LYOTARD, Jean-François. La Condition Postmoderne PDF
LYOTARD, Jean-François. La Condition Postmoderne PDF
LYOTARD, Jean-François. La Condition Postmoderne PDF
JEAN-FRANOIS LYOTARD
Professeur
Dpartement de Philosophie
de lUniversit de Paris VIII (Vincennes)
E3U5
D6/1
1980
QCSE
C3L)5
$r4~ltlO
Rapport sur
les problmes du savoir
dans les socits industrielles
les pus dveloppes,
Paris
Avril 1979
Deuxime tirage
ISBN 2-550-00866-9
1
o o o
La premire est que son auteur nest pas exactement un expert; cest
un philosophe. Un expert sait ce quil sait et ce quil ne sait pas, par
ce quil sait ce quest savoir dans sa partie. On nest un philosophe que
si lon ne sait pas tout cela. En me faisant lhonneur dadresser sa de
mande au philosophe que je suis, le Prsident du Conseil des Universits
auprs du Gouvernement du Qubec savait videmment que je ne savais pas
ce quest le savoir dans les socits industrielles les plus dveloppes.
Il souhaitait simplement que je minterroge son sujet. Ce que jai
fait, aussi clairement, mais aussi loin que jai pu.
La seconde raison qui fait que cette tude ressemble peu un rapport
vient renforcer la premire. Il y a dans la socit des institutions du
savoir. Les Ministres de lenseignement et de la culture les administrent.
Ils ont des dcisions proposer ou prendre pour en amliorer le fonc
tionnement. Le Conseil des Universits est une instance quils consultent
cet effet. Cette instance consulte on tour des consultants.
Questce que cela prouve? Que nul ne sait proprement parler ce quil
en est du savoir dans la socit. Sino la cascade des consultations se
rait inutile. Le renvoi de la question sexpliquetil par un manque
dinformations sur le savoir? Mais nul nen a plus sa disposition que
ladministration du savoir et son conseil. Cest donc que la question
vient dailleurs, de plus loin. Il y a en effet une tache aveugle dans
le savoir occidental, il sait beaucoup de choses, mais non ce quil est.
2
Cest videmment cette ccit partielle (qui est une force) que je
dois dabord davoir eu faire ce rapport. Mais je ne saurais oublier
que loccasion men a t aimablement offerte par le Prsident du Conseil
des Universits auprs du Gouvernement du Qubec, auquel jadresse ici
mes remerciements.
3
Sommaire
2. Le problme: la lgitimation 10
10. La dlgitimation 53
Notes 95
4
1. Le champ: le savoir dans les socits informatises
Plutt que de dresser un tableau qui ne peut pas tre complet, on par
tira dune caractristique qui dtermine immdiatement notre objet. Le sa
voir scientifique est une espce du discours. Or on peut dire que depuis
quarante ans les sciences et les techniques dites de pointe portent sur le
langage: la phonologie et les thories linguistiques (4), les problmes
de la communication et la cyberntique (5), les algbres modernes et lin
formatique (6), les ordinateurs et leurs langages (7), les problmes de
traduction des langages et la recherche des compatibilits entre langages
machines (8), les problmes de mise en mmoire et les banques de donnes
(9), la tlmatique et la mise au point de terminaux intelligents (10),
la paradoxologie (11): voil des tmoignages vidents, et la liste nest
pas exhaustive.
5
donn par la gntique, qui doit son paradigme thorique la cyberntique.
Il y en a cent autres. Pour la seconde, on sait comment en normalisant,
miniaturisant et commercialisant les appareils, on modifie dj aujourdhui
les oprations dacquisition, de classement, de mise disposition et dex
ploitation des connaissances (12). 11 est raisonnable de penser que la
multiplication des machines informationnelles affecte et affectera la cir
culation des connaissances autant que la fait le dveloppement des moyens
de circulation des hommes dabord (transports), des sons et des images en
suite (media) (13).
6
dtre luimme sa propre fin, il perd sa valeur dusage (16).
Mais cet aspect ne doit pas faire oublier lautre, qui en est compl
mentaire. Sous sa forme de marchandise informationnelle indispensable
la puissance productive, le savoir est dj et sera un enjeu majeur, peut
tre le plus important, dans la comptition mondiale pour le pouvoir. Com
me les Etatsnations se sont battus pour matriser des territoires, puis
pour matriser la disposition et lexploitation des matires premires et
des mains doeuvre bon march, il est pensable quils se battent lavenir
pour matriser des informations. Ainsi se trouve ouvert un nouveau champ
pour les stratgies industrielles et commerciales et pour les stratgies
militaires et politiques (20).
7
risque de se poser avec une nouvelle acuit le problme des rapports entre
les instances conomiques et les instances tatiques.
8
militaire), on peut imaginer que les connaissances soient mises en circula
tion selon les marnes rseaux que la monnaie, et que le clivage pertinent
leur gard cesse datre savoir/ignorance, pour devenir comme pour la mon
naie connaissances de paiement/connaissances dinvestissement, cest
dire; connaissances changes dans le cadre de lentretien de la vie quo
tidienne (reconstitution de la force de travail, survie) versus crdits
de connaissances en vue doptimiser les performances dun programme.
9
2. Le problme: la lgitimation
Autant dire que lhypothse est banale. Mais elle lest seulement
dans la mesure oa elle ne remet pas en cause le paradigme gnral du
10
progrs des sciences et des techniques, auquel semblent faire tout riaturel-~
lement cho la croissance conomique et le dveloppement de la puissance
sociopolitique. On admet comme allant de soi que le savoir scientifique
et technique saccumule, on discute tout u plus de la forme de cette accu
mulation, les uns limaginant rgulire, continue et unanime, les autres
priodique, discontinue et conflictuelle (24).
11
accomplir telle sorte daction. La lgitimation, cest le processus par
lequel un lgislateur se trouve autoris promulguer cette loi comme une
norme. Soit un nonc scientifique; il est soumis la rgle: un nonc
doit prsenter tel ensemble de conditions pour tre reu comme scientifi
que. Ici la lgitimation est le processus par lequel un lgislateur
traitant du discours scientifique est autoris prescrire les conditions
dites (en gnral, des conditions de consistance interne et de vrification
exprimentale) pour quun nonc fasse partie de ce discours, et puisse
tre pris en considration par la communaut scientifique.
12
3. La mthode: les jeux de langage
13
nouveau contexte ainsi cr. Quant au destinateur, il doit tre dot de
lautorit de le profrer; mais on peut dcrire cette condition len
vers: il nest doyen ou recteur, cestdire dot de lautorit de prof
rer ce genre dnoncs quautant quen les profrant, il obtient leffet
immdiat que nous avons dit, tant sur son rfrent, lUniversit, que sur
son destinataire, le corps professoral.
Un cas diffrent est celui des noncs du type: Donnez des moyens
luniversit, qui sont des prescriptions. Cellesci peuvent tre modules
en ordres, commandements, instructions, recommandations, demandes, prires,
suppliques, etc. On voit que le destinateur est ici plac en position
dautorit, au sens large du terme (incluant lautorit que dtient le p
cheur sur un dieu qui se dclare misricordieux), cestdire quil at
tend du destinataire leffectuation du rfrent. Ces deux derniers postes
de la pragmatique prescriptive subissent des effets concomitants (31).
des jeux de langage (32). Il signifie par ce terme que chacune de ces di
verses catgories dnoncs doit pouvoir tre dtermine par des rgles
qui spcifient leurs proprits et lusage quon peut en faire, exactement
comme le jeu dchec se dfinit par un groupe de rgles qui dterminent
les proprits des pices, soit la manire convenable de les dplacer.
14
dfini par cellesci. La troisime remarque vient d&tre suggre: tout
nonc doit tre considr comme un coup fait dans un jeu.
15
4. La nature du lien social: lalternative moderne
16
quassure le systme nest plus quune composante annexe de son fonctionne
ment; la vritable finalit du systme, ce pour quoi il se reprogranmie
luimarne comme une machine intelligente, cest loptimisation du rapport
global de ses input avec ses output, cestdire sa performativit. Mme
quand ses rgles changent et que des innovations se produisent, ingme quand
des dysfonctionnements, comme les grves ou les crises ou les chmages ou
les rvolutions politiques peuvent faire croire une alternative et faire
lever des esprances, il ne sagit que de rarrangements internes et leur
rsultat ne peut atre que lamlioration de la vie du systme, la seule
alternative ce perfectionnement des performances tant lentropie, cest
dire le dclin (39).
17
systmique et le cercle parfaitement clos des faits et des interprtations
qu condition de disposer ou de prtendre disposer dun observatoire qui
par principe chappe leur attraction. Telle est la fonction du principe
de la lutte de classes dans la thorie de la socit partir de Marx.
18
sestomper au point de perdre toute radicalit, il sest trouv finalement
expos au pril de perdre toute assiette thorique et de se rduire une
utopie, une esprance (47), une protestation pour lhonneur leve
au nom de lhomme, ou de la raison, du de la crativit, ou encore de telle
catgorie sociale affecte in extremis aux fonctions dsormais improbables
de sujet critique, comme le Tiers Monde ou la jeunesse tudiante (48).
19
5. La nature du lien social: la perspective postmoderne
Nous ne suivons pas cette solution de partage. Nous posons que lal
ternative quelle cherche rsoudre nais quelle ne fait que reproduire,
a cess dtre pertinente par rapport aux socits qui nous intressent,
et quellemarne appartient encore une pense par oppositions qui ne cor
respond pas aux modes les plus vivaces du savoir postmoderne. Le red
ploiement conomique dans la phase actuelle du capitalisme aid par la
mutation des techniques et des technologies va de pair, on la dit, avec
un changement de fonction des Etats: partir de ce syndrome, se forme
une image de la socit qui oblige rviser srieusement les approches
prsentes en alternative. Disons pour faire bref que les fonctions de
rgulation et donc de reproduction sont et seront de plus en plus retires
des administrateurs et confies des automates. La grande affaire de
vient et deviendra de disposer des informations que ceuxci devront avoir
en mmoire afin que les bonnes dcisions soient prises. La disposition
des informations est et sera du ressort dexperts en tous genres. La
classe dirigeante est et sera celle des dcideurs. Elle nest dj plus
constitue par la classe politique traditionnelle, mais par une couche
composite forme de chefs dentreprises, de hauts fonctionnaires, de diri
geants des grands organismes professionnels, syndicaux, politiques, con
fessionnels (52).
20
se font plus difficiles (53). Il nest pas enthousiasmant de se consacrer
rattraper lAllemagne, comme le Prsident franais parat loffrir en
but de vie ses compatriotes. Aussi bieii ne sagitil pas vraiment dun
but de vie. Celuici est laiss la diligence de chacun. Chacun est
renvoy soi. Et chacun sait que ce soi est peu (54).
Le soi est peu, mais il nest pas isol, il est pris dans une texture
de relations plus complexe et plus mobile que jamais. Il est toujours,
jeune ou vieux, homme ou femme, riche ou pauvre, plac sur des noeuds
de circuits de communication, seraientils infimes (56). Il est prfra
ble de dire; plac des postes par lesquels passent des messages de na
ture diverse. Et il nest jamais, mme le plus dfavoris, dnu de pou
voir sur ces messages qui le traversent en le positionnant, que ce soit au
poste de destinateur, ou de destinataire, ou de rfrent. Car son dpla
cement par rapport ces effets de jeux de langage (on a compris que cest
deux quil sagit), est tolrable au moins dans certaines limites (encore
cellesci sontelles floues) et mme suscit par les rgulations et sur
tout par les rajustements dont le systme saffecte afin damliorer ses
perfonances. On peut mme dire que le systme peut et doit encourager
ces dplacements pour autant quil lutte contre sa propre entropie et
quune nouveaut correspondant un coup inattendu et au dplacement
corrlatif de tel partenaire ou de tel groupe de partenaires qui sy trou
ve impliqu, peut apporter au systme ce supplment de performativit
quil ne cesse de demander et de consumer (57).
21
prtendons pas que toute la relation sociale est de cet ordre, cela reste
ra ici une question pendante; mais que les jeux de langage soient dune
part le minimum de relation exig pour quil y ait socit, il nest pas
besoin de recourir une Robinsonnade pour le faire admettre: ds avant
sa naissance, et ne seraitce que par le nom quon lui donne, lenfant
humain est dj plac en rfrent de lhistoire que raconte son entourage
(58) et par rapport laquelle il aura plus tard se dplacer. Ou plus
simplement encore: la question du lien social, en tant que question, est
un jeu de langage, celui de linterrogation, qui positionne immdiatement
celui qui la pose, celui qui elle sadresse, et le rfrent quelle in
terroge: cette question est ainsi dj le lien social.
22
Et dautre part la thorie de linformation dans sa version cybernti
que triviale laisse de ct un aspect dcisif, dj soulign, laspect ago
nistique.. Les atomes sont placs des carrefours de relations pragmati
ques, mais ils sont aussi dplacs par les messages qui les traversent,
dans un mouvement perptuel. Chaque partenaire de langage subit lors des
coups qui le concernent un dplacement, une altration, de quelque
sorte quils soient, et cela non seulement en qualit de destinataire et
de rfrent, mais aussi comme destinateur. Ces coups ne peuvent pas
manquer de susciter des contrecoups.; or tout le monde sait dexprien
ce que ces derniers ne sont pas bons sils sont seulement ractionnels.
Car ils ne sont alors que des effets programms dans la stratgie de lad
versaire, ils accomplissent celleci et vont donc rebours dune modifi
cation du rapport des forces respectives. De l limportance quil y a
aggraver le dplacement et mame le dsorienter, de faon porter un
coup (un nouvel nonc) qui soit inattendu.
23
rcit sont lancs p~lem~le dans la bataille. Celleci nest pas sans r
gle (62), mais sa rgle autorise et encourage la: plus grande flexibilit
des noncs.
24
6. Pragmatique du savoir narratif
25
de la vrit, et qui stend celles des critres defficience (qualifica
tion technique), de justice et/ou de bonheur (sagesse thique), de beaut
sonore, chromatique (sensibilit auditive, visuelle) etc. Ainsi compris,
le savoir est ce qui rend quelquun capable de profrer de bons noncs
dnotatifs, niais aussi de bons noncs prescriptifs, de bons noncs
valuatifs... Il ne consiste pas dans une comptence portant sur telle
sorte dnoncs, par exemple cognitifs, lexclusion des autres. Il per
met au contraire de bonnes performances au sujet de plusieurs objets de
discours: connatre, dcider, valuer, transformer... De l r
sulte lun de ses principaux traits: il concide avec une formation
(allemand Bildung) tendue des comptences, il est la forme uniqe incar
ne dans un sujet que composent les diverses sortes de comptence qui le
constituent.
26
entre primitif s et civiliss (71), elle est compatible avec la thse
de lidentit formelle entre pense sauvage et pense scientifiqu~ (72),
et mne avec celle, apparemment contraire la prcdente, dune suprio
rit du savoir coutumier sur la dispersion contemporaine des comptences
(73)
On peut dire que tous les observateurs, quel que soit le scnario
quils proposent pour dramatiser et comprendre lcart entre cet tat cou
tumier du savoir et celui qui est le sien lage des sciences, saccor
dent sur un fait, la prminence de la forme narrative dans la formulation
du savoir traditionnel. Les uns traitent cette forme pour ellemme (74),
les autres y voient lhabillage en diachronie des oprateurs structuraux
qui selon eux constituent proprement le savoir qui sy trouve en jeu (75),
dautres encore en donnent une interprtation conomique au sens f reu
dien (76). Il nest besoin ici de retenir que le fait de la forme narra
tive. Le rcit est la forme par excellence de ce savoir, et ceci en plu
sieurs sens.
27
quant ces marnes rfrents ou quant la parent, la diffrence des
sexes, aux enfants, aux voisins, aux trangers, etc., des noncs interro
gatifs qui sont impliqus par exemple dans les pisodes de dfi (rpondre
une question, choisir un lment dans un lot), des noncs valuatifs,
etc. Les comptences dont le rcit apporte ou applique les critres sy
trouvent donc males les unes aux autres dans un tissu serr, celui du r
cit, et ordonnes en une perspective densemble, qui caractrise cette
sorte de savoir.
28
La rgle pragmatique illustre par cet exemple nest videmment pas
universalisable (79). Mais elle fournit un indice dune proprit gnra
lement reconnue au savoir traditionnel: les postes narratifs (destina
teur, destinataire, hros) sont ainsi distribus qe le droit doccuper
lun, celui de destinateur, se fonde sur le double fait davoir occup
lautre, celui de destinataire, et davoir t, par le nom quon porte,
dj racont par un rcit, cestdire plac en position de rfrent di
gtique dautres occurrences narratives (80). Le savor que vhiculent
ces narrations, bien loin de sattacher aux seules fonctions dnoncia
tion, dtermine ainsi dun seul coup et ce quil faut dire pour tre en
tendu, et ce quil faut couter pour pouvoir parler, et ce quil faut
jouer (sur la scne de la ralit digtique) pour pouvoir faire lobjet
dun rcit.
Les actes de langage (81) qui sont pertinents pour ce savoir ne sont
donc pas seulement effectus par le locuteur, mais aussi par lallocutaire
et encore par le tiers dont il est parl. Le savoir qui se dgage dun
tel dispositif peut paratre compact, par opposition celui que nous
nommons dvelopp. Il laisse apercevoir clairement comment la tradi
tion de rcits est en mme temps celle de critres qui dfinissent une
triple comptence, savoirdire, savoirentendre, savoirfaire, o se
jouent les rapports de la communaut avec ellemme et avec son environ
nement. Ce qui se transmet avec les rcits, cest le groupe de rgles
pragmatiques qui constitue le lien social.
29
Etrange savoir, diraton, qui ne se fait marne pas comprendre des jeunes
hommes qui il sadresse
30
tiquette. Reste que limportance est accorde au battement mtrique des
occurrences du rcit et non la diffrence daccent de chaque performan
ce. Cest ainsi que lon peut dire cette temporalit la fois vales
cente et immmoriale (85).
31
7. Pragmatique du savoir scientifique
32
quil est. Mais comme on ne peut savoir ce quil est que par des noncs
de mme ordre que celui de Copernic, la rgle dadquation fait problme:
ce que je dis est vrai parce que je le prouve; mais questce qui prouve
que ma preuve est vraie?
33
La didactique assure cette reproduction. Elle est diffrente du jeu
dialectique de la recherche. Pour abrger, son premier prsuppos est que
le destinataire, ltudiant, ne sait pas ce que sait le destinateur; cest
en effet pour cette raison quil a quelque chose apprendre. Son deuxi
me prsuppos est quil peut lapprendre, et devenir un expert de mme
comptence que son matre (91). Cette double exigence en suppose une
troisime: cest quil y a des noncs au sujet desquels lchange des
arguments et ladministration des preuves, qui forment la pragmatique de
la recherche, sont considrs comme ayant t suffisants et qui peuvent
de ce fait ~tre transmis tels quils sont titre de vrits indiscutables
dans lenseignement.
34
combinaison forme le lien social. Il nen est plus une composante imm
diate et partage connue lest le savoir narratif. Mais il en est une com
posante indirecte, parce qu~il devient une profession et donne lieu des
institutions, et que dans les socits modernes les jeux de langage se re
groupent sous forme dinstitutions animes par des partenaires qualifis,
les professionnels. La relation entre le savoir et la socit (cest
dire lensemble des partenaires dans lagonistique gnrale, en tant
quils ne sont pas des professionnels de la science) sextrIorise. Un
nouveau problme apparat, celui du rapport de linstitution scientifique
avec la socit. Le problme peutil tre rsolu par la didactique, par
exemple selon le prsuppos que tout atome social peut acqurir la comp
tence scientifique?
35
scientifique est suppos avoir connaissance des noncs prcdents concer
nant son rfrent (bibliographie), et ne propose un nonc sur ce mme su
jet quautant quil diffre des noncs prcdents. Ce quon a appel
laccent de chaque performance est ici privilgi par rapport au mtre,
et du mme coup la fonction polmique de ce jeu. Cette diachronie suppo
sant la mise en mmoire et la recherche du nouveau dessine en principe un
processus cupiulatif. Le rythme de celuici, qui est le rapport de
laccent au mtre, est variable (94).
Ces proprits sont connues. Elles mritent pourtant quon les rap
pelle pour deux raisons. Dabord la mise en parallle de la science avec
le savoir nonscientifique (narratif) fait comprendre, du moins sentir,
que lexistence de la premire na pas plus de ncessit que celle du se
cond, et pas moins. Lun et lautre sont forms densembles dnoncs;
ceuxci sont des coups ports par des joueurs dans le cadre de rgles
gnrales; ces rgles sont spcifiques chaque savoir, et les coups
jugs bons ici et l ne peuvent tre de mme sorte, sauf par accident.
36
propre lgitimation, il saccrdite de luimme par la pragmatique de sa
transmission sans recourir largumentation et ladministration de
preuves. Cest pourquoi il joint son incomprhension des problmes du
discours scientifique une tolrance certaine son gard: il le prend
dabord comme une varit dans la famille des cultures narratives (95).
Linverse nest pas vrai. Le scientifique sinterroge sur la validit
des noncs narratifs, et constate quils ne sont jamais soumis largu
mentation et la preuve (96). Il les classe dans une autre mentalit:
sauvage, primitive, sousdveloppe, arrire, aline, faite dopinions,
de coutumes, dautorit, de prjugs, dignorances, didologies. Les
rcits sont des fables, des mythes, des lgendes, bons pour les femmes et
les enfants. Dans les meilleurs cas, on essaiera de faire pntrer la
lumire dans cet obscurantisme, de civiliser, dduquer, de dvelopper.
37
8. La.fonction narrative et la lgitimation du savoir
38
celuici tant comprendre, ainsi que nous lavons bauch, non pas comme
un besoin de se souvenir et de projeter (besoin dhistoricit, besoin
daccent), mais au contraire comme un besoin doubli (besoin de metrum)
(section 6).
39
ne reconnaissent pas le savoir. Celuici se trouve ainsi fond par le r
cit de son martyre.
Mais il y a plus: cest dans sa forme mme, les Dialogues crits par
Platon, que leffort de lgitimation rend les armes la narration; car
chacun deux revat toujours la forme du rcit dune discussion scientifi
que. Que lhistoire du dbat soit plus montre que rapporte, mise en
scne que narre (99),.et donc relve plus du tragique que de lpique,
importe peu ici. Le fait est que le discours platonicien qui inaugure la
science nest pas scientifique, et cela pour autant quil entend la lgi
timer. Le savoir scientifique ne peut savoir et faire savoir quil est
le vrai savoir sans recourir lautre savoir, le rcit, qui est pour lui
le nonsavoir, faute de quoi il est oblig de se prsupposer luimme et
tombe ainsi dans ce quil condamne, la ptition de principe, le prjug.
Mais ny tombetil pas aussi en sautorisant du rcit?
40
des conditions du vrai?, on se dtourne de la recherche mtaphysique dune
preuve premire ou dune autorit transcendante, on reconnat que les con
ditions du vrai, cestdire les rgles du jeu de la science, sont imma
nentes ce jeu, quelles ne peuvent pas ~tre tablies autrement quau
sein dun dbat dj luim&ie scientifique, et quil ny a pas dautre
preuve que les rgles sont bonnes si ce nest quelles font le consensus
des experts.
41
On voit que ce peuple diffre du tout au tout de celui qui est im
pliqu dans les saoirs narratifs traditionnels, lesquels, on la dit, ne
requirent nulle dlibration instituante, nulle progression cumulative,
nulle prtention luniversalit: ce sont l des oprateurs du savoir
scientifique. Il ny a donc pas stonner que les reprsentants de la
nouvelle lgitimation par le peuple soient aussi des destructeurs ac
tifs des savoirs traditionnels des peuples, perus dsormais comme des
minorits ou des sparatismes potentiels dont le destin ne peut atre
quobscurantiste (103).
Mais on voit aussi que cette imbrication ne peut pas atre simple.
Car le peuple qui est la nation ou m&me lhumanit ne se contente pas,
surtout dans ses institutions politiques, de connatre; il lgifre,
cestdire quil formule des prescriptions qui ont valeur de normes
(104). Il exerce donc sa comptence non seulement en matires dnoncs
dnotatifs relevant du vrai, mais en matire dnoncs prescriptifs ayant
prtention la justice. Telle est bien, on la dit, la proprit du
savoir narratif, dont son concept est issu, de contenir ensemble lune
et lautre comptence, sans parler du reste.
42
donner une version compflte.
43
9. Les rcits de la lgitimation du savoir
Lune est celle qui a pour sujet lhumanit comme hros de la liber
t. Tous les peuples ont droit la science. Si le sujet social nest
pas dj le sujet du savoir scientifique, cest quil en a t empch
par les prtres et les tyrans. Le droit la science doit tre recon
quis. Il est comprhensible que ce rcit commande davantage une politi
que des enseignements primaires que des Universits et des Ecoles (105).
La politique scolaire de la 11Ime Rpublique franaise illustre forte
ment ses prsupposs.
44
liberts chaque fois que lEtat prend directement en charge la formation
du peuple sous le nom de nation et sa mise en route sur la voie du pro
grs (107).
45
qui nest pas sans rappeler la rupture introduite par la critique kantien
ne entre connatre et vouloir, le conflit entre un jeu de langage fait de
dnotations qui ne relvent que du critre de la vrit, et un jeu de lan
gage qui commande la pratique thique, sociale, politique, et qui compor
te ncessairement des dcisions et des obligations, soit des noncs dont
on nattend pas quils soient vrais, mais justes, et qui donc ne relvent
pas en dernire analyse du savoir scientifique.
46
dans un Systme. Le jeu du langage de lgitimaiiion nest pas politique
tatique, mais philosophique.
47
spculative. La science et le peuple nen sont que des formes brutes.
LEtatnation luim&me ne peut exprimer valablement le peuple que par la
mdiation du savoir spculatif.
48
lEncyclopdie que raconte le discours spculatif. Celuici le cite en
exposant pour luimme ce quil sait, cestdire ensexposant luim~me.
Le vrai savoir dans cette perspective est toujours un savoir indirect,
fait dnoncs rapports, et incorpors au mtarcit dun sujet qui en
assure la lgitimit.
Il en est ainsi de tous les discours, mme sils ne sont pas de con
naissance, par exemple ceux du droit et de lEtat. Le discours hermneu
tique contemporain (116) est issu de cette prsupposition, qui assure fi
nalement quil y a du sens connattre et qui ccinfre ainsi sa lgitimit
lhistoire et notamment celle de la connaissance. Les noncs sont
pris comme des autonymes deuxmmes (117), et placs dans un mouvement
o~ ils sont censs sengendrer les uns les autres: telles sont les rgles
du jeu de langage spculatif. Luniversit, cor~me son nom lindique, en
est linstitution exclusive.
49
vouloir la loi et donc de lobserver.
50
Cette distribution des. r6l~s dans lentreprise de lgitimation est
intressante, notre point de vue, parce quelle suppose, linverse de
la thprie du systmesujet, quil ny a pas dunification ni de totalis
tion possibles des jeux de langage dans un mtadiscours. Ici au contrai
re le priviflge accord aux noncs prescriptifs, qui sont ceux que pro
fre le sujet pratique, les rend indpendants en principe des noncs de
science, qui nont plus fonctin que dinformation pour le dit sujet.
Deux remarques:
51
qui est le lieu o il se tient, dbit cette science un peuple dont cest
la mission historique de laccomplir en travaillant, combattant et sa
chant. Ce peuplesujet na pas vocation lmancipation de lhumanit,
mais la ralisation de son vritable monde de lesprit, qui est la
puissance de conservation la plus profonde de ses forces de terre et de
sang. Cette insertin du rcit de la race et du travail dans celui de
lesprit, pour lgitimer le avoir et ses institutions, est doublement
malheureuse: inconsistante thoriquement, elle suffisait pourtant
trouver dans le contexte politique un cho dsastreux.
52
10. La dlgitimation
On peut voir dans ce dclin des rcits un effet de lessor des tech
niques et des technologies partir de la Deuxime Guerre mondiale qui a
dplac laccent sur les moyens de laction plut8t que sur ses fins; ou
bien celui du redploiement du capitalisme libral avanc (High Capita
lism) aprs son repli sous la protection du keynsisme pendant les annes
19301960, renouveau qui a limin lalternative communiste et qui a va
loris la jouissance individuelle des biens et des services.
53
Le dispositif spculatif dabord recle une sorte dquivoque par
rapport au savoir. I]. montre que celuici ne mrite son nom quautant
quil se redouble (se relve, hebt sich auf) dans la citation quil
fait de ses propres noncs au sein dun discours de deuxime rang (auto
nymie) qui les lgitime. Autant dire que dans son immdiatet, le dis
cours dnotatif portant sur un rfrent (un organisme vivant, une pro
prit chimique, un phnomne physique, etc.), ne sait pas en vrit ce
quil croit savoir. La science positive nest pas un savoir. Et la
spculation se nourrit de sa suppression. 0e cette faon le rcit sp
culatif hegelien contient en luimarne, et de laveu de Flegel (123), un
scepticisme lendroit de la connaissance positive.
Une science qui na pas trouv sa lgitimit nest pas une science
vritable, elle tombe au rang le plus bas, celui didologie ou dinstru
ment de puissance, si le discours qui devait la lgitimer apparat lui
marne comme relevant dun savoir prscientifique, au mame titre quun
vulgaire rcit. Ce qui ne manque pas de se produire si lon retourne
contre lui les rgles du jeu de la science quil dnonce comme empirique.
54
de rgles quil faut admettre pour jouer au jeu spculatif (124). Une
telle apprciation suppose premirement que lon accepte comme mode gn
ral du langage de savoir celui des sciences positives, et deuximement
que lon estime que ce langage implique des prsuppositions (formelles et
axiomatiques) quil doit toujours expliciter. En de tout autres termes,
Nietzsche ne fait rien dautre quand il montre que le nihilisme europen
rsulte de lautoapplication de lexigence scientifique de vrit cet
te exigence ellemme (125).
55
Quant lautre procdure de lgitimation, celle qui vient de
lAufklrung, le dispositif d lmancipation, sa puissance intrinsque
drosin nest pas moindre que celle qui agit dans le discours spcula
tif. Nais elle porte sur un autre aspect. Sa caractristique est de
fonder la lgitimit de la science, la vrit, sur lautonomie des inter
locuteurs engags dans la pratique thique, socile et politique. Or
cette lgitimation fait demble problme, nous lavons vu: entre un
nonc dnotatif valeur cognitive et un nonc prescriptif valeur
pratique, la diffrence est de pertinence, donc de comptence. Rien ne
prouve que si un nonc qui dcrit ce quest une ralit est vrai, l
nonc prescriptif, qui aura ncessairement pour effet de la modifier,
soit juste.
Soit une porte ferme. De: La porte est ferme : Ouvrez la porte,
il ny a pas de consquence au sens de la logique propositionnelle. Les
deux noncs relvent de deux ensembles de rgles autonomes, qui dtermi
nent des pertinences diffrentes, et donc des comptences diffrentes.
Ici le rsultat de cette division de la raison en cognitive ou thorti
que dune part et pratique de lautre a pour effet dattaquer la lgiti
mit du discours de science, non pas directement, mais indirectement en
rvlant quil est un jeu de langage dot de ses rgles propres (dont les
conditions a priori de la connaissance sont chez Kant un premier aperu),
mais sans aucune vocation rglementer le jeu pratique (ni esthtique
du reste). Il est ainsi mis parit avec dautres.
56
Dans cette dissmination des jeux de langage, cest le sujet social
luimme qui parat se dissoudre. Le lien social est langagier, mais il
nest pas fait dune unique fibre. Cest une texture o se croisent au
moins deux sortes, en ralit un nombre indtermin, de jeux de langages
obissant des rgles diffrentes. Wittgenstein crit: On peut consi
drer notre langage comme une vieille cit: un labyrinthe de ruelles et
de petites places, de vieilles et de nouvelles maisons, et de maisons
agrandies de nouvelles poques, et ceci environn dune quantit de
nouveaux faubourgs aux rues rectilignes bordes de maisons uniformes
(128). Et pour bien montrer que le principe de lunitotalit, ou de la
synthse sous lautorit dun mtadiscours de savoir, est inapplicable,
il fait subir la ville du langage le vieux paradoxe du s8rite, en
demandant: A partir de combien de maisons ou de rues une ville commen
cetelle &tre une ville? (129).
57
Ce pesimisme est celui qui nourri la gnration dbutdesicle
Vienne: les artistes, Musil, Kraus, Hofxnannsthal, Loos, Sch6nberg,
Broch, mais aussi les philosophes Mach et Wittgenstein (134). Ils ont
sans doute port aussi loin que possible la conscience et la responsabi
lit thorique et artistique de la dligitimation~ On peut dire au
jourdhui que ce travail de deuil a taccompli. Il nest pas recom
mencer. Ce fut la force de Wittgenstein de ne pas en sortir du c6t du
positivisme que dveloppait le Cercle de Vienne (135), et de tracer dans
son investigation des jeux de langage la perspective dune autre sorte
de lgitimation que la performativit. Cest avec elle que le monde
postmoderne a affaire, La nostalgie du rcit perdu est ellemgme perdue
pour la plupart des gens. Il n sensuit nullement quils sont vous
la barbarie. Ce qui les en empache, cest quils savent que la lgitima
tion ne peut pas venir dailleurs que de leur pratique langagire et de
leur interaction communicationnelle. Devant tout autre croyance, la
science qui sourit dans sa barbe leur a appris la rude sobrit du
ralisme (136).
58
li. La recherche et sa lgitimation par la performativit
Aristote, Descartes, Stuart Nill entre autres ont tour tour essay
de fixer les rgles par lesquelles un nonc valeur dnotative peut ob
tenir ladhsion du destinataire (137). La recherche scientifique ne
tient pas grand compte de ces mthodes. Elle peut user et elle use de
langages, on la dit, dont les proprits dmonstratives semblent des
dfis la raison des classiques. Bachelard en a fait un bilan, il est
dj incomplet (138).
59
logique.
Une prcision s~impo$~ ici au passage. Que lon commence par fixer
laxiomatique pour en tirer ensuite des noncs qui sont acceptables en
elle, ou quau contraire le scientifique commence par tablir des faits
et par les noncer, et quil cherche ensuite dcouvrer laxiomatique du
langage dont il sest servi pour les noncer, ne constitue pas une alter
native logique, mais seulement empirique. Elle a certainement une grande
importance pour le chercheur, et aussi pour le philosophe, mais la ques
tion de la validation des noncs se pose pareillement dans les deux cas
(140).
60
(144).
61
classique et moderne peut trouver dans tel de ces systmes une force de
conviction nouvelle et obtenir lassendment de la communaut des experts
(147). La mthode par les jeux de langage que nous avons suivie ici se
prvaut modestement de ce courant de pense.
On est entran dans une tout autre direction par lautre aspect im
portant de la recherche, qui concerne ladministration de la preuve. Cel
leci est en principe une partie de largumentation destine faire ac
cepter un nouvel nonc comme le tmoignage ou la pice conviction dans
le cas de la rhtorique judiciaire (148). Mais elle soulve un problme
spcial: cest avec elle que le rfrent (la ralit) est convoqu et
cit dans le dbat entre scientifiques.
62
au hasard ou qui intressent plus ou autant les arts (technai) que le sa
voir: les Grecs classiques par exemple ntablissent pas de relation mas
sive entre ce dernier et les techniques (152). Aux XVIme et XVIIme
sicles, les travaux des 1perspecteurs relvent encore de la curiosit
et de linnovation artistique (153) . Il en est ainsi jusqu la fin du
XVTIIme sicle (154). Et lon peut soutenir que de nos jours encore des
activits sauvages dinvention technique, parfois apparentes au brico
lage, persistent en dehors des besoins de largumentation scientifique
(155).
63
Cest plus le dsir denrichissement que celui de savoir qui impose
dabord auxtechniques limpratif damlioration des performances et de
ralisation des produits. La conjugaison organique de la technique avec
le profit prcde sa jonction avec la science. Les techniques ne prennent
de limportance dans le savoir contemporain que par la mdiation de les
prit de performativit gnralise. Mme aujourdhui la subordination du
progrs du savoir celui de linvestissement technologique nest pas im
mdiate (156).
64
cestdire le meilleur rapport input/output. LEtat et/ou lentreprise
abandonne le rcit de lgitimation idaliste ou humaniste pour justifier
le nouvel enjeu: dans le discours des bailleurs de fonds daujourdhui,
le seul enjeu crdible, cest la puissance. On nachte pas des savants,
des techniciens et des appareils pour savoir la vrit, nais pour accro
tre la puissance.
65
contrtle du contexte, cestdire lamlioration des performances rali
ses contre les partenaires qui constituent ce dernier (que ce soit la
nature ou les hommes) pourrait valoir comme une sorte de lgitimation
(161). Ce serait une lgitimation parle fait.
66
Le critre de performativit est explicitement invoqu par les administra
tions pour justifier le refus dhabiliter tel ou tel centre de recherches
(163).
67
12. Lenseignement et sa lgitimation par la perfornativit
68
logiciens,..) devraient se voir reconnatre une priorit en matire den
seignement. Dautant plus que la multiplication de ces experts devrait
acclrer les progrs de la recherche dans dautres secteurs de la con
naissance, comme on la vu pour la mdecine et la biologie.
69
Par sa fonctin de professionnalisation, ~ suprieur
sadresse encore des jeunes issus des lites librales auxquels est
transmise la comptence que la profession juge ncessaire; viennent sy
adjoindre, par une voie ou par une autre (par exemple les Instituts tech
nologiques), mais selon le mme modle .di4actique, des destinataires des
nouveaux savoirs lis aux nouvelles techniques et technologies, qui sont
galemnt des jeunes non encore actifs.
70
les discours, les institutions et les valeurs, accompagne par dinvita
bles dsordres dans le curriculum, le contr3le des connaissances et la
pdagogie, sans parler des retombes sociopolitiques, apparat comme peu
oprationnelle et se voit refuser le moindre crdit, au nom du srieux du
systme. Pourtant ce qui se dessine l est une voie de sortie hors du
fonctionnalisme dautant moins ngligeable que &est le fonctionnalisme
qui la trace (172). Mais on peut imaginer que la responsabilit en soit
confie des rseaux extrauniversitaires (173).
71
reliant les mmoires classiques (bibliothques, etc.) ainsi que les ban
ques de donnes des terminaux intelligents mis la disposition des
tudiants.
72
ouverte. Les dtenteurs de cette sorte de savoir sont et seront lobjet
doffres, voire lenjeu de. politiques de sduction (178). De ce point de
vue, ce nest pas la fin du savoir qui sannonce, bien au contraire.
LEncyclopdie de demain, ce sont les banques de donnes. Elles excdent
la capacit de chaque utilisateur. Elles sont la nature pour lhomme
postmoderne (179).
73
Si lenseignement doit assurernon seulement la reproduction des com
ptences, mais leur progrs, il faudrait en consquence que la transmission
du savoir ne soit pas limite celle des informations, mais quelle com
porte lapprentissage de toutes les procdures capables damliorer la ca
pacit de connecter des champs que lorganisation traditionnelle des sa
voirs isole avec jalousie. Le mot dordre de linterdisciplinarit diffu
s surtout aprs la crise de 68, mais prconis bien avant, parat aller
dans cette direction. Il sest heurt beaucoup plus.
74~
conception. On ena, sembletil, des exemples notables (184). Mais il
reste difficile de dpartager ce qui revient au dispositif en quipe et ce
qui est cIfl au gnie des coquipiers.
Nais ce qui paraf t certain, cest que dans les deux cas, la dlgi
timation et la prvalence de la performativit sonnent le glas de lre
du Professeur: il nest pas plus comptent que les rseaux de mmoires
pour transmettre le savoir tabli, et il nest pas plus comptent que les
quipes interdisciplinaires pour imaginer de nouveaux coups ou de nouveaux
j eux.
75
13., La science post-moderne comme recherche des instabilits
76
parfois tard, quand les bailleurs de fonds sintressent enfin au cas
(186). Nais ce qui ne peut pas ne pas venir et revenir avec une nouvelle
thorie, une nouvelle hypothse, un nouvel nonc, une nouvelle observa
tion, cest la question de la lgitimit. Car cest la science el1em~me
qui se pose cette question et non la philosophie qui la lui pose.
Ce qui est surann nest pas de se demander ce qui est vrai et ce qui
est juste, cest de se reprsenter la science comme positiviste, et con
damne cette connaissance illgitime, ce demisavoir, que voyaient
en elle les idalistes allemands. La question: Que vaut ton argument,
que vaut ta preuve? fait tellement partie de la pragmatique du savoir
scientifique que cest elle qui assure la mtamorphose du destinataire de
largument et de la preuve en question en destinateur dun nouvel argument
et dune nouvelle preuve, donc le renouvellement la fois des discours et
des gnrations scientifiques. La science se dveloppe, et nul ne contes
te quelle se dveloppe, en dveloppant cette question. Et cette question
ellemgme en se dveloppant, conduit la question sur la question, cest
dire la mtaquestion ou question de la lgitimit: Que vaut ton
que vaut? (187).
77
scientifique, et elle nous intresse particulirement parce quelle oblige
corriger une ntion dont nous avons vu quelle est massivement introdui
te dans la discussion de la p~rformance, particulirement en matire de
thorie sociale: la notion de systme.
78
performances, apparat comme inconsistante par rapport la contradiction:
elle abaisse la performativit quelle dclare lever. Cette inconsistan
ce explique en particulier la faiblesse des bureaucraties tatiques et so
cioconomiques: elles touffent les systmes ou les Soussystmes quel
les contrlent, et sasphyxient en m6me temps quelles (feed back ngatif).
Lintrt dune telle explication est quelle na pas besoin de recourir
une lgitimation autre que celle du systme, par exemple celle de la li
bert des agents humains qui les dresse contre une autorit excessive.
En admettant que la socit soit un systme, son contrle qui implique la
dfinition prcise de son tat initial, ne peut~ pas tre effectif, parce
que cette dfinition ne peut pas tre effectue.
79
En diminuant encore le volume, on atteint lordre du rayon molculai
re, Si la sphrule se trouve dans le vide entre deux molcules dair, la
densit vraie de lair y est nulle. Cependant une fois sur mille environ,
le centre de la sphrule tombera lintrieur dune molcule, et la
densit moyenneen ce point est alors comparable ce quon appelle la
densit vraie du gaz. Si lon descend jusqu des dimensions intraatomi
ques, la sphrule a toutes chances de se trouver dans le vide, avec de
nouveau une densit nulle. Une fois sur un million de cas pourtant, son
centre peut se trouver situ dans un corpuscule ou dans le noyau de la
tome, et alors la densit deviendra plusieurs millions de fois suprieure
celle de leau. Si la sphrule se contracte encore (...), probablement
la densit moyenne redeviendra bient8t et restera nulle, ainsi que la den
sit vraie, sauf pour certaines positions trs rares o elle atteindra des
valeurs colossalement plus leves que les prcdentes (194).
80
jouait au bridge, les hasards primaires que rencontre la science de
vraient tre imputs non plus lindiffrence du d lgard de ses fa
ces, mais la ruse, cestdire un choix luimme laiss au hasard en
tre Plusieurs stratgies pures possibles (196).
81
La constatation na pas un simple intrt de curiosit abstraite, elle
vaut pour la plupart des donnes exprimentales: les contours dun flocon
deau de savon sale prsentent de telles infractuosits quil est impossi
ble pour loeil de fixer une tangente en aucun point de sa surface. Le
modle est ici donn par le mouvement brownien, dont on sait quune pro
prit est que le vecteur du dplacement de la particule partir dun
point est isotrope, cestdire que toutes les directions possibles sont
galement probables.
Les travaux de Ren Thom (201) vont dans un sens analogue. Ils in
terrogent directement la notion de systme stable, qui est prsuppos
dans le dterminisme laplacien et mme probabiliste.
82
dtermins et donner lieu des formes inattendues: ce langage constitue
la thorie dite des catastrophes.
83
selon liraclite, de toutes choes (205). 1]. y a plus de chances que les
variables de contr6le oient incompatibles que linverse. Il ny a donc
que des il3ts de dterminisme. Lantagonisme catastrophique est la r
gle, au sens propre: il y a des rgles de lagonistique gnrale des s
ries, qui se dfinissent par le nombre des variables en jeu.
Lide que lon tire de ces recherches (et de bien dautres...) est
que la prminence de la fonction continue drive comme paradigme de
la connaissance et de la prvision est en train de disparatre. En sin
tressant aux indcidables, aux limites de la prcision du contr8le, aux
quanta, aux conflits information non complte, aux fracta, aux ca
tastrophes, aux paradoxes pragmatiques, la science postmoderne fait la
thorie de sa propre volution comme discontinue, catastrophique, non
rectifiable, paradoxale. Elle change le sens du mot savoir, et elle dit
comment ce changement peut avoir lieu. Elle produit non pas du connu,
mais de linconnu. Et elle suggre un modle de lgitimation qui nest
nullement celui de la meilleure performance, mais celui de la diffrence
comprise comme paralogie (207).
84
simplement tenu de les vrifier.
85
14. La lgitimation par la paralogie
86
(section 7), laccent doit atre dsormais plac sur le dissentiment. Le
consensus est un horizon, il nest jamais acquis. Les recherches qui se
font sous lgide dun paradigme (213) tendent les stabiliser; elles
sont comme lexploitation dune ide technologique, conomique, artis
tique. Ce nest pas rien. Mais on est frapp quil vienne toujours
quelquun pour dranger lordre de la raison. Il faut supposer une
puissance qui dstabilise les capacits dexpliquer et qui se manifeste
par ldiction de nouvelles nonnes dintelligence, ou si lon prfre,
par la proposition de nouvelles rgles du jeu de langage scientifique qui
circonscrivent un nouveau champ de recherche. Cest, dans le comporte
ment scientifique, le mme processus que Thom appelle morphogense. Il
nest pas luimame sans rgles (il y a des classes de catastrophes),
mais sa dtermination est toujours locale. Transpose la discussion
scientifique et place dans une perspective de temps, cette proprit
implique limprvisibilit des dcouvertes. Par rapport un idal de
transparence, elle est un facteur de formation dopacits, qui repousse
le moment du consensus plus tard (214).
87
puissance de lensemble.
88
problmes de communication interne que rencontre la communaut scientifi
que dans son travail pour dfaire et refaire ses langages sont dune natu
re comparable ceux de la collectivit sociale quand, prive de la cultu
re des rcits, elle doit mettre lpreuve sa communication avec elle
mme, et sinterroger par lm&ne sur la nature de la lgitimit des d
cisions prises en son nom.
89
pas performatifs pour la science comme totalit. La rponse normale du
chercheur aux demandes est plut6t: Il faut voir, racontez votre histoire
(220). En principe encore il ne prjuge pas que le cas est dj rgl,
ni que la science souffrira dans sa puissance si on le rexamine. Cest
mame linverse.
Mme la permissivit par rapport au~~ divers jeux est place sous la
condition de performativit. La redfinition des normes de vie consiste
dans lamlioration de la comptence du s~stme en matire de puissance.
Cela est particulirement vident avec lintroduction des technologies
tlmatiques: les technocrates y voient la promesse dune libralisation
et dun enrichissement des interactions entre locuteurs, mais leffet in
tressant est quil en rsultera de nouvelles tensions dans le systme,
qui amlioreront ses performances (223).
90
Pour autant quelle est diffrenciante, la science dans sa pragmati
que offre lantiinodle du systme stable. Tout nonc est retenir du
moment quil comporte de la diffrence avec ce qui est su, et quil est
argumentable et prouvable. Elle est un modle de systme ouvert (224)
dans lequel la pertinence de lnonc est quil donne naissance des
ides, ~ dautres noncs et dautres rgles de jeux. Il
ny a pas dans la science de mtalangue gnrale dans laquelle toutes les
autres peuvent Etre transcrites et values. Cest ce qui inderdit li
dentification au systme et, tout compte fait, la terreur. Le clivage
entre dcideurs et excutants, sil existe dans la communaut scientifi
que (et il existe), appartient au systme socioconomique, non la
pragmatique scientifique. Il est lun des principaux obstacles au dve
loppement de limagination des savoirs.
91
des noncs dnotatifs, mais prescriptifs, quil vaut mieux appeler mta
prescriptifs pour viter des confusions (ils prescrivent ce que doivent
atre les coups des jeux de langage pour tre admissibles). Lactivit
diffrenciante, ou dimagination, ou de paralogie dans la pragmatique
scientifique actuelle, a pour fonction de faire apparatre ces mtapres
criptifs (les prsupposs (226) ), et de demander que les partenaires
en acceptent dautres. La seule lgitimation qui rende recevable en fin
de compte une telle demande est: Cela donnera naissance des ides,
cestdire de nouveaux noncs.
Cest en effet supposer deux choses. La premire est que tous les
locuteurs peuvent tomber daccord sur des rgles ou des mtaprescriptions
valables universellement pour tous les jeux de langage, alors quil est
92
clair que ceuxci sont htromorphes et relvent de rgles pragmatiques
htrognes.
93
dans les matires professionnelles, affectives, sexuelles, culturelles,
familiales, internationales comme dans les affaires politiques. Lvolu
tion est certes quivoque: le contrat temporaire est favoris par le sys
tme cause de sa plus grande souplesse, de son moindre coflt, et de lef
fervescence des motivations qui laccompagne, tous facteurs contribuant
une meilleure oprativit. Mais il nest pas question, de toute faon,
de proposer une alternative pure au systme: nous savons tous, dans
ces annes 70 finissantes, quelle lui ressemblera. Il faut se rjouir
que la tendance au contrat temporaire soit quivoque: elle nappartient
pas la seule finalit du systme mais celuici la tolre, et elle indi
que en son sein une autre finalit, celle de la connaissance des jeux de
langage comme tels et de la dcision dassumer la responsabilit de leurs
rgles et de leurs effets, le principal de ceuxci tant ce qui valide
ladoption de cellesl, la recherche de la paralogie.
94
Notes
(4) N.S. Troubetzkoy, Grundziige der Phonologie, Prague, TCLP VII, 1939;
tf Cantineau, Principes de phonologie, Paris, Klincksieck, 1949.
(5) N. Wiener, Cybernetics and Society. The Human Use of Human Beings,
Boston, Houghton Mifflin, 1949; tf Cyberntique et socit, Deux
Rives, 1949. W.R. Ashby, An Introduction to Cybernetics, Londres,
Chapman and Hall, 1956.
(9) C.L. Gaudfernan & A. Tab, Glossaire, in: P. Nora & A. Mmc,
Linformatisation de la socit, La Documentation franaise, 1978.
R. Beca, Les banques de donnes, Nouvelle informatique et nouvelle
croissance, annexe I, Linformatisation...., loc cit.
95
(li) P. Watzlawjck, J. HelmickBeavin, D. Jackson, Pragmatics of Human
Communication. A Study of Interactional Patterns, Pathologies, and
Paradoxes, N Y, Northorn, 1967; tf J. Mosche, Une logique de la
communication, Paris, Seuil, 1972.
(15) Les firmes Craig et Lexicon annoncent la mise sur le march de tra
ducteurs de poche: quatre modules en langues diffrentes accepts
simultanment, chacun comptant 1500 mots, avec mmoire. La Weidner
Communication Systems Inc. produit un Multilingual Word Processing
qui permet damener la capacit dun traducteur moyen de 600 2400
mots par heure. Il comporte une triple mmoire: dictionnaire bi
lingue, dictionnaire des synonymes, index grammatical (La semaine
media 6 (6 dcembre 1978), 5.
96
(16) J. Haberams, Erkenntnis und Interesse, Francfort, 1968; tf Brohm &
Clmenon, Connaissance et intrt, Paris, Callimard, 1976.
97
(22) Il sagit daffaiblir ladministration, de parvenir 1Etat mi
nimum. Cest le dclin du Welfare State, concomitant la crise
commence en 1974.
98
Le performatif dAustin ralise la performance optima.
(31) Une analyse rcente de ces catgories est faite par Haberinas,
Unbereitende Bemerkungen..., et discute par J. Poulain, art cit.
(33) J. Von Neumann & O. Morgenstern, Theory of Cames and Economic Beha
vior, Princeton UP, 1944, 3me dition 1944, 49: Le jeu consiste
dans lensemble des rgles qui le dcrivent. Formule trangre
lesprit de Wittgenstein, pour qui le concept de jeu ne saurait
&tre matris par une dfinition puisque celleci est dj un jeu
de langage (op cit, ~ 6584 notamment).
(34) Le terme est de J.H. Searle: TTLe5 actes de langage sont les units
minimales de base de la communication linguistique (op cit, tf,
52). Nous les plaons sous lgide de lagn (la joute) plutt que
de la communication.
99
moderne, la science doit venir remplacer la religion use jusqu
la corde pour dfinir les buts de vie.
(41) Le mot est pris ici selon lacception que J.K. Galbraith a donne
au terme technostructure dans Le nouvel Etat industriel. Essai
sur le systme cnomique amricain, Paris, Gallimard, 1968, ou
R. Aron celui dstrctretechnicobureaucratique dans Dixhuit
leons sur la socit industrielle, Paris, Gallimard, 1962, plut8t
que dans le sens voqu par le terme bureaucratie. Ce dernier est
beaucoup plus dur parce quil est sociopolitique autant quco
nomique et quil procde initialement dune critique faite par
lOpposition ouvrire (Kollontal), puis par lopposition trotskyste
au pouvoir bolchvique, puis stalinien. Voir ce sujet Cl. Le
fort, Elments dune critique de la bureaucratie, Genve, Droz,
1971, o la critique stend la socit bureaucratique dans son
ensemble.
100
(43) M. Horkheimer, Traditionnelle und kritische Theorie (1937), in:
tf Maillard & Muller, Thorie traditionnelle et thorie critique,
Paris, Gallimard, 1974. Voir aussi: tf Collectif du Collge de
philosophie, Thorie critique, Paris, Payot, 1978. Et la biblio
graphie raisonne de lEcole de Francfort (franaise, arrte en
1978) in: Esprit 5 (mai 1978) par Hoehn & Raulet.
(48) Cest une allusion aux bclages thoriques qui ont fait cho aux
guerres dAlgrie et du Viet Nam, et au mouvement tudiant des an
nes 1960. Un panorama historique est donn par A. Schnapp et P.
VidalNaquet, Journal de la Commune tudiante, Paris, Seuil, 1969,
Prsentation.
(49) Lewis Mumford, The Myth of the Machine. Technics and Human Deve
lopment, Londres, Secker & Warburg, 1967; tf Le mythe de la ma
chine, Paris, Fayard, 1974.
101
Entscheidung, Tbingen, 1963; L. Sfez, Critique de la dcision
(1973), Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences poli
tiques, 1976.
(53) Quon suive le dclin de noms tels que Staline, Mao, Castro comme
ponymes de la rvolution depuis vingt ans. Quon songe au lzar
dage de limage du Prsident aux EtatsUnis aprs laffaire du
Watergate.
102
(60) Par exemple E. Goffman, The Presentation of Self in Everyday Life,
Edinbourg, U of Edinburgh P, 1956; A.W. Gouldner, op cit, eh 10;
A. Touraine, La voix et le regard, Paris, Seuil, 1978; id et alU,
Lutte tudiante, Paris, Seuil, 1978; N. Callon, Sociologie des
techniques?,Pandore 2 (fvrier 1979), 2832; P. Watzlawick et
alu, op cit.
(62) Voir H.P. Grice, Logic and Conversation, in P. Cale & J.J. Norgan
edit, Speech Acts III, Syntax and Semantics, N Y, Academic P,
1975, 5982.
(66) Voir 1K. Popper, togik der Forschung, Vienne, Springer, 1935; tf
ThyssenRutten & Devaux L logique de la dcouverte scientifique,
Paris, Payot, 1973; id, Normal Science and its Dangers, in I.
Latakos & A. Musgrave edit, Criticism and the Growth of Knowledge,
Cambridge (GB) UP, 1 1970.
103
(69) Voir lcole culturaliste amricaine: C. DuBois, A. Kardiner, R.
Linton, M. Mead.
(73) R. Jaulin, La paix blanche, Paris, Seuil, 1970; rdit, t. I & II,
10/18, 1974.
(77) Andr M dAns, Le Dit des Vrais Hommes, Paris, 10/18, 1978.
(78) Ibid, 7.
104
(85) Voir Mircea Eliade, Le mythe de lternel retour. Archtypes et
rptitions, Paris, Gallimard, 1949.
(86) Lexemple est emprunt Frege, Ueber Sinn und Bedeutung (1892);
t. angl. On Sense and Reference, Philosophical Writings, Oxford,
Blackwell, 1960.
(91) On ne peut aborder ici les difficults que soulve cette double
prsupposition. Voir Vincent Descombes, Linconscient malgr lui,
Paris, Minuit, 1977.
(96) Cest ainsi que Mtraux dit Clastres: Pour pouvoir tudier une
socit primitive, il faut quelle soit dj un peu pourrie. Il
faut en effet que linformateur indigne puisse lexaminer avec
loeil dun ethnologue, en se posant la question du fonctionnement
de ses institutions, et donc de leur lgitimit. En rflchissant
son chec auprs la tribu des Ach, Clastres conclut: Et pour
cela, dun m&me mouvement, les Ach recevaient les cadeaux quils
ne rclamaient pas, ils refusaient les essais de dialogue parce
quils taient assez forts pour nen avoir pas besoin: nous com
mencerions parler lorsquils seraient malades (Cit par M. Car
try, Pierre Clastres, Libre 4 (1978)).
105
(97) Sur lidologie scientiste, voir Survivre 9 (aofltseptembre 1971),
repris dans Jaubert et LvyLeblond edit, op cit, 51 sq. On trouve
la fin de ce recueil une bibliographie des priodiques et des
groupes luttant contre les diverses formes de subordination de la
science au systme.
106
Ces documents font partie dun dossier sur luniversit brsilienne
qui ma t aimablement communiqu par Helena C. Chainlian et Marthe
Ramos de Carvalho, de lUniversit de SaS Paulo; quelles en soient
remercies.
(114) Sensible jusque dans les conclusions dun R. Nisbet, The Degrada
tion of the Academic Dogma: the University in America, 19451970,
Londres, Heinemann, 1971. Lauteur est professeur lUniversit
de Californie, Riverside.
(115) Voir G.W. Hegel, Philosophie des Rechts (1821), tf Kaan Principes
de la philosophie du droit, Paris, Gallimard, 1940.
(117) Soient deux noncs: (1) La lune est leve; (2) Lnonc /La lune
est leve! est un nonc dnotatif. On dit que dans (2), le syn
tagme /La lune est leve! est lautonyme de (1). Voir J. ReyDe
bove, Le mtalangage, Le Robert, 1978, partie IV.
107
(1784), tf Piobetta Questce que les Lumires? in: Kant, La phi
losophie de lhistoire, Paris, Aubier, 1943.
(125) Nietzsche, Der europ~ische Nihilismus (ms N VII 3); der Nihilism,
ein normaler Zustand (ms W II 1); Kritik der Nihilism (ms W VII 3);
Zum Plane (ms W II 1), in Nietzsches Werke kritische Gesamtausgabe,
VII, 1 & 2 (18871889), Berlin, de Gruyter, 1970. Ces textes ont
fait lobjet dun commentaire de K. Ryjik, Nietzsche, le manuscrit
de Lenzer Heide, ex. dactylo., Dpartement de philosophie, Univer
sit de Paris VIII (Vincennes).
108
1963; version franaise: Martin Buber et la thorie de la con
naissance, Noms propres, Nontpellier, Pata Morgana, 1976.
(129) Ibid.
(130) Ibid.
(134) Voir A. Janik and St. Toulmin, Wittgensteins Vienna, N Y, Simon &
Schuster, 1973. J. Piel edit, Vienne dbut dun sicle, Critique
339340 (aofltseptembre 1975).
(137) Aristote dans les Analytiques (330 environ), Descartes dans les
Regulae ad directionem ingenii (1641) et les Principes de la philo
sophie (1644), Stuart Miil dans le ~y~tme de logique inductive et
dductive (1843).
109
(138) G. Bachelard, Le rationalisme appliqu, Paris, PUF, 1949; N. Ser
res, La rforme et les sept pchs, LArc 42 (nO spcial Bachelard),
1970.
(145) Les lments des mathmatiques, Paris, I-Iermann, 1940 sq. Les
points de dpart lointains de ce travail se trouvent dans les pre
mires tentatives de dmonstration de certains postulats de la
gomtrie euclidienne. Voir L. Brunschvicg, Les tapes de la phi
losophie mathmatique, Paris, PUE, 3me dit, 1947.
110
(151) A. LeroiCourhan, Milieu et techniques, Paris, Albin Miche]., 1945;
id, Le geste et la parole I, Technique et langage, Paris, Albin
Michel, 1964.
(152) J.?. Vernant, Mythe et pense chez les Grecs, Paris, Maspro, 1965,
notamment la section 4: le travail et la pense technique.
(155) Un exemple frappant en est tudi par M.J. Mulkay & 0.0. Edge,
Cognitive, Technical and Social Pactors in the Growth of Radio
astronomy, Social Science Information (1973), 2561: utilisation
des radios amateurs pour vrifier certaines implications de la
thorie de la relativit.
(157) Ce fut lune des conditions mises par Lazarsfeld son acceptation
de crer ce qui sera le Mass Communication Research Center Prin
ceton, en 1937. Cela nalla pas sans tensions. Les industries de
radio refusrent dinvestir dans le projet. On disait de Lazars
f eld quil lanait les choses mais nachevait rien. Luimme di
sait Morrison: I usually put thinks together and hoped they
worked. Cit par D. Morrison, The Beginning of Modem Mass Com
munication Research, Archives europennes de sociologie XIX, 2
(1978), 347359.
(158) Aux EtatsUnis le montant des fonds consacrs par lRtat fdral
la R & D gale celui des capitaux privs au cours de lanne 1956;
111
depuis lors il le dpasse (00E 1965).
(161) Cl. Mueller, commentant Luhman, crit: Dans les socits indus
trielles dveloppes, la lgitimation lgalerationnelle est rem
place par une lgitimation technocratique qui naccorde aucune
importance (significance) aux croyances des citoyens ni ~ la mora
lit en Jellemme (The Politics of Communication, loc cit, 135).
Voir un~ bibliographie allemande sur la question technociatique
dans Habermas, Thorie et pratique II, loc cit, 135136.
(164) Cest lors des sminaires du Princeton Radio Research Center diri
gs par Lazarsfeld en 19391940 que Laswell dfinit le procs de
communication par la formule: Who says what to whom in what chan
nel with what effect? Voir D. Morison, art. cit.
112
Lorientation vers la connaissance rationnelle est implicite dans
la culture commune de lactivisme instrumental, mais elle ne devient
plus ou moins explicite et nest le plus hautement apprcie que
dans les catgories sociales les plus instruites qui lutilisent
plus videmment dans leurs activits professionnelles (T. Parsons
& G.M. Platt, Considerations on the American Academic System,
Minerva VI (t 1968), 507; cit par A. Touraine, Universit et
socit..., loc cit, 146).
113
Rioux, voir la description de luniversit future donne par M. Al
liot au cours du mme colloque, Structures optimales de linstitu
tion universitaire, ibid, 141154. M. Alliot conclut: Nous
croyons aux structures alors quau fond il devrait y avoir le
moins de- structures possible. Telle est la vocation du Centre ex
primental, puis Universit de Paris VIII (Vincennes), dclare
lors de sa fondation en 1968. Voir ce sujet le dossier Vincennes
ou le dsir dapprendre, Paris, Moreau, 1979.
(173) Dans une interview donne Tl sept jours 981 (17 mars 1979), le
Ministre franais de lEducation, qui avait officiellement recom
mand la srie Holocauste, diffuse sur la deuxime chane, aux
lves de lenseignement public (initiative sans prcdent) dclare
que la tentative du secteur ducatif de se crer un outil audio
visuel autonome a chou et que la premire des tches ducatives
est dapprendre aux enfants choisir leurs programmes sur lan
tenne.
(177) On sait que lusage des terminaux intelligents est enseign aux co
liers au Japon. Au Canada, les centres universitaires et coll
giaux isols en font couramment usage.
114
(178) Ce fut la politique suivie par les centres de recherche amricains
ds avant la Deuxime Guerre mondiale.
(179) Nora & Mmc crivent (op cit, 16): Le principal dfi, dans les
dcennies venir, nest plus, pour les ples avancs de lhumani
t, dans la capacit de dominer la matire. Celleci est acquise.
Il rside dans la difficult de construire le rseau des liens qui
font progresser ensemble linformation et lorganisation.
(182) Le temps est une variable qui entre dans la dtermination de luni
t de puissance en dynamique. Voir aussi P. Virilio, Vitesse et
politique, Paris, Gaule, 1976.
(183) J.L. Moreno, Who Shall Survive? (1934), N Y, Beacon, 2me dition
1953; tf Maucorps & Lesage, Paris, PUE, 1954.
(185) D.J. de Solla Price (Little Science, Big Science, loc cit) tente de
constituer la science de la science. Il tablit des lois (statis
tiques) de la science prise connue objet social. Nous avons signa
l la loi du clivage non dmocratique dans la note (131). Une au
tre loi, celle des collges invisibles, dcrit leffet qui rsul
te de la multiplication m&ine des publications et de la saturation
des canaux dinformation dans les institutions scientifiques: les
aristocrates du savoir tendent par raction tablir des rseaux
stables de contacts interpersonnels groupant au maximum une centai
ne de membres coopts. D. Crane a donn de ces collges une in
terprtation sociomtrique dans: Invisible Colleges, Chicago &
Londres, The U of Chicago P, 1972. Voir Lcuyer, art cit.
115
(187) Un exemple clbre en est donn par la discussion sur le dterminis
me dclenche par la mcanique quantique. Voir par exemple la pr
sentation de la correspondance entre M. Bern et A. Einstein (1916
1955) par J.M. LvyLeblend, Le grand dbat de la mcanique quati
que, La recherche 20 (fvrier 1972), 137144. Lhistoire des
scienceshumaines depuis un sicle est pleine de ces passages du
discours anthropologique au niveau du mtalangage.
(194) J. Perrin, Les atomes (1913), Paris, PUE, 1970, 1422. Le texte
est plac par Mandelbrot en Ittroduction aux Objets fractals,
loc cit.
116
(198) La probabilit est ici rapparue non plus comme principe constitu
tif dune structure dobjet, mais comme principe rgulateur dune
structure de comportement (e.G. Granger, Pense formelle et scien
ces de lhomme, Paris, AubierMontaigne, 1960, 142). Lide que
les dieux jouent, disons, au bridge serait plut8t une hypothse
grecque prplatonicienne.
(199) Op cit, 4.
(202) Lexemple est emprunt par Pomian E.C. Zeeman, The Geometry of
Catastrophe, Times Literary Supplement (10 dcembre 1971).
(209) P.B. Medawar, The Art of the Soluble, Londres, Methuen, 6me di
tion 1967, notamment les chapitres intituls No Conceptions of
Science, et Hypothesis and Imagination.
117
(211) 11 na pas t possible dans le cadre de cette tude danalyser la
forme que prend le retour du rcit dans les discours de lgitima
tion tels que: le systmatique ouvert, la localit, lantimtho
de, et en gnral tout ce que nous regroupons ici sous le nom de
paralogie.
(214) Pomian, art cit, montre que cette sorte de fonctionnement (par ca
tastrophe) ne relve nullement de la dialectique hegelienne.
(216) On trouve une articulation de cette hypothse dans les tudes plus
anciennes de D. Riesman, The Lonely Crowd, Cambridge (Mas), Yale
13F, 1950; de W.H. Whyte, The Organization Man, N Y, Simon &
Schuster, 1956; de H. Narcuse, One Dimensional Man, Boston,
Beacon, 1966 (tous trois traduits en franais).
(218) Or, comme le dit G. Canguihem, lhomme nest vraiment sain que
lorsquill est capable de plusieurs normes, lorsquil est plus que
normal (Le normal et le pathologique (1951), La connaissance de
la vie, Paris, Hachette, 1952, 210).
118
(219) E.E. David (art cit) note que la socit ne peut connatre que les
besoins quelle prouve dans ltat actuel de son milieu technolo
gique. Cest le propre de la science fondamentale de dcouvrir des
proprits inconnues qui vont remodeler le milieu technique et
crer des besoins imprvisibles. Il cite lutilisation du matriau
solide comme amplificateur et lessor de la physique des solides.
La critique de cette rgulation ngative des interactions socia
les et des besoins par lobjet technique contemporain est faite
par R. Jaulin, Le mythe technologique, Revue de lentreprise 26
(n spcial: Lethnotechnologie) (mars 1979, 4955). Lauteur
rend compte de A.G. Haudricourt, La technologie culturelle, essai
de mthodologie, in: B. Gille, Histoire des techniques, loc cit.
(220) Nedawar (op cit, 151152) oppose le style crit et le style oral
des scientifiques. Le premier doit tre inductif sous peine de
ne pas tre pris en considration; du second, il relave une liste
couramment entendues dans les laboratoires, dont:
My resuits dont make a story yet. Il conclut: Scientists are
building explanatory structures, telling stories (...).
(221) Pour un exemple clbre, voir L.S. Feuer, The Conflict of Genera
tions (1969), tf Alexandre, Linstein et le conflit des gnrations,
Bruxelles, Complexe, 1979. Comme le souligne Noscovici dans sa
Prface la traduction franaise, la Relativit est ne dans une
acadmie de fortune, forme par des amis dont aucun nest physi
cien, rien que des ingnieurs et des philosophes amateurs.
119
(226) Cest du moins lune des faons de comprendre ce terme qui appar
tient la problmatique de 0. Ducrot, op cit.
(230) Voir J. Poulain, art cit, note 28; et pour une discussion plus
gnrale. de la pragmatique de Searle et de Gehlen: J. Poulain,
Pragmatique de la parole et pragmatique de la vie, Phi zro 7. 1
(septembre 1978), Universit de Montral, 550.
120
radioamateurs (et notamment sur leur rle au Qubec lors de laf
faire du FLQ en octobre 1970, et du Front Commun en mai 1972);
sur les radios communautaires aux EtatsUnis et au Canada; sur
limpact de linformatique sur les conditions du travail rdac
tionnel dans la presse; sur les radios pirates (avant leur dve
loppement en Italie); sur les fichiers administratifs, sur le
monopole IBM, sur le sabotage informaticien. La municipalit
dYverdon (Canton de Vaud) aprs avoir vot lachat dun ordina
teur (oprationnel en 1981) a dict un certain nombre de rgles:
comptence exclusive du conseil municipal pour dcider quelles
donnes sont collectes, qui et sous quelles conditions elles
sont communiques; accessibilit de toutes les donnes tout ci
toyen sur sa demande (contre paiement); droit pour tout citoyen
de prendre connaissance des donnes de sa fiche (une cinquantaine),
de les corriger, de formuler leur sujet une rclamation au con
seil municipal et ventuellement au Conseil dEtat; droit pour
tout citoyen de savoir (sur demande) quelles donnes le concer
nant sont communiques, et qui (La semaine media 18 (1er mars
1979), 9.
121
Achev dimprimer A
Qubec en mars 1980, sur
les presses du Service des Impressions en rgie
du Bureau de lditeur otilciel
du Qubec
CONSEIL SUPRIEUR DE LDUCATION
7980-1173 56-1014