La Perfectibilité Chez Condorcet
La Perfectibilité Chez Condorcet
La Perfectibilité Chez Condorcet
revanche le calcul des probabilits lui permet de rendre raison en termes positifs de la part
d'alatoire et de contingence prsente dans le concept rousseauiste de perfectibilit.
Ce sera l'apport spcifique de Condorcet, ralis dans l'Esquisse, d'avoir tent une dmonstration
historique de la capacit de la raison transformer la socit au moyen d'un art politique
rationnel . Baker, Condorcet (traduction franaise , Paris 1988, page 452).
La probabilit mathmatique dialectise le progrs positif de Turgot et la perfectibilit indfinie voire
indcise de Rousseau. Refusant comme obscur le calcul des probabilits, la tradition positiviste ne
pouvait pas voir que cet outil mathmatique tait destin critiquer ensemble les deux thses
philosophiques de Rousseau et de Turgot : l'une comme providentialiste, qui retirait l'homme sa
libert ; l'autre comme abstraite et par trop psychologique qui en venait retirer toute crdibilit aux
oeuvres humaines concrtes et aux lumires.
L'esprance thologique ou thique devenait mathmatique mais sans devenir rductrice : il
s'agissait ds lors de calculer les chances de l'homme et de tracer le tableau de nos esprances
(6).
Les progrs seront dits indfinis et non infinis devenant plus prcise cette nouvelle esprance
pouvait donner lieu une mobilisation (7). Selon Condorcet, cette puissance de calcul que Leibnitz
attribuait Dieu peut tre celle de l'humanit elle-mme surtout depuis que la Rvolution permettait
d'entrevoir le rgne de l'galit parmi les hommes (8).
C'est avec ce concept complet de perfectionnement que Condorcet pense pouvoir surmonter les
obstacles qui se dressent devant la marche de l'humanit. Car l'existence tenace de toutes sortes
d'obstacles non seulement ralentit mais remet en cause radicalement toute tentative de prophtisme
euphorique sur l'avenir humain : les Cinq Mmoires et le Rapport d'avril 1792 puis l'Esquisse feront
le compte de ces obstacles ; l'originalit de Condorcet sera d'affirmer, allant plus loin que Rousseau,
que les obstacles pouvaient tre des lments constitutifs du perfectionnement de l'humanit en
mme temps qu'une menace mortelle et rsurgente.
Historiques ou naturels... il y a des obstacles...
Une rflexion attentive aux divers obstacles rencontrs dans l'histoire des hommes ou dans la
condition mme de l'homme permet Condorcet d'chapper au prophtisme eschatologique de
Turgot et de la tradition qu'il fonde ( l'idologie du progrs au XlXe et XXe sicles dnonce par
Lvi-Strauss dans Race et Histoire). Ces obstacles sont de deux sortes et sont tour tour examins
par Condorcet :
des obstacles historiques : ces obstacles sont contingents (mais qu'il convient d'tudier une
fois que l'humanit les a surmonts). L'Esquisse tente de les comprendre et de les classer.
des obstacles naturels : ils sont invitables puisqu'ils sont lis la nature et aux limites de
l'homme et du savoir d'une socit. L'Esquisse mais aussi le Rapport relveront ces obstacles
invitables.
Les obstacles historiques
Ces obstacles peuvent tre classs et analyss aprs coup : des individus, des socits, des rgimes
politiques, des corporations, des sectes clricales peuvent vouloir, pour ne pas tre critiqus, abolir
toute possibilit de progresser. C'est sans doute ce que Condorcet redoute dans les phantasmes
obscurantistes et spartiates de ses contemporains. La rvisabilit raisonne et l'esprit critique,
caractristiques de la philosophie des Lumires au contraire mettent en communication et
divulguent les secrets et les injustices. C'est cet effort de libert de pense que Condorcet salue dans
l'Esquisse travers de grandes figures : Socrate, Galile, Descartes, les Encyclopdistes et ...
Turgot. C'est en rflchissant aux erreurs commises par ces grands esprits qu'il en raffirmera la
positivit. On lit dans l'Esquisse (Garnier-Flammarion, page 211) propos de Descartes :
L'audace mme de ses erreurs servit aux progrs de l'espce humaine. Progresser c'est
savoir pourquoi on s'tait tromp si longtemps auparavant. C'est le sens de la citation suivante de
dialectique entre Turgot et Rousseau, voie peut-tre insouponne par la tradition positiviste.
Condorcet retourne, en effet, la perfectibilit du Second Discours de Rousseau contre le pessimisme
politique et pistmologique du Premier Discours (sur les sciences et les arts ) ; de l'analyse de ces
trois obstacles natront des solutions appropries :
- L'obstacle cosmologique : les contraintes cosmologiques (cologiques) doivent tre penses et
c'est par leur prsentation que dbute l'Esquisse. L'homme pourrait progresser, du moins tant que
la terre occupera la mme place dans le systme de l'univers, et que les lois gnrales de ce
systme ne produiront sur ce globe, ni un bouleversement gnral, ni des changements qui ne
permettraient plus l'espce humaine d'y conserver, d'y dployer les mmes facults, et d'y
trouver les mmes ressources (l'Esquisse, op. cit. page 81) (10). Nous sommes prvenus : toute
innovation scientifique ou technique devra intgrer ce paramtre cosmologique.
- L'obstacle psychologique et anthropologique : l'esprit de l'homme est dpendant de ce qui d'abord
l'entoure et le limite : chaque gnration il faut tout rapprendre. Cette facult de recevoir des
sensations est trs limite. On lit dans l'Esquisse, op. cit. page 79 :
Cette facult (de recevoir des sensations) se dveloppe en lui par l'action des choses
extrieures (...). Il l'exerce galement par la communication avec des individus semblables
lui ; enfin, par des moyens artificiels, qu'aprs le premier dveloppement de cette mme
facult, les hommes sont parvenus inventer. Cependant ces signes peuvent tre combins,
classs, mmoriss et penss. Les moyens artificiels permettent d'acclrer les changes, donc d'une
gnration sur l'autre d'mettre plus de signes pendant le mme laps de temps. L'Esquisse fait
l'histoire de ces mdiations signifiantes (l'criture alphabtique, les livres, les bibliothques, les
acadmies, l'instruction publique, ...). Mais ces moyens artificiels doivent tre matriss et se
combiner entre eux (11).
Or les facults de l'homme restent les mmes : comment concilier ce fait avec la complexification
des signes et des connaissances ? L'Esquisse, op. cit. page 278, nonce le paradoxe mais en indique
aussitt aprs l'exigente solution :
La vigueur, l'tendue relle des ttes humaines sera reste la mme ; mais les instruments
qu'elles peuvent employer se seront multiplis et perfectionns.
En ce sens, comme l'indique C. Kintzler (op. cit. chapitre 111, 1984), les progrs de l'esprit sont
compatibles avec la permanence des facults. Mais on le sent implicitement, une condition : il faut
de mieux en mieux instruire les enfants. La puissance publique doit l'instruction aux enfants
proclamera le Premier Mmoire. Cet obstacle psychologique et anthropologique fait pressentir
l'obstacle majeur signal par la Note K du Rapport.
- L'obstacle pistmologique : on lit dans la Note K (page 133) un argument o Malthus a sans
doute trouv l'origine de sa problmatique (12) :
Si donc la prosprit n'augmente pas sans cesse, la socit tombe dans un tat de souffrance.
Cependant, les premiers moyens de prosprit ont des bornes; et si de nouvelles lumires ne
viennent en offrir de plus puissantes, les progrs mmes de la socit deviennent les causes de
sa ruine ( ... ). Il faut donc que les lumires se trouvent toujours au-del de celles qui ont
dirig l'tablissement du systme social.
C. Kintzler, op. cit. commente (page 93) :
Mcanisme aveugle, le progrs est aussi tche accomplir parce qu'il y a du progrs, il faut
progresser. Ce progrs n'est pas prvu - ceci rpond Turgot - ; mais il ne peut attendre - ceci
rpond Rousseau -. Le perfectionnement de l'humanit est affaire de choix intellectuels,
pistmologiques et politiques. Le cadre de rfrence o ces choix se combinent au mieux est pour
Condorcet la Rpublique; toute la Rvolution tend vers l'instauration de ce rgime; elle fait
progresser l'humanit. En effet, seul un rgime guid par les lumires et le bien public et non par le
fanatisme clrical de la vertu peut tenter de comprendre ses propres limites et prparer l'avenir.
On l'aura compris, d'une gnration sur l'autre il faut rorganiser les savoirs qui s'accumulent et se
juxtaposent anarchiquement. De plus, avec les avances techniques des besoins apparaissent ainsi
que des effets sociaux et intellectuels inattendus comme nous le dit aussi A. Smith. Si la puissance
publique et l'opinion claire ne sont pas vigilantes, la masse des connaissances peut crouler sous
son propre poids crant des contradictions dont les Discours de Rousseau nous signalent quelques
exemples. Comment peut-on ainsi risquer de se retrouver pauvre au milieu de tant de richesses ?
Comment sortir de ce paradoxe ?
La rponse volontariste de Condorcet
Il faut donc des instances dans la socit qui anticipent et diagnostiquent l'tat actuel des
connaissances et des techniques : ces instances rgulatrices doivent organiser sans cesse la masse
croissante des connaissances scientifiques et techniques et rflchir sur les ventuels obstacles
rencontrs par l'essor des lumires. Ainsi l'ambition de l'Esquisse est-elle de reprer les erreurs
passes pour en prserver l'humanit. Intellectualiss et penss, les erreurs passes et les obstacles
deviennent l'occasion de trouver de nouvelles solutions. On lit dans l'Esquisse, op. cit. pages 227279 :
Mais comme mesure que les faits se multiplient l'homme apprend les classer, les
rduire des faits plus gnraux (...) les vrits dont la dcouverte cot le plus d'efforts (...)
sont bientt aprs dveloppes et prouves par des mthodes qui ne sont plus au-dessus d'une
intelligence commune.
Il faut dans la socit des lieux o des esprits indpendants se forment et forment d'autres esprits :
les progrs futurs de l'humanit sont conditionns par la qualit de l'instruction publique et par
l'indpendance des Socits savantes et des Acadmies. Ces deux thmes traversent les Cinq
Mmoires et le Rapport d'avril 1792. Les enfants doivent s'instruire et les savants doivent avoir les
moyens de chercher car, par cela mme, sont rendus pensables les obstacles futurs que l'humanit ne
manquera pas de rencontrer (13).
Cette transposition des obstacles en moyens de progrs est cependant conditionnelle et risque,
toujours remise en question. La puissance publique n'aime pas toujours l'indpendance d'esprit des
matres, des savants, des tudiants et des chercheurs. Seule la Rpublique, amie des sciences et des
lumires va au-devant de sa propre rvisabilit.
La solidarit des instances rgulatrices
La masse de vrits ne doit pas tre laisse elle-mme ou gre par les seuls pouvoirs
conomiques, clricaux voire militaires ; il faut des instances rgulatrices qui l'on reconnatra une
entire indpendance pour atteindre un triple but :
un but dmultiplicateur
un but prventif
un but heuristique
En prcisant encore ces buts on pourra aisment identifier ces instances : il faudra donc devant la
masse des vrits freiner certaines recherches ou innovations qui mettent en pril l'quilibre
cologique, par exemple ; de plus il faudra arrter certaines recherches menaant l'existence de
l'humanit ; il faudra enfin faciliter pour l'avenir d'autres dcouvertes en classant et en diffusant les
connaissances (c'est le rle des Muses ou des Acadmies). Par son travail d'lmentarisation
didactique, l'instruction publique est une des instances rgulatrices les plus importantes car elle
permet chaque citoyen de ne pas tre un tranger dans son propre monde.
Ds le Premier Mmoire, (premier volume, page 39), Condorcet justifie l'instruction publique
comme prparation aux diverses professions mais aussitt notre philosophe largit la perspective
l'humanit toute entire (op. cit. page 42 et Note 9) : l'engendrement des gnrations se conjuguant
avec l'engendrement des savoirs, nul terme ne peut tre assign (...) ce perfectionnement .
ncessairement celle de l'instruction, tandis que l'galit entre les peuples, comme celle qui
s'tablit pour chacun, ont encore l'une sur l'autre une influence mutuelle.
Et dans la suite Condorcet d'voquer l'esprance presque certaine qui rsulte de ces progrs. Nous
sommes ici aux antipodes de l'esprance consolante dont nous tions partis avec la citation de 1785
qui visait Turgot.
Entre le pessimisme de Rousseau et l'optimisme de Turgot, le mliorisme de Condorcet
L'originalit de Condorcet n'est pas seulement d'chapper aux deux dangers signals en exergue par
P. Valry; il prend en compte la positivit des sciences et des arts signale par Turgot l'invention de
l'criture ou encore de l'imprimerie) mais il n'en fait pas une norme rigide et dogmatique (aucun
scientisme chez Condorcet). Et mme s'il cde un certain prophtisme dans l'Esquisse - ce qui
s'explique par un contexte immdiat bien connu - on peut avancer que dveloppant et
dpsychologisant l'ide de perfectibilit rousseauiste il parvient une nouvelle approche de l'ide de
progrs. Le concept de perfectionnement conditionnel de l'humanit (car il faut surveiller les
progrs aveugles par le jeu des diffrentes instances rgulatrices) permet Condorcet d'chapper au
providentialisme optimiste de Turgot et au pessimisme vite obscurantiste du rousseauisme. Il ne faut
pas subir le rel mais par l'instruction publique, les Acadmies, les Droits de l'homme et la
Rpublique, opposer le hasard lui-mme pour produire une avance des lumires et de l'galit. Ni
pessimiste, ni optimiste, Condorcet serait plutt mlioriste; la simple dfinition de ce terme, en
rsumant l'oeuvre de notre philosophe, nous servira de conclusion (15) :
mliorisme : doctrine selon laquelle le monde peut tre rendu meilleur par les efforts de l'homme
convenablement dirigs.
Charles COUTEL
Arras
NOTES
(1) Voici ces lignes de l'Esquisse (IX poque, page 231, Garnier-Flammarion): Enfin on y vit une doctrine nouvelle
qui devait porter le dernier coup l'difice chancelant des prjugs. c'est celle de la perfectibilit indfinie de
l'espce humaine, doctrine dont Turgot, Price et Priestley ont t les premiers et les plus illustres aptres.
Dans la suite Condorcet s'attaque la doctrine des sceptiques et des rousseauistes qui remettent en cause l'existence des
progrs des lumires et de la fonction mancipatrice de la raison; sceptiques et obscurantistes qui par leurs analyses
dispensent la vertu d'tre claire. (Ibidem page 232).
(2) Pour une confrontation entre Turgot, Bossuet et Condorcet, voir pages 215 228 de l'ouvrage de G. Sorel, Les
illusions du progrs, 1921, Slatkine 1981.
(3) Cet nonc prfigure, bien sr, la loi des trois tats d'A. Comte et sera en 1754 explicit par l'Abb Terrasson qui
crit: Les progrs de l'esprit humain dans le cours des sicles, font une suite d'une loi naturelle exactement
semblable celle qui fait crotre un homme particulier en exprience et en sagesse depuis son enfance jusqu' sa
vieillesse. Cette vue parallle du dveloppement de l'individu et du dveloppement de l'espce vient de Pascal et
s'inscrit dans la querelle des Anciens et des Modernes; mais a-t-elle un rel statut philosophique chez Turgot? On
comprend en revanche que Comte cherche tirer Condorcet vers Turgot si l'on se souvient du rle fondamental de la
loi des trois tats dans le positivisme.
J. Muglioni a bien montr la richesse de cette loi dans l'histoire des sciences et dans la philosophie de l'histoire d'A.
Comte (Cahiers de l'OFRATEME 1975-1976, pages 98 105): Il existe un tat thologique de toute recherche ( ... ).
C'est ainsi que la sociologie, la dernire et la plus difficile des sciences, est encore aux mains des sophistes.
Sur les rapports entre A. Comte et Condorcet voir la communication de J. Muglioni au Colloque Condorcet, juin 1988,
Paris, Minerve, 1989.
(4) En 1976 dans le Numro spcial sur Condorcet des Cahiers de Fontenay, M. CrampeCasnabet crit page 40 :
La question du progrs se confond conceptuellement avec celui de la perfectibilit humaine dont la philosophie
du temps admet qu'elle est indfinie, inscrite, cela va de soi, dans la nature de l'homme. Mais le problme est de
savoir si cette perfectibilit ne fait que s'expliciter d'une manire invitable, continue, en un mot naturelle, ou si
elle doit tre provoque pour passer de l'tat virtuel l'acte. L'idologie la plus rpandue semble reconnatre que
la perfectibilit se dveloppe naturellement, selon un schma qui rcupre le modle prformationniste de
l'volution biologique. Rousseau reste, en France, un de ces isols qui contestent que la perfectibilit ne saurait
s'expliciter naturellement, mais qu'elle ne peut se dvelopper qu' l'occasion de circonstances extrieures, de
catastrophes gologiques, ce qui, manifestement, exprime, mtaphoriquement, la ncessit de donner un statut
conceptuel la discontinuit, l'extriorit, au ngatif. Il reste que, si la perfectibilit est voue un
dveloppement continu et de soi, ncessaire, elle semble exclure non seulement tout retour en arrire de l'esprit,
mais
aussi,
toute
stagnation.
Voir sur ce point V. Goldschmidt, Anthropologie etPolitique, Paris, Vrin, 1983 (pages 288 292 sur le concept de
perfectibilit chez Rousseau).
(5) Sur le lien entre la physiocratie et le providentialisme voir M. Crampe-Casnabet, Condorcet lecteur des lumires,
1985, page 50.
(6) Cette expression figure dans l'Esquisse page 86, Paris, G arnier- Flammarion.
(7) Rappelons que l'esprance mathmatique est le produit d'un gain alatoire par la probabilit de ce gain. Dans le Nota
de l'dition de 1793 du Rapport consacr l'application du calcul des probabilits aux sciences morales et politiques,
page 104 de l'dition Compayr, on lit: Peut-tre mme que, dans plusieurs branches des sciences politiques
approchonsnous du terme o tout ce que la raison peut faire seule sera puis, o l'application du calcul
deviendra le seul moyen de faire de nouveaux progrs.
(8) M. Crampe-Casnabet, op. cit. 1976 page 25 crit :
L'homme des lumires, capable d'opposer le hasard lui-mme; parce qu'il connat les lois de la combinatoire,
voit son pouvoir de dcision et de prvision fond sur la reconnaissance de ses limites mais connatre cette forme
de ncessit qu'exhibe la combinatoire, c'est dominer la contingence aveugle. L'homme des lumires, le citoyen
de la dmocratie, se substitue au Dieu de la mtaphysique leibnitzienne.
(9) Ce n'est plus de l'instruction des enfants ou mme des hommes, qu'il s'agit, mais de l'instruction de la
gnration entire, du perfectionnement gnral de la raison humaine. Rapport page 49, dition Compayr.
(10) Dans un article intitul La dcadence de l'ide de progrs dans la Revue de mtaphysique et de morale, Numro
4, 1987, page 439, G. Canguilhem crit :
Le paradoxe, chez Kant, comme chez Condorcet c'est que le progrs indfini des progrs humains soit
subordonn une loi de constance cosmologique.
Sur l'ide de progrs chez Kant, voir A. Philonenko, tudes kantiennes, Paris, Vrin, 1982, pages 52 75.
(11) D'o le problme crucial de savoir si tous les medias se valent pour la conservation de la mmoire de l'humanit.
(Voir G. Canguilhem, article cit page 445).
(12) Malthus critique l'idalisme de Condorcet: la population viendra vite bout des ressources alimentaires de la
plante; mais pendant ce temps, rtorque Condorcet, l'humanit pourra, rejetant ses prjugs, dvelopper... la
contraception.
(13) Citons cet extrait peu connu o, l'occasion de la construction d'un canal, Condorcet expose sa thorie dialectique
des obstacles et des solutions face ces obstacles (O.C. Arago XI, pages 325-326) :
On n'a jamais dit que l'excution du canai souterrain de Monsieur Laurent ft impossible. dans ce genre,
presque tout est possible. Le ciel d'un canal souterrain ne se soutient-il pas, on le vote; l'eau qu'il fournit ne
suffit-elle pas, un en prend d'une rivire voisine; cette ressource est-elle encore insuffisante, des rigoles y
conduiront l'eau des rivires plus loignes; on peut enfin former un lac artificiel nourri par les eaux de pluie. On
est de mme sr que plus on multipliera les moyens de ce genre, et par consquent plus l'ouvrage sera
dfectueux, plus aussi il excitera l'admiration. Il faudra des recherches que, le canal une fois construit, personne
ne s'avisera de faire, pour prouver qu'il existait des moyens beaucoup plus simples de parvenir au mme but.
14) L'galit dans l'instruction publique est donc un facteur essentiel pour le perfectionnement (je l'espce humaine :
voil pourquoi la Note 1 insiste ce point sur la question de la gratuit scolaire. Il y reviendra de nouveau en janvier
1793 lasuite du Discours de Romme du 2 dcembre. Il y allait de l'essentiel. Se souvenant du Rapport d'avril 1792, J.
Ferry
dans
le
discours
la
salle
Molire,
s'crit
le
10
avril
1870
:
L'galit, Messieurs, c'est la loi mme du progrs humain!
(15) Vocabulaire de la philosophie Lalande, Paris, PUF 1968, page 606. Sur le mliorisme de Condorcet voir la
communication de L. Loty au Colloque Condorcet, juin 1988, Paris, Minerve 1989.