Geopolitique Du Petrole Et Du Gaz
Geopolitique Du Petrole Et Du Gaz
Geopolitique Du Petrole Et Du Gaz
Sil est des produits dont les prix nobissent pas tout fait aux lois conomiques
conventionnelles, cest bien les hydrocarbures, notamment le ptrole brut et le gaz naturel.
Il faut souligner dabord que les hydrocarbures sont des produits stratgiques de par leur
nature. Lhomme les consomme sous forme dnergie pour les services quils lui procurent :
chauffage, climatisation, cuisson, clairage et force motrice.
Les hydrocarbures constituent ensuite des ressources naturelles puisables terme et ne
sont donc pas renouvelables, du moins un horizon spatio-temporel raisonnable pour
lhomme. Extraites du sous-sol, des roches poreuses qui les emprisonnent, ces ressources qui
nexistent que dans certaines rgions du monde se sont formes par la dcomposition
dorganismes marins travers des ges pouvant aller jusqu plusieurs millions dannes.
Les hydrocarbures sont enfin ingalement rpartis dans le monde. Par consquent, leur
accaparement, leur extraction, leur transport, leur traitement et leur distribution ou
commercialisation peuvent gnrer des rentes pour ceux qui contrlent lune ou plusieurs de
ces tapes et influer fortement sur leurs prix. De plus, ces rentes sont ingalement rparties,
entre les producteurs et les consommateurs, auxquels sajoutent les spculateurs.
Ds lors, si les lois conomiques classiques et noclassiques nexpliquent pas seules les
fluctuations des prix des hydrocarbures, la gopolitique, entendue comme tant ltude des
rapports de force qui dterminent, dans une large mesure, le droulement des changes et le
comportement des agents conomiques 1 , trouve parfaitement sa place dans linterprtation
des rapports qui rgissent les acteurs de ce march. Dans ce cadre, les relations humaines et,
plus encore, les relations internationales sont rgies par des rapports de force. Cest pourquoi
le raisonnement conomique se rvle insuffisant pour expliquer lui seul les phnomnes
observs et surtout pour les anticiper ; tout simplement parce que certaines acteurs, qui sortent
de la logique conomique, deviennent dominants.
Aussi, les donnes gographiques, mais galement les positions de force financires,
technologiques ou mme politiques, du reste jamais dfinitivement acquises, peuvent tre
dcisives en matire davantages comparatifs procurs diffrents acteurs dun mme
march.
LAlgrie, dont les recettes dexportation proviennent 98 % des recettes dexportation
des hydrocarbures et dont la valeur du Produit Intrieur Brut (PIB) est constitue plus de 60
% de la valeur des hydrocarbures est confronte un double problme. Dune part, bien que
bnficiant depuis plus de cinq ans de lembellie sur la scne ptrolire internationale, son
influence relative sur le march pose le problme de sa vulnrabilit en cas de retournement
de situation. Dautre part, sa quasi-dpendance des hydrocarbures, conjugue lpuisement
terme de ses rserves, pose celui de la pertinence de laffectation de ses ressources.
Dans ce qui suit, nous allons ainsi tudier la gopolitique du ptrole et du gaz en
sappuyant sur lanalyse de filire. Cette analyse qui consiste dissquer, par une approche
minemment cartsienne, les diffrentes phases de la mise en uvre dune matire
stratgique (extraction, production, transport, stockage, transformation et distribution) permet
didentifier pour chacune des tapes les positions de force qui peuvent exister, les solutions
alternatives envisageable s et les points de passage obligs. Disposant de cet inventaire, il
convient alors de sefforcer dapprcier la valeur relle de ces positions, leurs limites et leurs
faiblesses et, pour ce qui nous concerne, le rle et la place de lAlgrie dans ce contexte.
* Matre de Confrences la Facult de Droit et des Sciences Economiques de lUniversit Abderrahmane Mira
de Bjaa, Algrie.
1
Andr Giraud et Xavier Boy de la Tour, 1987, Gopolitique du ptrole et du gaz. Ed. Technip. Paris. P. 25.
Pour ce faire, nous allons progresser en trois sections. La premire section tudiera les
donnes mondiales du ptrole. La seconde section analysera les stratgies des acteurs. La
troisime section tentera dapprcier les perspectives de coopration de lAlgrie.
1. LES DONNEES MONDIALES DU PETROLE : UN CONSTAT PREOCCUPANT.
Pour comprendre le fonctionnement du march ptrolier international, il est ncessaire de
procder au pralable lexamen des donnes mondiales en ce produit.
En effet, outre la prminence du ptrole sur les autres nergies, ce qui fait de son prix le
prix directeur de lnergie 2 , la structure de la production et de la consommation, la
localisation des rserves et le ratio de rserves/production expliquent, pour une large part, les
enjeux pour le contrle des sources de production (cas de la guerre en Irak 3 ), lemprise sur le
transport, la constitution de stocks stratgiques, la comptition pour la matrise de la
technologie (techniques de rcupration, raffinage et dveloppement des nergies
renouvelables et/ou alternatives au ptrole) et surtout le partage de la rente.
1.1. Production et consommation.
Tableau 1 : Structure de la production et de la consommation mondiale de ptrole.
Le tableau 1 montre que lOPEP 4 , avec ses 30,6 millions de barils/jour en 2000, est
responsable de 40 % de la production mondiale de ptrole brut tandis que lAmrique du
Nord, lExtrme-Orient/Ocanie et lEurope Occidentale runis consomment 58,8 millions de
barils/jour, soit plus de 76 % de la production mondiale.
2
Cf. notre thse de doctorat dEtat en Sciences Economiques, 2001, Etude des prix et analyse de la spcificit
de la formation des prix des hydrocarbures. , Alger.
3
Cf. notre confrence, 7 avril 2003, Guerre en Irak : les enjeux ptroliers. , Universit de Bjaa, Rsum
publi dans le quotidien Le Matin n 3390 du 10 avril 2003.
4
Le sigle OPEP dsigne lOrganisation des Pays Exportateurs de Ptrole, cre en 1960. Elle tait compose de
dans sa phase magnifie de 13 pays : Vnzula, Algrie, Libye, Nigeria, Arabie Saoudite, Irak, Kowet, Iran,
Qatar, Emirats Arabes Unis, Indonsie, Equateur et Gabon.
LAfrique hors OPEP, avec 2,2 millions de barils/jour, lAmrique Latine hors OPEP et le
Proche-Orient hors OPEP, avec 4,5 millions de barils/jour chacun et lEurope Orientale, avec
7 millions de barils/jour, nen consomment respectivement que 2,85 %, 5,84 % chacun et 9,09
%. Le tableau 1 montre alors nettement les dficits en production des grandes rgions
consommatrices de ptrole, savoir lAmrique du Nord avec un besoin de 9,6 millions de
barils/jour, lExtrme-Orient/Ocanie avec un besoin de 13,6 millions de barils/jours et enfin
lEurope Occidentale avec un besoin de 8,2 millions de barils/jour.
Par pays, et titre indicatif, lArabie Saoudite est le premier producteur mondial de ptrole
en 2000 avec ses 417 millions de tonnes, soit 12,5 % du total mondial, suivi de la Russie avec
316 millions de tonnes et des Etats-Unis avec 290 millions de tonnes.
1.2. Les rserves.
Graphique 1 : Les rserves mondiales de ptrole et leur localisation.
Les rserves de ptrole sont ingalement rparties dans le monde. Le Moyen-Orient dtient
lui seul 685,6 milliards de barils de ptrole, soit 65,3 % des rserves mondiales de ptrole,
suivi loin derrire de lAmrique Centrale et du Sud avec 96,0 milliards de barils (9,1 %), de
lAfrique avec 76,7 milliards de barils (7,3 %), de lex-URSS avec 65,4 milliards de barils
(6,2 %), de lAmrique du Nord avec 63,9 milliards de barils (6,1 %), de lAsie du Pacifique
avec 43,8 milliards de barils (4,2 %) et enfin de lEurope avec 18,7 milliards de barils (1,8
%). A titre indicatif, signalons que lIrak possde les 2mes rserves mondiales de ptrole aprs
lArabie Saoudite.
Le graphique 2 montre quen termes de ratios de rserves/production, le Moyen-Orient
dispose de prs de 90 ans de production au rythme de production actuel (base : 2001), suivi de
lAmrique Centrale et du Sud (prs de 40 ans), lAfrique (prs de 30 ans), lex-URSS (un
peu plus de 20 ans), lAsie du Pacifique (15 ans), lAmrique du Nord (12 ans) et enfin
lEurope (8 ans).
Ainsi, lexamen des donnes sur la localisation des rserves mondiales de ptrole nous
renseigne que le Moyen-Orient restera encore pendant longtemps le pourvoyeur principal en
ptrole du monde sil ny a pas de nouvelles dcouvertes majeures dans des zones hors OPEP
tandis que les grandes rgions consommatrices de ptrole (lEurope, lAmrique du Nord et
lAsie du Pacifique) ont un ratio de production annuel allant de 8 15 ans au maximum, au
rythme de production actuel (base : 2001).
Graphique 2 : Ratios de rserves/production (2001).
Abraham Spencer, mai 2004, La politique nergtique des Etats-Unis et la scurit nergtique mondiale.
Perspectives conomiques. P. 5.
Comme le montre le graphique 3, les Etats occidentaux peuvent utiliser les stocks
commercialisables de ptrole pour inflchir les prix (dstockage). Ils peuvent aussi en
accumuler des stocks (stockage) en priode de dtente sur le march ptrolier.
1.4. Le transport.
Le transport joue galement un rle important dans la dtermination des prix du ptrole
brut. Ainsi, par exemple, selon que le produit est enlev du Canada ou du Mexique pour tre
transport en Etats Unis ou quil est enlev du Moyen-Orient pour tre achemin en Amrique
du Nord, son prix de vente ultime peut varier de quelques dollars par baril, la distance
sparant le point de dpart de la marchandise et son lieu de destination pouvant varier de
plusieurs milliers de kilomtres.
Par ailleurs, le graphique 4 montre que, parce que les gisements de ptrole sont
ingalement rpartis dans le monde, les flux dchanges sont trs denses avec les grandes
rgions consommatrices de ptrole.
A titre dexemple, les Etats Unis importent du ptrole du Canada (88 millions de tonnes
annuellement), dAmrique centrale (70,8 millions de tonnes), dAmrique latine (126,3
millions de tonnes), de la Mer du Nord (46,2 millions de tonnes), du Nigeria (68,1 millions de
tonnes) et enfin du Moyen-Orient (138,0 millions de tonnes).
Le graphique 4 nous montre aussi que le Moyen-Orient est le pourvoyeur de la plupart des
rgions du globe. En effet, en plus des Etats Unis, le Moyen-Orient alimente lEurope (176,2
millions de tonnes), lAsie centrale (34,2 millions de tonnes), lAsie du Sud (316,7 millions
de tonnes) et enfin lExtrme-Orient (208,8 millions de tonnes).
LAfrique du Nord (lAlgrie), quant elle, vend pour 96,9 millions de tonnes de ptrole
brut annuellement lEurope occidentale, sa principale destination.
Graphique 4 : Le transport et les flux dchange ptroliers.
Dnommes les Sept Surs ou Majors et formant un cartel, les sept socits sont : Standard Oil of New Jersey
(Exxon), Mobil Oil, Texaco, Gulf Oil, British Petroleum, Shell et Standard Oil of California (Socal). Elles
constituent encore en 1986 les sept plus grands groupes mondiaux en termes de chiffres daffaires [LExpansion,
novembre 1985, p.203].
Les prix du ptrole brut ont alors t quadrupls en quelques mois seulement, passant pour le
brut saoudien de rfrence Arabian Light de 3,011 dollars au 1er octobre 1973 11,651
dollars le baril partir du 1er janvier 1974. En 1979-80, avec le dclenchement de la guerre
Iran-Irak, le prix grimpe de nouveau jusqu 32 dollars le baril.
En 1986, le march ptrolier international connat une baisse drastique des prix du ptrole
brut qui passent ainsi denviron 30 dollars le baril 15 dollars le baril en moyenne.
En 1991, la suite de la guerre du Golfe, les prix du ptrole sont remonts, dpassant les
30 dollars le baril, avant de baisser de nouveau la fin de la guerre.
Dans le courant du mois daot 2004, le prix du baril de ptrole a frl les 50 dollars,
consquemment la guerre en Irak, laffaire Enron (compagnie ptrolire amricaine
aujourdhui en faillite et dont on a dabord tent de dissimuler les dboires), la crise
politique au Vnzula, aux difficults financires que rencontrent Ioukous (gant ptrolier
russe) et enfin la croissance conomique exceptionnelle en Chine. En aot 2005, le prix du
baril de ptrole a encore augment pour dpasser la barre symbolique des 70 dollars.
Nanmoins, tous les spcialistes saccordent sur le fait que si les prix continuent tre
aussi levs, ils entraneraient une baisse de la croissance conomique mondiale et, par voie
de consquence, un retournement de situation sur le march ptrolier international et donc une
chute brutale des prix du ptrole brut, ce qui nest souhaitable ni pour lOPEP, ni pour les
compagnies ptrolires.
En ralit, depuis le dbut des annes 1970, les prix du ptrole nont cess de connatre une
instabilit, pouvant tre multiplis ou diviss par deux trois, voire quatre, en quelques mois
seulement comme le montre lchantillon ci-aprs entre 1998 et 2002.
Graphique 5 : Evolution des cours du brent de la Mer du Nord de 1998 2002.
En effet, entre dcembre 1998 et aot 2000, les cours du brent de la Mer du Nord ont t
multiplis par 3,4, soit en 20 mois seulement. De novembre 2000 novembre 2001, le prix du
brent a t divis par 2, soit en 12 mois seulement. Enfin, de dcembre 2001 octobre 2002,
les mmes cours ont t multiplis par 1,6, soit en 10 mois.
Ainsi, le march ptrolier international est entr depuis le dbut des annes 1970 dans une
instabilit permanente comme en tmoigne le mouvement erratique de ses prix alors que
pendant plus dun sicle (1870-1970) il a connu une relative stabilit (voir graphique 6).
Celui-ci donne lvolution des prix du ptrole depuis 1861 jusqu 2001 en prix courants et
en prix constants. Il montre clairement que cest depuis le dbut des annes 1970 que les
vnements ont une consquence directe sur les prix ptroliers.
Graphique 6 : Evolution du prix du ptrole depuis 1861.
Il faut souligner, par ailleurs, que les cots dextraction du ptrole brut peuvent changer
considrablement dune rgion de production une autre. Ainsi, ils peuvent varier de
plusieurs de dollars par baril selon que le ptrole est produit au Moyen-Orient, la Mer du
Nord ou dans lAlaska.
2. LA REVUE DES ACTEURS : LE POIDS DOMINANT DES ETATS-UNIS.
Les Grandes socits ptrolires, lOrganisation des Pays Exportateurs de Ptrole,
lAgence Internationale de lEnergie, les Etats-Unis, et aujourdhui les nouveaux acteurs
contribuent par leurs poids relatifs, leurs actions et leurs stratgies influencer et faonner
le march ptrolier international et, par voie de consquence, peser sur les prix du ptrole
brut. Mais, il est indniable que la politique nergtique amricaine a toujours jou et
continuera encore jouer un rle primordial dans lorientation du march ptrolier
international.
Cf. notre mmoire de Magister en Planification, 1990, Essai danalyse du fonctionnement du march
ptrolier international et des effets de ses perturbations sur lconomie algrienne. , INPS, Alger.
pour la premire fois, vers le haut, quil y a eu un nouveau mode de calcul des diffrentiels de
densit, des garanties contre linflation et la suppression des rabais-OPEP.
En 1971-72, les nationalisations et les prises de participation dans les actifs des socits
ptrolires aidant, puis, en 1973, la faveur du conflit isralo-arabe, les prix du ptrole ont t
quadrupls en quelques mois, puis doubl en 1979-80, la suite du dclenchement de la
guerre Iran-Irak.
Mais, trs vite, des dissensions, des contradictions et des divergences sont apparues au sein
de lOPEP, au niveau des quotas de production et des diffrentiels de prix.
Dans ce contexte, lArabie Saoudite est sans conteste une pice matresse dans le jeu
nergtique mondial. Au cours de lanne 1984 et au dbut de lanne 1985, elle joue
pleinement son rle de producteur dappoint, allant mme jusqu produire en de de son
quota. En avril 1985, sa production a t rduite 3,4 millions de barils/jour. Ainsi, pour la
premire fois, la production de la Mer du Nord (3,6 millions de barils/jour) est suprieure
celle de lArabie Saoudite 8 .
Cependant, lArabie Saoudite ne tardera pas abandonner son rle de producteur dappoint
pendant quelques mois, contribuant la guerre des prix qui allait conduire leffondrement
des prix ptroliers en 1986. Au premier trimestre 1986, la production de lArabie se situerait
entre 5 6 millions de barils/jour, alors quelle tait de 2 millions en octobre 1985.
Ds lors, les divergences au niveau des quotas de production et au niveau des diffrentiels
de prix ont cristallis des forces antagoniques au sein de lOPEP.
Ainsi, devant la stagnation ou la baisse de la consommation ptrolire mondiale, lide
sest rapidement impose aux pays producteurs de lOPEP que le soutien des prix passait par
une limitation volontaire de loffre. Le 20 mars 1982, Vienne, lOPEP prenait donc la
dcision historique de fixer un plafond de production de 17,5 millions de barils/jour. Leffort
tait rparti entre ses membres au moyen de quotas de production spcifiques. Cette dcision
nallait pas empcher les prix de baisser.
En effet, faute de pouvoir couler leur production au prix officiel, celui-ci tant nettement
suprieur au prix spot, dans un contexte dexcdent de loffre sur la demande, certains pays
membres de lOPEP ont cherch divers biais, recourant notamment des accords de
procecing, qui consistent faire traiter leur ptrole brut dans des raffineries trangres et
vendre le produit fini sur le march libre, ou encore des accords de troc (marchandises
changes contre ptrole).
Ces pratiques dissimulent, en fait, des rabais systmatiques et un dpassement du plafond
de production officiellement allou, ce qui constitue une source de discorde entre les pays de
lOPEP.
Par ailleurs, les diffrents ptrole nayant pas la mme qualit (lgret, teneur en souffre,
etc.), leurs prix sont affects de diffrentiels positifs ou ngatifs par rapport au ptrole de
rfrence (Arabian Light de 34 API 9 ). Cependant, lvolution de la technologie de raffinage
a quelque peu rduit cet avantage. La rente diffrentielle de qualit de 4,5 dollars le baril qui
sparait les bruts lourds des bruts lgers ne se justifiait plus.
Ainsi, deux lments fondamentaux dans la dtermination des prix ptroliers, la structure
des prix et le respect des quotas, divisent toujours les pays de lOPEP.
Aujourd'hui, si les lments qui ont divis lOPEP par le pass ont pratiquement disparu,
dautres comportements sont apparus. Ainsi, de nombreux pays membres de lOPEP font
prvaloir le prtexte quils ont fait de nouvelles dcouvertes qui pourraient justifier la rvision
de leurs quotas de production au sein de lOrganisation.
8
9
On peut citer lexemple de lIran qui prtend avoir fait de nouvelles dcouvertes qui le
placerait au deuxime rang mondial des rserves de ptrole, aprs lArabie Saoudite,
dtrnant ainsi lIrak.
En effet, le ministre du Ptrole iranien Bijan Namdar Zanganeh a affirm le 3 juillet 2004
que son pays avait ravi son voisin irakien la place de deuxime pays ptrolier du monde, en
termes de rserves, aprs de rcentes dcouvertes. Il a expliqu que lIran possdait dsormais
des rserves exploitables de lordre de 132 milliards de barils, soit 11,4 % des rserves
mondiales, derrire lArabie Saoudite qui possde 262,7 milliards de barils, soit 22,9 % des
rserves mondiales et devant lIrak qui possde 115 milliards de barils, soit 10 % des rserves
mondiales 10 .
2.3. LAgence Internationale de lEnergie.
LAgence Internationale de lEnergie (AIE), qui a t cre en 1975, a mis en place un
important dispositif pour contrecarrer laction de lOPEP.
Quand en 1973, les pays de lOPEP augmentent le prix du ptrole brut, les pays capitalistes
industrialiss, leur tte les Etats-Unis, se mobilisent pour rduire nant tout pouvoir de
lOPEP. Cest dans ce cadre qua t cre lAgence Internationale de lEnergie qui met en
uvre un important dispositif destin dstabiliser et faire pression sur lOPEP [OCDE,
1978].
Ainsi, lAIE a uvr rentabiliser au maximum le dveloppement de sources dnergies
alternatives au ptrole (ptrole des schistes bitumineux, sables asphaltiques, charbon gazifi,
charbon liqufi, etc.). LAgence a galement labor une politique de stockage en
accumulant dimmenses stocks de ptrole brut et de produits raffins pour encadrer de
manire durable le march et contrler son orientation. Dun autre ct, lAIE oeuvra pour
rorienter linvestissement ptrolier et nergtique international vers des rgions hors Tiers
monde (malgr un cot dextraction lev), juges politiquement sres comme la Grande
Bretagne, la Norvge et autres, ce qui a permis de livrer le ptrole la spculation sur les
marchs spot.
Paralllement la politique de rduction de la consommation, les firmes de lnergie et les
gouvernements des pays consommateurs industrialiss ont accumul des stocks importants
pour prvenir une ventuelle mais nanmoins hypothtique utilisation de larme ptrolire et
surtout pour agir sur le mouvement des prix.
Par ailleurs, les Etats membres de lOCDE disposent de rserves stratgiques (voir
graphique 3) qui ne seraient utilises quen cas de rupture des approvisionnements.
Lensemble de ces stocks, commerciaux et stratgiques, fait lobjet dun accord de partage, en
cas durge nce, entre les membres de lAIE.
2.4. Les Etats-Unis.
Une anne aprs les attentas du 11 septembre 2001, les Etats Unis redfinissent
profondment leur stratgie de scurit nationale en fonction de ce quils peroivent comme
tant les deux grandes menaces de laprs-guerre froide, savoir la prolifration des armes
non conventionnelles et le terrorisme islamiste international.
Sagissant des moyens, aprs soulign quil ne reste aujourdhui quun seul modle
acceptable dans le monde, le libralisme, et que les Etats Unis jouissent dune force militaire
sans gale et dune trs grande influence conomique et politique, le document 11 publi la
10
fin de lanne 2002 note que, pour lutter contre cette menace, les Etats Unis devront mettre en
uvre chacune des armes dont ils disposent : la puissance militaire, une meilleure dfense de
leur territoire, un renforcement de la loi et les services de renseignement.
Par ailleurs, les Etats Unis avertissent que bien quils soient prts dployer tous leurs
efforts pour obtenir le soutien de la communaut internationale, ils nhsiteraient pas agir
seuls titre prventif contre ce quils appellent les Etats voyous et leur clientle terroriste
avant quils ne soient capables de brandir ou dutiliser des armes de destruction de masse
contre les Etats Unis et leurs allis et amis.
La doctrine Bush vise en fait, selon ses concepteurs, promouvoir la dmocratie au
Moyen-Orient et partout dans le monde en vue dagir sur les causes profondes du terrorisme.
La guerre contre lIrak est alors conue comme une guerre ayant pour but de transformer un
pays en laboratoire politique vocation rgionale.
Mais, la guerre en Irak a t assez largement interprte comme tant motive par des
objectifs ptroliers 12 . En effet, lIrak possde les deuximes rserves mondiales de ptrole
aprs lArabie Saoudite. Dans ses meilleures annes, lIrak, avec ses 2,8 millions de barils
jours, est responsable de 5 % de la production mondiale de ptrole. Il pourrait produire
jusqu 6 millions de barils/jours.
En tout tat de cause, les Etats-Unis prvoient que leur consommation totale dnergie
passera de 98 000 trillions de BTU (unit thermique britannique) en 2002 136 000 trillions
de BTU en 2025 et que leurs importations nettes dnergie devraient reprsenter plus du tiers
de la demande amricaine en 2025 au lieu du quart lheure actuelle. Une large part de cette
nergie importe est constitue par le ptrole, et lon sattend ce que lOPEP soit la
principale source dapprovisionnement ma rginal qui permettra de faire face la demande
croissante de ptrole. En effet, dici 2025, la production de lOPEP devrait presque doubler.
Dans lhypothse dune augmentation de 3 % par an du produit intrieur brut amricain
pendant la mme priode, la demande totale de ptrole des Etats-Unis pourrait passer de 20
28 millions de barils par jour. En consquence, les importations amricaines nettes de ptrole,
principalement en provenance du golfe persique, pourraient passer de 53 70 %. 13
Ds lors, les Etats-Unis pensent que la scurit nergtique ne consiste pas simplement
assurer lapprovisionnement court terme mais quun accs fiable des services nergtiques
un prix abordable, non polluants et rendement lev est galement indispensable la
croissance et au dveloppement conomiques.
Pour cela, leur approche en matire de scurit nergtique est guide par les principes
suivants :
- dabord, la conciliation de laccroissement de leur production avec un nouvel accent sur
lutilisation de sources dnergie propres et rendement lev ;
- ensuite, laccroissement de leurs rapports avec les pays consommateurs et producteurs ;
- enfin, le dveloppement et la diversification de leurs sources dapprovisionnement.
Par ailleurs, les Etats-Unis veulent mettre laccent partout dans le monde sur les mesures
axes sur lconomie de march et la coopration internationale.
12
Voir, pour un retour sur la crise irakienne mettant laccent sur la divergence entre motifs affichs et motifs
rels de Washington, T. de Montbrial, 2003, Perspectives , RAMSES 2004, Paris.
13
Abraham Spencer, mai 2004, Op. Cit. P. 1.
Source : IFRI.
Par ailleurs, la part de la demande ptrolire de la Chine par rapport la demande
mondiale de ptrole passera de 4 % en 1990 12 % en 2030.
En valeur absolue, la demande de ptrole de la Chine passerait de 2 millions de barils par
jour en 1990 14 millions de barils par jour en 2030.
Source : IFRI.
ii) Le poids relatif du Moyen-Orient.
Si le Moyen-Orient produit en 2001 environ 30 % de la production mondiale de
ptrole, soit un peu plus que ce que produisent les Etats de lOCDE durant la mme anne, il
pourrait tre responsable de prs de 45 % de la production mondiale de ptrole lhorizon
2030.
Graphique 9 : Production de ptrole de lOCDE et du Moyen-Orient de 1965 2001.
Source : IFRI.
Source : IFRI.
3. LES PERSPECTIVES DE COOPERATION DE LALGERIE : UN DILEMME
EN MATIERE DAFFECTATION DES RESSOURCES.
Les perspectives de lAlgrie en matire nergtique sont prometteuses pour encore de
nombreuses annes et le retour des compagnies trangres ne fera que conforter cette
affirmation14 . En effet, les recettes algriennes dexportation dhydrocarbures reprsentent
depuis au moins trois dcennies environ 98 % de ses recettes totales dexportation. Plus de 50
% de ces exportations ont pour destination lUnion europenne.
Si le ptrole brut occupe actuellement une place prpondrante dans la structure des
recettes des exportations algriennes dhydrocarbures, le gaz naturel, qui reprsente 70 % de
la consommation dnergie primaire dans le bilan nergtique national, alimente hauteur de
40 % ces mmes recettes dexportation et constitue prs de 50 % des volumes
dhydrocarbures exports. Le gaz naturel est appel ainsi jouer un rle plus important
compte tenu de laugmentation de la demande mondiale en ce produit. Lapplication de la
directive europenne concernant la libralisation des marchs gaziers et le dclin des rserves
de ptrole sont deux facteurs qui renforcent ce rle. Il faut savoir, en effet, que le ratio des
rserves de ptrole brut de lAlgrie est denviron 20 ans, tandis que celui du gaz naturel est
denviron 40 ans, au rythme de production actuel (base 2000).
Il est donc clair que lavenir nergtique de lAlgrie rside dans les exportations de gaz
naturel et que son partenaire privilgi sera lEurope, compte tenu de sa proximit mais aussi
de la spcificit du transport de cette nergie (acheminement par gazoducs) et dont
linvestissement a dj t ralis. De lautre ct, et selon des prvisions pessimistes, la
demande gazire des pays de lUnion europenne qui tait de 255 Gm3 en 1990 est passe
390 Gm3 en 2000 pour atteindre 455 Gm3 en 2010. Ces projections se basent sur un taux de
croissance moyen de 4 % entre 1990 et 2000 et 1,5 % entre 2000 et 2010.
14
Cf. A. Khelif, 4me trimestre 1999, La rforme du secteur des hydrocarbures en Algrie. , In Revue du
CREAD n 50, Alger.
Energie
nuclaire
333
568
254
169
99
20
19
1462
352
534
354
244
149
20
73
1 726
+ 19
- 34
+ 100
+ 75
+ 50
+ 54 +264
+6
-6
+ 39
+ 44
+ 51
+ 284 + 18
23
39
17
12
100
20
31
21
14
100
CONCLUSION.
Au total, le march ptrolier international parat tre lun des plus complexes et des plus
passionnants parmi les marchs des matires premires. La spcificit du ptrole brut,
ressource puisable terme et ingalement rpartie dans le monde, ajoute aux tensions autour
de ce produit, stigmatise les rapports de force et complique la dtermination de son prix qui
nobit pas seulement aux lois du march. Lorsque le ptrole sera puis, cest le gaz qui le
remplacera, puis le charbon aprs avoir rsolu ses problmes de pollution.
Mais, ds prsent, on pense dvelopper de nouvelles technologies pour le long terme,
notamment en ce qui concerne lhydrogne et la squestration du carbone, en plus de la
matrise du nuclaire. Cest du moins ce que prvo ient les Etats-Unis pour continuer
dvelopper leur conomie tout en accroissant leur scurit nergtique. Ils doivent nanmoins
limiter le plus possible les effets de lutilisation de lnergie sur lenvironnement.
Quant aux pays mergents, dont la Chine, qui sont appels consommer de plus en plus de
ptrole et de gaz naturel, du fait de leur croissance rapide, ils vont contribuer exacerber les
tensions qui existent ds prsent sur les marchs de ces produits.
Certains dentre-eux, limage de lAlgrie, qui exportent aujourdhui ces ressources
doivent en plus faire un arbitrage.
Larbitrage, pour lAlgrie qui est aujourdhui un pays monoexportateur, devrait se faire
entre une approche physique ou comptable, base sur des volumes, et une approche
conomique, base sur la recherche dune valorisation maximale des ressources du pays lie
des objectifs de dveloppement conomique et social.
Dans le cas de la seconde approche, lconomie algrienne possde dimportants atouts
pour sadapter et tirer profit des nouvelles conditions des marchs. Sa proximit du march
europen, son norme potentiel nergtique, notamment en combustibles fossiles, sa fiabilit
comme source dapprovisionnement, ses capacits dvacuation, la flexibilit que donnent les
deux formes dexportation (gazoducs et gaz liqufi) ainsi que la possibilit dintervenir sur
les marchs spot sont autant datouts quil faudra exploiter pour obtenir une meilleure
valorisation des exportations algriennes dhydrocarbures.
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