Belna - Cantor Et Les Nombres Transfinis
Belna - Cantor Et Les Nombres Transfinis
Belna - Cantor Et Les Nombres Transfinis
1. Cantor aurait envisag en 1899 la publication dune troisime partie, consacre au thorme du bon ordre et
aux paradoxes de la thorie des ensembles (cf. section VII), mais le projet na pas abouti.
dont
mathmaticiens
la
signification
prfrent
alors
na
pas
parler
fixe
auparavant.
d explication ,
destine
Certains
faire
ensembles : deux ensembles sont quipotents sil existe une bijection de lun sur
lautre, cest--dire une application (une correspondance ou une loi de
correspondance , dit-il) de lun sur lautre et rciproquement, ce quil appelle
une correspondance biunivoque . Mais bien que Cantor montre que la relation
dquipotence entre deux ensembles est une relation dquivalence et en fait la
condition ncessaire et suffisante de lgalit de leurs nombres cardinaux , il ne
sen sert pas, contrairement certains de ses contemporains, pour dfinir le
nombre cardinal comme une classe dquivalence densembles en bijection
mutuelle : 1, par exemple, peut tre dfini comme la classe dquivalence de
tous les singletons, tous ncessairement en bijection. Dune manire gnrale,
Cantor rpugne utiliser le procd qui, partir dune relation dquivalence sur
un ensemble dobjets, en dfinit de nouveaux, savoir les lments de
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R sur
R est
II - LE THORME DE CANTOR-BERNSTEIN
Au 2 de son article, Cantor dfinit une relation dordre sur les cardinaux,
quil dsigne du mme signe que pour les entiers naturels, sans vrifier quelle
en est bien une extension. La dfinition elle-mme ne pose pas de difficult
particulire puisque Cantor prend soin de prciser que le rsultat ne dpend pas
des ensembles choisis pour reprsenter les nombres cardinaux donns.
Suivent trois propositions, dont voici les dmonstrations, que Cantor ne
donne quen partie. M et N sont deux ensembles tels que a = card M et
b = card N, a < b est dfini par deux conditions :
1) il ny a aucune partie de M qui soit quivalente N,
2) il y a une partie N1 de N telle que N1 M.
proposition :
Si
P1 P,
de
a < card P1
suit
a < card P.
On
card M < card P1. Les conditions qui dfinissent card M < card P sont satisfaites :
a. par dfinition, aucune partie de M nest quipotente P1, et donc a fortiori P
(sil existait une partie M1 de M quipotente P, il existerait aussi une partie
M2 de M1, et donc de M, quipotente P1) ;
b. par dfinition aussi, il existe une partie de P1, donc de P, quipotente M.
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4. La notation de logique mathmatique (M1 N) signifie quon nie la proposition (M1 N).
5. G. Cantor, ber unendliche lineare Punktmannigfaltigkeiten , Mathematische Annalen 21, 1883, p. 545586 ; repris sous la forme dun ouvrage dont le titre est : Grundlagen einer allgemein Mannigfaltigkeitslehre.
Ein mathematisch-philosophischer Versuch in der Lehre des Unendlichen, Leipzig, Teubner, 1883.
6. La dmonstration est emprunte E. Kamke, Theory of Sets, trad. F. Bagemihl, New York, Dover
Publications, 1950, p. 23-25.
(1a)
A1 B1 C1 = f(A) f(B) f(C) = f(A B C) = A,
(1b)
A A1, B B1, C C1,
(1c)
A1, B1 et C1 disjoints (car si A1 et B1, par exemple, avaient un
lment commun x, il serait limage par f dun lment de A et dun
lment de B, ncessairement distincts puisque A et B sont disjoints ;
comme A1 A, x est un lment de A et serait donc limage par f de
deux lments distincts de A B C, ce qui contredit le fait que f est
une bijection A B C sur A).
A
A1
B1
A2
A3
B3
B2
C1
C2
C3
= A (car D A)
Puisque A = D B1 C1 B2 C2 , on peut crire :
A B C = D B C B1 C1 B2 C2 , do :
A B = D B B1 C1 B2 C2
Comme C C1 C2 , il vient (A B C) (A B).
On a donc prouv le thorme (C*), donc le thorme (C) et par
consquent le thorme (B).
E=
D . Le
terme allemand actuel pour application , quon trouve lpoque chez Dedekind, est Abbildung .
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Cantor est relch puisque lapplication dsigne tantt la loi elle-mme par
recouvrement [], nous entendons une loi par laquelle , tantt limage de
lensemble le recouvrement correspondant de N sera appel f(N) , voire
limage dun lment llment de M li n est en quelque sorte une fonction
univoque de n et peut, par exemple, tre dsign par f(n) . Lexponentiation ou
lvation une puissance est classiquement dfinie laide de lensemble des
applications de N sur M, que Cantor note (N M) : si a = card M et b = card N,
ab = card (N M).
revient montrer que [0, 1] et lensemble des applications de N sur {0, 1} sont
quipotents. Avant dexposer sa dmonstration, observons que R est quipotent
]0, 1[ et donc [0, 1] : lapplication de ]0, 1[ vers R dfinie par x
1 2x
2
est
x x
une bijection. Cantor prouve donc que R et (N {0, 1}) sont quipotents, mais
le fait de ne considrer que les rels de partie entire gale 0 simplifie la
dmonstration.
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La dmonstration de Cantor
Comme le montre sa formule (12), Cantor utilise la mise sous forme
binaire ou dveloppement dyadique des rels x de lintervalle X = [0,
1] :
x=
f (1) f (2)
f ( )
+ 2 + ... + + ... [o f() = 0 ou 1]
2
2
2
lunion
identique
de
lensemble
X = [0, 1],
des
et
dveloppements
de
{s},
on
dyadiques
propres,
D = X {s},
do
= card (X {s}).
9. Un mme rel peut aussi avoir deux dveloppements dcimaux, par exemple 0,1 et 0,099999999 .
10. {t2-1} et {t2} sont donc respectivement constitus des lments de {t} dindices impairs pour le
premier ensemble, pairs pour le second.
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c = c
et
lquipotence entre ensembles dont ils sont les cardinaux, ces rsultats ont bien
la signification suivante :
Le continu de dimension comme le continu de dimension 0 ont la
puissance du continu unidimensionnel.
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entiers naturels est elle-mme fautive. Il avait pourtant une autre possibilit,
mais qui supposait dagencer son article diffremment : non pas tant dfinir 0
comme la classe dquivalence de tous les ensembles dnombrables, car on a vu
que ce type de dfinition lui rpugne, mais plutt driver la notion de nombre
cardinal de celle dordinal, ce quil fait en 1897 pour 1, le successeur de 0.
Le premier rsultat darithmtique transfinie est 0 + 1 = 0 (formule (2)),
ce qui revient dire que le successeur de 0 est 0. Il existe en effet une
bijection de N {e0} (e0 N) sur N : on associe par exemple 1 e0 et n + 1 n.
Une formule telle que (2) est videmment spcifique des nombres transfinis. Si
on y ajoute les formules (3) et (4), on caractrise 0 comme le plus petit nombre
cardinal transfini.
Cantor ne dmontre pas le thorme A Tout ensemble transfini a des
parties de nombre cardinal 0 avec toute la rigueur souhaitable. Il fait
observer quaprs avoir supprim un nombre fini dlments dans un ensemble
11. Dedekind, Que sont et quoi servent les nombres ?, trad. Hourya Benis Sinaceur, dans Dedekind, La
cration des nombres, Vrin, 2008.
12. Peano, Arithmetices prinicipia, nova methodo exposita, Turin, Fratres Bocca, 1889.
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cest le nombre cardinal de lensemble de tous les types dordre des ensembles
bien ordonns de cardinal 0.
Il y a une autre manire de construire une suite croissante de nombres
cardinaux, de la faon suivante : tant donn un nombre cardinal a, il est le
cardinal dun ensemble A, partir duquel on peut former lensemble P(A), dont
le cardinal est strictement suprieur celui de A. Mais ces deux modes de
construction ne se recouvrent pas : la thorie des ensembles ne permet pas de
montrer que 1, qui procde de 0 selon le premier, est gal card R, lui-mme
gal card P(N), et qui en procde galement, mais selon le second. Cest ce
propos que Cantor aurait pu noncer le thorme qui porte dsormais son nom,
et qui napparat nulle part dans larticle, alors quil la publi en 1891 : pour tout
ensemble A, card P(A) > card A, de sorte que pour tout nombre cardinal a, il en
existe un autre qui lui est strictement suprieur (cest sous cette dernire forme
que Cantor nonce son thorme).
lment . Mais cela nest pas toujours aussi simple, et laxiome du choix ne dit
pas, par exemple, comment faire de R un ensemble bien ordonn.
13. Le thorme G du 5 de larticle de Cantor est une formulation du thorme du bon ordre pour N.
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Elle ne permet pas de rsoudre un problme dont Cantor ne parle pas dans
son article et qui a contribu retarder la publication de sa seconde partie,
prcisment parce que, bien que layant formul de multiples reprises, il nest
pas parvenu lui trouver une solution. Cest le problme du continu, qui consiste
dterminer le cardinal c de lensemble des nombres rels. Aprs avoir dfini 1,
Cantor aurait pu noncer ce quon appelle aujourdhui lhypothse du continu
(HC), dont il a toujours t convaincu de la vrit : c = 1. Il a montr que
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rserve de dpasser les capacits de ZFC, quon puisse parvenir une solution
au problme du continu.
Et cest ainsi que Cantor, en dveloppant une vritable arithmtique des
nombres transfinis, a radicalement modifi le visage des mathmatiques.
(mai 2012)
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