Littérature Collège Lycée
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volution de la critique
sociale, du XVIIe sicle
au XVIIIesicle
Sommaire
Introduction
1. la dcouverte des genres de lloquence
Fiche mthode: Convaincre et persuader
Corrigs des exercices
2. L
a critique sociale au temps du classicisme
Fiche mthode: Types de textes et formes de discours
Fiche mthode: Les genres littraires
Corrigs des exercices
3.
Bas les masques:
la satire du pouvoir lpoque des Lumires
Corrigs des exercices
4. Le combat contre lobscurantisme
Fiche mthode: Les registres satirique, polmique et oratoire
Corrigs des exercices
Squence 2 FR20
Objets
dtude
Genres et formes
de largumentation,
du XVIIe sicle au
XVIIIesicle
V
oir comment romans et nou-
Squence 2 FR20
groupement de textes du
Un
Introduction
Textes et
uvres
Objectifs
Une
lecture cursive : Laffaire du chevalier de La
Barre, Voltaire
Chapitre 3
Bas les masques: la satire du pouvoir
lpoque des Lumires
A. L a critique politique et religieuse
Texte 3 M
ontesquieu, Lettres Persanes
B. E
ntranement lcrit : la dissertation (1)
Corrigs des exercices
Chapitre 4
Le combat contre lobscurantisme
Point histoire littraire: la philosophie des Lumires
A. Une arme: la littrature polmique
Texte 4 Voltaire, Candide
B. La persuasion par le registre oratoire
Texte 5 Voltaire, Prire Dieu
C. Entranement lcrit : la dissertation (2)
Fiche mthode: Les registres satirique,
polmique et oratoire
Lecture cursive: Voltaire et laffaire du chevalier
de la Barre
Bilan : Entranement lcrit: rdaction guide
dune dissertation (3)
Corrigs des exercices
Introduction
Lloquence est lart de bien parler: cest elle qui rend un discours
ou un orateur persuasif. Cette capaCest donc ce thme de la critique sociale que nous
cit de persuader et de convaincre,
aborderons travers cette squence, afin de comqui pousse lauditeur ou le lecteur
prendre quels sont les procds littraires qui sont
adhrer aux propos de lauteur ou
la disposition des auteurs dans leurs combats, et
de lorateur, peut tre mise au sercomment ils ont recours lloquence prcdemment
voque pour mettre le lecteur de leur ct.
vice de causes ou dengagements
dont les enjeux varient selon les
poques. Bien souvent, les crivains ragissent des faits de socit ou un tat gnral de la socit
qui les choquent, les rvoltent, et les incitent les dnoncer.
Objectifs de la squence
Squence 2 FR20
Prsentation de la squence
Un chapitre de dcouverte et trois grandes parties vous prsenteront
successivement : les diffrents genres de lloquence ; la critique sociale au temps du classicisme, qui sexprime entre autres par le rcit (ici
une fable) et au thtre; la satire du pouvoir et de la religion au temps
des Lumires; et le recours aux textes polmiques et oratoires comme
arme contre lobscurantisme. Les textes vous permettront de saisir les
diffrences entre divers registres employs dans les textes argumentatifs
- polmique, satirique, oratoire -, et de travailler sur la distinction entre
convaincre et persuader. Trois fiches mthode vous sont fournies
au cours de la squence sur ces thmes, auxquelles vous pouvez vous
rfrer tout moment, ainsi quune quatrime sur le sicle des Lumires.
Plusieurs lectures vous seront proposes en plus des textes tudis en
lecture analytique dans les exercices autocorrectifs, ainsi que des analyses dimages.
Dans loptique de la prparation lpreuve anticipe de franais, un
exercice autocorrig vous orientera peu peu vers la dissertation.
Vous aurez enfin lire en lecture cursive intgrale Laffaire du chevalier
de la Barre de Voltaire, en dition Folio (n4848), que vous devez donc
penser vous procurer ds maintenant. Nhsitez pas en commencer
la lecture rapidement. Cette lecture sera accompagne par un questionnaire de comprhension.
Squence 2 FR20
Chapitre
1
Dfinitions
la dcouverte des
genres de lloquence
Lloquence est lart de bien parler, de persuader par la parole (du latin,
eloquentia : facilit sexprimer, loquence, talent de la parole). tre
loquent implique de matriser la rhtorique et ses subtilits.
La rhtorique est quant elle lart de dire quelque chose quelquun, lart
dagir par la parole sur les opinions, les motions, les dcisions de linterlocuteur. Venant du grec ancien rhtorik (technique, art oratoire), elle est
aussi la discipline qui prpare lexercice de cet art, en apprenant composer des discours appropris leurs fins. Elle constitue donc loutil de
lloquence. Il arrive que les deux termes soient employs lun pour lautre.
Document
Dfinition de la rhtorique
I. La rhtorique est la facult de considrer, pour chaque question, ce
qui peut tre propre persuader. Ceci nest le fait daucun autre art, car
chacun des autres arts instruit et impose la croyance en ce qui concerne
son objet: par exemple, la mdecine, en ce qui concerne la sant et la
maladie ; la gomtrie, en ce qui concerne les conditions diverses des
grandeurs ; larithmtique, en ce qui touche aux nombres, et ainsi de
tous les autres arts et de toutes les autres sciences. La rhtorique semble,
sur la question donne, pouvoir considrer, en quelque sorte, ce qui est
propre persuader.
Aristote, Rhtorique, chapitreII.
Squence 2 FR20
Dans le cadre dun discours, donc dun texte oral, on rajoutera la memoria (la capacit apprendre par cur un discours), et lactio (lart de bien
rciter le discours).
2 Un texte peut avoir trois finalits. Il peut:
E
le genre dlibratif, que lon emploie dans les assembles politiques;
il sagit le plus souvent de rpondre la question que faire?: lorateur conseille ou dconseille sur les questions portant sur la vie de la
cit ou de ltat. Ce type de discours a donc pour but de dcider des
dcisions prendre et on y discute de leur ct utile ou nuisible. Cest
un discours orient vers laction.
le genre pidictique, qui est celui de lloge et du blme. Il sagit souvent de discours dapparat, comme les oraisons funbres.
Squence 2 FR20
Document
Voici la prsentation que fait Aristote dans sa Rhtorique des trois
genresde discours, et de leurs objectifs:
III. Il y a donc, ncessairement aussi, trois genres de discours oratoires:
le dlibratif, le judiciaire et le dmonstratif [cest--dire lpidictique].
La dlibration comprend lexhortation et la dissuasion. En effet, soit que
lon dlibre en particulier, ou que lon harangue en public, on emploie
lun ou lautre de ces moyens. La cause judiciaire comprend laccusation
et la dfense: ceux qui sont en contestation pratiquent, ncessairement,
lun ou lautre. Quant au dmonstratif, il comprend lloge ou le blme.
()
V.Chacun de ces genres a un but final diffrent; il y en a trois, comme
il y a trois genres. Pour celui qui dlibre, cest lintrt et le dommage;
car celui qui soutient une proposition la prsente comme plus avantageuse, et celui qui la combat en montre les inconvnients. Mais on emploie aussi, accessoirement, des arguments propres aux autres genres
pour discourir dans celui-ci, tel que le juste ou linjuste, le beau ou le
laid moral. Pour les questions judiciaires, cest le juste ou linjuste; et ici
encore, on emploie accessoirement des arguments propres aux autres
genres. Pour lloge ou le blme, cest le beau et le laid moral, auxquels
on ajoute, par surcrot, des considrations plus particulirement propres
aux autres genres.
Aristote, Rhtorique, chapitresIII etV.
Exercice autocorrectif n1
Matriser les trois genres de discours et leurs vises
partir du point 3 et de ce texte dAristote, vous rcapitulerez les objectifs possibles des orateurs par genre de discours. Sur quels critres
de valeurs ces dmonstrations oratoires sorganisent-elles?
Veuillez vous
reporter la
fin du chapitre pour
consulter le
corrig de
lexercice.
Genres de discours
Critres de valeurs
genre dlibratif
genre judiciaire
genre pidictique
Squence 2 FR20
Exercice autocorrectif n2
Reconnatre les genres de lloquence
Vous trouverez ci-dessous trois textes: quel genre de discours appartiennent-ils? Pourquoi? Utilisez ce que vous venez dapprendre sur la
rhtorique pour rpondre.
Vous observerez galement les principaux procds rhtoriques utiliss
pour toucher lauditoire et le convaincre. Utilisez la bote outils (fiche
n11) et les figures de style prsentes ci-dessous.
E
Squence 2 FR20
Squence 2 FR20
tingu que la princesse dont je parle ? Tout ce que peuvent faire non
seulement la naissance et la fortune, mais encore les grandes qualits
de lesprit, pour llvation dune princesse, se trouve rassembl et puis
ananti dans la ntre. De quelque ct que je suive les traces de sa glorieuse origine, je ne dcouvre que des rois, et partout je suis bloui de
lclat des plus augustes couronnes. () Mais cette princesse, ne sur le
trne, avait lesprit et le cur plus hauts que sa naissance. Les malheurs
de sa maison nont pu laccabler dans sa premire jeunesse; et ds lors
on voyait en elle une grandeur qui ne devait rien la fortune. Nous disions avec joie que le ciel lavait arrache comme par miracle des mains
des ennemis du roi son pre, pour la donner la France: don prcieux,
inestimable prsent, si seulement la possession en avait t plus durable! Mais pourquoi ce souvenir vient-il minterrompre? Hlas! nous
ne pouvons un moment arrter les yeux sur la gloire de la princesse sans
que la mort sy mle aussitt pour tout offusquer de son ombre. () Elle
croissait au milieu des bndictions de tous les peuples et les annes ne
cessaient de lui apporter de nouvelles grces.
Veuillez vous reporter la fin du chapitre pour consulter le corrig de lexercice.
Conclusion
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Squence 2 FR20
Fiche mthode
C onvaincre et persuader
Chapitre
Fiche mthode
Exercice autocorrectif n3
Chacun des deux textes ci-dessous fait appel soit davantage la raison,
soit davantage aux sentiments: attribuez le convaincre et le persuader chaque extrait. Expliquez votre choix, sans oublier danalyser
le style et la composition des extraits.
a) P
ierre Bayle (1647-1706), De la tolrance
(Commentaire philosophique)
Prcurseur avec Fontenelle de lesprit des Lumires, Bayle sattache
dnoncer la superstition et rclamer la libert de conscience. En conjuguant une grande rudition et des commentaires souvent ironiques, il a
tabli une mthode et un style dont les Encyclopdistes du XVIIIesicle
se souviendront.
Si chacun avait la tolrance que je soutiens, il y aurait la mme concorde
dans un tat divis en dix religions, que dans une ville o les diverses
espces dartisans sentresupportent mutuellement. Tout ce quil pourrait y avoir, ce serait une honnte mulation qui plus se signalerait en
pit2, en bonnes murs, en science; chacun se piquerait de prouver
quelle est la plus amie de Dieu, en tmoignant un plus fort attachement
la pratique des bonnes uvres ; elles se piqueraient mme de plus
daffection pour la patrie, si le souverain les protgeait toutes, et les tenaient en quilibre par son quit. Or il est manifeste quune si belle
mulation serait cause dune infinit de biens; et par consquent la tolrance est la chose du monde la plus propre ramener le sicle dor, et
faire un concert et une harmonie, de plusieurs voix et instruments de
diffrents tons et notes, aussi agrables pour le moins que luniformit
dune seule voix. Quest-ce donc qui empche ce beau concert form de
voix et de tons si diffrents lun de lautre? Cest que lune des deux religions veut exercer une tyrannie cruelle sur les esprits et forcer les autres
2. = qui ferait preuve de la plus grande pit
Squence 2 FR20
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lui sacrifier leur conscience; cest que les rois fomentent cette injuste
partialit, et livrent le bras sculier aux dsirs furieux et tumultueux
dune populace de moines et de clercs: en un mot tout le dsordre vient
non pas de la tolrance, mais de la non-tolrance.
b) C
rbillon fils (1707-1777),
Lettres de la marquise de M*** au comte de R***
Ce roman pistolaire3 une voix donne entendre la passion de la marquise pour le comte, aprs quelle eut tent dy rsister. Elle tente ici de
mettre fin leur relation naissante.
Ayez piti de ltat o je suis. Si vous maimez, respectez-le; ne me
revoyez plus: que mon exemple vous serve dtruire un amour qui ne
peut avoir que des suites funestes pour moi. Envisagez les malheurs qui
seraient insparables de notre commerce4: la perte de ma rputation,
celle de lestime de mon mari: peut-tre pis encore. Quelque purs que
soient nos sentiments, car je veux bien croire que les vtres sont
conformes aux miens, croyez-vous quon leur rende justice, et quon ne
saisisse pas, avec malignit, loccasion de me perdre dans le monde?
(.) Lunique moyen de me dlivrer de tant de craintes est de mloigner
de vous; tant que nous serons dans le mme lieu, je ne serai pas sre de
moi. Aidez-moi, je vous en conjure, vaincre ma faiblesse. Vous voulez
que je vous revoie encore! dois-je my exposer? Ce rendez-vous aura-t-il
le succs du dernier? Aurais-je encore assez de fermet pour vous dire
que je vous quitte? Si vous men croyiez, vous ne me verriez pas. () Je
serai midi chez Madame de *** ; que de larmes cette journe me
cote!.
Veuillez vous reporter la fin du chapitre pour consulter le corrig de lexercice.
3. Un roman pistolaire (du latin epistula, la lettre) repose sur un groupement de lettres que senvoient les personnages. Cest uniquement travers ces lettres, et donc selon des points de vue chaque fois diffrents, que lhistoire
se construit.
4. Commerce est prendre ici au sens de relation
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Squence 2 FR20
Critres de valeurs
genre dlibratif
exhortation
ou dissuasion agir
genre judiciaire
accusation ou dfense
genre pidictique
loge ou blme
Corrig de lexercice n2
a) Le texte de Cicron appartient au genre des discours judiciaires: cest
un rquisitoire contre Catilina, qui met la Rpublique en pril. Ce
genre est caractris par la forte prsence de la premire personne,
qui marque limplication du locuteur, Cicron lui-mme et le Snat,
(serons-nous) et du destinataire, Catilina (abuseras-tu). Cicron accuse directement Catilina de complots, de conjuration,
et mme de planifier des meurtres (son il choisit et dsigne tous
ceux dentre nous quil veut immoler). Il a recours des modalits de
phrases particulires: des questions rhtoriques (Jusques quand
abuseras-tu de notre patience, Catilina? Combien de temps encore
serons-nous ainsi le jouet de ta fureur? O sarrteront les emportements de cette audace effrne?, Tu ne vois pas que ta conjuration reste impuissante, ds que nous en avons tous le secret?, Il
vit? que dis-je?), des exclamations (0 temps! murs!) qui
soulignent son indignation. De mme, il emploie des numrations
sous forme daccumulations (Ni la garde qui veille la nuit sur le mont
Palatin, ni les postes rpandus dans la ville, ni leffroi du peuple, ni
le concours de tous les bons citoyens, ni le choix, pour la runion du
snat, de ce lieu le plus sr de tous, ni les regards ni le visage de ceux
qui tentourent, rien ne te dconcerte?) pour crer un effet damplification caractristique dun texte rhtorique qui cherche toucher les
sentiments de lauditeur, ici lindignation.
b) Le texte de Danton appartient au genre dlibratif: il est prononc
devant lAssemble Lgislative, donc devant une assemble politique; il y est question de prendre une dcision pour sauver la pa-
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Corrig de lexercice n3
a) Le texte de Bayle ressort davantage du convaincre: de fait, lauteur construit particulirement son texte, en faisant appel lart de
la disposition voqu plus haut. Ainsi, il commence par poser
sa thse (Si chacun avait la tolrance que je soutiens, il y aurait la
mme concorde dans un tat divis en dix religions, que dans une
ville o les diverses espces dartisans sentresupportent mutuellement), affirmant que la tolrance est la condition de lharmonie sociale, et non au contraire cause de dsordre. Puis il expose diffrents
arguments (celui de lhonnte mulation entre les religions, celui
de laffection pour la patrie quelles auraient), avant de reprendre
sa thse: la tolrance est la chose du monde la plus propre ramener le sicle dor. Puis il rappelle ce qui soppose laccomplissement de son souhait: Cest que lune des deux religions veut exercer
une tyrannie cruelle sur les esprits et forcer les autres lui sacrifier
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Squence 2 FR20
leur conscience; cest que les rois fomentent cette injuste partialit,
et livrent le bras sculier aux dsirs furieux et tumultueux dune populace de moines et de clercs, et conclue enfin sur un dernier rappel de
la valeur de la tolrance: en un mot tout le dsordre vient non pas
de la tolrance, mais de la non-tolrance. La valeur de largumentation, qui est ici convaincante, tient donc une bonne invention (de
bonnes ides!) et une bonne disposition, mais aussi un style
rhtorique travaill (et voil llocution!): connecteurs logiques
(Or, et par consquent), paralllismes (Cest que, Cest
que ), questions rhtoriques ( Quest-ce donc qui empche ce
beau concert form de voix et de tons si diffrents lun de lautre?).
b) Dans le texte de Crbillon fils, la marquise tente de pousser le comte
ne plus la revoir; elle fait appel certains arguments (elle voque ainsi les risques dune telle relation adultre, les malheurs qui seraient
insparables de notre commerce), mais joue davantage sur les sentiments de piti du comte: elle emploie ainsi le champ lexical de la
supplication ( Ayez piti , je vous en conjure , Aidez-moi ),
amplifie les ventuels risques par le vocabulaire employ ( suites
funestes, les malheurs), use de questions rhtoriques en appelant directement son destinataire (Vous voulez que je vous revoie
encore!), et qui marquent son trouble (dois-je my exposer ?,
Ce rendez-vous aura-t-il le succs du dernier?,Aurais-je encore
assez de fermet pour vous dire que je vous quitte?). Le registre
dominant est celui du pathtique (que de larmes cette journe me
cote!), qui prsente la marquise comme un personnage vulnrable
(ma faiblesse): il sagit dmouvoir le comte par lnonc de la
situation dsespre dans laquelle se trouve la marquise. Le texte est
donc davantage du ct de la persuasion.
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Chapitre
2
A
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1. raye
2. Gille (nom dun personnage populaire des thtres de foire).
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de se prsenter et de parler.
2 Quels sont les arguments du Lopard? Et ceux du Singe?
3 Comment sexplique le succs, de courte dure, du Lopard? Et celui
du Singe?
4 Qui la morale de cette fable vise-t-elle? Sur quels points prcis cette
critique porte-t-elle?
5 Quel rapport entretient le fabuliste6 avec le personnage du Singe?
6 En vous rfrant la premire partie de la squence, diriez-vous que
Squence 2 FR20
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lments de rponse
Recherche pralable
Une fable (du latin fabula : conte , apologue ) est un bref rcit,
lorigine oral, mettant en scne le plus souvent des animaux, ou des
personnages types (une veuve, un berger, deux amis). Le genre est ancien: ainsi sope (environ VIesicle avant J.-C.) crivit des fables, fort
clbres et dont La Fontaine ou Charles Perrault sinspirrent dailleurs
beaucoup. La fable nest pas trs loigne du conte; mais sa forme len
distingue : une fable en effet est compose de deux parties, souvent
spares dailleurs par un espace typographique, et qui sont le rcit luimme (ici, vers 1 25) et la moralit (vers 26 31) quen tire le fabuliste.
La moralit sachve souvent sur une pointe, qui condense le propos
de la fable toute entire, et sadresse plus directement la cible du
texte. La fable est rgulirement en vers (alexandrins ou octosyllabes
lpoque du classicisme dans Le Singe et le Lopard, alternance entre
les deux), mais peut aussi tre crite en prose.
Questions
1 Le narrateur oppose clairement ses deux personnages ds le dbut
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Squence 2 FR20
rite et [sa] gloire (v.4), mais sans donner aucune prcision: le lecteur
ne sait donc pas ce qui lui vaut sa fameuse rputation! Son deuxime
argument est celui de la renomme: Sont connus en bon lieu (v.5).
Le troisime est celui de lintrt royal: le Roi ma voulu voir. Enfin,
il compte tre au centre des regards du fait de sa peau, bigarre,/
Pleine de taches, marquete,/ Et vergete, et mouchete (v.7 9),
cest--dire laspect vari. Tous ces arguments ne reposent que sur
une rputation fonde sur fort peu de choses voire rien! , et sur
une apparence originale qui lui vaut de la curiosit de la part du Roi.
Le Singe au contraire fonde sa capacit de sduction sur sa matrise
de la parole: Car il parle, on lentend (v.21), Arrive en trois bateaux exprs pour vous parler (v.20), et sur sa capacit divertir par
ses talents multiples (il sait danser, baller/ Faire des tours de toute
sorte,/ Passer en des cerceaux).
3 Le Lopard, sil intresse brivement les curieux, ne les retient pas:
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5 Le Singe divertit par ses talents de conteur et damuseur ; il est vif
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La Fontaine nest pas le seul auteur du XVIIesicle critiquer les comportements des grands: La Bruyre sest aussi livr une critique acerbe,
par le biais de portraits, dattitudes en socit qui confinent au ridicule.
Exercice autocorrectif n2
Le portrait critique dun convive insupportable
Lisez maintenant le texte suivant, extrait du chapitreV des Caractres
(1688), intitul De la socit et de la conversation:
Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi; cest un homme universel,
et il se donne pour tel: il aime mieux mentir que de se taire ou de paratre ignorer
quelque chose. On parle, la table dun grand, dune cour du Nord: il prend la
parole, et lte ceux qui allaient dire ce quils en savent; il soriente dans cette
rgion lointaine comme sil en tait originaire; il discourt des murs de cette cour,
des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes : il rcite des historiettes
qui y sont arrives; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu clater.
Quelquun se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement quil dit des choses
qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre
linterrupteur. Je navance rien, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache doriginal: je lai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu
Paris depuis quelques jours, que je connais familirement, que jai fort interrog,
et qui ne ma cach aucune circonstance. Il reprenait le fil de sa narration avec
plus de confiance quil ne lavait commence, lorsque lun des convis lui dit :
Cest Sethon qui vous parlez, lui-mme, et qui arrive de son ambassade.
Les Caractres (1688).
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de La Fontaine?
3 Faites une brve recherche sur lhonnte homme, idal du classicisme7.
La satire au thtre
Texte 2
Molire, Tartuffe, acteIII scne3
Molire, pseudonyme de Jean-Baptiste Poquelin, est le fils dun marchand-tapissier tablirue Saint-HonorParis, et nomm tapissier du roi.
Le18dcembre1637, Jean-Baptiste prte le serment de tapissier royal,
reprenant ainsi la charge de son pre auprs deLouis XIII.Mais en janvier1643, il renonce la charge de son pre. Le 30juin, il signe lacte de
fondation de lIllustre Thtre, sous la direction de Madeleine Bjart, et
se lance dans la carrire thtrale. En1644, la troupe joue en province.
En juillet ils sont de retour Paris et Jean-Baptiste est devenu Molire
et directeur de la troupe. Les pices et les succs vont senchaner : Les
prcieuses ridicules, Lcole des femmes, Dom Juan
Mais Molire se heurta parfois la censure. Ainsi, il crivit trois versions
et mit cinq ans pour avoir enfin le droit, en 1669, de jouer durablement sa
pice Tartuffe. Les dvots en effet, regroups dans la Compagnie du SaintSacrement8, avaient fait pression sur le pouvoir royal et avaient russi la
faire interdire. Molire soutenait cependant que sa pice ne ridiculisait pas
la vraie dvotion, mais dnonait seulement les faux dvots et lhypocrisie religieuse travers le principal personnage deTartuffequi profite,
sous couvert de la fausse vertu religieuse, de la faiblesse des esprits et
prend la direction des consciences.
Le riche Orgon a en effet introduit chez lui un dvot comme directeur de
conscience et voudrait que toute sa maisonne suive les recommandations
de ce saint homme. Il voudrait mme lui donner sa fille en mariage. La
femme dOrgon, Elmire, tente de dtourner Tartuffe dune telle union. Mais
cest dune autre union que rve Tartuffe
7. Rappel: le classicisme est un mouvement littraire, et plus gnralement culturel et artistique, qui se dveloppe
au cours de la seconde moiti du XVIIesicle, en relation avec le rayonnement de la monarchie absolue. Sappuyant sur les valeurs et les modles de lAntiquit grecque et latine, elle est fonde sur la raison, sattache la
mesure, et respecte des codes prcis (par exemple, la rgle des trois units au thtre).
8. La Compagnie du Saint-Sacrement tait une socit catholique fonde en 1627, galement appele parti des
dvots. La Compagnie du Saint-Sacrement est surtout connue par ses attaques duTartuffedeMolire. Outre la pratique de la charit et lactivit missionnaire, elle entendait par la voix de ses fidles rprimer les mauvaises murs.
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ELMIRE
Pour moi, je crois quau Ciel tendent tous vos soupirs,
Et que rien ici-bas narrte vos dsirs.
TARTUFFE
Lamour qui nous attache aux beauts ternelles
Ntouffe pas en nous lamour des temporelles;
Nos sens facilement peuvent tre charms
Des ouvrages parfaits que le Ciel a forms.
Ses attraits rflchis brillent dans vos pareilles;
Mais il tale en vous ses plus rares merveilles;
Il a sur votre face panch des beauts
Dont les yeux sont surpris, et les curs transports,
Et je nai pu vous voir, parfaite crature,
Sans admirer en vous lauteur de la nature,
Et dune ardente amour sentir mon cur atteint,
Au plus beau des portraits o lui-mme il sest peint.
Dabord japprhendai que cette ardeur secrte
Ne ft du noir esprit9 une surprise adroite;
Et mme fuir vos yeux mon cur se rsolut,
Vous croyant un obstacle faire mon salut.
Mais enfin je connus, beaut toute aimable,
Que cette passion peut ntre point coupable,
Que je puis lajuster avecque10 la pudeur,
Et cest ce qui my fait abandonner mon cur.
Ce mest, je le confesse, une audace bien grande
Que doser de ce cur vous adresser loffrande;
Mais jattends en mes vux tout de votre bont,
Et rien des vains efforts de mon infirmit;
En vous est mon espoir, mon bien, ma quitude,
De vous dpend ma peine ou ma batitude,
Et je vais tre enfin, par votre seul arrt11,
Heureux si vous voulez, malheureux sil vous plat.
ELMIRE
La dclaration est tout fait galante,
Mais elle est, vrai dire, un peu bien surprenante.
Vous deviez, ce me semble, armer mieux votre sein,
Et raisonner un peu sur un pareil dessein.
Un dvot comme vous, et que partout on nomme
TARTUFFE
Ah! pour tre dvot, je nen suis pas moins homme;
Et lorsquon vient voir vos clestes appas,
Un cur se laisse prendre, et ne raisonne pas.
Je sais quun tel discours de moi parat trange;
Mais, Madame, aprs tout, je ne suis pas un ange;
9. Du diable.
10. avecque= avec.
11. Par votre dcision.
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Questions
1 Quel genre damour Tartuffe dit-il prouver, celui dune crature ter-
restre ou bien lamour de Dieu? tudiez le vocabulaire employ: nya-t-il pas confusion?
2 Quel est le plan de chacune des deux tirades de Tartuffe?
3 Quels sont les arguments auxquels Tartuffe a recours dans chacune
lments de rponse
Recherche pralable
On qualifie aujourdhui de tartuffe soit un faux dvot, soit plus gnralement une personne hypocrite.
E Un dvot est avant tout attach aux pratiques religieuses, et manifeste
souvent sa ferveur. Un faux dvot affecte hypocritement une dvotion
exagre, qui nest pas rellement ressentie.
E Au thtre, les personnages peuvent sexprimer par le biais des dialogues (changes de rpliques entre deux, trois personnages, voire
davantage); ou par le biais des monologues: un personnage, seul en
scne, exprime ses penses et sentiments; ou encore par la tirade:
le personnage nest pas seul en scne (ici, Elmire est avec Tartuffe),
et dveloppe sa pense de faon continue, sans interruption, assez
longuement.
Ici, Tartuffe nonce une premire tirade de 27 vers (des alexandrins),
dans laquelle il adresse des compliments enflamms Elmire, et lui
avoue son amour ; puis une seconde de 34 vers, dans laquelle il se
ddouane de tout pch et propose de faon indirecte Elmire une
liaison adultre.
E
Questions
1 Tartuffe avoue clairement Elmire la passion charnelle quil prouve
pour elle : le premier vers, trs clbre, de la seconde tirade le dmontre assez: Ah! pour tre dvot, je nen suis pas moins homme
(v.36-37). Pour autant, Tartuffe nemploie pas le vocabulaire galant
habituel: il a recours au champ lexical de la religion dans sa dclaration amoureuse. On retrouve ainsi des expressions qui sont habituellement employes dans les textes sacrs, les Saintes critures
(la Bible), ou dans les textes de religieux comme Saint Franois de
Sales, trs lus lpoque dans les milieux catholiques, lIntroduc-
Squence 2 FR20
25
restre, car les cratures ont justement t formes par Dieu et sont
donc admirables; cette perfection est justement illustre par Elmire,
en laquelle Tartuffe retrouve la perfection cleste. Cet amour la
dabord effray, mais il lui a ensuite paru conciliable avec son salut de
bon chrtien. Il offre son cur et par l sa vie Elmire: de sa dcision
dpendra son bonheur.
Plan de la seconde tirade: Face la beaut dElmire, la passion lemporte sur la raison; car Tartuffe nest pas quun dvot: cest aussi un
homme, attir charnellement par Elmire. Cest la beaut dElmire qui
est cause de tout. Elmire doit donc le prendre en piti et lui accorde
ce quil demande. Tartuffe ne sera pas un amant volage et bavard: la
relation quil lui propose sera discrte et ne la compromettra pas.
On constate donc que les deux tirades, la suite lune de lautre, partent dune mention de lamour divin pour aboutir une proposition
dadultre, progression argumentative que nous allons analyser et
qui laisse mal augurer de la dvotion de Tartuffe
3 Dans la premire tirade:
1) un premier argument affirme que si le Ciel a form des cratures, elle
sont parfaites, et elles peuvent donc tre aimes (Des ouvrages parfaits que le Ciel a forms): lamour divin na pas exclure lamour
terrestre.
2) La beaut dElmire atteint un tel degr de perfection quelle rappelle Dieu quiconque la regarde (Et je nai pu vous voir, parfaite
crature,/ Sans admirer en vous lauteur de la nature): ce ne peut
donc point tre un pch que de vouloir la possder.
3) Aprs avoir compris que cet amour na rien de mauvais, Tartuffe offre
son cur Elmire comme il en ferait loffrande Dieu: sa dcision
scellera donc son sort, cest elle qui tient sa vie entre ses mains.
26
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laire de lamour de Dieu pour voquer une passion terrestre, qui plus est,
adultre, et pis encore, sous le toit et avec la femme de son hte: ce dtournement de ce qui devrait tre le plus respectable pour un dvot, les
mots de lamour divin, laisse supposer que Tartuffe nprouve pas une
foi sincre. On peut imaginer facilement des jeux de scne dans lesquels
Tartuffe se rapprocherait physiquement dElmire: le champ lexical de la
passion suggre en effet le dsir physique du personnage. Sous des dehors dhumilit (Ce mest, je le confesse, une audace bien grande/ Que
doser de ce cur vous adresser loffrande, v.23-24), Tartuffe exerce un
chantage sur Elmire.
Molire dnonce ici lhypocrisie des faux dvots, qui sous des dehors de pit cherchent assouvir des dsirs plus matriels, gravir
lchelle sociale, obtenir du pouvoir, ou comme ici se livrent aux
pchs mmes quils combattent chez autrui.
5 La pice commence (acteI, scne1) comme une comdie tradition-
nelle. Peu peu cependant, Tartuffe prend le pouvoir sur la maisonne, et le rire disparat au profit de linquitude. Dans notre scne, Tartuffe peut paratre ridicule un dvot, probablement peu sduisant,
fait la cour une femmejeune et attirante; mais son argumentation
quelque peu perverse inquite plutt: il risque de semer le trouble
sous le toit dOrgon, de dshonorer Elmire, tout en prservant des apparences de ferveur religieuse et restera donc, lui, inattaquable
Molire se livre donc une dnonciation de qui semble un danger
pour la socit: il sagit bien dune critique sociale, qui prend ici la
forme dune tirade thtrale travers laquelle le personnage dvoile
son jeu et expose ce quil est rellement derrire lapparence du dvot
laquelle tout le monde se fie.
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Conclusion
Dans les deux textes que vous venez dtudier, les auteurs se livrent des
dnonciations de vices (ou travers) quils jugent condamnables. La Fontaine
critique les courtisans vaniteux et obsds par leur apparence; Molire sattaque aux faux dvots. Dans les deux cas, il sagit de critique sociale de
catgories sociales, les nobles de la cour, ou de drives plus proprement religieuses les faux dvots, mais qui reprsentent un danger pour la socit,
danger incarn par le dsordre sem par Tartuffe dans la famille dOrgon.
Pour prsenter sa critique, La Fontaine a recours une fable en vers,
donc un rcit. Cest par consquent par une voie indirecte que les dfauts des courtisans sont souligns, bien que dans la moralit, la voix
de lauteur se fasse entendre plus directement. Molire fait de Tartuffe
le type mme du dvot hypocrite, qui rvle par sa tirade ses penchants
plus charnels que spirituels: cest donc par la bouche dun des personnages que la critique sexerce, car une attaque directe de lauteur naurait pas t supporte au XVIIesicle, poque o la monarchie absolue
de Louis XIV contrle toutes les productions artistiques et littraires.
Dans les deux textes, la critique vise des personnages courtisan, faux
dvot dont les dfauts sont ridiculiss; le lopard comme Tartuffe par
leurs excs amusent, prtent rire ils sont ridicules, mais aussi dans
le cas de Tartuffe un peu inquitant On appelle satire ces textes dont
le rle est damuser tout en soulignant les faiblesses de la condition humaine et les misres de la vie sociale (voir la fiche mthode sur la satire).
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Exercice autocorrectif n4
Un tableau critique de la vie parisienne au XVIIIesicle
Voici ci-dessous un texte de Montesquieu, tir des Lettres persanes
(XVIIIesicle), sur lesquelles nous allons revenir ds le dbut de la seconde partie de la squence.
Aprs lavoir lu attentivement, dites de quoi il vous semble tre la satire;
quel est le principal procd la fois humoristique et critique du texte?
Lettre XXIV
Rica Ibben14, Smyrne.
Nous sommes Paris depuis un mois, et nous avons toujours t
dans un mouvement continuel. Il faut bien des affaires15 avant quon
soit log, quon ait trouv les gens qui on est adress, et quon se
soit pourvu des choses ncessaires, qui manquent toutes la fois.
Paris est aussi grand quIspahan: les maisons y sont si hautes, quon
jurerait quelles ne sont habites que par des astrologues. Tu juges
bien quune ville btie en lair, qui a six ou sept maisons les unes sur
les autres, est extrmement peuple; et que, quand tout le monde est
descendu dans la rue, il sy fait un bel embarras.
Tu ne le croirais pas peut-tre; depuis un mois que je suis ici, je ny
ai encore vu marcher personne. Il ny a point de gens au monde qui
tirent mieux parti de leur machine que les Franais: ils courent; ils
volent: les voitures lentes dAsie, le pas rgl de nos chameaux, les
feraient tomber en syncope. Pour moi, qui ne suis point fait ce train,
et qui vais souvent pied sans changer dallure, jenrage quelquefois
comme un chrtien: car encore passe quon mclabousse depuis les
pieds jusqu la tte; mais je ne puis pardonner les coups de coude
que je reois rgulirement et priodiquement: un homme, qui vient
aprs moi, et qui me passe, me fait faire un demi-tour; et un autre,
qui me croise de lautre ct, me remet soudain o le premier mavait
pris: et je nai pas fait cent pas, que je suis plus bris que si javais
fait dix lieues.
(...)
Montesquieu, Lettres persanes (lettre XXIV), 1721.
Veuillez vous reporter la fin du chapitre pour consulter les corrigs des
exercices 3 et 4.
14. Ce sont deux personnages du roman. Rica visite Paris, et crit Ibben, rest Smyrne.
15. Des efforts.
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Fiche mthode
Chapitre
ypes de textes
et formes de discours
Fiche mthode
On appelle discours toute production crite ou orale, toute mise en
pratique du langage; le texte est la trace de cet acte dnonciation
quest le discours. Un discours correspond une vise particulire: on
sexprime pour raconter, pour dcrire, pour exposer/expliquer, pour argumenter, dans une situation dnonciation particulire et pour un ou
des destinataire(s) prcis. chaque forme de discours correspondent
des procds spcifiques que lon peut identifier.
1. Le discours narratif
Il rapporte des faits, des vnements, situs dans le temps;
Laccent est mis sur les faits raconts, souvent au pass, parfois au
prsent. Un narrateur organise le droulement de lhistoire (le schma
narratif), un lieu et une poque (ou plusieurs) la situent, des personnages la font progresser;
Les marques principales du discours narratif sont les verbes daction,
les adverbes, les indicateurs de temps...
2. Le discours descriptif
Il donne voir un lieu, un objet, un personnage: il situe les vnements dans lespace;
Laccent est mis sur la caractrisation des paysages, des tres, des
choses, souvent limparfait ou au prsent;
Les marques principales du discours descriptif sont les verbes dtat ou
de perception, un point de vue particulier partir duquel on observe, des
indicateurs de lieu, toutes les tournures pouvant dsigner ou qualifier.
3. Le discours explicatif
Il vise faire comprendre un phnomne ou une ide; il impose la
neutralit du locuteur;
Laccent est mis sur la cohrence et la comprhension de lnonc,
souvent au prsent de lindicatif. Des formes proches et associes sont
le discours explicatif ou informatif, qui donne des renseignements, et le
discours injonctif, qui donne ordres et conseils sans forcment les expliquer;
Les marques principales en sont les mots de liaison logiques ou chronologiques, les indicateurs de cause et de consquence, tout ce qui peut
aider la clart de linformation.
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Fiche mthode
4. Le discours argumentatif
Il vise convaincre ou persuader un ou des destinataire(s); il situe
les lments dans le domaine de la pense;
Laccent est mis sur la progression logique du raisonnement. La rflexion sorganise partir de thses, darguments et dexemples;
Les marques principales en sont lemploi des 1re et 2epersonnes,
les indices dune prise de position du locuteur, les mots de liaisons logiques, tous les procds rhtoriques pour convaincre, mouvoir ou sduire linterlocuteur ou le destinataire.
Ces diffrentes formes de discours peuvent se mler et se succder dans
un mme texte, qui peut par exemple dabord prsenter une vise explicative, puis argumentative. Un discours narratif ou descriptif peut avoir
galement une vise argumentative, comme cest le cas par exemple
pour les Fables de La Fontaine.
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Fiche mthode
L es genres littraires
Chapitre
Fiche mthode
Un genre est une forme commune certains textes littraires que le lecteur reconnat comme telle: Cest du thtre! ou Cest un roman.
Chaque genre obit des contraintes et des conventions particulires.
La connaissance des genres facilite le pacte de lecture entre auteur et
lecteur, puisque celui-ci connat les lois du genre, mme si leur dlimitation est dlicate et a volu avec le temps.
chaque genre correspondent des registres dominants. On appelle registre lexpression par le langage deffets suscitant chez le lecteur des
motions diverses, la joie, lintrt, langoisse, la colre, lindignation,
ladmiration, la compassion, la mfiance... Les principaux registres que
lon tudie au lyce sont le tragique, le comique, le polmique, lpique, le
lyrique, lpidictique, le satirique, le pathtique, loratoire, le didactique...
La nouvelle
2. Le thtre
Au thtre, on reprsente laction au lieu de la raconter. Ce sont donc les
paroles directes qui construisent laction et caractrisent les personnages.
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La tragdie
La comdie
Le drame
Fiche mthode
3. La posie
La posie se dfinit par un usage particulier du langage. Le texte potique peut obir des contraintes de formes et de versification, ce qui fut
le cas jusquau xixesicle; elle peut aussi sen affranchir pour construire
une forme libre en vers ou en prose, comme le font de nombreux potes
modernes.
Les vises dominantes de la posie sont dmouvoir, de suggrer, parfois de convaincre.
La posie comprend traditionnellement plusieurs genres:
pique (rcit dvnements hroques);
lyrique (expression des sentiments personnels);
didactique (enseignement moral ou philosophique);
dramatique (le thtre, considr longtemps comme une forme de
posie).
e
e
Aux XIX et XX sicles, elle sest assimile surtout la posie lyrique.
Les principaux sous-genres, depuis lAntiquit, sont:
lode (pome lyrique au sujet grave);
la fable (fiction avec morale);
llgie (au sujet tendre et triste);
la satire (qui attaque les murs).
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33
Fiche mthode
4. La littrature dides
Le discours dominant y est le discours argumentatif. La vise essentielle
est dexpliquer, de persuader et de convaincre. Il sagit duvres en
prose o lauteur propose jugement et rflexions.
Ainsi, au moyen dune argumentation, il dveloppe, expose et dfend
une position.
On peut distinguer, en particulier:
Lessai
La prface
lauteur dclare quels sont ses choix esthtiques, pourquoi il a crit son
uvre.
Le manifeste
Le pamphlet
5. Le biographique
Il regroupe les uvres qui rendent compte du cours dune vie. On peut
distinguer en particulier:
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La biographie
lauteur raconte la vie dun autre que lui, choisie pour lintrt quelle
reprsente.
Lautobiographie
lauteur raconte sa propre vie, en donnant pour vrai tout ce quil rapporte
(pacte autobiographique).
Le journal intime
textes crits au jour le jour, donc discontinus. En principe, ils ne sont pas
destins tre publis.
Les mmoires
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Corrig de lexercice n2
Arrias est un personnage qui croit et affirme tout savoir : cest un
nest pas agrable: lun lasse, lautre agace. Ils sont tous deux vaniteux, pour des raisons diffrentes, nont pas de vritables talents,
mais simposent aux autres avec arrogance. Enfin, leur conversation
est sans brillant : le Lopard na pas desprit, Arrias monopolise la
conversation.
3 La littrature se fait bien souvent le reflet de ce quune poque aime
ou repousse, que ce soit dans la socit en gnral ou chez les individus en particulier. Elle est la fois un constat des dfauts et des vices
du temps, et le lieu o saffirme et se construit la figure de lhomme
tel quil devrait tre et quil nest souvent pas! Au XVIIe, le sicle
du classicisme, un idal se fait jour, celui de lhonnte homme:
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Corrig de lexercice n3
Daumier se moque ici des magistrats, et les reprsente en train de
dormir en pleine plaidoirie du procureur. Les trois juges sigeant la
cour dappel sont indiffrents marche de la justice quils sont censs
rendre, et leurs attitudes corporelles de plus en plus avachies sopposent la vhmence oratoire du procureur, le bras tendu et le regard
plein de passion.Ce contraste fait sourire le spectateur de la gravure, et
nen dnonce que mieux certains dysfonctionnements de la justice.
Corrig de lexercice n4
Montesquieu se livre ici une satire des Parisiens, et de leur faon de se
comporter dans lespace social quest la rue. Sa description commence
par une prsentation de la ville sa taille, ses maisons , qui explique
la foule que croise Rica dans les rues: Tu juges bien quune ville btie
en lair, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est extrmement peuple; et que, quand tout le monde est descendu dans la rue,
il sy fait un bel embarras. La satire porte prcisment sur la prcipitation exagre des Parisiens: ils courent; ils volent, qui courent plus
quils ne marchent: je ny ai encore vu marcher personne. La critique
porte galement sur le peu de cas que les gens font les uns des autres
(quon mclabousse depuis les pieds jusqu la tte), voire sur la
brutalit dont les habitants font preuve ( les coups de coude que je
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Chapitre
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lments de rponse
1L
e roi comme le pape ont en commun le pouvoir de manipuler les
esprits, ceux de ses sujets pour le roi, ceux des fidles (cest--dire
tout le monde lpoque!) pour le pape. Le lexique de la croyance
est trs prsent: on retrouve le terme de magicien employ dans
les deux cas, ainsi que les mots et expressions et ils le croient, et
ils en sont aussitt convaincus (la rptition de la conjonction de
coordination et en tte de proposition permet dinsister sur limmdiatet de la croyance provoque par le roi), Il va mme jusqu
leur faire croire, il lui fait croire, certains articles de croyance.
Il sagit mme plus que de croyance bien sr : il est question de la
navet des sujets, et du cynisme du roi et du pape, qui nhsitent
pas mentir et tromper pour parvenir leurs fins, cest--dire emplir
les caisses du royaume afin denrichir la royaut et de pouvoir mener
des guerres pour lun, dasseoir son emprise sur les esprits par une
croyance absolue et non conteste en la foi catholique pour le second.
2
Il va mme jusqu leur faire croire quil les gurit de toutes sortes de
7. crouelles : nom dsuet dune maladie dorigine tuberculeuse ; abcs provoqu par cette maladie.
Squence 2 FR20
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comme sans limites et comme surnaturels : il parle ainsi de prodige, terme qui a un sens fort, et de magicien, deux mots qui
prsentent le roi et le pape comme des personnages tonnants, et
qui font de Rica un spectateur au regard enfantin et merveill devant des phnomnes quil ne comprend pas. Il tmoigne dailleurs
de son incomprhension face aux murs europennes au dbut du
texte, par la phrase: je nen ai moi-mme quune lgre ide, et je
nai eu peine que le temps de mtonner. Rica affirme ici quil est
difficile pour lui de tout comprendre une culture qui est bien loin de
la sienne (il est Persan), et qui ltonne verbe au sens trs fort au
XVIIIesicle, qui signifie frapper de stupeur. Cette incomprhension est marque par les rythmes ternaires (par exemple ses troupes
se trouvaient payes, ses places munies, et ses flottes quipes),
et explique la faon dont il rend compte du mystre de LaTrinit et
de lEucharistie (tantt il lui fait croire que trois ne sont quun; que
le pain quon mange nest pas du pain, ou que le vin quon boit nest
pas du vin () . Par le biais de ce regard tranger, Montesquieu peut
prsenter le roi et le pape avec humour et ironie.
noncent les excs du pouvoir royal et du pouvoir papal, ainsi que certains tats de la socit.
Tout dabord, comment ne pas sourire de la navet populaire qui
permet au roi de senrichir, de la vanit de ses sujets, ou de leur
soumission ? En recourant lexpression familire il na qu (les
persuader quun cu en vaut deux), lauteur souligne la facilit avec
laquelle le souverain parvient duper cest un magicien ses sujets. La prtendue richesse du royaume ne repose en ralit sur rien:
Il na point de mines dor comme le roi dEspagne, son voisin; mais
il a plus de richesses que lui, parce quil les tire de la vanit de ses
sujets, plus inpuisable que les mines. Son autorit est celle dun
usurpateur, qui fait croire ce qui nest pas un peuple peu instruit, qui
manque desprit critique et de moyen de contestation.
Ce dernier est dailleurs prsent par Montesquieu comme la principale victime de la manipulation royale. Plusieurs expressions tmoignent des facults de manipulation du monarque, que Rica prsente
comme un profiteur dsireux de senrichir ( Sil na quun million
dcus dans son trsor, et quil en ait besoin de deux (), Sil a une
guerre difficile soutenir, et quil nait point dargent ()). Sont aussi voques les guerres qui ruinent le pays (On lui a vu entreprendre
ou soutenir de grandes guerres, nayant dautres fonds que des titres
dhonneur vendre () , Sil a une guerre difficile soutenir, et
quil nait point dargent ()), et la vente des titres dhonneur,
cest--dire des titres de noblesse, charges et offices qui nont dautre
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Squence 2 FR20
fonction que dalourdir les caisses du souverain en renforant ladministration du royaume. Il nest pas jusqu la politique particulirement dpensire de Louis XIV qui ne soit lobjet de critiques: de1689
1715, plus de quarante dvaluations, destines faciliter le remboursement de la dette du pays, ont eu lieu elles sont voques par
la phrase Sil na quun million dcus dans son trsor, et quil en ait
besoin de deux, il na qu les persuader quun cu en vaut deux; et
ils le croient. Toutes ont affect les pauvres du royaume. Cest donc
la gestion du royaume de France qui est critique.
Noublions pas la vanit des courtisans (dj souligne par La Fontaine dans le texte1) qui en achetant les titres de noblesse remplissent les caisses du royaume: le roi, en plus de lignorance du peuple,
entretient une noblesse avide de paratre.
En faisant allusion au toucher des crouelles et aux pouvoirs thaumaturgiques du roi, lauteur sattaque galement aux fondements de la
monarchie de droit divin. Le roi est un grand magicien parce quon
le croit dessence divine. Lignorance est ainsi prsente comme le
vritable fondement de la monarchie: sans elle, les mensonges du roi
seraient dmasqus.
Cest bien sr aussi la religion catholique que sattaque lauteur,
travers la critique de la thaumaturgie, puis travers le portrait critique
du pape. Ce dernier est prsent lui aussi comme un manipulateur
(il y a un autre magicien plus fort que lui, qui nest pas moins matre
de son esprit quil lest lui-mme de celui des autres), qui impose
par la force voire la violence (() et voulut obliger, sous de grandes
peines, ce prince et ses sujets de croire tout ce qui y tait contenu)
des dcisions qui sont des ferments de division et de discorde :
cette rvolte qui divise toute la cour, tout le royaume et toutes les
familles. Les articles de la foi catholique sont tourns en ridicule:
tantt il lui fait croire que trois ne sont quun; que le pain quon
mange nest pas du pain, ou que le vin quon boit nest pas du vin, et
mille autres choses de cette espce. Sont viss dans cette phrase la
sainte Trinit, et la transsubstantiation8 du sang et du corps du Christ
en vin et en pain, auxquels il est fondamental de croire sans contestation possible. Cest donc la croyance religieuse non rationnelle en
des faits indmontrables rigs en dogmes que critique Montesquieu.
5R
appelons que la satire est un texte dont le rle est damuser tout
8. La transsubstantiation est, littralement, la transformation dune substance en une autre. Le terme dsigne,
pour les chrtiens la transformation du pain et du vin en chair et sang duChristlors de lEucharistie, moment
fondamental de la messe.
Squence 2 FR20
43
44
Squence 2 FR20
Hyacinthe Rigaud, Portrait en pied de Louis XIV g de 63 ans en grand costume royal,
1702. (C) RMN (Chteau de Versailles) / Daniel Arnaudet / Grard Blot.
en valeur?
Squence 2 FR20
45
Entranement lcrit:
la dissertation (1)
Mthodologie
Pour composer une dissertation, il faut travailler en plusieurs tapes:
E il sagit dans un premier temps de comprendre le sujet, de lanalyser, de chercher des ides
pour en envisager les implications;
E dans un second temps, dlaborer un plan en organisant ses ides;
E puis enfin, de rdiger le devoir intgralement.
Vous aurez reconnu les trois tapes de la rdaction dun discoursque nous avons vues dans le
Chap. 1 de cette squence: linventio, la dispositio, et lelocutio!
N ous allons suivre ces trois tapes, pour laborer progressivement une dissertation rdige.
Voici donc un
sujet de
dissertation
besoin est. Analysez les termes du sujet avec prcision pour savoir de
quoi exactement on vous demande de parler:
E De quel thme/ domaine littraire vous demande-t-on de traiter?
E Le sujet vous demande-t-il de comparer deux positions (sujet comparatiste), de rflchir sur une question, sur un texte prcis?.
2 Recherchez des ides et des exemples et utilisez les textes de la s-
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Squence 2 FR20
dir un peu plus. Ce costume royal est imposant et semble lui seul
envahir une partie du tableau. Louis XIV est peint en pied sur une estrade devant son trne, et porte en outre une haute perruque et des
escarpins talons, accessoires qui lui confrent lgance et noblesse.
Le traitement des toffes est particulirement raffin - quoique surcharg - et rappelle la grandeur du rgne du souverain.
Derrire lui slve une colonne sur un pidestal, signe de la dignit
et de la solidit du pouvoir. Le cadre du tableau est ddoubl par
un cadre interne, un dais pourpre en forme de baldaquin, qui forme
comme une scne de thtre sur laquelle le jeu du pouvoir royal prend
place et qui permet de glorifier la personne royale.
3 On retire de ce tableau limpression dun monarque sr de lui et de sa
Squence 2 FR20
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Corrig de lexercice n2
Entranement la dissertation (1)
Les mots-clefs du sujet sont argumenter , et de manire indi-
recte , qui soppose de faon sous-entendue de manire directe. Le premier mot nous renvoie lobjet dtude de la squence:
largumentation. Le domaine littraire concern est donc largumentation. Lautre mot-clef prcise laxe selon lequel il faut envisager ces
textes argumentatifs: il est ncessaire de montrer les avantages des
argumentations indirectes, quil va falloir dfinir!
2 Penchons-nous sur le mot-clef du sujet: argumentation indirecte.
48
Squence 2 FR20
Dans ces cinq textes, aucune critique nest frontale: les ides sont
exprimes indirectement, par des rcits ou des personnages mis au
service de largumentation.
Cherchons maintenant des ides pour laborer au moins deux grandes
parties, si possible trois, en nous interrogeant tout dabord sur les
avantages de largumentation indirecte:
E sur le plan du contexte dcriture des uvres, en ne sattaquant pas
de front sa cible, lauteur peut plus srement chapper la censure,
voire des peines plus lourdes (par exemple, Voltaire a t embastill deux fois, plusieurs uvres de Molire ont t soumises la censure);
E il arrive aussi que le lecteur ne soit pas en position daccepter une
critique directe, trop violente;
E sur le plan de largumentation, il est certain quun rcit par exemple
sera mieux compris quune dmonstration logique!
E il est clair aussi que divertir par un rcit imag (fable), amusant (cf. le
ridicule dArrias), ironique ou satirique (cf. critique des Parisiens par
Rica) permet dattirer lattention du lecteur;
E cest aussi le moyen de plaire, damuser, bref de joindre lutile
lagrable, galement par lhumour (ironie, satire);
E mais les argumentations indirectes nen restent pas moins des
moyens dinstruire, ou de faire passer des ides ou des critiques: les
ides nen sont pas absentes!
E pour faire passer ces ides, les auteurs ont souvent fait appel un
regard tranger, qui permet de voir les choses diffremment
E et avec davantage dobjectivit!
E pensez aussi aux registres quun auteur peut employer pour mouvoir
son lecteur comme le pathtique;
E ce mode dargumentation permet aussi de faire rflchir : lauteur
peut nous fait rflchir diffrentes attitudes et leurs consquences,
mais il est aussi ncessaire que le lecteur fasse acte dinterprtation
par lui-mme pour comprendre le message du texte;
E enfin, une argumentation indirecte peut proposer une rflexion plus
gnrale sur les grandes valeurs et les grandes thmatiques philosophiques et sociales, voire atteindre luniversalit.
3 Problmatique : lenjeu implicite qui se trouve derrire la question po-
Squence 2 FR20
49
Chapitre
4
A
Le combat
contre lobscurantisme
Une arme:
la littrature polmique
Texte 4
Voltaire, Candide (1759)
N Paris en 1694 dans une famille de commerants rcemment enrichis, Franois-Marie Arouet frquente tt les salons parisiens. Son insolence et son indpendance desprit lui valent dtre emprisonn deux fois
la Bastille. Ds sa sortie de prison, il adopte le pseudonyme de Voltaire.
Sous cette nouvelle identit, il va sattacher dnoncer et combattre
lintolrance et lobscurantisme sous toutes ses formes, entre autres par
les Lettres philosophiques (1734), puis Zadig ou la Destine (1748) et
Micromgas (1752), qui sont deux de ses contes philosophiques. La tragique nouvelle dun tremblement de terre Lisbonne (1755), qui a fait
vingt-cinq mille morts, meut profondment Voltaire ; elle le pousse
attaquer les tenants de loptimisme1 dans son Pome sur le dsastre de
Lisbonne (1756) et dans Candide (1759). Voltaire meurt en 1778.
Le texte ci-dessous est extrait du conte philosophique Candide (chapitreVI, texte intgral).
Le jeune Candide, dont le nom reflte lme crdule et nave, vit dans le
meilleur des mondes possibles chez son oncle, le baron de Thunderten-Tronckh. Notre hros mne une existence heureuse dans cet univers
idyllique. Tout bascule le jour des premiers bats de Candide et de Cungonde, la fille du baron dont est amoureux Candide. La raction du baron
est brutale: Candide est banni et chass de cet Eden. Il se retrouve dans
le vaste monde, le monde rel, et connat de nombreuses aventures
accompagn de Pangloss. Au large de Lisbonne, leur navire subit une horrible tempte, dont Candide et Pangloss rchappent par miracle. Ds leur
arrive Lisbonne se produit un pouvantable tremblement de terre. Candide et Pangloss participent aux oprations de sauvetage, mais nos deux
hros sont arrts pour propos subversifs2 et dfrs lInquisition.
1. Loptimisme est une philosophie apprcie par certains philosophes des Lumires, et qui fut labore par Leibniz en 1710 dans ses Essais de thodice. Leibniz part du principe de la perfection et de la bont divine. Daprs
lui, rien ne peut tre aussi parfait que Dieu, donc le monde nest pas parfait, or, comme Dieu est bon, le monde
quil a cr est forcment le meilleur possible. Cette thorie a ensuite t simplifie et critique par Voltaire dans
Candide (dont le titre complet est dailleurs Candide ou lOptimisme).
2. Subversif signifie qui renverse, dtruit lordre tabli, qui est susceptible de menacer les valeurs reues. Les
critiques faites par les crivains des Lumires lencontre du rgime politique ou de lglise seront trs souvent
perues comme subversives.
50
Squence 2 FR20
3. Le terme auto-da-f (littralement acte de foi) dsignait la fois la proclamation dun jugement prononc
par lInquisition et le chtiment qui lui faisait suite, le plus souvent la mort par le feu.
4. Ville du Portugal; lUniversit avait t fonde en 1307.
5. Lglise catholique interdisait le mariage entre le parrain et la marraine (la commre) du mme enfant baptis.
6. La religion juive prescrit quon sabstienne de manger du porc.
7. Loptimisme de Pangloss lavait rendu suspect aux yeux de lInquisition, parce quil semblait nier le dogme du
pch originel.
8. Casaque jaune qui faisait partie des signes infmants dont on affublait les condamns.
Squence 2 FR20
51
a) Quest-ce quun conte philosophique? Quelles sont les caractristiques de ce genre littraire?
b) Qutait lInquisition?
c) En vous aidant de la biographie de Voltaire ci-dessus, dites quel
vnement historique lauteur fait allusion dans le texte (ligne 1).
2 Lart du rcit
lments de rponse
1 a) Un conte philosophique est un rcit fictif, crit par lauteur dans le
52
Squence 2 FR20
Vous aurez compris que le conte philosophique est une forme dapologue: cest un rcit plaisant pourvu dune morale.
b) LInquisition ici sise luniversit de Combre - est lorigine une
juridiction ecclsiastique dexception institue pour la rpression
des crimes dhrsie et des faits de sorcellerie et de magie. Il sagissait donc au dpart dempcher toute drive des fidles loin de la foi
chrtienne. partir de 1252, la torture est autorise sous certaines
limites: elle ne doit cependant dboucher ni sur une mutilation ni sur
la mort. La sentence est prononce au cours dune sance publique
et solennelle, qui sera plus tard dsigne en Espagne par lexpression
clbre auto-da-f (acte de foi). Ds le XIVe sicle, lInquisition
pontificale tombe en dsutude dans presque tous les pays. Mais
elle retrouve un second souffle en Espagne, en 1478. Elle traque non
seulement les faux convertis (anciens juifs) mais aussi les supposs
sorciers, sodomites, polygames Elle est dfinitivement abolie en Espagne et dans les colonies espagnoles en 1834 seulement. On lui attribue dans le monde hispanique environ trente mille condamnations
mort en trois sicles.
c) Aprs le tremblement de terre qui avait dtruit les trois quarts de Lisbonne: le 1ernovembre 1755, Lisbonne est dtruite par un tremblement de terre, suivi dun raz de mare et dincendies, qui tuent entre
60000et 90000 habitants et dtruisent 85% de la ville. Voltaire crit
le Pome sur le dsastre de Lisbonne aprs cette catastrophe et mentionne le sisme dans notre texte.
2 Le chapitre, dont vous avez ici le texte complet, est trs efficace dans
la conduite du rcit. Le narrateur (point de vue omniscient ici) commence par situer les vnements et par prsenter les raisons de lauto-da-f: le tremblement de terre qui a touch Lisbonne a conduit les
sages du pays (en loccurrence, les institutions ecclsiastiques)
penser quil fallait expier un pch commun par une procdure de
lInquisition (Aprs le tremblement de terre qui avait dtruit les trois
quarts de Lisbonne, les sages du pays navaient pas trouv un moyen
plus efficace pour prvenir une ruine totale que de donner au peuple
un bel auto-da-f ). Tous les vnements vont se drouler en une
seule journe (Le mme jour la terre trembla de nouveau), do
une concentration temporelle qui permet un rythme narratif rapide,
comme cest le cas dans laction de la tragdie, rassemble sur vingtquatre heures.
La narration des actions joue sur lnumration, sans lien syntaxique : les faits sont juxtaposs par le biais des deux points, ce
qui donne limpression dun enchanement rapide et logique: On
avait en consquence saisi un Biscayen convaincu davoir pous sa
commre () : on vint lier aprs le dner le docteur Pangloss et son
disciple Candide () : tous deux furent mens sparment dans des
appartements dune extrme fracheur () . Le second paragraphe
se clt par un retour sur lvnement premier, le tremblement de terre
Squence 2 FR20
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(Le mme jour la terre trembla de nouveau avec un fracas pouvantable), dans un jeu de boucle narrative.
Le troisime paragraphe joue galement sur deux numrations
concises; dans la premire, Candide dsespr rcapitule les malheurs
quil a subis dans les chapitres prcdents (Passe encore si je ntais
que fess, je lai t chez les Bulgares. Mais, mon cher Pangloss! le
plus grand des philosophes, faut-il vous avoir vu pendre sans que je
sache pourquoi ! mon cher anabaptiste, le meilleur des hommes,
faut-il que vous ayez t noy dans le port! MlleCungonde! la perle
des filles, faut-il quon vous ait fendu le ventre!); dans la seconde,
quatre participes passs font le bilan extrmement bref de ce quil a
subi dans le chapitreVI: prch, fess, absous et bni.
Le dernier paragraphe amne la fin de laction du chapitre: le hros
sen va, quitte le lieu de lauto-da-f (Il sen retournait) et introduit
le dbut dune nouvelle action, dvelopp dans le chapitre suivant:
lorsquune vieille laborda.
De lexposition des faits (on situe le cadre gnral, celui dun autoda-fet ses raisons) celle des actions (les diffrents personnages
condamns, la nature des condamnations, les consquences) puis
la clture du rcit (le hros quitte les lieux, priv de son cher Pangloss ), moins dune page de texte suffit dcrire les aventures
lisbotes du hros, grce une syntaxe trs ramasse, des numrations en parataxe10, labsence de dtails ou de dveloppements superflus dans la narration, et une condensation temporelle et spatiale
propre au genre du conte.
3 travers ce texte, Voltaire dnonce premirement la btise de lglise
espagnole, qui face une catastrophe qui touche toute la ville, entrane des destructions et des morts, la dsolation gnrale, et surtout la peur, ne trouve aucune raction approprie (reconstruction,
aide au peuple, prire commune pour les morts ou pour lunion de
tous face au dsastre), mais a recours lInquisitionet ses procds brutaux: les sages du pays navaient pas trouv un moyen plus
efficace pour prvenir une ruine totale que de donner au peuple un
bel auto-da-f.
Cest galement lobscurantisme11 que dnonce lauteur: les arrestations reposent sur les dogmes de lglise, qui ne souffrent aucune
contestation alors mme quils sont iniques ou irrationnels, voire absurdes ( On avait en consquence saisi un Biscayen convaincu
davoir pous sa commre, () deux Portugais qui en mangeant
un poulet en avaient arrach le lard, on vint lier aprs le dner le
docteur Pangloss et son disciple Candide, lun pour avoir parl, et
lautre pour avoir cout avec un air dapprobation).
10. La parataxe est une construction de phrase par juxtaposition, sans quun mot de liaison indique la nature du
rapport entre les phrases.
11. Lobscurantisme est lopinion des ennemis des Lumires , de ceux qui sopposent la diffusion des connaissances, de linstruction, de la culture dans les masses populaires. Voir la fiche mthode sur les Lumires.
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Squence 2 FR20
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dogmatisme de lglise de son temps, qui dans une situation dramatique pour le peuple ne fait quamplifier les malheurs de ce dernier
par un auto-da-f non justifi, cruel et absurde. Ceci sinscrit dans
le combat plus gnral de Voltaire et des Lumires contre les formes
dintolrance religieuse, et pour une dmarche fonde sur la raison,
qui nest pas le signe dun refus catgorique de la religion, mais le
rejet de toute forme de fanatisme. Ils ont ainsi pour but de manifester
leur confiance en la possibilit du progrs et du bonheur terrestre,
ce dont sont bien loigns les malheureux personnages de Candide!
Les armes de Voltaire sont la satire, servie par lironie; le registre polmique; mais aussi le registre pathtique: ltat du pauvre Candide
fait piti (Candide, pouvant, interdit, perdu, tout sanglant, tout
palpitant, Il sen retournait, se soutenant peine), et souligne
les funestes consquences humaines du fanatisme religieux.
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Squence 2 FR20
pleins de hte; ils nattendent pas les rves. Quand quelquun, un jour,
est plein de tristesse, ou de colre, les mots arrivent toute allure, et ils
remplacent la pense. Il y a tellement de beaut, qui ne vient pas du hasard! Elle a t cre au fond des laboratoires pour vaincre les foules. Il
y a les mots ESPACE, SOLEIL, MER, les mots PUISSANCE, JEUNESSE,
BEAUT, AMOUR, ARGENT, les mots ACTION, ETERNIT, JOUISSANCE,
CREATION,INTELLIGENCE, PASSION. Pour ceux qui ont faim il y a PAIN,
FRUITS, DLICES, AVENIR.
Pour ceux qui meurent dobsit il y a le mot MAIGRIR, pour ceux qui
meurent de solitude il y a le mot AMOUR, pour ceux qui meurent de dsir il y a le mot JEUNESSE, pour ceux qui rvent dtre des hommes il y
a IMPALA13, PUISSANCE, BALAFRE, TABAC, pour ceux qui rvent dtre
des femmes, il y a GALBE, SDUIRE, TERNIT, BEAUT, pour ceux qui
rvent dtre intelligents il y a TOTUS, pour ceux qui rvent de muscles
il y a BODYBUILD, pour ceux qui rvent dtre riches il y a MANPOWER,
GILLETTE SILVER PLATINE, pour ceux qui rvent de soleil il y a MAROC,
INDE, MEXIQUE, pour ceux qui voudraient bien appeler au secours il y a
s.o.s. S.O.S. s.o.s. Il y a tellement de mots partout! Des milliers, des millions de mots. Il y a un mot pour chaque seconde de la vie, un mot pour
chaque geste, pour chaque frisson. Quand donc sarrtera ce tumulte?
Les Matres du langage enferms dans leurs usines bouillonnantes fabriquent sans cesse les mots nouveaux qui parcourent les alles du monde.
Ds que les mots susent, ds quils faiblissent, il y en a dautres qui
arrivent, prts au combat.
Il ny a plus de pense, cest a qui est vraiment douloureux. Les Matres
du langage ne veulent pas des penses de leurs esclaves. Si les penses apparaissaient, peut-tre quelles dtruiraient lempire des mots,
facilement, avec leur silence absolu. Peut-tre que les penses rvleraient le grand mpris qui rgne ici, et quelles sauraient leffacer. Si les
penses pouvaient natre dans les cerveaux, peut-tre que les hommes
et les femmes seraient vraiment beaux, et quil ny aurait plus de Matres
du langage.
J.M.G. Le Clzio, Les Gants.
ditions Gallimard.
Tous les droits dauteur de ce texte sont rservs. Sauf autorisation,
toute utilisation de celui-ci autre que la consultation individuelle et
prive est interdite
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Rpondez la question suivante:
En quoi ce texte est-il polmique? Dfinissez la cible vise, et les procds employs.
Veuillez vous reporter la fin de la squence pour consulter le corrig de
lexercice.
13. Impala : antilope dAfrique, de lEst et du Sud, rapide et lgre ; cest aussi le nom dune voiture.
Squence 2 FR20
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La persuasion
par le registre oratoire
Texte5:
Voltaire, Prire Dieu, Trait sur la tolrance (1763)
Ce texte a t initialement crit pour rparer lerreur judiciaire lorigine
de laffaire Calas.
En 1761, un riche ngociant toulousain de religion protestante, Jean
Calas, dcouvre son domicile son fils de 29 ans, mort trangl. Pensant
que le malheureux stait tu, il tente de dissimuler le suicide afin de
prserver lhonneur familial. Mais la rumeur publique laccuse davoir
assassin son fils parce que ce dernier voulait se convertir au catholicisme. Jean Calas et sa famille sont jets en prison. Le Parlement de Toulouse condamne Jean Calas subir la question14 ordinaire et extraordinaire, tre rompu vif et jet dans un bcher. Le malheureux est excut
le 10mars 1762.
Convaincu de lerreur judiciaire, Voltaire dnonce les travers de lorganisation judiciaire, et publie son clbre Trait sur la tolrance loccasion
de la mort de Jean Calas (dcembre1763). Le 4juin 1764, le Conseil du
Roi casse les jugements prononcs contre les Calas. Le 9mars 1765, le
Parlement de Paris rhabilite Jean Calas et restitue ses biens sa famille.
Ce nest donc plus aux hommes que je madresse; cest toi, Dieu de
tous les tres, de tous les mondes et de tous les temps: sil est permis
de faibles cratures perdues dans limmensit, et imperceptibles au reste
de lunivers, doser te demander quelque chose, toi qui as tout donn,
toi dont les dcrets sont immuables comme ternels, daigne regarder
en piti les erreurs attaches notre nature; que ces erreurs ne fassent
point nos calamits. Tu ne nous as point donn un cur pour nous har,
et des mains pour nous gorger; fais que nous nous aidions mutuellement supporter le fardeau dune vie pnible et passagre; que les
petites diffrences entre les vtements qui couvrent nos dbiles15 corps,
entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules,
entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insenses,
entre toutes nos conditions si disproportionnes nos yeux, et si gales
devant toi; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes
appels hommes ne soient pas des signaux de haine et de perscution;
que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te clbrer supportent ceux qui se contentent de la lumire de ton soleil; que ceux qui cou-
14. La question tait un supplice lgal pratiqu avant la Rvolution pour obtenir des aveux ou des
informations.
15. Faibles.
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Squence 2 FR20
vrent leur robe dune toile blanche pour dire quil faut taimer ne dtestent pas ceux qui disent la mme chose sous un manteau de laine noire;
quil soit gal de tadorer dans un jargon form dune ancienne langue16,
ou dans un jargon plus nouveau; que ceux dont lhabit est teint en rouge
ou en violet17, qui dominent sur une petite parcelle dun petit tas de la
boue de ce monde, et qui possdent quelques fragments arrondis dun
certain mtal18, jouissent sans orgueil de ce quils appellent grandeur
et richesse, et que les autres les voient sans envie: car tu sais quil ny a
dans ces vanits ni de quoi envier, ni de quoi senorgueillir.
Puissent tous les hommes se souvenir quils sont frres! Quils aient en
horreur la tyrannie exerce sur les mes, comme ils ont en excration19
le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de lindustrie paisible! Si les flaux de la guerre sont invitables, ne nous hassons pas
les uns les autres dans le sein de la paix, et employons linstant de notre
existence bnir galement en mille langages divers, depuis Siam20
jusqu la Californie, ta bont qui nous a donn cet instant.
Voltaire, Prire Dieu, Trait sur la tolrance, chapitreXXIII (texte intgral).
de Voltaire?
16. Le latin, langue du catholicisme, par opposition aux langues nationales utilises dans dautres religions.
17. Le rouge est la couleur des cardinaux; le violet, celle des vques.
18. Il sagit des pices dor.
19. Haine.
20. Actuelle Thalande.
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lments de rponse
1 Le texte se prsente comme une prire adresse Dieu. On repre
ainsi lnonciation caractristique dune prire: un je, ici le locuteur21 (je madresse) nonce une prire adresse un destinataire,
Dieu lui-mme: cest toi, Dieu, toi. Le mode impratif est
employ pour formuler la demande (daigne regarder en piti, fais
que), ainsi que le mode subjonctif (que toutes ces petites nuances
qui distinguent les atomes appels hommes ne soient pas..., Puissent tous les hommes se souvenir, Quils aient en horreur).
On retrouve le champ lexical de la prire (je madresse, Dieu,
doser te demander quelque chose, daigne regarder en piti).
Le locuteur Voltaire lui-mme ici adresse Dieu une prire complexe, qui formule le souhait:
E dune entraide entre les hommes ( fais que nous nous aidions
mutuellement supporter le fardeau dune vie pnible et passagre);
E de paix et dabsence de violence (Tu ne nous as point donn un
cur pour nous har, et des mains pour nous gorger , Si les
flaux de la guerre sont invitables, ne nous hassons pas les uns
les autres dans le sein de la paix);
E de tolrance et dacceptation mutuelle (que les petites diffrences
entre les vtements qui couvrent nos dbiles corps (), que toutes
ces petites nuances qui distinguent les atomes appels hommes ne
soient pas des signaux de haine et de perscution);
E dabsence denvie et de jalousie, ferments de violence ( que les
autres les voient sans envie); de libert intellectuelle et spirituelle
(la tyrannie exerce sur les mes);
E dune vie paisible o chacun pourrait possder sans risquer dtre
priv de sa proprit (le brigandage qui ravit par la force le fruit du
travail et de lindustrie paisible);
et enfin:
E damour et de fraternit (Puissent tous les hommes se souvenir
quils sont frres).
2 Les figures damplification et dopposition sont nettes dans ce texte au
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Squence 2 FR20
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lence, par des images frappantes: un cur pour nous har, des
mains pour nous gorger Cette intolrance est due au fait que les
hommes sont diffrents, ce qui cre parfois lenvie; la diversit des
coutumes (nos usages ridicules), des langues, des lois (nos lois
imparfaites), des opinions (nos opinions insenses), entranent
le rejet de lautre peru comme fondamentalement diffrent : nos
conditions si disproportionnes nos yeux. Elle est en tout cas prsente comme insense: ainsi Voltaire dcrit les habits des vques
et des cardinaux en leur tant toute dignit particulire: que ceux
dont lhabit est teint en rouge ou en violet , pour souligner le fait
que la hirarchie entre les hommes na aucune importance et ne doit
pas tre source de discorde; de mme pour ceux qui possdent des
terres: (ceux) qui dominent sur une petite parcelle dun petit tas de
la boue de ce monde, et ceux qui possdent des richesses: (ceux)
qui possdent quelques fragments arrondis dun certain mtal :
toutes ces diffrences ne sont que de petites nuances . Lintolrance ne doit surtout pas natre de la religion: les diffrents cultes
et faons dhonorer Dieu ne doivent pas sopposer ( que ceux qui
allument des cierges en plein midi pour te clbrer supportent ceux
qui se contentent de la lumire de ton soleil, que ceux qui couvrent
leur robe dune toile blanche pour dire quil faut taimer ne dtestent
pas ceux qui disent la mme chose sous un manteau de laine noire,
quil soit gal de tadorer dans un jargon form dune ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau).
Le texte met au contraire laccent sur lunion ncessaire entre les
hommes, symbolise dans le texte par lapparition de la premire personne du pluriel dans la proraison: ne nous hassons pas (), et
employons. Le lexique de la violence (tyrannie, brigandage)
est oppos celui de lamour, de la paix, du don et de la fraternit
(frres, le fruit du travail et de lindustrie paisible, paix, ta
bont, donn, mutuellement).
Lauteur joue donc sur le registre oratoire et ses effets damplification
et dopposition, sur une certaine forme de pathtique il faut prendre
lhomme et sa faiblesse en piti-, et sur des valeurs comme celle de la
tolrance et de la libert, chres aux Lumires.
4 Comme on a pu le voir dans le texte prcdent, Voltaire tait trs cri-
62
Squence 2 FR20
Squence 2 FR20
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Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de
douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse: lme commune de la
France. Merci!
Chacun de nous peut venir en aide aux sans abri. Il nous faut pour ce
soir, et au plus tard pour demain:
5000 couvertures,
300 grandes tentes amricaines,
200 poles catalytiques
Dposez-les vite lhtel Rochester, 92 rue de la Botie. Rendez-vous
des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir 23heures,
devant la tente de la montagne Sainte Genevive.
Grce vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur lasphalte ou sur les quais de Paris.
Merci!
Diffus le 1erfvrier 1954, 1 heure du matin sur Radio Luxembourg.
Entranement lcrit:
la dissertation (2)
Deuxime tape de la dissertation:
laboration dun plan dtaill (la dispositio)
Exercice autocorrectif n3
partir du sujet de dissertation expos dans le chapitre 3 B, et des ides
et exemples trouvs, laborez le plan dtaill de la dissertation, en tablissant au moins deux grandes parties (si possible trois), au sein desquelles il y aura au moins deux sous-parties (si possible trois) ; il est
ncessaire davoir au moins un exemple prcis de texte par sous-partie
(mais pas trop non plus pour ne pas vous parpiller).
Faites en sorte que votre plan soit progressif et logique ! Vous pouvez
galement prsent avoir recours aux textes de Voltaire tudis au chapitre4 A et B (textes 4 et 5) pour nourrir votre devoir.
euillez vous reporter la fin de la squence pour consulter le corrig des exerV
cices 2et 3.
64
Squence 2 FR20
Fiche mthode
Chapitre
es registres satirique,
polmique et oratoire
Fiche mthode
1. Le registre satirique
La satire est un genre littraire qui se moque dans le but de critiquer ou
de dnoncer, mais aussi un registre: plusieurs genres peuvent tre de
registre satirique, comme une fable ou une tirade thtrale (cf. les deux
textes du chapitre 2). La caricature, la parodie, font partie des procds
de la satire, qui joue souvent sur lexagration, et qui nest pas toujours
dnue dagressivit.
Histoire
littraire
Exemple
2. Le registre polmique
Le registre polmique renvoie laffrontement des ides travers un
dbat plus ou moins violent: de fait, ltymologie grecque du mot est
la guerre, polemos. Il sagit dans ce registre dattaquer un comportement social, un mode de vie, les murs de ses contemporains,
les dfauts et ridicules dune poque, dune institution, dune uvre,
dune personne Il est donc troitement li au discours argumentatif, et cherche plus persuader qu convaincre. La notion de ton est
essentielle dans ce registre : une argumentation calme et mesure ne
sera jamais assimilable une polmique, qui suppose donc un ton passionn ou vhment. Souvent utilis par les philosophes des Lumires,
elle est aussi frquemment employe dans la littrature engage. Cest
le registre du pamphlet, des essais, des lettres ouvertes:
Squence 2 FR20
65
Fiche mthode
Exemple
Je hais les sots qui font les ddaigneux, les impuissants qui crient que
notre art et notre littrature meurent de leur belle mort. Ce sont les cerveaux les plus vides, les curs les plus secs, les gens enterrs dans le
pass, qui feuillettent avec mpris les uvres vivantes et tout enfivres
de notre ge, et les dclarent nulles et troites.
Zola, Mes haines.
3. Le registre oratoire
Ce registre est tymologiquement associ la prire (oratoire vient
du latin orare qui signifie prier). Il reste de cette origine une vocation
du registre oratoire, souvent employ dans les discours, pour les textes
capables de mobiliser leurs destinataires. Il peut y parvenir par le souci
de persuader plus que de convaincre, sr de faire partager lmotion
colre, indignation, pitipar certaines ressources rhtoriques : les
invocations, les rythmes ternaires, les images saisissantes, lampleur de
la phrase, le choix dimages vocatrices, la prise partie de lauditoire
(apostrophes, exclamations, questions rhtoriques).
Cest le registre du plaidoyer, du rquisitoire, ou de loraison:
E
Exemple
66
Squence 2 FR20
oltaire et laffaire du
chevalier de La Barre
Lecture cursive
En 1762, Voltaire, convaincu de linnocence de Jean Calas, rdige le Trait
sur la tolrance, loccasion de la mort de ce dernier (dcembre1763)
contre lintolrance religieuse. Son combat aboutit la rvision du procs et la rhabilitation de Jean Calas.
Il mobilise de nouveau son nergie dans dautres affaires (affaire Lally,
affaire Sirven) pour dnoncer linjustice, notamment celle dont fut victime, Abbeville, en 1765, le jeune chevalier de La Barre, accus sans
preuves davoir profan un crucifix sur un pont et, au terme dun procs
qui fut loccasion dun rglement de comptes, fut tortur, dcapit et
brl.
Comme on avait dcouvert parmi les livres dont il disposait chez lui le
Dictionnaire philosophique de Voltaire, ce qui le mettait en cause, il
prit fait et cause pour le chevalier de La Barre. Cest lune des causes
clbres o sillustra Voltaire comme dautres philosophes des Lumires
pour lutter contre larbitraire de la justice son poque.
Aprs avoir lu lensemble des textes de Voltaire recueillis dans le petit
volume, Laffaire du chevalier de la Barre, de la page 39 la page 113,
vous rpondrez au questionnaire suivant:
Squence 2 FR20
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6 Quels registres emploie Voltaire dans ces lettres? quels genres litt-
Document complmentaire
Larticle Torture qui dnonce lerreur judiciaire dont fut victime le chevalier de La Barre et la barbarie quil subit, fut ajout par Voltaire son
Dictionnaire philosophique, republi sous le titre Questions sur lEncyclopdie.
Article Torture , Dictionnaire philosophique (Extrait)
Les Romains ninfligrent jamais la torture quaux esclaves, mais les
esclaves ntaient pas compts pour des hommes. Il ny a pas dapparence1 non plus qu'un conseiller de la Tournelle2 regarde comme un de
ses semblables un homme qu'on lui amne hve, ple, dfait, les yeux
mornes, la barbe longue et sale, couvert de la vermine dont il a t rong
dans un cachot. Il se donne le plaisir de l'appliquer la grande et la petite
torture, en prsence d'un chirurgien qui lui tte le pouls, jusqu' ce qu'il
soit en danger de mort, aprs quoi on recommence; et comme dit trs bien
la comdie des Plaideurs: Cela fait toujours passer une heure ou deux.
Le grave magistrat qui a achet pour quelque argent3 le droit de faire
ces expriences sur son prochain va conter dner sa femme ce qui
s'est pass le matin. La premire fois, madame en a t rvolte;
la seconde, elle y a pris got, parce qu'aprs tout les femmes sont
curieuses; ensuite, la premire chose qu'elle lui dit lorsqu'il rentre en
robe chez lui: Mon petit cur, navez-vous fait donner aujourd'hui la
question personne?
Les Franais, qui passent, je ne sais pourquoi, pour un peuple fort
humain, s'tonnent que les Anglais, qui ont eu l'inhumanit de nous
prendre tout le Canada, aient renonc au plaisir de donner la question.
Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d'un lieutenant gnral des
armes, jeune homme de beaucoup d'esprit et d'une grande esprance,
mais ayant toute l'tourderie d'une jeunesse effrne, fut convaincu4
d'avoir chant des chansons impies, et mme d'avoir pass devant une
procession de capucins sans avoir t son chapeau, les juges d'Abbeville, gens comparables aux snateurs romains, ordonnrent, non seulement qu'on lui arracht la langue, qu'on lui coupt la main, et qu'on
brlt son corps petit feu; mais ils l'appliqurent encore la torture
pour savoir combien de chansons il avait chantes, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tte.
1. Il ny a pas dapparence non plus que : Il nest pas non plus trs vraisemblable quun conseiller de La Tournelle puisse considrer comme un de ses semblables un homme
2. La Tournelle: Chambre Criminelle du Parlement de Paris.
3. Allusion la possibilit dachat dun titre ou dune charge.
4. fut convaincu : fut accus, fut jug coupable de...
68
Squence 2 FR20
Ce n'est pas dans le XIIIe ou dans le XIVesicle que cette aventure est arrive, cest dans le XVIIIe. Les nations trangres jugent de la France par
les spectacles, par les romans, par les jolis vers, par les filles dOpra,
qui ont les murs fort douces, par nos danseurs dOpra, qui ont de la
grce, par MlleClairon, qui dclame des vers ravir. Elles ne savent pas
quil ny a point au fond de nation plus cruelle que la franaise.
Voltaire, Dictionnaire philosophique (1764)
Squence 2 FR20
69
ntranement lcrit :
la dissertation (3)
Bilan de squence
Mise en page: Pensez sauter des lignes entre les grandes parties, et
former un nouveau paragraphe pour chaque nouvelle ide (une ide par
paragraphe, un paragraphe par ide!). Chaque paragraphe dbute par un
alina (retrait de la marge d1cm environ). Liez chaque partie la suivante
par une phrase de transition.
70
Squence 2 FR20
Quel est, selon vous, lintrt dargumenter de faon indirecte, par exemple laide
de rcits imags? Pour rpondre cette question, vous prendrez appui sur les textes
de la squence et sur les textes argumentatifs que vous avez lus ou tudis.
Introduction
Dbut partie I
Pensons par exemple au regard naf du jeune Candide dans le conte ponyme1 de Voltaire: par ce regard qui donne limpression au lecteur que
le hros ne connat pas les endroits ni les murs quil dcrit, Voltaire fait
mine de ne pas faire allusion sa propre socit, or cest bien au fond
elle quil critique!
Mais le risque nest pas que politique, il est aussi social. Il nest
pas rare en effet que le lecteur ne soit pas en position daccepter la critique directe, parce quil ny est pas prt. Quand un auteur montre clairement les dfauts des hommes, comment stonner que le destinataire
se sente critiqu, attaqu, et donc ragisse par le rejet dun auteur qui lui
semble le considrer de haut? La position du moraliste nest pas facile
Ainsi, quand La Fontaine critique les courtisans, il passe par la fable Le
Singe et le Lopard: le rcit des deux animaux qui Gagnaient de largent la foire permet damener la moralit (Oh! que de grands seigneurs, au Lopard semblables,// Nont que lhabit pour tous talents!)
avec moins de rudesse, ainsi la critique est moins directe et donc mieux
supporte!
Enfin, il est certain quune argumentation indirecte comme une
fable peut tre mieux comprise quune dmonstration logique: une fable
1. Une uvre ponyme porte le nom du hros dont elle narre les aventures, par exemple Candide, Zadig
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ou un conte, frquents souvent depuis lenfance, sont des genres littraires que tout lecteur est en position de comprendre, car un rcit est
toujours plus ais suivre quun raisonnement abstrait. Les images en
particulier aident la comprhension: ainsi, lorsque limagination prsente au lecteur de la fable de La Fontaine un singe et un lopard la
foire, chacun montrant leurs tours, la cible de la satire devient clairement
identifiable pour tous!
[ Rdigez la transition I-II]
Contrairement une dmonstration ou un essai, centrs sur
le docere, cest--dire sur le fait dinstruire le lecteur, de lui apprendre
quelque chose, de faire passer des ides, les genres comme la tirade
thtrale, le conte ou la lettre fictive ont lavantage de pouvoir divertir le
lecteur, de lamuser: ces formes dargumentation peuvent donc galement jouer sur le placere, le fait de plaire au lecteur. Cest ainsi le moyen
de retenir son attention.
Le rcit est un premier moyen de plaire:
[ Rdigez la sous-partie]
La description ou le portrait sont aussi des moyens de faire passer
des critiques de faon plaisante: dans les Lettres persanes, la description
des rues de Paris par un Rica frapp de stupeur et gar par la prcipitation gnrale (depuis un mois que je suis ici, je ny ai encore vu marcher
personne) fait sourire, et Arrias dpeint par la Bruyre comme rustre et
pdant bref, le convive apte gcher un dner! - est vivante et amusante.
Car cest souvent lhumour qui est utilis dans largumentation indirecte
pour sduire le lecteur et emporter son adhsion: la satire fait sourire
aux dpens dun personnage dont on se moque des dfauts [ donnez
un exemple]. La chute de la satire permet dailleurs souvent de porter le
coup final un personnage quon critique, comme celle du portait dArrias : Cest Sethon qui vous parlez, lui-mme, et qui arrive de son
ambassade. Outre la satire, lironie est galement employe. Voltaire
en fait dailleurs grand usage, car quelle stratgie littraire plus indirecte que cette forme dhumour qui consiste dire le contraire de ce
quon veut dire? (cf. par exemple dans lextrait de Candide, les expressions sermon trs pathtique et belle musique en faux-bourdon).
[ Rdigez la transition II A-B]
Certains auteurs des Lumires ont fait appel un regard tranger dans leurs uvres pour mieux dnoncer ou critiquer. Par exemple
[ donnez un exemple]. Il est vident que les dfauts deviennent plus
clairs quand on les voit laide dun regard neuf voire naf. Ce procd
sera repris par [ donnez un second exemple]. Ce procd est caractristique dune argumentation indirecte, qui vite la confrontation sans
masque: lauteur est dissimul derrire un porte-voix, un personnage
de rcit ou de thtre, auquel il arrive des aventures, ou qui se rvle
sur scne par ses tirades ou ses monologues; le thme de largumentation nen reste pas moins vident: Tartuffe expose sa fausse dvotion en
pleine scne, et reprsente donc par son caractre mme une critique du
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Squence 2 FR20
faux dvot; Rica par sa navet feinte met en valeur les dysfonctionnements et les ridicules du pouvoir, royal et papal
Ce jeu de masques induit une distance certaine : ce nest en
apparence pas lauteur qui critique, et ce nest pas le roi, le pape, ou
les courtisans de lpoque qui sont viss. Cette distance permet donc
de prsenter la critique comme objective, puisque ce nest pas lauteur
qui lavance, mais un personnage, qui plus est tranger la socit franaise comme Rica, et qui ne peut tre de parti pris! Cette objectivit rend
la critique plus forte et plus crdible, bien quelle reste indirecte.
Transition I-II
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Squence 2 FR20
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Corrig de lexercice n2
Le registre dominant est le registre oratoire. Le texte sapparente clairement une prire dont on retrouve lnonciation caractristique. Le
locuteur sadresse directement son auditoire et le prend parti (Mes
amis, coutez-moi, Je vous prie), et a recours des tournures
impratives pour limpliquer: il faut en ouvrir partout, Il faut que ce
soir mme, aimons-nous assez tout de suite, Que tant de douleur
nous ait rendu cette chose merveilleuse, Dposez-les, Rendezvous. Le lexique de la prire est bien prsent (Je vous prie), et le
texte en appelle des valeurs humanistes et chrtiennes: il est question
damour, dentraide, de compassion. Cette invocation joue galement
sur les sentiments de lauditoire, surtout la piti: un appel dchirant,
au secours, est suivi de la peinture pathtique dune femme morte
de froid (Une femme vient de mourir gele, cette nuit trois heures, sur
le trottoir du boulevard Sbastopol, serrant sur elle le papier par lequel,
avant hier, on lavait expulse ), elle-mme suivie dune amplification: on passe ainsi dun cas particulier au chiffre alarmant de 2000:
Chaque nuit, ils sont plus de 2000 recroquevills sous le gel, sans toit,
sans pain, plus dun presque nu. Il est aussi question des enfants, particulirement mouvants (aucun homme, aucun gosse ne couchera ce
soir sur lasphalte ou sur les quais de Paris), et de faon plus gnrale
de tous les hommes, qui sont frres et qui se doivent donc entraide.
Enfin, le texte joue aussi sur une certaine exaltation humaine et patriotique : cette chose merveilleuse : lme commune de la France ,
Merci!, renforce par les tournures exclamatives.
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Squence 2 FR20
C.Les formes dAI sont plus facilement comprises que les dmonstrations logiques par exemple la fable ou le conte philosophique.
Transition
II. Quand lAI contribue lefficacit de la persuasion
A.Les formes dAI sont plaisantes, et retiennent lattention du lecteur:
1) par lart du rcit;
2) par lart de la description ou du portrait;
3) par le recours diverses formes dhumour (ironie, satire);
elles contribuent ainsi emporter ladhsion du lecteur.
B.Elles permettent souvent galement davoir recours un regard
extrieur, grce auquel une distance sinstaure: les dfauts deviennent plus clairs quand on les voit laide dun regard neuf.
C.Ce regard distanci permet lobjectivit, laquelle rend largumentation plus convaincante.
Transition
III. Quand lAI prsente des qualits littraires et philosophiques
A.Les qualits littraires : le jeu sur les registres (par ex. le pathtique) et donc les motions.
B.Les qualits philosophiques: lAI permet de faire rflchir le lecteur
par lui-mme trois niveaux:
1) Premirement, lauteur peut nous fait rflchir diffrentes attitudes et leurs consquences;
2) Deuximement, pour comprendre la porte dune AI, le lecteur
doit interprter le texte;
3) Troisimement, lAI propose aussi une rflexion plus gnrale
sur des valeurs et des thmatiques philosophiques et sociales.
C.Par la cration de personnages de fiction, lAI instaure des personnages strotyps, ou types. Cest ainsi que lAI en arrive dpasser un discours uniquement argumentatif pour atteindre une
dimension plus universelle.
Conclusion
Corrig de lexercice n4
Questionnaire de lecture cursive
1 Le texte est compos de onze lettres, ainsi que dune lettre fictive
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de la mme torture pour des actes vniels qui nont caus de tort
personne et pour des crimes graves comme le meurtre prmdit ou
aggrav (parricide).
2 Dans la premire lettre, Voltaire remarque que ce qui est saint ne
doit tre que dans un lieu saint (paragraphe13): cest une manire
daffirmer que lespace public doit tre libre de tout signe religieux,
et que les croix par exemple doivent demeurer dans les glises. Cest
le fondement de la lacit.
3 Dans la premire lettre, Voltaire voque la fois le dsir de vengeance
faon dviante, car les deux jeunes gens nont commis aucun crime
contre la socit, mais ont seulement commis des actes lgers, des
sottises dues leur jeune ge: la sentence des juges est donc la
fois contraire la loi, injuste, et inhumaine.
6 Les registres employs sont surtout le registre pathtique (la descrip-
1. Voir la dfinition quen donne Voltaire dans Le cri du sang innocent (cf. votre dition, p. 96).
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dAbbeville), ainsi que le peuple franais pour son absence de raction et sa cruaut (Et la nation le souffre1! peine en parle-t-on, un
moment, on court ensuite lOpra Comique, un pays de singes,
qui deviennent si souvent tigres dans la Lettre dAlembert, p.
69).
Ces diffrents textes appartiennent la fois au genre du plaidoyer (ils
prsentent une dfense du jeune De la Barre, dpeint laudativement
comme un homme moral, courageux et hroque), et du rquisitoire
(ils prsentent aussi une accusation contre ceux qui lont condamn,
dcrits pjorativement comme des individus cruels, fanatiques, et
reprsentatifs de lobscurantisme que combat Voltaire) (sur le plaidoyer et le rquisitoire, voir le Chapitre 1).
Dissertation
complte
Introduction
amorce
problmatique
reformulation de
la problmatique
annonce de plan
1. Le supporte, ladmet.
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I. A.: ide
dveloppement
de lide
exemples
historiques
procds
et ex. littraires
transition
I. B.: ide
dveloppement
de lide
exemple
citation
I. C.: ide
dveloppement
de lide
exemple
80
Tout dabord, il est vident que certains contextes dcriture rendent presque obligatoire le recours des formes indirectes dargumentation. On peut par exemple rappeler quil ntait pas possible sous la
monarchie absolue de critiquer directement les injustices sociales ou le
rgime politique sans tre condamn et, bien sr, sans perdre la possibilit dtre publi, cest--dire lu. Les auteurs taient obligs dcrire
dune faon indirecte, car la censure tait omniprsente aux XVIIe et
XVIIIe sicles. Ce danger rel, plusieurs auteurs lont expriment :
[Molire a vu plusieurs de ses uvres condamnes par la censure, et
Voltaire a t embastill deux fois, et a d sexiler par exemple en Suisse
pour se livrer son activit dcrivain polmiste sans danger pour luimme. Do le recours des personnages fictifs, parfois en apparence
trangers leur milieu.] Pensons par exemple au regard naf du jeune
Candide dans le conte ponyme de Voltaire : par ce regard qui donne
limpression au lecteur que le hros ne connat pas les endroits ni les
murs quil dcrit, Voltaire fait mine de ne pas faire allusion sa propre
socit, or cest bien au fond elle quil critique!
Mais le risque nest pas que politique, il est aussi social. Il nest
pas rare en effet que le lecteur ne soit pas en position daccepter la critique directe, parce quil ny est pas prt. Quand un auteur montre clairement les dfauts des hommes, comment stonner que le destinataire
se sente critiqu, attaqu, et donc ragisse par le rejet dun auteur qui lui
semble le considrer de haut? La position du moraliste nest pas facile
Ainsi, quand La Fontaine critique les courtisans, il passe par la fable Le
Singe et le Lopard: le rcit des deux animaux qui Gagnaient de largent la foire permet damener la moralit (Oh! que de grands seigneurs, au Lopard semblables, // Nont que lhabit pour tous talents!)
avec moins de rudesse, ainsi la critique est moins directe et donc mieux
supporte!
Enfin, il est certain quune argumentation indirecte comme une
fable peut tre mieux comprise quune dmonstration logique : une fable
ou un conte, frquents souvent depuis lenfance, sont des genres littraires que tout lecteur est en position de comprendre, car un rcit est
toujours plus ais suivre quun raisonnement abstrait. Les images en
particulier aident la comprhension : ainsi, lorsque limagination prsente au lecteur de la fable de La Fontaine un singe et un lopard la
foire, chacun montrant leurs tours, la cible de la satire devient clairement
identifiable pour tous !
Bilan du I.
Transition I-II
[Toutes ces raisons, qui relvent de lhistoire, du contexte dcriture, ou des capacits du lecteur, peuvent expliquer le recours des
formes indirectes de largumentation. Mais il est aussi possible de trouver cette forme dargumentation des qualits certaines defficacit
pour convaincre et persuader qui expliqueraient que les crivains les
aient employes.]
Squence 2 FR20
quelque chose, de faire passer des ides, les genres comme la tirade
thtrale, le conte ou la lettre fictive ont lavantage de pouvoir divertir le
lecteur, de lamuser : ces formes dargumentation peuvent donc galement jouer sur le placere, le fait de plaire au lecteur. Cest ainsi le moyen
de retenir son attention.
argument1
exemple
citation
argument2
exemple
citation
exemple
argument3
exemple
citation
exemple
citation
Transition
II A.- II B.
Certains auteurs des Lumires ont fait appel un regard tranger dans leurs uvres pour mieux dnoncer ou critiquer. [Par exemple
Montesquieu cre de toutes pices des personnages trangers des Persans qui illustrent le regard extrieur que lon aurait pu porter lpoque
sur les murs de la France, afin de mieux souligner tant labsurdit de
certains comportements par exemple dans la satire des Parisiens que
les excs ou dviances du rgime politique et de la religion dans la
satire du roi et du pape.] Il est vident que les dfauts deviennent plus
clairs quand on les voit laide dun regard neuf voire naf. Ce procd
sera repris par [Voltaire avec ses personnages: Candide, Zadig, ou lIn
dveloppement
de lide
exemple
Squence 2 FR20
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exemple
exemple
transition
II B. - II C.
II C.: ide
exemple
Bilan II
Transition II-III
exemple
citation
citation
citation
dveloppement
de lide
exemple
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Squence 2 FR20
argument 1
exemple
exemple
argument 2
exemple
citation
exemple
citation
argument 3
exemple
exemple
dveloppement
de lide
Conclusion
Bilan
Squence 2 FR20
83
ouverture finale
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