Les Kabir Pantis - J.S. Harriot

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Notes du mont Royal

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tes du mont Royal dans le cadre dun
expos gratuit sur la littrature.
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MMOIRE
S0R

LES KABIR PANTIS;


SECTE DE DISTES

DE L'HINDOUSTAN,
ADRESSA

A LA SOCIT ASIATIQUE DE PARIS,


PAR

MfjQjm^fmm* HARRIQT,
COLONEL AU- * * ' 8IKEKT 0>INFANTERIE %
AU BENGALE.

PARIS.
IMPRIMERIE ROYALE.

M DCCC XXXII.
BZTRArr S U NOUVEAU JOUBNAL ASIATIQUE.

.i ;-i'/i.'i ' I '. ; i

; i /

Te
PRFACE.

Dans ce Trait, j'offre une lgre esquisse sur une


secte de distes qui est rpandue dans THindustan, et
qui montre l'tendue de la doctrine ou axiome pytha-
goricien :
Rien ne meurt;
Mail tont se divise, se transforme on s'agglomre.

Ce Trait jette quelque lumire sur le Logos ou


Verbe, tel qu'il est driv de l'cole platonicienne,
et qu'il se trouve sur l'autel de chaque glise catho-
lique romaine.
Dans le Manuel de philosophie morale de M. A.
M. Lavillemeneue, ce dogme est expliqu comme il
suit:
Il y a dans l'homme une image imparfaite du
Ternaire :
1. L'Intelligence ;
2. La Parole;
3. L'Esprit.
Par Xintelligence, l'homme se rapproche de
(6 )
Dieu ; par le don de la parole, il se rapproche du
Verbe ternel, expression de l'intelligence ; par son
esprit, ou lame, l'homme est l'image du lien d'amour
qui unit Dieu et son Verbe : enfin, la parole humaine
est l'homme ce que le Verbe ( Logos ) est Dieu.
MMOIRE

LES KABIR PANTIS,


S E C T E DE DISTES

DE L'HINDOUSTAN.

La meilleure notice que je puisse donner sur la


secte nomme Kabir Pantis, est un extrait de leur
Bizhak ou livre sacr ; je le ferai prcder de quelques
remarques.
Les Kabir Pantis forment une secte religieuse de
distes, qui se conforment la doctrine crite par
leur fondateur ou Gourou Kabir; c'tait un tisserand
qui vivait il y a environ 150 ans. On savait si peu de
chose sur son compte, l'poque de son dcs, que,
suivant la tradition, les Hindous et les Musulmans
rclamrent galement son corps, les sectateurs de
chacune de ces religions prtendant qu'il lui avait ap-
partenu. Le tombeau de Kabir, Aoude, est visite
par ses proslytes. Ils honorent ainsi la mmoire de ce
philosophe grossier, mais libral et clair, sur lequel
un dicton populaire s'exprimait de cette manire :
KASI MARS KABIR A, RAME KVABN NIHORA.
Si Kabir mouroit Kasi ( Bnars ) , quel devoir aurait-on
> alors remplir envers Rdm ?
Le docteur J. B. Gilchrist, dans sa Grammaire
hindoustni, cite ce vers, et ajoute ensuite : Ce
( 8 )
clbre sage indien, qui vcut dans l'humble condi-
tion d'un tisserand, exprima -des sentimens et fit
des actions qui auraient honor les noms les plus
illustres.
Kabir tait regard avec une telle vnration, que
les Hindous et les Musulmans se disputrent l'avan-
tage de le compter parmi les adhrens de leurs reli-
gions respectives; ils affirment galement que son corps
ne fut ni brl ni enterr, mais disparut de lui-mme,
en laissant deux fleurs sa place : les Musulmans en
enterrrent une ; les Hindous livrrent la seconde aux
flammes. En consquence, Kabir est considr par les
Musulmans comme un soufi (c'est--dire un philosophe
ou diste) du premier rang et de la plus haute dis-
tinction, cause de sa sagesse, sa vritable pit, et
son hospitalit sans bornes, puisque souvent il aimait
mieux souffrir lui-mme le besoin, plutt que de ne pas
donner manger un tranger.
La doctrine de Kabir est si fortement empreinte du
systme de philosophie des Vdas, qu'elle leur a t
videmment emprunte, pour tre adapte l'intel-
ligence des gens du commun, quoique Kabir se moque
galement, et sans rserve, des sectateurs de Brahm
et de ceux de Mahomet, des Vdas, du Shaster et
du Coran. Voici comme, dans sa posie grossire,
il juge ces livres :
Bin dek'e vok des ke Bt hahen so kor
Apna kdri k'hat ham Beehat p'iren kapur

Cent sottise de parler (Ton pays sans l'avoir vu ;


Ils mangent du sel amer, et vendent dn camphre. >
( )
Pour prouver que la doctrine des Kabir Parais Res-
semble la philosophie des Vdas, je vais citer la
singulire explication qu'elle donne du S'abd STfS2",
et la prsenter dans la langue originale, ainsi que dans
une traduction littrale.
Ce S'abd, ou verbe, ressemble au logos de Platon :
une tude de trente ans fut ncessaire pour le com-
prendre ; et lorsque je montrai cette interprtation
feu mon ami ie docteur A. Nicol, professeur d'arabe
au collge de Christ-Cfmrch, Oxford, il eut de la
peine croire qu'elfe vnt d'une secte aussi illettre
que le sont les Kabir Pantis de l'IIindoustan.

S'ABD ( CHABD ) , le logos ou verbe.

lue logos est l'ther, le logos est Fenfer.


Le chaos a t faonn par le logos.
Le logos habite dans la bouche, le logos loge dans
l'oreille.
Les cratures ont t formes par \tfiat du logos.
Le logos est la parole, le logos est l'criture.
Le logos, mon frre, est le corps et l'esprit.
Le logos est le talisman, le logos est la divina-
tion.
Ibetogos est l'instituteur, matre ds tudians.
Le logos est mle, te logos est femelle.
L fogw embellit la trinit.
Le logos est la vue, l'invisible, le tout-puissant.
Le. logos gouverne l'univers.
Kabir dit : Cherches-tu le logos ?
( io )
Le crateur, mon frre, est le logos.
Voici l'original pris de: la partie du Bizhak de
Kabir (l) nomme Rek'ta.
S'abd akdshai, s'abd patal hai S'abtepindBrhmanda tckdya;
S'abd bena base, s'abd sarvan S'abdke s'aval murt bany ;
base
S'abdahi nddhai, s'abdahibed S'abdahiakdr, nirakr b'i;
- **>'
S'abdahi djantar h(, s'abdahi S'abdahi guru sik'he sundya.
mantar hai; .
S'abdahi puruk'hai, s'abdahi S'abdahi tre de t'a pdi.
nari hai >
S'abdahi d'ris't,ad'ris't,oankdr S'abdahi yeh Brahmnd rad-
ha jdya
Kahen Kabir, to s'abd ko kodjle S'abdahi dp kartr b'di.
Le caractre dans lequel le Bizhak de Kabir est
crit, est le kati ngari (2).
Une remarque tire des crits du docteur Priestley,
sur un sujet qui semble avoir de l'affinit avec celui-
ci, c'est--dire sur le nous ri ou logos des Grecs,
peut servir expliquer ces ides.
Platon parle de l'esprit divin comme existant de
toute ternit, mais ayant en lui-mme les ides

(1) tymologie du nom de Kabir, donne'e par quelques-uns de,


ses sectateurs Danaput, dans la province de Magadh ou Bhar:
kdya, corps, et bir, esprit.
(9) L'auteur donne, comme spcimen de ce caractre, le premier
vers du texte cit ci-dessus. Ce caractre ne diffre qne trs-peu
du dvandgari; seulement il est moins rgulier, et n'emploie ja-
mais le virma, ce qui jette quelquefois de l'incertitude sur la
lecture. Aucune imprimerie, sur le continent, ne possde cette va-
rit du dvandgari. ( Note du Rid. )
( 11 >
de tout ce qui devait exister sans lui ; H dit que
le sige immdiat de nos ides, ou l'intelligence
qu'il nomme m, et que Philoa a appele iog0mt
>: tait ce qui avait cr le monde visible. Ce fut
ce principe chez l'esprit divin, ou cet tre qui
en drivait, que Platon, suivant Lactance, donna
le nom de second dieu; le seigneur et matre de
l'univers, Dieu , fit un second dieu, visible et sen-
sible, ou, en d'autres termes, cet attribut personnifi
de Dieu dans son />)TOJPW* et l'image de Dieu (l).
Les dogmes principaux des Kabir Puntis sont les
suivans :
1. Il y a un esprit ou une ame pntrant tout
ce qui doit gouverner le corps dans toutes ses actions.
L'esprit de l'homme est diffrent de celui des ani-
maux , et, h sa dissolution suppose ou apparente,
il retourne au lieu d'o il est man.
2. Nous devons matriser nos cinq passions ou
affections :
Kmm, Krod', Lob, Mbh, Ahankdr
c'est--dire, . ,
Le deiir, b colre, Pavance, Funour, l'orgueil,

au lieu de les abandonner l'influence de tnann', ou


les sens qui sont drivs des organes de la vue, et de
fny, ou l'illusion qui est produite par Fouie, et qui
sont unis ensemble comme homme et femme pour
subjuguer. , -

(1) Voyex la Chrtient du Dr Priestley, pag. 39 et 30.


( 12 )
3. Mais il ne fout pas seulement rendre ces affec-
tions de l'esprit soumises notre volont, nous
devons de plus planter en nous ou recevoir les cinq
vertus, qui sont :
Dayd, Dihta, Tchinha, SU, Santok'.
La pit, la tendresse, la science, la bienveillance, la patience.

4. Nos efforts doivent se borner parvenir cet


heureux tat dans lequel l'esprit, l'intelligence ou
lame place en nous n'a rien esprer, dsirer ou
craindre, dans lequel nous n'avons rien demander
ou implorer, et par consquent o les prires, les
hommages, les crmonies, les plerinages et les
offrandes sont inutiles et superflues.
5. Quant l'esprit ou l'ame, cette secte parait
avoir adopt l'opinion suivante : le corps et l'esprit
nomms Kabir tant forms de cinq lmens ( Pandj-
tat'), chaque lment, lorsque l'une des parties est
dtruite ou plutt tombe en dissolution, retourne
celle dont elle mane. Par exemple, aks ou fther
tant l'origine de Fair, l'air Ftant du fe, le feu Ftant
de l'eau, l'eau l'tant de la terre; par une raction ou
rversion semblable, la terre se change en eau, Feau
en feu, le feu en air, l'air en ther ou aks, et ce
4emier remplit tout l'univers.
: Cette dernire maxime est exprime dans le Bizhak
de la manire suivante :
AKAS TAT' KA UT PAT BAI BAI TAT' KA VTIPA\F TJ i
TEBJ TAT' KA VT PAT TOA TO KA UT PAT D'ARTI.
Chaque lment, savoir, d'arti, la terre, tou, Teu, tedj,~\e
feu, bt, l'air,'retourne a sa dure. ."-.},
( 13 )
Aks, dan cette traduction, est rendu par ther,
faute d'an meilleur terme; M. H. T. Goiebrooke le
dfinit, un Suide thr ( aksha ) , expansif, qui
occupe l'espace (l).
Selon le sage Vysa, la cration, les lmens
primitifs furent produits sous la forme d'atomes,
la premire chose cre ayant t le vide, duquel
naquit le vent, du vent, le feu, du feu, l'eau et la
terre (2). Cette citation (ait connatre l'autorit d'o
Kabir driva son dogme populaire, qui cependant a
une grande affinit avec la philosophie snkhya ( et
celle-ci est analogue au systme des pythagoriciens ) ,
suivant laquelle les cinq lmens, savoir, 1. l'aks ou
t'ther, 2. Tair, 3. le feu, 4. Teau, S."la terre,
composent ies trois mondes, et, la destruction de
toutes choses, sont absorbs dans un ordre inverse de
celui d'aprs lequel ils sont mans de leurs principes
primitifs.
J'ai remarqu prcdemment que la doctrine de
Kabir parat avoir t tire du Vednta sra ou de
la philosophie de Vedavysa, ainsi nomm par pr-
minence, parce qu'il a rdig ies Vdas il y a plus de
trois mille ans, et qu'il a constitu ies institutions in-
diennes , qui sont restes dans un tat d'intgrit suffi
sant pour donner les moyens de lest juger. Tandis que
-: . 't 'I ', - .1 I.". :-.
' - .:!.,; r-: _ .. , .i :..(,.. ! .' ,. . !
;(1) Comparez \A philosophie des hindous, dws les Transac-
tions de la Socit asiatique de Londres, tom. I, pag. 3 , 39 et 39.
() "Ward, Viet of tlii titrature of the Hindoos, tom. If;
pag.i!3*.. ' > ! . ' <
(14)
celles des Assyriens, des Perses, des trusques, des
gyptiens, des Cretois, des Spartiates, des Hbreux,
des Ibriens et des Celtes, sont toutes disparues de la
surface de ta terre, le code des Hindous est le seul
qui ait rsist galement l'effort de la puissance des
Gres, des Tartares et des Musulmans. Mais ne nous
cartons pas trop de notre sujet. Vedavysa dit: L'u-
nivers a t form du vide, de l'i,klu feu, deTeau,
de la terre; ce qui, ainsi qu'il a t observ plus
haut, ressemble AKAS\ TAT" K UT PAT BAI. L'-
ther est, selon Kabir, l'origine de fair : or Anaximnes
enseignait galement que l'ther subtil tait le pre-
mier principe matriel existant dans la nature.
Quant au S'abd, qui signifie littralement le logos
ou le Verbe, il y a une connexion ou ressemblance
singulire entre la doctrine des Vdas des Hindous,
relativement au pouvoir de la divinit, de crer, de
conserver et de dtruire, et celle des Grecs et des
Romains, et peut-tre -des mystres de Samothrace,
puisqueCicron convient que le Dieu suprme ne ft
; pas toutes choses immdiatement et par hiMnme,
mais qu'il assigna certaines, parties et dpartemens
des dieux infrieurs'; car, dans les temps anciens
comme dans les temps modernes, aucun lieu n'est sans
un dieu ou sans un saint. 'n-
Suivant les Kabir Pantis,
1. Les vices sont transmis par les organes de la
vue, ordinairement appels marin, et "bar ceux de
l'oue, gnralement appels mq,y ou illusion.
2. U n'y a pas d'autre enfer que celui que l'homme
( M )
cre lui-mme dans son imagination, ni d'autre mi-
sre que celle qu'il s'attire. ' ! ^
3. Il n'y a ni commencement ni fin, ni vie, ni
mort. . ' ' <'' <!
4. Les imens desquels fhomme et chaque chose
sont composs, naissent les uns des autres. Ce senti-
ment ressemble la doctrine de Kanada, l'un des an-
ciens sages de EHindoustan, .suivant lequel ' le corps
* est compos de terre, d'eau, de lumire ) d'air et
d'ther.
5. L'homme forma les lettres de Falphabet, donna
des noms aux diffrens objets qu'il vit, fixa un com-
mencement et une fin, et commena adorer un tre
sous des formes et des dnominations1 diverses, qui
ont t transmises de gnration en gnration,
6. La rflexion ou l'examen que chacun feit de
lui-mme est recommand pour toutes les actions. '
7. Il est dfendu de tuer aucun animal ; par con-
squent , manger de la viande est interdit.
8. Des temples sont levs pour le culte, par
exemple Bnars et Malwa : ils sont simples ; la
principale pratique semble consister rciter. le Biz-
hak, ou. le livre crit par Kabir.
Cudworth observe, dans sa traduction de Virgile,
que a les paens n'adoraient pas les diffrentes parties
du monde comme autant de dieux rels, mais qu'ils
les honoraient comme les parties et les membres d'*m
dieu suprme , le grand animal univers , ou^'eri-
semble du monde anim, pris dans sa totalit comme
une seule chose. ,, ,.i i
( 16 )
Ces pressions ioffirent fa Meillaare explication do
Brahmnda ou de l'uf du.monde, de Kabir et du
sage Vysa, ainsi que des Cires; car en remontant
jusqu' Orphe, on voit que Dieu, de toute ter-
nit, contenait en lui-mme les principes informes du
monde matriel, M
Suivant la thogonie du Siva-pqurna, Brahm,
voulant crer le monde, produisit deux tres, l'un
mle, l'autre femelle, Pouroucha et Prakriti, nomms
Nryanu et Nrya?i : de Nryana sortirent les
cinq lmens , la terre, l'air, l'eau , le feu et l'aks
(lether) (l).
Conformment la doctrine des Vdas, Dieu est
lame du monde. Elle dit de plus : Dieu est par-tout,
et chaque chose est en Dieu. Cette opinion domine
dans les crits de Kabir , des sou6s de la Perse et de
l'Inde, ainsi que dans ceux des auteurs classiques de
la Grce et de Home. Molvi Djami dit :

cgi,!* Js &>
. Tu n'es qu'une partie, il est > l'agrgation ; si
pendant quelque temps tu mdites sur le tout, tu
seras le tout. ..
Afin d'tendre cette croyance un peu plus loin;,
JHatpn affirmait que u Dieu, en passant travers toutes
obdses, les patraiti pictte et Mafo-Aurk ont
dit-que Taine, dgage du corps, retournait l'ame
"''<' ' - '<> f''* - ii i
(1) Moore, Hindoo Panthon, p. 78.
( ? )
du monde ; opinion conforme ce vers de Lucain.
Jupiter est qaodcumqne vides, quocumque moveri (1).

Je puis conclure ces extraits par ces vers de


l'Enide, de Virgile :
> Principio coelnm ac terrai, camposque liqncntet,
Lncentemque globum lame, Titaniaqae astra,
Spiritus in tus alit, totamque infusa per artus
Mens agitt olem et magno se corpore miscet. *

Les deux sectes d'unitaires ou de distes de l'Inde


les plus rpandues, et que l'on peut distinguer comme
telles, sont les Sekhs du Pendjab et les Kabir Pantis.
Les premiers se rapprochent davantage de l'islamisme,
puisqu'ils permettent quelquefois les plerinages ou
jatri et l'adoration de Dourg, qu'ils mangent de la
viande, et se conforment d'autres observances. Cela
suffit pour tablir une diffrence entre eux et les Kabir
Pantis, qui s'abstiennent de chair, notent la vie
aucun animal, n'adorent nulle espce d'emblme ou
d'image, et vivent d'une manire qui ne peut offenser
les prjugs religieux des membres de leur propre fa-
mille qui n'ont pas embrass leurs opinions hr-
tiques. En effet, il est trs-singulier qu'un brahmane,
tan tchatri, un vaisia, un shoudra peut avoir t con-
verti .la foi de Kabir, et cependant continuer vivre
et mme se marier dans sa caste, privilge qui n'est

(1) Ce sentiment est bien exprime' par Pope, dan* son J?MM
sur l'homme : *
AU are but parts of one stupendous whole,
Whose body Nature is and Ood Me sol.
( 18 )
pas accord aux Sekhs, ni aucune autre secte dis-
sidente de l'antique culte de Brahm, de Vichnou ou
de Shiva.
Le principal objet de Nanek et de Kabir, dans leurs
rformes religieuses, parat avoir t d'exclure toute
adoration d'idole, tout culte rendu des lieux parti-
culiers, des rivires et des emblmes, et, en sim-
plifiant la doctrine et les crmonies pour le peuple,
de lui tire comprendre plus aisment les vrits phy-
siques et morales, peu nombreuses et simples, qui
sont rpandues dans toutes les religions. Les succs
obtenus par Nanek ont t exposs par sir John Mal-
com, dans son ouvrage sur les Sekhs (l). Je soumets
la Socit asiatique cet essai trs-supernciel sur
les Kabir Pantis, secte rpandue dans les provinces
du Bengale, Behar, Aoude et Malwa, et j'y joins la
copie du Bizhak, leur livre sacr , esprant que l'at-
tention de quelqu'un plus capable que je ne le suis
d eclaircir ce sujet, sera appele sur des sectaires qui,
de mme que les quakers, sont remarquables par la
simplicit de leurs murs et leur bonne conduite,
mais que personne ne semble bien connatre.
Je dois faire observer que c'est feu M. H. Carter,
major du 30." rgiment d'infanterie cipaye, qui, en
1814, attira mon attention sur les Kabir Pantis.
Depuis cette poque, j'ai eu de frquens entretiens
avec eux, dans le Behar et le Malwa. La connaissance
que j'avais de leur Bizhak m'a sembl tre, dans toutes

(1) Account of the Sikhs.


( 19 )
les occasions, une excellente recommandation pour
obtenir leur bienveillance et leurs gards, car ils sont
galement francs et affectueux; ils aiment raisonner,
sont toujours prts couter les vers de leur gourou
ou instituteur Kabir, et les citer leur tour.
Je vais maintenant rapporter quelques vers pris dans
les diffrens livres. L'exorde ordinaire, en ouvrant le
Biihak ou livre sacr, crit par Kabir, est Day
Gourouki, ou S'ari day Gourouki, hommage au
gourou.
La premire section ou le premier chapitre est
intitul Saki, littralement, un confident, un ami:
il contient 365 stances. Les extraits suivans suffiront
pour en faire connatre la teneur en gnral.
1. Ponte h tat' kputra Manuh' d'aria ndm
Le produit des cinq lmens, dont le nom eit homme.
J. Pantch tat' kd b'itri , Gopt basto astdn
Birla mhrham keu paya Gur ke S'abdparman
hai
Les cinq lmens intrieurement sont cachs chacun a lenr
place, et rarement quelqu'un peut trouver leur pouvoir
latent, pour attester le mystrieux S'abd ou verbe.
4. Pantch tat' kd putra Djugti rantch mi kio
Mai tohiputcho pandit S'abd bara h'dj'io
Le produit des cinq lmens, tudi avec un art quelconque,
je l'implore de toi, 6 Pandit ! est le monde, ou la vie, le plus
important.
5. Pantch tat'k k'el hai Td kar karho bitchdr
Kah he Kabir, yeh tat' kd Djio kd hove addr
budje
Les cinq lmens sont en mouvement, afin qu'on puisse les
examiner; Kabir dit, comprends-tu le premier, puisque la
vie est sans rempart?
(20 )
9. S'abd hamar dda k Palpai karo djo ydd
Ut phalaga mholi Uper ke sab bdd.
Mon verbe est ds ie commencement, et chaque moment
sera mis en souvenir ; il fleurit, et toute autre chose est
comme du vent.
11. S'abd hamdra to s'aid k S'uni mat djao sarak
Djo tchho nij tat' ko . To s'abdahi leho parak
Ma voix et celle de l'homme est la mme. coute, ne mar-
che pas de travers. Si f homme dsire de se souvenir de son
origine, qu'il rflchisse aux paroles profres.
15. Parat upur har baht
Sa charrue gravit sur le coteau.
16. Kabirkdg'harsik'harpar Tdsaldhlygael
Po ne tike piple ko Ta tchalkan ldo bael.
La maison de Kabir est le sommet d'un coteau, o le chemin
est si troit que la fourmi ne peut y placer son pied, et
que le Pandit a encombr de Shastras.
91. Tchandan sarf lapetiya Tchandan kd karai.
L'ame, entoure de dsirs mondains, que peut-elle effectuer ?
43. Man kahen kabdjydn Tchit kahen kahn djdun
Tcha ms ke hednd Ad'kos bast gaun.
L'esprit dit : quand irai-je ? I'ame demande : o irai-je ?
le village, que je cherche depuis six mois, n'est qu' un mille
de moi. v
83. Dje mdrag sanga dtk gaye Brimha, Bishan, Mahes
So mdrag ab t'haki dn main kakin kahung up des.
La route que Sankedik a parcourue avec Brimha, Bichan,
Mahs, ils sont maintenant fatigus de cette route ; que peut-
on en dire ?
84. Bin dek' voh des ki Bt kahen so kur
Apnd khri k'ht hai Beehat p'hiren. kapur
Si Ton n'a pu vu un py, en parier est aveuglement ;
ils mangent eux-mmes du sel amer, et ils vont vendre du
camphre. .,
119* Aii sak'hi sir-khaure Dje nitvdra djdi
Kia pandit, kia pothi Djo rti deeas mori gi.
(81 )
La moiti d'un ver est inffiiante, si Ton y rflchit conve-
nablement; que sont le* crite de* Pandit*, qni ont chant*
nuit et jour 1
133. B'kali kdri uoh DtuTk ke Djmt nikole gkm
Ad'ke sak'i Kabir l Tekar bed ke djuin
Car de mime que le lait e*t bon, qui donne le beurre,
de mme la moiti d'un de* yen de Kabir gale le* quatre Vda*.
374. Sing akeld ban race Palak palmk kart daur
Djaisa ban hai apne Toisa ban hia aur
SenI ie lion voyage dans le dsert, courant a chaque mo-
ment; comme votre fort peut tre, de mme eit celle
d'aotroi.
Ou, suivant la traduction de ce vers par ie major
Carter,
La licorne voyage seule dan* le dsert, et court de ton* le*
cts. Fais autrui .tout ce que tu voudrai* qu'il te fut fait.

La seconde partie est intitule S'abd, et consiste


en 113 petites sections ou chapitres, chacun de huit
quatorze lignes.
1. Purab des Hari kd basa Patcham vdld maqma
DU men k'hodj dek'k d yiki karima Rdvia.
men
Le village de Har est l'est, celui &Allah est ver* l'ouest ;
examine ton cur soigneusement, tu y trouvera* toute choie.
3. Abe abe mudji harko ndm Aur s'akal tudji ko nmkdm
Venez, chantons au nom de Har.,
3. Bhaire, do djagdat, kakdns* dyan.
0 mon frre, d'o sont sorties-ces deux tribus? ( les Musul-
oians et le* Hindous ).
6. Shech sayad kiteb nirchen Sumrit sakas beehdr
Sot guru ke ubdes bin Todjn kedjiu mdr I 1
Karo beehdr bekar pari- Tdran tdran sut
haro
Kaken Kabir b'hagvant Dutiya aur nakui.
bajo nala
( *2 )
Le* Cheik et les Sayad tudient le Coran, iei Hindou, le
Sfcaster. Sans l'instruction donne par nn matre, vous
dtruisez sciemment la vie. Rflchissant, et mettant de eol
ce qni est inutile, il est un vrai philosophe. Je dis : quitte
ce mdy (1), et il n'y a pat d'autre obstacle.
15. Pandit met'heya karonbe- Navoh s'ht na-sirdjan hdr
ehdr*
Thul, ast'hul, Pvan M- Rabi, Sasi, D'harni, na tura.
hin pdvak
Djoti sarvp kdl nahm Batchan na ahi sarira.
vahdn
O Pandit, s'il n'existait pas des tres, il n'y aurait pas de
crateur, ni substance, ni yide, ni air, ni feu, ni soleil,
ui lune, ni terre, ni ean, ni lumire, ni forme, ni souci,
ni monde, ni corps.
16. Bina gopl t'her nahin kat'hon
II n'y a point de lien ah ne soft le crateur. '
30. Quand ces hommes ignoras* couteront-ils U sagesse
Sans:ailes il est impossible de monter aux nues, et l'ame ne
meurt jamais.
36. Le fou gar dit: ceci est mon corps; ce corps avec
lequel tu te meus, n'est pas le tien.
38. Czi, quel est le livre que ta lis depuis le nMtrn jusqu'au
soir, et dont tu marmottes perptuellement le contenu, sans en
comprendre le sens?
53.' Pandit, rflchis, et bois de l'eau ; cette enveloppe ter-
restre que tu habites, a t occupe par piasievusv '
100. O! mon ami, o voyages-tu seui?
113. Nod'aved, Kmttbhm, ajatakba*d. .
Les Vdas et les Kattba (I) sont fau.
La troisime partie, intitule Ramana, contrent
84 petites sections o chapitres :

(1) Myd, illusion.


(1) Kateb, en arabe, le iivte ou h sainte critftre, comme le
Vida est celle des Hindous.
( 23 )
1. La vie, le son et la lumire sont reus dans nn canal.
Har et Brahma sont les trois ttes de ce mdyd.
14. Cent brahmanes ont voyag snr cette roote.
19. Le sonci est le jouet du genre humain, et l'inquitude le
chasseur.
30. Cette crainte est si grave qu'elle nous accable de peines.
91. Je nourris, je frappe, je brle, je dvore, je remplis et les
eaux et la terre, et mon nom est Narandjan.
86. Ne te laisse pas fourvoyer par nne prostitue fonrbe ; les
Hindous et les Turcs sont fourbes.
98. Le tisserand ne connat pas le nom 4 Har.
99. lis saisissent un nom faax qu'ils suivent, ie prenant poaria
vrit. Quand les toiles brillent, le soleil se couche. Ainsi,
quand fam rflchit, elle dtruit les deux proprits.
33. Ils ies appellent dienx, qui ne connaissent ni le doux , ni
raigre; ie sot, de mme que fine charg de bob de santal, ne
connat pas sa bonne odeur.
36. Considre que Rmm est en toi ; quitte-le.
La quatrime partie, contenant 4 petites sections,
est le Pad Kahira.
9. Ne fais pas attention a ses qualits, d ame ! n'y songe pas,
je le rpte, mais considre les vertus de l'esprit.
La cinquime partie est le Basant, contenant 12
sections.
1. La femme joue bien avec la jeunesse. Celui qui rflchit
est nn Pandit.
7. Ce corps ne recevra jamais la sagesse ; elle est tout
prs d'eux leurs cots ; ils ne la cherchent pas, mais ils
disent : elle est loigne ; de toute part ils sont remplis de
crainte. Un millier de piges pour une ame.
8. La femme va, et clbre la fte du Houli ( ls saturnales
de fInde ) , avec les vingt-cinq personnes de sa suite, travers
les dix passages.
9. Je le dis : quitte le nom de Ram.
( 24 )
La sixime partie , le Tchtchari, est divise en
2 sections.
O insens 1 broie l'amiti dn genre humain, dans laquelle sont
les soucis et la mauvaise volont; le temple est assis sans fon-
dement. Je le dis, chappe-toi ; autrement tu seras englouti.
La septime partie est YHindola, comprenant 3
sections.
1. Tout le genre humain est venu pour tre balanc dans le
chariot de h peur.
La huitime partie, le Bla, est en 2 sections.
1. Ram a pris possession de l'me dans le corps.
La neuvime partie est le Tchntsri.
Omnkdr d djo djne Lik'ht mete tak soho djne.
Ceux qui connaissent Oankar, depuis le commencement, savent
comment faire honneur ce qui est crit.
La dixime partie est le Bipramatisi.
coute les jongleries des brahmanes ; sans avoir la connaissance
de Har, ils coulent le bateau fond.
Peut-on tre brahmane sans connatre l'esprit de Brahml
Quand lames'en va, dis, quelle est sa caste, blanche, noire on
jaune?
La onzime partie est le Beda Naxjak.
La douzime et dernire, le Pirhuli.

FIN.

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