Métaphores, Paraboles Et Analogie
Métaphores, Paraboles Et Analogie
Métaphores, Paraboles Et Analogie
Gilbert Vincent
Philosophe, Centre de Sociologie des Religions et dEthique Sociale, Universit de Strasbourg
Abstract
It is acknowledged that the study of metaphor is a key inflection in Ricurs heremeneutics. It is perhaps
less well known that this study is concomittant with one of parables, which represents an equally
noteworthy inflection in Ricurs contribution to Biblical hermeneutics. Some, however, use this
concommitance to argue that the transfer of some theological presuppositions (as to the nature of language
and the Truth) is facilitated by this and then do not hesitate to claim that the pages devoted to tha analogia
entis, in The Rule of Metaphor, are proof of the presence of dubious theological interests in the development of
his theory of metaphor. To counter this devastating critique, this article draws from some analyses by
Umberto Eco, which imply that the relation between analogia entis and metaphor are not epistemologically
scandalous as well as Alain, who sketched out an interpretation of parables which is very close to Ricurs.
Keywords: Hermeneutics, Theology, Ethics, Symbol, Metaphor, Parable, Analogy
Rsum
Il est admis que ltude de la mtaphore reprsente une inflexion dcisive dans lhermneutique de Ricur.
On sait peut-tre moins que cette tude est concomitante de celle de la parabole, qui reprsente une
inflexion galement notable dans la contribution ricurienne lhermneutique biblique. Il arrive pourtant
quon tire argument de cette concomitance pour prtendre que le transfert de certains prsupposs
thologiques (quant la nature du langage et de la Vrit) sen trouve facilit, et lon ne craint pas davancer
que les pages consacres lanalogia entis, dans La mtaphore vive, prouvent la prgnance dintrts
thologiques douteux dans llaboration de la thorie de la mtaphore. Pour contrer cette critique
dvastatrice, nous nous appuierons sur certaines analyses dUmberto Eco, qui impliquent que la question
des rapports entre analogia entis et mtaphore na rien dpistmologiquement scandaleux, et sur celles
dAlain qui, voici un sicle, a esquiss une interprtation des paraboles trs proche de celle de Ricur.
Mots-cls: Hermneutique, Thologie, Ethique, Symbole, Mtaphore, Parabole, Analogie
DOI 10.5195/errs.2012.150
http://ricoeur.pitt.edu
This work is licensed under a Creative Commons Attribution-Noncommercial-No Derivative Works 3.0
United States License.
This journal is published by the University Library System of the University of Pittsburgh as part of its
D-Scribe Digital Publishing Program, and is cosponsored by the University of Pittsburgh Press.
Gilbert Vincent
divers dveloppements de ltude sur La mtaphore vive, non seulement une rflexion assez
attendue, elle sur les implications ontologiques de la reconnaissance de cette figure, en
particulier en matire de vise rfrentielle et de vrit, mais encore une apprciation positive
plus surprenante de lanalogia entis, cur argumentatif de nombre de discours thologiques
dont celui, non des moindres, de Thomas dAquin.
Que penser de cette apparence doscillation de lattention porte la mtaphore qui la
fait pencher tantt du ct de la parabole, tantt du ct de lanalogia entis? Faut-il voir l
lexpression dun dfaut de cohrence du propos hermneutique, qui naurait pas russi, malgr
les dires de son auteur, dcider fermement quel partenaire convient le mieux au philosophe?
Surtout: a-t-on raison de parler doscillation comme on vient de le faire? Certes, nombre de textes
de Ricur montrent que ltude de la mtaphore est suivie de trs prs chronologiquement et
pistmologiquement par celle de la parabole; mais la prsence, dans La Mtaphore vive elle-
mme, de la rfrence manifestement laudative lanalogia entis, la parabole passant alors au
second plan, ne suggre-t-elle pas que prfrence a t discrtement mais fermement donne au
plus thologique, au dtriment du plus potique? Il arrive, on le verra bientt, que linterrogation
vire au soupon radical: loin que les considrations relatives lanalogia entis ne soient quun
dveloppement adventice, malheureux certes, mais pas au point de valoir disqualification de
lensemble thorique dans lequel il prend place, ne seraient-elles pas, se demande-t-on parfois,
lindice suffisant dune sorte de tlologie parasitant le cours de toute lanalyse? Pour ne pas
devenir dupe dune analyse par trop dvoye, ne faudrait-il pas dnoncer avec fermet le
parasitage de ltude philosophique de la mtaphore par une conception thologique subreptice
qui ne se montrerait jamais mieux que lorsquest aborde la question de lanalogia entis?
La faillite de lanalyse ricurienne de la mtaphore serait-elle alors totale et indiscutable?
Pour quelle le soit, il faudrait russir montrer que ltroite corrlation tablie par Ricur entre
les figures de la mtaphore et de la parabole nentame en rien la situation dhtronomie
discursive signale par lanalogia entis, symptme suppos dune confusion des genres
inacceptable. Aux yeux de qui estime que rien nest plus press que la chasse au thologique dans
le philosophique, lattention souvent porte par le philosophe la parabole ne saurait servir en
excuser le geste, lorsquil accorde un crdit conceptuel certain la forme de lanalogie. Notons
cependant que pour sautoriser rcuser toute excuse en la matire, il faut avoir choisi de
dchiffrer les contenus paraboliques en fonction dun cadre dont rien, dans le propos de Ricur,
ne suggre quil leur soit appropri: celui, non dune thique de linvention de soi, mais dune
onto-thologie appuye, prcisment, sur la fameuse analogia entis. Notons encore que lon peut
ainsi avoir limpression davoir liquid la difficult signale prcdemment, celle que nous
tentions de circonscrire en parlant doscillation dans la pense ricurienne. Liquidation facile
mais trs discutable, toutefois, car pour la raliser il faut avoir imput au philosophe un type trs
particulier dinterprtation; celui que, traditionnellement, lon qualifiait dallgorique, selon
lequel on aurait affaire, dans la parabole, la prescription du comportement moral exig des
meilleurs, en loccurrence de ceux dentre les fidles aspirant occuper une place minente
dans la course au salut et la flicit.
Chez lhermneute, lanalyse de la mtaphore, au contraire, retient linterprtation de la
parabole de cder lattrait de lallgorie, cest--dire de surcharger de sens une figure lgre, qui
doit rester telle si elle doit tre la pointe avance laiguillon de linvention de soi. Pour juger
que, de la mtaphore la parabole, la squence est hermneutiquement bonne, non suspecte de
vises apologtiques, il faut cependant faire un pas de plus. Ce pas, cest en compagnie dAlain
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
93
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
94
Gilbert Vincent
hsiterait-on soutenir lide que, parce quelle relve dun niveau discursif suprieur celui de la
mtaphore, la parabole est une uvre littraire en miniature et qu ce titre elle est susceptible
davoir une longvit suprieure celle de la mtaphore, phnomne effervescent mais
phmre?
Loin de gommer cette diffrence de statut, Ricur tout le premier la souligne. Il estime
nanmoins que rien en cela ninterdit quon mette laccent premier sur la profonde continuit
existant entre mtaphore et parabole. Dune part, en effet, la premire serait moins simple, moins
lmentaire quon imagine: il existe des rseaux mtaphoriques, des mtaphores sources qui
irriguent des courants de pense novateurs.5 Dautre part, la tension caractristique de la
mtaphore6 se retrouve dans la parabole, intensifie il est vrai puisque celle-ci se prsente comme
un mini-drame, puisque ce nest pas seulement ce quon a lhabitude de tenir pour rel, qui sy
trouve interrog, que cest la vie mme, la vie quon mne ou qui vous mne, qui se trouve mise
en cause de sorte que, la lumire de la parabole, cette vie apparat comme susceptible, soit
dtre perdue, soit dtre renouvele, travaille et transfigure par des significations
insouponnes. Les paraboles ne se rduisent donc pas de simples fables, et cest parce que les
situations et les vnements quelles mettent en scne comportent maintes traces dextravagance
quelles ont un fort potentiel signifiant, et dabord quelles peuvent faire brche dans le monde de
nos certitudes, un monde born par ces dernires, appauvri par elles. Le sens des paraboles, selon
lhermneute, est thique; cest dire quelles ne nous transportent pas dans un autre monde, celui
habituellement qualifi de religieux, mais quelles veillent notre dsir de rendre au monde la
richesse des possibles que la doxa et lidologie nont de cesse de censurer.
Alertes, les rcits paraboliques souvent, il sagit de simples bauches narratives ont
donc pour but premier, non de nous distraire ni de nous difier, mais de nous inquiter, de nous
dsorienter; prlude une rorientation dont leffectivit dpend largement de nous. Malgr la
brivet de chacune delles, les paraboles, selon lhermneute, forment un vritable corpus
littraire. Loin de faire sens isolment, elles sclairent mutuellement et leur pluralit devrait
nous dissuader de tout miser, si lon peut dire, sur lapport signifiant dune seule et, sur la base
de cet apport, ddifier directement une thologie. Invitablement, une telle thologie pcherait
par unilatralit; car cest ensemble que les paraboles russissent voquer diffrents schmes
de crise et de rponse et les mettre en tension. Chacune donne lun ou lautre de ces schmes
un tour particulier et le scnarise sa faon, mais la prsence des autres empche dabsolutiser
son apport: Quelques-unes parlent dun trsor qui ne fait rien pour tre trouv, dautres
parlent de grains qui croissent comme des tres naturels, et dautres encore de brebis qui sont
moins passives. Dautres parlent dintendants et de servants qui prennent des initiatives
significatives, et lune parle mme dun fils dont lhistoire dploie tout le paradigme de la
metanoia.7
Ce corpus parabolique, son tour, demanderait tre situ au sein dune intertextualit
plus vaste: Les dires proverbiaux tendent aux dires paraboliques leur propre ironie, leur
texture paradoxale et hyperbolique, leur art pour dsorienter lauditeur. Or rien, estime
lhermneute, ninterdit dlargir encore lintertextualit pertinente ni dy inclure certains gestes
attribus narrativement Jsus, des gestes excessifs comme des miracles, histoires donnes
comme vraies quand les paraboles, elles, sont des histoires donnes comme des fictions.
Malgr cette diffrence, un trait commun caractrise ces textes: leur valeur pragmatique. Chaque
fois, avec eux, le cours de la vie ordinaire est rompu, la surprise jaillit. Linattendu arrive, les
auditeurs sont interpells et amens penser limpensable.8 Cette dernire expression formerait
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
95
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
96
Gilbert Vincent
Le titre de sa contribution: Peut-on parler dun rle ngatif de lhermneutique biblique sur la
thorie ricurienne de la mtaphore? comporte certes un point dinterrogation. Il nempche, le
ton est vigoureusement assertif, voire premptoire, tel celui dun rquisitoire. A lexaminer de
plus prs, on se prend penser que ce dernier repose sur un a priori trs discutable et quil avance
un argument dont on peut se demander sil est vritablement probant. La priori, tel quon peut
lentrevoir, est que, du symbole, premier objet de lhermneutique de Ricur, la mtaphore,
rien naurait profondment change, quon quen dise lhermneute. Sous le changement
nominal, une mme ralit, ou plutt une mme intention perdurerait: localiser, circonscrire et
protger quelque temple de la vrit, comme on a pu dire, sans songer spcifier le type
dhermneutique susceptible, plus que dautres, dtre concern par cette critique dvastatrice. Il
ne sagirait plus de circonscrire une vrit sacre, la faon de Mircea Eliade qui recherchait
surtout dans la nature les manifestations thophaniques du plus que naturel, mais, la faon
des dchiffreurs doracles, de croire et de faire croire que des expressions quivoques vhiculent
en la masquant une richesse de sens qui ne devrait tre communique aux profanes que
parcimonieusement, par le truchement exclusif des interprtes quils prtendent tre.
Pourquoi interroger le jugement selon lequel la discontinuit pistmologique entre
symbole et mtaphore ne serait quapparente? Cest que, lpoque mme o il sintressait au
mode dexpression symbolique, il nchappait nullement Ricur que lunivers des symboles,
comme celui des mythes qui sont une expression discursive plus dveloppe des premiers , est
htrogne, peupl de constellations figuratives non quivalentes dun point de vue smantique.
Il ne sest jamais fait faute de souligner que, trs tt, sa lecture dHenri de Lubac la rendu attentif
aux dissemblances, aux effets limitatifs et potentiellement correcteurs exercs sur une
constellation smantique par dautres, plus ou moins voisines. A ce propos, comment ne pas
prter la plus grande attention certaines des pages de La symbolique du mal o lauteur sattache
corriger la lecture simpliste et plus encore fautive quon pourrait tre tent de faire de lnonc
kantien fameux: le symbole donne penser, en y voyant la justification dune attitude de
rception passive, hostile toute initiative en matire dinterprtation! Dans les pages en
question, lhermneute souligne limportance du travail de linterprtation et des rorganisations
du dicible disponible quil rend possible. Il insiste sur certaines rencontres historiquement
dcisives, celles qui ont dj eu lieu entre sources grecques et hbraques de la pense, en
particulier, mais souligne que dautres, que rien nautorise juger impossibles12, pourraient avoir
lieu dans un avenir plus ou moins prochain. De mme met-il laccent sur les relations que ne
serait-ce que dun point de vue mthodologique nous avons intrt entretenir avec ce quon
peut nommer le champ symbolique, un champ qui souvre et se transforme au gr mme des
relations que nous entretenons avec lui, relations en profondeur, relations latrales et
relations davant en arrire.
Comment, compte tenu de ces propos et de limportance reconnue aux travaux de De
Lubac sur lexgse mdivale, ne pas laisser pour le moins ouverte, en bonne mthode,
lhypothse que, dans le domaine mme de lhermneutique biblique, si souvent dcrie, on a pu
faire preuve de plus de discernement critique que certains historiens contemporains des
religions? On songe videmment Eliade, propos duquel Ricur crit que, du fait de sa
dmarche antihistoriciste, sa conception structurale tait comme touffe par une obsession
presque idologique: lopposition sacr/profane. Du coup, la diversit des figures du sacr tait
comme crase par une sorte de monotonie.13
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
97
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
98
Gilbert Vincent
lexcs des gestes narrs lexpression directe de lexcellence du mode de vie auquel sont censs
appels les meilleurs dentre les chrtiens. Lhypothque est celle dune morale thonomique,
la rfrence normative celle-ci tant destine dsigner les meilleurs, cest--dire, aussi bien, les
plus disposs sy soumettre: tonnante consquence dune lecture litiste qui, refusant aux gens
ordinaires laccs direct aux rcits bibliques les plus populaires, sempressait, au nom dune
comptence particulire au dchiffrage et dune connaissance de lordre cosmo-thologique, de
transformer ces rcits en allgories!
Songeant la notion de dialogisme dfendue par Bakhtine, il nous parat possible de
soutenir lide que, durant de longs sicles, la lecture traditionnelle de ces micro-rcits
populaires que sont les paraboles est alle de pair avec une modification subreptice du statut de
leurs noncs, modification destine en faire la matire premire doprations dallgorisation.
Prcisons brivement: tout se passait, dans lesprit des interprtes dalors, comme sils se
devaient dallgoriser afin dcarter le risque une forme de disgrce majeure, leurs yeux que
les noncs bibliques ne paraissent manquer de teneur de vrit. Aussi se devait-on de puiser
dans le savoir ecclsial disponible les vrits, supposes immanentes lensemble du corpus
biblique, susceptibles de sajouter au sens obvie de chacune dentre elles. Ctait se livrer une
sorte de transmutation dnoncs exotriques en noncs sotriques; ctait confirmer par l-
mme lobligation institutionnelle de retrouver dans le lu la prdfinition de ce quon tait tenu
de lire, donc aligner le sens immanent un texte particulier sur une ou plusieurs Vrits
surplombante(s) correspondant, par dfinition, au contenu que lon est cens attendre de paroles
rvles, chacune la hauteur, quant son contenu doctrinal et moral, de son surminent
Auteur. Lallgorisation, dans cette perspective, tmoigne trs probablement dune forme
marque de doctisme: le bas corps du Christ ou corps scripturaire ne prsenterait quune
apparence de bassesse. Ce serait donc une faute majeure de sarrter cette apparence et de se
priver ainsi de la possibilit dy dcouvrir, masque, lexpression de lindiscutable minence de la
Vrit et de son Auteur divin. Autrement dit, en des termes plus ou moins directement inspirs
de Bakhtine: il faut, du point de vue doctique de lallgorisme, que le haut sauve le bas. Mais
sil le faut, nest-ce pas afin que, solennellement averti de sa faiblesse, le soi disant bas ne songe
pas mettre en cause, tout la fois, le discrdit qui le frappe et lvidence, sinon le prjug de la
hauteur, lieu o est cens sexercer le pouvoir de dfinition du sens doctrinal et moral? Autant
dire que le message des paraboles ne saurait scarter de celui dont la thologie ou le Magistre se
rservent la garde. Ds lors, rien, et surtout pas ltranget de la forme des paraboles, ne saurait
attester lexistence dun genre littraire parabolique, genre part entire diffrant des autres genres
bibliques, lexistence dune modalit de sens ct dautres, voire en concurrence avec elles: cette
tranget serait une marque dinfirmit, elle signalerait quon a affaire un genre mineur,
presque un non genre dont, en raison de sa bizarrerie, chaque fragment exigerait le secours
mta-interprtatif de la doctrine; laquelle aurait russi, seule, saffranchir des limites de tout
genre littraire particulier, russi se dbarrasser de toute marque, non seulement rhtorique
mais encore potique.
Lmergence de lexgse a eu pour effet de bouleverser la topique voque linstant,
celle dune Vrit ingalement distribue entre genres et diffrents niveaux de discours et qui se
jouerait du sens propre de chacun: la diffrence qui compte le plus, au regard de lexgse, nest
plus verticale, ontologique, hirarchique et hirarchisante; elle est horizontale, smantique. Ds
lors que la prtention de la thologie et, surtout, de la doctrine officielle tre la cl de vote de
ldifice ecclsial est, sinon ouvertement rcuse, du moins contourne par lexgse, le biblique
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
99
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
100
Gilbert Vincent
dornement de discours ou de renforcement du pouvoir persuasif de lnonciation? Mais il fallait
faire davantage, au regard de lomniprsence du mtaphorique dans le langage biblique: il fallait
viter le risque que, emports et enchants par la mtaphore, les lecteurs ne projettent dans les
livres sacrs leurs inventions dbrides, fruit dune imagination drgle. Il fallait que, par
lentremise de lanalogie, le sceau de la doctrine servt dterminer le degr de conformit, donc
de recevabilit, des diverses interprtations scripturaires mises en avant.
Avant de prciser quel fut lapport de Thomas dAquin, Umberto Eco sarrte sur celui
du Pseudo-Denys et conclut ainsi: il ny a pas de place, dans la thologie symbolique [de ce
dernier], pour une thologie de la mtaphore et tant pis. Cette position entrane nanmoins une
certaine confusion du point de vue cognitif. En effet, si nous sommes assurs par la foi que Dieu
est Bont et Beaut, en revanche nous ne savons pas de quelle manire il possde
suressentiellement ces proprits. Autrement dit, soit nous le savons par illumination et science
secrte, soit nous devons limaginer vaguement en partant de nouveau des proprits des choses.
Problme ajoute lauteur que Thomas21 aperoit trs bien lorsquil extrait prcisment de ces
pages dionysiennes lide dune connaissance par analogie: dune certaine manire, prout
possumus, selon notre proportion nous devons nous lever des choses terrestres la connaissance
de la cause premire. Suit une question cruciale: Pouvons-nous dire alors de cette connaissance
quelle nest que mtaphorique?22
Le smiologue ne manque toutefois pas dobserver que la connaissance de la cause
premire est une connaissance du fait de son existence, non du comment de celle-ci. Pas plus que
la mtaphore, qui souligne seulement la qualit des effets de laction de Dieu23, lanalogia entis
ne permettrait au thologien-philosophe de dcouvrir plus, autre chose que ce quil savait dj
par la foi.24 Le smiologue conclut que lanalogie ne tient pas les promesses quon plaait en elle:
Les discussions sur lanalogie, quelles quelles soient, ne font que rpter que nous pouvons
prdiquer de Dieu la Bont, la Vrit, la plnitude de lEtre, lUnit, la Beaut, mais rien de plus.
Lanalogie ne peut donc voir le jour que dans une culture qui assume dj que Dieu est Vrit,
Unit, Bont et Beaut. Cest justement ce drame, lorigine dailleurs de sa faiblesse, qui
explique que la valeur cognitive de lanalogia entis soit infrieure celle dune bonne
mtaphore.25 Reprenant un qualificatif cher Ricur, nous dirions volontiers, quant nous, que
lanalogie, qui devait domestiquer la mtaphore, na pas eu raison fort heureusement! de son
caractre sauvage, irruptif, dit parfois lhermneute. Ce qui relance linterrogation: do
vient que ce dernier tienne tant faire place lanalogie in divinis et que, loin, comme Eco, den
signaler les (fausses) promesses, il paraisse prs de lui attribuer la puissance heuristique quil
reconnat la mtaphore? Nous reviendrons tout la fin sur cette question dlicate. Pour lheure,
quil nous suffise, fort de lexemple du smiologue, daffirmer quil nest nullement illgitime de
sinterroger sur ce que devient la mtaphore dans lanalogie, et de prciser que mme si lon
devait acquiescer ses conclusions et retirer lanalogie une grande part de son crdit cognitif
traditionnel, rien pour autant ne nous autoriserait discrditer, comme sil sagissait avec elles
dune simple transposition, les analyses consacres par Ricur la mtaphore. Celles-ci,
affirmerons-nous, ne doivent quasi rien lanalogie, prise dans son acception thologique. Elles
sont le fruit dune laboration dialogique spcifique dans laquelle cest la linguistique, et non la
thologie, qui sert de guide la philosophie.
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
101
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
102
Gilbert Vincent
Comme souvent, Alain crit des choses simples, trs simples sans tre jamais simplistes.
Tout dabord, il admet quil y a rvolution chrtienne, et il prcise quelle consiste refuser
toute assimilation de lesprit la nature et la puissance: Le nouveau dieu, crit-il, est faible,
crucifi, humili28. Il note que cette rvolution a pour vecteur les plus tonnantes
mtaphores.29 Dans ce contexte, il rappelle que la religion a besoin daide. Ce quelle dit est []
obscur. Je ne crois pas cest encore Alain qui parle que la pense moderne ait mieux faire
qu commenter le christianisme et en interprter le mtaphorique langage. Lide chrtienne,
cest la valeur absolue des consciences, qui pose en mme temps lgalit et la charit.30 La
consonance de certains de ces propos avec ceux de Ricur paratra plus frappante encore quand
on aura remarqu quAlain dfinit les religions comme des commencements de pense,
prcieux par cela mme, cependant que lhermneute reconnat comme lautre privilgi, non la
thologie, dont le discours spculatif ressemble trop proche celui de la philosophie, mais
diverses formes plus sauvages de discours. Alain crit ceci, qui ne saurait choquer le lecteur de
Ricur: Je ne vais pas chercher la pense religieuse dans les thologiens, qui sont des arrangeurs
[]. Cest souvent la partie la plus ancienne et la plus sauvage des religions qui est la
meilleure.31 Le propos na rien daccidentel puisquil ajoute ceci, peu aprs: Rflchir sur les
textes des penseurs, cela est bien; mais rflchir sur la commune pense, cest--dire sur les
contes, fables et mythes, cest encore plus sr, pourvu que lon sinspire non pas des
commentateurs mais des uvres muettes elles-mmes.32
Alain na de cesse de rappeler que rien nest plus tranger lesprit que la mentalit
mercenaire: Cest le roi de chair qui vous rend au centuple ce que vous avez perdu son service.
Mais Jsus ne rend rien de ce quon a laiss pour le suivre: il paie par ceci quon na plus la
moindre envie de retrouver ce quon a laiss []. Lesprit ne sera pas pay en monnaie
trangre.33 En mme temps, songeant cette fois au signifiant, il souligne que ce nest pas
lhistoire savante, qui dlivre le sens de la lgende, mais la ferme volont dinterroger le texte,
qui ne parlera pas de lui-mme34, ainsi quune volont gale de se laisser interroger par lui. De
cette pratique de lecture destine irriguer le vivre, changer tout dabord le systme des
prfrences axiologiques du lecteur, Alain nous donne deux exemples, remarquables de
concision: linterprtation de la maldiction du figuier strile et, tout dabord, celle de la parabole
de louvrier de la dernire heure.
Me voil donc en prsence de ce salaire injuste, de ce salaire qui nest pas compt selon
le travail. On ne veut certes pas me faire entendre que tout est faveur en ce monde, car cela je le
sais, et chacun le sait. Cette maigre corce doit tre dchire. Mais quest-ce que je vais trouver?
[] Que lexact change et le compte des services est absolument sans valeur []. Je dis que la
valeur nest point dans le calcul des plaisirs et des peines []. Quelles sont les valeurs vraies?
Assurment le mouvement libre et, comme dit Descartes, gnreux. On le sait, la rfrence
Descartes et la gnrosit est prsente chez Ricur galement. Et, plus encore, la rfrence au
schme paulinien du combien plus , prfiguration dune toute nouvelle conomie
symbolique, annonce du passage dune logique de lquivalence, du donnant-donnant, une
logique de la surabondance. Mais la vie selon la gnrosit devrait-elle supplanter la vie
ordinaire, avec ses calculs et ses placements usuraires? Certainement pas, aux yeux dAlain,
qui invite le lecteur composer la vacillante et mprisable ide de la justice vraie [dcouverte
dans la parabole] avec la ncessit extrieure.35 Ricur, on le sait, dira des choses trs
semblables dans Amour et justice: la parabole donne voir un comportement inattendu,
transgressif, une manire de faire, dagir, qui droge aux rgles usuelles. Elle ressemble donc la
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
103
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
104
Gilbert Vincent
fois me pique mieux parce que je mirrite dabord devant linjustice vidente. Si ce nest pas la
saison des figues, le figuier tait dans son droit.37
Quy aurait-il donc comprendre, malgr tout, sinon que ce figuier nous reprsente, dans
la mesure o, nous retranchant derrire une dfinition sociale, bureaucratique de nous-mmes,
nous fixons des bornes troites lexercice de notre gnrosit, arguant que cest notre droit de
procder ainsi? Mais, interroge Alain, si nous nous avisons de parler comme le figuier, en mettant
en avant notre bon droit, sommes-nous encore hommes? Et que serait une rpublique
compose de semblables figuiers, o tous saccorderaient penser: Tant pis pour ceux qui
auront soif hors de saison!? Quelle serait donc, en fin de compte, la leon de la parabole?
Serait-ce que le figuier doit porter du fruit en toute saison? Si lon croit pouvoir conclure ainsi, on
commet une double erreur: celle de tout littralisme, dune part, celle dune confusion entre
vrit naturelle et vrit thique, de lautre; lune et lautre confondues, ajouterons-nous,
dans un concept quivoque de surnature. Voici au contraire le parti interprtatif que prend
Alain: ce que je vais croire, crit-il, cest que lhomme doit porter du fruit en toute saison; car
lhomme est celui qui surmonte les saisons. La guerre est comme une saison de folie. Qui ne la
veut? Jai entendu tous ces figuiers figure dhomme [apprcions au passage lallitration!] qui
disaient que ce ntait pas la saison dtre bon ni juste, ni mme davoir du bon sens.38 Cette
dcision interprtative, Alain le prcise, procde dun pari en faveur du sens. Faire vu de
comprendre, y penser avec une sorte dobstination fonde sur une confiance dans le signe
humain, cest affaire de jugement, de responsabilit interprtative; faute de quoi, croire ne serait
que suivisme. Au contraire, rvlation le mot est bien dAlain cest passage tout intrieur de
lnigme la solution []. Ceux qui disent quil faut croire sans comprendre ne disent rien du
tout. A nouveau, interrogeons-nous: y a-t-il tellement loin, entre ce type de critique de lusage
du terme de rvlation et celle dveloppe par Ricur dans Hermneutique de lide de
rvlation, tude dans laquelle laccent est mis sur le rvlant textuel en tant quil rvle au
lecteur son humanit, le force dcouvrir ce que souvent il ne peut ni ne veut reconnatre de lui,
de ses incapacits comme de ses capacits bien davantage que sur quelque rvl prtendu?
On aura not lheureuse formule, chez Alain: lhomme est celui qui surmonte les saisons.
On ne songera pas retourner contre lui le type de lecture littraliste une caricature de lecture,
en ralit contre lequel il vient de nous mettre en garde: ce nest donc pas laune de
considrations cologiques de bon sens quil convient de juger de la pertinence de lnonc.
Lintention de lauteur, ici comme ailleurs, est de mettre en cause la paresse desprit; celle par
exemple qui consiste se rsigner la guerre, considre comme faisant partie de cycles
invitables, comme relevant de lois aussi dterminantes et invincibles que les lois naturelles. A la
lumire du commentaire de Ricur sur la porte eschatologique des paraboles, nous pouvons
dire quAlain sait faire droit la pointe thique de celles-ci, la valeur de lintempestif qui
drgle la premire des formes immanentes aux pratiques humaines, ordonnes selon lordre de
succession du temps physique. Leschatologique ne dsigne pas un temps daprs le temps
historique; si ctait le cas, on en ferait lquivalent temporel dune surnature. Leschatologique,
comme peut-tre le messianique selon Walter Benjamin, cest, ainsi que lcrivaient Hannah
Arendt et Ricur aprs elle, la force dinterrompre des processus, le dsir le plus vif de
commencer et de recommencer non de commander; cest le courage de rsister lusure: celle
du langage, grce la mtaphore, celle de nos normes thiques de jugement, grce la
parabole. Non, le juste nest pas la ratification de ce qui se fait, mais ce que lon est appel faire,
ce dont lurgence bouleverse le tempo, lagenda, cest--dire lordonnancement convenu des choses
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
105
La tentation de lanalogie
En conclusion, rien sans doute ne vaut cette citation extraite de ltude Le soi dans le
miroir des Ecritures. Cette citation non seulement tmoigne de limportance que Ricur a
toujours reconnue aux paraboles, mais encore nous donne beaucoup penser:
Le Royaume de Dieu: cest l lexpression-limite dune ralit
qui chappe toute description. Le Royaume est signifi
seulement par la sorte de transgression linguistique quon voit
luvre dans les paraboles, dans certains proverbes et certains
paradoxes du discours eschatologique []. En tant que fables,
les paraboles sont de simples historiettes porte mtaphorique:
Le Royaume de Dieu est semblable . Mais il nest pas de
parabole qui nintroduise dans lintrigue un trait insolite,
disproportionn voire scandaleux: un grain de bl qui en produit
cent, un grain de snev qui donne un arbre gigantesque, un
ouvrier de la dernire heure aussi bien pay quun journalier
ordinaire, un invit jet la porte parce quil n pas revtu lhabit
de noce, etc. Cest par cette sorte dextravagance que le sens
littral est dport vers le sens mtaphorique insaisissable.
Lextraordinaire perce lordinaire et pointe vers lau-del du
rcit. La mme transgression de sens sobserve dans les
proclamations eschatologiques o Jsus nadopte la forme
commune en son temps que pour subvertir le calcul [].
Paradoxes et hyperboles dissuadent lauditeur de former un
projet cohrent et de faire de sa propre existence une totalit
continue.40
En concluant ainsi, toutefois, on ne saurait passer entirement sous silence la difficult signale
dentre de jeu, difficult qui correspond la prsence plutt dtonante de la rfrence
lanalogie dans lhermneutique ricurienne du langage religieux, rfrence que lon dcouvre
la suite de notre prcdente citation. Celle-ci, en raison de laccent mis sur la proprit de maintes
expressions religieuses dtre des expressions-limite, ne devait-elle pas suffire mettre en
quelque sorte entre parenthses et ly tenir le projet dat dune thologie dont le cadre onto-
thologique a largement t faonn par lanalogia entis? Comment ne pas parler, ici comme
propos du genre philosophie de lhistoire et de sa matrice, la thodice, de perte de
crdibilit, et ne pas juger, aprs Ricur, quil sagit dun vnement de pense certainement
irrversible?41 Force est de le reconnatre: lanalogia entis, qui parat peu compatible avec lide
mme dexpression-limite puisque la limite, avec lanalogie, ne parat pas capable de contenir
longtemps limpetus spculatif dune intelligence trempe dans lallgorse, fait retour dans
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
106
Gilbert Vincent
ltude prcite. Retour discret, assurment, puisquil nest fait mention que de lanalogie, sans
que soit davantage prcise sa porte ontologique, et quen outre cette mention saccompagne
dune rfrence la via negativa. Il nempche: sous le simple appareil dune conjonction de
lanalogie et de la ngation42, cest bien lanalogia entis qui se profile, et avec elle la fameuse voie
dminence43; une voie - une impasse probablement -, qui a longtemps encourag la thologie
viser une intelligence totale de la ralit. Ajoutons cependant que, aussitt aprs, la rserve
exprime concernant lusage de lexpression de Tout Autre caractristique de ce qu on a
appel thologie dialectique pourrait jeter quelque lumire sur la difficult qui nous occupe:
Ricur naurait-il pas craint que, par excs de dialectique, la thologie nabandonnt son assiette
symbolique et ne devnt aphasique? Henri Dumry, son collgue Nanterre, a crit un bref
ouvrage: La foi nest pas un cri. Cri ou aphasie, nest-ce pas, dans un cas comme dans lautre,
refuser de faire crdit la donne symbolique du corpus biblique? Telle parat tre la crainte de
lhermneute: que laccent mis sur le tout autre ne nous dissuade de prendre au srieux les
tmoignages littraires qui le visent et dassumer, face eux, notre tche dinterprtes. Mais, pour
conjurer cette crainte, faut-il faire courir laventureuse et gracieuse mtaphore le risque, ou ne
serait-ce que le semblant de risque, de lier son sort celui de la pesante et peut-tre infconde
analogie?
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
107
Ces points concernent la smantique de la mtaphore et avant tout le rapport entre mtaphore et
ralit.
Cette tension, on le sait, rsulte de lcart entre le contenu de lnonc attendu normalement, et celui
de lnonc dviant, potentiellement mtaphorique.
10
11
12
13
14
15
16
Formule utilise par Ricur propos du pardon, dont le philosophe dit, dans La mmoire, lhistoire,
loubli (Paris: Editions du Seuil, 2000) quil est difficile, mais non impossible.
17
18
19
20
Le fait de stre intress au langage religieux et la thologie semble suffire, ses yeux, attribuer
lhermneute
une
comptence
thologique
inversement
proportionnelle
sa
comptence
philosophique.
21
Umberto Eco, De larbre au labyrinthe. Etudes historiques sur le signe et linterprtation (Paris: Le livre
de Poche, 2010). Le troisime chapitre, qui retient ici notre attention, a prcisment pour titre: De la
mtaphore lanalogia entis
22
23
24
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
108
Gilbert Vincent
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
Paul Ricur, Le soi dans le miroir des Ecritures in Amour et justice (Paris: Points, 2008), 70-71.
41
42
Ricur, Amour et justice, 72. Citons lintgralit du passage dont nous navons retenu que des bribes:
La parabole constitue un abrg de la nomination de Dieu. Par sa structure narrative, elle rappelle le
tout premier enracinement du langage de la foi dans le rcit. Par son procs mtaphorique, elle rend
manifeste le caractre potique du langage de la foi dans son ensemble. Enfin, en joignant mtaphore
et expression limite, elle fournit la matrice mme du langage thologique, en tant que celui-ci conjoint
lanalogie et la ngation dans la voix dminence (Dieu est comme Dieu nest pas ). Cette dernire
remarque nous conduit exprimer une certaine rserve concernant lusage de lexpression de Tout
Autre pour dsigner Dieu. Elle a servi demblme ce quon a appel thologie dialectique.
43
tudes Ricuriennes / Ricur Studies
Vol 3, No 2 (2012) ISSN 2155-1162 (online) DOI 10.5195/errs.2012.150 http://ricoeur.pitt.edu
109