Geopolitique Du Petrole Et Du Gaz

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Gopolitique du ptrole et du gaz.

Quelles perspectives de coopration Nord-Sud ?


Farid YAICI*.

Sil est des produits dont les prix nobissent pas tout fait aux lois conomiques
conventionnelles, cest bien les hydrocarbures, notamment le ptrole brut et le gaz naturel.
Il faut souligner dabord que les hydrocarbures sont des produits stratgiques de par leur
nature. Lhomme les consomme sous forme dnergie pour les services quils lui procurent :
chauffage, climatisation, cuisson, clairage et force motrice.
Les hydrocarbures constituent ensuite des ressources naturelles puisables terme et ne
sont donc pas renouvelables, du moins un horizon spatio-temporel raisonnable pour
lhomme. Extraites du sous-sol, des roches poreuses qui les emprisonnent, ces ressources qui
nexistent que dans certaines rgions du monde se sont formes par la dcomposition
dorganismes marins travers des ges pouvant aller jusqu plusieurs millions dannes.
Les hydrocarbures sont enfin ingalement rpartis dans le monde. Par consquent, leur
accaparement, leur extraction, leur transport, leur traitement et leur distribution ou
commercialisation peuvent gnrer des rentes pour ceux qui contrlent lune ou plusieurs de
ces tapes et influer fortement sur leurs prix. De plus, ces rentes sont ingalement rparties,
entre les producteurs et les consommateurs, auxquels sajoutent les spculateurs.
Ds lors, si les lois conomiques classiques et noclassiques nexpliquent pas seules les
fluctuations des prix des hydrocarbures, la gopolitique, entendue comme tant ltude des
rapports de force qui dterminent, dans une large mesure, le droulement des changes et le
comportement des agents conomiques 1 , trouve parfaitement sa place dans linterprtation
des rapports qui rgissent les acteurs de ce march. Dans ce cadre, les relations humaines et,
plus encore, les relations internationales sont rgies par des rapports de force. Cest pourquoi
le raisonnement conomique se rvle insuffisant pour expliquer lui seul les phnomnes
observs et surtout pour les anticiper ; tout simplement parce que certaines acteurs, qui sortent
de la logique conomique, deviennent dominants.
Aussi, les donnes gographiques, mais galement les positions de force financires,
technologiques ou mme politiques, du reste jamais dfinitivement acquises, peuvent tre
dcisives en matire davantages comparatifs procurs diffrents acteurs dun mme
march.
LAlgrie, dont les recettes dexportation proviennent 98 % des recettes dexportation
des hydrocarbures et dont la valeur du Produit Intrieur Brut (PIB) est constitue plus de 60
% de la valeur des hydrocarbures est confronte un double problme. Dune part, bien que
bnficiant depuis plus de cinq ans de lembellie sur la scne ptrolire internationale, son
influence relative sur le march pose le problme de sa vulnrabilit en cas de retournement
de situation. Dautre part, sa quasi-dpendance des hydrocarbures, conjugue lpuisement
terme de ses rserves, pose celui de la pertinence de laffectation de ses ressources.
Dans ce qui suit, nous allons ainsi tudier la gopolitique du ptrole et du gaz en
sappuyant sur lanalyse de filire. Cette analyse qui consiste dissquer, par une approche
minemment cartsienne, les diffrentes phases de la mise en uvre dune matire
stratgique (extraction, production, transport, stockage, transformation et distribution) permet
didentifier pour chacune des tapes les positions de force qui peuvent exister, les solutions
alternatives envisageable s et les points de passage obligs. Disposant de cet inventaire, il
convient alors de sefforcer dapprcier la valeur relle de ces positions, leurs limites et leurs
faiblesses et, pour ce qui nous concerne, le rle et la place de lAlgrie dans ce contexte.
* Matre de Confrences la Facult de Droit et des Sciences Economiques de lUniversit Abderrahmane Mira
de Bjaa, Algrie.
1
Andr Giraud et Xavier Boy de la Tour, 1987, Gopolitique du ptrole et du gaz. Ed. Technip. Paris. P. 25.

Pour ce faire, nous allons progresser en trois sections. La premire section tudiera les
donnes mondiales du ptrole. La seconde section analysera les stratgies des acteurs. La
troisime section tentera dapprcier les perspectives de coopration de lAlgrie.
1. LES DONNEES MONDIALES DU PETROLE : UN CONSTAT PREOCCUPANT.
Pour comprendre le fonctionnement du march ptrolier international, il est ncessaire de
procder au pralable lexamen des donnes mondiales en ce produit.
En effet, outre la prminence du ptrole sur les autres nergies, ce qui fait de son prix le
prix directeur de lnergie 2 , la structure de la production et de la consommation, la
localisation des rserves et le ratio de rserves/production expliquent, pour une large part, les
enjeux pour le contrle des sources de production (cas de la guerre en Irak 3 ), lemprise sur le
transport, la constitution de stocks stratgiques, la comptition pour la matrise de la
technologie (techniques de rcupration, raffinage et dveloppement des nergies
renouvelables et/ou alternatives au ptrole) et surtout le partage de la rente.
1.1. Production et consommation.
Tableau 1 : Structure de la production et de la consommation mondiale de ptrole.

Le tableau 1 montre que lOPEP 4 , avec ses 30,6 millions de barils/jour en 2000, est
responsable de 40 % de la production mondiale de ptrole brut tandis que lAmrique du
Nord, lExtrme-Orient/Ocanie et lEurope Occidentale runis consomment 58,8 millions de
barils/jour, soit plus de 76 % de la production mondiale.
2

Cf. notre thse de doctorat dEtat en Sciences Economiques, 2001, Etude des prix et analyse de la spcificit
de la formation des prix des hydrocarbures. , Alger.
3
Cf. notre confrence, 7 avril 2003, Guerre en Irak : les enjeux ptroliers. , Universit de Bjaa, Rsum
publi dans le quotidien Le Matin n 3390 du 10 avril 2003.
4
Le sigle OPEP dsigne lOrganisation des Pays Exportateurs de Ptrole, cre en 1960. Elle tait compose de
dans sa phase magnifie de 13 pays : Vnzula, Algrie, Libye, Nigeria, Arabie Saoudite, Irak, Kowet, Iran,
Qatar, Emirats Arabes Unis, Indonsie, Equateur et Gabon.

LAfrique hors OPEP, avec 2,2 millions de barils/jour, lAmrique Latine hors OPEP et le
Proche-Orient hors OPEP, avec 4,5 millions de barils/jour chacun et lEurope Orientale, avec
7 millions de barils/jour, nen consomment respectivement que 2,85 %, 5,84 % chacun et 9,09
%. Le tableau 1 montre alors nettement les dficits en production des grandes rgions
consommatrices de ptrole, savoir lAmrique du Nord avec un besoin de 9,6 millions de
barils/jour, lExtrme-Orient/Ocanie avec un besoin de 13,6 millions de barils/jours et enfin
lEurope Occidentale avec un besoin de 8,2 millions de barils/jour.
Par pays, et titre indicatif, lArabie Saoudite est le premier producteur mondial de ptrole
en 2000 avec ses 417 millions de tonnes, soit 12,5 % du total mondial, suivi de la Russie avec
316 millions de tonnes et des Etats-Unis avec 290 millions de tonnes.
1.2. Les rserves.
Graphique 1 : Les rserves mondiales de ptrole et leur localisation.

Les rserves de ptrole sont ingalement rparties dans le monde. Le Moyen-Orient dtient
lui seul 685,6 milliards de barils de ptrole, soit 65,3 % des rserves mondiales de ptrole,
suivi loin derrire de lAmrique Centrale et du Sud avec 96,0 milliards de barils (9,1 %), de
lAfrique avec 76,7 milliards de barils (7,3 %), de lex-URSS avec 65,4 milliards de barils
(6,2 %), de lAmrique du Nord avec 63,9 milliards de barils (6,1 %), de lAsie du Pacifique
avec 43,8 milliards de barils (4,2 %) et enfin de lEurope avec 18,7 milliards de barils (1,8
%). A titre indicatif, signalons que lIrak possde les 2mes rserves mondiales de ptrole aprs
lArabie Saoudite.
Le graphique 2 montre quen termes de ratios de rserves/production, le Moyen-Orient
dispose de prs de 90 ans de production au rythme de production actuel (base : 2001), suivi de
lAmrique Centrale et du Sud (prs de 40 ans), lAfrique (prs de 30 ans), lex-URSS (un
peu plus de 20 ans), lAsie du Pacifique (15 ans), lAmrique du Nord (12 ans) et enfin
lEurope (8 ans).

Ainsi, lexamen des donnes sur la localisation des rserves mondiales de ptrole nous
renseigne que le Moyen-Orient restera encore pendant longtemps le pourvoyeur principal en
ptrole du monde sil ny a pas de nouvelles dcouvertes majeures dans des zones hors OPEP
tandis que les grandes rgions consommatrices de ptrole (lEurope, lAmrique du Nord et
lAsie du Pacifique) ont un ratio de production annuel allant de 8 15 ans au maximum, au
rythme de production actuel (base : 2001).
Graphique 2 : Ratios de rserves/production (2001).

1.3. Les stocks.


Aprs le choc ptrolier de 1973 et la cration de lAgence Internationale de lEnergie
(AIE), une politique de stockage avait t labore par les pays membres. Des stocks
importants de ptrole et de produits raffins, commerciaux et stratgiques, sont ainsi
constitus soit pour encadrer le march et contrler son orientation, pour les premiers, soit
pour tre utiliss en cas de rupture des approvisionnements et faire lobjet dun partage entre
les pays membres, pour les seconds.
En novembre 2001, le prsident amricain Georges Walker Bush a donn lordre ce que
son pays commence porter le maximum de ses rserves ptrolires 700 millions de barils
de ptrole. Elles atteignent en 2004 le volume record de 640 millions de barils.5
Les Etats-Unis jouent galement un rle actif au sein de lAIE, dont les 26 Etats membres
se sont engags maintenir des rserves ptrolires durgence en matire doffre. Lensemble
des stocks de ptrole des membres de lAIE atteignent en 2004 prs de 4 milliards de barils,
dont 1,4 milliard est sous le contrle direct des Etats membres et le reste entre les mains des
socits ptrolires.
5

Abraham Spencer, mai 2004, La politique nergtique des Etats-Unis et la scurit nergtique mondiale.
Perspectives conomiques. P. 5.

Pour lanecdote, certains de ces stocks supplmentaires ne ncessitent mme pas de


nouveaux investissements pour les Etats Unis puisquils les disposent dans leurs anciens
gisements de ptrole puiss.
Envisags initialement pour prvenir dventuelles mais nanmoins hypothtiques ruptures
des approvisionnements qui seraient le fait de lOPEP ou dventuels conflits de guerre, une
partie de ces stocks, les stocks commercialisables, est livre la spculation sur les marchs
spot, agissant ainsi sur le mouvement des prix ptroliers.
Graphique 3 : Evolution des stocks commercialisables entre janvier 2000 et dcembre
2001 :

Comme le montre le graphique 3, les Etats occidentaux peuvent utiliser les stocks
commercialisables de ptrole pour inflchir les prix (dstockage). Ils peuvent aussi en
accumuler des stocks (stockage) en priode de dtente sur le march ptrolier.
1.4. Le transport.
Le transport joue galement un rle important dans la dtermination des prix du ptrole
brut. Ainsi, par exemple, selon que le produit est enlev du Canada ou du Mexique pour tre
transport en Etats Unis ou quil est enlev du Moyen-Orient pour tre achemin en Amrique
du Nord, son prix de vente ultime peut varier de quelques dollars par baril, la distance
sparant le point de dpart de la marchandise et son lieu de destination pouvant varier de
plusieurs milliers de kilomtres.
Par ailleurs, le graphique 4 montre que, parce que les gisements de ptrole sont
ingalement rpartis dans le monde, les flux dchanges sont trs denses avec les grandes
rgions consommatrices de ptrole.

A titre dexemple, les Etats Unis importent du ptrole du Canada (88 millions de tonnes
annuellement), dAmrique centrale (70,8 millions de tonnes), dAmrique latine (126,3
millions de tonnes), de la Mer du Nord (46,2 millions de tonnes), du Nigeria (68,1 millions de
tonnes) et enfin du Moyen-Orient (138,0 millions de tonnes).
Le graphique 4 nous montre aussi que le Moyen-Orient est le pourvoyeur de la plupart des
rgions du globe. En effet, en plus des Etats Unis, le Moyen-Orient alimente lEurope (176,2
millions de tonnes), lAsie centrale (34,2 millions de tonnes), lAsie du Sud (316,7 millions
de tonnes) et enfin lExtrme-Orient (208,8 millions de tonnes).
LAfrique du Nord (lAlgrie), quant elle, vend pour 96,9 millions de tonnes de ptrole
brut annuellement lEurope occidentale, sa principale destination.
Graphique 4 : Le transport et les flux dchange ptroliers.

1.5. Les prix.


Jusquen 1973, le march ptrolier international tait domin par sept grandes socits 6 qui
affichaient les prix auxquels elles taient prtes acheter ce ptrole aux Etats producteurs.
Depuis 1971-72, les nationalisations ainsi que les prises de participation dans les actifs de
socits ptrolires ont rduit quelque peu linfluence de celles-ci sur la production de ptrole
brut, ce qui a donn un pouvoir relatif lOPEP et conduit un relvement des prix ptroliers.
6

Dnommes les Sept Surs ou Majors et formant un cartel, les sept socits sont : Standard Oil of New Jersey
(Exxon), Mobil Oil, Texaco, Gulf Oil, British Petroleum, Shell et Standard Oil of California (Socal). Elles
constituent encore en 1986 les sept plus grands groupes mondiaux en termes de chiffres daffaires [LExpansion,
novembre 1985, p.203].

Les prix du ptrole brut ont alors t quadrupls en quelques mois seulement, passant pour le
brut saoudien de rfrence Arabian Light de 3,011 dollars au 1er octobre 1973 11,651
dollars le baril partir du 1er janvier 1974. En 1979-80, avec le dclenchement de la guerre
Iran-Irak, le prix grimpe de nouveau jusqu 32 dollars le baril.
En 1986, le march ptrolier international connat une baisse drastique des prix du ptrole
brut qui passent ainsi denviron 30 dollars le baril 15 dollars le baril en moyenne.
En 1991, la suite de la guerre du Golfe, les prix du ptrole sont remonts, dpassant les
30 dollars le baril, avant de baisser de nouveau la fin de la guerre.
Dans le courant du mois daot 2004, le prix du baril de ptrole a frl les 50 dollars,
consquemment la guerre en Irak, laffaire Enron (compagnie ptrolire amricaine
aujourdhui en faillite et dont on a dabord tent de dissimuler les dboires), la crise
politique au Vnzula, aux difficults financires que rencontrent Ioukous (gant ptrolier
russe) et enfin la croissance conomique exceptionnelle en Chine. En aot 2005, le prix du
baril de ptrole a encore augment pour dpasser la barre symbolique des 70 dollars.
Nanmoins, tous les spcialistes saccordent sur le fait que si les prix continuent tre
aussi levs, ils entraneraient une baisse de la croissance conomique mondiale et, par voie
de consquence, un retournement de situation sur le march ptrolier international et donc une
chute brutale des prix du ptrole brut, ce qui nest souhaitable ni pour lOPEP, ni pour les
compagnies ptrolires.
En ralit, depuis le dbut des annes 1970, les prix du ptrole nont cess de connatre une
instabilit, pouvant tre multiplis ou diviss par deux trois, voire quatre, en quelques mois
seulement comme le montre lchantillon ci-aprs entre 1998 et 2002.
Graphique 5 : Evolution des cours du brent de la Mer du Nord de 1998 2002.

En effet, entre dcembre 1998 et aot 2000, les cours du brent de la Mer du Nord ont t
multiplis par 3,4, soit en 20 mois seulement. De novembre 2000 novembre 2001, le prix du

brent a t divis par 2, soit en 12 mois seulement. Enfin, de dcembre 2001 octobre 2002,
les mmes cours ont t multiplis par 1,6, soit en 10 mois.
Ainsi, le march ptrolier international est entr depuis le dbut des annes 1970 dans une
instabilit permanente comme en tmoigne le mouvement erratique de ses prix alors que
pendant plus dun sicle (1870-1970) il a connu une relative stabilit (voir graphique 6).
Celui-ci donne lvolution des prix du ptrole depuis 1861 jusqu 2001 en prix courants et
en prix constants. Il montre clairement que cest depuis le dbut des annes 1970 que les
vnements ont une consquence directe sur les prix ptroliers.
Graphique 6 : Evolution du prix du ptrole depuis 1861.

Il faut souligner, par ailleurs, que les cots dextraction du ptrole brut peuvent changer
considrablement dune rgion de production une autre. Ainsi, ils peuvent varier de
plusieurs de dollars par baril selon que le ptrole est produit au Moyen-Orient, la Mer du
Nord ou dans lAlaska.
2. LA REVUE DES ACTEURS : LE POIDS DOMINANT DES ETATS-UNIS.
Les Grandes socits ptrolires, lOrganisation des Pays Exportateurs de Ptrole,
lAgence Internationale de lEnergie, les Etats-Unis, et aujourdhui les nouveaux acteurs
contribuent par leurs poids relatifs, leurs actions et leurs stratgies influencer et faonner
le march ptrolier international et, par voie de consquence, peser sur les prix du ptrole
brut. Mais, il est indniable que la politique nergtique amricaine a toujours jou et
continuera encore jouer un rle primordial dans lorientation du march ptrolier
international.

2.1. Les Socits ptrolires.


Pendant prs dun sicle, le march ptrolier international tait domin par sept grandes
socits, dnommes les Sept Surs ou Majors, qui opraient aussi bien aux Etats Unis qu
ltranger, au moyen de concessions acquises auprs des gouvernements locaux. Elles fixaient
elles- mmes leurs prix et contrlaient le volume de ptrole disponible sur les marchs
internationaux. En 1973, ces socits fournissent 1 364,8 millions de tonnes quivalent ptrole
(tep), soit plus de 70 % de la production ptrolire mondiale. Elles ont ralis, cette mme
anne, un chiffre daffaires de 108,2 milliards de dollars et un profit net de 8 813 millions de
dollars [J-M. Chevalier, Economie de lnergie, Dalloz, Paris, 1986, p.222].
Lorsque, dans les annes 1970, lOPEP a rduit quelque peu le droit de proprit de ces
socits et leur contrle de la production de ptrole brut, faisant ainsi passer leur production,
en 1983, 584,5 millions de tep [J-M. Chevalier, 1986, p. 223], soit moins de la moiti de ce
quelles produisent en 1973, les Majors dcident alors de modifier profondment leurs
comportements aussi bien dans le domaine de lexploration et de la production (activits
situes en amont) que dans le domaine du raffinage et de la distribution (activits situes en
aval). Elles ont alors subi des changements structurels profonds qui ont transform leur rle et
leurs stratgies. Aussi, ces socits ont-elles cherch recentrer leurs approvisionnements sur
les zones considres comme sres , cest dire essentiellement les Etats Unis, le Canada,
la Mer du Nord et lAlaska ? Cest la phase des changements structurels.
Depuis la deuxime hausse des prix du ptrole brut, en 1979, laccent est alors mis sur une
politique de croissance externe base de fusions-absorptions. Les stratgies ainsi dveloppes
consistent en le recentrage des approvisionnements vers les zones sres et rentables, la
diversification conglomrale dans le nuclaire, le solaire, voire dans le hors-nergie, la
diversification dans les nergies traditionnelles (ptrole, charbon, gaz naturel) et enfin le
dveloppement de nouveaux circuits de commercialisation (march spot, march terme,
march du netback, accords de procecing et accords ptroliers de troc) 7 .
Aujourdhui encore, les grandes socits continuent leur politique de fusions-absorptions.
Les Majors, gantes entreprises multinationales, dominent plus fortement le march la suite
des fusions ralises depuis 5 ans : lamricaine Exxon-Mobil (1998), langlo-amricaine BPAmoco-Arco (1998 et 1999), langlo- nerlandaise Shell, l'amricaine Chevron-Texaco
(1999), la franaise Total-Fina- Elf (1999), litalienne ENI font partie des plus grandes
entreprises du monde.
En coulisses, la cartellisation va mme plus loin. Par exemple aux Etats-Unis, Shell Oil Co
et Texaco dtiennent tous deux Equilon Entreprises LLC. Equilon dirige le raffinage, le
marketing, le transport et le commerce des lubrifiants de Texaco et de Shell dans le Midwest
et dans l'Ouest des Etats-Unis. Dans la majeure partie des grands domaines d'exploration
ptrolire comme le bassin de la mer Caspienne et de l'Asie centrale, les mmes compagnies
gantes forment des consortiums et des joint-ventures comme l'Azerbadjan International Oil
Consortium.
Ainsi, malgr lintermde de la dcennie 1970 de prpondrance de lOPEP, les Grandes
socits ptrolires continuent de jouer un rle important sur le march ptrolier international.
2.2. LOrganisation des Pays Exportateurs de Ptrole.
Cre en 1960, linitiative du Vnzula, ce nest que dix aprs que lOPEP devient
agissante. Il est vrai que, dj en 1965, lOrganisation adopte un plan de fixation de la
production et les quotas par pays mais ce nest quen 1970 que les prix affichs sont aligns,
7

Cf. notre mmoire de Magister en Planification, 1990, Essai danalyse du fonctionnement du march
ptrolier international et des effets de ses perturbations sur lconomie algrienne. , INPS, Alger.

pour la premire fois, vers le haut, quil y a eu un nouveau mode de calcul des diffrentiels de
densit, des garanties contre linflation et la suppression des rabais-OPEP.
En 1971-72, les nationalisations et les prises de participation dans les actifs des socits
ptrolires aidant, puis, en 1973, la faveur du conflit isralo-arabe, les prix du ptrole ont t
quadrupls en quelques mois, puis doubl en 1979-80, la suite du dclenchement de la
guerre Iran-Irak.
Mais, trs vite, des dissensions, des contradictions et des divergences sont apparues au sein
de lOPEP, au niveau des quotas de production et des diffrentiels de prix.
Dans ce contexte, lArabie Saoudite est sans conteste une pice matresse dans le jeu
nergtique mondial. Au cours de lanne 1984 et au dbut de lanne 1985, elle joue
pleinement son rle de producteur dappoint, allant mme jusqu produire en de de son
quota. En avril 1985, sa production a t rduite 3,4 millions de barils/jour. Ainsi, pour la
premire fois, la production de la Mer du Nord (3,6 millions de barils/jour) est suprieure
celle de lArabie Saoudite 8 .
Cependant, lArabie Saoudite ne tardera pas abandonner son rle de producteur dappoint
pendant quelques mois, contribuant la guerre des prix qui allait conduire leffondrement
des prix ptroliers en 1986. Au premier trimestre 1986, la production de lArabie se situerait
entre 5 6 millions de barils/jour, alors quelle tait de 2 millions en octobre 1985.
Ds lors, les divergences au niveau des quotas de production et au niveau des diffrentiels
de prix ont cristallis des forces antagoniques au sein de lOPEP.
Ainsi, devant la stagnation ou la baisse de la consommation ptrolire mondiale, lide
sest rapidement impose aux pays producteurs de lOPEP que le soutien des prix passait par
une limitation volontaire de loffre. Le 20 mars 1982, Vienne, lOPEP prenait donc la
dcision historique de fixer un plafond de production de 17,5 millions de barils/jour. Leffort
tait rparti entre ses membres au moyen de quotas de production spcifiques. Cette dcision
nallait pas empcher les prix de baisser.
En effet, faute de pouvoir couler leur production au prix officiel, celui-ci tant nettement
suprieur au prix spot, dans un contexte dexcdent de loffre sur la demande, certains pays
membres de lOPEP ont cherch divers biais, recourant notamment des accords de
procecing, qui consistent faire traiter leur ptrole brut dans des raffineries trangres et
vendre le produit fini sur le march libre, ou encore des accords de troc (marchandises
changes contre ptrole).
Ces pratiques dissimulent, en fait, des rabais systmatiques et un dpassement du plafond
de production officiellement allou, ce qui constitue une source de discorde entre les pays de
lOPEP.
Par ailleurs, les diffrents ptrole nayant pas la mme qualit (lgret, teneur en souffre,
etc.), leurs prix sont affects de diffrentiels positifs ou ngatifs par rapport au ptrole de
rfrence (Arabian Light de 34 API 9 ). Cependant, lvolution de la technologie de raffinage
a quelque peu rduit cet avantage. La rente diffrentielle de qualit de 4,5 dollars le baril qui
sparait les bruts lourds des bruts lgers ne se justifiait plus.
Ainsi, deux lments fondamentaux dans la dtermination des prix ptroliers, la structure
des prix et le respect des quotas, divisent toujours les pays de lOPEP.
Aujourd'hui, si les lments qui ont divis lOPEP par le pass ont pratiquement disparu,
dautres comportements sont apparus. Ainsi, de nombreux pays membres de lOPEP font
prvaloir le prtexte quils ont fait de nouvelles dcouvertes qui pourraient justifier la rvision
de leurs quotas de production au sein de lOrganisation.

8
9

Cf. Le Monde du 14 mai 1985.


American Petroleum Institute. Le degr API mesure la densit dun ptrole.

On peut citer lexemple de lIran qui prtend avoir fait de nouvelles dcouvertes qui le
placerait au deuxime rang mondial des rserves de ptrole, aprs lArabie Saoudite,
dtrnant ainsi lIrak.
En effet, le ministre du Ptrole iranien Bijan Namdar Zanganeh a affirm le 3 juillet 2004
que son pays avait ravi son voisin irakien la place de deuxime pays ptrolier du monde, en
termes de rserves, aprs de rcentes dcouvertes. Il a expliqu que lIran possdait dsormais
des rserves exploitables de lordre de 132 milliards de barils, soit 11,4 % des rserves
mondiales, derrire lArabie Saoudite qui possde 262,7 milliards de barils, soit 22,9 % des
rserves mondiales et devant lIrak qui possde 115 milliards de barils, soit 10 % des rserves
mondiales 10 .
2.3. LAgence Internationale de lEnergie.
LAgence Internationale de lEnergie (AIE), qui a t cre en 1975, a mis en place un
important dispositif pour contrecarrer laction de lOPEP.
Quand en 1973, les pays de lOPEP augmentent le prix du ptrole brut, les pays capitalistes
industrialiss, leur tte les Etats-Unis, se mobilisent pour rduire nant tout pouvoir de
lOPEP. Cest dans ce cadre qua t cre lAgence Internationale de lEnergie qui met en
uvre un important dispositif destin dstabiliser et faire pression sur lOPEP [OCDE,
1978].
Ainsi, lAIE a uvr rentabiliser au maximum le dveloppement de sources dnergies
alternatives au ptrole (ptrole des schistes bitumineux, sables asphaltiques, charbon gazifi,
charbon liqufi, etc.). LAgence a galement labor une politique de stockage en
accumulant dimmenses stocks de ptrole brut et de produits raffins pour encadrer de
manire durable le march et contrler son orientation. Dun autre ct, lAIE oeuvra pour
rorienter linvestissement ptrolier et nergtique international vers des rgions hors Tiers
monde (malgr un cot dextraction lev), juges politiquement sres comme la Grande
Bretagne, la Norvge et autres, ce qui a permis de livrer le ptrole la spculation sur les
marchs spot.
Paralllement la politique de rduction de la consommation, les firmes de lnergie et les
gouvernements des pays consommateurs industrialiss ont accumul des stocks importants
pour prvenir une ventuelle mais nanmoins hypothtique utilisation de larme ptrolire et
surtout pour agir sur le mouvement des prix.
Par ailleurs, les Etats membres de lOCDE disposent de rserves stratgiques (voir
graphique 3) qui ne seraient utilises quen cas de rupture des approvisionnements.
Lensemble de ces stocks, commerciaux et stratgiques, fait lobjet dun accord de partage, en
cas durge nce, entre les membres de lAIE.
2.4. Les Etats-Unis.
Une anne aprs les attentas du 11 septembre 2001, les Etats Unis redfinissent
profondment leur stratgie de scurit nationale en fonction de ce quils peroivent comme
tant les deux grandes menaces de laprs-guerre froide, savoir la prolifration des armes
non conventionnelles et le terrorisme islamiste international.
Sagissant des moyens, aprs soulign quil ne reste aujourdhui quun seul modle
acceptable dans le monde, le libralisme, et que les Etats Unis jouissent dune force militaire
sans gale et dune trs grande influence conomique et politique, le document 11 publi la
10

Cf. La Tribune, Rubrique Economie, Dimanche 11 juillet 2004.


Voir The National Security Strategy of the United States of America, Washington, D. C., White House,
September 2002.
11

fin de lanne 2002 note que, pour lutter contre cette menace, les Etats Unis devront mettre en
uvre chacune des armes dont ils disposent : la puissance militaire, une meilleure dfense de
leur territoire, un renforcement de la loi et les services de renseignement.
Par ailleurs, les Etats Unis avertissent que bien quils soient prts dployer tous leurs
efforts pour obtenir le soutien de la communaut internationale, ils nhsiteraient pas agir
seuls titre prventif contre ce quils appellent les Etats voyous et leur clientle terroriste
avant quils ne soient capables de brandir ou dutiliser des armes de destruction de masse
contre les Etats Unis et leurs allis et amis.
La doctrine Bush vise en fait, selon ses concepteurs, promouvoir la dmocratie au
Moyen-Orient et partout dans le monde en vue dagir sur les causes profondes du terrorisme.
La guerre contre lIrak est alors conue comme une guerre ayant pour but de transformer un
pays en laboratoire politique vocation rgionale.
Mais, la guerre en Irak a t assez largement interprte comme tant motive par des
objectifs ptroliers 12 . En effet, lIrak possde les deuximes rserves mondiales de ptrole
aprs lArabie Saoudite. Dans ses meilleures annes, lIrak, avec ses 2,8 millions de barils
jours, est responsable de 5 % de la production mondiale de ptrole. Il pourrait produire
jusqu 6 millions de barils/jours.
En tout tat de cause, les Etats-Unis prvoient que leur consommation totale dnergie
passera de 98 000 trillions de BTU (unit thermique britannique) en 2002 136 000 trillions
de BTU en 2025 et que leurs importations nettes dnergie devraient reprsenter plus du tiers
de la demande amricaine en 2025 au lieu du quart lheure actuelle. Une large part de cette
nergie importe est constitue par le ptrole, et lon sattend ce que lOPEP soit la
principale source dapprovisionnement ma rginal qui permettra de faire face la demande
croissante de ptrole. En effet, dici 2025, la production de lOPEP devrait presque doubler.
Dans lhypothse dune augmentation de 3 % par an du produit intrieur brut amricain
pendant la mme priode, la demande totale de ptrole des Etats-Unis pourrait passer de 20
28 millions de barils par jour. En consquence, les importations amricaines nettes de ptrole,
principalement en provenance du golfe persique, pourraient passer de 53 70 %. 13
Ds lors, les Etats-Unis pensent que la scurit nergtique ne consiste pas simplement
assurer lapprovisionnement court terme mais quun accs fiable des services nergtiques
un prix abordable, non polluants et rendement lev est galement indispensable la
croissance et au dveloppement conomiques.
Pour cela, leur approche en matire de scurit nergtique est guide par les principes
suivants :
- dabord, la conciliation de laccroissement de leur production avec un nouvel accent sur
lutilisation de sources dnergie propres et rendement lev ;
- ensuite, laccroissement de leurs rapports avec les pays consommateurs et producteurs ;
- enfin, le dveloppement et la diversification de leurs sources dapprovisionnement.
Par ailleurs, les Etats-Unis veulent mettre laccent partout dans le monde sur les mesures
axes sur lconomie de march et la coopration internationale.

12

Voir, pour un retour sur la crise irakienne mettant laccent sur la divergence entre motifs affichs et motifs
rels de Washington, T. de Montbrial, 2003, Perspectives , RAMSES 2004, Paris.
13
Abraham Spencer, mai 2004, Op. Cit. P. 1.

1.6. Les nouveaux acteurs.


Si, du ct de loffre, la Russie est dj une superpuissance nergtique et que le bassin de
la mer caspienne offre dnormes possibilits, notamment celle daccrotre la production, qui
pourrait passer de 1,6 million de barils par jour en 2001 5 millions de barils par jour en
2010, du ct de la demande, la Chine constituera lavenir un acteur srieux qui psera de
tout son poids sur la scne nergtique mondiale. (Voir Graphiques 7 et 8)
Par ailleurs, si les pays de lOCDE produisent en 2001 autant de ptrole que le MoyenOrient, le contingentement de cette rgion ne pourrait tre soutenu dans lavenir o en 2030,
le Moyen-Orient serait responsable de presque la moiti de la production mondiale de ptrole,
avec la concentration des importations partir de cette rgion du globe. (Voir Graphiques 9 et
10)
i) La Chine.
La Chine dont les importations nettes reprsentent moins de 2 millions de barils de ptrole
par jour en 2001, pourrait importer 10 millions de barils par jour en 2030. Cela quivaudra
aux importations ptrolires nettes des Etats-Unis et du Canada runis en 2001.
A lhorizon 2030, les importations nettes des Etats-Unis et du Canada runis atteindraient
16 millions de barils de ptrole par jour.
Graphique 7 : Les importations ptrolires de la Chine en 2001 et en 2030.

Source : IFRI.
Par ailleurs, la part de la demande ptrolire de la Chine par rapport la demande
mondiale de ptrole passera de 4 % en 1990 12 % en 2030.
En valeur absolue, la demande de ptrole de la Chine passerait de 2 millions de barils par
jour en 1990 14 millions de barils par jour en 2030.

Graphique 8 : La part de la demande ptrolire de la Chine par rapport la demande


mondiale de ptrole.

Source : IFRI.
ii) Le poids relatif du Moyen-Orient.
Si le Moyen-Orient produit en 2001 environ 30 % de la production mondiale de
ptrole, soit un peu plus que ce que produisent les Etats de lOCDE durant la mme anne, il
pourrait tre responsable de prs de 45 % de la production mondiale de ptrole lhorizon
2030.
Graphique 9 : Production de ptrole de lOCDE et du Moyen-Orient de 1965 2001.

Source : IFRI.

Graphique 10 : Concentration de loffre ptrolire au Moyen-Orient lhorizon 2030.

Source : IFRI.
3. LES PERSPECTIVES DE COOPERATION DE LALGERIE : UN DILEMME
EN MATIERE DAFFECTATION DES RESSOURCES.
Les perspectives de lAlgrie en matire nergtique sont prometteuses pour encore de
nombreuses annes et le retour des compagnies trangres ne fera que conforter cette
affirmation14 . En effet, les recettes algriennes dexportation dhydrocarbures reprsentent
depuis au moins trois dcennies environ 98 % de ses recettes totales dexportation. Plus de 50
% de ces exportations ont pour destination lUnion europenne.
Si le ptrole brut occupe actuellement une place prpondrante dans la structure des
recettes des exportations algriennes dhydrocarbures, le gaz naturel, qui reprsente 70 % de
la consommation dnergie primaire dans le bilan nergtique national, alimente hauteur de
40 % ces mmes recettes dexportation et constitue prs de 50 % des volumes
dhydrocarbures exports. Le gaz naturel est appel ainsi jouer un rle plus important
compte tenu de laugmentation de la demande mondiale en ce produit. Lapplication de la
directive europenne concernant la libralisation des marchs gaziers et le dclin des rserves
de ptrole sont deux facteurs qui renforcent ce rle. Il faut savoir, en effet, que le ratio des
rserves de ptrole brut de lAlgrie est denviron 20 ans, tandis que celui du gaz naturel est
denviron 40 ans, au rythme de production actuel (base 2000).
Il est donc clair que lavenir nergtique de lAlgrie rside dans les exportations de gaz
naturel et que son partenaire privilgi sera lEurope, compte tenu de sa proximit mais aussi
de la spcificit du transport de cette nergie (acheminement par gazoducs) et dont
linvestissement a dj t ralis. De lautre ct, et selon des prvisions pessimistes, la
demande gazire des pays de lUnion europenne qui tait de 255 Gm3 en 1990 est passe
390 Gm3 en 2000 pour atteindre 455 Gm3 en 2010. Ces projections se basent sur un taux de
croissance moyen de 4 % entre 1990 et 2000 et 1,5 % entre 2000 et 2010.

14

Cf. A. Khelif, 4me trimestre 1999, La rforme du secteur des hydrocarbures en Algrie. , In Revue du
CREAD n 50, Alger.

Sur la base de tels scnaris conservateurs, Eurogas prvoit un dficit dapprovisionnement


des pays de lUnion de 40 Gm3 en 2010 et de plus de 130 Gm3 en 2020 (pour une demande
globale suprieure 480 Gm3 ). De mme, toujours selon Eurogas, la dpendance des pays de
lUnion vis vis des importations de gaz, qui est aujourdhui de 40 % de leurs besoins,
passerait 56 % en 2010 et 71 % en 2020. La dpendance nergtique de lUnion (toutes
nergies confondues) atteindrait 70 % en 2030.
Le passage de lUnion des 15 lUnion des 25 ne devrait pas affecter fondamentalement
les tendances prsentes. Bien au contraire, laugmentation de la population de lUnion
denviron 380 millions prs de 455 millions aprs lintgration des 10 nouveaux pays et
lindigence de leurs ressources nergtiques, conjugue la vtust de leurs industries,
accentueraient les besoins de lUnion. Les importations seraient concentres partir de la
Russie et de lAlgrie qui dtiennent, avec le Moyen-Orient, les plus grandes rserves
mondiales de gaz naturel.
Evidemment, les hypothses esquisses ci-dessus dpendront beaucoup de la politique
nergtique europenne envisage et dont les priorits pour demain visent contrler la
croissance de la demande.
Les objectifs de lUnion consistent, entre autres, en le rquilibrage des modes de
transport, les conomies dnergie, le dveloppement de sources dnergie moins polluantes,
la prservation de laccs aux ressources et enfin lassurance dun approvisionnement externe
constant. Ces objectifs sinscrivent, bien sr, dans le cadre dun programme plus global
consistant en une stratgie europenne de scurit dapprovisionnement nergtique.
Par ailleurs, il faut se rappeler quen plus du fait que lconomie algrienne est une
conomie en dveloppement dont il faut satisfaire les besoins en nergie en forte croissance et
en garantir la couverture long terme.
Il faut galement assurer son financement par les recettes dexportation, notamment en
hydrocarbures, mme si la stratgie de dveloppement long terme devrait tre axe sur la
diminution de la dpendance vis vis des hydrocarbures en rduisant la part de ces derniers
dans le PIB. De plus, le gaz naturel tant appel jouer un rle beaucoup plus important
lavenir, il sagit aussi de maintenir et de consolider les marchs de ce produit et pntrer de
nouveaux marchs.
3.1. Le commerce des hydrocarbures entre les deux rives de la Mditerrane et la
structure des approvisionnements en nergie de lEurope occidentale.
En Algrie, les rserves dhydrocarbures reprsentent, en 1990, prs de 13 milliards de
Tep, tandis que les rserves rcuprables reprsentent environ 4 milliards de Tep. Ces
dernires se rpartissent comme suit : 69 % pour le gaz naturel, 17 % pour le ptrole brut, 10
% pour le condensat et 4 % pour le GPL (Gaz de ptrole liqufi). Les exportations des
hydrocarbures et drivs vers lEurope occidentale ont reprsent pour la mme anne
environ 70 %, dont plus de 40 % pour les seuls pays France (19 %), Italie (18 %) et Espagne
(4 %). Avec environ 10 Mtep exports vers lEurope occidentale, en 1990, lAlgrie contribue
pour environ 15 % lapprovisionnement en hydrocarbures de cette rgio n.
Cest dire combien leffet de la proximit peut fonctionner entre les pays des deux rives de
la Mditerrane sur la densification de leur commerce en nergie. LEurope occidentale
compte, en 1990, 9 % de la population mondiale et contribue pour 22,3 % lactivit
conomique mondiale, mesure en volume. Elle consomme 18 % de lnergie mondiale
primaire mais ne possde que 7 % des rserves mondiales prouves de charbon, 2 % des
rserves mondiales prouves de ptrole et 5 % des rserves mondiales prouves de gaz
naturel. Cest donc une rgion importatrice nette dnergie et qui le restera dans lavenir
prvisible. Aprs lan 2000, le pourcentage dnergie primaire importe devrait augmenter.

Tableau 2 : Donnes globales pour lEurope occidentale (en valeur absolue) :


1960
1970
1980
1990
2020*
Population en millions
371,50
407,20
433,50
454,10
480,20
PIB en volume, mesur en
milliards de dollars (1985)
1693,40 2718,70 3694,00 4664,00
9500
PIB par habitant, en dollars
(1985)
4558,00 6677,00 8521,00 10271,00
19419
Besoins en nergie primaire, en
Mtep
662,00
1072,00 1306,00 1462,00
1726
Besoins en nergie primaire par
habitant, en Tep
1,78
2,63
3,01
3,22
3,53
Consommation
totale
dlectricit, en TWh
611,70
1238,60 1892,10 2468,40
3900,00
Consommation dlectricit par
habitant, en MWh
1,65
3,04
4,36
5,44
7,97
* : Estimation. Source : ONU, CME.
Ce tableau montre que si la population de lEurope occidentale naugmente que de 30 % en
60 ans, passant de 371,5 millions en 1960 489,2 millions en 2020 (estimation), le PIB,
mesur en milliards de dollars de 1985, est multipli par 5,6 dans la mme priode, passant de
1693,4 en 1960 9500 en 2020 (estimation).
Le PIB par habitant, en dollars de 1985, est multipli par 4,26 dans la mme priode,
passant de 4 558 19 419.
Les besoins en nergie primaire, mesurs en Mtep, augmentent de 160 % en 60 ans,
passant de 662 en 1960 1726 en 2020 (estimation). Les besoins en nergie primaire, par
habitant, en Tep, sont presque multiplis par 2 dans la mme priode, passant de 1,78 en 1960
3,53 en 2020 (estimation).
Enfin, la consommation totale dlectricit, en TWh, sest multiplie par 6,4 en 60 ans,
passant de 611,7 en 1960 3900 en 2020 (estimation). La consommation dlectricit, par
habitant, en MWh, est multiplie par 4,8 dans la mme priode, passant de 1,65 7,97.
Le tableau suivant donne lvolution des mmes indicateurs, en pourcentage, par tranches
de 10 ans, pour la mme priode allant de 1960 jusqu lan 2020.
Tableau 3 : Donnes globales pour lEurope occidentale (en pourcentage) :
19601970198019901970
1980
1990
2020*
Augmentation annuelle en % de la population
mondiale
0,9
0,6
0,5
0,2
Taux de croissance annuels en % du PIB
4,8
3,1
2,4
2,4
Taux de croissance annuels en % du PIB par
habitant
3,9
2,5
1,9
2,1
Taux de crois sance annuels en % des besoins
en nergie
4,9
2,0
1,1
0,6
Taux de croissance annuels en % de lnergie
par habitant
4,0
1,4
0,7
0,3
Taux de croissance annuels en % de la
consommation dlectricit
7,3
4,3
2,7
1,5
Taux de croissance annuels en % de la
consommation dlectricit par habitant
6,3
3,7
2,2
1,3
* : Estimation. Source : ONU, CME.

Avec la Charte europenne de lnergie, solennellement paraphe La Haye les 16-17


dcembre 1991, le commerce de lnergie est appel crotre encore plus entre les deux rives
de la Mditerrane, particulirement aprs lan 2000. La Charte se fixe trois objectifs
principaux : le dveloppement des changes grce un march ouvert et concurrentiel des
produits, matriaux, quipements et services lis lnergie ; le dveloppement de la
coopration dans le domaine de lnergie ; laccroissement des rendements nergtiques et la
protection de lenvironnement.
Par cette Charte, les signataires encourage nt fortement laccs aux marchs locaux et
internationaux des produits nergtiques et recommandent de faciliter le jeu des forces du
march et de promouvoir la concurrence . Pour dvelopper et diversifier le commerce de
lnergie, ils entreprennent progressivement de supprimer les barrires ce commerce. De
plus, ils admettent que le transit des produits nergtiques par leurs territoires est
essentiel la libration de ce commerce.
Tableau 4 : Approvisionnements en nergie en Europe occidentale :
Charbon Ptrole Gaz
Nat.
Structure des appro.
en nergie en 1990
en Mtep
Structure des appro.
en nergie en 2020
en Mtep
Variation dans la
structure des appro.
entre 1990 et 2020 en
Mtep
Variation en % dans
la
structure
des
appro. entre 1990 et
2020 en Mtep
Rpartition en % des
appro. en nergie en
1990
Rpartition en % des
appro. en 2020*

Energie
nuclaire

Hydro- Tradi- Nou- ToElectr. tionnel velles tal


-les

333

568

254

169

99

20

19

1462

352

534

354

244

149

20

73

1 726

+ 19

- 34

+ 100

+ 75

+ 50

+ 54 +264

+6

-6

+ 39

+ 44

+ 51

+ 284 + 18

23

39

17

12

100

20

31

21

14

100

* : Estimation. Source : ONU, CME.


Ce qui est intressant relever dans ce tableau est limportance des approvisionnements en
nergies fossiles de lEurope occidentale, soit respectivement 79 % en 1990 et 72 % en 2020,
les autres nergies (nuclaire, hydrolectricit, traditionnelles et nouvelles) se rpartissent le
reste. De plus, le ptrole et le gaz naturel, eux seuls, reprsentent plus de la moiti des
approvisionnements de lEurope occidentale en nergie (56 % en 1990 et 52 % en 2020).

3.2. Lavenir du gaz naturel et la contribution de lAlgrie lapprovisionnement de


lEurope occidentale.
Bien que le gaz naturel ait contribu en 1990 20 % des besoins mondiaux dnergie (alors
que lhuile en fournissait 40 %), les rserves sont plus difficiles estimer. De plus, nous
trouvons beaucoup plus dtudes sur le ptrole que sur le gaz.
Les raisons sont que :
- le gaz naturel na t reconnu que rcemment, cest--dire depuis le premier choc
ptrolier de 1973-1974, comme une source dnergie part entire et non plus comme un
sous-produit de lactivit ptrolire, o il tait envoy la torche ;
- la diffrence du ptrole, il y a peu ou pas de communication entre les trois principaux
marchs du gaz naturel (Amrique du Nord, Europe, Japon). Ces marchs doivent, pour des
raisons conomiques videntes, tre aliments par les rserves productrices les plus proches.
Il est donc difficile de parler dun march mondial du gaz.
On sait, cependant, que les rserves mondiales prouves de gaz naturel ont t estimes, en
1990, environ 100 000 milliards de m3 . Les rserves ultimes mondiales peuvent tre deux
trois fois plus grandes. A titre de comparaison, les rserves prouves de ptrole brut sont
estimes, en 1990, 100 milliards de tonnes (soit 750 milliards de barils), tandis que les
ressources ultimes mondiales de ptrole brut conomiquement ou conventionnellement
rcuprables sont de 300 milliards de tonnes (2200 milliards de barils).
Il faut savoir aussi que les ressources ultimes sont des ressources qui nont pas toutes t
dcouvertes. Les chiffres comprennent donc les dcouvertes futures ainsi que celles rsultant
des techniques de rcupration assiste appliques aux ressources actuelles et futures. Les
rserves prouves, quant elles, ont t dfinies par la commission des oprations en bourse
des Etats-Unis (SEC) comme tant constitues des quantits estimes dhuile et de gaz
naturel liqufi ou non qui peuvent tre considres, partir de leurs caractristiques
gologiques et techniques, comme raisonnablement rcuprables dans le futur partir des
rservoirs connus et dans les conditions conomiques et opratoires actuelles . Les facteurs
conomiques qui permettent de transformer les ressources en rserves sont le prix du baril de
ptrole, le progrs technologique et les fa cteurs politiques.
En Europe occidentale, la consommation du gaz est presque entirement assure par
lintermdiaire de pipelines internationaux. En plus de la mer du Nord et de la Russie qui
possdent toutes deux des rserves importantes, lAlgrie possde aussi des rserves
considrables en gaz naturel pouvant servir dapprovisionnement lEurope. En cas
dinsuffisance, le Gaz Naturel Liqufi (GNL) pourrait partir galement dAlgrie pour
alimenter lEurope.
Riche en gaz naturel et possdant prs des trois quarts de la production gazire de
lAfrique et la quasi- totalit de ses exportations, lAlgrie est le cinquime producteur et le
cinquime exportateur mondial de gaz naturel. Par ailleurs, rgion pionnire sur le plan du
commerce international de gaz naturel, avec les premires expditions intercontinentales de
GNL et la canalisation marine grande profondeur Transmed, lAlgrie possde un important
rseau de gazoducs passant soit par la Tunisie ou la Libye pour arriver en Europe via lItalie,
puis la France, soit par le Maroc pour y arriver via lEspagne et le Portugal.
Sur le plan de la production, la position dominante de lAlgrie parmi les producteurs
africains (Nigeria, Egypte et Libye, entre autres, qui, avec lAlgrie, se partagent 98 % de la
production du continent) devrait se maintenir au cours des prochaines dcennies. De plus, si,
globalement, la production commercialise de lAfrique est estime 100 Mtep pour lan
2000, celle de lAlgrie, elle seule, reprsente les deux tiers.

CONCLUSION.
Au total, le march ptrolier international parat tre lun des plus complexes et des plus
passionnants parmi les marchs des matires premires. La spcificit du ptrole brut,
ressource puisable terme et ingalement rpartie dans le monde, ajoute aux tensions autour
de ce produit, stigmatise les rapports de force et complique la dtermination de son prix qui
nobit pas seulement aux lois du march. Lorsque le ptrole sera puis, cest le gaz qui le
remplacera, puis le charbon aprs avoir rsolu ses problmes de pollution.
Mais, ds prsent, on pense dvelopper de nouvelles technologies pour le long terme,
notamment en ce qui concerne lhydrogne et la squestration du carbone, en plus de la
matrise du nuclaire. Cest du moins ce que prvo ient les Etats-Unis pour continuer
dvelopper leur conomie tout en accroissant leur scurit nergtique. Ils doivent nanmoins
limiter le plus possible les effets de lutilisation de lnergie sur lenvironnement.
Quant aux pays mergents, dont la Chine, qui sont appels consommer de plus en plus de
ptrole et de gaz naturel, du fait de leur croissance rapide, ils vont contribuer exacerber les
tensions qui existent ds prsent sur les marchs de ces produits.
Certains dentre-eux, limage de lAlgrie, qui exportent aujourdhui ces ressources
doivent en plus faire un arbitrage.
Larbitrage, pour lAlgrie qui est aujourdhui un pays monoexportateur, devrait se faire
entre une approche physique ou comptable, base sur des volumes, et une approche
conomique, base sur la recherche dune valorisation maximale des ressources du pays lie
des objectifs de dveloppement conomique et social.
Dans le cas de la seconde approche, lconomie algrienne possde dimportants atouts
pour sadapter et tirer profit des nouvelles conditions des marchs. Sa proximit du march
europen, son norme potentiel nergtique, notamment en combustibles fossiles, sa fiabilit
comme source dapprovisionnement, ses capacits dvacuation, la flexibilit que donnent les
deux formes dexportation (gazoducs et gaz liqufi) ainsi que la possibilit dintervenir sur
les marchs spot sont autant datouts quil faudra exploiter pour obtenir une meilleure
valorisation des exportations algriennes dhydrocarbures.

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