DADAS - Rapports Entre La Théorie de L'art Et La Poétique Romanesque de Zola
DADAS - Rapports Entre La Théorie de L'art Et La Poétique Romanesque de Zola
DADAS - Rapports Entre La Théorie de L'art Et La Poétique Romanesque de Zola
Voir Carol M. Armstrong, A New Manner in Painting: mile Zola on Manet, in Manet, Manette (New
Haven: Yale University Press, 2002) 32-48; Ronnie Butler, Zolas Art Criticism (1865-1868), Forum for
Modern Language Studies 10 (1974): 334-47; Fernand Doucet, LEsthtique dmile Zola et son application
la critique (Paris: Nizet & Bastard, 1923); Lilian Furst, Zolas Art Criticism in French Nineteenth-Century
Painting and Literature International Symposium, d. Ulrich Finke (Manchester: Manchester University
Press, 1972) 164-81; Robert Lethbridge, Zola and Contemporary Painting in The Cambridge Companion to
Emile Zola, ed. Brian Nelson (Cambridge: Cambridge University Press, 2007) 67-85; James H. Rubin, Manets
Silence and the Poetics of Bouquets (London: Reaktion Books, 1994); Torahiko Terada, Luvre dmile Zola
et le Salon de 1868, tudes de Langue et Littrature Franaises 91 (2007): 67-78.
Excavatio, Vol. XXVII, 2016
Le naturalisme littraire
Dans Thrse Raquin, jai voulu tudier des tempraments et non des caractres2 crit Zola
qui place lide dune analyse dun cas physiologique dans le roman au centre de la prface
de la deuxime dition.3 Zola compare son travail analytique celui dun chirurgien dissquant
un mort. Dans Le Roman exprimental, il file cette comparaison entre la dmarche observatrice et
analytique du romancier et le travail du mdecin de manire systmatique, en se basant sur
lIntroduction ltude de la mdecine exprimentale de Claude Bernard. Il sagit dune
exploitation approfondie et vaste de lapproche exprimentale et dterministe de la mdecine:
[E]n revenant au roman, nous voyons galement que le romancier est fait dun
observateur et dun exprimentateur. Lobservateur chez lui donne les faits tels quil
les a observs, pose le point de dpart, tablit le terrain solide sur lequel vont marcher
les personnages et se dvelopper les phnomnes. Puis, lexprimentateur parat et
institue lexprience, je veux dire fait mouvoir les personnages dans une histoire
particulire, pour y montrer que la succession des faits y sera telle que lexige le
dterminisme des phnomnes mis ltude.4
En se rattachant non seulement Bernard mais aussi la pense tainienne, Zola distingue
trois facteurs qui dterminent lhomme et, ainsi, les personnages du roman exprimental: la race,
le milieu et le moment.5 Dans la conception de Zola, le roman fournit donc des claircissements
propos de leffet de ces facteurs sur le mcanisme homme de sorte que la littrature contribue
la comprhension et lamlioration de ses conditions de vie.6
videmment, cela ne permet pas de prter Zola une croyance nave en lobjectivit
ou de sous-entendre quil confondrait science et littrature comme quelques-uns de ses
contemporains, notamment Henri Card et Ferdinand Brunetire, ont pu le faire, ou comme
on peut le lire parfois dans la littrature critique.7 Certes, une assimilation de la littrature la
2
mile Zola, Thrse Raquin, d. Robert Abirached (Paris: Gallimard, 1979) 24.
Cette dfense paratextuelle nest pas le premier texte dans lequel Zola cre un lien entre science et littrature.
Il faut surtout mentionner deux articles: Du progrs dans les sciences et dans la posie (publi en 1864 dans
Le Journal populaire de Lille) et Deux dfinitions du roman (crit loccasion dun congrs des sciences
Aix-en-Provence en 1866 mais qui na t entirement publi quen 1948. Notamment la deuxime partie
pertinente pour la potique de Zola, intitule Le roman au dix-neuvime sicle, dans laquelle il esquisse sa
vision du romancier analyste reste indite lpoque; voir mile Zola, uvres compltes, d. Henri Mitterand, vol.
10 [Paris: Cercle du Livre Prcieux, 1968] 286). Voir pour le premier article Colette Becker, Zola Le saut dans les
toiles (Paris: Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2002) 46s. et, pour le deuxime, Rita Schober,
Editionsgeschichte als Rezeptionsgeschichte, in 100 Jahre Rougon-Macquart im Wandel der Rezeptionsgeschichte,
d. Winfried Engler et Rita Schober (Tbingen: Narr, 1995) 17-52, ici 31ss. Voir aussi Aurlie Barjonet, Zola,
die Wissenschaft und die deutsche Literaturwissenschaft, in Literatur, Wissenschaft und Wissen seit der
Epochenschwelle um 1800. Theorie, Epistemologie, komparatistische Fallstudien, d. Thomas Klinkert et Monika
Neuhofer (Berlin: de Gruyter, 2008) 191-216, ici 192s.
4
mile Zola, Le Roman exprimental, d. Franois-Marie Mourad (Paris: Garnier-Flammarion, 2006) 52.
5
La valeur de la littrature (et des arts en gnral) rside pour Hippolyte Taine dans la possibilit de dvoiler
des informations sur les hommes et les socits du pass permettant des projections pour lavenir. La littrature
dit donc premirement quelque chose du producteur, lhomme dtermin par les concepts de race, milieu et
moment qui se cachent derrire son uvre et qui sont ainsi avant tout une source importante pour saisir le
dveloppement de lhumanit (voir la prface de lHistoire de la littrature anglaise [Paris: Hachette, 18661878]).
6
Voir Zola, Le Roman exprimental 75.
7
Voir Henri Card, Lettre du 28 octobre 1879, in mile Zola, uvres compltes, d. Henri Mitterand, vol. 10
(Paris: Cercle du Livre Prcieux, 1968) 1403s. et Ferdinand Brunetire, Le Roman naturaliste (Paris: C. Lvy,
1883). Selon Hans-Jrg Neuschfer, Zola ignore la question de la partialit dans sa thorie romanesque et ainsi
la problmatique de la manipulation de la vrit (mile Zola und die Mythen des Industriezeitalters, in
3
IRIN DADA
science est quelquefois suggre par la vhmence polmique des crits potiques de Zola,
mais cela a des motifs persuasifs. Claude Bernard, dans sa conception romantique, considre
la littrature comme tant rgie par la personnalit et la spontanit de lcrivain.8 Pour faire
face une telle rduction du rle de la littrature, Zola met donc laccent sur une conception
scientifique du roman. Mais dans un deuxime temps de son argumentation, il attribue la
littrature une tche qui lui est propre:
Nous ne sommes ni des chimistes, ni des physiciens, ni des physiologistes; nous sommes
simplement des romanciers qui nous appuyons sur les sciences. Certes, nos prtentions
ne sont pas de faire des dcouvertes dans la physiologie, que nous ne pratiquons pas;
seulement ayant tudier lhomme, nous croyons ne pas pouvoir nous dispenser de
tenir compte des vrits physiologiques nouvelles.9
Zola est conscient des diffrences qui existent entre la littrature et la science en ce
qui concerne lacquisition de nouvelles connaissances. Il est nanmoins convaincu que la
littrature remplit une fonction importante dans la gnration du savoir, et cest ce quil met
en vidence en la confrontant aux sciences:
On a dit souvent que les crivains devaient frayer la route aux savants. Cela est vrai,
car nous venons de voir, dans lIntroduction [de Claude Bernard], lhypothse et
lempirisme prcder et prparer ltat scientifique, qui stablit en dernier lieu par la
mthode exprimentale. Lhomme a commenc par risquer certaines explications des
phnomnes, les potes ont dit leur sentiment et les savants sont venus ensuite
contrler les hypothses et fixer la vrit. Cest toujours le rle de pionniers que
Claude Bernard assigne aux philosophes. Il y a l un noble rle, et les crivains ont
encore le devoir de le remplir aujourdhui.10
Le devoir du romancier est de sappuyer sur des rsultats scientifiquement prouvs et,
sur cette base, de dvelopper ses propres ides par son sentiment personnel. Il donne ainsi une
impulsion la science qui incombe toute vrification empirique. La dimension individuelle,
le temprament cratif du romancier se manifeste l o il intervient, tablissant lexprience,
organisant les donnes: Lide dexprience entrane avec elle lide de modification. Nous
partons bien des faits vrais, qui sont notre base indestructible; mais, pour montrer le mcanisme
des faits, il faut que nous produisions et que nous dirigions les phnomnes; cest l notre
part dinvention, de gnie dans luvre.11
Prsumer que Zola suppose une validit et une vrifiabilit aux expriences romanesques
comparables celles des exprimentations chimiques ou mdicales revient donc ne pas prendre
en considration des arguments qui peuvent premire vue sembler contradictoires, mais qui
de fait prvoient pour la littrature un exprimentalisme sui generis.
Hans-Jrg Neuschfer, Populrromane im 19. Jahrhundert von Dumas bis Zola [Mnchen: Fink, 1976] 16397, ici 190s.). Joachim Kpper reproche Zola doublier les diffrences ontologiques entre la fiction et le rel.
(Le roman prouve tout simplement ce que lauteur veut quil prouve (sthetik der Wirklichkeitsdarstellung
und Evolution des Romans von der franzsischen Sptaufklrung bis zu Robbe-Grillet. Ausgewhlte Probleme
zum Verhltnis von Poetologie und literarischer Praxis [Stuttgart: Steiner, 1987] 131).
8
Voir Zola, Le Roman exprimental 85.
9
Zola, Le Roman exprimental 76.
10
Zola, Le Roman exprimental 87.
11
Zola, Le Roman exprimental 55.
Le naturalisme pictural
Face une telle conception de la littrature, il est peut-tre surprenant de constater que dans
sa critique dart, Zola soppose avec vhmence la fonctionnalisation de la peinture. Il
tmoigne de beaucoup destime lgard de Gustave Courbet tout en refusant, ds ses tout
premiers articles, de rduire la valeur de sa peinture des critres socio-moraux, ce quil
reproche au critique Pierre-Joseph Proudhon de faire:
Il [Proudhon] ne voit pas que Courbet existe par lui-mme, et non par les sujets quil a
choisis: lartiste aurait peint du mme pinceau des Romains ou des Grecs, des Jupiters
ou des Vnus, quil serait tout aussi haut. Lobjet ou la personne peindre sont les
prtextes; le gnie consiste rendre cet objet ou cette personne dans un sens nouveau,
plus vrai ou plus grand.12
Zola explicite en mme temps ce quil attend de lartiste: [] ce nest pas larbre, le
visage, la scne quon me prsente qui me touchent: cest lhomme que je trouve dans
luvre, cest lindividualit puissante qui a su crer, ct du monde de Dieu, un monde
personnel que mes yeux ne pourront plus oublier et quils reconnatront partout.13 Cest
aussi sur loriginalit et lindividualit de lartiste que Zola met laccent lorsquil formule sa
clbre dfinition de lart: Une uvre dart est un coin de la cration vu travers un
temprament.14 La critique a rapproch cette conception dune esthtique romantique du
gnie.15 Cette impression svapore pourtant si lon pense la thorie de lcran, que Zola
dveloppe dans une lettre Antony Valabrgue en 1864. Dans cette lettre, il diffrencie trois
crans. Se basant sur la comparaison entre une peinture et une fentre, Zola est convaincu
quun tel regard sur le monde nest pas possible sans filtre: Si lcran classique idalise la
ralit reprsente et, si lcran romantique lintensifie, lcran raliste savre tre le
plus proche de la ralit en niant sa propre existence, sans pour autant pouvoir montrer la
cration dans sa splendide beaut.16 En rapprochant cette conviction de la dfinition de lart
zolien, il devient vident quil sagit moins ici dune esthtique romantique que de la prise de
conscience du fait que toute perception de la ralit dpend de manire incontournable dun
sujet. Toute uvre dart est donc lie au sujet percepteur et crateur. Cette subjectivit ou,
comme Zola lappelle, ce temprament du peintre nest pas renier mais exprimer
consciemment.
Marqu par lesprit positiviste de son poque, Zola part de lide quun art naturaliste
doit rgner galement dans les beaux-arts. Dans sa clbre tude de Manet, il crit:
Tous les problmes ont t remis en question, la science a voulu avoir des bases solides,
et elle en est revenue lobservation exacte des faits. Et ce mouvement ne sest pas
seulement produit dans lordre scientifique; toutes les connaissances, toutes les uvres
humaines tendent chercher dans la ralit des principes fermes et dfinitifs. Nos
12
mile Zola, Proudhon et Courbet [1865], in crits sur lart, d. Jean-Pierre Leduc-Adine (Paris: Gallimard,
1991) 41-54, ici 52. Voir sur ce sujet larticle central dAntoinette Ehrard, Zola et Courbet, Europe 468-469
(1968): 241-51.
13
Zola, Proudhon et Courbet 52.
14
Zola, Proudhon et Courbet 44.
15
Selon Till Neu cette thorie du gnie soppose la thorie du milieu chez Zola (Vorwort, in mile Zola.
Schriften zur Kunst. Die Salons von 1866-1896, d. Till Neu [Francfort-sur-le-Main: Athenum-Verlag, 1988]
vii-xvii, ici x).
16
mile Zola, Lettre Antony Valabrgue du 18 aot 1864, in Correspondance, d. Bard H. Bakker, vol. 1
(Montral et Paris: Les Presses de lUniversit de Montral et ditions du CNRS, 1978) 373-82, ici 378s.
IRIN DADA
mile Zola, douard Manet, tude biographique et critique [1867], crits sur lart 139-69, ici 153s.
Notamment dans son article Le ralisme dans Le Roman exprimental 283-88. Il ny a pourtant pas de
diffrenciation stricte entre les deux termes chez Zola en ce qui concerne la peinture (voir Ehrard, Zola et
Courbet 246s.).
19
Zola, douard Manet158s.; cest nous qui soulignons.
20
Il [Monet] se plat retrouver partout la trace de lhomme, il veut vivre toujours au milieu de nous. Comme
un vrai Parisien, il emmne Paris la campagne, il ne peut peindre un paysage sans y mettre des messieurs et
des dames en toilette. La nature parat perdre de son intrt pour lui, ds quelle ne porte pas lempreinte de nos
murs (mile Zola, Les actualistes [1868], in crits sur lart 206-11, ici 207s.).
21
Zola, Les actualistes 210; cest nous qui soulignons.
18
de reprsentation que Zola critique sans cesse dans ses articles. De mme, il avait soulign
que Manet analysait ce quil voyait au lieu dinventer une nouvelle Mort de Csar. Il ne
spcifie pourtant jamais la manire dont, ces yeux, cette mthode ou ce travail analytique
du peintre naturaliste devrait tre concrtement ralis.
Voir Joseph Curtis Sloane, French Painting Between the Past and the Present. Artists, Critics, and Traditions,
from 1848 to 1870 (Princeton, USA: Princeton University Press, 1973) 200. Nicolas Valazza indique juste
titre: leurs motivations [] divergentes (Crise de plume et souverainet du pinceau. crire la peinture de
Diderot Proust [Paris: Classiques Garnier, 2013] 190).
23
Zola, Thrse Raquin 24.
24
Rappelons cette phrase de la prface: Dans Thrse Raquin, jai voulu tudier des tempraments et non des
caractres.
25
Zola, douard Manet 141.
26
Lintrt de Zola pour lhomme en tant qutre assujetti son temprament, intrt lorigine de la plus
grande partie de son uvre romanesque, constitue donc le fondement de sa critique dart. Quil soit le critique
ou lcrivain, ses motivations demeurent identiques et sexpriment peu prs dans les mmes termes (Anne
Lecomte-Hilmy, Lartiste de temprament chez Zola et devant le public: essai danalyse lexicologique et
smiologique, in mile Zola and the Arts. Centennial of the Publication of Luvre, d. Jean-Max Guieu et
Alison Hilton [Washington, DC: Georgetown University Press, 1988] 85-98, ici 88). Cet idal reste cependant la
plupart du temps pure thorie. La seule exception est larticle sur Manet. Les attentes pragmatiques du genre ne
IRIN DADA
peinture, il aurait d exiger de lartiste une analyse de lhomme dans son contexte. Le tableau
permettrait ainsi grce une certaine composition de lobjet par le peintre exprimental,
dtablir des hypothses sur le fonctionnement et le dterminisme de lhomme. Celles-ci
seraient bien sr vrifier scientifiquement mais elles confreraient la peinture une valeur
socio-morale telle que Zola lavait prvue pour la littrature dans la prface de son roman
LAssommoir en crivant: Cest de la morale en action, simplement.27 Mais comme nous
venons de le voir, cela na rien voir ni avec sa dfinition de lart ni avec sa faon de
confronter Courbet ou Manet.28 Parlant du dernier, Zola souligne: on ne doit le juger ni en
moraliste, ni en littrateur; on doit le juger en peintre.29 Et dans ce que Zola appelle lanalyse
faite par le peintre, la place de lhomme et de la socit est marginalise par rapport une
peinture en tant que peinture, comme le montre son commentaire sur lOlympia:
Eh! dites-leur donc tout haut, cher matre, que vous ntes point ce quils pensent
quun tableau pour vous est un simple prtexte analyse. Il vous fallait une femme
nue, et vous avez choisi Olympia, la premire venue; il vous fallait des taches claires
et lumineuses, et vous avez mis un bouquet; il vous fallait des taches noires, et vous
avez plac dans un coin une ngresse et un chat. Quest-ce que tout cela veut dire?
vous ne le savez gure, ni moi non plus. Mais je sais, moi, que vous avez admirablement
russi faire une uvre de peintre, de grand peintre, je veux dire traduire
nergiquement et dans un langage particulier les vrits de la lumire et de lombre,
les ralits des objets et des cratures.30
Ce qui est essentiel pour le naturalisme en littrature ne semble pas ltre pour le
naturalisme en peinture.31 Certes, dans sa thorie romanesque, comme on vient de le voir,
Zola parle galement du temprament de lcrivain:
Nous avons beau dclarer que nous acceptons le temprament, lexpression personnelle,
on nen continue pas moins nous rpondre par des arguments imbciles sur limpossibilit
dtre strictement vrai, sur le besoin darranger les faits pour constituer une uvre dart
quelconque. Eh bien! Avec lapplication de la mthode exprimentale au roman, toute
permettent gnralement pas une telle tude analytique de lartiste: lespace que les journaux ddient la
critique dart est limit et le public cherche avant tout des informations et des avis sur les uvres exposes.
27
mile Zola, LAssommoir, d. Jean-Louis Bory et Henri Mitterand (Paris: Gallimard, 1978) 19.
28
Ainsi la prsupposition suivante nest pas justifie: Founded as it was upon an essentially naturalistic
program, in aesthetics as in technique, the flight of the Impressionist painters from the city to the pleasure
resorts and sheltered villages along the Seine could only seem to the writer [Zola], if not a dereliction of duty, at
least a thoughtless evasion of their responsibilities toward the moral problems which they might have helped
him solve. Their stubborn persistence in maintaining their own standards in the face of popular disapproval and
misunderstanding could well seem idiosyncratic to a man who depended upon evoking the widest public
response with his portrayals of contemporary life (George Heard Hamilton, Manet and his Critics [New Haven,
USA: Yale University Press, 1954] 218; une telle confusion sobserve aussi chez Gita May, Zola entre le texte
et limage: lexemple de Diderot, Les Cahiers naturalistes 76 [1993]: 235-44, ici 236).
29
Zola, douard Manet 153.
30
Zola, douard Manet 161. Il ne faut pas pousser ces propos trop loin et y voir la dfense dune peinture
abstraite. Loin sen faut, Zola reste attach une reprsentation mimtique. Seul le choix de ce qui est
reprsent lintresse peu (voir Valazza 189 et Annika Spieker, Der doppelte Blick. Photographie und Malerei
in mile Zolas Rougon-Macquart [Heidelberg: Winter, 2008] 33). Dans ce contexte, il ny a donc aucune
contradiction avec lesthtique zolienne comme le suppose Chris Rauseo, Zolas Traum vom Bild. Publizistische
und fiktionale Kunstkritik auf der Suche nach dem naturalistischen Meisterwerk, in Konkurrierende Diskurse.
Studien zur franzsischen Literatur des 19. Jahrhunderts zu Ehren von Winfried Engler, d. Brunhilde
Wehinger (Stuttgart: Steiner, 1997) 126-40.
31
Cest juste cette diffrenciation qui manque lexcellente tude dAntoinette Ehrard, Lesthtique de Zola
tude lexicologique de ses crits sur lart, Les Cahiers naturalistes 58 (1984): 133-50, ici 149.
querelle cesse. Lide dexprience entrane avec elle lide de modification. Nous
partons bien des faits vrais, qui sont notre base indestructible; mais, pour montrer le
mcanisme des faits, il faut que nous produisions et que nous dirigions les phnomnes;
cest l notre part dinvention, de gnie dans luvre.32
Le temprament doit nanmoins toujours suivre le but gnral de lexprience.33 Zola
se rsout accepter lexpression littraire et la rhtorique personnelle comme temprament
de lcrivain mais il objecte aussitt: Si lon veut avoir mon opinion bien nette, cest quon
donne aujourdhui une prpondrance exagre la forme. [] Au fond, jestime que la
mthode atteint la forme elle-mme, quun langage nest quune logique, une construction
naturelle et scientifique.34 Lintervention individuelle dpend ainsi de la fonction confre
au roman, une fonction que la peinture, selon Zola, na apparemment pas remplir.35
Mais comment se fait-il que le temprament soit aussi primordial pour la peinture
naturaliste? Et pourquoi cette importance de lexprimentalisme pour la littrature et non pas
pour la peinture? Un argument que Zola emploie dans sa potique romanesque contre une
certaine critique peut servir dindice: Un reproche bte quon nous fait, nous autres crivains
naturalistes, cest de vouloir tre uniquement des photographes.36 Selon le romancier, cette
critique perd toute pertinence avec lexprimentalisme quil revendique et qui va plus loin
quune conception raliste, quune simple copie de la ralit. Mais la problmatique se pose
de manire compltement diffrente quand il ne sagit pas de littrature. Si Zola peut se
permettre de ngliger la question de la forme de lexpression littraire mais non celle de la
forme de lexpression picturale naturaliste, cest cause de lcart entre lcrit et limage. Si
la vision personnelle de lartiste, sa faon individuelle de peindre deviennent si centrales,
cest parce que cest justement par la facture, la touche et la composition que la peinture peut
visiblement se dmarquer de la reproduction photographique.37 La conception zolienne dun
32
IRIN DADA
naturalisme pictural tient donc compte de la spcificit mdiale de la peinture et doit par l
diffrer du naturalisme littraire.
Laccent que Zola met sur le temprament du peintre sexplique donc jusqu un
certain degr par cette concurrence entre photographie et peinture partir de la deuxime
moiti du XIXe sicle. La ngligence de cet aspect dans le contexte de la littrature, par
contre, semble tre due au rapport entre criture factuelle et fictionnelle. En dfinissant le
roman exprimental, Zola cherche atteindre un anoblissement de la littrature, quil estime
possible travers sa mise en relation avec les sciences. tant donn que les crits littraires et
non littraires se servent du mme moyen dexpression, le langage verbal, Zola ne cherche pas
situer la diffrence entre la description dune exprience mdicale et un roman exprimental
dans la manire dexposer les faits mais dans leur fonction: cest en mettant en scne des cas
fictifs que la littrature a la possibilit de complter sa faon ce que la science peut apporter
pour lvolution de lhomme.
Si Zola considre visiblement quune telle possibilit nest pas donne la peinture,
cest parce quil dfend la matrialit et lindpendance de celle-ci. Il sinscrit ainsi dans un
dbat omniprsent dans la critique dart en France au XIXe sicle et que lon pourrait rsumer
comme tant la confrontation entre une esthtique idaliste et une esthtique matrialiste.
Alors que les uns soutiennent que la peinture doit transmettre une ide, une pense en
reprsentant par exemple des sujets religieux, mythologiques ou littraires, les autres dtractent
une telle littrarisation de la peinture. Citons comme exemple le critique dart Albert Wolff
qui soppose la peinture de Manet: M. Manet ne le fait pas exprs; il peint ces tableaux
parce que limagination lui fait dfaut; il ne fera jamais autre chose, soyez-en bien convaincus;
ses toiles auront ternellement la mme valeur des tons et la mme absence dides et de
recherche artistique.38 Dans leur compte rendu de lexposition universelle de 1855, les
Frres Goncourt sexpriment dune faon diamtralement oppose:
La peinture est-elle un livre? La peinture est-elle une ide? Est-elle une voix visible,
une langue peinte de la pense? [] La peinture est-elle, en un mot, un art
spiritualiste? Nest-il pas plutt dans ses destins et dans sa fortune de tenter les yeux,
dtre lanimation matrielle dun fait, la reprsentation sensible dune chose, et de ne
pas aspirer beaucoup au-del de la rcration du nerf optique? La peinture nest-elle
pas plutt un art matrialiste, vivifiant la forme par la couleur, incapable de vivifier
par les intentions du dessin le par-dedans, le moral et le spirituel de la crature? []
Croit-on, au reste, que ce soit abaisser la peinture que de la rduire son domaine
propre [].39
Zola ne la jamais formul avec autant de vhmence mais il a continu ce combat pour
une peinture indpendante en refusant toute fonctionnalisation de celle-ci une fonctionnalisation
quil tient par contre pour ncessaire quand il sagit de littrature. Pour affronter les deux
[Paris: Gallimard, 1992] 274-79). La comparaison avec la photographie est dailleurs rcurrente lorsquil sagit
de dprcier lart des Impressionnistes: Copier un un les mots du dictionnaire [de la nature], se servir de leurs
yeux toujours, jamais de leur cerveau, reproduire brutalement sans aucun travail de lintelligence limage de la
rtine, voil lidal des Intransigeants. [] Votre procd de composition consiste ne pas composer. Un
photographe nest pas moins artiste que vous. [] bien prendre alors, messieurs les Intransigeants, le jour o
la photographie donnera la couleur, les preuves colories par laction solaire seront incontestablement
suprieures vos tableaux comme copies fidles de la nature. Votre ralisme sera dtrn par un ralisme plus
vrai (Hardy (pseud. de Henri Polday), Les Intransigeants [1874], cit dans New Painting Impressionism
1874-1886, d. Ruth Berson, vol. 1 [Seattle, USA: University of Washington Press, 1996] 33).
38
Albert Wolff, Le Salon de 1869, Le Figaro 20 mai 1869: 3.
39
Edmond et Jules de Goncourt, La peinture lExposition universelle de 1855, in Grard-Georges Lemaire,
Esquisses en vue dune histoire du Salon (Paris: Veyrier, 1986) 201-07, ici 200.
concurrents majeurs dun art naturaliste, les uvres scientifiques dun ct et la photographie
de lautre, Zola choisit donc deux stratgies diffrentes: alors quil rejette toute ide de lart
pour lart en littrature, elle devient ncessaire la valorisation de la peinture.