Rhsee 06, 1929 2

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VI-eme armee, N-os 4-6.

Avril-juin 1929.

REVUE HISTORIQUE
DU

SUD-EST EUROPaN
(Continuation du Bulletin de l'Institut pour l'etude
de l'Europe suci/orientale")
PUBLICATION TRIMESTRIELLE
dirigee par

N. IORGA
Professeur a l'Universite de Bucarest, Agree a la
Sorbonne, Correspondant de l'Institut de France.

PARIS

LIBRAIRIE J. GAMBER
7, Rue Danton.

BUCAREST
LIBRAIRIE PAVEL SURU
73, Ca lea Victoriei,

www.dacoromanica.ro

DIRECTEUR :

N. IORGA.
BUCAREST, 6, 50SEAUA BONAPARTE

SECRETAIRE DE REDACTION :

C. MARINESCU
Professeur a l'Universitd de Cluj.

/ 01101110M
1

--\

....

SOMMAIRE: ARTICLES.N. lorga: La creation religieuse

du Sud-Est europeen (conferences donndes


en Sorbonne) : I. Dieu et Satan. II. La Vierge. III. Les anges et
les saints.
Autres voyageurs occidentaux en Orient. General
R. Rosetti: Lettres militaires roumaines (1862-1863).
COMPTES-RENDUS sur : Karl Kart Klein, M. Xenophon
I
Netta, Paul Muratoff, Naomi Mitchison, Andre Grabar, Michel
Lascaris, East.
CHRONIQUE et NOTICES par N. lorga.

31MOSIMI11011

SOO

INICIIPS

imprimerie ,Datina RomAneascal


Villenii-de-Munte

www.dacoromanica.ro

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RE V ATE HISTORIQUE
DU

SUD-EST EUROPEEN

PuBLTEE PAR N. TnRirTA PROVESSEUR A L'UNIVEESITE DE BII0A.REST

VI-E ANNE& N -es 4-6.

A V it I L-JU I N 1929.

La creation religieuse du Sud-Est europeen


Conferences donnees en Sorbonne
I.

Dieu et Satan
Commencant un ,cycle de trois conferences stir la creation
religieuse du Sud-Est europeen, je dots faire, d'abord, uric
tres- humble confession:
Ma premiere intention (Stall de pres-nier se dement a clime,
de l'interet de nouveaute et, parfois, de poLie qu'elles pemeal
presenter, certaines legendes ooncernant Dieu, le Diable', la
Vierge, les Alves, les Saints dans le Sud -Est de l'Europe et
specialement dans cede region que je con-nl's beancoup mieux
que les autres, c'est-a-dire la region a laquelle j'apparliens, la
Rotunjnie.

Puis, apres avoir rassemble, dans des rocueils qui sont assez
nombreux et, parlo!s, assez Bien faits, hien pie, souventils ne
representent autre chase qu'un auras informe de legendes qui
ne sont pas triees et entre lesquelles it n'y a aucun rapport, apres avoir rassemble, dis-je, un grand nombre de legendes, apres les avoir rang,oes d'apres un certain rein?, sans essayed.une synthese, sans oser penser a unel synthese, de nouvelles

lectures, dont quelques-unes Liles ici mate, grace a la recommandation aimable de lel collegue de Bucaresl qua j'ai
trouvo a Paris, le professeur Candrea, je suis arrive a un anl
d'esprit, a regard de mon sujet, qui m'exislait pas auparavant.
Maintenant, je risquerai une synthese. Des problemes se sont
presentes au cours de ces etudes, que je n'avais pas soupconnes.
Ces problemes une foil poses, j'ai le devoir de chercher a lcpr
thinner tine solution et it arrive que la solution que je pourrais
darner sur l'origine de certaines legendes, stir rimporiance
que telle legende peut avoir dans un pays et qu'elle n'a pas
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N. forgo

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dans un attire, que tout cela peut servir pour echafauder


une synthese nouvelle.

Dans ce domaine, je dois le dire des le commencement, lets


syntheses ne sont que des tentatives, des tentatives hardies qui

peuvent amener des resultats pour la plupart provisoires, et


ceci pour plusieurs raisons que je dois fixer au debut de ces
conferences, avant d'entrer dans le sujet meme de la premire.

On a done des materiaux tres nombreux. Certains de ces


materiaux sont assez precieux. Leur authenticite ne peut plus
etre mise en doute. Il y a eu une 8poque ou on inventait du
folklore ; heureusement, on a rename a cette idee. Ce qu'on
presente au public, ce sont vraiment des choses reeueilnes,
qui representent Fame d'une nation, c'est-a-dire d'une panic
de la nation, de- certain individus appurtenant a cello nation,
qui, a un certain moment, otaient capable de presenter tine
legende d'une certaine facon.
Voila toutes les restrictions qu'il faut faire.

Done, les materiaux existent; ils sont nombreux et ils sont


parfois, comme je le disais au commencement, bien pre.senles.
Il manque tres souvent, ce qui est absolument necessaire dans
des recueils comme celui-ci, de bonnes tables, que le, lecteur ne

pourra jamais remplacer par des methodes a lui, par des methodes personnelles. Mais, pour arriver a cette synthese que
j'essaierai et pour avoir, 'Stant arrive a la synthese, une certaine conviction que les resultats peuvent rester definitils, it
faudrait pouvoir tenir comple de certains elements qui, malheureusement, pour le moment, n'existent pas.
Qu'est ce quo Cest qu'une lCzande recueillie dans tulle region?
Tres souvent on dit qu'une legende recueillie en Siberie est -une

legende siberienner-une legende rocucillie en Hongrie appartiont au folklore magyar, une legende de la rive droite du Danube est bulgare ou serbe, une legende recueillie sur l'autre
rive du Danube appartient aux Roumains. Mais, cependant,
on n'agit pas, a regard de ces legencles, de la meme facon dont
on agit, au moms depuis quelque temps, heureusement, au
moms depuis quelque temps, dans un autre domaine, celui de
la philologie.

Dans cc domaine do la philologie, chaque fois qu'il s'agit de


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La creation religieuse du Sud-Est. europeen

103

pren,dre une information, on se sent oblige de donner l'etat civil de la personne qui a fourni tel ou tel renseignement. Or,

pour le folklore, zet &ail civil n'existe pas. Il se peut bien


qu'une legende recueillie dans telle region n'appartienne pas
a cette region, parce que la personne, meme si elle parle la Wi-

pe de cette region, est venue nilleurs ou Men son pore, sa


mere, des parents, qui ont pu lui transmettre la legende, n'e
taient pas de LI. Alors, la legende est authentique, mais elle n'est

pas authentique en ce qui concerne, cette region et elle n'a


ai:cune valeur pour cette region.
Si jamais on adopte la bonne methode, si on se preoceupe
nomseulement de la legende, mais de celui ou de celle qui la
raconle, qui la presente, on pourra arriver a des resultats toutA-fait differents des resultats qu'on croit pouvoir doja etablir
en ce moment.
Rien qu'en feuilletant, unlivre admirable, qui represente
le travail de plusieurs artnees, et non pas seulement de l'auteur

mais, pour ainsi dire, de sa famine, parce que le livre (16


hate par une dedicate a la femme de l'auterr, qui a ele sa
collaboratrice, recueillant ces materiaux un. peu putout, eellui de Wahnhardt (Natnr-Sagen), qui est, sans doute, la collection la plus riche et la tentative les plus ingenieuse de trouver
la verite dans ce domaine, on trouve chaque legende comme
appartenant, de fait, a la region ou elle a et trouvee.

Diihnhardt arrive a des resultats auxquels

je,

ne pourrai

pas souscrire, Ainsi, it arrive A. cette conclusion : Puisque cottaines legendes concernant Dieu et le Diable, ce dualkme,
dont je parlerai bientot, qui a determine la creation du monde
et le. developpemen.t des etres vivants, ainsi que de cette terre
qui les porte, puisque les legendes relatives a ce domaine se
lrouvenL aussi hien dans certaines regions de l'Asie, qu:on les
trouve chez Vogouls, chez les 0 itiaques, qu'on les trouve nieme
en Amerique, dans des regions qui sont parlois oloignees d6

cette contree qui servait jadis, n'etant pas un detroit comme


aujourd'hui, mais un isthme,-a relier l'Asie Septenirionale a l'Amerique, voici la possibilite de dire que certaines de ces legendes, sinon toutes, ne viennent pas du cote de la. Peninsule des

Ralcans, c'est--dire du Sud au Nord, mais bien, dans les


pays du Danube, des Carpathes, dans les regions voisines de
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li

N. for&

Iiongrie, par la grande steppe, que ces legendes Pont

done en relations avec certains mouvements des patres de jadis, avec le -perpetuel mouvement des nomades.

Mais, st on pense a une chose, la seule a laquelle on ne


s'arrete pas dans cette facon d'expliquer les choses, si on pense
que les Vogoules et les Ostiaques et d'autres populations ant
appartenu A. la Russie, qu'il y a eu, au milieu de ces popula-,
lions, des gens qui venaient de l'Euretpe, alors, au lieu d'avoir

tine legende qui serait asiatique en principe et des le debut,


on en. a une qui part d'une region bien differ-elite et qui
est arrivee, par les hasards de la conquete et de la domination
politique, a s'etablir dans des pays oil elle ne correspond nullement A. la facon generale de penser et de sentir.

Void done, d'abord, une difficulte torsqu'il s'agit, dans le


passe, de choses fixees, de choses tant soil peu durable. Mais
it y en a aussi d'autres.

On croit pouvoir considerer une legende en dehors de la


puissance creatrice de la nation au milieu de laquelle on la
recueille et en dehors aussi de rindividualite de la personae,
qui la represente. Or, je crois qu'ici on commet une double
erreur. Chaque nation colore dune facon diffierente la legende
qu'elle a acceptee. Des nations ayant une imagination riche,
mais confuse, presenteront une legende d'uno autre facon qu'u
ne autre nation qul n'a pas les memes moyens d'imaginalion,

mais qui a un seas de l'harmonie, un seas de la logique qui


manquent a l'autre.
On ne peut pas presenter une legende comme-etant et coinme levant nocessairement etre partout la meme, sans aucune
distinction de territoiro et sans aucune distinction de nation.
Dans le folklore, it faut introluire necessairemenl un modenational, non pas pour pretendre que telle nation seule a cree
fes legendes dans tel domaine, mais pour reconnaitre, cette ve-

rite, qu'on ne peut pas ocarler, que le temperament national


donne tine note differente a chaque legende,

Pent-elre que pour la premiere partie, pour les legendes


sur Dieu et le Diable, ceci ne sera pas assez observable, -mais,
da.ns la seconde conference, lorsque je parlerai de la Vierge,

on verra bien combien ce temperament national change latalement les conditions (nine legende.
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La creation rellgieuse du Sud-Est europeen

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Et puis, s'il ne faut jamais croire que la legende appartient,

en grande partie, a la personne qui en est la delentrite et


qui la communique, it ne faut pas admettre, sans aucune reserve, le point de vue oppose, c'est--dire qu'il est possible
de transmettre une legende, surtout une legende qui n'a pas
recu an vete.ment poetique, qui ne tient pas a une forme du
vers, qui ne demande pas, absolument, une certaine rime
et ne s'arrete pas a certaines paroles devant toujours y
etre, it ne faut pas admettre qu'une de ces si nombreuses legendes en prose (la plupart sont ainsi) ne contient pas un
element individuel, Get element est de mise lorsqu'on opere
avec -des choses qui changent_sans cesse, qui changent non
seulement en ce qui concerne la forme, mais, tres souvent, aussi

en ce qui concerne le fond.


Par exemple, jadis, dans un proces du XV-e sicle, fait a
des Patarins ou a des Cathares, a ces continuateurs des Manicheens dans les regions du Nord de l'Italie et du Midi de la
France mome dans certaines regions de 1'Allemagne, on demandait la profession de foi de l'accuse. II a cut certaines choses qui cadrent avec les declarations faites par d'autres Patarins d'une autre region, avec ce qui peut etre eonsidere coinme
formant la base des renseignemeats sur ce dualisme religieux,

sur cette camaraderie impie pour nous entre)Dieu et entre


Satan, mais celui qui note les declarations, et qui savait bien
qu'il y a soixante-douze facons d'tre Manicheen ou Patarin,
ajoute que chaque heretique a sa fagon speciale, individuelle,
de concevoir sa croyance.

Alors, si dans la croyance elle-meme, dans cette foi heretique, it y a des differences- individuelles, d'autant plus doiventelles exister, non pas chez des sectaires, mais chez un.et-pau-

vre femme qui n'a plus in conscience d'appartenir a une heresie. i'heresie a disparu_ depuis longtemps; on est revenu au
bercail de 1'Eglise, on. est orthodoxe en Orient, on est catholique en Occident, mais neanmoins, sans un livre, sans une
predication, sans aucune influence venant de 'ceux qui etaient,
jadis, les chefs de la secte, tette femme, ou cet homme, retient
quelques elements d'une religion disparue.
Mais comment peut-on s'imaginer que ces elements qui, parfois, viennent de sieclavlointains, qui ont passe par plusieurs
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N. lorga

persecutions qui ont etc taut de fois attaques et ocrases, maudits


of punis par l'r.glise, comment pout -on admettre que ces ele"meats puissent--toujours se conserver de la meme facon?

Apres avoir donne ces renseignements, qui peuvent infirmer


en partie mes conclusions aussi, mais qui, certainement, infirfluent des conclusions aussi precises et aussi hardies que celles
de M. Dahnhardt j'arrive, avant de presenter les logendes ellesmemes, a leur source, a leur indiscutable source.
Je commencerai par la formule meme de ce dualisme qui

a represente, d'abord, la croyance d'une secte et qui est arrivee ensuite a nourrir tint de legendes. C'est, sans aucun doute,
l'oeuvre des hagomiles. Je ne dirai pas si je crois ou ne crois

pas a l'existence de Bogomil, du createur presume de la


secte dans la Peninsule des Balcans, dans la Bulgarie du
moyen-age; c'est Line question controversee et sur laquelle on

n'arrivera jamais a une solution ddinitive. Mais it est Men


certain que ce dualisme vient, pour les pays du Danube, done

pour la Bulgarie, pas autant pour la Serbie et pas pour la


Macedoine, mais aussi pour les Roumains, pour une grande
pantie des Russes, et non seulement des Russes ukrainiens, pour

certaines regions de la Hongrie et meme de la Slovaquie, sinon de la Boheme, du bogomilisme balcanique du moyenage.

M. Dahnhc.rdt cherche <a comprquer la question en parlant d'au-

tres heresies, mais it n'y a aucun doute que l'apport principal


dans le bogomilisme bulgare medieval a ete determine par
une invasion ethnograph'que d'elements asialiques impregnes
de manicheisme et en rapport avec la grande creation religieuse
de l'Iran, tres ancienne.
C'est de la que vient le dualisme religieux, et une, partie de

ce dualisme religieux a servi, en Asie meme, a creer cette


secte curieuse et detestable) des yezides qui, traquee, existe en-

core. Et, de l'autre cote, ce dualisme iranien, manicheen est


mlange un peu de ce qu'on appelle le paulicianisme ou le
christianisme de Saint-Paul, sans jamais pouvoir preciser, d'une
facon tres exacte, ce que c'est que cette religion de Saint

Paul, est arrive par Philippopolis, par les colonies de Byzance, a une certaine poque; en Thrace, a exercer, sur les
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La creation religieuse du Sud-Est europeen

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Bulgares et sur ceux qui ont ete, en rapports avec les Bulgares, Bosniaques et autres? transmettant cette religion vers l'Occident, une influence decisive.

Qu'est-ce que c'est que ce bogomilisme? Quand on parle


de bogomilisme, on s'artete surtout a la croyance religieuse
elle-meme. On ne tient pas comple d'un. autre Clement, petitetre plus important que la croyance relieuse, qui, elle aussi,
eU plus ou moms precisee, dependant plus ou moms de
l'epoque oil on l'observe et de la peirsonne chez laquelle on
fait l'observation.

Il y a sans doute, dans le bogomilisme, comme dans le


patarinisme (on peut appeler l'h6resie occidentale de plusieurs

norns, mais je conserve celui du patarinisme), it y a aussi


qt.elque chose qui peut etre considere plutot comme element
generateur. Ce n'est pas pour la croyance religieuse qu'elle
contenait que cette heresie s'est etendue dans l'Europe centrale et occidentale. Elle a gagne du terrajn, elle s'est imposoc,
elle a ete victorieuse, et elle n'a pas pu etre deracinee jusqu'a
l'arrivee des armoes destruetrices et des legions de moines, clesireux d'envoyer leur prochain a l'echafaud, qui les acco npapaient, pour ides raisons qui appartiennent a l'ordre social.
C'est, avant d'tre une heresie religieuse ou une affirmation
dans le domaine religieux strictement congu, une negation
dans le domaine de la hieranchie et de la vie sociale: pas d'eglise, pasde pretres, pas d'eveques, pas de croix, pas d'images saintes, pas de Margie et meme pas de livres saints, a l'exception pourtant de l'Ancien Testament, celui qui nous intoresse aujourd'hui, des Psaumes qu'ils admettent, et des Prophetes.

Done, avant tout, dans la societe, byzantine, societe fres


hierarchisee, fres formalisle, qui en -etait arrivee a tenir uniquement a la forme et a la hiexarc.hie, un grand mouvement de revolte, une vraie revoluron des classes inferieures, ag,itees, a un
certain moment, d'un sentimentalisrne nouveau.
Entre le bogomilisme et le franci.scanisme, it y a, sans doute,
un rapport, l'Occident, apres avoir connu ces formes, empriiri.
Vs, du manicheisme du bogomilisme, ayant tree atria S3
forme speciale et qui a dure, une forme beaucoup plus douct
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N. lorga

et n'ayant pas, a regard de l'Eglise catholique, le meme ca.


ractere d'opp' s't or irreductible. Mais le bogomilisme est aussi
une croyance de douceur et de soumission, UllE1 religion dont le
premier precept& n'est pas d'obeir, mais d'admeLtre dans Filth'bite de son etre, dans sa profonde conviction, avec le desir de
fraterniser avcc les attires hommes, unel croyance differente de
celle qui consacre 1 commencement et qui idtpose robeissance.
C'etaient des freres et des soeurs; its avaient a leur tete un

ancien", qui les conduisait en Bosnie, au XV-e siecle, tin


died, un. gost. Its n'admettaient rien de ce qui fprmait la
majesto et, en meme temps, roppreission de 1'Eglise officielle.

Et, lorsqu'il s'agissait de dogme, it se reduisait a ce que je


dirai maintenant.

Dans le b gomilisme, 11 y, a cote, Dieu et le Diable. Settlement Dieu n'est pas 1'Qnnemi des le commencement, du Diable. Au

contraire, le Diable, Satan, jadis Satanael, devenu mauefit apres


sa chute et dormant naissance, avec Eve., a Cain et a i s soettr,
Calomena, done Satanael, Satan a eie, an contraire, le fils aine
de Dieu: it s'est assis a la droite du Pere, et, s'il n'avait pas eu
cette superbe, cette folie des grandeurs qui ltti a donne, a l'heure
tragique, I:incitation de s'adresser aux forces elementairis pour

renverser Dieu, et s'il n'en avail pas ete puni, it resterait en-'
core a cette place d'honneur. Le Fils ne vient qu'ensuitet. Dans
la eroyarice bogoinile, Dieu est unique; settlement, de sa tete,
peuvent sortir deux rayons, qui sont le Pits et le Saint-Esprit.
Le Fils pourra creer ensuit, les Apolres et fen servir, mai,s,
pour avoir le Fils, it faut qu'il y ait la nocessito de rompre
ce pacte avec Satan,
puisqu'il y a un pacte, que Dieu seul
ne peut pas rompre. Il faut que Dieu crew, une aulre for-,
me divine, entanant de lui, mais lui restart inferieure, une

n'est pas une realile, mkis toujours un


Lome, car le corps du Christ n'est jamais reconnu autrement. Le
forme qui

Saint Esprit est entre par l'oreille de la Vierge et est sorti


par rautre oreille; l'incorporation s'est produite, mais cette incorporation n'est qu'une illusion; i1 n'y a pas de Christ reel,
it n'y a pas de sang reel ayant coule des blesstu4s du Christ.

Et it a fallu que cinq mille ans se fussent pass, 11 z fallu


la n.ecessito de revoir rancien pacte avec Satan, pour que,
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La creation religieuse du Sud-Est europeen

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dans la necessite de trouver des armes contre lui, la creation


du Fils s'impose. Mais, lorsqu'il est chasse du ciel, lorsque le
ciel ne lui appartient pas, comme Satanael est habitu a gouverner, a conduire, a ordonner, it lui faut un attire monde.
11 creera ce nouveau monde, qui est 1e noire, la terre, et tout
ce qui se trouve sur la tegne; it creera les hommes, avec la
participation de Dieu, mais mu, lui aussi, par une necessilo:
celle cravoir quelque chose en dehors du ciel, dont Faeces lui
est desormais interdit.
Il emploiera pour cela des elements qui existaient auparavont pour en meubler la forme d'exil de sa majeste divine,
disparue. Pensant toujours aux cieux, it se contentera de/ ce
pen de chose qui est la terre. Seulement,
et on verra
bientot, dans la legende, combien cette partie est bien Der
presentee dans tous ces pays du Sud Est de l'Europe , seu-

Satan peut bien creer, mais sa creation ne sera jaruais complete. Il y a une chose qu'il ne peut pas donner. Il
essaie bien de donner a Adam une ante; mais cette Arne s'ocoule par la pied gauche de l'homme et tree le serpent, Porigine du mat pour la de.stinee humaine. Impuissant, a etre
seul createur, it taut qu'il s'adressa a Dien; atoll lui demande
leme.n..t.

son contours, it taut (full partag- avec Dieu. Et, de cette facon,

it y aura dans le monde, tout de meme, tine partie qui est


celle du Seigneur, cette partie qui doit sse developper, par
les fideles memes du b-g m lisme, occupe a creer un nouveau
monde. Puree que les bogomiles se disent les elus, les lys

des champs", ceux auxquels s'adressent exclusivemenC les


benedictions du del, les regards du Seigneur. Ces benedictions,
ces regards ne sent pas pour nous, qui appartenons au Diable;

eux, its appartiennent a Dieu, et preparent l'autre monde. Il


y aura une victoire contre Satan, et cette victoire sera remport& par eux, alors que le christianisme officiel, avec ce
qu'il y a de diabolique, en commencant par le Pape et par le
Patriarche et en arrivant jusqu'au dernier des doservants d'une
eglise, sera remplace par ce qui viendra de cette societe, profondement demecratique, des revolutionnaires religieux.
On verra dans cette conference m'eme combien cette idee

du Dieu nouveau qui se prepare et qui, pour arriver, de


nouveau, a gouverner le monde, doit passer quelque temps
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N. lorga

au milieu des hommes, devenant tres doux, tres modeste, con


naissant toute ,douleur, toute souffrance et decouvrant les moyens de l'apaiser, de la consoler, combien cette conception, a influence sur les legendeS de noire region.
Il y a, pour ainsi dire, deux Dieu dans cette legende: Dieu le
Pere, d'abord, la premiere forme de Dieu, createur, mais pas
sans melange; puis, it y a l'autre Dieu, celui qui visite la terre,
qui est en contact avec les hommes, le grand distributeur de
justice, le grand consolateur, le Dieu qui, dans la compagnie de
Saint Pierre, traverse tout le monde et qui est un peu le) Christ.

11 ne faut pas s'etonner de trouver cette confusion entre


Dieu le pore et le Christ; elle s'explique tres facilement. Pour
nous, qu.and nous ne sommes pas theologiens, le Christ est
tout de meme different du Pere, de Dieu Sabaoth; pour les
bogomiles,

it n'y avait pas cette difference. Le Christ n'est

qu'une emanation passagere, deternainee par une necessite tran-

sitoire de Dieu. Le Christ est contenu dans Dieu le Pere, it


pent done passer sous le nom de Dieu le Per; it peat accomplir, dans son pelerinage a travers la terre, des devoirs qui incoinbent au createur de la terre et du ciel, au Pere.
Pour la premiere partie, le createur de la terre et des cieux
n'a qu'un role plutot efface, parce que toute l'attention se porte
sur le Diable.

Il y a, dit la legende roumaine, neuf cieux, en commencaul


par celui oa sont le soleil, la lune -et Saint Elie (le role de
Saint Elie sera montre dans la troisieme conference; c'est un
des saints les plus interessants de ces regions, et dans Saint
811e vivent plusieurs porsonnages appartenant a rancienne mythologie). Dieu est aussi a cote de Saint Nicolas, devant des
tables tendues, un vieillard aux cheveux blancs comme les arbres fleuris du printemps.
Or, cette caraetorisation se trouve dans cet ouvrage secret qui
ne fournit pas, a repoque byzantine, l'exposition complete du
bugomilisme, mais qui contient les reponses donnees par uncertain Basile, lequel, sous Alexis Conmene, a ete condonne et brine, mais, a un certain moment, croyant qu'il con-

vertirait l'empereur, a fait des declarations destinees a ]e


compromettre. I1 y a la meme definition de Dieu; dest ce
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La creation religieuse du Sud-Est europeen

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vieillard tout blame, tout doux, qui n'a pas l'intention de creer
le monde. La creation du monde vient apres et vient a cote de
lui.

Dieu fait pantie, dans un certain sens, de la Trinite, parse


y a des anges qui dansent autour de la Trinite, mais

qu it.

cette Trinite est une chose tres vague. On voit Bien que, main-)

tenant, la legende cree a cote de rinspii-ation bogomile. Il y


a dj cette creation directe du peuple qui ne s'attache a aucune

croyance ancienne heretique. La Trinite est done formee du


soleil, du feu et des etoiles.
La terre sera faite par Satan; Dieu y ajoutera quelque chose;

puis ils se partageront, chacun prenant la partie qui lui revient. Et, meme, les legendes affirment que c'est toujours la
part du Diable qui est plus grande, car le Diable, qui est tres
souvent trompe par Dieu, arrive, cette fois, a tromper Dieu
lui-meme.

Par exemple, lorsqu'il a fallu se partager la faveur des hammes, Dieu a cree les fleurs, les sentiers fleuris; it a invite les
hommes de ce cote. Alors, le Diable a cree les singes et touter
les curiosite.s qu'on expose dans les panoramas, et it a gagne la
partie.

La terre est faite, ainsi, d'apres une legende qui vient sans
doute, de Uncle, mais pas clirectement de la. II y a bien un argument qu'on presente toujours pour dire que certaines chores viennent de l'Inde. L'Iran n'a pas de mer, n'a pas d'eau, et,
puisqu'il s'agit d'une terre retiree des entrailles de la mer, l'argile qu'on y recueille, dont on fait d'abord le premier noyau de

la terre, viendrait sans doute de l'Inde. Mais it ne faut pas


oublier qu'il n'y a pas que les eaux de la mer, it y a aussi dos
fleuves, et on ne peut pas dire que c'est une region oh re,au
soit consideree comme quelque chose de tout-A-fait etranger et
d'inooncevable.

Dans cette legende, la terre est faite par le grand poisson,


le scorpion qui, sur quatre colonnes, soutient le monde. La
terre tremble
et eeci on le rencontre partout, lorsqu'on
vent trouver la raison des tremblements de terre, a chaque
mouvement de la bte qui se gratte alors contre les colonnes
de soutien.

Done, it peut y avoir la terre, i1 peut y avoir la creation


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112

N. lorga

sans l'intervention du Diable, mais aussi sans l'intervention


de Dieu; it suffit qu'il y alt dessous le grand poisson.
Le role de Dieu, dans l'autre facon de concevoir la creation,
est le suivant:
Dieu et le Diable, c'est-A-dire le Pere et son fils able, celui qui est encore a sa droite, s'entendent pour creer. Ici,

on est a cote du bogomiismc, parce que Bogomil ne raconte rien sous ce rapport. Du reste, le bogomilisme n'est
qu'une inspiration, qu'une incitation a la creation des legendes,
qui viennent d'elles-mentes, dans une floraison extraordinaire
qui part de Fame mettle du peuple, de son imagination toujours

en even
Quand Dieu et Satan veulent faire la terre et tout le monde,
ils trouvent deux facons d'agir, tres vulgaires, qui pourraient
bier. venir d'une inspiration asiatique. Les createum crachent
en fair, et c'est de cede facon que vicnt tout. L'autre explication reproduit mieux les conditions de la realite: on ordonne

a un canard, dans les legendes asiatiques (pour le Sud-Esl


de 1'Europe, c'est le Diable qui so charge de cette mission), de
plunger dans les eaux pour y trouver l'argile. Or, aussitot

qu'il ne s'agit que du nom du Diable, l'argile n'esi pas trouvable; it faut qu'il y alt, en memo temps, la garantie de Dieu.
Ayala trouve l'argile, on en fait d'abord quelque chose de
tout-A-fait etroit, a peine un petit lit pour pouvoir y dormir,
les deux, Dieu et le Diable. Its s'y etendent, et, comma le
Diable est en. concurrence eternelle avec Dieu, it pense que ce
lit pourrait lui appartenir a lui soul. Il cherche done a noyer
Dieu et, pendant le summed de Dieu, il le pousse sans cesse.
Or, a mesure quo Dieu est pousse, sous son corps la terre s'elend et, de celte fagon, apres avoir essayo de le noyer dans 1'0-

cean de droite et dans l'Ocean de gauche, le Diable arrive a


avoir, le matin, la terre telle qu'elle existe.
Or, pour avoir cote terre dins sa forme definitive, it faut aussi
certaines attires choses que Dieu ne connait pas, mais le Dia-

ble a ses secrets, de meme que Dieu a les siens. Le Diable


cherchera a le voler et, entre les deux Dieu, it y aura une concurrence pour decouvrir les arcanes.
II y a alors deux animaux qui interviermenl chez les Bulwww.dacoromanica.ro

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gares comme chez les Roumains. Et je dois ajouter, des

113

le,

commencement, que, chez les Roumains, la floraison des legendes du dualisme est beaucoup plus large que chez les Bulgal-

res. bien que ceux-ci soient en quelque sorte les createurs du


bogomilisme, ou bien ceux qui, en Europe, Font emprunto pour
la premiere fois aux nations asiatiques. Il y a, done, deux animaux, chez les Bulgares comme chez les Roumains, qui peuvent etre employes par Dieu pour apprendre les secrets do
Satan: le herisson et l'abeille, le herisson qui conn.alt toulours
les secrets de Satan, et l'abeille qui s'envole pour decouvrir
et pouvoir dire a Dieu: Void ce qu'il Taut faire".
Seulement lorsque Dieu apprend les secrets de Satan, par
cette collaboration, voulue ou non voulue, avec 1e herisson
et l'abeille, la terre est ce qu'elle doit etre.

Il y a encore des difficult& qui saront, plus tard, ecartees.


La terre n'a gas de montagnes; it faut qu'elle les ait. El les serout creeks. Mais, pour sewer un peu la term, encore des diffimites, concernant la voil-te du ciel, le soleil. Le soleil ne doit
pas etre trop grand:, ce soleil qui, surtout dans- la 1-ogende bulgare, chez les Roumains une fats seule, est un jeune 110-fume a

marieret it y a la question s'il Taut marier le soleil ou non,


car, si on le mule, it aura des enfants, et alors, avec trap de
soleils, la terre briulera. Dahnhardt a rappele un passage de
in poesie classique latine, eli it y a absolument la meme idee,
ce qui signifie que cette inspiration asiatique s'exergait sur Phu-

manite, sur la pewee de l'humanite oceidentale, bien avant


le moyenrage.

Dieu a cree le soleil, en faisant sortir l'etincelie de la


pierre. C'est une fawn; it y en a une aulre pour faire sortir
non seulement la lumiere, mais aussi toute la Tamille des tinges,
pour Dieu, et toute la famine des demons, pour le Diable. Mais

une fawn, c'est de frapper la pieKre et, de l'etincelle, peut


sortir le soleil, mais aussi des titres surnaturels. Car Dieu fera
les fleurs et les abeilles.

Si, en dehors de cola, on demande: qu'est-ce que Dieu a


donne encore? eh Idea! it a cree la femme. Mais it y a aussi une

autre legende, qui met la creation de la femme en relation


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114

N. lorga

avec Satan. et une parlie de Satan, car la cote, d'Adam a ete


ravie par le Diable, et ce West pas de la cote d'Adam que vient
la femme.

Puis, it a tree aussi et voici un grand bienfait, le sommeil. On avait oublie ce fait que l'humanite peut se fatiguer,
qu'elle doll dormir, et c'est de b misericorde de Dieu que
vient l'apaisement, le cahne du sommeil.
Dieu est, du reste, un, homme comme les autres, et, ici,
it n'y a pas de bogoniilisme. C'est la creation du Sud-Est de
rEtirope que rhumanisation de Dieu. II peut vieillir comme les

hommes, on peut garter male sa mort et preparer ses tunerailles. On peut Wler vers lui et le trouver. Il a toute une
famine. Il est facile de le trouver dans la compagnie_ de sa
mere qui lui lave la tete.
Il conclut aussi des contrats tre,s curieux. Par exemple, un
Marron peut alley lui demander que le produit du- larciii lui
reste. On peut meme faire proces A Dieu, mais it taut bien s'en

garder, parce qu'on arrive parfois A des Tesultats qui sont


franchement mauvais; alors ii vaut mieux, lorsqu'on a une
quenelle avec Dieu, ne pas la poursuivre.

Dieu remplit des devoirs de bon. chretien. Il peut etre le


parrain de rent ant d'un pauvre homme, et alors it lui fait
des dons.

Oil peut-on trouver Dieu? II est preferable d'aller le.. chercher sur la montagne; d'apres une legende bulgare, si, sur
la montagne, on ren.contre un vieillard, c'est lui. Il arrive
qu'il soit vetu en bficheron, it fait des roues dans la fora;
c'est cet artisan humble qui est Dieu.

Le Diable a une biographie beaucoup plus ample, puisque la dette de reconnaissance de l'humanite A son egard est
beaucoup plus grande, d'apres cette conception, que la dette
de reconnaissance envers. Dieu.

Qu'est-ce que c'est que le Diable? D'apres une legend,.


c'est Judas; d'apres une attire, ce peut etre Pharaon, mais
on n'en est pas stir.
Le Diable est un. peu partout. Il y a plusieurs conceptions

du Diable. On a, d'abord, le Grand Diable, Satan, l'ancien


Satanael, l'ange qui a ete chasse des cieux; maiS, a cote de lui,
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La creation religleuse du Sud-Est europeen

115

toute une legion de diablotins qui sont ses Ills, et qui ont des
rapports de parente avec les humains.11 y en a, je crois, soixante-dix dans l'arithmelique de la legende, mais cette arithmetique de la legende varie; it y a d'autres legendes qui accroissent ou diminuent le nombre des petits diables.
Il sont meles, Satan et ses- fils,avec Eve et avec les femmes des
hommes. Mais, a cote de ces diables, it y en a d'autres qu'on

trouve dans chaque maison et qu'il ne faut pas deranger; ce


sent, de fait, les laces, les penates. Its sont dans ratre, blottis
dabs un petit coin; it faut s'adresser a eux, car ils peuvent faire
des -miracles. Mais it y a des chose& qui les effraient; si on
place du sel sur la fenetre, ceci pourrait les deranger et ils
s'en front.

Enfin, it y a resprit du foyer, qui est aussi un diable.


Mais, pour le moment, it est question du grand Diable, de
celui qui a ete chasse des cieux. Lui aussi il est humanise par
la legende_Il a un frere, une mere, et it a ete meme fres ingrat

a regard de sa mere, puisqu'il lui a arrache l'oeil. Il est marie. it a des enfants. La mere du Diable est une personnalite
de legende fres oonnue chez les Roumains, puisque, lorsqu'om

vent envoyer quelqu'un au Diable et on cherche a forcer la


note, on ne se borne pas a le ceder an Diable lui-meme, mais
aussi 4 la mere du Diable, a la mama dracului" (le Diable
est, can roumain, le dragon, le serpent; diavol vielnt des livres d'Eglise).

Le Diable a, aussi, une fille manchote et un fils boiteux;


toute une legende s'attache aux deux.

La grande decheance de Satan est racontee plusieurs fois


dans la legende roumaine. Ii attend trenterdeux ans apres son
chatiment; a la porte du ciel it ne sera jamais mem 11 est enchaine au fond de la mer, et les forgerons remplissent journellement un devoir qui leur est impose par Dieu: chaque fois

que le forgeron frappe renclume du marteau, it ne fait que


consolider les chains de Satan; s'il n'y avait pas les forgerons,
Satan sortirait du fond de rabime.
Le Diable se plaint parfois d'tre seul. Il demande des cornpagn.ons. Or, Dieu lui a recornmande de trapper a une porte
autant de fois qu'il veut avoir de suivants.
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116

rt. 1orga

Le Diable, avec sa suite, se retourne cependant contre Dieu


et se fait foudroyer, foudroyer a nouveau.
Cette lois, it y a rintervention de l'archange Michel.

En ce qui concern le partage entre Dieu et le Diable, la legende du Sud-Est de 1'Europe, et syrtout lq legende roumaine, est trey precise. Dieu est l'empereur des cones, Satan
rempereur de l'abime. Il a cree le monde ,par ordre de
Dieu, mais it faut rintervention de Dieu pour donner une Arne
au premier etre humain.

Le Diable, apres avoir cree le monde, a une heure a lui


chaque jour.

Il fait lever de la mer le soleil, qui a cependant Mae croix


sur son dos. II a, ai-je dit, une minute a lui, a midi, puffs douze
autres minutes pendant la nuit, jusqu'a minuit. Mais, aussitet

qt'il tourne le dos a midi, Saint lie lui decoche une fleche.
Il meurt pour le moment, mais, le lendemain, it regagnera son
heure.

Dans la distribution de toutes les choses, c'est lui qui tree


les rochers, l'argent, reau,de-vie, le tabac, le vent qui vient
de ses ailes; it provoque les orages, it amen dans de largos
vases l'eau de la mer. II lui arrive de manger le soleil et la
lune, et alors it y a une eclipse. Ordinairemeut, ce n'est pas
le Diable qui les mange ; mais des Wes d'un caractere special,
les vdrcolaci, connus aussi par les Albanais.

On a, vu que l'oeuvre de Satan est incomplete; it cree des


choses qui ne sont jamais finies. Par exemple, it a cree l'hom-

me; or, l'homme ne sait pas prier, et it faudra que Dieu


intervienne, Dieu qui lui a donne une Ante pour prier.

Il a tree la maison; seulemeAt, it faudra que quelqu'un


vienne lui montrer la Tagon de faire les fenetres, parse que,
autrement, la maison serait close et obscure.
II a cree le char, mais sans pouvoir le mettre en mouvement; it faut, que Dieu lui enseigne ce que c'est que la roue..
Il a cree la charrue, mais sans pouvoir atteler les boeuTs.
Il a cree le moulin
et c'est le grand meunier, mais it

ne peut pas le faire marcher sans l'intervention de Dieu.


31 a cree la chaussure; seulement, it n'en fait qu'une et it
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La creation religieuse du Sud-Est europeen

117

faut que Dieu lui dise quit y a une autre a faire pour l'autre pied.

Il a tree le violon, mais on ne pent pas encore en jouer,


parce que le violon n'a pas de support ni d'ouverture.

Et meme, puisqu'il faut que les femmes aussi aient un


rOle dans l'incapacite de Satan de creer des choses entieres,
c'est lui qui a cree les beaux de.ssins de la chemise
tout
fart populaire vient de Satan, mais it faut que Dieu vienne
pour indiquer la Glace, sur repaule, oft ii faut mettre ces
beaux ornements de couleur qui se renconlrent sur les chemises de nos paysannes.

Bien entendu, c'est un grand destructeur; it brise, aide


par la femme, l'arche de Noe, qu'il devra reparer.
Dans la legeiule bulgare, lorsque Satan est le serpent, it
joue, au contraire, le role de sauveur de l'arche, parce que,
dans l'arche, it y a des trous et it faudre que la queue do ser

pen bouche tous ces trous pour empecher l'arche de sowbrer.

Dieu a cree lei grains; le Diable viendra pour les briller. 11


einploiera le sorimmil des hommes pour introduire les mauvaises herbes. C'est toujours le corrupteur; c'est lui qui de-

mande a Adam ce contrat ecrit en lettres de sang, qui ne


sera aboli que par l'intervention du Christ.

Mais, an fond, le grand Diable pout etre trompe. Il est


d'humeur assez dome. Par exemple, lorsqu'on veut le rer
tenir sur une chaise, le Her a une chaise, it ne s'en aperpoit
pas. Lorsqu'on lui prepare des chaines, i1 y entre, it hurle,
mais ne peut pas en sortir.
Lorsqu'il, est question de conclure un paste definitif pour
le partage du monde, it prend sa part; seulement, comme it
n'a pas quelque chose d'ee.rit et Dieu le Pere lui dii attendnee
j usqu'a la fin du monde, it accepte.
Lorsqu'il se baigne, it doit detacher la couronne qui cou-

vre ses comes, et, lorsqu'il la cherche, it ne la trouve plus.


Dieu peut lui voler meme le feu qu'il a cree et cacher ce feu
dans un baton.
Mais le grand proces qui existe entre Dieu et le Diable, ne
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118

N. lorga

sera jamais resolu jusqu'a la fin du monde. C'est alors que se


livrera la vraie bataille.
Dieu, it est vrai, se laisse gagner par les charmes de la

Mt de Satan. Car Satan a une fille qui est blanche, et it y


a aussi le frere de cette jeune fille, qui est blanc aussi. La
file de Satan se baigne au clair du jour; elle est tres hien
gardee. Mais Dieu l'a apergue, it arrive a la ravir; it remmen.e
avec son frere aux cieux et c'est recrevisse, qui joue un rele

tres important,. parce que la jeune fille est retenue par des
chaines, et c'est FOcrevisse qui se faufile, et, de ses pinees,
coupe le fer. Celle legende est raise ensuite en rapport avec
'les hommes qui viennent de cette relation d'amour entre la
fille de Satan et -Dieu.
Mais, apres le jugemen.t Bernier, it y aura, comme je l'ai
dit, un grand combat. Dieu combattra le diable. Les lutteurs
seront accrochos a fart -m-ciel et /fa victoire dependra des vertus et des vices des humains. Ce sera nous qui reglerons

ainsi cette ancienne querelle. Si nous sommes vertueux, la


victoire sera a Dieu; sin.on, nous serons les complices du Dia
ble, qui lui livrerons definitivement la possession du monde,.
Sur la fin du monde, it y a une legende tres touchalte. Pouf
eparper les petits enfants, ils auront la grace de mourir les
premiers; puis it y aura trois sortes de famines; des oiseaux
A bees de fer paraitront et ils briseront les cranes.

Je ne parlerai pas longuement des petits diables qu'on


trouve un peu partout. On les rencontre sur le chemin, comme
un peu partout. Dans ces rencontres desag,reables, le malin

apparait comme un animal, comme un moine, comme un


monsieur le cigare aux levres, comme un Allemand a Toque
rouge; on le decouvre dans des buissons; on rapergoit sur des
pierres; on le voit sur d'es bornes, surtout dans les buissons
a baies noires, dont it Taut eviler les racines, ou.bien dans des
touffes d'epines. Il est petit comme un petit garcon. Lorsqu'il
parte, it donne des illusions magnifiques : un grand palais,
.de splendides fetes. Mais it invite, en memo temps, ceux auxquels it offre son, palais, a cracher sur le Christ. Puis, lorsqu'on se reveille, on est dans les monies opines, dans les memes buissons, et le Diable a disparu.

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La 1:creation religleuse du:Sud-Est euroken

119

Parfois meme, le Diable est dans 1't5glise; it y ecrit sur une


peau de buffle tons les peches qu'il decouvre.
11 entre aussi dans les couvents et seduit les nouns, les in-

vitant au mariage. II promet a tel pretre de lui faire decouvrir un tresor, et le pretre se 1aisse prenda-e.
Il y a des diables aussi dans les marais, qu'on appelle en
frappant l'eau d'un baton. Un diable est, necessairement, sous
la roue du moulin, qui ne pourrait pas marcher autrernent.
Dans la poussiere qui tourne sous le vent, it y a toujours le
Diable, au milieu, et c'est pourquoi ii faut eviler le tourbillon
Pour se defendre contre lui, 11 y a des moyens. On se defend, en dehors de l'emplo.i de la croix, qui Sauve toujours,
en saupoudrant le seuil de la maison de sell. On peut perdre

l'appui des anges, mais on echappe aux visites de Satan.


Il faut bien regarder a terre et autour de soi pour d&ouvrir ces petits diables, puisqu'ils sont si menus qu'il en faut
douze pour former un homme. Its habitent sous les ponls et
guettent les chariots pour les renverser.
J1 y a l'autre Diable, le bon Diable, qui garde la maison. Aussi,
dans cet aiitre aspect du Diable, puisqu'il y a une justice a tits-

tribuer dans le monde, 11. s'en charge parfois.


Dans telle famille, it y a deux freres; le frere riche .envole
au Diable le frere pauvre. Celui-ci s'en va le chercher et it
en revient plus riche que l'autre. dais cette charge de distri-i
buteur de justice est jouee, ordinaireme4 par. Dieu_ Dieu, qui
est en meme temps le Christ, celui qui aime a vivre au milieu des hommes, qui est toujours sur Yes chemins, mais ne
s'en va jamais trouver les riches, et, ,s'il entre dans la maison,
d'un d'entre eux, it le fait uniquement pour faire voir combien
le riche a le c.oeur dur, combien it consent peu a venir au
secours d'un pauvre voyageur errant qui s'arrele stir son seuil.
Tandis que les preferes et, ici, on sent l'influence du bogomilismece sont toujours les pauvres.
Dieu, dans la compagnie de Saint-Pierre ou d'autres apotres,
peut paraitre a chaque moment dans une maison. C'est, parfois, un vieillard qui demande a se chauffer au feu; une aulre fois, c'est un mendiant qui vot(drait goater au maigre repas
d'un. paysan.

Lorsqu'une pauvre femme, qui a beaucoup _d'enfants, n'a


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120

N. forge

rien a mettre dans le four qu'une crofite, cette crofite devient


du pain. Lorsqu'elle n'a pas meme pas cela a faire entrer dans
son four et elle prend son enfant et le jette dans la fournaise,
aussitot le Tour est rempli de bon pain. Tous ceux qui ont
aide Dieu de cette Tagon, tous ceux qui regoivent dung
le Christ, le Christ pauvre, le Christ en haillons, le Christ fain&
lique, harasse de fatigue, ceux-la auront leur recompense.
II rencontre des moines Bien nourris, de bid, qui demandPnt. la mere du ble':. Le ble lui-meme, le bon ble ne leur
suffit pas, ils veulent la more du ble. Alors Dieu les transforme
en bullies. Ils devront, pendant une armee, ne manger que de

la paille, labourer et, en leur rendant la figure premiere, it


leur dit:
Vous avez voulu la mere du ble; la mere du ble,
c'est ce. que vous avez mane jusqu'ici.
Une autre fois, voici un riche qui refuse Dieu et Saint Pierre;
alors, on le transforme en un cheval blanc, qui mane le jar-

din potager et reste ainsi pendant un an. Au contraire, dans


la maison a cote., oil Dieu est bien regu, it y a tous les tresors
qui descendent comme une benediction sur ses habitants.
Dans encore son maison, on a de beaux boeufs, des bowls
gras; si Dieu n'est pas accueiLli, ces boeufs creveront, et

la pire lamine se deelanchera sur la maison qui lui a refuse racces.

Saint Pierre, qui l'acoompagne, commet aussi des erreurs.


Il est represents, par fois, comme un simple d'esprit eat comme
ay ant beaucoup de vices. Il aime a s'enivrer, a se laisse [romper
d'un bout a l'autre. Pierre voulut, une fois, donner a l'homme

lcs lourdes charges de la femme et it en fit un monstre. Les


deux voyageurs, passant la nuit dans la maison de l'homme,
ressentirent bien le triste changement, c'est-A-dire que tout

le menage etait fait par l'homme: Dieu et Saint-Pierre ne


trouvent pas un lit et it n'y a rien dans leur &gene..
Tel riche fermiex vannait son ble. Dieu obtint une gerbe
d'un paysan, tandis que le riche fermier a refuse de dohner
son ble. Dieu eAllamme la gerbe du paysan, et le pauvre homme
en retirera de For. Alors l'autre, qui en avail tant, fait la Jame.

chose, seulementil ne trouve que de la cendre. L'ingratitude_


des hommes est toujours punie par cette intervention inopinee
de Dieu.
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121

Pendant son chemin, it arrive a Dieu de creer des chosen qui

n'etaient pas dans son intention. La souffrance a ete creee


ninsi par Dieu et par Saint Pierre. La souffrance est une
chose terrible, dit la legende, elle brise un rocher, une enclume,
mais pas l'homme, qui est capable de subir tous les maux.
Il y avait, avant les visites de Dieu et de Saint Pierre, la pluie
et la chaleur, seulement elles etaient en.fermees. C'est Dieu qui
regle les saisons, qui les Tait se sUcceder. Le gel est determine

par lui. Il s'imagine rendre un grand service aux humaina,


Voici la facon dont Dieu se presente le plus souvent: ce
n'est pas Dieu le createur, ce n'est pas Dieu qui gouverne la
terre et les cieux; c'est le Christ qui traverse, la terre pour
rendre justice partout et pour repandre la. benediction de sa cbarite infinie.

Et voici l'explication pourquoi existe cette riche moisson


de legendes bogomiliques chez les Boumains, qui n'ont pas
ete les premiers a emprunter cette heresie a l'Asie.
La Bulgarie, comme la Serbie et les pays balcaniques, elan
voisine immediate de Byzance. Or, Byzance represente la lutte

contre rheresie, contre toute heresie, contre le bogomilisme


comme contre les *autres. Il y a l'autorite patriarcale et imperiale qui persecute tous ceux qui sont a cote de la vraie foi.
Byzance est, avant tout, l'orthodoxie, et cette orthodoxie doit
vaincre, par tous les moyens; elle arrive a supprimer tous ceux
qui s'opposent a ses.regles, a ses decisions.
Les nglises slaves de la Peninsule des Balcans, imitant Byzance, sont arrivees a etre, et sont restees, des Eglises canoniques. L'orthodoxie s'est imposee a ceux qui, a un certain mo-

ment, avaient prefere, pour des raisons dmagination ou de


sentiment, rheresie, tandis clue, de l'autre cote du Danube, chez
les Roumains, I'Eglise n'a ete canonique qu'au XIV-e siecle.
Jusque vers 1350, it y a eu la un christianisme d'une forme
tout-A-fait

particuliere. Pas un christianisme d'eveques, d'ar-

cheveques, de Metropolites, un christianisme qui reconnait l'au-

torite du Patriarche. Mais un christianisme de missionaires,


de tres anciens missionnaires latins, de Saint Nicetas et des
autres, un christianisme de village, paysan, rural.

tl n'a pas eu de livres. Il s'est nourri, pendant longtemps,


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122

N. lorga

de tout ce qui 'venait de la Peninsule, sans pouvoir faire une


distinction. Il n'y a jamais eu de maledictions et d'excommunications prononcees contre cerlaines doctrines.
Alors, les croyances des hogomiles, representees autrement que
par lours pages ecrites, representees par ceux qui en etaient im-

pregnes, par les propagateurs vagabonds, ont tree un etat


d'ame. Or, lorsqu'on a le livre, la memoire est parfois superflue, mais, lorsqu'il n'y a pas le livre, it faut que la memoire le remplace.

Comme la memoire des classes populaires est particulierement tenace, et surtout dans les pays vivant d'une vie patriarcale, la predication bogomile a ete consideree, pendant long-

temps, comme le vrai christianisme, et comme, dans ce christianisme heretique, it y avait beaucoup de compassion pour la
misere humaine, beaucoup de modestie et de simplicite, ce

qui forme le fond meme de cette race paysanne des Rou-,


mains, on s'est attache a cette forme de christianisme beaucoup plus qu'a la grande forme magnifique de Byzance.
Jusqu'au commencement .du XVII-e siecle, en Transylvanie,
ou it y avait des eveques, mais des eveques approximatifs et,
ordinairement, l'ordre etait maintenu dans cette nglise pay-

same par des protopopes qui correspondent aux choreveclues de l'Occident, ou par de pauvres moines, des superieurs
de couvents, qui s'arrogeaient meme le droit de sacrer les pretres, dans cette Transylvanie qui n'avait pas de pretres, qui
n'avait pas de Motropolite, qui n'avait ,pas d'eglises en pierres, de ceremonies magnifiques, on continuait a maintenir la
doctrine heretique et a recrire par la main des pretres, dans
files livres qui nous ont ete transmis. De sorte que la derniere
forme de rheresie bogomile se retrouve en terre roumaine.
II.

La Vierge.
Dans cette seconde conference consacree a la creation religieuse dans le Sud-Est de l'Europe la Vierge occupera toute
rbeure.

Je dois dire, des le commencement, qu'il y a une diffd,


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La creation religieuse du Sud-Est europeen

123

rences essentielle a faire entre les legendes qui concernent la


Vierge et celles qui sent liees au Vieux Testament. Dans
celles-ci on a a faire a des idees qui viennent du bogomilisme,
de sorte que [Dube l'attention doit etre reportee sur le fond
sar cette transmission qui vient de la lointaine Asie, et qui
arrive A creer, sur les bords du Danube et dans beaucoup de
regions, parfois voisines, parfois trey eloignoes, toute une floraison de legendes. Tandis que, pour la Vierge, le fond inter
resse beaucoup moths.
De sorte qu'ici, it s'agit de creation poetique proprement dile.
La place de cette creation poetique dans le domaine religieux

esl maintenant beaucoup plus grande que clans l'aulre domaine. LA, it y avait des idees a suivre et une transmission
a constater, tandis qu'ici, sur un fond qui est fres simple, surgit, a chaque moment, la creation populaire, une poesie spontanee, qui vient de Fame meme des nations de ces regions.
Cette floraison est surtout tres riche du cote de la Roumania,

parce qu'il y a un element sentimental qu'on rencontre un


peu moms, je ne dirai pas dans toute la Peninsule des Bat
cans, mais dans les pays qui sont let plus voisins de nous.
L'inspiration clone appartient a la nation meme qui tree
les legendes. On a cheTche, tout dernierement, dans une these
.qui n'a pas ate encore publiee par une des etudiantes de l'Universite de Bucarest, Mlle Caracostea, de miler les legendes
concernant la Vierge aux Evangiles apocryphes. Or, je, crois
qu'il ne faut pas trop exagerer l'influence de ces Evangiles
apocryphes sur la creation poetique 'concernant la Vierge.
Les rapports, qui existent certatnement, ont une importance
tout-A-fait secondaire.
Ces Evangiles sont assez nombreux, mais d une facture, tout -a-

fail primitive; on ne pourrait pas meme incliquer quelle, est


la region dont chacun d'eux est partie, Il est Bien possible que
ce soit de la legende populaire condensee, a un certain moment; dans une forme qui a pu etre transmise d'une nation
A une autrc. Deux paraissent venir du cote de, l'Orient; les
autres ont des attaches avec cot Orient, mais' on ne pourrait

pas dire que ce sont des legendes orientales. Si on a une


histoire de Joseph le Charpentier, on ne trouvera rien, dans
les legendes du Sud-Est de l'Europe, on relation avec cette lewww.dacoromanica.ro

124

N. torga

gende. Joseph paraitra une seule foil et jouera un role tout


a fait inferieur, efface. On cherche quel pourrait etre, le pere
du futur enfant; on donne a un certain nombre de persona*
des fragments de rameaux a tenir dans la bouche et celui dans
la bouche duquel le rameau fleurira est le pere de l'enfant: ce
sera Joseph. Dans 1'Evangile de. l'Enfance, it y a Bien quelque

chose qu'on trouve dans la legende roumaine; les deux larrons qui sont d'un cote et de l'autre de la eroix. Mais c'est
tres vagUe.

Dans le Protevangile de Jacques le Petit, decouvert par Postel, le grand voyageur du XVI-e siecle, qui a explore tout FOrient, deux elements sont communes avec la legende, roumaine

de la Vierge, et les voici: D'abord, la raison de, la storilito


d'Anne, la mere de Marie: des offrandes refusees parce qu'
elle n.'a pas de posterite, pugs, la fagon de paraitre de l'ange annonciateur: au lieu de la conception occidentale du messager qui annonce a la Vierge la naissance du Messie, it
y a une voix qui sort d'un pints.
Dans l'Evangile de Thomas rIsraelite, qui est d'origine grec-

que, un element de detail, qui se retrouve, aussi dans la legende du Sud-Est de l'Europe, c'est--dire que, lorsque la
Vierge fait son voyage pour arriver a.la place du supplice de
son Fils, le ble pousse, rherbe, qui apparait a peine a la surface, se developpe aussitot que les pas divins touchent la
terre.

Dans 1'Evangile de la naissance de Marie, et de rEnfance du

Sauveur se rencontre un element nouveau: la sage-femme


de la creche, qui s'appelle ici Salome. On verra la fagon dont
cette legende a evolue dans le Sud-Est de l'Europe, oh elle
se presente d'une fagon beaucoup plus convenable que par
l'apparition, plutot profesionnelle, de SalomeIl y a encore un element qui s'est aussi richement developrelement du palmier. La Vierge, a un certain moment,

veut etre abritee par les rameaux d'un arbre. Le premier


arbre auquel elle s'adresse ne veut pas tendre ses rameaux;
alors, it Taut qu'elle recoure a un autre, eat c'est le palmier qui
fait descendre ses branches. Il en est beni. Mais la serie des
animaux et des arbres qui sont benis par la Vierge. est tres
league et elle varie d'un conteur a un. autre.
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125

Wirt, parmi ces Evangiles dont pouvait s'inspirer fa legende, it y a un 8vangile de Nicodeme, fres interessant, qui
a transmis certains elements a la legende moyen-agense du

Graal et a inspire le grand heresiarque anglais de la fin


du XIV-e siecle, Wicklef. Seulement, cet Evangile, trey repandu

en Occident, n'a exerce aucune- influence sur notre legende.


Arrivant a la legende elle-meme, je feral ce que j'ai essaye
de faire dans la conference precedente, c'est--dire ne pas
presenter les legendes tour a tour, mais de les grouper sous
certains points de vue de facofi a en faire des categories.
Et, comme ces categories sont fixees ici pour la premiere
fois, on comprend bleu que c'est un essai del classement pu-%
rement provisoire; avec une connaissance beaucoup plus largedu sujet, avec des materiaux qui pourraient s'ajouter ensuite,
on arrivera, sans doute, a d'autres resultats.
Qui est Marie d'abord? Quelle est son origine? Dans. telle legcnde, c'est une pretresseb une des servantes du temple; 14eufoment, c'est un cas'isole.

Dans une autre, c'est la fille d'un einpereur. Et, si la pre.


miere n'a pas de legende, pour la fille de, l'enipereur it y
en a une. Sans comptcr des legendes d'un caractere plus poolique. D'apres l'une, Marie nalt d'une near. Ou hien, un pe.
lit insecte vole &Ins l'air et, de par la volonte de Dieu, it se
transforme dans la Vierge.
Une seule fois la legende l'appelle Marie la Deesse", c'estA-dire, en. roumain, Dumnezeoaia".
Et it Taut dire que la mulliplicite des points de vue qu'on,

a en Roumanie pour la Vierge, s'explique par un culte


tout a fait particulier de Marie. On sait Bien le role que la
Vierge joue en Occident, mais on a, du cote quo ketudie,
un fres grand nombre d'eglises decliees a la Vierge et,
tres souvent, la Vierge est representee dans l'iconogr, alphie.
Toujours, a l'iconostase, it -dolt y avoir. la Vierge tenant l'enfant

sur le bras. On la voit aussi au-dessus de l'autel: une granite


representation de la Vierge qui domine, l'eglise. a cote d'une
autre fresque qui represente Dieu Sabaolh. Dans les icones,
it y a le Christ entre la Vierge et Saint Jean.
Mais la plus grande partie des eglises roumaines sont conwww.dacoromanica.ro

126

N. lorga

sacrees a la Vierge: oglises de l'Assomption, eglises de la PreAdormirea ou Uspenia, Vosentation, beaucoup plus rares,

vedenia et Stratenia, d'apres des noms slaves.


Parfois aussi, mais tres raremenl, des peintures paysans la
peignent a leur gre, vetue de somptueux habits de brocard,
couronne en tete et a cote des inscriptions comme celle-ci que
jc r.cleve sur un tableau dans mon petit Muses, de campagne
a Valenicde-Munte: .trandatir neveftejit, Rose qui jamais ne
se fletrit",
Dans Wile legende, tout-a-fait differente des autres, Dieu es. t
le ciel, et la Sainte Lune, sa femme; la Vierge, la lumiere de
Dieu, qui voit tout ce qui est et sera.
Ou bien. le Diable rencontre sur son chemin la Vierge, simple
jeune file de la campagne, tres belle et qu'il voudrait gaper. Il

faul, pour la defendre, recourir a une vieille femme, car it


y a cette4croyance populaire
faut time tres. vieille femme
pour arriver a vaincre le Diable.
Il y a aussi une legende, concernant le nom metre, de Marie.
D'oa pourrait-il venir? Alors, comme ;,grand" s'appelle, en

roumain, mare", c'est la grande", c'est la plus grande


do toutes les sainteS.
Ordinairement, la Vierge est ne de Zacharie et d'Anne. Ses
Tutus parents presentent, comme les autres, des offrandes
a l'eglise et ils s'apergoivent que sets offrandes ne sort jamais conservees. Alors, it Taut qu'on en demande compte au
desservant, et

it lira : Vous n'ave pas de posterite; vous

etes done strangers au Temple."


Et void de quelle iagon Anne concevra. Le, parfum d'une
feuille de poirier fera le miracle.
Apres sa naissance, comme cette naissance est due a un
miracle,. l'enfant est deposee dans l'Eglise. Ceci correspond
au reed des Evangiles, mais, seulement, ells Pest, d'apres
la legende, dans un voile de tete, comme une poupee, ces longs

voiles que portent les paysannes. Ou bien on la porte dans


un berceau d'ar. Or, cette table sainte n'est pas la table

appartient a un couvent de
nonnes. La Vierge est eonfiee a une, vieille femme pour
d'une eglise quell:longue; elle,

etre elevee la, dons le couvent, pour devenir, elle aussi,


Bonne,

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127

Les nonnes ne s'apergoivent pas du respect tout parliculier que lui accordent tons les ahimaux; les mouches mettles

ne la touchent pas. C'est le premier sign que ce n'est pas


une enfant comme les autres.
Elle passe, en grande pertie, sa jeuhes.se a tisser. Ici, it
a une confusion entre la Vierge Marie, et Arachne. Il en resuite un coeflit_avx l'araignee, qui pretend qu'elle tisse d'une
facon beaucoup plus fine que la Vierge. L'araignee en sera
maudite pour toujours ; elle se nourrira seulement de ce qu'elle
prendra dans sa toile el perira de la main des humains,
auxquels, pour cette oeuvre, uner grace speciale sera accordee.
D'apres telle legende, it y a trois pec.hes qui seront pardonn&
pour avoir tue l'araignee, rivale de la Vierge; d'apres une auIre, sept.

Du reste, l'araignee a une autre responsabilife. Elle s'est


engagee a tisser la corde par laquelle sera pendu Jesus.
La legende ajoute que la Vierge reste sans cesse a elite des
femmes -qui tissent. Il faul lui abandonner quelques filaments
de chamire, lui verser. quelques gouttes d'eau, parce gull arrive qu'elle se fatigue et qu'elle a soil; puis, it faut toiser les
tissus en quittant la maison, parce que, lorsque la femme a
quitte la maison, elle ne sail pas encore quelle\ est l'etendue
de la toile qu'elle a tissee: la Vierge 1'attend alors a genoux, et
it ne Taut pas la faire souffrir.
Pendant le travail de la Vierge,
s'arrete sur les
rebords de la fenetre et la regarde; pour cette attention speciale que lui oonsacre he gracieux oiseau, l'hirondelle est benie.

Ven.ant a la Conception, telle legende fait de la Vierge la fille


d'un empereur. Son pore s'apercoit qu'elle est enceinte et

rassemble, comme je he disais, tour les seigneurs de sa Cour


pour decouvrir he pore: le bois de Joseph soul verdira.
D'apres une autre, elle n'ktait que la servante d'un (Juit,
bien que Tine de David.
D'apres la legende qui en fait une eleve des nonnes, les nonnes

s'apercoivent de oe qui est e,n train d'arriver; la superieure


la soufflette et la chasse du couvent. La Vierge 's'enfuit dans
l'eglise, qui ouvre aussitOt ses porter d'une facon miracu.leuse. Les cierges s'allument, les angel oommencent a chanwww.dacoromanica.ro

128

N. lorga

ter. Les nonnes s'empressent alors de l'accueillir a nouveau


el reconnaissent que c'est elle pour laquelle le ciel &passe les
lois de la nature.
Dans la legende qui fait entendre la voix sortant du puits$
Marie reonnalt aussitot que c'est' celle, die l'Archange Ga-

briel. Cette voix lui demande si eale veut etre la Mere de


Dieu.

D'apres une autre version, it y a, au fond de ce puits, une


image sainte. Celle image, la Vierge l'introduit dans son sein
et c'est\ de ce miracle que, viendra la conception. Mats it lu.1
taut se defendre, an moment oh elle entend la voix sortir
du puits, contre un intrus, qui n'est autre que le, cocher d'Herode, avec les chevauX. Il faut employer le fouet pour le
faire partir de l'abreuvoir.
Ou bien, dans celle des 1 ender qui ressemble beaucoulp
a la conception occidentale, c'est range lui-memc qui pa-

ran. Un beau jeune homme apporte une rleur et demande,


a Marie si elle en veut.
Mais it arrive que la Vierge passe par un moment de desespoir et veut se suicider. Elle, est montree au doigt par ceux
qui l'entourent. Dans le village, on la considere comme, une vagabonde, comme une Mlle. Alors, elle, quitle. sa demeure.
Dieu ne la laisse pas seule; l'Archange Gabriel l'accompagne.
Its se presentent comme des voyageurs quelconques sur les
el-cmins infinis du monde. Ahrites, pendant une nuit, dans
la maison d'un pauvre homme, le lendemain, l'ange, fait bouillir les semenees de la vie et offre le breuvage a l'hote d'abord,

qui se sent tout autre, apres en avoir gofita, puis a Marie.


Marie en aura done le courage de poursuivre, son. chemin et
de se conserver a la vie.
Sur le chemin de la Vierge parait, a ce, moment, Saint:
Triphon. C'est un saint orthodoxe, qu'on s'etonne un peu de
rencontrer la. Seulement, it est dans le calendrier le voisin de
la Vierge.

Saint Triphon serait un gouverneur de Jerusalem. Il cherche


a defendre la Vierge conire la foule qui voudrait l'echarper.
Alors, it feint la folic; de sorte que tout _le monde qui voulait
s'en prendre a Marie, se bourne de son cote.
Mais, en. meme temps, Saint Triphon est represente coinate
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129

un personnage manquant d'education, parce qu'en regardant


in Vierge qui inarche deyant 14 it Tait cette reflexion qu'ellet

a de tres jolis pieds blcs. Alors, la Vierge le maudit pour


ce compliment si mat venu.
Ou bien encore, c'est un paysan. que Marie voulait emmener
avec `elle' au temple Il est son voisin et it refuse d'alleriavec elle au. temple, parce que c'est le moment de son travail

aux champs. Done tout le contenu de l'aire appartenant A


Saint Triphon sera disperse, pour le punir, par- le vent.
D'apres une derniere version, Saint Triphon ne serail que
le fils idiot de la femme qui avail donne volofitiers a la Vierge errante son gateau de mais et dont la guerison AIL clue A
la reconnaissance de la salute visiteuse.

Nous arrivons a la naissance du Christ. D'apres une legende, la Vierge fait partie de, la compagnie de CQS enfants qui,

A la veille de Noel ou avant la Nouvel An, 's'en vont, d'une


place a l'autre, faire entendre des chansons. C'est en. allant
annoncer la Nativite, comme les autres enfants, quo la Vierge
sent son heure approcher.
Les rois mages ne peuvent pas manquer. Its viennent en
grande partie de l'Occident. Its peuvent detvenir, dans l'imagination populaire, de simples bergers, ou un simple Verger;
qui employait toute sa journee a chercher l'agnelet pour honorer la naissance du Seigneur.
Les trois rois mages ne jouent done pas un role important
Its le jouent dans la scene de la naissance de Dieu pour les
coutumes populaires a cette occasion, mais pas aussi dans Ja
legende.

D'apres telle legende, le Christ est ne, comme Minerve,


de la tete de Jupiter, par le front. Mais. it y a surtout la grande

legende de Noel, qui s'appelle en roumain CrAciun (de caje


lationem?, convocation au service divin"). On dit aussi
Nciscut, de naftere, done le
m'empresse de le signaler
meme seas que Natale, dont vient Noel.
Alors, Noel, c'est un homme, c'est l'homme qui abritera la
Vierge, et, puisqu'il est riche, it doit etre, mechant. On sent
ici encore l'influence du bogomilisme, qui est une religion
des pauvres. Dans cette conception pauperiste, tout ce qui
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N. lorga

130

represente la rithesse doll' signifier, en meme temps, la


durete et dolt finir par etre puni.
Le Pere Noel est un simple pdtre, d'apres une legende. D'apres une autre, c'est 11/1 riche Juif, proprietaire de troupeauxi.

II a une femme, CrAciuneasa ou CrAciuna (c'est un nom


commun.; aussi, celui d'une Torteresse moldave). Son nom se-

rait, dans une version valaque, lova (feminin de Toy, Job).


Elle est, comme Salome dans les vangiles apocryphes, sagefemme de mtier. C'est une tres bonne Arne, alors que son
marl est un fameux ivrogne et un brutal, qui ne veut pas
accepter des hetes el, surtout, des Notes qui lui arrivent dans
Vetat ou est, en ce moment, la Viergei.
La femme de Noel, de Cr &elm, aide, selon son devoir, a la
naissance de Jesus, mais son marl le lui reproche, et it
finit par lui couper les mains. Elle vient done, les moig-nons sanglants, devant Marie, et, aussit8t, sets mains gueris-

sent rien qu'en touchant les mains de l'enfant Jesus. Alors


lui, it se rend compte que la pauvre visiteuse n'appartient
pas a l'espece humaine. Ces mains seront plus Tortes et plus
belles.

II y a aussi les fines de Noel, qui soot infirmes. La Vierge


tient

A.

les recompenser du service' que lui a .rendu leur

mere: celle qui ne volt pas, regagnera la vue; celle qui traine
son pied, pourra marcher comme les autres. La Vierge repand ses benedictions dans cette maison qui, an commencement, l'a accueillie si mai.

Il y a, sans doute, ici, le souvenir d'une legende tres repandue et qui trouve sa representation dans l'iconographie.
On voit dans la representation usuelle de l'Assomption le
cercueil de la Vierge; les saints qui l'entourent de tous cotes:
puis le Christ, au milieu de l'aureole, entoure par les wages.
Parfois it tient entre ses mains comme un petit enfant dans
ses langes: c'est fame de la Vierge qui s'est detachee. De
sorte qu'en, bas, it y a la Vierge qui s'endort du sommeil,
eternel, et, de l'autre cote, cette petite &me blanche, qui est
entre les mains de son Fils. Mais on voit aussi deux mains
canoes au cercueil et, en bas, le Juif, qui voulait renverser le
cercueil et auquel on a coupe ces mains. L'Archange tient encore repee sanglante, qui a servi a l'execution. Dans le, mi.

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131

rade, des mains coupees de la femme de Noel, it y a donc,


tres probablement, un souvenir de cede' legende representee
par l'iconegraphie de 1'Fglise orthodoxe dans le Sud-Est do
l'E,urope..

Ail leurs, Noel est un, richard, qui a des draps, des tissus de
lin, mais qui ne veut pas les donner a la Vierge. Et elle s'en
verge de Bette fawn: fair, autour de la maison de Noel, sera
chaud comme en ete, tandis qu'on tremblera dans la maison
de celui qui conserve toes les moyens de rechauffer la mere
et l'enfanL

On voit, dans une autre Legend; Noel arriver chez lui au


moment cra Marie demande l'hospitalite.' Comme c'e.st un hom-

mc tres riche, it apporte des provisions, douze chariots tout.


plans. It. ne veut _Neal dormer a la Vierge, et, antssitot, sa

inaison. bride. Et la legende dit que cela se, passait a une


epoque oh id n'y avait pas encore le soleil, oil on travaillait
sous les rayons de la lune.
Plus genereuse, tine autre legende 'fait accourir les brebis
,pour nnurrir le Christ. Celles qui sont steriles doivent, pour
donner quelque chose, le rechauffer de lour laine, et elles en
sant loonies.

Les boeufs, de leur chaude haleine, servent 4 rechauffea


l'enfant, et les cachous aussi out un,4 attitude assez convenable.

Ds paraissent avoir pale de l'enfant et ils en sant recompenses, mais d'une facon, plutot curieuse, car ils seront sacrifies la veille meme de Noel. Du reste, pour les boeufs euxmOmes, id y a une recompense de la meme sorte: on f era des
chaussures de leur peau.
Quant aux chevaux, ils seront maudits parce gulls mangent dans la creche; no pouvant pas se rassasier, ils font du
bruit, ils s'agitent pendant touta la nuit, tandis que les boeufs,

apres avoir laisse une partie du fain, s'endorment. Les cher


vaux sant alors condamnes a avoir toujours f aim.
Void dans les vers de. la legende, car certaines legendes de
la Vierge, sont presentees dans une forme, poetique., la benediction des boeufs:
Vous aurez votre repos
Et votre pitance aussi.

Les arbres aussi out un role dams la naissance du Seiwww.dacoromanica.ro

132

N. lorga

gneur. Autour de la creche, it y en a qui font du bruit, comme


le peuplier, et it est maudit; ses feuilles doivent s'agiter toujours comme au moment oft dies oft derange la Vierge dans
ses souffrances.

Mais it y a d'autres arbres qui opargn,ent la douleur redemptrice; pas des arbres de l'Orient, comme dans l'vangile
apocryphe, mais, d'abord, l'if. Elle descendra ses branches pour
abriter le Nouveau-N& C'est alors que, les hommes travaillant
as clair de la lime, Petoile du soir parait au-dessus du berceau,

La Fuite en Egypte, qui apparlient aux Evangiles authentiques, est presentee avec certain elements de poesie legen(Mires qui s'y ajoutent. Ansi, la Vierge est poursuivie par les
Jails; it lui faut iromper 7s xpersecuteurs, Le Christ est transforme en monceau de ble pour derouter les soldats.
Dans une autre logen,de, au lieu de Petulant, on veil un sac
de riz. Dans une troisieme, it y a de l'eneens ou du poivre..
Ou biers c'est un paysan que la Vierge renoontre; it seme du
ble, et, lorsqu'il est interroge sur 1a femme qui a passe, it
regarde son ble, et, le voyant grandir, it dit, facilitant is
fuite de Marie:
Au passage de elle-el, mon. he etait encore menu.
C'est la raison pour laquelle, avant Noel et avant 1'Epiphanie,

le ble est pose sui- le parvis des eglises. C'est aussi pourquoi,
sur le hie, it y a la figure du Christ.
D'apres arse autre legende, si la Vierge echappe, c'est a cause
de raraignee dans sa toile. Un oiseau. vient e,t y depose ses oeufs.

Alors, les _persecuteurs, voyant que l'antre est recouverte de


cette toile tie raraignee et qu'il y a aussi les oeufs de l'oiseau,
ne s'imaginent pas que la Vierge ait pu y trouver son. refuge,
Rarement, les Jails interview-tent directement. On les sait la,
on ne les voit pas. Mais, les voyant on. ne les voyant pas, ils
sont maudits et on leur dit :
Repandez-vous sur toute la
terre et n'ayez pas de hornbeam.

Pour le moment, ils deviennent aveugles, et c'est parce


qu'ils sont aveugles, qu'ils ne arviennent pas a connaitre-le
Christ.

Au tours de ce voyage en Egypte, on rencontre Pincident de

l'enfant d'une femme chargee de deux nourrissons, que la


Vierge allaite en chemin. Et it y aura une distinction entre
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133

les deux: celui que la Vierge a allaite sera le bon larron, celui
qu'elle a refuse, le mauvais.

Toute une partie des legendes de la Vierge est en relation


avec. le supplice du Christ. L'origine de celte categorie de le-

gendes la voici:

Il y a un petit livre, qu'on trouve fres souverit dans les 'liaisons roumaines et dans les 'liaisons de toutes les nations du
Sud-Est de 1'Europe: it est place dans le tiroir des tables, tres
souvent dans les poches des enfants, suspendu a leur cou lopsqu'on les envoie a l'ocole. C'est le recit d'une prophetic venue par une vole surnaturelle, tombee du ciel, dans laquelle la Vierge predit ce qui arrivera au Christ': Et it y
a une recommandation: les personws qui conserveront le petit livre, qui I'auront toujours a leur diposition seront a l'abri
d'un. grand nambre de malheurs.
Et, puisqu'il y a cette garantie, la legende, qui date du VI-e

siecle de l'ere chraiertne, s'est fres largement repandue el


elk a donne naissance a toute une serie, d'autres.
Les legendes sur le supplice du Christ viennent donc de cc
qu'on appelle le revel de la Vierge", dont des versions existent
en. Grece, dans les langues slaves de la Poninsule des Balcans, et

qui a pass aussi dans la tradition roumaine. On a recueilli,


pour ces legendes concernant la prevision du supplice divin,
rien que pour la Bucovine: pour ces quelques petits districts
de la Moldavie qui appartenaient a l'Autriche, tine, trentaine
de variantes en vers, dont je citerai quelques-unes:
La personae qui invite la Vierge a eller chercher le Christ
mourant trouve les genoux .de sa mere pour y reposer sa
tele.

Invisible, 1'Archange Gabriel les garde. MarierMadeleine con

seille a la Vierge de jeter troiS goultes d'eau sur son visage,


en regardant vers FOrient, et, aussitot, trois envoloes d'anges
lui feront leur rapport sur le sort du Christ.
Or, voici ce que la Vierge rencontre sur son chemin: sans
compter la legende du ble qui grandit, qui donne des egis,
elle rencontre d'abord 1'Empereur des Oiseaux, qui, lui, vieni
du fond des vieux contes. Interroge sur le sort du Christ, it
3

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134

N. lorga

ail qu'il a vu, a Jerusalem, le supplice du Seigneur et que,


frappe d'une pierre par les Juifs, it en est reste boiteux.
La grenouille paraitra plus tard, et elle jouer un rOle tre,s
important dans la legende. Du reste, son rOle, dans touters
les legendes du Sud-Est de l'Europe et de l'Orient, est tres
remarquable.

La Vierge rencontre aussi tel peintre qui travaille a une glise, un patre avec ses brebis, un moine. des aveugles, des
boiteux. Mane Saint Jean, Saint Luc, auxquels elle demande
(les renseignements.

Comme on ne parvient pas a lui donner les nouvelles


qu'elle attend, elle so decide a se suicider. Elle monte done sur
une colline, mais, aussitot, la colline s'effonclre, elle fond completement; faite d'argile d'argent et d'or, elle disparalt Au mo-

ment meme, les larmes se transforment en bois de vigne el


en fleurs de basilic, ou bien en pommels d'or et en opis rouge.
Marie va se lever les yeux a la fontaine de Pilate, oa iqs oi-

seaux se sont desalleres et ont chante les louanges de Dieu.


D'apres une autre version, des larmes de la Vierge nallra
l'abeille, et l'abeille fournira des cierges aux eglises. Le basilic

viendra des sueurssanglantes du Christ. Des longs cheveux


blonds de la Vierge, on aura les byes pour les Salutes Offrandes.

Ailleurs, c'est du corps meme du Christ que vient la vie,


et, de son sang, le yin, Le ble vient du visage meme -du
Seigneur et Ies roses de ses gouttes de smut:
Dans une variante valaque, comme la Vierge se defend et

jette des pierres aux Juifs qui la poursuivent, ces pierres


deviendront les oeufs rouges dont on a la coutume pendant
les fetes de Paques.
Les arbres que la Vierge trouve sur sa route sont aussi interroges sur le sort du Seigneur, et void le saule. Il forme un

pontsur le Jourdain et, comme la Vierge en a besoin, it en


sera beni. Ailleurs, c'est rolivier, le tilleul, du bois desquels on

fern les saintes images. Le noyer aussi figure parmi les arbres favorises.

A un certain moment, des saints paraissent, en derhors des


evangebites. Saint Sitheon le Slylite montre a la Vierge son
chemin. Saint Georges accourt stir son cheval flans. Saint Elie
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135

aussi. Il y a meme Saint Pierre, mais, stir le compte de la


partie des saints qui figurent, autrement Tie dans le calenr
drier orthodoxe, dans la legende, it y aura des explications
beaucoup plus eten.dues dans la derniere partie.
La Vierge s'informe aussi aupres des enfants qui vont chart-

taut a travers la nuit Elle s'adresse a eux ein disant qu'elle,


n'a qu'un seul desir, celui de s'endormir pour toujours sous
l'arbre a cote de son Fils. C'est l'arbre de la croix.
La Vierge rencontre aussi Saint Jean. Elle se de'sole en. ce
moment a cause des souffrances du Christ. Le Saint lui pre
dit que tous les efforts qui seront faits pour le faire echapiper

seront vain, parce que c'est lui qui s'offre en sacrifice.


A certaines categories d'arlisans aussi la Vierge de,mande
des renseignements. Its son! traites d'apres la nature de ce
qu'ils presentent. D'abord le menuisier. La Vierge lui demande
ce qui vient d'arriver a son Fils. Il dit:
Il est mis en croix,
et c'est meme moi qui ai fourni la croix. Les Juifs m'onl demantle de faire une petite croix, et j'en ai fait une grande.

Si tu as fait une grande croix, lu as augmente les soul


frances du Christ. Alors, tu seras condamne a travailler longucment et a avoir une petite recompense.
Voici le forgeron. Inter-rage, oil dit:

J'ai moi-meme collabore

au supplice du Christ On m'a demande de faire les clous.


On m'a donne des materiaux et, comme j'avais besoin, pour
un autre travail, de ces materiaux, j'en ai pris une parties et
j'ai fait les clous tout petits.
Tu en seras bail. Ton travail sera tres court et to recompense grande.
En fin de compte, void la grenouille. La Vierge, qui est si
triste, en arrive a sourire a cause de la presence du fils de
la grenouille. Coinme Marie se plaint, arrachant ses cheveux
blonds et versant des larmes, la grenouille lui demande quelle
est la raison de cette profonde douleur. Elle -a perdu son fils
unique, mais la grenouille riposte: Mais moi, j'en ai elu
douze, wont onze ont ate tugs sous la roue d'un char. II m'en
reste un seul. Si tu veux le voir, je peux to le presenter".
Elle presente alors son fils, qui est un affreux crapaud. Il

s'appelle Thomas, on ne sait pas pourquoi,

et, devant Ile


speetack de Thomas qui se presentee devant la Vierge, elle sourit,

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136

N. lorga

et dit:
Pnisque to m'as fait sourire dans un moment cornme celni-ci, to en seras pour toujours benie.
Et la benediction se verifiera de celte facon: son corps ne
pourrira jamais, it sechera, on. le retrouvera dans toutes les
sources, et l'eau ne sera bonne que lorsqu'il y aura une grenouille dedans.

Dans la legende bulgare, it y a aussi l'ecrevisse, qui prend


un clou de la croix et l'empbrte dans l'eau. Elle en est benie.
La grenouille, dans des legerrdes d'outrerDanube, est la pre-

miere, du reste, a annoncer la naissance de Jesus, ou bien


elle joue un role dans son instruction. La Vierge lui donne un

cadeau pour le meilleur des eleves de l'ecole oil Jesus est


sur les banes; elle s'attend a ce que ce soit Jesus, mais, comme

la grenouille aussi a son fits a l'ecole, elle va porter le cadeau a son rejeton. La Vierge ern rit et la Unit.
La grenouille serait, d'apres une legende, etrangere, tres naive,

me femme qui aurait perdu son fils, et c'est la Vierge qui,


pour lui faire oublier sa souffrance, lui donne, en echange, le
petit crapaud. Du reste, le petit crapaud, vert, a la peau aux
reflets d'or, ce serait la bague perdue de la Vierge.
Quand la Vierge arrive etifi devant le Christ, elle le volt en
croix. Elle s'adresse a lui, lui demande la raison de ses soulfrances et, Lui, it declare que c'est par sa propre, volonte qu'il
a Tait ce sacrifice, que c'etait la seule facon. (il n'elst pas question

de racheter les Ames) d'arriver a vivifies le monde.


Les animaux, auparavant, etaient muets; on n'entendait pas
la copiee dans la Toret; les eaux n'etaient hues par personne;
les foins n'etaient pas coupes ni goiltes; on ne voyait ni dense
des gars, ni jeunes Tales tenant des fleurs; les oiseaux ne chanlaiemt pas 'dans les arbres, et, pour rendre au monde le mouvement et la voix, it Taut que JesuS mem-e sur la croix.
La question de la resurrection se pose cependant. La Vier-

ge assure que le Christ ressuscitera. I1 y a des Juffs qui ne


veulent pas l'admettre; as en sont punis. Ds' avaiemt dit que
le Christ ressusciterait au moment oil le coq qu'ils sont en train
de manger battrait des ailes, oil le poisson qui se, trouve sur
is lneme plat s'agitera de nouveau dans l'eau. Et ceci arrive
aussitot, et la legende continue: Le coq, eq. battan,t des ailes,

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137

eclabousse le visage du Juif et, depuis ce mornent-la, it y a des


taches de rousseur sur-le nez du Juif.

Il y a aussi un Juif qui s'est cache, qui ne veut pas declarer gull est la: la Vierge le mauilit et le transforme en cocho.n.

'Ls legende se presente de, differentes facons. Le Pere Marian, qui a recueilli les legendes de 1a Vierge, et, surtout, celles
du voyage, de la Vierge, a constate meme quo ce long voyage
douloureux se retrouve dans une forme tout a fait differente,

n'ayant rien de divin, appartenant au domaine poetique habihid, clans le tres beau morceau epique qui s'appelle La
Miorita", La Petite Brebis ".
Dans la legende de la Petite Brebis, on voit, en effet, trois
patres, dont deux sont decides a tuer le plus jeune. Celui-s
ci annonce lui-meme sa mort. A cote des trois- palreS,
doni deux sont sur le point de commettre un crime et dont
le troisieme s'attend a son sort, it y a la vieille mere de celui qui dolt etre sacrifie. Elle parcourt les chemins et pleura
la mort de son Ells.
Apres quelque temps du sacrifice fait par le Christ, arrive,
la mort de la Vierge. Una arbre partira devant son cercueil, et
Best de la que vienl l'habilude de porter un arbre devant les
ceremonies funebres. AussitOt detach& du monde, la Vierge
se rendra aux limber, pour accomplir son grand dessein de
voir et de liberer les Ames.
H y a toute une longue legende sur cette descente de la Vierge aux enfers, qui n'appartient pas seulemyt a la legende;
mais aussi a ces livres apocryphes, originaires du fond de la
Peninsule Baleanique, -datant de l'epoque byzantine. On la
voit s'adresser a toutes les categories des co.ndamnes qui se
trouvent aux enfers.

L'enfer est ouvert par l'Archange Michel, pour lui donner entree. Elle est saluee, par dei litanies, que chantent quatre anges des quatre cotes du ciel. Ellc rencontre ceux qui biaspbement, ceux qui n'ont pas respecte leurs parents, les debauches, les femmes qui abandonment leurs enfants, les faussai-

res, ceux qui ecoutent aux portes, ceux qui intriguent, ceux
qui tardent a se reveiller pour l'office, ceux qui n'honorent pas
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138

N. lorga

le pretre, les mauvais serviteurs de l'autel, les femmes remariees des pretres, les nonnes debauchees, les empereurs,
les patrlarches, ceux-ci etant la a cause de leur profession,
car, dans l'heresie, aussitet qu'on porte une couronne, aussitot qu'on a un rang dans 1'Eglise, on appartient au Maudit, on
fait partie du monde sur lequel s'arrete la condamnation du
nouveau Dieu.

Tout cela sera represents, said la Vierge, elle-meme, sur le


mur exterieur de reglise, a droite do la porte d'entree.
La oit elle est, la Vierge sera toujours secourable. C'est a elle

qu'il Taut s'adresser avant tout; c'est la mediatrice, du reste,


comme en Occident, pour toutes les prieres qui s'adressent a
Dieu et qui doivent passer d'abord devant le Christ. Elle est
toujours charitable; elle est prete, dit la legende, a prendre
dans son mouchoir jusqu'a l'arne d'un brigand.
Lorsque le Diable a voulu, jadis, faire disparaitre le vaisseau

de Noe, c'est elle qui a empeche le desastre. Lorsque bleu a


voulu detruire le monde par des serpents, les angel ne pow
vaient pas le sauver; alors, c'est la Vierge, qui accorde un repit de tren.le ans, et les serpents a tete rouge couvrent la term
sans pouvoir faire du maL
C'est encore la Vierge qui, lorsque, l'epi du ble, qui commongait jadis des les ravines, est amoindri (il y a une decision de
Dieu qui l'ordone), demande qu'au moms soit conserve
cc qui est n.ecessaire pour nourrir un chat et un chien. Or, la
partie qui est reslee, c'est la partie due aux vertus du chien et

du chat.

Le monde, dit la legende, vivra deux milk ans. La Vierge


pourra en ajouter cent. Au jugement dernier, elle deseen.dra
de nouveau aux enTers, puisqu'll y a encore des condamnes qui
n'ont pas Ote liberes. Elle viendra avec un tissu forme des
offrandes qu'on lui fait, et les times seront retirees par ce moyen seal.. Du reste, elle est la pour sauver toute time en danger
de se perdre.
Cette grande mediatrice est celle qui resume en elle toute la
souffran.ce humaine devant le supplice divin. Elle reste, pour
la poesie roumaine, de meme que pour l'iconographie, .la

representation la plus touchante de ces chows du ciel qui


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139

descendent sur la terre et de ces chosen humaines qui ont la


hardiesse de monter _vers. lei ciel.

Si on veutl du reste, avoir 'Impression direcie de la poesie populaire con.sacree a la Vierge, voici quelquels morceaux, tires de

la collection, citee, du pere Marian (Legendele Maicei Donk.


nului, 6d. de l'Academie Roumaine).
Elle se promene,
Notre Sainte Mere,
Par les Karges champs de ble dores,
Par les grands foins couverts de flours.
Elle cherche une place, une bonne place,
Pour la naissance de son- Saint Fils.
Et, comme elle regardait autour,
Elle vit, non loin, un peuplier.

Elle va vers Iui se reposer


Et a son Fils Bonner naissance.
Mais, comme les feuilles bruissaient,

Elk ne put pas se reposer.


Alors Marie, le maudissant,
Par la de ses levres ainsii.
Malediction et pour toujours,

De ma part et de celk de Dieu.


Que la feuille jamais ne s'arrete,
Ni sous le vent, ni sous fa brume.
Elle se promene,
Notre Sainte Mere,
Par les larges champs de b16 dores,

Par les grands foins couverts de fleurs.


Elle cherche une place, une, bonne place
Pour la naissance de son Fils.
Ellee voit l'etable des chevaux,

Elle voit l'abri de leurs juments.


Elle va la-bas se reposer
Et a son. l'ils donner naissance,
Mais, en depit de son desir,
Elle n'y trouve pas son repos,
Car les chevaux rongeaient le foin
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140

N. lorga

Et les juments frappaient du pied,


Et les bidets en hennissaient.
Alors, Marie les maudit tous,
Parlant de ses levres ainsi;
Malediction et pour toujours.
Maudits, soyez, excommunies
De ma part et de elle ae Dieu,
Stu-tout de la part de mon Fils.
Mangez sans cesse, mangez toujours,
Et n'en soyez mais rassasies,
Saul' le jour seut de l'Ascension.
Et alors pour une heure settlement.
Elle se promen.e,
Notre Sainte Mere,
Par les liarges champs de ble dore,

'Par les grands foins couverts de fleurs.


Elle cherche une place, une bonne place,
Pour la naissance de son Fits.
Elle voit des boeufs, des boeufs patients.
Elle va vers eux se reposer
Et A son Fils donner naissance.
La Vierge commence son repos.
Les boeufs envoient leurs chaudes hateines
Et la Sainte Mere benit ainsi:
Soyez, o boeufs, soyez benis,
Soyez heureux par mon, desir,

De ma part et de elle de Dieu,


Et sill-tout de la part de mon Fils.
Vous n'aurez faim jamais, 6 boeufs,
Vous travaillerez une heure ou deux
Et vous cesserez, vous reposant.
Vous reposerez une heure, et puis
Encore une heure, pour vous nourrir,
Et, quel que snit votre travail;
Jamais ne serez fatigues.
Une heure ou deux travaillerez,
Une autre Iheure ruminerez.

Voila la facon dont se presente la legende de la Vierge qui


cherche la creche.
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141

Maintenant, it y a l'autre legende, plus etenduel, dont a une


trentaine de Tonnes; la legend de la Vierge qui s'en va s'inTormer sur le sort du Christ:

II y eta- jadis un homthe grand,


Et it eut un,e hache grande.
II alla dans. la 'foret grande,
Et it fit un couvent grand:
Neuf portes, neuf autels.
Dans le grand autel,
La grande Sainte Marie.
Elle cherche dans des Lyres,
Elle cherche partout
Pour trouver fils,
Qui est Fils de Dieu.
Mais son Fils ne l'a vue.
Or, cherchant, elle a vu
Saint Jean-Baptiste,
Celui qui precede.
Le voyant,

Elle demande des levres, elle park:


0 Jean, Saint Jean,
As-tu vu mon Fils,
Qui est ne de moi,
Baptise par toi?
Je ne Val pas vu.,

J'ai appris ses maux:


Les Juifs le torturent,
Le fixent Sur la croix,
A Jerusalem.
Laisse les vetements d'ange,

Prends habits de none,


Va-ren le chercher!
La Mere, la tres pure,
Entendant ceci,
En Tut attristee.
Elle abandonna
Ses vetements d'ange

Pour l'habit noir


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N. lorga

142

Et elle s'en alla,


Pleurant et criant,
De coeur soupirant,
Grande voix jusqu'aux cieux.
Larmes jusqu'au sol,
Dochirant joue blanche,
Au vent cheveux blonds
Et cherchant son Fils.
Elle alla longuement
Jusque vers le soir,
Quand elle rencontra
Menuisier Tameux.

Or, it s'arreta
Et lui demand8.
Mere, porquoi pleures-tu?
Pourquoi to desoles
D'Ime, voix jusqu'aux cieux,
Des larmes jusqu'au sol,
DOchirant joue blanche,
Au vent cheveux blonds?
Comment ne pleurerais-je,
Car j'eus ce seul Fils,
Les Juifs -me l'ont pris

Et l'on mis en croix


Pour le torturer,
Le crucifier.
Par oh puis-je aller
Puis-je le trouver?
Non-seulement le vis,
Mais j'ai fait la croix

Sur laquelle it git.


Les Juifs me farcaient,
Me_ disaient sans cesse:
Fais-la plus petite,
Fats -la plus legere.

Plus grande je l'ai faite


Pour charger son dos.
La Mere, la Mere pure,
Apprenant ce crime,
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Le maudit alors,
Des levres elle dit

Frappe un jour le bois,


Regois un liard,
Po lis-le un an,

Pour avoir une livre.


Et, Fayant maudit,

Elle s'en va plus loin,


Pleurant et criant,
Du corps soupirant,
Grande voix jusqu'aux cieux,
Larmes jusqu'au sot,
Dechirant joue blanche,
Au vent cheveux blonds

Et cherchant son Fils.

--Elle alla longuement


Jusque vers le soir,
Et elle rencontra
Forgeron. fameux.

Or, it s'arreta
Et lui demanda:
Mere, pourquoi pleures-tu,
Pourquoi to latnRntes,

Grande voix jusqu'aux cieux,


Tu &rehires joue blanche,
Au vent cheveux blonds?
Comment ne pleurerais-je,
Comment ne crierais-je,

Car j'eus un. seul Fils;

Les Juifs me rout pris


Et l'ont mis en croix.
Les Rigs me forgaieut,
Me disaient sans cesse:
Fais-les gros et glands,
Forts autant que lourds.

J'ai vole du fer


Pour faire du travail
Aux gees du village,

J'ai fait petits clous,


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N. lorga

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Tres courts et subtils.


La Mere, la Mere pure,
Apprenant cela,
S'en rejouit fort
Et elle le benit:
Un coup de marteau,
Recois un Hard,

Un coup sur la piece,.


Tn auras une livre.

Et, rayant bail,


Elle s'en va plus loin,
Pleurant et criant,
Du coeur soupirant,
Grande voix jusqu'aux cieux,
Larmes jusqu'au sol,
D6chirant joue blanche,

Au vent cheveux blonds


Et cherchant son Fi ls.
Elle alla longuement
Jusque vers le soir.
Apres quelque temps,
Une grenouille trouva,
En pays boueux
Et marecageux.
La grenouille la volt
Pleurant, l'interroge
Et lui dit ainsi:
Mere, pourquoi pleures-tu.
Pourquoi to lamentes,
D'une voix jusqu'au ciel,
Larmes jusqu'au sol,.
Dechirant joue blanche,
Au vent cheveux blonds?

Comment ne pleurerais-je,
Comment ne crierais-le,

Car j'eus un. seil Fils.


Les Juifs me font pris
Et Font mis en croix
Pour le torturer,
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Le crucifier.

Par oa tu alias,
Ne l'as-tu trouve?

-- 0 Mere, ne soupires plus


Et ne crie plus to douleur,
Ne pleure et ate Valtriste pas,

Ne jette plus au vent des ens


Pour le Fils unique perdu,
Car j'ai eu moi-meme plus,
J'en ai eu douze, et voici
Une roue assassine

Qui les a Wes,


Un seul m'est reste,
C'est Thomas, qui reste lei,
Dans une touffe de basilic.
Fais-le venir pour que
Moi-meme je le vole.
Comment est-il, ton seul fils?
La grenouille cria,

De sa bouche dit ainsi:


0 Thomas,
Petit Thomas,

Foule la fleur du basilic,


Views ici oil l'on t'attend.
Et a peine a-t-elle fini
De crier et de parler,
Le voici done arrive,
Un crapaud mud et hideux.
La Sainte Mere, la Mere pure,
Tout en etant attristee,
Le voyant ainsi, sourit
Et e.nsuite elle ajouta:
0 grenouille, oa que tu soles,
L'eau ne pourrira jamais,
Entends-tu, oa que tu soles,
L'eau en restera toute pure
Et ayant ainsi parle,
Sur la terre t'aplatiras,
Mais jamais ne pourriras.
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N. lorga-

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Et, avant ainsi parle,


Encore plus loin s'en alla,
Pleurant et criant,
Du coeur soupirant,
Grande voix jusqu'aux cieux,
Larmes jusqu'au sol,
Dechirant joue blanche,
Au vent cheveux blonds,
Et cherchant soon Fa%
Elle alla longuement,
Jusque vers le soir,
Trouvant un rocher
Alga comme une lame,
Et, la, elle decou.vre
Un berger auquel
Elle demande la route
Vers Jerusalem.

Le patre alors
Lui parla ainsi :
Passe ce dure rocher,
Aigu comme une lame,
Laisse l'habit de nonne,
Prends celui des anges,
Car bientot seras
A Jerusalem,
Et, t'arretant la,
Frappe du pied gauche,
Frappe de la main gauche,
Et alors la porte
Se fermera; .
Frappe du pied droit

Et de la main droite,
Et elle s'ouvrira.
Entrereras dedans,

Et, la, to trouveras


Ton fill torture,
Fixe sur la croix.
Elle agit ainsi
Et la porte s'ouvrit
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Et, entrant dedans,


Elle trouva son Fils
Torture, crucifie.

Et, l'ayant trouve,


Elle parla sinsi:
0, mon Fils, mon cheri,
Comment voulus-tu,
Comment souffris-tu

Que ces chiens to prenne,nt,


Ces chiens, ces paiens,
Les Juifs qui t'ont mis
Torture en croix?
Ma Mere, ma douce Mere,

Je ne voulus pas,
Je ne souffris pas,
Ni pour moi, ni pour toi,
Mais je le voulus,
Mais je l'ai souffert,
Pour la redemption,
De l'espece humaine,

Pour la plus grande gloire


De mon, Pere celeste,
Car, n'ayant voulu

Et n'ayant souffert
Les tortures et la
Mise en croix,
Nul des nouveaux-nes
N'etait baptise,.
Ceux qui se mariaient
N'etaient. couronnes,
Et les marts eux-memes
Ne mouraient benis.
Mais, dorenavant,
Que to saches, ma Mere,
Que les nouveaux -nits

Seront baptises
Et nouveaux maries
Seront couronnes

Et les marts eux-memes


En seront benis.
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148

N. lorga

Je pourrais- ajouter une chose, qui a pass maintenant,


ou qui est en train de _passer, dans le domaine des etudes sur
le folklore, c'est-A-dire quit n'y a pas de production generale]

de la nation entiere. Un morceau populaire n'est pas un

morceau appurtenant au peuple dans sa generalite. Il y a


eu un chantre, it y a eu un pretre, il a donne une forme poetique a une legende; puis, cette legende est recueillie et apprise
par coeur, elle est oubliee, elle est remplacee pour certain
points; elle est transformee, a chaque moment, par ceux qui,
nyaut rLcueilli cette legende, cherchent a la repandre.
En ce moment meme, vient de paraitre, dans le Mondie
Sleue, une tres belle etude de M. Murko, un slaviste. Il se rallie a ce point de vue, qui est en train de gagner tout le terrain,
c'est-A-dire que ce qu'on appelle poesie populaire", comme
ce

qu'on appelle art populaire", en grande partie, est une

production qui vient d'une personne et cette personne appartient a 'tine categorie plus elevee de la societe.

Puis cette piece, une fois creee, est adoptee par le peuple,
lransmise, mais, en meme temps, transformee, tenue au courant par tous ceux qui en font leur oeuvre.
On s'explique pourquoi ces deux legendes de la Vierge se
rencontrent si souvent et pourquoi jamais elles n'ont absolument la meme forme. On trouvera les memes scenes, on Lrouvera, parfois, les memes faits, mais it y a une latitude infinie
a faire varier la legende. Comme lee constatait M. Murko, i1 n'y
a une legende populaire qu'une seule fois dans la meme forme;

si, apres quelques jours, on s'adressait au meme chanteur ou


A la meme femme, il y aurait une grande partie comme auparavant, mais une autre pantie serait transformee, parce que
tout cela depend de la disposition, de la puissance d'imagination spontan.ee de ceux qui presentent la legende.
On ne pent jamais dire:
Nous avons la legende.
Nous n'avons que quelqu'un qui presente la legende, d'une fa-

con correspondante au moment oil il la presentee


HI.

Les anges et les saints.


Avec les anges et les saints, on revient au meme domain
du manicheisme asiatique, transports dans la Peninsule des
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Balcans sous la forme du bogomilisme bulgare et emigre de


cette region jusqu'a des territoires assez oloi,gnes de ''Europe
Occidentale.

Pour cette troisieme et derniere, partic, ii y aura encore des


idees; pas cette poesie populaire qui pout provoquer le seul interet pour les legendes concernant la Vierge.
Les anges doivent etre a cote des demons. C'ast la conception

dualiste; ou it y a le demon, it faut qu'il y art aussi l'angey


C0111111C la out i1 y a Dieu, it faut qu'il y art Satan, car c'est

de cette 'non que se maintient requilibre du monde.


Parfois meme anges et demons at-riven" a se ressembler,
IN ne remplissent pas les memes fonctions, mais dans leur
facon d'agir, dans in facon de les maintenir dans la maison.
puisque chaque maison dolt avoir, en meme temps, son angel
et son demon, dans la ft-won d'eviter leur depart, dans cello

de les inviter, de les cajoles, it y a les memos elements; le


while rythme s'applique aux tins et aux autres.
Male on retrouve, comme dans teller legende bulgare, une
histoire concernant le diable qui est appliquee a Pang_ Ainsi
dans la legende, tres repandue dans tous les pays du SudEst de ''Europe, du diable, qui, invite clans lelle maison par
quelqu'un qUi a un arrangement aviec Dieu, qui lui permet
de fixer stir place la personne entree chez lui et qu'il a inter& a retenir, ne pent plus se lever. Il reste la, autant que mini qui l'a fixe en a la volonte.
Ceci arrive a range aussi. C'est, evidemment, une confusion du conteur bulgare, mais elle montre combie,n anges
et demons sont lies dans cette conception dualiste qui domine toute 'Imagination religieuse des habitants, sans difference de races, du Sud-Est de l'Europe.
Les jours de la semaine sont des angels _on des saint as.
11 y a la Sainte Lundi, la Sainte Mardi, la Sainte Mercredi, mais

it y a surtout la Sainte Vendredi, qui est Venus. C'est lam


Vinerea", Vinerea .Mare", Venerem". Il y a, de l'autre
cote, Sfanta Durnineca", Sainte Dimanche. A. ces anges, a
ces saints on s'adreme en certains moments, et its sont capables de faire des miracles dont les vrais saints memos ne serai.ent pas capables. Les doesses des jours ont un empire a
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150

N. lorga

elles, oh on arrive avec certaines difficultes, en traversant des


pays mysterieux.

Donc, en dehors des anges et des demons, it peut y avoir


aussi d'autres titres, comme seraient ceux-ci. Mais it y a un
groupe d'anges qui se separe nettemenl de tout ce qui figure
a cote, dans la religion non officielle, dans la mythologic du
peuple de cette region. Ii y a meme, une Apocalypse de SaintPaul, qui est consacree specialemenik a ces titres divins, et
c'est peut -titre a cause de ceitte Apocalypse de Saint Paul que,
pendant longtemps, on a cru que les habitants de la rive gauche du Danube ont une religion, paulicienne, Rant des chreLiens de Saint Paul". Jusqu'au XVI-e siecle, tel voyageur saxon
de Transylvanie, Reicherstorffer, qui a voyage en Moldavie, dit
que les habitants en sont des chretiew de la religion de Saint
Paul.

Jusqu'ici, on n'a jamais cherche,


et it est difficile d'arriver
a un resultat tant soit peu certain
ce que c'etait que cafe
religion de Saint Paul, qu'on confond avec le manicheisme,
mais qui devait etre quelque chose de different. En tous cas,
it y a l'Apocalypse de Saint Paul, et cet Apocalypse parleb avant tout, des anges. On volt les anges, des hommes et des fernmes, qui, apres le coucher du soleil
c'est leur heure , s'en

vont devant le Christ. Its sont tres touches des miseres qu'ils
ont observees dans le monde et its prenuent sur eux un peu
les peches des hommes. Saint Paul est la pour les &outer. IN
soul alors renvoyes de nouveau sur la terre pour contempler
les miseres du. monde, pour recueillir Ies peches, pour intervenir aupres de Saint. Paul en. premire ligne, dans le but
que ces peches soient pardonnes et que ces miseres trouvent un
peu de repit.
Ces anges sont partout, its voient tout, its consignent tout.
Its out leurs listes, leurs catalogues de tout ce qu'ils ont observe,
de tout ce qui s'est passe sous leurs yeux et its s'en vont le presenter a leur chef.

Ii y a deux archanges auxquels sont dedies, en Roumaniel


beaucoup d'eglises, it cote de celles qui ont pour patronne la
Vierge. Seulement, l'Archange Gabriel joue un role tout a fait
inferieur; une seule fois je l'ai rencontre, dans les legendes
publiees. L'Archange Michel, en Orient comme en Occident, a
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151

la premiere place. C'est celui qui tient l'epee dirigee contre Satan et qui arrive, apres une lutte acharnee, a le vaincre,mais
pas a le detruire, puisque, si on detruit Satan, de nouveau requilibre du monde se briserait et it faudrait creel' un nouveau
Satan.

D'apres une legende, it y a tel jour de la semaine oit l'ange doit se presenter avec son comple, qui doit etre verifie. C'est

le samedi, mais, si on mange, ce jour-la, avant l'aurore (il


ne faut jamais manger qu'apres l'aurore), son compte ne
vaut rien; toules les bonnes actions qui ant Re faites pendant
la semaine sont perdue&
Cet ange, qui se trouve dans chaque maison, pros de, chaque famille, qui s'occupe de chaque irulividu, sleloigne, cepen
dant, lorsqu'on commet l'erreur de meltne un peu de sal sux
le rebord de la fenetre. Le, diable s'en oTfusque, mais it paraft que l'ange n'aime pas beaucoup plus que le diable le sal.
L'ange est toujours la pour attendre un nouveau-ne. Lorsque
le nouveau-no parait, l'ange fixe sa deslinee; de sorte que la
fonction des- fees est maintenant celle de range, qui est toujours la.

Qu'est -ce que sont, au fond, ces anges? D'apres la legende


bogomile ce scud les premiers elms, les premieres emanations de Dieu, comme les diables sont les emanations de Satan. Mais, parfois, on se trompe.
Il y a, dans toutes ces legendes, une tendance fres visible de

rapprocher Dieu et tout ce qui est surnaturel de l'Humanite


el_ en rueme temps, de donner a l'Humanite un peu de surnaturel; une tendance a concilier les deux mondes, a ne pas
tenir le ciel trop loin et a ne pas garden la terre trap a cote
du del. Alors, it y aura des anges qui viendront des humains,
cemme les diables. Une categorie au moins de, diables sont
les his de Satan avec les filles des hommes. Il y aura ainsi
des anges qui seront des enfants innocents, morts avant sept
ans. Mais it y a une autre categoric d'enfants, les enfants qui
sont morts sans avoir ale baptise's. Ceux-la deviennent des
mtuvais esprits. On peut les rencontrer stir la route, on pent
etre arrete par tux: its soot noirs et petits, its crient grace,
seulement personne nee pent leur accorder le bapteme qui
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N. lorga

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leur a ete refuse au moment oa ils auraient -da l'avoir. On les

appelle en roumain des moroi". On s'attend a co que le


moroi" presente, en petit, ce qu'est le strigoi", dont le nom
et la fonction sont en relations avec la stryx antique. Co sent
les revenants, les mauvais revenants, ceux qui, a une poque tres reculee, etaient tenus loin de la maison, qu'il guettaient, par le fait qu'on allait au cimetiere deterror l'homme
qu'&n supposait etre un revenant. On lui plantait un pieu dans
le coeur et du sang noir en decoulait. Voila la preuve quec'etait
un revenant, en dehors d'un autre fait: quo lour colonise verkebrale s'allongeait un petite peu, colte queue des revenants, par
laquelle an les reconnaissait toujours.
Il y a des choses touchantes dans la legende dos petits anges. Its rafraichis,sent de leurs fines ailes le visage de leurs
parents qui bralent clans l'enfer.
y en a, dit la meme legende, qui sent grands comme dos
poupees, pas putts grands que cela. IN se juchent toujours sur
l'epaule droite; c'est la qu'il faut les cherchor. Il ne faut pas

regarder du cote de l'epaule gauche, parcel qu'on pourrait


trouver le demon correspondent, car it faut qu'il y ait les deux
qui se regardent dans les yeux.
Les anges ont, du reste, un tres grand Ole dans le, mainlien
du monde. Chaque armee, Dieu serait dispose a on fink avec

le monde. Le monde est

si

riauvais quo le createur re-

grette sa creation. Les anges doivent alors intervenir. IN apparaissent devant le Seigneur et demandent grace pour encore

une =nee. Its se trouvent dans les etoiles; c'est la qu'ils atlendent ce pardon accorde chaque annee par Dieu aux hommes.

Quelques mots sur le caractere general des saints. Il y cn


a qui le sont en effet, qui appartiennont au calendrier. Seulemextt, it n'y a pas tous les saints du calendrier qui passent
dans la legende. Comme it y a, parfois, dans le calendrier orthodoxe, un certain nombre de saints pour chaque jour, on
s'imagine combien serait difficile de creel- des legendes pour
eux tous. Un certain nombre de saints entreat 'seuls dans la
legende; ce sont les privilegies, ceux qui ont penetre dans Fame
du peuple, qui, lui, fabrique les legendes. On parle toujours
d'eux, et leur grand role, celui de, combattre Satan, d'tre tou-

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La creation religieuse du Sud-Est europeen

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jours IA, l'opee a la main, pour le trapper, pour Feloigner,


appartient en meme temps a tous les saints.
Lorsqu'il s'agit de distinguer, des confusions apparaissent
a chaque moment. Ici, c'est tel saint qui accomplil la lonelion, la c'est est un attire. L'archange Michel, qui jowl le principal role, est tres souvent remPlace par des saints d'une, valetr inf erieure.
Mais, a cote de ces saints qui sont choisis dans le calendrier,

pour leur dormer une fonction speciale, it y en a d'autres qui


sont crees d'une facon tres curieuse.
Comme le montre M. Saint-Yves, dans son grand ouvrage employe aussi pour une etude recente de M. Candrea, Pepiphanie
devient une sainte, c'est la Sainte Tiphaine, en Italie la Sainte Tofana ou Tifania. En France, Toussaint devient un saint, la Trinite
sera une parente de la Vierge. En Roumanie, les Rosalia sont des
titres surnaturels, les Rusalii.

On emploie aussi les noms des saints pour echafauclex


toute espece d'explications ,.bizarres. Le nom d'un saint represente quelque chose dans le, langage habituel; on attribue
alors a ce saint des foncfions qui ne viemnent pas du calendrier,
ni des vies des saints, mats d'une fausse etymolog,ie, ridicule

Par exemple, comme Saint Luc a un nom qui ressemble au


nom slave pour Fail, on met en relations le saint avec Pail.
Comme le nom de Pierre rappelle la pierre, on l'emploiel
lorsqu'il faut eviler la pierre. Comme le nom de, Saint Phocas,
en roumain, rappelle celui du feu, foc, c'est un saint qui preserve du feu ou qui, lorsqu'il est neglige, petit provoquer l'incendie. Comme Saint Gregoire, celui qu'on appelle leTheologue dans l'Eglise, a un nom qui correspond presque au terme
roumain pour indiquer un boiteux, olog, voici ce pauvre saint

qui devient un boiteux. Comme, du reste, en France, Saint


Cloud est mis en rapport avec les clous et Saint Roch avec.
les rocs et les rochers. Sons parler del Saint Loup et du role
qu'il joue a l'egard du danger des loups.
Parmi ces saints, it y en a que la legende roumaine, traile
d'une autre 'facon que la legende bulgare. La legende roumaine
a toujours l'avantage d'tre plus claire, plus unitaire; title, prole
beaucoup moinsaux confusions.
Ainsi, dans la legende bulgare, Saint Jean Chrysostome apwww.dacoromanica.ro

154

N. lorga

parait en guise de juge,. mais aussi de cuisinier. Saint Gregoire


le Theologue est une espece d'hennaphrodile. Saint Spiridion
procure, par...le miracle de ses pantoufles, des dots aux jeunes
filles. Le role de Saint Nicolas est altribue a Saint Spiridon.,

Saint Nicolas garde les manleaux. Saint Alexis est un Els


de roi, qui a quitte le palais de son pere. Il est question,aussi
dune femme qui devient hirondel1e, ce qui rappelle la legende
hellenique. Saint Michel s'amuse A prendre, les Ames au moment fixe par des bougies qui bralent.

Des elements de conte se melent tres souvent a la

le-

gende proprement dite dans ceps recueils bulgares, tandis que,

chez les Roumains, it y a toujours une distinction tres nate


entre ce qui appartient au conte et ce qui appartient A la legende.

Chez les Roumains, beaucoup de saints sont des pcatres,


Settlement, it ne faut pas abuser de cette transformation des
saints pour en tirer des conclusions qui ne seraient pas justes.

IT y a une illusion que certain savants, qui ont a demeler


avec les Roumains pour des motifs politiques qui ne ttfinteressent guere ici, exploilent: cette logende que les Roumains ont
ete, pendant des siecles, uniquement des bergers. Alors, it
faudrail avoir aussi, dans le folklore, rien que des choses con -

cernant les bergers et la lagon del vivre des bergers. Or, oda
est absolument faux, comme, du reste, pour l'agriculture, les
anciens termes latins ont ete conserves en roumain, aver des
elements slavons qui regardent plutot les- instruments qu'on
emploie ou des variantes de ces instruments.
Les Roumains n'ont jamais ete uniquement des bergers. IN
ont ete des bergers dans certaines regions. Il y a des regions qui
demandent le berger, et des regions qui l'ocartent. Si un
territoire demande le berger, quiconque entre sur ce territoire doit vivre en berger, it le, devient; mais, aussitot quit
s'ecarte de ce territoire, ii ne peat plus etre berger. C'est une

chose que l'on ne voit pas lorsqu'on passe sa vie dans la


compagnie des livres, mais, lorsqu'on le fait au milieu des
hommes et de Jeurs occupations, on se rend compte combien
certaines theories sont ineompletes, hasardees eft dangereuses.
Mais nous avons dit qu'il y a des saints qui sont des patres:
Saint Demetre, un si grand saint, un saint de Salonique, cewww.dacoromanica.ro

La creation religieuse du Sud-Est europeen

155

lui qui repand le baume de guerison, est, dans une toga&


roumaine ou dans urie c,ategorie de legendes roumaines, un Ber-

ger. Saint Elie aussi, celui qui domine les dell; de metne
que Saint Gregoire le Theologue, un saint d'un caractere si %t-

ire, Saint Triphon, Saint Jean-Baptiste e meme Saint Charalampe, auquel on attribue, habituellemeut, comme a SaintSpiridion, des fonctions medicales.
Apres cette caracterisation ,generale du role des saints, j'ar-

rive a certains de oes saints, autour desquels it y a un


role et un recit de leurs actions.

L'Archange Michel est celui qui combat le diabley comme je


l'ai dit, mais, en meme temps, dans la legende raum.aine,

c'est quelqu'un qui connalt tres Bien le diable pour l'avoir servi,
qui a ete, pendant quelque temps, au service, de Satan et, lui
ayant echappe, Satan le poursuit jusqu'au moment oil la foudre
d'Elie atteint l'Impur. C'est alors seukment que Saint Michel
deb appe.

Il a ete contrainl de descendre aux enters, dit une legend;


pour servir, pendant tout un. moil, Satan. Lui, qui porte le
soleil, la lune, qui fait Pete, l'hiver,. qui gouverne tout etre, vivant, a ete reduit a ce role humiliant. Mais, en meme temps,
A cause de la date ail on celebre sa fete, c'est celui qui, pour
ainsi dire, est le Dieu, de 1'automne. Il passe, en decembre,
son pouvoir a Saint Nicolas, et, ensuite, le jour de l'Epiphante,

la pierre est frappee par le pied d'un pAtre, elle creve, et la


creation revient a 1'Archange.

On voit biers que ce qui determine id la logende, c'est la


date du calendrier oil est celebree la fte d'un saint. Puisque
la Saint Michel est en novembre, c'est lui qui domine l'Automne; puisque Saint Nicolas est en decembre, c'est lui qui Trend
l'horitage de Saint Michel; puisque, apres l'Epiphanie, it y a
tout de meme un hiver plus doux, un adoucissement de, l'hi-

ver, alors la .pierre creve sous le pied du palm et le paintemps paralt, mais tres eloigne encore, au fond de l'horizon.
Mais Saint Michel, en dehors de ce role qui appartient au calendrier, un role qui le met en relations avec le chan,gement
des saisons, en dehors du role que lui attribue l'Ancien Testament, lorsqu'il va prendre Fame d'Abraham qui mange a
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N. imp

156

sa table,

Isaac pleure et ses larmes deviennent des pierres

precieuses , en dehors du role (retro, a certains moments, le

compagnon do Dieu, qu'il accompagne a travers le monde!, it


en a un autre, celui qu'on conmitra a la fin du monde. Car c'est

l'Archange qui, d'apres la legende, annoneera de sa trompette la fin du monde. Puis, it sera enferme par le diable dans

tine peau de fouine, et le sang qui coulera enflammera le


monde.

Quant a l'Archange Gabriel, son role est excessivement reduit.

Au moment oft le diable, qui a conclu un pacte avec Adam,,,


demande l'h'ine de tour les descendants d'Adam, Dieu envoie
Gabriel pour racheter les Ames des humains.
Void, maintenant, Moise. Dans la legende roumaine, it vii
encore et, de temps en temps, d'apres les Bulgares, it mottle
sur la montagne et prie pour les hommes.
D'apres une autre legende roumaine, let baton de Moise serl

seulement pour ouvrir le chemin a travers les montagngs.


Mais, en meme temps, par une confusion, par cette confusion
qui pousse chaque saint b. jouer le role d'adversaire du diable
pour le vaincre, it faut une mobilisation generale de tous les

sants et chacun, a son tour, va combattre l'Impur, it

est,

en memo temps, le combattant contre le, diable. Devant son


baton le diable et sa femme se cachent, comme des monslres
marins, dans les ondes. Des voix cherchent a le seduire, mais
it resiste.

On le voit sur la time d'une montagne, deroutant tour a


tour les tentatives d'tre &rase par les rocheirs, d'tre rnordu

par des serpents. Il finit par tuer le diable, et par placer la


croix sur la tombe de Satan.

Saint Joseph ne parait qu'une fois, dans la compagnie de


Saint Demetre. Saint Demetre et Joseph y sont les fonda-

teurs du ciel et de la term.


L'evangeliste Marc est le pauvre Marc", Lui aussi se trouve
aux enters pour quelque temps, a it porle meme le bois pour
les bachers. C'est lui, du reste, qui est occupe a servir les
Ames et it demande, a un certain moment, la place de portier au Paradis. II y veut prendre la place de Saint Pierre.
Un role tres modeste est attribue aussi a Saint Simeon le
Sty lite, celui qui, d'apres une legende qui remplace celle du

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157

nionstre marin, soutient la terre. C'est a cause de sa colonne,


qui. est rappelee dans ce qualificatif meme do Sly lite".
Mais le saint qui soutient le cial et la terre et gouv,Ame les
vents

est represerae une fois ayant perdu un fits. Alors it

est furieux contre Dieu et, pendant sept ans, it ne permet plus

au vent de sortir. Les oiseaux s'en vont alors le prier. I.e


coq fait partie de la deputation et joue un certain role, dans
cette priere adressee par la creation au saint' qui pout liborer
ou enfermer le vent.
Mais le grand role de combattant contre Satan, celui qui dis-

pose du ciel entier, qui plant lances sa formidable arlillerie


mysterieuse contre les forces do l'enfer, c'est Saint Elie.
II descend dans la mer pour tuer les demons trees par Dieu
pour que Satan ne soit pas seul.
A cote de ce grand role, it est le cousin du vont et du 'feu.
Pour le retenir, Dieu lui a pris un pied of un bras. S'il avail
les deux pieds et les deux bras, le monde s'enflammerait.
Mais, pour rimagination effronee du peuple, Saint Elie

est, au fond, un assassin: it a tue son pore et sa mere. Il


travaillait, jadis, pour un maitre, et, a ce moment, Satan lui
donne l'inspiration d'accomplir son crime. Cependanl, it en
est parclonne. Il arrivera a dominer la pluie, et it fora oublier son peche en appelant a la vie tel arbro desseche.
II a aussi un autre crime sur la conscience, car c'est lui qui
avail, fait couper la tete a des pretres qui ne voulaient pas l'absoudre pour son premier peche. Il avait ete enferme quarante,
ans et s'etait purifie par le feu qui l'a bride d'a'bord, pour qu'il
ressuscite ensuite.

Saint Elie a toujours des fleches a sa disposition. On le voit


en chasseur, poursuivant Satan, Il le tue d'une balle, de pierre,
qui ne peut pas etre detournee par les artifices de Satan. Du
reste, i1 le retrouve aux onfers, qui se vident en la presence
du grand saint.

On le voit aussi, dans la compagnie d'un patre, coupant


deux des quatre ailes du demon.
Chez les Bulgares, Saint Elie est charge-do descendre sur la
terre et d'aller benir les hommes. Il se mele meme de chosen qui ne le regardent pas, qui no soul pas de son domaine
lui.

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158

N. Iorga

L'adversaire de Satan, le grand chasseur aux fleshes sures,

n'a rien a voir dans les demeles du dragon avec la fine de


DEmpereur. Il rencontre les Parques sur son chemin; it assiste
A la naissance d'un enfant et, de meme, it se, mole aux affaires de commerce de cet enfant. Il y a une legende absolument
balcanique, une legende en relations avec cette occupation d'epi-

cier qui est si repandue dans les petites bourgades de ces


regions. Le pupille de Saint Elie a done d'abord une bouti-i
que; puffs it se dit qu'il pourrait gagner deux fois plus en ayant une seconde. Mais it arrive a la conviction que, plus les
boutiques se multiplient, plus it nerd. Alors it revient A la
boutique unique, qui pouvait l'enrichir. Chez les Roumains, qui
sont, avant tout, des paysans, it n'y a jamais de ces contes de
boutique et d'arriere-boutique.

J'arrive rnaintenant a Saint Pierre, dont le role est, sans


doute, tres important. Il y a, d'abord, un Saint Pierre tres petit, qui joue un role absolument inferieur. C'est le, chef des

loups. C'est un grand chasseur qui a des chiens. Mais les


chiens de Saint Pierre sont les loups. IN hurlenl en lui demandant d'tre nourris. Et it leur indique la croix. Il preside
une grande assemblee des loops, la ,veille de la Saint Andre,
Ici, 11 empiete sur les droits de Saint Andre, parse que celuici rassemble, en meme temps, tous les revenants, dans la
terrible nuit de Saint Andre, pendant laquelle it faut oin,dre

les portes et les 'metres d'ail pour defendre Fenix& a ces


(Ares malfaisants.

Saint Pierre est, d'apres une legende, beaucoup plus qu'un

le frere meme de Dieu, ayant un tres grand


role. On park tres rarement de sa fonction aux portes du
apolre : c'est

paradis, cette fonction qui est si importante dans les conceptions)endaires de l'Occident, mais qu'on nee rencontre presque
jamais au Sud-Est de l'Europe.
Saint Pierre est represenle, deI ce cote, comme un humble
compagnon do Dieu qui, dans cette fonction, n'est pas Dieu Sabaoth, mais biers le Christ, le nouveau Dieu, celui qui a vaincu
Satan et prepare une nouvelle ere, an monde. C'esl un. homme, un simple vieillard accompegnant Dieu, qui, lui-meme,
se presente en homme tres Age, tres pauvreb en haillons, dewww.dacoromanica.ro

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159

mandant l'hospitalite surtout aux pauvres, puree qu'il salt que


les riches ne 'le recevront pas.
Saint Pierre a aussi des defauts; en taut qu'humain, it dolt
les avoir. C'est un tres grand mangeur et Dieu Pen punit
d'une fawn tres cruelle: it prend ses boyaux et les jetle sur
un arbre. Le saint est tenement famelique que ses inleslins,

jetes sur l'arbre, mangent les' branches.


A cote, it est aussi un bon modecin, qui pent ressusciter
les snorts, mais, avant tout; ce sont ses occupations nourricieres qui interessent la legende. Il mange d'un pain qui ne s'epuise jamais. Ayant toujburs des provisions a sa disposition,
ij apporte a manger au soleil, qui est tres ingrat et qui l'accabig de coups.
Parfois, it entre dans l'humble maison du berger, non seulement pour manger du fromage, mais aussi pour essayer de
demeler sa chevelure, qui est tres rude, du peigne qu'il trouve
la, Ce peigne est maudit, et ce sera la feuille du sapin.
Line lois, it a voulu etre maitre du monde et it a demande
la permission a Dieu, qui la lui a accordoe, mais la premiere
femme qui fait paitre ses chevres sur son chemin et qui les
laisse sous la garde de Dieu montre au vieux saint, force de
mener le troupeau a travers les ronces, combieb lourde est
la Cache du. Seigneur. Il se resigne alors a n'etrel que le saint
qu'il etait auparavant et laisse a son compagnon plus vieux

que lid la mission de conduire le monde.


Mais it fait parfois la nose avec ses amis. Il s'en va vers
Dieu, ayant tarde, et declare qu'on a fait la fete sans penser
a lui. Pour cette facon de se conduire, parce qu'il entre memo
dans des cabarets, et, clans les cabarets, it se) comporte d'une
fag= detestable, dormant et recevant des coups, sauvant Dieu,
meme, de l'outrage qui le menagait, c'est pour cola que, a la fin

du monde, lorsque Dieu devra sauver un certain nombre


d'etres surnaturels, it pensera, en premiere ligne, au Christ,
puis a la Vierge, puis a Saint Nicolas, et, a la fin seulemeut
A Saint Pierre, parce qu'il s'est enivre au cabaret et y a provogue une quenelle.
Pour les saints d'une valeur beaucoup inferieure), Saint Ba-

sile est aussi un, grand ivrogne. II est represents a cheval sur
un tonneau et on s'imagine pourquoi; parce que, au commonwww.dacoromanica.ro

160

N. lorga

cement de rannee2 le jour de Saint Basile, ii y a ripaille, le


saint lui-meme est represenle comme un grand mangeur.
Saint Jean est, parmi tour les saints, celui auquel s'attache
le moms la satire de la logende. Saint Jean, c'est un, simple
patre qui cherche, des journees entieres, un agneau perdu,
et, lorsqu'il ra retrouve, it baise ses pas de fatigue,. Un element de lyrisme touchant qu'on ne trouve en rapport avec
aucune representation d'art.
D'apres une autre logende, qui est absurder le vent aurait
ete personifie, incorpore par Dieu, qui lui a donne le nom
de Jean.

Saint Andre, c'est bien entendu, le patron des revenants.


Mais it arrive qu'on le considere aussi comme eelui des loups
qui se rassemblent, la veille de sa fete, en novembre,
Saint Georges, dont la legende de la lutte contre le dragon
pour sauver la fille de rempereur est adoptee par les conteurs
do legendes, est celui qui retient au fond de la mer le scorpion.
Sans cela, le scorpion devorerait le monde,.

L'arbre de Saint Georges est le saule, parce quo Saint


Georges, en cornbattant, s'est butte contre cet arbre.
Saint Nicolas n'a pas le grand role qui lui est altribue dams
les Vies des saints, c'est-h-dire celui qui distribue des dons,
qui trouve des dots pour les filles a marier. C'est un pauvre
passeur, qui se tient au bord de la riviere et qui passe les hornrues sur sa barque.
Une autre fois, it est envoye par Dieu, pour intervenir dans les
derneles d'Adam avec Satan. On le voit epouser Sainte Barbe.
Saint Martin, qui est un saint occidental, dont la fte n'a ,rm-

cun role on Orient, apparait une seule fois dans ce qu'on


appelle les marlines". Martine, c'est une de ees fetes populaires, de ces jours observes par le peuple pour se defendre contre tel ou tel danger. Surtout, Saint Martin est celui
qui defend contre les loups.

Saint Spiridion a subi une tres curieuse transformation:


c'est un moine, qui a decouvert la croix, mais aussi c'est un che-

valier qui a vu ses chevaux perir; on leur a coupe la tete, it


la leur rend. Lorsqu'il serre une pierce, le feu monte, reau descend et rargile reste entre ses mains.
Saint Theodore est celui qui a vaincu la femme du serpent.
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La creation religieuse du Sud-Est europeen

161

C'est un saint d'hiver, qu'il faut reehauffer. Quclquefois, it


est derriere le porte et jette la poussiere aux yeux. Lorsque
vous sortez de la maison, it vous arrive d'avoir de la poussiere
dans les yeux: c'est que Saint Theodore etait derriere la porte
el qu'on ne Pa pas remarque.
Enfin, it y a une legende qui n'est pas seulement parlee: c'est
une legende fixee dans un, texte tres repandu, que des marchands ambulants vendent sur touter les rues de la Peninsula
des Balkans: c'est cello de Saint Sisinnicius, Sissoe.
Saint Sisinnius reste sur une colonise de pierre. De la mer
sortent douze femmes, les fievres, qui sont filles de Herode,
venues pour punir les mauvais chretiens. Le Christ envoie les
anges et; en plus, les quatre evangelistes.
Toute une legende, dont l'origine confuse est manifestement
malveillante a regard du christianisme. Il y a quelque chose

versant du fond du vieux paganisme, qui n'a pas oublie ses


droits et qui male des -elements diaboliques appartenant-k un
autre monde.

Je ne crois pas que ces legendes puissent jamais animer


une litterature. Je ne crois pas non plus qu'elles puissent etre
reduites a un corps de doctrine. Mais, comme tout ce qui sort
de Paine populaire a une grande valeur pour l'ethnographie
et sert a eclairer ces fonds de l'ame humaine qui ne peuvent
pas se manifester autrement, parlor de ces legendes, les presenter autani qu'elles vivent, parcel qu'elles sont sur le point
de se confondre, puffs de disparaitre, c'est apporter tout de

rneme une contribution a l'ethnographie comprise dans le


grand et vrai sens du mot 1.

Lettres militaires roumaines (1862-1863)


Des papiers du general Herkt se trouvant au Musee Militaire
Nationale, je detache quelques lettres qui depassent l'interet purement militaire et dont le contenu petit etre utile a ceux qui s'occupent du regne du prince Alexandre Jean Cuza.
Pour en comprendre le contenu je crois necessaire de donner
les renseignements qui suivent.
' La plus vaste encyclopedic de ces legendes a Me donnee par M-me Helene
Niculita-Voronca.

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General R. Rosetti

162

Le capable organisateur qui a ete le general J. Emm. Floresco,


s'est trouve, apres 1'Union des Principautes, devant trois problemes :
Celui de l'unification des armees moldave et valaque.

Celui de l'instruction des troupes.


Celui de les doter de l'armement necessaire.
J'ai montre ailleurs I les mesures prises pour l'unification des
deux armees.
On sait que pour l'instruction des troupes on a fait appel a
une mission militaire francaise, qui est restee chez nous de 1860
a 1868. Cette mission eut quelques frictions avec le corps des
officiers roumains, comme on peut le voir par nos lettres memes.
Enfin, pour doter Farm& des materiaux pour les canons et les
munitions, le general Floresco s'est adresse a la Belgiques, oii it
envoya le capitaine Herkt, I'un des initiateurs de l'artillerie roumaine ' et de ses chefs les plus capables, pour surveiller la commande
et obtenir les connaissances necessaires pour la creation des

ateliers qui devaient commencer leur activite en Roumanie '.


Certaines parties de la lettre, datee fevrier 1863 (no. VI), du
major H. Anion montrent les difficultes contre lesquelles dut !utter
le prince Cuza. Anion ne faisait pas de politique:
General R. Rosetti.

10 juin 1928.
I.

Agence des Principautes Unies.


Paris, 14/XII 1862.

Monsieur le Major,

En reponse a la lettre que vbus m'avez fait l'honneur de m'adresser a la date du 12 du courant je m'empresse de vous assurer
que je mettrai tous mes soins a recueillir les renseignements que
vous me demandez 4.
'

General R. Rosetti, Partea luata de Armata Romina in Razboiul din

1877-78, pp. 12, 13.

2 H. Herkt, neveu do docteur Cihak, medecin en chef de Parmee moldave,


entra comme cadet dans Ia premiere batterie d'artillerie en Moldavie. 11 a
laisse, des pages tres precieuses sur les commencements de cette armee chez
nous dans ses Cateva pagini din istoricul armatei noastre, oil on trouve
une description partictilierement pittoresque (pp. 26-36) du desarmement de
Parmee moldave qui avait refuse de suivre Parmee russe dans sa retraite
au-dela du Pruth (7 aotit 1853). Officier de grande valeur, il fut charge de
plussieurs missions en Serbie et en Belgique. 11 commands avec grand succes
l'artillerie de Ia quatrieme division devant Grivitza en 1877, etant un de ceux
qui contribuerent le plus a Ia prise de Ia redoute No. 1.

a General P. V. Nasturel, Contributiuni la Istoria Artileriei Romdne,

pp. 41, 59, 60.


4 Probablement Herkt avait demand& le trace des canons francais, comme
II ressort de sa correspondance ulterieure.

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Lettres milltalres roumaines (1862-1863)

163

Venillez toutefois ne pas etre surpris si, eu .egard aux mesures


de circonspection conseillees par vous-meme, je ne pouvais vous
satisfaire avec la promptitude que je desirerais apporter dans cette
circonstance.

Agreez je vous prie, Monsieur le Major, l'assurance de ma


haute consideration.
Major Alexandri.

Mr. le Major Herkt, Liege.


II.

Liege, le 30 decembre 1862.


Monsieur le Major,

J'ai l'honneur d'accuser reception de votre honoree du 14 de


ce mois et de vous remercier pour la promesse que vous avez
en l'obligeance de me faire.
En meme temps je profite de l'occasion pour vous demander
si vous niavez pas encore pu obtenir les donnees mentionees

dans ma lettre du 12 de ce mois. Je me trouve dans un grand


embarras, ne pouvant pas verifier les modeles de la fonderie qui
clevra fournir notre materiel'.
Vous m'obligerez infiniment, Monsieur le Major, s'il vous serait
possible de me donner les moyens de pouvoir executer la mission
dont je suis charg.
J'ai informe Mr. le Ministre de la demande que je vous ai
adressee, et it serait possible que vous receviez de lui une depeche
telegraphique dans ce sens, sans que toutefois la depeche nomme
l'objet clout it s'agit.
Esperant, Monsieur le Major, que vous voudrez bien m'honnorer
d'une repons2, je vous prie d'agreer l'expression de ma haute
consideration.

a Monsieur le Major J. Alexandri.

Henry Herkt,

Major d'artillerie roumaine.


Agent officieux des Principautes Unles
A Paris.

7 D'artillerle.

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General R. Rosetti

164

Paris, le 31 deeembre (1862).

Agence
de S. A. S. le Prince Regnant
des Principautes Unies
a Paris.

Monsieur le Major,

Ce n'est pas volontairement que je garde le silence a votre


egard depuis le 14 de ce mois : j'avais a peine commence mes
demarche? dans la question qui vous interesse qu'une indispositions assez grave est venue les arreter, 'en me mettant dans Pimpossibilite de sortir. Actuellement encore je suis trop souffrant
pour reprendre personellement, en -mains une affaire qui, vous le
reconnaitrez, ne saurait supporter de delegation.
Quoi qu'il en soit, un ami assez puissant a bien voulu se charger de me remplacer dans cette circonstance et de completer les
&marches que vous avions deja faites en commun. Reussira-t-il ?
je ne puis l'affirmer a l'avance, les elements que vous me demandez etant entre des mains toujours jalouses de les livrer a
d'autres.

L'ami dont j'ai I'honneur de vous parler ne tardera pas a venir


me voir et je saurais ce que nous devons esperer.
En attendant, je regrette vivement de vous savoir dans l'embarras et d'ignorer, grace a l'etat de ma sante, s'il me sera permis de vous aider a en sortir.
Recevez, je vous prie, Monsieur le Major, l'assurance de ma
parfaite consideration.
Major Alexandri.
IV.

Paris, le 6 janvier 1863.

Agence

de S. A. S. le Prince Regnant
des Principautes Unies
a Paris.

Monsieur le Major,

A mon grand regret je me vois oblige de vous annoncer que


je n'ai pu rien obtenir par la voie officieuse.
II m'a ete transmis par l'intermediaire de la personne dont rai
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1-ettres milltaires roumaines (1862-1863)

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eu Pbonneur de vous parler qu'un ordre(de l'Empereur seul pourrait lever les dificultes. Vous voudrez bien, Monsieur, comprendre
comme moi que je ne saurais convenablement invoquer une intervention aussi elevee sans des ordres directs du prince.
Veuillez, je vous prie, Monsieur le Major, excuser le laconisme
que m'impose le mauvais &tat de ma sante et agreer ]'assurance
de ma haute consideration.
Major Al ecsan dd.

Monsieur le Major Herkt.


V.

Mon cher Major,

J'ai rep votre derniere lettre ainsi que la quittance de 3.000


piastres et le plan de ]'annexe a faire a Peglise. Je tiens h vous
[communiquer] d'abord les choses vous concernant pprsonellement:

la question de l'argent et de la direction.


Je me suis presente a la Tresorerie du Regiment, ainsi qu'au
Colonel ; pas d'argent", voila ce qu'on m'a repondu, me promettant la somme dans quelques lours, et it est evident qu'aussitot revue je vous l'enverrai. Pour que vous compreniez cette reponse, it faut que je vous dise un peu longuement quelle en est
la cause. Dans ce moment -ci it existe un manque absolu d'argent,
les services et les fonctionnaires publics n'ont pas ate payes depuis le mois de decembre. Tout l'argent qui rentre au Tresor
est donne pour la nourriture des hommes, le materiel ne se paye
meme pas, les entrepreneurs sont aux abois : aussi tout marche
comme une machine rouillee, ou plutot cela ne marche pas du
tout. L'origine du mal, vous devez bien le savoir par les journaux,
c'est la lutte engagee entre la Chambre et non pas le Ministere,
mais le prince meme, les discours prononces vous l'ont fait, du
reste, bien voir : ce ne sont plus des menaces et des vaines paroles, mais des faits ; la droite et la gauche unies se sont propose
le renversement d'u prince : elles refusent tout, attaquent sans

managements, detruisent tous ce qui a ate fait et empechent le

bien a faire ; leur tactique consiste dans l'inertie, qui a discredite le gouvernement et le pays au point que les mandats se
vendent sur place avec un rabais de 25 a 30 pour /0. Les impOts

ne sont pas payes, le budget n'etant pas vote. On donne seulement au gouvernement des credits qu'on renouvelle de mois
5

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General R. Rosetta

166

en mois. Vous comprenez qu'avec un pareil systeme tout est tine


misere et tout le monde en doit souffrir. Quelques individus de
la droite et de la gauche se faisant ]'instrument d'une Puissance
occidentale 1, qui, en commencant par la Grece, veut continuellement agiter l'Orient, font tout leur possible pour amener l'anarchie dans notre pays: heureusement Parmee est la, et ce sera en-

core elle qui sauvera le pays. Ce qui nous sauve encore -c'est
que le peuple roumain a le bon sens, les calomnies, injures et
attaques de toutes sortes qui se disent a la Chambre n'ont pas
de retentissement hors la Metropole ; car, si c'etait dans tin autre
pays, quand des pareilles choses se prononcent du haut de la
tribune d'un corps qui se dit mandataire de la nation, il y aurait
eu dj des barricades dans la yule ou une armee etrangere a la
frontiere. Mais rien de tout cela, ce qui prouve encore une fois
que notre Chambre, loin de representer .le pays, represente des
partis aspirant au pouvoir du hone, et n'ayant pas leur candidat
ou plutot en ayant douze. Il n'en est pas moans vrai que, de tout
cela, c'est le pays qui en souffre, et cruellement.
II est probable que cette annee encore nous serons sans budget.
....Pour la Direction de 1'etablissement5, il n'y a pas un mot de
vrai dans ce qtfon vous a rapport& Je vous l'ai dj ec tit : on a
emmene de France un capitaine francais', un sous-officier, tin
maitre artificier et un maitre-charron : les deux premiers pour
l'instruction du Regiment'', les deux derniers pour Petablissement.
Messieurs les Francais, qui nous coutent si cher (commandant Lamy5

surtout) ont bien voulu se meler dana nos affaires a l'efablissement, mais je me suis explique franchement avec le general %
et il a compris 'clue ce serait nous blesser, vous surtout, qui faites tout et etes si mal recompense ; aussi, il y a quelques jours,
j'ai recu un ordre du general dans lequel il me dit que ce n'est
que pour les constructions appartenant au regiment d'artillerie que
j'aurais a me consulter avec re capitaine francais en mission.
Vous voyez done, de ce elite il n'y a rien a craindre.
1?

' D'artillerie.
a Deux capitaines d'artillerie, Guerin et Bodin.
o

D'artillerie.

I Le commandant de la ,mission militaire francaise.


o J. Emm. Floresco.

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Lettres militaires roumaines (1862-1863)

167

...J'ai oublie de vous dire qu'en recompense des services rendus par notre armee a la Serbie, a l'occasion dti passage des
armes 1, la Serbie nous a fait cadeau de vingt-quatre bouches a
feu lisse, mais ceci un secret qu'il faut encore (probablement :
garder.

...Cependant, en attendant que nous ayons une etoupillerie, je


vous prierai d'ecrire de nouveau en Serbie 2 pour qu'on vous
envoie ]'instruction pour la confection des etoupilles, que vous
avez rapportee lors de votre voyage en Serbie ; pressez cette
affaire, je vous prie, pour que vous ayez la gloire complete d'avoir
cree notre artillerie 8 et cue plus tard on puisse justement vous
appeller le Gribeauval1 de la Roumanie.
Tout a vous,
H. Anion 5.

Le plan du canon -aye que vous avez envoye est fres bien,
j'en ai un pareil : it y a cependant quelque differences . . . ; le
capitaine francais m'a dit la meme chose. .. .
1863,

17
2-9

fevrier, Bucaresf.
VI.

Anvers, le 30 decembre 1863.

Mon cher Major,


J'ai ete enchante d'apprendre par votre lettre que votre retour
a Bucharest s'est bien pass, que nos. canons 6 sont arrives sans
encombre...

...II y a un mois environ, j'ai vu dans les journaux que le Sultan


faisait une grosse affaire de ce qu'il arrivait par Marseille dans
les Principautes des armes et des canons; je n'y ai vu aucune
suite depuis : j'ai bien suppose qu'il s'agissait de nos canons,
aussi ai-je ete enchante d'apprendre qu'ils &talent arrives abon port.
1 N. lorga, Rdzboiul pentru Independenta Romania, p. 20; Correspondance diplomatiete roumaine sous le Rol Charles I, p. 12.
2 Herkt, charg plusieurs fois de mission en Serble, en avait rapporte la
confiance des Serbes.
3 Voy. ce que dit, sur le role de Herkt, -NAsturel (ouvr. cite, pp. 147-169).
' Reorganisateur de l'artlllerie francaise A. la fin du XVIII-e siecle.
5 lieutenant H. Arlon, ulterieurement commandant du Coips 11 d'armee.
5 Vingt-quatre canons belges_Veuve Lachausser (NAsturel, ouvr. cite, p. 145).

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N. lorga

168

Je n'ai ete nullement etonne d'app. endre que la mission fran-

soulevait des objections a propos des canons: it fallaits'y


attendre; je concois qu'elle ne voie pas avec plaisir cette comcais

mande importante heureusement effectuee sans son concours.


Il ne serait guere convenable -clue j'en &rive au general Flo-

resco, comme vous me le conseillez, mai vous pouvez ('assurer


de ma part que, d'apres les documents venant de diverses sources
que nous avons pu consulter, on peut repondre avec certitude
que c'est bien le systeme francais....
Votre ami devone,
P. Le Boulenge .

Autres voyageurs occidentaux en Orient


Dans Mafeest or nothing new, the journal of a tour in
Greece, Turkey, Egypt, the Sinai-desert, Petra, Palestina, Syria and Russia (printed for private circulation"), I, Londres
1870, iLest question d'un voyage par la Greve a Constantinople.
L'auteur, qui signe J. E., deceit la visite du Sultan a la mosquee (la premiere fois apres son retour d'Angleterre), les der-..
viches danseurs, un cimetiere turc, le bazar, la mosquee d'Achmed, Scutari. les Eaux Douces, la Chambre du Tresor, Ste Soph:e et la $oulimanieh. Pendant que IeS hommes regardent
defiler le cortege des presents pour la Mecque, l'auteur cherche
la femme de Fouad-Pacha et sa bru, Madame Cassim", une
Circassienne, parlant parfaitement le fra4ais; sa bellermere
parait avoir ete tres belle; elle est tres intelligente. ',Madame
Casim" partage son dejeuner avec rAnglaise; elle lone des

airs arabes et une esclave d'Arabie chante On volt les anciens murs. Nouvelle visite d'un cimetiere ; chez les dervicbes hurleurs. Puis quelques momenta; a l'ambassade de Russie. Des incendies contemples du haut des toits. Depart pour
Smyrne, ou le consul de France est lei frere de Marie Walewska. Le voyage continuera -A travers l'Egypte au Mont Sinai et en Palestine.
. .
I Le lieutenant beige P. Le Boulenge, inventateur du celebre chronographe
pour mesurer la rapidite des projectiles, avait pass chez nous six mots pour
installer les ateliers des etabliseements d'artillerie.

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Autres voyageurs occidentaux en Orient

169

The Sultan and his subjects 'par M. Richard Davey (Londres 1907) est un ouvrage scientifique qui commence' par une
bibliographie. L'auteur, qui voyage en 1893, a regu des conTessions.- d'officiers tures (pp. 5, 107). La societe turque est
presentee minutieusement sous tons les rapports. L'auteur parait thnnaitre le Lure. Il eroit que l'Islain est moat" (p. 91).
Le harem lui est (Merit par 'line dame (p. 105 et suiv.) M. Davey
est l'ami du oomte de Cho let, auteur d'un Voyage, en Turquie

d'Asie", dont it fait l'eloge (p. 117). Il paHe d'une dame do


sa connaissance qui occupait une situation dans line maison
turque" (ibid.), Des chapitres d'histoire sont intercales dans
la description contemporaine. Ce qui interesse surtout c'est
la vue de Constantinople en 1810 d'apres des lettres inedites
d'un Anglais (p. 136 et suiv.): le visiteur est introduit par
le riche marchand Black (f 1832); sur les murs du Serail it
volt des totes fraichement tranchees (voy. aussi p. 235). Il
contemple la mosquee de Bajazet. Il y a un jugemont sur la
decadence turque et ses raisons. Quelque's pages seulement sur
une audience chez le Grand-Vizir : it reicommande a l'Anglais

de ne dire que la verite". Karagtheuz a un chapitre pour lui


`avant celui sur Sainte Sophie. Dans le chapitre sur les clueliens

l'historien reapparait avec ses souvenirs et

ses cita-

tions, et it donne une exposition coherente eat solide. Les Pha-

nariotes sont traites sans prejuges, de meme que les Arm&


niens. Pour les Juifs le recit part des souvenirs du rabbin,
Benjamin de Tudele. Le voyageur avance jusqu'a. Brousso
lour finir par un tour dans les environs de Constantinople.
Table des noms.

N. L

COMPTES-RE NDUS
Karl Kurt Klein, Rumanisch-deutiche Literaturbeziehungen
(Heidelberg 1299).

L'auteur presente --une vue generale sur les etudes germani-)


ques en Roumanie (riche bibliographie). La secondo pantie
traite des rapports litteraires entre Saxons et Roumains de,
Transylvanie (meme qualite), dans le conte populaire, la chanson, la litterature cultivee. Pour la premiere fois est montre ce
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170

Comptes-rendus

que peut donner un Christian Schesaeus, darts sa Ruina Pannonioa (dans Eder, Scriptores rerum transiluanicarum,
sur le regne anachronique du Despote" en Moldavie Schesaus est traduit par Miles dans son Siebenburgischer Wiirgengel. be premier se serail inspire de Jacques Sommer. Aussi la
facon dont apparaissent les Rotunains dans une nouvelle de
Daniel Roth, Die Nonne aus den Karpathen (1846). Joseph Martin (t 1849) aurait voulu presenter les Ron/mins a l'epoque du

Supplex libellus (fin, de XVIThe siecle), Article de lui sur la


litterature roumaine dans les Oesterreichische Bluth)? d'Adoll Schmidt, 1846-1847. Il presente l'epoque de Michel-ileBrave.
*

M. Xenophon Netta, Politica monetard a Ronuiniei si stadiul el actual (Bucarest, 1928).


Les monnaies de cinq lei, frappoes en 1880, venaient du stock
en.orme de roubles laissees par le passage' des Russes en 1877-

1878: la Roumanie avait neglige d'observer la clause de l'Union. monetaire -qui lui imposait d'avoir une piece d'or de cette
valeur: elle n'avait que des pieces d'argent de 2 lei, 1 leu eb
50 centimes; des 1877 des billets de banque pour 5 a 500 10,1
sans couverture; la Banque d'emission n'existant pas encore, ils
sont remplaces par ceux de la Banque Nationale': l'interet de
100/0 ne fut pas paye; les billets hypothecaires avaient ete
mites a 26 millions; deux tentatives etrangeres de fonder des
banques d' emissioncell e de M ,9ldavie en' 1857, la Bank-of Roumania en 1865 avaient ochoue, be type de Banque Nationale adopte

en 1880, avec participation de Mat (tin tiers, vendu en 1901, re-

pris en 1925), amena un etat de servitude de l'institution


qui se livra a une inflation moderee en 1880-1890 et a une
autre effrenee pendant la guerre. Comme les anciens billets devaient etre remplaces, sans couverture, par les nouveaux, comme les credits otaient abondamment accordes, on pompa" 150
millions sur la vie economique et l'agio parut, montant en 1887 jus-

qu'a 19,150'0. On finit par se- borner, en fait de credits, surtout


a 1'8tat, et par le forcer de rembourser ses billets hypothecaires
(1888). Enfin on crut mettre fin aux oscillations de'la moon

naie introduisant l'dtalou d'or (1890). L'auteur analyse hetiwww.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

171

vile de la Banque pendant la periode saine oft elle, accumulait


l'or' et achetail des valeurs etrangeres, pour dorniner les changements de tours de la monnaie, provoques par le caractere surtout agricole de la production roumaine. En 1899-1900 it fallut
vaincre une forte crise agraire; la Banque, dut recourir a remvation de l'escompte pour attirer le capital &ranger. Des 1913,
les circonstances de politique generale amenent une, nouvelle

crise, qui s'accentue de plus en plus, arretoe un moment en


1911. Avec la grande guerre, it y a arret de l'cxportation en
Occident, manque du capital &ranger, necessite d'armements.
Jusqu'en. 1918 deux milliards de billets en plus, dont la
moitie seulement pour la periode de participation a la guerre,
les deux tiers du territoire &ant occupes par les centraux. La
Banque Generale Roumaine s'arrogea le droit d'emettre a Bucarest des billets pour deux milliards cent mille lei. Mais,
pendant la neutralite, des mesures efficaces avaient accru la
couverture en or de la Banque Nationale, qui avait monopolise

la vente des cereales aux centraux. Or l'agio avail reparu,.


montant en 1916 jusqu'a 570/o: on avait depasse les vrais besoins du marcite. Apres la guerre les necessities de la refection pe-

sent lourdement sur Ia valeur de la monnaie, 1e capital &ranger se tenant a l'ocart. La circulation monetaire
mais darts
un Etat de double &endue et ayant de, lourdes charges mondtaires
augmente apres 1918 de 18 milliards et demie (done,
a la Tin, de 1927, 21 milliards). Des 1922 it faut 9e sacrifier pour
la reprise des possibilites mernes de la production; les qedits

sont d'immobilisation". Les bons de tresor etaient comptes


dans la reserve d'or. En. dix anus it y eut settlement 85 millions
d'augmentation de la reserve metallique en. regard de 6 milliards 600.000 lei de valeurs et bons de tresor. Moscou gandai

c'est-a-dire depensaitles 315 millions d'or que l'Etat roumain y avait deposes. Le couverture d'or reelle ne, depasse pas
1.30b. Il avait fallu accepter la mauvaise monnaie laissep dans
les nouvelles provinces par les anciens possesseurs et on. avait fait passer des quanta& enormes de couronnes marl,
clilennes qui Turent tout de meme estampillees et acceptees an
change; la Banque y contribua de cinq milliards. On negligea
de reduire, comme la proposition en avait ete faite, la circulation.

Les cent lei passent a 12,5 en 1920, a 8,1 a la fin


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172

Comptes-rendus

de cette meme annee pour tomber, apres une breve reprise,


plus has en 1926. Des avril 1917 le leu papier n'etait pluis
convertible. L'auteur est -contm les taxes d'exportation, qui
diminuerent notre commerce de cereales. Il -ne croit pas a
l'efficacite de la seule reduction du stock de circulation, de
beaucoup inferieu,r au faux d'avant-guerre. En 1925 l'Etat se

decide a renlourser annuellement, en quinze ans, la Banque- Nationale, sa croditrice pour 12 milliards (600/0 de la
circulation mon.etaire), L'ouvrage, d'une parfaite elarte, s'arrete
a la stabilisation recente.
*

Paul Muratoff, La peinture byzantine, iraduction de lean Chuzeuille, Paris 1928.

Dans cette belle etude l'autedr ne manque pas de relever'


tout ce qui nous manque, par la destruction ou, comme a
Sainte Sophie, par de regrettables contingences. C'est done a
l'Italie meridionale, non envahie et saccagee,
Taut s'a-

dresser surtout. Dans un autre paragraphe M. Muratoff se


tourne contre les theorie de M. Strzygowski sur les origins
de Part byzantin. Au II loins par son luxes Byzance crea, fixa et
consolida. Elle adapta le christianisme a la vision grecque. Les
trois floraisons" sont rejetees en. faveur d'une theorie de con-

tinuite. L'auteur reconnalt que les Comn.enes sont des demioccidentaux. Oh Byzance ne donne rien, it y a la manifestation artistique des provinces, jusqu'en Italie et en Russie.
Ce qui suit sur le pretendu conventionalisme" de l'art byzantin contient les pdges les plus justes -et lets plus belles de
Bette syntheses Le rythme est indique commie element principal de la representation telle que l'admettaieht les artistes
byzantins. La nature, sujette a ce rythme, ne tait qu'acciompagn.e.r. Ce qui depasse le rythme est, selon l'idee de l'auteuL,
emprunt (a l'Italie) et decadence.

Au commencement la peinture chretienne est une cryptographie" pour donner le symbole. Puis l'hellenisine:la con -

quiert. En Terre Sainte commence la figuration". Il y a a


la broderie rustique", du tapis dans les mosaiquies de Santa
Maria Maggiore; des miniatures les aurafent suggerees, I.es
dvanglles apocryphes collaborent 4 la d6coration de l'arc de
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Comptes-rendus

173

triomphe la, a Santa'Maria Maggiore (p. 59). Large presentation


des mosaiques du tombeau de Gal la Placidia a Ravenne. Au
VI-e siecle on a un art byzantin,,, tel qu'on le, voit a S. Demetre

de Salonique. Au \III -e siecle des travaux d'artisans". Il y


aura bientot le -folklore des peuples demi- barbares ". Le style
ben.edictin" s'y ajoute, naratiff" et ornemental", populaire".
Le XI-e 'sicle est riche, mais ne s'est pas conserve 9. entier.
Les mosaiques de S. Luc en Phocide sont traitees avec beaucoup

de severite, celles de Daphne 'meme seraient typiques" et


communes". Les mosaiques siciliennes du XIII-e siecle, sont
soumises a une etude attentive. Les Veriitiens stylisent". Les recherches de M. Okounev en Macedoine et en Serbie servent
montrer que la peinture des Paleologues a des origins plus
anciennes (Nerez, entre autres), p. 120 et suiv. M. Muratoff met
a cote ce qu'il y a de nouveau dans les peintures de S. Sauveur de Pskov (1156) et de reglise de, la Vieille Ladoga, de
la cathedrals de Vladimir et de telle eglise, de Novgorod, toules du XIl-e siecle (p. 123). L'auteur a aussi connu les frets,
ques bulgares du XIII-e siecle (pp. 125-126). C'est dj de la
peinture neo-hellenistique" (p. 128). I1 y aurait une influence
de la peinture profane (pp. 130-31). En Italie, it y a a Lucques
un art occidental, alors que Pise, aussi par rimportation.
cones, se rattache a Byzance (pp. 133-134). Les Franciscains
y cherchent des modeles (pp. 135-136). Sienne ne serait pasaussi byzantine que Genes (pp. 136-137), que Parme memo
(p. 138). On est gothique" a Florence. Aussi (pp. 138-139) M.
Muratoff a des doutessur la date, qu'il serait dispose 4 descendre, des mosaiques dela Kahrie ((pp. 145 -146; it y a eu aussi
des Yresques, p. 147). Les Slaves auraient amens la decheance,

p. 151. M. Muratoff ne volt que la continuation russe.


Nombreuses (256) reproductions (si vivante, et avec un si

beau, geste, la femme vetue comme a la campagne du no.


XXIII: S. TeOdora de Rome; meme geste, dans la Nativite de
l'oratoire de Jean VII, commencement du VIII-e Siecle; une

sainte qui est une paysanne de la Campagne romaine 4 S.


Crisogono de Rome; no. LX): les figures du IX-e sicle qui
accompagnent Leon IV sont absolument occidentales. Au contraire le Christ hieratique du _X-e au Muses de' Florence; mouyements impressionants a Daphni. Scene de Chasse, au Paints
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174

Comptes-rendus

Royal de Palerme, no. CXXVII; belle Assomption attondrie


a Sopotchani, p. 162.
Quelques erreurs dans la traduction {Michel pour Manuel
Comnene, Amalazonte, etc.).
*

Naomi Mitchison, Anna Comnena, Londres, (s. d.-1928).


Ouvrage de popularisation, meme trop de popularisalloin..

Le ton est pintol celui d'un ouvrage litleraire. Les chapitres portent des titres impressionnants". A. la fin, it y
a cependant une bibliographic, jusqu'a l'A.nna, Comnena de
M-me Georgina G. Buckler.

Andre Grabar, Recherches sur les influences orientales dans

l'arl balkanique (Publications de la Faculte des Leltres de


l'Universite de Strasbourg", Tascicule 43).
Belle etude, poussee_jusqu'au dernier point do comparaison,
de materiaux recueillis au eours d'une excursion scientifique en
Bulgarie et en Yougoslavie.

D'abord des recherches sur la ceramique decorative a Pat'


Mina, du cote de Pres lav, eglise de la fin du IX-e on, du -debut du X-e siecle", aujourd'hui en mines. Elle porte des
dessins de caractere mesopotamien ou sassanide (voy. surtout
les figures 20-2T).

Deux tetraevangiles serbes du 'XIII -e siecle Offront des miniatures interessanles, d'un caractere tout aussi nettement oriuntal. Large analyse de celui qui east partage- -entre les bibliotheques de Belgrade et de Sofia.
EnTin la description d'un ms. du. Roman d'Alexandrei A
la Bibliotheque Nationale de Sofia: Ies miniatures, gauchos, reproduisent un type tres ancien (X-e siecle).
Quelques planches tres bien executees.
Michel Lascaris : Joachim metrapolite de Moldauie et les
relations de l'eglise noldaue auec le patriarcat de Pee et l'archeueche d'Achris, dans le Bulletin de la section historique de
l'Academie Roumaine, XIII, 1927.

L:excellent ouvrage do M. Lascaris, professeur a I'Universite de Salonique, traite d'une des. questions les plus obsvawww.dacoromanica.ro

Comptes-rendus

175

res et des plus eontroversees de, l'ancienne histoire roumaine.


Les relations de l'Eglise moldave avec le palriarcat d'Achris

(Ochrida) forment un probleme d'autant plus difficile a resaudre que toute sorte de traditions inexactes se sont for-

mee,s an cours des &lodes sur ce sujet et i1 ne mangle pas


aussi de faux documents qui viennent embrouiller la critique. La question est d'autant plus importante qu'elle a une
portee historique considerable it ne s'agit pas de mains quo
des origines de la culture roumaine au moyen-age, car les
ecrivains moldaves du XVII-e et XVIII-e siecles raltachent 'Introduction de la langue slave dans 1'Eglise of dans l'adminis4
tration de l'Etat roumain du moyen-age a ices relations spirituelles entre 1'Eglise moldave, et l'archeveche bulgare d'Oehrida,

Lascaris, qui est parfaitement au courant de la litterature historique roumaine et balcanique, donne une solution
de ce probleme, que nous avons lieu de croire definitive. La
these est, en resume, la suivante:
Le seal texte contemporain\et authentique sur des relations de l'Eglise moldave avec un siege patriarcal slave des
Balcani au XV-e sicle est celui de la chronique moldave dile
M.

de Putna: Saud le prince Alexandre, (1449-1455), le Metropolitel

Theactiste fut sacre par le patriarche Nicodeme de Serbie",


sous le pieux despots Georges. Ce passage a ele interprets
comme se rapportant a Ochrida. Quoiqu'il soit vrai que les
Roumai-ns du moyen-Age confondisse.nt souvent les Serbes et
les Bulgares, cc n'est pas le cas ici. Le despote Georges n'est
mitre que Georges Brancovitch, de Serbie et la vine d'Ochrida ne

se trouvait pas dans l'Etat du despote. Il s'agit done du patriarcat serbe de Pee, hypothese qui devient une certitude
quand on constate que le patriarche de Ped a cette epoque portait precisement le nom de Nicodeme. Il y a bien une inscription, d'ailleurs -controversee, qui mentionne a cette poque un
Nicodeme d'Oehrida, mais le nom du despote Georges prouve
s'agit de celui de Pee.
Ces relations s'expliquent de la maniere, suivante: Le concite de Florence (1439) avait proclarne ''union des Eglises
et cette decision avait ete approuvee par le Metropolite Damien de Moldavie. Apres la mort de Damien en 1447 le siege
archiepiscopal de Moldavie fut occupe par Joachim, personnage
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Comptes-rendus

176

inconnu jusqu'ici, que M. Lascaris a decouvert dam un prostagma de l'empereur byzantin Jean VIII Paleologao. Vers 145153 a lieu en Moldavie une reaction coigne, l'union et Joachim,

qui en etait partisan, fat force de se refugier en Pologne.


Cost alors que Theoctiste fat sacre a Pee et non a Constmill,
nople, car la l'union n'y etait pas encore rompue.
Tous les autres temoignages sur une suprematie du siege
d'Ochrida en Moldavie sont fort sujets a caution.
La correspondance de Dosithee d'Ochrida aver le Voevode
ntienne-le-Grand est, oomme l'a prouve le regrette Jean Bogdan un faux treigrossier: meme la date de cette correspondance
est anGerieure d'un an au regne do ce Voevodel
Quant aux affirmations des chroniqueurs du XVII-e et XVIII-e
siecles,

olles ant une explication fort simple,: La Syntagma

(corps de lois ecclesiastiques), de Blastares, traduike en slave,


faisait autorlte dans les .principautes -roumaines. Or it y est

dit que Justinien avait soumis les deux provinces de Dade


a l'archeveche de Justiniana 'Prima. L'archeveche d'Ochrida
Clan identifie avec celui de Justiniana Prima.

Les chroniqueurs moldaves avaient cril quo les deux DaFies" etaient les principautes roumaine,s, gum-It en realite it
s'agissait des provinces des Dacies Mediterranea et flip is,

situees au dela du Danube. C'est ainsi que s'explique leur


erreur.
Telles sont les conclusions de M. Lascaris, quo nous pouvons
'adopter entierement.
*

P. P. Panaitescu.
*

W. G. East, The anion of Moldavia and Wallachia, Cambridge 1929

Le livre de M. East est riichem d'informaion diplomaliqu


inedite. Les chapitres preliminaires monirent naturollement
une certaine inexperience. Le jeune historien anglais croit encore aux trailks, flit -ce meme, comme it Pecrit, des tractatuli,
avec les Tures (pp. 3-4). L'information fournie par Xenopol
est un peu en retard. Mais des ce moment commemcent les ren-.

vois aux sources diplornatiques incon.nues; a la page 8: Ale-

xandre, pas Demetre Ypsilanti. En 1828 la France de Polignac s'arrangeait pour is cas d'un partage de 1'Empire ottoman, p. 1, note 2. Malgrd l'affirmation de Loftus dans ses
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COmptes-rendus

171

m,emoires, je doute que la Porto elIt offert, en 1829, aux Russets,

contre argent, la possession. des Principautes, p. 11. Sur la


redaction du Reglement Organique des notes empruntees A la
corresponclance du consul britannique a Bucarest, Blutte, p.
14 el suiv. En Moldavie- la revolution polonaise aurait eu. un.
echo, et des pamphlets Grotty& dans la rue contonaient ce cri:
A. has le Reglement, citoyens; pinta la mort" (pp. 14-15). On
voit Michel Stourdza, le futur prince de Moldavie, demander,
A la tete d,4s bolars, par le moyen, de l'ambassadeur anglais
a Petersbourg, l'union des Principautes sous un prince etranger (p. 15). La Waite des Polon,ais scella lel sort de ces
esperanceSs..(p. 15). En 1848, pendant la double occupation, on

Icraignait en Occident un conflit en armes entre, Busses et


Tures (p. 22). En 1833 dj le Tzar intitulait Kissoleff, .,gouverneur general des Principautes Unies" (p. 22). Des Anglais
s'etant interesse aux Roumains pendant la guerre de Crimea,
p. 28. Le meeting pr6voque, en octobre 1856, par Demetre
,Brglianu, est tres peu observe <pp. 28-29). On voit que l'Angleterre de Palmerston, aussi biers que Napoleon III, auraient consemti a laisser les Principautes a l'Autriche si elle,
votidrait ceder la Lombardie et Venice a l'Italie (pp. 32-33).
Sur la ligru Vidine-Salonique, inclusivement Scutari,. que, Vienne Sc re.servait en 1860, ibid., note 3. La Turquio pensait non

seulement a un accroissemont du tribut, mais aussi a reintroduire ses garnisons sur le Danube, surtout a Giurgiu
(pp. 35-86). Elk ajoulait le droit de nommer aux hautes foncLions militaires celui d'avoir un commissaire, de pouvoir occuper le territoire roumain (pp. 36-37). Aux conferences de
Vienne la France elle-memo ne con.siderait l'Union que comme
une chose de possibilite eloignee (p. 37): si jamais cette reunion etait jugee de nature a faciliter leur administration, el favoriser leurs interets lien entendus" (p. 37). Pour les agents

des Principautes a la conference, le prince Stirbey refusa,


d'accepter le candidat de la Porte ot finit par envoyer le
docteur Arsaki (p. 38).
En decembre 11355 PAngleterre entendait -les reformes dans
les Principautes comme venant de la grace du Sultan (p. 41).
Ce n'est qu'en janvier suivant que Napoleon III se declare pour

rUnion, mais it admet le projet anglais des conferences a


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178

Comptes-rendus

Constantinople (p. 42). En ce moment, Stratford, l'ambassacteur

anglais aupres de la Porte, etait pour l'Union et voulait que


la Bessarabie soit rendue a la principaute moldave (p. 43). M.
East appuie sur le fait que les decisions prises par la conference n'avaient rien d'obligatoire. Elles accordaient a la Porte
le droit de fortifier le Pruth et de decreter la future constitution
des Principautes (p. 44). L'Autriche avait demande energique-

ment la garantie collective des Puissances pour l'avenir du


pays.

A Paris, oft Napoleon se declare pour les Roumains, la


Prusse offrait pour etre admire son, adhesion a une future
alliance franco-russe (p. 45). Comme l'empereur frcincais, rAngleterre elle-meme, bien que genee a Nard de la Turquie. depouillee, finit par ceder devant ropinion publique, devant celle
de son, pays aussi, qui etait pour la consultation des Roumains
eux-memes (p. 51. Clarendon se declare Ile 8 mars ; p. 48).
11 est dit expressement que Clarendon avait ete gagne par la
propagande des migrs roumains -(p. 51). La decision de Paris ne contenait pas l'ordre d'en finir; les nouvelles instructions
demandees pour le plenipotentiaire, turc reetaient pas arrivees
(p. 49).

Des observations sur la froideur de rempereur envers la


Turquie et ses interets (p. 54 et suiv.),
La RusSie voulait l'Union, main la croyait

Kisselev aussi

impracticable si on ne prend pas un prince .etranger, et


ceci signifierait la separation d'avec la Turquie (pip. 59-60).
De plus on n'aurait accepte ineun orthodoxe (p. 60). La
France l'avait soutenue dams la limitation de la cession bessLrabienne (p. 62).

Mais en mai dj Clarendon s'etait refroidi, et l'Autriche


devenait intransigeante (p. 67 et suiv.). Eller allait jusqu'a se
reporter a la catastrophe de_ l'union entre les provinces beiges et hollandaises (p. 69)! Par son intervention la Porte
proteste en juillet contre ratteinte qu'on voulait porter a ses
Iroits et aussitot l'Angleterre se declare convaincue par les
arguments de rambassadeur du Sultan a Londres (pp. 69-70).
L'introduction des representants de la Prusse et de la Sardaigne a la nouvelle conference pour les Principautes contribua a aigrir Clarendon (pp. 71-72). La Turquie alla jusqu'a. dewww.dacoromanica.ro

omptes-rendus

179

darer, en octbbre, qu'elle. s'dpposera meme dux voeux des Roumains (p. 72). De son cote 1'Autriche declarait que c'est pour
elle une question tie vie, et de more' (pp. 74-75) i elle s'y opposera meme seule.
Or, comme Napoleon venait d'tre vaincu par l'Angleterre
dares la question, de la- fronliere bessarabienne it desirait avoir
sa revanche (p. 75 et suiv.). II ne oonsentait qu'a lidbandon,
du prince (Stranger (p. 77). En mai Napoleon alla jtsqu'A
menacer personnellement l'ambassadeur ottoman a Paris (pp.
78-79).-

Mats deja en mai Buol voulait bien admettre une confederation" des deux autonomies" rouruaines (p. 79).
Dans le chapitre sur les commissaires pour les Principal-,
tes la querelle entre le commissaire anglais Bulwer et -Stratford est largement expos& (p. 82 et suiv.). Les portraits des
commissaires, pp. 89-90. Dans la discussion a Constantinople
sur les elections moldkves on 'volt tel ministre turc declarer
qu'on exagere en Ttirquie la, question. des Principautes, qui est
plus autrichienne que turque (p. 115). Mais, au moment meme
ou Thouvenel faisait a Constantinople ses sommatiorks pour
numulation des elections moldaves, Walewski declarait a Cow-

ley que l'union est une question d'avenir et que, sail s'agit
d'affaiblirla Porte, l'empereur y reaboncezait (p. 122). Palmerston

lui-meme trouva la -sommation, sinon injuste" it biffa ce


qualifiicatif, au moms deplaisante (p. 123). En ce moment
l'Angleterre etait cependaant retenue par la revolte de 1'Inde,
la Russie prenait une attitude rnenagante a Constantinople.
De son +cote, Napoleon III, tout 'en n'admettant pas Comme
satisfaction suffisante la retraite du Grand-Vizir anglophile
Rechid, etait reduit aux conseils de Persigny, son ambassa.deurt
A Londres. On en arriva a rentrevue, avec la retire Victoria 4
Osborne. On y aboutit, grace aussi au courant favorable aux
Roumains, a une entente tres secrete sur la base cl.41 Pandenne
proposition. de Buol; mais Thouvenel deVaie remporter la victoire sur la question des elections moldaves. Kerne levant les
instructions les plus precises et les ordres les plus imperieux
die Se rallier a son collegue frangais pour une satisfaction.

qu'on lui expliquait etre de pure formeb Stratford resista


dcs jours entiers. Il allait presque rendre possible le dewww.dacoromanica.ro

180

Comptes ;rendes

part, en guise de protestation, de Thouvenel, qui avait anonce la prochaine rupture avec la Porte.
L'entrevue de Stuttgart entre, Napoleon et Alexandre II sui-

vit et la France fit meTe des avances a 19, Turquie (pp.


146-147), acceptant le retour de Rechid aux affaires, et le
Grand Vizir restaure se declarait pour l'union sans prince
etranger. Alors de nouveau Walewski, contre les engagements
d'Osborne, revient au projet d'union complete avec un prince
indigene a vie, nomme par la Porte si cellerci ne se ligue pas
avec 1'Autriche (p. 148). Rechid mourut bientot, et Stratford
quitta honorablement la Turquie, mais Fouad-Pacha, le delegue

turc a la conference de Paris, avail visite Vienne et s'etait


entendu avec Buol (pp. 150-151). Comme l'Autriche faisait
mine de resister, on put craindre une guerre avec la France; (pp.
153-154). L'Angleterrp craignit d'tre plus intransigeante que
la Turquie elle-meme (ibid.). Malgre la pretention autrichienne
de s'en tenir a une simple, revision du Reglement Organique,

elle finit par accepter de discuter le projet non officiel"


de Walewski, qui devint le statut des Principautes Unkes"..
Mais on ajoutait ace titre: de Moldavie et de Valachie" et on
retranchait le point coneernamt le drapeau unique: que l'Aur
triche considerait comme un instrument d'irredentisme a regard de ses 4ujets roumains (pp. 156-157). Or un dr4ea.0
devait etre admis; autrement Napoleon, qui paraissait confesses
que le projet est sien, menagait de repren.dre ridee du prince
etranger (p... 159). Le delegue anglais parfait du croissant turc
sur le drapeau commun., et l'Autriche elle-meme s'eli indigna
(ibid.). Ce fut Cowley qui eut ridee du ruban d'union sur les

deux drapeaux (Pp. 159-60). Mais l'Autriche refuse les passe-

ports clelivr&s par chaque principaute au nom de l'unioni


hi France elle-meme impose la souscription de chacune d'entre
elles (p. 162).
Lorsqu'il y eut la double election du prince Cuza, la RuS,sie fit savoir qu'elle n'admettrait pas une intervention mill-

taire autrichienne (p. 166). L'Autriche se trouvait cependant


devant la guerre avec la France: elle ceda. La Commission cen-

trale de Focsani aurait propose des l'automne de ruin&


1859 runion complete et la proclamation de rindependance
(p. 168).

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Comptes-rendus

181

Un appendice donne uxi apergu sur les premiers consuls


anglais, Summerer et Wilkinson. On apprend, que Summerer
etait le frere de Kiriko, le consul russe (p. 171, note 3). Un second sur l'entrevue de Stuttgart en montro l'inanite politique,
mais la reception de Napoleon dans les Mats allemands avait
ete magnifique (pp. 186-187). Gortchacov avait dit a Walewski que la Russie, qui ne veut pas dormer de prince aux
Roumains, ne souffrirait pas 'ion plus un non-orthodoxe (p.
188). Aussi un rapport de Cowley, date mai 1857, sur les sen-

timents de Napoleon III a regard des Principautes.


N. lorga.

CHRONIQUE
Le patriarche des etudes byzantinos, M. Gustave Schlumberger, vient de mouth a Paris.
Get homme du monde qui n'a jamais ete professeur a donne
A la science, sans y etre mene par aucune preoccupation do
carriere. et sans souci de la notoriete, des oeuvres admirables
de savoir, de talent litteraire et de presentation. On lira encore longtemps son ,;Epopee byzantine", le livre magnifique
consacre aux Gomnenes, par lequel des cercles tres larges ont
ete gagnes pour la connaissance de l'histoire et do l'art de Byzance. Des travaux tout aussi profondemenl etudies et d'une
tout aussi belle envergurei ont suivi. De beaucoup d'entre eux,
comme de la synthese premiere, it a fallu donnor des editions
nouvelles, moins luxueuses. Quant. aux erudits, ils ne pourrant pas remplacer facilement ces instruments de travail, si

riches et si prcis, que sont sa Numismatique" et sa Sigillographie".

Cette belle vie de travail incessant merite d'autant plus les


plus grands hommages que pendant de longues annoes, en
pleine force physique dans ce corps de vieux gtterrior gaulois,
les yeux qui se sont arretes avec un si intelligent amour sur
les exquises beauties roalisees par, es artistes du moyen-age oriental s'ietaient fermes a la lumiere du jour. A peine avait-on
montre, it y a deux ans, h l'octogenaire le respect de ses, camarades d'etudes plus jeunes que Fame d'heroique resignation

se detachait du monde dont la fatalite l'avait si cruellement


isolee

N. lorga.
6

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182

Chronlque

Dans le Glas de Belgrade" (CXXXIII, 71), un article do


M. Icw. N. -Tomitch sur la resurrection de l'imprimerie slave
A Venise, par Demetre Thoodose (1755). Il S'agit d'un nuovo
trafico di libri necsari all' uffiziatura dells' chiese in Bolnia,
Servia e Bulgaria e degli Bulgari a Vallachi, secon.do i vari dialetti di quelle nationi" (p. 35; de meme A la page 36). On pensait,
biers entendu, en premiere ligne aux possessions venitiennes

de Dalmatie et d'Albanie. Un peu plus loin on passait a la


possibilite que les Grecs de Yenisei publient des livres en caracteres cyrilliens qui pourraient etre envoyes souvent in
Levante ed ancho di la dal Danubio" (p. 47, note 1). A Rome
on voulait empocher que la schisme, russe arrive jusqu'a l'Adriatique; la Congregation de propaganda fide parle de la
possibilite de se gaoler le vladika du Montenegro, qui .S'intitola arcivescovo di Zetigne, dell' Albania e della Maritima,
imperatore (sic) di Montenegro" et qui poco se ne cura del
serviano Oatriarca, vantando la sua giurisdizione da Leone
Papa IV" (p. 56, note 1). Les Grecs de Venisa publiaient aussi
des livres portant l'indication de Moscou (p. 67, note 2). Des
Slaves de Dalmatie qui, persecutes pour leur religion par ,Ie
prevediteur Carlo Conlarini, s'ent vonit A Moscou, en 1759 (p.
69, note 4).
Dans le meme, CXXXII, 70, M. Stanoevitsch continuo ses etu-

des sur la diplomatique serbe.

Dans les Ungarische Jahrbiicher, VI, 4, M. W. Holtzman.n


traite, en signalant quelques pieces nouvelles, des rapports
du Pape Alexandre III avec la Hongrieb M. Alexandre Bruck-

ner prouva que le dionk" de telle byline ,russe n'a rien A


voir avec les Hongrois. Facilement, M. Elmer Moor arrive
prouver. par des arguments philologiques l'impossibilite de
l'existence en Transylvanie a tine poque ante-magyare d'une
population turco-bulgare (on pourrait penser aux seals Petch enegues qui ont cerlainement depasse l'ancienne frontiere oricntale de la Transylvanie). Le nom d'Akkerman, pour CetateaAlb n'est pas anterieur A la fin du XV-e sicle (voy, p. 439).
M. Moor signale deux Belgrade en Pomeranie, et une Wittenburg au Mecklembourg (p. 460). Il serait difficile d'admetlre,
commie Pauler, une forme Bjelhorod pour Bihor A cause, de
la mention, bypothetique, comme Bellarad dans 1'Anonyme,
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Chronique

183

que l'auteur menage, tout en osant diminuer l'importanco que


lui attribne la nouvelle ecole des historians magyarg: on ne
pouvait pas avoir a cote deux dialcctes differents: celui- de
Belgrade et celui de BieLhorod. M. M6or fait sur I ukullo la
merne observation que j'ai presentee dans Jos pages memes
de cette revue. De meme pour l'opinion que le ch des nom's,
de rivieres transylvaines (Somes, Muras, Cris) pourrait avoir
existe dans les anciennes langues do pays fans. que- les GrecoRomains eussent pu rendre co son. Dans une longue etude
sur les ,pastores Romanorum", M. Konrad Schilnemann n'admet pas l'opinion de M. Jacubovich que dans la mention de
l'exploitation de la Hongrie par las. ROmains" it puisse, etre
question de 1Tmpire. Il recommit quo lesdits pasteurs" ne
peAent etre que les Roumains, mais la satire se tourne con-

tre l'Eglise de Rome. Le sujot avait ,ate deja trait6 par N.


Irga dans le Bulletin de la section historique" de l'Acadende
roumaine, et1 dans luelque revue de Jassy, paivM. Elie Glierghel.

M. Ivan Kolaroff publie une etude critique sur la loi roumaine pour la Nouvelle Dobroudja, les terres mine et la propriete fonciere rurale en Bulgarie" (Sofia 1928). Le Lon est
d'une louable objectivite. C'est la seule facon dont, dans cos
questions irritantes, souvent difformees, on puisse arriver It
des resultats capables d'tre pris en -consideration.. A ajouler
la brochure de M. Theodore Tocheff, Propriete foneiere -rurole dans la Dobroudja du Sud preface de J. Fadenhecht
ha 1928 (traduction ciu roumain).

M. D. D. Rosca, un Roumain de 'rhnsylvanid, public sa


these de doctorat a Paris sur l'influence de Hertel sur Tain.o
theoricien de la connaissance et -de l'art."(Paris 1928. ) C'est

un travail tout a fait remarquable, aa )point de vue de la


pensee autant que. celui de l'information. M. Rosca a raison
de voir en Taine)surtout le conciliateur" d'influences dues a.
des penseurs d'une plus haute envergure. La, Correspondanqe

lui sert a montrer combien l'influence de Hegel a ate putssante sur ce grand architecle de constructions ideologiques
par les, realites, et parfois conire elles. C'est Spinoza mulliplie

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184

Chronique

par Aristote", infiniment sup exieur aux ridicules metaphysiques doht on nous a nourris" (p. 31). L'emploi des cahiers
de Taine a ete rause A l'auteur (p. 32, note 3).
Le meme donne une traduction de la Vie do Jesus" de Hegel 'Dans la preface, mention de l'influeme qu'exerw sur le
jeune philosophe le. &Beat poke HOlderlin. Mais it acclamait
aussi Jean-Jacques et la liberte. Aussi son sens de l'histoirei,
*

Belles vues de Roumanie dans la brochure Les excursions en

Roumanie, publiee par le XIV-e congres international d'agiculture a Bucarest (aussi edition allemande).

Une notice sur Ouspensky dans les Comptes rendus de


l'Academie des Inscriptions, 1928, pp. 315-318.
Sur une porte en bois sculpte A Elassona (Thessalie), ibid.,
p. '310.

Dans la Byzantinische Zeitschrilt, XXVIII, M. N. Banescu


cherche A fixer que la Xlkii mentionnee par les chroniqueurs
b.)zantins vers 1200 n'est pas la China danublenne, mais Bien
la X1X-ii bithynienne. Cette autro hypothese ne nous avait pas
ete cachee, mais nous avion.s presente des arguments dans
le sens contraire.
Dans Le Monde Slave d'avril 1928 une reponse, de N. Iorga
A l'article sur la Bessarabie de M. A.damov, dans, la memo Revue, pp. 65-106 du tome precedent, Aussi des notes do M. C.
Kogalniceanu sur le nteme sujet.

Dans le Bulletin international de l'Academie polonaise, jan.


vier-mars 1928, des notes de M. St. Komornicki sur les Tla.liens employes comme constructeurs par le roi Sigismond
I-er (Francesco della Lora, t 1531).
Dans le no. de juillet-decembre 1927, M. V. Mole traite
des origins du style monumental dans la peinture byzantine,
ancienne" (comparaison entre Doura et Ravenno).

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Chronique

185

Dans son livre Au pays des martyrs, notes et souvenirs d'un


ancien consul-general d'Autriche-Hongrie en Macedoine (1904-

(Paris 1927), M. Alfred Rappaport presente les Nrenements macedoniens des la revalte de 1903. En 1904 l'auteur
1909)

etait consul A. Uskub-Skoplie (p. 55). Il accompagna Hilmi-Pa-

cha dans sa to&nee. La revolution turque, p. 98 et suiv. Un


voyage au Mont Athos, p. 104 et suiv. Une description de Salonique, p. 116 et suiv. Discussions nationales en Macedoine',

p. 122 et suiv. (Vlakhoklissoura et les grecisants parlant en


famine le roumain). Nombreuses et belles planches.
Dans les Studi bizantini, II (Rome 1927), une note de N.
Iorgi sur le congres d'etudes byzantines de Bucarest.M. Silvio Giuseppe Mercati recon.nait par le caractere dq Pecriture
que les epigrammes" sur la mort de MihAilas Movil, prince
de Moldavie, sont de Mathieu, l'eveque do Myrrhe, devenu en
Valachie hegmunene de Dealu: it donne des indications sur les

travaux de ce lettre, qui fut aussi un miniaturiste, conserves


au Mont-Athos. M. Mercati s'occupe aussi du poeme burlesque
eye
p.o6c et des vers consacres au chteau des SS. Theoclores ou Mangoup par le simple et mediocre .moino" hlathieu:
it a trouve l'auteur, un vicaire patriarcal dans cette Cazarie, vers
la fin du XIV-e siecle; de fait it est question des dangers provogues par l'invasion de Timour Lenk. Sur Mangoup des notes avaieni ele dj donnees dans le premier volume de oeM
ptiblication. Voy. noire etude sur un recit populaire de la prise

de Constantinople, dans le Bulletin de la section historique


de l'Acadernie Roumaine", 1927. Il n'est pas question de Caffa,
comme l'observera l'auteur lui-meme aux pages 294-296. Le,
petit poeme est reproduit ern, entier.Des notse .de M Mercati
sur Jean Kanaboutzes. M. Francesco Cognasso donne un chrysobulle de Michel Paleologue pour Theodore, I-er de Mantferrat
(n.ombreux renseignements erudits). Theodore est intitule ,,le
tres haut marquis de Moniferrat, le porphyrogenneto, le Comnene, sire Theodore Ducas, l'Ange, le. Paleologue". be M. Giuseppe Camelli une lettre de, Demetre Cydonius de Salonique A

son frere (voyage a Rome). De M. Jean Papadopoulos une


notice sur reglise de S. Laurent et autres edifices de Conwww.dacoromanica.ro

Chronique

186

M. Ettore Rossi cherche des renseignements sur Galata thins leg goographes lures (carte). M.
stantinople (planches).

Tommaso Berle le trouve des Wron.ais a Constantinople. Il s'occupe aussi du croissant dans les monnaies anciennes (planches,
M.
contenant aussi dos monnaies byzantines et turques),
Ciro Angelillis s'interesse au bronze en Italie) (planches). M.

Alpatov traite d'un ms. a miniatures byzantines du Xl-e sieplanche). La Este des mss. grecs d'Arnold Arlenius est presentee par M. Giovanni Mercati (aussi un Pachymere). M.
Benescqvie s'oocupe des mss. de droit canon au Vatican (listes
d'evechos); long article tres erudit.
Feu l'archevdque Louis
Petit presenle une _Acolouthie de Marc Eugenikos (biographic
de Marc).
Monseigneur Mercati etudie aussi une collection
d epitres de la Bibliotheque de St. Marc.
Longue et pleine

d'enseignement l'etude de M. Buonocore de Widmann sur la


genealogic des Nemanides rapportee aux grandes families lyzantines.
Des notes critiques" do contenu philologique par
D'autres notes, de IT Giuseppe
M. Silvio Giuseppe Mercati.
qabrieli. Tres utiles les necrologes de Pantchenko et d'Ouspcnski.

Lc comite pour la commemoration de Camille Enlart public


un, volume consaere a le rappeler a seers nombreux amis -et a
tows ceux qui ont admire son oeuvre (Camille Enlart, 1862.
1927, Paris, 1929).

Le Bulletin d'infoPmation des sciences historiques eta Europe orientale, I, 3-4 (Varsovie 1928), conlient des rapports sur
la Russie Blanche, l'Estonie, la Lettonie.
On signale dans to Rassegna italiana d'oetobre 1928 un article de M. E. Sforza sur les mots latins dans Je dialecteigrec
de Chypre.

Dans le Giornale di politica g di letteratura, IV, 11, M. Anttonio Baldacci s'occupe de I'Albanie (quelques illustrations).
Plus loin, a la page 1177, des femmes de Piana dei Greci en
costume albanais.

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Chronique

187

I:Institut Economique de Roumanie et l'Association des Banques Roumaines ViOnnent do publier un vaste ouvrage de M.
Georges G. Miletici, Statistique Economique internationale (Bucarest 1928).

pans la CorresPondance economique rournaine, V,15-6, M.


C. Bungetianu etudie le problente du bois de chOne en Roumanic" (illustrations).
Dans la Corespondenfa eoonomica, X, 12, des notes sur VC.change de commerce italo-roumain clans la premiere moilie
de 1928".

Dans les Archives de la societe de sciences de Lwow", M.


Leon Kozlowski etudie l'epoque du bronze en Pologner (planches), M. Jean Bryk (II, V, 3) Celle de la pierre (planchesi).
M. Ezio Levi public dans la' Glossa perenne des notes sur
les Almogavares d'Italie". Its s'appellent aussi Mugaveri, Sgarrigli, Berrovieri et Alguaeiri (Algazils). M. Levi signale aussi
la mode catalane a Florence a cote des coutumes sarrasines"
et turques. twee raison it fait remontrer aux almogavares ca-

talans l'origine da systeme mercenaire et des grander cornpagnies", la disparition de l'ancien caractere de la commune
italienne. Beaucoup d'idees nouvelles et justes, dans ces huit

ples.
Mention clans les Cornptes-rendus de l'Acadernie des Inscriptions, 1928, p. 255, d'une communication sur Haython faite par
M. Gustave Soulier (rapports entire lui et les souvenirs des
contes indo-persans qui s'introduisent au meme moment dam

la litterature floren1ine "; son interet pour l'art chinois).


Dans les A1.ti dell' Istituto veneto, LXXXVII, M. Antonio Me-

din 'par le de la parole sancassan" (far un sancassan; on


pensait a S. Cassien...), dans une chanson du XV-e siecle et it
decouvre Husum-Hassan", c'est--dire, de fait, Ouzoun-Hassan,
ce Khan turcoman, successeur de Dchinguiz et de Timour, qui
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Chronique

188

fut

de Venise contra Mahomet II. La chanson, d'un certain

inleret historique, sur le Zortcassano", qui livre la bataille


aux Ottomans, est reproduite. L'auteur neglige une autre information que celle des chroniques de Venise.

Dans les memes M. M. D. Busnelli donne des lettres de


Paolo Sarpi, oil it est question (1608) aussi du butin fait par
les galeres du Grand -Duc de Toscane sur les Turns (pp. 10671075) et sur les affaires de Pe,rse (ainsi aux pages 1081, 1097,
1110), et meme du Maroc (p. 1087). Beaucoup de notes sur
les troubles de Hongrie. Un fils du marquis de Villena, vice-roi
de Naples, qui, prisonnier, renie (p. 1095). Dchamboulad le
S3rrien a ate pendu a Timioara (pp. 1129-1130).

Dans l'Universo de Florence, M. Francesco Bertonelli presente Pathmos (illustrations de thoix).


Le Figaro consacre (10 Tevrier) un numero a la Grace. M.
Anastase C. Orlandos parte de l'arehitecture byzantine. Apres
les basiliqueS et les basiliques a coupole on a,. entre le VIII-e
et le X-e siecle, seulement l'eglise beotienne de Skripou. Les
batisses des Cornnenes viennent ensuite I croix au carre
(Kapnikar9a, Aletropolie d'Athenes, S. Theodore, Assomati, SS.
Apare,$), e,glises a trompes d'angle (belles reproductions: 0morphi; pres d'Athenes, S. Theodore de Misthra, Daphni,
Kapnikarea).

Dans le Giornale di politica e di letteratura, V, 2-3, un article de M. Claude Isopescu sur l'Italie et les origins de la
nouvelle litterature roumaine" et un autre de M. Alexandre
Marcu sur les rapports entre la Faculte des lettres de Bucarest,
fondee dans le dernier quart de XVII-e siecle, et le ginnasio patovino.

Dams les nouvelles Annales d'histoire economique et sociale,


li, un compte-rendu du livre de M. Gartdioso sur les esClaves
en Sicilie a partir du XIV-e sicle.

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Chronique

189

Le troisieme volume des Studi rumeni, publies per M. Carlo


Tagliavini, vient de paraitre (Rome 1928). Des eludes de philologie par M. Nicolas Draganu (a cette occasion les noms populaires des mois, p. 2; l'etymologie indiquee pour Rg.pciune,

septembre n'est guere convaincante). Des notes de M. Leca


Morariu sur le dialecte istro--roumail M. Al. Marcu continue
la publication en italien de son article sur Alecsandri et l'Jtalie. Dans le roumain pat, lit, M. Tagliavini voit un derive de
ptda/us (p. 89). Suit une analyse attentive des nouvelles publications roumaines (page 101): discussion de Petymologie slave,

d'une naivete rare, que propose Weigand; le meme accepte pour

sat, village, massatum, au lieu de fossatum, p. 104, sur l'origine des Albanais, p. 104 et suiv.; sur les errements gepidomanes du chanonie Karacsonyi, p. 114 et suiv., p. 117, note.
Je n'ai pas publie dans les Documentele Bistrilei les -copies

de M. Martian, mais les miennes.


M. Giuseppe Gabrieli publie, aux frais de l'Academie des
Lincei, un volume sur la fondazione Caetani per gli Audi musulmaiti" (catalogue des manuscrits, Rome 1926). lin privilege pour le baffle de Venise a Constantinople (1201), a
la page 63, no. 216. Curieux ce maitre Pierre de Lussignano
qui se trouvait, en. 1497, a Venise (p. 73, no. 286 . Quelques
belles planches.

Dana le Graiul romanesc, III, 1, 111. Victor Papacostea


s'occupe des Roumains denationalises entre Roustchouk et
Silistrie". Vers 1850, d'apres le temoignage de l'instituteur
bulgare. Raitch Iliev-Blascov, on ne parlait que roumain aux
marches de Popina et d'Aidemir et les pretres officiaient dans
cette langue". D'apres le slaviste Veneline, it n'y avait a Roustchouk et a Silistrie que Tures et Roumains". Des notes de
M. M. Pop sur les Roumains du Maiamourech, englobes aujourd'hui en Tchecoslovaquie.
La publication de M. Casimir Smogorzewski, La Pologne

et la guerre a travers ,les livres polonais (Paris 1829; extrait du Monde Slave"), peut litre consider& comme une sewww.dacoromanica.ro

190

ChronIque

rie d'excellents comptes-rendus sur les publications polouaise concernant la grande guerre. C'est une initiation necessaire
et facile dans ce domaine. Il laudra y recourir souvent. On
peut considerer comme des continuations l'etude, L'Union sacree 'polonaise, le gouvernement de Varsovie et le gouvernemenr polonais de Paris (1918-1919) (Paris 1929), ainsi que
la brochure La guerre polono-sovietigue d'apres les livres des
awls polonais, Paris 1928.
Dans le beau volume de M. Georges Lafenestre, L'art italion
an X111-e sickle, Assise (Pdris 1927), a Ia page 32, la reproduction du monument eleve dans l'eglise inIferieure d'Assise

a liecube" de Lusignan, reine de Chypre.


Des notes sur le beau Musee d'ethnographie a Cluj (Transylvanie), par M. Romulus Vuia, dans le Mouseion de Parig,
no. 5 (lirage a part; illustrations).
Dans `le Grajul romanesc, II, 12, des notes (par. M. Aurele
Jean Popescu) stir la colonic roumaine de Now-York et un
article, signo d'un psettdonyme, sur les deux varietes de la
population roumaine du Banat, les Bujeni (de bufd, hibou ;
done hommes de la foret) et les FrItuti ("petits freres").
M. Marcel ];merit, qui en e,s1 arrive a pouvoir employer Ia
bibliographie bulgare, publie line etude. sur Pevolution du regime agraire de la Bulgarie contemporaine" (p. 1, note: Geschichte der Bulgaren"7.-

Dans la Revue d'histoire mondiale, VI, 2, une note sur le


Conseil de couronne" roumain de 1914 d'apres les Alemoires
d'Alexandre Marghiloman.

La Coresponden(a economics de Bucarest, XI, 1, publie le


rapport de l'attache de commerce roumain sur l'industrie en
Grece et une notice sur 1'Egypte comme debouche des produits roumain.s.

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Chronique

191

M. E. Dostal.- donne a Brno, dans les publications de la


Faculte de philosophic, en tcheque, des contributions a la connaissance de l'art de la miniature en Boheme, vers 1400. Deja
Durrieu en avait apprecie l'importance, par rapport aux
riches heures" du due de Berry et Hans Henbach avait signale
des rapports entre l'art tcbeque et la peinture hambourgeoise
d'un, maitre Bertram, sans compter Pinfluence constatee par
Bradley, der 'influence d'Anne de Boheme, femme de Richard
II? sur l'art anglais a ses debuts. L'auteur lui-mdme avait dj
parle des Tcheques a Avignon".

Le pere Basile Radu a public en 1927, a Paris, trne etude


prtliminaire" en vue d'une edition du texte memo du Voyage, emit par Paul d'Alep, fait par patriarche Macarius d'Antioche. La brochure contient un examen attentif et detaille des
anuscrits de Paris, de Lanctres et de Pelrogtade. A la page
33-Wastatakodjo", qu'on interpretait: Vasluiu, est explique par
Ivesti-Tecuciu (cf. p. 77). Quelques pages sont donnees dans
l'original arabe, avec traduction Trangaise. A Constantinople, A
la messe Sant, commemores: le Tzar, sa Tenune, le prince de
Moldavie et celui de Valachie (p. 63). Des specimens du text e.

Dans son livre richement illustre, Assestamento e rinascila


dell'Albania (Milan 1929),1 M. Sandro Giuliani -donne son voyage recent ern Albanie, avec des renseignentents d'histoire et
de vie economique.

Dans les Izvestiqr de l'Institut d'archeologie bulgare,


192t-1924, M. Grabar presente, avec de nombreuses illustrations,
la description de la chapelth de Batchkovo, dont il -s'etait deka

eccupe dans ce mdme recueil pour 1921-2 (XIII-e sled;


Olf4IS pentures du XIV-e aussi ; a la page 55 une ipscrifplion georgienne ; le fondateur, Gregoire Pakourianos, de Paker, es: de meme origin et it avail construit le monastere,
pour des religieux de sa race). L'edifice est construit en couches

alternatives de brignes et de pierres noyees dans le ciment;


decoration par de laingues arcades aveugles; tres belles plan
ches,"-tme en couleurs. Interessantes les inscriptions chretien
nes publiees par M. Katzarov (a la page 75 pas g,,Cbc [xaxaxeirat],

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192

Chronique

mais avOci[SE] Ica T1t). Deux

romains sont

donnas par

magniTiques diplomes militaires


M. J.- Velker: on voit a cote,

en Moesie, des Cantabres, des Sicambres, des Gau lois, des Mattia-

ques et des Thraces, des Ciliciens et des Syriens; sous Vespasien it y avait un camp a Aegyssos Tulcea; un Dace, TuIi9s
Buti (Tutius B. filius, Dacus), est employe comme veteran'sur
la llotte de Miseme. Donc it n'y a pas cu seulement le Dace
pillard, ennemi de l'Empire, non romanise et non--enuahi, avant les guerres de Dornitien et de Trajan. Et, de ?cadre cote,
it n'y ad pas de Celtes sur le Danube uniquement par les an:cirnnes expansions

libres de

la prelzistoire. M.

Trifouov

s'occupe de la version bulgare, publiee par le, slaviste roilmain


Jean Bogdan, de la chronique de Manassas. Les Arabes et les
Magyars sent present& comme Coumans (p. 165). M. Mouch

mov presente des monnaies macedoniannes surfrappeee par


le roi thrice Seuthes III.

L'Orbis" de Prague donne une bibliographic de c.e qui


a de public sur la Tchecoslovaquie en langues etrangeres"
(Prague, 1921).

M. G. I. BrAtianu public sa communication au congres d'histoire d'Olso, Le probleme des frontieres russo-roumaince pendant la guerre de 1877-1878 et au congres de Berlin (Burarest 1928). Exposition fres Men informee et claire. pets
notes sont recueillies dans la Grosse Politik: Bismark
ddsinteresse (pp. 10-11) dans la question, suscitee par Pentente de Reichstadt, des frontieres naturolles" de la Russie.
Dans l'appendice est discutee la question controversee des
entrevues de Livadia entre J. C. Bratianu et Gortchakov (ajoutoms que M. Sazonov donne lui aussi clans ses Memoires la
these de l'acceptation du dotachement de la Bessarabie me
ridionale). Mais ni a cette occasion ne surgit le rapport de Britliana sur cette entrevue. Intere.ssantes les decla,rations de Pokrovski sur les motifs de l'alliance russ avec la Roumanie meIsis& (p. 20, note 1). Des limes justes du memksur 'Injure
faite a la Roumanie depouillee, p. 29, note 5, Je maintiens qu'au
fond Kogalniceanu n'etait pas pour une cession (cf. pp. 35-361.

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Chronique

193

D6ns la revue de Jassy, Arta $i arheologia, 111,3, tine notice


de M. C. Tafralt sur le siege de Constantinople dans les fresques de Moldovita (belles reproduction du siege et des portraits
du prince moldave Pierre Rares et de sa famille). Des renseignements sur les resultats de fouilles recentes. Un article sur
les oeufs histories (par J. J. Driscillescu).
*

Dans les Art studies de 1.928 M. J. Puig 1 Cadafalch s'ocupe


des formes decoratives du premier style roman et de leur diffusion par l'art musulman".

L'essence de ce travail est exprime dans ces lignes d'introduction : Les formes ornementales du premier art roman, qui
avaient pris une forme definitive dans_ les monuments de la
Perse sassanide, furent imitees pendant le X-e sicle sur les facades des monasteres de Cappadoce et plus lard dans les eglises du meme siecle a Constantinople. De ces eglises, importantes
comme centre de diffusion vers l'Ouest, ce style s'etendit A la

Lombardie, a l'Italie cenirale et la cote mediterraneenne de la


France et de la Catalogne, d'ou it -envahit une large partie de
l'Europe pendant le XI-e sicle". L'Islam eu eut sa part, en
commencant par les regions memes oil 11 avait remplace l'ancienne Chaldee. L'auteur montre le parfait parallelisme du nouveau mouvement d'art avec les traditions de l'ancien. Dans la
Castille, dont la culture, dans ses phases les plus brillantes,
appartenait A celle de l'Islam, par lei coutumes duquel rois et
peuple etaient influences", l'art mudejar a la meme origine (on
voit Alphonse VI spouse Zaida, file du rot musulman de Seville; p. 19).
Les Juifs collaboraient avec les musulmans, qui donnaient les
artistes, pour introduire les coutumes de l'Orient (p. 19). Basilque% tripartites A coupole, couveries de bois sur la nef, voiltees sur les absides et le transept (p. 20) On emp oie a Tolede,
pays de pierres, la brique comme en Orient (ibid.). Parfois
meme des inscriptions arabes (p. 21). De la viennent aussi les
series d'arcades aveugles comme a Constantinople (p. 21). Page
24: Jart byzantin fut transports en pierre dans la Ligurie, dans
le Provence et dans la Catalogne (p. 24). Des paralleles sont
cherchees en Moldavie: etonnante similitude avec les arcades de
l'eglise de Xhiguesse A Rancour (planches, no. 27). .Parmi touwww.dacoromanica.ro

194

Chronlque

tes les ecoles influencees par l'art byzantin, c'est celle dans
laquelle revolution de In decoration des murs s'est developpee
d'une facon plus methodique" (p. 25).
L'Acadernie de Belgrade publie in seconde parti de retude
du general Jivko Pavlovitch sur la bataille de Koloubara (Belgrade, 1928).

mt. Lioubomir StoTanovitch reproduit, dans le Zbornik de Bel-

grade, XIX (Belgrade 1929), sous le titre de Stare Srpske poS


yoke i pisma, des documen s serbes entre 1190 et 1441.
La plupart des materiaux viennenl de Raguse.
En 1267-1268 la reine Helene, s'intitule: de toute la Jerre
serbe et du littoral" (p. 29); des 1265 Etienne Ouroch l'est
aussi de tout le pays serbe" (p. 21, no. 23). etienne Vladislav
parlait vers 1238 de tout le pays de Rascie et du littoral" (p. 14,

no. l5). Mais avec Douchane on passe a In titulature: btres


pieu2 Tzar deS Serbes et des Grecs" (p. 64). De meme Etienne
Ouroch, p. 97. Etienne TvYtko est rot de Serbie, de Bosnie et
du littoral" (p. 85). En 1388 le iMetropolite de Jerusalem Michel" (p. 125, no. 128). C'est un Vlaque que ce MaroIe Tzintzu-

lovitch, fils de riniula, au sujet duquel Etienne, par in grace


de Dieu seigneur (Ppm) de toll), le pays serbea, ecrit aux
Ragusains en 1406 (p. 205, no. 214). Sur Maroie aussi pp. 231-232,

no. 241. Un Valaque Douchoievitch"-- aussilot apres (p. 286,


no. 305). Des Viaques en 1414, p. 289, no. 309. Puffs, en 1406,
p. 499, no. 517; en 1415, p. S-37, no. 559. Un cneze Brailo en
1427, p. 535; en 1437, no. 633.
-bans le Parnassus de New-York,- I, 5, une etude, par M. Theodore Schmitt, sur le developpement de la- peinture en RuSsie"
(quatre planches). L'auteur s'imagine qu'avant les Varegues it
pouvait y avoir en Russie cute une vie de cites; les moines qui

ont ecrit les chroniquesirauraient cachee de parti-pris; bien


entendu la theorie scytho-sarmate est to pour renvoyer tres
loin dans le pass une civilisation nationale ininterrompue. Il
est question d'art populaire geometrique, mais c'est de l'art
thraceet, ce qui n'est pas russe, la transmission de l'anciPn
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Chronique

195

arts scytho-hellenique. Pour M. Schmitt ce dernier art, conserve


dans les masses, aurait pu dormer a Novgorod et a Pskov des
formes qu'on aurait attribuees par erreur a une influence romane
venant de I'Occident. Theophane et Roublev, les maitres de In
fin du moyen-age, en seront, naturellement, diminues. 11 faut a

l'auteur un courant national venant du fond de l'histoire pour


russifier enfin le byzantinisme mourant. le ne peux pas decouvrir

une tragic gloominess" de l'art des Paleologues (voy. la Kahrieh, Misthra, l'Eubee, Arges, etc.), a laquelle s'opposerait in
joie de couleur des Russes de Celle poque. Et, en plus, it y
aurait un rylhme qui serait de pure tradition russe, et qui aimsserail tout. La ligne jouerait clairement ses propres melodies."
On en arrive a quelque chose de superrefin( (I et de purposive". Le XVII-e sicle serait la decadence a cause de )'abandon
de l'inspiration nationale (l'auteur recomande l'aide des fresquei du couvent de Therapon, sur la Mer Blanche, qui ne sont
pas refaites). Limitation de retraager serait fatale Les artistes
strangers d'importation doivent etre renvoyes a leur patrie d'origine. En desespoir de cause, M Schmitt finit par admettre tine
russification de l'art frangais du XVIII-e siecle aussi. Au XIX -e
siecle it y aura l'originalite sociale. On volt la triple tendance :
anti-religieuse, democratique et en meme temps nationaliste.
*

Sur les rapports de commerce entre la- Roumanie et la Hongrie une notice de M. J. Miitasaru, dans la Corespondent('
economicd de Bucarest, XI, 4.
*

M. 0. Olszewski detache de sa grande collection d'estampes


des pieces pour ('album occasionnel Transilvania, slam e din
colectia a Olszeuvki, Bucarest 119271. Le Michel-le-Brave"
d'Ortelius, presente en premiere ligne, est, de fait, le prince
Mihnea Radu de la rnoitie du XVII-e sicle. Catalogue etendu
des autres pieces.
U'

M. 0. Tafrali donne, en, frangais el en allemand, la description

de l'eglis conventuelle de Sucevita (Le monaslere de $ucevitza, Jassy 1929). Des orthographes comme Packoinios pour
Pacome (p. 5) surprennent. Aussi Jeremia" (p. 6). .0enadios"
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196

Chronique

(p. 49) devrait etre emit Gennadios. lo" a la page 13 devrait


etre traduit par jean". On ne pourrait pas dire d'un mort qu'il
a dernenage dans la demeure eternelle" (voy. pp. 14-15). 11
fallait expliquer les termes slaves de biv Vel" (ancien grand").
Mederniciera (p. 16), est a in place de Medelnicer.
Description attentive des peintures. Tres bonnes reproductions
d'une partie des objets d'art.
*

Dans la collection ,Vie et coutumes du peuple", l'Academie


de Belgrade publie un large etude de M. Stanoie M. Mijatovitch
sur les corporations dans la Vieille Serbie. Des chapitres speciaux sur les reunions des femmes et des Tziganes.
Un gros volume publie par M. I. Setlacec, pour le Ministere
du Travail roumain, comprend une large enquete datant de 1927
(Inspectia. muncii In 1927, Bucarest 19.1.9).
*

Un volume du Zbornik" de Belgrade est occupe par la


nouvelle edition des Oeuvres de St. Sabbas (Spisi Sy. Save",
Belgrade 1928), due a M. Vladimir Tchorovitch. Tel typique est
donne (p. 5 et suiv.) en vieux-slave et en grec. A in fin un
dictionnaire grec-slave.
N. I.

NOTICES.
Un pretendant albanais au XVIII -e siecle.
On a oublie, dans les Memoires de la baronne d'Oberkirch,
publies par le comte Leonce de. Montbrison, II, Paris, s. d., p.
279 et suiv., l'histoire de Warta, prince d'Albanie, dont la ville
entiere (Paris) raffolait (en 1786), et qui etait certainement la plus
belle creature que Dieu eat jamais faite". II epousa l'ex-duchesse de
Kingston. En Hollande it offrit au gouvernement, contre l'empereur, 20.000 Montenegrins, les hommes les plus braves du monde
entier" (p. 280). L'ambassadeur ottoman a Paris decouvrit en lui

un voleur grec, renegat a deux reprises differentes". Warta est


done enferme. II .s'empoisonne en prison, laissant une lettre dans

laquelle it parlait de son pere, tinier a Trebizonde".

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N. I.

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