La lecture selon Barthes

par
Nicolas Carpentiers
1998

Bref aperu

Rsum
Avant-propos
L'auteur s'tonne qu'on n'ait pas dj examin le thme de la lecture
chez Barthes. Il se propose de faire l'archologie de nos savoir sur la
lecture .
Introduction
Carpentiers prsente le contenu de son tude, explique sa dmarche et
en trace les limites.
Citation tire de Barthes, Variations sur l'criture, o il dfinit la lecture
comme un phnomne qui participe la fois de la perception, de
l'intel-lection, de l'association - mais aussi de la mmoire et de la
jouissance .
Chapitre 1 : L'oubli de la lecture
L'auteur rappelle qu'aprs avoir mis l'accent sur l'auteur (avec des
critiques comme Taine, Renan, Lanson et Sainte-Beuve), l'analyse
critique s'est tourne vers le texte (approche du formaliste, du
structuralisme hrit des Russes : d'une part Greimas, Brmond et
Barthes pour les rgles d'enchanement narratif, d'autre part Genette et
Todorov.
La smiologie a accord la priorit l'oeuvre et l'a considre comme
un tout en soi.

1.1 Un lecteur oubli

Par une srie de citations, l'auteur montre que Barthes, le premier, a
reproch aux critiques de son poque de ne pas assez s'intresser au
lecteur. Il reconnat cependant que Barthes s'est lui-mme consacr au
texte avant tout.
1.2 L'activit du lecteur
La critique traditionnelle conoit l'oeuvre comme un objet pourvu d'une
signification prtablie qui, habitant le texte, serait dvoile par l'acte de
lecture. Barthes soutient au contraire que le texte ne possde pas de
signification, celle-ci est apporte par le lecteur (producteur de sens).
Pour Barthes, le lecteur n'existe pas, en tant que lecteur, sans le texte ; le
smiologue tente de penser ensemble le texte et la lecture.
1.3 Les comptences du lecteur
L'auteur rappelle qu'un lecteur n'aborde jamais vierge la lecture d'une
oeuvre : il apporte une somme de connaissance codes. Barthes parle de
codes culturels activs par le sujet lisant, ou de comptences culturelles
du lecteur.
Eco, Otten et Dufays vont pousser plus loin ces rflexions. Dufays en
1994 distingue trois niveaux de codes : les codes d'elocutio (permettant
de comprendre le sens d'une phrase), les codes de dispositio (permettant
d'identifier le genre auquel le texte appartient), les codes d'inventio
(permettant de dgager les valeurs vhicules par le texte).
La question de l'objectivit (ou de la subjectivit) doit tre rexamine,
parce qu'elle implique que l'on confre au texte une existence autonome.
L'objectivit et la subjectivit relvent de la fiction, de l'utopie.
Barthes remet en question l'existence d'un sens littral.
Chapitre 2 : Lire au pluriel
L'auteur annonce qu'il fera un survol historique de l'approche
occidentale du problme de l'Un et du Multiple. Il commence avec
Platon et Aristote qui renient la multiplicit des choses au nom d'un

principe unique. Il explique ensuite que Descartes opre un dplacement

radical en avanant que l'Un est du ct du sujet et le Multiple du ct
de l'objet. Puis chez Kant, c'est l'esprit humain qui unifie, c'est
l'exprience qui est diverse. De son ct, Hegel accentue encore la
domination de l'Un sur le Multiple, mais le dcalage qui subsiste
initialement entre le sujet et l'objet, entre la conscience et la ralit, est
finalement dpass par une dialectique de la totalit. l'oppos de
Hegel, Nietzsche proclame l'ambivalence radicale de toute chose, la
multiplicit des contraires. Par son refus de l'Un total et idal, il se
dmarque nettement de la tradition mtaphysique.
Hritire de Nietzsche, la rvolution structurale des annes soixante va
vacuer la notion mme de centre : il n'y a plus d'absolu auquel tout se
rvlerait relatif. L'Un cart, tout explose pour ne laisser apparatre
qu'une infinie dispersion de diffrences. Et Barthes participe ce
mouvement en s'opposant au monocentrisme.
2.1 La lecture monocentrique
Dans la conception monocentrique de la lecture, lire consiste
rassembler les sens disperss afin de retrouver le vouloir-dire de
l'crivain. L'crivain est rput le pre et le propritaire d'une oeuvre
tenue pour secondaire, dpendante, drive. Pour cette raison, explique
Barthes, on a toujours pens le texte selon le couple signifiant / signifi
(le signifi tant le sens originel, univoque et dfinitif, le secret qui se
cache derrire le signifiant). Cela constitue pour Barthes une
dprciation du texte.
Carpentiers, pour donner raison Barthes qui reproche aux sicles
prcdents d'avoir toujours privilgi l'auteur et le sens vritable et
unique du texte, passe en revue quelques textes qui illustrent le discours
occidental sur l'acte de lire.
Il commence avec les Grecs, en analysant le verbe lgein, qui voulait
dire rassembler aussi bien que lire : rassembler les sens du texte pour
reconstituer le sens originel. Au Moyen ge, on dveloppe un systme
interprtatif quatre niveaux hirarchiss : le sens littral (les faits
historiques), le sens allgorique, le sens moral et le sens anagogique ; il
faut remonter les trois premiers pour arriver au dernier, qui est le sens
vital. Au dbut du XVIe sicle, Ignace de Loyola propose de diviser
pour ensuite rassembler, suivant quatre oprations : l'isolation,

l'articulation, l'ordonnancement et la thtralisation. Chez Descartes

comme chez Pascal, Carpentiers constate que lire consiste rassembler
les significations des diffrents passages du texte afin de retrouver le
sens de l'auteur ; autrement dit, que l'Un se trouve du ct de l'auteur et
le Multiple du ct du texte.
Apparat, la fin du XVIIIe sicle, l'hermneutique philologique de
Schleiermacher, qui postule que le sens d'un texte est ce que l'auteur de
ce texte a voulu dire. Dans cette perspective, la lecture est une recherche
du sens originel. Au XXe sicle, Lo Spitzer dfend la mme approche
qui veut que le regroupement rende compte de la totalit. Enfin,
Heidegger adopte la mme ide et contribue ainsi aux philosophies du
sens unique qui insistent sur la ncessit de ramener le divers l'unit.
Carpentiers remarque cependant que si la tradition a dfini la lecture
comme un rassemblement, cela signifie qu'elle a bien peru le pluriel du
texte, mais qu'elle l'a refoul au nom de l'auteur.
2.2 : La lecture plurielle
Carpentiers soutient que Barthes est celui qui rompt avec l'hritage
philosophique en laborant une dfinition du texte qui chappe la
fascination de l'Un. Barthes rvlent ses influences: Kristeva, Derrida,
Sollers et Lacan, des auteurs que Carpentiers entend bien explorer pour
mieux cerner l'originalit de Barthes.
Selon Barthes, un texte est un tissu de citations, issues de mille foyers
de la culture. Il rejte la conception traditionnelle qui a toujours assujetti
l'oeuvre son auteur, il met fin au schma filial. S'il n'y a plus de sens
originel, l'opposition forme / fond ne suffit plus, mme si elle comporte
une certaine part de vrit. Il faut plutt parler de multiplicit de
niveaux: le texte n,enveloppe pas un sens contenu, mais il se compose
de plusieurs couches dont aucune n'est la premire ou la dernire.
Barthes remplace la notion de signification (sens unique et fig) par
celle de signifiance (tat dynamique qui refuse la fermeture sur un seul
sens): le texte n'est pas un produit, il entretient un processus de
production.
Carpentiers remarque que le parcours intellectuel de Barthes, dans les
annes soixante-dix, accorde une place croissante au respect de la
diffrence (la singularit de chaque texte) et abandonne la recherche

d'un modle universel du texte (projet des structuralistes). En mme

temps, il convient de comprendre que la diffrence entre les textes n'est
pas une diffrence qui fige chaque texte dans un sens particulier, mais
une diffrence ouverte: chaque texte, dans sa spcificit, est ouvert
plusieurs sens.
Par ailleurs, Barthes rappelle que lorsqu'on lit, l'auteur n'est ni cach
entre les lignes ni prsent derrire son oeuvre: il est absent ou mort. Le
texte se lit sans l'inscription du Pre.
Enfin, Barthes insiste sur le rle fondamental du lecteur, vritable
producteur, qui accomplit par son travail le pluriel du texte ; le texte a
besoin d'un lecteur cratif qui, ouvrant l'oeuvre l'infini, pratique une
rcriture.
Carpentiers montre ensuite les dbuts ttonnants de Barthes, du temps
o le smiologue encourageait multiplier les niveaux d'analyse afin de
saisir un sens unique.
De retour la lecture plurielle, Carpentiers explique: Prtendre qu'une
lecture qui n'ajoute rien est une lecture fidle revient mconnatre la
nature mme de l'criture, car des associations se construisent selon les
codes culturels du lecteur. Fait noter, Barthes soutient que la lecture
plurielle est une lecture lente (ralentir la vitesse de passage dans le
texte).
L'auteur se penche ensuite sur la notion de paragramme emprunte
Saussure et Kristeva: un mot ou un ensemble de mots qui contient les
lettres d'un autre mot. La lecture paragrammatique est bien une lecture
plurielle puisqu'il s'agit de percevoir la multiplicit simultane des sens.
La lecture plurielle cherche dire non plus d'o vient le texte (critique
historique), ni mme comment il est fait (analyse structurale), mais
comment il se fait, explose, dissmine.
Le foisonnement des codes ou des niveaux de sens engendre
l'indcidabilit, qui n'est pas une faiblesse, mais une condition
structurale de la narration. La lecture plurielle prserve la possibilit
d'une oscillation entre plusieurs sens. Mais pour Derrida, ce qui suspend
la dcision, ce n'est pas la richesse du sens, c'est un certain jeu de la
syntaxe.

Deux limites importantes la lecture plurielle: 1) ce n'est pas une

lecture totale, jamais le lecteur n'puisera le texte ; 2) ce n'est pas une
lecture qui permet de dire n'importe quoi: elle ne peut forcer le texte,
sous peine d'ignorer la nature de l'criture, non plus au nom de l'auteur,
mais au nom d'un sujet lisant tout-puissant (un privilge en remplacerait
alors un autre, et le texte resterait dprci).
Pour Barthes, comme pour Derrida, il s'agit de lire en dployant les
potentialits smantiques de l'oeuvre sans dire n'importe quoi, de
paraphraser tout en inventant.
Dans les prochains chapitres, Carpentiers annonce que la rflexion de
Barthes abordera ce que la smiologie sche et scientiste avait cart: le
plaisir, l'motion et l'inconscient. Car lire, heureusement, ne se limite
pas dcoder des signes ; le dveloppement des sens ne constitue
qu'une dimension de la lecture.
Chapitre 3 : La lecture et le temps
Wolgang Iser : pendant la lecture, il y a simultanment rtention du sens
(garder en mmoire les units smantiques) et protention du sens
(anticiper sur les sens produire).
Grard Genette : le temps de la fiction comporte deux niveaux, le temps
de la narration (d'o les vnements sont raconts) et le temps de
l'intrigue.
3.1 : La lecture
Pour Novalis, chaque lecture agit comme un filtre qui dgage
progressivement la quintessence du texte.
Il faut lire, puis relire immdiatement, alors que l'attention n'est plus
dtourne par le suspense ; le lecteur a encore l'histoire en mmoire, il
peut observer les autres dimensions du texte. Pour Barthes, la relecture
trouve sa raison d'tre non dans une meilleure comprhension de
l'oeuvre mais dans le plaisir purement ludique du pluriel du texte: relire
vise diversifier, non asseoir une comprhension ; relire vise
multiplier les signifiants - i.e. le sens en tant que multiple et toujours
faire - et non saisir un signifi unique.

3.2 : Le rythme de lecture

Barthes met l'hypothse que lire plus vite ou plus lentement
engendrerait des bouleversements dans notre manire de comprendre les
textes. En estimant que le rythme de lecture implique d'abord le lecteur
avant d'maner du texte, Barthes prend le contre-pied de l'opinion
commune, pour qui le texte impose son propre rythme.
Barthes suggre aussi qu'on lise les livres sans suivre le droulement
linaire des chapitres.
La vitesse de lecture = le rythme = le tempo.
L'opposition lisible / scriptible, rvise par Barthes pour tenir compte de
l'importance du tempo. Le lisible, c'est ce qui ne peut pas tre rcrit.
Barthes suggre d'explorer les extrmes: ralentir l'extrme la vitesse
de lecture ou, au contraire, l'acclrer. De faon gnrale, il reconnat
quatre types de lecture:
1) en piqu : survoler la page et prendre au hasard un bout de phrase;
2) en pris : dguster un pan d'criture entier;
3) en droul : lire normalement, de bout en bout, vitesse constante;
4) en rase-mottes : lire minutieusement chaque mot. C'est la seule
lecture qui intresse le smiologue parce qu'elle seule permet de
dployer les virtualits du texte.
Non seulement la lecture ralentie permet-elle de mettre en vidence la
lecture plurielle, elle permet aussi de djouer le naturel de la phrase qui
dissimule l'artifice de la fiction. Selon Barthes, tous les textes modernes
doivent tre lus lentement, tandis que les oeuvres classiques, dotes
d'une intrigue plus apparente, peuvent tre lues un rythme soutenu.
Lire rapidement ne permet de s'intresser qu' l'histoire ; l'apptit de
savoir (la volont de dissiper l'nigme) pousse non ruminer mais
dvorer le livre, et ce faisant on peut sauter les passages pressentis
ennuyeux. Carpentiers conclut qu' mi-chemin entre le respect et la
violence, le lecteur parcourt le texte dans l'ordre, mais en privilgiant
certains passages. Barthes semble prendre son plaisir dans la lecture
plutt que dans le texte lui-mme.

Chapitre 4 : La lecture imaginaire

Par lecture imaginaire, Carpentiers entend une lecture nave ou motive,
une lecture qui ne distingue pas les signifis des rfrents, une lecture
participative, motionnelle, projective, mille lieues du dchiffrement
critique.
4.1 : L'illusion
S'il est conscient du caractre fictif des vnements narrs, le lecteur
croit toujours, dans une certaine mesure, l'histoire qui lui est raconte.
4.2 : Un dsinvestissement du rel
L'criture et la lecture sont des pratiques clandestines, disait Barthes,
parce qu'il faut se sparer des autres pour lire. Cette remarque renvoie
une comparaison avec l'amoureux ou le mystique.
4.3 L'imaginaire
Barthes adapte l'Imaginaire de Lacan, tel que le psychanalyste le dfinit
par l'exprience du miroir: l'enfant croit d'abord voir un tre rel, puis il
comprend qu'il s'agit d'une image, et enfin il s'identifie cette image. Le
lecteur se construit une reprsentation visuelle, ragit comme si l'image
tait relle, puis confond soi et l'autre. Le lecteur produit une image qui
le capture. En participant la fiction, le lecteur retrouverait l'unit
premire, dnique, de l'enfant li sa mre et l'amoureux uni l'tre
aim.
4.4 : Le corps
L'motion gnre par le livre bouleverse le corps du lecteur, parce que
les faits et les personnages sont temporairement considrs vrais.
4.5 : La projection
Le plus souvent, l'engagement motionnel propre la lecture imaginaire
vise un personnage. Non seulement le personnage principal, que le rcit
veut rendre dsirable, mais aussi certains personnages secondaires, ainsi
que le narrateur.

Charles Grivel, Michel Picard et Vincent Jouve: thoriciens

contemporains pour qui la part d'enfance subsistant chez l'adulte
constitue le support de sa crdulit de lecteur.
Barthes, contrairement Stierle (1979) et Riffaterre (1982) qui
rejetaient la lecture nave, prend ses distances vis--vis d'une conception
strictement rationnelle du geste de lecture, annonant ainsi les travaux
de Steiner, de Lafargue, de Jouve et de Picard.
Chapitre 5 : Lire le dsir
La psychanalyse de la rception souhaite rendre compte des
mcanismes psychiques inconscients qui oprent lors de la lecture.
Michel Picard (1986) identifie trois instances: le liseur (qui maintient le
contact avec le monde extrieur), le lectant (qui garde une distance
critique) et le lu (qui ragit inconsciemment aux structures
fantasmatiques du texte).
5.1 : Une satisfaction du dsir
Sans mconnatre le pouvoir d'excitation de l'interprtation, Barthes,
pour qui lire c'est dsirer l'oeuvre, s'attachera en tudier les proprits
de satisfaction.
5.2 : Ples du dsir et libration de fantasmes
La dialectique du dsir en littrature: l'crivain et le texte dsirent le
lecteur, le lecteur dsire le texte.
L'oeuvre dsire et choisit son lecteur d'au moins trois faons: 1) le choix
lexical, qui fait que Verheggen dans le degr zorro de l'criture
cherche un lecteur sensible l'humour ; 2) l'exploitation de rfrences
communes (patrimoine culturel) ; 3) la lisibilit (Barthes disait: On ne
dira jamais assez quel amour pour le lecteur il y a dans le travail de la
phrase).
Barthes dgage trois figures ncessaires la jouissance de lecture, trois
lieux du texte o le lecteur engage son dsir: l'auteur, le personnage et le
texte lui-mme. 1) L'auteur, non comme figure d'autorit et pre de
l'oeuvre, mais comme tre de papier, comme ventail de signes
disperss. 2) Le lecteur peut dsirer un personnage pour sa beaut, son

humour, son courage, etc. Si le lecteur se met la place du personnage,

il y a projection, s'il l'imite dans la vie relle, il y a identification. 3) Le
texte excite l'inconscient du lecteur qui, ragissant activement l'appel
des signes du texte, met en branle un scnario, une production
fantasmatique. Le lecteur se trouve confort dans son moi par la mise en
scne du dsir satisfait, et son inconscient, libr de ses tensions, est
protg.
Barthes est convaincu que le lecteur, ragissant aux structures
narratives, jouit de la mise en scne mentale de ses propres dsirs ; il
carte l'ide simpliste d'un transfert de fantasmes (de l'auteur vers le
lecteur) et prfre parler d'un espace de jouissance. Le texte est un
espace de jouissance parce qu'il laisse au lecteur la libert de jouir de
ses propres dsirs.
En mme temps qu'elle sollicite les codes culturels du lecteur, la lecture
permet celui-ci de se retrouver dans sa structure individuelle
(perverse, dsirante, paranoaque, etc.). En rejetant l'ide d'un transfert
des fantasmes, Barthes prend ses distances vis--vis du principe de la
communication des mes, que vont pourtant reprendre les thoriciens
Andr Green (l'oeuvre comme objet transnarcissique) et Jean BelleminNol (la transsubjectivit: l'interconnection des inconscients). Plus tard,
Bellemin-Nol nuancera sa thorie en parlant de rsonance entre les
fantasmes du lecteur et ceux de l'auteur, tandis qu'Anne Clancier parlera
d'cho.
Rpondant au dsir du texte, le dsir du lecteur trouve son objet dans les
figures de l'auteur (par les biographmes), du personnage (par
projection ou imitation) et, enfin, du texte (par sollicitation
fantasmatique).
5.3 : Lecture, analit et voyeurisme
Barthes associe la dfcation et la lecture: les deux se font en retrait du
monde, et prfrablement lentement! En s'inspirant de Freud, Barthes
ajoute une relation avec l'argent et le plaisir de faire des cadeaux.
Barthes donne aussi un rle important au voyeurisme: le plaisir de lire
est li la surveillance de ce qui se droule et au dvoilement de ce qui
est cach, on peut donc supposer qu'il y a quelque rapport avec l'coute
de la scne originelle: l'enfant qui veut surprendre ses parents en train

de faire l'amour.
la scne primitive, crivait Barthes, o j'coute sans voir, succde un
scne perverse, o j'imagine voir ce que j'coute.
Mais le dsir de voir peut s'exercer aussi bien sur des textes rotiques
que sur des textes non rotiques, biographiques, romanesques,
historiques.
Adaptant les concepts de la psychanalyse l'acte de lecture, Roland
Barthes a pos les premiers jalons dans l'analyse de la dimension
inconsciente et fantasmatique du geste interprtatif. Il trace un sillon
que Michel Picard et Vincent Jouve approfondiront, en adhrant
davantage l'orthodoxie psychanalytique, par l'tude de la part
inconsciente du lecteur (le concept de sublimation de Picard).
Conclusion
La dimension cognitive de la lecture (le processus de comprhension),
analyse, entre autres, par Frans Rutten, Umberto Eco et Wolfgang Iser,
n'a pas t examine par Roland Barthes, probablement parce qu'il
estimait qu'elle relevait davantage de la psycholinguistique et qu'elle
rduisait la lecture un simple phnomne de dchiffrement.
Pour Rutten (1980), ce processus de dchiffrement comporte cinq
oprations: 1) la perception visuelle; 2) la transformation des
phnomnes en signes (smiotisation); 3) l'association d'un sens un
signe (identification smiotique); 4) le traitement cognitif des donnes
(poser une hypothse, mettre en relation les units de sens, combler les
blancs textuels) et 5) le contrle des rsultats obtenus (valuation).