Gazette Archéologique - Recueil de (... ) Bpt6k5730056w
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GAZJETTE
ARCHOLOGIQUE
RECUEIL DE MONUMENTS
POUR SERVIR A LA CONNAISSANCE & A L'HISTOIRE DE L'ART
MAON
TYPOGRA
GAZETTE
ARCHOLOGIQUE
RECUEIL DE MONUMENTS
DE L'ANTIQUIT & DU MOYEN-AGE
FOND PAR J. DE
WITTE
ET FR.
LENORMANT
J. DE
WITTE
Membre de l'Institut
ET
ROBERT DE LASTEYRIE
Professeur d'archologie l'cole des Chartes.
ONZIEME ANNEE
1886
PARIS
A. LVY, DITEUR
13, RUE LAFAYETTE.
Londres, DDLAU AXD G", Soho sjuare. Leipzig, TWIETMEVER et BUOCKHAUS.
Bruxelles, A. DECK. La Haye, BELOFAXTE FRRES. Saint-Ptersbourg, ISSAKOF.
Home, BOCCA. Milan, DCMOLARD. Naples , MARGHIERI.
Madrid, BAILLY-BAILURE. Barcelone , VERDAGDER. New-York, CHRISTERN.
PL. I
cix^te'^lrc-fieoloq'uiiie'-1&8 6
LA
MORT
(MUSE
DE
E GISTHE
CONSTANTINOPLE)
GAZETTE ARCHOLOGIQUE
LA MORT D'EGISTHE
BAS-RELIEF EN MARBRE DU MUSEE DE CONSTANTINOPLE
(PLANCHE 1.)
Le fragment de sarcophage, reproduit pi. 1, peut passer bon droit pour un des
meilleurs bas-reliefs du Muse de Constantinople. Il est en marbre blanc et provient,
croit-on, de l'Asie-Mineure. Dans son catalogue, M. Goold dcrit ainsi cet antique 1 :
(Synnada
Mygdonensis,
Eski
Kara
de
Phrygie
bas-relief
marbre
27.
de
Fragment
en
Hissar), haut., 0m87; long., 0m 54. Trs beau travail de la plus belle poque de l'art.
Provenance inconnue. Mort d'Alcibiade. Puis, une histoire d'Alcibiade en vingt-six
lignes et une dissertation de cinquante-cinq lignes sur le marbre de Phrygie.
En 1872, le journal Y Orient illustr publia, dans son second numro, un fort mauvais
dessin de ce bas-relief, accompagn de la description suivante, sans nom d'auteur :
marbre
de
bas-relief
de
imprial.
Fragment
Tablette
muse
antique
du
en
Phrygie, haut.,Om 87; long., 0m 54. Ce travail trs soign appartient la plus belle
poque de l'art. Il reprsente la mort d'Alcibiade. A cette note, le Dr Dthier rpondit,
dans le journal II Levantine, par un article intitul : Note sur un bas-relief reprsentant la mort de Pyrrhus Noptolme, fils d'Achille. Cette attribution, le docteur
ne l'exprimait point l pour la premire fois; elle est dj mentionne par Albert
Dumont dans son article sur le Muse de Sainte-Irne.
sarcophages.
Ces
fragments
de
fragments
sont remarbas-reliefs,
peut-tre
X.
Fragments
de
quables par le naturel de l'expression et l'nergie des mouvements. Ils appartenaient des oeuvres
excellentes de l'poque grco-romaine.
rond au bras gauche, la lance au
Premier fragment : gauche, guerrier nu, le bouclier
poing, s'avance vers un personnage galement nu, qui, un genou en terre, cherche se dfendre
et soulve des deux mains un objet semblable un escabeau ; ses pieds un des combattants est
dj terrass.
n'a
second
qui
plus-tard
fragment,
(Nous
publierons
Second
fragment
aucun
etc.,
etc.
ce
:
LA MORT DEGISTHE.
deux beaux morceaux de sculpture sont trop incomplets pour qu'on puisse dterminer
avec certitude le sujet qu'ils reprsentent. Peut-tre, pour le premier, faut-il voir, comme le suggre
M. le Dr Dthier, Noptolme surpris dans le temple de Delphes. Dans ce cas, l'objet dont il se
sert pour se dfendre, et qui, du reste, est difficile reconnatre, serait un des meubles sacrs
plutt qu'un simple escabeau ; retapa, par exemple, dont parle Euripide (Oreste, V, 1665;
Andromaque, 1088, etc.) 1.
Ces
Comme on peut s'en rendre compte, aucune de ces descriptions n'est dune exactitude
absolue. D'abord le bas-relief n'est pas en marbre de Phrygie, comme le disent MM. Goold
et S. Reinach. Rien, ni dans le grain, ni dans la couleur du marbre, ne peut faire
admettre cette assertion lance par le premier directeur du Muse ottoman. Pour
donner une ide de l'exactitude de M. Goold, il me suffira de citer de sa dissertation ce
passage relatif au marbre de Phrygie : D'aprs Strabon, la varit de la roche fournit
indistinctement et en quantit considrable, un marbre d'un blanc jauntre, d'un grain
fin et trs cristallis, qui cependant n'offre pas de rsistance la taille et rpond
toutes les qualits qu'on exige dans le marbre de construction. Gnralement, c'est la
surface de la roche qui donne le marbre blanc. En entrant dans le coeur de la montagne,
on en trouve qui est vein de bleu, de lilas et de violet. Or, Strabon ne dit rien de
tout cela 3; le gographe d'Amasia raconte seulement que : Dans le commencement,
cette carrire ne dbitait que des blocs de petite dimension; mais, aujourd'hui, par suite
du dveloppement du luxe chez les Romains, on en extrait d'immenses colonnes
monolithes qui approchent de l'albtre par la varit des couleurs 4.
Ce marbre de Phrygie, ou, plus exactement, de Synnada, est une brche violette, bien
connue des architectes qui l'appellent, tort, brche d'Alep. C'est de ce marbre
qu'taient faites les colonnes du mausole d'Hadrien, qui ornrent ensuite la basilique
de Saint-Paul hors les murs. Par contre, le bas-relief du Muse de Constantinople est
taill dans ce marbre blanc et saccharode qu'on trouve en abondance au dessus de la
couche granitique dans tout le massif nord-ouest de la pninsule anatolique.
Quant au sujet reprsent par notre bas-relief, il est impossible d'y voir le meurtre de
Noptolme et encore moins la mort d'Alcibiade.
La mort de Noptolme est parfaitement raconte par Euripide dans sa tragdie
1. Cet article est dat du 10 aot 1868, et a paru la mme
anne dans la Revue archologique, xvm, p. 236.
%. Calai, du Muse imp. d'antiq. Constantinople, 4882.
3. Cette dissertation n'est pas emprunte Strabon,
LA MORT D'GISTHE.
3. Nem., VII, m.
5. IX, 3,9.
6. Raoul Rochette, Mon. ind., pi. vu et XL.
.LA
MORT D'GISTHE.
ferme, pour ainsi dire, avant que le meurtre ne soit accompli. Cette dernire pice,
cependant, nous offre un passage qu'il est bon de remarquer. Conduis-moi, dit Oreste
gisthe, l'endroit o tu as gorg mon pre, afin d'y mourir de mme. Ces mots
semblent faire allusion une troisime version du meurtre, version conserve par la
tradition trusque, et aussi, croyons-nous, par notre bas-relief. La scne eut lieu
quand le char tnbreux de la nuit htait sa course . Clytemnestre tait couche sur
un lit. Telle la reprsentent les monuments trusques au moment o son fils va la
frapper *. Il n'y a donc rien d'tonnant qu'on ait reprsent aussi gisthe sur un lit
luttant contre les deux hros.
Sur le bas-relief de Constantinople, les deux hros sont arms de grands boucliers
ovales propres la Phocide 2. Or, d'aprs la lgende, n'est-ce pas comme deux habitants
du nord de la Grce que les hros se prsentent Argos? Nous parlerons, Pylade
et moi, dit Oreste, dans les Chophores, la langue qu'on parle prs du Parnasse,
nous imiterons l'accent de Phocide. Et plus loin : Je suis de Daulis en Phocide.
Des deux ttes d'Oreste et de Pylade, une seule est conserve sur notre bas-relief; elle
est jeune et imberbe, dtails qui conviennent aussi bien Oreste qu' Pylade; de plus,
elle est coiffe du casque aATti. Quant gisthe, la plupart des monuments figurs
le reprsentent galement imberbe et les cheveux friss 3. Dans toute cette tragdie des
Atrides, il n'y a qu'Agamemnon qui soit reprsent barbu, et cela seulement dans les
oeuvres d'art postrieures Polygnote 4.
Un dtail que personne jusqu'ici n'a mentionn, et qui cependant est d'une grande
importance, c'est le fragment d'aile qu'on voit droite, dans le champ, entre le matelas
et l'escabeau soulev par gisthe. Cette aile indique, sur notre bas-relief, la prsence
d'rinys, cette desse dont le temps rvle la puissance et qui ramena, dit Eschyle,
un fils dans la maison paternelle. On sait le rle que joue cette ancienne divinit
dans l'Orestie. C'est rinys qui appelle grands cris le meurtre ; c'est elle qui va
boire le sang d'gisthe, c'est la troisime coupe, dit Oreste, qu'elle aura remplie.
Rien d'tonnant donc que l'artiste ait reprsent cette desse prs de l'amant de
Clytemnestre 5.
Constantinople, janvier 1886.
AL. SORLIN DORIGNY.
1. Wicar, XX, 4; Uhden, Ub. d. Todlenkisl, 42, 43;
R. Rochette, Mon. ind., p. 482. Cf. Lucien De domo, 23.
,
2. Albert Dumont, dans le passage cit plus haut, nous
4. Pausan,X, 30, 1.
5. Decharme, Mythol. de la Grce, p. 399. Cf. Raoul
Rochette, op. cit.
&cu{&cteyeArrJi&oiffique-- _158 li
PL. 2
CAMES DU
CABINET DES
MDAILLES
COUPE D'ARGENT
DE LA DESSE NANA-ANAT
{Suites.
iv
TpT) XaXSaficGv
5EIV.
taire y avait subi des transformations considrables et que, en l'absence d'autres documents historiques, c'est cette succession de monnaies disparates qu'est chu le rle de
rvler elle seule les grands revirements politiques imposs par la domination
successive de races diverses. Ces rvolutions n'ont pas manqu d'amener leur suite
d'tranges associations de moeurs, d'ides et de croyances religieuses '.
Il est surtout une poque, curieuse entre toutes et contemporaine, selon toute probabilit, de la naissance du christianisme en Occcident, pendant laquelle la rgion du
haut Indus a t soumise une tribu mongolique ou tartare; partis d'au del de
ITaxarte et de l'Oxus, ces Scythes du Nord s'taient abattus sur Bactres et jusque sur le
Pendjab. Leur joug succdait celui des Parthes, qui avaient eux-mmes supplant les
rois grecs de la Bactriane. On a tout lieu de croire que les derniers envahisseurs dont
nous parlons taient le peuple appel les Yu-Tchi [race lunaire) par les historiens
Chinois, et qui porte le nom de Turuchka dans les traditions indiennes.
Les souverains assez vaguement connus qui se succdrent alors dans ce royaume
indo-scythique, frapprent des monnaies d'or, d'argent et de cuivre; ils y inscrivirent,
soit en lettres grecques, soit dans des caractres ariens, propres la contre, leurs
noms, leurs titres et les dnominations, plus ou moins tranges, d'un grand nombre
de divinits de toutes provenances. Les images de ce Panthon htroclite figuraient sur
les revers des monnaies, tandis que les effigies royales, en costume barbare, ornaient
le ct oppos. Sur ces monnaies , dont la raret a beaucoup diminu depuis l'importante dcouverte de Pchaver 2, on lit des lgendes telles que :
PAO NANO PAO KANHPKH KOPANO
PAO NANO PAO
OOHPKI
K6PANO
K6NOPAN03-
et 1885).
2. Dans un tumulus, prs de Pchaver, en Pendjab,
on a trouv, il y a quelques annes, pas moins de 524 monnaies d'or de Kanerki, d'Ooerki et de Bazodeo.(/ow)i. of.
Brit. Asiat. Soc. XII, 2; 1877).
3. Ne serait-ce pas une erreur du graveur qui a fait
oorip-/.Evopavo de oorjpy.t -/.Epavo, comme dans la ligne qui
prcde ?
4. Ces rois mongoles, le plus souvent barbus, coiffs de
hauts bonnets en pointe, vtus de longues houppelandes,
botts et arms du trident,de l'pe oude lamassue, seprsentent dansleurs effigies montaires sous plusieursaspects,
dont les plus frquents sont : 1 le roi debout, les jambes
n'en pas douter, le mot NANO ne fait qu'amplifier les titres de roi et de souverain
(PAO et K6PANO) que s'attribuaient ces chefs barbares, dont les noms, en dialecte
indien, taient Kanichka, Huvichka, Djuchka, et Vasidev 1. On s'intresserait mdiocrement ce troisime titre nigmatique si l'on ne retrouvait pas le mme mot NANAIA,
NANA et NANO, suivi quelquefois de la mme qualification PAO, sur les revers de
plusieurs mdailles de Canercs, d'Ooercs et d'Ooer ; l, ils dsignent un personnage
fminin, nimb, drap dans une robe en gaze flottante, portant un croissant sur la tte,
une fleur de lotus dans une main et, dans l'autre, un sceptre surmont d'un petit cerf
ou une petite baguette fourchue 2. On ne saurait s'y mprendre ; c'est bien l une
Artmis-Sln, c'est--dire la desse Anatis, la Nana-Anat, dont elle porte mme
le nom.
Du reste, la desse lunaire Nanaia ou Nana n'est pas la seule divinit d'origine
chaldenne, assyrienne, persique ou mme grecque, en un seul mot, d'origine
occidentale, qui figure sur les monnaies de la dynastie des Turuchka. Nous y trouvons, sous des noms plus ou moins altrs, les dieux Hlios, HAIOC, Lunus ou Mn,
MAO, Hphgestos, A9P0, Hracls, HPAKIAO, Mithras, MI6P0 ou MIOPO, Srapis,
CAPATTO 3, et beaucoup d'autres moins faciles identifier avec les dieux connus des pays
du couchant.
Toutefois, en dehors de ceux-ci, et quelquefois mme associes eux sur le mme
revers, se prsentent aussi des divinits dont l'image, le nom et les attributs nous
reportent entirement vers l'extrme Orient. Nous ne mentionnons ici la figure
accroupie du dieu Bouddha-Cakya-Muni, BOYAO et CAKANA ou CAMANA, qu'
titre de point de repaire chronologique, aidant fixer la date de la domination des
A
Yu-Tchi 4.
Mais nous insisterons davantage sur le dieu indien Siva, qui se prsente trs frquem4. Lassen, op. cit., p. 806, 836, 870 et suiv. Wilson,
Arian.antiq., p. 357-364. Ce dernier auteur rapporte que
le nom de Nana est vnr jusqu' ce jour en Caboulie
et dans l'Afghanistan ; on a gard dans ces pays la tradition de Bibi Nana ou la dame Nana-, on y trouve aussi,
l'entre du dfil de Bolan, des ruines portant ce nom. De
plus, dans certaines pices du thtre indien, on cite une
monnaie qui s'appelle nanaka et qui, parat-il, porte
l'effigie du dieu Siva. A tous ces renseignements curieux,
qui prouvent que le souvenir de la desse souveraine
Nana n'est pas effac dans certaines rgions indiennes,
n'y aurait-il pas ajouter le nom du hros moderne Nana-
Sab?
2. V. Sallet, op. cit., p. 486,197, 203 ; p.208 : ANAN,
lu de gauche droite, comme plusieurs autres noms
ment dans cette srie montaire. Il y prend un aspect hermaphrodite ; son corps, peine
cach sous une draperie flottante, s'appuie sur un zbu ou boeuf bosse. C'est videmment le boeuf Nandi, qui joue auprs du dieu hindou le rle attribu par nous au
camlopard, dans la scne o cet trange animal sert de support la desse. Le Siva des
monnaies de Canercs, d'Ooercs, d'Ooer et deBazodeo, n'y porte jamais d'autre qualification que celle de OKPO. C'est, comme l'a pens Lassen, le mot sanscrit Ougra (le
terrible), qui est une dsignation habituelle de Siva, et non point AKPA que Princeps a
donn pour un synonyme du Soleil. En effet, le dieu des mdailles indo-scythiques y figure
le plus souvent avec le trident qui transperce, le noeud coulant qui trangle, la fiole qui
empoisonne, la torche qui incendie, et d'autres attributs propres au dieu indien *.
Parfois cette divinit, aussi froce que lubrique, se trouve place sur la mme mdaille
que la desse Nana, et leurs noms, comme leurs effigies, sont associs sur le mme
revers : NANA OKPO 2; d'autres fois, OKPO, tout seul, est muni de quatre bras, tenant
chacun l'un de ses attributs destructeurs3. On le trouve mme reprsent avec trois ttes,
en plus des quatre bras 4, et parfois aussi son nom prend une acception fminine et
devient OKPA 5. Sous un aspect tout fait fminin, il nous semble dcouvrir ce mme
nom dans APAOXPO, dont l'image est prsente par plusieurs monnaies tardives et
abtardies, sigeant de face sur un trne, les jambes cartes, les pieds reposant sur un
escabeau, dans la pose que prennent les souverains de la Perse sur plusieurs monuments asiatiques du Moyen-Age 6. C'est dans cette mme pose que nous apercevons,
sur une monnaie d'or d'Ooerki, une divinit dont le nom nigmatique serait
MANAOBArO 7; elle porte un grand croissant sur ses paules, d'o sortent quatre bras
munis d'attributs divers, parmi lesquels les plus distincts sont des fleurs et des rameaux.
Le croissant plac l'entur du cou n'est qu'une rminiscence du dieu lunaire MAO, et,
la diffrence prs de ce dtail, nous retrouvons une image presque identique celle
4. V. Sallet, op. cit. p. 197,498. Le type du dieu Siva,
vtu de gaze, hissant le trident et s'appuyant sur le zbu,
figure, sans lgende, sur les monnaies du roi Cadphiss,
antrieur Canarcs. On le retrouve aussi sur un grand
nombre de monnaies tardives et abtardies qui imitent
celles de Bazodeo. (V. Sallet, p. 482 et 214.)
2. V. Sallet, op. ci.,p. 203.
3. Id.. p. 204,209.
4. M, p. 204, 209,240.
5. Id., p. 204.
6. APAOXPO, divinit fminine, debout; v. Sallet,
op. cit., p. 4 89, 200, 208 ; la mme, assise, p. 240,241;
Selon M. Thomas (art. cit.), ApSo^po n'est autre que la
desse indienne Parvti. Voir aussi Wilson, Arian.
antiqu., pi. xiv, 49 et 20. Les reprsentations de rois orientaux, assis et trnant, les genoux carts et les pieds
poss sur un tabouret, sont assez frquentes sur les
monnaies de la Perse. Les rois indo-scythes ont aussi
de la divinit assise, mais cette fois agrandie et dveloppe, sur deux et mme sur
trois coupes d'argent, dcouvertes dans la Russie orientale. Ces vases ont t signals et
dcrits par MM. Boethlingk 1, Stephani et Aspelin 2.
M. Ch. de Linas 3 a dj fait pressentir les rapports qui rattachent l'une de ces coupes
de Russie la patre d'argent du Cabinet des Mdailles de Paris, o figure la desse
Nana. Il existe certainement, entre ces deux produits d'un art qui appartient l'Asie
centrale, une filiation dont nous avons cherch suivre la trame au moyen des monnaies
indo-scythiques de la dynastie des Turuehka. Ce n'est cependant pas chose facile que
de prciser la date de pareils monuments 4. Jusqu' plus ample information, on ne peut
1. Otto Boethlingk, Sur une coupe d'argent inscription
en caractres inconnus, avec ne planche et un appendice de
M. Dom (en allem.) dans les Bullet. de l'Acad. Imp. des
sciences de Saint-Ptersbourg, t. IV (xxm), 4848, p. 460
et suiv. Cette coupe profonde, parois godronnes, a t
retire, en 4 845, du lit de la Tom, affluent de laKama, sur
les proprits des comtes Stroganoff, auxquels elle appartient. La figure tetrachre qui en occupe le fond est assise
entre deux espces de guridons monts sur des pieds
ornements et qui portent, l'un un yyre ou atech gah
enflamm, et l'autre une sorte de capsa arrondie. La tte
de la femme est ceinte d'une couronne ; dans une de ses
deux mains droites, elle lve en l'air un croissant, tandis que l'autre, arme d'un sceptre, est pose le poing sur
la hanche, comme chez la desse Mavao6aya des monnaies
d'Ooerki; le bras droit suprieur tient un astre solaire, le
second porte un trfle. La robe qui couvre entirement
l desse est orne de longs galons perls ; ses genoux
sont carts, ses pieds runis sur un escabeau. Tout autour
de l'orle, l'extrieur, court une longue inscription qui,
notre connaissance, n'a pas encore t dchiffre.
2. L. Stephani, Compte rendu de la Commission Impriale arcliologique de Saint-Ptersbourg, 1878-79, p. 148
,
J.-B. Aspelin, Antiquits du Nord Finno-Ougrien, fasc. II,
p. 447, n 620. La deuxime coupe dont nous parlons a t
achete la foire de Nijni-Nowgorod, par le prince
Gargarine, de Moscou. Le dessin qu'en donne M. Aspelin
est moiti de la grandeur (0m 416). La figure du centre
diffre de la prcdente en ce qu'elle est assise sur un
quadrupde humblement accroupi et que, dans ses deux
mains infrieures, elle tient une espce de trompette et
une petite tasse. Une inscription en caractres semblables
ceux de la prcdente entoure le bord extrieur de cette
coupe. Le troisime vase, godronn comme le premier,
mais sans inscription appartient aussi au comte S.
,
Stroganoff. 11 ne reste de la figure centrale que son corps
assis sur un lopard accroupi; la tte a disparu dans
une fracture du vase. (Aspelin, op. cit., p. 446, n 648./
3. Origines de l'orfvrerie cloisonne, t. II, p. 358-59
et 370.
GAZETTE ARCHOLOGIQUE.
ANHE 1886.
10
s'en tenir qu' des prsomptions. Il nous semble reconnatre, en effet, dans la coupe du
Cabinet de Paris, les formes de l'art iranien, modifies et altres, tout autant sous
l'influence de l'esprit hellnique abtardi que sous la pression de la nature, des moeurs
et des gots de l'Inde. Rien ne trahit encore, dans les figures de cette coupe, l'aspect
dur, gauche, confus et presque difforme que l'lment mongolique a inflig de plus en
plus aux monnaies de Kanerki et de ses successeurs ; mais ces caractres s'accentuent
d'une faon dominante dans les coupes dcrites par MM. Boethlingk et de Linas. La
patre du Cabinet des Mdailles reprsente, nos yeux, la desse persique Nana au
moment o elle vient peine de franchir les limites de l'empire iranien pour s'aventurer timidement dans les rgions brahmaniques ; les coupes de Russie nous font voir
cette divinit telle qu'elle tait devenue quand, aprs un long contact avec la conception
androgyne de l'Arddha-nriswara, dans laquelle le cruel Siva se mle sa fconde
compagne Parvti 1, l'Anatis des Parthes avait subi toutes les transformations de
forme et d'esprit dont pouvait s'accommoder une population de Scythes barbares.
C'est probablement dans la mme contre que toutes ces pices d'orfvrerie ont t
fabriques ; c'est au culte de la mme desse qu'elles se rapportent. Mais, de l'une
l'autre, il a d s'couler un espace de temps pendant lequel la pratique et le got des
arts se sont modifis, aussi bien que la domination politique, aussi bien que les
influences sociales et religieuses. Au risque de tomber dans un lieu commun, nous
dsignerons les changements qui, dans cet intervalle, se sont oprs en Bactriane et
dans le nord-ouest de l'Inde, par une substitution de l'lment scythique l'lment
perse, par un passage de YIran au Touran.
Esprons que, grce aux monuments qui chaque jour deviennent plus nombreux, le
temps est proche o l'archologie pourra ouvrir une enqute srieuse et instructive sur
les arts pratiqus, dans les temps anciens, au sein des rgions mal connues, par
lesquelles l'Inde confinait, d'un ct l'empire persan, de l'autre aux territoires vagues
que sillonnaient en tous sens les hordes scythiques. Nous n'osons pas faire plus que de
signaler ici quelques jalons, sems dans ce vaste champ d'tudes.
C'est dans ce but que, aprs avoir dcrit soigneusement, jusqu' prsent, le mdaillon
central de la coupe asiatique du Cabinet des Mdailles de Paris, nous allons complter
patres trouves en Russie, il faut eii ajouter deux, dont
l'une, quoiqu'elle vienne de la province de Belluno en
Italie, semble entache 'iranisme , elle est aussi dcrite
par AI. Stephani, Compte rendu, anne 4875 , p. 74 ; l'autre
a t publie par M. A. Cunningham, dans le Journ. of
Asiat.Soc. ofBengal, t. VII, 4838, p. 18, pi. LIX bis; le
DrLord l'avait trouve Badakchan, l'ancienne Bactres;
elle reprsente Bacchus et son cortge. Ces diverses
patres d'argent nous semblent tre les degrs successifs
d'un acheminement vers la dcadence complte dans
laquelle taient tombes les traditions de l'art grec, en
Bactriane, au moment o les tribus de Mongoles y faisaient frapper des monnaies types hybrides et y imposaient aux ciseleurs de vases prcieux la reprsentation de
leur type, de leurs coutumes nationales et des lgendes
zoologiques de l'extrme Orient. (Voir, sur les singes
musiciens, Angelo de Gubernatis, Mythologie zoologique,
t. II, p. 14 4 de l'dit. franc.)
4. Voy. dans Langlois (Monum. anc. et moder. de
l'Hindouslan, t. II, p. 456 et pi. 75) une reprsentation
de cette divinit double sexe, sur un bas-relief de la
pagode souterraine de l'le d'Elphanta.
11
12
deux longs bouts flottent au vent et ressemblent, ne s'y pas tromper, aux bouts du
kosli sacr des Mazdens, tel surtout que le reprsentent les images sculptes et
ciseles 1 de la dernire priode des arts iraniens.
Sur les quatre figures des groupes latraux, il en est deux qui ont la tte couverte
d'un large capuchon, retombant sur les paules et cachant l'avant-bras; une troisime
se prsente la tte nue avec des cheveux courts et aussi crpus que ceux d'un ngre ; la
dernire enfin porte sur son chef une troite calotte sans tresse ni voile. Du reste, aucune
trace de barbe ni de moustaches. Ce sont des visages glabres et bouffis, assez semblables ceux de leurs compagnes cheveux tresss. Nous dirions que les traits des
quatre figures latrales sont effmins si nous n'tions pas oblig de constater chez tous
les personnages de la coupe, en gnral, une certaine paisseur uniforme dans tous les
traits. C'est l'un des caractres donns, sans distinction, par les arts des Hindous, aux
figures humaines des deux sexes.
Avant de passer la description des objets que chacun des personnages porte dans
ses mains, notons que l'espace qui spare les ttes des deux femmes du groupe
suprieur, ainsi que la place correspondante dans le groupe infrieur, sont occups par
une tte plus petite, cheveux crpus, pose dans un large croissant, qui plane dans
l'espace, tout prs de l'orle du vase. Ce sont, coup sr, des images d'un dieu lunaire.
Les habitants de l'Asie Mineure adoraient, sous une forme toute semblable, le dieu
Mn 2. Telles aussi se sont dj prsentes nous, sur des monnaiesindo-scythiques de la
Bactriane, les divinits dnommes MAO et APAOXPO, dont les ttes sont encadres
dans un croissant. Ce dtail, que nous retrouvons sur la coupe de Nana-Anat, n'a donc
rien d'insolite dans une oeuvre d'art religieux appartenant la Bactriane.
Les places rserves ces deux divins simulacres de la lune, dont l'un est son
apoge, c'est--dire au dessus de la tte de la grande desse, tandis que l'autre est son
dclin, c'est--dire sous les pieds de Nana-Anat, ces places, disons-nous, ne sont pas
choisies au hasard. Ce qui le prouve, c'est que, d'un ct comme de l'autre, les personnages fminins qui se trouvent la droite du croissant n'ont pas d'autre rle que de
marquer, par la pose de leurs mains, le respect religieux que ces images leur inspirent.
Celle du groupe suprieur montre le dieu avec l'index de sa droite, et rabaisse la
1. M. de Longprier (Explication d'une coupe sassanide,
dans ses OEuv. t. I, p. 84-82) dcrit et explique ces
13
main gauche avec un geste qui commande l'adoration 1. Elle est aussi la seule qui,
firement dresse sur la pointe de ses pieds, porte en bandoulire la large charpe,
indice probable d'une supriorit hirarchique.
Quant celle du groupe infrieur, tout en esquissant un mouvement de gnuflexion,
elle lve sa main droite pour invoquer 2 selon le rite du nis kati mazden, tandis que
la gauche est respectueusement ramene sous l'charpe, jusqu' la ceinture.
En face de celle-ci, et portant comme elle un collier de perles au cou, et des pendants
aux oreilles (comme du reste toutes les autres figures de la patre), sa partenaire
prsente l'image divine une coupe ou cuelle assez profonde et surmonte d'un
monceau de petits grains. Ce vase, dont la forme rappelle celle de la coupe mme qui
nous occupe, ne peut tre que l'antique analogue du tali, dans lequel les Parsis de nos
jours portent encore l'autel des fruits et principalement des grenades graines 3.
Le desservant qui, dans le groupe oppos, fait pendant cette sorte de canphore,
tient la main ce petit seau anse si frquemment reprsent sur les anciens monuments de la Perse 4; c'est dans ce vase spcial qu'on prparait le breuvage sacr du hm;
il portait en huzvarche le nom de hvan.
N'oublions pas de signaler aussi une coupe parois cteles et monte sur un pied
conique, qui, dans une intention difficile expliquer, se trouve grave dans l'espace
rest vide derrire la premire des adorantes. Une coupe toute pareille, mais remplie
pleins bords de fruits, se trouve dans les mains de l'un des gnies ails qui planent
des deux cts, dans l'archivolte de la porte sassanide Tak i Bostan 5.
Examinons maintenant, leur tour, les deux groupes latraux qui compltent cette
espce de quadrille symtrique. Nous avons dcrit les deux couples fminins ; passons
maintenant aux deux groupes d'acolytes, auxquels il manque la fois les grces de la
femme et l'apparence de la virilit. Celui de ces groupes qui est plac en face de la desse
Nana comprend, droite, le personnage la tte nue et la chevelure crpue, comme
4. Ce geste est assez frquemment
14
celle d'un ngre. C'est un individu de petite taille qui, tout en s'appuyant de sa main
gauche sur une canne aussi haute que lui, excute lestement des pas de danse compliqus, de vritables entrechats. Une charpe, dont les bouts pendent par derrire, est
largement pose en sautoir sur sa poitrine. De plus, il tient en quilibre dans sa main
droite un de ces pyres ou autels portatifs en mtal, comme on en rencontre chaque
pas sur les monuments de l'Asie centrale. C'est une cuve presque sphrodale porte sur
une tige mince, conique et lance; c'est Yatech g ah des Persans, d'o l'on voit
jaillir une pyramide de flammes 1.
En procdant comme nous l'avons fait pour la description des groupes prcdents,
c'est--dire en passant d'une figure celle qui, en sens contraire, se trouve place juste
au dessous d'elle, nous ferons voir qu'au ct droit du groupe oppos figure l'homme
la calotte, sans tresse ni voile. Celui-ci rivalise pour la danse avec son voisin d'en
face, mais au lieu de canne et de pyre, il tient dans sa main droite un oiseau,
colombe ou pervier, et dans sa gauche, une branche de lotus indien, nymphaea
nelumbo, au haut de laquelle s'panouit largement une fleur vue de face, ct
d'une deuxime fleur dont le calice est plus maigrement profil.
Devant lui se tient, plus droit et plus tranquille que tous les autres, un personnage
encapuchonn, dont la main droite soutient un vaste encensoir long pied conique,
panse ctele et surmont d'un couvercle arrondi en dme et probablement ajour. Cette
forme d'encensoir a t de tout temps usite en Orient 2.
Enfin, le dernier personnage, celui qui, la tte galement engage dans un capuchon,
sert de partenaire au coryphe danseur et porteur de canne, n'est certainement pas
celui dont les attributs nous embarrassent le moins. Nous ne disons pas cela en vue
de la coupe trs simple qu'il tend dans sa main droite et qui contient probablement
du lait, comme le pialeh consacr des Parsis; mais l'on voit reposer sur son bras
gauche une espce de grand tui ou de coussin en forme de palme, tout recouvert de
dessins varis et travers au milieu par une double rainure transversale. Cet ustensile
ou ce meuble n'a pas d'analogue dans aucun monument de l'antiquit ; nous sommes
rduits dcliner toute comptence dans l'explication de l'usage qu'on en a pu faire 3.
4. M. Dieulafoy
3e
part.,
15
flabellum, mais la
disposition des dessins et des lignes qui le dcorent et semblent montrer qu'on pouvait
suivre.)
A. ODOBESCO.
[Suite).
En ce qui concerne le came qui nous occupe, les difficults de l'attribution que l'on
voudrait pouvoir proposer s'augmentent de l'ignorance o l'on est de son histoire ou
plutt de sa provenance. Contrairement ce qui se passe gnralement pour les morceaux
de cette importance, ce monument a surgi, il y a environ trente ans, sans papiers,
sans prcdents. Nous avons vu au dbut de cette notice que ce came faisait partie
des collections clbres formes par le duc de Luynes et que le noble Mcne donna
de son vivant au Cabinet de France. M. de Luynes avait obtenu ce prcieux monument au moyen d'un change avec un amateur parisien qui l'avait acquis vil prix
une vente o il n'y avait pas de connaisseurs et o, seul des assistants, il avait su en
apprcier la valeur 1. Cet acqureur n*tait pas un rudit; il n'avait t tent que
par la beaut du came au point de vue de l'art, mais aussitt qu'il fut sorti de
ses mains et qu'il eut t vu par les savants admis admirer les merveilles de la
collection de Luynes, on chercha naturellement lui donner une attribution, mais,
si plusieurs opinions furent risques verbalement, une seule, ma connaissance, obtint
les honneurs de la publicit. Dans une description trs succincte des principaux monuments du Cabinet des Mdailles, rapidement improvise en vue de l'Exposition
universelle de 1867, notre came est ainsi dcrit : Sleucus Ier, roi de Syrie, tte
casque. Fragment-sardonyx2. Il faut le dire, cette attribution ne fut consigne
dans cet opuscule que parce que l'on savait, au Cabinet des Mdailles, qu'elle
s'tait prsente l'esprit du duc de Luynes. Pouvait-on contredire, sans la discuter,
une attribution indite, mais crite de la main du savant bienfaiteur de l'tablissement?
1. M. de Luynes donna en change, cet amateur,
un autre came reprsentant Y Aurore sur un bige acquis
.<
'"
-
hh
PL 3
18 8 li
CAMES
17
Aujourd'hui, ce scrupule n'a plus de raison d'tre. On n'a mme pas craindre de
manquer de dfrence envers une illustre mmoire en discutant une attribution qui,
pour tre ingnieuse et avoir sduit un instant son auteur, aurait peut-tre t rejete
par son sens critique, ou tout au moins prsente par lui avec rserve, s'il avait eu le
loisir ou l'occasion de l'examiner de nouveau et s'il se ft dcid la faire connatre.
En fait, l'attribution de notre came Sleucus Ier ne repose que sur une certaine
analogie entre la tte casque qui y parat et la tte aussi casque reprsente sur
une srie de monnaies d'argent ou l'on a cru reconnatre le portrait du fondateur de
la dynastie des Sleucides.
Ces monnaies, ttradrachmes, drachmes et hmi-drachmes, montrent d'un ct le
buste tourn droite d'un personnage aux traits rguliers, coiff d'un casque dcor
d'une corne et d'une oreille de taureau, avec mentonnires abaisses et visire
releve; au revers, avec la lgende BAEIAEQ2 SEETKO, on voit la Victoire
rigeant un trophe. Dans le champ, droite, des lettres d'mission varies.
Haym, qui, le premier, a publi une de ces mdailles (un ttradrachme du Cabinet
du duc de Devonshire), n'y a vu que les lettres AX, isoles dans le champ, adroite,
mais, sur d'autres exemplaires mieux conservs, on voit en outre, gauche, un E.
Haym n'hsita pas reconnatre le portrait de Sleucus Ier sur ce ttradrachme 1; il a
t suivi par la plupart de ceux qui, depuis lui, en ont parl, comme Froelich 2,
Eckhel 3, Mionnet 4, M. W. Vaux 5 et, enfin, plus rcemment, par le rdacteur du catalogue des monnaies des rois de Syrie du Brilish Musum, M. Percy Gardner 6.
Aprs avoir mis des doutes sur une attribution mane du duc de Luynes, je crains
d'avoir mauvaise grce en contester immdiatementune autre qui se prsente avec les
rpondants dont on vient de lire les noms; je ne puis cependant m'en dispenser,
attendu qu'elle me parat plus apparente que relle. D'une part, il n'y a pas, selon moi,
de ressemblance entre la tte casque de notre came et la tte galement casque des
pices d'argent dont je viens de parler. D'autre part, si le casque de ces monnaies et celui
4. N.-F. Haym, Tesoro Brilannico, t. II de l'dit.
de Londres, 4720. (V. p. 47.)
2. Froelich, Annales regum Syrke, etc., tav. H, n 1.
3. Eckhel, Doctrina num. vet.,\. III, p. 214.
4. Mionnet, Supplment, t. VIII, p. 4, n 46, Il y a
18
du came offrent de la ressemblance et paraissent macdoniens (on en voit de semblables sur d'autres monnaies de la Macdoine1), si, surtout en raison de sa corne, le casque
des monnaies convient merveille au premier roi de Syrie, je dois dire que je ne reconnais pas un portrait rel sur ces monnaies. J'y vois une tte de convention qui, si elle
figure Sleucus, le montr divinis. Le vritable portrait de Sleucus Nicator, nous le
possdons; mais ce n'est ni sur les monnaies cites, ni sur certaine statuette du Muse
de Naples, laquelle jadis on donnait ce nom 2, il se trouve sur les statres d'or qui sont
bon droit attribus ce fondateur de dynastie, et peut-tre aussi sur certains ttradrachmes d'Antiochus Ier, Soter, son fils, et de Philetaire, roi de Pergame 3. Les statres de
Sleucus IGr, dont le Cabinet de France conserve un trs beau spcimen que nous
reproduisons, reprsentent, d'un ct, la tte, tourne droite, d'un roi dont la
tte nue est munie de cornes de taureau. Au revers, avec la lgende : BASIAEQS
2EAEYK0Y et deux monogrammes, parat le buste de Bucphale avec cornes de
taureau. Que l'on compare la tte laide, mais nergique, du personnage de ces statres
avec les traits nobles et rguliers du personnage de la srie des monnaies d'argent, et
l'on m'accordera qu'il est difficile d'y reconnatre le mme portrait. Il semble,
d'ailleurs, que les auteurs de deux clbres ouvrages sur l'iconographie grecque aient
pens, comme moi, que les monnaies d'argent de Sleucus la tte casque n'offraient
pas le portrait de ce prince. On remarquera, en effet, qu'il n'est question de ces
mdailles ni dans YIconographie grecque de ce Visconti que je viens pourtant d'accuser
de tmrit, ni dans la Numismatique des rois grecs de Charles Lenormant, que
l'on n'a jamais accus de manquer d'initiative, tandis que tous deux ont donn place
dans ces ouvrages aux statres d'or de Sleucus la tte cornue 4. Est-ce oubli de la part
de savants qui, s'ils n'avaient pas vu en nature ces mdailles fort rares de leur temps,
devaient les connatre par les livres ? Est-ce de propos dlibr qu'ils ne les mentionnent pas? je ne saurais le dire, mais le fait mritait d'tre signal.
D'ailleurs, tout en acceptant l'hypothse qui voit Sleucus idalis sur les mdailles
4. Voyez pi. x, n 9, de la Numismatique des rois grecs,
dj cite; texte p. 17, colonne 4.
2. Si je mentionne cette statuette, c'est comme exemple
de la facilit avec laquelle jadis on trouvait des noms
donner aux monuments de l'antiquit. Cette statuette,
trouve Portici, est figure dans le Muse de sculpture,
pnbli en 4851, du comte de Clarac o cette attribution
etpl.840del'Ata.)
19
d'argent la tte casque 1, ce qui expliquerait qu'il y soit reprsent avec l'apparence
de jeunesse qu'il ne pouvait plus avoir lorsqu'il prit le titre de roi, je ne crois pas que notre
came puisse tre regard comme un monument relatif ce personnage. Non seulement
l'inconnu ne ressemble ni au Sleucus rel des statres d'or, ni celui de la srie des
mdailles d'argent, mais les casques qui protgent ces ttes divines, royales ou
hroques et qui ont suggr l'identification que je combats, ne sont pas tout fait
semblables, ainsi qu'on le disait plus haut, et, surtout, il manque celui du came,
indpendamment des jugulaires, un attribut important qui pourrait la justifier,
les cornes de taureau. L'absence de cet attribut suffit exclure l'ide que l'on
puisse voir sur ce monument une reprsentation du clbre diadoque. Appien nous
apprend qu'on avait ajout des cornes de taureau aux images de Sleucus en raison de
la force extraordinaire qu'il aurait montre en arrtant lui seul un taureau furieux
qui avait rompu ses liens au milieu d'un sacrifice Alexandre 2; on sait aussi que les
cornes sont un symbole de force et de puissance divine qui pourrait avoir t donn
Sleucus indpendamment de l'anecdote du sacrifice, de mme qu'il le fut son
beau-pre Dmtrius, ainsi qu'on l'apprend de certaines monnaies du preneur de villes 3.
D'ailleurs les cornes de taureau appartiennent si bien Sleucus qu'on a pu supposer, non
sans vraisemblance, que Dmtrius avait adopt ce symbole pour complaire ce gendre
tout puissant 4; on pourrait ajouter que le nom d're du cornu, donn l're des
Sleucides par certains crivains orientaux, viendrait confirmer cette appropriation
des cornes Sleucus Ier 5, s'il n'tait pas probable que cette re qu'ils nomment aussi
Y re d'Alexandre et parfois Y re des Romains, rappelle chez eux plutt Alexandre le
Grand, le fils d'Ammon, aux cornes de blier 6. Le nom du vainqueur de Darius
dpassait tellement ceux des plus illustres de ses successeurs dans le souvenu des peuples
que, par une de ces confusions dont on citerait maints exemples, il a pu leur faire
oublier celui du fondateur de la dynastie des Sleucides. Quoi qu'il en soit, s'il n'est
4. M. Imhoof-Bliimer voit sur ces mdailles soit la tte
idalise de Sleucus, soit celle d'Alexandre ; mais ce
savant ne tient gure ces conjectures, puisqu'il les
prsente toutes deux ex oequo. (Voyez Monnaies grecques,
1 vol. in-4, 1883, p. 424-5.) Serait-ce Antioehus, pre de
Sleucus Ier, qui avait t l'un des gnraux de Philippe,
le pre d'Alexandre ? Je ne prsente cette nouvelle hypothse qu'afin de montrer qu'on pourrait proposer des identifications l'infini lorsqu'il s'agit de certains monuments..
Le mme savant reconnat Sleucus Ier sur un statre d'or
frapp au nom d'Antioehus Ier qui aurait fait figurer sur
cette pice l'effigie paternelle au lieu de la sienne. Cohen,
qui a publi, le premier, je crois, ce statre (Catalogue
Grau, 1867, n 2247, pi. iv), y reconnaissait Antioehus Ier
lui-mme. N'ayant pas cette pice sous les yeux, je me
contente de la signaler pour mmoire.
2. Appianus, De rbus syriacis, LVII.
usum.
5. Sur les noms de l're des Sleucides chez les Orientaux, v. Spanheim, De proeslantia et usu numismatum antiquorum, dit. de Londres, 1706, 1.1, p. 388. Visconti,
Icon. grecque, t. II, p. 280. Numismatique des rois grecs,
p. 34, dans Trsor de numismatique, p. 84, commentaire
du n x, pi. xxv. Clermont-Ganneau, L'inscription nabalenne de D'meir et l're des Sleucides dite re des Romains,
dans Revue critique, fvrier 1885, p. 92.
6. Eckhel, D. N. V., t. II, p. 108.
20
pas impossible que l'on ait reprsent Sleucus sans le symbole des cornes de taureau,
il faudrait au moins, dans ce cas, que les monuments o l'on voudrait reconnatre son
effigie ressemblassent ceux qui le lui donnent et possdassent en mme temps un
caractre de ralit marqu et vident comme la monnaie d'or que nous venons de
reproduire.
L'attribution de notre came Sleucus carte, peut-on y reconnatre quelqu'autre
personnage? Parmi les attributions non publies, dont il a t parl plus haut, deux
me reviennent en mmoire ; on avait pens Alexandre le Grand et Achille. La
premire me parat la moins vraisemblable de toutes celles que l'on ait pu risquer.
Les traits d'Alexandre, tels que l'antiquit les admettait, nous sont connus par les nombreuses mdailles frappes en Macdoine aprs sa mort, o nous lisons son nom 1, par le
buste en marbre du Muse du Louvre sur la base duquel on le lit galement ~, enfin par
le beau mdaillon d'or jusqu' prsent unique, l'un des quatre du Trsor de Tarse que
possde le Cabinet national des mdailles 3.
J'arrive l'attribution Achille. Pourquoi Achille plutt que tout autre hros ?
Serait-ce parce qu'il existe dans le-Cabinet Imprial de Vienne un came attribu
Achille qui offre quelque ressemblance avec celui du duc de Luynes ? C'est de mme le
buste d'un hros jeune ; ce hros est coiff d'un casque assez semblable celui que
nous voyons sur notre came et les traits de ces deux personnages ne sont pas sans
quelque analogie. Mais sur quoi repose l'attribution du came de Vienne Achille,
laquelle, d'ailleurs, n'est prsente qu'avec une sage hsitation par le conservateur du
Cabinet imprial des antiques de Vienne 4? Connaissons-nous les traits d'Achille?
4. Mionnet, 1.1, p. 553 et suiv. Supplment, t. III,
p. 223 et suiv.
2. Visconti, Iconographie grecque, t. II, p. 36 et
pi. xxxix, n5 4 et 2. Clarac, Muse de sculpture, t. VI,
p. 62 et pi. 4074, n 2958 A.
3. Les quatre mdaillons d'or du Trsorde Tarse, publis
par A. de Longprier dans la Revue numismatique, en 4868,
p. 309 336, alors qu'ils appartenaient M. le comte
Tyszkiewicz ont t donns, en 4869, au Cabinet National
par l'empereur Napolon III. Indpendammentdu mmoire
de Longprier, qui comprend l'ensemble de la trouvaile
dite Trsor de Tarse, on peut lire sur ces mdaillons un
article d'Henri Cohen dans l'Illustration de l'anne 4 869,
2e semestre, p. 408. Antrieurement la trouvaille du
Trsor de Tarse, Leake (Numismalica hellenica, 4 vol.
in-4, 4856, 2e partie, European Grecce, p. 64) avait
fait connatre, sans le figurer, un mdaillon d'or acquis
par lui Serres de la Thrace (l'antique S(ppa), dont le
revers offre une frappante analogie avec celui dont nous
parlons. Au revers, c'est de mme Alexandre, dsign
par son nom AAESANAPOS, frappant un lion de son
javelot; mais du ct face, au lieu du portrait du hros,
parat le buste de Minerve. Ce mdaillon, sans doute
unique, comme ceux de Tarse, est d'un module moindre;
21
Il existe une foule de monuments, marbres, mdailles, vases peints, o l'on ne peut
nier que les anciens aient voulu reprsenter Achille 1 qui y parat avec des attributs
ou au milieu de scnes tout fait caractristiques et mme souvent avec son nom ;
mais les traits de ces Achilles diffrent tellement sur ces monuments qu'il est visible
que les artistes qui on les doit suivaient des traditions ou des types divers. A l'appui
de cette assertion, je ferai observer qu'entre autres diffrences notables des reprsentations d'Achille, il en est une dont on ne peut mconnatre l'importance, au point de vue
de l'identification ; c'est que, sur les vases trs nombreux o Achille parat avec son nom,
le hros est aussi souvent barbu qu'imberbe. Que l'on ouvre la table d'un livre qui est
entre les mains de tout archologue, la Description des antiquits et objets d'art
du cabinet Durand, par M. de "Witte, et l'on reconnatra que je n'exagre pas. Je suis
loin de nier qu'il y ait eu dans l'antiquit des prototypes consacrs, mais il n'en est pas
moins avr qu'il existait des reprsentations fort dissemblables des mmes personnages
divins ou hroques. Hercule est ordinairement figur avec une barbe paisse; cependant
on voyait sa statue sans barbe dans le Zeuxippe de Constantinople, o paraissaient aussi
celles de hros galement reprsents imberbes, Achille, Pyrrhus ou Noptolme
son fils, les deux Ajax, qui paraissent ailleurs barbus 2. Il en est naturellement de
mme des statues ou des statuettes de dieux ou de hros ; lorsqu'elles se prsentent
sans caractristiques formelles, la rserve me parat obligatoire. Qui nous dira le nom
de l'admirable statuette de bronze lgue en 1866 au Cabinet des mdailles et antiques
par le second duc de Blacas? Le comte de Clarac, qui a publi ce monument, reconnat
dans ce hros nu, mais casqu, dans une attitude de combat, Diphobe, l'un des fils
de Priam, qui fut tu pendant le sac de Troie, et dont Pausanias mentionne, sans la
dcrire, une statue qui, de son temps, se voyait Olympie 3, mais qui en avait aussi
une dans le Zeuxippe que l'on vient de citer. Celle-ci est dcrite par Christodoros 4, mais
si les paroles du pote peuvent la rigueur se rapporter la statuette Blacas, s'il a
mentionn le casque du hros, s'il a dpeint un mouvement qui pourrait justifier
l'attribution du comte de Clarac, il manque cette description de ces traits dcisifs
qui seuls permettraient une identification acceptable par la critique. Ce que l'on peut
dire de cette statuette, c'est qu'elle reprsente un hros entirement nu, casqu, aux
traits rguliers, avec un collier de barbe qui indique plutt la force de l'ge que la
grande jeunesse; aussi, malgr l'ingnieuse hypothse du comte de Clarac, dans le
Muse Blacas, donnait-on ce prcieux monument le nom de Thse qui ne lui
4. Je n'ai pas prsenter ici une table de l'iconographie
d'Achille ; je renverrai cependant YAchillide de Raoul
Rochette, dans ses Monuments indits, et Y Appendice
cette Achillide qui fait suite YOdysside. Pour les
22
convient peut-tre pas davantage. Mieux vaut se contenter de dsigner cette statuette
par ces mots : Hros combattant. Quant notre came, l'imitation d'Eckhel, qui,
ayant parler d'une intaille reprsentant un personnage nu, arm d'une haste et d'un
bouclier sans pisme, et considrant ces attributs comme trop vagues pour qu'on
puisse faire un choix dans la multitude des hros de l'antiquit, en a fait un hros
inconnu 1 ; c'est ainsi que je dsignerai le personnage dont on a fait Sleucus, Achille
et Alexandre, et qui l'on aurait pu donner, avec autant de fondement, de tous autres
noms de la fable ou de l'histoire.
II.
LE REPOS DE VNUS.
Vnus couche, endormie ou sur le point de s'endormir. La desse est nue, sauf
une lgre draperie qui voile peine ses jambes; sa tte est gracieusement penche
sur le bras gauche. Trois petits Amours ails veillent sur son repos et s'tudient le
charmer; l'un d'eux vente la desse avec un flabellum en forme de feuille; un autre
joue de la syrinx; le troisime lit sur un diptyque. Dans le fond, un arbre indiquant
que la scne se passe dans un bocage. Ce tableau s'enlve en blanc sur le fond rougetre
d'une sardonyx trois couches.
Haut., 19 mill. Larg., 28 mill. Monture moderne d'mail blanc. C'est le n 42 du
catalogue du Cabinet des mdailles, publi en 1858.
Ce sujet a t trait cent fois sur les gemmes, soit en relief comme ici, soit en creux,
peut-tre plus souvent dans les temps modernes que dans l'antiquit, mais avec des
variantes. Parmi les cames classs comme modernes au Cabinet des mdailles, on voit
le mme sujet, sous le n 443; mais, au lieu de Vnus, c'est Hermaphrodite; comme
Vnus, Hermaphrodite est servi par trois Amours, mais le grave lecteur du diptyque est
remplac par un joueur de lyre. Dans le mme catalogue, le n 45 des cames antiques
montre Hermaphrodite couch dans l'attitude de la Vnus du n 42, mais servi seulement par deux Amours; enfin, dans la srie des intailles imites de l'antique, sous le
n 2327, on voit la composition de notre came, sauf encore qu'au lieu de Vnus,
c'est Hermaphrodite, et que le lecteur est galement remplac par un joueur de lyre ;
cette intaille a t donne comme antique par Mariette 2. L'auteur du Trait des
pierres graves a mentionn dans son tome Ier (p. 70) un came presque pareil au
ntre, qui se trouvait alors (1750) dans la clbre collection Crozat. On voit encore dans
la srie moderne, au Cabinet des mdailles, sous le n 444, un came semblable au
n 42, sauf qu'il est un peu plus grand. Gori, dans le Musum Florentinum,t. Ier,
pi. LXXXII, nos 4 et 5, reproduit deux cames presque semblables au ntre, mais o
4. Choix de pierres graves du Cabinet de Vienne, pi.
xxxix, p. 75.
23
Rha, la tte couverte d'un voile qui laisse voir ses traits nobles et rguliers, ainsi que
infcache
la
partie
laquelle
dans
la
est
de
bras,
terre,
paules
sort
et
encore
ses
ses
rieure de son corps, pour prendre dans ses bras Bacchus enfant qui d'une main la
tmoin
Cette
scne
raisin.
de
prsente
l'autre
lui
de
pour
un
et
a
grappe
une
caresse
Bacchant tenant un pedum. Dans le fond, un herms de Priape.
Came sur calcdoine trois couches. Fragment. Haut., 18 mill. Larg., 27 mill.
4. 2e dit., t. II, p. 25. pi. LVI, n 74 4.
2. Voyez les ns 463 et 470 de l'inventaire de la collection Flavio Orsini, dit et savamment comment par
M. Pierre de Nolhac dans les Mlanges d'archologie et
d'histoire, publis par l'Ecole franaise de Rome, 4 anne,
juillet 1884.
3. Fonds latin, n 8834.
4. Recherches sur le culte, les symboles, etc., de Vnus.
(1 vol. in-4, 4837, voyez pi. v, n 4 4.)
24
PL. 4
Gazette- ^4rc/ie>loioeus_ 18 8 6
LE LIVRE D'IVOIRE
A LA BIBLIOTHQUE PUBLIQUE DE ROUEN
(PLANCHE
4.)
La bibliothque publique de Rouen possde un trs curieux manuscrit, indiffremment dsign sous le nom de Livre d'ivoire ou de Livre des serments : il porte au
Catalogue le n Y 27 ; il provient de l'glise mtropolitaine. Entirement sur vlin,
le volume, format petit in-folio, mesure en hauteur 0 m 295 ; en largeur, 0 m 190.
La couverture consiste en ais de chne revtus de plaques d'ivoire sculpt,
encadres de larges bandeaux en cuivre grav ; dos moderne. Bien que cette reliure soit
le vritable objectif du prsent travail, je crois nanmoins utile de donner un aperu
sommaire du contenu avant d'aborder l'tude du contenant.
Au dbut, en belle criture gothique, la formule du serment que devaient prter les
archevques de Rouen lors de leur intronisation. Suivent des pices de diverses poques
et de diverses natures. Serment de Richard, abb de Jumiges ; Expulsion du choeur de
quatre clercs turbulents, en 1260; Serment de quatre voques suffragants : Jean
Bouchard, d'Avranches (1453); Jean Hennuyer, de Lisieux (1561); Guillaume Pricart,
d'Evreux (1608) ; Richard Langlois (?), d'Avranches (1259). Vient, ensuite, la mention du
dpt de la tte de saint Svre dans un chef d'argent dorl, crmonie qui eut lieu le
vendredi avant le Dimanche des Rameaux 1298 ; le chapitre fit les frais du nouveau
reliquaire. Puis une srie de documents rangs sans ordre chronologique : Juridiction
capitulaire, Pices de la fin du xmD sicle; Serments d'vques et d'abbs; fin du
xme sicle et premier quart du xive 2; Pices dates de 1240, 1208, 1189. Des copies de
lettres terminent ce que j'appellerai la premire partie du volume, savoir : Richard
Coeur-de-Lion (1189); Alexandre III (entre 1164 et 1181) ; Henri II, la 21e anne de son
rgne (1274-1275); l'archevque Gauthier de Coutances (entre 1184 et 1207).
Seconde partie. Notice de l'archidiocse. Notice des archevques, de saint Mellon
Jean de Bayeux ( + 1078 ) ; ce qui concerne saint Mellon est en vers :
sumptuose fabricato.
2. Philippe Le Boulanger, vque de Sez (4295);
Jean de Brcourt, abb de Saint-Martin de Pontoise
GAZETTE AECHOLOGIQUE. ANNE 1886.
26
LE LIVRE D'IVOIRE.
Le reste est en prose. Chronique mtrique des archevques depuis saint Mellon jusqu'
l'avnement de Hugues d'Amiens (1129); style et transcription du xuc sicle. Un crivain du xiue sicle continue la chronique, qui s'arrte Pierre de Colmieu ( 1236), et le
mme auteur, vraisemblablement, a intercal en tte du pome une mention de saint
Nicaise :
bien qu'elle n'en vaille gure la peine, je donne le commencement et la fin de la partie du xn sicle :
Antistes sanctus Mallonus in ordine primus
Excoluit plebem doetrina Rodomagensem.
Post hune precipuus dvolus et Avdianus
Optinuit regimen curam quoque plebis herilem.
Successit presul fulgens virtute Severus
Post hune Guilelmus, vir nobilis atque benignus,
Catholice plebem tractavit Rotomagnsem.
Floruit ejusdem sedis Gaufridus honore ;
Quam multis ditans multo dilexit amore.
Huic successit amor plebis, tremor Hugo potentum
,
Clarus avis, clarus studiis, recreator egenum.
LE LIVRE D'iVOIRE.
27
LE LIVRE D'IVOIRE.
28
N
ebumeus, in-folio sur vlin. Ce manuscrit connu sous le nom de Livre d'yvoire, parce
qu'il en est couvert, contient les actes des anciens archevques de Rouen jusqu'
Jean II et quelques autres pices. On y a ajout dans ces derniers temps des feuilles
de vlin pour y inscrire le serment de fidlit des voques, abbs, etc., de la ProvinceCe manuscrit, cit fort souvent par diffrents auteurs, est aux archives. On trouve
dans ce manuscrit quelques dnombrements de livres qui taient la bibliothque
dans le xne sicle. Le P. Pommeraye avait dessein de les rendre publics. Je donnerai,
dit-il dans son Histoire de l'glise cathdrale de Rouen, p. 164, parmi les pices
justificatives, quelques anciens inventaires, plutt pour contenter la curiosit de
quelques personnes doctes qui l'ont souhait, que pour le nombre et la raret des
livres qu'ils contiennent, du moins pour la plupart. Le premier est tir du Registre
couvert d'yvoire qui commence par les livres qui furent du temps de notre archevque
Geoffroy, c'est--dire en 1112. Le second est celui de Rotrou qui entra l'archevch en
1165, et il est contenu dans le mme livre, p. 51. col. I 1. Le troisime comprend les
livres d'un M. R. d'Antan, chanoine, et ceux d'un archidiacre, et ceux de quelques
autres que je donnerai chacun dans leur rang. On sait que le P. Pommeraye n'a point
donn les pices justificatives de son Histoire de l'glise cathdrale"*.
De l'abb Saas, passons l'abb Langlois. Le Livre d'ivoire. Recueil de pices du
xie au xnf sicle. Reliure beaucoup plus ancienne avec figures en ivoire. Serments
prts par les voques suffragants de 1253 la Rvolution 3.
M. Edouard Frre, dcd bibliothcaire de la ville de Rouen, et qui l'on doit la
table moderne du volume, n'en apprend gure plus long que ses devanciers. Livre
d'ivoire. Ce prcieux manuscrit doit sa dnomination aux tablettes sculptes en ivoire
qui dcorent sa reliure en bois garnie de lames de cuivre dor. Il renferme des transcriptions crites en caractres romains cursifs et ronds du xi au xvnie sicle, et prsente
une srie de pices d'un haut intrt pour l'histoire des usages et de la discipline ecclsiastique aux xine et xive sicles. Suit un catalogue sommaire des principaux
documents 4.
Un ouvrage postrieur de M. Frre reproduit l'article prcdent, avec cette addition :
Deux figures, saint Pierre et saint Jean ; style byzantin 5.
Nanmoins, bien longtemps avant les crivains que j'ai cits, d'autres avaient mentionn notre manuscrit, non dans son tat actuel, mais partiellement, ainsi qu'ils le
connurent. A la fin du catalogue rdig au temps de Geoffroy ( 1111-1128), pice que j'ai
1. C'est une erreur, les livres possds par la cath-
LE LIVRE D'iVOIRE.
29
seulement indique, l'abb Langlois l'ayant dj publie 1, on lit : Vita sancti Ansberti
et sancti Audoeni. Ce titre me semble se rapporter aux textes homonymes aujourd'hui
insrs dans le Livre d'ivoire qui, ailleurs, est nettement dsign. L'inventaire du
sacrarium et de la bibliothque de l'glise de Rouen, dress aprs la mort de l'archevque Rotrou (1183), dbute par l'numration des objets en matires prcieuses; je
copie :
Octo textus : trs
que le Livre d'ivoire est un assemblage factice remani diverses poques, o les
sicles ont accumul sans ordre des documents relatifs l'glise de Rouen, et o,
suivant les usages d'alors, les blancs d'anciens manuscrits reurent la transcription de
pices d'un ge postrieur.
Mais les termes du second inventaire, Due tabule de ebore in quibus scripta vita
pontificum, engendrent une dduction beaucoup plus importante. L'intitul Vita
pontificum, sans l'emploi du mot sanctorum, me semble prouver clairement que,
4. Mm. sur les biblioth., etc., n 4, ap. Prcis des trav.
de l'Acad. de Rouen, 4 852, p. 532.
2. Cartularium eccl. Rothom., xme sicle; Bibl. de
Rouen, Y 44 fol. 46 v 50 r. L'abb Langlois, Mm.
,
cit, n
30
LE LIVRE D'iVOIRE.
la fin du xue sicle, les deux panneaux abritaient tout juste la Notice des archevques
et la Chronique mtrique; les textes d'hagiographie pure auront t intercals plus
tard. On observera en outre que notre objectif se trouve class dans le mobilier liturgique et non dans la librairie. Ces circonstances me suggrent une explication touchant
l'usage primitif du Livre d'ivoire ; je ne la formulerai nanmoins qu'aprs avoir essay
de pntrer les arcanes de la reliure.
Les bandeaux d'encadrement en cuivre grav offrent, au plat recto, une srie d'ornements cardimorphes, inscrivant des palmettes, et relis entre eux par des bagues perles
qu'accostent deux feuilles horizontales ; au plat verso, un enroulement fleuronn. Le style
trs sobre du dcor accuse le xie sicle ou l'aube du xne. Les panneaux d'ivoire, d'gales
dimensions, mesurent 0m 245 en hauteur, 0ra 115 en largeur; une baguette de demioves, moiti gratte, prolonge extrieurement chaque face, hormis le bas o un rectangle
uni sert de terrasse aux figures. A l'intrieur, s'lve un dicule fronton triangulaire,
dont deux pilastres cannels, somms de chapiteaux corinthiens, supportent l'entablement. Une coquille rehausse le milieu du tympan; des colombes contournes descendent
sur les rampants. Les dicules, absolument pareils, abritent chacun un personnage
debout, mais ayant des attitudes bien diffrentes. Au recto, saint Pierre drap dans un
pallium qui laisse voir le bas de sa tunique; un gland {bulla) pend l'extrmit du
manteau. Le Prince des Aptres est nimb ; sa barbe et ses cheveux sont courts ; il tient
de la main gauche la clef traditionnelle, l'autre main se cache sous les plis. Cette figure,
de face, tourne lgrement la tte droite. Au verso, un personnage de profil, nimb,
front dgarni, barbe pointue mdiocrement longue. Il porte aussi le pallium glands,
par dessus la robe talaire, et il marche vers la gauche en levant la main droite, tandis
que les doigts de la seconde main s'introduisent dans un volumen droul et pli en
deux. Ici l'on n'est pas d'accord sur le nom de l'individu, dont je chercherai plus loin
tablir l'identit 1.
Des frottements ritrs ont us les plaques au point d'en enlever l'pidmie; je
constate dans les draperies, gauche chez saint Pierre, au milieu chez la figure du verso,
des creux assez profonds qui me semblent tre d'anciennes mutilations perptres
volontairement coups de gouge ; nanmoins les lignes principales persistent en quantit suffisante pour tablir le caractre antique de l'oeuvre. Le saint Pierre est une
imitation vidente du Sophocle de Latran et surtout de l'Aristide Farnese ; sans le
raccourci maladroit du bras gauche, relev au lieu de descendre, sans la robe dpassant
4. Nous avons vu M. Frre opiner pour saint Jean;
M.Weslwood (Ficlile ivories in the South Kensiiiglon
Musum, p. 446) est d'un autre avis, il dit : Evidently
LE LIVRE D'iVOIRE.
31
pl.i.
32
LE LIVRE D'IVOIRE.
laire.
LE LIVRE D'iVOIRE.
33
Thodose le Grand. A cet artiste, on refusera sans doute un talent de premier ordre ; la
tradition des bonnes doctrines et l'habilet pratique ne sauraient lui tre contestes.
On reproche souvent aux archologues de vieillir outre mesure les monuments qu'ils
lucident; ne voulant pas tre mon tour tax d'exagrations rtrogrades, j'opposerai
deux termes de comparaison aux doutes qui pourraient surgir.
Un panneau d'ivoire, collection de M. Ernest Odiot, Paris 1, reprsente deux
Aptres debout, nimbs, pieds nus, tenant sous le bras gauche une grande tablette. Ils
sont vtus, l'un de la stola larges manches et du pallium, l'autre du mme manteau
et du chiton, laissant les jambes dcouvert. Entre eux, au sommet, apparat Yimago
clypeata du Christ en buste, tte ceinte d'un nimbe non crucifre, barbe pointue,
physionomie asctique, triste jusqu' la duret. Le personnage plac gauche
stolatus est un vieillard de profil, barbe arrondie et cheveux courts; il lve la main
droite, dont l'index se dirige vers l'effigie du Sauveur. Jeune, imberbe, cheveux crpus,
le personnage de droite tunicatus contemple son vis--vis. Un faire trs large, une
remarquable sobrit de plis, l'emploi cherch du nu, bien que les extrmits soient
mdiocres, indiqueraient une poque assez recule, si des formes lourdes, un dessin
incorrect ne ramenaient aux dernires limites de la dcadence antique. Le symbolisme
et l'iconographie de l'objet relvent de l'glise grecque; les Latins n'ont gnralis que
tard le type du Christ barbu; de toute faon, ils ne lui donnrent pas un visage morose,
mme sur ses bustes clypeati 2. En outre, le thme ici adopt montre la condensation,
dans un espace restreint, de la scne que dveloppera au xe sicle le tableau central des
agiothyrides byzantines : le Christ trnant au dessus des Aptres. Ce rapprochement
tablit l'identit de nos figures : gauche saint Pierre reprsent conformment aux
immuables traditions grecques 3; donc, droite, saint Jean 4.
Concluons : l'ivoire Odiot n'a plus qu'un caractre antique oblitr, et, hormis le
Christ, rien n'y trahit absolument le pur style byzantin; par consquent, il doit revenir
au premier quart du vie sicle.
1. Ivoire blanc de Guine; M. Odiot me permettra de
lui exprimer ici ma gratitude pour l'obligeance qu'il a
34
LE LIVRE D'iVOIRE.
Je me suis abstenu, jusqu' plus ample inform, de dsigner l'aptre sculpt au verso
du Livre d'ivoire; la chose devient maintenant facile. Le volume ouvert plat, dos en
l'air, met notre nigme .la droite de saint Pierre qu'il regarde; or saint Jean occupe
la mme position, tant sur la plaque Odiot que sur les monuments byzantins sujets
analogues. Bien mieux, l triptyque Harbaville donne saint Jean le front dgarni et la
barbe aigu signals Rouen, caractres qu'indique galement le Guide de la peinture 1; le quatrime vangliste, le Voyant de Patmos, est donc, sans erreur possible,
l'anonyme cherch.
Je choisis pour second terme de comparaison un autre panneau d'ivoire sculpt
Constantinople (collection de M. Victor Gay, Paris), objet qui n'exige gure moins de
35
quand on avait l'audace d'en fabriquer. La proscription d'un sicle et demi, qui fut si
prjudiciable l'art byzantin, subit des intermittences, notamment sous Irne (797-802) ;
on sculptait toujours l'ivoire au temps de Michel le Bgue, puisque, en 828, Halitgaire,
vque de Cambrai, acquit Constantinople des panneaux destins aux reliuresl ;
Thophile (829-842), dont le zle icohoclaste parat singulirement mitig, fit plus que
d'encourager les arts, il les pratiqua. Dans une question chronologique, o les malins
voient rarement clair, un verdict trop absolu serait imprudent, et si je n'imite pas
l'exemple d'autorits comptentes, qui reculent la tablette de M. Gay jusqu'au
vie-vue sicle, j'apporte toutefois une certaine rserve la classer entre le dclin du
LE LIVRE D'IVOIRE.
vine et le premier
quart du ixe 2.
table surnagera quoi que l'on fasse : la connaissance, avec pices justificatives, de trois
volutions distinctes, excutes par l'art chrtien en Grce depuis le ive sicle jusqu'
l'avnement de la dynastie Macdonienne.
4. Necnon et tabulas eburneas, quibus libri cooperti
ibidem esse spectantur. Baldric, Chron. Camer. et Atrebat.,
1.
L, c. 40.
2. Des doutes, non encore levs, sur un ivoire byzan-
36
LE LIVRE D'iVOIRE.
J'ai pris l'engagement d'expliquer l'usage primitif du Livre d'ivoire, le moment est
venu de tenir parole.
On rcite au Canon de la Messe un mmento des vivants; une invocation la Vierge
et aux saints, dite communicantes; une mmoire des morts. Ces formules taient
autrefois inscrites l'intrieur de deux tablettes d'ivoire runies par une charnire
(diptycha) ; tantt sur les tablettes elles-mmes, tantt sur des feuillets de parchemin
que l'on y renfermait. Les diptyques sacrs faisaient partie du mobilier liturgique dont
le sacriste avait la garde, ainsi qu'il appert des Acta. du concile de Mopsueste, en 550l.
Au sicle dernier, un savant put encore dchiffrer quelques lambeaux du communicantes sur l'un des feuillets du diptyque d'Anastase, Lige; des prires avant la
Conscration et un mmento, en grec, se lisent aux versos du diptyque de Flavius Taurus
Clementinus, jadis Nuremberg, maintenant Liverpool2; d'autres ne prsentent
qu'un simple ncrologe, des noms quelquefois suivis de dates. Les monuments d'ordre
civil, consulaires, administratifs, privs, furent souvent transforms en diptyques
religieux 3, mais on sculpta aussi un nombre considrable de plaques d'ivoire spcialement destines aux mmento liturgiques; elles se reconnaissent facilement aux sujets
qui y figurent. Le plus magnifique exemple signaler de diptyques purement ecclsiastiques se voit au trsor de la cathdrale de Milan, o il recouvre un vangliaire. Le
style lev, les rminiscences classiques qui distinguent ces deux panneaux, permettent
de les attribuer au rve sicle. La Rsurrection de Lazare, plat recto, montre un dicule
pareil l'ornement architectural du Livre d'ivoire^.
Aucun caractre essentiel des diptyques ecclsiastiques, forme, dcor histori du
contenant, teneur du contenu, lieu de garde, ne manque notre objectif tel qu'il est
repris au Cartulaire. En dmontant la reliure, on pourrait savoir si les panneaux portent
au revers quelques traces d'criture, mais il me parait certain qu'ils furent monts au
xie-xif sicle, et qu'au temps de Rotrou ils abritaient seulement les Notices et la
Chronique mtrique. Impossible de se mprendre; au cas d'une simple liste, le rdacteur de l'inventaire aurait mis vocabula et non vita ; au cas des Vies de saint Ouen et de
4. Reverentissimus sacrorum cstos vasorum istius
sanctissima ecclesise adferat ad considerationem nobis, et
recitationem hujus sacras ecelesise diplyeha, in quibus
mmorise sacerdotum istius optimae civitatis scripta conti-
3. Bourges (Anastase), Gori, t. I, p. 44. Saint Maximin de Trves, Id. ibid., p. 46. Fulde, Martigny,
Dict. des antiq. chrt., 2e d., p. 253. Fragment Tongres.
37
LE LIVRE D'iVOIRE.
HEROVLA\DESCANTANTCHIRONETACILLES-
L'artiste s'est souvenu de Stace qui conte que Chiron apprenait son lve connatre
les plantes mdicinales et clbrer sur la lyre les exploits des anciens hros :
de Lasteyrie.
2. Stace, Achillide,
1.
4, v.
46-118.
LA JEUNESSE D'ACHILLE
BASSIN EN BRONZE DU XIe OU DU XIIe SIECLE
39
avec eux au sige de Troie, profite de son sommeil pour le retirer de l'antre de Chiron
et le conduire chez Lycomde, roi de Scyros :
i
ECCESOPCRANTThETIS-DEPORTATACKILLE'
Thtis est assise dans un chariot entran sur les ondes par deux chevaux marins ; de la
main elle protge son fils endormi ses cts ; celui-ci a la tte couverte d'un voile
fminin. Derrire le char, Chiron, tendant les bras, adresse ses adieux aux deux
voyageurs.
3 Thtis arrive dans l'le de Scyros. Elle tient par la main son fils dguis en fille et
le prsente au roi Lycomde comme la soeur d'Achille :
HANCTIBICflErOOGERMANRECTORACHILLIS-
Hanc tibi,
tradimus-.
Le roi est sur son trne ; il tourne la tte vers l'enfant que Thtis lui prsente et en
mme temps la dsigne de la main droite trois jeunes filles places de l'autre ct;
ce sont certainement les filles du roi, et la premire qui sourit l'enfant et semble
prte l'accueillir avec bienveillance doit tre Deidamia.
4 Les Grecs, ayant dcouvertle lieu o Thtis avait cach son fils, envoyrent Scyros
Ulysse pour leur ramener le jeune hros. La difficult tait de reconnatre Achille
parmi les filles du roi. Ulysse eut recours un stratagme, dont notre bassin reprsente
la fois l'excution et le succs :
4- /RTIBVSVLIXISDVPRODITVS ESSETACHILLES
Ulysse est plac derrire une table o il a tal les cadeaux qu'il offre aux filles du roi :
des ciseaux, une pelote de laine ; trois cus sont appuys contre la table. L'une des
jeunes filles a dj fait son choix, elle tient des ciseaux ; mais les deux autres regardent
tonnes Achille, dont l'humeur belliqueuse s'est rveille la vue des armes : il a saisi
11
dessus de l'E.
2. Stace. Achillide,
1.
I, v. 349-350.
40
DISCIhDiT\ESTESQVIATOTONI1PECTORETROIAEST-
Car rien dans ses mouvements ne permet de penser qu'il va accomplir cet acte. On remarquera que, suivant Stace, ses vtements tombrent d'eux-mmes :
TEROGOPROVENIACVSVPPLICEDEIDAMIA-
faveur;
Deidamia,
elle
aussi,
de
m'accorder
t'en
dit-il
roi,
cette
prie,
Je
te
au
supplie. Le roi est assis sur son trne ; il tient son pe sur ses genoux ; il tourne la
tte vers Achille et Deidamia qui il adresse la parole. Achille, qui a dpouill sa robe
de femme, pose la main sur l'paule de Deidamia ; celle-ci, plonge dans la douleur par
le prochain dpart d'Achille, essuie ses larmes. De l'autre ct du trne, Ulysse, l'pe
la main, semble attendre la dcision du roi pour entraner Achille.
7 Le hros quitte Scyros. Un vaisseau l'entrane avec Ulysse et ses compagnons loin
de l'le. L'artiste, pour figurer ce dpart, a plac dans une barque quatre guerriers arms
de pied en cap ; un pilote plac l'arrire dirige la barque l'aide d'une rame. La
lgende est emprunte Stace :
1. Corrigez IN.
2. Stace, Achillide, 1.
3. Stace, Achillide, 1.
i.
II, v. 204.
II, v. 181.
41
ABRIPITVRTERRISINOTHOSTIDENTE'PROPINQUIS-
Abripitur terris 2.
Quand les potes franais du xue sicle ont fait des emprunts la littrature latine ils
ont donn aux hros de l'antiquit les moeurs de leurs contemporains. Ce qui est vrai des
crivains l'est aussi des imagiers, qui ont reprsent les personnages de l'ancien temps
avec des costumes propres au Moyen-Age.
Les guerriers figurs sur notre bassin fa septime scne sont coiffs d'un heaume
conique nasal trs long ; la nuque est protge par une coiffe rattache au haubert.
Cette sorte de casque apparat au xie sicle et persiste jusqu' la fin du xne sicle. Cette
forme se montre'sur les sceaux pour la premire fois en 1069 et pour la dernire en 1196.
Mais vers 1170 le heaume devient le plus souvent cylindrique avec un timbre plat ou
arrondi 3. On voit des casques de ce dernier genre, ct de casques nasal, dans les
miniatures de YHortus deliciarum. Il est notable que sur notre bassin la pointe place
au sommet du casque revient lgrement en avant; cette particularit existe dans les
dessins au trait d'une Bible latine de la deuxime moiti du xie sicle 4, mais les casques
figurs dans cette Bible n'ont pas de nasal; il est visible d'ailleurs que l'artiste qui a
illustr le volume avait sous les yeux des dessins de l'poque carolingienne.
Les cus que portent les guerriers de la dernire scne, comme aussi ceux qui la
quatrime scne sont poss contre la table, sont ces grands cus oblongs, arrondis en
haut, pointus en bas, couvrant l'homme presque entirement, et derrire lesquels les
guerriers se sont abrits pendant la seconde moiti du xie sicle et presque tout le sicle
suivant. Un seul de ces cus a un umbo, c'est celui que saisit Achille la quatrime
scne. Mais tous sont orns de bandes ou de rondelles de cuir; ce ne sont pas des
armoiries, mais de ces ornements sortiront les pices les plus anciennes du blason : les
bandes, les fasces, les besans. Les armoiries proprement dites n'apparaissent que dans
la seconde moiti du xue sicle. Quant aux lances ornes de gonfanons, elles ne sauraient,
non plus que les pes, donner aucune indication prcise relativement la date du
bassin ; tout ce qu'on peut dire, c'est que leur forme accuse le xie ou le xu sicle. Ainsi,
le costume de guerre, tel qu'il apparat sur notre bassin est celui qui a t en usage entre
1050
et 1150.
ANNE 1886.
sceaux, p. 128.
4. Bibliothque Nationale, manuscrit latin 6, vol. III,
fol.
19,
v.
42
43
PROU.
45
n'est que plus tard, au milieu du xvie sicle, que l'on fit
venir par eau de la pierre de Saint-Leu.
'2. A Pierre Chambiges, maistre maon, pour tous
les ouvrages de maonnerie par luy faits et qu'il continue
faire ausdits bastimens et diffices de Fontainebleau,
Saint-Germain-en-Laye, par l'ordonnance de messieurs
Nicolas de Neufville, seigneur de Villeroy, et Philibert
Babou, seigneur de la Bourdaizire, donn soubs leurs
signets le dernier apvril 4540. Somme toute, des ouvrages
de maonnerie : 70,174 liv. 8 s. 2 d. Laborde, Comptes
des btiments du roi, t, I, p. 4 54.
46
47
suivre.)
EMILE MOLINIER.
Rosso, d. Milanesi, t. V, p. 168. Un dessin du Rosso
pour une des peintures de l'histoire de Vertumme et
Pomone se trouve aujourd'hui au Muse du Louvre.
(Voyez Notice des dessins de la collection His de la Salle,
exposs au Louvre, par le vicomte Both de Tauzia. n 99,
p. 79.)
CHRONIQUE
du Muse Bri- Mduse ; tte de Pan ; tte barbue, probabletannique en 4884. I. Marbres. Statue de ment Dionysos ; fragment d'une statue de
femme penche en arrire, et accompagne Dionysos pench en arrire.
d'un lapin : reprsentation symbolique de l'EsV. Vases. OEnocho avec un phbe, probapagne. Cadran solaire provenant de Smyrne. blement Ganymde, en relief. provenant de
LONDRES.
Les
acquisitions
Tte
des
de
femme,
traces de couleurs.
avec
frapper quelqu'un, probablement dans l'intrieur d'un temple ; stle funraire reprsentant
un homme jouant de la syrinx, avec une ddicace faite par un certain Protauls en l'honneur
de son fils, joueur de syrinx ; pied de cheval,
en marbre.
IL Grs. Figure humaine assise, de style
trusque trs archaque, trouve Chianciano,
prs Chiusi, et achete la vente Castellani,
Paris.
III. Bronzes. Goupe, sur la panse de laquelle
court une couronne ae lierre incruste d'argent ;
deux fltes avec des ttes de Mnades en relief,
achetes la vente de la collection Castellani,
Rome. Hache provenant de Calabre, avec
inscription (Rhl, 543); cistes de Palestrina
(Ehe, Bellrophon et Pgase, Nrides, scne
de bataille) ; miroir relief, reprsentant l'enlvement de Ganymde, provenant de Palestrina ; deux miroirs gravs ; figure archaque d'un
guerrier ; statuette d'Athri et tte d'Herms.
Tous ces monuments ont t acquis la vente
Castellani. Quatres vases de Galaxidi, prs
de Delphes. Statuette archaque d'Apollon.
IV. Terres cuites. Statuette de femme couche
sur un rocher ; deux statuettes de femmes
assises, tenant un masqu : provenance athnienne. Ces trois monuments sont remarquables
par leur bea.ut. Fragments archaques d'une
frise trusque : vente Castellani, Rome.
Provenant de Tarente : statuette avec traces de
couleurs ; dix antfixes reprsentant des masques
en relief; vingt-cinq poids avec des marques
varies ; tte d'un gnie de fleuve ; tte de
Corinthe. Vases provenant de Phoce (Journal of hellenic Studies, II, 305). Vase de
poterie rouge, avec une figure fminine en relief,
d'un type commun Chypre, provenant de
Phoce. Vase conique avec un goulot et
deux anses, d'un type qu'on rencontre
Rhodes, dans les les de l'Archipel et en
Egypte : provenant de Telmessos en Lycie.
Srie de fragments archaques pareils ceux
de Mycnes et de Ialysos, provenant de Myrina.
Lcythe athnien reprsentant Hypnos et
Thanatos qui dposent le corps de Sarpdon
dans le tombeau. Pyxis sur laquelle sont
figures huit femmes leur toilette, provenant
d'Athnes. OEnocho archaque, reprsentant le combat de deux guerriers : d'un ct,
un phbe cheval ; de l'autre, un phbe
conduisant un cheval : provenance corinthienne.
OEnocho archaque reprsentant un combat;
prs d'une figure, avec l'inscription XAPON :
provenance corinthienne. Acquisitions faites
la vente Castellani, Rome : Rhyton en forme
de tte de cheval, trouv Vulci; oenochoavec
la caricature de l'enlvement du Palladium ;
groupe de quatre vases runis sur un seul pied
en forme de colonnette, chacun renfermant un
oeuf de cygne; lcythe avec figures en relief
reprsentant l'enlvement du Palladium.
VI. Pierres graves. Trois pierres graves
archaques de Comana, une autre de Csare
de Cappadoce. Neufpierres graves archaques
de Crte: cerf, fleur, gorgone, chvre, lion,
vaisseau, etc.
VII. Or. Ornement en or ple, vraisemblablement de la priode grco-phnicienne.
Deux bagues d'un beau style grec; sur l'une
est grave une tte de femme ; sur l'autre, un
cavalier au galop : provenant de la vente
Castellani, Rome. Collier avec un scarabe
49
IL Bronzes. Statuette reprsentant un phbe
arm, tenant son bouclier : beau style italiote.
homme
archaque
Statuette
reprsentant
un
CHRONIQUE.
Berlin.
GAZETTE AECHEOLOGIQUE
ANHB 1886.
50
CHRONIQUE.
Ver S le mois
de mai 1885, on a dcouvert sur le territoire de
la commune de Fragora, Gapri, une des villas
de Tibre mentionnes par Tacite dans ses
Annales. Un paysan mit, par hasard, au jour
plusieurs chambres construites mi-cte d'une
colline. Ces chambres sont places sur le mme
plan; un large couloir vot les spare des
terres de la colline et les protge ainsi contre
l'humidit. La construction lest en pierres et en
briques de l'poque impriale. Les murs ont
jusqu' 2 mtres de hauteur;: ils sont crpis et
recouverts d'un enduit color en fort mauvais
tat. On a trouv des pavs en mosaque
blanche ; l'un d'eux, en marbre colori, mesure
4m 60 sur 4m 20. Dans un cot d'une chambre,
qui la forme d'une abside, On a dcouvert des
fragments de marbre blanc, de corniches, quelques tuiles portant la marque TONNEI DE
FIGLINIS VICCANIS. Dsole mois d'octobre
1831, il fut trouv en ce mme endroit environ
100 kilos de tuyaux de plomb, ce qui confirme
l'opinion que les constructions de Fragora sont
des Thermes.
LE PALAIS DE TIBRE, A CAERI.
*
Dans la dernire Chronique
d'Orient de la Revue archologique (nov.-dc.
1885), nous trouvons les renseignements suivants sur les fouilles entreprises Dali (Idalium)
par M. Ohn. Richter, en 1884 et 1885. Le
temple d'Aphrodite, Dali, a t dblay en
entier : 1 le sanctuaire proprement dit ; 2 le
vestibule o taient placs les ex-voto ; 3 l'enceinte rserve aux sacrifices, avec l'autel. On
y a trouv de nombreux fragments de statues en
marbre, des lampes puniques en forme de
coquilles; des ossements de moutons, le crne
d'un livre; plusieurs centaines de terres cuites,
reprsentant des femmes en; prire, levant les
bras au ciel, des musiciennes jouant du tambourin de la harpe et de la lyre, des prtresses ;
,
des statuettes
de la desse nourricire, et de la
desse portant les mains ses seins. Toutes ces
figurines sont de style primitif et fort grossier.
Un autre groupe se compose de statuettes d'un
art avanc et d'un style soign ; on y remarque :
la desse portant les mains ses seins ; la desse
nue dans l'attitude de la Vnus pudique ; des
statuettes avec un grand anneau dans le nez ;
CHYPRE.
Dans la sance du 4
dcembre 1885, M. Bertrand a prsent l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres, la
restitution du poignard appel parazonium
,
gauche
de
la
portaient
les
ct
ceinture
que
au
centurions et les lgionnaires romains. Cette
restitution a t excute d'aprs un original
trouv en Bretagne. La description du parazonium se rencontre souvent dans les auteurs
grecs et latins; d'autre part, l'image en tait
figure sur nombre de tombeaux romains.
Il n'y a donc aucun doute avoir sur l'identit
du type produit. Le spcimen trouv par
M. Bertrand est unique ; on n'en connat aucun
autre dans les muses d'Europe.
LE PARAZONITJM.
M. Renan a prsent l'Acadmie des Inscriptions et BellesLettres, le 18 dcembre 1885, le troisime fascicule du Corpus Inscriptionum Semiticarum,
comprenant les inscriptions de Marseille, les
tarifs de Carthage et les pierres votives de
INSCRIPTIONS SMITIQUES.
Rabbath-Tanit.
+ *
CAPPADOCE. M. Thodore Reinach a lu
l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres
,
le 23 dcembre 1885, une tude sur le classement des monnaies des rois de Cappadoce.
Ces monnaies sont des pices de bronzes ou
d'argent (drachmes ou ttradrachmes). Leur
classement avait t trs confus jusqu' prsent. M. Reinach croit avoir apport l'ordre
dans ce chaos : 1 par le rapprochement des
portraits similaires sur les pices nouvellement
dcouvertes ; 2 par la comparaison des dates
rgnales avec les indications des autres dates
relatives certains rgnes ; 3 par l'tude des
inscriptions contemporaines. Grce ces diffrentes sources, M. Reinach est arriv aux
rsultats suivants : les pices lgendes aramennes appartiennent aux deux premiers
Ariarathe, et les pices grecques sans surnom
51
CHRONIQUE.
Ariarathe III. M. Reinach a pu aussi dterminer les surnoms des autres Ariarathe. Quant
aux mdailles de la seconde dynastie cappadocienne, leur classement n'offre aucune difficult.
En hbreu et en arabe.
l'antiquit, beaucoup plus d'tendue qu'aujourd'hui. Il formait une vritable mer intrieure
PARTHNON. M. Ravaisson a prsent
remplissant toute la dpression du Fayoum, et l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres,
ayant d avoir, au temps du nouvel empire, le 23 dcembre 1885, un pltre reproduisant
une profondeur de 80 90 mtres. Au point de un moulage en ciment romain d'une moiti
vue des applications utiles, il y a aussi, dans le du beau bas-relief du Parthnon que possde
travail de M. Whitehouse, des prcieuses indi- le muse du Louvre, moulage qu'il a rencations qui peuvent faire juger de l'importance contr rcemment en Angleterre et rapport au
des dpts actuels d'aprs l'exhaussement qu'a Louvre. Le sujet y est plus complet qu'il ne
subi, depuis un temps connu, le bassin autre- l'est aujourd'hui sur le marbre originial. Le
fois si tendu du lac Moeris.
marbre a t fortement endommag depuis l'poque o il a t moul en ciment, et qui remonte
*
au temps de l'ambassade de M. de Choiseul en
1785. On voit sur ce moulage deux ttes de
BOTIE. Une lettre de M. Maurice Holleaux,
membre de l'cole d'Athnes, communique jeunes filles et quelques autres dtails que n'offre
l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres, plus l'original. La communication de M. Rale 8 janvier 1886, informe l'Acadmie du vaisson a inspir M. Lon Morel, de Carpenrsultat des fouilles qu'il dirige en Botie, tras, la pense de communiquer l'Acadmie
prs de l'ancienne ville d'Acroephise, sur l'empla- le croquis d'un fragment de marbre de sa colleccement du temple d'Apollon Ptoos; aux alen- tion. Ce fragment trouv Athnes, proximit
tours du sanctuaire, antrieurement dgag, du temple de la Victoire aptre reprsente un
,
il a t dcouvert un certain nombre de marbres buste d'homme vtu d'une chlamyde
et rappelle,
et de bronzes, vases et statues. Ces documents suivant M. Morel, les personnages de la processont de nature faire cesser dsormais bien des sion des Panathnes.
incertitudes en ce qui concerne le culte d'Apollon
Ptoos.
ANTIQUITS FRANQUES. Dans la sance du
29 janvier 1886, de l'Acadmie des Inscriptions
JRUSALEM. Le monument connu sous le et Belles-Lettres, M. Charles Robert a fait la
nom de Tombeau des rois (gbour el molouk) vient description d'une srie d'objets mobiliers dd'tre reconnu comme proprit de la France. couverts, il y a quelques annes, dans une
Les hritiers de M. Isaac Preire l'ont offert tombe de femme, Ortues, localit du territoire
l'Etat, qui l'a accept, la charge de ne jamais de Framars (Belgique), riche en souvenirs de
changer sa destination actuelle et de perptuer le l'antiquit franque. Ces objets appartiennent
souvenir de cette donation par une inscription actuellement un archologue d'Hnin-Litard,
ainsi conue, pose dans la paroi Est du tom- M. Dancoisne. Des vases en terre, des ustensiles
beau :
de toilette et des bijoux trouvs dans la tombe
52
CHRONIQUE.
il n'a pu tre sauv que ces derniers. Ils se Jacobini, on a recueilli une bague en or avec
composent :
un chaton sur lequel est grave l'image de la
De deux fibules en bronze dor, avec
verroteries rouges cloisonnes. Ces fibules,
d'une disposition fort rare, sont formes de deux
motifs symtriquement semblables, runis par
une sorte d'anse ; 2 de deux bustes d'oiseau
d'or fin avec verroteries pourpres cloisonnes -,
3 d'un objet d'argent qui a d tre un collier ;
4 de deuxboucles d'oreilles ornes d'un polydre
lgant dont les artes sont d'or et le fond de
couleur bleue; 5 d'un anneau d'or chaton
arrondi ; 6 d'un mdaillon d'or blire d'une
grande finesse ; 7 de diffrents objets d'ambre
et d'ivoire; 8 d'une petite boule de cristal
monte en or, avec blire; 9 d'un globe en
cristal de roche ayant au moins 40 millimtres
de diamtre et rappelant celui qui se trouvait
dans le tombeau de Childric Ier.
1
suivants
Dans la sance de
ASSYRIE ET CHALDE.
M.
Oppert
vient de com
:
MARTIA
PPUS.
53
CHRONIQUE.
FRANCE.
On a dcouvert rcemment,
sur
54
CHRONIQUE.
vanni Turini, artiste siennois qui a excut mais il est au moins inutile de les placer dans
dans sa patrie de nombreux travaux en bronze un muse artistique.
maill. Cette attribution semble confirme par
*
ce fait, remarqu par M. Molinier, qu'une porte
LAMAIR (Deux-Svres).
toute semblable, que Turini excuta pour le taIl existe Lamair
bernacle qui se dresse au milieu de la cuve bap- des ruines romaines qui ont fourni depuis plutismale de l'glise de Saint-Jean, Sienne, a sieurs annes des tombes de pierre en forme
disparu depuis de longues annes dj. Le mo- d'auge. On a trouv rcemment, sur le mme
nument possd par le Muse d'Axnbras doit point, divers dbris antiques, des poteries rouges,
tre prcisment cette porte. Comment est-elle des monnaies impriales du 111e et du ive sicle,
parvenue Vienne? c'est ce que l'on ne peut et enfin deux statuettes de bronze bien consercomprendre.
ves, mais d'un style mdiocre, reprsentant
l'une un cerf dont les bois sont peu dvelopps,
55
CHRONIQUE.
BIBLIOGRAPHIE
in-8,
fig.
On connat cette curieuse statuette questre que poss-
6. BARBIER DE MONTAULT. Les moules bibelots pieux du Muse Lorrain. Nancy, CrpinLeblond, 1886, in-8, 15 p. et pi. (Extrait du
Journal de la Soc. d'arc, lorraine, 1885.)
7. BASTELAER (D.-A. VAN). Les grs wallons,
56
CHRONIQUE.
de lecteurs ne soient que mdiocrement contents en d'oeuvre. Le livre aurait certainement gagn s'il avait t
lisant le livre de E. Burty; car si la figure du cher- compos de telle sorte qu'il pt servir de guide
cheur infatigable, de l'inventeur y est parfaitement Ravenne, guide qui aurait eu l'avantage de donner des
mise en lumire. on y voit aussi que les oeuvres de poterie notions exactes et de corriger les grosses erreurs qui
de Palissy sont excessivement rares. Je veux bien admettre d'ordinaire s'talent complaisamment dans cette littraqu'il y a un grain de paradoxe dans le scepticisme profond ture de voyage. Un guide bien fait est un idal toujours
profess par M. Burty, mais enfin si l'on admet que promis au voyageur, mais jamais atteint. Pourquoi
Palissy est l'auteur de toutes les poteries classes sous son M. Diehl, auquel les monuments de Ravenne sont mainnom dans les collections publiques ou prives, il faudrait tenant familiers, ne nous en donnerait-il pas un?
lui accorder une longvit remarquable. Le vrai Palissy est
EMILE MOLINIER.
excessivement rare et la plupart des oeuvres qui se
21. IMHOFF-BLUMER. Portraetkoepfe auf antirclament de son nom datent de 'extrme fin du xvr sicle
quand ce n'est pas du xvir\ J'irai mme plus loin dans ken Mnzen hellenischer und hellenistiker
ce sens, et la fameuse pice connue sous le nom de la Voelker, mit Zeittafeln der Dynastien des AlterNourrice, que M. Burty attribue Palissy, me parat tre tums nach ihren Mnzen. Leipzig, Teubner,
une oeuvre duxvn" sicle. Cette opinion trouvera probable- 1885, in-4 de 95
pp. et 12 pi.
ment de nombreux dtracteurs; il est cependant grand
temps de remettre les choses leurvraie place et de ne pas
Ce volume relve autant de l'archologie que de la
faire passer des oeuvres d'art du temps de Louis XIII pour numismatique proprement dite : il renferme les portraits
des spcimens du plus pur style franais de la Renais- numismatiques de tous les rois et dynastes du monde grec
sance. Cette petite rectification fate, libre aux amateurs ou grcis qui ont plac leur effigie sur les espces qu'ils
d'admirer pieusement ce qu'ils croient tre l'oeuvre du ont fait frapper; on y a mme ajout les portraits de
EMILE MOLINEER.
potier saintongeais.
potes ou de philosophes qu'on rencontre parfois sur les
14. Catalogue du Muse dpartemental de monnaies, comme Hrodote, Sapho, Hippocrate. Le texte
est peu important ; il contient uniquement la nomenclature des princes avec la date de leur rgne et la description, sans commentaire, des mdailles figures sur les
planches. Les planches, de leur ct, sont d'excellentes
phototypies ; leur excution ne laisse rien dsirer ; si
bien que le lecteur a sous les yeux une image fidle,
sans l'interprtation plus ou moins habile d'un artiste. Au
point de vue iconographique, aucun autre ouvrage ne peut
tre mis en parallle avec celui-ci.
Aprs avoir ainsi indiqu l'utilit archologique du
recueil de M. Imhoff-Blumer, je crois devoir insister sur
un point : bon nombre d'attributions sont conjecturales.
C'est tout fait hypothtiquement que l'on peut admettre
les sries iconographiques des Sleucides, des Arsacides ,
des Lagides et des rois de la Cappadoce, par exemple. Je
reprocherai en mme temps M. Imhoff-Blumer d'avoir
donn, dans une premire planche, des mdailles au
double et au triple de leur grandeur relle : ce procd est
inutile pour les numismatistes ; et ceux qui ne sont pas
numismatistes peuvent par l tre induits en erreur en
croyant qu'il existe des mdailles aussi grandes ; j'ajoute
que le grandissement est de nature altrer les traits des
personnages. Enfin quelques omissions pourraient aussi
tre signales ; des dates donnes avec certitude ne sont
rien moins que scientifiquement tablies. Mais je m'empresse de dire que M. Imhoff-Blumer n'est pas entirement responsable de ces imperfections et de ces desiderata, et que son livre, en prsentant sous une forme
sommaire, l'tat actuel de la science, rendra les plus
grands services tous ceux qu'intresse l'iconographie
E. BABELON
grecque.
UAdministrateur-Grant,
S. COHN.
OAelle/ Archologique't>&$
PL. 6
LE REPOS DHERCULE
DlSgiIE
EW
LE REPOS D'HERCULE
DISQUE EN BRONZE DU MUSEE BRITANNIQUE
(PLANCHE
6.)
Les monuments antiques nous montrent souvent Hercule demi couch sur la peau
de lion ; son arc, ses flches, sa massue sont prs de lui. Les Charits, vtues de longues
robes plisses la manire archaque, apparaissent quelquefois auprs du hros 1 ; ou
bien il est accompagn de petits amours qui s'emparent de ses armes. Sur quelques-unes
de ces scnes on le reprsente couronn de feuillage et tenant un scyphos, ce qui les
a fait classer parmi celles qui se rapportent l'ivresse d'Hercule 2. Cependant la prsence
des Charits fait natre une pense plus aimable ; la vue des amours dsarmant Hercule
voque aussi une autre ide, qui apparat dans l'antiquit sous bien des formes, celle
de la Force subjugue par l'Amour. Le vin et l'amour sont souvent complices; les
artistes et les potes de tous les temps les ont clbrs et associs dans leurs oeuvres.
Sous ce rapport l'humanit n'a pas chang. Quoi qu'il en soit, la runion de Dionysos
et d'ros est assez frquente pour qu'on ne puisse douter du mutuel secours qu'ils se
prtent.
Les peintures, les marbres, les pierres dures, les bronzes, les poteries nous ont
conserv des reprsentations de cette scne 3 dans lesquelles on constate des diffrences qui ne sont pas de nature faire repousser l'ide d'une composition originale
ayant donn naissance des interprtations varies. En classant ces monuments, il serait
facile d'tablir des sries dans lesquelles, au point de vue chronologique, il conviendrait certainement de placer au premier rang ceux qui se distinguent par la prsence
des Charits.
Le Muse Britannique possde un disque en bronze (voy. pi. 6) dont la provenance
s
est malheureusement inconnue ; il nous offre une belle rptition de ce sujet 4. Hercule,
entirement nu, est nonchalamment tendu sur la peau de lion, la jambe droite
1. Cf. un bas-relief, en marbre blanc, rcemment entr
au Louvre, dont j'ai donn la description dans la Gazette
archologique, t. IX, 1884, p. 249.
i. Voir le travail de M. Minervini, L'Ercole Lido
nbbriaco e gli Amore che ne rapiscono le armi in alcuni
dipinli Pompeiani, insr dans les Nuove memorie dell'
GAZETTE ARCHOLOGIQUE. ANNE 1886.
58
LE REPOS D'HERCULE.
replie; sa main droite ouverte repose sur le mufle du lion et soutient le poids de toute
la partie suprieure de son corps, tandis que de la main gauche il saisit un petit amour
sur lequel ses regards se fixent avec complaisance. La prsence des amours qui s'agitent
autour d'Hercule donne la scne une vie et une animation particulire. Ils sont au
nombre de six. L'un d'eux, presque perdu dans les plis de la peau de lion, s'efforce de
la tirer lui; il travaille des bras et des jambes. Un autre s'est empar de la massue;
dj il l'a souleve et l'a place debout; l'aide d'une bandelette dont il a garni le
manche il la maintient sur son paule gauche et la trane derrire son dos tout en la
soutenant de la main droite. Un troisime voltige prs de la tte du hros et le charme
au son d'une double flte. Un quatrime, debout prs du carquois et de l'arc, semble
s'tre appropri les armes du fils d'Alcmne. Un cinquime s'lance dans l'espace,
dominant tout le tableau et portant entre ses mains un objet difficile distinguer ; peuttre accompagne-t-il son voisin le flteur en jouant des crotales ? Le sixime enfin,
celui qu'Hercule tient de la main gauche, gesticule et parat lui adresser la parole. Un
vieil arbre, au tronc noueux, qui a l'apparence d'un figuier, se voit dans le fond de la
scne- A part quelques dtails de peu d'importance, c'est le sujet reproduit sur un
mdaillon de poterie romaine du Muse de Nmesl, Hercule dsarm par les Amours.
Le disque du Muse Britannique est d'un dessin solide et net, d'un bon style ; il est
revtu d'une patine noire. Les chairs fermes et bien modeles, les muscles vigoureux
d'Hercule forment un contraste voulu avec les corps gracieux et enfantins des amours.
A la partie suprieure, un trou perc prs de l'encadrement prouve que ce disque est
unemblema ayant servi d'ombilic une phiale ou un autre rcipient, et ayant t,
par consquent, fix.sur un vase de mme matire; la partie infrieure, il existe un
second trou aujourd'hui bouch. Les parties les plus en relief, exposes au frottement,
ont malheureusement souffert et sont uses; par exemple, la figure, la jambe gauche
et une partie de la poitrine d'Hercule. Les surfaces poteles et accuses du corps des
amours ont subi aussi des dgradations analogues. La peau de lion garantie par le corps
du hros ainsi que l'amour, matre du carquois, nous offrent, au contraire, des dtails
bien conservs et tmoignent du soin apport dans l'excution du bas-relief.
Une composition presque semblable se remarque galement sur un emblema et me
parat devoir tre rapproche de celle dont je viens de parler. On y retrouve la massue
et les armes d'Hercule, l scyphos, la peau de lion, les amours; seule la figure principale est change. Au lieu d'Hercule, c'est une figure d'apparence fminine, couche
comme l'Hermaphrodite Borghse, la tte reposant sur l'avant-bras, et presque nue;
son vtement ne recouvre que les jambes ; une ceinture entoure ses reins. Ses formes
voluptueuses, sa pose pleine d'abandon, son attitude, les amours qui l'accompagnent
ne laissent aucun doute sur les penses qui l'agitent ; tout indique l'influence laquelle
1. Mdaillon de poterie romaine du Muse de Nmes, dans la Gaz. archeol., t.
LE REPOS D'HERCULE.
59
elle est soumise. Cette composition se voit, entre autres, sur le fond d'une patre faisant
partie du Trsor de Bernay, conserv la Bibliothque Nationale 1.
Je suis convaincu que ces deux emblemata nous offrent les types de compositions
parallles destines dcorer des vases se faisant pendant. La disposition allonge des
figures couches tait bien approprie la forme ordinaire de l'emblema et la petite
troupe des amours a fourni l'artiste les motifs les plus charmants, les plus divers et les
plus faciles pour remplir les espaces vides autour de la reprsentation principale. Que
la figure d'apparence fminine soit un hermaphrodite, une bacchante ou Vnus ellemme il n'en est pas moins certain qu'il faut la mettre en rapport avec Hercule dont
,
la massue lui sert d'oreiller et dont les autres attributs l'entourent. Si on pouvait en
douter il suffirait de se reporter la pi. 23 de l'anne 1880 sur laquelle M. le baron de
Witte a fait reproduire des plaques d'argent trouves en Syrie 2 et appartenant au prince
Ladislas Czartorisky. Sur l'une de ces plaques est reprsente une jeune femme compltement nue, n'ayant qu'une ceinture autour des reins et dont la draperie est tombe
terre; elle s'approche d'Hercule et cherche l'attirer vers elle. C'est la mme figure que
sur l'emblema de Bernay, particulirement reconnaissable sa ceinture place presque
sous les bras.
Il existe des lampes romaines reproduisant exactement le sujet de la plaque de
Bernay3. Le Muse du Louvre en possde une et j'ai eu l'occasion d'en voir plusieurs
autres. Quant la scne du disque de Londres, outre les variantes nombreuses dont j'ai
parl plus haut, les artistes en ont dtach une foule de petits pisodes dans lesquels
Hercule ne parait pas, mais o son ombre plane et son influence se devine. Les acteurs
de ces petites scnes sont les amours en nombre indtermin. Leur but est presque
toujours l'enlvement de la massue et des autres armes du hros. Un des plus connus
parmi ces gracieux tableaux est accompagn de la lgende ADIVVATE SODALES; on le
voit sur des lampes romaines provenant du midi de l'Italie et en particulier de Pouzzoles 4.
Sur un fond de coupe en bronze du Louvre, Eros reprsente seule la troupe enfantine
et porte glorieusement toutes les armes du hros 5. Sur un petit bas-relief d'applique,
du cabinet Pourtals, galement en bronze, il est charg de la massue et tient une
palme la main, ce qui ne peut laisser aucun doute sur sa victoire 6. Le nom de gnies
d'Hercule que l'on donne habituellement ces amours porteurs des dpouilles du fils
d'Alcmne ne me semble pas d'accord avec le rle qu'ils viennent de jouer auprs de lui.
A. HRON DE VILLEFOSSE.
Prvost, Mmoire sur la collection de vases
antiques trouve, en mars 1830, Berlhouville, p. 2728; pi. m, lig. 4. Cf. Chabouillct, Catalogue du Cabinet
1. Aug. Le
STATUES DE CHERCHEL
PROVENANT DU MUSEE GREC DES ROIS MAURES A CiESAREA.
(Planche 7.)
Les deux marbres que figure la planche 7 ont t trouvs dans les ruines de Ceesarea,
l'ancienne capitale des rois de Maurtanie. On les voit aujourd'hui dans le muse
de Gherchel, sous un clotre qui borde un petit jardin, au milieu d'un charmant fouillis
d'lgantes sculptures.
La statue de droite est un Faune -du cortge de Bacchus. II est reprsent compltement nu, bien cambr, dans l'attitude de la marche. La jambe gauche, porte en avant,
repose lgrement sur la pointe du pied. A en juger par la disposition de l'paule, le bras
droit tait lev au dessus de la tte. Le bras gauche, pendant le long du corps, est bris
hauteur du coude; la main devait tenir une gerbe de fleurs et agacer la panthre. La
bte froce, couche plat ventre, presse entre ses griffes des grappes de raisin et lve
la gueule. Le Faune tourne gracieusement vers l'animal son front couronn de lierre et
son rire sarcastique. Le groupe est lgant, mais d'une lgance facile et banale. Il
rappelle tous ces Satyres et tous ces Faunes au sourire moqueur que cra pour les
Romains l'imagination des derniers artistes grecs et dont les muses d'Europe, en
marbre, en terre cuite et en bronze, possdent tant de rpliques 1.
Bien autrement digne d'attention est la statue figure gauche. On y retrouve, non
sans surprise, la beaut et la dlicatesse d'une oeuvre grecque originale. C'est une femme
de grandeur naturelle, vtue d'une longue diplos, qui retombe en plis serrs sur les
paules et dcouvre le chiton autour du sein droit ; l'ample vtement dcrit d'harmonieuses courbes et se moule enfin sur les pieds chausss de sandales. La tte manque ;
mais de chaque ct du cou, jusqu' hauteur des seins, descendent les cheveux en trois
nattes symtriques. Le bras gauche relevait la draperie, le bras droit pendait le long
du corps. Aucun attribut ne permet de dterminer srement le nom de la desse. Probablement il faut saluer en elle une Artmis ; les statues de cette divinit sont assez nombreuses au muse de Cherchel, et ni le costume, ni l'attitude ne s'opposent cette
attribution. La statue est du plus beau style ; par la simplicit et la noblesse du maintien,
1. Voyez, entre autres, les Faunes de la collection Pourtals (Clarac, Muse de sculpture antique, pi. 711,
ns 1C93 et 1693 A).
~?L. 7
&a,x4es^rceol<?g-?ue/_ 18 8 6
__
STATUES EN
DU
MUSE
MARBRE
C H E K C II E
L,
STATUES DE CHERCHEL.
6l
par l'exquise lgret des draperies, elle est digne du ciseau d'un matre grec. Serait-ce
une oeuvre originale, apporte d'Orient au temps o rgnaient en Maurtanie Juba II,
citoyen d'Athnes, et Clopatra Sln, fille d'Antoine et de Cloptre? Il est difficile
de dcider. La souplesse de l'excution ne permet gure d'y reconnatre une oeuvre
archaque ; et pourtant voici quelques-uns des signes auxquels on distingue d'ordinaire
une oeuvre primitive : la disposition symtrique des nattes, la robe se moulant sur les
pieds et les enveloppant comme d'une gane. Serait-ce une oeuvre archasante? Mais les
caractres de cette cole artistique, qui au temps d'Auguste imagina de reproduire et de
copier les oeuvres primitives, commencent tre bien connus 1. Cette scheresse du
rendu, cette raideur d'excution qu'on observe dans les oeuvres archasantes d'Herculanum et de Rome, par exemple dans la Pallas et dans le groupe d''Electre et Oreste,
tout cela contraste avec l'lgance discrte de l'Artmis de Cherchel. A ct de procds
archaques on observe dans la statue africaine la marque du grand style hellnique.
L'Artmis et le Faune de Cherchel transportent donc l'imagination du visiteur en
plein pays grec. Et, de fait, tous ces chapiteaux d'ordre corinthien ou ionique, ces
lgants fts de colonnes, ces longues frises finement brodes, ces moulures dlicates
dont sont festonns les environs du port, l'esplanade et la plupart des ruines de Cherchel,
tous ces jolis dbris d'architecture ou de sculpture dont le dsordre original encombre
le clotre et le jardin du muse, ces amphores, ces marbres creuss d'inscriptions
grecques 2, ces monnaies de Juba et de Ptolme le Maure aux types et aux lgendes
hellniques 3, voil de quoi faire illusion au visiteur. On se rappelle les petits muses
champtres de la More ou des les de l'archipel. On s'aperoit que dans ce joli coin de
la Maurtanie a fleuri quelque temps une petite Grce. A Carthage et en Numidie, la
trace des Hellnes est bien fugitive ; dans les ruines de Csesarea est encore vivement
accuse l'empreinte du gnie grec.
L'archologie et la numismatique constatent le fait; l'histoire l'explique. Juba II, qui
fonda Csesarea sur l'emplacement de la vieille cit d'Iol, tait un descendant des rois de
Numidie, qu'Auguste chargea de rgner sur les Maures. Elev dans la maison de Csar,
il avait combattu Actium, longtemps vcu en Orient, mrit le titre de citoyen
d'Athnes qui lui vota des statues. Philologue estim, historien, critique d'art, faiseur
de bons mots, il crivit toujours en grec. Il pousa successivement une Grecque d'Egypte
et une Grecque d'Asie Mineure. Dans sa cour de Csesarea, il attira une foule de Grecs, des
princes, des crivains et des artistes, mme des acteurs, contre qui il ne ddaignait pas
1. Voyez : de Witte (Acad. de Belgique, 31 aot 1873),
Des imitations d'ancien style; Gherardo Ghirardini
(Bullettino dlia commissione archeologica communale di
Roma, 1881, p. 106 et suiv.), Di una statua arcaca dell'
Aventino e d'alcune srie di scullure affmi; S. Reinach,
Manuel de philologie classique, tome II, p. 91, note 3.
62
STATUES DE CHERCHEL.
d'crire des pigrammes en grec 1. Comme les monarques de l'Orient, il fit lui-mme
construire son tombeau, dont la masse gigantesque couronne encore une des collines
du Sahel 2; il en dcora la base d'une colonnade ionique, comme en Asie Mineure; il
sculpta des lions sur une porte intrieure, comme Mycnes; il disposa avec art les
chambres spulcrales, comme en Egypte : on dirait que le roi maure a voulu flatter la
Grce et ses deux femmes grecques jusque dans son tombeau. Enfin il adopta sur ses
monnaies les types et souvent mme la langue des Hellnes 3.
Juba II aimait s'entourer des chefs-d'oeuvre del sculpture grecque. Tout comme les
grands personnages de Rome, il rapporta d'Orient quelques originaux, se procura de
nombreuses copies. Telle est l'origine de ce muse grec des rois maures Csesarea, dont
nous possdons encore bien des dbris. Les oeuvres en sont disperses aujourd'hui
Paris, Alger, Cherchel. Il nous parat curieux de dresser l'inventaire du muse grec
de Juba II 4.
de
Cherchel,
inspire,
Vnus
d'autres
1
de
Vnus,
tant
statues
comme
par
l'Aphrodite cnidienne de Praxitle. Par son lgance plastique, elle soutient la comparaison avec la Vnus de Mdicis. Muse d'Alger.
2 Neptune, statue plus grande que nature. Le dieu est figur entirement nu, avec
une barbe paisse et une abondante chevelure. D'une main il tient le trident, de l'autre
l'hippocampe; prs du dieu, un dauphin. Muse d'Alger.
3 Groupe du Satyre el de l'Hermaphrodite. L'Hermaphrodite, assis sur un rocher,
attire lui avec son bras droit le jeune Satyre dont il serre la jambe gauche entre ses
cuisses. Au pied du rocher est sculpte une petite couleuvre. Muse d'Alger.
Jupiter
marbre
Muse
du
Louvre
5.
d
aigle,
blanc.
4
et
groupe
en
du
Louvre".
Bas-relief,
d'un
travail
dlicat.
Muse
5
larges plis d'une lgante draperie, qui s'agrafe sur l'paule droite et dcouvre l'paule
gauche; le bras droit pend le long du corps. Idem.
11 Minerve, dont la draperie tombe en plis lourds comme ceux du bronze.
8
9
pigrammes.
2. C'est le Kbour-er-Roumia des Arabes, le Tombeau de
la chrtienne des Algriens.
3. Voyez, pour tous ces laits, C. Millier, Fragmenta
historicorum groecorum, tome III, p. 465; L. Millier,
Maurtanie; R. de la Blanchre, Derege Juba; Paul
63
STATUES DE CHERCHEL.
L'gide est passe sous le bras gauche comme une charpe. La tte et les bras sont
briss. Idem.
12
Vnus,
entirement
dauphin
cts.
C'est
nue,
avec
un
ses
une reproduc
Tte
colossale
de
femme,
14
creuse
intrieurement.
Beau
style
grec. L'expression
Tte
colossale
16
d'un
dieu
barbu,
creuse
intrieurement;
les
cheveux
la
et
barbe sont fouills avec soin. La tte est d'un beau travail et fort expressive.
Idem.
17
18
19
Tte
d'Hlios.
Idem.
PAUL MONCEAUX.
Voyez le Temps du 14 dcembre 1885 et l'Illustration du 9 janvier 1886.
,
8.)
En 1380, la reine Jeanne I de Naples dsignait pour son successeur au trne de Sicile
un des fils du roi Jean, Louis, duc d'Anjou. Ce prince ambitieux et entreprenant s'tait
trouv, l'anne prcdente, ml aux ngociations touchant le royaume d'Adria que le
pape Clment VII voulait crer en sa faveur sur les terres du Patrimoine, occupes par
l'antipape Urbain VI 1. Mais l'adoption de la reine de Sicile dtourna facilement Louis
de cette aventure. Il ne songea plus gure alors qu' rendre relle, les armes la main,
une mise en possession nominale et un peu illusoire. Il commenait joindre les
actions aux paroles, quand il mourut dans la Pouille, le 20 septembre 1384, quarantecinq ans 2; son corps, rapport Angers, fut enterr Saint-Maurice, au ct droit de
l'autel. Il avait pous, le 9 juillet 1360, la fille du duc de Bretagne, Marie de Chatillon,
dite de Blois, qui lui donna deux fils, Louis II et Charles.
Telle fut l'origine des prtentions de la maison d'Anjou sur Naples, et les
premires revendications armes, prludes de guerres lointaines o les successeurs de
Louis I allaient engloutir de grosses sommes de deniers. Au contact des splendeurs
italiennes, le fils du roi Jean avait senti s'accrotre son got naturel pour le luxe, en
mme temps que le sentiment lui venait de son infriorit artistique 3. Il n'y avait point
trs grand temps alors que les peintres fussent venus la cour de France ; les plus
habiles d'entre eux s'exeraient bien dcorer les palais ou les glises, d'autres
laissaient le genre troit de la miniature pour s'essayer aux portraits, mais la comparaison avec l'Italie leur tait dfavorable, et Louis le sentait mieux que personne. Il
allait cependant se passer plus d'un sicle avant que les Italiens eussent une influence
1. Consulter ce sujet P. Durrieu Le Royaume d'Adria.
,
Paris, Palm, 1880, in-8.
2. La mention de sa mort est donne par une note du
livre d'heures dont nous aurons parler ci-aprs, et qui
avait appartenu Ren d'Anjou: On lit, la date du 20
septembre, dans le calendrier: Lan IIIe 1IIIXX IIII
trespassa Loys pre de Loys second , jadis duc d'Anjou et
depuis Roy de Sicile. (Bihl. Nat., ms. 1156 A, fol. 9 v.)
3. La Bibliothque Nationale conserve un ms. fr.
AIT DPARTEMENT
65
directe sur la France ; les premiers rois de Sicile de la branche d'Anjou devaient rester
franais longtemps encore, au moins sur ce point.
En effet, si l'on ne connat aucune effigie de Louis I dans les oeuvres italiennes, ce
prince avait t reprsent au moins une fois chez nous. C'tait sur un manuscrit des Hommages du comt de Clermont, conserv aux Archives de la Chambre des comptes, dans
lequel notre grand collectionneur, Gaignires, l'avait fait copier avant l'incendie. Le duc
porte dans ce dessin le costume spcial d'alors et la cotte armorie de mode chez les
grands. Il est de profil, comme le roi Jean, dans la clbre peinture de la Bibliothque
Nationale; son nez aquilin et lgrement long, sa bouche fine et ddaigneuse, sa joue
imparfaitement rase au got du jour, ses cheveux blonds rejets en arrire lui font
froid
tudier.
Il
le
ct
plus
curieuses
des
plus
intressantes
physionomie
des
et
a
une
et srieux que nous allons retrouver chez son fils, le roi Louis II de Sicile 1.
Autant qu'il est permis d'en juger par la traduction, l'original n'tait point mdiocre.
On sent, voir cette tournure nave et ce dessin habile, que l'cole des portraitistes
franais sortait sensiblement de l'enluminure; l'volution naturaliste se prparait
lentement. Elle parat tout aussi caractrise dans un autre dessin de Gaignires
reprsentant Louis II d'Anjou. Mais quel point de comparaison avions-nous pour juger
ces oeuvres ? Dans quelle proportion le copiste avait-il interprt les originaux ? Tout ce
que nous apprend le collectionneur dans la mention manuscrite mise par lui au bas de
la copie, c'est que le roi Louis II avait t pris sur un pastel original fait de son temps .
Avec un vitrail du Mans, publi par M. Hucher 2, la portraiture en question constituait
toute l'iconographie du second roi de Sicile, car il est inutile de compter la gravure de
Boudan ni celle de Montfaucon, prcisment faites d'aprs elle. Aucune mdaille, aucun
fragment de statue ne nous renseigne sur ses traits. Et pourtant, Louis d'Anjou avait t
comme son pre un seigneur magnifique. Couronn roi par le pape Clment VII, l'ancien
alli de sa maison, et vainqueur de la Sicile o il demeura prs de dix annes, son
amour des choses d'art avait singulirement grandi. Les Pazzi brodaient pour lui de
riches tapisseries payes quatre mille livres, somme invraisemblable alors 3. Il avait sans
aucun doute attir lui les meilleurs artisans de l'poque. Quel tait donc l'auteur du
pastel original de Gaignires, et cette oeuvre tait-elle bien rellement un pastel ?
Cette pice seule et pu nous tirer d'embarras, si l'espoir de la retrouver n'et t
depuis longtemps perdu.
Il y avait doute sur la sret des allgations de Gaignires. M. Hucher, dans son
excellent ouvrage sur les vitraux du Mans ( planche 100 ) 4, donne un prtendu portrait
du roi Louis II de Sicile ct d'Yolande d'Aragon, sa femme, et de Marie de Bretagne,
1. Bibl. Nationale, estampes. Collection Gaignires,
Ob 10, fol. 3.
. Hucher, Calque des vitraux de la cathdrale du Mans,
GAZETTE ARCHOLOGIQUE.
ANNE 1880.
pi. 100.
3. Lecoy de la Marche, Comptes du roi Ren, n 518.
4. Hucher, Ouvr. cit, pi. 100.
Q
66
sa mrel. Dans un autre travail d'iconographie sur les princes de la maison d'Anjou, il
fait remarquer, toujours d'aprs la verrire en question, que : le nez du roi Ren
dprim sa base a sa raison d'tre, car semblable irrgularit existait dans la figure
de Louis II. Et de fait, le vitrail montre le roi avec un nez relev et gros, qui mis
en regard de la copie de Gaignires, nous plongeait dans l'incertitude la plus grande.
Dans cette dernire portraiture, Louis II a le nez aquilin, la bouche fine et mprisante ;
il porte sur la tte un de ces chaperons la mode au commencement du xve sicle, qui
se composaient d'un morceau d'toffe festonne, enroule de la nuque au front, et
dont les bouts tombaient devant les yeux. On rencontre ordinairement ces coiffures dans
les portraits des primitifs flamands et aussi dans les miniatures du Brviaire Grimani.
La robe est un brocard d'or ramages carlates et azurs, dont le col fourr de loupscerviers montait jusqu'aux oreilles. Ce ne pouvait tre l le mme personnage que celui
du Mans.
Une autre hypothse surgissait bientt. Dans son Histoire de la Miniature'1, M. Lecoy
de la Marche, qui Ton doit plusieurs travaux sur le roi Ren d'Anjou, reproduisant
une des vignettes du livre d'heures de ce prince o se trouve fort exactement copi le
portrait original autrefois-transcrit par Gaignires, en fait, lui, le roi Ren, le vieux
roi populaire, qu'il devait connatre mieux que personne. O tait la vrit au milieu de
ces trois affirmations galement vraisemblables? Une seule ne pouvait se soutenir bien
longtemps, c'tait la dernire. En effet, l'iconographie du vieux roi de Sicile est
aujourd'hui trs facile dterminer, dans les mdailles, les verrires, les tableaux
mme. Aprs M. Hucher ,M. Alos Heiss n'a point laiss grand'chose ignorer sur cette
question 3, et la face ronde, le nez petit et dprim du roi Ren sont devenus aussi
populaires chez les amateurs que le profil d'Henri IV ou de Napolon. Sans autre examen,
l'attribution de M. Lecoy de la Marche devait tre abandonne.
Gaignires s'tait-il donc tromp aussi? Et qui ne le fut jamais en semblable matire?
La mention du pastel original paraissait bien un peu trange pour une peinture du
xve sicle. Jusqu'alors l'opinion de M. Hucher semblait la plus plausible, Ren tenait de
son pre sa physionomie bourgeoise, et le seul portrait authentique de Louis II devait
tre celui du Mans. Quant au personnage dcouvert par M. Lecoy, et celui de Gaignires,
il tait peut-tre Louis IIId'Anjou, frre de Ren, mais coup sr il n'tait ni Jean de
Calabre, dont la mdaille est connue, et qui n'et point port ce costume, ni Ferry de
Lorraine, gendre de Renyqui ne l'et point eu davantage.
Tout dernirement, M1"* Miller remettait la Bibliothque Nationale, au nom de son
67
mari 1, qui en avait manifest le dsir avant de mourir, un curieux portrait dessin
l'aquarelle sur papier et portant au verso, d'une criture cursive du xvc sicle :
Roy Loys pre
Ce dessin allait lever tous nos doutes. C'tait bien l le prtendu pastel
original, car
[A
suivre.
SILENE ET BACCHANT
BRONZE DE LA COLLECTION DE JANZE
(PLANCHE 9.)
PL. 9
axsJfeeJr/ifotrifu/? 1886
SILNE
BRONZE DE I.A
BAC: CHANT
COLLECTION DE JANZ
ET
69
SILNE ET RACCHANT.
Rien n'est plus frquent, dans l'antiquit figure, que les monuments qui reprsentent des pompes dionysiaques, formes de Satyres, de Silnes, de Faunes, de
Mnades, d'ros ivres et titubants. Citer les exemples serait dresser le catalogue de la
plus grande partie des monuments qui se rapportent au culte de Bacchus. Cependant nous
rapprocherons de la figure d'applique de la collection de Janz un groupe faisant partie
de la scne qui dcore le grand cratre du Louvre connu sous le nom de Vase
BorghseK Autour de Bacchus qui s'appuie sur une Muse, se dploie la danse orgiastique au milieu de laquelle on voit Silne ivre qui a laiss rouler terre son canthare et
que soutient un jeune Satyre : cette scne a, par l'attitude des deux personnages, une
frappante analogie avec le groupe de Janz. Plus tard, ce fut la mode, sur les vases
peints de la dernire poque, sortis des fabriques de l'Italie mridionale, de reprsenter des sujets bachiques. On y voit ternellement, dit M. de Witte, Bacchus accompagn de Satyres et de Mnades. En gnral, les compositions n'annoncent ni efforts de
gnie ni efforts d'invention : toujours des Satyres ou isols ou groups avec des Mnades,
des enfants ails, ayant les formes effmines de l'Hermaphrodite. 2 A l'poque romaine
enfin, le got des sujets bachiques envahit l'art dans toutes ses parties : ce sont les
bas-reliefs des sarcophages, les peintures murales, la sculpture, les terres cuites, les
bronzes enfin, qui reproduisent les pompes de Bacchus en reprsentant le dieu lui-mme
en tat d'brit et soutenu par des personnages de son thiase, ou bien des Bacchants
et des Bacchantes ivres leur tour, ou mme encore, d'autres dieux comme Hercule
ou Apollon, que Bacchus a enivrs et autour desquels foltre joyeusement le cortge
oblig du dieu du vin.
Nous ferons remarquer, en terminant, la patine lisse de couleur fonce, qui couvre le
bronze de Janz. Cette patine est recouverte en partie d'efnorescences noirtres avec
des reflets rougetres, et ce sont l des caractres qu'on rencontre sur les bronzes dcouverts Herculanum, tandis que tous ceux qu'on trouve Pompi sont, sans exception,
revtus d'une patine rugueuse, granule, efflorescences vertes ou bleutres. Rappelons-nous qu'Herculanum fut engloutie sous les flots de la lave en fusion qui s'est
ensuite durcie comme du plomb, tandis que Pompi fut recouverte par une pluie de
cendres et de pierres calcines, lances par le volcan en ruption : l'lment destructeur tant diffrent, les effets en furent varis. Nous avons dj constat ce fait propos
d'un autre monument de bronze du Cabinet des Mdailles 3. Ces circonstances nous
portent croire que le groupe que nous venons de dcrire, et qui n'a pas d'tat civil,
provient peut-tre d'Herculanum.
E. BABELON.
Bouillon, t. I, pi. LXIV, Miiller-Weseler,
Denkmoeler, etc., nouv. d., t. II, pi. xnv, n 548;
Chirac, Mus. de sculpt., pi. 113, n 711; Creuzcr1. Voy.
COUPE D'ARGENT
DE LA DESSE NANA-ANAT
(Suite*).
Planches
10, 11
et
12.
En parlant de tous les objets, vases et offrandes, que nous avons aperus entre les
mains des acolytes de la desse bactrienne Nana-Anat, nous avons cit les analogues
que l'on rencontre sur les anciennes sculptures de l'Asie centrale. Il ne nous reste plus
qu' comparer la srie des figures qui ornent notre patre, avec quelques autres pices
d'ancienne orfvrerie orientale. Au nombre des coupes en mtal que l'on attribue
l'antique industrie phnicienne, il en est aujourd'hui au moins deux, sur lesquelles des
sries de personnages sont assembles, comme sur celle que nous dcrivons, afin de
clbrer une fte religieuse, o la danse et la musique ont leur part. Ces vases sont : la
tasse en bronze, dcouverte Dali ou Idalie, dans l'le de Chypre, et la patre en cuivre
jaune, de provenance douteuse, qui se trouve actuellement au muse du Varvakion,
Athnes 2.
Dans la premire, les dons et les vases de libations sont dj runis sur un trpied et
et sur un abaque, devant lesquels sige la prtresse principale, accompagne de sa
premire acolyte..Derrire elle, trois femmes debout jouent de la double flte, |du
psaltrium et du tympanum. Le reste de la circonfrence du vase est occup par six
autres femmes qui se tiennent par la main et ont l'air de se mouvoir d'aprs la cadence
de la musique. Toutes ces figures portent des robes longues serres la taille; leurs
cheveux pendent en mches parses; leurs ttes sont couvertes de calottes double
range de fleurons. Ce sont les prtresses, les musiciennes et les danseuses d'un temple.
Les offrandes de l'autel le prouvent.
Sur la patre du Varvakion, l'influence de la mythologie gyptienne se manifeste
trs sensiblement; mais on y voit aussi l'adoration doublement rpte du croissant
pour la 1rc partie, h-Gazette archologique,
anne 1885, p. 286-296, pi. 33 et anne 1886, p. 5-15.
,
2. Voy. la patre d'Idalie qui. est au muse de NewYork (0m 1325 de diam.), dans Cecaldi, Monnm. antiq.
1. Voir,
Steine).
AIGUIRE D'ARGENT
DE LA COLLECTION DE M. LE Bcn F. SEILLIRE.
10.
Gazette- drckeoloq-Lou&.
PL. 11
.1886
AIGUIERE D'ARGENT
DE LA COLLECTION DE M. LE C1" SERGE STROGANOFF
A ST
PTERSBOURG.
.._Galette crokcoiomoue
PL .12
188G
PLAT D'ARGENT
vv
71
lunaire et l'image deux fois reproduite de la desse babylonienne Isthar, toute nue, les
deux mains portes ses seins. De plus, on y remarque un groupe de trois personnages,
qui ne sont ni des dieux ni des prtres officiant. Celui qui occupe le milieu est un
danseur, aussi imberbe, aussi peu chevelu et aussi leste que le danseur tte de ngre
de la coupe de Nana-Anat; il tient en quilibre sur ses deux mains une sorte d'norme
ballon, moins que ce ne soit un tympanon, et en mme temps, il fait de grands
carts de jambes entre deux musiciennes, qui l'accompagnent trs tranquillement; l'une
est une cithariste, l'autre, une ambubae.
Que ces danses calmes ou agites, telles qu'on les voit sur la patre du Varvakion,
sur celle d'Idalie et sur la coupe asiatique de Paris, fassent l'ornement d'oeuvres
excutes l'une ou l'autre extrmit de l'Asie centrale; qu'elles soient la reprsentation de ce qui se pratiquait sur les rivages orientaux de la Mditerrane ou sur le
versant occidental des Paropamises, il n'en est pas moins vident qu'elles se rapportent
toutes des pratiques religieuses, identiques par leur origine. Ce sont indubitablement
les ftes orgiastiques de la Grande desse de l'Asie, que ces scnes reprsentent; telles
du moins les ont, peu prs, dcrites Hrodote, Strabon, Pausanias, Lucien et d'autres
crivains anciens 1, lorsqu'ils ont parl soit de la Mylitta (la Bilit ou plutt l'Isthar) babylonienne, soit de l'Astart des Phniciens, soit de l'Anatis de l'Armnie, du Pont et de
l'Asie Mineure, soit enfin de l'Artmis d'Ephse. La coupe de Nana-Anat peut servir
d'illustration et de commentaire figur la plupart de ces textes.
Nous ne pourrions pas analyser ni mme citer tous ces passages d'auteurs anciens,
sans dpasser outre mesure les bornes d'une notice descriptive, telle qu'en comportent
le cadre et le but de la Gazette archologique. Qu'il nous suffise de rappeler que, dans
tous les sanctuaires de la desse Anatis et des divinits ses congnres et ses synonymes , les places d'honneur taient rserves aux femmes, que la chastet des prtresses y tait taxe de crime et d'impit 2, que, pour aider au service divin, les
hommes n'y taient admis qu'aprs le sacrifice de leur virilit, qu'enfin les ftes de la
desse taient clbres par des processions tumultueuses, par des actes d'impudicit
rvoltante, par des chants et des concerts tourdissants et par des danses trs singulirement mouvementes.
Il est juste de dire que l'exubrance de ces ftes orgiastiques se trouve attnue sur la
patre de Nana, plus encore peut-tre qu'elle ne l'tait dans le tableau o Apelle a
reprsent la pompe du Mgabyze, prtre eunuque de la Diane d'Ephse 3. En revanche,
la collection archologique du comte Grgoire Stroganoff, Saint-Ptersbourg, contient,
depuis 1876, une aiguire d'argent, malheureusement tronque, qui, sur sa panse,
1. Hrodote, I, 199; Strabon, XI, p. 312; XII,
p. S59; XIV, p. 641 ; XV, p. 733 ; XVI, 73S; Pausanias,
IV, 31, 6; VII, S, 2; Justin, XVIII, 5; Lucien, De
dea Syrie.; Macchabes, H, 1, 13. etc.
72
nous prsente, sous des costumes pareils ceux de la patre de Paris, mais bien plus
transparents, quatre jenes femmes qui excutent la danse lascive des aimes et
portent dans leurs mains des vases, des fruits, des fleurs et des oiseaux 1. Ici encore,
les visages ont conserv les traits accentus que l'art des Hindous donne mme aux
figures fminines ; mais ce qui trahit surtout l'influence de l'art indien, c'est le trac
sinueux des formes anatomiques ; les vtements en gaze lgre, fussent-ils serrs sur le
buste, ou largement draps autour des cuisses, ne drobent l'oeil aucun dtail. Telles
on voit, dans les plus anciens temples de l'Hindoustan, les images de Lakschm, la
1. L. Stephani, Compte rendu de la Commis. Imp.
archeol. de Saint-Ptersbourg, annes 1878-79, p. 159169, pi. vu, fig. 5. Cette aiguire j laquelle le pied fait
dfaut, doit avoir eu environ 0 215 de hauteur. Chacune
73
desse de la beaut, celles des Gopis, pieuses nourricires des dieux, et celles des
Apsaras ou danseuses clestes 1.
Nanmoins, les quatre figures de l'aiguire d'argent, bien' qu'elles soient plus finement ciseles que ne le sont les acolytes de Nana-Anat, sur sa coupe parisienne,
rappellent encore plus les adorantes et les danseuses de ce dernier vase. La ressemblance entre ces deux sries de figures est mme tel point frappante qu'il n'est gure
possible de ne pas attribuer aux quatre bayadres de l'oenocho le caratre de prtresses
ou d'hirodules d'Anatis; mais, dans cette dernire oeuvre d'art d'une poque plus
raffine, les costumes, les poses, les gestes, les attributs mme, de nature essentiellement
voluptueuse et sensuelle (paniers de fruits, branches et pommes de grenades, colombes,
pintades, etc.), semblent encore mieux dnoter la pieuse luxure des Qedecholhs,
attaches au service de Nana-Anat. La souplesse nonchalante et lascive de la bayadre
indienne a fait totalement place la gymastique violente, mais mieux quilibre, qu'imposait sans doute le crmonial religieux de l'Assyrie.
Puisque nous avons parl de l'intressante aiguire d'argent nouvellement acquise par
le comte Stroganoff, ne ngligeons pas de dire qu'elle supple, dans la collection de la
famille, un vase du mme genre qui, au sicle dernier, a t dcrit par le prsident de
Brosses 2; heureusement l'antiquaire franais a fait accompagner son texte d'une image
qui donne, tant bien que mal, l'aspect de cet objet, perdu depuis.
Cette oenocho asiatique reprsentait, sur le seul ct qui nous soit connu, une
femme peine couverte par des vtements transparents, pareils ceux des figures de la
coupe de Paris et de l'aiguire actuelle du comte Grgoire Stroganoff. Elle portait un
oiseau (pervier ou colombe) dans sa main droite; sa main gauche avait disparu sous
Langlois, Monwn. anc. cl mod. de l'Hindouslan,
t. II, pi. 25 : Lakchm, statuette de la pagode ruine de
Bengalore ; pi. 74 et 75, bas-reliefs du temple souterrain
de l'le d'Elephanta ; pi. 73, id. de celui d'Amboli,
Salcette;pl. 80 et 81, id. de Knri ; pi. 82, id. de
Mandep-Ichoued, etc. La plupart de ces sculptures se
rapportent au culte de Siva.
2. Description d'un vase et de quatre manuscrits nouvellement trouvs en Sibrie, dans les Mmoir. de l'Acad. des
inscrip. et bel.-let. de Paris, t. XXX, 1753, p. 777.
Comme les quatre danseuses du vase incomplet qui appartient au comte Grg. Stroganoff, la femme, reprsente
seule dans le dessin annex ce mmoire, se trouve
place au milieu d'un dicule, form de deux pilastres,
au dessus desquels des gnies agenouills supportent un
arc cintr, tout couvert de petits oiseaux ; on dirait que
ce sont des cailles. Deux autres petits gnies tout nus se
trouvent des deux cts de la grande figure ; celui qui est
sa droite lui apporte un bouquetin, charg sur ses paules;
l'autre, qui a l'air de monter vers elle, a la tte et le bras
droit endommags par la fracture du vase. Sous les
1.
74
une fracture du vase ; autour de son cou on voyait flotter les deux bouts du kosti,
disposs en croissant, et, de plus, sa tte tait nimbe. Elle tait entoure de petits
gnies, de paons 'et d'oiselets. Tous ces dtails et en gnral toutes les dispositions du
vase dont elle occupait la surface ovode, ont autoris M. A. de Longprier y voir une
oeuvre d'art persane de la priode sassanide 1, priode dont personne, jusqu' ce jour,
n'a mieux tudi ni connu les monuments artistiques.
L'aiguire que la collection Stroganoff renferme encore aujourd'hui et dans laquelle
on reconnat le mme style et la mme main-d'oeuvre que dans celle qui en a disparu,
devrait, ce mme titre, tre attribue la mme poque. Or, la coupe parisienne de
Nana-Anat se rattache, sous plus d'un rapport, ces deux pices d'orfvrerie. Cependant, comme nous l'avons dj dit, le travail en est plus rude. Serait-ce pour elle un
indice d'antriorit ? Ou bien devrait-on conclure de ses imperfections relatives, qu'elle
a t fabrique dans une contre, o les artistes taient plus inexpriments que ceux
des villes centrales de l'empire persan?
Plutt que de choisir entre ces deux alternatives, nous prfrons les admettre toutes
les deux, comme tant aussi possibles l'une que l'autre. Nous ajouterions mme qu'eu
gard au rigorisme religieux que les rois de la dynastie sassanide affectaient, en leur
qualit de restaurateurs du pur Mazdisme, il est assez naturel de croire que c'est en
dehors des limites de la domination directe de ces souverains que l'on s'est plu fabriquer de la vaisselle d'argent, destine au culte d'une divinit trangre et par consquent, rprouve par les vrais sectateurs de Zoroastre. Nana-Anat et les pratiques
dissolues de sa religion ont eu certainement leurs adeptes en Perse, depuis le rgne
d'Artaxerxs Mnmon et jusqu' celui de cet autre rtaxerxs, le premier des Sassanides.
On peut donc croire que les vases qui reprsentent la desse ou ses desservants n'ont
pas t excuts en Perse au del du temps des derniers rsacides. Mais il n'est pas
moins avr qu'aprs qu'elle eut perdu le trne de cet empire, la famille royale des
Parthes trouva asile, protection et mme des honneurs souverains, dans les pays
limitrophes, et notamment en Armnie et en Bactriane. L, Aatis ou Nana comptait
encore des fidles, puisque c'est le christianisme qui dtrna la desse paenne dans le
premier de ces pays 2 et que, dans le second, ce fut, selon toute probabilit, le bouddhisme qui absorba et touffa petit petit tout ce panthon parasite, dont s'accommodrent
tant bien que mal les rois indo-scythes de la race Turuehka.
Si, dans ce qui a t dit prcdemment, nous nous sommes permis de hasarder
Explication d'une coupe sassanide,
p. 72; extrait des Annal, de l'institut, archeol. de Rome,
t. XV, 4843, p. 98-114.
2. Vers le commencement du ive sicle, Agathange,
secrtaire du roi d'Armnie Tiridate, raconte dans son
histoire du rgne de ce prince (dit. grec, avec trad.
franc, par M. Victor Langlois, p. 164, 167-68, du t. V,
1. OEuvres, t. I
75
les
pices
parmi
rangeons
autres vases qui, malgr le sjour sculaire qu'ils ont fait, presque en commun, dans
les cachettes souterraines de la Russie orientale, nous semblent provenir de localits
fort distantes les unes des autres.
Ce qui nous dtermine surtout ne pas ngliger ces produits curieux des arts somptuaires de l'Asie ancienne, c'est la prsence, sur ces vases, de figures fminines, jouant
un rle important, soit comme officiantes dans l'exercice de fonctions plus ou moins
sacres, soit tout uniment comme artistes pratiquant une profession hautement
apprcie.
L'un des vases dont nous voulons parler est une sorte de longue vasque ovale
quatre lobes ingaux, pose sur un petit pied conique, Elle est en argent dor, d'une
forme originale et recouverte de ciselures fines et gracieuses. On l'a dterre vers la fin
1. Il semblera peut-tre trange aux lecteurs, aprs ce
que nous disons ici, de constater que la planche qui reprsente la coupe, intitule en tte de notre travail :
Coupe d'argent de la desse Nana-Anat, porte le titre de :
Coupe d'argent sassanide. Cette planche, excute depuis
assez longtemps, avait t dnomme ainsi, d'aprs les
indications fournies par le Catalogue raisonn du Cabinet
des mdailles. Nous ne nous sommes dpartis, du reste, de
ces renseignementsqu'en ce qui concerne la date prsume
76
du sicle dernier, Sludka, sur les bords de la Kama ; elle appartient au comte Serge
Stroganoff et a t publie d'abord par feu M. Koehler 1. A l'extrieur des deux renflements latraux de ce vase sont reprsents, sur trois godrons tages, des cerfs accroupis, des lionceaux, des grappes de raisin et des plantes sarmenteuses ; mais les sujets
principaux se trouvent cisels en dessous des deux grands lobes transversaux. Ce sont
deux jeunes femmes dont les longs cheveux tresss portent des couronnes de fleurs.
Elles sont vtues de corsages transparents qui leur prennent la taille, et de jupons
fortement plisss se rtrcissant aux chevilles ; les hanches sont entoures de tabliers
draps. On dirait que toutes les deux se balancent sur leurs jambes, en pitinant ; l'une,
dploie sur sa tte une charpe recourbe en arc ; l'autre, agite dans ses mains deux
instruments en forme de doubles martelets mobiles. Ce ne peuvent tre que de
bruyantes crotales, marquant, pour les danseuses, la cadence des pas et du mouvement
des hanches :
Copa Syrisca, caput graiie redimita mitella,
Crispum sub crolala docla movere latus,
purement indien.
2. Virgilii, Copa, v. 1-4.
3. Suidas
'Eaarjv, zupto;
T<3V
;xeXi<i<ji3v.
Pausanias,
VIII, 13,
77
pltent la dcoration du vase, ne font que nous confirmer dans l'hypothse que cette
coupe quadrilobe a rendu, dans le temple d'Ephse, les mmes services que la coupe de
Nana-Anat dans le sanctuaire de Bactres. De mme, une poque o les relations politiques et commerciales aidaient chaque jour la confusion des croyances religieuses et
les ides artistiques, les Mlisses d'Ephse ont pris, dans le temple lydien de la Grande
desse, le rle des antiques Qedeohoths chaldennes, qui paraissent avoir fait souche
dans toute l'Asie. Les artistes des rgions occidentales, cdant un entranement
gnral, se sont plu peut-tre eux-mmes produire des oeuvres tout aussi grecques
qu'indiennes ; c'est ainsi qu'ils auront rapproch, dans le vase dont nous nous occupons,
les hirodules lydiennes aux allures sduisantes, de ces bayadres de l'extrme Orient,
images vivantes des Apsaras mythologiques, de ces prtresses courtisanes qui, par
leur mimique souple et provocante, faisaient probablement un office tout semblable
dans les sanctuaires de l'Indo-Scythie.
Pour complter cette esquisse comparative, signalons encore deux vases qui, selon
toute apparence, doivent provenir de cette dernire contre et dater d'une poque assez
avance dans le Moyen-Age. Ces deux objets sont encore assez imparfaitement connus ;
et cependant l'un deux, savoir une aiguire d'argent, de forme orientale, se trouve
depuis bon nombre d'annes en France, dans la collection prive des barons Seillire.
M. A. de Longprier n'a pu dcrire et dessiner ce vase que d'une faon incomplte et
trop sommaire 1.
L'autre pice est un grand plat d'argent, ayant peu de profondeur et qui, depuis
une quinzaine d'annes, fait partie du muse particulier du comte Grgoire Stroganoff.
M. Aspelin en a fait imprimer un croquis 2. Ce petit dessin suffit tout au plus nous
faire saisir les rapports intimes que certains personnages, reprsents sur le plat, ont
avec quelques-unes des figures qui occupent les mdaillons de l'aiguire de M. Seillire.
Celle-ci, qu'il ne nous a t donn de Voir, malgr toutes nos instances, que dans des
rductions photographiques assez peu claires, a, parat-il, 0m 36 de hauteur sur 0m 14
1. Observations sur quelques objets
le t. VI des OEuvres, p. 302-307.
78
de diamtre, au plus fort du renflement de sa panse. Elle est sans pied, mais garnie de
cannelures sa base ; le col, fort effil, en a aussi ; mais l, elles sont tournes en
spirale et aboutissent une embouchure bec pointu. L'anse, fine et largement recourbe, s'panouit en un fleuron trilob, l'endroit mme o elle se rattache au corps du
vase. Son attache suprieure est surmonte d'un poucier vid qui se recourbe en
arrire, sous la forme d'une feuille gaufre. Quant au circuit de la panse, il est dcor
de trois mdaillons circulaires qui renferment chacun deux figures de femmes debout.
M. de Longprier, qui n'a probablement pas vu le vase, ni la troisime des photographies
mises notre disposition, a pens qu'il n'y avait que deux mdaillons et par consquent
quatre figures seulement. Celles qu'il a connues, aussi bien que les deux autres, sont
des femmes de type mongolode, la tte nimbe, les cheveux ondulant sur les paules,
le corps serr dans des robes troites, de vrais fourreaux dessinant peine quelques
plis sur les cuisses ; elles portent des ceintures d'o pendent des franges perles ; aux
chevilles, les robes sont garnies de galons dessins en losange ; les pieds sont chausss
de bottines pointues. D'troites charpes flottent sur leur dos. Les quatre figures
dessines par M. de Longprier sont des musiciennes, dont il a dcrit les instruments,
en les qualifiant ainsi qu'il suit : l'un est une mandoline quatre cordes BNQcpleclrum
( probablement une varit antique du ud des Arabes et de leur richeh ) ; l'autre est le
sin ou sang des Chinois, petit orgue portatif ; le troisime une flte bec ou clarinette,
(la zourna ou zamr, sans doute, de l'Orient actuel) ; enfin le dernier est une harpe
affectant la forme qu'ont eue, en Chine, le ^mdeFou-hi; en Jude, le kinnor de la Bible;
chez les Arabes, le kinnin, et en Grce, la lyre caractristique de Cinyras le Phnicien.
Les joueuses de mandoline et d'orgue mobile occupent le premier mdaillon la
droite de l'anse ; la harpiste et la fltiste sont dans celui qui est de face, sous la rigole
pointue de l'embouchure. Dans l'un comme dans l'autre, les figures se font face et sont
spares par une plante dont les feuilles peu nombreuses se dveloppent en de larges
ptales ronds, trois lobes. Dans le mdaillon central, une rosace plane entre les deux
ttes de musiciennes. Il est trs regrettable que le troisime mdaillon, celui qui se
trouve gauche de l'anse et qui est encore tout fait indit, prsente, dans l'preuve
photographique, quelques points asseztroubl.es. On distingue cependant, comme dans
les deux autres, deux femmes debout, affrontes et spares par une plante et par une
rosace de mme genre; on voit aussi que l'une de ces femmes est une musicienne,
comme les quatre autres, et qu'elle semble tambouriner de sa main gauche sur une de
ces doubles timbales, que les Chinois appellent hing kaoul et qui est suspendue
son cou; sa main droite est leve en l'air. En face d'elle est une sixime femme, dont
le costume ne diffre de celui de ses compagnes que par une sorte de riche brassire
double arcature qui relve et fait ressortir trs distinctement ses seins prominents. De
1. Rappelons qu'un instrument tout pareil se trouve Imongolo-hellnique (?) dont il a t question dans la
entre les mains de l'un des singes musiciens sur la coupe note 4 de la page 9 de ce volume.
79
la main gauche, qui est abaisse, celle-ci tient une aiguire fine et lgante, dont le
corps est travers par une rainure mdiane et qui a le bec taill en biseau. Sa main
droite lve jusqu' la hauteur de la tte une sorte de coupe sphrique qui porte sur sa
surface des feuilles cordiformes ; ce vase lui-mme est surmont d'un couvercle ou d'une
fleur trilobe. C'est le seul personnage qui ne fasse pas partie de l'orchestre. Est-ce
l'image de l'chanson fminin qui, pour complter la fte, sert boire aux convives ?
Ou bien est-ce le portrait de la personne mme en l'honneur de laquelle se donne le
concert ? Peut-tre ceux qui ont eu le privilge de voir l'original inaccessible du vase
pourraient faire cette distinction.
Il est encore plus difficile de prciser le caractre des deux petites figures que l'on
entrevoit accroupies dans les deux triangles forms, en bas, par le rapprochement du
cercle central avec les deux mdaillons latraux. Tout ce qu'il nous est permis de dire,
c'est que, par une sorte d'intuition, l'oeil croit distinguer, travers les ombres troubles
de la photographie, deux grosses ttes de vieux gymnosophistes indiens dominant des
corps blottis dans un espace trop resserr. L'une de ces figures semble mme porter
dans ses bras un enfant au maillot.
En somme, l'aspect gnral du vase, avec ses tranges figures et ses rinceaux
emprunts la flore asiatique, est celui d'une aiguire de forme tout fait orientale,
dont les ornements, gravs ou cisels, portent l'empreinte d'un art que ne renieraient
ni la Perse, ni l'Inde 1; mais cet art parat ici alourdi et dform sous la pression que lui
ont impos le type physique des Mongoles, leurs costumes triqus et disgracieux,
enfin toutes ces formes raides, gauches et vulgaires dont les productions artistiques
de la race touranienne ne se dpartissent que trs rarement. Nanmoins, ce vase ne
manque pas d'offrir un grand intrt, en raison mme de la raret des objets du mme
style qui, jusqu' ce jour, sont parvenus en Europe. Notre plus grand regret est de ne
pouvoir certifier qu' demi la justesse du dessin de notre planche 10, celle de notre
description et, partant, celle de nos apprciations sur cette pice d'orfvrerie si originale. Puissent la mieux juger ceux qui ont eu la possibilit d'en prendre connaissance
1. Sans entrer dans de plus amples dtails sur les
formes de cette aiguire et sur le style des feuillages et
des rinceaux qui ornent les espaces laisss libres par les
trois mdaillons qui en couvrent la panse, nous prsentons,
dans la planche 11 un objet qui peut leur servir de
,
point de comparaison. C'est la reproduction phototypique,
sous trois aspects diffrents, d'une autre aiguire en
argent que M. le comte Serge Stroganoff a bien voulu
nous autoriser faire photographier avec tous les soins
voulus, dans son merveilleux muse de Saint-Ptersbourg.
Une toute petite esquisse de cette aiguire a dj t
publie par M. L. Stephani, dans les Compt. rend, de la
Commis. Imp. arch. de Saint-Ptersbourg, 1878-79,
p. 153. Il y est dit aussi que ce vase a t dcouvert
80
d'une faon plus parfaite que notre illustre devancier, M. de Longprier, et nous
n'avons pu le faire.
Toutefois la vue des figures de musiciennes qui ornent cette aiguire nous a remis en
mmoire certains dtails du dessin, malheureusement si rduit, par lequel M. Aspelin
a fait connatre le grand plat d'argent qui appartient au comte Grgoire Stroganoff.
Dans celui-ci, c'est l'ensemble de la scne reprsente sur sa concavit qui le rattache
incontestablement aux oeuvres les plus tardives de cet art de l'Asie Centrale o les
lments persans et indiens se trouvent altrs par l'influence vidente des Mongoles.
Un personnage barbu, portant une haute coiffure, aussi complique que celle des
derniers rois sassanides, occupe le haut du plat; assis l'orientale sur un vaste trne
o s'empilent de riches tapis et des coussins brods, il s'apprte boire dans une large
coupe pied. A sa droite, un jeune serviteur l'vent; sa gauche, un autre tout semblable, lui prsente d'une main une fleur et tient une aiguire de l'autre. Peut-tre ces
deux satellites du fastueux monarque sont-ils des femmes revtues de riches costumes
transparents. Au pied du trne sont deux lions rampants qui se tournent le dos ; entre
les lions et les pages ou servantes prennent place, accroupis de mme l'orientale,
deux des musiciennes que nous avons dj vues sur l'aiguire, jouant de leurs instruments,
debout. Ce sont, celle qui pince de la mandoline quatre cordes, en se servant du
plectrum, et celle qui souffle dans la flte bec perce de trous. Les ttes de tous ces
personnages sont ornes de nimbes constells, comme ceux des six femmes de l'oenocho appartenant M. Seillire et comme celui de la figure qui ornait l'aiguire perdue
par les comtes Stroganoff 1.
Le plat que nous dcrivons, et qui sera le dernier spcimen d'ancienne orfvrerie
asiatique dont nous parlerons ici, nous semble marquer, de la faon la plus expressive,
les tranges associations et les confusions grossires qui s'taient opres dans les
moeurs, les costumes, les gots et les industries des rgions du haut Indus, aprs que
la domination sculaire des Mongoles y eut fait sombrer jusqu'aux derniers vestiges de
l'art grec. La scne que cette coupe met sous nos yeux, vritable scne de srail, se passet-elle en pays sassanide, comme parat l'indiquer la coiffure du souverain? ou bien
cette fte royale a-t-elle pour thtre le palais d'un radja hindou qui, au milieu d'une
pompeuse indolence, se complat aux parfums, la boisson, la musique ? La coupe
et l'aiguire que nous avons dcrites en dernier lieu nous ont fort loign des sanctuaires solennels et tumultueux de la desse Nana-Anat. Mais c'est encore sous l'influence
Slrahlenkranz, 1839) a
donn d'amples renseignements sur l'emploi du nimbe
dans l'iconographie antique ; il n'a pas manqu de citer
les images nimbes de Nana (p. 75), d'Okro (p. 95) et
des autres divinits grecques, persiques el indiennes qui
figurent sur les monnaies indo-scythiques. Les rois sassanides portent aussi des nimbes dans leurs portraits (p. 117,
132-138). C'est de leur temps surtout que l'on a prodigu
1. M. L. Stephani (Nimbus und
81
occulte del desse des volupts que Firdussi nous a prsent le roi Bahram Gour gar
dans les jardins du dihkn Bzin, s'y faisant verser boire jusqu' l'ivresse et s'prenant de passion amoureuse pour les trois filles de l'astucieux vieillard, lorsque celles-ci
apparaissent devant lui, la tte ceinte de diadmes tincelants de pierreries, l'une
habile la danse, l'autre jouant du luth et la troisime chantant d'une voix qui dissipe
tous les soucis 1.
C'est ce mme Bahram Gour qui, pour rpandre le got et la connaissance de la
musique et de la danse dans ses Etats, fit venir de l'Inde pas moins de douze mille
musiciens et danseurs. L'Inde tait donc alors, pour toute l'Asie, la ppinire de ces
arts d'agrment. Si l'historien Mirkond ne nous l'avait pas dit d'une faon aussi explicite 2, toutes les paves de l'orfvrerie orientale que nous venons d'inventorier nous
l'auraient fait sentir elles seules. Ainsi, il n'y a rien que de naturel retrouver les
empreintes du caractre hindou dans toutes ces coupes et dans toutes ces aiguires, qui
reprsentent des danseuses et des musiciennes 3.
Pour complter la description de la coupe d'argent du Cabinet des Mdailles
il s'agit prsent de dcrire en quelques mots et d'expliquer, autant que faire se
peut, certaines figures grossirement traces la pointe, sur l'une comme sur l'autre
de ses faces. Il est peut-tre encore moins utile que possible d'entrer dans de grands
dtails sur ce sujet. On dcrit vaguement ce qui n'est pas distinct, et l'intrt ne
s'attache un travail artistique qu'en raison de sa valeur. Il nous suffira donc de
montrer en rduction, dans les croquis ci-contre, les figures confuses et grotesques
dont un poinon barbare a recouvert assez superficiellement les deux cts de la patre.
Sur l'envers, c'est--dire sur la partie convexe, le grossier dessinateur entre les
mains duquel cette antique patre tait alle s'chouer, a trac, comme on le voit, deux
grands simulacres humains et une espce de petit quadrupde ramure recourbe en
avant. Le pied circulaire du vase, soit que l'trange artiste n'en ait pas tenu compte,
soit qu'il l'ait dtach dessein, n'a point entrav la continuit des traits. L'homme
qu'il a esquiss dans le milieu porte sur sa tte allonge une couronne trois pointes,
et un sabre dans chacune de ses mains leves en l'air ; sa ceinture semble toute parseme de perles. Le personnage qui est sa droite a une face beaucoup plus large et
1. Le livre des Rois par Abou'l Kasim Firdous, trad.
franc, de M. Mohl et Barbier de Maynard, t. V, p. 017-627.
2. Histoire des rois de la Perse de la dynastie des Sassanides, trad. du persan de Mirkhond par A. J. Silvestre de
82
ombrage de grands sourcils et de moustaches ; son vtement, s'il en a un, parat tre
fendu sur la poitrine; ses jambes cartes se terminent par des pieds franchement en
dedans. En le voyant si gauche et si clop, on se sent bien loin des matres danseurs
qui, sur la face oppose de la patre, dploient tant de grces chorgraphiques. Enfin,
la bte, place verticalement gauche du roi cornu qui brandit les cimeterres, parait
simuler un renne plutt que tout autre ruminant. Notons, de plus, que tout prs de
l'orle, gauche, on distingue les quelques traits ci-contre qui ont presque l'air d'tre
des caractres runiques ; mais nous nous abstenons, par prudence, d'mettre n'importe
83
quel avis sur la nature de cette criture problmatique et plus encore de chercher la
dchiffrer.
Les figures se multiplient et se compliquent l'infini sur la partie concave du vase ;
l, elles s'embarrassent et se confondent dans les traits des ciselures primitives. Cepen-
84
l'Orient 1, ainsi que dans le deuxime fascicule de ses Antiquits du Nord FinnoOugrien-, cet archologue a numr et a reproduit, par des dessins, tous les objets
que les muses publics et privs ont runis, la suite de trouvailles fortuites et des
fouilles plus ou moins systmatiques qui ont t faites dans les rgions finnoises de la
Russie orientale. Cette portion de l'immense empire europen, comprenant surtout le
gouvernement de Perm, se trouve situe sur le versant occidental des Ourals, dans
les plaines sans fin qu'arrosent la Kama, la Ptchora et la Wytschegda. C'tait l'antique
Biarmie des Scandinaves.
Les populations de race finnoise, qui, depuis d'innombrables sicles, occupent ces
vastes tendues, ont joui autrefois, sinon d'une haute civilisation, les dessins dont
les Biarmiens ont illustr les objets trangers tombs en leur possession le prouvent,
du
qu'ils
moins
de
grandes
richesses
obtenaient
des
Perses
des
Byzantins,
et
en
donnant probablement en change ces peuples polics les prcieuses fourrures qui
abondent dans leur pays. Aussi trouve-t-on chez eux un grand nombre de vases, de
bijoux, de monnaies et d'autres objets en or et en argent venus tous de l'Asie, de la
Grce et mme de l'Occident, pendant un trs long espace de temps. Les monnaies
portent des dates qui s'tendent depuis le ive jusqu'au xive sicle de l're chrtienne.
Non contents d'accumuler dans leurs bourgades phmres ces prcieuses dpouilles
de rgions lointaines et plus civilises que la leur, les anciens Permiens ont trouv bon
quelquefois de griffonner sur des vases qui leur venaient du midi ou de l'orient, des
figures grossires, semblables celles qu'ils fabriquaient eux-mmes en bronze et en fer.
M. Aspelin a dploy un zle patriotique trs profitable l'archologie en recueillant
avec soin, dans son intressant album, tous ces modles informes et toutes ces images
maladroites et grotesques. Ces statuettes et ces grafittes avaient trs probablement la
prtention d'tre aux yeux des antiques Permiens, leurs inventeurs, des idoles sacres,
des amulettes, des portraits de rois, de guerriers et de femmes ou, enfin, des types de
la faune locale et de la tratologie lgendaire 3. Ce sont toujours les mmes figures qui
se reproduisent : rois couronnes triplement fleuronnes et arms de sabres recourbs,
soldats casques pointus, ttes longues moustaches, femmes vtues en fourreau,
chouettes visage humain, hommes tte de cheval, ours grosse hure pendante,
rennes, poissons, tortues, etc. Les figures que l'on entrevoit sur la coupe d'argent de
la desse Nana-Anat se retrouvent, avec plus ou moins de dveloppements, sur une
dizaine de vases de provenance trangre 4.
1. Notice archologique, tire du vol. II des Travaux de
la troisime session du Congrs international des Orientalistes, tenue Leide en 187S.
2. IIe fascicule : L'Age du fer. Antiquits Permiennes;
dessins de M. C. Numelin, gravures de M. E. Jacobson ;
texte trad. en franc, par G. Biaudet.
3. Ch. de Linas, Orig. de i'orfv. cloison., II, p. 368.
et byzantines
qui sont plus ou moins dfigures par les incisions grossires des Permiens, nous distinguons, dans l'album de
M. Aspelin, celles qui y portent les numros suivants :
615 (Prtresse et ciste mystique), 606 (Croix cantonne de
deux anges), 607 (Chevalpaissant), G08 (le Festin royal
dont nous avons parl), 609 (Coupe de Nana-Anat), 610
85
Il rsulte de ce fait que la patre qui fait l'objet de cette notice a pass, il y a peuttre plus de mille ans, par les mains des Finno-Ougriens de la Biarmie et que c'est dans
leur pays qu'elle a d tre dterre, avant que d'entrer au Cabinet des Mdailles de
Paris. Il en a t de mme de la plupart des aiguires et des coupes d'argent qui ont
appartenu ou appartiennent encore la famille Stroganoff, ou d'autres collectionneurs
de Russie. Au cours de la prsente tude nous avons eu l'occasion d'en citer incidemment un assez grand nombre.
Ces vases d'origine asiatique ne sauraient tre que les contemporains des objets
grecs, byzantins ou occidentaux qui, pendant des sicles, ont partag avec eux les
cachettes souterraines du sol permien. Or, que les ipatres grecques, rencontres dans
les mmes trouvailles que les vases orientaux, rvlent le caractre plus ou moins
altr de l'art antique des Hellnes, ou bien qu'elles portent en elles les empreintes
un second buisson ; un cavalier, puis un chien poursuivant, l'un et l'autre, deux rennes courant;, troisime
buisson, aprs lequel vient un cheval attach un pieu ;
le chasseur, descendu de cheval et cach derrire un
quatrime buisson, tire de l'arc sur un lion qui s'avance
vers lui ; enfin un cinquime buisson. Sur le restant du
manche, on voit deux chasseurs entrecroiss et tourns
chacun du ct d'un cheval attach un poteau devant
un meuble quelconque qui est soit un bt, soit un escabeau soit une auge. Ces scnes mouvementes forment
,
un ensemble dont les dtails se retrouvent dans les coupes,
les aiguires et les bijoux persans qui reprsentent des
cavaliers, des chasseurs, des animaux et des plantes.
Quant aux statuettes permiennes en fer ou en cuivre,
qui semblent avoir servi de types aux grafittes tracs sur
la coupe de Nana-Anat et sur les autres pices d'orfvrerie
trangre, nous en citerons quelques-unes, en indiquant
les numros qu'elles portent dans ce mme ouvrage ,de
M. Aspelin : ttes couronnes de trois cornes, fig. 522-526 ;
chouettes flqures humaines, 519, 520, 529-532; hommes
tte de cheval, 516, 518; ours et hommes tte d'ours,
517, 521, 551-559, 569, 587 ; poisson, 571 ; tortue, 571 ;
renne, 694, etc. Mais ce sont surtout les figures des diffrents grafittes qui ont entre elles un air de parent indniable.
86
Ces derniers rapports ont donn naissance une industrie artistique dont les produits,
beaucoup plus rapprochs de l'art classique, ont suscit de nos jours, parmi les archologues, un intrt des plus vifs et des plus efficaces. Les antiquits grco-scythiques
du Bosphore Cimmrien n'ont manqu ni d'explorateurs zls ni d'interprtes rudits.
Il n'en est malheureusement pas de mme des vases et des bijoux qui, de l'Asie centrale,
ont pass jadis dans le pays des Permiens. Les hommes de science ne les ont jamais
abordes qu'avec une circonspection presque ddaigneuse.
Cependant la plupart de ces vases mritent des analyses plus attentives et plus
dtailles que celles qui en ont t faites jusqu' prsent. Nous formons le souhait,
sans doute tmraire, d'avoir russi attirer cette faveur sur des objets qui, une fois
mieux connus, jetteront sans doute plus de lumire sur les ressources artistiques, sur
les moeurs intimes-et sur les croyances religieuses des anciens peuples de l'Asie centrale.
A. ODOBESCO.
MlHOIK
II1STORIAI.
Ga&^ettB>
PL l(')
.
15
et
16.
Les peintures des manuscrits sont une mine inpuisable de renseignements pour
l'histoire de l'art et pour celle des moeurs et des coutumes du Moyen-Age. L'tude en est
surtout fructueuse quand elle porte sur des volumes dont l'origine et la date sont
attestes par des tmoignages directs et irrcusables. Il importe donc d'tablir une srie
aussi nombreuse que possible d'exemples de miniatures date certaine. Les trois
manuscrits du xive sicle dont je vais parler ont des droits particuliers entrer dans
cette srie, et comme ils renferment une grande quantit de peintures, ils fourniront
une ample matire d'observations aux artistes et aux archologues qui voudront les
compulser.
Il s'agit de la vaste compilation d'histoire universelle connue sous le titre de Miroir
historial, c'est--dire de la traduction franaise du clbre Spculum historiale de
Vincent de Beauvais. Cette traduction fut excute par Jean du Vignay ', hospitalier de
l'ordre du Haut Pas, la demande de Jeanne de Bourgogne, premire femme du roi
Philippe de Valois. Jean du Vignay a pris soin de nous en avertir dans la prface de sa
traduction de la Lgende dore, laquelle il travailla aprs l'achvement du Miroir
historial :
Quant je oi parfait le Mireour des hystoires du monde et translatai de latin en franois, la
requeste de trs haute, poissant et noble dame madame Jehanne de Borgoigne, roine de France
par la grce de Dieu, je fui tout esbahi quel oevre faire je me metroie aprs si trs haute et
longue oevre comme je avoie faite par devant2...
1. Les mss. du xiv sicle portent tantt du Vignay,
tantt de Vignay. J'ai adopt la premire de ces formes,
pour me conformer l'exemple qu'a suivi M. de Wailly
quand il a publi, dans le tome XXIII du Recueil des
historiens, la plus importante des oeuvres de l'auteur, la
traduction de la Chronique de Primat. La forme du Vignay
a t galement choisie par M. Paul Meyer, dans ses
Documents manuscrits de l'ancienne littrature de France
88
Jean du Vignay rappelle encore la protection dont la reine Jeanne de Bourgogne l'avait
honor, la fin de sa traduction de la Chronique de Primat, qu'il avait ajoute, sous
forme de continuation, l'ouvrage de Vincent de Beauvais :
.'
Et si regraci et merci tant comme je puis la trs honnourable et haute, puissant et noble
...
Jehanne de Bourgongne, roinne de France, par qui je ay fait ceste prsente oeuvre, de ce qu'elle
le me daigna faire baillier faire et baillier faire et acomplir. Et si depri Dieu bonnement
que il veille garder et soustenir en bon estt perpetuelment la couronne de France, et touz les
amis de celle, et voeille ratraire l'amour et la grce de la dite couronne touz ceulz qui mal
en sont, ou il les mette en tel estt que il ne puissent mal faire ne machiner contre la dicte
couronne, et doinst bonne vie et longue au roy nostre seigneur et madame, et generalment
tout le lignagne des fleurs de lis, et leur doinst en la fin rgner en la gloire des cieulz. Amen *.
Nous allons voir dans un instant que la traduction du Miroir historial doit tre rapporte
aux annes 1332 et 1333.
Cette encyclopdie historique eut un grand succs. Tous les princes qui avaient le got
des livres s'en procurrent des copies, dans lesquelles le texte tait expliqu par des
peintures aussi nombreuses que varies.
Entre les copies du xrve sicle qui nous sont parvenues trois m'ont paru particulire-
ment dignes d'attention. Par malheur, aucune d'elles ne nous est arrive sans lacune.
L'ouvrage comporte quatre gros volumes. Nous n'avons que le tome Ier de deux exemplaires et au troisime exemplaire il manque l'avant-dernier volume.
,
I.
XXIII, 106.
89
DU MIROIR HISTORIAX.
J'examinerai un peu plus en dtail un autre exemplaire du Miroir historial, qui est
chu la Bibliothque de l'Universit de Leyde. Grce l'obligeance du savant bibliothcaire M. le docteur du Rieu, j'ai pu l'tudier loisir et le comparer avec les manus,
crits de Paris.
Le manuscrit dont il s'agit est cot Codex Vossianus gallicus, in-folio, n 3 A ; il
consiste en 359 feuillets, hauts de 370 millimtres et larges de 270. Chaque page est
divise en deux colonnes; 42 lignes la colonne. Les cahiers sont de douze feuillets. Il
manque 19 ou 20 feuillets, savoir : trois entre les fol. 19 et 20, deux entre 51 et 52, un
entre 78 et 79, deux entre 100 et 101, un entre 162 et 163, un entre 178 et 179, quatre
entre 282 et 283, un entre 350 et 351, un entre 352 et 353, un ou deux entre 357 et 358,
deux entre 358 et 359. Il y a une interversion dans le cahier qui correspond aux feuillets
137-148; pour avoir la suite rgulire du texte, il faut prendre les feuillets dans l'ordre
suivant : 140,144, 142, 143, 141 et 145.
Le.volume contient les huit premiers livres du Miroir historial. Il commence par cette
GAZETTE ARCHOLOGIQUE.
AXNE 1886.
{2
90
rubrique, qui renferme des indications trs prcises sur la date laquelle Jean du
Vignay entreprit la traduction de l'ouvrage de Vincent de Beauvais :
Ci commence le premier volume du Mirouer hystorial translat [de latin] en franoiz par la
main Jehan de Vignay, la requeste de trs haute et trs excellente dame Jehanne de Bourgongne,
roynne de France. Et fu commencie ou quint an de son rgne, l'an de grce mil CGC et XXXII,
selonc l'oppinion de frre Vincent, qui en latin le compila la requeste de monseigneur saint
Loys, jadis roy de France.
Les caractres sont identiques ceux que le duc Jean a tracs la fin d'une chronique,
n 67 du fonds franais, et dont le fac-simil se trouve dans le Cabinet des manuscrits
de la Bibliothque Nationale 1. Jean a port le titre de duc de Normandie et de
Guyenne depuis 1332 jusqu'en 1350 ; mais en 1332 il n'tait g que de treize ans ; il est
douteux qu' un tel ge il ait possd les gros livres sur lesquels il a inscrit son nom en
caractres trs nets et trs fermes. Je croirais assez volontiers qu'il dut former sa
bibliothque l'ge d'une vingtaine d'annes et qu'il se procura le Miroir historial de
1340 1345, ou environ. Dans tous les cas, il le possdait avant de succder son pre,
c'est--dire avant 1350. La date du manuscrit est donc ncessairement renferme entre
1332 ou plus probablement 1340, d'une part, et 1350, d'autre part.
Comme les livres du roi Jean ont t gnralement recueillis par Charles V, il y a
chance de trouver sur les inventaires de la librairie du Louvre quelques traces du Miroir
historial possd par le roi Jean.
Parmi les exemplaires du Miroir historial qui figurent sur les inventaires de la librairie
royale en 1411 et 1413, j'ai remarqu celui dont les quatre volumes sont dcrits comme
il suit :
Item le premier livre de Vincent. dit le Miroir historial. en franois, et en volume escript
deux coulombes, de lettre de forme, commenant ou second fueillet sies de l'glise, et commenant
ou derrenier fueillet et aprs ce ; couvert de cuir rouge, deux fermouers de cuivre.
Item le IIe livre du dit Miroir historial, en franois, et en volume escript comme cellui dessus,
commenant ou IIe fueillet du texte et abatre du tout, et au commencement du derrenier doctrine
du vieillart ; couvert de cuir vermeil, empraint, quatre fermouers de cuivre.
1. Atlas, pi. XLV, n 1.
DU MIROIR HISTORIAL.
91
Item le IIIe livre du dit Miroir historial, en un volume et en franois, escript comme cellui
dessus, commenant ou IIe fueillet desconfirent les Aleins, et commenant ou derrenier honnestement ; couvert de cuir vermeil, empraint, deux fermouers de fer.
Item le 1111e livre du dit Miroir historial, en un volume et en franois, escript comme cellui
dessus, commenant ou IIe fueillet tondi on les chies, et commenant ou derrenier les autres
emblent; couvert de cuir vermeil, empraint, deux fermouers de fer 1.
Ces quatre volumes, couverts de cuir rouge, durent, en 1377, tre envelopps dans
de splendides chemises de soie. C'est eux qu'il convient de rapporter l'article suivant
d'un mandement de Charles V, du 23 novembre 13772, et d'une quittance de Dyne
Rapponde du 22 avril 13783.
Pour les hez et chemises de quatre granz volumes de Vincent pour nous, deux baudequins,
XXVI frans la pice, valent LU franz.
Il n'y a, en effet, sur les diffrents inventaires de la librairie du Louvre, qu'un seul
exemplaire du Miroir historial en quatre volumes, celui dont la dsignation vient d'tre
donne. Il disparut de la librairie du roi vers l'anne 1413. A cette date, Jean le Bgue
dclara que les quatre volumes avaient t rcemment livrs, par ordre du duc de
Guyenne, Louis, duc en Bavire :
Mmoire que, avant que ce prsent inventaire [l'inventaire de 1413] feust fait, monseigneur le
duc de Guienne manda maistre Jehan Maulin et moy, qui avions chascun une clef de la dicte
librairie, et nous fist bailler mons. de Bavire ces quatre volumes de Vincent. LE BGUE*.
Au dessous de cette note une main contemporaine a trac les mots Soyent recouvrez.
La recommandation de recouvrer les quatre volumes du Miroir resta illusoire. Il n'y en
a pas trace sur l'inventaire qui fut dress aprs la mort de Charles VI. J'ignore ce que
sont devenus les trois derniers volumes ; mais le premier est incontestablement le ms.
de la Bibliothque de Leyde dont nous nous occupons en ce moment. Il nous offre, en
effet, les mots sies de l'esglise au haut du fol. 2, et Et aprs ce au haut du fol. 359 et
dernier.
Tel qu'il nous est parvenu, le premier volume du Miroir historial des rois Jean et
Charles V est orn de 280 peintures, dont j'ai cru devoir dresser la liste pour donner
une ide de la faon dont l'illustration d'une histoire universelle tait comprise au xiv
sicle. J'indiquerai sommairement la place et le sujet de chaque tableau, avec un renvoi
au chapitre du texte correspondant :
Fol. 1. Grande miniature deux compartiments : dans l'un, saint Louis encourage Vincent de
Beauvais composer le Miroir ; dans l'autre, la reine Jeanne de Bourgogne invite Jean du Vignai
le traduire.
1. Inventaire D, art. 4-7, fol. 53 v du ms. franais
2700. Inventaire E, art. 4-7, fol. 1 v du ms. franais
9430.
t. Mandements et actes divers de Charles V, d.
92
16 v. Notre-Seigneur bnissant et
17 v. La Trinit, (n.)
21 v. L'oeuvre des six jours, (xvi.)
II.
III.
DU MIROIR HISTORIAL.
93
IV.
94
V.
VI.
DU MIROIR HISTORIAL.
95
(LXIV.)
(LXXXI.)
VII.
(LXXXV.)
96
VIII.
97
DU MIROIR HISTORIAL.
La miniature initiale, que le temps et l'usure ont peu prs anantie, est une fidle
rptition du frontispice du ms. 316; elle rappelle, comme je l'ai dj dit, la composition
du Miroir historial sous les auspices de saint Louis, et la traduction du mme ouvrage
Leyde
peintures
du
de
Les
de
Bourgogne.
autres
del
Jeanne
reine
les
auspices
ms.
sous
GAZETTE ARCHOLOGIQUE ANNE 1SS6.
|3
98
n'ont point t copies sur les peintures correspondantes du ms. 316. Il faut remarquer
que plusieurs d'entre elles, notamment aux fol. 23, 27, 32 et 254 v, sont encadres
d'une bordure tricolore. Les miniatures qui prsentent cette particularit ne semblent
pas avoir subi de retouches. Il en faut conclure, je crois, que les encadrements tricolores, qu'on trouve si souvent dans les manuscrits de Charles V, taient dj employs
avant l'anne 1350.
Beaucoup des peintures du manuscrit de Leyde se distinguent par la simplicit et la
noblesse du style et par la facilit de l'excution. On en pourra juger par les deux
exemples reproduits en photogravure.
Le premier (fol. 62 du ms.) se rapporte un pisode de la lgende d'Asseneth, fille
de Putiphar et femme de Joseph. Le tableau est divis en deux compartiments : gauche,
la bndiction des sept compagnes d'Asseneth ; droite, les noces de Joseph et d'Asseneth.,
Le peintre a fidlement rendu le texte du Miroir 1. Je copie la traduction de Jean du
Vignay
Asseneth dist l'angre : Sire, j' avec moy VII vierges qui i furent norries avec moy et ds
enfance, et fumes toutes nez et engendres en une nuit. Je les apelerai et tu les beneiras comme
moi. Et il les fist apeler, et les beney, et dist : Beneisse vous Diex nostre seigneur
trs haut ; et soiez ausi comme VII columpnes del cit de refuge...
Et lendemain pria Joseph Pharaon que il li donnast Asseneth femme ; et il li donna, et leur
mist coronnes d'or les meilleurs que il avoit, et les fist entrebesier l'un l'autre, et leur fist grant
noces et grant disner, qui durrent VII jours...
Le second tableau (fol. 173 du ms.) que nous avons fait reproduire a pour sujet
l'arrestation et le supplice des meurtriers de Darius. Voici le passage du Miroir (livre V,
chap. XLVIII) dont le peintre s'est inspir :
Si comme Alixandre vouloit savoir qui avoit occis le roy Daires, il dist : Je m'esjois avoir
suppedit mon trs grant ennemi. Et ja soit ce que je ne l'aie pas fait, si ai je grant volent de
guerredotner le ceulz qui se sont demonstrez en ce bone volent vers moy. Et je les requier
donc que il se demonstrent. Je jure la majest de mon pre et de ma mre, que je les ferai trs
haus et trs congneus. Laquel chose oie, Bessas et Ariobarzanes se demonstrrent. Et Alexandre
les commanda estre crucefiez en un trs haut lieu, disant que il ne trespassoit pas rendre leur
leur dserte, et que il n'estoit pas coupable de parjure ; car il avoit fait iceulz trs haus et trs
congneus touz.
1. Livre
II,
chap. CXXH.
DU MIROIR HISTORIAL.
99
III.
Quatre pices de la Chambre des comptes de Blois, dtruites en 1871 dans l'incendie
de la Bibliothque du Louvre, mais dont Le Roux de Lincy 1 nous a conserv le texte,
fit
copier
duc
d'Orlans,
conditions
Louis,
quelles
dans
apprennent
se
un exemnous
plaire du Miroir historial en quatre volumes. La direction du travail avait t confie
Angevin,
dont
Thevenin
Paris,
nomm
crivain
de
libraire
nous avons quatre
ou
un
quittances dates du 12 fvrier 1396 (n. st.), du 3 juin et du 2 septembre de la mme
anne et du 3 janvier 1397 (n. st.). Il est regrettable que Thevenin Angevin n'y ait pas
mentionn nominativement les copistes et les peintres qui travaillaient sous ses ordres ;
il s'est born y indiquer par une vague formule les crivains, enlumineurs et autres
historial, en quatre
ouvriers qui ont crit et enlumin le livre nomm le 'Mirouer
la date de l'excution du
volumes . Ce qu'il faut retenir du texte des quittances, c'est
travail. Le Miroir fut crit dans le cours des annes 1395 et 1396 : un premier compte
avait t pay au libraire le 13 fvrier 1395 (n. st.) 2, et la copie semble avoir t
termine ds les premiers jours de l'anne 1397. Tandis que la quittance du 2 septembre
1396 porte les escripvains, enlumineurs et autres ouvriers qui font le Mirouer
historial, celle du 3 janvier 1397 (n. st.) contient ces mots: les escripvains, enlumineurs et autres ouvriers qui ont escript et enlumin le livre nomm le Mirouer
historial contenant quatre volumes. Ce qui doit nous confirmer dans l'opinion que le
Miroir historial tait achev au mois de janvier 1397 (n. st. ), c'est qu' partir de cette
date nous voyons Thevenin Angevin engag dans une autre entreprise pour le compte
du duc d'Orlans. Le 2 janvier 1397 (n. st.) il reoit une somme de 40 francs pour
thiques
des
livres
Cit
de
Dieu,
les
de
la
et Politiques et du Ciel et du
commencer
monde 3. Il est question des mmes livres dans trois autres quittances du 25 fvrier
1397 (n. st.) 4, du 30 avril 5 et du 4 aot 13986.
A l'aide des pices de comptabilit, nous pouvons donc en toute scurit fixer aux
annes 1395 et 1396 la date du Miroir historial du duc d'Orlans.
Cet exemplaire du Miroir historial est incontestablement celui dont les tomes I, II et IV
sont conservs la Bibliothque Nationale sous les nos 312, 313 et 314 du fonds franais.
Voici en deux lignes le signalement de chacun de ces trois volumes :
Ms. 312. Volume de 354 feuillets de parchemin, hauts de 398 millimtres et larges de
280; deux colonnes, chacune de 46 lignes. Il est intitul : Ci commence le premier
1. La bibliothque de Charles d'Orlans son chteau
de Blois en 1427. Paris, 1843, in-8.
2. Quittance du 12 fvrier 1396 (n. st.). Le Roux de
Lincy, p. 19.
3. Quittance analyse dans le ms. franais 10431,
Joursanvault.
4. Le Roux de Lincy, p. 38, u 21.
5. Ms. franais 10432, p. 1S3.
6.
Ibid.,y. 135.
100
franois
frre
historial,
translat
Jehan
Vignay,
de
Mireoir
du
et contient
volume
en
par
historial.
Miroir
Il
termine
souscription
Ci
fine
le
I-VIII
du
les
livres
cette
se
par
:
hystorial,
escript
Raoulet
d'Orliens,
l'an
livre
dit
Mireoir
mil
volume
du
premier
par
trois cens quatre vins et seize : parfait, Dieu grces rendy, de juing le premier ven dredy. Il est orn de 183 tableaux en grisaille. La moiti de la premire page est
occupe par une reprsentation de la visite que Vincent de Beauvais reut de saint
Louis, de la reine et de la cour ; au bas de cette page sont les armes d'Orlans, accompagnes de deux loups. La meilleure partie du fol. 288 v a t reproduite en hliogravure
pour l'Album palographique de la Socit de l'Ecole des chartes.
Ms. 313. Volume de 392 feuillets de parchemin, hauts de 397 millimtres et larges de
281 ; deux colonnes, chacune de 46 lignes. Il est intitul : Cy commence le secont
translat
latin
franois,
hystorial,
de
volume
du
Mirouer
en
par la main Jehan de
frre
l'ordre
Frres
preescheurs
de
des
compila
latin
lequel
Mirouer
Vincent
Vingnay,
en
de
France.
Il
contient
les
livres
saint
Loys
IX-XVI
du
la
monseigneur
requeste
roy
Miroir. Au bas de la premire page sont les armes du duc d'Orlans accompagnes de
deux lions semblables ceux des manuscrits de Charles V. Sur cette mme page, dans
un tableau deux compartiments, nous voyons, gauche, Vincent de Beauvais et le roi
saint Louis ; droite, Jean du Vignay et la reine Jeanne de Bourgogne. Nous avons fait
reproduire cette page, pour qu'on pt comparer deux reprsentations des mmes sujets,
l'une tire d'un manuscrit de l'anne 1333, l'autre d'un manuscrit de l'anne 1395 ou 1396.
Le tome II du Miroir historial du duc d'Orlans est orn de 292 peintures. L'criture offre
beaucoup d'analogie avec celle du tome premier, et je suis port en faire honneur
Raoulet d'Orlans dont j'ai eu jadis l'occasion de passer en revue les oeuvres calligraphiques ,.
Ms. 314. Volume de 437 feuillets de parchemin, hauts de 396 millimtres et larges
de 277; deux colonnes, chacune de 46 lignes. Le titre est ainsi conu : Cy commence
la quarte partie du Mireoir hystorial translat en franois par frre Jehan du Vignay,
selonc la composicion frre Vincent. A la fin se lit la souscription : Cy fine le quart
volume du Mirouer historial translat du latin en franois par frre Jehan du Vignay de
l'ostel saint Jaque de Haut pas. GUILLAVME HERVI. Ce nom doit dsigner le copiste,
qui ne nous est d'ailleurs pas connu. Les armes du duc d'Orlans, accompagnes de
deux lions bustes humains, sont peintes au bas du premier feuillet du texte (fol. 5
du ms.). Il n'y a dans ce volume que 75 peintures.
Le Miroir historial que Louis, duc d'Orlans, avait fait copier et enluminer en 1395 et
1396 fit l'ornement de la librairie du chteau de Blois. Il figure en ces termes sur l'inventaire qui en fut dress au mois de mai 1417 : Les quatre volumes du Mirouer historial,
couvers de veloux noir 2. Un autre inventaire de l'anne 1427 le mentionne ainsi : Le
1. Mlanges de palographie et de bibliographie, p. 271 273.
I,
101
DU MIROIR HISTORIAL.
lettre
neuf,
franois
de
volumes,
et
historial,
Mirouer
du
quatre
livre
en
grans
en
esmailliez,
livre
fermoers
deux
veloux
noir,
chacun
mi,
de
historis
forme,
couvers
armoiez 1.
Marie de Clves, veuve de Charles, duc d'Orlans, le fit transporter au chteau de
Chauny. Ce fut elle, selon toute apparence, qui en fit prter le troisime volume au
comte de Dunois (Franois d'Orlans, fils du fameux btard). L'absence du volume et la
cause de l'absence furent rgulirement constates sur un inventaire dat de l'anne
1487 : Trois des quatre volumes du Miroer ystorial, et mons. de Dunois a l'autre 2.
Les volumes I, II et IV du Miroir ne tardrent pas revenir Blois, et du temps de
Louis XII ils reurent les cotes De camra compolorum Blesis M, NetO; ils taient
alors placs sur le cinquime pupitre de la librairie, contre la muraille de devers la
la
librairie
de
les
destines
des
manuscrits
partag
Ils
depuis
poque
cette
ont
court.
d'Orlans, p. 19, n 32. Cet article se retrouve textuellement dans un inventaire postrieur, publi par le mar-
III,
331
CHRONIQUE
CONGRS ARCHOLOGIQUE A AMIENS.
A l'OCCa-
sion du cinquantenaire de la Socit des antiquaires de Picardie, les membres de cette Socit
ont dcid la runion d'un congrs historique et
archologique qui s'ouvrira le mardi 8 juin
,
Amiens pour une dure de quatre jours.
,
Nous reproduisons le programme des principales questions archologiques qui seront traites dans cette intressante runion :
1. Signaler les dcouvertes prhistoriques en
Picardie et indiquer les modifications qu'elles
peuvent apporter aux classifications dj tablies.
2. Signaler les monuments celtiques rencontrs en Picardie. Ont-ils t fouills et dcrits?
Quels objets y ont t trouvs ?
3. Signaler les cimetires des poques gauloises, gallo-romaines et franques. Donner la
classification raisonne des principaux objets
qui y ont t rencontrs.
4. Signaler et dcrire les monuments romains
dcouverts en Picardie.
5. Epigraphie picarde. Existe-t-il des recueils
d'inscriptions? Indiquer les moyens pratiques
de rdiger un Corpus inscriptionum complet
sur cette matire depuis les temps les plus
reculs jusqu'en 1789.
6. Gographie de la contre. Limites, populations, principales villes, dlimitations des pagi,
circonscriptions ecclsiastiques, voies de communications et cours d'eau.
7. Les dcouvertes rcentes ont-elles augment la liste des noms des potiers romains ou
gallo-romains dont les produits ont t rencontrs en Picardie? Tracer cette occasion l'histoire de la cramique dans la rgion, Beauvaisis,
Boulonnais. Laonnais, etc.
8. Chteaux de Picardie, constructions civiles :
htels de ville, beffrois, halles, etc., habitations
particulires. En prsenter les plans ou dessins.
Faire connatre les comptes de leurs constructions, les anciens inventaires de leurs mobiliers.
les
plus
de
Quelles
anciennes
maisons
sont
103
CHRONIQUE.
l'Ecole
lves
de
d'Athnes,
Deux
1. Cor
360 r
MM. Cousin et Durrbach, ont, nagure, dcou6. Homme coiff d'un ptase
240
vert dans l'le de Lemnos un curieux monument
7. Plaque de terre cuite estampe et
qu'ils viennent de publier dans le Bulletin de
dcoupe reprsentant le transcorrespondance hellnique. Ce monument condu mort au lieu de la spulport
siste en une-pierre de grande dimension, sur
( xcpop)
1,505
ture
l'une des faces de laquelle est reprsent un
guerrier tenant une lance. Autour de cette figure, B. Terres cuites de Tanagra des ive et me sicles.
femme
8.
Jeune
365
lit
inscription
caractres
en
grecs
on
une
9. Autre
132
archaques, mais appartenant une langue
11.
Statuette de lemme assise
147
l'autre
face
de
la pierre est grave
inconnue. Sur
12. Jeune homme debout
175
seconde
qui
semble
reproduire
inscription
une
la premire dans des termes peu diffrents. C. Terres cuites de diverses villes de la Botie.
15. Jeune femme assise allaitant un
Nanmoins, jusqu' prsent, il n'y a pas esprer
entant
131
qu'on puisse trouver une lecture de ces deux
16. Femme debout
156
textes. Peut-tre y a-t-il l un document en langue
17. Enfant accroupi
70
thrace, supposition que rend possible la situation
gographique de Lemnos. Il serait tout aussi D. Grotesques en terre cuite.
logique de voir dans ces mystrieuses inscriptions
20. Grotesque accroupi
50
21. Tte grotesque, barbue
78
un dialecte ayant de l'analogie avec l'trusque,
car les lettres douces n'y figurent pas. Quoi E. Masques, appliques, moules en terre cuite.
qu'il en soit, il y a l un problme d'pigraphie
22. Masque de Dionysos
41
que l'tat actuel de nos connaissances n'est pas
23. Autre
105
en tat de rsoudre et sur lequel va s'exercer le
24. Tte de lion
255
savoir des linguistes et des archologues.
25 et 26. Moules
87
F. Poteries gomtriques.
Cylix
27.
40
faite
70
anse
l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres
(sance du 12 fvrier), M. Delisle a prsent de G. Poteries dcor oriental.
29. OEnocho
315
la part de M. Loriquet un rapport sur l'identi30. Pixis
190
fication de fragments de manuscrits trouvs
31. OEnocho
61
Calais en 1884. Ce rapport est suivi d'un tableau
3 4. Bombyle
60
des dprdations commises en 1816 sur les ma37. OEnocho
67
nuscrits de la bibliothque d Arras, tableau qui
41. Petite amphore
135
fait
lamentables
des
plus
connatre
pinous
un
42. Lcythe fond blanc
155
sodes de l'histoire de nos bibliothques. M. Lo43. Autre
210
riquet , d'aprs les constatations faites, il y a un
44. Autre
260
demi-sicle, par M. Fauchiron, nous explique
45. Autre
205
comment un bibliothcaire a pu, en 1816, mu46. Autre, fond rouge
200
tiler 734 manuscrits de la bibliothque d'Arras,
47. Autre
70
et y arracher au moins 37.489 feuillets de par51. Autre, avec cinq figures rouges.
335
chemins qui furent vendus au poids. M. Loriquet
a rcemment trouv Calais 1,370 de ces feuillets, H. Objets divers.
53. Quatre olives de fronde
31
et a pu dcouvrir quels manuscrits ils appar5 4. Quinze coquilles contenant des
tiennent pour la plupart.
couleurs employes pour la
LEMNOS.
peinture
102.
104
CHRONIQUE.
105
CHRONIQUE.
l'Est.
Dans la sance du
21 avril, M. Schlumberger a lu l'Acadmie
des inscriptions un mmoire sur Une nouvelle
monnaie royale thiopienne, monnaie du
ngus Kaleb, roi d'Aksoum, conqurant du
Ymen au vie sicle. On sait que les monnaies
paennes ou chrtiennes de l'Ethiopie sont trs
rares aux huit premiers sicles de notre re. Les
noms des princes y sont presque toujours crits
en caractres grecs ou gheez , et ne peuvent tre
identifis avec ceux des listes royales thiopiennes. M. Schefer a reu rcemment d'Aden une
monnaie d'or aux types accoutums de la numismatique des rois chrtiens d'Aksoum. La
lgende de cette monnaie, en partie grecque,
en partie thiopienne, mentionne Kaleb, roi
d'Aksoum, Kaleb, fils de Thesena. Ce roi Kaleb
n'est autre que le clbre ngus d'Ethiopie,
contemporain des empereurs Justin et Justinien,
qui, attir par saint Artas, envahit l'Ymen ,
et battit le roi juif Dou-Nowas, qui martyrisait
les chrtiens.
MONNAIE THIOPIENNE.
BIBLIOGRAPHIE
(Ren). Cours lmentaire
d'pigraphie latine, Paris, Thorin, 1886, in-8.
23.
CAGNAT
X-227 p.
Voici un livre qui comble une lacune que l'on dplorait
depuis bien des annes dj, et qui devenait de jour en
jour plus sensible, mesure que s'accroissait l'importance
des tudes pigraphiques, et que les ressources si varies
que l'historien peut tirer de l'tude des inscriptions taient
mieux apprcies parmi nous. Le livre de M. Cagnat n'est
qu'un manuel lmentaire, mais il nous parait appel
rendre de trs rels services, car il remplit une des conditions les plus essentielles de tout ouvrage de ce genre,
la simplicit et la clart.
Le plan en est bien conu. L'auteur commence par
l'tude des noms propres, prnoms, cognomen et gentilicium, noms des esclaves, des affranchis, etc. Il s'occupe
ensuite du cursus honorum, des noms et titres des empereurs et des membres de la famille impriale ; puis des
inscriptions ddicatoires, honorifiques, funraires; des
matires diverses sur lesquelles les inscriptions sont
graves, etc. Le volume se termine par deux appendices,
qu'il y aurait eu tout avantage fondre en un seul et qui
donnent les noms des empereurs, et la liste des titres et
GAZETTE ARCHOLOGIQUE. ANNE 1886
la Socit
historique de Tournai, contient une suite de notes sur les
confrries, les processions, les jubs, les autels des
anciennes glises de Tournai. On y trouve des extraits
de comptes assez nombreux, qui fournissent des renseignements , non dnus d'intrt, sur les richesses en tout
genre que le Moyen-Age avait accumules dans ces glises.
DIEULAFOY.
103
26.
CHRONIQUE.
MOL1NIER.
29. DDTOIT (E.). Manuel de l'amateur d'estampes. Introduction. Paris,,A. Lvy, 1886,
in-4, vm-312 p. et 37 pi.
L'auteur a eu assurment une heureuse ide en runissant dans le mme volume deux arts qui ont leur origine
tant de cts communs. Mais comme leur dveloppement
a t tout diffrent, il s'ensuit qu'on ne peut les tudier
concurremment et. que l'ouvrage de M. Garnier forme en
ralit deux livres bien distincts.
L'auteur n'a pas, proprement parler, cherch faire
une oeuvre originale, au moins en ce qui touche la
verrerie dans l'antiquit ; il a largement puis dans les
livres de ses devanciers et en particulier dans les ouvrages
de M. Frcehner. Le chapitre consacr la verrerie orientale est trs vague ; on sent que l'auteur est l sur un
terrain qui ne lui est pas familier, et c'est l l'inconvnient
de ces livres de vulgarisation qui prennent une industrie
son origine pour la conduire jusqu' nos jours. Bon
nombre de ces produits orientaux pourraient tre dats
par les inscriptions qui les recouvrent et la chose en vaudrait la peine ; un amateur peut runir une collection
d'objets pour le seul plaisir des yeux ; peu lui importe
leur ge, mais le rle de l'historien est tout autre. Si l'on
passe au Moyen-Age occidental, les renseignements que
nous donne l'auteur sont aussi assez vagues et l'on peut
s'tonner qu'il ne s'tende pas d'avantage sur les verres dits
glomiss, procd de dcoration qui a t usit en
France, en Angleterre et surtout en Italie : c'est au Museo
civico de Turin et dans la collection F. Spitzer, que
l'auteur connat trs bien, qu'il faut aller tudier cet art
charmant. La partie la plus intressante et la plus complte du livre concerne les verreries franaises et surtout
les verreries modernes; on lira ces chapitres avec intrt,
mais on fera bien de n'accepter qu'avec de larges restrictions le long passage relatif la noblesse des verriers ;
Haudicquer de Blancourt en a fourni les principaux lments et l'on sait que ce personnage peu recommandable
finit par aller aux galres pour avoir fabriqu de fausses
gnalogies.
Ce que l'on a dit plus haut des origines de la verrerie
peut s'appliquer aux origines de l'maillerie. Ici ce n'est
plus M. Garnier que nous avons critiquer, c'est Labarte
auquel il a emprunt ses principales thories. Ce que
l'Histoire des arts industriels a rpandu de notions inexactes
ou totalement controuves est incalculable, mais l'une des
plus tranges thories qui s'y tale d'un bouta l'autre est
celle qui consiste tout rapporter aux byzantins ; on
arrive ainsi aux conclusions les plus bizarres : les fameux
ornements de Childric sont byzantins ; byzantine est
aussi sans doute la belle fibule trouve Wittislingen que
publie M. Garnier (p. 371), sans avertir le lecteur que le
revers porte une longue inscription mrovingienne grave
et nielle. Je ne veux nullement reprendre ici la question
des origines de l'maillerie en Gaule et en Allemagne;
je ferai seulement remarquer que le trait de Thophile
est plutt du xii" sicle que du xi, que l'assimilation de
Thophile un moine nomm Rutcherus qui vivait au
xi sicle Helmarshausen est une pure supposition de
M. Ilg qu'aucun texte ne permet d'tayer ; que l'enfant
Jsus, grav p. 403, bnit la latine et non la grecque
107
CHRONIQUE.
et qu'il n'est nullement byzantin. L'auteur suit naturellement Labarte en ce qui concerne l'maillerie franaise qui
montre bien l'influence, sinon la main, des mailleurs
rhnans. Je manque de place pour rpondre cette
assertion ; aussi bien d'autres plus autoriss que moi y
ont dj rpondu. On sera bien tonn d'apprendre qu'il
ne reste malheureusement plus rien des immenses
R.
DE
LASTEYRIE.
GEBARDT
<
108
CHRONIQUE.
Herodot. Eine geograph. Untersuchg. 2. Thl. d attribuer au fameux voque de Noyon toutes les
MARIONNEAU
109
CHRONIQUE.
quaire de la vraie Croix, conserv l'glise SaintMathias; la couverture du liber aureus avec son clbre
came antique, conserve la Bibliothque de la ville;
diverses miniatures, etc. A chaque planche correspondent
deux pages de texte; pour quelques-unes, c'est suffisant;
pour d'autres, c'est loin d'tre assez, et les auteurs ont
d, pour se renfermer dans ce cadre trop troit, sacrifier
toute discussion sur les intressants problmes que soulvent plus d'un de ces objets. Nous le regrettons d'autant
plus que leurs observations nous ont gnralement paru
fort judicieuses ainsi que leurs apprciations sur la date
et la provenance des objets. Nous sommes obligs toutefois
de faire toutes rserves pour les interprtations symboliques qu'ils ont et l introduites dans leurs Commentaires. Nous signalerons en particulier celles qui accompagnent la description d'un encensoir de la cathdrale et
qui nous paraissent tre de pure imagination. Ajoutons
que cet encensoir nous semble appartenir au xn sicle
plutt qu'au xie.
R. DE L.
PARIS
QUICHERAT (J.).
Mlanges d'archologie et
d'histoire. Archologie du Moyen-Age, Mmoires
et fragments runis par Robert de Lasteyrie.
Paris, Picard, 1886, in-8, 514 pi.
67.
J. Quicherat sera,
je l'espre, accueilli avec autant, sinon plus, dfaveur
que le premier. On y retrouve Quicherat tout entier,
et ceux qui ont eu le bonheur d'couter les cours si
vivants qu'il professait l'cole des Chartes croiront,
en relisant ces pages, entendre encore la voix incisive du
matre initiant son auditoire l'tude de l'archologie.
Tout le volume est en effet consacr l'archologie et
surtout l'archologie monumentale du Moyen-Age. Il
s'ouvre par une magistrale tude sur la basilique de
Fanum, dans laquelle tous les passages de Vitruve relatifs
aux basiliques sont passs en revue et soumis une critique dlicate. La restitution de la basilique de SaintMartin de Tours est un mmoire- trop connu pour qu'on
en fasse ici l'loge; tous ceux qui l'ont lu savent ce que
MOLINIER.
68. REBER (F. v.). Kunstgeschichte d. Mittelalters. 1. Hlfte. gr. in-8. Leipzig, Weigel, in-8".
69. REDTENBACHER (R.). Die Architektur der
italienischen Renaissance. Francfort, Keller,
in-8.
70. RICHTER (F.). De thesauris Olympiae
effossis. Berlin, Weidmann, in-8.
71. ROSCHER (W. H.). Ausfhrliches Lexicon
der griechischen und romischen Mythologie.
Leipzig, Teubner, 8. Livr. I VIII, de A
Euphrosine.
Nous reviendrons plus tard sur cet important dictionnaire dont huit livraisons sur vingt, environ, ont dj paru,
et qui constitue comme une nouvelle dition, mais quintuple, du lexique de Jacob i publi en 1835. Cette oeuvre
est entreprise, sous la direction du savant directeur du
110
CHRONIQUE.
72.
ROSSIGNOL
riques, 2e
et 21 pi.'
ROSTAN
SCAFER
111
CHRONIQUE.
77. STREBEL (H.). Alt-Mexiko. Archiiolo- sur le torse dcapit un moulage de la tte du Louvre.
gische Beitrge zur Kulturgeschichte seiner Nous rappellerons, au sujet de cette intressante dcoupolmique
verte,
engage dans les sances des 15 et
une
Bewohner. Hambourg, Voss, in-4.
22 novembre 1882 de la Socit des antiquaires de France
78. TAILLEBOIS. Le temple de Mars Lelhunnus (voy. Bulletin, t. XLIII), polmique dont M. Waldstein
Aire-sur-Adour et inscriptions aturiennes. ne parle pas, mais qui prouve que MM. les Conservateurs
Dax, Justre, 1886, in-8", 16 p. (Ext du Bull, du Louvre avaient dj reconnu que la tte en question
provenait
d'une
des
du
mtopes
Parthnon.
de la Soc. de Borda.)
En tudiant le fronton occidental du Parthnon, le
79. TAUXIER (H.). Voies et villes romaines savant professeur de Cambridge ne parle point de la tte
de la Manche : Cosedia, Fanum Martis, Legedia. colossale de femme conserve au Cabinet des Mdailles
Paris, et que Charles Lenormant d'abord, Franois LenorSaint-L, Elie, 1886, in-8.
dans la suite, prtendaient avoir t dtache de ce
mant
80. THODE (H.). Franz von Assisi und die fronton, lors du sige d'Athnes, parMorosini,
en 1687.
Anfange der Kunst der Renaissance in Italien. (Voy. Gazette archol., 1875, p. 1.) Etonn de ce silence,
Berlin, Grote, in-8.
et pensant que l'auteur eut d parler de cette opinion, ne
81. URLICHS(L. v.). Archologiscke Analekten. ft-ce que pour la rfuter, je lui en crivis, et l'on me
de reproduire ici un passage de la rponse de
gr
saura
Wrzbourg, Stakel, in-8.
M. Waldstein : La tte Lenormant, que j'ai examine
82. VILLEFOSSE (A. Hron DE). Notes d'pi- dans votre Cabinet des Mdailles et dont nous avons un
graphie africaine. Mcon. impr. Protat, 1885, moulage ici ne me parait aucunement appartenir au
in-8, 40 p., fig. (Ext. du Bull, des ant. afric.) Parthnon. Comme vous me le dites, sa ressemblance
des ttes des dessins de Carrey est loin d'tre
avec
une
(Ch.).
Essays
WALDSTEIN
the
of
83.
art
on
dmontre. De plus, le model des cheveux diffre comPheidias. Cambridge, University press, 1885, pltement de celui des cheveux de 1' Olympe sur le
fronton oriental et des ttes de la frise. Les instruments
gr. in-8 de 431 pp. et fig.
Neuf chapitres composent ce luxueux ouvrage : 1 le employs par l'artiste pour sculpter les cheveux diffrent
domaine, le but et la mthode de l'tude de l'archologie et le caractre gnral n'est pas le mme. La tte du
classique ; 2 le caractre de l'art de Phidias dans ses Cabinet des Mdailles ne me parat pas antrieure la fin
rapport avec la vie du plus clbre des sculpteurs de la du iv sicle. La tte trouve par Weber Venise et
Grce ; 3" les mtopes du Parthnon et la tte de Lapithe achete par Lon de Laborde est plus probablement du
au Muse du Louvre ; 4 le fronton ouest du Parthnon et Parthnon, mais je ne suis pas mme sr de celle-l...
le fragment de Venise; 5 le fronton est du Parthnon et Il m'a paru utile d'ajouter l'opinion de M. Waldstein
la personnification de la mer et de la terre; G" Athna, celle d'un grand nombre d'autres archologues du plus
d'aprs la frise du Parthnon et la plaque du Louvre; haut mrite qui ont mis sur la question les avis les plus
contradictoires
7 la plaque centrale de la frise du Parthnon et la plaque
Parmi les points les plus hardis dvelopps dans le livre
de Copenhague; 8 l'Athna du Parthnon et les statues
en or et en ivoire ; 9 l'cole de Phidias et les bas-reliefs de M. Waldstein,nous signalerons encore les rapprochements qu'il voudrait tablir entre une belle plaque de terre
funraires attiques.
Nous ne dirons rien du premier chapitre qui est une cuite, au Muse du Louvre, et un bas-relief de la frise du
introduction didactique et historique l'tude de l'archo- Parthnon ; entre un autre fragment de terre cuite conserlogie en gnral; nous passerons galement, sans nous y v au Muse de Copenhague et la frise du Parthnon qui
arrter, sur les considrations philosophiques et artistiques reprsente le prtre et l'enfant, au British Musum.
Les appendices sont, de leur ct, assez importants
qui composent le chapitre deuxime. L'oeuvre de Phidias
n'est aborde, au point de vue technique, qu' partir du pour tre particulirement signals, d'autant plus qu'ils
troisime essay. Ici, se trouve expose une dcouverte ne rentrent nullement dans le cadre du livre. Ce sont :
archologique fort importante. En traversant, un jour, un 1 Pythagore de Rhegium et les anciennes statues d'athltes;
des corridors du Muse du Louvre, M. Waldstein remarqua 2" Praxitles et l'Herms portant Dionysos enfant; 3 l'inune tte d'homme qu'on venait d'acqurir et qui le frappa fluence des jeux des athltes sur l'art grec; 4 le fronton
par son grand caractre. De retour Londres, le sagace est du temple de Jupiter Olympie et le fronton ouest
archologue put se convaincre que la tte acquise par le du Parthnon.
E. BABELON.
Louvre n'tait rien moins que celle d'un des Lapithes,
dans la mtope du Parthnon, conserve au British
84. WINTER (F.). Die jngeren attischen
Musum et qui reprsente le combat des Lapithes avec Vasen und ,ihr Verhltuiss
Kunst.
grossen
zur
les Centaures. Cette dcouverte fut confirme absolument
lorsque M. Waldstein, aid de M. Newton, eut pu placer Stuttgart, Speemann, in-4.
112
CHRONIQUE.
PRIODIQUES
REVUE ARCHOLOGIQUE
JUILLET-AOUT 1885.
REVUE NUMISMATIQUE
Quatrime trimestre 1885.
CASATI
PL.
Jati^ii&^Jrc^jylqThue- 1886
h,o. og
Eudes Imp
TABLETTE
LA PLUS
ANCIENNE
DU ROI OUR-NIHA
SCULPTURE CHALDEENNE
3
AUTRE
FRAGMENT ARCHAQUE
V,
I.
114
comme appartenant aux poques basses de la civilisation asiatique, telles que la fin de
la domination des Parthes ou les temps de la dcadence sassanide. Ce serait, mon
sens, une grosse erreur. J'espre dmontrer, par l'tude de ce dbris presque informe,
que nous avons l, au contraire, un monument des plus prcieux, oeuvre d'une antiquit
prodigieuse, que nous devons le placer avec respect tout fait en tte des sries orientales, comme le plus ancien exemple connu de la sculpture chaldenne 1.
11 s'agit d'un fragment de bas-relief, qui n'a plus que 25 centimtres de large sur
18 centimtres de haut. Bris en pointe par le bas, il conserve une section de sa tranche
suprieure, qui tait droite et taille avec soin. L'paisseur, de 9 centimtres, est relativement assez forte ; on juge par l que la plaque sculpte devait avoir un certain dveloppement de surface, en rapport avec cette paisseur. Le dbris retrouv, bien qu'il
contienne plusieurs figures, ne reprsente videmment qu'une faible partie du monument primitif. Il en rsulte aussi que les figures, n'tant pas de grande proportion,
devaient tre plus nombreuses, ou bien accompagnes d'une inscription de quelque
importance, dont il ne reste pas trace.
La matire est le calcaire glaiseux, de couleur grise et terne, que nous voyons
employ avec prdilection la premire poque de l'art chalden. Cette roche, la fois
tendre, compacte et quelque peu onctueuse, sorte d'argile naturellement durcie et
ptrifie, risquait moins de s'clater que les calcaires blancs ordinaires; elle se prtait
avec une docilit particulire aux premiers ttonnements du ciseau.
Quant au travail, il est rudimentire. L'ouvrier a commenc par creuser lgrement
en cuvette le champ de la plaque de tuf, en laissant subsister tout autour un mince filet
d'encadrement, disposition que nous retrouverons frquemment employe dans les
reliefs chaldens, presque toujours ainsi entours d'une bordure saillante. La surface
plate des figures est rserve et s'enlve vaguement sur ce fond, par un contour des
plus mous et des plus indeis. Le model n'existe pour ainsi dire pas : c'est avec une
pointe rude que les dtails intrieurs sont gravs plutt que sculpts, et ce travail
d'gratignure arrive seul prciser un peu les formes. Nous avions dj remarqu un
emploi analogue de la pointe sur la tablette de l'aigle et du lion; mais l les contours
sont dj dcoups avec nettet et mme avec une certaine fiert de dessin, qui manque
absolument la grossire bauche que nous tudions. C'est ce qui doit nous la faire
placer, en l'absence de toute inscription, un degr encore plus loign dans l'chelle
des oeuvres primitives.
Cependant, quoique plus ancienne, elle a, sur le fragment dat du nom du roi
Our-Nina, l'avantage de reprsenter, non des figures d'animaux, mais des figures
humaines, et de nous montrer comment, ds une poque aussi recule, l'image de
l'homme tait comprise et rendue par les nafs racleurs de pierre de la Basse-Chalde.
1. Voir la planche l 7, fig. I. J'emprunte cette figure,
comme les prcdentes, la planche 1 des Dcouvertes en
115
II.
Sur les quatre figures qui se voient encore et qui paraissent avoir fait partie d'une
composition assez complique, une figure attire tout d'abord l'attention par l'tranget
de son aspect. Elle est tourne vers la brisure main gauche ; bien que les pieds
manquent, on voit qu'elle tait reprsente assise. A ses formes ramasses et son
baroque accoutrement, on la prendrait pour une caricature, si le srieux de l'intention
ne se trahissait jusque dans les dtails les plus bizarres.
Le visage imberbe, tourn de profil, est occup presque tout entier par un grand oeil
de face, bien horizontal, cern en losange d'un double trait de pointe, et par un
norme nez aquilin, qui ne laisse presque plus de place pour la bouche ni pour le
menton. Ainsi le type appel, trop exclusivement sans doute, type smitique est adopt
par Fart oriental, ds ses premiers dbuts, et s'y trouve mme accentu avec une
exagration singulire.
La chevelure tombe dans le dos et sur la poitrine en deux flots ou, pour mieux dire,
en deux queues stries, rayes de traits qui se bifurquent comme des barbes de plume
ou comme des artes de poisson. Sur d'autres reprsentations primitives et encore sur
certaines coupes phniciennes, la queue du cheval est figure par le mme procd,
tout conventionnel. Les cheveux dessinent aussi autour du front une frange de petites
ondulations rgulires, dont chacune est forme par deux bouclettes concentriques :
c'est le premier exemple d'une affectation d'cole, qui se transmettra, avec une
incroyable persistance, travers toute la priode chaldo-assyrienne, jusqu'aux temps de
l'archasme grec.
Au dessus de la chevelure, s'lve une coiffure non moins curieuse, qui fait penser
du premier abord certaines tiares piscopales du moyen ge. En l'examinant avec
attention, on voit qu'elle se compose de deux cornes, dresses en forme de croissant,
entre lesquelles parat comme une touffe de traits emmls et peu distincts.
Cette tte ainsi coiffe est porte par un corps trop petit pour elle, drap transversalement dans un chle qui enveloppe le ct gauche et laisse dcouvert l'paule droite,
ainsi que tout le bras, repli en avant. La main entr'ouverte prsente un objet difficile
dterminer, qui remplit seulement la fourche forme par l'cartement des doigts,
comme le ferait une fleur, un fruit ou peut-tre un petit vase. Enfin le sige est une
sorte de caisse trs simple, dont le ct porte pour tout ornement plusieurs traits
verticaux.
En face d'une reprsentation aussi antique, d'une bauche aussi primitive, nous
risquerons-nous l'tudier, l'analyser, comme une figure ordinaire? N'est-on pas
d'avance condamn perdre sa peine en cherchant expliquer des dtails figurs avec
une maladresse et une indcision qui font penser au travail des peuples sauvages ? Pour
116
moi, je ne pense pas que nous nous trouvions ici sur un terrain aussi inconnu qu'on
serait tent de le croire au premier abord. Grce l'examen mthodique que nous avons
fait des monuments chaldens archaques de la priode suivante et la comparaison
que nous pouvons tablir avec les trs anciennes figures des cylindres, j'estime que
nous avons en main les lments ncessaires pour tenter sans trop de dfiance une
pareille tude.
Reprenons un un les principaux traits de la description qui prcde, et nous reconnatrons que, loin de nous drouter, ils ne font que prsenter nos yeux, sous une forme
plus rude et plus primitive, certains dtails que nous avons dj rencontrs et dont
l'interprtation nous est devenue familire 1.
Commenons par la chevelure. Nous avons tabli, dans un autre travail, que les
femmes chaldennes portaient le plus souvent les cheveux longs, tombant en nattes
derrire les paules et en flots sur le devant. Si grossirement que cette mode soit
reprsente sur notre fragment primitif, il est difficile qu'elle n'y caractrise pas aussi
une figure de femme, surtout quand, d'autre part, la face est imberbe. Donc il ne faut
pas s'arrter ce profil de caricature, ces traits dont l'exagration risible est uniquement due l'inhabilet de l'artiste : nous n'en avons pas moins l une figure de femme,
et c'est un premier point acquis.
En second lieu, la coiffure aux cornes dresses ne diffre pas essentiellement de la
tiare chaldenne, du prtendu chapeau chalden, arm de cornes, que nous avons dj
tudi sur les fragments de la Stle des Vautours. Seulement, sur la stle, les cornes,
plus abaisses, se recourbent dj avec lgance et sont d'un dessin plus ressenti : ici
l'arrangement est plus simple et la forme plus rude ; mais ce n'est qu'une reprsentation plus ancienne encore de la mme coiffure. Il n'est pas jusqu'au panache de
grandes plumes qui ne se retrouve dans la touffe centrale, si gauchement indique par
le sculpteur primitif. Or, nous avons admis que cette sorte de tiare tait, en Chalde
comme en Assyrie, un attribut symbolique, rserv aux tres surnaturels, gnies ou
dieux. L'insigne divin, se joignant au caractre d'une figure de femme, ne nous permet
pas d'hsiter reconnatre une desse.
Quant aux dtails du costume, ils ne nous sont pas d'avantage inconnus. Le chle,
serr transversalement sur la poitrine, laissant nu l'paule droite, offre le mme
ajustement que les statues de Gouda. Il n'y a pas jusqu' la frange du vtement qui ne
soit indique ou remplace par une bordure forme d'un double trait. C'est l'ancienne
forme du costume chalden, dont la simplicit patriarcale se distingue profondment
de la richesse et de la complexit croissantes du costume asiatique chez les Assyriens et
chez les Perses, comme plus tard au temps des Parthes et des Sassanides. J'ai dmontr,
depuis de longues annes, dans mon cours l'cole des Beaux-Arts, que, chez Jes peuples
1. Sur les rgles suivre dans l'interprtation des | indications dans notre travail intitul La Stle des Vaumonuments chaldens, nous avons dj donn plusieurs tours publi par la Gazette archologique.
,
117
souponner.
Au dessus des genoux de la femme assise, la brisure de la pierre a laiss subsister
la moiti d'un petit personnage, trs sommairement sculpt. On reconnat la tte
arrondie en boule, sans apparence de chevelure et sans aucune indication des traits,
une paule carre, le coude gauche trs pointu 2, avec l'avant-bras ramen sur la
poitrine, une partie du flanc et le pli de la hanche. La figure tait debout, le corps de
face et compltement nu. Tout indique la reprsentation d'un enfant, qui se tenait
debout sur les genoux de la desse ou qui tait au moins plac tout prs d'elle, dans le
champ du bas-relief. C'est videmment cet enfant qu'elle offrait l'objet triangulaire
tenu dans sa main droite, que ce soit une fleur, un fruit, un gteau ou bien un trs
petit vase, un godet avec quelque breuvage. De l une consquence invitable : c'est
qu'il s'agit d'une desse mise en rapport par la lgende avec un enfant sacr ou avec un
dieu enfant.
1. Hymne homrique Dmter, v. 196.
118
Les groupes de ce genre sont trop conformes l'essence mme de l'anthropomorphisme, pour ne pas se rencontrer chez tous les peuples de l'antiquit. On sait combien
sont nombreuses les reprsentations antiques d'une desse dite courotrophe et d'un
enfant dsign comme son fils, comme son nourrisson ou comme son favori. Le mme
motif s'est-il rencontr aussi sur les monuments figurs de l'ancienne civilisation
chaldo-assyrienne ? J'en ai signal plusieurs exemples parmi les figurines de terre cuite
de cette rgionl ; mais il importe surtout de montrer qu'il se retrouve aussi sur les
cylindres chaldens, o le caractre mythologique des reprsentations se marque avec
plus d'vidence.
Nous devons citer d'abord un cylindre du Louvre, o l'on voit une femme assise
devant un arbre, tenant un enfant nu sur ses genoux 2. J'ai montr, dans un prcdent
travail, qu'il ne fallait pas hsiter, comme on l'a fait, y reconnatre une desse,
caractrise par la coiffure symbolique double corne. La nature divine du groupe est
confirm par la prsence de deux adorateurs ou htes lgendaires, un homme et une
femme, qui prsentent l'enfant, dans un vase en forme de cornet, quelque breuvage
puis dans une grande jarre pose sur un support 3. Trois autres jarres, reproduisant
le type de celles que M. de Sarzec a rapportes de Tello, sont alignes comme sur une
planche haute.
Sur le mme cylindre, l'enfant est remarquable, de son ct, par sa chevelure
rase, sauf une longue mche au sommet de la tte, ce qui lui donne l'air d'un petit
Chinois. Cet usage, curieux constater en Chalde, a t retrouv aussi sur une figure
d'enfant lycien 4. En Egypte, la mche, tresse et rabattue sur le ct, tait le signe et
l'hiroglyphe de l'enfance : elle faisait particulirement reconnatre les dieux enfants et
parmi eux le petit Horus. Les Grecs avaient une coutume analogue, bien qu'elle ne ft
pas associe chez eux l'usage de raser le reste de la chevelure enfantine.
1. Catalogue des figurines de terre cuite du Muse du
119
120
Les deux autres figures, dont je n'ai encore rien dit, compltent la scne, et s'accordent avec l'interprtation que je viens de donner. C'est d'abord, derrire le sige mme
de la desse, un homme debout, aux paules robustes et carres, la tte tourne en
arrire. Il porte une coiffure plate en forme de bret, avec les cheveux rassembls en
chignon sur la nuque, la barbe longue et strie. Le profil n'est pas aussi accentu que
dans la figure qui prcde ; mais il faut considrer que les dimensions sont plus rduites
et tout le travail plus sommaire, comme dans une figure de second rang. Le haut du
corps ne prsente aucune indication de vtement; quant aux jambes, elles sont si
grossirement traces que l'on ne peut en rien dire. Ce personnage est surtout caractris par un bton noueux, termin en massue, qu'il tient de la main droite et dont il
assne un coup sur la tte d'un homme de proportions plus petites, plac auprs de lui.
Ce dernier, qui parat nu, bien que l'on n'en voie plus que la moiti, a le crne et la
face rass. Le contour est si informe, qu'il faut regarder la pierre de trs prs pour
distinguer les traits confus du profil et la place de l'oreille. On finit cependant par
reconnatre que le malheureux dtournait la tte sous le coup qui le frappait, et tendait,
en suppliant, ses deux mains garrottes vers son redoutable ennemi. Tel est, dans toute
sa rudesse primitive, le curieux motif complmentaire qui accompagne la reprsentation
de la desse principale.
Ici encore la comparaison avec les figures des cylindres et avec les fragments qui
nous sont parvenus de l'pope chaldenne nous permet de proposer une explication
trs vraisemblable.
Cette manire d'Hercule, chevelu et barbu, arm de la massue, n'est pas difficile
reconnatre, malgr son trange aspect. Il y a grande chance pour que ce soit le fameux
I. Voir, par exemple, dont les Dcouvertes en Chalde,
pi. 8, l'inscription de la statue d'Our-Baou, range 6,
121
16
122
avec la chevelure rase : ce sont peut-tre aussi des lamites, ennemis traditionnels de
la Chalde, chez lesquels cet usage a trs bien pu exister une poque ancienne.
Nous trouvons ainsi une relation troite entre les quatre figures grossirement tailles
sur notre fragment, bien qu'elles ne composent pas une scne unique, mais plutt deux
groupes juxtaposs, se rapportant l'un et l'autre la lgende d'Istar.
Il y a des consquences gnrales de quelque valeur tirer de ces faits. Voil un
dbris d'une antiquit prodigieuse, un monument de la premire enfance de l'art, la
plus ancienne sculpture chaldenne qui nous soit connue, et nous arrivons comprendre
assez facilement, lire avec une quasi certitude, sans le secours d'aucune inscription,
les sujets religieux ou lgendaires qui s'y trouvent reprsents ! Il faut d'abord en
conclure que, ds l'origine, la sculpture chaldenne traitait volontiers de pareils motifs.
Nous apprenons surtout que, chez les Chaldens, comme chez d'autres peuples moins
antiques, la cration des lgendes avait prcd de longtemps, mme les premiers
essais d'un art rudimentaire. Il fallait que la tradition potique et dj trs fermement
esquiss les types hroques ou divins : autrement l'art naissant ne leur aurait pas
donn du premier coup une forme .qui ne s'est modifie que trs peu travers une
longue suite de sicles et qui ne s'est gure perfectionne que sous le rapport de la
technique et du dessin.
LON
HEUZEY.
l'I.. Il'
1886
Les deux groupes 1 reproduits pi. 18 et 19 n'appellent pas un commentaire mythologique bien compliqu ; mais ils permettent d'aborder quelques-uns des problmes que
soulve l'examen des terres cuites grecques.
Aprs les polmiques qui ont eu lieu ce propos, il faut bien reconnatre qu'elles se
partagent en deux grandes classes : les unes reprsentant des sujets mythologiques, les
autres des sujets emprunts la vie journalire; mais entre ces deux catgories bien
tranches se trouve une srie de reprsentations flottantes qu'on n'a point de raisons,
dcisives d'attribuer l'une plutt qu' l'autre, et dans laquelle rentre la nombreuse
famille des femmes groupes avec de petits ros. Plusieurs se reconnaissent premire
vue pour des Aphrodites, soit qu'elles se rattachent des faits connus de la lgende de
la desse, soit qu'elles rappellent des oeuvres de la statuaire 2. Mais, dans bien des cas,,
nous sommes en prsence de scnes de coquetterie ou de toilette, dans lesquelles
l'invention du coroplaste se donne libre carrire sans se rattacher un point prcis de
la lgende, ou la tradition sculpturale. Le costume n'est alors qu'un critrium incertain. La nudit ou la demi-nudit ne rvle pas toujours coup sr la desse, puisque
les courtisanes se montraient souvent dans le dshabill de leur divinit protectrice, et
peut n'avoir qu'une signification erotique. D'autre part, nous ne savons pas jusqu' quel
point les coroplastes se permettaient de donner un personnage le costume quotidien
des vivants, sans lui enlever pour cela son caractre divin 3. Bien souvent, l'ancienne
1. Ils appartiennent MM. Rollin et Feuardent, l'obli- le voile et sur la chaussure, de dorure sur les deux fibules
geance desquels nous devons de les publier. Le premier rondes de la tunique, sur les boucles d'oreille, sur la
mesure 0m 225 de haut. Longueur la base 0m 19. Traces pyxis, sur le manche du miroir, sur le gland de l'himation,
de blanc sur le corps et sur Fhimation de la femme, de sur les ailes du petit Eros, de gris-bleu sur le rocher.
rouge brun sur sa chevelure, de rouge vif sur ses lvres, Trou d'vent rond d'un peu moins de 0 m 03. Provenance
de jaune sur son diadme, de blanc sur le corps des petits indique : Asie-Mineure.
Eros, de jaune sur la nervure de leurs ailes, de bleu sur
2. Par exemple, l'Aphrodite entirement drape accoules plumes et sur la draperie du dernier droite, de gris- de sur un cippe, de la collection Lecuyer, pi. III, fig. 3,
bleu sur le rocher. Pas de trou d'vent. Provenance indi- et portant un petit Eros sur l'paule ; l'Aphrodite presque
que : Asie-Mineure. Le deuxime mesure 0m 25 de entirement nue avec un petit Eros son ct, des Terres
haut. Longueur de la base 0m 15. Traces de couleur chair cuites d'Asie-Mineure de M. W. Froehner, etc.
3. V. J.-J. Bernoulli, Aphrodite, p. 116 sq., Die
sur le corps de la femme, de bleu sur ses pupilles, de
rose sur l'himation avec une bordure gris-bleu, de blanf, bekleidete Aphrodite mit Eros, et p. 387 sq.
sur la tunique avec une bordure gris-bleu, de jaune sur
124
conception de l'Aphrodite drape n'a rien faire avec les jeunes femmes ou jeunes filles
entirement vtues et groupes avec des amours et, lorsque celles-ci ne se distinguent
en rien de celles de leurs compagnes qu'aucun attribut ne permet de considrer comme
des desses, la prsence d'ros ne semble pas autoriser les diviniser. On est un peu
rduit aux raisons de sentiment. Ainsi je verrais volontiers de simples mortelles dans
les deux Tanagrennes assises, vtues de la tunique et de l'himation, l'une de la
collection Lecuyer 1 qui agace le petit ros avec un gland, l'autre de la collection
Sabouroff2, qui peut-tre le menace avec sa quenouille. Au contraire, M. Froehner 3 a
publi comme une Aphrodite une femme demi-nue diadme et couche sur une
klin, attirant elle un petit ros, bien qu'une rplique du mme personnage, sans
l'ros et tenant un osselet, appartenant la collection Lecuyer^, prsente certainement
une courtisane. Il donne galement comme une Aphrodite 5 une femme compltement drape qui, debout et le pied sur un rocher, se tourne vers un petit ros debout.
MM. Pottier et Reinach 6 voient aussi une Aphrodite sa toilette dans une femme
demi-nue assise sur un lit et assiste par des amours.
Ici, sur notre planche 18, il me parait difficile de ne pas reconnatre une Aphrodite; la
desse diadme et absolument nue s'entretient avec trois petits ros dont l'un se recule
et pose avec abandon son pied sur la cuisse de sa mre; le second, debout et le bras
lev, semble vouloir dmontrer quelque chose; le troisime, la main derrire le dos et
commodment assis, regarde et coute. La scne que le coroplaste a voulu figurer n'est
pas sans analogie avec celle que Stace dcrit ainsi dans une de ses Silves 7 : A l'endroit
o dans le ciel serein s'tend la voie lacte et au moment o la nuit venait de disparatre,
Vnus, la desse nourricire, reposait sur sa couche, fatigue des durs embrassements
de son mari, le dieu des Gtes. Le tendre essaim des amours se tient sur les montants et
sur les coussins. Ils lui demandent ses ordres : quelles torches faut-il emporter? Quels
coeurs faut-il percer? Veut-elle exercer son pouvoir sur la terre ou sur l'onde, bouleverser
les dieux ou tourmenter encore le matre du tonnerre ? Elle n'a pas encore fix son
esprit et ses dsirs... Alors l'un des enfants ails, celui dont le visage a le plus de
flammes, dont la main n'a jamais manqu le but de sa flche lgre, prend d'une voix
aimable et douce la parole au milieu du groupe. Il y a entre les vers de Stace et l'oeuvre
du coroplaste des diffrences qui sautent aux yeux ; les amours du pote avec leurs
carquois sont d'un type plus rcent et l'ensemble plus conforme aux donnes de la
mythologie vulgaire. La scne plastique offre quelque chose de plus indcis et d'une
grce plus simple ; mais c'est bien Aphrodite qui, assise sur le rocher traditionnel chez
les coroplastes, cause familirement avec les petits dieux de son cortge.
1.
2.
3.
4.
PI. R2.
PI. LXXXV.
Terres cuites d'Asie Mineure, pi. XXX.
PI. Z 4.
125
Au contraire, c'est une simple mortelle qui figure sur notre planche 19. Elle tient dans la
main droite une pyxis, accessoire bien connu de la toilette fminine, dans la gauche un
miroir. Un ros debout ct d'elle tire le voile qui lui couvre la tte; elle se dtourne,
comme si elle rsistait encore, mais mollement, au jeune dieu qui, en dcouvrant
indiscrtement sa beaut, semble lui conseiller d'en user. Son sein gauche et son paule
sont nu, ce qui est une indication erotique, et elle regarde vaguement devant elle,
comme si elle tait en proie d'indicibles hsitations. Le motif de la femme au miroir
est frquent dans les terres cuites de fabriques diffrentes. Si l'on veut se livrer des
comparaisons de style, on rapprochera de notre statuette les deux Tanagrennes, l'une
assise, de la collection Lecuyer 1, l'autre debout, de la collection Sabouroff"1, dont le
caractre dominant est une beaut calme et svre; la Tanagrenne assise, publie ici
mme 3, qui approche sa main de sa tte comme pour rectifier un dtail de coiffure, et
qui respire la grce la plus pure et la plus charmante; une Aphrodite au miroir 4
d'Asie-Mineure, qui est encore d'un bon style, mais de proportions dj un peu trop
lances, etc. On comparera galement les diverses espces de miroirs, les uns simples
plaques de mtal rondes, d'autres munis d'un manche, d'autres enfin enferms dans
un botier.
126
127
second. Les deux oeuvres ont un air de famille qui force les attribuer au mme artiste,
mais un artiste dont l'inspiration se renouvelle et non pas un ouvrier qui reproduit
servilement un modle. Les divergences sont trop accentues pour qu'on songe deux
preuves sorties du mme moule.
Qu'on me permette, puisque j'insiste ici sur les procds de fabrication, de rapprocher
encore deux figurines de Tanagra qui, celles-l, semblent bien sortir du mme moule,
l'une de la collection Lecuyer 1, l'autre de la collection Hoffmann*. Elles ont la mme
hauteur, 0m 20. La coiffure, le vtement, le sige sont identiques. Toutes deux appuient
la main gauche sur le sein droit nu dont le bout apparat entre leurs doigts carts. Mais
la figurine Lecuyer tient de la main droite un miroir dans lequel elle se contemple, la
figurine Hoffmann porte un enfant qui se raidit dans son bras. Ainsi, d'une part, une scne
de coquetterie raffine; de l'autre, un paisible pisode de la vie de famille.
A. CARTAULT.
1. PI. P 4.
20.)
{Suite*).
J'imagine que la mention de pastel, cite plus haut, provenait du ton poussireux
mis par le temps sur ls couleurs de l'aquarelle. Toutefois la peinture en avait t
respecte par le malencontreux qui avait cru devoir agrandir la pice sa guise. La
figure tait heureusement indemne et tmoignait de l'effort srieux d'un artiste, qui
n'avait pas attendu Jean Fouquet pour se montrer un matre de premier ordre.
A quoi bon chercher un nom pour en signer cette page remarquable ? Le plus souvent
ces identifications hasardes entre un tableau et un peintre ne servent qu' garer
ceux qui en veulent crire aprs. L'aquarelle de M. Miller est assurment une oeuvre
franaise, le travail de l'un de ces gens de mestier , tout aussi bien occups
colorier des armoiries, a barbouiller des murs de chapelles, qu' composer eux-mmes
des figures, comme on les rencontre trs nombreux dans les comptes royaux. Je ne
nommerai ni Colart de SLaon, ni personne, parce que tout autre et pu besogner de
son art en mesme guise; et manire . Si l'on s'ingniait chercher dans le portrait de
Louis d'Anjou l'influenc d'une cole, ce serait celle de Bourgogne ou des Flandres que
j'y penserais trouver, un peu de la manire des van Eyck, dans laquelle la face humaine
revt ce cachet de simplicit majestueuse et digne, de froideur un peu morne dont
notre personnage porte l'empreinte.
La lettre place au verso est postrieure la peinture, puisqu'on y nomme le bon roy
Rgn et que cette pithte ne fut donne couramment ce prince qu'aprs sa mort.
C'est l, suivant nous, une note d'inventaire mise par des experts, sans doute sur la
foi d'une inscription plus ancienne; cependant nous n'avons dcouvert aucune mention
de ce portrait dans les papiers du roi Ren. Quant Gaignires, souvent plus affirmatif
et plus prcis, il ne nous dit pas o tait lepdstel original l'poque o il le fit copier.
Une signature, mise la suite de la note ci-dessus, et appartenant un collectionneur
clbre, J. Ballesdens, nous permettra d'en dire plus long tout l'heure.
Il n'y a donc plus gure lieu de tenir compte des vitraux du Mans ni de la singulire
figure du roi Louis JI qu'ils nous reprsentent. Ces sortes de travaux se traitaient de
1. Voir la Gazette archologique, anne 4 886, pp. 64-67.
Ca^att
..'.,.,
1886
l-'L
.
DE LA
BIBLIOTHEQUE NATIONALE
20
129
pratique le plus ordinairement, et sans trop de prcision. La preuve en est bien que
Marie, duchesse de Bretagne, mre de Louis II, agenouille dans la mme verrire,
est fort exactement copie sur Yolande d'Aragon, sa bru, et rciproquement. La thorie
de M. Hucher tombe d'elle-mme devant le fait. Mais si nous cherchions, comme
lui, les origines de la figure roturire et simple du roi Ren d'Anjou, peut-tre la
rencontrerions-nous plutt chez sa mre Yolande d'Aragon.
La confusion entre Louis II et Ren n'est pas admissible non plus. Dj Gaignires
avait pris soin de nommer les personnages reprsents dans le manuscrit latin
1156 A, dans une description dtaille qu'il donnait de ce livre d'heures 1. En effet,
aprs en avoir attribu la possession Ren, il ajoutait : Le portrait de Louis, duc
bas,
folio
81,
devise
folio
le
sien
aussi
61,
pre,
d'Anjou,
et
est
avec
sa
au
au
au
son
IS86.
130
Armoire o
l'on serre les ornements gauche de l'autel dans la
a chapelle de Saint-Bonaventure qui est droite du
choeur de l'glise des Cordeliers d'Angers. Elle est orne
des armes et des devises de Ren d'Anjou, roi de
131
latin 17332, on pourrait sans peine lui donner aussi le monarque dcharn dont nous
parlons. Les armoiries, le squelette y sont d'une telle mdiocrit, qu'un roi seul se ft.
permis de gter ce point un manuscrit, comme seul il et os esquisser la tte de vierge
dont nous parlions, la premire page d'un livre d'heures admirable 1. Mais, sans vouloir
discuter plus longtemps ici, nous retiendrons seulement ce fait, c'est que ce mort
couronn fut peint longtemps aprs les autres et par un dessinateur maladroit.
Ceci revient a dire que le portrait de Louis II introduit dans le manuscrit dut y prendre'
place au moment mme o les additions eurent lieu, soit vers 1440 environ, plus de
vingt ans aprs la mort du roi. Le portrait n'est donc pas un original ; sa facture indique
d'ailleurs une copie malaise; les traits du prince y sont dforms, comme nous
l'expliquions ci-devant. Au contraire, l'aquarelle de la Bibliothque Nationale est
merveilleuse de prcision. On sent que l'artiste avait sous les yeux un modle excellent,
qu'il le rendait avec sret et l'interprtait librement. Conserve dans quelque livre,
cette oeuvre aura t comprise dans un inventaire la fin du xve sicle, et aura reu
alors la note manuscrite prcdemment signale. C'est donc l, soit au point de vue
iconographique, soit au point de vue de l'art franais, une des plus belles acquisitions
de la Bibliothque et une des plus curieuses. Elle fixe un point de l'histoire du portrait
en France, et nous donne une physionomie de prince, non plus rduite aux dimensionsexigus de l'enluminure, mais porte la demi-nature, chose bien rare au commencement du xve sicle.
Nous avons rapport plus haut la signature de J. Ballesdens, inscrite au xvne sicle
sur le verso du portrait, au dessous de la note ancienne Roy Loys pre du bon roy
Rgn. Ballesdens tait ce membre de l'Acadmie franaise qui fut le comptiteur du
grand Corneille au fauteuil et fut battu par lui. Littrateur modeste et parfaitement
oubli, Ballesdens devint un collectionneur mrite, un bibliophile distingu. Son
inventaire, publi l'anne dernire 2, nous donne le dtail complet de ses livres et de
ses objets d'art, mais Faquarelle, copie par Gaignires, ne s'y retrouve pas. Aprs sa
mort, survenue le 27 octobre 1675, ses objets d'art furent inventoris et vendus pour le
compte de FHtel-Dieu, lgataire universel, sauf quelques pices donnes des tiers, et
les manuscrits rservs Colbert pour le prix d'estimation. Gaignires, qui commenait
alors ses collections, acheta-t-il cette vente le prcieux portrait? Nous ne le saurions
dire. En tous cas, nous pencherions croire que les raccords furent faits pour le
compte de Bellesdens et que la feuille tait part et non comprise dans un volume de
figures. Si elle et t dans quelque manuscrit, il n'y avait pas de raison pour que
Ballesdens la signt de prfrence ses voisines.
HENRI BOUCHOT.
4. Cette tte de vierge est reproduite "dans Les manuscrits et les miniatures de M. Lecoy de la Marche, p. 227.
%. La Bibliothque d'un acadmicien au xvue sicle.
S'il fallait ajouter foi certaine anecdote rapporte dans le Journal amoureux de
Mmede Yilledieu 1, la construction et la dcoration de la Grotte des Pins auraient t
acheves avant l'anne 1537. En effet, d'aprs cette anecdote, le roi Jacques V d'Ecosse,
qui sjourna cette anne-l Fontainebleau, se serait cach dans un endroit secret de
cette Grotte pour contempler, son aise et avant le mariage, les charmes de la fille de
Franois Ier, la princesse^ Madeleine, laquelle il devait s'unir. Ce serait un joli
chapitre ajouter aux Dames galantes de Brantme, si le chapitre tait vraisemblable.
Si cette histoire s'accorde assez bien avec ce que nous savons des moeurs de la cour du
roi-chevalier, il ne faut pas oublier non plus que la Grotte des Pins n'a jamais t une
salle de bain; cela se conoit, puisque le premier tage de la galerie d'Ulysse, l'extrmit de laquelle elle se trouvait, n'a jamais fait partie des appartements proprement
dits; quant au rez-de-chausse, il tait habit par des gens de service. On sait, d'ailleurs,
que les bains, richement dcors de peintures et de stucs, furent tablis sous la Galerie
de Franois Ior. Mais ce sont l des considrations accessoires qui ne suffiraient pas
trancher la question. Ce qui doit la rsoudre compltement, c'est l'examen de la Grotte
des Pins elle-mme. L'tat dplorable dans lequel elle se trouve aujourd'hui permet
cependant de reconnatre, parmi les stucs de la vote, diffrents emblmes parmi
lesquels figurent des croissants, lesquels croissants ne peuvent tre antrieurs 1547.
C'est donc dans une btisse en construction, termine seulement sous Henri II, qu'en
1537, une princesse est venue taler complaisamment ses charmes.
Il y a dans la Vie du Rosso, par Vasari, un texte sur lequel on a pass trop lgrement. Aprs nous avoir dit que le Rosso nell'architettura fu eccelentissimo e straordinario 2 , Vasari nous parle d'une salle appele le padiglione que le Rosso
dcora de stucs et de peintures 3. Ce pavillon a fort embarrass les annotateurs de
Vasari, et M. Milanesi admet, dans sa dernire dition, qu'il s'agit l de la chambre de
1. Mme de Villedieu, Journal amoureux, d. de
Paris,
133
man
nous trouvons dans le rle de 1540-1550 que Jean le Roux dit Picard et Dominique
Florentin, imagers , firent prcisment vingt-deux tableaux, faon de grotesse,
dedans des compartiments faits de pierres cristallines 3 . Pour qui a vu la Grotte des
Pins et sa vote divise en caissons par des ornements rustiques en pierres transparentes, le rapprochement, l'assimilation complte s'impose. M. Palustre 4, qui cite en
note le texte des Comptes comme pouvant, dit-il, donner une ide du travail qui ornait
la Grotte des Pins, aurait fait ce rapprochement s'il n'avait pas t proccup par l'ide
qu' cette date tout tait termin.
Si ce n'est pas Serlio qu'il faut attribuer la Grotte des Pins, s'ensuit-il qu'il faille
l'attribuer un Franais? Non, assurment, et je crois que M. Palustre lui-mme ne
ferait plus de difficults de le reconnatre, maintenant qu'il est dmontr qu'on ne
peut, en tout tat de cause, en faire honneur Chambiges. Tout esprit non prvenu
n'hsitera pas un seul instant en face de ces colosses dans lesquels les rminiscences
du style de Michel-Ange sont frappantes. Quanta moi, je me refuse absolument y
voir une oeuvre franaise et l'origine du style rustique qui, loin d'avoir t introduit
chez nous par les Italiens, se serait, grce aux matriaux dont on pouvait disposer,
accus pour la premire fois Fontainebleau5 . Car, alors, comment se ferait-il que
ce style rustique n'et pas t plus souvent employ et dvelopp l'excs par les
successeurs de Chambiges, qui, une fois en si beau chemin, ne se seraient pas si facilement arrts? N'oublions pas que l'un des seuls monuments de Fontainebleau,
dont on connaisse l'auteur avec une absolue certitude, est la porte rustique de
l'htel de Ferrare, et Serlio en est authentiquement l'architecte.
Serlio cart, qui empche de penser un autre Italien et, sans chercher bien loin,
1. Renaissance, t. II, p. 221.
2. Vasari, d. Milanesi, t. VII, p. 412 : E bellissima
una stanza chiamata il Padiglione, per essere tutta adorna
con partimenti di cornici, che hanno la veduta di sotto in
su, piena di moite figure, che scortano nel medesimo modo
e sono bellissime. Di sotto poi una stanza grande, con
alcune fontane lavorate di stucchi, e piene di figure tutte
tonde e di spartimenti di conchiglie e altre cose marittime
e naturali, che sono cosa maravigliosa e bella oltremodo\
e la volta similmente tutta lavorata di stucchi ottimamente
per man di Domenico del Barbieri, pittore fiorentino.
134
au Rosso lui-mme, fort capable de donner les dessins d'une semblable dcoration?
Ce nom s'impose, pour ainsi dire, quand on a lu le texte de Vasari; et dans cette
oeuvre tout se tenait, la construction et. la dcoration, dans lesquelles on ne peut rien
relever qui rappelle, de prs ou de loin, le style de la Renaissance franaise.
Puisque nous sommes sur le chapitre de l'architecture rustique, tchons de restituer
qui de droit le portail actuel de la cour Ovale. On sait que ce portail n'a pas toujours
occup cette place. Avant de fermer l'entre de la Cour ovale, o il fut transport sous
Henri IV, il se trouvait dans la cour du Cheval-Blanc, non pas dans l'axe de l'escalier
central, mais plus vers la droite, dans l'axe du passage qui, de la cour du ChevalBlanc, donne accs dans la cour de la Fontaine.
Cette apparente anomalie s'explique sans peine si l'on admet que, lorsque cette
porte fut construite, le grand escalier, que devait btir Philibert de l'Orme, n'existaitpas encore; elle devient inexplicable, au contraire, si l'on suppose que ce portique
date de 1560 ou environ, puisque, cette date, le grand escalier tant construit, c'et
t rompre l'unit de la cour que de mettre dans un coin une construction borgne qui
n'avait plus de raison d'tre ; et c'est prcisment pour ce motif que, sous Henri IV, on
la fit disparatre.
Le texte sur lequel on s'est appuy pour soutenir cette opinion est une phrase de
Ducerceau qui dit que depuis quelque temps le principal du bastiment a est, par le
roy Charles neufime, clos et ferm d'un foss, except la basse court, raison des
guerres civiles . D'aprs ce texte, le foss que nous montre le plan de Ducerceau
daterait de 1561 au plus tt et le portail qui ornait le pont-levis serait de la mme
poque.
Ducerceau ne s'est pas tromp dans ce qu'il a dit, cela est certain; mais quand
il parle de fosss nouvellement creuss, ce n'est pas ceux de la cour du Cheval-Blanc
qu'il entend dsigner, car ceux-ci existaient depuis longtemps. Si, en effet, on se reporte
la planche en lvation de Ducerceau, la vue de la Basse-Court ou cour du ChevalBlanc 2, on voit que ce foss partait du pied de la galerie d'Ulysse et se dirigeait suivant
une ligne parallle la faade jusqu'au ct gauche de la cour, et que l il se continuait
Jeu
actuel
du
de Paume en passant sous l'aile dite des ministres,
le
longeant
mur
en
non pas ciel ouvert, mais sous une vote pratique sous le rez-de-chausse de cette
aile. Comment admettre; alors qu'en 1561 on ait, pour faire passer le foss, abattu une
partie de cette aile pour la reconstruire ensuite sur une sorte de pont par dessus le
foss ? Il et t certainement plus simple de faire passer la ligne des fosss en
avant de la cour du Cheval-Blanc. La conclusion tirer de tout ceci est bien simple. Si
le foss est antrieur 1561, le portail qui garnissait le pont jet sur ce foss est aussi
antrieur cette date; s'il est antrieur 1561, il est forcment antrieur l'arrive
1
bleau.
2. Veucs du logis du cost de Veslm
135
aux affaires de Philibert de l'Orme, en 1547; ce dernier, en effet, n'aurait pas lev ou
laiss lever un monument qui videmment devait faire tort l'escalier monumental
qu'il construisait 1.
Antrieur 1547, ce portail, de style absolument diffrent de toutes les autres constructions du chteau, ne peut tre que d'un architecte qui, cart systmatiquement de toute
la grosse entreprise, s'est rabattu sur de petits ouvrages dtachs o il pouvait
aisment faire prvaloir ses ides sans porter ombrage personne. Dans ce cas, n'est-ce
pas Serlio qu'il faut penser de prfrence tout autre ?
J'en ai fini avec Serlio; je ne lui ai pas fait la part bien large, on le voit ; mais peut-il en
tre autrement puisque lui-mme dplore amrement de n'avoir pas t charg de
quelque grand travail Fontainebleau ?
Le nom de Gilles le Breton mis en avant pour tout ce qui, Fontainebleau, en dehors
des constructions de briques et de la Grotte des Pins, appartient la premire moiti
du xvie sicle, nous parat trs admissible. Nous ajouterons mme son acquit le corps
de btiment qui spare la cour de la Fontaine du Parterre, moins la faade dans la
cour de la Fontaine, qui est un placage de l'poque de Charles IX.
Contrairement ce qu'on a dit 2, ce btiment existait dj quand on diffia de neuf
dans la cour de la Fontaine. Il est facile de s'en rendre compte sur place. Du ct du
Parterre, nous avons affaire un mur en grs portant les mmes moulures que dans
toutes les constructions attribues Gilles le Breton ; du ct de la cour nous trouvons,
au contraire, un mur en pierre de Saint-Leu dont les assises ne se marient nullement
avec le reste de l'difice. Enfin, preuve concluante, le passage vot d'artes, orn
d'lgants culs-de-lampe, qui perce de part en part ce btiment, s'ouvre, comme de
juste, sur le Parterre par une baie en plein cintre, tandis que sur la cour il s'ouvre
par une large baie rectangulaire d'une lvation bien moindre que la vote laquelle
il sert de prface.
Aprs avoir augment de toute une aile de btiment le bagage de Gilles le Breton,
on peut restreindre dans une certaine mesure le nombre des constructions qu'il a leves
ou du moins indiquer les modifications profondes que son oeuvre a subies lors de son
achvement. A-t-on fait une part suffisante Philibert de l'Orme? On avoue, il est vrai,
qu'il est arriv juste temps pour rparer les erreurs de Gilles le Breton et empcher
la galerie de Henri II de s'craser sous le poids d'une vote qu'elle ne pouvait soutenir
en y substituant un plafond caissons. Mais cela seulement l'intervention intelligente
de Philibert de l'Orme s'est-elle borne ?
On ne peut assurment contester Gilles le Breton la paternit de la chapelle SaintSaturnin; la date de 1545, inscrite la vote, indique suffisamment que l'oeuvre lui
1. Le bourrelet qui garnissait le haut du talus du foss
est encore visible au pied du mur du Jeu de Paume et
136
appartient. Ce que je voudrais faire remarquer, c'est qu'il est fort possible que l'abside
de cette chapelle n'offrit pas dans le projet de Gilles le Breton le mme aspect. Il y a
l certains disparates que je ne suis pas le premier remarquer. On ne s'explique pas,
entre autres choses, dit/M. Palustre 1, les larges ouvertures carres du rez-de-chausse
libert
contreforts.
Puis,
premier
tage,
maigres
o
seulement
de
sparent
sa
au
que
est enfin reconquise, pourquoi, au lieu de mnager une succession de retraites qui
eussent fait pyramider son oeuvre, continuer de fond sans dsemparer? Use pourrait
bien que, quand Philibert de l'Orme prit, en 1547, la direction des btiments de
137
ments finement dessins du premier tage, il est impossible d'attribuer les deux
parties la mme main. Il est probable que les travaux de Philibert de l'Orme dans la
chapelle Saint-Saturnin ne se sont pas borns l'lvation d'une tribune; la mme main
qui en a dessin les lgantes colonnes a dessin les contreforts du premier tage,
orns, eux aussi, de colonnes de mme style et destins empcher l'affaissement
d'une vote inconsidrment construite.
L'une des parties de la cour ovale qui ferait, coup sr, le plus d'honneur Gilles le
Breton, s'il tait dmontr qu'il en ft l'auteur, est sans contredit le pristyle. Attribu
ordinairement Serlio, ce qui parat trs improbable, et pour des raisons de style et
pour des raisons chronologiques, on en fait maintenant remonter la paternit Gilles
le Breton. Je ne demanderais pas mieux, pour ma part, que de me ranger cette
opinion, en somme trs admissible. Ce que je ferais toutefois remarquer, c'est que des
deux textes sur lesquels on s'appuie, le premier est excellent, c'est le devis de 1528* ;
mais le second, auquel M. Palustre parat attacher beaucoup d'importance, pourrait
bien ne pas s'appliquer au pristyle. Le grand escalier , dont il est question en
15402, pourrait bien tre la grande vis qui se trouve dans l'angle de la cour ovale, prs
du Pavillon de la Porte-Dore, dite aujourd'hui escalier de Franois Ier. Il n'est peut-tre
pas inutile d'observer, sans entrer dans les discussions auxquelles a donn lieu ce
pristyle pour lequel le texte de 1528 est aussi clair que possible, il n'est peut-tre pas
inutile d'observer que si l'on admettait qu'il est question de cette construction dans le
texte de 1540, la chose tendrait dmontrer que l'oeuvre de Gilles le Breton a pu tre
considrablement retouche : car, dcide dans le devis de 1528, puis dans un nouveau
devis de 1531, non acheve en 1540, elle n'aurait t termine qu'en 1550, alors que
Philibert de l'Orme tait depuis trois ans architecte de Fontainebleau et en mesure
d'imposer ses volonts.
On a vu plus haut que le corps de btiment qui spare la cour de la Fontaine du
Parterre, l'ancien thtre, devait tre restitu Gilles le Breton ou tout au moins
l'ensemble des constructions excutes sous Franois Ier. La faade sur la cour de la
Fontaine n'est donc qu'un placage. Le nom de Serlio mis en avant pour cette faade
est facilement cart pour une raison majeure : elle date de Charles IX. On a substitu
au nom de Serlio, le nom d'un Franais, Pierre Girard dit Castoret. Au risque de
paratre perscuter les artistes franais, on est encore oblig de faire ici de nombreuses
rserves. Oui, Pierre Girard a travaill dans la cour de la Fontaine, comme il a
travaill dans la cour du Cheval-Blanc ; mais sous les ordres de qui a-t-il travaill, c'est
ce dont on parat s'inquiter fort peu. Le Primatice, grand faiseur, ne reculait certainement pas devant le dessin d'une faade. Je ne le donnerai pas pour un grand architecte,
Laborde, Comptes des btiments du roi, t. I, p. 39 :
Item, en l'angle et triangle qui est devant ladite vis du
dit pavillon de mesdits sieurs les enfans, sur et en la cour
1.
GAZETTE ARCHOLOGIQUE.
ANNE 18S6.
jg
138
mais enfin sa collaboration ou pour mieux dire sa direction suffit pour expliquer
l'aspect tant soit peu italien de la faade du thtre. Ces niches, ce double escalier o les
bronzes trouvaient tout naturellement leur emploi, semblent bien prouver que le
Primatice a mis la main la construction tout en faisant certaines concessions, les
lucarnes par exemple, aux habitudes de l'architecture franaise. Et il faut noter qu'il ne
s'agit pas l seulement de la cour de la Fontaine, mais aussi de la faade sur la BasseCour ou cour du Cheval-Blanc, o l'on procde des constructions nouvelles et aussi
une reprise en sous-oeuvre d'une partie des travaux de Gilles le Breton. Le pavillon
central de la cour du Cheval-Blanc est construit dans ce style; le pavillon qui occupe
la gauche de l'escalier est reconstruit en partie et son rez-de-chausse reoit aussi des
niches, tandis qu' la partie suprieure on laisse subsister les constructions en grs de
Gilles le Breton. On peut mme supposer que ce travail de construction, de placage,
de remise neuf devait, dans la pense de celui qui le dirigeait, s'tendre toute la
faade, car il s'arrte brusquement et sans raison apparente, au mpris de la symtrie,
auprs du pavillon central. Htons-nous de dire que l'ensemble n'y aurait pas gagn :
les ordres fantaisistes de Gilles le Breton valent cent fois mieux que le dorique de
pacotille imagin sous Charles IX.
On pourrait discuter pendant de longues pages encore sur ces constructions de
Fontainebleau, dont la rputation, quand on les observe d'un peu prs, semble bien
surfaite. J'arrterai ici cette trop longue tude; en rsum, la part de collaboration de
Pierre Chambiges parat bien incertaine ; celle de Gilles le Breton, trs authentique,
peut tre, sur certains points, amoindrie; quant Pierre Girard, il parat ne pas avoir
t abandonn sa seule inspiration. Enfin le Rosso et Serlio peuvent prsenter des
titres srieux pour deux constructions secondaires. En somme, peu de chose de certain
dans tout cela, sauf pour Gilles le Breton, architecte de second ordre. Si l'on y ajoute
l'escalier et la tribune de Philibert de l'Orme, on n'a pas un total de certitudes bien
considrable; il faut pourtant s'en contenter, car il est fort probable qu'on n'en saura
jamais beaucoup plus long sur Fontainebleau.
EMILE
maon des btiments du roy Fontainebleau , confesse
avoir fait march de faire tous et chacuns les ouvrages
de maonnerie et de taille qu'il convient faire pour le rechangement du grant escalier du dit chasteau
outre le
contenu et march fait avec luy pour raison du dit grant
escallier et de la chappelle du dit chasteau datte du
MOLINIER.
{Suite1).
IV.
VNUS DESSE DE LA MER, OU LA NRIDE GALN.
Divinit porte sur les flots par un taurocampe; je nomme ainsi, par analogie avec
l'hippocampe, ce monstre marin l'avant-corps d taureau dont la croupe, qui se
recourbe en replis tortueux, se termine par une sorte de queue arme de nageoires ;
desinit in piscem. Presque entirement nue, vtue seulement d'une lgre draperie qui
ne couvre que l'une de ses jambes, cette divinit est escorte par cinq petits amours ou
gnies ails enfants. L'un d'eux remplit l'office d'Automdon l'aide d'une bandelette
attache aux cornes du taurocampe, sur le cou duquel il se soutient en voletant, la tte
tourne vers la divinit dont il semble demander les ordres. Celle-ci indique la route
suivre au moyen de cette mme bandelette dont elle tient ngligemment l'une des
extrmits. Dans les airs, un second gnie ail voltige arm d'un fouet; un troisime,
mont sur un dauphin, vogue de conserve avec le taurocampe, tandis qu'un quatrime et
un cinquime se jouent dans les replis de la queue du monstre marin. A droite, une
sche. A gauche, on lit en creux rAYKGJN. Cette signature est grave si peu. profondment, qu'elle ne se distingue pas sur notre reproduction.
Ce came est grav sur une sardonyx trois couches. Le sujet s'enlve en blanc de
deux nuances sur un fond rougetre, tann. L'artiste qui l'on doit ce came a trs
habilement su profiter des nuances de la riche matire dont il disposait pour diffrencier
le blanc laiteux rserv aux personnages, de celui plus fonc qui lui a servi pour les
flots. Hauteur, 42mill.; largeur, 60 mill.
C'est le n 86 du Catalogue des cames et autres monuments exposs dans le
Cabinet des Mdailles'1. Cette pierre, qui faisait dj partie de la collection de Louis XIV
en 1664, provient, selon toute apparence, du legs fait ce prince par son oncle, Gaston,
duc d'Orlans, de ses mdailles, pierres graves et autres rarets, legs qui fut accept
4. Voyez Gazette archologique anne 4885, p. 396
,
401, et 4 886, p. 16 24.
140
par lettres patentes de juin 1663. L'abb Bnigne Breunot, dit de son temps Bruno et
Bruneau, garde des rarets de Gaston Blois, puis du Cabinet du Roi, voyait sur notre
came Europe enleve par Jupiter sous la forme d'un taureaul.
Quelle est la divinit qui parat sur notre came ? Millin, qui le fit connatre le premier
dans sa Galerie mythologique, en 1811, y a reconnu Vnus sur un taureau marin 2; il
a t suivi par la rdaction du Trsor de numismatique et de glyptique, publi sous la
direction de Charles Lenormant3. Cette attribution est autrement acceptable que celle
de l'abb Breunot ; cependant, on pourrait aussi bien voir sur notre came Thalassa,
Tthys, Thtis, Galate, ou mphitrite comme dans le catalogue de 1858, ou enfin et
plutt Galn, fille de Nre et de Doris. Cette divinit, couche sur un monstre marin
auquel elle semble s'abandonner avec la plus complte scurit, reprsenterait trs
bien la Nride, au nom significatif, qui Neptune confiait le soin de veiller sur la
srnit de la mer, comme on l'apprend de l'un des dialogues marins de Lucien qui la
fait parler en ces termes une autre Nride : Je n'assistais pas votre festin, Panop,
Neptune m'avait ordonn de veiller pendant ce temps la tranquillit de la mer 4.
Ce qui donnerait un certain degr de vraisemblance cette hypothse, c'est que l'art
n'a pas nglig cette Nride. On la voit sur un vase peint du Muse de Munich, dsigne
par son nom 5, en compagnie de Neptune, d'Hers et d'Hercule, elle avait sa statue dans
le temple de Neptune Corinthe 6; enfin, dans un petit pome d'Adde, nous possdons
la description d'une pierre grave, un bryl, o elle avait t reprsente par un artiste
nomm Tryphon, que l'on croit contemporain d'Alexandre, mais qui parat avoir vcu
une poque moins recule 7. On pourrait donc admettre que, dans l'antiquit, on et
excut en came une reprsentation de Galn, soit imite du bryl de Tryphon, soit
d'aprs une autre conception; mais quoi bon s'puiser en hypothses? Au pralable,
ne faut-il pas savoir si notre came est antique? Car je ne puis, ni ne veux le dissimuler,
ce monument, qui a t admir comme tel par divers savants, a t dclar moderne
par d'autres.
Aurais-je donc moi-mme des doutes sur l'authenticit de ce came? Avant de
rpondre, qu'on me permette un mot de prface. La composition de la planche o figure
ce monument n'est pas de mon fait; je l'avoue cependant, je ne regrette pas que la
direction de la Gazette archologique m'ait pri d'en rdiger l'explication. Par l je
,
me suis trouv mis en demeure de faire ma profession de foi sur une importante question, celle du jugement de l'authenticit en ce qui concerne les pierres graves, et bien
1. Sur le legs du duc d'Orlans et sur l'abb Breunot,
voyez dans les Nouvelles archives de l'art franais,
t. H, 1873, une dissertation de M. Chabouillet tire part
en 1874 avec additions, sous le titre de Recherches sur les
origines du CaMneldes Mdailles.
141
que je n'aie en ce moment ni assez de loisir, ni assez d'espace pour lui donner tous les
dveloppements qu'elle comporte, je n'ai pas cru devoir reculer devant une occasion
aussi favorable d'en entretenir les archologues; le jugement des oeuvres de la glyptique,
au point de vue de l'authenticit, me paraissant tre une des grandes difficults de
l'archologie.
Les pierres graves conserves titre d'antiques dans les cabinets publics de l'Europe
devraient tre divises en trois classes, au point de vue de l'authenticit. Dans la
premire, se placeraient les pierres munies de titres de noblesse en rgle, celles qui
ont t au Moyen-Age employes la dcoration de croix, de chsses, de reliures de
manuscrits, etc., qu'elles soient encore dans des trsors d'glise ou qu'elles en soient
sorties notoirement, en un mot, les pierres dont on peut prouver l'existence avant la
Renaissance de la glyptique en Italie, c'est--dire avant l'poque o le peintre Victor
Pisano modelait ses premiers mdaillons. C'est la date fixe par Vasari, qui dclare que
c'est sous le pape Martin V, mort en 1431, que les intagliatori commencrent far
bene e dar nel buono, et cette date me parait devoir tre acceptel. A la vrit, Jules
Labarte fait remonter cette Renaissance spciale au dernier tiers du xive sicle, mais
c'est pour avoir attach trop d'importance une assertion de Cicognara au sujet d'un
Florentin, Benedetto Peruzzi, dont il fait un excellent graveur sur pierres, et dont il cite
une oeuvre de l'an 13792. Labarte n'a pas remarqu que Cicognara ne parle de ce Peruzzi
que d'aprs Ammirato, l'annaliste de Florence, qui traite, en effet, ce personnage de
singolare intagliatore di pitre, mais ne mentionne de lui qu'un seul ouvrage, la
contrefaon d'un sceau, celui du roi de Naples, Charles de Durazzo, fourberie dont il
s'tait rendu coupable pour servir une conspiration dans laquelle il tait entr 3. La
gravure, en 1379, d'un sceau qui ne reprsentait, sans doute, que des armoiries, et
tait encore dans le style dit gothique, comme il y en a tant dans le recueil de Manni 4,
n'implique pas ncessairement qu'il ait exist, ds la seconde moiti du xive sicle,
des artistes capables d'imiter avec succs les pierres graves antiques ; aussi suis-je
d'avis qu'il faut s'en tenir l'assertion de Vasari.
Dans la seconde classe, viendraient les pierres qui, quoique prives de lettres de
.
noblesse, exhalent un tel parfum d'antiquit, qu'il est impossible de leur refuser
crance; encore, mme l'gard de ces pierres d'lite, faut-il s'attendre ne pas
rencontrer l'approbation gnrale. Enfin, dans la troisime classe, se presseraient en foule
les pierres sans histoire, dont le travail estimable ou remarquable, n'est ni assez franc,
ni d'un style inspirer la confiance premire vue, en un mot, les pierres qu'un connaisseur hsiterait dclarer antiques. J'ajoute qu'il y a partout des pierres classes soit
1. Vasari, t. IX, p. 236 de I'dit.in-12 de Lemonnier.
2. Labarte, HiM. des arts industriels, 2e d., t. I,p. 24 4.
3. Scipione Ammirato. Istorie florentine, Part. 4, t. II,
lib. xiv : Il cui sugetto il Peruzzi il quale era singolarel
142
parmi les antiques, soit parmi les modernes, qui pourraient changer de place indiffremment au gr des possesseurs.
J'allais oublier de signaler cette multitude de pierres graves, surtout en creux, de
module moyen ou exigu, ;Comme on en trouve souvent dans les fouilles en Europe, et
comme on en apporte journellement d'Asie et d'Afrique. Ces pierres, parfois intressantes au point de vue de l'rudition, se vendent des prix tellement modestes qu'ils
ne seraient pas rmunrateurs pour les faussaires. On ne discute gure sur l'authenticit
des pierres de cette catgorie, et cependant, avant de les allguer l'appui d'une
thorie, encore faudrait-il les examiner srieusement, car mme dans cette foule, que
les amateurs nomment ddaigneusement fretin, ou pierraille, et o se rencontrent
parfois des morceaux prcieux, il se trouve des pierres fausses.
Je ne fais pas un trait des pierres graves, je voudrais seulement indiquer ce qui,
selon moi, s'oppose la'Scurit des savants sur ce point capital, le jugement de
l'authenticit des pierres graves, lorsqu'elles se prsentent sans l'appui de documents
irrcusables.
C'est d'abord une particularit inhrente la nature des gemmes; elles ont un rare privilge; elles ne vieillissent pas. Les sardonyx, les amthystes, les bryls, pour ne
nommer que ces matires, si souvent choisies par les graveurs, nous arrivent parfois
mutiles, n'importe! Si le feu n'a pas calcin ces pierres, si leur surface n'a pas t
dtriore par une brutalit du hasard, elles sont jeunes aprs deux mille ans comme au
sortir de l'atelier du lithoglyphe. Voyez au Cabinet des Mdailles, le came reprsentant
Y Apothose d'Auguste. Le grand came de France ne dissimule pas ses blessures
constates dans de vnrables inventaires, mais ce qui en a t respect par le temps
n'a pas chang depuis le premier sicle de l'empire romain. Il en est de mme des
clbres vases de sardonyx, comme la coupe dite des Ptolmes de notre Cabinet des
Mdailles, la Tazza Varne$e de celui de Naples, et de tant d'autres monuments analogues.
Ce privilge des gemmes enlve au glyptographe le secours que le numismatiste tire de
la patine du bronze, en un mot, cette jeunesse ternelle rend particulirement dlicate
l'apprciation de l'authenticit des pierres graves.
Lorsque s'offre l'examen une pierre grave nue, sans monture vnrable, sans
papiers, si le sujet, la composition, les dtails ne sont pas en contradiction avec les
donnes de la science, en un mot, si rien ne laisse percer le bout de l'oreille du contrefacteur ignorant, sur quoi:baser un jugement? sur le style, sur le travail? Malheureusement, le style et le travail s'imitent, et parfois tellement bien, qu'il n'est pas de connaisseur es pierres graves qui puisse dire ne s'tre jamais mpris. Certes, les autres
branches de l'archologie ont leurs dangers, et le diagnostic n'y est pas chose facile;
mais elles possdent des ressources qui font dfaut l'tude des oeuvres de la glyptique.
Dans la plupart des cas, le numismatiste spare coup sr l'ivraie d'avec le bon
grain; au point de vue spcial de l'authenticit, l'pigraphie et la philologie, devenues
143
des sciences quasi exactes, offrent encore moins de difficults; leurs adeptes rendent,
sur les textes soumis leur approbation, des jugements presque toujours accepts,
parce qu'ils sont fonds sur des lois positives et reconnues par tous.
J'ajouterai que, s'il est facile de prononcer un jugement sur l'authenticit d'une pierre
grave, le mrite de ces jugements est toujours contestable, lorsqu'il s'agit de pierres
sans titres de noblesse, quelle que soit l'autorit du juge, puisqu'il lui est impossible de
l'appuyer sur des lois formelles et universellement consenties. En ce qui concerne notre
came, je crois pouvoir le dire, sa condamnation me parat discutable, non seulement
au point de vue proprement archologique, mais encore celui plus arbitraire du sentiment de l'art ou du got.
Je suis loin de nier qu'il ne puisse se trouver dans le Cabinet de France, comme dans
les autres cabinets de l'Europe, des pierres dont l'authenticit soit inattaquable ; ce que
j'espre prouver, c'est qu'il est beaucoup plus difficile, beaucoup plus dlicat de distinguer les antiques des modernes et vice versa qu'il ne l'a sembl certains rudits.
L'Italie de la Renaissance a produit en grand nombre des monuments de tous genres
offrant des sujets imits de l'antiquit. Guids par des rudits, comme il y en avait
tant aux xve et xvi sicles, les artistes italiens se plurent imiter l'antique et y russirent souvent de manire faire illusion. On connat l'histoire, atteste par des textes,
de la statue de Cupidon endormi, oeuvre de Michel-Ange, qui fut vendue Rome
comme antique et passa pour telle pendant plusieurs annes. On en citerait cent autres
pareilles. C'est l'aurore du xvi" sicle, au moment de la ferveur encore peu claire pour
les monuments de l'antiquit, que beaucoup de pierres graves modernes s'introduisirent
comme antiques dans les collections royales ou princires, tandis que d'autres y taient
admises comme oeuvres d'art et au mme titre que les tableaux reprsentant des sujets
emprunts aux potes ou aux historiens profanes. Les pierres antiques et les contrefaons s'entassrent ple-mle, sans classification, dans ces cabinets; avec le temps,
les origines, les provenances s'oublirent, et le peu de svrit de la critique aidant,
les pierres d'imitation se confondirent avec les vritables, tant et si bien que, dans des
ouvrages rudits, comme le Musum florentinum de Gori 1, on voit clbrer comme
de vnrables monuments de l'antiquit, nombre de pierres qui datent du xvi sicle.
Combien en compterait-on dans les anciens ouvrages sur les pierres graves, comme
ceux du trop fameux baron de Stosch 2 et de Bracci 3 sur les pierres signes, et mme
dans des livres didactiques comme le Trait des pierres graves de Mariette,
1. Les pierres graves de Florence remplissent deux
volumes, publis en 1731 et 1732, du Musum Florentinum.
2. Gemma: aniiquoe coelaloe scalptorum nominibus insignilm, etc. (1 vol., f, 4724.) Une anecdote, conte par le
prsident de Brosses, montre que le baron de Stosch
n'avait pas trs bonne rputation en France ; il y est
accus d'avoir drob, aval, puis restitu grce une
dose d'mtique, dans le Cabinet des Antiques du Roi
144
la
n'y
seule
les
cabinets
d'une
Bacchante,
tte
dans
tous
avons
que
nous
:
presque
en
a
belle.
quoiqu'elle
soit
douteuse,
qui
parat
Aprs avoir entendu Winckelmann parler avec cette assurance nave de la collection
d'un gentilhomme marchand, qui comprenait plus de 3,000 numros, et o forcment
abondaient les pierres mdiocres et les modernes 3, comment s'tonner qu'il soit entr
dans les plus illustres cabinets tant de pierres qui aujourd'hui paraissent au moins
douteuses aux observateurs expriments.
Pour viter de telles intrusions, il aurait fallu qu'il se rencontrt, au xvi sicle, un
archologue dont le sens critique et devanc ses contemporains de 200 ans !
Combien un srieux examen aurait-il ajout de pierres fausses cette tte de Bacchus
signale seule et regret par Winckelman comme suspecte parmi les 3,191 de la collection du baron de Stosch? C'est seulement la fin du sicle dernier que je rencontre deux
savants illustres s'avisant de parler de la prudence avec laquelle il fallait se prononcer
l'endroit de l'authenticit des pierres graves. L'un de ces savants, c'est Eckhel, le conservateur du Cabinet imprial de Vienne, qui l'on doit, indpendamment de tant
d'excellents ouvrages en latin ou en allemand, un beau volume sur les principales pierres
graves de l'Empereur, qu'il crivit en franais, la langue vivante la plus rpandue en
4. Je connais deux ditions du catalogue des empreintes
de Lippert; l'une en allemand, Daclyliothech, etc., in-4,
4755; l'autre en latin, Daclylietheca, 2vol. in-4, 1767.
Selon M. King (Anlike gems and rings, t. I, p. 460),
Dehn, aprs avoir t le factotum du toron de Stosch, forma
une collection d'empreintes dont il publia le catalogue
en 1772. Quanta la collection d'Alexandre Cads, de
Rome, je n'en connais pas de catalogue imprim; on
trouvera des informations sur cette collection dans le livre
de M. King, p. 461 mais je dois dire que je regarde
,
comme fausses, pour les avoir vues en nature, bien des
pierres dont elle contient les empreintes.
2. On ne devrait cependant pas oublier qu'il fut mystifi par le peintre Jean Casanova, qui lui fit prendre pour
antiques des peintures de sa faon, habilement excutes
145
Europe 1. Que l'on veuille bien lire la seconde page de Vavant-propos et la note 3 de la
page 43 de ce livre, et l'on y trouvera en germe ce qu'il y aurait dire ce sujet, et notamment l'expression de doutes sur l'authenticit de certaines signatures d'artistes. Le second
des savants dont je veux parler, c'est l'abb Barthlmy. Bien qu'il ait eu peu d'occasions
de s'occuper des pierres graves, celles du Roi n'ayant t confies sa garde que peu
d'annes avant sa mort 2, Barthlmy professait sur la question de l'authenticit des
pierres graves des opinions analogues celles de son collgue de Vienne.
C'est l'auteur du Voyage du jeune Anacharsis en Grce qui, propos de la collection
de pierres graves de Florence, que le bon Mariette venait de clbrer avec trop
d'enthousiasme3, crivait au retour de son voyage en Italie., en 1754 : Il y en a beaulettre
lui
dans
qui
mdiocres
4.
C'est
de
plus
de
modernes
et
une
encore
encore
coup
du 27 octobre 1787, cite ici mme 5, prconisait la rserve l'endroit de l'authenticit des
pierres graves. On devait aller plus loin. A un rudit allemand, tabli Saint-Ptersbourg, H. K. E. Koehler, appartient l'honneur d'avoir, l'un des premiers, attir courageusement la critique sur le terrain de la glyptique. Je ne marchanderai pas les loges
cet rudit qui a eu le mrite de signaler certains cueils que l'on ne voyait pas ou que
l'on ne voulait pas voir, mais j'oserai dire que sa prsomption lui a fait faire des bvues
aussi grossires que celles qu'il a durement reproches ses devanciers ou ses mules.
Nous le verrons nier formellement l'antiquit d'un came de premier ordre, du
Cabinet de France, que nous reproduisons sur notre planche 3 sous le n 1, et
dont nous esprons dmontrer l'authenticit. La divulgation d'une telle erreur, et ce
n'est pas la seule que l'on puisse reprocher Koehler, diminuera peut-tre l'autorit que
l'on a trop longtemps accorde aux jugements de cet rudit.
Millin, qui a publi le premier ce came, on l'a vu, termine ainsi l'article qu'il lui
a consacr dans sa Galerie mythologique. Ce beau came appartient la Bibliothque Impriale. Ce monument a t reproduit d'aprs la planche de Millin dans
l'atlas de la traduction del Symbolique de Creuzer 6. Dans son catalogue des artistes de
l'antiquit, Sillig a donn place au graveur Glycon, en raison de la signature de notre
came 7. M. Ludolf Stfani, le savant conservateur du Muse de l'Ermitage Saint4. Choix des principales pierres graves du Cabinet
imprial des antiques, 4788, in-fol. L'loge de notre
langue se trouve l'avant-dernire page de Y avant-propos;
Eckhel ne rougissait pas de se servir de la langue franaise
comme Winckelmann (prface du catalogue Stosch), qui
prtendait que notre nation n'tait pas du tout faite pour
s'appliquer au solide. [Lettres de Winckelmann, dit.
d'Yverdon,t. I, p. III, cite par M. F. Dumesnil, dans sa
notice sur Winckelmann, t. V, de son excellente Histoire
des plus clbres amateurs trangers, p. 481.)
2. Les pierres du Roi ne furent apportes de Versailles
au Cabinet des Mdailles qu'en 4791, et l'abb Barthlmy
mourut g de prs de 80 ans, en 1795.
GAZETTE ARCHOLOGIQUE. ANNE 1886.
19
146
Ptersbourg, qui, dans un mmoire sur quelques noms douteux de graveurs de l'antiquit, refuse d'admettre la signature Glycon, dclare cependant, contrairement l'opinion de Koehler, que la reprsentation pourrait bien tre antique 1. Le comte de Clarac
tenait notre came pour antique 2 ; Raoul Rochette le nomme l'un de nos plus beaux
cames 3; Marion du Mersan le comprend parmi les antiques du Cabinet de France 4;
on en trouve une excellente reproduction dans le Trsor de numismatique et de glyptique publi sous la direction de Charles Lenormant 5; il figure parmi les antiques dans le
Catalogue des cames, etc. du Cabinet de France, de 1858, o je l'ai qualifi l'un des
]jlus remarquables de la collection impriale*, enfin, c'est le regrettable Franois
Lenormant qui, peu de temps avant sa mort, le choisissait pour figurer sur la planche,
grave d'aprs ses instructions, dont nous nous occupons.
Eh bien! ce came, si souvent cit comme antique, n'en a pas moins t condamn
par plusieurs savants, et en premier lieu, je crois, par Koehler, dont voici l'arrt traduit
littralement :
came de grandeur plus qu'ordinaire de la collection
Millin a fait connatre un
Glycon,
de
l'ouvrage
d'un
pierres, dont il crit le nom
Paris,
royale
de
graveur
comme
de
la
vilaine
forme
des
caractres
de
la
manire
raison
Ce
et
rAYKCON.
superen
nom,
ficielle dont ils sont gravs, est moderne, aussi bien que la composition qui est
Vnus. Elle est reprsente comme desse
mauvaise et que l'excution sans got de la
plusieurs amours. C'est le
de la mer, assise sur un taureau marin et accompagne de
travail d'un graveur du xvi ou xvne sicle, qui a encore moins russi la desse que les
ce
accessoires 7.
Koehler, ce juge si svre, n'aurait-il connu notre came que par la planche de Millin ?
Je serais tent de le croire, la manire dont il en parle; en tous cas, il n'a pas
remarqu une inadvertance de notre compatriote, car il ne lui reproche pas d'avoir
crit TAVKflN dans son texte, un nom grav rAYKCON sur la planche, comme il l'est sur
le came.
Depuis Koehler et toujours d'aprs la Galerie mythologique de Millin, notre came
a t reproduit dans les Denkmaeler der alten Kunst d'Ottfried Mller et Friedrich
Wieseler. L, le jugement de Koehler parat avoir t adopt; mais alors pourquoi
avoir fait figurer dans ce livre un monument tenu pour moderne 8? D'autres encore ont
crit sur ce monument ; ne pouvant ni rechercher, ni citer tous ces auteurs, aprs avoir
147
148
large et vigoureux dos de sa monture et retient pour la forme la bandelette qui lui sert
la fois d'appui et de rnes? N'est-ce pas un tableau charmant? Cette grce, cette
recherche de la grce sont ici pousses tel point que c'est ce qui pourrait faire douter
de l'antiquit de notre carne par qui ne se souviendrait pas que nombre de compositions antiques sont traites avec l'lgance coquette, si trangement taxe de mauvais
got et de maladresse par MM. Brunn et King. Une des plus clbres peintures de
Pompi, celle que l'on a souvent nomme le Triomphe de Galate et qui a t dcouverte en 1831 dans la maison 'Ariadtie ou des Chapiteaux coloris 1, montre une
Nride la tte ceinte d'une couronne radie, assise sur la croupe d'un Triton qui joue
de la lyre, dans une pos abandonne comparable celle de la divinit de notre came.
Galate, Amphitrite ou Vnus reine de la mer, cette divinit, vtue seulement, ainsi
que celle de notre came, d'une draperie qui, de mme, ne cache que l'une de ses
j ambes, est escorte par une Nride portant un vase et par trois amorini, dont l'un
assis sur la queue du Triton lyricine l'accompagne sur la flte, tandis que les deux
autres disposent pour leur reine, au moyen de sa draperie ou de son ampechonium,
une voile que deux vepts enflent l'envi 2. Il est impossible de mconnatre une frappante analogie entre le sujet, la composition, le style et mme certains dtails de la
peinture de Pompi et ntre came. L'analogie est telle que l'on comprendrait que l'on
et accus l'artiste du xvf ou du xvn sicle qui l'on veut attribuer ce came 3, de s'tre
inspir de ce charmant tableau ou d'autres sujets de ce genre peints ou sculpts, mais
ce n'est pas ainsi que l'entendent Koehler, M. le Dr Brunn et M. King. Se contentant de
refuser tout talent l'auteur de notre came, ils n'ont pas song l'accuser de plagiat;
c'est fort heureux. En effet, comme notre came est connu au moins depuis 1644, c'est-dire plus d'un sicle avant la rsurrection de Pompi, et comme au xvie sicle, et
mme au commencementdu xvn6, on ne connaissait gure de monuments aussi instructifs que les peintures des villes vsuviennes, on pourrait voir dans l'analogie que je
signale un argument favorable pour ceux de mes devanciers qui le tiennent pour antique
et n'ont pas suppos que son auteur et pu se rencontrer fortuitement avec l'antiquit.
Discutons maintenant ls dires de leurs contradicteurs au point de vue techniquement
archologique. Les piedsi de devant du taureau n'indiquent pas sa nature marine, et
c'est l une preuve terrible de la modernit du came aux yeux prvenus de M. le Dr Brunn.
Je n'attache pas autant d'importance ce dtail, d'abord parce que je ne connais pas de
description scientifique de l'animal auquel je donne le nom de taurocampe, mais surtout
parce qu'il me parat aussi singulier de s'inquiter de cette prtendue faute qu'il le serait
de dfendre l'orthodoxie le la mythologie de certaines peintures antiques. Diodore de
1. M. Fiorelli nomme cette divinit Vnus, Venere
valicandoil mare. (Descrizione di Pompi, 1875, p. 219.)
2. Real MuseoBorbonic, t. XII;, pi. xxxn. Zahn,Les
149
Sicile, il y a prs de 2,000 ans, ne disait-il qu'il ne faut pas chercher une vrit rigoureuse dans les fablesl ?
D'ailleurs, il existe beaucoup de reprsentations incontestablement antiques, peintes
ou sculptes, de taureaux et d'autres animaux marins qui ne sont pas conformes aux
rgles supposes par M. le Dr Brunn. L'hippocampe qui, sur un miroir possd jadis
par le vicomte H. de Janz, porte une Nride, pose aussi tmrairement que notre dit,
n'a pas non plus de nageoires aux pieds de devant 2. Une admirable peinture du Muse
de Naples, provenant de Stabies, montre une bacchante porte sur la mer par une panthre, un tigre si l'on veut, dont les pieds de devant ne rvlent pas la nature marine 3.
Il n'est mme pas besoin d'aller aussi loin ; sans sortir de Paris, dans notre Muse du
Louvre, que l'on veuille examiner certains sarcophages dont les bas-reliefs reprsentent
des scnes maritimes, Nrides portes par des monstres marins, hippocampes, lions,
cerfs, bliers, taurocampes, et l'on se convaincra que leurs pieds de devant sont souvent
dpourvus de nageoires 4. En mme temps, on reconnatra que ces Nrides sont assises
aussi maladroitement que la divinit de notre came, c'est--dire, selon moi, dans des
attitudes de la plus gracieuse tmrit. Dcidment, ce n'est ni le mince dtail de
l'absence de nageoires, ni la prtendue maladresse de la pose de la desse qui pourraient
faire douter de l'authenticit du monument qui nous occupe, et dont la proscription, si
elle tait accepte, entranerait celle de bien des pierres analogues.
En effet, dans les plus illustres cabinets, il est beaucoup de pierres graves dnues
de parchemins, aussi bien que notre came, qui encourraient la mme condamnation
pour tre coupables de qualits semblables celles dont on lui a fait des crimes. Cette
grce, cette recherche, on les admire lorsqu'elles se montrent sur des peintures ou des
bas-reliefs dont l'tat civil est solidement tabli ; pourquoi les mconnatre lorsqu'on les
rencontre sur des gemmes? Sans revenir sur ce qui a t dit cent fois des phases diverses
de l'art travers les sicles, je voudrais montrer par deux exemples frappants que les
graveurs de pierres fines suivaient la mode aussi bien que les peintres et les sculpteurs,
et qu' certaines poques, telles de leurs oeuvres taient aussi loin de la mle svrit
de la haute antiquit que les concctti de certaines pices de l'Anthologie grecque le
sont de la posie homrique. Un de ces exemples m'est fourni par une communication
apporte l'avant-dernier Congrs des Socits savantes la Sorbonne, par M. l'abb
Arbellot 5.
Dcrivant une oeuvre intressante de l'orfvrerie de Limoges au Moyen-Age, une
chsse de l'glise de Bellac, enrichie de pierres prcieuses dont plusieurs graves, le
1. Diodore, iv, 8.
150
d'Amours*.
Le second des exemples annoncs m'est fourni par un came, indit, si je ne me
trompe, que je croirais sorti d'un atelier voisin de l'Htel de Rambouillet, s'il ne m'tait
connu que par une description, mais que, l'ayant vu en nature, je crois pouvoir considrer comme antique, en dpit de l'extrme recherche de son sujet. Vnus est reprsente sur ce came, demi-nue, assise sur un rocher, arme d'un arc et dcochant
une flche qui n'est autre que l'Amour enfant lui-mme. Devant la desse, un labrum
o boivent deux colombes ; derrire, une colonnette. C'est une sardonyx deux couches
de 0 m 38 de diamtre. La Vnus se dtache en blanc sur un fond isabelle ; les draperies
sont prises dans cette couche. Le travail est mou par places, surtout dans les dtails;
cependant l'aspect est sduisant. La figure de la Vnus est d'un bon style; peut-tre
pourrait-on placer l'excution de ce came aux derniers temps de la rpublique romaine.
La pierre est perce et doit avoir t porte.
J'ignore le sort actuel de ce came qui pourrait tre en Angleterre; je sais seulement
qu'il a t rapport d'Afrique, il y a environ vingt ans, en mme temps qu'une importante collection d'antiquits 2 par un savant consul gnral de France, M. Delaporte, qui
destinait ce joyau l'Empereur Napolon III. Grce la bienveillance de M. Delaporte,
j'ai examin loisir ce prcieux petit monument, dont malheureusement je n'ai pas de
dessin; mais, je le rpte, sans prtendre qu'on doit s'en rapporter moi, je le tiens
pour antique bien qu'il n'ait pas de parchemins. Le fait d'avoir t rapport d'une rgion
o l'on a souvent trouv des pierres graves de bon aloi, sa prsence chez un trs
honorable reprsentant de la France, au milieu d'une collection d'objets d'authenticit
reconnue, sa bonne mine, son travail, l'exactitude de certains dtails, la forme du
labrum, par exemple, tout cela me parat plaider loquemment en sa faveur. La singularit du sujet est encore un argument qu'on pourrait opposer ceux qui seraient tents
de croire ce came moderne; un falsificateur aurait-il risqu une conception aussi hardie?
l'aurait-il excute aussi heureusement? Et cependant, si ce falsificateur avait t rudit,
Y Anthologie lui aurait fourni un sujet que l'on pourrait en rapprocher en nous montrant
jusqu'o l'antiquit poussait le got des concetti.
4. La Marchande d'Amours, dcouverte au sicle dernier,
Stabies, a t publie d'abord en 1762 dans le grand
ouvrage des acadmiciens d'Herculanum, Pillure,t. III,
pi. XLI, puis dans le Real Museo Borbonico, 1.1, pi. m,
dans le recueil Herculanum et Pompi, etc., par Barr et
Roux, t. I", pi. m. Ce charmant tableau, o la marchande lient en cage deux amours, a t popularis par des
images que l'on vend Naples bas prix. Je n'ai pas sou-
151
Environ un sicle avant J.-C, le pote Mlagre crivait l'pigramme que voici :
de
ballon.
qui
possde
joueur
L'Amour
A toi, Hliodore, il lance le coeur qui
est
me
un
Allons,
laisse
le
dsir
palpite
dans
sein.
prendre part au jeu. Que si tu me rejettes
mon
n214.)
i52
un falsificateur au passage
o Pline nomme un arliste de ce nom dont il sera fait mention ici mme. Lorsque
j'mettais cet avis sur la signature des pierres graves, je n'oubliais pas le reproche
d'inconsquence qui pouvait m'tre adress pour avoir enregistr sans sourciller dans
mon Catalogue de 1858, cette mme signature Glycon que je condamnais formellement,
comme je la condamne encore aujourd'hui. Je l'oubliais si peu que je rpondais d'avance
cette objection, en confessant qu'en 1858 je ne me croyais pas libre de dire.mapense
ce sujet. Au moment o je publiais le Catalogue des Cames du Cabinet des
Mdailles, un sentiment de dfrence que chacun comprendra me permit peine de
laisser entrevoir mon scepticisme l'endroit des signatures d'artistes sur les cames,
par une observation propos de celle qui se lit sur le came reprsentant un griffon,
n 16 de ce Catalogue, laquelle, disais^je, pourrait bien avoir t ajoute par une main
moderne 2.
D'ailleurs, dans ce mme rapport de 1880, je dclarais ne pas reconnatre une seule
signature indubitable sur les 257 cames rputs antiques du Cabinet National, o aprs
tout, il n'y en a que deux 3, et j'ajoutais que sur nos 1,758 intailles, o il n'y en a que
neuf (bonne note pour la collection), je n'en admettais que quatre avec scurit 4.
Aujourd'hui, endurci dans mon scepticisme ce sujet, je regarde plus que jamais
comme douteuses toutes les signatures soit en creux, soit en relief sur les cames, et
en ce qui concerne les intailles, si je ne condamne pas les signatures des quatre pices
signales par moi-mme comme indubitables en 1880, je dois dire que de celles-ci
mmes, il n'en est qu'une qui doive tre regarde comme obligatoirement authentique 5.
Je parle de la signature d'Evodus, sur l'aigue-marine reprsentant Julie, fille de Titus.
Avant tout, il faut observer que, sur cette pierre, le nom d'Evodus n'est pas seul et au
gnitif, comme sur les trois autres o il faut supposer un sous-entendu comme Ipyov;
ici, le nom propre, crit rebours, au nominatif et suivi d'un verbe, forme une phrase
qui ne laisse pas prise l'quivoque, EYOAOC ETTOIEI, Evodus a fait, tandis que les
noms au gnitif et isols, pourraient, en certains cas, tre considrs, non comme la
signature du lithoglyphe, mais comme indiquant une reproduction dune oeuvre clbre
de peinture ou de sculpture. Ainsi, ne pourrait-on pas supposer que notre Achille
citharde soit une copie antique sur amthyste d'un tableau du peintre Pamphile, aussi
bien que la cornaline avec la mme signature, reprsentant le mme sujet, de la col1. Voyage pittoresque en Grce, t. 1, pi. xvi, p. 155;
Millin, Galerie mythologique, t. II, p. 94, pi. cxv, n 604.
2. Sur ce fragment de came on lit en creux les
vestiges d'une signature : MIAIOT.
3. Celle de Glycon, n86, et celle du n 16 cit tout
l'heure.
4. Loc.cit., p. 332.
153
lection des ducs de Blacas, aujourd'hui au British Musum. On sait que le peintre
Pamphile, grand dessinateur suivant Quintilien, fut le matre d'Apelles selon Plinei.
En parlant avec autant d'assurance de l'authenticit de la signature d'Evodus, je ne
m'appuie ni sur l'aspect de la pierre o nous la lisons, ni sur mon apprciation du
mrite de cette oeuvre que chacun serait en droit de discuter, c'est sur sa prsence
dans le trsor de l'abbaye de Saint-Denis longtemps avant la renaissance de la glyptique. On le sait, cette aigue-marine, encore enrichie de sa vnrable monture du
Moyen-Age, dcorait un ancien reliquaire nomm, dit Flibien, Yescrain ou Yoratoire
de Charlemagne, et YEscran dans le seul de ces inventaires qui subsiste, celui de
1634, o je copie cette mention : Sur le milieu de la creste de la bande d'en
hault un fermillet d'or attach debout garny au milieu d'une grande aigue-marine
teste de femme la mode antique prise quarante escus par ledit recollement que
les dits experts ont dit estre aigue-marine en forme d'antique qu'ils ont prise
mil livres... m. 2 On reconnat parfaitement cette teste de femme l'antique sur
la planche de Y Histoire de l'Abbaye de Saint-Denis, o Dom Flibien a reproduit le
reliquaire de Charlemagne 3. Or, comme cette pierre est venue de Saint-Denis au Cabinet
des Mdailles en 1791, il est impossible d'en contester l'authenticit; quant celle de la
signature, elle est galement certaine. En effet, pour en douter, il faudrait supposer
l'absurde, c'est--dire qu'on l'aurait ajoute dans le monastre mme, au moment de
la Renaissance. On peut donc rsolument tenir la signature d'Evodus sur notre pierre
comme inattaquable, et ceci est de grande importance; car cette pierre, ft-elle unique
dans ces conditions, suffirait nous apprendre que si les dactylioglyiihes signaient
rarement leurs oeuvres, ce n'tait pas que cela leur ft interdit, du moins partout et
toujours, mais sans doute parce qu'ils ne prenaient ce soin que lorsqu'il s'agissait
d'oeuvres importantes, et c'tait certes le cas lorsqu'Evodus terminait le portrait de la
fille de Titus, de lanicedeDomitien, et cela sur une grande et belle matire. D'ailleurs,
le le rpte, je ne prtends pas affirmer que la pierre d'Evodus soit seule possder une
signature authentique. Il m'en revient une autre en mmoire qui, comme celle-ci,
4. Quint. De institut oralor, XII, 40. Pline, Ilist. Nat.
XXXV, 40. Dj en 4858, Cal. du Cab. des md., j'indiquais rapidement cette conjecture sur laquelle je ne puis
m'tendre ici.
2. Archives Nationales. (Registre LL 4327, f 20 v.)
Cet inventaire en reproduisait sans doute de plus anciens,
sauf les changements ncessaires. Sur cette question, voyez
une note de Jules Labarte, Histoire des Arts Industriels, 2e
dit., 1.1, pi. 246.
3. Pi. iv, lettre C, p. 542. Le savant bndictin ne
parle pas de la signature d'Evodus dans sa brve description du reliquaire et de l'aigu marine qui en dcorent le
fate, mais Doublet, qui dans son Histoire du clbre
monastre, publie en 1625 c'est--dire bien avant celle
,
de Flibien qui date de 4706, n'a pas omis cet intressant
GAZETTE AKCHOLOGIQDE. ANNE 1S8G.
154
EIAMENOI I
ETTOIE
XI02
155
pierre qui fut le troisime des cachets du premier des Empereurs et dont les successeurs
continurent faire usage au rapport de Sutone 1; en mme temps, cette signature nous
apprendrait crue cet Eutychs tait d'Ege de Cilicie, et par cela mme que cette ville
tait trs probablement la patrie de Dioscoride; il en existe diverses leons; en la supposant antique, elle aurait t ainsi conue :
EYTYXHC
AIOCKOYPIAOY
AIPEAIOC EnOI
El
a fait 2.
Longtemps accepte, la signature d'Eutychs ne trouva pas grce devant Koehler qui
dclara qu'elle dshonorait cette belle pierre 3, mais l'authenticit de cette signature
trouva des dfenseurs ; cependant, elle serait reste suspecte, s'il ne s'tait produit un
vnement, sorte de Deus ex machina, qui parut dcisif en sa faveur, la rvlation
d'un document des plus curieux. En 1853, M. de Rossi, l'illustre archologue romain,
dcouvrit au milieu des manuscrits de Cyriaque d'Ancne, la Vaticane, la mention
remontant l'anne 1445, d'une intaille sur cristal, reprsentant le portrait
d'Alexandre le Grand, qui aurait t donne par Cyriaque un amiral vnitien Berlutio Delphinoi. Selon ce document, on lisait sur cette pierre :
EYTHXHC
AIOCKOYPIAOY
AIPEAIOC EI70I
El
Peu de temps aprs, M. de Rossi, continuant ses recherches fructueuses la Vaticane , y dcouvrit, dans un autre recueil, une lettre manuscrite, en latin, comme la prcdente mention, contenant des dtails circonstancis sur une pierre grave qui ne peut
tre que celle dont parlait le premier document et la fit connatre la mme savante
compagnie 5. Je ferai remarquer cependant que si, cette fois, il est encore question d'un
amiral vnitien, cet amiral n'est pas nomm Bertuccio, mais Giovanni, et que la transcription de la signature n'est pas identique celle que l'on vient de lire. Voici cette
seconde leon :
EYTYXHC
AIOCKOYPIAOY
AITEAIOC ETTOI
El
Sutone, Auguste, 50.
2. Cette forme de l'ethnique d'Aege de Cilicie est
celle des monnaies de cette ville. (Voyez Mionnet, t. III,
p. 529 et suiv., et t. VII du Supplment, p. 152 et suiv.).
3. Gesammelte Schriften, etc. (T. III, p. 148.)
4. Bullettinodell' Instiluto dicorrispondenzaarcheologica.
1.
(V. anne
156
Ici, Y H fautif du nom dIutychs est remplac correctement par un Y, ainsi que l'A
fautif de la dernire syllabe de AIOCKOYPIAOY l'est par un A 1.
On me trouvera peut-tre sceptique, je confesserai cependant que ces documents,
absolue
l'gard
m'inspirent
confiance
sicle,
xve
remonter
ne
une
pas
au
pour
de la sincrit de cette signature trop intressante. Je ne la condamne pas; j'expose
simplement les motifs de mes inquitudes. Et d'abord, si l'on usurpait le droit de juger
seul un tel procs, encoreSfaudrait-il avoir sous les yeux le corps du dlit? Or, o est la
pierre grave mentionne par les documents dcouverts par M. de Rossi?
Nul ne le sait. On ignor;O elle est alle lorsqu'elle sortit des mains de l'amiral vnitien Delfin {Bertuccio ou Giovanni) ou de ses hritiers; on a suppos que c'est la pierre
publie par Stosch en 1724;2, comme se trouvant alors Rome, dans la collection de la
conntable Colonna, ne princesse Salviati, et que ce pourrait tre celle-l mme qui
arriva dans le clbre cabinet de pierres graves du troisime duc de Marlborough, o
des merveilles taient mles, ne l'oublions pas, des monuments bon droit suspects.
Or, aucune de ces hypothses n'est prouve. Au sujet de la gnalogie de la pierre
Marlborough, dans l'article qui lui est consacr par l'auteur du texte du grand ouvrage
contenant un choix des plus importants morceaux de cette collection, publi par le possicle,
d'une
dit
Stosch
lui-mme
pierre
lit:
Voici
qu'avait
fin
la
du
xvme
ce
on
sesseur
semblable ou, comme le pensent quelques-uns, de cette mme pierre, etc. Il est donc
clair que le duc de Marlborough lui-mme n'affirmait pas qu'il possdt la pierre de la
conntable Colonna, et ceci serait-il prouv, qu'il ne le serait pas que celle-ci venait de
l'amiral vnitien mentionn par Cyriaque d'Ancne.
On trouvera la pierre en|juestion figure dans les Marlborough gems, planche xu du
tome II, o l'inscription a;t reproduite ainsi par le graveur :
EYTTXHC
AIOCKOYPIAOY
AiriAIOC
et contredits relatifs
157
car si l'auteur du texte n'a pas transcrit l'inscription, il l'a traduite dans le titre de
l'article : Minerve, ouvrage d'Eutychs, Egen, fils de Dioscoride 1. M. Maskelyne,
dans son catalogue de la collection Marlborough, publi en 1870, a reproduit ainsi cette
inscription :
EYTYXHC
AIOCKOYPIAOY
AIPIAIOCETT
et l'on peut s'en rapporter ce savant aussi fin connaisseur que consciencieux 2.
Voici bien des incertitudes, soit sur la pierre possde par l'amiral Delfin qui parat
perdue, soit sur le texte de l'inscription dont nous avons diverses leons et qui donnerait tant d'intrt ce monument si son authenticit tait dmontre, ce qui n'a pas
encore t fait, selon moi, et ce qui explique les doutes que j'ai conus son sujet et
par consquent celui de la pierre Marlborough, doutes sur lesquels il me faut m'expliquer.
En Italie, au xve sicle, nous ne sommes pas en plein Moyen-Age, comme en France,
Saint-Denis, l'poque recule qui vit excuter la vnrable monture de la pierre
d'Evodus. En 1445, on tait dans la ferveur de la Renaissance des lettres et des arts;
Florence et Venise rgnait le plus vif enthousiasme pour l'rudition et particulirement pour le grec. A cette poque, il y avait dj cinq ou six ans que Pisano, le grand
mdailleur de Vrone, avait model la mdaille de l'empereur Jean VII Palologue,
laquelle date ncessairement de 1438 ou 1439, poque du sjour de ce prince en Italie o
il tait venu pour le fameux concile de Florence et de Ferrare. On le sait, sur cette
curieuse mdaille que l'auteur a signe en latin et en grec, on lit les noms et les titres du
personnage reprsent, en grec et avec les accents 3.
Un peu plus tard, mais toujours au xve sicle, le peintre vnitien Jean Bold signait
aussi parfois ses mdailles en grec 4, et c'est en cette langue que nous lisons sur une
mdaille le nom de rerudit Vnitien du xve sicle, Andr Contrario 5. Dans un pareil
milieu, serait-il surprenant que la signature en question et t ajoute sur une pierre
peut-tre antique, soit par les soins d'un de ces rudits, qui croyaient servir la science
en fabriquant de l'antique, soit moins innocemment par un faussaire en vue d'avantages
1. Le texte de cet ouvrage est en latin et en franais. En
voici le titre dans notre langue : Choix des pierres graves du cabinet du duc de Marlborouch. 2 vol., in-f sans
shire.
158
pcuniaires, soit enfin comme dans le cas du Cupidon de Michel-Ange, par un artiste
entran par l'envie de se jouer de la crdulit des amateurs? Ne citerait-on pas des faits
de ce genre, mme notre poque? De tout ceci, je conclus que l'authenticit de la
signature d'Eutychs, fils de Dioscoride, n'est pas formellement dmontre par sa mention dans les documents, d'ailleurs si curieux, dcouverts par M. de Rossi et que je suis
tent cette fois de donner raison Koehler. Je le rpte, l'incertitude o nous sommes
sur le sort actuel de la pierre grave qui y est mentionne ne permet pas d'approfondir
cette question.
Quoi qu'il en soit, que la signature d'Eutychs soit authentique ou non, il est avr que
si les pierres graves furent rarement signes dans l'antiquit, cependant elles le furent
parfois. Je l'ai dj dit, l'existence de la pierre d'Evodus suffirait prouver l'exactitude de
cette assertion. Peut-on citer un fait analogue en faveur de l'authenticit des signatures
releves sur des cames antiques? Sans dclarer que ce soit chose impossible, je dois
dire que ma mmoire ne m'en fournit pas un seul exemple. Il n'y a pas de signature
sur les grands et illustres cames des Cabinets de Paris 1, de Vienne 2, de SaintPtersbourg 3, de la Haye 4; il n'y en a pas non plus sur ces admirables coupes de
matires prcieuses que l'on conserve Paris 5, Naples 0, dans le trsor de SaintMaurice-d'Agaune 7 ; il n'y en a pas non plus sur celle qui a longtemps appartenu la
maison de Brunswick 8, et cependant plusieurs de ces merveilleux joyaux nous tant
parvenus entiers, on ne peut supposer que si nous n'y voyons pas de signature, ce n'est
pas qu'elles aient t graves dans les parties dtruites de ces monuments. Non, il faut
croire que peut-tre les signatures se trouvaient sur les montures de ces oeuvres remarquables, ou bien que l'on ngligeait souvent de signer, enfin que le temps, edax rerum,
nous a envi les plus belles, celles qui taient signs; mais il est certain que les anciens
artistes signaient parfois, non seulement les pierres, mais les monnaies et mme les
pices d'orfvrerie. Athne ne cite-t-il pas une coupe sur laquelle on lisait : Le
dessin est de Parrhasius, le travail de Mys; il reprsente la ruine de la haute Ilion
que prirent les Eacides 9. Et cependant nous n'avons pas, que je sache, une seule
signature sur les vases d'argent parvenus jusqu' nous.
Toutefois les raisons de ces deux faits incontestables, la raret des signatures sur les
pierres en creux, et leur raret plus grande encore sur les cames sinon leur absence
absolue, resteront sans doute toujours incertaines; mais, rapprochement singulier, on
4858, n 488. Trsor de num., Iconog. des
Emp. romains, pi. xn.
2. Eckliel, Choix,etc.,pi. i,p. 1. Trsor, dcnum. Iconog.
des Emp. rom., pi. vin et i.
3. Yisconti. Iconog. grecque, pi. LU, t. III, p. 209.
4. Notice sur le Cabinet des mdailles, et des scnes graves de S. M. le roi des Pays-Bas, par J.-C. de Jouge,
directeur du cabinet de La Haye; 4825, I vol. in-12. V. 1er
supplment dat de 1824, p. 14.
1. Cal. de
Schweighauser.
159
pourrait faire des remarques semblables au sujet des oeuvres de la glyptique dans les
temps modernes. Je ne me souviens pas d'avoir jamais rencontr soit un came soit
mme une intaille du Moyen-Age ou de la Renaissance signs, et cependant il est bien
des monuments appartenant la premire et surtout la seconde de ces priodes qui
auraient mrit de l'tre, tandis que, de ces poques nous connaissons des signatures
sur des objets appartenant d'autres branches de l'art avec signatures, ne serait-ce que
le ciboire d'Alpais du Louvre 1.
Je citerai, entre autres, un grand et beau came du Cabinet de France, reprsentant
notre Franois Ier, que j'ai attribu Matteo del Nassaro 2, le clbre graveur de monnaies et de pierres fines, deux professions souvent runies par le mme artiste, eh
bien! ce came qui, exceptionnellement, porte, grav en creux, le nom du personnage
reprsent, l'artiste n'a pas song le signer.
La plus ancienne signature que je connaisse sur une pierre grave en Occident, dans
les temps modernes, date de l'poque de Louis XIII. J'ai eu la bonne fortune de rencontrer cette signature sur un saphir grav selon moi en 1625 et o je reconnais Maurice
de Nassau. Cette signature, qui n'est indique que par des initiales, je l'ai attribue au
sculpteur et mdailleur Guillaume Dupr 3. Habitu signer ses mdailles afin de s'en
rserver la vente, Dupr, faisant une incursion sur le domaine des graveurs en pierres
fines, a grav sur cette in taille et, je le crois, sur d'autres, ses initiales suivies du sigle
de fecil, G. D. F. En ce qui concerne les cames, il faut descendre plus bas pour
trouver des signatures. Je n'ai pas souvenir de cames signs antrieurs ceux de
Jacques Guay et de son lve, la marquise de Pompadour 4.
Ceci me ramne m'expliquer sur l'un des arguments allgus par les savants qui
ont contest l'authenticit de notre came et ni celle de sa signature. On a reproch
cette signature d'tre en creux; j'admets avec ces savants que la signature Glycon a
t grave par une main moderne; mais, d'une part, ceci n'entame pas l'authenticit
du came lui-mme, et de l'autre, ce n'est pas parce qu'elle est en creux que je la
condamne avec eux ; c'est parce qu'elle est mal grave, maladroitement dispose, et
surtout 'parce que je ne connais pas encore une seule signature incontestable sur un
came antique. Loin de croire qu'il ne faut accepter pour sincres sur les cames que
des signatures en relief, je tiens pour modernes celles de cette classe que l'on voit sur
plusieurs cames clbres ; bien plus, ces signatures me rendraient suspects ces cames
eux-mmes s'il fallait penser avec quelques auteurs qu'il est impossible d'en ajouter de
telles aprs coup. Le caractre essentiel de la signature, c'est la modestie, presque
1. M. de Laborde. Notice des maux, etc. du muse du
Louvre, n 31.
2. Catalogue de 1858, n 325. Cf. Trsor de numismatique. Bas-reliefs et ornements, pi. xvi, n 3.
3. Guillaume Dupre, graveur en pierres fines, par A.
Cliabouillet, dans le Bulletin de la Socit de l'histoire de
160
la dissimulation, d'o vient surtout que lorsqu'on signe une pierre, c'est en creux et ne
caractres fort menus. De mme sur les statues antiques, o l'on connat un certain
nombre de signatures rputes authentiques, on les trouve toujours caches sur un
accessoire o elles sont galement graves en creux et en caractres relativement menus.
Sans sortir du Muse du Louvre, j'en citerai quelques exemples. La signature d'Agasias,
fils deDosithe, d'phse, n'est-elle pas discrtement place sur le tronc d'arbre support
du Hros combattant si connu sous le nom de Gladiateur Borghse? N'en est-il pas
de mme des signatures d'Hraclide et de son collaborateur (Harmatios?) du Hros au
repos restaur en MarslAe, celle de Clomne, fils de Clomne, d'Athnes, grave
sur l'caill de la tortue du Mercure, longtemps dnomm Germanicus? de celle
d'Ophlion, fils d'ristonidas, qu'il faut chercher au revers de la cuirasse, support d'une
statue romaine dite de Sextus Pompel
{A
suivre).
ANATOLE
CHABOUILLET.
CHRONIQUE
Dans la sance du 4 juin de TAcadmie des
Inscriptions et Belles-Lettres, M. Schlumbcrger
a prsent un grand et superbe plateau d'argent
antique, rapport de Milan par M. Piot. Il a 40
centimtres de diamtre et pse 3 kilos 150
grammes environ ; il appartient la classe des
missoria, grands plats d'argent destins figurer
dans les festins de l'poque impriale. On en
connat une dizaine qui sont tous clbres, et
Longprier en a publi deux dans la Gazette
archologique de 1879. Divers textes nous ont
conserv le souvenir de quelques autres qui, au
moyen-ge, faisait partie de trsors royaux et
des trsors d'glises. Le sujet reprsent sur le
missorium de M. Piot est la lutte d'Hercule
et du lion de Neme. L'Hercule rappelle
M. Piot les traits de certains empereurs de la
fin du deuxime et du commencement du troisime sicle. On pourrait plutt, suivant
M. Schlumberger, fixer la date du prsent objet
l'poque de la ttrarchie.
* *
de haut. Ces beaux spcimens de la mtallurM. Ravaisson a rcemment rendu compte gie antique taient dors. Une monnaie de
l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres Constantin le Grand a t trouv dans ce dpt.
( 4 juin 1886) de la visite qu'il a faite aux ruines
dcouvertes au sommet du Puy-de-Dme. Ces
Dans une petite collection d'antiquits
ruines sont celles d'un temple consacr
Mercure, le principal dieu de la Gaule. Des chypriotes vendues le 29 avril dernier, l'Htel
fouilles ont d'abord t .opres aux alentours, Drouot, par les soins de MM. Rollin et
mais maintenant les dbris qui en proviennent Feuardent, experts, nous avons remarqu une
sont abandonns sans dfense la fantaisie de oenocho en terre maille, portant sur la panse,
tous les visiteurs. M. Ravaisson croit qu'il serait au dessous du col, la lgende : BACIA6COCutile de prendre des mesures protectrices pour nTOAeMAlOY-c&IAOTTATOPOC,en deux lignes
crites avant la cuisson du vase et avant que la
sauver des documents aussi prcieux.
couche d'mail y ait t applique. Ce vase,
trouv Curium, dans un grand tombeau, ne
* *
M. Al. Bertrand vient d'enrichir le muse de parait pas tre antrieur l'poque romaine ; il
Saint-Germain du moulage d'un poignard gau- a t adjug M. Hoffmann pour le prix de
lois dont l'original se trouve au muse de Vienne 910 francs.
(Autriche) et a t dcouvert dans une tombe
*
du Noricum. Cette arme remonte pour le moins
M. Edmond Pottier, qui a publi dans la
au troisime sicle avant Jsus-Christ, c'est-
GAZETTE ARCHOLOGIQUE.
ANNE 1886.
21
162
CHRON IQUE.
Gazette archologique (1885) une tude sur les logue illustr de nombreuses planches. Nous
lcythes attaques du Cabinet des Mdailles, a lu donnons ici les prix d'adjudication des princidevant l'Acadmie des Inscriptions (30 avril) paux objets.
lanc
lcythe
attique du
N 1. Tau en bois sculpt, Italie, xme sicle,
travail
sur un
un
Muse du Louvre qui reprsente une scne de 1,350 fr. N 8. La Vierge et l'enfant Jsus,
combat entre un fantassin et,un cavalier. Les bois franais, commencement du xivc sicle,
reprsentations trangres aux dtails des cr- 3,900 fr. N 11. Saint Jacques et saint
monies funraires taient trs rares sur ces Michel, bas-relief allemand, bois, xve sicle,
vases, exclusivement rservs aux spultures. 4,400 fr. N 21. La Vierge et l'Enfant Jsus,
sicle, 3,450 fr.
fr. N 22. La Vierge
M. Pottier montre que ce monument appartient ivoire, xne sicle,
au cycle connu des sujets funraires et qu'on le et l'Enfant Jsus, ivoire, xine sicle, 7,700 fr.
trouve souvent sur les reliefs en marbre de N 23. Rtable, ivoire, xuie sicle, 9,700 fr.
l'intrieur des ncropoles. Ce lcythe doit appar- N 36. Saint Jean-Baptiste, statue en marbre,
tenir la premire partie du quatrime sicle France, commencement duxvie sicle, 6,000 fr.
N
Mors
de
cheval
53.
bronze
maill,
avant Jsus-Christ.
en
CHRONIQUE.
163
seille, xvie sicle, 7,000 fr. N 225. Coffret en Tapisserie de Beauvais, poque Louis XV,
cuir peint, France, fin du xve sicle, 6,500 l'enlvement d'Europe, 32,000 fr.
fr. N 230. Buste d'Annibal Caro, bronze,
Le total des enchres pour les 411 numros
7,300 fr. N 232. Chenets en bronze, Italie, de la vente s'est lev 1,298,000 fr.
BIBLIOGRAPHIE
85.
ADAMI
164
CHRONIQUE.
in-8.
116.
JORDAN
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Dresda e Berlino : saggio critico... tradotto dal
tedesco in italiano. Bologne, Zanichelli, in-8,
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Eighteenth Century. Trans. by Louisa Jane
Davis. (Fine Art Library.) Londres, Cassell,
in-8.
129. NICOLE
SCHLIEMANN
165
CHRONIQUE.
Le plan de la vieille citadelle argienne a pu tre retrouv
134. SCHLIEMANN (Henri). Tirynthe. Le palais
prhistorique des rois de Tirynthe. Illustr entirement; les portes, les propyles, les cours des
hommes, celles des gynces, les ihalamoi sont en place ;
de
4
plans,
24
pi.
chrom.
de
d'une carte,
et
en
nous les voyons reconstitus avec leurs colonnades, leurs
188 grav. Paris, Reinwald, in-8, 1885.
toits, leurs peintures murales, et c'est avec le plus vif
Cet ouvrage prcd d'une longue prface (65 pages) intrt qu'on suit MM. Schliemann et Doerpfeld dans les
de M. F. Adler, et augment d'appendices dus rapprochements incessants qu'ils tablissent entre les
MM. W. Doerpfeld, E. Fabricius et Otto Helm, renferme ruines qu'ils cherchent expliquer et les descriptions que
la relation des fouilles excutes Tirynthe prs d'Argos, fait Homre des palais des hros de l'pope grecque. Ces
par M. Schliemann, en 1884 et 1885. Le clbre explora- rapprochements, dans le prsent volume, nous ont paru
teur de la Grce homrique raconte par le menu les plus scientifiques que la plupart de ceux du mme genre
dtails, mme les plus purils, de son existence et de que M. Schliemann avait formuls dans ses premiers
E. BABELON.
son installation sur l'emplacement de ses recherches ; il ouvrages.
enregistre et dcrit avec une religieuse exactitude tous
SCHWEINFURTH (G.). Alte Baureste und
135.
les objets exhums; il mesure avec une prcision mathmatique tous les pans de murs, toutes les substructions et hieroglyphische Inschriften im Uadi-Gasus. Mit
il donne ainsi un excellent exemple ceux qui font Bemerkungen von A. Erman. Berlin, Dmmler,
des fouilles archologiques. On lit avec un vif intrt ces in-4.
descriptions minutieuses et ces inventaires parce que l'auSEEMMANN (0.). Mythologie derGriechen
136.
style
quelque
d'ingnu,
chose de naf et
teur, dont le
a
sait communiquer l'me du lecteur une tincelle de und Rmer. 3. Aufl. Leipzig, Seemann, in-8.
l'enthousiasme et du feu sacr qui l'anime.
137. SELVATICO (P. ) et CHIRTANI. Le arti del
La prface de M. le professeur Adler rsume les rsul- disegno in Italia, storia e critica. II. Il medio
tats scientifiques des dcouvertes qui, depuis vingt ans, ont
Vallardi,
Milan,
1886,
in-8.
evo.
rendu le nom de M. Schliemann jamais illustre. Dans la
138. STRZYGOWSKI (J. ). Iconographie der
relation mme de M. Schliemann, outre la question de la
topographie et de l'histoire de Tirynthe qui est traite Taufe Christi. Ein Beitrag zur Entwicklungsfond, outre les renseignements qui concernent l'industrie geschichte der christlichen Kunst. Munich,
primitive des populations hellniques et dont l'tat de
civilisation est reprsent par ces quantits de vases de in-4.
139. TARDIEU (A.). Dictionnaire iconograterre cuite orns de dessins gomtriques, d'oiseaux, de
cerfs, d'animaux marins, par ces statuettes peintes, d'un phique des Parisiens. Herment (Puy-de-Dme),
style si rudimentaire, par ces objets varis en mtal, l'auteur, 1886, m-8,
160 p., gr.
m,
en ivoire, en pierre, par ces tuiles en terre cuite, ces
140. TURNER (Frances C. ). A Short History
peintures murales, etc., outre cette multiplicit de dtails
que nous ne saurions mme songer signaler dans un of Art. With numerous Illusts. Londres, Soncourt compte-rendu, deux points essentiels constituent en nenschein, in-8.
quelque sorte l'originalit du livre et en forment l'impor141. VAN VINKEROY (F.). Costumes militance capitale : ce sont la description des fortifications de
la ville et celle du palais des rois primitifs. Mieux encore taires belges du xie au xvme sicle. Braine-leque les autres livres de M. Schliemann, celui-ci nous fait Comte, Zech et Cornet, 1885, in-4.
connatre les constructions et la disposition des acropoles
142. VERHEAGEN et GOMMENS. Monographie
grecques prhomriques, les constructions et la disposi- de l'glise Saint-Sauveur Bruges. Bruges, Soc.
tion des habitations royales installes au sommet de ces
Saint-Augustin, 1885, in-f, 60 pi.
forteresses.
166
CHRONIQUE.
PRIODIQUES
REVUE ARCHOLOGIQUE
JANVIER 1886;
de bronze du chteau de Fontainebleau. DELOCHE (M. ). Etude sur quelques cachets et anneaux
de l'poque mrovingienne (suite). VERCODTRE
(Dr). La mdecine sacerdotale dans l'antiquit
grecque (suite). TANNERY (Paul). La coude
astronomique et les anciennes divisions du cercle.
FVRIER-MARS 188G.
JULLIAN
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cienne.
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BULLETIN PIGRAPHIQUE
Fragment de gobelet de verre grav reprsenJUILLET-AOUT 1885.
JULLIAN (C). Inscriptions de la valle de tant des scnes bibliques (pi. viietvin).
GNOLI.
SEPTEMBRE-OCTOBRE 1885.
DCEMBRE 1885.
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divina et les Divi (suite). MOWAT (R.). D- Tarquinie. [L'opinion commune place l'antique
chiffrements rectifis (suite). MOWAT (R.). cit sur la hauteur nomme Civita ou Casalta.
CIPOLLA.
167
of Myth and Legend.
BURY (J.-B.). Notes
on : 1 the Trilogy ; 2 Certain Formai Artifices
of Aeschylus. SMITH (Gecil). Early Vainting
of Asia Minor. GARDNER (Percy). Amphora
Handles from Antiparos. BENT (Thodore).
On the Gold and Si'lver Mines of Siphnos.
CHRONIQUE.
s'-
GREENWELL
monnaies
qui
toutes
en argent
(pi.
LXI). GARDNER (E.-A.). Inscriptions
menos
lieu
Sinope
pendant le ive sicle].
eurent
from Cos., etc. HICKS (E.-L.) Judith and
PRIDEADX (W.-F.). Les monnaies de la dynastie
Holofernes.
d'Axum en Abyssinie. SMITH (Aquilla).
Six (J. ). Archaic Gorgons
Numini pelliculati. [Description de groats de in the British Musum (pi. LIX and D).
David II (1329-1371) et de son successeur MICHAELIS (A.). Sarapis standing on a Xanthian
Marble
in the British Musum (pi. LVIII et E).
immdiat Robert II (1371-1398), rois d'Ecosse.]
RIDGEWAY (W.). The Homric Land-system.
(T.-W.
GREENE
Influence
).
des gemmes et
quatre
contre-marque.
sur
reur in the British Musum. PALEY (F.-A.).
T. V, SECOND FASCICULE, 1885.
Remarks on Aeschylus Agam. 1172, in emenPERCY GARDNER. Zacynthus.
ROACH SMITH
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stellungen (pi. 14). FURTWANGLER (A.).
THE JOURNAL OF HELLENIC STUDIES
Prometheus
(vignettes). WERNICKE (K.)- Die
VOL. VI, N 1 (1885).
Kindheitdes Zeus (vignettes). MICHAELIS (A.).
GARDNER (E.-A.). A. Statuette representing a
Theseus
oder
Jason
ALDENHOVEN
?
(C). Zu
Boy and a Goose (pi. A et vign.). BROWN
Britain. Supplment II (pi. LVI, LVII, et C. avec Stle in Berlin. 13. Felsrelief von Ibriz.
vign.). IMHOOF-BLUMER and P. GARDNER. 14. Sarkophage im Louvre.
Numismatic Commentary on Pausanias : MegaVignettes : P. 169. Feuerbad des Ares auf
rica, Corinthiaca (pi. L LV). FARNELL (L.-R). einer prnestinischen Ciste in Berlin. P. 189,
The Pergamene Friez (suite). GARDNER (E.-A.). 197, 198. Weibliche Kpfe in Umrisszeichnung
Inscriptions copied by Cockerell in Greece. auf Vasen British Musum.
P. 223. Pro
CAMPBELL (Lewis). The iEschylean Treatment metheus, Carneol-Scarabaeus
zu Odessa.
168
CHRONIQUE.
ZEITSCHRIFT FUR NUMISMATIK
T. XIII, PREMIRE LIVRAISON, 1885.
NUMISMATISCHE ZEITSCHRIFT
T. XVD, PREMIER ET SECOND SEMESTRE, 1885.
historique.
matique
(Adolph).
MEYER
Albert
de
la numismatique grecque. [Description
monnaies attribues aux pays suivants : Cher- de Wallenstein, duc de Friedland, et ses monnaies.
Phocide,
Achae,
Laconie,
sonse de Thrace,
Crte, Cilicie, Jude.] FRIEDENSBURG (F.).
JAHRBUCH DER KUNSTHISTORISCHEN SAMMLUNGEN
La bracteale de Krosse. FRIEDENSBURG (F.)
Der ail. h. Kaiserhauscs. 4e vol. 1886.
KENNER (Fr.) Cameen und modelle des xvi
Contribution la numismatique du MoyenAge. MENADIER. Le plus ancien monnayage Jahrhundert. (pi.). ILG (Dr A.). Giovanni
de Hanovre. MENADIER. Groschen et hohl- da Bologna und seine Bezeichnungen zum kaipfennig de la ville de Hanovre, de l'an 1482. serichen Hofe (pi.). BOEHEIM (WENDELIN)
HULTSCH. Un anneau d'or gyptien d'une Ueber einige Jagdwaffen und Jagdgeraethe
haute antiquit, portant indication de la (suite) (pi.). LASCHITZER (Simon). Die Heiligen
valeur. PICK. (B.). Sur les titres des Flaviens. aus der Sippchag-und Schwaegerschaft des K.
SACHS (Hermann). Achilleus et Domitius. Maximilian I. CHMELARZ (E.). Die Ehren
STDVE (C). Addition au mmoire de Sallet : Les pforte des Kaisers Maximilian I.
Tapisseries
dates des monnaies impriales alexandrines de du trsor imprial. (Fructus Belli et Travaux
d'Hercule), 17 pi.
la collection d'Osnabruck.
HOFFMANN
L'Administrateur-Grant,
S. COHN.
{Suite et fin1).
En ce qui concerne les pierres graves, les choses se passrent ainsi dans l'antiquit
et dans les temps relativement modernes; elles se passent encore de mme aujourd'hui.
Sur les gemmes, ainsi que sur les mdailles et les monnaies, la modestie de la signature
est commande, indpendamment des droits de biensance, par les dimensions restreintes
de l'espace dont disposent les artistes. Les signatures que je viens de citer sur des cames
ou des intailles de temps relativement modernes, celles d'artistes encore plus voisins
de nous, ceux de la fin du xvme sicle et du commencement du xixe, celles de nos contemporains, sont en caractres menus et en creux, et il faut les chercher pour les apercevoir. Les artistes de l'Asie ont suivi en cela les mmes usages que ceux de l'Europe ;
je n'ai jamais rencontr qu'un seul spcimen de l'art de la gravure en pierres fines
en Asie qui ait t excut dans les temps modernes 2. C'est un came sur une belle
sardonyx, que j'ai pu acqurir, il y aura bientt 20 ans, pour le Cabinet des Mdailles
et que j'ai publi dans la Description des Antiquits de M. Louis Fould, en 18613. Or,
ce rare et prcieux objet d'art qui date du xvne sicle est sign, mais dans les conditions
de rserve que je considre comme obligatoires. Le Grand Mogol y est reprsent
coupant un lion en deux, comme on voit si souvent le Grand Roi sur les monuments
de la Perse, et on y lit deux inscriptions persanes graves en creux et en caractres
microscopiques. La premire, en haut, gauche, nous donne les noms du souverain
de l'Indoustan qui rgna de 1627 1666. Portrait du second Sahib-Kiran, ChhDjihan, empereur victorieux. La seconde, aussi gauche, mais en bas, nous apprend
le nom de l'auteur : Fait par Kan-Aten.
Je ne puis prendre partie tous les cames signs regards comme antiques et dont
on a considr les signatures comme telles. Cependant, il en est un, entre autres, que
je n'ai pas vu en nature, et dont je crois pouvoir parler avec assurance, n'tant pas
seul de mon avis son sujet. C'est le came connu depuis le xvie sicle sous le nom de
1. Voyez Gazelle archologique, anne 4883, p. 396
401, ell886, p. 46 24 et 139 160.
2. Je ne parle pas des nombreux cachets orientaux qui
je
170
Noces d'Eros et de Psych, lequel mentionn deux fois par Spon, mais d'aprs Ligorio,
fit partie des clbres collections du comte d'Arundel, puis du troisime duc de
Marlborough, et a longtemps pass pour une des merveilles de l'art antique, surtout
cause de l'habilet avec lequel y est figur le voile qui cache les deux poux. C'est de
que l'un de ces fameux graveurs en pierres fines, du nom de Pichler, disait au rapport
de Bracci : che sia un intaglio dlia prima antichissima e bellissima maniera dlie
Oreci 1 , ce qui est une normit, car en admettant que quelqu'un puisse soutenir
l'antiquit de ce prcieux morceau, on ne trouverait personne aujourd'hui pour l'attribuer la haute antiquit. )ans le rapport de 1880 cit plus haut, je dclarais tenir ce
came pour une oeuvre moderne ; or, j'tais en bonne compagnie. Outre Koehler et bien
d'autres, j'avais avec moi M. Maskelyne qui, aprs avoir lou le travail de ce came qu'il
dit exquis, n'a pas cach qu'il le considre comme moderne, et cette dclaration il l'a
faite dans le Catalogue itime de la collection Marlborough 2. Aux arguments contre
l'authenticit de ce monument demands la science par divers savants et notamment
par Otto Jahn 3, je voudrais en ajouter un qui ne me parat pas sans valeur au point de
vue technique et artistique, et qui, je le crois, est nouveau. Stosch, qui a publi ce
came, et qui admire surtout l'adresse de l'artiste laisser voir les visages des deux poux
travers le voile dli dont leurs ttes sont couvertes 4, fait l'observation suivante
propos d'un came du Muse de Florence qui, selon lui, serait sign Plotarque :
Il parat, par la ressemblance des traits, que ce graveur tait condisciple de Triphon,
ouvrier clbre, qui a grav les noces de Psyh et de Cupidon 5.
L'auteur du came en question, lequel reprsente l'Amour mont sur un lion et
jouant de la lyre , et est sign en relief Protarque et non Plotarque, ne fut pas le
condisciple de l'auteur de celui des Noces de Psych et de Cupidon sign en creux
Tryphon, ainsi que le conjecture, peut-tre navement, le baron de Stosch, mais sa
remarque est fonde en ce: sens que ce qu'il nomme la ressemblance des traits entre
ces deux oeuvres est relle. En fait, toutes deux sont traites dans le mme style , sont
du mme travail et pourraient par consquent tre de la mme main. Si la justesse de
cette observation tait admise, il s'en suivrait que le came de Protarque serait moderne,
en dpit de l'approbation de Koehler qui en admet mme la signature, aussi bien que
le Tryphon par lui condamn et qui l'a t par bien d'autres. Je supposerais donc que ces
deux cames sont d'un artiste du xvie sicle qui a sign, l'un en relief d'un nom choisi
4. Memorie degh antichi incisori, etc., l. II, p. 249.
(V. pi. xvi.)
2 Le came des Noces de l'Amour et de Psych y figure
p. 20, n 160.
3. Archoeologische Beilroege ,; Eros und Psych,
p. 421 et 173.
4. Gemma, coelatoe, etc., pi. LXX, p. 95.
5. Gemmm coelatoe, etc., pi. LUI, texte, p. 75. Dans la
page latine, on lit : ex quadam Imeamenlorum similitudine.
171
lui
sign
t
l'autre
tandis
l'onomastique
dans
hasard
par
ou
en
creux
a
que
grecque,
au
Galn,
reprsentant
grave
de
la
pierre
Tryphon,
auteur
de
du
tout
autre
ce
nom
par
clbre par un pote de l'Anthologie, dont il a t parl plus haut.
J'ajouterai qu'il est singulier que le baron de Stosch, qui avait sjourn longtemps
Florence, ait lu TTAI1TAPX02 ETTOIEI sur ce came de la collection du Grand-Duc, alors
qu'il y faut lire TTPflTAPXOI ETTOIEI, ainsi qu'en tmoignent la plupart des auteurs et
dcembre
1869'.
Cette
transcripl'original
Offices
moi-mme
lu
l'y
ai
je
en
aux
sur
comme
tion fautive nous donnerait-elle le droit de supposer qu'il exista une variante de ce
came avec rTAnTAPXOZ laquelle aurait induit l'amateur silsien en erreur? Quoi qu'il
je
saurais
rsoudre,
antique,
quoi
came
acceptait
l'on
soit,
si
ne
me
ce
comme
ce
en
il faudrait en tenir la signature pour moderne, parce qu'elle est en relief et aussi parce
j'ajoute
suis
fermet,
je
trace
elle
et
n'est
fcheux
indice,
que
ne
avec
pas
pas
que,
seul contester l'authenticit de cette signature qui est cependant l'une des cinq admises
par Koehler 2; Florence mme, je l'ai appris pendant mon sjour dans cette ville, un
savant des plus comptents avait avant moi exprim des doutes ce sujet.
Je dirai aussi un mot de la signature d'Athnion sur le came clbre de Jupiter
foudroyant les gants qui, d'abord conserv dans la collection de Fulvio Orsini 3, puis
dans celle des Farnse, est aujourd'hui dans le muse de Naples. Ce nom, grav en
relief, au nominatif, me parat d'une main moderne, et Bracci, longtemps avant moi,
avait t frapp par le mauvais aspect des caractres de cette signature, qui, dit-il,
d'autres
del
lavoro
4.
Il
aurait
eccellenza
ail'
corrispondono
encore
remarques
y
non
faire sur ce came et sur celui de Vienne qui offre la mme composition 5, mais je
suis forc de les rserver; pour le moment, il me faut revenir au came de Vnus,
reine de la mer, ou de Galn, objet et occasion de cette dissertation.
Ce came, condamn, ainsi qu'on l'a vu, par Koehler et d'autres savants recommandables, ce came, dont je condamne la signature, est-il dcidment antique ou moderne ?
1. Catalogue de la royale galerie de Florence, 4rc et
7; la signa-
IIAQTAPXOS.
2. La premire de ces pierres est le came de Protarque ;
la 2, le came de Naples, Jupiter foudroyant les gants,
sign Alhnion, dont il sera question tout l'heure; la 3e,
le came de Germanicus, de la collection Blacas, aujourd'hui
dans le Muse Britannique, sur lequel on lit : EilITTrX
(Epitynchanus); la 4e, une intaille sign AIIOAANIOY
du Muse de Naples, et la 5e, notre intaille d'Evodus,
mentionne plus haut. (Gesammelte Schriflen, t. II p. 206
et suivantes.)
3. Dans le catalogue manuscrit de la collection d'anti-
172
J'exprimais prcdemment le dsir de voir tablir trois classes pour les pierres graves;
l'historique de notre came ne commenant qu'au milieu du xvue sicle, il ne peut entrer
dans la premire, celle des monuments munis de papiers en rgle; ce came a t
condamn par des savants comptents, je ne puis donc, moi seul, le placer d'autorit
dans la seconde, celle des cames qui, malgr l'absence de gnalogie, sont videmment
antiques ; mais il a t considr comme antique et lou au point de vue de l'art par
d'autres savants non moins comptents que les premiers ; je crois donc pouvoir protester
contre sa condamnation dont je viens de combattre les considrants; en consquence,
je propose de le ranger dans la troisime classe, celle des pierres sur lesquelles il est
tmraire de prononcer un jugement formel; mais je ne le condamnerais que sur pices
probantes, c'est--dire que s'il survenait un document irrcusable nous apprenant qu'il
a t grav au xvie sicle.
VNUS A SA TOILETTE. (PL 2.)
Vnus debout, nue, les cheveux lis par un troit bandeau, tenant de la main droite
un miroir rond, au milieu duquel est enchsse une petite pierre rouge ; la desse est
accoude sur une colonnette spirales et tient de la main gauche la divine charpe qui
flotte sur ses bras et lui fait un voile insuffisant. A ses pieds, un petit labrum sur les
bords duquel sont perches deux colombes.
Sardonyx trois couches. La figure et le labrum s'enlvent en blanc sur un fond
brun dont la moindre partie est plus claire que l'autre. Haut., 9 cent.; larg., 72 mill.
Ce came, remarquable par sa dimension ainsi que par la beaut de la matire sur
laquelle il est grav, ne se distingue pas par la noblesse du style ; cependant je ne lui
appliquerai pas le materiam superabat opus d'Ovide. C'est une oeuvre de l'antiquit,
la vrit de basse poque, mais dont l'auteur avait gard le souvenir et le respect des
traditions des beaux temps de l'art ; la composition est simple et bien entendue.
11 est regrettable que le nez de la Vnus ait t endommag; cet accident ajoute, la
lourdeur du dessin et au manque de puret des traits, une vulgarit qui ne doit pas tre
reproche au lithoglyphe.
A une poque indtermine, on a enchss dans ce miroir un rubis ou peut-tre une
pierre rouge moins prcieuse, entoure d'un cercle d'or ou dor. Cette circonstance est
d'un grand intrt pour l'histoire de la pierre ; c'est ce petit dtail qui a conduit retrouver sa provenance et par l lui donner le brevet d'authenticit dont elle n'avait pas
besoin nos yeux, mais qu'il ne faut jamais ngliger de faire connatre l'occasion.
Lorsqu'en 1858, je dcrivis ce came sous le n 38 de mon catalogue, on ignorait sa
provenance dans le Cabinet de France. On y aurait d'aventure eu connaissance de certain passage de la Notice de Lorraine de dom Calmet (t. Il, p. 147), qu'on n'aurait
quelques
annes,
M.
Bretagne
m'ayant
il
consult sur un
mais,
l'y
reconnatre;
a
y
pu
173
came dcrit par D. Calmet et dans d'anciens inventaires de l'glise de Saint-Nicolas-duPort en Lorraine, aprs un change de correspondances entre ce savant et moi,
grce un article d'un de ces inventaires qui mentionnait le dtail du petit rubis, nous
arrivmes ensemble l'identification de ce came avec celui qui ornait, ds le xv sicle,
le bras du reliquaire de saint Nicolas. Ce came est donc un de ceux qui nous parviennent avec leurs titres de noblesse. Qu'on veuille bien lire le mmoire de M. Bretagne,
intitul Le Reliquaire de Saint-Nicolas-du-Porl, et on y trouvera les preuves de
cette assertion 1. On y apprendra que ce joyau, qui fut envoy en prsent Louis XIV
une poque difficile prciser, se trouvait dans ce reliquaire en compagnie d'autres
pierres trs intressantes, et notamment du remarquable came reprsentant YApothose
d'Hadrien, que l'on pourrait placer ct de YApothose de Germanicus du Cabinet de
France (n 209 du Gat. de 1858), et dont l'auteur a presque copi la composition. Le
came reprsentant l'Apothose d'Hadrien est conserv aujourd'hui dans la Bibliothque
de Nancy 2.
PISODE DE LA GUERRE DES GANTS ET DES DIEUX. (PL 2.)
Mars frappant de sa lance le gant Mimas. Le dieu, vtu seulement d'une chlamyde
qui flotte sur ses paules, est coiff d'un casque aigrette; sa poitrine est protge par une
cuirasse, tandis que ses jambes le sont par des cnmides ; il porte au bras gauche un
boucher et frappe de sa lance le gant anguipde Mimas, dont la tte exprime la
douleur.
Sardonyx trois couches. Matire d'une grande beaut. Haut., 6 cent.; larg., 5 cent.
Monture de perles d'mail blanc.
Ce came (n 37 du Catalogue de 1858) est plus remarquable par la matire que par
la beaut et la correction du dessin. Millin, qui a publi deux reprises une pierre
grave du Cabinet du baron de Hoorn 3 offrant le mme sujet, parat n'avoir pas connu
notre came. Sur la pierre qu'il a commente, Mars est nu, sauf la chlamyde, mais il est
casqu et porte son bouclier au bras gauche. A en juger par les gravures de Millin, la
pierre en creux est suprieure, au point de vue de l'art, notre came. Dans quelle
classe le rangerai-je? Je l'avoue, je le laisserai dans la troisime, celle des pierres indcises. Au premier abord, on croit y reconnatre le style trusque ; cependant je n'oserais
pas faire de ce monument le point de dpart d'une tude sur le mythe de Mars et Mimas,
bien qu'il ait t publi dans le Trsor de numismatique 4.
4. Mmoires de la Socit d'archologie lorraine, 187'5,
p. 330.
2. Ce prcieux monument a souvent t publi ; on le
trouvera reproduit dans le mmoire cit de M. Bretagne,
pi. i, dans le Bulletin monumental, 5e srie, t. XI, 4882,
et dans Y Iconographie romaine de Mongez, pi. xxxvm,
n 7, texte t. 3, p. 48.
i74
.
Junon, la tte ceinte di polos, large couronne dcore de palmettes, les cheveux
flottants sur les paules ; buste tourn droite. La robe de dessus est retenue par un
cordon orn d'un joyau. Sardonyx corniche trois couches. Haut., 7 centimtres;
largeur, 5 centimtres. C'est le n 9 du Catalogue de 1858. La matire de ce came est
magnifique. Le champ, lia couronne et la robe de dessus sont pris dans une couche
rouge fonc ; la tte de la desse et sa robe de dessous dans une couche tirant sur le
bleu; la troisime, qui est noire, ne parat que sur le rebord extrieur de la corniche,
La provenance de ce came est inconnue ; cependant je ne crois pas tre tmraire
en le plaant dans la 2e classe dont je parlais plus haut: celle des pierres qui, malgr
l'absence de documents attestant leur origine antrieure la Renaissance de la glyptique,
peuvent tre considres comme antiques. D'ailleurs l'authenticit de ce monument de
style grec et d'excellent travail n'a jamais, que je sache, t mise en doute K Il faut
comparer cette reprsentation de Junon surtout avec celle qui parat sur de rares ttradrachmes avec la lgende APrElHN et deux poissons au revers, qui ont t jadis attribus par Mionnet Argos de l'le de Crte *, mais plus tard, et meilleur droit, par
Ed. de Cadalvne 3 et Prdsper Dupr 4, Argos de l'Argolide, et plus rcemment par
MM. Percy-Gardner5etImhoof-Blmer 6. Le Cabinet de France possde un autre remarquable came de Junon qui le cde celui-ci pour la beaut du travail, mais qui montre
la desse sous un aspect peu diffrent; c'est le n 8 du Catalogue de 18587.
LA DISPUTE DE MINERVE ET DE NEPTUNE. (PI.
3.)
Kertsch,
reprsentant
mythe
relief
figures
peintes,
magnifique
et
en
avec
vase
si clbre de la dispute d'Athn et de Posidon au sujet de la possession du royaume de
Ccrops et du droit d'en nommer la ville principale. Or, comme M. Stephani a pris soin
de mentionner, avec textes l'appui, les diverses versions de ce mythe, ainsi que la plupart des nombreux monuments qui s'y rapportent, bas-reliefs, vases, mdailles 8, cames,
M. L.
tement p. 78.
2. Mionnet, Description, etc.,suppL, t. IV, p. 306-7,
ns68, 69 et 70.
3. Cadalvne, Recueil de mdailles grecques indites,
pi. ni, n 1, et p. 192, Paris , 4823.
7. On en verra la figure dans la Nouvelle galerie mythologique qui vient d'tre cite, pi. xii, n 4.
8. On possde des mdailles de bronze d'Athnes, qui
reprsentent Minerve et Neptune en face l'un de l'autre,
spars par l'olivier. (Mionnet, t. II, p. 485, nos 269 et
270. Beul, Monnaies d'Athnes, p. 189 et 193.) Il existe
aussi une monnaie romaine de bronze d'Hadrien dont le
revers montre Neptune et Minerve debout en face l'un de
l'autre. (Cohen, Mdailles Impriales, 2e dit., t. II, p.
230, n 1493.)
175
intailles, etc., il suffira, pour l'explication de notre came, de renvoyer le lecteur son
savant mmoire ou l'excellente analyse qu'en a donne M. de Witte 2, et de rappeler
en deux mots le jugement suprme qui mit fin la querelle. Suivant la version commune,
les dieux dcidrent que la victoire appartiendrait celle des deux divinits qui ferait
le prsent le plus utile aux hommes. Or, Neptune avait donn naissance au cheval,
un flot de la mer, selon d'autres et notamment Pausanias ; Minerve fit sortir du sol
l'olivier; c'est la fille de Jupiter que fut attribue la victoire.
Notre came reprsente Minerve et Neptune en face l'un de l'autre, spars par
l'olivier, mais on ne distingue dans la composition ni le cheval, ni le flot de la mer.
Le dieu de la mer est debout, le pied gauche pos sur un rocher, attitude qu'il affecte
sur beaucoup de monuments. Vtu seulement d'une chlamyde qui flotte sur ses paules,
il tient son trident d'un air menaant, et montre Minerve un objet rond, peut-tre
une olive, et dans une intention de ddain et d'ironie. Il faut noter que l'artiste s'est
contenL d'indiquer le trident par le geste du dieu, car on en distingue peine l'extrmit. Minerve, debout comme Neptune, sans sa lance et dans une attitude pacifique, se
baisse pour montrer l'olivier qu'elle vient de faire sortir de terre ; de la main gauche,
elle relve le long pplum qu'elle porte par dessus une robe talaire. La desse est coiffe
d'un casque, dont l'ornementation n'est autre que sa chevelure, comme sur un autre
came du Cabinet des Mdailles (le n 34 du cat. de 1858). On peut voir en nature, dans
la salle de Luynes, au Cabinet des Mdailles, un casque de bronze, en forme de bonnet
phrygien, qui offre une particularit semblable; celui-ci est couvert sur le front de cheveux ondoyants ; ce casque, qui doit avoir t consacr dans le temple d'un dieu solaire
asiatique, est figur dans le Recueil d'antiquits du comte de Caylus 3. Aux pieds de
Minerve, le serpent Erichthonius. Un cep de vigne, que vient brouter un chevreau,
s'enroule autour de l'olivier, dans les branches duquel on distingue deux oiseaux, au lieu
de la chouette qui parait sur l'une des monnaies d'Athnes mentionnes plus haut. Au
dessous de cette composition, qui est ferme par une ligne en relief, on remarque, dans
un espace demi-circulaire, plusieurs animaux, deux chevaux, dont l'un pat, un taureau
dont on ne distingue que la tte, et deux lions, dont l'un ne laisse voir aussi que la tte.
Ce came est grav sur une grande et belle sardonyx trois couches, de 83 millimtres
de hauteur sur 6 centimtres 1/2 de largeur.
Le fond, qui parat noir, est en ralit d'un beau rouge fonc, qu'on ne voit bien qu'
la transparence; les deux figures divines se dtachent en bleu sur le fond sombre, mais
les cheveux et la barbe de Neptune, le casque de Minerve moins l'aigrette, le chevreau,
le cep de vigne, ses rameaux chargs de raisins, ainsi que les deux oiseaux qui y
viennent becqueter, sont pris dans une troisime couche d'une nuance rougetre. Dans la
1
1. Compte rendu de la commission impriale de SaintPiersbourg, pour 1872, publi en 1875, pages 64 et suiv.
2. L'analyse du mmoire de M. L. Stephani par M. de
176
prdelle de ce tableau, les animaux sont pris en partie dans la couche bleue, en partie
dansla troisime couche rugetre. La monture en or maill date du rgne de Louis XIV.
Sur le rebord en biseau de cette pierre, on a grav, en hbreu, dans les temps
modernes, une poque indtermine, le commencement du vi verset du chapitre III
de la Gense. La femme considra donc que le fruit de cet arbre tait bon manger,
agrable
la
beau
qu'il
tait
et
vue. Je ne m'explique pas la raison d'tre des animaux
qui dcorent la partie infrieure de notre came, et qui ont certainement contribu y
faire supposer une reprsentation de la chute d'Adam. Le travail de ce came n'annonce
pas une haute poque, mais rvle de l'habilet et une grande entente du coloris ; le
dessin en est un peu lourd; je placerais la date de son excution sous les Antonins.
Ds l'anne 1705, Oudinet, mort en 1712, avec le titre de garde du Cabinet du Roi,
lisait l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres une notice sur ce came, l'un des
plus importants de la collection nationale, o il figure sous le n 36 ' ; mais c'est seulement en 1717 qu'il en parut une figure dans le tome Ier des Mmoires de l'Acadmie,
avec l'analyse du travail d ce savant 2. Si l'on voulait faire apprcier les progrs faits par
la critique archologique depuis Oudinet, il suffirait de reproduire cette analyse. Nous
dirons seulement que si quelques acadmiciens proposrent de reconnatre sur le came
du Cabinet du Roi la Naissance de Minerve ou la Dispute de Minerve et de Neptune,
d'autres y virent la Naissance d'Erichlhonius, et que le sentiment le plus gnral fut
que l'agate regardait simplement le culte de Jupiter et de Minerve dans Athnes .
La plupart des acadmiciens croyaient voir le foudre o nous reconnaissons l'extrmit
du trident; c'est ce qui explique l'erreur d'Oudinet et de ceux qui le suivirent, mais du
moins l'Acadmie fut-elle unanime refuser de voir sur le came la Chute d'Adam et
d'Eve, en dpit de l'inscription hbraque dont les caractres furent reconnus modernes.
L'argumentation d'Oudint pour dmontrer l'antiquit de cette pierre est loin d'tre
irrprochable. Il ne se contente pas de faire savoir que cette belle pierre tait conserve
de temps immmorial dans une des plus anciennes glises de France, et qu'il y avait
vingt ans qu'elle avait t donne Sa Majest, ce qui reporte son entre dans le Cabinet
du roi l'anne 1685, puis d'appuyer, avec beaucoup de raison, sur la beaut du travail
les
depuis
deux
cents
arts ont commenc refleurir, nos graveurs ont-ils pu
que
ans
en approcher encore ? il dit aussi que son antiquit est dtermine par son grand
rapport avec une mdaille d'Athnes, cite par lui quelque temps auparavantl, ce qui,
ai-je besoin de le dire, ne prouverait rien, sinon que le falsificateur aurait su son mtier.
Il est regrettable qu'Oudinet n'ait pas dsign l'glise qui avait offert ce magnifique
prsent Louis XIV. Cette rticence fcheuse a peut-tre contribu faire englober
notre came dans la condamnation porte par Koehler sur un came du Muse de Naples,
reprsentant le mme sujet, et qui, nanmoins, est peut-tre bien antique, comme l'est
certainement le ntre. A la vrit, le came de Naples a t dshonor par un faussaire
4. Cat. de 1S58.
2. V. p. 273 et suiv.
177
qui a voulu le faire passer pour une oeuvre de Pyrgotle, en y gravant en monogramme
les initiales TTT. Beide Cameen rhren aus dem sechzehnten Jahrhundert her. Tel est
le texte de l'arrt de Koehler 2. Je ne discuterai pas les arguments de Fhypercritique qui
me paraissent sans valeur, au moins en ce qui concerne notre came. On m'a dj
entendu dclarer que ce savant avait fait des bvues parfois plus graves que celles qu'il
reproche durement aux autres. Mais notre came ne sera plus discut aujourd'hui;
M. Stephani, dans le mmoire cit plus haut, le mentionne comme parfaitement authentique; dans son analyse de ce mmoire, M. de Witte dclare que c'est bien tort que
Koehler conteste son antiquit; et quant moi, je vais apporter son histoire un fait
nouveau qui corroborera peut-tre les assertions de ces rudits.
Je crois reconnatre notre came dans un article de Y Inventaire du mobilier de
Charles V, roi de France, dress en 1379, et qui a t publi en 1879, par feu Jules
Labarte, dans la collection des Documents indits de l'Histoire de France.
P. 308, n 2938, je lis : Item, un cadran d'or, ou il a ung grant camahieu, auquel il
a ung homme, une femme et ung arbre ou mylieu, et aux coings dudit cadran,
a par embas, ung saphir et ung balay, chascun environn de trois perles, et deux
perles l'un des costez, pesant quatre onces cinq estellins.
Est-ce Charles V ou l'un de ses successeurs qui a donn ce grant camahieu l'glise
de France qui le possdait depuis deux cents ans en 1685? Quelque document nous
apprendra peut-tre un jour que le donateur n'est autre que Charles V lui-mme. Entre
la dernire date de l'inventaire de son mobilier, 19 avril 1379, et sa mort, le 16 septembre
1380, le pieux prince qui, en 1367, donnait la cathdrale de Chartres le merveilleux
came de Jupiter qui porte le n 4 dans le catalogue de 1858, pourrait bien avoir fait don
une glise du camaeu de Neptune et Minerve, bien que cet article ne soit pas ray
dans ce document. Du reste, que ce soit Charles V ou l'un de ses successeurs qui ait
donn ce came une glise, il est avr pour moi, et, j'espre, il le sera pour tout le
monde, que c'est bien ce monument qui, aprs avoir sjourn pendant deux sicles
dans le trsor d'une glise, en est sorti pour orner le Cabinet du roi Louis XIV, et se
trouve maintenant dans celui de la Bibliothque Nationale.
Quant au came du Muse de Naples, condamn par Koehler avec le ntre, sans tre
aussi affirmatif, parce que je ne l'ai plus sous les yeux, je dirai en sa faveur qu'il pourrait
bien provenir aussi du trsor de Charles V. Dans l'inventaire de ce prince, je lis sous le
n 2970 : Ung aultre camahieu sur champ rouge, ou il a ung homme, une femme et
ung arbre.
Cette fois, le rdacteur ne qualifie pas le camahieu de grand ; celui-ci l'est en effet un
peu moins que celui du Cabinet de France ; il mesure seulement 50 mill. de haut sur
4. Celle qui porte le n 269 du t. II de Mionnet, cite
plus haut, et qu'Oudinet avait figure dans le mme voGAZETTE AEOHOLOGIQUB. ANKE 1886.
lume, p 225.
2. Gesammelte Schriflen. T. III, p. 102.
oq
178
celles que je trouve sur mes notes de voyage de fvrier 1870, o je vois que les figures
se dtachent en blanc sur fond noir. Ceci n'est pas une difficult invincible. Les rdacteurs d'inventaires ne dsignaient pas rigoureusement les couleurs ; nous allons voir sur
la prsente planche un came reprsentant un taureau dont le rouge fonc est qualifi
noir. Toutefois, je ne prtends pas affirmer que le came de Naples soit le n 2970 de
Charles V; je ne rponds .mme pas de son antiquit; cependant, lorsque je le vis en
pture, si je notai qu'Lne pouvait remonter l'poque de Pyrgotle, le graveur
d'Alexandre, je ne mis pas son authenticit en doute, et, ce qui me rassure son sujet,
MM. Stephani et de Wittle tiennent pour antique. On peut voir une figure de ce came
dans le catalogue de Tassie par Raspe, pi. xxvi, n 1768. L, les divinits ont l'une le
trident, l'autre la lance; comme sur notre came, elles sont spares par l'olivier. Je ne
dois pas omettre de noter que le came de Naples porte la marque bien connue des
pierres de la collection de Laurent de Mdicis, LAVR MED.
Il me reste rappeler que, dans l'appendice de son mmoire, M. Stephani fait
connatre un troisime Carne reprsentant la Dispute de Minerve et de Neptune;
celui-ci est d'une poque-trs basse et le travail en est barbare.
TAUREAU EN MARCHE. (PL 3.)
179
d'tre placs dans la seconde classe dont je parlais plus haut, celle des pierres graves
qui exhalent un tel parfum d'antiquit que nul ne songerait contester leur authenticit. Toutefois, comme il est toujours intressant de connatre l'histoire des monuments de cette importance, et que j'imagine qu'il pourrait provenir, ainsi que le prcdent du trsor de Charles V qui tait particulirement amateur de cames, de ce trsor
,
o se trouvait une Croix aux carnahieux, comme il y en avait dans beaucoup d'glises
et comme il y en a une trs curieuse la Bibliothque de Brescia, je citerai un article
de l'inventaire du mobilier de ce prince, dress, ne l'oublions pas, en 1379, date
laquelle personne ne supposera qu'on ait pu graver soit la Dispute d'Athn et de
Posidon, soit notre taureau. L'article n 3013 est ainsi conu :
Ung aultre camahieu sur champ blanc et a une vache noire dessus.
Je rponds d'avance une objection qui me sera probablement faite ; si le fond du
came est blanc, comme il est dit dans l'inventaire, le taureau n'est pas noir, et en
outre, il ne s'agit pas d'une vache, mais d'un taureau. Je conviens de ces difficults, et
c'est pour cela mme que je n'affirme pas l'identification de notre came avec le
camahieu de l'inventaire; mais je ferai observer que le scribe a pu fort innocemment
qualifier de noire la couche rouge fonc qui fait une si heureuse opposition avec le fond
blanc de cette riche matire, et qui parat noire, malgr ou cause de la couche plus
claire dans laquelle sont prises deux des jambes de l'animal. Il est encore un argument
en faveur de l'identification que je propose : c'est que les cames de grande importance,
comme ceux de la prsente planche, nous arrivent rarement la suite de fouilles. Ces
monuments ont rarement t perdus; de chez les empereurs ou les grands de l'empire
romain, ils ont pass des chefs barbares chez nos premiers rois, puis ont t donns
aux glises, et c'est des glises o on les conserva prcieusement pendant des sicles
qu'ils sont arrivs dans les collections publiques. Malheureusement tous les inventaires
de rois, d'glises, etc., ne nous ont pas t conservs ; de ceux qui existent, beaucoup
sont encore inconnus ou indits, et, d'ailleurs, fussent-ils tous publis qu'il serait encore
assez difficile d'identifier la plupart des pierres graves qui y sont mentionnes avec
celles de nos collections publiques ou prives. N'importe, il n'en faut pas moins s'efforcer
de travailler ces identifications qui peu peu grossiront le nombre des monuments
d'authenticit certaine.
ANATOLE
.
CHABOUILLET.
SUR UN MISSORIUM
DE LA COLLECTION DE M. EUG. PIOT
(PLANCHE 21.)
Il a dj t question, dans ce recueil, des vases d'argent, de table, connus sous le nom
de missorium. M. Adrien de Longprier, avec cette discrte exactitude, jalouse de ne rien
donner au hasard, qui caractrise ses crits, y est revenu trois reprises diffrentes 1.
Le mot missorium est souvent rappel dans le savant inventaire de l'argenterie trouve
dans les Gaules, publi ici mme par MM. H. Thdenat et Hron de Villefosse; qu'il me
soit permis d'y revenir mon tour propos d'un de ces disques d'argent, rest indit,
qui. vient d'entrer dans ma collection et que j'ai dsir prsenter aux lecteurs de la
Gazette archologique. Nous chercherons prciser d'avantage la nature et la destination de ces sortes de monuments, splendeur du tricliniwm des anciens, dont l'usage
s'est prolong chez nous pendant la premire partie du Moyen-Age; la diversit des
noms sous lesquels ils ont t dsigns; les reprsentations dont ils taient orns.
I.
Le nom de missorium, adopt par les crivains franais des vic et vme sicles, et
que nous ne faisons nulle difficult de conserver, n'est pas celui sous lequel ces pices
d'argenterie taient conmies chez les Romains. Ptrone, dans sa description du festin
de Trimalchion, et Pline le Naturaliste, plusieurs reprises, se servent du mot reposilorium qui caractrise mieux leur usage. L'tymologie, l'origine du mot missorium,
adopt beaucoup plus tard, paraissait douteuse Isidore de Sville, un contemporain.
&a-xee cdrcAeciotriqu
1886
PL.
MISSORIUM EN ARGENT
COLLECTION DE M. EUGNE PIOT
21
181
II.
L'usage du repositorium, chez les Romains, est parfaitement expliqu par Ptrone
dans son Satyricon, deux reprises diffrentes, dans le long rcit qu'il nous a laiss
du festin de Trimalchion. Je laisse de ct la description du repositorium du premier
service pour ne m'arrter qu' celui du second. ... Un nouveau prodige arrta bientt
tous les regards : c'tait un repositorium de forme ronde, sur la circonfrence duquel
taient reprsents les douze signes du zodiaque. Sur chacun d'eux le matre d'htel
avait plac des mets qui, par leur forme ou leur nature, avaient quelques rapports avec
ces constellations : sur le Taureau, une pice de boeuf; sur les Gmeaux, des rognons;
sur le Cancer, une simple couronne; sur le Lion, des figues d'Afrique; sur les Poissons,
deux surmulets; au dessus de la Balance, une statre qui d'un ct soutenait une tourte,
et de l'autre un gteau... Au milieu, sur une touffe de gazon, un rayon de miel. C'tait
donc un vase ou mieux un plateau intermdiaire sur lequel on posait certains mets
placs dans des vases plus petits ou prpars, dans le genre de ceux que nous appelons
en caisse, ou en coquilles. Par le dveloppement qu'ils prenaient en certaines occasions,
ces repositorium taient de vritables surtouts de table, tels que l'on en excutait
encore chez nous il y a moins de cinquante ans. On n'y tranchait rien, on ne les souillait
pas de sauces, c'tait de vritables objets d'art et de luxe que l'on admirait, qui pouvaient
servir d'aliment la conversation des convives, par la nature des compositions dont
ils taient dcors, ou par l'art de leur excution. Les Grecs avaient emprunt aux
Perses ce luxe de l'orfvrerie de table. C'est aussi la conqute de l'Asie, suivant Pline,
que Rome en tait redevable. Le got se montre singulirement inconstant, dit-il,
pour les vases d'argent. Aucun atelier n'a longtemps la vogue, et l'on recherche tantt
les vases firmiens, tantt les clodiens, tantt les gratiens : c'est ainsi que le nom des
boutiques passe sur nos tables. Maintenant nous recherchons des anaglyptes et des
vases cisels en relief. Il y a plus, nous chargeons nos tables par l'intermdiaire des
repositorium qui servent supporter les mets ; et il ajoute, un peu plus loin, propos
des lits d'argent la forme de Dlos : La guerre civile de Sylla fit expier tous ces raffinements. Ils avaient paru peu avant cette guerre, ainsi que les plats d'argent de cent livres
pesant, dont il y avait alors plus de cinq cents Rome. Notre sicle a fait mieux : sous
l'empire de Claude, son esclave Drucillanus, nomm Rotundus, intendant de l'Espagne
citrieure, eut un plat d'argent de cinq cents pesant. Pour le fabriquer, on avait construit
un atelier tout exprs. Ce plat tait accompagn de huit autres, pesant chacun deux
cent cinquante livres. Dites-moi, combien fallait-il d'esclaves comme lui pour le porter,
ou qui prtendait-il donner dner ?
La mode des repositorium continua pendant tout le bas empire sans grandes modifications ; quelques pigrammes empruntes l'Anthologie vont nous montrer de quelle
manire les artistes byzantins le comprenaient, et la varit des sujets dont ils taient
orns.
182
ANONYME.
SUR UN MISSORIUM
disque
o
taient
Sur
gravs les douze signes du zodiaque et
un
d'autres constellations.
Sur ce plat d'argent,%ous voyez le ciel; la lune y regarde le soleil, dont les rayons
illuminent la totalit de son disque. D'autre part, les plantes et les toiles y dcrivent
leurs courses et rglent les destines de la race mortelle.
Nous avons dj vu les signes du zodiaque reprsents sur le repositorium de
Trimalchion. Athne, livre II, chap. 18, nous a conserv, dans un fragment du
pote comique Alexis, le souvenir d'un troisime de ces monuments dcor d'un sujet
semblable : une leon de cosmographie mise la porte des dneurs. Alexis, de Thurium,
mourut vers l'anne 290 av. J.-C. et le disque dcrit par lui peut prendre place en tte
des monuments de ce genre.
ANONYME.
d'Eubule.
Sur
un
MINSORION
Autre Pierre, je suis parvenu graver, pour que tous le voient, le tombeau vivifiant
du Seigneur sur ce plat, image du tombeau divin, dans lequel, prostern, je vois le
corps du Christ.
Ablabius Illustris, qui l'pigramme suivante est attribue, tait un pote du rgne
de Thodose le Jeune (408 450). Asclpiade est l'amateur qui le disque appartenait.
On aimait alors donner june origine illustre aux objets que l'on possdait, faiblesse
humaine qui n'est pas moins commune chez les modernes que chez les anciens : ici
l'origine est divine !
Sur un disque romain d'Asclpiadel.
Je suis une oeuvre de Vulcain, qui m'a longtemps travaill, mais Vnus m'a secrtement enlev de l'atelier de son poux. Elle me donna Anchise comme un gage
d'amour et de mystre, et Asclpiade m'a trouv chez les descendants d'Ene ( Rome).
III.
Avec les barbares du Nord qui avaient envahi l'empire d'Occident, ces pices d'orfvrerie changent de nom et aussi de physionomie. Insensibles aux arts de Rome et de la
Grce ils demandaient l'or, aux pierres prcieuses et l'mail translucide, une sorte
d'apaisement de leurs sens grossiers. Grgoire de Tours, dans son Histoire des Francs,
nous a conserv le souvenir d'un missorium du ve sicle, livre VI, chap. 2.
royale
rendu
la
maison
de
Nogent,
dit-il,
m'tais
je
poque,
A
cette
pour me
deM. F. Dehque,
vol.
I,
183
prsenter au roi (Childric II). L ce prince me fit voir un grand surtout, missorium
magnum unus, fabriqu par son ordre, compos d'or et de pierres prcieuses, et du
poids de cinquante livres. Je l'ai fait, dit-il, pour donner du relief et de l'clat
la nation des Francs. J'en ferai bien d'autres si Dieu me prte vie.
Les armes trouves Tournai, au xvif sicle, dans un tombeau dit de Childric Ier,
les couronnes de Guarrazzare, les vases de Gourdon, et mieux que tous, les grandes
pices d'or incrust de verre rubis du trsor de Petrossa, du Muse de Bucarest, dont
M. Odobesco prpare en ce moment la publication Paris, nous donnent une ide trs
exacte des oeuvres de cette poque.
La passion pour l'argenterie avait t si grande chez les Romains qu'il en circulait
encore beaucoup de pices dans les Gaules aux vme et ixe sicles, entre les mains des
riches particuliers, ou renfermes dans les trsors des glises.
L'abb Le Beuf, le premier qui ait attir parmi nous l'attention sur les missorium l,
en signale quatre du poids de 50, 40, 35 et 30 marcs, qui se trouvaient dans un lot considrable d'argenterie de table, prsent de saint Didier, vque d'Auxerre, l'occasion del
ddicace de la cathdrale de cette ville. Et le bon abb s'tonne devoir tant d'cuelles et
de salires dans le trsor d'une cathdrale! Lacroix de bois, l'autel de pierre, est un
rve de pote qui n'a jamais t du got des religions arrives. Les anciennes basiliques,
jusqu'au ixe sicle, plus tard encore, n'taient pas seulement des maisons de prire,
c'taient aussi des lieux d'asile, d'affaires, des magasins o l'on dposait ses marchandises
et ses objets prcieux. Parmi les ftes dont elles taient le thtre habituel, et que nous
connaissons, les repas funbres, qui dgnraient le plus souvent en orgies scandaleuses, furent un des usages les plus difficiles dtruire. Anathmatiss par saint
Grgoire et par saint Augustin, le peuple y tenait, et c'est pourquoi l'argenterie de table
faisait partie du mobilier des glises.
Nous pourrions en citer d'autres encore d'aprs les crivains du temps, mais il faut
nous borner. Nous demandons grce cependant en faveur d'un beau vase dcrit avec
beaucoup d'lgance et de prcision par Thodulfe, vque d'Orlans, le pote favori de
la cour de Charlemagne.
Ce prlat avait t envoy, missus dominicus, dans les deux Narbonnaises, mission
considrable qui investissait le mandataire des attributs du pouvoir royal de la faon la
plus absolue. Thodulfe nous a conserv ses impressions de voyage dans un pome de
prs de mille vers ; nous ne nous arrterons qu' la partie relative aux sductions dont
l'envoy tait entour, peinture nergique des moeurs et des choses du temps.
quelque plainte, tous ont solliciter quelque redressement, et
Tous ont porter
pour que la puissance royale se dclare en leur faveur, ils ont tous la main une
offrande, ou, sur les lvres, une promesse. Celui-ci, dit Thodulfe, me promet une
coupe de cristal et des perles de l'Orient, si je le rends matre du domaine d'autrui.
4. Dissertation insre au Mercure de France, janvier 1726.
184
SUR UN MISSORIUM
Celui-l m'offre un amas de sous d'or, sur lesquels sont tracs des caractres arabes,
ou des sous d'argent revtus d'inscriptions latines, si je consens lui livrer des
mtairies, des champs, des maisons. Un autre attire secrtement lui mon notaire, et,
de sa voix la plus basse, lui dit ces mots, qu'on doit me redire : Je possde un vase
enrichi d'anciennes figures, d'un mtal pur et d'un'poids qui n'est pas mdiocre. On y
voit reprsents l'antre criminel de Gacus, les troncs d'arbres o sont suspendues les
ttes ptrifies de ses victimes, les rochers qu'il a garnis de chanes, les produits varis
de ses rapines, le sol inond du sang des troupeaux et des hommes. Mais le courroux
d'Hercule venant terrasser le fils de Vulcain, celui-ci vomit de sa bouche sauvage des
flammes venues de l'enfer... les taureaux s'chappent de la caverne profonde, redoutant
d'y tre encore ramens en arrire, cela est dans le creux du vase, couronn par un
cercle uni, et dont le ventre n'offre pas un trop vaste contour. Au dehors sont des reliefs
de moindre dimension. On y voit le nourrisson de Tirynthe touffant les deux dragons,
et dix de ses autres travaux figurs en ordre. Cette partie extrieure du vase, altre
par un long usage, prsente une surface polie o l'on distingue peine les traces de
l'antique ciseau. Voici le grand Alcide, le fleuve Calydon et le centaure Nessus se disputant les charmes de Djanire, la robe fatale teinte du sang des monstres et l'horrible
trpas du jeune Lychas. Enfin parat le fier Anthe, qui meurt entre les bras robustes
de son rival, ne pouvant recourir son artifice habituel et rparer ses forces en touchant
la terre. Eh bien, ce vase est pour ton matre (car il m'appelait son matre) s'il se montre
favorable mes voeux. Sur mes terres est une nombreuse famille d'hommes, de femmes,
d'enfants, de jeunes gens, de jeunes filles, que les auteurs de mes jours ont fait libres
et qui jouissent de leur libert. Si ton matre me permet de corrompre une charte, je
lui donne un vase antique, et moi, devenu seigneur de tous ces gens, je ne tarderai pas
rcompenser tes bons offices. D'autres encore offrent des manteaux de diverses
couleurs, fabriqus par l'Arabe l'oeil farouche, des coupes d'argent dores au dedans
et noircies au dehors parle soufre, nielles, des toffes, des pes, des cuirasses, des
boucliers, des mulets, des chevaux, des peaux de Cordoue, blanches et rouges, des
brodequins, des gants, de lgers tissus avec lesquels on essuie son visage et ses mains,
etc., etc.i
Vers la fin duxive sicle et dans les premires annes du suivant, les grandes pices
d'orfvrerie antiques n'avaient pas encore toutes disparu, jetes la fonte par le
malheur des temps ou transformes par cette renaissance merveilleuse des arts qui
caractrise plus particulirement en France le rgne de Charles V.
Nous avons retrouv deux autres missorium grecs, de Byzance sans doute, dans
l'inventaire du trsor de la Sainte-Chapelle de Bourges fonde par Charles, duc de Berry,
l'imitation de la Sainte-Chapelle de Paris, et enrichie par lui d'une suite de pices
empruntons la traduction de cet intressant
fragment l'ouvrage de M. B. Haurau, de l'Institut
1. Nous
185
d'orfvrerie o le nombre le dispute la richesse. Ils sont dcrits ainsi sous les nos 127
et 133 :
Item. Un grand plat, sant sur pied, de mauvais argent dor, au milieu duquel a un
homme nu sur un cheval volant, et un lion sous ledit cheval; entaill de lettres
grecques. Pesant, 26 marcs 5 onces.
Item. Un grand plat d'argent dor, assis sur un pi d'argent dor, au fond duquel
plat est un ymage de Constantin le Grand, assis sur un cheval voulant, auprs lequel a
plusieurs
la
bordure
lettres
de
et
escript
autour
lion
dormant,
et
est
a
en
grecques,
un
bestes et feuillages de haulte taille. Pesant, 14 marcs 7 onces.
Le premier avait t donn en avril 1405, le
second, plus tard, vers 1414. Il n'y a point de
doute, malgr l'analogie du sujet, que nous
n'ayons ici deux pices diffrentes, le premier
est d'un homme nu mont sur un cheval volant
qui ne pouvait tre pris pour Constantin le
Grand, et son poids est double du second. Ils
reprsentaient, sans doute, l'un et l'autre Bellrophon combattant la Chimre, sujet favori souvent trait par les artistes de l'antiquit. Au
Moyen-Age, une semblable reprsentation pouvait aisment passer pour un saint Michel, un
saint Georges, ou mme pour un Constantin le
Grand. Nous possdons un de ces petits jouets
de plomb comme on en a souvent trouv dans la
Seine, vritable miniature de plat, dont on amusait les entants en ce temps-l comme ceux d'aujourd'hui, o la Chimre est trs finement caractrise par sa tte de lion, l'avant-corps
d'un bouc qui lui sort des reins et sa queue de dragon, souvenir d'un plat de ce genre.
Les missorium du duc de Berry taient-ils les derniers? Des recherches dans ce sens,
entreprises dans nos inventaires anciens, en feraient peut-tre dcouvrir d'autres.
Les documents publis par M. Hiver de Beauvoir, trs intressants, nous donnent
aussi l'arrt de mort de nos deux missorium dans des circonstances les plus piquantes :
lendemain
de
le
funrailles
dit-il,
des
duc
Jean,
du
lit,
compte
sa
que,
nous
au
on
mort, on fut oblig de vendre Jehan Lavarenne un lot de vaisselle de son argenterie,
du poids de 894 marcs, et que dans le dtail des pices qui composaient ce lot sont
compris les nos 127 et 133 de l'inventaire!
(.4
suivre.)
GAZETTE ARCHOLOGIQUE.
ANNE 1S86.
EUGNE
I
PIOT.
2i
LE PRETENDU
INOPOS
22.)
La belle sculpture que reproduit notre pi. 22 est depuis longtemps au Muse du
Louvre, mais il n'en avait pas encore t publi de reproduction satisfaisante'. Plus que
beaucoup d'objets dcouverts une poque rcente, elle nous a paru mriter les honneurs de l'hliogravure. Il y a des monuments que l'on peut appeler indits, alors mme
qu'ils ont dj t gravs plusieurs fois; le prtendu Inoptos est du nombre.
Par une bonne fortune trop rare quand il s'agit de marbres de nos anciennes collections, nous connaissons avec certitude la provenance de ce fragment. 11 a t rapport de
Dlos Marseille par un btiment de commerce qui l'avait embarqu comme lest. Acquis
par le peintre Esprit-Antoine de Gbelin, il fut cd par lui au Muse du Louvre. Avec la
quantit de marbres taills qui en couvrent le sol, l'le de Dlos, dont le mouillage est
excellent, a d bien souvent tre exploite par des vaisseaux en qute de lest; les amateurs d'antiquits sont venus ensuite, et les escadres ont fait concurrence aux navires
marchands. Ainsi s'explique le nombre relativement considrable de marbres dliens
qui se sont rpandus dans les collections de l'Europe. Nos muses du midi de la France
possdent certainement, sans le savoir, des satues ou des fragments venus de Dlos 2. Au
commencement du xve sicle, le voyageur florentin Bondelmonte signalait dans l'le
d'Apollon, outre la grande statue de ce dieu, dont les morceaux y existent encore,
plus quam mille idolorum omnium magisterio laudabili 3. Le chiffre n'a rien de
prcis, et l'on doit, sans doute, y voir une hyperbole, mais, sans la surveillance dont
ces les sont actuellement l'objet, tous les caboteurs de l'Archipel pourraient encore se
fournir de lest sculpt, tant Dlos mme que dans sa ncropole, l'le deRhne qui lui
fait face. Il y a vingt ans, la vente Pourtals, on adjugeait un autel en marbre orn de
4. La gravure de Bouillon (Muse des Antiques, 111,
bustes, pi. 2) est mdiocre; celles de Clarac (Muse de
sculpture, pi. 750, n" 48-20; pi. 4036, n 4820) sont des
esquisses qui ne ressemblent pas l'original et ne se
..,-.
..
1886
Pi..
DU MUSE DU LOUVRE.
187
188
LE PRTENDU INOPOS.
Pourquoi, enfin, conclure du travail sommaire des paules qu'elle tait adosse un
fronton, alors que nous possdons tant d statues antiques qui prsentent la mme
particularit, simplementparce qu'elles taient places contre une paroi, et que, d'autre
part, les figures mmes du fronton du Parthnon sont modeles avec soin sur les deux
faces ?
C'est surtout dans la nomenclature archologique que les erreurs ont la vie dure.
Otfried Mller mentionne la statue du Louvre parmi les reprsentations de divinits fluviales 1; Lbke, qui l'attribue au'rv0 sicle, la dcrit comme une figure couche , sans
mme indiquer que cette: position n'est qu'une hypothse; il ajoute qu'elle occupait
l'extrmit du fronton d'un temple, et remarque cette fois avec justesse que si la
puissante simplicit du style rappelle les sculptures du Parthnon, le traitement des
parties nues et des cheveux tmoigne de plus de mollesse 2. Dans l'excellent catalogue
des moulages du Muse d Berlin par Friedrichs, dont une dition compltement renouvele a t donne par M. "Wolters, nous trouvons enfin une tentative d'insurrection
contre la dnomination traditionnelle : Prtendu Inojjos... On a gnralement pens
que la figure tait couche, et on l'a explique comme une divinit fluviale. Mais aucune
de ces hypothses n'a de fondement. On s'est aussi tromp, la plupart du temps, sur le
style, en plaant cette sculpture l'poque de Phidias. Le traitement du corps est
plus mou que dans les statues du Parthnon; bien plus, une pareille tte est inadmissible, non seulementr l'poque de Phidias, mais mme avant Alexandre 3. Et
M. Wolters ajoute, avec raison, que le model sommaire du dos n'est pas une preuve que
le prtendu Inopos ait jamais fait partie du fronton d'un temple.
Imprimant ces lignes en' 1884, M. "Wolters aurait pu tre plus explicite. Nous connaissons maintenant, du moins par des publications provisoires, les temples de Dlos;
aucun n'avait un fronton assez lev pour abriter la grande statue couche dont le torse
du Louvre, haut de 0m 95, ne serait qu'un fragment. La preuve en sera faite d'une
manire dfinitive au jour prochain o M. Nnot publiera les relevs et les restaurations
dont il a recueilli les lments Dlos pendant les fouilles diriges par M. Homolle.
Mais au moment o s'imprimait le catalogue des moulages de Berlin, l'tiquette de la
statue du Louvre n'tait plus conforme l'explication de Visconti. M. Ravaisson avait
reconnu un portrait d'Alexandre le Grand dans le prtendu dieu de l'Inopos. Comme le
savant conservateur du Muse des Antiques n'a nulle part fait connatre les motifs qui lui
ont dict cette nouvelle attribution, M. Wolters est bien excusable de l'avoir ignore ; il
aurait pu, toutefois, en dcouvrir la trace dans un article de la Revue archologique,
publi en 1876 (tome II) par M. Charles Ravaisson fils 4. Ce n'est qu'une phrase incidente,
1. Handbuch der Archmologie, 103,1. Mais il a soin de
placer un signe de doute aprs le nom Inopos.
2. Liiblie, Geschichte der Plaslik, 3e dition, 1880, t. I,
p. 231.
3. Gypsahgsse anliker Bildwerke, Berlin, 4 885, n 4 601,
p. 647.
4. Charles Ravaisson, La critique des sculptures antiques
au Muse du Louvre, troisime article, Revue archologique,.
1876, t. II, p. 328.
DU MUSE DU LOUVRE.
189
mais qui mrite la peine d'tre rappele, parce qu'elle supprime d'avance toute contestation au sujet de la priorit d'une hypothse qui nous parat devoir tre bientt gnralement admise : Une sculpture de premier ordre, mais trs endommage, reste
encore au Louvre l'tat de fragment; je veux dire la figure appele Inopus, aujourd'hui place dans la salle du plafond de Diane peint par Prudhon, et que le caractre de
la physionomie et de la chevelure, joint la trace d'un bandeau royal, ont fait reconnatre au conservateur actuel pour tre un Alexandre le Grand.
L'observation judicieuse de M. Wolters, qu'une tte comme celle de cette statue est
inadmissible avant Alexandre le Grand, vient prter son appui l'hypothse de
M. Ravaisson. Nous savons aujourd'hui, avec assez d'exactitude, quels sont les
caractres de l'art de Lysippe, dont drive presque toute la sculpture de l'poque
macdonienne, et ces caractres se retrouvent avec vidence dans notre marbre,
prtendu contemporain de Phidias. L'ovale allong de la tte, l'enfoncement des yeux,
la forte saillie de la bosse frontale, le traitement l'effet de la chevelure, ce sont l des
indices irrcusables, qui permettent de rapporter une sculpture la dernire partie du
ive sicle.
Maintenant, le ci-devant Inopos est-il bien un Alexandre? Sur ce point, il est toujours
difficile d'arriver une certitude absolue. Le seul portrait incontestablement authentique que nous possdions du roi macdonien, le buste trouv Tivoli par le chevalier
Azara, et donn par lui Napolon l, est d'une conservation si dfectueuse, d'un style si
pauvre, qu'on y reconnat peine un reflet de la beaut universellement attribue au
fils de Philippe par les crivains qui connaissaient ses images. La numismatique,
comme on sait, ne peut gure nous tirer d'embarras. Aucune monnaie au type
d'Alexandre n'a t frappe de son temps; cette opinion, mise d'abord par Eckhel, puis
conteste sans raisons suffisantes par Visconti 2, est aujourd'hui gnralement approuve
des numismatistes 3. Les premires monnaies avec le portrait d'Alexandre sont
peut-tre dues Ptolme Soter, qui les fit frapper vers 310; encore est-ce moins un
portrait qu'une image idalise, o les traits individuels ont presque disparu. C'est
aux textes antiques, et accessoirement au buste de Tivoli 4, que nous devons le peu que
nous savons avec certitude sur l'apparence physique d'Alexandre. Si nous en apprenons
jamais davantage, ce sera par la dcouverte d'une statue exactement conforme aux
descriptions des anciens.
Ces descriptions, en laissant de ct le verbiage, nous font connatre les dtails suivants
:
Alexandre avait la tte lgrement penche sur l'paule gauche; il levait souvent le
regard au ciel; ses yeux taient humides et brillaient d'un clat voil; sa chevelure tait
1. Visconti, Iconographie grecque, pi. 39, 4, 2; t. U,
p. 36; Wolters, Gypsabgiisse, n 4 318, p. 483.
2. Iconographie grecque, t. II, p. 43 et suiv.
3. Imhoof-Blumer, Porlrdlkoepfe auf anlilien Miinzen
hellenischer Voelker, 4 885, p. 4 4.
190
LE PRTENDU INOPOS.
rejete en arrire; il avait, le premier, adopt le diadme, l'imitation des rois persans.
Le caractre gnral de sa physionomie tait viril et lonin. Lysippe seul a su le rendre
avec perfection; ses imitateurs, en exagrant l'inclinaison du cou et l'expression rveuse
des yeux, ont affadi le type du conqurant aux dpens de sa majest et de sa force 1. Ce
type affadi est celui des monnaies qui portent l'effigie d'Alexandre, en particulier del
grande pice du trsor de Tarse 2.
Pompe et Caracalla ne sont pas les premiers, parmi les anciens, qui se soient flatts
de ressembler Alexandre et qui aient fait effort pour imiter son aspect. Il en fut du
type d'Alexandre comme de celui de Napolon Ier notre poque : on contrefit le Macdonien comme on a, depuis, contrefait le Corse. Les successeurs d'Alexandre, en particulier, ont imit le port de sa chevelure, son regard humide et rveur ; les sculpteurs se
sont familiariss avec le caractre gnral de ce type, au point de l'imprimer des
personnages qui n'avaient rien de commun avec Alexandre 3. M. Homolle a dcouvert
Dlos un buste remarquable qui n'a t publi que tout rcemment, malheureusement
d'aprs une photographie dfectueuse 4; le bandeau royal dont la tte tait ceinte indique
clairement que c'est le portrait d'un roi. Au premier abord, M. Homolle a t tent d'y
reconnatre un de ces Alexandres affadis dont parle Plutarque. Voil bien, dit-il, cette
tension du cou doucement pench, ce lger renversement de la tte, ces yeux levs au
ciel, ce regard humide; voil bien aussi, dans l'expression tourmente et comme souffrante, l'air plus attendri qu'imprieux, ce je ne sais quoi d'alangui, qui tait la faute
commune des reprsentations d'Alexandre.
M. Homolle, nanmoins, n'a point persist dans son hypothse : une de ses principales raisons est la longueur du cou qui, dans le buste de Dlos, contraste avec la carrure
trapue de l'encolure dans le buste de Tivoli 5. Il prfre y reconnatre le portrait d'un des
successeurs d'Alexandre au uf sicle, d'un de ses imitateurs au physique, plus pris de
la grce que de la force, qui faisaient perdre leur modle le caractre lonin vant par
Plutarque. Peut-tre, cependant, ce manque de fidlit est-il plutt le fait d'un artiste
qui n'aura connu Alexandre que de seconde main; nous ne verrions gure de difficult, pour notre part, admettre la premire hypothse de M. Homolle. Les variations
qu'a subies, dans notre sicle, le type de Napolon Ier sont utiles mditer quand on
s'occupe de l'iconographie d'Alexandre.
4. Plutarque, De Alcxandri magni seu virlute seu
forlitudine, II, 2; Atexander, c. iv; Pompeius, c. i;
Elien, Far. Ilist., XII, c. xiv; Justin, XH, 3 ; QuinteCurce,VI, 6. Cf. Visconti, Iconographie grecque, t. II,
p. 39, qui a particulirement insist sur le caractre de la
ehevelured'AIexandre,rejete en arrire la manire d'une
crinire de lion. L'inclinaison de la tte sur l'paule
DU MUSE DU LOUVRE.
191
Le torse de Paris est d'une excution suprieure au buste que M. Homolle a dcouvert
et qui est rest au Muse de Myconos ; mais il y a entre les deux ttes un air de famille
incontestable. Dans le fragment du Louvre, la tte semble penche sur l'paule droite
au lieu de l'tre, comme l'indiquent les textes que nous avons rappels, sur l'paule
gauche. Mais, en vrit, elle est surtout penche en avant, et il serait tmraire d'attribuer trop d'importance ce dtail, dans l'ignorance o nous sommes de l'attitude gnrale de la statue. Les yeux, non plus, ne sont pas levs au ciel ; est-il certain que ce
caractre fut commun tous les portraits authentiques d'Alexandre? Cela est bien difficile supposer, car on ne se figure pas Alexandre regardant le ciel dans les groupes de
la Chasse au lion et de la Bataille du Granique, o Lysippe l'avait plac au premier
plan. Lysippe tait l'auteur d'une statue d'Alexandre regardant le ciel, ce qui inspira un
pote du temps une pigramme clbre : Le hros lve les yeux vers Jupiter, comme
pour lui dire : Rgne dans l'Olympe, et que la terre soit moi! Il n'en fallait pas davantage pour que le regard lev d'Alexandre devnt un de ses traits essentiels dans
l'imagination des crivains grecs. Nous attribuons plus d'importance d'autres caractres de la statue du Louvre, la chevelure rejete en arrire, le cou pais, la petitesse des
yeux. C'est bien l ce que les anciens entendaient par le regard humide , TO ypov,
qui tait propre Aphrodite, ros, Dionysos, par opposition aux yeux largement
ouverts et d'un clat moins discret. Enfin, les traces du bandeau reconnues par
M. Ravaisson ne permettent pas de douter qu'il ne s'agisse d'un personnage royal.
Les traces du diadme sont visibles tout autour de la tte en particulier sur la
,
gauche, o il subsiste un trou servant l'insertion de la bande mtallique. L'excellente
excution du marbre est bien ce que l'on devait attendre d'une statue d'Alexandre
leve Dlos avant la fin du ive sicle. Les motifs de reconnaissance envers le roi
macdonien ne manquaient pas aux habitants de l'le. Longtemps tyranniss par les
Athniens, ils lui durent une indpendance qui allait inaugurer pour eux une re nouvelle de prosprit; on savait qu'Alexandre favorisait le sanctuaire de Dlos et dsirait
qu'il devnt l'gal de ceux de Delphes et d'Olympie 1. Ainsi, les circonstances historiques,
le lieu de la dcouverte, le style, les dtails eux-mmes semblent confirmer l'hypothse
de M. Ravaisson : nous l'adoptons, pour notre part, non point faute d'en connatre une
meilleure, mais parce que nous croyons fermement qu'elle est la bonne.
SALOMON
REINACH.
UN PORTRAIT DE CHARLES
Ie1
D'ANJOU
1282
MOINE DU MONT-CASSIN
BIBLIOTHQUE NATIONALE DE PARIS
DANS UN MANUSCRIT AUJOURD'HUI A LA
(PLANCHE 23.)
On sait combien il est rare d'arriver dcouvrir en quelle anne et par quelles mains
ont t excutes les peintures d'un manuscrit. C'est donc toujours une vritable bonne
PL. 23
aKftte <Lrc#lo(ri0u&
li S 6
193
si populaires aujourd'hui. Prendre sous sa protection les matres dans l'art de soigner et
de gurir, leur donner, sans distinction de race, ni mme de religion, des traitements
d'tat
vritable
la
mdecine
institution
de
l'exercice
de
rgie
des
pensions,
faire
une
ou
et patronne par le pouvoir souverain, c'tait dj bien. Charles d'Anjou fit mieux
encore. Il s'effora de mettre entre les mains des docteurs de nouveaux instruments
de travail, en vulgarisant, par des traductions latines, quelques-uns des ouvrages
classiques de la mdecine arabe qui taient encore inconnus au monde chrtien.
Parmi ces ouvrages se trouvait une sorte d'encyclopdie mdicale trs volumineuse
en vingt-cinq livres, portant le titre de El Hawi et contenant, dans un ordre assez
confus, une srie de notes et de matriaux runis par le persan Mohammed Abou Bekr
Lbn-Zacaria, plus connu sous le surnom de Rhass ou Rasi, une des lumires de la
science orientale, mort dans la premire moiti du xe sicle de notre re.
Depuis la croisade de 1270, Charles d'Anjou entretenait des relations politiques et
commerciales suivies avec les souverains ou califes de Tunis, dcors du titre de
rois par le formulaire de la chancellerie angevine. De nouveaux accords conclus
avec Abou-Zacaria Jehia, surnomm El Wathek, qui garda le pouvoir de 1277 1279,
venaient encore de raffermir ces bonnes relations '. Le roi de Sicile en profita pour faire
demander officiellement au prince tunisien par ses ambassadeurs un exemplaire de
l'El Hawi. Le succs de cette dmarche ne pouvait tre douteux, et Charles d'Anjou,
ayant reu le prcieux manuscrit des mains de ses envoys, eu confia aussitt la traduction un de ses interprtes ordinaires pour la langue arabe, le juif Farag ou Farache
Moyse, fils de Salem, originaire de Girgenti en Sicile, docteur de l'Ecole de Salerne,
le mme dont une fausse interprtation d'un texte contenant les mots de Carolus
primus a fait tort, sous le nom de Farraguth ou Ferraguth, un mdecin de Charlemagne 2.
Ds le 6 fvrier 1278, Farag tait l'oeuvre 3. Aprs plus d'un an de labeur assidu, il
termina sa traduction Naples, le lundi 13 fvrier 12794. Elle fut alors soumise
l'examen des mdecins du roi et des docteurs de Naples et de Salerne qui l'approuvrent d'une voix unanime avec les plus grands loges 5.
Tout ces dtails nous ont t transmis par Farag lui-mme dans le prologue et dans
Yexplicit final qu'il ajouta son travail. Ils sont, d'autre part, pleinement confirms par
1. Voir ce sujet une intressante note de M. Amari,
dans le Saggio di codiee diplomatico de Minieri-Riccio, I
(Naples, 1878, in-4), p. 48.
2. Cf. Eloy, Dictionnaire historique de la mdecine
(Mons, 1778, 4 vol. in-4), II, p. 198 ; et Salvatore de
Renzi, Storia dlia medicina in Italia (Naples, 1843-1848,
5 vol. in-8),II, p. 130.
3. Archives de Naples, Registre angevin 34, fu 48.
4. Cette date rsulte de Yexplicit inscrit sur le verso
d'un feuillet blanc (f 189), la suite du XXVe livre de
GAZETTE ARCHOLOGIQUE.
ANNE 1SSG.
25
194
195
pension par le roi Robert, petit-fils de Charles Ier, un bien autre artiste que le moine
du Mont-Cassin, Giotto lui-mme 1. Du temps de Charles Ier, les copistes les mieux
pays arrivaient avec peine gagner leur once d'or en six semaines de labeur continu.
Or, il existe la Bibliothque Nationale de Paris o il est arriv avec les collections
de Colbert, sous le n 6912 du fonds latin, un bel exemplaire de la traduction de Farag,
en cinq volumes de grand format, couverts d'une reliure pleine de maroquin rouge aux
armes du ministre de Louis XIV'2. Cet exemplaire ne serait-il pas, par hasard, celui
dont nous venons brivement d'esquisser l'histoire ? Pour rsoudre la question, c'est au
manuscrit lui-mme qu'il faut s'adresser.
En combinant les diverses indications qui nous sont fournies par les documents
des archives de Naples, nous arrivons aux conclusions suivantes :
La premire copie de l'autographe de Farag formait deux tomes, elle tait crite
deux colonnes en lettres de lieuste 3, de grant volume, siir cartes chevrotines,
c'est--dire sur vlin, dont le prix relativement lev atteste la qualit suprieure, et par
quinternes ou cahiers composs de cinq pices de vlin, soit dix feuillets au cahier.
Au dbut, le travail s'tait effectu pour ainsi dire par fragments, deux ou trois crivains se trouvant employs simultanment crire un certain nombre de cahiers,
runis ensuite tant bien que mal; plus tard, il tait devenu plus rgulier. Enfin, une
fois le manuscrit termin, il avait fallu, cause de la difficult de l'criture , une
longue collation et des corrections coteuses excutes sous les yeux de Farag lui-mme 4.
Ce signalement s'applique merveilleusement au manuscrit de la Bibliothque Nationale. Nous y retrouvons la disposition sur deux colonnes et les lettres de tieuste; les
feuillets de vlin, groups par quinternes, se distinguent la fois par la beaut de la
matire et par le grant volume. Ils ont, en effet, 410 millimtres de haut sur
". Minieri-Riccio, Saggio di codice diplomatico, II
(Naples, 1880, in-4), p. 16.
2. Le manuscrit de Paris, dj cit par M. de Cherrier
(Histoire de la lutte des papes et des empereurs de la Maison
de Souabe, III, p. 130, note 3) qui, sur la foi de l'ancien
catalogue, le croyait du xive sicle, a t de nouveau
signal par M. Michle Amari,ds 1851, dans la premire
dition florentine de La guerra del Vespro Siciliano (I,
p. 80.et II, p. 407), puis en 1868 dans le tome III (pp.
698 et 868) de la Storia dei musulmani di Sicilia. L'minent historien, qui tout rcemment encore vient de reprendre la question dans la neuvime dition (Milan,
1886, 3 vol. in-8) de son ouvrage sur les Vpres Siciliennes (I, p. 111, et III, pp. 4*3-488), ne doute pas
que ce bel exemplaire n'ait t fait pour Charles d'Anjou.
Il a reconnu l'importance de la note relative au scribe
Anglus de Marchia. Toutefois, par une confusion que
nous avons dj eu occasion d'expliquer, il s'est mpris
196
265 millimtres de large, format dont les dimensions sont d'autant plus frappantes que la
justification du texte n'a en moyenne que 250 millimtres sur 160, et que par consquent
les marges restent extrmement larges. Il est vrai que le manuscrit est actuellement
reli en cinq tomes. Mais on peut constater facilement, par l'examen de grands rinceaux tracs en noir sur les tranches, qu'il ne formait l'origine que deux volumes,
le premier contenant les tomes I et II actuels, et le second les trois autres. Des indices
certains montrent que le travail s'est effectu en plusieurs fois 1, et, ce qui est bien
d'accord avec le tmoignage des pices d'archives, ces indices se rencontrent plus
frquemment au dbut de l'oeuvre, tandis qu'ils disparaissent vers la fin. D'autre part,
les corrections 2 sont extrmement nombreuses et quelquefois assez longues. Un pareil
fait, rapproch du grand, soin matriel apport la confection de ce luxueux exemplaire, serait tout fait incomprhensible s'il s'agissait d'une copie de seconde main.
Il s'explique au contraire trs bien du moment o l'on est en face de ce que j'appelle
une premire dition, ayant pour base un manuscrit autographe difficile lire, et
corrige par les soins de l'auteur en personne, soit, dans l'espce, du traducteur
Farag, qui aura profit de l'occasion pour amender et complter son oeuvre, pour
remplacer par des termes meilleurs les expressions dont il tait mcontent, absolument
comme nous le faisons de nos jours sur les premires preuves d'un ouvrage livr
l'impression. D'ailleurs, les lettres de forme employes pour le texte sont bien de la fin
du xmc sicle 3. De plus, on relve, sur les marges du premier volume, des notes traces
en caractres cursifs assez fins qui rappellent d'une manire frappante et je m'appuie
ici sur une longue pratique des archives de Naples les critures employes la cour
de Charles Ior dans la seconde moiti du rgne. Le costume du roi dans la miniature
initiale, que nous allons dcrire un peu plus loin et qui reproduit les armes de Charles
d'Anjou en unissant les fleurs de lys de France aux croix et croisettes de Jrusalem,
quivaut, ou peut s'en faut, un cusson de possesseur. Enfin, sans vouloir achever
d'numrer toutes les preuves, j'en citerai encore une dernire qui n'est pas moins
forte que les prcdentes. Parmi les crivains pays au mois d'aot 1282, au moment o
l'El Hawi venait d'tre termin, figure un certain Ange de la Marche, ou Anglus de
Marchia. Or, on lit la fin du cinquime volume de notre manuscrit, sur le verso d'un
feuillet de garde plac aprs une sorte de dictionnaire latin-arabe de termes mdicaux
qui fait suite l'ouvrage de Rhass :
Lib[er] scriptus p[er] manum Angeli de Marchia.
Il est donc certain que le premier exemplaire mis au net de la traduction de l'El Hawi
1. Telles sont les pages ou les colonnes restes
blanches, la manire ingale dont les diffrents livres se
soudent les uns aux autres, et jusqu' une grosse erreur
de raccordement (tome Ier du Ms. latin 6912, f 98 v)
qu'il a fallu corriger, moiti par grattage, moiti par
deleatur.
2. Les corrections sont crites sur les marges, entoures d'une mince ligne de couleur rouge ou bleue, avec un
renvoi au texte figur par deux petits traits obliques.
3. C'est tort que le catalogue des manuscrits latins
de la Bibliothque royale imprim en 1744 reporte ce
manuscrit au xive sicle.
197
par le juif Farag, fait pour le roi Charles Ier d'Anjou, est l'exemplaire aujourd'hui
possd par la Bibliothque Nationale. Par consquent, les miniatures, ou, pour parler
comme les documents, les images qui dcorent le manuscrit latin 6912 sont l'oeuvre
du moine Jean du Mont-Cassin et ont t peintes Naples en 1282.
Ces images consistent en une triple miniature fond d'or bruni place sur la premire page du manuscrit en tte du prologue, et en vingt-cinq miniatures plus petites,
galement fond d'or bruni, renfermes dans les lettres initiales de chacun des vingtcinq livres de l'El Hawi. En outre, parmi les lettres initiales ordinaires traces en rouge
et en bleu, il s'en trouve une trentaine environ qui sont gayes, en manire d'arabesques, par des figures, vues en buste, mi-corps ou en pied, assez spirituellement
dessines en quelques traits rapides et trs lgrement rehausses de teintes plates
l'aquarelle 1.
Toutes les miniatures proprement dites, qui doivent uniquement ici absorber notre
attention, sont non seulement de la mme main, mais encore elles prsentent une telle
unit d'aspect 2 qu'elles ont d certainement tre excutes d'un seul jet et sans interruption, les unes la suite des autres. D'ailleurs, l'ensemble du travail nous parat parfaitement rpondre aux renseignements qui nous sont fournis par la quittance du
31 aot 1282, relativement au temps employ par l'artiste et au salaire pay.
La triple miniature du dbut 3 comprend, sur une premire range, deux tableaux
rectangulaires de mme grandeur accols l'un l'autre, mesurant 57 millimtres de hauteur
et 96 millimtres de largeur totale ; puis immdiatement au dessous, place peu prs dans
l'axe de la ligne mdiane des deux tableaux, en manire de triangle, une troisime
miniature carre un peu plus petite (49 millimtres de ct) renfermant la lettre initiale
du prologue, qui est un E.
Ces miniatures nous retracent l'histoire de la traduction de l'ouvrage de Rhass, telle
que nous la connaissons dj la fois par le texte du prologue et par les pices des
archives de Naples. Dans le tableau suprieur de droite, le prince de Tunis remet trois
ambassadeurs du roi de Sicile le manuscrit arabe de l'El Hawi. Le tableau de gauche
nous montre le manuscrit rapport par les ambassadeurs Charles d'Anjou. Enfin la
1. Ces figures, que nous citons pour mmoire, car
elles ne rentrent pas dans l'oeuvre du moine Jean, restent
assez uniformes pendant la plus grande partie du manuscrit. Elles reproduisent presque toujours l'image d'un
docteur, faisant de la main droite un geste de dmonstration. Ce n'est que tout fait la fin, dans le vingtcinquime livre de l'El Hawi (tome V du manuscrit) que
la verve du dcorateur commence s'animer. On voit
198
unes
une petite scne deux ou trois personnages se rapportant aux matires traites dans
chaque livre, c'est--dire aux affections des divers organes du corps humain et aux moyens
de les gurir. On y voit, par exemple, le mdecin au chevet du patient 2, examinant son
oeil 3 ou son oreille 4, lui appliquant un empltre 5, ou excutant soit une opration
chirurgicale 6, soit un pansement 7.
Dans deux de ces miniatures rapparat la personne du roi Charles Ier. En tte du
livre XXV, lequel traite du rgime alimentaire, il est assis table, ayant auprs de
lui un personnage qui lui prsente un vase boire 8. Plus intressante est la vignette
du livre XXIV; car elle vient complter la triple miniature du prologue, en mettant
sous nos yeux le dernier acte de l'entreprise dont nous avons vu les dbuts. En effet,
Charles d'Anjou y figure ayant devant lui son trsorier qui porte un sac d'argent, en
train de payer Farag le prix de sa traduction 9. On trouvera cette dernire miniature
reproduite, ainsi que la grande peinture qui ouvre le manuscrit, sur la planche jointe
cet article.
Les miniatures dues au pinceau du moine Jean sont franchement italiennes de dessin
et de coloris. Sans pouvoir tre en aucune manire considres comme des oeuvres d'un
ordre suprieur, ni mme comme des oeuvres d'un aspect trs agrable, elles dnotent
cependant un rel talent. Si les figures sont courtes, peu lgantes et les ttes souvent
trop grosses pour les corps, les personnages sont groups habilement et poss avec
beaucoup de naturel et de vrit. Les gestes restent toujours simples et aiss; les
draperies sont disposes avec got, sinon mme avec un certain sentiment de largeur,
Charles
d'Anjou
le
roi
10.
reprsentant
tableau
le
dans
comme
1. Ces petites miniatures sont gnralement accom-
199
200
le manuscrit de la Bibliothque Nationale offre une ressemblance trs grande avec une
autre reprsentation, galement contemporaine, du vainqueur de Manfred. Je veux
parler de la clbre statue de marbre qui existe Rome, dans le palais des Conservateurs, au Capitule 1. Les traits caractristiques du visage, ainsi que le costume,
quelques accessoires prs-2, sont les mmes, et la pose serait identique si, dans la statue,
le personnage ne se tenait tout fait immobile, portant le sceptre dans la main droite
et une boule dans la main gauche, tandis que dans la miniature il tourne la tte
gauche en relevant la main droite, reste libre, hauteur de l'paule et en saisissant
de la main gauche le volume venu de Tunis. D'ailleurs, cette pose du roi assis sur le trne
aux ttes de lions est l'attitude traditionnelle du type dit de Majest, tel qu'on le trouve
sur le grand sceau de Charles Ier 3 qui est une copie vidente des sceaux des rois de
France.
On reconnat aussi trs bien l'arrangement des cheveux, au dessin du nez et de la
bouche, l'homme du manuscrit latin 6912, autant qu'un profil peut tre compar une
figure vue presque de face, dans la belle monnaie d'or frappe par le monarque angevin l'imitation des Augustales de Frdric II.
Si nos peintures sont bien d'accord avec les monuments figurs, elles ne le sont pas
moins avec le portrait que l'historien Villani a trac du frre de saint Louis en parlant
de son visage svre, de ses regards fiers, de son grand nez 4, de son teint olivtre, de
sa taille leve, de son corps bien muscl et de toute sa physionomie empreinte d'une
singulire majest 5.
On voit de quelles garanties tout fait particulires d'exactitude sont entoures les
images de Charles d'Anjou qui accompagnent la traduction de Farag dans l'exemplaire
de la Bibliothque Nationale. Ces miniatures doivent donc tre comptes au premier
rang parmi les trop rares documents iconographiques absolument certains, qui
remontent au xm" sicle*
Il est inutile d'insister sur l'intrt qu'elles prsentent aussi au point de vue de
'!. La statue du Capitole a t publie plusieurs
montrent le roi.
3. Doiiet d'Areq, Inventaire des sceaux des Archives,
III, p. 510, n 11765; Blancard Iconographie des sceaux
,
201
l'histoire de l'art. Il est vident que le miniaturiste choisi par Jean de Nesles pour
dcorer l'exemplaire de luxe destin personnellement au roi Charles Ier, devait jouir
d'une certaine rputation et s'tre fait connatre par des travaux antrieurs. On peut
mme supposer que c'est l'abb du Mont-Cassin, lequel au commencement de 1282 tait
encore un Franais, Bernard Ayglier, originaire de Provence, tout dvou la
dynastie angevine, qui aura dsign le moine Jean l'attention de la cour napolitaine. Mais c'est en vain que j'ai cherch quelques indications cet gard dans les
livres qui se rapportent au clbre monastre, et notamment dans l'ouvrage spcial de
don Andra Caravita sur les manuscrits et les arts au Mont-Cassin 1. Si Schulz, dans un
essai inachev sur l'histoire de la peinture napolitaine 2, a cit le nom de notre artiste,
c'est uniquement d'aprs le mandement du 31 aot 1282 que j'ai moi-mme mentionn
plus haut. Grce au manuscrit de l'El Hawi, nous possdons aujourd'hui un spcimen
authentique de ses oeuvres. Nous connaissons par consquent sa manire, assez personnelle pour tre reconnaissable, et je demeure persuad qu'en partant de ce point de
dpart, dsormais certain, on pourra retrouver soit au Mont-Cassin mme, soit
Naples,- soit dans les dpts publics qui, comme la Bibliothque Nationale de
Paris, auront recueilli des manuscrits confectionns dans l'Italie mridionale, d'autres
peintures dues au pinceau de celui qui a si bien su caractriser la physionomie clu juif
Farag et reproduire les traits de son royal patron, du grand roy Charles qui conquist
Sicile.
PAUL
GAZETTE AECHOLOGIQUE.
AXNE 1886.
DURRIEU.
26
26)
Italie 3.
I.
VOUTE.
La clef de vote est orne d'un cusson (peint) de Clment VI, d'or, la bande d'azur,
accompagn en orle de six roses de gueules. Quant aux segments, ils contiennent
1. Voy. Gazette archologique ,1885.
2. Ces documents prcieux m'ont t communiqus avec
la plus grande obligeance par M. Viollet-le-Duc, chef du
bureau des Monuments historiques, et M. Marcou, biblio-
gratitude.
3. Il est essentiel de faire usage de l'dition italienne
(3 volume publi Florence en 1885) ; les apprciations
contenues dans l'dition anglaise et dans l'dition allemande v sont trs sensiblement modifies.
LA.
&ate&'cArckeol0criqu&'- 1886
Hcliog-
PL. 25
Dujardia
Exides .nip
ET DE LA CHARTREUSE DE VILLENEUVE.
203
204
Au
centre,
;
anges, l'un de profil, l'autre, d'une rare beaut 1, de face. Plus loin, trois personnages,
trois aptres videmment, dont deux tournent le dos; le troisime est mutil : sa
tte a disparu.
C. Le Sacrifice de Zacharie.
Le
tient
pre
de
Jean
imberbe
saint
encore
se
debout devant l'autel qui supporte l'agneau plac sur un gril ardent ; il tend la droite
vers un personnage plac gauche et dont il est difficile de fixer l'identit, sa tte
s'tant dtache ; de la gauche, Zacharie soutient les plis de son ample manteau rouge
doubl de vert. Ce sujet, si souvent trait par les artistes du xivc sicle, est ici rduit
sa plus simple expression.
1. Le buste grav dans mes Peintres d'Avignon l'poque de Clment VI.
ET DE LA CHARTREUSE DE VILLENEUVE.
205
III.
A. Le Baptme du
gauche, Hrode assis une table en compagnie de deux convives, dont l'un porte une
sorte de bonnet phrygien. Salom, tout enfant, se tient devant lui dans une attitude
fort embarrasse; plus loin, un homme apporte la tte du saint. A droite, Salom
prsentant sa mre cette mme tte. Cette peinture, d'aprs MM. Crowe et Cavaicaselle,
a galement pour auteur un artiste franais, tranger aux traditions de l'cole cle
Sienne.
C. Voussure de la fentre
baptme ) ?
De
206
IV.
(Fragment.)
D'aprs un calque de M. Denuelle appartenant Mme Taine
' LE CHRIST APPARAISSANT A SAINT
JEAN.
ET DE LA CHARTREUSE DE VILLENEUVE.
207
pointes dans la bouche, tient de la gauche les clefs ; il pose la droite sur la tte d'un
aptre agenouill devant lui. Dans les airs, une colombe. MM. Crowe et Cavaicaselle
voient dans cette scne le Christ et saint Jean l'Evangliste, dans un des pisodes de
l'Apocalypse. Je serais plus dispos y voir tout simplement le Christ remettant les clefs
saint Pierre. En effet, l'iconographie du personnage agenouill se rapproche beaucoup
plus de celle du prince des aptres que de celle de l'auteur de l'Apocalypse.
F. Saint Pierre ressuscitant Tabitha 8, au dessous de la Vocation des fils de
Zbd. Composition du plus grand effet et qui montre chez son auteur un vritable
sentiment dramatique. Le saint (peu conforme au type traditionnel; il a la tte dnude
et la barbe longue) est assis gauche sur un bloc de pierre : il tend la droite lentement, majestueusement, vers Tabitha assise du ct oppos, et qui, son tour, lve les
mains vers son sauveur, tant pour lui montrer qu'elle a repris possession d'elle-mme
que pour lui tmoigner sa gratitude; au fond, une quarantaine d'hommes et de femmes,
les uns calmes et recueillis, les autres en proie une vive surprise. A gauche, deux
enfants portant des rameaux. La figure la plus intressante est une femme levant les
deux mains au ciel par un mouvement loquent. Ce geste, MM, Crowe et Cavaicaselle en
ont fait la remarque, se retrouve dans la chapelle Saint-Martin (basilique de SaintFranois), Assise et San-Lorenzo-Maggiore, Naples. L'cole de Simone, ajoutent les
deux savants historiens, l'a emprunt Dccio, qui en a le premier fait usage dans sa
Mise au tombeau du dme de Sienne.
A. La Crucifixion. La lunette au dessus de la porte d'entre contient, dans toute
sa largeur, la Crucifixion : le divin supplici, attach par quatre clous, s'entretient avec
saint Jean plor, tandis que la Vierge se dsole ct de la croix et que sainte
Madeleine tient embrass l'instrument du supplice. Dans les airs, aux cts de la croix,
volent deux anges vtus de longues robes bleues se confondant presque avec les nuages
du fond. A gauche, un groupe de soldats arms de lances et des femmes du peuple;
droite, un groupe de vieillards longues barbes hostiles ou incrdules. Les figures de
,
la Vierge, de saint Jean et de Madeleine sont beaucoup plus grandes que celles des autres
personnages. Le Christ, au tmoignage de MM. Crowe et Cavaicaselle, est peut-tre la
plus belle figure du crucifix qu'ait produite l'cole siennoise.
B. Au dessous de cette fresque monumentale se trouvent quelques fragments de
peintures sans grand intrt : deux hommes portant chacun une masse semblable
un rocher; ce sont, d'aprs M. Denuelle, les disciples portant les os de saint JeanBaptiste pour les brler. Plus loin, gauche, un personnage dont la figure est presque
entirement ruine; droite, deux personnages galement nimbs, l'un d'eux, un
vieillard, au front dcouvert, au nez retrouss, la barbe blanche (saint Pierre?) joint
les mains et lve les regards au ciel. Au fond, prs d'un autel, deux autres saints, en
1. Actes des Aptres,
IX,
33 et suiv.
208
costume sacerdotal, l'un imberbe, l'autre portant une barbe assez courte. La scne,
d'aprs M; Denuelle, reprsente l'Ensevelissement de saint Jean-Baptiste.
Considres dans leur ensemble, les fresques de la chapelle Saint-Jean rvlent les
qualits comme aussi les lacunes de l'cole siennoise : une grande douceur d'expression,
une grande suavit de coloris. Les ttes caractre sont moins le fait de ces matres,
au temprament essentiellement lyrique. Il en est de mme de la mise en scne des
effets dramatiques : cet gard, leur infriorit vis--vis de Giotto et de ses lves
frappera tous les yeux.
La chapelle de Saint-Jean n'a d tre dcore que peu de mois avant la chapelle de
Saint-Martial, termine, on l'a vu, en 1346. Nanmoins la diffrence de style est des plus
sensibles. C'est que la premire a t dcore sous l'influence de Simone Martini, tandis
que, dans l'autre, Matteo de Viterbe s'est vu livr ses seules forces. Ce qui est commun
aux deux cycles, c'est la profusion du bleu d'outre-mer, la recherche des ttes expressives, parfois laides et grimaantes, le got de fonds d'architecture et de paysages fort
dvelopps.
En gnral, dans la chapelle de Saint-Jean, le groupement des figures est bien suprieur celui de la chapelle de Saint-Martial, et ces figures mmes se rapprochent davantage des admirables prophtes peints par Simone Martini dans la salle du Consistoire.
(A
suivre.)
EUGNE MUNTZ.
PL. 26.
(r,t,yyi'tt/" t 4rcAoZoifu&'\&&%
ASKF.K ISSC,
PHILIPPE DE MOBVILLIER
210
A Saint-Martin-des-Champs.
(Fac-simil d'un dessin du Recueil de Gaignires.)]
Il faudra donc que l'avenir restitue cette figure le nom de Philippe de Morvillier.
Non loin de la statue funraire dont nous venons de parler, Philippe de Morvillier tait
encore, comme nous l'apprend Corrozet, reprsent en pied et de grandeur naturelle
contre un des piliers de la chapelle de Saint-Martin-des-Champs qu'il avait fait riger
en 1426. Cette seconde statue a t, ainsi que la premire, dessine par Gaignires et
grave dans la Statistique monumentale de Paris (prieur de Saint-Martin-desChamps, pi. V). L, le costume du premier prsident du Parlement est encore semblable
celui de la statue du Louvre. Rien ne dmontre, d'autre part, que la statue de Philippe
de Morvillier sculpte sur son tombeau, dont prcisment le visage et les mains taient
en albtre, ait dfinitivement disparu depuis la suppression du Muse des Monuments
franais o elle occupait le n 439 du Catalogue. Tout concourt donc prouver, au
contraire, que cette statue est bien celle que nous avons retrouve.
1. Voyez galement la description de la chapelle de
Morvillier publie en 1635 par dom Martin Marrier, His-
211
Il est trs important qu'on sache vritablement et dfinitivement quoi s'en tenir sur
un monument de cette valeur. La statue de Morvillier est une oeuvre considrable qui
occupera un jour une place honorable dans la srie de nos plus belles sculptures franaises. Elle fut trs probablement excute, comme la chapelle de Saint-Martin-desChamps qui la contenait, avant la mort du prsident du Parlement. On sait que c'tait
l'habitude des grands personnages, au xve sicle, de prparer eux-mmes, de leur vivant,
les monuments funraires destins perptuer leur mmoire 1. Il faut remarquer le
caractre incontestablement raliste ou naturaliste du visage dans une oeuvre excute,
selon toutes les vraisemblances, avant 1438. Ce ct de l'art du Moyen-Age franais n'a
pas t encore suffisamment tudi. Les premiers symptmes d'une transformation de
notre got et de notre cole se rvlent dj clairement dans les statues couches de
Philippe VI, de Jean II et de Charles V conserves Saint-Denis.
Louis COURAJOD.
CHRONIQUE
EGYPTE.
213
En ce qui concerne l'architecture du palais
et de ses fortifications, M. Dieulafoy est aussi
arriv des rsultats aussi originaux que dtail-
CHRONIQUE.
ls et prcis.
En somme, les fouilles de Suse auront t trs
fructueuses. Outre les documents prcits,
M. Dieulafoy en a encore retir des statuettes
de bronze et de terre cuite, des ustensiles de
mnage et une grande quantit de cylindres et
de pierres gravs, dont la lecture rvlera sans
doute l'archologie bien des faits inconnus jusqu' prsent.
CHRONIQUE.
*
On
dcouvert
Paris,
a
rue
:'i-
nres.
*
Desnoyers
vient de donner la Bibliothque Nationale
une feuille de parchemin qui porte, en lettres
capitales du rxe sicle, l'inscription : HIC LIBER
ADALBERDI ARTIPICIS ; et partie en caractres
minuscules, partie en signes tironiens, des
gloses ' sur quelques passages de l'Exode. Cet
Adalberdus est un moine de Saint-Martin de
Tours, contemporain de Louis le Dbonnaire,
qui s'est fait connatre par la copie de plusieurs
ouvrages. M. Delisle, s'appuyant sur le tmoignage de Brquigny, croit que le feuillet dont
la couservation est due M. Desnoyers doit,
autrefois, s'tre trouv en tte d'un manuscrit
de l'histoire de Paul Orose, qui a fait partie de
la bibliothque de Saint-Martin de Tours,
depuis le ix sicle jusqu' la Rvolution.
MANUSCRIT DU
ixe SICLE. M.
La
215
Asconomias. ; 8 il partage entre ses amis les
vlements provenant du butin, hic graviter
M. PROU.
cesis vestes partitur amicis.
CHRONIQUE.
*
BASSINS DE BRONZE TROUVS A GAND. - NOUS
BIBLIOGRAPHIE
143. Album Garanda (suite). Les fouilles de
Nampteuii-sous-Muret (Aisne) et fin de celles
148. BNEZET (B.). Histoire de Fart mridional au Moyen-Age et l'poque de la Renaissance. Premire partie : de la formation des
216
CHRONIQUE-
MOLINIER.
CHARVET
(Joseph) et DERENBOURG
(Hartwig). Les monuments sabens et himyarites du Louvre, dcrits et expliqus. Paris,
Leroux, in-4, 19 p. et 4 pi.
158.
DERENBOURG
Cette tude peut tre considre comme provisoire, puisque les mmes auteurs doivent insrer et commenter les
mmes inscriptions dans la partie himyarite du Corpus
inscriptionum semilicarum qu'ils sont chargs de prparer. Nous n'y insisterons donc pas. Disons seulement que les inscriptions dont il est ici trait sont au
nombre de treize, et que ce sont des textes funraires
n'ayant d'importance que pour l'onomastique smitique.
Il faudrait pourtant faire exception pour l'inscription n 10
qui provient de San et qui a une relle importance au
point de vue mythologique et mme historique. Sous le
rapport archologique, il est surtout ncessaire de signaler
les curieux bas-reliefs de la stle n 9 (pi. m) qui remonte
au ni" ou ivB sicle de l're chrtienne; ils nous montrent
dans quel tat de barbarie se trouvait l'art de l'Arabie
Heureuse, cette poque relativement tardive. Le registre
suprieur se compose de trois personnages qui tiennent
divers ustensiles et paraissent sacrifier^?) sur un autel;
au registre infrieur, on voit deux chameaux, l'un mont
par un personnage. L'interprtation mythologique de ces
scnes n'a pas encore t bien donne.
E. B.
Nris, vicusNeriomagus,
recherches sur ses monuments, avec cartes,
plans, dtails, croquis, etc. Moulins, impr.
Auclaire, 29 p. it>8 et 22 pi.
160. FLEURY (P. DE). Inventaire des meubles
existant dans les chteaux de La Rochefoucauld,
de Verteuil et de la Terne la mort de Franois VIII de La Rochefoucauld (1728). Angoume, 1886, in-8, 139 p., 4 pi.
159.
ESMONNOT (L.).
217
CHRONIQUE.
article est suivi de son prix d'estimation. Malheureusement,
171. LINARD (F.). Liste des dons faits en
la valeur relative du plus grand nombre des objets men- l'anne 1885 la Socit philomatique de Verdun
tionns dans ces inventaires est assez faible. Il est vident
le
Muse
de
ville.
la
Verdun,
impr. Reuvpour
Franois
de
La
Rochefoucauld
gure
n'habitait
que
ces
trois chteaux et que le mobilier en tait fort mal entre- Lallemant, 6 p. in-8.
tenu, car les mentions mauvais, trs vieux, tout us,
172. MARQUARDT (H.). Zum Pentathlon der
et autres du mme genre se lisent chaque ligne; cela Hellenen. Gustrow, Opitz, in-4.
rduit naturellement l'intrt des renseignements que
173. MARTIN(A.). Arts cramiques : Faences
fournissent ces documents. Bon nombre d'articles mentionnent des suites de tapisseries, ce sont avec ceux qui et porcelaines. Paris, libr. Hennuyer, xiv-227 p.
ont trait la bibliothque du chteau de Verteuil, les in-8 37 dessins et 195 monogrammes.
plus intressants. Signalons la fin du volume deux jolies
174. MOLINIER (E.). Les bronzes de la Renaishliogravures reprsentant les chteaux de La Rochefousance. Les Plaquettes, tome Ior. Paris, Rouam,
cauld et de Verteuil.
R. DE LASTEYRIE.
GAUDECHON
162. GERMAIN (L.). La chapelle de Dom Loupvent et les Richier. Nancy, impr. CrpinLeblond, 12 p. in-8.
163. GERMAIN (L.). Legs de pices de cramique par M. Cl. Migette (au Muse historique
in-8.
175. Monuments historiques de France. Collection de phototypies, par C. Peign (de Tours),
avec un texte explicatif et des notices par Henri
du Cleuzion (lre livraison). Paris, Monnier,18 p.
in-folio et
planches.
176. MORGAN (Thomas). Romano-British Mosaic Pavements : History of their Discovery and
a Record and Interprtation of their Designs.
With
Plates,
Plain
and
Coloured,
of
the
most
p. Important Mosaics.
Londres, Whiting, in-8.
in-8.
177. MNTZ (Eugne). Raphal, sa vie, son
164. GERMAIN (L.). Le retable d'Hattonchatel
et Ligier-Richier. Nancy, impr. Crpin-Leblond, oeuvre et son temps. Nouvelle dition. Paris,
,
lorrain).
Nancy, impr. Crpin-Leblond,
12 p. in-8.
GERATHEWOHL
serves au British Musum. M. de Villefosse raconte comment cette tte a t acquise par le Muse du Louvre en
1880, et il montre, d'aprs l'esquisse de Carrey, la position
normale qu'elle devait avoir sur le tronc aujourd'hui acphale du Lapithe ; enfin, il en fait ressortir l'intrt artistique. Le savant conservateur du Muse du Louvre met
l'hypothse fort vraisemblable que ce prcieux fragment
fut enlev la suite du bombardementde Morosini en 1687.
E. B.
LEDRAIN (E.).
planches in-4.
218
CHRONIQUE.
lets gaulois dcouverts dans le dpartement de longtemps; mais la solution propose par l'auteur est
la Marne. Chlons-sur-Marne, impr. Martin, jusqu'ici celle qui parait la plus rationnelle, et on lira
certainement avec charme et aussi avec fruit ce volume
26 p. in-8fig.
qui fait bien augurer de l'avenir de la Petite Bibliothque.
180. Notice sur la collection de tableaux et de
EMILE MOLINIER.
sculptures du Muse de Senmr. Semur, impr.
189. SAGNIER (A.). Faucille prhistorique en
Lenoir, 82 p. petit in-8.
cuivre au Muse Calvet. Avignon, librairie
181. Nouvel essai de reconstitution de l'ins- Sguin, 11
in-8 avec dessins.
p.
cription antique des bains de la Fontaine.
190. SCHLIEMANN (Henri). Ilios, ville et pays
Nmes, impr. Clavel, 298 p.:;m-18.
des Troyens. Rsultat des fouilles sur l'emplace182. POOLE (Stanley Lane). The Art of the ment de Troie
des explorations faites en
et
Saracens in Egypt. With 108 Woodcuts. (South Troade, de 1871 1882,
autobiograavec
une
Kensington Hand-books). Londres, Chapman, phie de l'auteur, 2
8 plans et environ
cartes,
in-8.
2,000 gravures sur bois, traduit de l'anglais par
183. PORE (Abb). L'Hercule terrassant Mme E Egger. Paris, Didot, 1885. Un vol. de
l'hydre de Lerne, de Puget. Caen, impr. Le 1032
pages.
Blanc-Hardel, 20 p. in-8. ;
184. RGNIER (L.). La Renaissance dans le
Vexin et dans une partie du Parisis, propos
de l'ouvrage de M. Lon Palustre, la Renaissance en France. Pontoise; impr. Paris, 107 p.
in-4 et pi.
185. Runion des Socits des beaux-arts des
dpartements de la Sorbonne, du 28 avril au
1er mai 1886, 10e session. Paris, Pion, 685 p.
in-8.
219
CHRONIQUE.
PRIODIQUES
REVUE ARCHOLOGIQUE
AVRIL-MAI 1886.
JUIN 1886.
d'Egypte. BAZIN (Hippolyte). La citadelle Les chiffres arabes dans les manuscrits grecs.
d'Antibes, tude d'archologie romaine.
Planches. X. Chsse de Saint-Eloi, telle
DECHARME (P.). Notes sur les Canphores.
qu'elle tait au xvi sicle. XI. Restitution
Planches. VI. Bronzes chaldens de Doun- du tombeau de Saint-Martin.
ghi , roi de Our, et des patsis de Sirpourla.
JUILLET-AOUT 1886.
VII. Inscriptions chaldennes indites de DounMASPRO (G.). Procs-verbal de l'ouverture des
ghi. VIII. Plan de la citadelle romaine momies de Ramss II et de Ramss III.
220
CHRONIQUE.
L'ART
terre cuite du Muse Britannique. CLERMONTGANNEAU (Ch.). Antiquits et inscriptions indiN 531. LAFOND (Paul). L'hpital Saint-Biaise
tes de Palmyre. MVJNTZ (.) Les monuments (Basses-Pyrnes). N 533. GRUYER (G.).
antiques de Rome l'poque de la Renaissance Les dessins de Fra Bartolommeo.
N 535.
(suite et fin). DELOCHE (M.). Anneaux et MUNTZ (E.). Notes sur Verrochio considr
cachets de l'poque mrovingienne (suite). comme matre et prcurseur de Lonard de
LEVAL (Andr). Inscription grecque de Constan- Vinci.
tinople. LA BLANCHRE (R. DE). Histoire de
l'pigraphie romaine, rdige sur les notes de
NOTIZIE DEGLI SCAVI Dl ANTICHITA
Lon Renier. MONCEAUX (Paul). La grotte du
JANVIER 1886.
(S.)
Djebel-Ta.
dieu Bacax, au
REINACH
MANCINI(R.). Fouilles Orvieto. Tombes avec
Chronique d'Orient.
des
divers
objets
poteries,
en or et en argent et
Planches. XII, XIII, XIV. Momie de Ram(Ercolidi).
inscription
NARNI
trusque.
une
(ensemble,
Groupe
II
face,
profil).
XV.
ss
Dcouvertes
Terni.
Fibules
de
bronze,
ustendu
XVI.
Muse
Britannique.
cuite
terre
en
siles
d'origine
fer
cuite
trusque ;
et
terre
en
en
de
Palmyre.
XVII.
votive
Momie
Inscription
en
JUILLET 1886.
FVRIER 1886.
BONNAFF
MANTZ (P.). Mautegna (suite).
SANTARELLI (A.). Note sur une station pr(E.). Etudes sur le meubl en France au xvie
historique dcouverte Villanova. MANCINI
sicle (suite).
(R.). Journal des fouilles excutes la NcroAOUT 1886.:
pole
de
Cannicella
d'Orvieto,
l'on
croit
prs
o
(P.).
(suite).
MANTZ
Mautegna
GEYMULLER
reconnatre
les
Volsinies.
de
ruines
(H. de). Les derniers travaux sur Lonard de
SILVERIGENTILONI (A.). Fouilles San Ginesio (Pice(suite).
(E.).
L'exposition
Vinci
MOLINIER
num).
d'art rtrospectif de Limogs.
SEPTEMBRE 1886.
L'Administrateur-Grant,
S. COHN.
J886
Pi. 27
PL. 28
LE RETABLE DE LA PASSION
DE
I.
1. Notes archologiques sur l'glise et le prieur d'Ambierle. Bulletin de la Diana, tome 11, page 370.
GAZETTE ARCHOLOGIQUE
ANNE 1886.
Qft
222
LE HETABLE.DE LA PASSION
auteurs du Dictionnaire de la noblesse, qui auraient eux-mmes emprunt ce renseignement Garreau dans;sa description du gouvernement de Bourgogne, les de Chaugy
Grard
moins
de
Bourgogne,
clbre
de
Provence
du
descendraient
rien
comte
et
que
ne
de Roussillon, l'adversaire malheureux de Charles le Chauve, mort en 867. Fondateur et
protecteur de plusieurs abbayes renommes, ce comte aurait tendu ses libralits au
monastre bndictin d'Ambierle, puis mari sa fille unique Eva un Michel de Chaugy,
le premier de la noble maison de ce nom, dont un des descendants voulant, au xve sicle,
imiter la pieuse conduire de son anctre, aurait offert notre prieur le splendide
tableau d'autel.
Telle est la lgende, lgende trs sduisante assurment, mais qui a le tort de ne
reposer sur aucun titre authentique. Ce qu'il y a de certain, c'est que la famille et le
fils
lui,
unique
teints
Roussillon
Grard
de
sont
de
comte
son
avec
que
se
nom
ce
les
plus
les
historiens
autoriss
ignorent
l'gi
d'une
anne
Thierry
mourut
et
que
filleiva
le
chteau
fort
de
certain,
c'est
qu'il
de
de
Ce
destine
1.
la
que
y
a
sa
Roussillon fut dtruit, qu?il tait situ en Bourgogne, entre Chtillon-sur-Seine et Mussyl'Evque, et n'avait rierfvde commun avec celui qui, en Morvan, dans le bailliage
d'Autun, donna son nom, la fin du xive sicle, une branche de la maison forzienne
de Chaugy.
Le fief de Chaugy se trouve, sur la carte de Cassini, au sud-est de Montaiguet en
Bourbonnais; il dpendvde la commune de Sail-ls-Chteaumoraud, canton de la
Pacaudire en Roannais ,fa l'extrmit de la province de Forez.
On trouve bien qu'une: sentence, propos de la justice de Chaugy, est, en 1315,
rendue par un bailli de flacon, qui l'adresse son chtelain de Charlieu; mais on n'en
saurait infrer autre chltee, sinon que cette seigneurie ressortissait ce bailliage de
Mcon, comme toute laispartie nord du pays de Roannais, qui de ce fait avait pris le
nom de petite Bourgogne 2. Ce qui rsulte incontestablement des titres, c'est que les
sires de Chaugy, qui s'intitulent successivement seigneurs de ce lieu, de Chenay en
Bourbonnais, de Dianires 3 et de Pecolleres 4, avaient, ds le xnf sicle, des possessions
1. A. de Terrebasse. ( Introduction au roman de Grard
de Roussillon. )
2. Bibliothque Nat., manuscrit n 22241, f 108
mmoire).
3. De la Mure, Hist. des ducs de Bourbon, 1.1, p. 379.
223
dans le voisinage d'Ambierle. Leur blason figure avec ceux des autres principales
familles forziennes, au commencement du xive sicle, sur la vote armorie de la salle
de la Diana, Montbrison, et on ne le trouve dans aucun armoriai de la province de
Bourbonnais. Ils se montrent, durant ces poques recules, les insignes et constants
bienfaiteurs du prieur et de son glise, en laquelle ils fondent tous de perptuels
anniversaires et lisent leur spulture ct du tombeau de leurs anctres, comme le
marque notamment le testament de Messire Jean Miglet chevalier, seigneur de Chaugy,
en l'anne 1318.
Ce n'est qu' la fin du xivc sicle, qu'on trouve, pour la premire fois, nos seigneurs
forziens coseigneurs de Roussillon en Morvan. Cette terre tait chue pour un cinquime un second Jehan de Chaugy par son mariage avec Isabelle de Roussillon;
mariage antrieur l'anne 1370, comme le prouve un partage de biens que faisait
cette date Jean> seigneur de Roussillon, entre ses enfants, Isabelle, dame de Chaugy, et
Hrard, tant en son nom qu'en celui de sa soeur comtesse . Ce Jehan de Chaugy testait
en 1388. Son fils, du mme nom, pousait, en 1396, damoiselle Guillemette de Montagu
et faisait en cette mme anne rdiger un terrier de la porcion et cinquime partie de
la seigneurie de Rossillon lui appartenant . Il tait dsormais fix en Bourgogne; il y
devenait le chef de la branche ane des Chaugy-Roussillon, seigneurs de Chissey ; et
c'est son portrait et celui de sa femme Guillemette qui figurent sur deux des panneaux
du Retable.
Nous disons Guillemette, et non Antoinette, comme l'ont crit par erreur Montfaucon
et nos auteurs roannais ; erreur qui entrane de graves consquences pour la dtermination du personnage qui, debout derrire cette dame, doit reprsenter son saint
patron. Et cette rectification rsulte premptoirement du contrat de mariage de
Odart de Saint-Ligier, escuyer, seigneur dudit lieu et de Rully, avec Marguerite de
Chaugy qu'autorisent cet effet ses pre et mre Jehan de Chaugy et Guillemette de
Montagu; contrat pass le 9 novembre de l'anne 14351.
Des deux autres enfants de Jehan et de Guillemette de Chaugy, Michel, l'an, qui
suit, fix comme son pre en Bourgogne, fut le donateur de notre triptyque, et
Anthoine, continuant en Forez et Bourbonnais la possession des terres de Chaugy, de
Chenay, des Oullires 2, y maintient, lui aussi, les traditions de gnrosit de ses
anctres l'gard du monastre d'Ambierle.
MICHEL DE CHAUGY. C'est de ce personnage, dont nous venons de dmontrer l'origine forzienne, qu'il importe maintenant de rechercher l'histoire, intimement lie
celle du Retable de la Passion, et qui seule peut aider en dchiffrer la date prcise et
l'nigmatique provenance.
1. On trouve en outre un hommage rendu en 1406 par
Mre Jean de Chaugy, esc. s. dud. 1. au nom de Guillemette
de Montagu sa fe pour la moiti de Cussy en Morvan.
224
LE RETABLE DE LA PASSION
Le pre de messire Michel n'avait cess, ds le commencement du xvc sicle, d'occuper la cour de Bourgogne une situation de plus en plus considrable. On le voit, en
1417, dlgu l'assemble de Mcon pour traiter de la paix entre les pays de Boui'bonnais, Forez, Bourgogne et Beaujolais, et le 15 fvrier 1545, il assistait comme tmoin au
contrat de mariage d'Agns, soeur du duc, avec Charles de Bourbon K
Michel de Chaugy devient, lui aussi, un des officiers les plus distingus du duc
Philippe auquel il est attach ds 1442. Il assiste toutes les guerres de Flandres, est
fait chevalier la journe de Lokeren 2, devient successivement conseiller, chambellan,
premier matre d'htel, varlet de chambre, et obtient de couronner son casque d'or,
tar de front, d'une couronne royale, telle que la portent les enfants de nos rois 3 .
A toutes ces distinctions Philippe le Bon et, aprs lui, le duc Charles ajoutent de nombreux privilges et concessions. Par deux chartes dates de Bruxelles en 1458 et 1462, il
lui est fait don de plusieurs biens dpendant de la chtellenie de Roussillon et cession
des fiefs et hommages de la seigneurie de Marrey, en la paroisse de Cussy, de la mme
chtellenie. Enfin, en 1474, le dernier fvrier, par lettres patentes donnes au sige
devant la ville de Huy, enregistres par Hugues de Clugny, seigneur de Conforgien et
des Fours , le duc Charles lui permet de faire riger un signe patibulaire en sa
seigneurie de Savigny, pour l'exercice de la haute justice.
D'un engagement du 23 septembre 1461, mentionn dans les titres de Chaugy, il
rsulte qu'antrieurement cette date, il avait pous Laurette de Jaucourt, veuve de
Geoffroi de Clugny, esc. s. de Menesseire. Il n'en eut pas d'enfants et testa en
1476, aprs avoir obtenu, par lettres du duc Charles donnes Dle en 1473, la permission de disposer de toutes ses seigneuries, terres, rentes, revenus et biens quelconques
tant pour le salut de son me comme au profict de deux de ses neveux et autres pro-
ce
i.
p. de Bourgogne,
225
icelluy charnier seront mis tous les ossements de mes dicts prdcesseurs et qu'au
feu
pre
les
obsques
de
dict
seigneur
ainsy
l'on
fera
et
qu'on
les
jour
mettra
mon
y
Dijon
qui
et
sont
par
se
ce ceux
relicte
la
dicte
habillements
joyaux
de
robes,
du
dffunct
et
et
ments
armes
l'esglize
donn
Baulne
dict
lieu
de
d'autel
qui
except
tableau
estant
et
sera
au
un
ce
d'Ambierle selon la volont du dict dffunct.
ce
Nomm en 1463 gruyer d'Auxois, puis bailli de Mcon, Michel de Chaugy quittait
Bruxelles et la cour pour se fixer dfinitivement en Bourgogne. Il tait maintenu en ses
principales charges et dignits, aprs la mort de Charles le Tmraire, par le roi
Louis XI, qui, dplus, par lettres de provision donnes le 10 aot 1477 Trouanne,
le nommait et instituait second chevalier assistant aux parlements et conseils de Bourgogne. Rsidant alternativement Chissey, Beaune et Dijon, il avait entrepris dans
cette dernire ville la construction d'une riche chapelle ddie saint Michel, ce dans
du
cloistre
cost
la
du
proche
chapelle
du
Roy
la
porte
collgiale
de
saincte
l'esglize
ce
le
chapitre
1. L'oeuvre tait acheve en
t
donne
avait
laquelle
lui
benestier,
du
par
ce
1478 et messire Michel mourait en 1479. Nous ne savons si ce fut Beaune ou Dijon,
de mme que nous ignorons si son corps fut transport et inhum, comme cela pourtant est probable, dans la chapelle de sa famille en l'glise d'Ambierle.
Il portait : cartel, aux 1 et 4 contrcartel d'or et de gueules qui est de Chaugy,
aux 2 et 3 de sinople une croix d'or cantonne de vingt croisettes de mme cinq
chaque canton poses en sautoir, qui est de Montagu (et non de Choiseul comme le dit
Paillot, ni de Roussillon comme l'crivent nos auteurs roannais2).
Son blason se compltait ainsi : casque d'or tar de front, couronn d'une couronne
royale ; cimier, une tte de lopard d'or ; supports, un lion d'or dextre, et snestre
un sauvage tenant une massue pose en terre de mme. Devise : Vous m'avs, vous
c<
m'avs.
4. Paillot, Parlement de Bourgogne.
2. Les Roussillon portaient : losange d'or et d'azur,
226
LE RETABLE DE LA PASSION
IL
Le triptyque d'Ambierle se compose de trois compartiments d'ingales hauteurs,
offrant dans des niches trs richement menwises sept des principales scnes de la
Passion, sculptes en bois en ronde bosse. Et le tout est renferm dans une ossature
en chne que recouvrent six volets peints sur les deux faces. L'ensemble prsente un
dveloppement de 2ra 80 de largeur et de 5m 60 quand les volets sont ouverts, sur
des hauteurs de 1m 40 et de 2m 40 pour la partie du milieu. Les quatre volets latraux
mesurent chacun 0 m 70 sur 1m 40, et les deux petits volets suprieurs 1 mtre sur 0 m 50.
SCULPTURES. Dans le compartiment central le plus vaste et le plus important, le
matre tailleur d'y mages a figur la scne du Calvaire, et dans les six cases latrales,
spares par de minces cloisons ajoures, il a reprsent : d'un ct, la descente de Croix,
la Dposition, la Rsurrection; de l'autre, le Baiser de Judas, le Couronnement d'pines
et la Flagellation.
Chacun de ces groupes^ compos de cinq neuf personnages, est sculpt dans un bloc
de bois de noyer vid intrieurement, et d'lgantes arcades de style gothique en bois
finement dcoup, charges d'une multitude de fleurons et pinacles, forment tout
l'ensemble un couronnement trs riche en style flamboyant de la deuxime moiti du
xv sicle, qui est celui de l'glise. Cette menuiserie et ces sculptures taient entirement dores ou peintes et plusieurs parties des vtements, harnais ou armures taient
en outre dcores de gaulrures ou de redessins noirs figurant des nielles.
La forme intrieure des niches est celle de petites absides dont les hautes fentres
gothiques sont remplies, en faon de verrires, par des sries d'cussons gomtriquement disposs et dessins au trait sans indication d'maux. Ils dsignent probablement
les alliances des Chaugy et les blasons des officiers ou des artistes en relation avec le sire
de Chissey?... Malheureusement le temps a fait l, plus facilement qu'ailleurs, son
oeuvre ordinaire de destruction et a rendu illisible la presque totalit de ce curieux
armoriai M
Au point de vue artistique, il faut signaler le mouvement et l'expression de ces
49 personnages, ainsi que l'habile ordonnance de chaque composition.
La scne centrale du Calvaire, qui prsente, sur un espace restreint, trois plans
successifs et superposs avec douze figures, dont quatre cavaliers sculpts en ronde
bosse, est une conception habile et d'un aspect grandiose. Le groupe de la Vierge
vanouie, soutenue par saint Jean, prs de laquelle la Madeleine debout est en extase
les bras levs vers le divin Crucifi, est un morceau absolument remarquable o l'ima1. Voici ceux de ces cussons, qu'on peut encore lire :
Trois mouchetures d'hermine ? Aigle ploye. Peut tre
de Rye : d'azur une aigle d'or, ou de Roussillon en
Dauphin : d'or l'aigle ploye de gueules. Une
227
gerie devient du grand art. Et le mme sentiment de foi et d'lvation se retrouve dans
les scnes de l'ensevelissement et surtout de la descente de croix. Malheureusement, si
le mouvement est juste,Tanatomie des nus laisse souvent dsirer, et le ralisme des
types, qui frise la trivialit, contraste avec la distinction et le grand style des peintures
voisines qui sont la partie prcieuse et magistrale du Retable.
PEINTURES. Sur les quatre grands volets infrieurs, le peintre a reprsent le
donateur, sa femme, sou pre et sa mre, tous agenouills au milieu de la campagne sur
des prie-dieu recouverts de coussins et de parements brods d'cussons. Les mains
jointes, ou tenant un livre ouvert devant eux, ils contemplent graves et immobiles les
scnes del Passion que dominent les trois croix du Calvaire; et chacun est accompagn
de son saint patron debout derrire lui.
Le premier portrait droite est celui de messire Michel de Chaugy reprsent la tte
rase et sans barbe. Il est chauss d'perons sur de longues poulaines noires et porte le
haubergeon de mailles sous une armure de plates dont le surcot d'armes ne laisse apercevoir que les grves, les genouillres ailerons et les cuissots avec partie des faudes.
Ce surcot est lgrement rembourr sur les paules, avec courte jupe serre et manches
ajustes qui vont se resserrant jusqu'au poignet. Fait d'une riche toffe soie et or,
armoye mi-partie de Chaugy et de Montagu, il est serr la taille par la ceinture militaire laquelle est suspendue une longue pe quillons droits et fourreau noir. C'est,
on le voit, le costume de crmonie des chevaliers du commencement de Louis XL
Derrire lui, saint Michel debout, calme, svre, appuie une main sur l'paule de
son protg, et de l'autre porte une lgante croix processionnelle avec laquelle il maintient rugissant et renvers un monstre corps de harpie, tte cornue et pieds rouges
en forme de pattes de coq. Sur le haubergeon il porte une cotte ajuste en velours
cramoisi et une armure dore trs petit corselet triangulaire, et le tout est en partie
recouvert par un splendide manteau fait d'une toffe parfile d'or avec dessins vnitiens
d'un bleu trs sombre et doublure de samyt rouge. Borde de perles et de cabochons,
cette espce de chape est retenue sur la poitrine par une agrafe d'orfvrerie en forme
de trfle allong. L'archange, aux grandes ailes de paon irrises et blanches en dessous,
est ceint d'une pe droite fuse garnie de soie dont le fourreau cisel et dor descend
jusqu' ses poulaines rouges.
Sur le premier volet la gauche du Retable, le costume de Jehan de Chaugy, dont les
cheveux gris ne sont pas rass, diffre peu de celui de son fils. C'est toujours le haubergeon et l'armure de plates ; mais le surcot, armoy de Chaugy seulement, a une jupe
plisse bien plus longue, et ses manches larges et flottantes laissent voir les brassards
de couleur sombre. C'est le surcot de la noblesse la mode vers 1440. Saint JeanBaptiste, les jambes et les bras nus, est vtu d'une tunique fonce sous un manteau en
soie mince et unie d'un merveilleux coloris rouge carmin et qui tombe jusqu' terre.
Sur le panneau voisin de celui du sire Michel, Laurette de Jaucourt, sa femme, prie les
228
LE RETABLE DE LA PASSION
mains jointes. Elle porte les atours des dames nobles du milieu du xv sicle : surcotte
de crmonie, vritable houppelande dont parle Monstrelet, en satin bleu, trs longue,
mais sans la trane qui avait cess d'tre en usage. Munie de larges manches ouvertes
et borde de gris, elle est serre trs haut la taille par une large ceinture d'orfvrerie
au dessus de laquelle elle s'ouvre en pointe sur la gorge qui n'est recouverte que d'un
fin mouchoir blanc. L'accoutrement de tte n'est plus l'escoffion bourrelet, ni le
hennin aigu comme clochier critiqu par Paradin en ses annales ; c'est le bonnet
de gaze blanche trs transparente, formant par en haut deux pointes desquelles
pendent par cost de longs voiles comme tendard .
Guillemette de Montagu, sur le dernier volet de gauche, porte un costume semblable
celui de sa belle-fille, sauf que l'ample surcotte est borde d'hermine au lieu de gris et
que l'chancrure, descendant plus bas sur la poitrine, laisse apercevoir sous le mouchoir
blanc la cotte de dessous.
Le patron de la dame de Jaucourt, saint Laurent, tient d'une main le gril, de l'autre
une palme, et sa lourde dalmatique rouge est charge de broderies d'or qui semblent
tre en relief. Debout derrire Guillemette de Montagu est un personnage trange et
sombre, coiff d'une sorte de cabasset d'acier sans visire ni gorgerin, mais avec couvrenuque et cimier dor form d'une figure dresse sur une base s'panouissant en langues
de flamme. Et pendant qu'autour de cette coiffure bizarre rayonnent les traits lumineux
d'un nimbe, une ample robe brune laisse deviner par place l'armure qu'elle recouvre !...
Quel est ce saint Guillaume?... Une cabane d'ermite, peinte sur la droite du tableau,
donne croire que ce serait ce duc d'Aquitaine, d'abord fougueux partisan de l'antipape Anaclet, puis converti par saint Bernard et qui devint le fondateur des ermites du
Monte Vergine prs de Naples?...
Les fonds dans les quatre tableaux reprsentent des paysages avec glises et tours
polygonales de l'Ecole rhnane, avec maisons flamandes pignons et redans, chteaux et
donjons... La perspective linaire y est exactement observe et les premiers plans sont
des pelouses piques de fleurettes d'une tonnante finesse.
Sur les petits volets suprieurs, deux anges debout aux ailes colores et longues robes
tranantes soutiennent les cus de Chaugy, parti l'un de Montagu, l'autre de Jaucourt,
qui est d'or deux lions lopards de sable.
Ces six panneaux sont extrieurement revtus de grisailles imites de celles de
J. van Eyck qui, le premier, eut l'ide de reprsenter des personnages sur un pidestal
dans une niche d'architecture. Saint Martin, patron d'Ambierle, sainte Marthe avec la
tarasque, sainte Catherine et sainte Anne tenant la Vierge entre ses bras, occupent les
revers des grands volets. Ceux des deux plus petits reprsentent la scne de l'Annonciation. La Vierge est assise, un livre ouvert sur les genoux, et, prs d'elle, d'un vase deux
anses s'lance une belle plante de lys en haut de laquelle une colombe bat des ailes
prte s'envoler.
ce
ce
229
Toutes ces figures se dtachent en ton gris clair sur un fond rougetre et reposent
sur des socles pans coups timbrs aux mmes armes de Chaugy, Jaucourt et Montagu.
En examinant attentivement ces grisailles, on reconnat-que l'excution artistique n'en
est pas comparable celle des quatre tableaux. Les attitudes sont bonnes, le dessin
gnralement correct, mais les plis des draperies trop anguleux, trop raides, rappellent
les travaux d'entaillure sur bois. Cette remarque se trouve appuye par l'existence trs
trange de tenons soutenant un des bras de sainte Marthe et le sceptre de l'ange de la
Salutation, tenons absolument identiques ceux que rservent les sculpteurs qui veulent
consolider un membre fragile et trop dtach du bloc de leur statue. Il semble donc
vident que le matre, auteur de nos peintures, a confi le soin d'en excuter les grisailles un lve, qui a navement copi les images de bois ou de pierre lui servant de
modles.
Tel est l'ensemble de l'oeuvre peinte d'Ambierle. Mais la scheresse d'une description
matrielle ne peut rendre le grand air, l'aspect imposant et le merveilleux coloris de
ces admirables pages. Il y rgne un sentiment de foi, d'inspiration touchante et leve
qui reporte involontairement l'esprit vers les sublimes conceptions de Florence et de
l'Ombrie. Toutefois les peintres des fresques de l'glise infrieure d'Assise ou du couvent
de saint Marc, s'ils ne possdaient pas la puissance de couleur, la transparence arienne
et la science de procds des matres flamands, taient plus spiritualistes, plus prs de
l'idal, et surent viter les dangers d'un naturalisme servile, par consquent les fautes
de got qui furent l'cueil ordinaire de l'cole des Flandres.
Ces dfauts des primitifs Flamands se retrouvent Ambierle ainsi que toutes leurs qualits : simplicit, dignit des attitudes, grand caractre des ttes s'alliant une imitation
scrupuleuse de la nature, dessin parfois dfectueux dans les pieds ou les mains, toujours maigres, souvent trop longs, plis casss et anguleux des draperies, enfin coloris d'une
intensit extraordinaire, qui n'a pas t dpasse, et d'une solidit absolument inconnue
dans la technique de nos peintres modernes. Aprs 400 ans d'humidit, d'intempries
sans aucun vernissage, expose des chocs, des branlements frquents, l'oeuvre
nous est parvenue transparente, blouissante et peu prs intacte.
III.
Au bas des grands panneaux se lit une lgende en lettres d'or gothiques compose de
lieu prsent
Donna pour fair Dieu prsent
Cesie table en ce
G)Q
230
LE RETABLE DE LA PASSION
Les visiteurs de 1665 attestent que ces dix vers taient crits au dessous des figures
peintes sur les volets. Les deux derniers ne pouvaient l'tre que sur la plinthe qui sert
de soubassement au Retable, car il n'y a plus matriellement place ni pour un, ni pour
deux vers, ni mme pour un mot au bas des quatre grands panneaux; et c'est sur cette
plinthe que la majorit des membres du congrs archologique de France, en visite
Ambierle au mois de juin dernier 1885, a dcid de les faire rtablir.
Cette date de 1466 est celle de la ddicace et non de l'excution de l'oeuvre. En effet,
les lettres d'or des huit premiers vers sont traces sur un frottis de couleur noire, pass
aprs coup sur la peinture dont on aperoit par places de dlicieux dtails de premier
plan insuffisamment recouverts. Le travail tait achev depuis longtemps, quand a t
pose cette bande noire pour laquelle l'enlumineur a d attendre une parfaite siccit des
dessous, c'est--dire un temps certainement considrable, tant donne l'imperfection
des siccatifs rcemment dcouverts par les frres van Eyck.
Les peintures ont donc t excutes avant 1466, et cette antriorit rsulterait suffisamment d'ailleurs des indications que fournissent sur ce point l'histoire et l'archologie.
Ainsi le peintre a reprsent Michel de Chaugy avec les cheveux rass 2, suivant la
mode impose aux officiers de la cour de Philippe le Bon, ds 1460, la suite d'une
maladie du duc qui l'avait oblig ce se faire raire la tte 3 . D'autre part, nous voyons,
par les rcits de J. du Ciercq 4, qu'en l'anne 1467 cet usage avait compltement disparu
1. Bibl. Nat.. manuscrit dj cit, f 138.
2. Il s'agit bien ici de tte rase au vif et non de ces
cheveux courts coups en couronne au dessus des oreilles,
suivant la mode adopte par les gentilshommes du temps
231
et que les hommes alors sy portaient longs cheveux qui leur venoient par devant
jusques aux yeux et par derrire jusques au fond du hatrel . Nous avons l un
synchronisme bien prcis.
Ajoutons que nos deux seigneurs Michel et Jehan ne sont pas encore affubls de ces
gros mahoitres pour faire apparoitre leurs espaules plus furnis et plus croiss et de
ces pourpoints lesquels on furnissoit fort de bourre , comme c'tait l'usage la cour
de Bourgogne en la mme anne 1467.
Ces considrations placent la date de nos peintures entre 1460 et 1466. Mais il y a plus.
Le sire de Chaugy qui, depuis 1442, est attach la personne du duc Philippe et le suit
dans ses voyages et ses diverses rsidences, est nomm, comme nous l'avons vu, gruyer
et bailli de Mcon en 1463, puis, peu de temps aprs, conseiller lac aux Parlements de
Bourgogne. A ce moment, il abandonne les Flandres et se fixe Beaune et Dijon, o
il n'est gure admissible que le Retable ait pu tre excut par un matre peintre venu
tout exprs de Bruxelles ou de Bruges.
On ne saurait donc s'loigner de la vrit en fixant de 1460 1463 l'poque de l'excution des panneaux peints d'Ambierle. Et cette dtermination chronologique est d'une
importance considrable pour la solution du problme d'attribution que nous avons
rsoudre.
ce
ce
ce
IV.
en 146L
Marmion Sandnot2, peintre d'Amiens, travaillait en 1453 pour le duc Philippe, qui
l'employait durant 9 jours ouvrer et besongnier la faon des entremets faits en la
ville de Lille3. C'tait un dcorateur plutt qu'un peintre de style, et si nous en parlons
ce
c'est parce que son nom est mis depuis quelques annes au bas de certains petits ouvrages dans la manire de van der Weyden ou de Memling, mais d'un coloris plus ple et
d'une facture timide et fminine.
4. Hafrel, hastrel, la nuque du col.
2. Qu'il ne faut pas confondre avec Marmion Simon,
crivain, enlumineur de Valenciennes.
232
.
LE RETABLE DE LA PASSION
D'autres articles des mmes comptes tmoignent d'interventions analogues du chevalier de Chaugy pour des taxations de travaux de sculpture.
Ces expertises artistiques faites en commun par ce seigneur de Chissey et le peintre
des sacrements d'Anvers durent ncessairement dterminer entre eux des relations de
frquent voisinage, d'estime et peut-tre d'amiti. Comme d'autre part la mode tait
aux oeuvres de peinture ou d'entaillure destines l'ornementation des chapelles et des
autels portatifs, il est naturel d'admettre que, voulant, l'instar de ses prdcesseurs,
se montrer le bienfaiteur du couvent d'Ambierle, Michel de Chaugy dut s'adresser son
collgue van der Weyden pour l'excution des peintures du magnifique Retable qu'il
destinait l'glise de ce monastre.
Cette attribution se trouve pleinement confirme par l'examen technique de l'oeuvre
qui prsente les dfauts aussi bien que les qualits caractrisant le style du matre.
Dans les deux portraits de femme, pas de dtails minutieux et souvent durs dans les
chairs comme les aimait J. van Eyck, et le model singulirement doux et simple des
ttes contraste avec la tonalit chaude et intense de l'ensemble. Cette opposition constitue la seconde manire de van der Weyden, qui a lgu l'onction et la grce dans les
visages son lve Memling, chez lequel elles sont devenues qualits dominantes. Les
autres ttes sont pensives, srieuses, alliant la dignit et la distinction la vrit et au
ralisme le plus intentionnel. Le saint Jean, grand, maigre, de formes asctiques, au
nez mince, au regard expressif, est une des crations de matre Rogier. Memling l'a
reproduit, mais avec moins de scheresse ; et on le retrouve dans le Jugement dernier
de Beaune avec son grand caractre et les mmes durets de dtails dans les extrmits.
Quant l'archange saint Michel, par sa noblesse, par sa majest, il ralise certainement un des plus beaux types de l'cole, et constitue avec le saint Jean et les portraits des deux femmes la partie capitale de l'oeuvre d'Ambierle.
On sait que van der Weyden avait dans les commencements souvent pratiqu la peinture la dtrempe au lait ou la gomme qui demande tant de facilit et de largeur de
touche. Ce got, cette aptitude se manifestent visiblement dans les fonds de paysage des
ce
I, p. 479.
234
LE RETABLE DE LA PASSION
quatre grands volets. A ct des dtails prcieux des premiers plans, sems d'iris, de
violettes, de myosotis minutieusement tudis, les masses de rochers, les chemins qui
serpentent en fuyant vers l'horizon et surtout les arbres sont brosss avec un entrain et
une habilet dcoratives tout fait caractristiques.
Quant la parent que nous avons signale entre notre Retable de la Passion et le
polyptyque de Beaune, elle est indiscutable. Dans ces deux ouvrages, on retrouve des
dispositions, des types, un style gnral et des procds identiques. Mais, comme l'ont
proclam dj des hommes du mtier et des critiques comptents, rien Beaune ne
peut donner l'ide de l'harmonie, de la richesse vritablement blouissante et de la
transparence du coloris des peintures d'Ambierle, qui, ce seul point de vue dj,
peuvent passer pour des chefs-d'oeuvre.
Cette tude trop incomplte nous amne, on vient de le voir, aussi bien que les
renseignements d'histoire et de chronologie, regarder van der Weyden comme
l'auteur probable, sinon certain, de ces belles pages de l'cole flamande. C'est la solution
du principal problme que nous nous tions propos d'tudier, ce sera la conclusion de
ce mmoire. Nous n'avons pas toutefois la prtention, htons-nous de le dire, d'imposer
cette solution, que la dcouverte si dsirable d'un texte prcis pourrait seule rendre
dfinitive. Et en attendant cet vnement possible, nous aurons fray la route des
critiques plus autoriss ; nous aurons surtout contribu faire connatre une oeuvre de
grand art encore indite, vritable joyau artistique rival, pour ne pas dire plus, du
Jugement dernier de l'hpital de Beaune.
E. JEANNEZ.
a^tts'c^rcAoloqwue<1886
^L- -)
MUSE DU LOUVRE
ACTIUM
29.)
I
Les fouilles entreprises par les soins de l'Ecole franaise d'Athnes, depuis 1885, sur
l'emplacement du temple d'Apollon Ptoos, Perdicovrysi, en Botie, ont amen la dcou-
verte d'une srie de statues archaques fort importantes pour l'histoire de la sculpture
grecque au vie sicle. M. Holleaux, qui a dirig les fouilles, a publi ces monuments,
et en a fait ressortir tout l'intrt 1. Jointes aux statues de style primitif qui taient
dj connues, celles de Perdicovrysi permettent d'tudier le dveloppement d'un type
familier la sculpture grecque archaque, celui du personnage viril, reprsent nu,
debout, les bras abaisss le long du corps, une jambe porte en avant. Pour suivre avec
toute la prcision possible les progrs de ce dveloppement, il importe de ne ngliger
aucun lment d'information. Aussi croyons-nous qu'il y avait lieu de faire reproduire
les statues du Louvre auxquelles est consacre cette notice 2.
Les deux torses reprsents sur la planche 29 proviennent d'Actium o M. Champoiseau
dirigea des fouilles en 1867 et 1868, alors qu'il tait consul de France Janina. Avec une
obligeance dont je ne saurais trop le remercier, M. Champoiseau a bien voulu m'envoyer
de Smyrne, o il rside actuellement, la copie du rapport relatif ces fouilles qu'il se
proposait de poursuivre, et que sa nomination La Cane l'a oblig d'interrompre.
J'extrais de cette relation les dtails suivants, qui nous font connatre dans quelles conditions ont t trouves les statues du Louvre, et j'y joins une reproduction du plan
d'ensemble des fouilles annex au rapport manuscrit (fig. 1).
M. Champoiseau s'tait propos d'explorer la pointe de terre o tait situ Actium,
entre le golfe d'Ambracie et le bras de mer qui spare le promontoire d'Actium de
la ville actuelle de Prvesa. Aujourd'hui, dit M. Champoiseau, quelques rares vestiges
consistant en pans de murs qui sortent peine de terre font seuls connatre l'emplace
199, 269-275.
2. Ces monuments avaient dj t signals plusieurs
236
cernent d'Actium. Cependant j'ai pens que les sanctuaires d'Apollon, dont parle
Pausanias 1, devaient se trouver dans la partie la plus septentrionale de l'enceinte,
et c'est l que j'ai commenc mes recherches. Aprs plusieurs sondages qui n'ont
amen que la dcouverte de murailles isoles et sans valeur, je suis arriv une
enceinte continue et un difice dont le sol, recouvert de plus de deux mtres de
terre, est form par une mosaque compose de petits cailloux de mer de couleurs et
de grandeurs diverses, noys dans un ciment trs dur et formant un dessin rgulier,
aux nuances harmonieuses. Un pidestal plac au centre de la salle principale dmontre assez que l'difice dcouvert est un temple. Les fouilles n'ont pu malheureusement tre pousses plus loin; elles ont t arrtes par un bastion construit sur la
partie ouest du temple, l'poque o Ali, pacha de Janina, fortifia la pointe d'Actium.
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1.
Les travaux furent reports vers l'est et dgagrent une partie de l'enceinte sacre du
temple. Plus loin, au nord-est, et prs du mur de la ville, M. Champoiseau trouvait
une assez grande profondeur les deux statues qui appartiennent aujourd'hui au Louvre,
Elles devaient, dit l'auteur de la dcouverte, orner le temple primitif, brl sans
ce
doute aux premiers temps des luttes durant lesquelles l'Etolie et l'Acarnanie furent tant
de fois ravages. C'est probablement de ce temple que provenaient les fragments
d'antfixes en terre cuite trouvs l'est du temple d'poque romaine, signal plus
1. Xpdvto
SE JioTEpov
Ayociou p
-5) ct'/.pa
toS 'AnX-
ipayi-
6[xou
8,
237
haut; peut-tre faut-il aussi rapporter au mme difice des restes de mosaque dessins
noirs, blancs et rouges, qui semblaient avoir t enlevs de leur place primitive et
disperss et l.
En rsum, voici les conclusions que M. Champoiseau croit pouvoir formuler : Les
sanctuaires d'Apollon Actium se trouvaient bien sur la partie la plus avance et en
mme temps la plus leve de la pointe de ce nom, de faon, ainsi que le disent les
anciens auteurs, que les navigateurs en arrivant pussent les apercevoir de loin. On est
port admettre l'existence successive d'au moins trois sanctuaires, renverss par les
envahisseurs diverses poques, puis rdifis sur le mme emplacement (les dbris des
anciens servant en construire de nouveaux une fois l'invasion passe) ; les premiers et
les plus antiques de tous en bois et terre cuite, comme ceux de Dodone; les suivants en
calcaires, pierres dures et marbre mls, de proportions grandioses ; le plus rcent en
opus reticulatum, de travail romain, et dtruit une dernire fois, soit par les barbares,
soit par le christianisme naissant.
Au moment du dpart de M. Champoiseau, en 1868, les objets trouvs dans les fouilles
furent dposs Prvesa. Il faut regretter la disparition de quelques pices importantes,
telles qu'un fragment de statue colossale, sans doute celle du sanctuaire romain,
et des inscriptions grecques en caractres archaques, qui formaient un dallage autour
du pidestal de cette statue. Les deux torses furent heureusement envoys au Louvre
par M. Dozon, qui succdait M. Champoiseau au consulat de France Janina.
Les deux statues sont faites d'un marbre grain brillant, qui rappelle celui de Paros,
et dont l'piderme a revtu une teinte d'un gris jauntre 1. Les ttes manquent dans les
deux statues et les jambes sont brises la hauteur des genoux. Dans leur tat actuel,
les torses mesurent environ 1 mtre de hauteur. 11 n'est pas besoin de dcrire longuement un type qui est bien connu, grce une srie dj longue de monuments. L'attitude des personnages, dans les statues d'Actium, est exactement celle de l'Apollon
d'Orchomne et des statues de Thra, de Perdicovrysi et de Tna. Le corps est nu; les
mains sont fermes et appuyes contre les cuisses; la jambe gauche se porte en avant.
Quant l'excution, si elle prsente dans les deux marbres de grandes analogies, on
peut cependant noter quelques diffrences de facture qui se rvlent un examen
attentif. Le torse dont les bras sont intacts se distingue de l'autre par un travail plus dur
et plus nergique. Le sculpteur a indiqu, avec un grand souci de la prcision, le dessin
des clavicules et la saillie des pectoraux; l'aide de deux rainures, traces obliquement,
il a vis souligner les contours de la cage thoracique; mais la routine a ici plus de part
que l'observation de la nature. Les fautes de dessin abondent. Le model du ventre est
tout fait sacrifi. Au revers de la statue on observe aussi les traces d'une technique de
pure convention, notamment dans le dessin des omoplates, qui sont figures contre
ce
1. Le marbre parat tre le mme que celui des statues de Perdicovrysi, en juger par la description de
GAZETTE ARCHOLOGIQUE.
ANNE I8S6.
M.
30
238
toutes les rgles de l'anatomie. Les cuisses sont aplaties l'excs. En revanche,
le, travail des genoux dnote un effort intressant pour copier la nature. Comme
le remarque justement M. Holleaux, les sculpteurs archaques paraissent avoir tudi
avec un soin particulier la structure des membres infrieurs, et cette observation
peut s'appliquer aux statues d'Actium. La chevelure, dont l'extrmit infrieure est
conserve, s'talait sur les paules en une large masse, divise en boucles parallles;
elle est coupe suivant une ligne horizontale trs rgulire ; c'est la disposition qu'on
observe dans un torse archaque du muse de Pesth, trouv Magnsia en Thessalie 1.
La seconde statue prsente des proportions plus lances et se distingue de la premire
par un model moins rude. Le sculpteur s'est proccup de rendre plutt l'enveloppe
extrieure du corps que d'en accuser la structure intrieure; de l plus de souplesse
dans le travail du torse. Le dessin des ctes est indiqu plus discrtement; le model des
flancs et du ventre est trs adouci, enfin le bras droit est compltement dtach du
corps. La chevelure, serre par un lien, tombe entre les deux paules, avec une trs
faible saillie. En dpit de ces diffrences, le style de ces statues appartient bien la
mme poque, et il est permis de croire qu'elles sont sorties du mme atelier, quelques
annes d'intervalle.
Il est difficile de dterminer exactement la date d'oeuvres de ce genre. On sait, en
effet, que les caractres plus ou moins avancs du style ne sont pas un indice tout fait
certain; dans telle rgion, la technique routinire de l'art primitif a pu prvaloir longtemps et donner aux sculptures un caractre d'archasme plus ancien que leur date
relle 2. En ne considrant que le style, les statues d'Actium marquent un grand progrs
sur celles de Thra et d'rchomne, qui nous offrent les spcimens les plus anciens.
Elles sont certainement antrieures l'Apollon de Tna. Au contraire, elles prsentent
de grandes analogies avec l'une des statues trouves Perdicovrysi par M. Holleaux 3,
et peuvent prendre place dans la srie immdiatement aprs cette dernire. Ce n'est pas
s'carter de la vraisemblance que les attribuer, comme le proposait M. Dumont, au
second quart du vie sicle.
Nous n'insisterons passsur une question souvent traite, celle du nom qu'il convient
de donner aux statues ce type 4. On est d'accord aujourd'hui pour y reconnatre un
type gnral, qui pouvait aussi bien convenir aux reprsentations d'Apollon qu' des
statues d'athltes ou ds statues funraires 5. Suivant l'usage auquel on la destinait, la
4. Miitlmlmgen des arch. Insittutes in Athen, t. VIII,
4883, pi. v..
;
2. Voir par exemple les statues};de Dermys et de Kitylos
D'ACTIUM.
TORSES ARCHAQUES EN MARBRE PROVENANT
239
statue recevait une attribution particulire. Pour les statues d'Actium, le fait qu'elles ont
t trouves prs d'un sanctuaire d'Apollon permettrait avec quelque raison d'y reconnatre des images du dieu. Toutefois il est possible qu'elles aient t consacres par des
vainqueurs aux jeux Actiens (ta "Axria) qui se clbraient en Acarnanie *.
II
Au point de vue de l'histoire de la sculpture grecque, personne n'ignore quel est
l'intrt de la srie de statues o prennent rang les torses d'Actium ; elle montre, en
effet, dans un dveloppement continu, les premiers essais tents par l'art grec pour
appliquer la reprsentation du type masculin le travail du marbre ou de la pierre 2.
L'tude de ces monuments soulve plusieurs questions d'une grande importance. On
peut se demander tout d'abord si ce type a t, dans l'art primitif, commun toutes
les coles, ou s'il n'appartient qu' des rgions dtermines. Il y a donc quelque utilit
classer par provenances ceux des monuments dont l'origine est indiscutable 3. Voici la
liste de ces provenances :
GRGE DU NORD. Acarnanie. Torses d'Actium.
Thessalie. Torse de Magnsia; Mittheil. des arch. Inst., 1883, pi. v.
GRGE CENTRALE. Botie. Statue d'Orchomne ; Bull, de corr. helln., t. V, pi. iv, p. 319.
Cf. Friederichs-Wolters, Gipsabgusse, n 43.
Acraiphise. Statues de Perdicovrysi; Bull, de corr. helln., 1886, pi. iv, vu, vi.
Fouilles de M. Holleaux.
Statue du British Musum, provenant sans doute de Botie; Arch. Zeitung, 1882,
pi. IV.
Corinthe. Statue de Tna ; Friederichs-Wolters, Gipsabgusse, n 49.
Mgaride. Statue de Mgare; Kkul; Ant. Bildwerhe im Theseion, n 397. Von
Sybel, Sculpturen zu Athen, n 2.
ILES. Thra. L'Apollon de Thra; Friederichs-Wolters, op. L, n 14.
Naxos. Statue du Muse d'Athnes ; Kkul. op. L, n 322.
Dlos. Statues encore indites, trouves par M. Homolle.
Samos. Torse signal par M. P. Girard; Mon. grecs de l'Assoc. des tudes grecques,
1880, p. 13.
Calymno. Le Bristish Musum possde une tte trs fruste, rapporte de Calymno
par M. Newton, et qui appartenait sans doute une statue du mme type. (Room
of archaic sculpture.)
SICILE. Torse trouv Girgenti, de travail dj plus avanc; Friederichs-Wolters, op. I., n 153.
1. Strabon, vu, p. 325. Cf. Arch. Zeitung, 1882, p. 57
2. Une tude dtaille des statues primitives reprsentant le type fminin a t faite par M. Homolle dans un
ouvrage qui paratra prochainement De anliquissimis
-.
p. 399; de Witte, Revue arch., 1873, p. 149. Aux exemplaires cits dans ces mmoires, il y a lieu d'en ajouter
d'autres plus rcemment connus, parmi lesquels nous
signalerons les principaux : 1 Figurine de bronze trouve
en Crte; personnage nu, les jambes rapproches; Mittheil.
des Arch. Inst., 1885, Beilage, x, p. 59. 2 Statuette donne comme provenant deTarente; de Witte, Gaz. arch.,
1880, p. 77. 3" Bronze du Muse de Berlin, Arch. Zeitung,
4879, p. 403.
240
Cette liste, que nous sommes loin de donner comme complte, prouve au moins que
le type qui nous occupe agt connu dans la Grce continentale, dans les les et jusqu'en
Sicile. On ne le trouve p|s jusqu'ici dans la Grce asiatique 1; par contre, il s'est surtout
propag dans la Grce centrale, et en particulier en Botie. En tudiant la statue du
British Musum que nous signalons plus haut, M. Furtwaengler avait mis l'opinion que
ce type s'est dvelopp en Grce sous l'influence des Ddalides crtois, et qu'il s'oppose
celui de la figure virile, au vtement long, familier aux premires coles ioniennes'. Nous
ne pouvons que souscrire cette thorie. On remarquera, en effet, que les pays o ces
statues se rencontrent sont ceux-l mme o l'antiquit plaait le thtre de l'activit
artistique du lgendaire Ddale 3. En ce qui concerne les torses d'Actium, M. Dumont
avait signal le rapport qu'on peut tablir entre ces marbres et les oeuvres de Dipoinos
et Skyllis 4, ceux des Ddalides crtois dont l'influence a le plus directement agi sur les
coles de la Grce propre. Il est permis de croire, en effet, que les statues viriles excutes par les matres crtois pour Sicyone, Argos, Ambracie, Tirynthe, ne diffraient pas,
pour le type, de celles d'Actium. On peut invoquer, l'appui de cette opinion, un fait trs
prcis, qui a t trop peu remarqu. Au revers d'une monnaie de Sicyone, frappe sous
Alexandre, on voit, en avant de Zeus assis sur son trne, une figure masculine, du
type le plus archaque, et dont l'attitude est celle des statues d'Actium 5. M. Percy
Gardner classe cette monnaie parmi celles qui reproduisent des copies de statues; il est
possible d'y reconnatre Pimitation d'une des statues faites pour Sicyone par les matres
crtois 6.
Mais, si l'on est en droit d'attribuer aux Ddalides la diffusion de ce type sculptural
dans la Grce propre etMans les les, la question de l'origine du type n'en reste pas
moins obscure. On a souvent remarqu les analogies singulires que les statues du type
d'Orchomne offrent avecles oeuvres gyptiennes. L'troitesse des hanches, par rapport
aux paules, les bras pendants le long du corps, l'oreille souvent place trs haut,
comme dans la statue de Thra, voil autant de caractres qui rappellent ceux de la
statuaire gyptienne, surtout au temps de la dynastie sate 7. Bien plus, la coiffure qui
s'largit vers les paules^, imite, comme l'a remarqu M. Perrot9, la disposition du klaft,
et justifie l'opinion que les Grecs eux-mmes professaient sur l'origine gyptienne des
premires oeuvres de la statuaire grecque. D'autre part, les diffrences entre les statues
4. La tte de Hironda, au British Musum (Rayet,
Milet, pi. xxvn), et celle du muse de Tchinli-Kiosk publie par M. Heuzey (Bull, de corr], helln, 1884, pi. x),et
par M. Reinach (Gaz. arch., 1884, pi. 13), n'appartiennent pas ncessairement des statues du type d'Orcho-
mne.
2. Arch. Zeitung, 4882, p. 54. Cf. Friederichs-Wolters,
Gipsabgusse, p. 9.
3. Cf. Brunn : Geschichte der griech. Knsller, I, p. 15.
4. Mon. grecs, 1878, p. 11.
241
grecques reprsentant un personnage viril et celles de l'Egypte ne sont pas-moins frappantes. Dans ces dernires, la nudit complte n'apparat jamais ; les bras sont rarement
spars du corps ; enfin, dans les statues de granit ou d'albtre, la jambe qui s'avance
est rattache, par une partie pleine, celle qui est reporte en arrire. Mais les diffrences clatent surtout dans les principes de style dont tmoignent les statues grecques 1.
Si l'on examine la srie de ces monuments dans l'ordre chronologique, on voit que l'art
grec s'achemine pas pas vers l'tude directe de la nature et la recherche de la vrit,
obissant ainsi des proccupations que n'a pas connues l'art gyptien. Cette divergence
est telle, qu'on peut se demander si les sculpteurs grecs ont rellement subi l'influence
de l'art gyptien. L'examen dtaill d'un si grave problme dpasserait les limites d'un
article; nous nous contenterons d'indiquer sommairement la solution qui nous parat
la plus vraisemblable.
Il semble prouv qu'au vie sicle, c'est--dire au moment o s'tablirent les rapports
rguliers entre l'Egypte et la Grce, l'art grec n'en tait plus copier servilement des
types trangers 2. Si l'imitation des oeuvres de la statuaire gyptienne s'tait produite au
commencement du vie sicle, avec les plus anciennes statues du type d'Orchomne, on
s'expliquerait mal que le style de ces statues commence, cette mme date, accuser
une direction artistique tout fait diffrente de celle de l'Egypte. Il faut donc admettre
que si les artistes grecs ont connu une certaine poque des modles gyptiens, au
cours du vie sicle, ils s'taient dj compltement affranchis de l'imitation pure et
simple. Le problme qui se pose ds lors est le suivant : quelle date des modles
gyptiens ont-ils pu donner aux premiers sculpteurs grecs l'ide d'un type canonique,
pour la reprsentation des figures viriles ?
Nous n'hsitons pas croire que cette date est bien antrieure au travail du marbre.
Les statues de marbre qui nous occupent ne nous font connatre que le dveloppement
relativement tardif d'un type plus ancien qui a t celui des statues grecques l'poque
lointaine o l'on ne travaillait que le bois et le mtal. A l'appui de cette opinion, nous
pouvons invoquer un curieux tmoignage : c'est une peinture dcorant une amphore
figures rouges du British Musum 3 (fig. 2). La scne figure est cet pisode de la prise de
Troie que les peintres grecs ont si souvent reproduit : Ajax poursuivant Cassandre qui
se rfugie auprs d'un autel. Mais ici, au lieu du Palladion reprsent d'habitude sur les
vases de cette srie 4, le peintre a plac sur l'autel une statue virile, copie sans doute
d'aprs quelque vieux xoanon en bois. On y retrouve tous les traits essentiels des
statues de marbre, les bras colls au corps, l'attitude rigide, avec cette diffrence toutefois que les jambes ne sont pas spares; les pieds strictement joints font penser aux
1. Cf. Homolle, De ant. Dianae simul. deliacis, p. 95.
%. Voir sur cette question, Wiedfimann, Die ltesten
Beziehungen zwischen Mgyplen und Griechenland, 1883.
3. Third vase room, E, 313. C'est la parfaite obligeance
242
idoles prddaliques dont la haute antiquit tait atteste par cette mme particularit :
jovwt..'. o Si6<TT]x6ta ito. uoSa, XX' arTa a-uptoSa 1. II n'est pas indiffrent de
constater ici les mmes analogies avec la statuaire gyptienne qui nous frappent dans
les statues de marbre ; sur ce point, le tmoignage de notre peinture de vase est tout-fait d'accord avec les textes. En effet, les sources crites nous permettent d'entrevoir
quel point les vieux xoana grecs reprsentant des divinits masculines, ressemblaient
aux statues gyptiennes. Pausanias signale Mgare des statues d'Apollon, faites en
bne, tout fait semblables celles de l'Egypte 2. L'Hrakls d'Erytbres avait le type
Fig. 2.
.,.-
XOcl
AXXT7]<p0p0; TO
3. Paus, VII, 5, 3.
4. Diod. Sic. I, 98.
5. Helbig, Das homerische Epos, p.
34 4,
note 4.
243
les figurines de terre vernisse, dont on ne saurait mconnatre l'influence sur le dveloppement de l'industrie cramique en Grce1. Si restreintes que fussent les dimensions de
ces objets, ils ont pu contribuer veiller chez les Grecs le sens plastique, et leur suggrer
certaines attitudes, bien faites pour donner un semblant de vie aux images barbares,
tailles dans des poutres, qui constituaient alors toute la statuaire hellnique. Les inventions attribues Ddale montrent bien quel point l'adoption de certaines formes canoniques, sans doute empruntes l'Egypte, marqurent, dans l'esprit des Grecs, un
progrs considrable sur la technique tout fait rudimentaire des idoles grecques
primitives 2. Or, la priode que personnifie Ddale est celle du travail du bois; les outils
qu'il invente, suivant la lgende grecque, sont la scie, la hache, le fil plomb, la tarire,
c'est--dire ceux qui servent dgrossir et faonner des madriers 3. Les statues ddaliques, dont les Grecs disaient qu'elles parlaient et qu'elles marchaient 4, appartiennent
cette longue et obscure priode durant laquelle les imagiers grecs , qui travaillent le
bois, s'appliquent avec un zle naf reprsenter la figure humaine l'aide de formules
conventionnelles empruntes un art plus avanc.
En rsum, les caractres gyptisants qu'on observe dans les statues de marbre ne
sont pas dus une imitation directe des oeuvres gyptiennes ; c'est sur les prototypes
en bois de ces statues, bien antrieurs comme date, que l'action de l'art gyptien a pu
s'exercer. Au moment o les Grecs commencent excuter en marbre des statues
isoles, vers la fin du vif sicle, ils ne s'affranchissent pas du premier coup des habitudes contractes dans le travail du bois; les premires statues de marbre nous
montrent les plans coups, les artes vives, qui caractrisent cette technique. Il est
naturel que les types reproduits en marbre soient aussi ceux de la priode antrieure,
et qu'on y retrouve les mmes formes canoniques. Mais les statues du genre de celles
d'Actium montrent l'effort continu de la sculpture grecque pour se dgager de ces conventions. Dans la statue de l'Apollon Strangford, conserve au British Musum, l'ancien
type s'est dvelopp; les avant-bras, dtachs du corps, se portent en avant, pour
recevoir des attributs. Enfin, avec la statue de l'Apollon de Choiseul-Goufer, qu'on peut
considrer comme le dernier terme de la srie 5, le type viril purement grec apparat
dj dans toute sa beaut, comme le rsultat d'une srie de progrs dont les statues du
vic sicle marquent les tapes.
MAX. COLLIGNON.
4. Heuzey, Catal. des figurines ont. du Louvre, p. 8.
2. Voir, sur cette question, Brunn, Ueber telctonischen
Stijl; Sitzungsberichteder bayer. Acad. juin 4884.
3. Brunn, Gesch. der griech. Kilnstler, I, p. 20.
III,
7.
iv. Cf.
310
Parmi les objets d'art que nous a laisss l'antiquit, il en est peu dont l'histoire soit
plus obscure, plus entoure de lgendes que celle des cames. Le Moyen-Age a souvent
remplac par des fables;; l'histoire des monuments figurs qu'il ne comprenait pas, et
prt un sens chrtien <les sujets entirement paens. Telle fut la lgende du bas-relief
des Baux, o la pit Ides fidles voulut voir les saintes Maries, honores dans la
Camargue et le pays d'Arles; tel aussi fut le sort du came de Chartres, qui reprsente
Jupiter et dans lequel tous les inventaires de la cathdrale de Chartres virent presque
jusqu'au xvne sicle un saint Jean l'vangliste 1.
Les plus belles pierres graves appartenaient gnralement des trsors d'glises
cathdrales ou conventuelles, qui les avaient reues en don, et qui, ne voyant dans le
sujet qui s'y trouvait que la reprsentation d'un fait religieux, transformaient les dieux
de l'Olympe, les empereurs romains en patriarches, en vanglistes, augmentant
leur
origine.
entouraient
les
tnbres
qui
apprciations,
fausses
ainsi,
par
ces
encore
C'est ainsi que le came de la Sainte-Chapelle s'appelait le Triomphe de Joseph, avant
que Peiresc lui restitut;, en 1619, son vritable nom d'agate de Tibre; en mme
temps, le savant archologue faisait venir de Vienne une preuve sur soufre du Grand
Came auquel il donnait; le nom de Triomphe d'Auguste 2, que Koehler a chang depuis
elle
disait
magnifique
il
comment
pierre
dcrivait
Gloire
Peiresc
d'Auguste
3.
cette
:
en
tait parvenue dans le Trsor des empereurs d'Allemagne. Rapport de Palestine par les
chevaliers de Saint-Jean de Jrusalem, donn par eux Philippe le Bel, lgu par le
roi au couvent des religieuses de Poissy, qu'il avait fond en 1304, ce came aurait t
pris au xvie sicle pendant les guerres de religion (1562) et vendu douze mille cus d'or
Rodolphe II 4.
1. Mly, Le Trsor de Chartres. Paris, Picard, 4 886,
iu-8, p. 36, pi. x.
2. Gassendi, Vie de Peiresc. Hagaa Comitum, Adrians
Vlacq, 4655, in-8, 1. III, p. 111.
Dans VInvantaire des mdailles^ graveures, pierres preneuses et poids antiques de feu M. de Peiresc, nous trouvons
un tableau de la main de M. Rubcns, reprsentant l'apothose d'Auguste, tir sur l'original qui est en agathe la
Sainte Chapelle de Paris, un autre tableau de la main de
M. Nicolas, de l'apothose d'Auguste vivant, tir sur l'ori-
ginal de l'agathe qui est aujourd'hui au cabinet de l'Empereur. {Gazette des Beaux Arts, t. XIV, 2e priodes p.
422). Ce document nous montre combien Peiresc attachait
d'importance ces deux Cames.
3. L. Stephani, OEuvres compltes de Koehler. SaintPtersbourg in-8, t. V, p. 21.
,
4. Quemque per bella civilia furlo sublatum; mercalorcs
quidam delulerunt in Germanium ac divenderunt Rudolpho II
duodechn millbus aureorum. Gassendi, Vie de Peiresc,
1.
III,
p. 111.
AUTRICHE
245
Depuis, de nombreux archologues l'ont tudi au point de vue glyptique et iconographique 1, mais tous ceux qui ont parl de son origine ont repris la mme tradition, et
comme jusqu' prsent aucun document historique n'tait venu l'encontre de ce que
Peiresc avait avanc, nul doute ne s'tait lev sur l'histoire de ce came, qui, il faut le
reconnatre, ne ressemble en rien une lgende.
Cependant, il et t intressant de voir dans les chroniques des Dominicaines de
Poissy s'il n'en tait fait aucune mention. Au Moyen-Age, une pierre de cette importance
ne passait pas inaperue dans le trsor d'un couvent; les inventaires des Trsors de la
Sainte-Chapelle, des ducs de Bourgogne, de Charles V, de Chartres, n'ont garde
d'omettre les pierres qui s'y trouvaient; nous verrons, d'ailleurs, avec quel soin jaloux
le Grand Came de Vienne tait conserv, gard, protg par ceux qui le possdaient,
et qui pour aucun prix, si lev qu'il ft, n'avaient voulu s'en dessaisir, avant qu'une
volont royale ne leur en et donn l'ordre.
Or, dans ce qui reste du fonds de Poissy 2, il n'en est parl nulle part. Nous y lisons,
par exemple 3, que le couvent fut pill et brl du temps des Anglais, que la communaut en fut absente pendant trente ans et qu'aucun des titres antrieurs 1380 n'a t
conserv : il est probable que, si le came avait t au couvent cette poque, il et
disparu avec le reste. Htons-nous de le dire, il n'y a pas ici de preuves, tout au plus
des suppositions ; mais les embarras ne sont pas termins. M. R. von Schneider, conservateur du Muse des antiques de Vienne, auquel je me suis adress, a bien voulu me dire
qu'il n'existe, ni dans les archives de l'empire, ni dans celles de Prague, ou du moins
dans ce qui en a t explor jusqu' ce jour, aucune trace de l'achat de ce came, qu'il
n'en est pas fait davantage mention dans l'inventaire des collections de l'empereur
Rodolfe II, par Miseroni, pas plus que dans les autres registres transports en Sude
pendant la guerre de Trente ans et dcouverts depuis les travaux de Fabb Eckel 4. M. le
docteur Birk, membre de l'Acadmie et directeur de la Bibliothque Impriale, qui
depuis de longues annes s'occupe exclusivement des objets d'art appartenant la cour
d'Autriche, n'a pu davantage me fournir de nouveaux renseignements. Il y a donc l une
incertitude absolue sur ce qui concerne ce came, non seulement pendant tout le
Moyen-Age, mais jusqu'en 1619, au moment o Peiresc en parle, car cette pierre
n'apparat, dans les catalogues des joyaux de la Couronne Impriale, pour la premire
fois, que dans un inventaire de 1779, o sont dcrits tous les objets transports du
1. Nous citerons entre autres, Baudelot de Dairval, De
l'utilit des Voyages. Paris, 1686, in-8, t. V, p. 323.
Montfaucon, L'antiquit explique. Paris 1719, in-fol., t. V,
p. 160.Mariette, Traitdespierresgraves. Paris, Mariette,
4750, in-4, p. 354. Koehler, Mmoire sur un came
du cabinet des pierres graves de S. M. I. l'empereur de
Russie. Saint-Ptersbourg, Pluchat, 4810, in-8.
Araeth, Die anlilcen cameen der K. K. Munz-und antiken
cabinettes in Wien. Wien, 4849, Leopold Sommier, in-f,
GAZETTE AECHO.OGIQTTE
ANNE 1886
246
247
quasi rotundus, vulgariter dictus Cassidonie et de super in dicto lapide Camasuelis : et superiori historia sunt decem personatgia in dicta historia et quedam
aquila, inpede illorum quasi circa mdium a latere dextro: et in inferiori historia sunt undecim personatgia ; que quidem lapis est uniuspalmi cane amplitudinis et quasi unius altitudinis, et dictus lapis est fractus in medio, videlicet in
secunda historia ad longum 1. L'inventaire de 1502, en franais, est moins complet,
mais il nous donne cependant quelques nouveaux dtails : Une belle piarre prcieuse
appele Camalyeu o il y a sept grands personnatges de hault figurs et eslevs avec trois
ou quatre petits, et de bas icelle piarre prcieuse, unze personnatges et quatre piarres
l'entour, c'est asavoir deux noires, une blanche et une claire, lequel camalyeu est bien
garni d'argent avec deux montants d'argent par derrire2. Si nous runissons ces deux
descriptions et que nous les appliquions au came de Vienne, il ne peut y avoir d'hsitation. Le came est divis en deux parties. Dans la scne suprieure, un quadrige
gauche, dans le haut un petit came sur lequel est reprsent un Capricorne; dix personnages, dont sept de haut figurs; presqu'au milieu, un peu droite, sous les pieds
des personnages, un aigle; dans la scne du bas, onze personnages. Le came de SaintSaturnin a une palme de longueur, c'est--dire 0,22342, un peu moins de hauteur; le
came de Vienne a 0,225 de largeur et 0,187 de hauteur. Celui de Saint-Saturnin tait
cass; celui de Vienne est bris 3, absolument dans les mmes conditions; fractus in
medio videlicet in secunda historia ad longum. La monture a disparu.
Il faut reconnatre que, d'aprs l'ide que s'en tait faite Belhomme, et d'aprs la description toute d'imagination qu'il en avait laisse, il tait difficile de reconnatre ce came.
Dans le feu de la composition, il n'osait y voir cependant le Ravissement d'lie au ciel ,
il inclinait plutt vers l'apothose d'un chef d'une auguste famille, levant jusqu' lui sa
noble postrit, qu'un aigle aux ailes ployes conduisait vers le char de l'immortalit .
Sans nul doute il se souvenait de l'apothose de Germanicus enlev par un aigle, le
came n 209 du Cabinet des Mdailles, que le cardinal Humbert avait rapport,
en 1049, de Constantinople, l'abbaye de Saint-Evre de Toul; il aurait pu aussi le comparer au came du Trsor de Trves 4 ou bien celui de Junon et de Ganymde 5 du
Muse de Florence. L'aigle n'a ici qu'une importance toute secondaire.
La beaut de cette pierre, qui avait au xve sicle une rputation universelle, en faisait
pour tous un objet d'envie ; aussi faut-il lire les pices qui nous sont restes et dont je dois
communication en partie M. Sacaze, conseiller gnral de Toulouse, pour connatre
la vnration, le mot n'est pas exagr, dont les capitouls entouraient le Grand Camaliel.
1. G. Belhomme, p. 464.
2. G. Belhomme, p. 465.
3. Dans l'tude du volume d'Arneth par V. Langlois
(Revue archologique, t. VII, p. 254), nous lisons que le
Came n'est pas fragment . Nous voyons au contraire
frag-
248
Voici d'abord ce qu'en disaient les registres de l'Htel de Ville de Toulouse : Lapis
pretiosissimus, valoris incredibilis, a Carolo Magno Tholosam delatus et Sancti Saturnin!
basilice collatus. Hune lapillum, ample magnitudinis, aiunt nonnulli primum fuisse
Josue in deserto Ethiopie superiori repertum, Hierosolyme conservatum usque ad tempora Christi, in cujus passione is lapillus in medio sectionem passus est, ut ceteri lapides
et vlum templi. Inde temporis a Carolo Magno inventus et Tolosam delatus est 1.
Les Capitouls en feront de mme l'histoire dans leur rponse Franois Ier
(1er novembre 1533); nous la retrouverons tout l'heure.
Le 17 septembre 1453 le snchal de Toulouse dcide qu'une certaine pierre prcieuse, appele Camayeul, appartenant l'glise de Saint-Sernin et qui tait entre les
mains de deux marchands, sera mise dans une armoire qui est aux corps saints et qu'elle
sera ferme quatre clefs, l'une desquelles sera tenue par l'abb de Saint-Sernin, la
deuxime, par le prieur claustral, la troisime, par les Capitouls, et la quatrime, par
le procureur du Roy de la Snchausse de Toulouse. Sign Ruppes, notaire 2. Les
prcautions qu'ils prenaient pouvaient peut-tre les dfendre contre les voleurs, mais
249
ment de Toulouse, leur communique deux lettres du Roi, l'une date de Castelnaudary,
du mois d'aot; l'autre de Marseille, du 20 octobre, par lesquelles il priait les Capitouls
de lui envoyer le came qu'il avait admir Saint-Sernin. Les Capitouls rpondent qu'on
ne peut le dplacer sans dispense du Pape. Le roi insiste. Le 1er noArembre, M. de SaintFlix est nomm dput pour aller esclairer le roy avec Jean Buisson de Bauteville : il
part avec Vailety ; ils devront exposer Sa Majest que le Camayeul dont est propos est
une pice de telle estimation.... que le pape Paul, pour icelle avoir, voulut difier un
pont de pierre au dict Thoulouze sur la rivire de Garonne, difficile pourter, et donner
cinquante mille cus la dicte ville et pour satisfaire, tous, augmenter du double les
prbendes des chanoines de ladite glise, et depuis les Vnitiens en ont offert plus
grande somme en valeur, mais n'ont jamais pu obtenir.
Le roi s'irrite de cette rsistance et voici sa lettre du 7 novembre. Nos trs chers et
trs amez les Capitouls de nostre bonne ville et cit de Tholose, de par le Roy. Trs
chers et bien amez, vous pouvez avoir entendu par ce que nous vous avons escript par
de l, le dsir que nous avons que le camahieu, qui est l'abbaye de Saint-Sernin de
nostre ville de Tholose, nous soit apport pour montrer Nostre Sainct-Pre le Pape.
A ceste cause nous vous mandons et trs expressment enjoignons que, incontinent la
prsente reue, vous ayez nous envoyer par l'un d'entre vous et par l'un des religieux
de l'abbaye, le dict Camahieu en la plus grande diligence que faire se pourra. Mais
gardez-vous bien d'y faire faulte, car tel est notre plaisir. Vous advisant que NostreSainct-Pre vous dispense de la peine en quoi vous et les religieux de la dite abbaye
pouvez encorrir en transportant icelui Camahieu hors d'icelle abbaye, laquelle dispense
vous sera baille vostre arrive ici.
Donn Marseille, le 7e jour de novembre.
FRANOIS.
BRETON.
Il n'y avait plus qu' obir. Pelliceri, juge ordinaire de Toulouse, Vailety et Clapiers
de Saint-Flix sont chargs de le porter au roi; la rponse ne se fait pas attendre.
A nos trs chers et bien amez les Capitouls, bourgeoys et habitants de nostre
bonne ville de Tholoze. De par le Roy. Trs chers et bien amez, nous avons reeu le
Camayeu que vous nous avez envoy et l'avons promis en garde jusqu' ce qu'il soit
cognu et desclar qui il sera, pour aprs en rcompenser celui qu'il appartiendra, de
sorte qu'il s'en doive contenter. Trs chers et bien amez, Nostre-Seigneur vous ait en sa
garde.
Donn Saint-Anthoine, le 24e jour de novembre 1533.
FRANOIS.
BAYARD.
partir de ce moment, nous le perdons tout fait de vue, et c'est Peiresc, en 1619,
qui nous apprend que Rodolphe II l'a achet douze mille cus d'or des marchands et
A
250
qu'il est par consquent depuis cette poque dans le trsor des empereurs d'Allemagne
o nous le retrouvons aujourd'hui.
Est-il possible en prsence du peu de documents que nous possdons de savoir comment ce came est arriv Toulouse? Je ne le pense pas.
Les registres de l'Htel de Ville nous disent bien que cette pierre a t donne par
Charlemagne son retour de Jrusalem, avec les corps de six aptres ; nous sommes ici
en pleine lgende. On sait ce qu'il faut penser de ce prtendu voyage de Charlemagne
en Orient; l'abb LebeufJ a t un des premiers en parler ; l'Espagne et l'Orient taient
occups par les Mahomtans ; de ce que Charlemagne s'en fut combattre les infidles
en Espagne, le Moyen-Age a conclu, outre le besoin d'authentiquer certaines reliques,
rapportes soi-disant par le grand empereur, qu'il avait t aussi en Orient. Si nous
nous placions uniquement sur le terrain des reliques, il serait d'ailleurs encore plus
vident que celles de Toulouse ne viennent pas de Jrusalem. Les corps des aptres
vnrs Saint-Sernin taient ceux de saint Jacques le Majeur, de saint Jacques le
Mineur, de saint Philippe, de saint Simon, de saint Jude, de saint Barthlmy 2; nous
ne les voyons pas, que je sache, dans la chanson de Charlemagne 3, et les anciens
auteurs ne sont mme pas d'accord sur ces reliques, au fond des plus suspectes 4.
Il y a dans tout le Moyen-Age quelques grandes personnalits auxquelles le peuple
rapportait, sans plus amples renseignements, tout ce qu'il ne savait expliquer. Saint Eloy,
Charlemagne, Charles le Chauve virent ainsi leurs noms attachs beaucoup d'objets
d'art, de monuments, de reliques dont l'origine flottait dans une atmosphre d'inconnu.
C'est plutt sur la destination du came qu'il faut se baser pour les recherches faire.
Incontestablement il tait mont en pectoral (deux montants d'argents par derrire); le
mme inventaire en signale un autre qui servait aux chanoines ; la beaut seule de la
pierre, dont il est ici question, l'avait fait mettre part 5. Le tableau d'or contenant des
reliques et deux grosses pierres graves, qui se suspendait au cou de l'empereur de
1. Mmoires de l'Acadmie des Inscriptions et BellesLellres, t. XXI, p. 4 36.
2. D'Aldeguier, Les cryptes de Saint-Saturnin,, apud
Mm. de la Socit archolog. du Midi, t. VII, p. 90.
3. Voici les reliques de saints que le patriarche de
251
Bysance, l'aide d'une chane d'or lors des solennits, que Gunther, moine de Pairis,
rapporta de Constantinople, en 1207, Philippe, empereur d'Allemagne 1, et le came
de Saint-Sernin avec ses deux anses, ne sont autre chose que deux rationaux venant
fort probablement du mme pays : seule la date d'apport doit diffrer.
S'il ne semble gure probable qu'il ait t donn par Charlemagne l'abbaye de SaintSernin que l'empereur avait cependant comble de prsents, il ne faut certainement
,
pas descendre jusqu' la quatrime croisade pour rechercher son arrive. A ce moment
Raymond VI est trop occup des Albigeois, de faire assassiner le lgat d'Innocent III,
saint Pierre de Castelnau, pour donner Saint-Sernin des cames magnifiques; nous ne
devons pas aller davantage jusqu'au moment o saint Louis fait prsent son frre
Alphonse, mari de Jeanne de Toulouse, d'un fragment de la sainte pine, en 1251,
puisque nous trouvons la trace de ce came dans un inventaire du 14 septembre 1246,
que nous a fort aimablement communiqu M. l'abb Douais 2, en ajoutant que, malgr ses
recherches dans tout le fonds de l'abbaye, antrieur au xme sicle, il n'en avait rencontr aucune mention.
A un moment, vers 1074, les rapports entre les comtes de Toulouse et la cour de
Constantinople sont des plus troits : Grgoire VII crivant Michel VII 3 lui parle des
secours que Guillaume de Bourgogne et Raymond de Saint-Gilles vont aller lui porter;
puis, la fin du xie sicle, ce sont les lettres d'Alexis Comnne Raymond de SaintGilles qui tmoignent de l'importance de leurs relations : elles durent certainement tre
accompagnes de prsents; le grand came n'y aurait-il pas t compris? D'ailleurs la
tradition actuelle de Toulouse est que les reliques ont t apportes par Raymond de
Saint-Gilles, et tous les documents nous disent que les reliques et le came arrivrent en
mme temps Saint-Sernin.
Mais ici nous faisons, comme Peiresc, des suppositions : ce que nous savons seulement bien authentiquement du grand came, aujourd'hui Vienne, c'est que, ds 1246,
il est mentionn dans un inventaire de Saint-Sernin, qu'il reste dans le trsor de la
Basiliquejusqu'en 1533, poque laquelle Franois Ier, l'ayant fait venir Marseille sous
prtexte de le montrer au Pape, le donne Clment VII.
Nous pouvons encore continuer nos suppositions. En 1619, le came est depuis quelque
annes dans le trsor des empereurs d'Allemagne; comment y tait-il entr? 11 n'existe
dans les archives de l'empire aucune trace de son achat ; devons-nous en conclure qu'il
n'a pas t achet par l'empereur? Il lui aurait t alors, dans le cas contraire, donn
en cadeau par un pape, par Grgoire XII peut-tre. Mais il faut remarquer que ce bijou,
si richemeDt mont quand il fut emport par Clment VII, n'est plus entour aujourd'hui que d'un simple cercle d'or, attribu par M. R. von Schneider la premire moiti
1. Guntheri Parisiensis Historia Constantinopolitana,
apud Riant, Exuvice Sacre Constantinopolitanoe. Genve,
4 877, in-8, t. 1, p. 425.
252
du XVIII0 sicle : le Pape, notre avis, n'aurait eu garde de le dmonter avant d'en faire
hommage l'empereur; il a d sans nul doute suivre une autre voie que celle du Trsor
des Papes. Les lgendes ont parfois un fond de vrit; Peiresc, le vieil antiquaire provenal (1580-1637), presque contemporain du moment o ce came est entr au trsor
imprial, tait trop consciencieux pour avancer la lgre que le came de Vienne
venait de Poissy et qu'il avait t pay douze mille cus d'or. Il pouvait certes exister
encore, au moment o il crivait cela, des personnes l'ayant connu au couvent des Dominicaines ; c'est ce qui nous permet d'mettre une hypothse, que nous soumettons aux
archologues, sans la prsenter autrement cependant que comme une simple conjecture.
Amateur d'objets d'art et d'antiquits comme on l'tait la Renaissance et surtout
dans sa famille, Clment VII, le protecteur de Benvenuto Cellini, aura vraisemblablement gard pour son cabinet, au lieu de le dposer dans le trsor apostolique, cette
pierre qu'il avait tant dsire.
la mort du Pape (26 septembre 1534), ses biens personnels retournent aux Mdicis;
le came de Saint-Sernin aurait alors quitt Rome pour Florence. Catherine de Mdicis,
nice du Pape, femme du dauphin, hrite d'une portion du trsor des Mdicis, dont le
Louvre possde quelques spcimens dans la galerie d'Apollon et dans la collection
Davilliers (n06 376-377). Qu'y aurait-il d'tonnant que le came de Saint-Sernin ft revenu
en France par cette voie, avec d'autres pices, quand nous savons qu' la mort de
Louis XIV, le partage du trsor des rois de France attribuait Philippe V un certain
nombre de pices provenant des Mdicis, aujourd'hui au Muse royal de Madrid et qui
n'appartenaient la couronne de France que par suite des hritages de Catherine et de
Marie de Mdicis? Et alors, pourquoi encore n'aurait-il pas t donn au couvent de
Poissy par Catherine, en 1561, par exemple, au moment de ce fameux Colloque prsid
par la rgente et o dut tre dploy le plus grand luxe ?
En 1562, le couvent est ruin, pill par les Huguenots; l'autorit et l'nergie de
i'abbesse Marguerite du Puy (1562-1583) purent seules relever cet tablissement relidieux; pour y parvenir, il aura fallu'vendre tous les dons que le couvent avait reus,
principalement ceux qui, comme un pectoral, ne pouvaient servir que dans de rares
occasions; d'abord la monture aurait disparu, puis alors viendrait l'histoire des marchands chargs d'aller vendre l'tranger ce que les religieuses avaient reu d'une
main royale.
Mais, nous le rptons, c'est titre d'hypothse que nous parlons.
Ce que nous avons pu tablir aujourd'hui sur des documents certains, c'est que, pensant tout le Moyen-Age, le grand came de Vienne, la Gloire d'Auguste, avait t
conserv non Poissy, mais Saint-Sernin de Toulouse, o il est inventori ds 1246;
d'autres chercheurs, maintenant avec les dates prcises que nous venons de donner,
pourraient peut-tre le rencontrer de 1534 au commencement du xvue sicle.
F.
DE
MLY.
253
P. S. Une note qui nous est communique au dernier moment par M. Emile
Molinier ne saurait que corrober notre hypothse du retour du came en France aprs
la mort de Clment VII, puisque nous croyons le retrouver dans l'Inventaire de Fontainebleau, dress en 1560, sous cette dsignation : N 379. Un grand tableau d'une
agathe taill en camahieu antique, fesle par la moyti, enchsse de cuyvre, que
Von dit estre venu de Thoulouze, estim VIe escus. La copie de cet Inventaire, qui
se trouve l'Arsenal, dit, suivant M. Paul Lacroix, qui l'a dite venu de Iherusalem ; il faut probablement lire venu de Thoulouse .
Quoi qu'il en soit, du moment que le came tait dans le Trsor des rois de France
cette poque, et qu'il ne fut pas donn l'archiduc Ferdinand, on pourrait, ce nous
semble, puisque nous le retrouvons quelques annes aprs Vienne, supposer qu' la
mort de Charles IX son poux, Elisabeth d'Autriche, retournant Vienne, l'a emport
avec elle et l'a ainsi lgu son frre, l'empereur Rodolphe II.
1
F.
DE M.
32
32.)
Il y a quelques annes, j'ai fait entrer dans mes collections un buste en marbre achet
Saint-Dizier et qu'on m'a affirm avoir t dcouvert la fin du xviu0 sicle, dans les
fouilles de la ville gallo-romaine explore au Chtelet de 1772 1840.
Le Chtelet est situ sr le territoire de Fontaine-sur-Marne, quelques lieues de
Saint-Dizier ( Haute-Marne ).
On ne peut douter de l'antiquit de cette sculpture d'aprs certains caractres qu'elle
prsente, notamment l'usure du marbre et les marques trs visibles d'un travail fait
la rpe pour le drocher, c'est--dire pour faire disparatre les dpts et inscrustations
calcaires produits par le long sjour de ce marbre dans le sol.
Ce buste remarquable mesure, avec son pidestal, 28 centimtres de hauteur, et reprsente un personnage jeune, au profil droit et dont le visage est empreint de tranquillit; une paisse chevelure boucle recouvre une partie du front, descend sur le cou et
les paules en boucles serres, colles sur le crne, enroules en tire-bouchons et termines, pour la plupart, par un trou circulaire for la virole. Certains caractres de
mollesse et de recherchey qui accusent dj une poque de dcadence, nous permettent
de croire que cette oeuvre appartient l'poque d'Hadrien et des Antonins, car elle
offre une grande analogie avec les sculptures de ce sicle qui manqua plutt d'inspiration que d'habilet technique. Le personnage reprsent parat n'avoir aucun caractre
iconographique. Est-ce une divinit, un Apollon, un Baechus? Il nous parat rationnel
de le rapprocher des nombreuses statues d'Antinous dont on peupla l'empire romain au
temps d'Hadrien et dont nos muses sont encore abondamment pourvus 1.
Ce buste a t mutil. La base du pidestal, le nez, la partie antrieure du coronal
montrent des restaurations assez habilement faites une poque moderne. Le trou
obtur plac sur le coronal a-t-il t produit par les vicissitudes qui ont dtrior le
nez et le pidestal du buste ? Ce trou tait-il au contraire destin recevoir un attribut,
1. Nous profitons de cette circonstance pour signaler la
dcouverte rcente, Rome, d'une statue colossale d'Antinoiis, en marbre ; cette statue a plus de deux mtres
de haut. ( Voyez Bulleltino dlia commissione municipale,
BUSTE
(HAUTE-MARNE'
255
une fleur de lotus, un rayon, un apex, par exemple? C'est ce qu'il n'est gure possible
de dterminer.
Dans le travail qu'il a publi en 1774 sur ses fouilles du Chtelet, Grignon s'exprime
ainsi: Dans le cours de ces deux mois (du6 avril au 31 mai 1774), nous avons fouill
carres, dans laquelle il
de suite et fond une superficie de terrain de 4,818 toises
huit
temples
quatre-vingt-dix
grande
maisons,
plus
partie
de
trouv
la
s'est
onze
rues,
trente-neuf
citernes,
puits.
dicules,
trente-huit
souterrains
quatorze
caves,
ou
Dans son second mmoire, dat de mai 1775, Grignon constate que les fouilles faites
au Chtelet jusqu' cette poque, embrassaient une tendue totale de 8,573 toises; dixneuf rues, un grand temple, dix dicules, trente-huit maisons, des places spacieuses,
une trs grande construction destine aux bains publics avaient t dcouverts depuis la
publication des premires fouilles. Des statues et statuettes en pierre, en bronze, en
terre cuite, des oeuvres d'art, des monnaies d'or, d'argent, de bronze, des vases ont
t trouvs dans cette exploration, une des plus intressantes qui aient encore eu lieu
sur le sol de la Gaule romaine, par le nombre, la varit, l'importance des objets
dcouverts, si l'on s'en rfre aux travaux de Grignon et de l'abb Phulpin son continuateur.
Le buste en marbre qui fait partie de notre collection n'a point t, que nous
sachions, signal ou dessin par Grignon, mais il est possible cependant qu'il ait t
dcouvert ds cette poque et dans les mmes travaux d'exploration, sans que Grignon
en ait connu l'existence. En effet, la page 8 de l'introduction de ses Etudes
archologiques, l'abb Phulpin, le continuateur des fouilles de Grignon de 1785 1840,
constate que les fouilles taient mal surveilles. Des objets ont donc pu tre drobs et
vendus en secret par les ouvriers. A la page 107 de la mme publication, l'abb Phulpin
marque encore ce dfaut de surveillance.
D'autre part, notre buste a pu tre dcouvert par l'abb Phulpin lui-mme, et donn
une personne de la rgion dont Saint-Dizier fait partie. Ce qui donne quelque vraisemblance cette hypothse, c'est qu' la page 38 de sa publication , l'abb Phulpin
s'exprime ainsi : A l'poque o je fis mes fouilles, on s'occupait bien peu en France
de
associations
scientifiques
archologique.
Il
n'existait
la
de
science
ces
pas
encore
beau
Aussi
avancerai-je
la
gloire
de
actuellement
font
notre
qui
pays.
sans trop de
grande
divers
objets
bien
importance
n'attachais
honte
je
aux
que je
pas
une
que
Beaucoup
de ces objets furent
premiers
le
travaux.
de
rencontrais
dans
cours
mes
objet
je
ri
prenais
qu'un
intrt
relatif
qui
n'tait
de
cet
et
tout
y
pas
ce
cas
bien secondaire; car j'tais loin de penser qu'un jour je me verrais engag d'une
recherches.
L'abb
rsultat
de
Phulpin
publier
donc
le
manire
pressante
mes
a
256
NICAISE.
\.
Ca%gt&-circAdoiofrfiu' 18 8 6
SAINTE ANNE
CHARTREUSE DE VILLENEUVE
33
(PLAKCH 33.)
258
d'un cercle, les diffrents compartiments de la vote se coupent angle droit, de sorte
que les figures de l'axe sont, non pas parallles, mais perpendiculaires les unes par rapport aux autres. En outre, l'artiste ne s'est pas proccup de remplir exactement chaque
compartiment; les difices sous lesquels se passe l'action n'occupent qu'une partie de
la surface, le reste demeurant vide et sans emploi. Aussi sommes-nous en droit d'affirmer qu'au point de vue d l'harmonie, du rythme, des convenances dcoratives, il est
impossible d'imaginer un-ensemble plus heurt, plus disgracieux.
VOUTE.
Au centre, sur la clef de vote, est peinte une tte de Christ. Les quatre segments
principaux (subdiviss chacun en deux) contiennent les scnes suivantes :
I.
apparat saint Martial et ses parents. En haut, debout sur un monticule, le Christ (IHS XPS) vtu d'une tunique bruntre et d'un manteau bleu, unvolubnir;
la
droite
leve
gauche,
derrire
lui,
deux
gauche,
main
la
dpli
dans
pour
men
aptres, de trs petite taille, assis terre; plus bas, deux autres aptres dans la mme
attitude. A droite, cinq personnages : Vai' (le pre de saint Martial?). S. larttolts HHat (er)
et deux femmes. A ct de cette scne est trace la lettre 31, qui marque la place de
la composition dans l'ensemble des fresques de la chapelle. Plus bas, saint Pierre
baptise saint Martial; le saint, quoique tout enfant encore, a la tte dj orne du
nimbe. A gauche, deux spectateurs, dont l'un lve la main pour marquer sa surprise.
B. Jsus entour des douze aptres bnit saint Martial. Celui-ci est reprsent sous les
traits d'un adolescent, au visage imberbe. Effets de raccourcis des plus bizarres,
notamment dans les aptres assis terre. A ct de cette scne se trouve la lettre B.
C. Plus bas, dans la retombe de la vote, une peinture fort confuse, dans laquelle on
distingue avec peine un homme moiti nu et un poisson. L'homme serait, d'aprs
MM. Crowe et Cavaicaselle, saint Pierre retirant le denier de la dme de la gueule du
poisson.
A. Le Christ
II.
ET DE LA CHARTREUSE DE VILLENEUVE.
259
III.
IV.
260
PAROIS.
1.
Aurlien. La scne se
passe dans une glise; une douzaine de prtres se tiennent debout dans leurs stalles.
D. A droite, vue de douze des glises ou monastres fonds par saint Martial. Ces
monuments ont tous les formes conventionnelles propres aux artistes du Moyen-Age (la
plupart semblent tre reprsents en coupe), et il serait tmraire, croyons-nous, d'y
chercher des renseignements sur la configuration de telle ou telle glise, de tel ou
tel monastre. Je citerai parmi eux : l'cclcsta JiKctaotitets tri honore Set $ttn apostoltca, l'l.
Sigmcnsw in Ijonore S. Stcpljam (difice circulaire), l'ccltsta Xcmlon (ensis) in honore S. $Jrtri,
l'<. Ijolonu m Ijonorc &. Sitpijam. Notre gravure hors texte reproduit l'ensemble de cette
composition.
II.
A. Le duc Etienne fait briser les idoles,
Christ, debout sos un portique, apparat saint Martial et lui montre dans un
paysage saint Paul [dcapit, saint Pierre crucifi, la tte en bas; au fond, les mes des
deux princes des aptres sont portes par quatre anges. Dans le coin de droite, une tour
crnele et tout auprs un monument qui ressemble vaguement au fort Saint-Ange, et
une sorte de pyramide, peut-tre la Guglia du Vatican.
D. Le
III.
A. Le duc Etienne,
ET DE LA CHARTREUSE DE VILLENEUVE.
261
IV.
A. Le duc Etienne se rend Rome avec quatre lgions '. Le duc se prosterne aux pieds
d'attitude.
C. (Embrasure de la fentre). Personnages assis.
D. (Idem). Clercs portant des cierges et s'avanant vers une glise. Suite de la scne A.
E. (Idem). Groupe de personnages.
F. (Idem). Fresque presque dtruite; on ne voit plus que le bas des vtements et les
pieds.
C. Saint Martial ressuscite Huldibert, comte de Poitiers, noy par les dmons 2. Fresque
Interea a Nerone Stephanus cum exercitu evocatus,
Romam pergit, Petrum apostolum invisit, et nudis
pedibus, cum omni exercitu, coram eo prosternitur.
2. Cum^ad Vigennam fluvium consedisset, Arcadii
1.
33
262
place de l'autre ct de la fentre. Le jeune homme, assis terre, lve une main vers
le saint. A droite, quatre spectateurs; au fond, des tours crneles. Dans les airs, entre
les deux scnes, on aperoit un dmon g, hideux, le corps couvert de longs poils,
des ailes de chauve-souris sur le dos, une chane dans la main. C'est Neptunus mille
artifex! Ainsi, Avignon, sous Clment VI, dans l'entourage de Ptrarque, il s'est trouv
un artiste assez ignorant pour ne pas mme savoir donner au dieu de la mer ses traits
et ses attributs traditionnels, la longue barbe et le trident. Quant la prsence mme de
Neptune, elle est videmment justifie par le tour jou au comte Huldibert.
H. Miracles oprs par le suaire de saint Martial. Fresque dtruite. Les contours
rouges sont encore trs visibles. On distingue un personnage tendu sur le sol.
Si nous comparons les fresques de la chapelle de saint Martial aux fresques italiennes
ET DE LA CHARTREUSE DE VILLENEUVE.
263
de Giotto avait pris tant de plaisir prodiguer et qu'elle avait elle-mme empruntes
aux habiles mosastes romains du xme et du xiv" sicle, les Cosmati.
Quelques observations encore :
Dans tous les endroits o la peinture s'est caille, on voit, sur le mortier, les contours tracs la sanguine, procd qui s'est conserv dans les fresques jusqu' nos
jours. Or Vasari, dans un passage que M. Palustre a relev avec beaucoup de sagacit 1,
fait prcisment honneur Simone di Martino (Simone Memmi) de cette invention.
L'outre-mer est prodigu, preuve que le Pape entendait ne rien mnager pour rendre
la dcoration de la chapelle aussi somptueuse que possible.
Les draperies sont en gnral assez tudies. Partout o Matteo de Viterbe met en
scne des acteurs du Nouveau-Testament, il leur donne le costume antique, la toge et
un manteau jet sur l'paule gauche; l'paule droite restant gnralement dcouvert',
afin que le bras droit ne soit point gn dans ses mouvements.
Saint Martial porte invariablement, dans tous les actes de son ministre, le costume
piscopal du xive sicle : c'est un personnage assez replet, au visage imberbe, gros
plutt que majestueux. Serait-ce le portrait du Pape rgnant?
Des inscriptions, aux trois quarts effaces, servent expliquer les diffrentes scnes.
L'artiste a pris soin, en outre, d'indiquer par des lettres de l'alphabet le dveloppement
de l'action.
(A
suivre.)
EUGNE MNTZ.
L'EGLISE DE NOGENT-LES-VIRGES l
( OISE )
(PLANCHE 30.)
La petite glise dont nous voulons parler ici 2 est surtout remarquable par le charmant clocher qui la couronne, et dont les heureuses proportions, les fines sculptures et la bonne conservation en font un sujet tout particulier d'examen. Mais il n'est
pas non plus sans intrt de regarder de prs les autres parties de l'difice, quelque
hybride que paraisse encore leur ensemble et quelque froide leur disposition : le visiteur
Galette edrceologt?ue\%&6
EGLISE DR NOGKNT-I.ES-VIERGES
PL. So
OISE)
L'GLISE DE NOGENT-LES-VIERGES.
265
cintres actuels. Une petite croix en pierre termine le pignon. Enfin la porte d'entre
est carre; au dessus se voit, en manire d'ornement, une petite archivolte applique
et orne de modifions.
La vote de la nef est fort leve, car il n'y a pas de
comble et elle affecte la forme d'une carne recouverte
de pltre : il y avait des entraits qu'on a supprims depuis
quelque temps. Bien qu'elle couvre en partie la face occidentale du premier tage du clocher, nous ne pensons
pas que cette grande toiture ait jamais t surleve. Si
l'on prend la peine d'examiner la planche jointe cet
article, on remarquera que les deux baies jumelles de ce
ct n'ont pas t faites en ralit pour descendre jusqu'
la corniche, comme les autres, que leurs cintres sont
rests ouverts jusqu'aux chapiteaux qui marquent leurs
impostes, que ces chapiteaux ne portent pas sur des colonnettes et qu'ils sont rejoints par une dalle au dessous
de laquelle les assises du mur se suivent sans interruption.
Enfin, pour terminer la description de la nef, nous devons dire que la fentre de la trave mdiane du ct sud
a t transforme au xvc sicle en une large verrire de
trois panneaux amortis en arc bris au dessus d'un remplage flamboyant.
Le transept se compose d'une partie carre, vote
d'artes entre quatre piles paisses, et de deux bras dont
les votes beaucoup plus basses que celles du carr sont
en demi-berceau. Le carr ayant supporter le poids du
clocher, on a renforc les piles qui donnent sur la nef par deux pais contreforts dont le
sommet traverse le toit et se prolonge jusqu'au haut du second tage de la tour. Entre
ces piles et les parois de la nef, il ne reste donc qu'un troit passage sur les bras du
transept, qui se dgage sous deux petites arcades plein-cintre. Quant l'arc triomphal,
il devait probablement prsenter d'abord le mme aspect que ces arcades, mais il a t
agrandi une poque impossible dterminer, pour dgager la vue du choeur aux yeux
de ceux qui sont dans la nef : c'est aujourd'hui un arc trs lev et singulirement aigu,
qui ouvre presque toute la paroi. Les trois traves du transept communiquent entre elles
par deux arcades plein-cintre. A l'extrieur, les bras sont couverts d'un toit trs aigu.
Le choeur a pour limites latrales l'extrmit des bras du transept . Il communique
par deux grandes arcades. Quant au carr, il est entirement ouvert, comme du ct de
1. Le mur du choeur est moins pais que fcelui du transept, lequel est dj moins pais que celui de la nef.
266
L'GLISE DE NOGENT-LES-VIEEGES.
la nef, par une arcade trs aigu. De ce ct, les piles ont t transformes et flanques
de nombreux ressauts pour recevoir les nervures des votes. Nous avons dit que le
chevet est carr : nous sommes en prsence d'une sorte de grande salle, fort lgante,
trois nefs et six traves toutes de mme hauteur, uniformment couvertes de croises
d'ogives sans clefs, et spares par des doubleaux. Les trois nefs sont termines par
trois autels et la dernire: trave sert de chapelle ; mais la nef centrale a de plus que les
autres, au chevet, un petit retrait vot en berceau, qui donne plus d'importance au
matre-autel dont il facilite le dgagement. Chaque trave est claire d'une haute
fentre trois lancettes termines par trois quatrefeuilles et amorties en arc bris.
Ce choeur, trs postrieur au reste de l'glise, a-t-il t lev d'un seul jet? c'est ce
qu'il semble premire vue : mais l'examen des moulures indique, comme nous allons
le montrer, plusieurs poques successives et nous oblige admettre qu'il y a eu plusieurs fois suspension, puis reprise de travaux entrepris antrieurement. Ainsi les
arcades qui donnent du'transept sur le choeur, moulures et chapiteaux, ont tous les
caractres du gothique de la fin du xnD sicle ou tout au plus des premires annes du
xme; nous ne pouvons les reculer la date de 1241 aprs laquelle saint Louis aurait
fait lever le choeur ses frais. Nous en dirons peu prs autant des portions des
piles du carr qui donnent sur le choeur. Les moulures des nervures qui en dpendent sont, ainsi qu'aux; fentres, en forme de tores et prsentent les caractres de
la premire moiti du xme sicle. Mais les grandes colonnes isoles et le reste des
nervures de la vote prsentent un profil et des chapiteaux qui nous mnent la fin du
mme sicle sinon aux premires annes du xive. Le tore central des ogives et des doubleaux est dj orn d'un mplat, et les chapiteaux, de feuilles dtaches et frises.
Y ensemble peut parfaitement appartenir 1241. On y retrouve le style
En
somme,
L'GLISE DE NOGENT-LES-VIERGES.
267
chapiteaux faits pour tre vus de loin sont simples et largement taills. Les contreforts
ont plusieurs ressauts dcors eux aussi; ils donnent de l'aplomb l'ensemble, mais
disparaissent au troisime tage, o l'angle est dcor par une petite colonne engage.
On
peut assigner comme date cette construction remarquable le xne sicle. La
nudit massive du transept ne serait pas la preuve d'une anciennet plus grande.
Il nous reste dire un mot de quelques accessoires curieux de l'glise de Nogent-lesVierges. Le principal est une chemine du xve sicle, de 2 mtres de large, pratique
dans le mur la premire trave de la nef. Un pais manteau, surmont d'une hotte
trs large, porte au centre un petit cu sans sculpture ni inscription. Quelques moulures
et deux colonnettes de chaque ct sont les seuls ornements de cette chemine dont
tout l'intrt est sa prsence en ce lieu.
L'glise renferme quelques statuettes qui ne sont pas sans mrite; particulirement
un saint Sbastien, plac assez haut, contre le pilier sud du carr du transept : l'oeuvre
a du mouvement et de la grce et peut dater de la Renaissance. Citons aussi deux petits
bas-reliefs encastrs sur le devant des contreforts de ces piles dans la nef, la nativit et
la mort de la Vierge : les petites figures sont curieuses et pleines de vie.
Enfin il y a un certain nombre de tombeaux dont nous avons relev les pitaphes les
plus anciennes, mais dont un seul prsente un intrt artistique. C'est un sarcophage en
marbre noir portant une statue priant en marbre blanc, signe Michel Bourdin. Deux
plaques de marbre noir appliques de chaque ct contre le mur nous apprennent, la
premire, le nom de Messire Jehan Bardeau, vivant seigneur de Nogent-lesVierges, etc., mort le 3 fvrier 1632, 69 ans; la seconde, les services auxquels le
cur est tenu par contrat sign devant notaire, le 30 octobre 1633. Ce monument est
plac au chevet, le long de la seconde trave du nord.
Devant l'autel de ce chevet tait place autrefois une grande dalle de 3 mtres environ
sur 1.50, qu'on a releve, mais trop tard, et encastre le long du transept, ct nord. Il y
a deux personnages de grandeur naturelle, le mari et la femme, sans doute seigneurs de
l'endroit, chacun sous une arcade, surmonts d'un large tympan rempli d'une ornementation architecturale qui a d tre des plus riches. Tout est tellement effac que l'on
peut peine distinguer sur la bordure quelques mots de l'inscription, entre le commencement de la date l'an mil cccc , qui correspond bien avec le style du monument.
Dans la nef, nous avons relev l'inscription suivante, encastre dans le mur de la
seconde trave sud : c'est un petit cadre de 90 c. sur 60, y compris un cartouche o est
figur un squelette couch. Les caractres sont en minuscules gothiques :
268
L'GLISE DE NOGENT-LES-VIERGES.
En face, au ct nord ,jst une autre pierre de mme taille, dont le cartouche prsente
un Christ entre deux personnages agenouills, le mari et la femme. Les caractres sont
en capitales romaines :
:;
SQUB|
Contre la face occidentale de la nef sont encore quelques dalles plus modernes,
parmi lesquelles une ptaphe de dame Marie Bonne de Colabau, pouse de messire
Etienne Hardy Duplessisy chevalier, seigneur de Nogent-les-Vierges, etc., morte le
22 mars 1771, avec ses armoiries au sommet. L'criture est la capitale romaine. Une
autre, ct, a t refaite sur le modle de la prcdente, celle de R Messire Jean
Dufour, chevalier, seigneur de Nogent, Villers-Saint-Paul, etc., mort le 17 mars 1568.
Enfin on remarque ^extrieur, contre le contrefort de la troisime trave sud de la
nef, une sorte d'arcosolitm pratiqu dans le mur et orn d'une archivolte brise portant
sur une colonnette basse. Il devait y avoir l un tombeau qui n'existe plus.
HENRI DE CURZON.
CHRONIQUE
LA POLYCHROMIE DANS LA STATUAIRE DU MOYEN-
AGE ET
DE LA RENAISSANCE.
M. Courajod
270
CHRONIQUE.
Sansovino, etc. Les sculpteurs ne pouvant pas testament, Guillaume dclare que son pre est
toujours fixer eux-mmes les couleurs qu'ils originaire de la Chtre, dans le diocse de
destinaient leurs ouvrages, il se cra de vri- Bourges. Or, d'aprs une communication de
tables officines de peinture, o marbres, pltres, M. de Champeaux, plusieurs membres de la
terres cuites taient, colors et dors. Ce travail famille Marcillat ont jou un rle dans l'histoire
lut entrepris par des artistes qui avaient quelque- artistique du Berry. L'un d'eux, Guillaume de
lois du renom. Dans la premire moiti du quin- Marcillat, videmment un des anctres du
zime sicle, en Italie, les deux arts de la pein- peintre-verrier, travaillait, en 1407, la charture et de la sculpture se ctoyrent ce point penterie des maisons de la Sainte-Chapelle de
qu'on peut dire sans exagration que la pein- Bourges. Son pre, qui portait le mme prnom,
ture n'tait alors, dans nombre de cas, qu'une tait matre des oeuvres de charpenterie du duc
sculpture peinte, et que la sculpture n'tait de Berry. La localit de Marcillat, chef-lieu
qu'une peinture sculpte.
de canton dans l'Allier, faisait autrefois partie
Ceci nous est expliqu par Cennino Cennini, du Berry.
dans le trait o il enseigne comment on
*
tablit sur panneau les bas-reliefs en pltre fin,
L'GLISE D'AULNAY. Aulnay, dans le Poitou,
comment s'attachent les pierres prcieuses, et
comment tu peux mouler des reliefs pour orner mi-chemin deMelle et de Saint-Jean-d'Angly,
diffrents espaces de ton tableau . Cennino possde une belle glise romane dont M. R. de
Cennini arrive ne plus distinguer entre la Lasteyrie vient d'crire la monographie. Lu
plate peinture et la peinture sur ronde bosse ; devant l'Acadmie des Inscriptions et Bellesles mmes procds sont recommands, qu'il Lettres le 8 octobre dernier, le mmoire de
,
s'agisse d'un tableau ou d'une sculpture M. de Lasteyrie tablit que l'glise d'Aulnay a
peindre. Quand, au bout d'un temps trop d tre construite sous le rgne de Louis VII.
court, crit-il, tu veux faire .paratre un tableau L'art franais du douzime sicle a rarement
verni sans qu'il le soit, prends un blanc d'oeuf produit une oeuvre plus complte et plus riche,
bien battu avec une verge, tant plus tant mieux, comme le tmoignent les nombreuses scnes
jusqu' ce qu'il tourne en cume bien paisse; figures et les sculptures que M. de Lasteyrie
laisse-la goulter toute une nuit, transvase ce passe en revue et dont il donne l'explication.
qui est goutt, et, avec un pinceau d'cureuil,
tends une couche sur tous tes travaux ; ils
* *
paratront vernis et n'en seront que plus solides.
LE RELIQUAIRE DE PPIN. Dans l'une des
Cette manire de vernir convient beaucoup aux plus prochaines livraisons de la Gazette archofigures sculptes, soit en bois, soit en pierre. On logique nous publierons une tude de notre
.
leur vernit ainsi les visages, les mains et toutes collaborateur M. Ch. de Linas sur un reliquaire
les parties de la chair.
conserv dans le trsor de Conques (Aveyron).
La sculpture, quelle que ft sa nature, tait connu sous le nom de Reliquaire de Ppin. Ce
d'abord recouverte d'une lgre pte de pltre. trs curieux monument, qui ne fut pas montr
Sur cette couche, comme sur celle du panneau M. Darcel lorsqu'il publia sa monographie du
qui attend la peinture, on dessinait premire- trsor de Conques, est encore indit et soulve
ment au fusain (charbon de saule), puis le trait plus d'un problme intressant et de nature
du fusain tait repris l'encre et par dessus on passionner les archologues.
peignait, on gaufrait, on dorait.
1
*
Dans
des
la
sance
271
CHRONIQUE.
ANTIQUITS
aot
dernier,
Le
20
M. Maspro a soumis l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres une ingnieuse hypothse sur l'origine du nom de l'Asie. Le nom
qui dsigne l'le de Chypre en gyptien a t lu
Amasi, Asi, Sibina, Masina : la lecture certaine
est Asi, et aux basses poques Asina. Si l'on
cherche parmi les noms anciens de l'le que
nous ont fait connatre les classiques, on ne
trouve que la ville d'Asin dont le nom puisse se
rapprocher .'Asina. Pourtant, dit M. Maspro,
Asi rappelle invinciblement le nom de l'Asie,
Asia. Or, Chypre ayant t une des premires
colonies habites par les Grecs Achens, on peut
se demander si le nom 'Asia que l'antiquit
classique a appliqu la Pninsule, puis au continent entier, ne viendrait pas de ce nom cl'Asi
que les monuments gyptiens nous montrent
appliqu l'le de Chypre ds le temps de
,
Thoutms III, et que ne connaissaient dj plus
les rdacteurs des documents assyriens.
LE NOM DE L'ASIE.
*
Le
P.
Delattre, des missionnaires de Saint-Louis de
Carthage, a envoy l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres les estampages de 300
ex-votos en langue punique, auxquels M. Philippe
Berger a consacr une tude intressante. Ces
ex-votos sont, pour la plupart, ceux que MM.
Babelon et Reinach ont dcouverts dans leurs
fouilles Carthage, en 1884, et qu'ils ont
donns au Muse du couvent de Saint-Louis. .
STLES PUNIQUES
DE
CARTHAGE.
M.
de
la
Blan
272
CHRONIQUE.
Dans la sance
du vendredi 10 septembre 1886, l'Acadmie
des Inscriptions et Belles-Lettres, M. Dsir
Charnay a lu une note sur Un essai de restauration de la pyramide et du temple Kab-ul
Isamal (Yucatan). Dans la restitution de ces
monuments, M. Charnay s'est aid des dcorations polychromes ayant laiss des traces sur
d'autres ruines du Yucatan datant de la mme
poque. Aprs la conqute espagnole, Torquemada, en visitant Tutilmacan, avait dj t
frapp de la splendeur de cette ville trange,
dont les temples et les palais taient remarquablement btis et peints la chaux polie. Suivant
M. Charnay, l'enthousiasme de Torquemada
aurait t bien autre, s'il avait vu les villes
yucathques dTzamal, de Chichen, de Nocmal
et de Labna, o de nombreux monuments
entirement couverts de sculptures talaient
leurs faades polychromes au milieu de la splendide vgtation des tropiques; M. Charnay prsente l'Acadmie une aquarelle reprsentant
ARCHOLOGIE AMRICAINE.
sa restitution des monuments d'izamal. Toutefois cette peinture n'a pas pour objet la reconstitution exacte de ce qui n'existe plus. M. Charnay,
en la produisant, a principalement pour but
d'tablir que la polychromie tait familire aux
Indiens, comme elle l'avait t aux Grecs et aux
Romains, et, plus rcemment, aux populations
du Moyen-Age dans leur architecture religieuse.
*
*
ARCHOLOGIE TRUSQUE. M.Casati, conseiller
la cour d'appel de Paris, a lu. devant l'Acadmie des Inscriptions et Belles-Lettres, le
10 septembre, la premire partie d'un travail
sur La Gens romaine et ses origines trusques.
11 y tudie l'organisation de la famille trusque,
et dmontre que, d'aprs les inscriptions funraires dcouvertes en Etrurie, l'usage des noms
de famille a pris naissance dans cette partie de
l'Italie, pour passer de l aux Romains et plus
tard leurs successeurs dans la Pninsule.
Parmi les familles de Rome, originaires de
l'Etrurie, il cite : la famille Pomponia, dont on
trouve l'quivalent dans les formes trusques de
Pumpemi, Pumpn et Pupn ; la famille /Elia,
qui avait exist en Etrurie sous le nom de Hele.
Les Tarquin, les Porsena et les Volumnii doivent aussi avoir une commune origine avec les
Tarchna, les Pulphna et les Velimna qu'on
rencontre dans les inscriptions funraires trusques. Celles-ci contiennent encore des noms
ayant beaucoup de ressemblance avec ceux des
familles Licinia, Herennia, Vibia, Trebia, Cella
et Luminia. M. Casati considre que, dans
l'ordre chronologique, il n'est pas possible
d'attribuer la priorit aux noms romains sur
ceux qui appartiennent une civilisation bien
antrieure.
CHRONIQUE.
273
BIBLIOGRAPHIE
197. ADOLPH (A.). ArchaologischeGlossen zur
Urgeschichte. Moses Herodot Mytholo-
201.
E. MOLINIER.
BLANKENSTEIN
Gerold, in-8.
203. CHANTRE (.). Le Dauphin prhistorique. Paris, Chaix, in-8, 22 p.
204. CLAUDET (M.). La jeunesse de J.-J.
Perraud, statuaire, d'aprs des manuscrits.
Salins-les-Bains, David-Mauvas, in-8, 80 p.,fig.
205. COLLIGNON (MAX.) Phidias. Paris, Rouam,
in-8 de 127 p. et grav.
Le public ami de l'art et de l'archologie, ne peut
manquer d'accueillir avec faveur la collection de biogra-
phies et de notices sur les artistes clbres, dont la librairie Rouam entreprend la publication, si chacun des volumes qui doivent la composer est rdig avec autant
de soin, de comptence et de got que celui que nous
avons sous les yeux. M. Collignon, qui connat son sujet
en rudit, vient de le traiter en vulgarisateur; tout en
se rfrant aux travaux et aux documents essentiels, il
a dpouill son exposition d'un trop grand appareil scientifique et du luxe des notes : les lecteurs auxquels il
s'adresse lui en sauront gr; ce qui leur importe, c'est de
connatre, avec les principales circonstances de la vie de
Phidias, le milieu dans lequel s'est dvelopp le gnie du
plus grand des artistes de la Grce, les sculptures dues
son ciseau, la place qu'il occupe dans l'histoire gnrale
de l'art, l'influence de ses oeuvres. M. Collignon rappelle
et dcrit les premiers chefs-d'oeuvre de Phidias pendant
le gouvernement de Cimon, tels que le groupe votif de
Delphes et l'Athena Promachos. Nous montons ensuite
avec lui sur l'Acropole, et nous pntrons dans l'atelier
o Phidias travaille la statue chryslphantine d'Athna
Parthenos que tant d'auteurs et d'artistes se sont vertus
reconstituer en s'aidant des monuments et des textes
anciens. Les frontons et les sculptures du Parthnon
forment naturellement le noyau du livre et la partie sur
laquelle l'attention du lecteur se concentre davantage. On
sait que bien des points restent encore obscurs et que les
archologues sont diviss sur la solution donner plusieurs problmes importants. M. Collignon nous tient au
courant de ces questions et il les aborde discrtement en
formulant son opinion particulire. Par exemple, la main
droite d'Athna Parthenos qui tient une victoire tait-elle
supporte par une colonnette, comme nous le feraient
croire les reproductions antiques qu'on en j}ossde?
M. Collignon pense que ce support disgracieux n'existait
pas l'origine, et qu'il a t ajout aprs coup, au moment
d'une de ces nombreuses restaurations dont la statue eut
besoin de trs bonne heure. Quant au mythe de la naissance d'Athna, reprsent sur le fronton oriental du
Parthnon, on discute encore la question de savoir quel
moment de la naissance de la desse Phidias avait
traduit. Les lments font dfaut pour reconstituer la
scne, car des dix-neuf figures que comportait ce fronton,
onze seulement, et encore plus ou moins mutiles, sont
parvenues jusqu' nous : M. Collignon propose des restaurations et des interprtations de toutes ces figures dont il
fait surtout admirer l'art sobre, nerveux. Le fronton occidental est, on le sait, encore plus mutil; il reprsentait
la querelle de Posidon et d'Athna pour la possession de
l'Attique. L'auteur analyse en dtail cette gigantesque
composition. Enfin, il se pose cette question essentielle :
Quelle part revient Phidias, dans la conception et dans
l'excution de ces grandioses sculptures? La rponse de
M. Collignon cette question que d'autres se sont faite
avant lui est celle-ci : Nous imaginons volontiers, dit-il,
Phidias dterminant le plan des frontons, excutant de sa
main les modles en terre et distribuant entre les sculpteurs de son atelier la tche beaucoup plus longue de les
rendre en marbre. Nous irons mme plus loin, et nous
reconnatrons la main et le coup de ciseau du matre dans
les morceaux de matrise, tels que les groupes de Dmtor
et Cor, celui des Kharites et le Gphise. Quant aux
274
CHRONIQUE.
207.
Fischer, in-8.
208. SAUPPE (H.). Commentatio de phrattis
atticis. Gttingue, Dieterich, iu-4.
209. SMEND (R.) und SOCIN(A.). Die Inschrift
des Knigs Mesa von Moab. Fribourg en Brisgau, Mohr, gr. in-8 et atlas in-f.
275
CHRONIQUE.
PERIODIQUES
BULLETIN MONUMENTAL
1885. N G.
MARS 1880.
presque toutes funraires. LANCIANI. Inscriptions trouves Ostie. NINO (A. de). Dcouvertes sur le territoire de l'ancien pays des
Marses. Fouilles de ncropoles Casanova et
Porciano, Celano, Ajelli; inscription trouve S. Benedetto dei Marsi. JATTA (G.).
Antiquits trouves Canosa. Ruvo et Gioia
del Colle : vase avec des peintures dionysiaques,
statuettes de terre cuite, lampes ; amphore avec
peintures se rapportant au mythe d'Oreste et des
Eumnides ; oenocho , hydrie, patre, alabastron, aryballe et autres vases avec des peintures,
dont plusieurs, encore inexpliques, paraissent
fort intressantes. TARANTINI. Inscription
funraire trouve Brindisi. VIOLA (L.).
Tombes trouves Manduria, avec mobilier
funraire : vases, statuettes de terre cuite, antfixes. VIOLA (L.). Trouvaille de monnaies de
la Rpublique romaine, Tarente. SALINAS.
Quelques dcouvertes en Sicile ; Marsala, un
monument de l'antiquit chrtienne. VIVANET
(F.). Dcouverte d'inscriptions funraires en
Sardaigne, Cagliari.
DEHAISNES.
1SS6. N 1.
1880.
N'
>.
18S0. N 3.
BERTOLINI.
AVRIL 1880.
BERTOLINI.
276
GHRONIQUE.
du
florentine
Une
statuette
retrouver.
THE JOURNAL OF HELLEN1C STUDIES
VOL. VII, N 1 (18SC).
at Tiryns.
MAYER
V Administrateur-Grant,
S. COHN.
EGLISE D'AITLNAY
CHARENTE INF?
EGLISE D'ATJLNAY
CHARENTE INF
EGLISE D'AULNAY
CHARENTE INF?
ETUDE ARCHEOLOGIQUE
SUR
Malgr toutes les tudes, toutes les recherches dont notre archologie nationale a
t l'objet depuis le commencement de ce sicle, il reste encore en France, principalement dans nos provinces du Centre et du Midi, un assez grand nombre de monuments
peu prs ignors. Les injures du temps, plus encore, hlas! l'incurie et le mauvais
got des hommes, portent tous les jours d'assez rudes coups ces prcieux spcimens
de l'art du Moyen-Age, pour que Ton doive saisir toute occasion de tirer ces monuments
de l'oubli, de les tudier avant qu'ils aient perdu tout caractre, et de chercher leur
assigner leur place dans l'histoire de l'art franais.
C'est ce que je voudrais faire aujourd'hui pour une vieille glise du xue sicle, encore
debout sur les confins du Poitou et de la Saintonge, et qui, malgr sa grande valeur
artistique, que rehausse encore un tat de conservation remarquable, est ' peu prs
inconnue. Il faut dire que l'accs n'en est pas facile. Cette glise s'lve' prs d'un
village loign de tout chemin de fer. Jl est quatre lieues de la station la plus
proche, celle de Saint-Jean-d'Angly, encore cette station est-elle de cration rcente.
Le bourg dont je veux parler n'est point cependant sans importance, il se nomme
Aulnay. Il existait ds le temps des Romains; c'tait mme un des points principaux
de la voie romaine de Saintes Poitiers 1. Plus tard, il fut le centre d'une des principales
seigneuries du Poitou. Les vicomtes d'Aulnay ont jou un rle considrable dans les
annales de cette province 2. C'est d'eux que descendaient les seigneurs de Surgres, de
Taillebourg, de Mortagne et de Pons. Ils possdaient Aulnay un chteau dont la plus
grande partie a disparu en 1818, et dont une tour subsiste encore 3. C'est au pied de
ce chteau que le bourg d'Aulnay s'est group. L'glise est compltement en dehors du
1. On a trouv Aulnay, plusieurs Inscriptions romaines,
elles ont t publies par M. Audiat dans son Epigraphie
Santone, p. 46-47.Cf. le Rec. des actes de la Comm. des
arts et monum. de la Charente-Infrieure, t. I, p. 58.
GA2SS XECIOLOGIQUE AXNE 18S6.
278
bourg. Elle en est loigne de 300 ou 400 mtres au moins, et c'est cette particularit,
sans doute, qu'elle doit le privilge trop rare de nous tre parvenue presque intacte et
de n'avoir t dfigure par aucune de ces constructions parasites, qui, dans les villes du
Moyen-Age, venaient si souvent dshonorer les plus beaux difices.
Comme beaucoup d'aulres glises, celle-ci n'a pas d'histoire, ou du moins les renseignements historiques que l'on a pu jusqu'ici recueillir sur elle sont aussi peu nombreux
que peu prcis.
On sait seulement qu'elle appartenait, au xic sicle, la fameuse abbaye de SaintCyprien de Poitiers. Vers 1045 *, Ranulfe Rabiole, son frre Maingot et sa mre Raingarde
avaient donn cette abbaye une partie des droits de spulture et des offrandes de cire
appartenant l'glise d'Aulnay 2. Cette concession fut confirme vers la fin du xi sicle
par Hugues Rabiole 3, et le mme seigneur fut sans doute l'auteur d'une autre donation,
dont le texte ne nous a pas t conserv, et qui attribua en toute proprit l'glise
d'Aulnay l'abbaye de St-Cyprien, car vers 1097 ou 1100, l'voque de Poitiers Pierre II
mentionne cette glise parmi celles qui appartenaient la riche abbaye poitevine 4. Elle
est encore nomme en il 19 par le pape Calixte II parmi les glises dpendantes de
Saint-Cyprien 5.
Quelques annes plus tard, nous trouvons l'glise d'Aulnay dans d'autres mains. Des
bulles de 1135, 1149 et 1157, recueillies par Dom Fonteneau, la comprennent au nombre
des possesions da chapitre de Poitiers, et ce chapitre en conserva la proprit jusqu'
la lin du dernier sicle, car c'est lui, jusqu'en 1789, qui avait le droit de nomination la
cure d'Aulnay 6.
Il est difficile de tirer de ces quelques documents aucune induction prcise quant
l'ge de l'difice. On n'a pour le dater d'autres lments que ceux qui ressortent de
l'tude archologique dupionument lui-mme. Je vais donc aborder cette tude. Ce ne
sera pas chose absolument superflue, car, je l'ai dit plus haut, peu d'glises sont
moins connues. Aucun de nos matres en archologie ne s'en est occup. Viollet le Duc
l'a bien mentionne dans son Dictionnaire, mais il la connaissait si peu qu'il l'a confondue avec celle d'Aunay dans la Nivre 7. Quant Caumont, qui a d la visiter ds 1844,
lors du Congrs archologique de Saintes, je ne crois pas qu'il en ait parl un peu
longuement dans aucun3de ses ouvrages, et mme, ma connaissance, il ne l'a mentionne qu'une fois propos d'une figure de cavalier 8 dont je dirai plus loin deux mots.
Deux auteurs seulement ont consacr ce beau monument une tude spciale. Le
premier en date est Benjamin Fillon qui en fit une courte description, en 1844, devant
Plus exactement entre 1031 et 106O.
2. Rdet, Cartul. de Saint-Cyprien de Poitiers, p. 292,
du tome III des Archives hist.dupmtou.
3. Ibid.., p. 295.
4. Ibid., p. 13.
5. Ibid., p. 18.
1.
Charente-Infrieure.
8. Abcdaire d'archologie religieuse, 5 d., p. 262.
279
le Congrs de Saintes 1. Le second est M. Brillouin, dont le travail, publi en 1863, est
rest, jusqu' ce jour, ce que nous possdons de plus dtaill et de plus complet 2. Malheureusement ce mmoire n'est accompagn d'aucun dessin, et les apprciations de
l'auteur sont parfois si extraordinaires qu'on ne peut gure se fier sa comptence ni
pour l'explication des diverses parties de l'difice, ni pour la dtermination de sa date.
C'est ainsi qu'il fait de cette glise un monument de l'art lombard 3, qu'il voit dans certaines figures des particularits propres l're carlovingienne4, et qu'avec le plus grand
srieux, il donne la filiation ininterrompue
des seigneurs d'Aulnay depuis Clodion, roi
de France 5.
Quand j'aurai mentionn encore une notice
de trois pages publie par M. Paris 6, quelques
mots de M. de Longuemar sur les sculptures
de la faade 7, et les brves observations de
M. Audiat sur les inscriptions qu'on lit en diverses parties du monument ou que l'on a
recueillies dans son voisinage 8, j'aurai numr peu prs tout ce qui a t crit sur
l'glise d'Aulnay.
On voit que cela se rduit bien peu de
choses et l'on comprendra que j'aie t tent,
mon tour, de faire connatre ce beau monument. Ma tche sera bien facilite, cet gard,
par les magnifiques photographies que la
Commission des Monuments historiques a rcemment fait excuter de cet difice et qui
sont dues l'un des plus habiles oprateurs
que nous ayons aujourd'hui, M. Mieusement.
Elles m'ont servi faire les planches qui accompagnent ce mmoire.
Le plan de l'glise d'Aulnay est aussi remarquable par sa simplicit que par ses belles
proportions.
Fie.
1.
5. Ibid., p. 197.
6. Recueil des actes de la Comm. des arts et monum. de
la Charente-Inf", t. 1, p. 57.
7. Mm. de la Soc. des Antiq. de l'Ouest, t. XXVIII
(1863), p. 215.
8. Epigraphie Santone, p. 45, 47, etc.
280
Une nef de cinq traves, garnie de collatraux, donne accs un transept, dont les
bras font une forte saillie sur l'alignement des bas cts; deux absidioles en hmicycle,
assez profondes, s'ouvrent sur les bras du transept et flanquent un choeur d'une trave,
l'extrmit duquel se dresse l'abside principale, en hmicycle, comme les deux autres.
Le jour pntre dans l'difice par une srie de fentres, amorties en plein cintre, qui
sont perces dans les murs extrieurs des bas cts. La disposition donne aux votes
n'a pas permis, comme on le verra plus loin, d'ouvrir des jours dans les murs latraux de
la nef. Une fentre chaque bout du transept, celle du sud en forme d'oculus, une dans
chaque absidiole, une galement de chaque ct du choeur, et enfin trois autres dans
l'abside principale suffisent largement clairer l'intrieur'du monument.
On entre par trois portes : la principale est au bas de la nef, dans l'axe de la faade ;
une autre, presque aussi importante, s'ouvre l'extrmit mridionale du transept; la
troisime, toute petite et compltement dnue d'ornements, donne accs une vilaine
sacristie moderne que l'on a malencontreusement accole au flanc du bas ct septen-
trional.
On communique de la nef dans les bas cts par
de grandes arcades en cintre bris, renforces chacune par un arc intrieur. Ces arcades sont portes
sur une srie d'lgants piliers forms de quatre fortes
colonnes assembles en quatrefeuilles.
Toute l'glise est vote. La nef, les bras du transept
et le choeur sont recouverts d'une vote en berceau
lgrement brise; une vote du mme genre, mais
dans laquelle la brisure est plus accentue, surmonte
les bas cts. Les trois absides sont, comme d'habitude, votes en cul de four; enfin, le carr du transept est surmont d'une charmante coupole pose sur
pendentifs et orne de huit nervures en forme de gros
boudins.
Il importe de remarquer que les votes des bas
cts sont trs leves. L'architecte les a montes
jusqu' la naissance de celle de la nef. Cette disposition est trs caractristique. C'est une des particularits qui distinguent les glises romanes du Poitou.
EIG. 2. Intrieur de la nef.
Jules Quicherat l'a signale, il y a plus de trente ans,
dans un de ses plus importants mmoires, et a fort bien explique les moms ae cette
disposition 1. Je les rappelle en deux mots :
1. Revue
archcol., t. ix. J'ai rimprim ce mmoire dans les Mlanges d'archologie de Quicherat, p. 99 et suiv.
281
primitives, voulurent substituer dans leurs glises des votes aux charpentes apparentes
qui recouvraient les basiliques, ils se trouvrent en prsence d'un problme qu'ils ne
purent rsoudre qu'aprs de longs ttonnements. La vote en berceau qu'ils adoptrent
d'abord pse d'un poids trs lourd sur les murs qui lui servent de pidroits ; elle tend
les repousser hors de leur aplomb. Bien des moyens furent employs pour rsister
cette pousse. On commena par garnir tout l'extrieur de l'difice de contreforts convenablement espacs, qui renforcent les murs de loin en loin. Nous verrons qu'une garniture de ce genre existe " Aulnay et que l'architecte a mme su en tirer un trs heureux
parti pour la dcoration du monument. Aux contreforts correspondent, l'intrieur de
l'difice, les arcs doubleaux, jets perpendiculairement l'axe des votes, au droit de
chaque trave, et qui viennent renforcer la vote l'intrados de laquelle ils sont appliqus. L'glise d'Aulnay a sa nef et ses bas-cts munis de doubleaux. Mais, si ces artifices
de construction pouvaient suffire dans les difices de petites dimensions, ils taient
moins efficaces dans les grandes glises o la largeur de la nef et l'lvation de la
matresse-vote venaient singulirement augmenter les difficults du problme. Nos
constructeurs durent chercher d'autres moyens de lutter contre la pousse des grandes
votes. Chaque province eut son systme particulier et rien n'est plus curieux que
d'tudier tous ces systmes dont les dveloppements graduels aboutirent cette transformation radicale de l'architecture qui fut au xme sicle une des gloires de notre pays.
Mais je serais entran trop loin si je voulais parler des diverses combinaisons de
votes imagines par nos architectes; qu'il me suffise ddire que, dans la rgion o
s'lve l'glise d'Aulnay, en Poitou, on imagina de combattre la pousse en montant
les votes des bas-cts assez haut pour qu'elles puissent pauler la vote centrale sa
naissance et la renforcer ainsi dans toute sa longueur. On conoit qu'avec une disposition pareille, il ne restait plus de place pour percer des fentres au dessous des votes
de la nef, et de l vient que l'glise d'Aulnay n'est claire que par les fentres des bascts.
J'ai peut-tre insist outre mesure sur cette particularit, mais elle me parat d'une
importance capitale. On la retrouve dans toutes les glises romanes du Poitou, SaintSavin 1, Chauvigny, Notre-Dame de Poitiers, Lusignan, Jasseneuil, etc., et
Quicherat a eu mille fois raison d'y voir un des caractres auxquels on reconnat au premier coup d'oeil les difices poitevins.
Je passerai rapidement sur les autres dtails de construction que l'on pourrait relever
l'intrieur de l'glise d'Aulnay et qui rentreraient plutt dans le domaine de l'architecture proprement dite que de l'archologie. Il y en a pourtant d'assez remarquables. Ainsi
je ne puis omettre de citer les longues colonnettes accouples qui, sur les murs extrieurs des bas cts, servent de supports aux arcs doubleaux, et l'heureuse disposition
1. Viollet-le-Duc, Dict. d'archit. t.
I, p. 176,
fig. 12.
282
des pidroits qui soutiennent les doubleaux de la nef. Ces pidroits sont forms de deux
lgantes et courtes colonnettes accouples qui reposent sur le tailloir des gros piliers.
L'architecte a, de la sorte, vit cette disproportion si frquente dans les glises romanes
entre les colonnes relativement courtes qui reoivent les retombes des arcades de la
nef et ces longs fts qui s'lvent d'un jet du sol la naissance des votes 1, o ils vont
supporter les retombes des doubleaux.
Mais c'est assez parler de l'intrieur de l'difice, j'ai hte d'arriver l'extrieur, car
c'est l, surtout, que le talent du grand artiste inconnu qui a bti Aulnay clate de toutes
parts.
La faade, malheureusement, n'offre pas de belles lignes; elle a reu des modifications
considrables dans les derniers temps du Moyen-Age. Toute sa moiti suprieure a t
refaite, et ni les deux petites fentres qu'on y voit, ni la grande baie aveugle qui en occupe
le milieu et qui abritait encore, il y a trente ans, les restes d'une statue questre 2, n'ont
grande antiquit. J'en dirai autant des deux contreforts qui flanquent la porte centrale
et dont la construction, la fin de l'poque gothique, a entran la mutilation des riches
sculptures qui ornent cette partie du monument. D'autres contreforts encore plus massifs, de vrais perons ceux-l, sont venus galement empter les angles de la faade, s'y
sont grossirement substitus aux anciens contreforts composs d'un lgant faisceau de
colonnes et n'ont plus laiss subsister de la construction primitive que les deux petits
clochetons qui couronnent les cages de deux escaliers en vis pratiqus dans l'paisseur
du mur.
Mais ce qui fait la valeur de cette faade, ce n'est pas son architecture en elle-mme,
c'est la riche dcoration des trois baies qui en ornent le rez-de-chausse.
Ici, comme dans beaucoup d'glises romanes, mme des plus grandes, la faade n'est
perce que d'une seule porte tablie dans l'axe de la nef. Dans l'axe des bas cts, on
plaait ordinairement des fentres. Mais ce n'est pas le cas le plus frquent en Poitou.
Dans cette province o le xi et le xn sicle ont vu fleurir une brillante cole de sculpture,
trop peu tudie jusqu'ici, on aimait couvrir la faade principale des glises de grandes
pages sculptes, et, pour laisser au ciseau le plus de place possible, on remplaait les
fentres latrales par des arcades aveugles sur lesquelles le sculpteur trouvait des surfaces
propices l'exercice de son art. C'est ce que nous remarquons dans cette grande et belle
faade de Notre-Dame de Poitiers, la mieux conserve de toutes celles qui nous restent,
ou encore dans celle de la cathdrale d'Angoulme, ou dans les faades moins renom 1. La mme disposition se rencontre dans les glises de
Nouaillet de Notre-Dame de Chuvigny (Vienne).
2. Il ne reste plus de cette statue qu'un tronon informe qui est relgu dans un coin de l'glise. Elle tait
,
semblable ces autres statues de cavalier que l'on voit
la faade de plusieurs glises du Poitou, notamment Saint-
283
284
porter la corniche qui surmonte cet tage. Je suis convaincu qu' l'origine, cette corniche marquait le sommet de la tour; au dessus devait s'lever une flche carre, analogue, comme proportion, celle du clocher bien connu de Saint-Porchaire, Poitiers.
Mais une poque avance du Moyen-Age, on voulut exhausser la tour ; on supprima
l'ancienne flche, on construisit un tage de plus, orn de vilaines baies en arc bris, et
on couronna le tout d'une haute pyramide en charpente.
Il ne me reste plus, pour complter cette description, qu' parler des absides. Les
deux absidioles adosses au transept sont fort simples; leurs fentres, trs petites, n'ont
aucune dcoration; leurs contreforts sont profils en demi colonnes; leur corniche est
compose d'une suite de petits arcs en plein cintre ports sur des modifions, dcoration
trs frquente au xne sicle, mais beaucoup moins en Poitou que dans d'autres provinces, la Normandie ou les bords du Rhin, par exemple.
L'abside principale est d'une grande lgance. J'ai dj dit qu'au Moyen-Age, il tait de
rgle d'apporter la construction et la dcoration de cette partie du monument plus de
recherche qu'au reste. L'architecte d'Aulnay n'a pas failli cet usage. Comme disposition gnrale, les traves de l'abside reproduisent les traits essentiels de celles de la
nef. Mmes contreforts forms d'un groupe de trois colonnes, mmes arcades d'encadrement, mmes moulures aux fentres, mmes bandeaux d'appui, mmes archivoltes.
Mais la dcoration de tous ces dtails est bien plus riche que dans les parties correspondantes de la nef. Ainsi les bandeaux d'appui sont tout couverts de sculptures, l'archivolte des fentres galement. Mais c'est principalement la fentre centrale de l'abside
dont l'ornementation est d'une richesse exceptionnelle. Il serait vraiment difficile de
citer une fentre romane de plus belles proportions et dcore avec plus de got. Son
archivolte se compose de deux voussures fort relief, dcores de boutons, de quatrefeuilles et de tte de clous. Le bandeau d'appui est orn d'une srie de petits arcs en plein
cintre, sous lesquels sont sculpts de petits personnages dont le corps se termine en queue
de serpent et qui sont affronts deux deux. Enfin ce qui donne surtout cette fentre un
caractre original, c'est la dcoration de ses chambranles : ils sont couverts de magnifiques rinceaux entremls de figures humaines. Que font l ces figures? Je ne sais trop.
Certains archologues, qui se croient obligs de tout expliquer, ne manqueraient pas
d'en faire des figures symboliques. Ils feraient remarquer que ces personnages semblent
se frayer avec peine un passage au milieu des rinceaux qui leur barrent la route,
d'o une explication toute trouve : ces personnages reprsentent le chrtien aux prises
avec les difficults de la vie, luttant avec les mille obstacles dont est sem le chemin qui
mne au paradis. Mais je m'empresse de dclarer que cette interprtation quoiqu'on
pt l'tayer de l'autorit de divers crivains modernes serait de pure fantaisie. Nos
artistes du Moyen-Age n'avaient pas toujours autant d'esprit qu'on leur en prte. Malgr
tout ce qu'ont pu dire les matres en symbolique, je crois puril de chercher un sens
toutes les fantaisies chappes au ciseau de nos imagiers romans ou gothiques. Un
285
auteur qui a crit, sur la symbolique chrtienne, des pages que tous les archologues
devraient savoir par coeur, M. Le Blant, a dmontr avec vidence que les artistes chrtiens, comme ceux de tous les temps, ont souvent donn libre carrire leur imagination, qu'ils ont entreml leurs oeuvres d'une foule de figures purement dcoratives
auxquelles ils n'attachaient aucun sens dtermin, et qu'en bonne critique, on ne doit
admettre une ide symbolique que lorsqu'elle est appuye sur des textes prcis et concordants d'crivains ecclsiastiques autoriss *.
FIG. 3.
Je me suis dj bien longuement tendu sur l'glise d'Aulnay et pourtant je n'ai encore
accompli que la moiti de ma tche. Je n'ai point encore dcrit "et expliqu] les
sculptures qui ornent les portes et la faade du monument ; or, c'est l, peut-tre, ce
qui constitue le principal mrite de ce remarquable difice.
1. Le Blant. Sarcophages d'Arles, inlrod.. p. vu
GAZITTK AlCHKOLOGIQUI". ANXE 1SSG.
x\i.
OO
286
PATIENTIA i
LARGUAS
":
CAST1TAS
LVXVRIA i
AVARICIA
FIDES
.:
IDOLATTRIA
SVPERBIA i
HVmiLITAS
CONCORDIA i DISCORDIA
Cette opposition des vertus et des vices tait fort la mode au Moyen-Age. On la
trouve, l'poque gothique, au portail de nos glises les plus fameuses; l'poque
romane, les exemples en sont peut-tre moins nombreux 2; j'en pourrais citer plus d'un
cependant, notamment dans la rgion de la France laquelle appartient Aulnay; ainsi
les portails de Fenioux (Charente-Infrieure), de Notre-Dame de la Coudre, Parthenay,
et de Saint-Pompain (Deux-Svres), en offrent des spcimens en tout semblables celui
que nous avons devant les yeux.
On sait que l'introduction de ces figures dans l'iconographie chrtienne est due un
pome qui eut une grande vogue pendant une partie du Moyen-Age, c'est la Psychomachie de Prudence. Jusqu'au xu sicle, les artistes qui veulent reprsenter les vertus
et les vices s'inspirent directement du pome ; et, de mme que Prudence nous montre
les vertus combattant les vices avec la lance et l'pe, et finissant parles terrasser, de
mme les artistes nous montrent toujours les vertus luttant corporellement avec les
vices et les foulant aux pieds.
Au xme sicle, une re nouvelle s'ouvre pour l'iconographie chrtienne, les artistes ne
s'inspirent plus des mmes traditions d'atelier que leurs devanciers, et nulle'part cet
ont dj t signales par M. de
Longuemar dans son Epi-graphie du Haut-Poitou (Mm.
de la Soc. des Anliq. de l'Ouest, t. XXVIII, p. 216)], par
M. Audiat dans son Epigraphie Sanlone, et dans les mmoires dj cits de MM. Paris et Briilouin.
2. Viollet-le-Duc (Dicl.d'archil., t. IX, p. 337) avance
que c'est seulement vers la fin du xnc sicle qu'apparaissent
1. Ces inscriptions
287
abandon des anciens modles n'est plus sensible que dans la reprsentation des vertus
et des vices. Nos sculpteurs gothiques semblent avoir oubli le pome de Prudence.
Ils ne nous montrent plus les vertus en lutte avec les vices. Ils les figurent isolment,
accompagnes d'attributs caractristiques, ou bien ils les symbolisent dans de petites
scnes qui nous montrent le vice en action. Ainsi, au portail central de Notre-Dame de
Paris, nous voyons la Colre figure par une femme chassant un moine coups de
bton, et la Patience sous les traits d'une femme assise tenant un cu sur lequel est
sculpt un boeuf; la Charit est une femme tenant une brebis sur son giron, l'Avarice
nous montre une femme enfouissant des cus dans un coffre.
Mais je ne puis ntendre davantage sur ce sujet qui prterait bien d'autres dveloppements. Continuons l'examen de notre porte.
La troisime voussure ne parat pas avoir t comprise jusqu'ici. M. Brillouin y voit
des
ternel
Mais
figures
le
adorant
Pre
tre
dix
peuvent
anges, non
ces
ne
anges
.
pas tant parce qu'elles n'ont pas d'ailes, qu' cause de leur costume qui indique des
femmes, du voile dont plusieurs ont la tte couverte, des chaussures enfin qui leur
cachent les pieds, tandis que, depuis l'poque carlovingienne, les anges sont toujours
pieds nus. Ces dix figures sont donc des femmes, et si l'on examine le petit objet que
chacune tient la main, ol reconnatra bien vite ce qu'elles reprsentent. Cet objet a la
forme d'une sorte de coupe ; les unes, celles de gauche, tiennent cette coupe en l'air,
les autres la tiennent renverse. Les premires sont les cinq vierges sages qui viennent
avec leur lampe allume au devant de l'poux, figur la clef de la voussure sous les
traits du Christ bnissant. Les autres sont les cinq vierges folles, qui n'ont pas mis d'huile
dans leurs lampes 5, et qui trouvent les portes closes quand elles se prsentent aux noces
de l'poux. Remarquons que ce dernier paragraphe du texte vanglique est ici traduit
aux regards par un petit difice qui se dresse ct du Christ et dont la porte est ferme
pas un gros verrou. Rien donc n'est plus clair, et cette reprsentation d'ailleurs est si
frquente la faade de nos glises que je m'tonne qu'on ait pu s'y tromper.
La dernire voussure nous montre des figures dont le sens serait moins vident premire vue, si elles n'taient encore accompagnes de quelques fragments d'inscription
qui prouvent que l'artiste a voulu reprsenter les travaux des mois alternant avec les
signes du zodiaque. Malheureusement, ces figures ont subi un remaniement; la suite
de quelque grave accident qui avait endommag la faade, l'poque sans doute o
on dut la consolider l'aide des lourds contreforts dont j'ai parl plus haut, on a dpos
et replac tous les claveaux de cette voussure, et, en les replaant, on en a supprim
quelques-uns et interverti plusieurs autres. Pareil fait s'est produit la Porte royale de lacathdrale de Chartres, la fin du xnc sicle, quand on la transporta, del place qui lui
avait t donne vers 1145, celle qu'elle occupe aujourd'hui.
1
1. Loc.
cit., p. 187.
2.
288
Ajoutons cela que plusieurs scnes sont si mutiles qu'elles seraient presque impossibles reconnatre, si nous n'avions les mmes scnes reproduites avec quelques
variantes dans d'autres monuments du mme temps. Ainsi le portail de Saint-Ursin de
Bourges, la Porte royale de la cathdrale de Chartres, nous fournissent des exemples
trs connus des travaux des mois. Mais il y en a un beaucoup moins renomm et qui
mrite bien davantage d'tre rapproch des sculptures d'Aulnay : je le trouve dans une
glise de ce mme dpartement de la Charente-Infrieure, Fenioux. Il existe l une
porte sculpte, orne, comme celle d'Aulnay, de quatre voussures sur lesquelles sont
sculpts les vertus et les vices, les anges entourant l'Agneau divin, les vierges sages et
les vierges folles, et enfin les travaux des mois et des signes du zodiaque. C'est surtout
en m'aidant des sculptures de Fenioux que j'ai pu dterminer, je crois, le sens de chacun des groupes d'Aulnay.
Le premier claveau, en partant de gauche, nous montre un homme assis; il symbolise
le mois de janvier, c'est Janus ; dans les sculptures du xme sicle, on le reprsente habituellement avec deux visages. A ct devait se trouver le signe du Verseau, AQVARIVS,
mais c'est une des figures qui manquent.
A sa place nous voyons un homme dont il ne reste que le buste; or, en le comparant
la figure correspondante de la porte de Fenioux, on voit qu'il tait assis et devait se
chauffer une sorte de brasero pos entre ses jambes. L'homme qui se chauffe symbolise toujours le mois de fvrier, comme on peut le voir Saint-Ursin de Bourges et
dans la srie des mois des cathdrales de Reims, d'Amiens, de Sens, etc. Au mois de
fvrier correspondent les Poissons : ils sont ici leur place et bien conservs.
Puis vient malheureusement une lacune de plusieurs claveaux, aprs laquelle nous
voyons une figure que M. Brillouin a prise pour un enfant couch dans un berceau; or,
c'est un homme taillant un cep de vigne, comme Fenioux, Bourges, Amiens,
Sens et Reims. C'est le symbole du mois de mars ct duquel nous voyons le Blier,
ARIES, qui lui correspond dans le zodiaque.
Le mois d'avril manque ; il tait sans doute figur, comme Fenioux, par un cavalier;
le signe du Taureau manque galement.
Il reste une partie du signe suivant, celui des Gmeaux (Ge) SRINI, mais le symbole
du mois de mai a disparu.
Le mois de juin est complet. Il est symbolis presque partout par un homme qui
fauche. Ici c'est un groupe de deux personnes : l'une fauche; l'autre,Ta faux sur l'paule,
s'apprte en faire autant. Le signe correspondant au mois de juin c'est FEcrevisse,
CANCER, ou plutt le Crabe, car c'est sous la forme de ce dernier crustac qu'on reprsente toujours, au Moyen-Age, ce signe du zodiaque, et c'est ainsi qu'on l'a reprsent ici,
droite de la clef de la voussure. Mais il n'en reste plus que la carapace, ses pattes sont
casses.
Le signe du Lion devrait venir immdiatement aprs celui du Cancer; on l'a plac avant,
Xb\)
290
sures, les ornements qui couvrent leurs tailloirs, ou les moulures de leurs bases, les
modifions de la corniche, les heureuses combinaisons d'appareil qui garnissent le plein
des baies de la faade. Mais je craindrais de fatiguer l'attention de mes lecteurs, aussi
je passe rapidement cette porte du transept dont j'ai dj signal l'importance.
C'est, comme la porte principale, une baie en plein cintre, sans tympan, encadre de
quatre voussures qui retombent sur des colonnes ornes de cannelures en spirale ou en
zigzag.
FIG. 4.
La premire voussure est dcore d'ornements d'un type tout particulier : ce sont des
rinceaux entremls de griffons et autres animaux fantastiques. Mais le sculpteur ne les
a pas traits avec cette vigueur de relief si remarquable dans les feuillages de la faade
principale. Bien au contraire, c'est de la sculpture presque mplate, et qui donne cette
voussure un cachet tout particulier qui rappelle certains produits de l'art oriental;
je serais trs port supposer que l'artiste qui a sculpt cette archivolte s'est inspir
de quelque ivoire ou de quelque coffret byzantin, comme on en voit encore dans nos
muses.
291
La sculpture de la seconde voussure a un tout autre caractre et les petites figures qui
l'ornent rentrent dans le type ordinaire de nos bas-reliefs occidentaux.
Que reprsentent-elles ? Ce sont des saints. Mais lesquels, en particulier, je ne vois aucun
moyen de le dterminer. Je suis un peu embarrass galement en ce qui concerne la
troisime voussure. On y reconnat, du premier coup, les vieillards de l'Apocalypse
assis, couronne en tte, tenant d'une main un instrument de musique et de l'autre
une fiole de parfums. Mais ici se prsente une difficult, le texte sacr ne parle que de
292
corps d'un poisson. Quelquefois c'est un monstre avec le poitrail d'un cheval et l'arriretrain d'une chvre. Ailleurs, un animal cornu se termine en croupe de cheval. Grand
Dieu ! si l'on n'a honte de sembables inutilits, comment au moins ne pas regretter
l'normit de la dpense ?
On me permettra d'invoquer l'autorit de saint Bernard pour me justifier si je
surplus,
chercher
figures
le
de
bizarres.
Au
davantage
cet
m'attarde
sens
ces
pas
ne
article est dj assez dvelopp. Et pourtant que de dtails il me resterait dcrire si je
prtendais faire une monographie complte de l'difice! Cette riche srie de chapiteaux
qui garnit tout le monument, tant l'intrieur qu' l'extrieur, ncessiterait elle seule
plusieurs pages de description. Il faudrait surtout une nombreuse suite de dessins pour
faire ressortir leur lgance et leur varit 1. La plupart sont orns de feuillages combins de mille faons diverses. Plusieurs reprsentent des figures monstrueuses ou des
animaux fantastiques. Un petit nombre sont orns de personnages. Ainsi sur un des
piliers qui soutiennent le carr du transept, du ct du nord, on voit Dalilah coupant
les cheveux de Samson 2; l'arcade qui donne passage du bras sud du transept au basct correspondant, se trouve le sacrifice et la mortd'Abel. Notons, en pendant de ce
dernier chapiteau, un autre qui reprsente des lphants 3, et de peur qu'on ne s'y
mprenne, le sculpteur eu soin de graver ct les mots Hl SVNT ELEPHANTES.
Que n'a-t-il eu en mme temps l'ide d'inscrire son nom ct d'une de ces belles
portes, comme le faisaient la mme poque, ce Guillaume qui sculptait le portail de
l'glise de Saint-Pompain 4, ou son habile mule de l'glise'Saint-Hilaire de Foussay,
Audebert de Saint-Jean-d'Angely5.
On voudrait tout au moins pouvoir donner la date prcise de leur excution et de
la construction du monument lui-mme. Mais je ne puis, sur ce point, apporter que des
conclusions approximatives. Je ne crois pas, cependant, me tromper beaucoup en fixant
le tout au rgne de LouislVII, c'est--dire au milieu duxne sicle. Benjamin Fillon, si
bon juge en la matire, s'tait arrt cette date dans le court mmoire que je citais en
commenant. Les caractres architectoniques du monument, le style des sculptures,
la forme des lettres dans Tes inscriptions, tout me semble d'accord pour justifier cette
conclusion.
R. DE LASTEYRIE.
1. J'en ai compt 106 l'intrieur du monument et 126
l'extrieur, sans compter ceux du clocher. Tous sont de
dessin vari. On peut juger par l de la prodigieuse fcon-
Gaxelte 4rcAo(o<r/ioe
<.
PL. 37
18 8
PAN ET NYMPHE,
Ca.Le&e< o4rc/ieloirjue,
1856
A JAX ET
C A S S AN D R r:
-.
PAN ET NYMPHE
AJAX ET CASSANDRE 2
(PLANCHES 37 ET
38.)
I.
sa lgende des cts plus riants. Pindare 3, qui l'invoque et qui l'appelle le protecteur
de TArcadie, le gardien des sanctuaires redoutables, le suivant de la grande mre des
dieux , ajoute aussitt qu'il tait pour les respectables Charits un sujet d'occupation
et d'amusement, o-epivcov XapiTwv piATqpia itprcvov.
Les anciens avaient dj compris que l'histoire des amours varies de Pan tait la
traduction populaire d'une doctrine plus haute, celle de la fcondit universelle. Tandis qu'il entretient la vie vgtative par une sve abondante, dit Rutilius Namatianus 4,
le dieu nous est reprsent comme fort enclin aux plaisirs de Vnus. Je n'ai pas relever
ici les noms de ses matresses mythologiques et officielles, dont la lgende a pris un
caractre fixe ; les groupes d'Asie-Mineure ne permettent point d'identification prcise ;
l'objet des poursuites de Pan est une femme quelconque, bacchante ou nymphe, mais
nymphe anonyme, sine nomine nympha, comme dit un pote latin de la dcadence;
parfois des attributs musicaux, une lyre par exemple, engageraient la considrer comme
une Muse.
1. Hauteur : 0m 255. Longueur de la base: 0m 25.
Base haute, orne en haut el en bas de deux bandeaux
294
Les groupes dits d Asie-Mineure qui auront certainement plus tard un tat civil moins
vague et plus nettement dtermin sont maintenant trs nombreux dans les collections parisiennes. On peu|y suivant les sujets qu'ils traitent, les rpartir en catgories
diverses. De ces sries, celle du Pan et de la nymphe est une des mieux fournies. Je
connais au moins une dizaine d'exemplaires du sujet. C'est la place que prend notre
groupe dans la srie qu'il est intressant d'tudier.
Dans tous ces groupes, l type de Pan est le mme : les jambes, les cuisses velues sont
celles du bouc, le torse, celui d'un homme robuste et musculeux ; ce double caractre de
la bestialit et de l'humanit, qui se partage le corps du dieu, se fond dans la figure en
un ensemble singulirement nergique et harmonieux. Certaines figurines isoles prsentent de curieuses variantes. Dans un fragment de la Collection Lecuyer ', la face est
trs humaine, mais avec la colre frmissante et le souffle du bouc. Une autre statuette,
accentue, au contraire, le .mufle de la chvre. On rapprochera encore la tte de Pan, de
dimensions trs grandes 3'de la Collection Grau. Dans les groupes qui nous occupent,
Pan a toujours une trs grande barbe, les cheveux hrisss et embroussaills, la bouche
largement fendue, le nez-aplati, les oreilles pointues, habituellement des cornes sur le
front. Mais si le type est fixe et le sujet toujours le mme, le mouvement, les attitudes,
les expressions, prsentent,.une varit extraordinaire. L'artiste ou les artistes qui nous
devons ces oeuvres renouvellent sans cesse la scne par le dtail, par l'originalit de
la conception, par l'excution, et brodent avec une fcondit merveilleuse sur le thme
donn.
Horace 4 dpeint le dieu Faune amateur des nymphes fuyantes . Dans nos
groupes, la nympbe ne fut pas devant son monstrueux amant; c'est peine si, dans un
certain nombre de cas, elle se dtourne de lui en essayant une rsistance qui ne tardera
pas prendre fin.
L'pisode se prsente sous trois aspects principaux : tantt les deux personnages
sont assis cte cte sur un rocher; c'est comme le premier acte du petit drame qui se
joue entre eux. Sur une terre cuite Lecuyer 5, le Pan a l'air maladroit et embarrass d'un
lourdaud qui implore; sur un autre groupe appartenant MM. Rollin et Feuardent, et
non encore publi, le Panjost galement timide et la nymphe lui tourne moiti le dos.
Ailleurs 8, l'attaque est plus brusque et plus vive et la nymphe se dfend de son mieux,
mais avec un sourire qui ne laisse point de doute sur l'issue de la lutte. La mme scne,
avec quelques variantes, se retrouve dans deux groupes, dont l'un est dans la collection Spitzer et dont l'autre ne m'est connu que par une photographie; je ne sais quel
en est le possesseur actuel.
1. Pi. B3, fig. 2.
2. Ibid., pi. F 3, fig. 1.
3. 0 m 22 de hauteur. W. Froehnr, Terres cuites d'Asie
de la collection Grau, 1886, pi. % 2 et 3. Cf. pi. 65,
uus 4
et 5, pi. 87, n 05 2 cl 3.
4. Odes. 3, 18. 1.
5. Collection Lecuyer, pi. M 3.
0. Ibid, pi. X2.
295
Deux autres groupes nous prsentent les personnages debout. Dans l'un 1, le Pan saisit
par derrire une bacchante qui s'arrte tonne; dans l'autre, le Pan et la bacchante
enlacs maintient d'une allure franche et triomphante, sans doute vers la grotte qui sera
tmoin du dnouement; la jeune femme, presque entirement nue, s'abandonne son
ravisseur qui la regarde avec une ardente convoitise.
Ailleurs enfin, le motif erotique, tout en restant le fond mme du sujet, est cependant,
moins accus. Ainsi sur une terre cuite appartenant MM. Rollin et Feuardent, le Pan
et la femme se livrent une danse trs anime ; tous deux ont la jambe leve et le Pan se
renverse en arrire, ivre de mouvement et de bruit. Sur une terre cuite de la collection
Spitzer, les deux personnages tiennent en l'air leurs mains entrelaces et le Pan
bondit, tout entier aux transports que lui cause cet exercice violent. Un petit ros, qui
conduit le groupe, nous avertit suffisamment du sens de la scne, dont le caractre accessoire est celai d'une danse bachique.
La terre cuite que je publie se rattache la premire de ces trois varits. Au pied d'un
terme de Priape coiff d'une sorte de mouchoir rabattu sur les tempes, Pan, assis sur un
rocher, peine vtu d'une peau de panthre, porte une main hardie sur le sein d'une
jeune femme. Celle-ci se dfend en saisissant de la main gauche l'oreille du monstre, et,
dj demi-nue, retient non sans peine, dans son bras droit, sa tunique qui a gliss des
paules. Sa figure est srieuse et effraye. Ce qui distingue cette terre cuite des groupes
analogues, c'est l'nergie de la lutte. Le Pan, dont la tte s'incline, a la bouche grande
ouverte et semble crier de douleur; ses jambes de chvre quittent le sol, s'agitent, et
l'une d'elles se relve au risque de blesser brutalement la nymphe.
Le mouvement manque videmment de dignit; mais ici la dignit n'eut gure t de
mise. Dans le groupe dansant de MM. Rollin et Feuardent, l'attitude du Pan est galement trs abandonne et sa compagne montre plus de rserve. Dans celui de M. Spitzer,
le Pan se dmne sans aucun souci du dcorum, tandis que la jeune femme le regarde
calme
souffre aucune atteinte de
grce
piti
souveraine
de
et
sorte
que
sans
sa
avec une
les
coroplastes
hasard
n'est
point
Ce
ont attribu
voisinage
compromettant.
que
par
ce
tandis
violence
dsordonne,
d'une
bestial
des
mouvements
dieu
que, par un contraste
au
dlicat, ils plaaient ct de lui une jeune femme dont le geste plus mesur tait soumis
un rythme harmonieux.
Notre groupe affecte une forme triangulaire nettement accuse par le terme de Priape
qui se dresse entre les deux personnages et les domine. Par sa structure, par le caractre
absolument grec de la figure de la femme, par le traitement de la draperie, il offre
quelques ressemblances avec un groupe de Myrina, que possde le Muse Britannique 3,
et qui reprsente deux jeunes femmes assises sur une klin et se penchant l'une vers
l'autre
4. Collection Lcuyer, pi. N 3.
%. Froehuer, Terres cuiies d'Asie-Mineure, pi. 39 et 40.
296
PAN KT NYMPHE.
AJAX ET CASSANDUE.
II.
Les sujets emprunts la guerre de Troie forment, parmi les terres cuites d'AsieMineure, une srie assez riche. J'ai vu deux groupes encore indits, l'un chez M. Spitzer,
l'autre chez MM. Rollin et Feuardent, dont le premier reprsente la rencontre de Paris et
d'Hlne, l'autre celle d'Ulysse et de Kalyps. J'ai publi, dans la Collection Lecuyer,
trois groupes qui figurent la dispute d'Agamemnon et d'Achille en prsence d'Athn ',
Priam et Hlne sur les murs de Troie'', Herms allant porter Kalyps, dans sa grotte,
les ordres svres de Zeus 3. Depuis, M. Froehner a fait connatre 4 une scne mouvemente qui lui parat l'enlvement de Chrysis. Un groupe indit de la collection
Lecuyer nous montre deux guerriers auprs d'un navire et semble bien se rattacher au
cycle de la guerre de Troie. Ainsi cette lgende fameuse, dont les principaux traits avaient
t fixs par Homre, qui, partir de l'poque alexandrine, a tenu tant de place dans
la posie rudite et suscit tant de monuments de l'art, hantait aussi l'imagination des
eoroplastes d'Asie.
Les groupes o ils s'en inspirent appartiennent au moins deux styles trs diffrents.
Paris et Hlne, Ulysse et Calyps, deux oeuvres qui sont certainement de la mme
fabrique rvlent un art trs raffin qui cherche avant tout l'lgance et y atteint, mais
non sans quelque manire. La terre cuite que nous reproduisons, et qui est visiblement
d'poque assez rcente, est plus simple et ne tmoigne pas d'intentions aussi tudies.
Le model du nu est mou et n'indique pas une tude personnelle de la nature. Les
proportions justes ne sont pas observes dans le corps de la femme, dont la petitesse est
exagre. Le casque du guerrier est celui qui se trouve assez souvent sur les bas-reliefs
romains, en particulier sur les sarcophages. Cependant l'ensemble est adroitement
construit et prsente l'oeil un aspect agrable.
Nous avons devant nous une scne d'enlvement, dont la victime est sans doute
Kassandra, la fille de Priam, la prophtesse, qui Apollon avait accord la facult de
prdire l'avenir, mais en lui retirant, dans un moment de colre, le don de se faire croire
et de persuader. Homre l'appelle 5 la plus belle des filles de Priam et dit" qu'elle tait
semblable Aphrodite. Pendant la dernire nuit d'ilion, elle s'tait, pour chapper aux
vainqueurs, rfugie sur l'Acropole, dans le temple de Pallas, et AjaxdeLocres vint l'en
arracher violemment, bien qu'elle tint troitement embrasse la statue de la desse. La
scne tait figure sur le coffret de Kypslos, et Pausanias la dcrit en ces termes 7 :
1. Collection Licmjer, pi. .1 4.
2. PI. K 4.
3. PI. L 4.
4. Terres cuiles d'Asie de la collection C.ruu, pi. 119.
TJl
arrachant Kassandra de la statue d'Athna; au dessus est crit ce
On voit aussi Ajax
vers :
PAN ET NYMPHE- AJAX ET CASSANDRE.
EN-ET NYMPHE.
298
AJAX ET CASSANDRE.
En second lieu, la femnae est nue jusqu' la ceinture, ce qui n'est pas indiffrent. Si
l'inspiration des eoroplastes est parfois assez vague et si leurs personnages flottent entre
le divin et le rel, ils adaptent toujours exactement le costume l'action reprsente. Les
paules et les seins nus seront chez eux une allusion l'amour, au deuil, la toilette,,
etc.. Ici ce dsordre des vtements et cette demi-nudit, trs frquents sur les monuments s'expliquent d'une faon suffisante par la brutalit de l'enlvement. On pourrait
peut-tre, sans forcer les:intentions de l'artiste, y voir une indication discrte du viol
qui ne nous est pas reprsent 2.
.
A. CARTAULT.
4. Ibid., xxv, 24, xxvi, 47, XXVII, 2, 3, 5, 6, 7, 44, 45.
2. Il me parat impossible de songer ici simplemeul
Agamemnon emmenant Kassandra sa captive, comme le
propose, en dcrivant une scne assez analogue ntregroupe, W. Helbig, Wandgemalde, n 4328.
TORSE D'HADRIEN
AU MUSEE
BRITANNIQUE
Lors de mon dernier voyage Londres, j'ai remarqu dans la galerie romaine du
inuse Britannique un fragment de statue qui prsente la plus grande analogie avec
l'Hadrien du Tchinly Kiosk de Constantinople, dont la description et la photographie
ont t publies en 1880dans la Gazette archologique^.
Le marbre du British Musum est fort mutil ; il n'a plus ni tte, ni bras, ni jambes.
Le torse seul existe, mais dans un assez bon tat de conservalion. Les deux monuments,
celui de Londres et celui du vieux srail, reprsentent l'empereur vtu du paludamentum
et d'une cuirasse dont l'ornementation est identiquemennt la mme. Dans les deux
statues, l'empereur a la hanche gauche plus leve que la droite, ce qui prouve que
l'Hadrien du Muse Britannique avait comme celui du Muse ottoman, le pied gauche
pos sur un captif.
En dcrivant le marbre de Constantinople, je remarquai que le lambrequin mdian de
la cuirasse tait orn d'une tte de face de Jupiter Ammon, symbole de la Cyrnaque.
Sous l'empire, ajoutai-je, ce pays formait une mme province avec la Crte. Il est donc
naturel que, dans les ornements d'une statue leve l'empereur par cette le, on ait fait
allusion l'autre moiti de la province. Maintenant, je crois plutt que la statue Cretoise n'est qu'une copie du marbre de Londres qui, lui, provient des ruines de Cyrne.
La premire mention qui soit faite de ce torse se trouve dans Beechy qui le dcouvrit
la fin de l'anne 1821, et qui crut que c'tait un dbris d'une statue de Ptolme.
Pacho donna une bonne description et un dessin assez correct de ce marbre-. Notre
compatriote reconnut le caractre des images sculptes sur la cuirasse, mais il voulut
voir dans ce monument une statue de l'empereur Csar. Enfin le capitaine Smith et le
300
-CORSE
lieutenant Porcher, qui firent transporter ce marbre au Muse Britannique, y virent une
oeuvre de l'poque d'Auguste, it isprobably a work of the Augustan ge *.
Hadrien tait fort honor Cyrne; on a retrouv dans les ruines de cette ville la base
d'une statue leve cet empereur et la ddicace d'un temple qui lui tait consacr.
Maintenant le marbre du British Musum est-il une oeuvre originale, ou est-ce la copie
d'une statue leve Rome? Nous ne croyons pas cette dernire hypothse, cause de
cette tte de Jupiter Ammon, qui constitue pour ainsi dire les armes de la Cyrnaque,
et qui est sculpte sur leiambrequin mdian de la cuirasse. Nous serions mme port
croire que la statue de;Hirapytna a t transporte de la Cyrnaque en Crte 2, et
qu'elle n'est qu'une copie du marbre conserv aujourd'hui en Angleterre. Il serait
curieux de comparer de prs les deux monuments et d'tudier les diffrences de travail
dans la ciselure de la cuirasse.
Constantinople, mars 18863.
AL. SORLIN DORIGNY.
1. Hislory
1865, p. 76.
2. Pour le transport des statues honorifiques l'poque
romaine, cf. L. Renier, Mlanges d'pigraphie, in-8"
Paris 4 854 p. 97 et sniv.
,
,
3. La notice de notre collaborateur et correspondant
frchelocrique'_1886
SATYRE DANSANT
STATUETTE DE BRONZE DCT CABINET DES MDAILLES
Gaigtte creholo^fue-^A&i'o
pL. 4,0
bATYRE DANSANT
STATUETTE DE BRONZE DU CABINET DES MDAILLES
SATYRE DANSANT
STATUETTE DE BRONZE DU CABINET DES MEDAILLES
(PLANXHE 39
et 40.)
La statuette, dont nos planches 39 et 40 offrent la reproduction sous deux aspects, est
un des monuments les plus remarquables de la collection des bronzes du Cabinet des
Mdailles. Elle est d'autant plus digne d'tre signale l'attention des archologues
qu'elle n'a t remarque par aucun des nombreux auteurs qui, dans ces dernires
annes, se sont efforcs de classer et de grouper par familles les figures de Pans, de
Satyres, de Silnes et de Faunes dont l'art antique nous a lgu des varits presque
infinies. Comme un trop grand nombre des monuments conservs dans nos muses, le
Satyre du Cabinet des Mdailles n'a pas d'tat civil : on en ignore la provenance ; il est
certain, toutefois, qu'il est entr une poque fort ancienne, probablement ds le dernier
sicle, dans le cabinet du roi. Nous en constatons pour la premire fois la mention
positive, en 1838, dans Y Histoire du Cabinet des Mdailles de Marion du Mersan, qui
le dcrit ainsi : NQ 257. Un Faune barbu, dansant; il tenait probablement des crotales.
Depuis lors, il a t sommairement catalogu par Clarac 2 et par M. Chabouillet 3, qui
en ont justement signal l'intrt artistique.
Cette figurine de bronze est d'abord remarquable par ses dimensions peu communes :
elle a quarante centimtres de hauteur. Elle l'est aussi par sa conservation exceptionnelle, car elle n'a subi ni restaurations d'aucune sorte, ni mutilations graves. Le bras
droit, cependant, a lgrement souffert de l'oxydation, et par endroits, la patine s'est
caille; enfin, ce mme bras est cass au dessous de l'paule, vers l'articulation de
l'humrus. Heureusement, la brisure ne fait pas compltement le tour du bras dont la
pose n'a subi, par suite de cet accident, qu'une dpression ngligeable. La patine noirtre dont la surface mtallique est partout recouverte a d tre lustre, sinon compltement restaure, une poque moderne, suivant un usage qu'on a pratiqu ds la
Renaissance et qui est loin d'tre abandonn aujourd'hui.
1
3^
302
SATYRE DANSANT.
La nature semi-bestiale du Satyre est caractrise par sa queue de cheval, ses oreilles
pointues et les deux petites cornes qui font saillie sur son front, au milieu des mches
courtes et rudes de son abondante chevelure. Il n'est pas couvert de la nbride traditionnelle; sa longue barbe* qui rappelle un peu celle des divinits fluviales, a des stries
paisses, parallles et disgracieuses qui paraissent une recherche d'archasme. Les traits
du visage, rguliers et graves comme ceux d'un homme arriv l'ge mr, sont comparables ceux de Silne reprsent en pre nourricier de Bacchus ' : ils ont une expression svre, accentue encore par la saillie exagre de l'arcade sourcilire; rien de cet
ironique et gracieux sourire, ni de ce caractre lascif, ni mme de cette physionomie
contracte et triviale que Fart antique se complat gnralement attribuer aux personnages du thyase de Bacchus. Celui-ci fixe attentivement du regard un objet qu'il tenait
del main gauche et dont il ne subsiste plus qu'un tronon; sa main droite, baisse,
avait un attribut qui est galement mutil. La jambe droite supporte tout le poids du
corps un peu inclin de ce ct; aussi, F artiste a-t-il eu soin de bien marquer la saillie
des muscles du mollet. La jambe gauche, dgage, n'appuie sur le sol que par la pointe
du pied, dont les veines mmes sont indiques. La position des jambes en mouvement,
et des bras, l'un tendu, l'autre lev, se rapproche de celle des Satyres qui dansent sur
la pointe des pieds, la main devant le visage, jeu auquel se livraient particulirement
les suivants de Bacchus et qu'on appelait crxoTCEujxa. Seulement, remarquez que notre
Satyre danse d'un mouvement calme et modr, et sans s'lever sur la pointe des pieds.
Sa tte n'est pas rejete en'arrire, dans cette attitude si frquente qui valait aux Satyres
l'pithte de pv])<x6yjiv; elle! n'est pas non plus penche en avant avec ce geste de surprise
que Myron a rendu si populaire.
Considre un point de vue gnral, la statuette que nous venons de dcrire nous
parat devoir occuper une place importante dans l'analyse et la reconstitution des types
de Satyres crs par la plastique grecque. Elle nous rvle une composition pleine de
charmes, svelte et gracieuse. Les formes anatomiques sont tudies, proportionnes;
la taille est lance, le torf bien model. Nous sommes incontestablement en prsence
d'une bonne rplique d'un ichef-d'oeuvre qu'il s'agit de dterminer. C'est une copie plus
ou moins fidle son modle, analogue celles qu'on excutait en Italie, au premier sicle
de notre re, et qui servaient la dcoration de la demeure des riches Romains. Le Satyre
du Cabinet des Mdailles prsente, en effet, tous les traits de ces oeuvres grco-romaines
imites des chefs-d'oeuvre dont Rome se para aprs en avoir spoli la Grce. Ces rpliques, l'exemple que nous avons sous les yeux permet de le constater, bien qu'excutes en gnral par des>rtistes grecs, la solde des Romains, subirent l'influence du
caractre romain qui elles empruntrent une certaine allure vigoureuse et nergique
qui va parfois jusqu' la raideur : c'est en cela qu'elles se distinguent des produits des
1. V. la
statue du Vatican
Sile portant Bacchus enfant , dans Collignon, Mythologie figure de la Grce, p. 269.
SATYRE DANSANT.
303
On a, probablement, une rplique de celui-ci dans une admirable statue du Vatican qui
reprsente un jeune Satyre au repos, accoud sur un tronc d'arbre et tenant une petite
flte 8. A Athnes, suivant Pline 9, on admirait un Satyre de Lysippe. A Rhodes, il y avait,
dans le temple de Bacchus, plusieurs statues de Satyres dues au ciseau du sculpteur
Mys 10. Le Faune Barberini, au muse de Munich, parat tre la copie de celui que le
1
654.
2. Schoell, Archoeol. Mitlheilungen, pi. v, n 41 ;
Friedricks, Bausteine, n 658.
3. Overbeck, Pompei, II, fig. 300a ; Furlwaengler,
Satyr aus Pergamon, p. 14 et suiv. ; Pottier et Reinach,
dans le Bull, de corresp. helln., t. IX, 1875, p. 372.
4. Voyez les textes qui concernent ces statues, dans
Overbeck, Die antilien Schriflquellen zur Geschkhte der
304
SATYRE DANSANT.
sculpteur Antipater avait figur, dormant sur son outre 1. Citons enfin le magnifique
buste de Satyre, sur une pierre grave de la collection de Luynes, sign d'Epitynchanus,
peut-tre un affranchi de Livie 2.
Aucun de ces types, clbres dans l'antiquit et dont les auteurs sont connus, n'a la
moindre parent artistique avec le Satyre du Cabinet des Mdailles. Il en est autrement
d'un type cr par Myron, le Satyre Marsyas, dansant sur la pointe des pieds, qui devint
si rapidement populaire dans les atetiers de peinture et de sculpture, et dont on a pu
rcemment dterminer plusieurs rpliques.
Hygin raconte que Minerve jouait de la double flte en prsence des dieux assembls,
lorsqu'elle s'aperut tout coup que ses auditeurs retenaient grand'peine leurs clats
de rire. Elle se regarde dans un miroir et voit que, tandis qu'elle souffle dans l'instrument, ses joues tumfies lui font un visage horrible voir. De fureur, elle jette ses fltes
terrre, maudissant quiconque oserait les ramasser. Survient, en dansant, le Satyre
Marsyas qui veut recueillir l'instrument. Tel est l'pisode mythologique dont s'inspira
Myron dans un groupe sculptural que, d'aprs Pausanias, on admirait sur l'Acropole
d'Athnes. Parmi les rpliques de cette oeuvre clbre, on cite, en premier lieu, la statue
de marbre connue sous le nom de Satyre du Latran, qui il manquait les bras et qu'on a
restaure en Satyre dansant avec des crotales aux deux mains. M. Brunn a dmontr qu'on
avait mal interprt le mouvement de cette statue et qu'on devait la rtablir en Satyre
qui fait un geste d'tonnement et de convoitise, en prsence de Minerve qui vient de
jeter ses fltes. Cette opinion, combattue, il est vrai, par quelques savants, a t rcemment soutenue de nouveau par M. Collignon qui lui a donn une sanction dfinitive. Le
rapprochement de cette statue avec le groupe de Minerve et Marsyas, qui forme le type
d'une monnaie d'Athnes et qui figure aussi sur un miroir et siu- une peinture d'oenocho,
ne peut plus dsormais laisser dans l'esprit le moindre doute 3.
On a signal une autre rplique en marbre du Marsyas de Myron, dans la collection
Barocco, Rome''. Une troisime enfin, particulirement importante, est la statuette
de bronze trouve Patras, acquise par le British Musum et publie ici mme par M. S.
Murray 5. Seulement, tandis que le Marsyas du Latran est d'une poque assez voisine de
Myron, le Satyre de Patras ne peut tre plac avant le me sicle, et il trahit, de la part de
Plin. Uist. nat. XXXIII, 156; Millier et Wieseler,
Dcnkmoelcr der allen Kunst. IL pi. 40, n 470.
2. Autrefois, dans la collection Louis Fould. Voyez
Chabouillet, Catal. de la coll. Louis Fould, n 999.
3. Sur cette question, voyez Gerhard, Etruskische
Spiegel, pi. Lxixet LXX; Venere-Proserpina, p. 10 et 78;
Grieeh. Mythologie, t. I, p. 244 ; Raoul Rochette, Mm.
de numism. et d'antiquit, p. 113, note 3 ; Ch. Lenormant
et J. de Witte, Elite des monum. cramoyr., t. I, p. 240 ;
Beul, Monnaies d'Athnes, p. 392; Brunn, // Marsia di
Mirone, dans le Bull. dell'Iuslit. di corr. arch. di Roma,
1853, p. 145; Annali, etc., 1858, p. 374-383; Monument!,
1.
SATYRE DANSANT.
305
l'artiste, un souci du dtail qui procde de la manire de Lysippe. C'est une copie dj
interprte de l'oeuvre de Myron, dont on a corrig l'archasme et qu'on a voulu moderniser, pour ainsi parler, en en retouchant les parties secondaires.
Aprs ces rpliques, qui sont encore des copies peu prs conformes au modle, il
faut citer les types principaux inspirs du chef-d'oeuvre de Myron, mais dans lesquels
l'artiste s'est livr, pour les parties accessoires, aux caprices de son imagination, introduisant des attributs nouveaux ou de tels changements dans le mouvement de la tte,
des bras et des jambes, qu'on a peine, parfois, reconnatre le modle initial : c'est
dans cette catgorie d'oeuvres secondaires que doit prendre place le Satyre du Cabinet des
Mdailles.
Le premier monument de ce genre que' nous puissions citer a l'avantage d'tre
L'autre varit de Satyre, qui se rattache l'cole de Pergame, est celle que nous
reproduisons la page suivante. C'est une statuette de terre cuite trouve dans la
ncropole de Myrina, par le regrett Al. Veyries, et qui a t rcemment publie avec
un savant commentaire par MM. Pottier et Reinach 4. Ce Satyre dansant et portant
1. Stuart und Revett, Alterlhm. von Athen, 1.1. p. 139.
i. Furtwaengler, Der Satyr eus Pergamon (Winckelmannsfest) Berlin, 1880.
30(5
SATYRE DANSANT.
Bacchus enfant, se dresse sur la pointe des pieds comme le Satyre du muse de Berlin
dont il a le galbe et la physionomie. Entre ces deux statuettes, les analogies sont si
frappantes que MM. Pottier et Reinach ont pu dire : Nous ne croyons pas dpasser les
limites d'une conjecture plausible, en supposant que le coroplaste de Myrina s'est inspir
de quelque statuette de Pergame, la grande ville voisine, le centre intellectuel et artistique de la rgion, et que cette statuette tait de la
mme poque, du mme style que le Satyre de Pergame. Le Satyre de Myrina est donc le surmoulage
antique d'une statuette de bronze qui diffrait de celle
de Berlin par une particularit caractristique : le
jeune Bacchus assis sur son paule la rattachait, pour
ce dtail, au groupe de Praxitle trouv Olympie,
Herms portant Bacchus, qui a d servir de prototype aux nombreuses figures de Satyres, de Centaures ou d'autres personnages reprsents avec des
enfants sur le bras ou sur l'paule. Nous saisissons
par l les procds de l'art hellnistique du ii sicle
qui n'invente rien, mais imagine des variantes aux
oeuvres clbres des ges antrieurs, empruntant les
lments de ces variantes un peu partout, suivant
son caprice, en donnant, comme c'est ici le cas,
un type cr par Myron, des attributs d'une oeuvre
de Praxitle.
Comme se rattachant encore au Satyre de Myron
par les mmes procds d'imitation libre, nous signalerons le Satyre en marbre du muse de Madrid, qui
porte un chevreau sur son paule, tient le pedum
dans la main droite et lve la tte en marchant,
comme le Satyre de Pergame et celui du Cabinet des
Mdailles 1. Enfin, le clbre Satyre en bronze du muse de Naples, trouv en 1831, Pompi, dans la
maison appele depuis casa del Fauno, et qui a,
comme celui du Cabinet des Mdailles, une longue
barbe et de petites cornes ; il lve la tte et les bras
et danse sur la pointe des pieds, dans un mouvement gracieux et dgage.
Nous pourrions numrer beaucoup d'autres exemples moins illustres qui tendraient
dmontrer jusque dans quelles limites le Marsyas de Myron a servi de modle des
4. Clarac, pi. 726 *, n 1671 .
307
SATYRE DANSANT.
compositions postrieures, et tablir mme que l'attitude et le geste crs par le sculpteur du ve sicle furent imposs des personnages qui n'ont rien de commun avec des
Satyres. M. Furtweengler a dj dit, par exemple, que le Marsyas de Myron avait servi
de prototype la statue d'Acton dvor par les chiens ; les nombreux emprunts de
mme nature qu'on a cits pour un autre chef-d'oeuvre du sculpteur d'Eleuthres, le
Discobole, donnent cette opinion tous les caractres de la certitude. Notre but tant
ici seulement de dmontrer par quelles dgradations et transformations successives le
Satyre du Cabinet des Mdailles procde du Marsyas de Myron, nous nous sommes born
numrer quelques autres Satyres qui ont avec lui des liens de parent artistique et
qui, par des voies parallles, drivent du mme type classique et initial.
Que l'on place le Satyre du Cabinet des Mdailles son rang, au milieu de toutes ces
rpliques, et l'on sera frapp de l'air de famille qu'il a avec elles. Il suffit, pour s'en
convaincre, de jeter les yeux sur la statuette de Myrina : le buste tout entier et les
jambes sont identiques; le bras lev parat sorti du mme moule; la direction du regard
et le mouvement de la tte sont les mmes. Seuls, la pose des pieds sur le sol et les
attributs sont lgrement modifis.
Mais, par la manire dont l'artiste de notre bronze a trait la barbe, on peut dire que
son oeuvre se rapproche du type primordial de Myron plus que toutes les autres rpliques.
Dans le Satyre du muse de Naples, comme dans ceux du Latran et de Patras, le sculpteur
s'est efforc, dans le rendu des cheveux et de la barbe, de donner aux dtails de la souplesse et du model, et de satisfaire ainsi au got du jour. Tout autrement taient traits les cheveux et la barbe dans l'oeuvre classique. En effet, Pline reproche Myron
d'avoir sculpt les cheveux et la barbe avec une rigidit aussi grande que les artistes
plus anciens que lui : cajoillum et pubem non emendaMus fecisse quam rudis
antiquitas instituisset. Ainsi donc, Myron tait rest dans le style archaque pour les
cheveux et la barbe. Son Marsyas avait une barbe pareille, par exemple, celle d'un des
Centaures d'Olympie qui treint une femme dans ses bras 2, ou celle du Satyre accroupi,
au revers des ttradrachmes de Naxos, en Sicile, ou enfin celle du buste de Zeus
Trophonios, au muse du Louvre 3. C'est ce qui a fait dire M. Murray 4 que le Marsyas
de Myron avait sans doute une barbe pointue, sculpte en masse solide, avec les poils
indiqus seulement par de longs traits parallles, lgrement traits. C'est le caractre
mme de la barbe d'un Marsyas publi par Koehler 5, et ne dirait-on pas que M. Murray,
quand il crivait ces lignes, avait sous les yeux le Satyre du Cabinet des Mdailles? Au
surplus, pour se rendre un compte exact de la manire dont les artistes qui travaillaient
Rome, la fin de la Rpublique ou au commencement de l'Empire, traitaient l'ar1
308
SATYRE DANSANT.
chasme dans la barbe, il faut comparer la barbe de notre Satyre, celle de Romulus
reprsent sur un denier frapp Rome, par C. Memmius, vers l'an 60 avant notre re L
Aprs les analogies, voyons les diffrences. Le bronze du Cabinet des Mdailles
s'loigne surtout du Marsyas de Myron, son prototype, en ce que celui-ci ne portait
aucun attribut, tandis que notre statuette avait, au contraire, dans chacune de ses mains,
un objet aujourd'hui mutil. Quels taient ces attributs? Clarac 2, aprs avoir dit qu'il
croit que notre Satyre portait, dans la main gauche, un arc ou un bton, ajoute : Ce
Faune est donn (par Du Mersan) comme dansant et ayant tenu probablement des crotales.
L'examen du fragment que tient la main gauche peut faire croire que c'est le reste d'un
arc. Dans ce cas, l'autre main aurait tenu une flche et l'on aurait un Faune chasseur,
mais une pareille reprsentation serait d'une grande raret. Un examen attentif de la
statuette nous a permis d'tablir d'abord que les deux objets que le Satyre tenait dans ses
mains taient de nature diffrente. Ce fait est hors de doute : les photogravures de nos
planches permettent mme, jusqu' un certain point, de le constater. Pour la main
droite, celle qui est baisse, elle tenait un objet mutil seulement par l'une de ses
extrmits et dont la nature ne nous parat pas douteuse : c'est l'extrmit d'une corne
de boeuf; cette main tenait donc le cras ou la corne boire; les doigts ont encore la
pose qu'il faut leur donner pour saisir un objet de forme conique et qui monte en s'largissant de la pointe au sommet.
On connat de nombreux exemples de Faunes, de Satyres ou de Silnes qui tiennent
des cornes boire. M. Reifferschied a publi, en 18663, une statuette de bronze de la
collection Fortnum qui reprsente un Faune barbu, couvert de la nbride et tenant, dans
la main droite baisse, une corne boire, tandis qu'il porte une massue de la gauche.
Une autre statuette de bronze, conserve au muse de Vienne, reprsente un Faune
barbu, couvert de la nbride, ayant, dans la main droite baisse, une corne boire, et
dans la gauche, une corne d'abondance 4. La position de la corne boire dans la
main de ces deux statuettes de bronze n'est pas tout fait la mme que celle que devait
avoir le mme vase dans la main du Satyre du Cabinet des Mdailles : celui-ci tenait
le cras comme nous le voyons port par un jeune Satyre imberbe du muse de Naples 5,
ainsi que par un Satyre d'une peinture de Pompi 6. Au surplus, les Satyres tenant des
cornes boire sont nombreux parmi les produits de l'art antique, et l'on sait qu'on
rencontre non moins souvent le cras entre les mains de Bacchus et d'Hercule 7. Les
1. E. Babelon, Monnaies de la rpublique romaine,
t. II, p. 218.
2. Mus. de sculpt., t. IV, p. 255.
3. Annali deU'Inslit. archeol. di Borna, 1866, t.
XXXVIII, p. 224; Tav. d'agg. N; Cf. Roscher, Lexicon,
SATYRE DANSANT.
309
traditions mythologiques ont fait maintenir le cras (xipa) ou corne de boeuf, la plus
ancienne forme ds vases boire, dans les reprsentations figures, ct de vases
plus perfectionns qui, comme le rhyton, n'en taient que la transformation. Les habitants de la Thrace surtout, dont la rputation d'ivrognerie tait universelle, avaient
encore, l'poque romaine, conserv l'usage du cras dans les orgies auxquelles ils se
livraient en l'honneur de leurs dieux favoris Hercule et Bacchus. Ils versaient le vin
dans de gigantesques cornes qu'on appelait amystis (a^ucrri)1. Horace fait allusion
ces jeux grossiers quand il dit :
Dans les ftes de Bacchus appeles Choae ou Anthestries, avaient lieu des dfis de
buveurs sur lesquels divers auteurs nous ont conserv de curieux dtails. Celui qui vidait
le plus vite la corne de vin recevait pour rcompense une couronne et des gteaux. On
tait pass matre dans l'art quand on savait boire avec la corne ou Y amystis et la vider
d'un seul trait, sans que le vase effleurt les lvres 3. La rgle du dfi variait au gr des
buveurs; gnralement on s'engageait vider la corne neuf fois en l'honneur des Muses
et trois fois en l'honneur des Grces 4.
Rien donc de plus naturel que de voir les compagnons de plaisir de Bacchus et d'Hercule, les Faunes, les Satyres et les Silnes, tenir en main la corne boire et symbolise ces
jeux d'ivrognes que chantent les potes comme Horace et qui taient assez rpandus
pour exciter l'indignation de saint Augustin.
L'objet que le Satyre du Cabinet des Mdailles tenait dans la main gauche et qu'il parat
fixer attentivement, ne pouvait-tre, avons-nous dit, de mme forme que celui qu'il
avait la main droite. En outre, si la pose du bras lev est identique celle du Satyre
de Myrina, il n'est pas possible d'admettre que notre statuette portt un Bacchus enfant
sur son paule comme cette dernire. En effet, l'objet n'est mutil que dans l'une de ses
extrmits, celle qui est tourne du ct de la tte du Satyre; l'autre bout qui dpasse
la main de quelques millimtres est absolument intact et il affecte la forme d'un pied
de bouc ou de chevreau. On remarque mme, sur la tranche de ce tronon, la rainure qui
partage en deux sections gales le sabot des animaux de l'espce des ruminants. Ceci
bien constat, il n'y a plus qu'un petit nombre d'hypothses possibles en ce qui concerne
l'attribut de cette main de notre Satyre : ce ne pouvait tre qu'une outre faite avec une
peau de bouc, une nbride ou un quartier de venaison comme un cuissot de cerf, de
bouc ou de chevreuil.
L'hypothse d'une outre de peau de bouc n'est pas, a priori, absolument impossible.
1. Pollux, III, 3.
2. Hor. Od. I, 36, 14.
GAZETTE ABCHOLOGIQOE AKKE 18SC.
310
SATYRE DANSANT.
Nous savons qu'en fabriquant une outre de cette nature, on rservait la peau d'une
patte de l'animal pour servir d'ouverture; on coupait les autres et on en fermait la
place par une couture. On remplissait et on vidait l'outre par la patte conserve, et
de l vient qu'on dit souvent le pied de l'outre pour dsigner son goulot '. Des monuments reprsentent des Satyres qui soufflent dans la patte de l'outre pour la gonfler 2,
et rien de plus rpandu que les figures de Silnes ou de Satyres portant une outre
de peau de bouc pleine de-vin. Parmi celles qui peuvent avoir, comme attitude
gnrale, une certaine analogie avec la statuette qui fait l'objet de cette notice, nous
citerons un Satyre barbu, en marbre, trouv Rome dans la villa de Q. Voconius Pollion 3,
puis, deux jeunes Satyres en marbre, du Muse de Naples, dont nous avons dj parl
et qui, tenant une corne boire dans la main droite, soutiennent de la main gauche
une outre sur leur paule 4. Il y avait Rome une clbre statue de Marsyas avec une
outre sur l'paule, peut-tre inspire de la statue de Pan portant une outre, oeuvre de
Praxitle. Cette statue de Marsyas tait sur le Forum ds le vu 0 sicle de Rome; on la
voit reproduite sur des deniers frapps par L. Marcius Censorinus, vers l'an 670 (84 av.
J.-C.) 5. Marsyas, assimil Liber, fut le symbole de la libert et c'est ce titre qu'on
avait rig sa statue sur le Forum ; c'est pour la mme raison que cette statue eut de
nombreuses rpliques, l'poque impriale, dans les villes auxquelles on concdait les
liberts et le droit de colonie romaine : les monnaies frappes dans ces colonies ont
souvent pour type cette statue de Marsyas, devenue extrmement populaire 6. Il ne nous
semble pas, toutefois, que le Safyre du Cabinet des Mdailles ait, avec le Marsyas du
Forum, autre chose de commun que de lointains rapports de famille. Notre Satyre ne
parait point dans le mouvement d'un homme qui porte un fardeau sur son paule. De
plus, si l'on tient compte des procds techniques, on reconnatra que, dans le cas o
le Satyre et port une outre ou tout autre objet sur l'paule, cet attribut, fondu avec
la statuette, et fait corps avec elle. Disparu, il en resterait des traces sur l'paule ; or,
il n'y a pas la moindre marque d'arrachement ou de brisure.
On ne saurait non plus admettre que notre Satyre tint l'outre en suspension devant
lui, geste donn un certain nombre de figures antiques 7, notamment sur une peinture
de vase o un Satyre barbu tient, de la main droite, une corne boire, et, de la gauche,
une outre gonfle qui pend presque jusque sur le sol 8. Malgr ces analogies, il n'est pas
possible d'attribuer ce mouvement au Satyre du Cabinet des Mdailles cause de la position de la main et de la direction du regard. Supposez un personnage laissant pendre de
1. Voyez Pollux, Onom. II, 4, 196; Cf. Koehler,
lileine Abhandlungen zur Gemmenkundc, Theil II, p. 15.
2. Koehler, Kleine Abhandlungen, Theil II, p. 4 et suiv.
3. Bulletiino dlia commissione municipale di Roma,
1884, p. 217, pi. xvn-xix, n 15.
4. Clarac, pi. 694
ns 4693 et 1693 E.
5. E. Babelon, Dcscripl. histor. et chronol. des monnaies de la rpiM. romaine, t. II, p. 195.
Rom
SATYRE DANSANT.
311
diffrente,
le
position
main
de
vin,
gonfle
toute
cette
main
outre
aura
une
sa
une
pouce et l'index, placs en haut, et le petit doigt tourn du ct du sol.
Des motifs analogues obligent repousser aussi l'hypothse de la nbride, qui et laiss
des traces sur le corps du Satyre; en la supposant flottante et tenue en suspension, la main
et eu une autre position; le regard n'et pas t dirig vers la main. Il reste donc
admettre que notre Satyre tenait un cuissot de cerf ou de chevreau. Des analogies assez
nombreuses nous permettent de confirmer cette hypothse et de la considrer comme
la plus vraisemblable de toutes. Ainsi, le Satyre du Muse de Madrid, que nous avons dj
cit, tient un chevreau sur son paule. Un vase peint, de l'ancienne collection Blacas,
nous montre Bacchus lui-mme qui s'avance vers un autel, portant dans chacune de
ses mains la moiti d'un petit bouc qu'il vient de dchirer et qu'il va sacrifier 1. Ce sont
les Mnades, surtout, qu'on voit portant des quartiers de venaison. Sur le bas-relief du
Louvre connu sous le nom d'Epiphanie de Dionysos, une Mnade tient un cuissot de
chevreuil'2. Un grand rhyton en marbre, trouv dans les jardins de Mcnes et conserv
Rome au muse des Conservateurs, nous montre des Mnades qui dansent tenant dans
leurs mains des cuissots de daims ou de chevreuils, et ce singulier attribut des compagnes obliges des Satyres est trop frquent pour qu'il soit ncessaire de multiplier les
exemples 3. Il n'est pas rare-non plus de rencontrer, dans les bas-reliefs ou les peintures
de vases, des quartiers de venaison ports par des Centaures, des chasseurs, des bergers.
Les monuments ne manquent donc point, et si parmi les nombreux Satyres d'un mouvement analogue celui du Cabinet des Mdailles, que nous avons numrs au cours
de cette notice, il ne s'en trouve, premire vue, aucun qui porte d'une main un cras
et de l'autre un cuissot de daim, de cerf ou de chevreuil, cela tient, nous n'en doutons
pas, ce qu'on a complt ces attributs mutils d'une manire arbitraire. On s'est trop
bt de restaurer tous ces Satyres, en leur mettant entre les mains le pedum, la flte,
les. crotales. Si notre Satyre avait t un joueur de crotales, comme on l'a dit, on apercevrait, autour du poignet et sur les mains, les traces des courroies qui fixaient les
coquilles dans la paume de la main ; et, dans l'hypothse de crotales manches, munies
une de leurs extrmits de deux palettes frappant l'une contre l'autre, les tronons
rests dans chacune des mains seraient semblables ; les deux mains eussent tenu, de la
mme faon, deux objets identiques, le regard du Satyre n'eut pas t dirig du ct
de l'une des deux crotales avec cette attention prolonge et soutenue qu'on lui remarque.
D'ailleurs, diverses statues de Satyres ont t imprudemment restaures avec des
crotales aux mains : dans la galerie des Candelabri, au muse du Vatican, se trouvent
deux statues de marbre reprsentant des Satyres ainsi restaurs. M. Conze a dmontr,,
en s'autorisant d'un bas-relief du muse Chiaramonti {datai. n 708), que, loin d'avoir des
Panofka, Muse Blacas, pi. xm, xiv, xv et p. 41.
2. W. Froehner, Calai, de la sculpl. antique du muse
du Louvre, n 2.)}.
1.
m:
312
SATYRE DANSANT.
crotales, ces Satyres dansent, la main droite libre et dgage, tandis qu'ils saisissent
de la main gauche l'extrmit de leur queue de cheval 1. C'est galement sans preuves
suffisantes qu'on a fait un joueur de crotales du Satyre de la villa Borghse 2 et qu'on a
restaur en Pugiliste une statue du Muse du Louvre, dont le mouvement gnral n'est
pas sans rapport avec le groupe de monuments dont nous nous occupons ici. 3. La reconstitution des statues d'athltes de Munich et de Dresde a aussi t, de la part de
M. Brunn, l'objet de critiques aussi justes que rigoureuses 4. Il faut donc convenir que
bon nombre de statues de nos muses, dont on a fait des athltes ou des Satyres tenant
des crotales, le pedum, la grappe de raisin ou d'autres attributs, ont pu tout aussi bien
reproduire le type des Satyres de Pergame, de Naples, de Myrina, du Cabinet des
Mdailles; ce dernier, dans tous les cas, en raison de sa valeur artistique et de la prcision avec laquelle on peut rtablir les attributs de ses deux mains, doit dsormais
tre considr, lui aussi, comme un des lments importants du problme si dlicat de
la restauration des statues de nos muses, qui se rattachent plus ou moins directement
au Marsyas de Myron.
ERNEST BABELON.
Ristauro d'una slaluella di Satiro, dans les
Annali dell'InsiU. arch. di Roma, 1861, t. XXXIII, p.
331-333 et pi. N.
2. Voyez un article de M. Braun, dans les Annali
dell'InsiU. arch. di Roma, 1843, t. XV, p. 266-276;
1. Conzc,
iui^Ue^Jrce-oltr/iu' 1886
PL,
\\
3b
recourir aux touches de couleur souvent trop dlicates de l'mail peint' ou de l'mail
translucide sur relief, ils ont obtenu de puissants effets en mlant le ton brillant du
bronze dor l'clat profond de l'mail champlev. Les portes de bronze de Saint-Pierre
de Rome, oeuvre trop dcrie de Filarete, sont l pour attester l'exactitude de notre
affirmation. Mais c'est la ville de Sienne, qui produisit au Moyen-Age les plus beaux
maux champlevs de la Pninsule, c'est la mme ville de Sienne, la glorieuse patrie
d'Ugolino, l'mailleur des reliquaires d'Orvieto, qu'il faut, avant tout, venir demander
la lumire propos des questions souleves par la prsence de l'mail sur un monument
italien.
Aussi, depuis que j'ai remarqu cette belle pice mconnue dans la collection autrichienne, je ne suis jamais pass Sienne sans voquer le souvenir de l'exile des bords
du Danube. Peut-il en tre autrement, quand on rencontre dans le couloir del sacristie
du dme siennois la pilelta delV acqua benedelta, c'est--dire le petit bnitier attribu
depuis des sicles, par une tradition constante, G-iovanni Turini ; quand on admire
dans le baptistre, situ sous le chevet de l'glise, les merveilleux fonts baptismaux
auxquels ont travaill les plus grands matres du xvc sicle, Lorenzo Ghiberti, Jacopo
dlia Quercia, Donatello et, ct d'eux les comptes en font foi le mme sculpteur
Giovanni Turini 2? Devant lapiletta, comme devant la cuve des fonts baptismaux, on
est vivement frapp par la vue d'un mail bleu d'un ton particulirement doux et
profond, sur lequel se dtachent avec finesse, ici, des ornements, l, une inscription
de la plus belle composition pigraphique. Or, cet mail bleu d'une nuance spciale, son
mlange harmonieux avec le bronze dor dans les deux monuments prcdemment
cits, sont prcisment les caractres distinctifs imprims sur le lias-relief inconnu du
Muse de Vienne. La conclusion laquelleje devais fatalement aboutir tait donc d'attribuer l'cole d'maillerie siennoise, et ensuite Giovanni Turini, la plaque maille
de la collection d'Ambras.
Quand M. Molinier dressa, pour son livre sur les plaquettes de la Renaissance 3, la liste
des petits bas-reliefs models et fondus au xve sicle par les artistes italiens, je lui
signalai, sans aucune hsitation, comme une oeuvre siennoise attribuable Giovanni
Turini, la plaque reproduite par notre planche. Amicalement confiant dans mon attribution, M. Molinier voulut bien se charger de la justifier en continuant les recherches..
Il ouvrit donc l'excellent recueil de documents publi par M. Gatano Milanesi sur l'art
et les artistes Sienne 4. Il lut bientt la page 160 du tome II, qu'une porte de laber-
DU BAPTISTRE DE SIENNE.
315
316
Vignano, dans la boutique duquel il reut vraisemblablement les premiers enseignements de l'art. En 1414 et 1416, on le voit travailler, conjointement avec son pre, pour
le dme de Sienne. La commune de cette ville lui commanda ensuite quelques statues,
probablement en bois, qui devaient dcorer une fontaine publique, et un casque d'argent
dor, prsent offert un officier de la Rpublique. L'oeuvre capitale de Giovanni Turini
fut la part qu'il prit l'excution des clbres fonts baptismaux du baptistre de Sienne.
Trois des figures qui dcorent les angles du monument, deux des six bas-reliefs
ont t models et fondus par lui. Ces bas-reliefs reprsentent la naissance de saint Jean
et la prdication dans le dsert. Ils datent de 1427. Nous avons dj dit que Turini est
galement regard comme l'auteur de la frise de la cuve baptismale orne d'une inscription se dtachant sur un fond d'mail bleu et du bnitier de la sacristie du dme o se
remarque l'emploi du mme mail. On lui attribue encore une statue de marbre sculpte
pour la chapelle du palais municipal de Sienne et le bnitier en bronze de la mme
chapelle. La porte de bronze qu'il excuta, ainsi que nous l'avons vu, en 1434, pour le
tabernacle de la cuve des fonts baptismaux reprsentait le Christ ressuscit'1, et c'est le
bas-relief que nous croyons avoir retrouv Vienne. L'influence du style de Donatello
est manifeste dans cette oeuvre, surtout par la manire dont sont traites les jambes du
Christ ( comparer avec les jambes, du saint Jean en bronze du Muse de Berlin) et les
trois ttes de la Trinit.
1
Louis COURAJOD.
1. Gatano Milanesi, Commenlario alla vila di Antonio el
(1878), p. 303.
2. Idem, ibid.
SUR UN MISSORIUM
DE
Li
{Suite et fin{).
Nous venons de suivre les Missorium, d'une faon sommaire, Rome, Byzance
et dans les Gaules; nous aurions pu remonter jusqu'au suppositorium des Grecs, nous
ne l'avons pas tait. Nous avons indiqu les noms divers sous lesquels ils y taient connus;
les sujets dont ils taient dcors suivant le temps, les mtaux recherchs pour les
excuter : l'argent favorable l'art de l'orfvre, l'or et les maux qui rpondaient le
mieux au got des barbares; nous les avons enfin montrs en activit de service, si
nous pouvons nous exprimer ainsi. Avec le temps, ces splendeurs des tables d'autrefois
avaient compltement disparu, mais, depuis, d'heureuses trouvailles en ont fait sortir
de terre quelques-uns. On en a compt dix, je crois; plusieurs manquent dj l'appel
et ne se retrouvent plus. Le plus important de tous est sans contredit celui du Cabinet
des Mdailles de notre Bibliothque Nationale, connu vulgairement sous le nom de
ANNE 188G.
^Q
318
grands bronzes de Commode ; ils ne sont pas moins multiplis sur ceux de Postume :
Hercule tait au nombre des divinits tutlaires de la famille impriale, mais peut-tre
n'avons-nous pas besoin de descendre si bas pour assigner, par induction, la date de
l'excution de notre vase. jL'origine et l'usage des reprsentations d'Hercule touffant le
lion de Nme peut tre -explique d'une faon beaucoup plus simple. Alexandre de
Tralles, dans sa Mdecine pratique, assure que la vue de ce sujet tait un excellent
prservatif de la colique. Il n'est pas impossible, il est mme trs probable que les
Romains, qui taient de trs grands mangeurs, pour ne pas dire plus, et trs superstitieux, l'aient choisi de prfrence pour dcorer leurs vases de table. Chez nous, au
Moyen-Age, l'image de saint Christophe, multiplie un peu partout, sur les places
publiques et dans les habitations prives, n'avait d'autre origine qu'une superstition du
mme genre.
Notre missorium, bien qu'indit, est loin
d'tre nouveau. Il faisait partie, vers Je milieu du sicle dernier, de la collection du
marquis Carlo Tivulzio. 11 a t possd plus
tard par Mme la princesse Beljoioso (ne
Christine Trivulzio), elle l'avait hrit de son
grand oncle. Tout rcemment il a fait partie
de l'exposition rtrospective de Milan, sans
cependant y attirer l'attention qu'il mritait,
comme cela arrive souvent dans ces expositions mles, plus mondaines qu'archologiques. Son existence dans les collections
pourrait remonter beaucoup plus haut. Nous
avons rencontr dans la suite des petits monuments de bronze de la Renaissance, bien
connus sous le nom de plaquettes, et milanaises pour la plupart, deux petits bas-reliefs
si videmment inspirs durelief de notre disque, que nous n'hsitons pas penser qu'il
tait dj connu Milan dans les premires annes du xvf sicle, qu'il fut plac dans un
trsor d'glise ou dans une collection prive, chez J.-J. Trivulzio peut-tre, et peut-tre
encore qu'il soit le seul parmi les monuments du mme genre qui soit arriv jusqu'
nous sans avoir travers des sicles d'enfouissement. Nous avons constat, dans les premires annes du xvc sicle, deux missorium dans le trsor du duc de Berry. Qu'y a-t-il
d'improbable d'en trouver encore un la fin de la mme priode, en Italie surtout, o
l'on tait plus artiste et plus respectueux que chez nous des monuments de l'antiquit ?
Nous donnons ici la reproduction de l'une des plaquettes que nous venons de citer,
l'autre, un peu plus grande, reprsente le hros debout, enlevant dans ses bras le
Eus. PIOT.
monstre qu'il touffe.
1
CHRONIQUE
dblaiement
du
glises
de
Les
et les catacombes pour s'emparer des
travaux
sphinx de Ghizeh sont pousss avec activit. Le corps saints, n'encouraient nullement le blme;
monstre de pierre se dgage peu peu. Le dblai on ne fltrissait gure que le voleur de seconde
a actuellementmis jour les pattes antrieures et main, qui osait soustraire au premier une part
une partie du flanc droit. Les pattes ne sont pas, de son bien.
comme le reste du monument, tailles en plein
* *
roc ; elles sont formes d'un assemblage de
DailS
briques cuites, de grandes dimensions, d'un
UNE NOUVELLE INSCRIPTION GAULOISE.
rose ple, dont la coloration reste assez bien la sance de l'Acadmie des Inscriptions du 26
dans la tonalit gnrale de la pierre calcaire novembre 1886, M. Bertrand a fait une communication sur une inscription gauloise qui a t
qu'elles remplacent.
Jusqu' prsent, la vue d'ensemble des parties signale aux environs de Nmes dans la recondcouvertes est peu satisfaisante. 11 y a dans les sti-uction d'un mur. Saint-Cmes, dans la
lignes de relles disproportions qui laissent proprit de M. Fabre. On y lit le nom de
croire que ce sphinx est d'un ge antrieur Doressiknos, fils de Daressos, puis le mot
celui des Pyramides et remonte une poque broloud qui parat signifier par jugement.
laquelle l'art gyptien balbutiait encore. A com*
bien de mille ans cela nous remonte-t-il? M. Grbaut, directeur du muse de Boulaq, n'a pas enSTATUE ARCHAQUE D'APOLLON. M. Hollcail
core perdu l'espoir de trouver une ouverture dans a communiqu l'Acadmie des Inscriptions
le flanc droit. Mais le sable est un ennemi avec (5 novembre 1886) un fragment de statue arlequel il faut compter, et il se passera encore chaque trouv en Botie, sur remplacement du
quelque temps avant qu'on ait pu le vaincre et sanctuaire d'Apollon Ptoos. Cette statue reprlui arracher le secret de l'intressant monument sente Apollon debout, entirement nu. Elle rentre
dans une srie de figures archaques d'Apollon,
qu'il enserre depuis tant de sicles.
de la seconde manire. Ce fragment a beaucoup
d'analogie avec l'Apollon de Piombino ( du
* *
l'Apollon
de
Louvre)
(du
la
Strangford
British
Dans
sance
et
RELIQUES.
VOL
DES
LE
l'Acadmie des Inscriptions du 5 novembre 1886, Musum), ce qui donne penser que ces diffM. Le Blant a lu un mmoire intitul : le Vol rents monuments sont des reproductions d'un
des reliques, dans lequel il cite un certain mme original, il y a grande apparence que cet
nombre de cas o, au Bas-Empire et au Moyen- original est la statue d'Apollon Didymen, oeuvre
Age, des reliques ont t voles, soit par des de Kanakhos de Sicyonc, consacre dans le tempersonnes qui en faisaient commerce, soit par ple des Branchides, prs de Milet. Une inscripdes fidles qui n'avaient pas d'autre but que tion grave sur les jambes du fragment dcouvert
d'tre en possession d'objets dignes de leur en Botie, permet d'affirmer qu'il n'est pas postvnration. Les esprits clairs considraient de rieur au milieu du ve sicle avant Jsus-Christ.
tels actes comme condamnables ; mais bien des Il remonte peut-tre la fin du vi sicle.
gens n'envisageaient pas ces larcins de la mme
*
faon. Ce qui le prouve, c'est que l'indulgence
du grand nombre semblait acquise aux auteurs
LES ARTISTES GRECS AU SERVICE DES PERSES.
de semblables mfaits. Si l'on en juge d'aprs M. Heuzey, l'occasion des dcouvertes de la
un passage d'Eginhard, ceux qui violaient les mission Dieulafoy, en Susiane, vient de publier
GYI'E.
320
CHRONIQUE.
*
LES ARNES DE LUTCE.
munication de M. P.-CharlesRobertl'Acadmie
des Inscriptions (29 octobre 1886), les fouilles
qu'on poursuit aux arnes de Lutce ont donn
lieu la dcouverte de nombreux objets dont la
classification mthodique a t faite par
M. Maurice du Seigneur. Ces objets, disposs
actuellement dans un muse provisoire, offrent
un certain intrt. Aussi M. Robert a-t-il
demand que ce muse provisoire devnt dfinitif et ft tabli dans une construction spciale
o figurerait, avec les antiquits retrouves, un
plan en relief restituant l'aspect primitif de
l'amphithtre.
LES
MTAUX
DANS
L'ANCIENNE
CHALDE.
CHRONIQUE.
321
tiquettes et disperss dans diffrentes vitrines. fort bel ensemble de manuscrits miniature, et
Grce l'initiative de M. Mowat, on vient de au premier rang le splendide vangliaire en
les rapprocher et de les grouper dans une vlin pourpre donn par Charlemagne Angilvitrine spciale. Les sept vases d'argent de bert, abb de Saint-Riquier et aujourd'hui la
Caubiac sont tous au Muse Britannique qui les bibliothque d'Abbeville. Dans la section de
acquit anciennement de la collection Payne peinture, citons les deux tableaux des xvie etxvne
Knight. Ce dernier les avait achets en 1790 sicles, provenant de la confrrie de N.-D. du
l'abb Tersan, qui lui-mme les tenait de Puy, faible pave d'un ensemble prodigieux
M. Cornac, propritaire du champ de Caubiac. que possdait jadis la cathdrale d'Amiens.
Enfin la cramique prsentait entre autres pices
{Bulletin pigraphique, 1886, p. 246.)
remarquables le grand plat d'aiguire de la
fin du xvi sicle et deux grands plateaux
**
L'exposition rtrospective de la Socit des sujets mythologiques en faence de Rouen apparAntiquaires de Picardie, qui s'est tenue au mois tenant M. le docteur Raymond, de Pierrede mai dernier Amiens, a prsent un rel fonds; une grande fontaine de Moustiers avec
intrt. Il faut savoir gr ses organisateurs sa vasque M. Dausse d'Amiens, et la belle
d'avoir tenu, quelques exceptions prs, vitrine de M. Jamel. En somme, exposition
n'exposer que des antiquits picardes ou faisant russie et de nature exciter les Socits savantes
partie de collections locales. Une des sections de province en entreprendre plus souvent du
les plus intressantes et peut-tre la plus origi- mme genre.
G. DURAND.
nale tait celle des antiquits gallo-romaines et
franqu.es. Les belles dcouvertes de Saleux, col
lection de M. Corserat d'Amiens, de Marchlepot, de Vermand etautresM. Jumeld'Amiens,
JEAN D'ORLANS, PEINTRE DES ROIS CHARLES VI
enfin de diverses localits de l'Aisne, envoyes ET
i CHARLES vu. M. L. Jarry vient-de publier
documents indits sur Jean Granc
par M. Pilloy de Saint-Quentin, formaient un d'importants
de Trainou, dit Jean d'Orlans, qui fut
bel ensemble de verreries, poteries armes, cher
c
;
de Charles VI et de Charles VII et du
bijoux, etc., entre antres la trs intressante peintre
]
Jean de Berry (Orlans, 1886, 16 p. in-8).
c
coupe de verre grav trouve prs d'Hombires duc
(Aisne) et que M. Pilloy a publie nagure clans 1La famille des Girard et des Jean d'Orlans qui
la Gazette Archologique (t. IX, p. 224). Ne fa occup une place distingue parmi les artistes
xive et du xv sicle est bien connue. On
citons deux charmantes statuettes en bronze que du
c
pour exprimer le regret que M. Danicourt, leur 1hsitait encore rattacher leur origiue la ville
ils portent le nom. La dcouverte de M. Jarry
heureux possesseur, n'ait pas jug propos dont
c
de donner davantage de la curieuse collection 1fait cesser toute incertitude. Dans un acte nole peintre Jean Grancher se dit formellequ'il a cre Pronne. Le Moyen-Age tait trs tari,
t
originaire de la paroisse de Trino ou
honorablement reprsent par les deux belles ment
i
situe quelques kilomtres d'Orlans.
'J
aumnires du xmc sicle de M. Delaherche Trainou
Beauvais ; la dalmatique de Thibaut de Nan- (Comme on retrouve le mme Jean Grancher.
teuil, voque de Beauvais (1283-1300), du muse jpeu do temps aprs, tabli la cour du duc Jean
piscopal de cette ville ; les toffes de M. Linard de
c Berry et travaillant Bourges jusqu'en 1460,
I Jarry en conclut que Jean dit d'Orlans et
de Verdun, sur une desquelles on a cru recon- M.
Grancher on le trouve souvent nomm
.1
natre les armoiries de familles picardes (xm6 Jean
Gancher, de Trino ou de Trainou ne sont
J
sicle) ; un grand nombre d'objets d'orfvrerie Jean
seul et mme personnage. Les preuves
des xm, xive et xv sicles, des collections qu'un
q
concluantes et la notice de M. Jarry
Spitzer et Desmottes Paris, des cathdrales paraissent
p
f avancer d'un grand pas l'histoire si obscure
d'Amiens, de Beauvais, de Soissons et d'un l'ait
grand nombre d'glises ; deux ou trois jolies eencore de nos anciens peintres du Moyen-Age.
J. GUIFFREY.
vierges en ivoire des xm" et xiv sicles; un
i
*
s
322
CHRONIQUE.
BIBLIOGRAPHIE
Beschreibende Darstellung der lteren Bau- und Kunstdenkmaelerder
Frstent. Schwarzburg-Sondershausen. 1 Heft :
Die Unterherrschaft. Sondershausen, Bertram,
210.
APFELSTEDT (F.).
in-8.
211. Beschreirung der Pergarnenisehen Bildwerke der knigi. Museen zu Berlin. 7 Auflage. Berlin, Spemann, in-8
212. Beschreirung der Gipsabgsse der in
Olympia ausgegrabenen Bildwerke der knigi.
Museen zu Berlin. 6Au(lage. Berlin, Spemann,
in-8.
213. DIEULAFOY (Mmo Jane). La Perse, la Chalde et la Susiane. Un vol. in-4 de 740 pages,
illustr. Paris, Hachette, 1887.
La Gazelle archologique contiendra, dans ses deux: premires livraisons de 1887, un mmoire important consacr
aux rsultats des fouilles archologiques de M. et M"
Dieulafoy Suse ; de magnifiques planches permettront
nos lecteurs de se rendre un compte exact de l'importance
de dcouvertes justement clbres, mais que le public ne
connat gure jusqu'ici que par des apprciations insuffisantes ou incompltes. En attendant, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de prsenter le magnifique ouvrage
que Madame Dieulafoy vient d'crire sur des pays qu'elle
a explors avec une intrpidit rare et qu'elle a su en comgnie de M. Dieulafoy, observer et apprcier avec uno
exprience et une sagacit qu'on voudrait rencontrer toujours chez les explorateurs. Ce volume, sans doute, n'est
pas consacr exclusivement l'archologie et la descripliondes ruines et des fouilles : il est rempli d'anecdotes
pittoresques, de scnes de moeurs originales ; c'est en un
mot le rcit au jour le jour, d'un voyage des plus prilleux,
des plus mouvements et des plus intressants. Mais nous
y trouvons la description de la plupart des monuments de
l'antique Iran, des palais de Perspolis et des fouilles de
Suse, et c'est ce point do vue que l'ouvrage doit tre
signal ici, car les circonstances qui entourent une dcouverte archologique contribuent souvent l'interprtation
des monuments mis au jour.
Les poques sassanide et musulmane sont reprsentes
par des palais, des forteresses, des mosques, dont on
nous fournit d'excellentes reproductions qui constituent
lse bases essentielles de l'histoire de l'art architectural
en Perse au moyon-ge. Je ne citerai comme exemple
caractrislique que la trs intressante.tude de la Masdjed
Chah d'Ispaban et sa comparaison avec les divers autres
types de mosques. J'ai hte d'arriver aux ruines achmnides que nous ne pouvons cependant qu'numrer. Ce
sont : le akht Mader Soleman (trne de la mre do
Salomon), rminiscence des terrasses des palais babyloniens, le tombeau de Cambyse I", les restes du palais
de Cyrus, les hypoges de Nakhch Roustem, creuss
ilans'le roc, et dont la faade est orne de grandes
sculptures des dynasties achmnide et sassanide, les
alecb-gas ou auLeis du feu de la mme rgion. Un chapitre
214. Fhrcr durch die Sammlung d. Kunstgewerbc-Museums der knigi. Museen zu Berlin. 6e Autlage. Berlin, Spemann, in-8".
215. MARINCOLA-PISTOIA (Domenico). DiTerina
e di Lao, citt italiotc dei Bruzii. Catanzaro,
Mazzocca, in-8.
La publication de cette tude d'archologie et de gographie historique a t provoque par les derniers tra vaux de Franois Lenormant sur l'Italie mridionale.
Dans son rapport au ministre do l'Instruction publique
{Gazette archol. 1883, p. 281 et suiv.), et dans son livre sur
la Grande Grce (t. III, ehap. 11), Lenormant cherche i\
tablir le site des trois villes antiques de Terina, de
Tomosa et de Nucria. Selon lui, Nucria tait la Nocera
actuelle Temesa correspond la localit appele Los
,
Mattonatte,
et Terina serait Santa Eufemia. Ces identifications corrobores de preuves nombreuses qui les rendent
trs probables, ne sont pourtant pas acceptes par tous
les savants italiens. M. Marincola-Pistoia notamment, en
323
CHRONIQUE.
ce qui concerne le site de Terina, dclare rester dans dos deux villes de Terina et de Laos forme deux chapitres
l'incertitude la plus absolue, et cependant il a recueilli et qu'on regrette, il est vrai, de ne pas voir accompagns de
critiqu avec soin tous les textes anciens. Il tient surtout vignettes ou de planches.
ce que l'on ne croie pas, comme l'a dit par erreur
E. BABELON.
Lenormant, qu'il identifie Terina avec Les Mattonate.
216.
Nacktrag
beschreibenden
Vcrzum
On n'est pas mieux fix en ce qui concerne le site de
l'antique colonie de Sybaris, appele Laos. Les uns la pla- zeichniss der Gemitlde der knigi. Museen zu
cent Laino, d'autres Pissunte ou Scalea. Au point Berlin. 2 Auflage. Berlin, Spemann, in-8".
de vue topographique, l'tude de M. Marincola-Pistoia
217. PAULI (G.) Die vorgriechische Inschriftvon
aboutit donc des rsultats ngatifs, et comme ce savant Lemnos. Leipzig, Barth, in-8.
habite sur les lieux, qu'il les a parcourus maintes et main218. PREUNER(A.). Bericht tiber die Mythotes fois en tous sons, comme il parait se servir judicieusement des textes anciens, nous devons croire que des logie in die Jahren 1876 85 und iber die
fouilles seules, entreprises sur une grande chelle, dtermi- Kunstarchologie in die Jahren 187485. (Exneraient la position des antiques villes de Terina et de Laos
qui sont loin d'tre, parmi les plus florissantes cits de la trait du Jahresbericht xxv. 1.) Berlin. Calvarv.
Grande Grce, les seules dont l'emplacement ne soit connu in-8.
qu'approximativement.
219. Verzeichniss der antiken Skulpturen
M. Marincola-Pistoia ne borne pas son tude ces
der
knigi.
Berlin,
Museen
Ausschlust
zu
m.
d'origine,
recherches topographiques. Il traite les questions
der pergarnenisehen Fundstcke. Berlin, Spe-de mythologie et d'histoire se rapportant aux deux villes
dont il s'occupe : la fontaine Age ou Ares, qui tait situe mann, in-8.
prs de Terina, et qu'on voit figurer sur les monnaies de
WATTENBACII (W.). Anleitung zur latei220.
cette cit ; le fameux mythe du dragon de Laos. Enfin la nischen Paliiographie. Leipzig, Hirzel, in-i.
numismatique si riche et artistiquement si remarquable
PRIODIQUES
REVUE ARCHEOLOGIQUE
.
GOZZADINI
SBFTEMBB.E-OCTOBRE 18SG
1886.
Nmes.
M.1RS-AVRII, 1S8G.
324
CHRONIQUE.
sur une inscription gallo-grecque, dcouverte avant J.-C. COUSIN (G.) et DIEHL (Ch.).
prs d'Apt. REVELLAT (J.-P.). Quelques ins- Inscriptions de Cadyanda enLycie HOLLEAUX
criptions romaines vues dans les dpartements (Maurice). Fouilles au temple d'Apollon Ptoos.
de la Drme et de l'Ardche. DELATTRE (le P.). Statue et fragments archaques.
Planches iv. Statue archaque trouve au
Inscriptions latines de Carthage. GERMERtemple
d'Apollon
(Botie).
DURAND (Fr.). Inscriptions de l'Aveyron.
Ptoos
vu. FragMOWAT (R.). Sigies et autres abrviations ments archaques provenant du mme endroit.
xi. Terres cuites de Myrina.
{suite).
BIAI-JUIS 8SG.
FVRIER 1880.
de
Myrina.
Terres
cuites
autographe
d'inscriprecueil
d'un
(R.). Notice
tions vues et dessines par feu le commandant
AVEU. 1SSG.
De la Mare. MOWAT (R.). Deux inscriptions
DURRBACH (F.) et RADET (G.). Inscriptions de
du cabinet de Lon Renier. MOWAT (R.). la PreRhodienne. HOLLEAUX (M.). Fouilles
Inscriptions de Kantara mentionnant Yala I au temple d'Apollon Ptoos. CLERC (M.). Les
Thracum Maurelana. MOWAT (R.). Le trsor ruines d'Aogae en Eolie REINACH (S.). Manche
de Caubiac au Muse Britannique. RETNACII de strigile grav, dcouvert Myrina. DIEHL
(S.). Au sujet d'une inscription de la Malga (Gh.) et COUSIN (G.). Inscriptions d'AIabanda
(Carthage). ESPRANDIEU (M.). Inscriptions en Carie. POTTIER (E.). Fouilles dans la
d Saint-Andr de Sorde et de Narbonne. ncropole de Myrina PAPPA-CONSTANTINOU
JULLIAN (C). Urne funraire du Muse de (M.). Inscriptions de Tralles. REINACH (S.).
Marseille. ROACH SMITH. Granit sur une Synagogue juive Phoce. CONTOLON (A.).
tuile de Londres. MARICHARD (0. de). Au Inscription de Sinyrne. MYLONAS (C).
sujet d'une inscription de Vagnas.
Uoijftr/.w. rr.v. o'.opOtoG=-.; HOLLEAUX (M.). Inscriptions funraires de Rhodes.
du
marbre
sicle
ve
Planches
Torse
en
vi.
BULLETIN DE CORRESPONDANCE HELLENIQUE
trouv dans le temple d'Apollon Ptoos. xiv.
.TAXVIER 188C.
de Myrina.
de
cuite
Groupes
terre
COUSIN (G.) et DURRBACH (F.). Bas relief de
3IAI-SOVEMBRE 18S0.
Lemnos avec inscriptions (vignette) HOMOLLE
PERROT (G.). Notes sur quelques poignards
(Th.). Note sur la chronologie des archontes
athniens de la seconde moiti du ne sicle deMycnes. PARIS (P.). Inscriptions d'Elate.
LA BERGE (C. de).
325
CHRONIQUE.
(A.). Fouilles Pompei. Description topographique des fouilles excutes dans le premier
trimestre de 1886. VOLANTE (Niccolo). Nouvelles recherches sur l'emplacement de l'antique
Petelia ; dcouverte de plusieurs inscriptions.
JUIN 1880.
(G.). 11 musaico marmoreo Colonnese (pi. i). Cette mosaque du prince Colonna
TOMASSETTI
II.
GATTi(G.).AlcuneosscrvazionisuggiiorreiGalbani.KoEPp(F.).ArchaischeSculpturcnin Rom
un nombreux mobilier funraire dont l'tude (pi. iv). Tte djeune homme en marbre conserve
est des plus intressantes pour l'histoire de l'art au Vatican, et que l'auteur rapproche del tte
chez les populations primitives de l'Italie sep- de Cladeos, trouve dans les fouilles d'Olympie.
tentrionale. {Deux planches). LANCIANI (R.). HELBIG (W.). Scavi di Corneto. BARBINI
Dcouvertes Rome de nombreuses inscrip- (A.). Tomba scoperta presso Grosseto.
NICHOLS (F.-M.). La Regia. Relation de la
tions.
dcouverte Rome, non loin du temple de
JUILLET 18S0.
VIGNOLA (Paolo). Fouilles excutes Vrone Vesta, de l'difice appel la Regia, restaur en
en 1885 et au commencement de 1886. Ces l'an de Rome 718 et qui existait encore au ni"
fouilles ont mis particulirement au jour une sicle de l're chrtienne. JORDAN (H.). Gli
mosaque formant le pavement d'une basilique edifizi antichi Ira il tempio di Faustina e Fatrio
chrtienne du vme sicle. CIPOLLA (C). Ins- di Vesta (pi. v, vi et vu) BENNDORF (0.). Ossercriptions trouves dans l'Adige, GAMURRINI vazioni sut Museo Torlonia. HENZEN (W.).
GAZETTE ARCHOLOGIQUE. ANNE 1SS0.
il
^26
CHRONIQUE.
nannten Amazonenstatueii. iiuNKEL (M.). Geweihter Frosch. WOLTERS (P.). Mittheilungen aus dem British Musum : 1. Praxitelisehe
Kpfe; 2. Zur Giganlomachie vonPrienne.
Planches. 1 et 2. Amazone in Petworth.
3. Amazonen A. in Berlin; B. in London.
4.
Amazone
in
Wrlitz.
Mannorkopl'e
5.
-
im British Musum.
Vignettes. P. (J. Der beleudc Knabe, unergnzt, nach einer Zeichnung von J.-D. Rambcrg.
Betender
P.
12.
Jungling,
Trinkschale
im
IJ Atlminislrateur-Granl,
S. C.OHN.
BAHELON
328
CHABOUILLET
59. "
BOUCHOT (Henri).
Cabinet des Mdailles, la Bibliothque Nationale, p. 5 24, 38 43, 138 160. 169
179, 300 312, 317.
Caesarea ( Statues provenant de), p. 60 63.
Calymno (Tte archaque grecque provenant de),
p. 239.
Cames conservs dans les glises au MoyenAge, p. 244, 245. du Cabinet des Mdailles
la Bibliothque Nationale, p. 16 24, 138
160, 169 179. du Cabinet de Vienne reprsentant Achille, p. 20, 244 253. (Grand)
de Vienne, p. 24'i 253. du Trsor de
Trves, p. 247. possds par Charles V,
177, 178, 179.
CARTAULT
COLLIGNON
329
COCRAJOD
p. 119, 120.
Drac (Statue de Jeanne du), femme de Philippe
de Morvillier, p. 210.
Dupr (G.), Graveur en mdailles et en pierres
dures, p. 159.
DURRIEU
1'
62.
trouv
torse
p.
330
p. 246, 247.
Ioniens (Sculpteurs), p. 240.
Isdoubar, divinit chaldenne, p. 120, 121.
Istar (La desse), p. 119, 121.
Ivoires de la Bibliothque de Rouen, p. 25 37.
de
la
collection
V. Gay, p. 34, 35.
p.
Jean, miniaturiste et moine du Mont-Cassin.
p. 192 201.
JEANNEZ (E. ). Le retable de la Passion de l'glise
d'Ambierle-en-Roannais, p. 221 234.
Jeux Actiens, p. 239.
Juba II, roi de Maurtanie, p. 61, 62.
Julie, fille de Titus, came d'Evodus, p. 152.
331
317,318
MOLINIER
MONCEAUX
(F.
DE).
p. 244 253.
262,263.
332
Naxos (Statue archaque dcouverte ), p. 239. PIOT (Eugne). Sur un missorium de sa collection, p. 180 185, p. 317, 318.
Neptune de Cherchel, p. 62. (Dispute de
Minerve et de), came, p. 174 178.
Plaquettes del Renaissance reprsentant HerNew-York (Muse de), p. 70.
cule touffant le lion, p. 318.
NICAISE (Auguste). Sur un buste antique en Plomb du Moyen-Age imitant un missorium
antique, p. 185.
marbre trouv au Chtelet (Haute-Marne),
Pomes latins lus au Moyen-Age, p. 43.
p. 254 256.
Poissy (Couvent de), p. 245, 252.
Niccolo, peintre de Florence, p. 257.
Poitiers (abbaye de Saint-Cyprien de), p. 278.
Noces d'Eros et de Psych, came sign Trvphon.
(caractristique des glises de), p. 280,
Poitou
p. 169, 170.
281.
Xogent-les-Vierges (glise de), p. 26 4 268. Pompain (Portail de l'glise de),
p. 292.
Nvmphe et Pan. terre cuite d Asie-Mineure, Prima
Lice (Le), p. 137, 138.
'p. 293 295.
Psycliouiachie de Prudence, p. 280.
Prudence; son pome de la psvehomachie,
Odiot (Collection E.). Paris, p. 33. 3 4.
p. 286.
Protarchos. nom d'un graveur eu pierres dures,
ODOBESCO (A.). Article sur une coupe d'argent de
p. 170, 171.
la dese Nana-Anat, p. 5 15, 70 86.
PROU (Maurice). Bassin de bronze du xi 1' ou du
Orchomne (Apollon d'), p. 237, 238, 239, 210.
xnc sicle reprsentant la jeunesse d'Achille,
au Cabinet des Mdailles, p. 38 43.
Orme (Philibert de 1'), p. 135 138.
Orsiui (Came de la collection de Fulvio) au Ptolme, fils de Juba II (Buste de),
trouv
333
de
Jean,
de
Bibliothque
Rouen,
ivoire
la
p.
Cherchel, p. 62.
Satyres conservs dans des Muses ou des collections particulires, p. 304, 305 308.
Types des) dans l'antiquit, p. 302, 303
312.
Scipion (bouclier de), missorium antique au
Cabinet des Mdailles, p. 317.
Sculptures de l'glise d'Aulnay, p. 285 292.
archaques
dcouvertes Perdigrecques
334
VILLEFOSSE
TABLE DE LA CHRONIQUE
DE LA GAZETTE ARCHOLOGIQUE POFR L'ANNE 1886
BIBLIOGRAPHIE
Archacologische Zeilung
..
Art(L')
...
167, 276
220
166, 323
Bulletin pigraphique
Bulletin de correspondance hellnique
324
. ..
Bulletin monumental
275
Bullettino dlia Commissionc archeologica
communale di Roma
166
Bullettino dell'imperiale instituto archeologico
<
325
Numismatic chroniclc
167
Numismatischc Zeilschrifl
168
Revue archologique
112, 166, 219, 323
Revue numismatique
112, 323
Zeitschrift fur X'uniismatik
168
....
AUS'M WEERTH.
335
105.
DERENBOURG (J. et H.). Les inscriptions phniciennes du temple de Seti Abydos, 163.
(J.
H.)
sabens
himyaLes
et
monuments
et
DIEHL.
tine, 56.
DIEULAFOY (Mme).
Susiane, 322.
DUFOUR.
La Perse, la Chalde et la
Tortorel, 106.
DUPLESSIS et BOUCHOT. Dictionnaire des marques
et monogrammes de graveurs, 106.
FLEURY (P. DE). Inventaire des meubles existant
dans les chteaux de La Rochefoucauld, de
Yerteuil et de la Terne, 216.
GARNIER.
106.
QUICHERAT.
WALDSTEIN.
Seillire.
11. Aiguire d'argent de la collection de M. le
Clc Serge Stroganoff.
12. Plat d'argent du Muse de l'Ermitage,
Saint-Ptersbourg.
336
13, 14, 15 et 16. Exemplaires royaux et princiers 26. Statue de Philippe de Morvillier, au Muse
du Miroir historial.
du Louvre.
17. A. La plus ancienne sculpture chaldenne. 27 et 28. Retable d'Ambierle.
B. Tablette du roi Our-Nina. C. Autre 29. Torses d'Actium.
fragment archaque.
30. L'glise de Nogent-les-Vierges (Oise).
18 et 19. Femmes groupes avec de petits Eros,
31.
Le
grand
Came
de
Vienne.
d'Asie-Mineure.
cuites
terres
Buste
32.
antique en marbre trouv au Chd'Anjou,
de
Louis
II
de
roi
20. Le portrait
telet.
Sicile, la Bibliothque Nationale.
21. Missorium en argent de la collection de 33. Fresques du Palais des Papes, Avignon.
34. 35 et 36. L'glise Saint-Pierre d'Aulnay
M. Eug. Piot.
(Charente-Infrieure).
du
du
Muse
Louvre.
prtendu
Inopos,
22. Le
23. Portrait de Charles Ier d'Anjou, miniatures 37 et 38. Pan et Nymphe. Ajax et Cassandre.
d'un manuscrit de la Bibliothque Na- 39 et 40. Satyre dansant, statuette de bronze
du Cabinet des Mdailles.
tionale.
2 4 et 25. Peintures du Palais des Papes, 41. La porte du Tabernacle de la Cuve baptismale du baptistre de Sienne.
Avignon.
1.
2.
3.
i.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
13.
14.
15.
16.
17.
18.
19.
20.
337
38
Prou
Les architectes du palais de Fontaine44 et 132
bleau par M. E. Molinier
,
Le repos d'Hercule, disque en bronze du
Muse de Constantinople, par M. A.
57
Hron de Villefosse
Statues de Cherchel, provenant du Muse
grec des rois maures, Ca3sarea, par
P. Monceaux
Le portrait de Louis II d'Anjou, roi de
Sicile, la Bibliothque Nationale, par
M.
60
192
257
208
221
235
227
293
299
301
313
327
334
335
336