LINGUISTIQUE TEXTUELLE Et DIDACTIQUE de l'ECRIT PDF
LINGUISTIQUE TEXTUELLE Et DIDACTIQUE de l'ECRIT PDF
LINGUISTIQUE TEXTUELLE Et DIDACTIQUE de l'ECRIT PDF
LINGUISTIQUE TEXTUELLE
et
DIDACTIQUE de lECRIT
Sommaire
Chapitre 1. Pour Introduire la Linguistique Textuelle
1.1. Texte et phrase
1.2. Texte et discours
1.3. Texte et crit
1.4. Texte et pragmatique
1.5. Texte, paratexte, mtatexte voire hypertexte
1.6. Dfinition du texte comme ensemble cohrent de phrases
Activits dapprofondissement
Chapitre 2. La Cohsion Textuelle
2.1. Rfrence et corfrence
2.2. Contiguit smantique
2.3. Prsupposition
2.4. Connecteurs
Activits dapprofondissement
Chapitre 3. La Dynamique Communicative
3.1. Thme et rhme
3.2. Le critre formel de la disposition
3. 3. Les critres pragmatiques
3.4. Progression thmatique
Activits dapprofondissement
Chapitre 4. Les Types de Textes
1
Conclusion
Annexes.
- Deux exercices type examen final avec corrigs
- Corrigs ou commentaires des activits proposes la fin de chaque
chapitre
Avant-propos
Prsentation du Cours
Aprs avoir dcrit la structure des langues, la linguistique complte son
objet et ses mthodes. A cot de la phonologie, de la morphologie, de la syntaxe,
de ce noyau dur de la discipline, sont pris en compte au-del du systme luimme, les produits de lactivit langagire, du contexte qui les voit surgir, des
processus et des stratgies que les locuteurs mettent en uvre pour produire et
changer. Nous assistons de ce fait une perspective qui dpasse le cadre de
lhritage saussurien, de la linguistique dite gnrale ou interne qui
posait en son temps la ncessit de prendre pour unique et vritable objet la
langue envisage en elle-mme et pour elle-mme .
Le langage est apprhend sous langle dune activivit langagire qui
vient se manifester sous la forme dun discours ou dun texte. Le cadre de
lnonc, de la phrase apparat ds lors trop troit. Il faut sattacher mettre en
uvre, voire laborer des outils mthodologiques susceptibles de rendre
compte de segments plus larges que ceux analyss usuellement par la
linguistique gnrale et les manuels de grammaire. La linguistique textuelle sy
attache ds lors quelle sinterroge sur les relations interphrastiques, sur lordre
des phrases dans un texte, sur les exigences ou les critres constitutifs dune
suite de phrases qui vient fabriquer un texte.
Se pose alors la question dune comptence spcifique, dune comptence
textuelle qui ne saurait tre rductible une comptence linguistique au sens
strict du terme. Lenjeu pdagogique est significatif. Est concerne la didactique
de lcrit, de lcriture et de la lecture. Il ne sagit pas de concevoir la didactique
de lcrit comme le champ dapplication direct et immdiat de la linguistique
textuelle, mais leffort dabstraction et de thorisation sur le texte conduit
ncessairement une prise de distance quant une conception nave de lcrit
comme transcription de loral, ou comme registre de langue exigeant et
contraignant en orthographe, grammaire et lexique.
Les quatre premiers chapitres du cours sont consacrs la linguistique
textuelle ; le cinquime et dernier chapitre entend pos quelques jalons pour une
didactique de lcrit.
Bibliographie slective
ADAM, Jean-Michel : Le texte Narratif. Prcis d'Analyse Textuelle, Paris,
Nathan, 1987.
ADAM, Jean-Michel : Elments de Linguistique Textuelle. Thorie et Pratique
de l'Analyse Textuelle, Lige, Mardaga, 1990.
ADAM, Jean-Michel : Linguistique textuelle. Des genres et discours aux textes,
Paris, Nathan, 1999.
CHARAUDEAU, Patrick : Grammaire du sens et de l'Expression, Paris,
Hachette, 1992 (voir troisime partie)
4
Sitographie slective
www.edufle.net
http://www.ciep.fr
5
Pour Benveniste, la phrase peut tre segmente, mais ne peut tre intgre
dans une unit plus grande. En linguistique gnrative, Katz et Fodor indiquent
que les grammaires cherchent dcrire la structure d'une phrase, spare des
1 LYONS, John: trad. franaise, Linguistique Gnrale. Introduction la Linguistique
positions dans lesquelles elle peut se trouver dans les discours (crits et oraux)
ou dans les contextes non linguistiques (sociaux ou physiques).
Le projet d'une linguistique textuelle relverait-il d'une gageure?
Jean-Michel Adam ne manque pas de relever les difficults de l'entreprise:
" Bien que l'analyse de discours, inaugure par Z.S. Harris en 1952, ait donn la
linguistique une orientation discursive, jusqu' ces dernires annes, dans le
domaine francophone du moins, cette clbre remarque de Bakhtine2 a gard
toute sa validit:
La linguistique... n'a absolument pas dfrich la section dont devraient relever les
grands ensembles verbaux: longs noncs de la vie courante, dialogues, discours,
traits, romans, etc. car ces noncs-l peuvent et doivent tre dfinis et tudis,
eux aussi, de faon purement linguistique, comme des phnomnes du langage. ...
La syntaxe des grandes masses verbales ... attend encore d'tre fonde; jusqu'
prsent, la linguistique n'a pas avanc scientifiquement au-del de la phrase
complexe: c'est le phnomne linguistique le plus long qui ait t scientifiquement
explor. On dirait que le langage mthodiquement pur de la linguistique s'arrte
ici... Et cependant, on peut poursuivre plus loin l'analyse linguistique pure, si
difficile que cela paraisse, et si tentant qu'il soit d'introduire ici des points de vue
trangers la linguistique."3
Que cherchent donc les spcialistes du texte dans une discipline o l'on
dclare qu'on ignore tout objet au-del de la phrase? Quels arguments faire
valoir, pour lgitimer une "continuit" de la phrase au texte?
Le premier est que nous parlons, crivons, communiquons, construisons de
l'information, en produisant non des phrases isoles, mais en inscrivant les
phrases dans des entits plus larges, textuelles ou discursives. Tous les ouvrages
consacrs la linguistique textuelle s'attachent, dans leur introduction, mettre
en avant ce constat, et tirent les consquences.
Le second argument procde du constat incontournable qui pose le texte
comme une suite de phrases, qui reprend en cela la dfinition du discours de
Harris. Comment admettre, partir de l, une mutation entre la phrase et le texte,
une diffrence de "nature" entre la phrase et le texte? La question a des
implications tant sur le plan thorique que pratique. En admettant une coupure
de la phrase au texte, on admet que la phrase se prte un jugement de
grammaticalit et le texte un jugement d'un autre type, un jugement de
"cohrence", de "logique". Les annotations portes par les enseignants dans la
marge des copies d'lves font apparatre cette dichotomie, une dichotomie qui
2 BAKHTINE, Mikhail.: Esthtique du Roman, trad. Franaise, Paris, Gallimard, 1978, p. 59.
en effet le pronom dans sa fonction de substitut. Inscrit sur la chane du texte, le pronom est la
trace d'autre chose, d'un segment textuel plac devant ou derrire, ou d'un rfrent
situationnel. A partir de l, le pronom oblige porter le regard, l'analyse, au-del de lui-mme.
On ne peut manquer de citer le travail d'Emile Benveniste sur les pronoms qui a interrog la
dichotomie saussurienne Langue/ Parole, et qui constitue toujours aujourd'hui l'un des
passages obligs de la linguistique de l'nonciation (Cf. "La Nature des Pronoms", in
Problmes de Linguistique Gnrale, Paris, Gallimard, 1966, pp. 251-257).
9
10
10 ... une grammaire qui se donne pour objectif de dcrire les catgories de la langue du point
de vue du sens et de la manire dont elles sont mises en oeuvre par le locuteur pour construire
un acte de communication, une telle gramaire ne peut pas ne pas s'intresser ce qui fonde
vritablement le langage, savoir : le discours.
Si les grammaires traditionnelles n'entrent pas dans ce domaine, en revanche, certaines
branches de la linguistique et de la smiotique ont beaucoup explor celui-ci depuis quelques
annes, et ont propos diffrents points de vue sous des dnominations diverses: analyse de
discours, grammaire du discours, grammaire de discours, grammaire communicative, etc.
Il en rsulte une extraordinaire richesse de pense, de thories et de mthodes concernant le
discours et le texte, mais aussi, malheureusement, une certaine difficult voir clair dans un
domaine qui, il faut le reconnatre, est relativement complexe."
op. cit., p. 633.
11 op cit, 1990, p. 23.
11
MOIRAND, Sophie: Une Grammaire des Textes et des Dialogues, Paris, Hachette, 1990.
15 DABENE, Michel: L'Adulte et l'Ecriture, Bruxelles, De Boeck,
16
13
Communications, n 32, "Les Actes du Discours", Paris, Le Seuil, 1980, pp. 274 - 283.
18 cf. LUNDQUIST, Lita: La Cohrence Textuelle: Syntaxe, Smantique, Pragmatique,
15
16
Pour Grard Genette, le paratexte comprend le pritexte et lpitexte. Par pitexte, il faut
entendre, par exemple, la correspondance, les entretiens de lauteur.
22
Hachette, 1976.
18
des Textes", in revue Langue Franaise, n 38, Paris, Larousse, 1978, pp. 7-41.
25 L'expression "sauter du coq l'ne" est idiomatique, mais nombre de langues proposent des
expressions similaires, des synomymes. D'o le postulat d'une exigence textuelle gnrale.
26 ADAM, Jean-Michel (1990), p. 15.
19
Appellations donnes ces petites histoires populaires entendues dans les lieux publics, notamment dans les
cafs.
Exemple: Ce qu'il a de bien quand tu vas dans le dsert, c'est que t'es pas oblig d'apprendre la langue!
20
21
22
L'homognit d'un texte peut s'valuer aux niveaux macro et microstructurel. Les notions mthodologiques que la linguistique textuelle propose
pour en rendre compte sont quelque peu instables et peuvent varier selon les
auteurs.
Nous pouvons nous appuyer sur Lundquist:
"Essentielles pour la cohrence textuelle sont les notions suivantes:
- la (co-)rfrence,
- la contiguit smantique,
- les connecteurs." (1980, p. 28)
Mais les outils ici dgags ressortissent l'analyse des relations intra et
interphrastiques, ce que J-M. Adam appelle la connexit:
" A la relation linaire de connexit intra et inter-phrastique, il faut bien ajouter
une relation non linaire de cohsion-cohrence, construction labore par
l'interprtant partir d'lments discontinus du texte." (1990, p. 14).
1974.
32 DUCROT, Oswald et TODOROV Tzvetan: Dictionnaire Encyclopdique des Sciences du langage, Paris, Le
Seuil, coll. "Points", 1972, pp. 317-324.
33
AUSTIN, John Langshaw : Quand dire, cest faire, Paris, Le Seuil, 1970.
Richards :
symbolises
(a causal relation)
refers to
(other causal relation)
SYMBOL
stands for
(an imputed relation)
REFERENT
OBJET
Rel, imaginable ou inimaginable
(ex : la ville de Grenade )
REPRESENTAMEN
image sonore ou visuelle
dun mot ( grenade) avec
INTERPRETANT
image mentale associe
ou sans mot ( ville )
ayant
ayant
une signification
indtermine ou incomplte
pour constituer un signe "global". Comme Lundquist, mais pour des raisons
diffrentes36 , nous prfrons la conception classique et binaire du signe
linguistique. La rfrence est l'acte de dsignation du monde par le signe. La
rfrence introduit donc la ralit extralinguistique, une ralit qui a pour nom
rfrent. Le rfrent est ncessairement externe au signe. Nous ne voulons pas
confondre l'univers du signe et celui des objets, les mots et les choses.
Nous proposons donc une nouvelle forme de triangle smiotique:
Rfrent
Pense
Signifiant
Signifi
26
et le vert tant avec leurs yeux qu'avec les mtaphores de leur langue. Le kabyle
dira "comme la mer" pour le bleu et "comme l'herbe" pour le vert.
Le langage ce niveau est reprsentation de la ralit et ne saurait se
confondre avec celle-ci. Et il faut comprendre langage dans un sens large.
Un tableau clbre de Magritte na pas manqu dattirer des remarques
pour sa lgende : ceci nest pas une pipe . Le lecteur retrouvera facilement
cette uvre et les nombreux commentaires quelle a suscits en utilisant son
moteur de recherche favori sur internet. Il suffit de mettre en uvre les
algorithmes boolens avec AND ou ET.
Exemple de requte : Magritte AND pipe
On peut vouloir trouver dans cette uvre la manifestation dune factie,
une pratique chre aux surralistes. Mais il est possible de prendre cette lgende
pour une analyse qui vient constater quen peinture, quand bien mme figurative,
quand bien mme raliste, la reprsentation ne produit pas, ne reproduit pas des
objets, mais ne fait que les reprsenter. Cette pipe de Magritte, mme
ressemblante, nest pas fumable . La peinture - plus gnralement lart - est
en ce sens langage et, comme le langage, est reprsentation, nest pas fusion
avec la chose.
Le signe linguistique est caractris par cette improprit et lhomme a du
mal accepter cette donne. Nous retrouvons le vieux dbat entre les analogistes
et les anomalistes sur la raison du nom. Cest le thme du Cratyle de Platon37 :
HERMOGENE
Cratyle, que voici, prtend, Socrate, quil y a pour chaque chose un
nom qui lui est naturellement appropri et que ce nest pas un nom que
certains hommes lui ont attribu par convention, en lui appliquant tel ou tel
son de leur voix, mais que la nature a attribu aux noms un sens propre, qui
est le mme chez les grecs et chez les barbares. Je lui demande donc, moi, si
Cratyle est, ou non, son nom vritable. Il dit que oui. Et celui de Socrate? aije dit. - Cest bien Socrate, a-t-il rpliqu. - Et pour tous les autres hommes,
le nom dont nous appelons chacun deux, cest bien le nom de chacun? - Et
lui : Non, pas pour toi, ma-t-il rpondu : ton nom nest pas Hermogne,
mme si tout le monde tappelle ainsi. Et comme je linterroge, vivement
dsireux de savoir ce quil peut vouloir dire, au lieu de sexpliquer, il me
traite avec ironie et il feint davoir une pense de derrire la tte, comme sil
savait sur ce sujet quelque chose qui, sil voulait le dire, me forcerait
lapprouver et dire comme lui. Si donc tu as quelque moyen dinterprter
loracle de Cratyle, jaurai du plaisir tentendre, mais jen aurai encore
davantage apprendre de toi ce que tu penses sur la justesse des noms, si tu
veux bien le dire.
37
Lune des premires questions que se posent les hommes sur le langage et
les langues concerne le rapport du mot, du nom la chose et lattitude analogiste
pose quil y a un lien naturel entre le nom et la chose que dsigne ce nom.
Hermogne - littralement, fils dHerms - ne pourrait sappeler Hermogne car
sa vie ne ressemble en rien celle attribue au dieu grec Herms, clbre
notamment pour sa ruse et son habilet. Or Hermogne ne connat pas la russite
sociale ou matrielle. Cest ce que veut signifier Cratyle.
Si nous admettons facilement aujourdhui limproprit et larbitraire du
signe, il faut quand mme accepter lide que le souci analogiste est prsent chez
tout locuteur. Lune des rationalits que nous donnons au langage, dans lusage
effectif que nous en faisons, est le mythe et celui-ci est inhrent la fonction
rfrentielle, la reprsentation. Cest un argument dfendu notamment par
38
Par quel hasard Hermogne, fils du riche Hipponicos, fut-il rduit la pauvret, nous
lignorons. Son frre Callias tait au contraire extrmement riche. (cf. note du traducteur, p.
498)
28
39
40
GEORGE, Franois : Leffet yau de pole . De Lacan et des lacaniens, Paris, Hachette,
1979.
29
Rfrence
Monde
Situation extra-textuelle
41
Corfrence
Cotexte
Contexte intra-textuel
Cit par ELEGOUET, Louis : Bretagne. Une histoire, Rennes, CRDP, 1999, p. 56.
Voir GUIRAUD, Pierre : Ltymologie, Paris, Puf, Coll. Que Sais-je ? , n 1122, 3me
dition, 1972, 1972 (voir chapitre 1).
42
43
(Monde)
(Texte)
Rfrent
Rfrant / Rfr
Rfrence
Rfrant
Corfrence
Lunquist note :
Le passage de la rfrence la corfrence se conoit comme le
passage dune relation externe une relation interne : tandis que par la
rfrence, le locuteur cre une relation entre le texte et la ralit, il tablit par
la corfrence des relations entre des lments textuels. Lon constitue
dabord, par la rfrence externe, le thme du texte, pour le faire voluer
ensuite en une structure thmatique par la corfrence.
(1980, p.31)
Mais cette position ne nous apparat pas pleinement compatible avec celle
propose toujours par Lundquist dans le mme ouvrage :
Nous appelons corfrence le fait que plusieurs instances
linguistiques se rfrent un mme objet du monde extralinguistique.
(1980, p. 29)
Rfrent a
TEXTE
32
Phrase 1
corfrent-a-1
corfrent-a-2
corfrent-b-1
Rfrent b
Phrase 2
Rfrent n
corfrent b-2
corfrent-a-3
corfrent-a-4
Phrase n
corfrent-n-1
corfrent-a-n
(Rfrence)
Phrase 1
Rfr (un homme mine patibulaire)
Phrase 2
Rfrant et Rfr (le bandit)
(Corfrence)
Phrase 3
Rfrant (il)
(Corfrence)
Pour ce texte, "le bandit" est la fois rfr et rfrant, selon le segment
auquel je le rattache par corfrence.
Dans lexemple propos ci-dessus, on pourrait tre tent de retenir le
concept de corfrents pour les 3 segments relis, mais sur lextrait emprunt
Jules Verne, on saisit mieux la diffrence :
Lunique passion de Michel Strogoff tait pour sa mre....
33
34
La linguistique gnrale qualifie le nom propre d autorfrentiel , signifiant par l quil dsigne un objet
extralinguistique unique. Le nom propre se distinguerait en cela du nom dit commun caractris quant lui par la
35
polysmie, cette proprit du signe qui fait dire aux linguistes que les langues humaines ne sont pas des systmes
dtiquettes que lon peut coller sur la ralit du monde. Les mots sont donc des principes de classement qui
permettent dapprhender une ralit du monde indnombrable et rtive tout inventaire. La polysmie du signe
est essentielle lconomie du signe et cest celle-ci que les langues doivent de pouvoir toujours apprhender
un nouveau rel, une nouvelle ralit du monde.
Le dveloppement que nous venons de faire ci-dessus propos du caractre rfrentiel des noms propres se
situent sur un autre plan, prend en compte le fonctionnement du texte qui doit satisfaire deux ncessits :
lintroduction par rfrence dune part ; le rappel par corfrence, dautre part. Cest lvidence, la connaissance
partage ou suppose telle qui permet un nom propre dancrer directement, par lui-mme, la ralit, le rfrent
dans un texte.
Attention : lvidence ou la connaissance partage ne concerne pas le lecteur du prsent polycopi, les tudiants
du Master FLE en loccurrence : cela concerne lauteur du texte soumis lanalyse et son lectorat. Cest donc les
choix rdactionnels, les marques du texte lui-mme qui permettent de dcider.
36
hyperonyme
animal
flin
hyponyme
chat
est "avec accoudoirs" pour fauteuil et "sans accoudoirs" pour chaise. Et chaise
est moins proche de canap que de fauteuil, puisque canap, la diffrence des
deux autres, ne prsente pas le sme " pour une personne". Nous pourrions ici
schmatiser les rapports d'intersection de la faon suivante:
chaise
chaise
fauteuil
canap
38
festival de Lorient.
39
49 PROVNI : jeu de mots, sur le modle d'OVNI, sigle d'Objets Volants Non Identifis, terme
utilis par les journalistes pour dsigner les apparitions non expliques d'objets insolites dans
le ciel (les soucoupes volantes, par exemple).
50
40
sappuyer sur la mise en forme de lnonc, du texte, dans le cas du sousentendu, il faut rattacher lnonc, le texte une connaissance extrieure. Cette
connaissance peut tre donne par lvidence situationnelle immdiate. Elle peut
tre un capital accumul qui va devenir un prrequis. Le sous-entendu est alors
un savoir plus ou moins partag, dont le niveau de partage (ou le degr
dvidence) va dterminer la russite de la communication orale ou crite. Dans
la communication orale, dans la conversation spontane, lvidence
situationnelle est prgnante ; lcrit, lvidence est affaire de savoirs
pralables, de prrequis. Ainsi un texte sera-t-il plus ou moins facile
comprendre, selon quil parle de choses que nous connaissons bien ou que nous
connaissons mal. Ainsi le scripteur devra-t-il constamment dans son acte
dcriture prendre en compte son lecteur et ses connaissances. Le traitement de
la rfrence avec les noms propres est affect par lvaluation de lvidence. Le
traitement de la corfrence galement. Pour rattacher implicitement en 1991,
Chanson Plus Bifluor quatre compres (cf. exemple cit plus haut), il faut
avoir un minimum de connaissances musicales franaises contemporaines.
La question de la prsupposition est lie celle de linfrence. La
comprhension du texte implique une activit infrentielle. Un texte ne dit
jamais tout et sollicite des connaissances. Le malentendu repose souvent sur une
mauvaise infrence.
2.4. Connecteurs.
Avec les connecteurs, nous ne sommes pas dans le mode de limplicite,
nous disposons de marques dont la fonction est dassurer la cohsion. Un texte,
pas plus qu'une phrase, n'est apposition ou juxtaposition de segments, quand bien
mme rfrentiellement rcurrents. Les segments sont rgis par des liens qui
construisent une hirarchie. C'est l le principe mme de la syntaxe. Ce principe
vaut pour le texte qui est construction logique, raisonnement. L'histoire de la
grammaire montre que les grammairiens ont voulu tout de suite identifier les
spcificits notamment fonctionnelles des mots, ont, de ce fait, distingu
diffrentes "parties du discours", "classes de mots". C'est ainsi que la
grammairiens ont fond les concepts de prposition et de conjonction pour
dsigner les types de mots fonction de mise en relation dans le cadre de la
phrase. Au-del de la phrase, au niveau du texte, nous disposons d'outils
complmentaires, des outils que la terminologie grammaticale traditionnelle
classe comme adverbes51 (ex: ainsi, donc, aussi, enfin), et locutions adverbiales
(ex: en revanche). La connexion peut tre assure autrement que par des mots
spcialiss. La langue permet son utilisateur d'expliciter la cohrence de son
51 On saisit pour le coup la ncessit de revoir la terminologie grammaticale traditionnelle.
La classification ci-dessus ne se veut pas universelle et son auteur note que "les
critres de classification et l'inventaire des connecteurs diffrent d'un trait
l'autre" (p. 50). Lundquist note galement:
"Il convient de signaler que, d'une part un mme connecteur peut se ranger dans
plusieurs catgories smantiques ("aussi": additif + conscutif), et que, d'autre
part, plusieurs catgories se prtent des subdivisions plus fines, par exemple
selon leur degr d'insistance ("en revanche" est plus fort que "mais")." (p. 51)
est celle des connecteurs mtatextuels. La remarque signale, si besoin en est, les
difficults qu'il y a poser des frontires prcises entre syntaxe, smantique et
pragmatique.
Il est possible toutefois d'envisager une typologie d'une autre nature, une
typologie moins smantique, partant d'une double proprit du langage: la
concatnation et l'ordination. La concatnation ou mise en chane des segments
linguistiques procde de la linarit du langage. Parler, crire, c'est mettre des
mots les uns la suite des autres. Il y a donc une temporalit, une chronologie
dans les manifestations du langage, dans les textes, une chronologie somme
toute indpendante d'une chronologie vnementielle, impose par le monde, et
ce mme si dans le texte narratif, par exemple, il y a recherche de concidence
entre les deux types de chronologie. L'ordination tablit entre les segments une
relation de type non chronologique, mais hirarchique, logique. Le principe de
rection constitutif de la syntaxe ressortit l'ordination. Et il y a galement
ordination dans la planification d'un dveloppement, dans l'organisation d'un
raisonnement.
La concatnation et l'ordination ne doivent pas tre confondues, mais il faut
ajouter que la concatnation est une contrainte minimale incontournable de la
mise en texte. A partir de l, il est envisageable de distinguer deux types de
connecteurs: les forts et les faibles. Les faibles seraient strictement concatnants;
les forts seraient concatnants ET ordinants. La conjonction de coordination et
est l'exemple mme du connecteur faible. C'est d'ailleurs l ce qui explique son
rendement, sa frquence. Il est possible quasiment partout. D'autres connecteurs
peuvent fonctionner de faon similaire: c'est le cas notamment pour et puis alors,
et alors, et puis, ensuite, pour ces connecteurs qui se rptent dans les discours
spontans et nombre de rdactions scolaires. Il est remarquable que les
connecteurs que nous venons de rajouter sont considrs comme temporels. Les
connecteurs qualit double exigent la possibilit de relation logique entre deux
segments textuels. C'est le cas pour mais qui ajoute une valeur d'opposition et
pour donc qui qualifie la relation comme conscutive. Ces deux connecteurs sont
plus exigeants smantiquement. Leur frquence est moins grande et leur
manipulation plus dlicate. La pratique des productions langagires amne
nuancer la remarque: l'oral spontan, il y a souvent neutralisation de la valeur
d'ordination du connecteur. C'est ainsi que donc peut tre observ avec une
valeur strictement concatnante.
A une typologie positiviste du type de celle propos par Lundquist, il est
possible de substituer une typologie plus dynamique, plus dialectique, plus
pragmatique, o les connecteurs s'inscrivent sur un axe dlimit par deux
repres, deux ples, l'un fort qui est l'ordination (ou connexion avec hirarchie),
l'autre faible qui est la concatnation (ou stricte connexion). Il est donc
prvisible qu'il existe entre les extrmes une zone molle, floue. La grammaire
traditionnelle repre celle-ci quand elle hsite dfinir smantiquement certaines
43
Et cette dernire nous semble plus conforme ce que nous attendons dans
la production textuelle. Ceux qui enseignent l'crit portent leur attention non
seulement sur la mise en relation des phrases, mais encore sur la matrise de la
phrase complexe, voire la segmentation phrastique.
Conclusion.
La cohsion dans un texte est marque, mais peut-on valuer la cohsion
la puissance du rseau cofrentiel, au degr de contiguit smantique entre les
units lexicales, au nombre de connecteurs? La lecture de l'histoire du rhume
chez Ionesco peut nous instruire :
Le pompier : "Le Rhume" : Mon beau-frre avait, du cot paternel, un cousin
germain dont un oncle maternel avait un beau-pre dont le grand-pre paternel
avait pous en secondes noces une jeune indigne dont le frre avait rencontr,
dans un de ses voyages, une fille dont il s'tait pris et avec laquelle il eut un fils
qui se maria avec une pharmacienne intrpide qui n'tait autre que la nice d'un
quartier-matre inconnu de la Marine britannique et dont le pre adoptif avait une
tante parlant couramment l'espagnol et qui tait, peut-tre, une des petites-filles
d'un ingnieur, mort jeune, petit-fils lui-mme d'un propritaire de vignes dont on
tirait un vin mdiocre, mais qui avait un petit-cousin, casanier, adjudant, dont le
fils avait pous un bien jolie jeune femme, divorce, dont le premier mari tait le
fils d'un sincre patriote qui avait su lever dans le dsir de faire fortune une de ses
filles qui put se marier avec un chasseur qui connut Rothschild et dont le frre,
44
46
rseaux
47
48
texte ne procde pas "ex nihilo", s'appuie sur des savoirs prsupposs partags.
A ce niveau de prsupposition extratextuel, va se rajouter un niveau de
prsupposition intratextuel. La phrase (n) du texte prsuppose la lecture de la
phrase (n-1), prsuppose plus prcisment la lecture du texte jusqu' la phrase
(n-1). A la phrase (n), l'auteur ne peut donc rpter ce qu'il a dj crit jusqu' la
phrase (n-1). Il ne peut pas non plus oublier cet amont du texte. La phrase (n)
doit donc porter la trace conomique du savoir accumul jusqu' la phrase (n-1).
La fonction de rappel est assure par les outils de la cohsion que sont les noms
corfrentiels et les pronoms. C'est le cas dans les deux exemples ci-dessous:
a) La terre a trembl en Californie. La secousse a provoqu des
dgts trs importants.
b) Un sisme de forte amplitude a secou la Californie. Il a provoqu
des dgts trs importants.
Les segments La secousse en a) et surtout Il en b) illustrent le rappel
conomique du thme, un thme qui, dans les deux cas, se trouve plac gauche
dans la phrase et constitue le sujet grammatical de celle-ci. A partir de l,
surgissent deux premires questions:
- Comment identifier le thme la premire phrase d'un texte?
- Quels types de critres permettent de reconnatre le thme d'une
phrase?
Au niveau de la premire phrase, nous ne pouvons pas nous appuyer sur la
corfrence, sur cette procdure de renvoi qui indique par dfinition un rappel,
un dj connu. Nous pouvons envisager trois situations, illustres par les trois
premires phrases suivantes:
a) Chirac prend quelques jours de vacances en Corrze.
b) Il tait une fois une princesse atteinte d'une maladie mystrieuse.
c) La confrence de presse de Tony Blair a surpris les journalistes.
En a) et c), nous avons un fort ancrage situationnel, la rfrence une vie
politique, une histoire prcise. Tel n'est pas le cas de b) qui est en quelque sorte
hors du temps (cf. le une fois), et qui procde en quelque sorte de zro53 . Entre
a) et c), il est une diffrence d'ancrage. Si a) et c) impliquent un ancrage
situationnel, c), ajoute celui-ci, un ancrage intertextuel, prsuppose la
connaissance du texte de la confrence de presse donne par le premier ministre
britannique.
53 une nuance doit tre apporte, de par le caractre rituel de la formule il tait une fois qui
Il ressort que la thmatique, au niveau d'un texte qui dmarre, peut tre
dj donne, et, dans ce cas, tre rfrentielle ou intertextuelle. Dans cette
hypothse, il est possible de supposer que ces donnes se retrouveront
naturellement dans ce segment de la phrase que la linguistique textuelle appelle
le thme.
Mais y-a-t-il une relation d'quivalence entre l'acception vulgaire du mot
"thme" et le concept du mme nom de la linguistique textuelle? Quand on parle
trivialement du "thme" ou du "sujet" d'un texte, on identifie une qualit,
savoir la thmatique gnrale de celui-ci; on ne distingue absolument pas au
niveau de chaque phrase le segment thmatique de celui rhmatique, on ne prend
pas en compte la distribution fonctionnelle des segments dans la phrase. Or c'est
l prcisment la perspective de la linguistique textuelle. Un texte dont la
premire phrase doit prsenter la thmatique ou le sujet, dont la premire phrase
ne peut s'appuyer sur des prsupposs, doit, de ce fait, considrer la thmatique,
au sens familier du terme, comme "nouvelle". Mais, du point de vue de la
linguistique textuelle, cette thmatique pourra tre exprime aussi bien par le
segment thmatique que par le segment rhmatique de la phrase.
L'exemple b) avec la formule prsentative Il tait une fois fait de notre
princesse, certes, le sujet, le "thme" ou thmatique de notre histoire, mais
surtout le rhme de notre premire phrase. Mais rien n'interdit cette princesse
d'intgrer le segment thmatique. C'est le cas dans la phrase suivante:
Une princesse atteinte d'une maladie mystrieuse se mourait lentement
dans le chteau du roi.
La notion de thme pose l'vidence une difficult de manipulation,
laquelle ressortit la rsistance de l'acception vulgaire du terme. Il faut d'emble
admettre que la linguistique textuelle propose une dfinition propre du thme.
Au fil du texte, un mme segment peut voluer. Thme dans telle phrase, il
pourra tre rhme dans une autre. La reconnaissance du thme et du rhme dans
une phrase se fait au niveau de cette phrase, quand bien mme cette
reconnaissance peut s'appuyer sur le contexte, sur l'amont du texte.
Concrtement, en linguistique textuelle, nous courons constamment le
risque de confondre lopposition thme/rhme avec les oppositions
connu/inconnu ou rfrence/corfrence. Cest le scripteur et lui seul qui est
responsable de lorganisation du thme et du rhme dans la phrase quil propose
son lecteur. Et rien ninterdit un auteur dintroduire dans la dernire phrase
de son texte un lment nouveau et de le placer dans le segment thmatique de
cette phrase.
Ex : Une enqute a t diligente par le procureur de la rpublique.
pour un texte o il naurait jamais t question denqute jusqu cette
dernire phrase. Mais la remarque est superftatoire, dans la mesure o nous
50
aurions eu, dans ce cas, une marque de renvoi rfr sur enqute (ex :
lenqute, cette enqute).
Sans doute faut-il terme renoncer dfinir lopposition thme/rhme
comme une opposition ancien/nouveau, ou encore connu/inconnu, voire
datum/novum ; sans doute faut-il prfrer aujourdhui lopposition topic / focus.
Ces concepts ont en effet le mrite de toucher lessentiel. La rpartition
thme/rhme est de lordre du texte et non de la ralit extralinguistique, de
lordre des mots et non des choses. La thmatisation verrouille la ngociation,
oblige consentement sans discussion ; la rhmatisation autorise, voire invite
la ngociation de linformation, de la partie signifie dans le segment rhmatique
plus prcisment. On comprend partir de l que les logiciens se soient
interrogs sur les conditions de vrit dun nonc comme le roi de France est
chauve , a fortiori sous la forme lactuel roi de France est chauve . La
formulation dun tel nonc, cette mise en forme de linformation, prsuppose
lexistence effective dun roi de France, en cela nautorise la discussion, ou
contestation que sur la calvitie de ce personnage. Il ny a que la calvitie qui doit
rpondre aux conditions de vrit, se soumettre une valuation Vrai/Faux.
La comprhension de la dichotomie thme/rhme
suppose la
reconnaissane de la pluralit des points de vue, des niveaux danalyse.
La linguistique textuelle entend dvelopper une perspective "fonctionnelle"
et reconnat trois approches dans le domaine: morphosyntaxique, smantique et
thmatique. Celle thmatique ne se distingue pas facilement des deux premires
et le mtalangage grammatical tend confondre les perspectives. Bernard
Combettes note54 :
"Si l'on s'en tient d'ailleurs la "grammaire scolaire", la tradition grammaticale
classique, on pourra observer que ces trois plans sont plus ou moins intuitivement
sentis, mais sont souvent confondus. Examinons en effet quelques dfinitions,
quelques concepts; dans un mme manuel, il est possible de relever des
constatations du type : "la prposition est un mot invariable qui introduit un
complment", "le complment d'objet direct supporte l'action exprime par le
verbe", "le sujet de la phrase est ce dont on parle, le prdicat est ce que l'on en
dit". Nous pourrions citer bon nombre d'autres dfinitions, qui montreraient que
l'on se place souvent des niveaux diffrents d'analyse; ainsi, dans les exemples
que nous venons de choisir, le niveau syntaxique, purement formel, s'attache aux
"constructions" (la prposition), le niveau smantique concerne les "rapports de
sens" entre les constituants (l'objet "supporte" l'action), le niveau "logique"
dfinissant "ce que l'on dit" et "sur quoi" (c'est essentiellement le sujet et le
prdicat qui sont concerns). Ce sont l les trois niveaux souvent mls dans
l'analyse traditionnelle; les deux premiers surtout: une mme dfinition, une
54 COMBETTES, Bernard: Pour une grammaire Textuelle. La Progression thmatique,
3.2. La Disposition
Certains auteurs cherchent reconnatre des correspondances entre
l'organisation des ides et l'organisation des phrases. Cest le cas de Henri Weil
dans un ouvrage de 184455 :
" Les mots sont les signes des ides : traiter de lordre des mots est donc, par
consquence, traiter de lordre des ides. Les grammairiens se sont beaucoup
occups des mots considrs isolment ; ils en ont tudi lenchanement ; mais la
plupart nont pas donn une grande attention lordre dans lequel les mots
peuvent se succder " (p.1)
WEIL, Henri : De lordre des mots dans les langues anciennes compares aux langues
modernes, 3me dition, Paris, Vieweg, 1879.
52
53
54
55
56
Le test de la question
La question n'est pas rductible une transformation interrogative de la
phrase soumise au test. Comme la contradiction, la question se situe au niveau
pragmatique.
Soit la phrase:
La semaine dernire, au festival interceltique de Lorient, j'ai vu des
joueurs de cornemuses japonais.
Cette phrase peut appeler questions suivantes:
a) Quand, au festival interceltique de Lorient, as-tu vu des joueurs de
cornemuses japonais?
b) Que faisaient les japonais que tu as vus au festival interceltique de
Lorient, la semaine dernire?
c) Dans quel cadre, Lorient, la semaine dernire, as-tu vu des joueurs de
cornemuses japonais?
d) Qui taient les joueurs de cornemuses que tu as vus la semaine dernire
Lorient?
e) De quoi jouaient les japonais que tu as vus la semaine dernire au
festival interceltique de Lorient?
f) Que faisaient avec des cornemuses les japonais que tu as vus la semaine
dernire, Lorient, au festival interceltique?
g) Qu'as-tu vu la semaine dernire Lorient, au festival interceltique?
h) O as-tu vu des joueurs de cornemuses japonais?
voire
i) Hein! Quoi?
La question peut porter sur de multiples segments, plus ou moins longs, du
texte. Mais comment justifier que la phrase de rfrence est la rponse telle ou
telle question? La seule situation o nous pouvons dcider est celle o un texte
donn nous propose en amont de la phrase une question. Autrement dit, la
question n'est pas tant un test que nous pouvons laborer et soumettre "in vitro"
une phrase donne, qu'une information corfrentielle que l'amont du texte nous
fournit.
Nous saisissons pour le cas, les limites du vocabulaire que nous venons
d'utiliser pour dsigner les tests de reconnaissance du rhme de la phrase. Les
notions de contradiction et de question ont le mrite de prendre distance quant
57
La modalisation
Il existe des procds autres que celui de la disposition qui permettent
lmetteur dindiquer, de signaler limportance dun segment dans une phrase.
Prenons, pour exemple, la phrase d'un journaliste qui en 1968 dclare la radio
ou la tlvision:
A son retour d'Allemagne, le gnral de Gaulle s'est adress en uniforme
la nation.
Cette phrase est historiquement situe, fait rfrence aux "vnements de
mai 68", une priode o, pendant quelques jours, il y a vacance du pouvoir, au
point de conduire le chef de l'Etat de l'poque auprs du gnral Massu, chef des
forces militaires franaises stationnes en Allemagne, ce pour s'assurer la
loyaut de l'arme... au cas o... Fort de l'appui obtenu, le gnral de Gaulle veut
reprendre les choses en mains et veut le signaler par une allocution muscle la
nation.
L'affirmation de l'autorit passe par l'uniforme, et le symbole n'chappe
personne en France, puisque le gnral, depuis la libration de la France,
n'affiche son uniforme militaire que trs rarement et dans des circonstances
graves. Pour le journaliste, il importe peu de choisir entre:
a) A son retour d'Allemagne, le gnral de Gaulle s'est adress en
uniforme la nation.
ou
b) A son retour d'Allemagne, le gnral de Gaulle s'est adress la nation
en uniforme.
S'il veut mettre l'accent sur le circonstant en uniforme, il peut certes le
placer la fin de la phrase, mais il peut aussi marquer le dcoupage syllabique
de ce segment (EN - U - NI- FORME). La transcription orthographique essaie de
rendre compte de cette modalisation en utilisant les tirets, les majuscules ou le
soulignement. A loral, la modalisation saccompagne dune gestualit dictique.
Si le principe d'une dynamique communicative semble incontestable,
l'identification prcise de la charge informationnelle des diffrents segments de
la phrase n'apparat pas aise. Nous devons admettre quil peut y avoir
58
Th 1
Rh2
Phrase 2:
Th2
Phrase 3:
Rh2
Th3
Rh3
Rh2
Phrase 2: Th2
Rh2
59
Rh3
exemple:
Donar allait de son pas lastique, enfermant dans son coeur la promesse de
l'aventureuse tentative qui commencerait cette nuit. Il connaissait le petit port, o
il esprait dcouvrir un navire en partance (...) Donar tait tout ses penses
quand il en fut tir brusquement par un martlement de sabots de chevaux qui
apparaissaient un tournant de la piste et, au galop, ventre terre. Le fugitif se
jeta aussitt derrire un rocher...
Ren Guillot: Le Champion d'Olympie, Paris, Hachette, Bibliothque verte, 1965, p. 40.
Une boule dore, quand bien mme au sommet du panache dore du jet
d'eau jaillissant de la vasque de marbre, est une rfrence nouvelle dans le texte.
Ce thme n'est pas annonce dans les phrases prcdentes, mais contribuera au
dveloppement de l'histoire.
Le terme "progression saut" est souvent rserv la dsignation de
l'apparition, de l'introduction d'un thme rfrentiellement nouveau dans un
texte. Il est possible de discuter la validit de l'appellation "progression saut"
dans cette occurrence, car il s'agit en fait moins de progression saut, que de
suspension de la progression. Un thme prsentant un nouveau rfrent ne
connat en effet aucun ancrage dans l'amont du texte.
La progression saut dsignerait, notre sens plus judicieusement, la
reprise distance, totale ou partielle, d'un thme ou d'un rhme.
60 Toute ressemblance avec une personne ayant exist ou vivante est purement fortuite.
61
ex:
...Abdou, le multre, revenait au port rassrn.
Bormo le berger, au mme moment, dans sa cabane, parlait son chien...
Le Champion d'Olympie, p. 63.
Conclusion
L'analyse fonctionnelle de la phrase essaie de rendre compte
scientifiquement du texte comme entit dynamique. Mme si elles sont
complexes manipuler, les notions dveloppes dans le prsent chapitre sont
essentielles pour qui veut comprendre qu'un texte est un itinraire, un trajet, o
l'information se construit petit petit et conduit une fin. Un mme rfrent
change de statut au fil du texte. Selon qu'il est dsign au niveau du rhme ou du
thme, le rfrent est ou n'est pas susceptible de ngociation. Le dialogue
pratique le thme et le rhme de faon spectaculaire. Qu'on songe ces
questions de journalistes auxquelles refusent de rpondre les hommes politiques.
Une question, en imposant le thme, construit ncessairement une partie de la
rponse, n'est donc pas neutre. D'o le souci frquent qu'a le questionn de
reformuler la question. Le thme n'est tant l'ancien, le dj connu du texte que
linformation non ngociable, le savoir impos.
62
63
64
ajoute: "Mais, Matresse, c'est vous qui avez dit que quand on commence
quelque chose, il faut toujours le terminer!"
Ceci, c'est pour une histoire minemment drle et bien raconte. Mais
l'histoire en question est rarement rapporte aux amis et parents sous cette forme.
Tout se gte gnralement l'pisode "rcration", car l'enfant narrateur aura
tendance raconter que Toto, pendant la rcration, est all aux toilettes et a
utilis tout le papier du mme nom, aura tendance, par l, gcher son histoire
drle, en anticipant sur le dnouement.
Un narrateur efficace doit donc mettre en rserve une information qu'il
connat, mais qui ne doit tre propose au destinataire que dans la dernire
phrase, au niveau de la "chute". La comptence suppose la capacit de gestion de
l'itinraire narratif.
2. Soit un expos de lycen, ou d'tudiant. Nous connaissons tous le
"pensum". On sait quand un expos commence, rarement quand il se termine.
L'une des cltures possibles ressortit la contrainte horaire, o le combat cesse
" la cloche". Une autre annonce le plan de l'expos, qui permet au destinataire
de se reprer. C'est ainsi que souvent le narrateur, avant son expos, crit au
tableau ou distribue le plan de son expos. En dpit de la pauvret des
connecteurs utiliss, en dpit du caractre accumulatif de l'expos, le destinataire
pourra se reprer et saura attendre et prvoir la fin. Il est remarquable qu'ici l'oral
s'appuie sur l'crit.
A la diffrence de l'oral, l'crit signale d'emble l'entit textuelle, ne seraitce que par le fait que le texte, couch sur le papier, dlimite une surface. A l'crit
nous disposons en quelque sorte de "signes extrieurs" de textualit. A l'oral, la
clture du texte est strictement interne, au point d'obliger ceux qui manquent
d'imagination dire: "pour conclure", "et ce sera l le mot de la conclusion",
voire, devant un auditoire dstabilis : "C'est fini!". Pour des rcits fortement
ritualiss, la clture est plus facile reprer. C'est le cas de l'histoire drle avec
la chute; c'est galement le cas avec le conte qui s'achve avec "Ils se marirent,
vcurent heureux et eurent beaucoup d'enfants".
A l'crit, l'une des faons de clre le texte est de le circonscrire
matriellement. Un roman est un objet isolable, l'achat, au transport, la
lecture. Un fait divers dans un quotidien rgional est inscrit sur une surface qui
merge comme entit avant mme qu'on ait pris connaissance du texte et des
textes voisins. D'o l'expression "coupure de presse". A la diffrence du roman,
ou de l'essai philosophique, le journal n'est pas un texte mais un ensemble de
textes. La pluralit tient moins la pluralit des scripteurs qu' la pluralit des
textes. Mme crit quatre mains, un roman ou essai reste UN texte. Un journal
ayant un seul rdacteur est une collection de textes. L'unit matrielle ne suffit
donc pas fonder l'unit textuelle. Nombre de romans ont t publis sous la
forme du feuilleton.
66
perspective fait que les deux rfrents ne sont plus perus dans une successivit,
mais dans un rapport de hirarchie. Ce rapport est signifi par la subordination; il
est galement marqu par les temps verbaux (cf. le pass simple de premier plan
versus l'imparfait de second plan).
Soit une phrase du type: "Le voyage avait t trs pnible". Le choix du
plus-que-parfait dans notre narration n'est pas anodin. Pass du pass, le plusque-parfait ne vise pas tant faire du voyage un vnement objectivement pass
ou antrieur, qu' crer une squence nouvelle. Avec le plus-que-parfait, le
narrateur indique qu'il a fini de raconter le voyage et qu'il commence un nouvel
pisode. Le plus-que-parfait introduit la nouvelle squence.
Une squence qui s'ouvre doit pouvoir se fermer et le narrateur dispose
cet effet du futur du pass. Notre narration peut ainsi proposer: " Le voyage
serait pnible". Une telle phrase ne peut intervenir que dans un pisode qui
prcde le rcit du voyage proprement dit. Elle peut ainsi conclure efficacement
la squence consacre aux prparatifs du dpart.
Nous venons d'effleurer la question de l'organisation squentielle du texte,
de justifier le paradoxe qui veut que l'unit implique la segmentation. Mais n'estce pas l une relation ncessaire que nous pouvons prvoir ds lors que nous
notons qu'une unit textuelle est construite par une pluralit de phrases!
4.2. Le Texte comme type
Les critres communs auxquels doivent satisfaire les textes ne conduisent
pas l'uniformisation des productions textuelles. Les textes vont se distinguer
les uns des autres en s'inscrivant dans des typologies institues. Devant une
collection de textes varis, le lecteur est capable d'oprer un tri, un classement.
Les critres de classement peuvent tre somme toute nafs. Un conte pourra tre
reconnu par ses formules introductives et conclusives, un article journalistique
par son support, un article scientifique par son lexique et son rfrent, etc. Mme
naf, un classement n'est pas le tri subjectif et ponctuel d'un rel. Il s'appuie
ncessairement sur des critres, lesquels peuvent tre plus ou moins conscients.
La rfrence "conte" ou "article" prsuppose ainsi la pratique, la familiarit
et une certaine connaissance des textes. Et l'on ne classe qu' partir de
classifications dj tablies.
La linguistique textuelle n'ignore pas les classifications vulgaires des
textes, mais souhaite proposer de nouveaux critres de classement. Les
propositions, ce niveau, sont particulirement nombreuses et il n'est pas dans
notre intention de dcliner toutes les typologies existantes. Il faudrait y
consacrer tout un ouvrage. En dpit de la production dans le domaine, il est
possible de reconnatre deux grands principes de classement, selon que le texte
68
1970.
63 cf. le sommaire du numro:
69
(cf. les critres constitutifs de la cohrence) n'est pas donn avec la comptence
naturelle du locuteur .
Le texte, tel qu'il est dfini par Charaudeau comme "manifestation
matrielle de la mise en scne d'un acte de communication, dans une situation
donne, pour servir le projet de parole d'un locuteur donn" (1992, p. 645),
semble retrouver l'acception vulgaire, mais se trouve justif par des "modes de
discours dominants" (cf. schma ci-dessous):
TYPES DE TEXTES
Publicitaires
-affiches de rue
- magazines
Presse
- faits divers
- ditoriaux
- reportages
- commentaires
Tracts politiques
Manuels scolaires
Dinformation
-recettes
- notices techniques
- rgles de jeux
Rcits
- romans
- nouvelles
- de presse
MODES DE DISCOURS
DOMINANTS
Enonciatif
(simulation de dialogue)
variable mais Descriptif dans
le slogan
AUTRES MODES DE
DISCOURS
Narratif
(lorsquune
histoire
est
raconte)
Plus Argumentatif
Dans les revues spcialises
Narratif et Descriptif
Descriptif et Argumentatif
Descriptif et Narratif
Argumentatif
Enonciatif (appel)
Enonciatif
Selon les cas, effacement ou
intervention du journaliste
Descriptif
(liste des revendications)
Narratif
(action accomplr)
Enonciatif
(dans
les
consignes de travail)
Plus Argumentatif
(dans certaines disciplines:
mathmatiques,
physique,
etc.)
Descriptif
Descriptif et narratif (Faire)
Descriptif et narratif
Descriptif et Narratif
Enonciatif
Intervention
variable
de
lauteur-narrateur selon genre
(autobiographie, tmoignage,
nouvelle, etc.)
1992, p. 646.
70
Types de textes
chez Bernard Combettes
-Narratif
-Descriptif
- Argumentatif
-Informatif
- Injonctif
65 cf. notamment, Quelques Jalons pour une Pratique Textuelle de l'Ecrit, Dir. scientifique:
71
72
1973.
73
Conclusion
Avec la question des types, au bout compte, nous ne savons pas exactement
ce que nous classons ; en mme temps nous reconnaissons la ncessit de
classer. La formulation peut apparatre paradoxale, mais nous signifions ici que
la comptence textuelle pour le consommateur (scripteur ou lecteur) des textes
repose ncessairement sur la capacit nommer et identifier un produit, un
produit que le consommateur va apparenter des produits similaires. Le
consommateur non spcialiste na pas attendu le critre darchitextualit de
Grard Genette70 pour identifier un produit textuel en le rattachant un genre. Et
le genre est un critre de classement dautant plus efficace quil impose des
contraintes formelles fortes. Les genres dits littraires ont souvent cet avantage.
Cest le cas du pome en vers qui impose trs souvent une structure troite. Cest
le cas du sonnet ; cest aussi le cas du haku, ce pome traditionnel japonais de 3
vers, avec le premier et dernier pentasyllabiques, le second heptasyllabique. Il
est remarquable que le dfinition mme du genre est lie la contrainte formelle.
Cest le cas du calligramme, ou, pour prendre un autre exemple, du lipogramme
o le scripteur sinterdit lusage de certains outils de la langue, certaines lettres
en loccurrence. Un exemple clbre est La disparition de Georges Prec, texte
o lauteur se refuse lemploi de la voyelle e , do le titre de loeuvre. Et
dans la traduction italienne, cest la voyelle i qui se trouve prohibe.
68 Quelques rfrences pour approfondir la question des typologies:
La contrainte impose qui fait la dfinition dun genre peut valoir pour
certains documents non littraires. Cest le cas du tlgramme et de la petite
annonce, par exemple.
Pour des documents plus ouverts, plus longs, plus libres, lidentification
apparat nettement plus complexe. Cest dessein que nous venons de proposer
le terme documents , terme qui a le mrite, selon nous, dappartenir la
terminologie usuelle, et de ne pas rechercher une dfinition thorique, comme
ceux de textes et de discours . La possibilit didentification et de
classement a besoin darguments, doit sappuyer sur des traces visibles, des
marques. Le texte comme manifestation concrte dune activit langagire,
comme produit, en propose. Cest moins vrai pour le discours qui veut prendre
en compte le texte et les conditions de production. Le discours pose le problme
plus gnral de la complexit du langage, dune action o le message peut
signifier autre chose ou plus que ce quil semble dire, o la performativit dun
acte de parole nest pas toujours signifie par un performatif explicite (cf.
Austin). Ceci explique, notre sens, et pour une large part, que les typologies
savantes aient quelques difficults simposer lcole qui tend prendre appui
sur une classification mettant en oeuvre le mtalangage naturel.
75
1. Dans un ouvrage destin aux lves de 6me, un diteur parisien bien connu de
manuels scolaires propose une leon consacre la publicit, leon o la
publicit est dfinie comme un document comportant une image et un texte.
Cette dfinition vous semble-t-elle pertinente ? Avez-vous des propositions
autres pour dfinir la publicit, ou le document publicitaire ?
76
71
Voir DABENE, Michel : Ladulte et lcriture. Contribution une didactique de lcriture en langue
maternelle, Bruxelles, De Boeck, 1990.
72
Une attitude plus radicale consiste remettre en cause les programmes eux-mmes. On peut ici citer lAntiManuel de Franais de Claude DUNETON et Jean-Pierre PAGLIANO, publi en 1978, au Seuil.
77
En rattachant lcrit la technique, nous avons bien conscience dattirer des critiques qui peuvent voir dans la
technique une mdiation contre nature qui peut tuer, castrer toute crativit, notamment une tape du
dveloppemnt o la libre expression doit tre le moteur de la motivation et de lapprentissage. Mais, ces
critiques, les tenants de lOULIPO (Ouvroir de Littrature Potentielle), dont Georges PEREC (cf. La disparition,
par exemple), et les spcialistes de la crativit ont dj apport des rponses.
75
Il existe des troubles de lcriture sans troubles du langage, sans aphasie. Et, dans ce cas, les troubles de
lcriture ne sont que lune des manifestations de troubles plus gnraux de lapraxie.
78
vise pragmatique, sinon dobtenir une bonne note lcole ou dtre slectionn
pour le concours orthographique de Bernard Pivot, qui, tel le beaujolais nouveau,
se consomme et se clbre rituellement une fois lan.
Il est reconnu que la communication crite, par opposition celle orale, est
une communication diffre. Au-del de ce constat, nous pensons que lcrit,
parce quil ressortit loutil, est plus fondamentalement une production
langagire caractrise par la distanciation. Il doit sa difficult cette proprit.
Il ny a pas lieu, selon nous, de poser une comptence rfrentielle, une notion pistmologiquement
contestable et provoquant des contresens avec les usages dj attestes de la notion de rfrence.
La rfrence, nous la trouvons dans le schma de la communication de Jakobson et la fonction rfrentielle est
aussi la fonction de communication, fonction par laquelle le langage dsigne, reprsente la ralit du monde. La
rfrence chez Jakobson retrouve la rfrence de la philosophie et de la linguistique textuelle. On saisit pour le
coup lambiguit de la notion de fonction de communication chez Jakobson.
79
savoir raconter, non seulement savoir, mais aussi savoir faire. Le texte est de
lorde du savoir faire, dun savoir-faire qui donne de la cohrence une suite de
phrases (cf. chapitre 1).
La ncessit de cohrence impose au texte une mise en forme
contraignante, avec notamment une gestion de la dure. Le scripteur doit rsister
la pression de linstant, doit penser son texte comme un ensemble. Mme
averti, le scripteur est souvent pris en dfaut. Cest ainsi quun tudiant de la
matrise FLE, dans un mmoire rdig en mai 2001, en haut de sa page 47,
annonce 3 remarques, propose pour les indexer un systme de numrotation.
Mais il fait apparatre en bas de cette mme page, un 4 , lequel commence
par un autre point . Le correcteur relve cette anomalie et peut mme la
sanctionner comme un dfaut de rigueur. Ltudiant admet le reproche qui lui est
fait et stonne de ne pas avoir vu et corrig lui-mme cette anomalie. Il laurait
sans doute fait si ce 4 navait pas t plac dans son texte aussi loin du
segment trois remarques . Nous pouvons trouver des problmes similaires
pour la gestion de laccord et la psychologie cognitive aime mesurer ce type de
difficults. Les correcteurs orthographiques de nos traitements de texte actuels
sont souvent pigs par la distance sparant deux segments dans un texte.
Le scripteur ne doit jamais oublier que le texte quil crit doit tre un
ensemble o les parties sont solidaires, doit savoir grer une distance, une
longueur, un trajet, un volume. Cest ce prix quil vite ces remarques
frquentes dans la marge des copies, ces rfrences des correcteurs au
raisonnement, la rigueur, la logique, la rptition, la contradiction.
Poser la comptence textuelle dans sa spcificit, la distinguer de la
comptence linguistique, cest, notre sens, mieux comprendre le dbat sur le
fond et la forme. Cest galement distinguer deux niveaux dintervention dans la
pratique de lcrit. Ces deux niveaux sollicitent diffremment la mmoire (cf.
opposition faite entre la mmoire court terme et la mmoire long terme) et la
matrise de la phrase ressortit aux oprations de bas niveau. Prenons lexemple
de lapprenti lecteur qui mobilise toute son attention pour le dchiffrage du texte.
Leffort ici consenti va se payer et lapprenti lecteur ce stade va se rvler
gnralement incapable de donner du sens au texte lu, dchiffr. Pour raliser
une lecture intelligente , il faut pouvoir se librer quelque peu des oprations
de bas niveau. Parlant de la comprhension des textes, Jocelyne Gyasson77
compare lactivit de lecture la pratique du vlo, activit qui dans les premiers
moments de lapprentissage apparat trs difficile, voire douloureuse, car
lapprenant doit tout de suite tout faire en mme temps. Pour la rdaction crite,
les oprations de haut niveau comprennent le travail ingrat, mais ncessaire du
brouillon. On pense ici la construction dun plan, la planification. On pense
aussi un travail dcriture long , o il faut revenir sans cesse et jusqu la fin
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sur son texte (cf. la rvision). La didactique de lcrit fait souvent rfrence ce
sujet aux travaux de la psychologie cognitive78 et au schma de Hayes et
Flower79.
La comptence textuelle opre au niveau des oprations de haut niveau et
nest pas rductible la comptence linguistique qui est engage au bas niveau.
La dissociation des niveaux et des comptences permet de comprendre
certaines spcificits de la didactique de lcrit en fonction du contexte
dapprentissage. En FLE lapprenant doit constamment contrler son
expression, la syntaxe de ses phrases et il est possible de considrer qu ce
niveau lexpression crite est plus difficile dans une langue trangre que dans la
langue maternelle. La matrise des oprations de haut niveau est dune autre
nature et les apprenants, dans la rdaction en langue trangre, peuvent rutiliser
des savoir faire mis en place en langue maternelle. Il y a donc une transversalit
partielle des questions de didactique de lcrit, transversalit quil convient de
prendre en compte et pour valuer les crits des apprenants et pour construire
une pdagogie.
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HAYES, J.R : Un nouveau modle du processus dcriture , in BOYER, DIONNE et RAYMOND (dir.) :
La production des textes. Vers un modle denseignement de lcriture. Montral, Les ditions Logiques, 1995,
pp. 49-72.
- BARRE-DE MINIAC, Christine : Le rapport lcriture. Aspects thoriques et didactiques, Lille, Presses
Universitaires du Septentrion (voir Premire partie, chapitre 2).
80
PEYTARD, Jean : Oral et scriptural, deux Ordres de Situations et de Descriptions Linguistiques , in revue
Langue Franaise, n6, Paris, Larousse, 1970.
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cela il faut savoir rattacher ce qui est dit ce qui a t dj dit et ce qui va ltre.
Do la ncessit de relire ses notes et de les rorganiser.
MAS, Maurice : Recherches sur lvaluation des crits des lves. Problmatique didactique, notions de
critre dvaluation et de contenus denseignement (dir. Michel Dabne), Grenoble, 1994.
83
Paris, Delagrave,1990.
- CHARAUDEAU, Patrick : Grammaire du sens et de lexpression, Paris, Hachette, 1992.
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WEINRICH, Harald : Le temps. Le rcit et le commentaire, Paris, Le Seuil, 1973 (titre original : Tempus,
1964)
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les manuels de grammaire qui citent des exemples dcontextualiss, mais mise
en perspective quon trouve naturellement dans les textes. Cest lpreuve
du texte quil est possible de comprendre et de faire comprendre la notion de
plans et de comprendre la hirarchie cre par la distribution du pass simple et
de limparfait.
Lanalyse des relations de la didactique de lcrit la grammaire est en
consquence marque par la linguistique textuelle et il est possible dobserver un
double mouvement : un premier qui permet de sortir de la grammaire stricte de
la phrase ; un second qui fait paradoxalement revenir la grammaire, mais une
grammaire revisite.
Le texte claire la grammaire et la grammaire claire le texte.
et vient qualifier des documents qui nont pas t faits originellement pour la
classe et qui, de fait, cessent dtre authentiques ds quils font lobjet dune
pdagogisation. Peu importe finalement que ces documents soient vraiment
authentiques ou fabriqus. Il importe par contre quun document propos dans
la classe de langue soit plac dans un contexte pragmatique, ne soit pas propos
sans ce contexte.
Prenons par exemple le fait divers de la presse rgionale, un type de
document que lon trouve souvent dans les manuels aujourdhui.
Indpendamment de sa qualit ou de son intrt intrinsque, la coupure de presse
sadresse un lectorat prcis, est place certaines pages dun priodique
livraison prcise (quotidienne, hebdomadaire). Pourquoi trouvons-nous dans
un quotidien rgional en page 7 ( page locale), sous un titre la mention (lire en
page 5) ? Pourquoi avons-nous un mort pour cet vnement en page 5 et
deux morts en page 7 (page toutes ditions) ? En posant le contexte
pragmatique pour la coupure de presse, nous faisons valoir que le lecteur de la
page locale, de la page ddie une ville par exemple, attend des informations
concernant la ville. Si un accident de la circulation fait deux victimes et que
lune des victimes est originaire de cette ville, en page locale on pourra ne
retenir que cette victime. Pour trouver la seconde, il faudra aller la page
toutes ditions du journal. La coupure de presse permet ainsi de travailler la
prise en compte du destinataire, du lecteur, une prise en compte qui apparat
notamment dans lorganisation des pages du journal. Priver un article de presse
de son contexte revient interdire ce travail, tant en lecture quen criture. Ce
nest donc pas lauthentici du document qui importe ; cest son ancrage
pragmatique. Ceci a t bien compris par les tenants des simulations en
didactique des langues moins par les adeptes du document authentique.
Une grille du type Quoi ? Qui ? O ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?
est sans doute trop gnrale pour lapproche des documents authentiques. Nous
regrettons galement une certaine pratique du document authentique dans la
classe de langue o lon retrouve une exploitation unique, o lon propose un
document qui fait lobjet, aprs lecture, de questions de comprhension et sert de
support ou modle des activits dcriture la manire de . Cette pratique
dune part a le tort de provoquer lennui force dtre rpte, dautre part ne
sappuie pas sur un projet didactique, ne repose pas sur une conception de lcrit.
La diversit des ressources, des documents ne garantit ni la richesse, ni
ladquation des exploitations pdagogiques. Il est plus facile de mettre en avant
les documents que les (sous)comptences constitutives de la comptence
textuelle (ou scripturale). La prise en compte du lecteur renvoie lune de ces
(sous)comptences. Et quand nous mettons en avant, non le document, mais la
comptence, nous nous plaons dlibrment dans une perspective didactique o
la nature du document na pas dimportance en soi.
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CONCLUSION
L'objectif du cours est modeste: il s'agit d'introduire un dveloppement
rcent des tudes linguistiques. La grammaire du texte ou la linguistique
textuelle apporte aujourd'hui moins de solutions que de problmes. Elle n'en
demeure pas moins incontournable, car la bonne comprhension du langage
exige l'analyse de segments verbaux plus larges que ceux phrastiques. Faut-il
pour cela inventer une nouvelle discipline, crer un nouvel appareil conceptuel?
Ce serait l prenniser la coupure que nous dnonons entre la phrase et le texte.
Il nous semble plus intressant et il nous apparat pistmologiquement lgitime
de reprendre certains savoirs tablis dans le cadre de la description de la phrase
la lumire, l'preuve du texte. Et dj peuvent se saisir des convergences
intressantes. Le pronom sert le texte en tissant conomiquement un rseau
corfrentiel. La rupture ou segmentation phrastique aide comprendre le
principe de clture du texte.
Il est un autre enjeu la linguistique textuelle, un enjeu cette fois
pdagogique. La linguistique textuelle peut-elle nourrir la rflexion didactique?
Et nous serions tent de rpondre cette question par la ngative, si la
linguistique textuelle en restait la description d'un objet (le texte) et ne venait
pas s'intresser l'activit langagire (le processus) qui produit cet objet. La
thorie du texte doit tre imprativement accompagne d'une thorie de la
comptence textuelle, de cette comptence qui doit tre l'oeuvre dans nombre
de productions langagires, notamment scripturales, notamment scolaires.
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