement pas t possibles auparavant.
Par consquent, mon intention, en critiquant certains aspects du nouveau paradigme, n'est
certainement pas de freiner l'intrt envers des tentatives futures. C'est plutt un appel
la prcision et la clart dans la prsentation de questions qui sont, aprs tout
extraordinairement complexes et qui rsistent la gnralisation rapide. Et je dis ceci
avec une certaine urgence, parce que dans notre zle comprhensible promulguer un
nouveau paradigme, qui en quelque sorte touche des bases ayant la physique une
extrmit et le mysticisme l'autre, nous sommes susceptibles de nous aliner les deux
parties et tout le monde les deux.
Le travail de ces scientifiques Bohm, Pribram, Wheeler et les autres est trop
important pour tre alourdi de folles spculations sur le mysticisme. Et le mysticisme lui-
mme est trop profond pour tre raccord des phases de la thorisation scientifique.
Qu'ils s'apprcient l'un l'autre, et que leur dialogue et leur change mutuel d'ides ne
cesse jamais. Mais des mariages injustifis et prmaturs finissent habituellement par le
divorce et, trop souvent, un divorce qui blesse terriblement les deux parties.
RFRENCES