Mucites Radioet Chimio-Induites Actualités Sur La Prise en Charge
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Mucites Radioet Chimio-Induites Actualités Sur La Prise en Charge
Copyright 2016 John Libbey Eurotext. Tlcharg par un utilisateur anonyme le 11/08/2016.
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Vol.13-n4-octobre-novembre-dcembre 2013
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Dfinition
Potentialisation et production
de mdiateurs actifs
La mucite radio-induite (comme la mucite chimioinduite) est dfinie comme laltration non seulement de
lpithlium, mais aussi de lensemble de la muqueuse et
du tissu conjonctif sous-jacent, se traduisant par lapparition dune ulcration. La phase de cicatrisation est caractrise par lapparition dun infiltrat de cellules inflammatoires, avec exsudat interstitiel, fibrine et dbris cellulaires,
produisant une pseudomembrane qui, lorsquelle est hydrate par la salive, peut prendre une couleur blanche ou opalescente, alors quune infection en surface peut la faire
apparatre jaune ou verdtre. Il est facile, dans ce cas, de
la confondre avec une infection Candida, dautant quun
ulcre d une mucite radio-induite peut tre surinfect
Candida [7]. Alors que lulcre slargit, il se connecte
aux ulcres adjacents, produisant un aspect de pseudomembranes confluentes. La rgnration des cellules
entrane une r-pithlialisation et la rsolution de lulcre ;
mais les processus de cicatrisation seront dautant plus longs
et difficiles quil existe une surinfection et que lulcre est
large et profond. Lorsque lulcre est trs profond, la cicatrisation peut se faire en un tissu de granulome. En fonction de la gravit de la mucite prcoce, la muqueuse rsultante, distance de la radiothrapie, peut apparatre
quasiment normale, mais le plus souvent, elle est plus ple,
atrophique ; parfois mme, la cicatrisation ne se fait pas,
ce qui peut entraner une radioncrose muqueuse.
Signal et amplification
Une srie de rtrocontrles positifs mdis par les
cytokines telles que le TNF active de nombreuses voies
telles que les voies de la cramide et de la caspase, entretenant la production de TNF, dIL1b et dIL6.
Il se produit par consquent une vritable acclration et amplification du processus biologique au sein du
tissu conduisant lulcration.
Physiopathologie
En raison de leur pouvoir mitotique rapide, les cellules
de la muqueuse buccale sont des cibles naturelles des
agents cytotoxiques produits par les traitements anticancreux. Des progrs ont t raliss ces dernires annes
dans la comprhension de la physiopathologie conduisant
aux mucites. LAmerican Cancer Society (Sonis) a propos
un schma dvolution de la radiomucite en cinq phases :
initialisation, potentialisation, amplification du signal, ulcration avec inflammation, et enfin cicatrisation [8].
Ulcration
La colonisation bactrienne du tissu ulcr et lactivation macrophagique qui en rsulte augmentent la production de TNF, dIL1b et dIL6. Lamplification de ces
cytokines est responsable de linflammation et des douleurs. Les bactries entranent des dommages directs sur
les cellules, et chez les patients immunodprims ou en
cours de chimiothrapie concomitante augmentent le
risque infectieux et le risque de septicmie.
La modification de la composition et de la quantit
de salive semble potentialiser la cytotoxicit et diminuer
la capacit des tissus cicatriser.
Initialisation
Les traitements oncologiques chimiothrapie et radiothrapie gnrent des radicaux libres (i ou ROS). Les
ROS ont deux actions : directe par dommage direct sur
les cellules, tissus et vaisseaux, indirecte par lactivation
de facteurs de transcription.
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Cicatrisation
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Prvalence
et facteurs de risque
Selon le Radiation Therapy Oncology Group (RTOG)
et le National Cancer Institute (NCI), les toxicits aigus
de la radiothrapie apparaissent dans les 90 jours suivant le dbut de lirradiation [9].
Le dveloppement des mucites dpend de plusieurs
facteurs lis aux thrapeutiques et aux caractristiques
du patient. La prvalence peut aller jusqu 100 % en cas
de traitement par radio- et chimiothrapie concomitante
[10]. Certains facteurs ont t identifis quand dautres
restent obscurs [11].
La nature des traitements systmiques associs lirradiation, leur dose et le programme dadministration
conditionnent le risque de mucite. Les modalits dirradiation, le volume irradi, la dose par sance et la dose
totale, et lutilisation de chimiothrapies concomitantes
influencent aussi le risque de toxicit [12].
Les tudes suggrent que le risque de toxicit est en
valuation
Lvaluation clinique de la svrit des mucites est
ralise par des classifications valides [16]. Il est ncessaire, en effet, pour pouvoir mener des tudes cliniques
fiables et comparables, de classer en diffrents stades de
svrit latteinte tissulaire observable cliniquement et
de crer des chelles reproductibles, adaptes lvolution de cette complication. Deux classifications apparaissent comme les plus utilises par les professionnels
(tableau 1) :
Classification de lOMS
Grade 0
Pas de mucite
Pas de mucite
Grade 1
rythme de la muqueuse
Grade 2
Plaques pseudo-membraneuses
< 1,5 cm et non-confluentes
Grade 3
Plaques pseudo-membraneuses
confluentes > 1,5 cm
Grade 4
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conomiques
Une mucite de grade 3-4 augmente significativement
le risque de douleur svre (54 % vs 6 % ; p < 0,001) et la
perte de poids de plus de 5 kg (60 % vs 17 % ; p < 0,001)
par rapport une mucite grade 1-2 [20]. Laltration du
statut OMS et les difficults alimentaires significativement
diminues dans les stades svres sont lorigine dhospitalisations. Ces soins de support augmentent le cot de
la prise en charge globale du patient, et ce de manire
proportionnelle la svrit de la mucite.
Consquences
La mucite a des consquences cliniques et conomiques [17].
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Cliniques
Les symptmes de la mucite sont multiples : douleurs, brlures, gne gingivale, difficults dalimentation, altration du got [18].
La mucite dtruit lpithlium buccal et inhibe son
renouvellement aboutissant une atrophie pithliale
qui facilite ladhsion et linvasion de Candida albicans
[19]. Associe cela, la radiothrapie externe est responsable dune hyposialie, voire dune asialie dbutante
aux alentours de la troisime semaine de traitement. Or,
le flux salivaire et la composition mme de la salive jouent
un rle prpondrant dans la lutte contre la candidose
oropharynge. La radiothrapie externe est galement
frquemment associe la chimiothrapie qui peut tre
responsable dune baisse de limmunit et qui est souvent source dune antibiothrapie, cette dernire peut
tre la cause dune destruction de la flore buccale et donc
faciliter la colonisation par Candida albicans. Il existe
un risque dextension systmique de la levure alors responsable dune septicmie pouvant conduire un sepsis svre voire un choc septique et aboutir au dcs.
Prise en charge
Traitement prventif
Diffrentes interventions thrapeutiques ont montr
un bnfice dans la prvention et le contrle de la svrit des mucites associs aux traitements oncologiques
[21]. Leur niveau de preuve variable implique que le
bnfice pourrait tre spcifique selon le type de cancer et le type de traitement. Dautres tudes avec un
nombre suffisant de patients sont ncessaires afin dtablir des recommandations selon la pathologie et le traitement. En pratique, la cryothrapie et les facteurs de
croissance kratinocytaires ont fait la preuve de leur efficacit dans la prvention des mucites.
La cryothrapie est indique chez les patients qui
reoivent un bolus de chimiothrapie courte demi-vie
(5FU ou melphalan) [22].
Le palifermin (Kepivance), une protine analogue
au facteur de croissance des kratinocytes naturels
(KGF), obtenue par biotechnologie, a fourni des rsultats intressants dans la prise en charge des mucites
svres lies aux traitements de conditionnement raliss avant les greffes de cellules souches hmatopotiques [23] ainsi que chez les patients traits par 5-fluorouracile pour un cancer colo-rectal mtastatique [24]. Ce
produit injectable est en cours dvaluation pour les
mucites lies aux traitements des cancers buccaux.
Le niveau de preuve est plus faible quant au bnfice de laloe vera, de lamifostine, de la supplmentation en glutamine intraveineuse, des facteurs de croissance granulocytaires, du miel, du laser, des antibiotiques
[25] et du sucralfate.
Il ny a pas de preuve que la chlorhexidine soit plus
efficace quun placebo, celle-ci ne doit pas tre utilise comme traitement prventif [26].
Figure 1. Mucite buccale radio-induite de grade 3 NCICTC (ulcrations confluentes, fausses membranes).
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Modalit de la radiothrapie
Lacclration, lhyper-fractionnement [27] et la dose
totale leve (80 Gy) augmentent significativement la
toxicit muqueuse, donnant 50-60 % de mucite de
grade 3.
Lirradiation conformationelle, avec ou sans modulation dintensit, ventuellement guide par limage,
assure une meilleure dfinition des volumes cibles et
permet par consquent de rduire le volume des tissus
sains irradis fortes doses [12]. Les caches focaliss et
cache cervical mdian (en RC3D] permettent lpargne
muqueuse des rgions saines.
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Traitement curatif
Prise en charge de la douleur et des difficults
nutritionnelles
La prise en charge de la douleur est bien entendu un
lment majeur. Un traitement antalgique adapt aux
paliers OMS de la douleur doit tre systmatiquement
prescrit ; les drivs morphiniques tant frquemment
le traitement de choix. Lemploi de mdicaments antiinflammatoires est galement prconis. En cas de douleurs locales, lutilisation de topiques anesthsiants, du
type lidocane en gel, peut tre ncessaire.
La prise en charge nutritionnelle, au mieux par voie
entrale avec gastrostomie doit tre anticipe [38], cest
un impratif dans le cadre de loptimisation thrapeutique. Lobjectif est de maintenir des apports hydriques
et caloriques satisfaisants.
Place du laser de basse nergie
Les recherches in vitro [39] et in vivo ont montr que
le LLLT possde trois proprits photo-biologiques principales : antalgique, anti-inflammatoire et cicatrisante [40].
Analgsie et inflammation
Le LLLT entrane une transmission dlectrons responsable de ractions doxydorduction au niveau de
la chane respiratoire mitochondriale des cellules. Il en
rsulte une augmentation de la production dnergie
(ATP) par les cytochromes des mitochondries. Le mtabolisme de la cellule et ses capacits de prolifration
sont ainsi acclrs.
Au dcours des traitements oncologiques, radiothrapie et chimiothrapie des radicaux libres oxygns
sont cres. Les ROS gnrs par les traitements anticancreux agissent, dune part, directement sur la
muqueuse et les vaisseaux et, dautre part, indirectement
en dclenchant une raction inflammatoire locale par
lactivation de facteurs de transcription, comme le NF B
qui reprsente la voie centrale dactivation de nombreux
gnes des mdiateurs de la raction inflammatoire
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Cicatrisation
Pour le potentiel cicatrisant, Frana et al. [43] ont tudi laspect histologique des effets prventifs et thrapeutiques du laser diode (GaAs) dans des mucites chimio-induites chez le hamster : ils ont observ une
augmentation de langiogense, du nombre de fibres de
collagne, et de lorganisation du tissu de granulation
dans les groupes traits avec le laser [43], et ce, de
manire plus importante. Ces effets sont plus marqus
dans le groupe thrapeutique que dans le groupe prventif. Il a t en outre montr in vitro un effet du laser
de faible puissance sur la prolifration cellulaire. Au
niveau des cellules de la muqueuse buccale, le laser augmente ainsi la production de collagne des cellules pithliales de la muqueuse orale et permet une rgnration rapide des fibroblastes en myofibroblastes.
Rfrences
Conclusion
La mucite qui complique les traitements anti-cancreux est une cause importante dinconfort, de douleurs,
de mauvaise nutrition, parfois dinfections, dhospitalisations et de retard de prise en charge. Son traitement
est un challenge pour parvenir au bout des traitements
oncologiques. En 2007, le groupe MASCC-ISOO a actualis ses recommandations, le LLLT est depuis recomBulletin Infirmier du Cancer
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